(Neuf heures quarante et une minutes)
Mme David (Gouin) : Mesdames
messieurs, bonjour. Écoutez, aujourd'hui, enfin, c'est une journée d'espoir.
L'UPAC fait son travail, on l'applaudit. On a eu des inquiétudes lorsque la commission
Charbonneau s'est terminée avec une dissidence qui a réussi à enterrer le
rapport. Bravo à l'UPAC et bravo à la juge France Charbonneau!
Ce matin, c'est un grand moment. L'UPAC va
au bout de son travail, il y a des personnalités politiques qui sont en état
d'arrestation. Il faudra en savoir plus long, je ne commenterai pas ces cas
particuliers plus avant parce qu'il y en aura certainement d'autres, mais je
veux simplement dire, au nom de Québec efforts mis par les enquêteurs, par les
gens qui ont travaillé à la commission Charbonneau, par les enquêteurs de
l'UPAC, mais les efforts mis aussi par mon collègue Amir Khadir de Québec
solidaire, qui, il y a bien des années, a été l'un des premiers à révéler
l'existence des prête-noms, tous ces efforts-là trouvent aujourd'hui un sens.
Maintenant, je lance un appel solennel au premier
ministre du Québec. Ça n'est pas tout de dire : Je dirige un nouveau
parti, les choses ont changé, rien n'est pareil. D'abord, il faudrait voir, il
faudrait s'en assurer, il faudrait s'assurer que, dans les circonscriptions,
tout se passe correctement. Mais surtout, surtout, M. Couillard doit s'assurer
que les sommes frauduleusement données à toutes sortes d'entrepreneurs ou
recueillies d'entrepreneurs, les extras accordés avec malversation, etc., là,
tout ça, tout l'argent que le Parti libéral a amassé durant toutes les années,
là, où l'UPAC enquête, cet argent-là doit être intégralement remboursé.
Franchement, la population du Québec l'exige.
Deuxièmement, on veut savoir. Il y a
M. Couillard lui-même, il y a d'autres ministres qui, aujourd'hui, sont en
Chambre, mais étaient présents, étaient présents au moment où se déroulaient
les faits enquêtés par l'UPAC. Il va falloir que ces ministres-là s'expliquent.
Tous les ministres à 100 000 $, considèrent-ils avoir fait des
erreurs? Considèrent-ils qu'ils ont eu des problèmes eux aussi? Y a-t-il de l'argent
à rembourser de ce côté-là? Tout ça devra être regardé.
Et finalement nous avons un projet de loi
sur la table, un projet de loi sur les lanceurs d'alerte. Ce projet de loi doit
aller plus loin. Il doit couvrir les municipalités et les entreprises privées,
au moins celles qui font affaire avec l'État. Il faut que le Québec se
débarrasse définitivement de la corruption. La corruption et la collusion entre
les politiciens de certains vieux partis politiques dont, au premier chef, le
Parti libéral du Québec, et des entreprises en mal de contrat, il faut que ça
se termine.
Le gouvernement doit aussi voir à mettre
en place toutes les recommandations de la commission Charbonneau. Bref, on
s'attend à de l'action de la part du gouvernement du Québec. C'est bien le
moins qu'il puisse nous donner, lui qui appartient à un parti, le Parti libéral
du Québec, qui, de toute évidence, j'espère que plus personne n'en doute, a
trempé dans la corruption et dans la collusion.
M. Vigneault (Nicolas) :
Mme David, quand même, le premier ministre disait : C'est d'une autre
époque, et tout ça. Pour vous, ce n'est pas suffisant, vous voulez qu'on
retourne en arrière. Est-ce que vous croyez le premier ministre quand il dit
qu'aujourd'hui tout le monde a les mains propres au Parti libéral?
Mme David (Gouin) : Je
voudrais vraiment en être certaine. On nous a parlé de certaines
circonscriptions qui vendent à des gens des espèces de billets à 100 $,
là, pour pouvoir assister à un souper et rencontrer un ministre. Est-ce que c'est
vrai? Est-ce que c'est faux? Est-ce que c'est une pratique répandue? Moi, je
pense qu'on a besoin de savoir. Donner 100 $, c'est légal. Donner
100 $ parce qu'on est un entrepreneur et qu'on veut avoir un accès
privilégié à un ministre qui peut influencer le Conseil des ministres, ça, c'est
pas mal moins éthique. Alors, ça, c'est une chose qu'il faut regarder.
Mais le plus important, ça n'est même pas
ça. Le plus important, c'est que M. Couillard, là, qui s'est défilé au
moment du dépôt du rapport de la commission Charbonneau, hein, M. Couillard
qui n'arrêtait pas, avec M. Fournier, de parler de la dissidence de
M. Lachance, puis que, dans le fond, le rapport Charbonneau ne blâmait
personne... C'était facile, à ce moment-là, de l'enterrer, le rapport, pour
M. Couillard. Bien, aujourd'hui, M. Couillard ne peut plus enterrer
le rapport. M. Couillard doit lui accorder toute l'importance qu'il
mérite, il doit mettre en application toutes les recommandations de la
commission Charbonneau. Ça, ce serait un vrai geste. Mais plus que ça, M. Couillard
doit annoncer qu'il s'engage à rembourser intégralement les sommes amassées
frauduleusement par le Parti libéral du Québec au moment où la commission
Charbonneau, là... dans la période sur laquelle la commission Charbonneau a
enquêté. Ça, ça serait la meilleure preuve d'une page qui est tournée, remboursement.
M. Vigneault (Nicolas) : Et
est-ce que ça envoie un signal clair aujourd'hui, finalement, que, vraiment, il
y a une distinction absolument totale entre le politique et les pouvoirs
policiers, là? Certaines personnes qui avaient quand même, sur la place
publique, dit : On en doute, il n'y a pas de résultats... l'UPAC, là, c'est
un résultat qui est quand même majeur.
Mme David (Gouin) : Moi, je
pense que ce que l'UPAC nous dit aujourd'hui — elle nous le dit, il
faut qu'on l'entende, il faut que la population l'entende — c'est :
Nous sommes un organisme indépendant, nous faisons notre travail et nous allons
continuer de le faire. Il y a probablement d'autres personnalités politiques
qui, dans les prochaines semaines, dans les prochains mois, vont aussi avoir de
la visite. Alors, bravo à l'UPAC! Et surtout, surtout, c'est vraiment la
journée de l'espoir aujourd'hui pour la population, qui avait été déçue de voir
le rapport Charbonneau enterré si vite, et qui, là, retrouve espoir dans les
institutions juridiques et politiques, et se dit : Bon, bien, enfin, il y
a quand même des gens qui, à un moment donné, vont devoir rendre compte de
leurs actes, là.
M. Caron (Régys) : Mme David,
le premier ministre dit que son gouvernement n'est pas éclaboussé par ce qui
arrive ce matin. Partagez-vous son avis?
Mme David (Gouin) : Écoutez,
là, M. Couillard, M. Hamad, d'autres ministres étaient présents au
moment où était organisé un système de collusion et de corruption politique.
Alors, de deux choses l'une : ou ils ont fait preuve d'une ignorance et
d'un aveuglement extraordinaires ou ils savaient et ils ont préféré fermer les
yeux. L'UPAC nous le dira peut-être, mais il va falloir que ces gens-là s'expliquent.
On sait — la commission Charbonneau nous l'a dit, d'autres avant
elle, les ministres — plusieurs ministres, là, avaient l'obligation
de ramasser 100 000 $ lors des campagnes de souscription pour le
Parti libéral. 100 000 $, pas facile à ramasser à coups de 20 $.
Alors, oui, il y a des soupçons qui sont permis.
Et moi, je pense que M. Couillard, cette fois-ci, ne s'en tirera pas à si
bon compte. Il s'en est assez bien tiré, à la mi-décembre, mais là c'est
terminé, c'est terminé. Je pense que l'UPAC vient de sonner la fin de la
récréation, là.
M. Caron (Régys) : Quelles
seront les conséquences, pensez-vous? Quelles conséquences souhaitez-vous?
Mme David (Gouin) : Ce que je
souhaite, c'est que l'UPAC ne subisse aucune ingérence politique, que personne
n'ose dire à l'UPAC d'arrêter son travail, mais je pense qu'elle ne le fera
pas. Deuxièmement, ce que je souhaite, c'est que la population, que je sentais
découragée en décembre, reprenne espoir. La population, là, et Québec solidaire,
qui se bat contre la corruption depuis le début, nous sommes heureux,
aujourd'hui, de ce qui arrive. Nous reprenons espoir. Il faut être fiers que le
Québec se batte ainsi contre la corruption. C'est long, ça coûte cher, ça prend
du temps, mais on y arrive. Donc, c'est une belle journée aujourd'hui.
M. Caron (Régys) : Mais les
moeurs politiques ont changé, Mme David. Le premier ministre l'a souligné,
une nouvelle loi sur le financement des partis politiques... Est-ce que le
Parti libéral, par exemple, qui est particulièrement visé ce matin... est-ce
qu'il peut faire maison nette avec la loi telle qu'elle est actuellement, comme
le dit le premier ministre?
Mme David (Gouin) : Le Parti
libéral peut faire maison nette à un certain nombre de conditions.
Premièrement, je me répète, s'engager à rembourser intégralement toutes les
sommes acquises frauduleusement dans la période sur laquelle a enquêté l'UPAC
et la commission Charbonneau. Premièrement, remboursement. Ce mot-là est très
important.
Deuxièmement, il y a, en ce moment, à
l'Assemblée nationale un projet de loi qui veut protéger les lanceurs d'alerte,
vous savez, ces gens qui, justement, dénoncent des pratiques frauduleuses. Le
projet de loi ne protège que les fonctionnaires de l'État, il faut que ça aille
plus loin, il faut que ça aille aux municipalités — je sais que le
ministre a manifesté une ouverture là-dessus — mais il faut aussi qu'on
aille vers l'entreprise privée. Il faut que les travailleurs, travailleuses qui
veulent dénoncer des pratiques frauduleuses puissent le faire sans risquer de
perdre leur emploi. Ça, c'est une chose extrêmement importante.
Troisièmement, le premier ministre doit
s'assurer, s'assurer qu'en aucun cas l'accès privilégié à un ministre, quel
qu'il soit, ne soit tributaire d'un don, même d'un don de 100 $.
M. Vigneault (Nicolas) : Mais
est-ce qu'on peut exclure, en fait... Par exemple, si on organise un événement
ou un cocktail, on ne peut quand même pas exclure tous les entrepreneurs et...
ce sont des individus. Qu'est-ce qu'on fait dans ce contexte-là?
Mme David (Gouin) : Bien sûr.
Non, mais il n'est pas question d'exclure personne, là. Tous les citoyens du Québec,
quel que soit leur statut, ont le droit de participer à des activités politiques.
Ce dont il est question, c'est de faire bien attention à ne pas susciter une
pratique de lobbyisme alors que des gens ne se seraient pas inscrits au Registre
des lobbyistes. C'est de ça dont on parle.
M. Vigneault (Nicolas) :
Donc, de limiter un peu, peut-être, les attentes au niveau de la contribution
parce que ça, ça risque d'amener...
Mme David (Gouin) : Vous
savez, ce n'est pas tellement la contribution elle-même, là. 100 $, tout
le monde s'entend, là, je pense que ça a été un beau geste, là qui a été déposé
par l'ensemble des partis, 100 $, ce n'est rien. Mais, si on appelle un
entrepreneur dans un comté pour lui dire : Écoute, il y a le ministre
Untel qui va être ce soir, ou demain, ou la semaine prochaine, à notre activité
de financement politique, je t'invite personnellement à venir, bien là on n'est
plus dans le registre d'un lobby non déclaré. Je rappelle qu'il y a une loi sur
le lobby qui existe maintenant.
M. Robillard (Alexandre) :
Mme David, M. Couillard a dit que les arrestations aujourd'hui, ça
relevait d'activités d'une autre époque au Parti libéral. Est-ce que vous êtes
d'avis que le ménage est fait au Parti libéral?
Mme David (Gouin) : Écoutez,
le problème, c'est que nous ne le savons pas. Je pense que l'UPAC n'en a pas
fini avec ses révélations, ses arrestations. Je vous rappelle qu'il y avait
quand même pas mal de gens du Parti libéral qui avaient été nommés dans le
rapport de la commission Charbonneau. Est-ce que toutes ces personnes vivront
une arrestation? Nous n'en savons rien. Je pense que le geste qui est posé
aujourd'hui par l'UPAC, là, c'est un geste qui nous dit : Voilà des gens
contre qui on a des preuves — parce qu'évidemment il va y avoir une
mise en accusation, là, sinon on n'arrête pas les gens — et je pense
que le message que l'UPAC nous envoie, c'est : Il y en aura d'autres.
M. Robillard (Alexandre) :
Donc, est-ce que, selon vous, c'est prématuré pour M. Couillard de dire
que ça n'a rien à voir avec le Parti libéral actuel?
Mme David (Gouin) : Ah! c'est
certainement prématuré de dire que ça n'a aucun rapport avec le Parti libéral
actuel, puisqu'il y a, aujourd'hui, à l'Assemblée nationale, des députés et des
ministres qui étaient là à cette époque-là. Alors, on verra. Moi, je ne veux
préjuger de rien, mais on verra, là, il y a quand même des gens qui sont encore
là, il y a des ministres à 100 000 $ — vous vous rappelez,
là, la pratique de l'époque — qui sont encore là.
Mais, comme je l'ai dit à vos collègues,
le plus important c'est le fait que M. Couillard a toujours refusé
d'assumer une quelconque responsabilité dans les gestes qui ont été posés à
cette époque-là, alors que j'ai entendu, moi, M. Legault, à l'Assemblée
nationale, dire : S'il y a eu des gestes disgracieux, inélégants et
inopportuns posés par la défunte ADQ, dont nous sommes en partie issus, je m'en
excuse devant la population. Franchement, moi, cette fois-là, j'ai dit bravo à
M. Legault. Donc, M. Couillard devrait au moins être capable de dire
ça, assumer les gestes du Parti libéral. Je vous rappelle qu'il y était,
d'ailleurs, hein?
M. Robillard (Alexandre) : Ça
commencerait par des excuses?
Mme David (Gouin) : Pardon?
M. Robillard (Alexandre) : Ça
commencerait par des excuses?
Mme David (Gouin) : Bien, on
peut commencer par s'excuser, déplorer vraiment, regretter vraiment, assumer
une part de responsabilité. M. Couillard faisait partie du gouvernement
Charest, à ce que je sache, là. Alors, comme je l'ai dit à vos collègues, ou
bien on parle d'aveuglement volontaire, ou bien on parle de déni. On parle de
quoi, là? Donc, M. Couillard doit assumer, premièrement; deuxièmement,
rembourser les sommes frauduleusement acquises par le Parti libéral;
troisièmement, donner des dents à la loi sur les lanceurs d'alertes.
Une voix
: Merci.
Mme David (Gouin) : Merci à
vous.
(Fin à 9 h 55)