Point de presse de M. Bernard Landry, chef de l'opposition officielle
Version finale
Thursday, March 31, 2005, 15 h 31
Salle Bernard-Lalonde (1.131),
hôtel du Parlement
(Quinze heures trente et une minutes)
M. Landry: Bon, à l'examen de ce jugement de la Cour suprême du Canada, nous pensons que le tribunal n'a pas amélioré la situation de la législation linguistique au Québec. Au contraire, il la rend plus complexe et plus aléatoire. En effet, la loi 101 a été faite, on s'en souvient, pour échapper à la subjectivité, pour échapper à l'arbitraire des tests linguistiques. La cour suggère qu'on revienne à des critères subjectifs en quittant une ligne qui était pourtant claire, qui était pourtant droite et qui nous avait valu la paix linguistique. Ce qu'il faut redouter, d'abord, un certain nombre de cas, on parle de 150 - disons que ce n'est pas dramatique, ce n'est pas un tremblement de terre - mais avec ces nouveaux critères, on va passer de 150 à combien? Puisqu'on ne le sait pas, ça va être des examens suggestifs. Et qui dit examen suggestif dit contestation, dit procès, dit contentieux. Alors, la cour aurait pu contribuer à la stabilité législative qui est la nôtre, elle a décidé de faire le contraire. Et, en plus, elle laisse peser une menace sur une autre loi qui a été adoptée, celle-là en 2002, et dont on dit que ses paramètres seront examinés en temps opportun. Alors, encore une fois, une incertitude supplémentaire sur nos lois linguistiques.
Je dois dire que la cour est fidèle à elle-même parce que jamais elle n'a fait autre chose qu'éroder, des fois de façon très grave, des fois de façon plus marginale, elle n'a fait qu'éroder la loi 101 à chaque fois qu'elle a eu à se prononcer; ça a toujours été un recul. Quand est-ce que ça va finir? Est-ce qu'on ne pourrait pas nous laisser la paix, d'autant plus que cette cour est un tribunal fédéral dont tous les membres sont nommés par le gouvernement du Canada suivant ses propres critères et que cette question linguistique est au coeur de la question nationale du Québec? Ça prouve une fois de plus qu'il n'est pas convenable pour une nation de faire arbitrer des choses aussi fondamentales, la regardant elle-même, par un tribunal nommé uniquement par le gouvernement d'une autre nation. Ce qui veut dire que cette érosion de nos lois ne cessera que lorsque nous aurons pris les décisions qui s'imposent, et j'espère qu'on le fera bientôt, de nous gouverner nous-mêmes à tous égards: législatif, exécutif et judiciaire. D'autant plus que les textes sur lesquels se base la cour ont été récusés par l'Assemblée nationale du Québec. Nous nous sommes opposés, comme corps législatif québécois, à cette Constitution qui est la base du jugement de la cour.
Alors, ça fait bien des raisons pour dire que ce n'est pas un jour sympathique et qu'il faudra le plus tôt possible, encore une fois, changer cette situation qui n'est pas normale pour une nation.
M. Brunet (Claude): Le ministre Pelletier dit que c'est un très bon jugement et que somme toute ça aura très peu d'impact au Québec. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Landry: Ça ne me surprend pas de la part du ministre Pelletier et du gouvernement dont il fait partie. On sait qu'ils n'ont jamais été d'ardents défenseurs des intérêts du Québec, ni en matière économique, ni en matière linguistique, ni dans aucun autre domaine. Quand Jean Charest s'enorgueillit d'aller s'asseoir au Conseil de la fédération d'égal à égal avec le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest, c'est tout à fait conforme avec ce que dit M. Pelletier.
Il s'engage à mettre des critères sur la table; qu'il les mette au plus vite et qu'il soit le plus transparent possible. Sauf que ça restera toujours un recul. Avant, c'était «la majeure partie» et c'était clair.
Mme Thibeault (Josée): ...pour acquis que ces critères seront des examens. Ce n'est pas ce qu'il a dit.
M. Landry: Ce n'est pas ce que j'ai dit non plus. J'ai dit que la loi 101 a remplacé des examens de compétence linguistique.
Mme Thibeault (Josée): Est-ce que c'est à ça que vous pensez qu'on va revenir?
M. Landry: Non, je pense qu'on revient au subjectif. Mais je n'ose pas imaginer que ce sera aux examens et aux tests linguistiques. Ce que j'ai dit, c'est qu'on a quitté le subjectif des tests pour arriver à l'objectif de «la majeure partie». Et là, on rentre de nouveau dans le subjectif. Comment? Je ne le sais pas encore. On verra.
M. Chartrand (Yves): Vous croyez que le critère qualitatif qu'a introduit la Cour suprême ne pourra pas aboutir à des paramètres justes et nets et que c'est impossible d'y arriver?
M. Landry: Bien, ça va surtout aboutir à des procès. Bonjour les procès, bonjour les avocats. Parce que quelqu'un pourra toujours dire: Ah! je conteste ce critère subjectif, ça ne me convient pas. En fait, au lieu d'avoir une loi claire et d'application générale, on incite à faire du sur-mesure. Et c'est toujours dangereux, le sur-mesure, dans un sens comme dans l'autre.
M. Dutrisac (Robert): Maintenant, sur l'arrêt Gosselin, l'autre jugement, là, la cour dit que la loi 101, pas les principes, mais le libellé, les dispositions par rapport à la langue d'enseignement, c'est constitutionnel. Il n'y a pas lieu de, quand même, se réjouir de ce côté-là?
M. Landry: Oui. Oui. À chaque fois que la cour a touché à la loi 101, elle n'a pas aboli la loi 101, elle l'a toujours érodée et émiettée tranquillement.
M. Larocque (Paul): ...on parle ici de 100... au maximum de 150 cas par année, en prenant pour acquis que tous les cas litigieux...
M. Landry: Dans le système actuel. Mais là, quand on ouvre la porte, ça va être combien dans cinq ans? Est-ce que tout le monde va dire: Ah! Ce n'est pas la majeure partie, il y a du qualitatif. Moi, dans mon cas, c'est qualitatif, je conteste la décision.
Mme Thibeault (Josée): Mais si vous vouliez faire une image, là, qu'est-ce que vous pensez qu'il va arriver avec la décision de la Cour suprême pour les gens du Québec qui vont vouloir tenter leur chance et faire éduquer leurs enfants en anglais?
M. Landry: Bien, là, ça suscite les appétits. Et c'est un mauvais message à envoyer. Le Québec a comme langue officielle le français. Quand on choisit de quitter un pays et de venir dans un autre, il faut accepter l'autre avec les caractéristiques qu'il a. Et la première caractéristique du Québec, elle est culturelle et linguistique. Alors, pourquoi essayer de faire miroiter à des gens que, d'une façon ou d'une autre, par subjectivité, ils pourront échapper à une chose qui est aussi évidente? Si on déménage en Allemagne, on ne va pas réclamer des écoles françaises.
M. Brunet (Claude): Mais jusqu'à nouvel ordre, on vit au Canada, M. Landry.
M. Landry: Pardon?
M. Brunet (Claude): Jusqu'à nouvel ordre, on vit au Canada.
M. Landry: Oui, on vit au Canada. Mais comme le dit la Cour suprême, le Québec a une législation linguistique qui est constitutionnelle, même si on a refusé la constitution.
M. Brunet (Claude): Êtes-vous donc de ceux qui disent que c'est une brèche dans la loi 101?
M. Landry: C'est une érosion. Et c'est une de trop. Et ça va dans la tradition de la Cour suprême qui a érodé cette loi, d'abord pour l'affichage, et de toutes les façons.
La constitution elle-même a érodé la loi. La constitution qui nous fût imposée en 1982, elle a introduit cette notion de la majeure partie au Canada. Ce n'était pas ça la loi 101 en 1977, c'est la majeure partie au Québec.
Alors, à chaque fois que la Cour suprême s'en mêle, c'est pour affaiblir cette loi d'une façon grave ou d'une façon moins grave. Cette fois-ci reste à voir.
M. Grant (John): What's the net result of this decision today towards Quebec...
M. Landry: It's to make subjective the things that was objective. The major party is the major party, easy to understand. Now, you enter views... qualitative test... What was the most... the upper quality of my education? What year was the more crucial? Totally subjective, difficult in interpretation. And that means, «Welcome lawyers, welcome trials.»
M. Duboyce (Tim): What's the impact, in your opinion, on the linguistic balance in Québec?
M. Landry: It could be, for the time being, not important. But, people will know about that judgment and say, «Maybe in my case, quantitatively speaking, I would be in a position to contest. And then, you start the quarrel.
M. Duboyce (Tim): The Government says it will build a framework around those subjective criterions, and everyone will understand exactly what his rights are.
M. Landry: Yes. But, what is quality? I'm eager to see those criterions. But, again the Court says that's a matter of quality. Oh! Oh! quality, difficult to interpret.
M. Perreaux (Leslie): Sorry, I want to make sure I understand. Are you saying that mathematical calculation is the best way to determine someone's predominant culture...
M. Landry: To the right to go to school is the easier, the more just, the more easy of application. Otherwise, you make case by case. And we receive thousand and thousand of immigrants each year, and I hope we will receive more and more and it will complicate the situation.
M. Dougherty (Kevin): Mr. Pelletier says that about 150 people will be affected this year. First, do you agree with this estimate? And you're talking about what's going on in the future. How many, in terms of quantity, do you think that...
M. Landry: It creates appetite now. People were thinking up to now that it was absolutely useless to try something. Now, you introduce quality instead of objective criterions, maybe we will take a chance.
Mme Rich (Kristy): Why do you say that this will erode Bill 101?
M. Landry: Pardon me?
Mme Rich (Kristy): Why do you say that this erodes Bill 101?
M. Landry: Because Bill 101 was clear on that matter. It received many erosions before, including the one with the amendment of the Constitution of 1982. And now, they are opening a little bit more the door, changing a clear criterion by a subjective one.
Mme Rich (Kristy): That this going to have an effect on the French language? And we're talking about maybe 150 students.
M. Landry: It's a matter of effect on French language, on justice, on clarity for parents and so on. They say that today about 150 cases were to be scrutinized. But what would it be in six months? Because, if you open the door, you create hopes.
Mme Brassard (Andrée): M. Landry, est-ce que vous trouvez acceptable que le gouvernement du Québec mandate le DGE pour la tenue d'un référendum à Lévis?
M. Landry: Est-ce que ça vous dérangerait de prendre le traversier ce soir puis de venir m'entendre parler de ça à Lévis? Là, on parle de questions linguistiques.
Mme Brassard (Andrée): Non, mais pour terminer, M. Landry? Là, vous avez toutes les caméras devant vous, vous pouvez en profiter, ce sera partout ce soir, tandis qu'à Lévis je ne suis pas certaine qu'il va y avoir autant de caméras.
M. Landry: Oui, mais c'est surtout vous que je veux avoir à Lévis ce soir.
(Fin à 15 h 43)