(Onze heures quarante-cinq minutes)
Mme Larivière (Virginie) :
Bonjour. Aujourd'hui, c'est la rentrée parlementaire et c'est aussi la reprise
des travaux de la Commission sur l'économie et le travail qui étudie le projet
de loi n° 70. Depuis le début de cette commission parlementaire, on a eu
droit à un remaniement ministériel. Comme vous le savez, le ministère de
l'Emploi et de la Solidarité sociale est donc désormais entre les mains du ministre
François Blais.
On est ici aujourd'hui pour lui rappeler
qu'outre la question fondamentale des droits de la personne sur laquelle le projet
de loi n° 70 devrait être plus en adéquation on est ici en cette journée
de reprise des consultations particulières de la commission pour faire la
démonstration par les chiffres que le projet de loi n° 70 est tout
simplement voué à l'échec. Les derniers chiffres de Statistique Canada
démontrent clairement qu'en 2015, pour un emploi vacant, il se trouvait cinq personnes
en recherche d'emploi. En 2015, il y avait 69 485 emplois vacants et
342 000 chômeurs. Ce que ces chiffres-là nous disent, c'est que le
marché de l'emploi est un marché compétitif, difficile, exigeant, au sein
duquel il y a cinq personnes pour un emploi vacant.
Ce que ça veut dire aussi, c'est que le
projet de loi n° 70 ne fait aucun sens. Obliger les personnes assistées
sociales à intégrer le marché du travail en espérant les voir y rester de façon
durable alors que l'on sait qu'il y a des milliers de personnes en recherche
d'emploi qui n'y arrivent pas, c'est absurde et improductif. Le marché de
l'emploi ne peut tout simplement pas remplir la promesse du projet de loi
n° 70. En conséquence, le collectif invite le ministre Blais à miser sur
une approche volontaire par rapport aux programmes d'aide à l'emploi et aux
programmes de formation. Forcer des personnes, ce n'est pas une option ni pour
les personnes ni pour le gouvernement.
M. Petitclerc (Serge) : En
fait, au-delà du projet de loi n° 70, le ministre Blais est aussi
responsable des consultations en vue du prochain plan d'action gouvernemental
en matière de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Le ministre doit
être aussi responsable de tout le processus qui va entourer la mise en place
d'un éventuel revenu minimum garanti. Et ce qu'on dit aujourd'hui, ce qui a été
dit dans les derniers jours et, dans les prochaines semaines, ce qui va être
dit, c'est que l'approche punitive à l'aide sociale, ça ne fonctionne tout
simplement pas et qu'il y a une profonde contradiction entre les autres mandats
de M. Blais ainsi que le projet de loi n° 70.
Ce que demande le collectif, dans le fond,
le Collectif pour un Québec sans pauvreté, c'est que le ministre précise ses
intentions. Au minimum, on s'attend à ce que, cet après-midi en commission
parlementaire, le ministre annonce ou dépose tout simplement des amendements à
son propre projet de loi pour mettre de côté l'approche punitive qui, entre
autres, se trouve à l'article 28 du projet de loi, qui porte sur la
création du programme Objectif emploi. Dans le fond, notre message, c'est que,
M. Blais, vous avez une occasion en or, dès cet après-midi, de ramener le
débat sur l'essentiel, c'est-à-dire de sortir les gens de la pauvreté et qu'on
arrête de perdre notre temps à discuter, à s'obstiner sur le caractère odieux
de l'approche punitive et sur l'inefficacité de cette approche-là. Merci
beaucoup. Jean-Yves.
M. Desgagnés (Jean-Yves) :
Alors, bonjour. Donc, à titre de professeur et directeur du Module en travail
social de l'UQAR, je tiens, dans le fond, à apporter, en fait, mon appui aux
demandes du collectif, qui sont totalement justifiées. Alors, il est à espérer,
dans le fond, que le ministre Blais, finalement, qui est un chercheur, un
professeur d'université, dans le fond, élève le débat. Parce que jusqu'à maintenant,
malheureusement, les arguments utilisés pour justifier le projet de loi n° 70
et justifier, dans le fond, l'approche punitive sont fondés, effectivement, sur
des préjugés. Quand on regarde, effectivement, l'évolution des prestataires à
l'aide sociale, ce qu'on sait, dans le fond, c'est qu'au cours des 20 dernières
années le nombre de ménages à l'aide sociale a diminué de 50 %. Alors,
j'invite donc le ministre Blais à élever le débat, à fonder, finalement, ses
décisions et les solutions pour aider les jeunes sur des bases scientifiques et
des études sérieuses.
Et une des... Et, par exemple, le ministre
Blais pourrait, par exemple, rétablir ce qu'on appelle... ce qui s'appelait
jadis le programme Alternative jeunesse. C'est un programme qui permettait à
6 000 jeunes par mois de pouvoir, effectivement, entreprendre une démarche
de réinsertion sociale qui menait éventuellement à l'intégration en emploi.
6 000 jeunes, sur une base volontaire, de 2007 à 2014, ont participé à ce
programme-là. Alors, pourquoi le gouvernement a-t-il aboli un programme qui
fonctionnait et qui ciblait, justement, les jeunes qui sont ciblés par le
programme Objectif emploi? Donc, voilà.
Alors, effectivement, l'approche punitive,
ce n'est pas, effectivement, la solution. Le programme Alternative jeunesse a
démontré que c'est possible d'avoir une approche volontaire. Et n'oublions pas
aussi que les gens à l'aide sociale sont en compétition aussi avec les
325 000 chômeurs, chômeuses qui cherchent de l'emploi. Alors donc, la
compétition pour les emplois, elle est très difficile. Les gens qui se
retrouvent à l'aide sociale, en général, partent de très loin. Ils ont besoin
de soutien et non pas d'un coup de bâton pour intégrer le marché de l'emploi.
M.
Turcotte
:
Donc, ça me fait plaisir, au nom du Parti québécois, de me joindre au Collectif
pour un Québec sans pauvreté et à ma collègue de Québec solidaire pour,
justement, dénoncer ce projet de loi, le projet de loi n° 70, qui, comme
je l'ai dit et je le répète, s'attaque davantage aux pauvres qu'à la pauvreté.
Au même moment où le même gouvernement est en train, derrière des portes
closes, de tenir des consultations sur le plan de lutte à la pauvreté et
l'exclusion sociale, pourquoi étudier à la hâte ce projet de loi qui va créer
davantage de pauvreté qu'il y en a déjà en ce moment au Québec?
Donc, pour le Parti québécois, moi, comme
porte-parole, nous demandons le retrait du projet de loi n° 70. Nous avons
autre chose à faire que du bricolage avec le ministre Blais et en commission
parlementaire, où là on va prendre un article, on va le modifier, on va écouter,
quand les gens n'ont pas tous été entendus, tous ceux qui voulaient...
entendus. Nous avons demandé des consultations générales, nous avons eu des consultations
particulières triées sur le volet.
Donc, il y a, au sein du gouvernement
actuel, une non-volonté d'écouter la population, des gens qui ont des choses à
dire, des choses intéressantes, des choses pertinentes. Et, je le répète, nous
considérons que, par efficacité, pour s'assurer de lutter efficacement contre
la pauvreté et non s'attaquer aux pauvres comme le gouvernement veut le
faire... nous considérons qu'il est plus sage de la part du nouveau ministre,
M. Blais, de réétudier son projet de loi, de nous arriver avec une
nouvelle mouture qui va respecter davantage l'ensemble des Québécoises et des
Québécois.
Mme David (Gouin) : Donc, au
nom de Québec solidaire, je veux exprimer mon accord avec mon collègue du Parti
québécois et, bien sûr, mon accord avec les gens du collectif. On a devant nous
un projet de loi mal ficelé, dans sa première et sa deuxième partie,
d'ailleurs, la partie qui porte sur les partenaires du marché du travail, le
mandat de la commission, et particulièrement la partie qui porte sur l'aide
sociale, qui est vraiment épouvantable. Je ne suis pas certaine que le ministre
va accepter de vraiment refaire ses devoirs. Alors, au minimum, si M. Blais
refuse notre proposition, il doit, dès cet après-midi, annoncer qu'il renonce à
tout ce qui est la partie coercitive de ce projet de loi là. C'est parfaitement
inefficace, inutile, improductif, et, oui, ça s'appuie essentiellement sur les
préjugés qui disent qu'on sait bien, les gens à l'aide sociale ne veulent pas
travailler, ce qui est tellement faux.
Je réitère aussi notre préoccupation
démocratique, qui rejoint celle de mon collègue, quant à la petitesse de cette
consultation. Plusieurs organismes auraient voulu être entendus et ne le sont
pas, je pense, entre autres, au Réseau d'aide aux personnes seules et
itinérantes à Montréal, mais je pense aussi au Syndicat de la fonction
publique, qui réunit les agentes et agents de l'aide sociale et des centres
locaux d'emploi, qui n'a pas été entendu, qui s'est vu refuser le droit de
venir s'exprimer. Pourtant, voilà des gens qui connaissent la machine de
l'intérieur et qui sont capables — leur mémoire est
éloquent — de venir nous dire que, déjà, il y a de graves problèmes à
répondre aux besoins réels des personnes assistées sociales. Alors, le projet
de loi n° 70 ne s'attaque pas du tout à ce problème. Je demande au
ministre Blais, si la commission se poursuit, d'entendre le Syndicat de la
fonction publique du Québec, d'entendre les gens qui sont aux premières lignes
dans ce travail qui devrait consister à aider les personnes pauvres et non pas
à se battre contre elles. Merci.
La Modératrice
: Merci.
Donc, s'il n'y a pas de question, nous en terminerons ici. Merci.
(Fin à 11 h 54)