Point de presse de M. Bernard Landry, chef de l'opposition officielle, et de M. François Legault, député de Rousseau
Version finale
Wednesday, March 16, 2005, 12 h 10
Salle Bernard-Lalonde (1.131),
hôtel du Parlement
(Douze heures dix minutes)
M. Landry: Nous voulons vous reparler du déséquilibre fiscal, parce qu'on a voulu saisir notre Parlement d'une motion pour consolider la position du gouvernement du Québec en matière de déséquilibre fiscal. Les libéraux nous appuyaient quand ils étaient dans l'opposition, nous les appuyons maintenant qu'on est dans l'opposition, mais ils nous laissent tomber.
Et ils laissent tomber le Québec. Pourquoi? Parce que, vous l'avez vu vous-même, ils ont fait un amendement pour empêcher de chiffrer le déséquilibre fiscal. On se comprend? La commission Séguin l'avait bien établi, c'est le fameux 50 millions par semaine, autour de 2,5 milliards par année. Ça, ça permettait à Québec de dire: Vous nous devez tant. Et on se bat pour tant.
Arrive notre ministre des Finances, puis un jour vint Michel Audet, il s'effondre et il ne donne même plus de chiffres. Alors, là, ça devient difficile à comprendre, là. C'est le gouvernement qui est en désarroi sur toute la ligne. Il n'est pas en mesure de dire à Ottawa: Ceci me revient et je le veux. Il n'est pas capable de donner des chiffres, alors que maintenant, toutes les autres provinces en donnent.
Vous avez vu l'Ontario. L'Ontario connaît le chiffre: 5 milliards. Ils l'ont annoncé. Vous avez vu Terre-Neuve et Nouvelle-Écosse, ils ont reçu près de 4 milliards. Vous avez vu Colombie-Britannique, 200 millions. Saskatchewan, 600 millions. Tout ça, à l'échelle du Québec, serait beaucoup plus élevé, parce que notre population est beaucoup plus importante.
Alors, c'est une autre des dérobades du gouvernement dans un sujet majeur. On a vu, là, une série de choses consternantes au cours des derniers mois. Puis là, on en voit une de plus, une des solidités du gouvernement, dont ils avaient hérité de nous d'ailleurs par le même Séguin de la commission Séguin, vient de s'effriter parce qu'alors que Séguin dit que ce déséquilibre est de plus en plus grave, l'actuel ministre des Finances n'est pas capable de donner le chiffre. Tout ça est lamentable.
M. Legault: Bien, peut-être juste un mot pour dire que pourquoi on présente aussi une motion, c'est parce qu'il y a une certaine urgence d'agir. On aura un budget au cours des prochaines semaines. On ne sait toujours pas la date, mais ce qu'on sait de la bouche de la présidente du Conseil du trésor, c'est que l'augmentation totale des dépenses du gouvernement du Québec sera limitée à 2,6 %. Donc, ce que ça veut dire, ce sont des compressions. Contrairement à ce qu'a dit le ministre des Finances hier, pour être capable d'assumer les coûts de système dans l'ensemble des réseaux, ça prend 3,6 %, parce qu'on se rappellera entre autres que la santé est à 5,1 %, et ça, c'est même dans le cadre financier des libéraux. C'est donc dire qu'il y a un manque à gagner de 500 millions de dollars pour l'année qui vient, 500 millions de coupures ou d'augmentations de tarifs. Et ce qui est le plus cocasse, c'est de voir que, ce matin, on apprend que, dans une rencontre privée, le ministre Michel Audet aurait dit à des représentants, entre autres, de grandes institutions financières qu'il avait eu une commande politique pour baisser les impôts. Et il s'est fait répondre par ces représentants du patronat qu'il devrait oublier sa baisse d'impôts et ne pas faire les coupures dans les services à la population.
Donc, plutôt que de s'acharner à faire des coupures dans les services à la population, notre ministre des Finances devrait, avec notre appui, aller chercher notre argent à Ottawa, chiffrer ses demandes, comme les autres provinces l'ont fait, pour avoir des chances d'avoir une réponse au cours des prochaines semaines.
Journaliste: ...M. Legault, le chiffre de 2,7 milliards qui est dans la motion?
M. Legault: Bon, le chiffre exact...
Journaliste: C'est parce que, dans la motion, on dit que c'est un chiffre qui origine du ministère des Finances.
M. Landry: Or, comme ces objectifs n'ont pas été atteints lors de la signature, là, quand ils ont discuté à Ottawa les deux ententes portant sur le financement de la santé et sur la péréquation, le déséquilibre fiscal s'est accentué et se chiffre maintenant à plus 2,7. Il était monté à plus haut que ça.
Journaliste: Mais ça, c'est tiré de quel document?
M. Landry: Bon, regarde, j'ai le...
M. Legault: Regardez, ce document s'appelait Corriger le déséquilibre fiscal, a été déposé par M. Séguin en même temps que son budget, là, c'est écrit: budget gouvernement du Québec. À la page 33, on voit que le déséquilibre fiscal pour l'année 2005-2006 était évalué très exactement à 3 823 000 000. Il y a eu entente sur la santé en septembre 2004, où ils sont allés chercher 735 millions pour l'année 2005-2006, entente sur la péréquation en octobre 2004, où ils sont allés chercher 334 millions. Donc, il reste au déséquilibre fiscal 2 754 000 000 exactement.
Journaliste: ...M. Legault, vous avez employé l'expression «gouvernement jello». Qu'est-ce que vous voulez dire par là?
M. Legault: Bien, écoutez, quand un gouvernement n'est même pas capable de chiffrer ses demandes, ça veut dire... on peut se demander s'il est sérieux. Pourquoi est-il incapable d'aller réclamer de façon ferme et précise notre dû à Ottawa? Pourquoi se contente-t-il de vagues intentions? Bien, moi, j'appelle ça un «gouvernement jello».
M. Landry: Je trouve ça indulgent, parce qu'il y a du monde qui aime le jello puis il n'y a pas grand monde qui aime le gouvernement.
Journaliste: Un peu fluide, quoi. M. Landry, dans le dossier des étudiants, pendant que vous étiez en Chambre le ministre a exposé la proposition qu'il fait au gouvernement qui d'ailleurs a été bonifiée, au cours de la nuit, d'à peu près 8 millions de dollars, 9 millions de dollars, là. Avez-vous pris le temps de prendre... vous informer? Oui.
M. Landry: Oui. J'ai regardé ça brièvement. Je dois dire que c'est Mme Marois, notre critique en cette matière, qui vous donnera notre réaction au complet. Mais dès...
Une voix: ...
M. Landry: Pardon?
Journaliste: À quel moment?
M. Landry: Dans les heures qui viennent, avant la période de questions.
Journaliste: Après la période de questions?
M. Landry: Oui. Mais...
Journaliste: Mais une manière générale, parce que c'est un...
M. Landry: D'une manière générale, il est évident qu'il y avait un seul geste à poser pour refaire l'harmonie, c'était remettre 103 millions. La plupart des observateurs, y compris plusieurs libéraux, étaient d'accord, et c'était aussi l'opinion de l'ancien ministre des Finances.
Là il a sorti une mesure complexe dont certains aspects vont choquer des catégories d'étudiants qui l'étaient moins. Il fait une discrimination, par exemple, entre les gens de maîtrise et doctorat. Pourquoi? Ces ceux-là qui généralement sont les plus endettés. Il fait une discrimination entre général et technique. Pourquoi? Alors, les étudiants ont dit - et ils ont raison, hélas - qu'il met de l'huile sur le feu, parce qu'au lieu d'apaiser il permet à d'autres d'être plus choqués encore. Et puis ça ne règle pas la question du fameux 70 millions et plus d'Ottawa. Avec sa formule, il ne respecte pas l'entente sur les bourses du millénaire, donc il perd en plus 70 millions.
Tout ça vire vraiment à l'absurde. Et M. Fournier est celui qui a présidé au démantèlement de la grande ville de Montréal. Il a sali de cette manière d'une façon indélébile le dossier du Parti libéral, surtout que quelques temps après ils parlent de subventionner à 100 % les écoles privées pour faciliter l'intégration, alors que la plus belle mesure d'intégration, c'est la construction de la ville de Montréal par Robert Libman et Gérald Tremblay ensemble. Mais le même, là, il se rembarque dans un autre gâchis qui crée une rupture de confiance entre la jeunesse québécoise et le gouvernement national du Québec. Vraiment, ce gars-là, il va avoir toute une biographie.
Journaliste: Dans sa mesure, il y a quand même un volet - entre guillemets - «progressiste», là. Il veut donner un coupe de main plus accentué, plus important aux étudiants qui ont moins d'argent. Là-dessus, vous n'êtes pas d'accord avec lui?
M. Landry: Oui, mais, une fois qu'il a fait ça, ce n'est pas mieux que c'était avant, c'est pire. Donc, ça ne peut pas s'appeler du progrès. C'est du progrès par rapport à leur sottise, mais ça reste globalement un recul.
Journaliste: ...que les étudiants sont effectivement moins endettés - Mme Marois l'a sans doute étudié, là - mais sont moins endettés qu'après la transformation du 103 millions de bourses en prêts? Est-ce qu'il n'y a quand même pas là justement une mesure progressiste?
M. Landry: Bien, comme je le dis, là, Mme Marois, qui est en train de faire des calculs pointus, va se confier à vous dans peu de temps.
(Fin à 12 h 19)