Point de presse de M. Bernard Landry, chef de l'opposition officielle, et de Mme Pauline Marois, députée de Taillon
Version finale
Wednesday, March 9, 2005, 13 h 35
Salle Bernard-Lalonde (1.131),
hôtel du Parlement
(Treize heures trente-cinq minutes)
M. Landry: Bon. Alors, ce que nous avons à vous dire est assez simple et touche au débat que nous avons eu à l'Assemblée aujourd'hui. Nous avons fait une motion sur un problème fondamental et cette motion permettait au gouvernement de le régler, c'est-à-dire qu'avec 103 millions de dollars, pour revenir au statu quo d'avant, au statu quo ante en termes de prêts et de bourses, on aurait mis fin aux grèves étudiantes.
Vous savez que nous avons appuyé de toutes nos forces et à plusieurs reprises la cause étudiante. Ils ont raison. Qu'est-ce que vous voulez. C'est de l'entêtement de prétendre le contraire. Ils ont l'appui du Québec entier de tous les horizons. Je n'ai jamais vu un tel concours d'éditorialistes, par exemple, où parfois il y a des divergences, mais il n'y en a pas. Le recteur de l'UQAM les a appuyés, celui de l'Université du Québec à Rimouski ce matin, et là, nous offrions au gouvernement, par cette motion à laquelle il aurait pu se joindre - on s'est joint souvent à des motions qui allaient dans le sens du bon sens, donc on avait l'unanimité - il aurait pu mettre fin à ce qui devient un problème de société très grave, là. Ça commence à ressembler à 1968, là, et ce n'est pas bon pour les études puis ce n'est pas bon pour l'atmosphère puis ce n'est pas bon pour le climat social. Ce n'est bon pour personne.
Le gouvernement y est allé d'une sorte d'amendement qui fait que l'effet immédiat de notre motion, qui mettait fin à la crise, est complètement annihilé dans des imprévisions difficiles à comprendre. Alors, on vous redit, nous, ce que nous en pensons, notre appui aux jeunes du Québec, qui sont impliqués dans ce qui ressemble de plus en plus à une sorte de tragédie d'incompréhension entre un gouvernement qui garde le cap contre la volonté de l'ensemble de la société.
Et, en terminant, bien, ça confirme toutes les explications qu'on peut donner sur ce niveau d'insatisfaction historique atteint, en moins de deux ans, auquel le gouvernement du Québec est soumis aujourd'hui.
Journaliste: M. Landry, est-ce que les étudiants du Québec sont les plus choyés au monde ou en Amérique du Nord?
M. Landry: Non, non, non, ce n'est pas vrai, ça, mais nous avons la fierté de dire que nous ne sommes pas nord-américains dans notre conception de l'accès à l'éducation. Et c'est un acquis de la Révolution tranquille. Quand ce système de prêts et bourses a été établi, le croiriez-vous, j'étais président de l'Association des étudiants de l'Université de Montréal. Je suis venu ici même, dans cette maison - il n'y avait pas de tour de l'éducation dans ce temps-là - parler à Paul Gérin-Lajoie, un extraordinaire ministre libéral - c'étaient des vrais libéraux dans le temps, pas des néolibéraux conservateurs - et Paul Gérin-Lajoie, à la suite de nos demandes, a établi ce système exemplaire. Et le système est resté exemplaire jusqu'à temps que le présent gouvernement commence à le saboter.
Journaliste: Est-ce qu'il a fallu que vous campiez dehors pour obtenir ça, M. Landry?
M. Landry: Pas du tout. M. Gérin-Lajoie était un progressiste, et il a compris que l'avenir du Québec résidait dans la scolarisation massive de ses jeunes gens et jeunes filles. Et, dans ma génération, figurez-vous que l'argent des parents jouait encore un rôle dans le droit de s'instruire, et, fort heureusement, moi, j'étais d'une famille modeste, mais d'abord, le clergé jouait un rôle plus ou moins charitable, quand on ne pouvait pas payer, il n'était pas trop exigeant, puis j'ai été obligé de faire une chose absolument invraisemblable qui va vous couper le souffle, j'ai payé mes études en étant officier dans l'armée canadienne.
Journaliste: M. Landry, est-ce que vous pensez que M. Paradis va convaincre ses collègues? Pensez-vous qu'il va voter d'abord pour votre motion et qu'il réussira à convaincre ses collègues?
M. Landry: J'ai demandé au premier ministre, hier, de laisser ses collègues libres de voter pour notre motion, mais là, elle est déguisée maintenant, ce n'est plus la même. Sauf que le député de Brome-Missisquoi, M. Paradis, partage nos vues et le député d'Outremont aussi, l'ancien ministre des Finances, qui a même évoqué le fait que ça pouvait se régler et qu'il y avait une possibilité de marge de manoeuvre. D'abord, des gens qui s'apprêtent à baisser les impôts, là...
Mme Marois: Ce n'est pas la bonne manière.
M. Landry: ...ils pourraient tout simplement apaiser les étudiants du Québec en renonçant à leurs baisses d'impôts.
Journaliste: M. Landry, le ministre Fournier dit depuis x jours: Je suis en mode solution. On a vérifié ce matin encore auprès des deux principales associations étudiantes qui sont impliquées dans la situation actuelle, aucune proposition ne leur a été faite. Comment qualifieriez-vous, à ce moment-là, la position de M. Fournier, qui dit qu'il est en mode solution et qui ne propose rien?
M. Landry: Bien, M. Fournier, ça va vous surprendre, j'ai témoigné un peu de sympathie, ce matin, parce qu'on lui donne des dossiers pourris. Imaginez-vous, il va porter sur sa conscience le démantèlement de la grande ville de Montréal. J'espère qu'il doit penser à ça à tous les soirs en se couchant. Des gens qui, à l'occasion de la querelle des écoles juives, nous ont dit qu'on voulait faire de l'intégration, ils ont saboté la plus belle tentative d'intégration de l'histoire de Montréal, la grande ville. Et puis, après ça, bon, on le met, ce pauvre M. Fournier, devant un autre problème crucial, celui des étudiants et des étudiantes. Alors, je comprends qu'il soit un peu désorienté, mais ça ne lui donne pas le droit de dire qu'il est en mode solution quand il n'a pas de solution. Parce que, ça, c'est comme de l'huile sur le feu.
Mme Marois: C'est ça. Moi, je trouve qu'il est plutôt en mode incendiaire actuellement parce que, s'il en a une, solution, voyant autant d'étudiants désemparés en train de se manifester et même d'être de plus en plus nombreux à être en grève, bien, il devrait immédiatement la mettre sur la table, cette solution, et commencer à la discuter avec les étudiants.
Journaliste: Justement, vous lui avez demandé, ce matin, et il s'est répété... à ne pas trop répondre à cela. Vous, d'après vous, qu'est-ce que ce serait une solution acceptable, un compromis acceptable pour les étudiants?
M. Landry: Nous autres, on pense qu'il n'y a pas de compromis.
Mme Marois: ...seulement qu'il n'y en a pas.
M. Landry: Non, il n'y en a pas.
Mme Marois: Parce que, en plus, l'effet pervers de sa décision, c'est de faire perdre au gouvernement, jusqu'à preuve du contraire, 70 millions de dollars, ce qui veut dire que ce n'est plus 103 millions qu'on va retirer à l'Éducation, mais 173 millions. Parce que l'entente sur les bourses du millénaire, elle est contraignante sur la hauteur des prêts, et il a touché à ça. Alors, pour pouvoir aller chercher 70 millions, il faut qu'il ramène les prêts à la hauteur où ils étaient auparavant, au plafond où ils étaient auparavant et, d'autre part, il s'est attaqué aux plus démunis. C'est ce qui a créé la solidarité de l'ensemble de la population québécoise, avec la société québécoise, comme le disait M. Landry, et des étudiants qui sont dans la rue, qui ne bénéficient pas tous des bourses, on en conviendra, mais ce sont les plus mal pris d'entre eux qui en bénéficient.
Journaliste: Donc, ce n'est pas un compromis qui pourrait être acceptable, là. Vous, la seule chose qui serait acceptable, ce serait l'annulation de cette compression.
Mme Marois: Exactement.
M. Landry: Parce que 173 millions, il le perd de toute façon dès que le plafond est franchi, puis on s'était engagés à ne pas le franchir.
Journaliste: Est-ce que vous croyez, M. Landry, que finalement on va attendre le prochain budget pour redresser la situation, tout simplement?
M. Landry: Bien, je souhaite que, dans le prochain budget, ils disent une chose très simple, que notre motion de ce matin disait: On remet le 103 millions au jeu pour les étudiants. Je pense que c'est la seule façon de régler le problème.
Journaliste: Sur un autre sujet, est-ce que, hier soir, votre caucus a arrêté son choix formel concernant le site du CHUM?
M. Landry: Non. On n'est pas au gouvernement. Quand on était au gouvernement, on a arrêté notre choix, c'était rue Saint-Denis, au 6000, et puis, depuis ce temps-là, bien on essaie d'avoir toutes les informations possibles sur tous les choix, sur tous les sites. Je n'ai jamais fait de mystère que mon coeur balance à l'est, mais j'attends que la décision se prenne pour qu'on l'examine à fond.
Journaliste: Le caucus ne veut pas se prononcer officiellement là-dessus?
M. Landry: Non parce que justement ce n'est pas à nous à faire ça. Nous, on a demandé une commission parlementaire pour essayer d'éclaircir l'horizon le plus possible et on n'a réussi qu'à moitié parce qu'il y a encore un rapport crucial qui manque.
Journaliste: Pourquoi le caucus, les députés ne s'entendent pas entre eux?
M. Landry: Non, non, non, ce n'est pas ça. Les députés se disent: On n'est pas au pouvoir, nous autres, là. Quand on n'a pas toute l'information puis qu'on n'a pas... ça va coûter combien puis etc., pourquoi aller se mouiller quand on n'est pas en mesure de connaître la vérité et toute la vérité?
Journaliste: ...donc nous ne ferez pas partie d'un éventuel consensus sur le choix du site, là, si on dit...
M. Landry: On va voir le choix, on va voir le dossier qui va venir avec puis on va voir les tenants et aboutissants et, à ce moment-là, on verra.
Journaliste: Sur les PPP, aujourd'hui il y a eu une sortie dans le journal des agents de protection de la paix. M. Dupuis en a été offusqué. Mais on a entendu M. Dupuis dire que les PPP, c'était pour la construction, mais que lui aussi avait l'air à se poser des questions sur une prison en PPP.
M. Landry: J'espère. PPP, pour le système pénitentiaire, là, les pays qui l'ont essayé, on a vu ce que ça a donné. La punition des criminels de façon juste, humaine et rigoureuse, ça appartient à l'État, c'est le pouvoir régalien de l'État. Mais quand quelqu'un est détenu, il faut qu'il en fasse, de lui, pas l'employé de l'entreprise capitaliste qui est là pour faire de l'argent, un représentant de l'État, un agent de la paix, un gardien de prison. Déjà c'était absurde. Et puis même pour la construction, à voir. Quand le gouvernement construit des édifices, on n'a pas à inventer toutes sortes de formules de PPP, on fait des appels d'offres.
Journaliste: Mr. Landry, what should the Government do now about the loans and bursaries program?
M. Landry: They should undo what they have done wrongly, period. That was the essence of our motion of this morning, put back 100 millions in the system, and that's over with the strike and the demonstration, and our youth goes to school and universities and colleges.
Journaliste: But the Minister says he doesn't have the money.
M. Landry: The predecessor of the actual Minister of Finances, Mr Séguin, was saying the contrary and he was the Minister of Finances since two years. So, he was probably aware of the situation. It's absurd for another reason. They don't have 100 millions for the students but they want to decrease the taxes. What is the rational?
Journaliste: What more can the opposition do because it looks like your motion has been changed completely from what you wanted to. What more can you do from your...
M. Landry: Opposition is opposition and there is a heavy fatality about it. We're not in power, we're not in command. We are critical, we advance solution. What we have done this morning was to bring the Government to recognize his wrong and settle the problem. They refuse to do that.
Journaliste: How do you respond to the Minister saying that your Government actually cut more than almost 2 billion dollars out of the education ministry?
Mme Marois: It's not true. It's not true because when we were there, we reduced the budget of the education but when we obtained the zero deficit budget, we decided to reinvest in education and we put more money at this moment.
M. Landry: 1 billion more.
Mme Marois: 1 billion more what they made, what they reinvested in education. In the last two budgets, they put only the amount of money necessary to cover the cost of the system.
Journaliste: If I could. This morning, Mr Dupuis said that the accusations of the correction agents union were exaggerated on the public private partnerships with the detention centers. What do you think...
M. Landry: I think unfortunately they are right. In an advanced society, prisons must be managed and held by public service, representative of the collectivity. It's not acceptable in the sort of society we want to have an employee of a private firm orient our profit to manage jails. That's not the object of that sort of operation. It's a State responsibility, a regalian responsibility like we say technically.
Journaliste: ...and what Mr Paradis said in the debate on the student loans. He said that it was unjust what the Government have done. What do you think about that? A Government... a former Minister, former Liberal minister, former member of the Government saying this, what do you think about that?
M. Landry: Paradis was right and he did the same on a couple of matters since some months and it confirms that he should have stayed in the cabinet. He was better than most of them. And Séguin is in the same position. Bye bye and thank you. Au revoir et merci.
(Fin à 13 h 48)