(Treize heures sept minutes)
Mme David (Gouin) : Alors, mesdames
messieurs, bonjour. D'abord, je voudrais citer M. Lafrenière, Commissaire
à la lutte contre la corruption, parce qu'il a dit, lors de son bref point de
presse, deux phrases, au moins, essentielles. La première : «Ces
infractions [...] mettent en péril les principes mêmes de la démocratie et de
la bonne gestion des biens communs.» C'est drôle, c'est comme si je m'entendais
parler. Et il a dit aussi : «...il est également intolérable d'utiliser le
pouvoir de son influence pour favoriser des élections.» Voilà ce qui résume ce
qui se passe aujourd'hui.
Je veux d'abord dire que je m'en réjouis.
Et, avec la population du Québec, avec mon collègue Amir Khadir, qui se bat contre
la corruption depuis huit ans avec Québec solidaire, on est tellement
contents qu'enfin aujourd'hui il y ait vraiment, comment je dirais... Dans
l'opinion publique, là, il peut y avoir de l'espoir, parce qu'au-delà d'un
rapport de la commission Charbonneau, qui, finalement, a été enterré assez
vite, hein, et, vous vous rappelez, il y a eu une dissidence, ça fragilisait le
rapport, mais finalement merci à la juge France Charbonneau, merci pour le
travail qui a été accompli, merci aux courageux lanceurs d'alerte. Aujourd'hui,
il y a de nouveau de l'espoir parce qu'on voit que les fraudes, les crimes
allégués, allégués, ne restent pas impunis. Alors, je pense que c'est une bonne
journée, aujourd'hui, pour la démocratie. Ça, c'est la première chose que je
veux dire.
La deuxième, c'est qu'évidemment on a des
attentes vis-à-vis le gouvernement du Parti libéral, et je dirais même vis-à-vis
l'opposition officielle. C'est sûr qu'aujourd'hui les gens découvrent... enfin,
on le savait, mais on a maintenant l'assurance qu'il y avait un système de
collusion et de corruption au Parti libéral du Québec. Mme Normandeau, de
toute évidence... enfin, semblait en faire partie, M. Marc-Yvan Côté, ex-ministre
libéral aussi, et d'autres personnes. Mais on veut en savoir plus, et M. Couillard
ne pourra pas s'en sauver si facilement, là, cette fois-ci.
Lorsque le rapport de la commission Charbonneau
a été déposé, à cause de la dissidence de M. Lachance, hein, vous avez vu,
M. Couillard, il s'en est tiré à très bon compte. Là, ça ne sera pas
possible. Pourquoi? Parce que M. Couillard a participé au gouvernement
Charest. Non seulement lui, M. Hamad, d'autres ministres, M. Fournier,
il y en a d'autres, là, il y en a plusieurs. Qu'est-ce qu'ils savaient, ces
gens-là? Est-ce qu'ils ont participé à quelque chose? Ils devaient aller
ramasser 100 000 $, chacun des ministres. Ça se passait comment? Moi,
je ne présume de rien, hein, mais je trouve que c'est normal de se poser des
questions et je suis fatiguée de voir notre premier ministre s'en laver les
mains si vite, dire : Non, non, mais, de toute façon, tout ça, c'est le
passé, ce n'est pas grave. L'important, c'est le présent. Et, comme maintenant
on ne peut donner que 100 $ de contribution, il n'y en a plus, de
problèmes.
Mais attendez, là. Souvent, le passé
influence le présent. Ce qu'on sait, là, c'est qu'il y avait vraiment une
culture de sollicitation d'argent au Parti libéral du Québec, culture qui a
amené plusieurs de ses membres et des membres très influents à aller très loin
dans la corruption et la collusion. Comment pouvons-nous être certains
aujourd'hui que cette culture a été radicalement transformée? On a besoin d'en
être sûrs. On a besoin d'être capables de se dire : Le Parti libéral du
Québec va rembourser jusqu'au moindre sou acquis frauduleusement et grâce
auquel il a peut-être pu remporter certaines élections. Ça aussi, là, on veut
en être assurés.
On veut que le Parti libéral du Québec
renforce le projet de loi sur les lanceurs d'alerte, que ce projet de loi ne
touche pas seulement les employés de l'État, mais aussi les municipalités et
les entreprises qui font affaire avec l'État.
Alors, vous voyez? Il y a un ensemble de
mesures à mettre en place. Et, pour aujourd'hui, moi, la première chose que je
voudrais entendre du premier ministre du Québec, c'est : Au nom du Parti
libéral, je regrette, j'assume, et nous allons véritablement changer les
choses. Ça, ça ferait du bien à la population. Et, s'il n'est pas capable de
dire ça, bien, à ce moment-là, toutes les craintes vont être permises pour
l'avenir.
M. Croteau (Martin) : Quand
M. Couillard dit que son parti a changé et que ce qui est révélé
aujourd'hui, c'est les pratiques d'une autre époque, le croyez-vous?
Mme David (Gouin) : C'est ce
que je viens de vous dire. Quand une personne n'est même pas capable de dire
«je regrette»... M. Legault, lui, l'a dit, en décembre. M. Couillard
jamais n'a exprimé aucun regret. Je vous rappelle qu'il était tout de même
ministre, là, à cette époque-là, à l'époque dont on parle, les
années 2000. Pas capable de dire «je regrette», pas capable de dire
«j'assume», hein? Tous ces ministres-là avaient tout de même une part de
responsabilité, là. Même pas capable de dire ça. Moi, ça me dépasse un peu.
Et donc quelle garantie est-ce que ça me
donne qu'il a vraiment compris que c'est clair que ces choses-là ne se
reproduiront plus jamais, qu'aucun ministre, aucun attaché politique, aucun
responsable du Parti libéral ne va dire à des entrepreneurs : Savez-vous, il
y a tel ministre qui est présent à telle soirée de financement; si vous donnez
100 $, vous aurez un accès privilégié? Qu'est-ce qui me prouve, ça, quand
j'ai devant moi un premier ministre qui n'assume pas?
M. Croteau (Martin) : Comment
vous vous expliquez que M. Couillard n'assume pas, pour reprendre votre
expression?
Mme David (Gouin) : Je me
l'explique bien mal parce qu'après tout — je reviens encore à
ça — si M. Legault, lui, a été capable de s'excuser au nom d'un
parti politique qu'il ne dirige même plus parce qu'il n'existe plus, c'est
l'ADQ, pourquoi M. Couillard? Est-ce que c'est par orgueil mal placé? Je
ne sais pas pourquoi il est incapable de dire «je regrette»? Vous pourriez me
poser la même question en me disant : Mais pourquoi ça a pris tant de
temps à M. Barrette pour finir par s'excuser? C'est comme s'il y avait des
personnages politiques qui étaient incapables de, juste de temps en temps,
avoir un petit peu d'humilité. Et pourtant ça devrait être une qualité, ça, en
politique.
Mme Delainey (Marie-Laurence) :
Est-ce que l'intégrité de la première opposition, du Parti québécois, peut être
entachée avec ces arrestations-là?
Mme David (Gouin) : Écoutez,
dans les années 90, il a été révélé, et ça fait déjà longtemps, que le
Parti québécois utilisait un système de prête-noms, comme le faisait le Parti
libéral. Les montants recueillis étaient moindres, mais le Parti québécois a
utilisé ce système. Maintenant, là, il y a deux personnes associées de près ou
de loin au Parti québécois qui sont arrêtées aussi aujourd'hui. J'ai bien
entendu les représentants du PQ dire : Si ces personnes ont commis des
gestes devant être sanctionnés, nous voulons qu'ils le soient. Alors, moi, je
pense que, ça, c'est correct, mais je pense que, si j'étais à la direction du
Parti québécois, je prendrais aussi quand même une part de responsabilité, au
sens où il n'a pas toujours été sans tache, le Parti québécois. Oui, il y a eu
des systèmes de prête-noms qui ont fonctionné avec le Parti québécois. Alors,
je comprends que c'est peut-être terminé depuis un bon moment, mais il faut
savoir assumer.
Et ce que ça me fait dire aussi, c'est que
je laisse la population juge, mais il y en a un, parti, qui existe depuis
10 ans et qui, lui, jamais, n'a jamais été mêlé, ni de près ni de loin, à
aucune opération de fraude, de corruption ou de collusion et il s'appelle
Québec solidaire. Alors, peut-être que les gens pourraient y penser. Il y a une
élection partielle, là, dans Chicoutimi bientôt.
M. Gentile (Davide) : Donc,
pour vous, bien, est-ce qu'il y a une différence entre les deux? Parce que, là,
le PQ a… Bon, il y a deux péquistes qui sont pris dans cette affaire-là. On ne
parle pas de soldats du même grade, là, on se comprend, mais, tout de même,
quelle différence faites-vous entre les deux?
Mme David (Gouin) : La
différence que je fais, dans ce cas-ci, dans ce qui nous a été révélé aujourd'hui...
M. Gentile (Davide) : ...
Mme David (Gouin) : Mais je
veux quand même être claire. Ce qui nous a été révélé aujourd'hui, à quoi on
s'attendait un peu, mais qui, là, est beaucoup plus clair, c'est qu'un gouvernement
au pouvoir avait en son sein tout un système de corruption et de collusion. Ce gouvernement
donnait des contrats, payait probablement allégrement des extra, et, en retour,
il y avait des entreprises qui finançaient allégrement aussi des membres de ce gouvernement.
C'est extrêmement grave parce que ça met en péril toute l'intégrité de l'État.
Donc, je pense que, là, on est devant...
Vous savez, quand j'étais petite, là, il y avait les péchés véniels et les
péchés mortels, on est vraiment devant — je m'excuse pour les plus
jeunes, là — un péché mortel. C'est grave, c'est gravissime. Mais les
péchés véniels aussi doivent avoir des conséquences. Ce n'est pas vrai qu'on
peut utiliser, pendant plusieurs années, un système de prête-noms sans au moins
être capables de dire : Bien, c'est vrai, on l'a déjà fait et on vous
assure que, depuis telle année, cela n'existe plus chez nous.
M. Gentile (Davide) : Donc, est-ce
que le PQ est bien placé, là, pour faire la morale, ce matin, au...
Mme David (Gouin) : Bien,
disons qu'il est... le PQ est certainement bien... moins bien placé que Québec
solidaire, ça, ça ne fait aucun doute.
Mme Montgomery
(Angelica) : What does this make you feel when
you look at the past election results? When you hear this news today, in what
way does this enlighten you about the past election results? How much
confidence do you have in them?
Mme David (Gouin) : I think the Liberal Party had a lot of money, having a lot of money
helped to gain, to win elections. It's not the only reason, but it helped. I
can tell you because, in Québec solidaire, we don't have too much money, so we know the difference between
having a lot of money and having few money.
So, it's really important, your question. We saw that the Liberal Party had a lot of money illegally. They
won elections several times. Do we have to ask ourselves questions about these elections? It's a good
question.
Mme Montgomery
(Angelica) : The fact that the two main parties
from both sides of the floor are wrapped up in these arrests, what does this
say about the level of corruption within our electoral system?
Mme David (Gouin) : I think it's better today. We don't have that kind of corruption
because each people can give only $100 a year. That doesn't mean we don't have a
relationship between people on business affairs and members of Government, you know, that doesn't need
money all the time. So, we will be very vigilant, at Québec
solidaire, on that, but… What is your first question?
Mme Montgomery
(Angelica) : Well, I'm just asking… I mean, does
this not put the Official Opposition in an awkward position? It's their job to criticize Government and yet some…
Mme David (Gouin) :OK. I think then…
the Parti québécois has to
admit that, in the 90's, they used «prête-noms». I
don't know the word in English, but they used this kind of financement, so they
have to say that. I'm sure it's not the case today, but it was the past. I
would like to see each old party admit what they did. After that, they have…
people will be able to have confidence in them. And I add that you have here,
in the National Assembly, one party who was never, never accused of any illegal
way to having money, it is Québec solidaire. So, people must think about that.
Mme Johnson (Maya) : The Premier today said that that's in the past, like… as you mentioned,
the law has changed and he is sort of… kind of dismissing it. He said it's very
serious, but let UPAC do their thing, and he's, you know, washing his hands of
it a little bit. So, what do you make of his reaction to the arrest today?
Mme David (Gouin) :
But this is too easy, you know. It's so easy to say : Ah! It was the past…
Just a moment. Yes, it was very important in the past in the Liberal Party of
Québec. Mr. Couillard has to admit it and admit the collective
responsibility of all Ministers who were there at that time, even himself. He
has to admit something, you know, and he has to express that he regrets. That
is a minimum. After that, we will be very vigilant for the future.
Mme Johnson (Maya) : And money… you were saying earlier that you would like to see some
money being paid back?
Mme David (Gouin) :
Why not? It's important. I would like to see Mr. Couillard, today and
tomorrow, saying : Each cent we had illegally, the Parti libéral du Québec
will reimburse. That is very important.
(Fin à 13 h 21)