Point de presse de Mme Diane Lemieux, leader de l'opposition officielle
Version finale
Tuesday, February 20, 2007, 10 h 30
Salle Bernard-Lalonde (1.131),
hôtel du Parlement
(Dix heures trente minutes)
M. Robitaille (Antoine): Qu'est-ce que ça démontre, ces documents-là, selon vous?
Mme Lemieux: Bien, ça démontre qu'il y a eu... ça démontre qu'il y a deux notes identifiées «secret», une première destinée à Lucienne Robillard qui disait, en gros: «Nous allons, par un contrat régulier, de publicité sur les rôles gouvernementaux, financer des opérations publicitaires pour le camp du Non.» Ça démontre qu'il y a une note qui a été préparée à l'intention de Jean Chrétien qui valide ce scénario-là et que le paiement de cette facture serait assumé par trois partenaires. À ce moment-là, c'était la coalition pour le Non, donc l'ancêtre du comité du Non, que le gouvernement fédéral a indiqué, dans cette note, qu'il passerait ce contrat de matériel pour le comité du Non, sous le couvert d'un contrat à BCP de publicité sur le rôle et les services gouvernementaux, donc ce serait sa manière, pour lui, de payer cela pour que ce ne soit pas vu, et ça démontre que le Conseil de l'unité canadienne et le Parti libéral a couvert le reste de cette facture. On démontre, par la facture qui a été envoyée par la firme qui a été choisie et recommandée par la coalition pour le Non que la firme Hervé Gagnon a envoyé une facture au comité des Québécoises et Québécois pour le Non à l'attention de Stéphane Bertrand, qui était directeur général du Parti libéral du Québec.
M. Robitaille (Antoine): Ce sont des détournements de fonds dites-vous?
Mme Lemieux: Bien écoutez, de la part du fédéral... d'abord, un, on n'a pas le droit de passer une facture sous le couvert d'un autre contrat, deuxièmement, ces sommes n'ont pas été complètement déclarées dans les dépenses du comité du Non puisqu'aux livres du rapport des dépenses référendaires du comité du Non, il apparaît, de la firme Hervé Gagnon, 79 000 $. Alors, on sait que la valeur du contrat était de 300 000 $ et normalement, on doit mettre toutes les dépenses qui ont été effectuées pour le camp. Alors, le Parti libéral en a assumé, on a repéré, nous, 79 000 $ dans les rapports financiers officiels déposés, et là, on voit également, dans les livres d'Option Canada, qu'il y a un montant qui a été facturé de la part de cette firme Hervé Gagnon, il y a eu un montant... à peu près à la même hauteur, là, de 72 000 $. Donc, dans les livres d'Option Canada, il y a aussi un 72 000 $, et on sait comment l'autre partie du gouvernement fédéral a été assumée, c'est-à-dire via le contrat de BCP.
Alors, moi, si j'étais premier ministre du Québec et que mon principal collaborateur avait été directeur général du Parti libéral à l'époque où cette manoeuvre a été déployée et que j'apprenais qu'il a eu une facture à son attention, en 1995, je lui dirais: J'aimerais comprendre ce qui s'est passé, parce que tu es mon directeur de cabinet et tu étais directeur général du Parti libéral. Je veux comprendre ce qui s'est passé, rapport Grenier ou pas. Je poserais des questions.
Journaliste: Avez-vous des raisons de croire que M. Charest était au courant de quelque chose?
Mme Lemieux: Moi, je ne présume de rien. J'ai pris soin de lui demander. C'est: Est-ce qu'il en a été informé? Et à l'évidence, il n'a pas répondu. Alors, moi, j'en déduis qu'il n'a pas été informé et que M. Bertrand n'a pas été... C'est ce que je déduis, là. Bien, ou bien il l'a informé et puis M. Charest ne veut pas le dire ou bien il ne l'a pas informé ou bien il le savait déjà. Je ne le sais pas, mais, écoutez, là... C'est assez troublant tout ça, là.
M. Roy (Paul): Est-ce que vous savez si le juge Grenier a ces documents-là à sa disposition?
Mme Lemieux: Je ne le sais pas.
M. Robitaille (Antoine): Est-ce que vous avez rencontré M. Bertrand?
Mme Lemieux: Il ne peut pas répondre. On attend le rapport du juge Grenier, parce que je ne sais pas qu'est-ce que le juge Grenier a en sa possession et, pour nous, ce sont des éléments nouveaux. On sait que le juge Grenier, son enquête, le point de départ de son enquête, et je n'ai aucune idée ce qu'il a étudié, mais on sait que le point de départ, c'est les factures qui sont contenues dans la boîte qui a fait l'objet du livre de Lester et Philpot. Bon. Est-ce qu'il a étudié d'autres documents? Je ne suis pas en mesure de le dire, je ne le sais pas.
M. Roy (Paul): Puis, ça, c'était dans la boîte de Lester.
Mme Lemieux: C'est des documents que j'ai déposés. Il y a une chose qui vient de la boîte de Lester, c'est le rapport financier d'Option Canada. Ça, ça vient de la boîte de Lester et Philpot, là, 72 000 $. C'est là qu'on l'a repéré. C'est d'ailleurs dans le livre, là. Le reste, c'est une autre source,
M. Robitaille (Antoine): Qu'est-ce que vous croyez que les Québécois vont penser de tout ça?
Mme Lemieux: Bien, ils vont penser effectivement, et plusieurs l'ont déjà affirmé, que ça faisait l'affaire de M. Charest de déclencher les élections avant la publication du rapport du juge Grenier, qu'il n'avait pas intérêt à voir ça dans le paysage, parce que, et je ne présume pas des conclusions, il aura à répondre à des questions. Quelle sera la nature de ces questions? En quoi elles concerneront directement ou indirectement M. Charest? Je ne le sais pas. Je ne connais pas le rapport. Mais il aura à répondre à des questions et on en a une, là, une nouvelle. Son directeur de cabinet était directeur du Parti libéral du Québec. Il y a une manoeuvre qui est déployée dans les documents. On le voit. Il y a une facture qui fait partie de cette manoeuvre qui est envoyée à son attention. Alors, il aura à répondre à des questions puis on comprend qu'il n'a pas le goût d'avoir ce rapport-là dans le paysage.
M. Robitaille (Antoine): C'est des vieilles histoires. Il y a un éditorialiste qui l'a écrit récemment. C'est des vieilles histoires d'il y a 12 ans.
Mme Lemieux: C'est M. Charest qui a fait le choix de déclencher des élections avant que toute la lumière soit faite. Et il y a une partie de toute cette opération-là, de l'utilisation des fonds, du comportement des fédéralistes, et l'utilisation de l'argent du camp fédéraliste en 1995... Il y a une petite partie qui a été élucidée par la commission Gomery, mais très, très peu, très, très peu. À part que ce soit de notoriété publique, là, qu'il y ait eu des fonds utilisés en dehors de la Loi électorale en contravention de la Loi sur les consultations populaires du Québec, on dit ça assez régulièrement. On sait que, ça, ça s'est passé. On sait qu'il y a au moins 4,8 millions qui ont transité par Option Canada, du Conseil de l'unité canadienne à Option Canada. Donc, il y a eu au moins deux fois plus d'argent au comité du Non qu'au comité du Oui, au moins deux fois plus. Mais, pour le reste, le mystère n'a jamais été éclairci.
M. David (Michel): Est-ce qu'il y a d'autres éléments que vous pourriez apporter à notre réflexion et à celle du juge Grenier dans les 33 prochains jours ?
Mme Lemieux: On verra. On verra.
M. Corbeil (Michel): ...va faire en sorte que ça va jouer un rôle marginal dans la campagne?
Mme Lemieux: Bien, moi, je veux dire, je trouve que ça fait partie des questions pertinentes à poser au premier ministre. Cette enquête-là, d'abord c'est le DGE qui l'a déclenchée de son initiative. Il a confié cette enquête au juge Grenier face à des éléments nouveaux qui étaient portés à l'attention du public. Ces éléments-là n'étaient pas connus, donc, des éléments qui ont été documentés par les livres de Lester et Philpot. Et, à part être resté une espèce de sujet tabou, là, ce mystère-là n'a jamais été éclairci, et ça pose la question, vous le savez, au Parti québécois. M. Charest va beaucoup parler de... Il va vouloir parler de référendum, M. Charest à la prochaine campagne électorale. Nous aussi. On va lui en parler sous deux angles.
M. Corbeil (Michel): Qu'est-ce que vous pensez de la réplique de M. Dupuis?
Mme Lemieux:. Bien, à l'évidence, il était incapable... il ne voulait pas répondre à cette question. Il était incapable de répondre à cette question. Il n'a même pas abordé le début d'une réponse à ces questions. Et, moi, si j'avais été premier ministre, je me serais levée et j'aurais dit: Effectivement, je vais prendre connaissance de ça et je vais poser des questions. Puis effectivement je peux comprendre que les Québécois se demandent... Bon. Il y a une dizaine d'attachés politiques qui ont bénéficié des largesses d'Option Canada. Je peux comprendre, c'est délicat parce qu'il y une enquête. Je vais prendre les mesures qu'il faut pour qu'il n'y ait pas d'inquiétude. Il n'est pas capable de dire ça.
M. Corbeil (Michel): Là, je vous fais remarquer que vous étiez assise à côté de quelqu'un - c'est qu'on a compris - qui avait commis un acte criminel, vous n'avez pas peur que, à, ça dégénère, cette histoire-là?
Mme Lemieux: Écoutez, il a... Il a de la... Il a fait de la diversion, et je connais assez M. Dupuis et le non-verbal du premier ministre pour savoir qu'il n'avait pas envie que je pose ces questions-là et qu'il n'a pas envie des répondre. Alors, nous, on a posé les questions, votre devoir, c'est de les poser à qui de droit. Merci.
(Fin à 10 h 39)