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Conférence de presse de M. Bernard Landry, chef de l'opposition officielle, et de M. Camil Bouchard, député de Vachon

Dossier des congés parentaux

Version finale

Wednesday, January 26, 2005, 10 h 34

Salle Evelyn-Dumas (1.30), édifice Pamphile-Le May

(Dix heures trente-quatre minutes)

M. Landry: ...dans une rencontre de presse sur un sujet brûlant il y a quelques semaines et je leur avais offert mes voeux de la nouvelle année, il n'est pas trop tard pour faire la même chose avec vous...

Journaliste: On n'entend pas du tout, M. Landry.

M. Landry: Vous n'entendez pas. C'est à cause de moi ou c'est à cause de ça ou un peu des deux? Je disais... Ça va? Puis, en plus, il y a quelque chose qui ne marche pas.

Journaliste: Il faut parler plus fort.

M. Landry: Bien oui, mais...

M. Bouchard (Vachon): Est-ce que vous entendez maintenant?

Journalistes: Oui.

M. Bouchard (Vachon): Je pense que ce n'est pas le micro.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry: Bon, alors il y a quelques semaines, j'ai rencontré vos collègues de Montréal pour un dossier brûlant et je leur ai offert mes voeux pour la nouvelle année, et comme c'est le premier contact que j'ai avec vous, l'équipe de Québec, bien, je veux faire de même, puisque nous sommes encore au mois de janvier. Mais ce n'est pas la principale raison pour laquelle nous vous rencontrons ce matin, mon collègue et moi.
Nous voulons vous entretenir à cause d'une échéance qui s'en vient d'un dossier crucial pour la population du Québec, c'est celui des congés parentaux. En effet, normalement, d'après les ententes qu'on nous a communiquées, le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec devraient dès février s'entendre sur un programme, c'est ce qui nous est annoncé depuis des mois et des mois.
Je vous rappelle que cette question est une des questions les plus importantes de la politique québécoise des années présentes. En effet, cela touche la famille, la conciliation famille-travail et la démographie. On s'est rendu compte de ça en 1996 qu'il était vital que les familles québécoises disposent d'un congé parental, maternité, paternité, combinaison des deux, de façon à stimuler les jeunes ménages qui veulent avoir des enfants à en avoir et en avoir autant qu'ils le veulent. Nous avons publié un livre blanc qui fait l'unanimité de la société québécoise - en tout cas ça a été discuté dans un sommet, aussi bien les patrons que les syndicats - et de l'Assemblée nationale qui unanimement a voté une loi en ce senns. Le gouvernement du Canada est resté insensible, ne s'est pas rendu à nos arguments, n'a pas négocié, n'a pas fait ce qu'il fallait, on a donc perdu toutes ces belles années depuis 1996.
Nous avons poursuivi le gouvernement du Canada devant les tribunaux, et la Cour d'appel du Québec nous a donné raison. Il s'agit d'une juridiction québécoise, et le gouvernement central n'a qu'à fournir les fonds pour que le Québec puisse à même les fonds de l'assurance-chômage s'acquitter de cette obligation qui découlerait de la loi québécoise déjà votée. Et puis, rien ne s'est passé.
Alors, si nous intervenons aujourd'hui, c'est pour appuyer le gouvernement du Québec, qui n'est pas dans une position de crédibilité très élevée, le moins qu'on puisse dire, et qu'il a eu beaucoup de distractions au cours des derniers temps, autres que celles de ce problème vital des congés parentaux. Alors, nous voulons demander au gouvernement du Québec d'accroître ses pressions, d'intensifier sa négociation, de n'accepter aucune solution à rabais. Il y a 800 millions d'argent là venant de l'assurance chômage, qui est en cause, plus un autre 200 millions.
Alors, on veut dire au gouvernement qu'on est derrière lui, comme on l'était dans l'unanimité des parlementaires qui ont voté la loi, dans l'unanimité de la société québécoise. Puis on veut demander aussi au gouvernement fédéral, puisqu'il y a une nouvelle ministre qui est chargée de ça, et que cette ministre était ministre de Robert Bourassa, Mme Robillard, et qu'elle sait très bien que c'est la juridiction du Québec. Elle n'avait pas besoin que la Cour d'appel le dise, mais la Cour d'appel l'a dit.
Alors, il reste quelques jours pour passer à l'action, et on demande instamment à toutes les parties concernées de faire vite, les familles du Québec attendent déjà depuis trop longtemps.

M. Bouchard (Vachon): Alors, peut-être un bref rappel du programme en question, simplement pour vous rappeler les quelques aspects les plus fondamentaux qui distinguent le programme... l'approche québécoise du programme fédéral en la matière. D'abord, il est beaucoup plus généreux à plusieurs égards. Le programme prévoit... l'assurance parentale québécoise prévoit de couvrir, comme vous le savez, les travailleuses autonomes, c'est entre 8 000 à 9 000 familles supplémentaires. Le revenu maximum d'assurance accepté va être plus élevé, on parle de 39 000 $ à 52 000 $, comme plafond assurable. Il y a évidemment aussi la question des congés de paternité, qui est ajoutée dans le programme québécois, puis enfin, les compensations salariales sont beaucoup plus généreuses dans le cas du congé parental québécois.
Alors, nous posons, comme membres de l'Assemblée de l'aile parlementaire du Parti québécois, cinq exigences dans ce sprint final de négociations entre le fédéral et le Québec. La première exigence, c'est que le gouvernement fédéral conclue l'entente en bonne et due forme sans délai, sans condition, et qu'il reconnaisse enfin aussi au Québec cette compétence unique de légiférer en matière de congés parentaux. Voilà la première exigence.
La deuxième, nous demandons au ministre Béchard qu'il investisse rapidement les sommes libérées par le fédéral dans le cadre de cette entente finale, qu'on espère heureuse, vraiment dans la mise en place des congés parentaux tel que c'est prévu dans la Loi sur l'assurance parentale. On se souvient de ce qui est arrivé en santé, on ne veut plus que ça se reproduise.
Troisièmement, on veut que le gouvernement renonce à hausser les cotisations, et pour les employeurs et pour les travailleurs, pour combler le budget requis dans l'application de l'intégralité du programme. Ça, ça représente, selon les calculs, entre 100 à 200 millions. Troisièmement, on veut que le ministre fasse tous les efforts possibles requis pour s'assurer que l'adhésion de l'ensemble des partenaires soit maintenue dans le cadre de l'application, malgré les tensions que ça peut encourir.
Et enfin, on veut que le ministre fasse connaître une fois pour toutes sa politique familiale que ce parti maintenant au pouvoir annonçait avant les élections, pendant les élections et après les élections, politique familiale qui n'est pas encore connue et qui est livrée à la pièce au gré des circonstances et des occasions qui se présentent. Merci.

M. Larocque (Paul): On passe aux questions. Véronique Lessard.

Mme Lessard (Véronique): Hausser les cotisations, je vois déjà les employeurs et autres travailleurs autonomes dire non à cela.

M. Landry: C'est ça. On les a consultés, on est en contact avec eux et ils ne sont pas d'accord, cela est vrai. Mais ce n'est pas nécessaire, ils ont juste à ne pas baisser les impôts comme on leur demande. Ils avaient prévu des baisses d'impôts de 1 milliard par année dans leur cadre financier: c'est beaucoup plus que le 200 millions dont il s'agit.

M. Larocque (Paul): Claude Brunet.

M. Landry: Pour le reste, c'est des négociations, c'est du consensus et puis c'est de la discussion.

M. Brunet (Claude): Mais, M. Landry, pourquoi ne pas hausser les cotisations? Puisque le régime est bonifié, il me semble qu'il serait normal que les principaux intéressés y contribuent davantage.

M. Landry: Les principaux intéressés, ils savent déjà qu'ils se sont fait avoir et pas mal au cours des dernières années à travers la caisse d'assurance-chômage. Le gouvernement du Canada a développé d'énormes surplus. Alors, comment leur expliquer qu'une caisse à énormes surplus a besoin, pour faire son travail, de hausser les cotisations?

M. Bouchard (Vachon): En même temps, il faut dire que c'est un effort que toute la population doit consentir pour soutenir et envoyer un signal aux parents que c'est important, la parentalité, que cette période d'accueil des enfants dans les familles, et que tout le monde doit mettre l'épaule à la roue.
Et, à ce titre-là, notre parti s'est abstenu de promettre des baisses d'impôts irresponsables et avait prévu que de tels programmes exigeraient un effort de la part de la population, alors il ne faut pas en rajouter.

M. Brunet (Claude): Est-ce que les travailleurs autonomes devront, eux, cotiser?

M. Bouchard (Vachon): Il est prévu, dans les plans du gouvernement et dans les plans du gouvernement antérieur aussi, que les travailleurs autonomes cotiseraient comme à une assurance.

M. Landry: On faisait ça à travers la Régie des rentes.

M. Brunet (Claude): Je comprends, mais expliquez-moi alors pourquoi les travailleurs autonomes vont payer davantage pour un programme bonifié et que les autres travailleurs, eux, vont l'avoir gratis?

M. Landry: Ils contribuent déjà à l'assurance chômage. Les travailleurs du Québec, tous et toutes, contribuent à l'assurance chômage, tandis que les autonomes, non.

M. Larocque (Paul): Sur le même sujet, Christian Latreille.

M. Latreille (Christian): M. Landry, avez-vous des indications comme quoi les négociations vont mal entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec? Parce que ce qu'on nous dit, nous, c'est que ça va relativement bien et qu'on serait prêt dans les prochains jours, là, à négocier une entente.

M. Landry: C'est ce qu'on souhaite, c'est ce qu'on espère. Les seuls petits côtés alarmants, c'est que le gouvernement fédéral n'est pas dans une très bonne posture, c'est un gouvernement minoritaire, et le gouvernement du Québec non plus pour d'autres raisons. Il est très majoritaire, mais il est très majoritairement honni par la population aussi. Alors, ça crée des circonstances qui ne sont pas favorables. Et on veut dire au gouvernement du Québec: Allez-y, nous sommes derrière vous.

M. Bouchard (Vachon): Et il y a aussi le fait qu'il y ait un changement de leadership dans le dossier à Ottawa. Il faut que Mme Robillard comprenne que le front commun des parlementaires là-dessus va être maintenu et avec force durant les prochains jours.

M. Larocque (Paul): Autres questions sur le même sujet? Robert Plouffe, TVA.

M. Plouffe (Robert): À plus court terme, il y a des gens qui viennent de perdre des emplois, M. Landry. Qu'est-ce que le gouvernement devrait donc faire pour ces gens-là? On dit qu'il y a déjà des ministres qui sont sur le point de partir.

M. Landry: D'abord, il est un peu tard. Le premier ministre est allé, les jeux étaient déjà faits et par la négative. Vraiment, la date du forum de Davos ne nous porte pas chance parce que... et ni à la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. L'an passé, à la même date, c'était l'Alcan, puis aujourd'hui Davos commence puis c'est Port-Alfred.
Tout ça découle d'une philosophie et des gestes qui ont été posés à la suite de l'énoncé de cette philosophie. Le ministre Audet l'a dit dès les premières heures de son mandat: Quand une usine ferme dans notre système capitaliste, ce n'est pas grave, elle va ouvrir ailleurs. Alors, il a établi, là, la pensée ultralibérale et de laisser-faire, et puis a vécu en accord avec cette pensée. Il a coupé radicalement les budgets d'intervention en région non seulement du ministère, mais de la Société générale de financement et des autres organismes qui faisaient que les régions en difficulté pouvaient compter sur une politique dynamique et éclairée et une stratégie. Et là, en l'absence de cette stratégie, depuis deux ans, on commence à récolter les fruits amers, et celui-là en est un.
Alors, ce que je suggère au premier ministre, c'est d'abord de tenir compte que cette société a des droits hydroélectriques, que cette société a des droits de coupe - et c'est facile, dans ces conditions, de lui rappeler ses devoirs civiques, ses devoirs éthiques, capitalistes envers la région et envers le Québec - et préconiser, s'il le faut, des solutions d'urgence en termes de développement: soutenir les travailleurs, c'est sûr, et c'est notre première pensée, c'est une tragédie personnelle, donc régler, dans toute la mesure du possible, les impacts négatifs de cette tragédie personnelle. Mais c'est aussi économique et social pour le Saguenay-Lac-Saint-Jean et pour le Québec, et c'est de ce point de vue qu'ils doivent réagir parce que, là, sur le plan économique, on n'est pas dans la catastrophe, mais les nouvelles ne sont pas du tout bonnes.
Il y a une grosse différence, là, entre les belles années, et celle de 2002 en particulier, et ce qui se passe depuis un certain nombre de mois, depuis que les libéraux sont au pouvoir. Au cours des trois derniers mois, au Québec, il s'est perdu 13 600 emplois. Alors, j'entends déjà le premier ministre puis le ministre de l'Économie dire: Ah oui! mais ça, c'est le dollar canadien puis c'est la conjoncture. Oui, mais alors comment se fait-il qu'il y en ait 72 000 de plus au Canada durant la même période? Le dollar canadien, c'est d'Halifax à Vancouver puis c'est le Québec comme l'Ontario. En trois mois, on perd 13 600 emplois, le Canada en crée 72 000. Au cours de la dernière année, de décembre 2002 à décembre 2003, il y a eu 36 800 emplois de créés au Québec. Rappelez-vous 2002, même période, 165 000. Et le Québec n'a créé que 16 % des emplois au Canada, alors qu'en 2002 il en créait 30 %, 6 % de plus que notre pourcentage de population.
On n'est pas en récession, on n'est pas en crise, on est en défaillance. Et encore une fois la preuve que c'est le laisser-faire et le conservatisme du gouvernement du Québec, c'est que le Canada s'en tire beaucoup mieux.

M. Plouffe (Robert): Oui, mais, si vous me permettez, M. Landry, quand même vous reprochez au premier ministre d'agir un peu tard, mais c'est une décision d'entreprise. Ça ne va pas tellement bien dans les pâtes et papiers.

M. Landry: Oui, mais ça fait un an qu'il le sait, plus d'un an qu'il le sait. Alors, quand une telle chose nous était annoncée, nous - je ne veux pas référer éternellement au passé - on se mobilisait à la seconde où l'alarme était sonnée, puis on faisait tout ce qu'on pouvait, puis, dans bien des cas, ça a été des succès spectaculaires. Dans d'autres cas, ça n'a pas été le succès, mais au moins il y a eu une action, il y a eu une démonstration qu'on n'était pas des gens partisans du laisser-faire. Le laisser-faire, c'est ça que ça donne.

M. Latreille (Christian): Est-ce que l'exemple de la Gaspésia, M. Landry, n'a pas clairement montré les limites de l'intervention gouvernementale dans ce genre...

M. Landry: Non. Ce n'est pas ça que ça a apporté.

M. Latreille (Christian): ...de tentative de sauvetage?

M. Landry: Non.

M. Latreille (Christian): Alors, qu'est-ce qu'on devrait faire pour sauver Port-Alfred?

M. Landry: En tout respect, je ne suis pas d'accord avec votre énoncé. Ça ne veut pas dire que l'aventure de la Gaspésia est exemplaire, on s'entend. Mais la décision d'intervenir pour Chandler, la Gaspésie et la Gaspésia était la bonne et elle était appuyée et réclamée fortement par le chef de l'opposition de l'époque, par la députée de Bonaventure aujourd'hui membre du gouvernement. Alors, la décision d'intervenir là, il fallait qu'elle se prenne.

M. Latreille (Christian): Donc, est-ce que le gouvernement libéral doit faire la même chose avec Port-Alfred?

M. Landry: Attendez. Laissez-moi un peu finir là-dessus puis je reviendrai sur votre question.
Sauf que, quand le gouvernement a été élu et à la seconde où quelqu'un devient premier ministre du Québec, il a des responsabilités sur ses épaules. Les dérapages sérieux ont commencé à la Gaspésia. Réponse du gouvernement: on émascule la SGF, on dissout le ministère des Régions et on dissout le comité chargé de la surveillance de cette entreprise au ministère des Finances.
Alors, il y a une commission qui travaille sur la question. Nous en saurons plus plus tard, mais on en sait déjà assez pour l'instant pour savoir que la Gaspésia n'est pas la preuve qu'un gouvernement ne doit pas intervenir quand une région est en détresse. Mais vous aviez une autre question.

M. Latreille (Christian): Oui. Concernant Port-Alfred, est-ce que le modèle d'intervention qui était appliqué à la Gaspésia devrait être utilisé dans ce cas-là aussi?

M. Landry: Chaque cas est différent. Gaspésia, là, actuellement, ce qui importe à la Gaspésia - j'y reviens là - c'est qu'il y a les fondations et les équipements partiels d'une des usines de pâtes et papier les plus modernes du monde avec une technologie scandinave de premier ordre.
Alors, ce qu'il devrait faire, le ministre... D'ailleurs, il était prêt. Vous vous souvenez qu'il était prêt à remettre 50 millions. Donc, il était d'accord avec l'intervention.

M. Latreille (Christian): Je vous pose la question pour Port-Alfred. Qu'est-ce qu'on doit faire pour Port-Alfred?

M. Landry: J'y reviendrai, à Port-Alfred. Alors, pour la Gaspésia... Non, mais il y a deux tragédies régionales visibles sans parler des autres, qui sont moins spectaculaires. Il ne faut pas négliger, là. La Gaspésia a besoin d'espoir, et je dis que le gouvernement devrait s'activer à repartir Gaspésia et trouver des moyens adaptés aux circonstances.
Je ne connais pas aussi bien le dossier Port-Alfred que celui de la Gaspésia parce que je n'ai pas les puissants instruments du pouvoir pour le savoir. Mais, eux, ils les ont. Alors, qu'ils se fassent une idée et qu'ils proposent quelque chose autre que le laisser-faire tout en insistant sur le fait que... Pensez-vous que l'industrie n'a pas pris le message d'Audet? Quand une usine ferme dans le système capitaliste à un endroit, elle ouvrira ailleurs. Alors, ils ont compris.

M. Dutrisac (Robert): ...des difficultés justement de cette situation-là, puis c'est le cas de plusieurs situations semblables, c'est que la compagnie Abitibi-Consol refuse que l'usine rouvre pour faire la même chose ou une autre sorte de papier ou il faut qu'ils fassent...

M. Landry: Alors, qu'ils fassent d'autre chose. Gaspésia, c'était une reconversion à d'autre chose. Qu'ils fassent d'autre chose. Si le papier journal - je ne sais pourquoi, j'espère que ce n'est pas de votre faute d'ailleurs que la demande de papier journal baisse. Non, c'est la technologie, je suppose, c'est l'Internet et c'est tout ça. Si le papier journal baisse pour qu'on aille sur d'autres papiers, des papiers plus valorisés, à plus haute valeur ajoutée. Du papier couché, le papier lisse, là, des fameuses revues, etc., des pubs.

M. Larocque (Paul): J'aurais une petite question également là-dessus, M. le chef de l'opposition. Vous avez évoqué les droits forestiers, les CAAF, également les droits hydroélectriques, la compagnie a été épargnée par la nationalisation, comme l'Alcan d'ailleurs. Le gouvernement a donc deux, avez-vous dit deux leviers?

M. Landry: Oui.

M. Larocque (Paul): Est-ce que vous souhaitez que le gouvernement menace la compagnie de retirer un et l'autre? Ou un ou l'autre?

M. Landry: Je souhaite que le gouvernement utilise tout ce qui est en son pouvoir pour que l'activité économique reprenne d'une façon ou d'une autre au Saguenay-Lac-Saint-Jean. C'est ça, un gouvernement responsable aujourd'hui.
Ce n'est pas vrai, le libéralisme, je ne sais pas comment ça se fait, le gouvernement du Québec doit être un des derniers, vraiment rétrograde, à croire que le laisser-faire peut assurer le développement économique.
Je vous suggère une chose. Je viens de lire... j'ai lu au cours des dernières semaines la vie de Bill Clinton. Je ne me suis pas rendu à Monica Lewinsky, ce n'est pas ça qui m'intéresse. Et c'est son interventionnisme économique comme gouverneur d'un État. Il fait des batailles incroyables pour aller chercher des compagnies au Japon, puis... Et ça, c'est celui qui a été le président des États-Unis par la suite. Bill Clinton.
La semaine dernière, j'aurais dit la même chose. J'avais vu un magnifique avion de très grande dimension à Toulouse, l'Airbus. Est-ce qu'il est l'enfant du libéralisme? Est-ce qu'il est l'enfant du libéralisme? S'il n'y avait pas eu le gouvernement de la France, de l'Allemagne, de l'Espagne, du Portugal, de la Grande-Bretagne, jamais cet avion n'aurait sorti des planches à dessins.
Que le gouvernement du Québec se réveille. Son libéralisme, là, commence à nous coûter cher. Même l'Ontario est devenue plus interventionniste que Québec. Ils ont mis 500 millions dans l'automobile, puis le fédéral a remis 500 millions aussi.

M. Larocque (Paul): ...Séguin.

M. Landry: Pas vous faire un plaidoyer en faveur du contraire du libéralisme, mais vous voyez quelles sont mes convictions profondes. Et ça, c'est des années d'expérience et des comparaisons internationales sans fin.

M. Séguin (Rhéal): Mais une précision sur la question de Paul. Est-ce que vous préconiserez la nationalisation du pouvoir hydroélectrique de l'Alcan?

M. Landry: Je préconise que le levier de l'électricité, quand c'est nécessaire, soit employé pour persuader les compagnies de faire les choses qui doivent être faites. Et si ces choses-là ne se font pas, là, on peut aller par étapes à des mesures plus draconiennes. Mais le Québec entier sait que ceux qui ont été exemptés de la nationalisation, ce n'était pas pour faire le commerce du courant électrique, c'était pour faire de l'activité industrielle. S'ils se retirent de cette activité industrielle, tabula rasa, on recommence, le raisonnement que René Lévesque a tenu en 1962.

M. Latreille (Christian): Qu'est-ce que vous pensez, M. Landry, de la façon dont M. Charest s'est adressé ce matin à la presse...

M. Larocque (Paul): Parce qu'on va procéder dans l'ordre. Il y a d'autres personnes qui ont demandé la parole avant vous là-dessus.

M. Latreille (Christian): Ah, je suis désolé.

M. Larocque (Paul): Gérard Deltell.

M. Séguin (Rhéal): ...décision sur les droits de coupe que vous avez mentionnée tantôt. Comment le gouvernement pourrait agir sur les droits de coupe pour...

M. Landry: Même raisonnement.

M. Séguin (Rhéal): Même raisonnement?

M. Landry: Même raisonnement. Qu'ils s'en servent comme levier non pas d'une façon brutale, d'une façon civilisée et puis avec intensification des mesures au besoin.

M. Larocque (Paul): Gérard Deltell.

M. Deltell (Gérard): M. Landry, ce matin, M. Charest a voulu mettre fin aux tractations - je cite les mots - il n'y a pas de remaniement ministériel. Je sais que vous êtes de l'opposition, mais vous êtes aussi ancien premier ministre, puis je serais presque tenté de m'adresser à l'«alter statesman» que vous êtes. Quel conseil vous donnez au premier ministre, est-ce qu'il serait bon pour lui d'agir d'ici quelques semaines ou d'attendre fin juin pour la bonne gouverne du Québec?

M. Landry: D'abord, nul n'est besoin d'avoir été le premier ministre ou d'avoir une grande expérience pour savoir que le gouvernement qu'on a présentement est le plus mauvais de l'histoire contemporaine du Québec. Tous les Québécois et les Québécoises savent ça même ceux qui n'ont presque pas d'expérience politique.
Le conseil que je lui donnerais, il ne peut presque pas l'appliquer parce qu'il tient au fait qu'ils sont déconnectés de la réalité québécoise contemporaine, des valeurs québécoises, de la solidarité québécoise. Quand M. Charest faisait ses lapsus durant la campagne électorale en disant qu'il voulait être premier ministre du Canada, il parlait du plus profond de lui-même. C'est ça, sa culture politique, et le Québec est une nation différente avec une autre culture politique. Et là on voit le prix que nous devons payer pour cette déconnexion de la société québécoise. Déconnexion qui conduit à essayer d'en faire une simple partie de l'Amérique du Nord, donc de le déconstruire, le Québec. Il y a des attitudes qui ne mentent pas, et le premier ministre les développe depuis même qu'il était chef de l'opposition.

M. Larocque (Paul): Christian.

M. Landry: Il y a quelqu'un qui a dit, a osé dire à un commentateur radio dernièrement que c'était comme le gouvernement de Jean-Jacques Bertrand, et le journaliste expérimenté a répondu: N'insultez pas Jean-Jacques Bertrand, monsieur!

M. Larocque (Paul): Mais comme chef de l'opposition, est-ce que vous en souhaitez un, remaniement ministériel?

M. Landry: Moi, je souhaite ce qui est le mieux pour l'ensemble du Québec, et ce qu'on a là n'est pas bon. Est-ce qu'il y a la ressource humaine, la conviction et la connaissance du Québec pour mieux, c'est ce dont je doute.

M. Brunet (Claude): Est-ce que vous voyez un comportement erratique de la part du premier ministre? Un jour, il dit une chose, le lendemain, son contraire.

M. Landry: Erratique mais surtout incivique. Revenons sur la question de la défusion de la grande ville de Montréal, une chose qui, on le sait, aurait pu être faite quand Jean Drapeau l'a demandé, et ça aurait été ça qu'il fallait faire. Le plus puissant instrument de relations interculturelles et d'harmonie entre les divers groupes qui composent la société québécoise, c'était la grande ville de Montréal.
Robert Libman, ancien maire de Côte-Saint-Luc, était assis à droite de Gérald Tremblay, maire de Montréal, pour construire la grande ville de Montréal. Ils font bêtement sauter cette ville par leurs lois permissives et en plus ils se lavent les mains, ils ne participent même pas à la campagne. Et un certain nombre de mois plus tard, ils proposent une politique aberrante pour relations entre les divers groupes, subventionner à 100 % les écoles juives. Pas besoin d'être docteur en science politique pour comprendre qu'on est en face de quelqu'un qui n'a pas les dimensions pour diriger le Québec d'aujourd'hui.

Le Modérateur: Rémi Nadeau de NTR...

M. Landry: Le CHUM, la saga du CHUM, j'ai entendu notre ministre de la Santé, M. Couillard, dire: On n'ira pas au 6 000 Saint-Denis parce qu'il passe un train de matières dangereuses par semaine. Vous vous rappelez de ça? Puis, il nous amène à un endroit où il en passe à peu près 50, puis ils font un compromis parce que peut-être qu'il pourrait en avoir cinq de moins.
Ils font une commission avec deux anciens premiers ministres, un du Canada, qui charge deux fois plus cher de l'heure, puis un du Québec. Celui du Canada dit qu'il a juste prêté son nom, sa secrétaire dit qu'il a juste prêté son nom à l'aventure, puis il propose le 1 000 Saint-Denis. Une aventure abracadabrante et incroyable. Après ça, il dit: Non, on va faire deux, un sur un site, un sur l'autre, puis on ne fait plus les 700 lits puis on n'a pas l'idée d'un seul site.

Ça ne sert à rien que je parle plus longtemps parce que vous êtes d'aussi bons observateurs de la scène politique que moi, et puis on n'a jamais vu une telle attitude. Et la population du Québec nous le dit sur la rue, la population est angoissée par le présent gouvernement et a l'impression de s'être fait flouer. L'expression «on est prêts», là, pour les ados, sais-tu qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire: Attends-moi, je ne suis pas prêt. «Est-ce que nous sommes prêts, là», ça veut dire qu'on n'est pas prêts.

«En démocratie, le peuple ne se trompe jamais», j'ai dit ça pendant 40 ans, puis là j'ai rajouté une phrase: «Mais il peut être trompé.» C'est ça qu'il est arrivé aux dernières élections.

M. Plouffe (Robert): M. Landry, M. Charest n'avait pas...

M. Landry: Tu les salueras de ma part, John.

M. Plouffe (Robert): M. Landry, est-ce que M. Charest avait d'autres choix ce matin quand même de calmer le jeu?

M. Landry: Oui, il avait le choix de modifier son équipe et d'en sortir les membres qui n'ont visiblement pas la surface ni la compétence pour faire leur métier. Il a choisi de les laisser là. C'est son problème.

M. Plouffe (Robert): Ce n'est pas ce que vous auriez fait? C'est ce que je crois comprendre.

M. Landry: Pardon?

M. Plouffe (Robert): Ce n'est pas ce que vous auriez fait? Vous auriez fait le ménage?

M. Landry: Ah, c'est purement hypothétique parce que jamais... nous autres, on s'est fait battre, on avait 50 quelques pour cent de taux de satisfaction. Eux, ça fait moins de deux ans qu'ils sont là, ils ont 66 % de taux d'insatisfaction. Alors, l'expérience de M. Charest, je ne l'ai jamais eue.

M. Larocque (Paul): Rémi Nadeau.

M. Nadeau (Rémi): Mais déjà l'opposition a souhaité que Jacques Chagnon soit démis de ses fonctions, que Pierre Reid soit démis de ses fonctions, est-ce qu'il y en a d'autres? On comprend que ces deux-là, vous les identifiez comme des gens qui devraient vraiment changer de responsabilité. Est-ce qu'il y en a d'autres que vous voyez dans une liste...

M. Landry: On l'a déjà dit de quelques autres. On ne veut pas en faire des questions personnelles puis on ne veut pas être inhumain, mais il y en a quelques autres, comme vous savez, qui ne sont pas à la hauteur de façon notoire, et on l'a déjà dit aussi.

M. Nadeau (Rémi): Comme?

M. Deltell (Gérard): Comme?

M. Landry: On a demandé que la ministre déléguée aux Transports, pour toutes sortes de mésaventures liées à sa vie professionnelle, quitte la table du Conseil des ministres. On a demandé, pour toutes sortes d'autres raisons tenant à la négligence pour la ville de Québec, en particulier, que le ministre de l'Énergie, l'homme du Suroît et ainsi de suite, quitte ses fonctions. Mais ça, ce n'est pas à nous à décider, c'est au premier ministre.

M. Larocque (Paul): Passons maintenant aux questions en anglais. John Grant de CFCF.

M. Grant (John): Should I understand from what you've said this morning that Abitibi-Consolidated is like the least of the government's problem these days?

M. Landry: They have been noticed more than one year ago that this equipment was in jeopardy and they did absolutely nothing. And to start with, they have given the message just after the elections that they were ultraliberals and noninterventionists. The words of the Minister himself was: If a plant is to close in a capitalist system, it will reopen elsewhere. The industry took the message and said: We close and, in Saguenay-Lac-Saint-Jean, they close more than anything else since two years. So, Mr. Charest was there a couple of days ago, too late, with nothing to say. It's difficult to repair two years of negligence. But I wish they will sympathize with the workers, help them personally and find something to relaunch the economy of that area, which is suffering a lot of that liberalism in two years.

M. Grant (John): So, you would have shuffled to solve any of those problems?

M. Landry: No, it's not my problem, I have said that. I had never that sort of problem because when we were defeated, we were at more than 50% of satisfaction, the rate, and Mr. Charest is living with 66% of insatisfaction, right? So, he is experimenting something that I have never had to live with. So, I'm not the best to advise him, but everyone in Québec knows very well that we have the worst Government of our contemporary history, and there is something to be done, and it includes shuffle of personnel.

M. Larocque (Paul): Tim.

M. Duboyce (Tim): If this is in fact the worst Government in recent history, it should be easy for you to win the next elections. So, what's your plan between now and then?

M. Landry: Our plan is to be really ready. We're not working in the interest of the Parti québécois, we're working in the interest of the Québec society. That's why we had the «saison des idées», that's why we have very difficult and decisive discussions within our party. We are in the time to live through those events in order to be really ready and give to the Quebeckers a fantastic option within a couple of years: modernized platform, modernized government, clear ideas facing the future of Québec itself, of course, in terms of independence, and so on.
It's difficult to live, but we're happy to have those difficulties because those difficulties are the evidence that we have a serious party, a democratic party, and with the ambition not only to be a provincial government but a real national one.

M. Duboyce (Tim): If you're there though for the population, who do you think the Charest Government is working for?

M. Landry: It's difficult to say. They seem to be the reflect of various lobbies, which is the contrary of a good government.

M. Duboyce (Tim): Lobbies, what do you mean by lobbies?

M. Landry: When they decided to abolish the one person for professional training, it was an old lobby of some business milieu, and in the weeks after the elections, they did what the lobby was asking for years, which is totally against the interest of the Québec economy, and same thing for the dismantling of the big city of Montréal. Municipal lobbies of all sorts. Why did they change the site of the megahospital in Montréal to enter the saga of the choice between two other locations, and so on? Lobbies.
And, in a democracy, there is only one big lobby, it's the population, the entire population, not segments of it, pressing for their own interests.

M. Séguin (Rhéal): Is Québec then being governed by powerful business lobbies?

M. Landry: I'm afraid that they have too much influence compared to what a sound society must accept from business. Business is good, business is not everything. And the aim of a society, and the aim of a nation is not only materialistic, it's common wealth, common good.

M. Séguin (Rhéal): Is it realistic to think that, if powerful business lobbies have that much influence on the Government, that the Charest Government would nationalize electricity in the Saguenay from the Alcan Company or withdraw logging rights from the Port-Alfred Abitibi-Consolidated mill?

M. Landry: We are in an hypothesis of course, but René Lévesque was liberal, with Jean Lesage, when he said: You will keep those power's centrals and stations if you use the electricity for industrial activity. That was true for the liberal René Lévesque, and it must be true for the so-called liberal Jean Charest.

Mme Rich (Kristy): Mr. Landry, just to go back to the parental leave for a moment, can you tell me if you have any sort of indication that things aren't going well, what you concerns are about this? Because the Government does say that things are going well on negotiations.

M. Landry: We hope everything is going well, but we are cautious, and we are here today in order to consolidate the position of the Québec Government facing the objective that was ours, it was unanimity since 1996, and we're here to say to the Québec Government: Go on, we are behind you, and say to the federal Government, to Mme Robillard particularly: Remember you were in the Bourassa's Government, and remember your beliefs of that time, and apply that to the new situation.

Mme Rich (Kristy): You said earlier that you felt there were unfavorable conditions at the moment. Can you explain that?

M. Landry: Unfavorable politically, because there is a minority government in Ottawa and a disarrayed government in Québec, if the word exists in English.

Mme Rich (Kristy): Do you think it would really be a good idea to shuffle a cabinet just months before a provincial budget? Do you think that would be a wise idea? Because, you know, the shuffle is not gonna be one person, it's gonna be many people.

M. Landry: Really I don't want to mind too intensively in that matter of shuffles, it's not our business technically speaking. But the population is in full disarray facing the inefficiency of the present Government. And if change in personnel could be a solution they just have to try it.

Mme Barton (Rosemary): Do you think that will create more disarray at a time when they need to be...

M. Landry: It's difficult to create more. It's a masterpiece at the moment.

M. Larocque (Paul): Mike DeSouza.

M. DeSouza (Mike): But, M. Landry, the breach of trust, there seems to be breach of trust with not only the population but within the premier's own party right now. Is there anything you can do to govern effectively right now? Is there any way you can restore or is there any...

M. Landry: Frankly I think it's too hypothetical for me to really give an appropriate answer to your question.

M. DeSouza (Mike): But you think he broke a bond of trust with the Québec population?

M. Landry: That is for sure. Your question was concerning the party. As far as the population as a whole is concerned we have never seen such breach of confidence.

M. Larocque (Paul): John.

M. Grant (John): Is the Government allowing Abitibi-Consolidated to abuse its privileges for wood and water rights in Québec? Is that what you're saying?

M. Landry: We will see. But when you have rights you have responsibilities. And those rights concerning electricity particularly were given to industrial activities, not to be an electricity seller. That has to be taken into account.
Merci beaucoup, bonne journée, à bientôt.

(Fin à 11 h 11)

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