(Treize heures trente
et une minutes)
Mme
Houda-Pepin
:Merci beaucoup. Merci de
vous être déplacés. Comme vous le savez, j'ai déposé ce matin le projet de loin° 491 en Chambre. Ce
projet de loi,
je souhaitais le déposer à titre de membre du caucus libéral. Je voulais le
faire avant le 15 novembre 2013, la date limite pour qu'un projet de loi soit appelé
pour étude. Je voulais aussi le faire avant le 6 décembre 2013, date de la
fin de la session parlementaire. Malheureusement, M. Couillard a opposé une fin de non-recevoir à
cause de l'article 3 du projet de loi, qui interdit les signes religieux à l'autorité
contraignante, c'est-à-dire les juges, les procureurs, les policiers et les agents
correctionnels. Il ne m'a donc jamais permis de présenter le projet
de loi au caucus comme tel.
En octobre
dernier, suite à une intervention que j'ai faite dans le caucus de… dans un
hôtel, ici même, à Québec — le Château Bonne Entente, pour ne pas le nommer — j'avais fait une intervention devant mes collègues sur
l'intégrisme. Considérant qu'il ne voulait pas que je présente le projet de loi, je me suis
dit : Je vais peut-être l'amener par cette façon-là. Et donc, suite à ça, les
collègues ont manifesté beaucoup d'intérêt. Ils ont vu
qu'il y avait une réflexion de faite et ça valait la peine qu'on puisse en
discuter. Et donc il m'est revenu pour me demander, par la voix de son
directeur de cabinet, de laisser tomber le projet de loi et de présider un
comité sur l'intégrisme. Alors donc, comme je ne voulais pas placoter, comme ça,
dans un comité sans mandat précis ni rien, je me suis dit que la meilleure
façon pour faire ce débat, c'est autour du projet de loi.
Alors donc,
l'épisode a été très difficile, pour moi, à vivre, puis, comme vous le savez,
il y a eu un silence que j'ai gardé depuis le mois d'octobre 2013, quand
M. Couillard est sorti pour dire qu'il n'y aurait aucune interdiction pour
personne relativement aux signes religieux. Et j'avais respecté sa décision,
bien que je ne la partageais pas, et j'avais essayé… et misé sur le dialogue
pour essayer de voir si on ne peut pas évoluer vers une position plus
consensuelle.
Et puis malgré… Bien,
durant cette période où j'étais en silence, du champ gauche est sortie
l'histoire du tchador, qui était pour moi quelque chose d'insupportable. Au début des années 80, j'ai
accueilli à Montréal, suite à la révolution iranienne et l'arrivée de
l'ayatollah Khomeini, des familles qui sont venues et particulièrement des
femmes qui ont, justement, eu à vivre cette situation-là, dramatique, où on les forçait à porter le tchador.
Elles étaient battues, elles étaient violées, elles étaient emprisonnées. Elles
nous ont raconté leur histoire, c'était assez pénible.
Donc, finalement, M. Couillard
m'a gardée, de promesse en promesse, et je me suis rendu compte… et je suis…
C'était un peu difficile pour moi parce que j'appartiens à une culture qui respecte l'autorité et je
n'ai jamais mis en doute la parole de mes chefs, même si… par exemple, avec M. Charest,
j'ai eu des divergences, mais je l'ai rencontré, je lui ai expliqué mon point de vue et on a
convenu d'une solution, à dire : Ce n'est pas… C'est normal, dans un
caucus, que les gens puissent être de points
de vue différents. Alors donc, j'ai eu
plusieurs échanges avec M. Couillard en privé, de même que par courriel,
sur cette question-là, et finalement je me suis rendu compte qu'on m'a menti.
Je voudrais
aussi vous dire un mot sur mon parcours. Je suis musulmane oecuménique et je
suis pour la neutralité religieuse de l'État et pour le dialogue des religions.
Je suis musulmane, donc, laïque. L'islam est une religion qui a… où les
croyantes et les croyants ont un rapport direct avec Dieu. Il n'y a pas de
sacerdoce, pas d'intermédiaire, donc, d'où la neutralité religieuse de l'État pour
moi, et non pas la laïcité parce que la laïcité, c'est une caractéristique propre au
catholicisme. Donc, si on veut l'appliquer à toutes les religions, elle n'est
pas nécessairement applicable, donc je préfère utiliser le terme de «neutralité
religieuse de l'État» parce qu'il est plus
englobant.
Il y a 40 ans,
j'ai découvert l'intégrisme au Québec et au Canada. Il y a 30 ans, j'ai
organisé un colloque international sur les femmes musulmanes, où, pour la
première fois, des féministes québécoises ont vu, et rencontré, et échangé avec
des féministes musulmanes. J'ai également organisé des conférences, plusieurs,
sur la laïcité, sur la neutralité religieuse de l'État et le dialogue des
cultures… et des religions.
J'ai un grand
respect pour les religions. Je suis quelqu'un qui est très sensible à la
spiritualité, qui respecte les religions. Je suis très à l'aise dans une
mosquée, dans une synagogue, dans une église, dans un temple bouddhique, dans
un temple baha'i. Je suis très à l'aise. Je donne le bain à Bouddha dans ma
pagode bouddhique vietnamienne, qui est la plus vieille au Canada. Mais je suis extrêmement vigilante par rapport aux sectes et aux intégrismes, donc c'est ce qui explique
que, bien que je sois respectueuse, je suis, d'un autre côté, extrêmement vigilante.
Le constat que
j'ai dû faire très jeune, c'est qu'il n'y a pas de religion qui soit féministe. Et les religions se
préoccupent beaucoup des femmes : de leur liberté, de leur liberté de
mouvement, de leurs droits, de leur autonomie, etc. Je suis également libérale et je
revendique mon héritage libéral en la matière de la neutralité religieuse de l'État. Inutile de vous
dire que toutes les avancées qui ont été réalisées au Québecen matière de séparation
entre l'Église et l'État ont été faites par des libéraux : le droit de vote
des femmes, la création du ministère de
l'Éducation, l'abolition du système confessionnel de l'éducation, jusqu'au cours de religion et de morale religieuse, qui
est sorti de l'école et remplacé par un cours d'éthique et de culture
religieuse. Le jalon manquant est celui de la neutralité religieuse de l'État, qu'il faut inscrire dans
la Charte des droits et libertés de la
personne.
Donc, ce projet de loi que j'ai
déposé aujourd'hui, c'est une modeste contribution au débat public sur la neutralité religieuse de l'État. Alors, entre les
négativistes qui disent qu'il n'y a pas de problème, qu'on invente des chicanes et les tenants du mur-à-mur, est-ce qu'il y a une place pour un débat équilibré, une
réflexion non partisane? C'est ce que j'ai tenté de faire à l'intérieur du
caucus libéral et qui m'a été refusé par M. Couillard. Je crois qu'il faut
sortir des visions dogmatiques et partisanes à outrance si on veut avancer dans
ce débat dans l'intérêt du Québec.
Ce débat sur la
charte est mal parti, j'en conviens, mais il faut savoir distinguer les
stratégies des enjeux de fond. À l'analyse, on peut s'entendre pour dire que
les stratégies, particulièrement celle du Parti québécois et celle du Parti
libéral, se sont barricadées dans des positions électoralistes à courte vue.
Donc, j'en appelle aujourd'hui au sens de la responsabilité de tous les chefs
des partis représentés à l'Assemblée nationale pour
travailler ensemble, au-delà de leurs différences, travailler ensemble pour poser ce
jalon de la neutralité religieuse de l'État.
J'ai donc
demandé à rencontrer les trois caucus du gouvernement… la rencontre est prévue pour le 18 février; celui de
la CAQ, que je vois cet après-midi; et celui de Québec
solidaire, que je vois demain. J'aimerais
qu'on laisse nos chicanes partisanes de côté et qu'on travaille ensemble pour l'intérêt du Québec. L'adversaire en
cette matière, ce n'est pas le PQ, ce n'est pas le Parti libéral du Québec, ce n'est pas la
CAQ, ce n'est pas Québec solidaire; l'adversaire,
c'est l'intégrisme, et nous devons travailler ensemble à le combattre
efficacement, c'est ce que je souhaite.
Maintenant, pour
le projet de loi — j'imagine que vous en avez pris connaissance parce
qu'il a été déposé et qu'il est aussi sur le site — on va vous
distribuer, si ce n'est déjà fait, un communiqué de presse qui vous donne
succinctement les différents points qui sont soulevés dans ce projet de loi.
Essentiellement, il y a d'abord le principe de la neutralité religieuse de
l'État, qui est introduit dans ce projet de loi en modifiant la Charte des
droits et libertés parce que c'est un droit nouveau qui est inscrit comme un
droit collectif, mais aussi comme un droit individuel, donc il va dans la
charte. Les droits sont là, il va dans la charte.
Par ailleurs, il
y a un certain nombre de pratiques qui se sont implantées au Québec, et qu'il
faut documenter davantage pour mieux les faire connaître, et qu'il faut
interdire. Donc, le projet de loi s'attaque à ça.
Pour ce qui est
de la lutte à l'intégrisme de façon proprement dite, à part la définition que
le projet de loi donne, je propose que l'on crée un centre de recherche-action
qui va pouvoir documenter ces phénomènes. Parce que, ce que je constate depuis
que ces débats-là ont cours dans notre société, c'est qu'il y a des amalgames,
des amalgames entre «musulmans» et «intégrisme», des amalgames qui nous mènent
parfois à commettre des erreurs très graves d'appréciation et de compréhension.
Il y a un déficit de connaissances qu'il faut absolument combler. Et donc ce
centre de recherche-action, ce n'est pas un centre de recherche académique, les
universités s'occupent bien de ça; ce qu'on veut, c'est aller sur le terrain et
voir comment se manifestent ces problèmes-là, comment se manifestent ces pratiques-là, comment cela affecte-t-il
les droits des femmes, les droits de la jeunesse, comment cela affecte-t-il
notre démocratie.
Et je
souhaiterais, évidemment, tel qu'inscrit dans le projet
de loi, que ce centre de recherche-action relève directement du premier
ministre pour qu'on puisse, au niveau du gouvernement, avoir une vision
horizontale, et globale, et que, là où il y a une responsabilité qui relève du
ministre de la Justice, du ministre de la Sécurité publique, du ministre de
l'Éducation, qu'on puisse tous référer au sommet, c'est-à-dire au premier
ministre.
Alors, voilà. Je
suis disposée à prendre vos questions.
M. Lavallée
(Hugo)
: Vous avez dit tout à l'heure qu'on vous avait menti — je ne sais pas si vous pourriez préciser votre pensée — quand vous faisiez référence à M. Couillard ou au Parti
libéral.
Mme
Houda-Pepin
: Bien, moi, dans ce dossier-là, j'ai traité… Vous
savez, je suis une femme discrète. Ce que j'ai vécu, plusieurs… l'ensemble de
mes collègues députés ne le savent pas parce que je ne suis pas pour aller
raconter aux collègues les difficultés que j'ai avec mon chef d'alors. Alors,
ces choses-là sont notées, annotées, et tout ça, mais j'ai gardé quand même un
silence pas seulement sur le plan extérieur, mais aussi à l'intérieur.
Oui, moi,
M. Couillard, j'ai eu des échanges avec lui régulièrement sur cette question-là.
Dès la première fois que je lui ai parlé du projet de loi, il a opposé une fin
de non-recevoir parce qu'il ne voulait pas du tout, du tout, du tout qu'on
touche aux signes religieux. Alors, moi, je lui ai dit : Le projet de loi
et le débat qu'on peut faire, il est au-delà des signes religieux. Mais, si on
dit qu'on est pour la neutralité religieuse de l'État, il faut qu'elle
s'incarne à quelque part. Elle ne va pas s'incarner dans les murs, il faut
qu'elle s'incarne dans les personnages en autorité, minimalement.
Et ici
j'aimerais ouvrir sur la position du gouvernement, le projet de loi n° 60,
qui, lui, va mur à mur sur l'interdiction de tous les signes religieux. Je sais
que Mme Marois s'inspire beaucoup du modèle français. Alors, le modèle
français… Les Français, ils ont mis un quart de siècle de luttes acharnées,
houleuses, difficiles, divisives avant d'arriver à un projet de loi, qui a été
adopté en 1905, sur la laïcité. Aussitôt adopté, on s'est rendu compte qu'on
avait oublié des choses, notamment les biens meubles et immeubles des églises.
À qui appartiennent-ils dans un État laïque? Le débat s'est fait. Ils étaient
obligés de revenir sur la planche à dessin pour régler ce problème qui a pris
plusieurs années. Et, on le voit encore, la France, malgré sa loi sur la laïcité, elle doit s'ajuster régulièrement face à des problèmes qui
surviennent. Parce que cet enjeu qui est devant nous, il ne va pas s'éteindre, il
va plutôt
s'accélérer. Alors, autant se préparer rapidement à savoir comment, d'abord, l'appréhender, ensuite quels sont les moyens qu'on va
mettre de l'avant efficacement pour le contrer. Je parle ici de l'intégrisme et
ses manifestations.
Alors, je dis à
Mme Marois : Au lieu d'aller mur à mur et de faire des divisions à
l'infini, est-ce qu'on ne peut pas s'entendre sur l'essentiel? Et l'essentiel, c'est
de poser le jalon de la neutralité religieuse de l'État dans la charte québécoise des droits et
libertés. Ça, c'est important. Et après on pourra aller vers d'autre chose et d'autres
considérations.
Mme Biron
(Martine)
: Mme Houda-Pepin,
vous êtes une parlementaire expérimentée. Vous déposez un projet de loi privé. Quel
est l'avenir, selon vous, de votre projet de
loi?
Mme
Houda-Pepin
: Bien, alors,
moi, je ne décide pas de l'avenir parce que c'est le gouvernement qui en décide. Je suis parlementaire, je connais donc la procédure.
Mme Biron
(Martine)
: …
Mme
Houda-Pepin
: Non, non.
Mme Biron
(Martine)
: …qu'on vous
connaît, là, comme parlementaire d'expérience.
Mme
Houda-Pepin
: Bien, voilà!
Alors, moi, ce que… Mon souhait à moi, celui que j'ai exprimé d'abord au sein du Parti libéral du Québec, au sein du caucus
libéral, c'était quoi? C'était que je puisse apporter modestement cette
contribution. Je ne prétends pas avoir la vérité absolue. J'ai dit : Je propose des idées, est-ce qu'on peut en
discuter? Charcutez-les si ça vous ne convient pas, bonifiez-les si vous
estimez qu'il y a quelque chose d'intéressant là-dedans, moi, je suis ouverte,
mais faisons le débat, et ensuite disons-nous qu'est-ce qui nous convient,
collectivement.
Moi, l'image que
je veux voir, dont j'ai toujours rêvé dans ce débat, c'est de voir Pauline
Marois, Philippe Couillard, Françoise David, François Legault assis autour
d'une même table, en train de se dire : C'est quoi que… C'est quoi le
minimum ou le maximum sur lequel… où on peut aller? Et qu'ils puissent sortir
de là avec une législation… les principes, bien entendu, les législateurs sont
là pour rédiger les textes, etc., mais au moins qu'on s'entende sur ce qu'on
veut avoir sur un projet de loi et…
M. Robitaille
(Antoine)
: Comme dans le cas de Mourir dans la dignité, là?
Mme
Houda-Pepin
: Par exemple. Mourir dans la dignité, c'était un
processus différent, c'est-à-dire c'était un mandat d'initiative. Donc, c'est
les députés qui ont apporté ça, au-delà de leur ligne de parti. Par exemple,
lorsqu'on a adopté la loi sur l'éthique et la déontologie des parlementaires,
on a aussi procédé par consensus. Le Québec est capable de travailler par
consensus. Sur cette question-là, moi, je les invite, et incluant M. Couillard,
encore aujourd'hui, à se mettre autour de la table et à discuter de ce qui nous
unit pour faire avancer le Québec.
M. Robitaille
(Antoine)
: Mme Houda-Pépin, est-ce qu'on a violé vos
privilèges parlementaires en vous offrant un poste de ministre? Est-ce que vos privilèges parlementaires... Vous
avez utilisé le mot huit fois hier dans votre intervention, le mot
«privilèges». Est-ce qu'on les a violés?
Mme
Houda-Pepin
: Bien, écoutez, «violer»… il faudrait qu'on explique un peu le contexte.
Moi, ce que j'ai dit... J'ai vécu des moments assez difficiles…
Excusez-moi.
Je n'ai jamais
pensé que je pourrais être traitée de la sorte au Parti libéral du Québec. Une
autre question.
Mme Richer
(Jocelyne)
: Est-ce que, selon vous, la position adoptée par le
caucus libéral sur la laïcité, des signes religieux, est-ce que c'est celle de
M. Couillard uniquement? Dans quelle mesure, autrement dit, elle est
partagée par le caucus? Est-ce que le caucus est uni sur cette question-là ou
s'il est divisé, d'après ce que vous avez connu?
Mme
Houda-Pepin
: Je ne parlerai pas pour le caucus désormais, mais
je peux vous parler de ce que j'ai vécu. M. Couillard est sorti, sur les
signes religieux, en août, je pense, le 29 août 2013 alors qu'on était
réunis en caucus à Rivière-du-Loup, d'accord? Nous étions réunis, tous les
députés étaient là. M. Couillard aurait pu pousser la porte et venir nous
dire ce qu'il pense des signes religieux. On aurait pu en discuter — surtout que M. Couillard parle beaucoup d'équipe — et moi, je me serais exprimée, c'est sûr. Ça aurait été le
forum pour moi de le lui dire, d'autant plus
que M. Couillard sait très bien où je loge, pour lui avoir dit auparavant, pour lui avoir
écrit auparavant. Donc, il sait exactement où je loge sur ces questions-là. Alors, lui, il n'est pas
venu nous voir, il a donné son point de presse et il a dit aux médias que
c'était «over my dead body». Bon.
Alors, il s'est
coulé les deux pieds dans le ciment. Puis après ça, comment le décoller de là?
C'était très difficile. Alors, moi, je suis une femme de dialogue, j'ai dit :
Bon, bien, je vais continuer à converser avec lui, à discuter avec lui, puis le
débat va se faire dans la société, les partis vont se repositionner, on va voir. Mais le
problème avec M. Couillard, c'est qu'il vous dit blanc aujourd'hui, puis il vous
dit noir demain, puis, pour lui, c'est normal. Alors, vous êtes comme
désorienté. Et là on n'a jamais eu de débat sur cette question-là des signes religieux
avant que M. Couillard ne se prononce. Alors, le problème, il commençait
là.
Maintenant, moi, comme...
Mme Richer
(Jocelyne)
: Mais, pour être
bien... que ce soit bien clair, donc vous dites que la position a été adoptée d'en haut, par le chef, et non pas
discutée, au départ, par les députés.
Mme
Houda-Pepin
: Non, ça n'a jamais été discuté au caucus. Je n'ai
pas manqué de caucus. Il est sorti tout seul pour annoncer ça alors qu'il était
avec son caucus à Rivière-du-Loup, O.K.?
Maintenant, moi,
comme je vous l'ai dit, j'ai fait le choix du dialogue. Je me suis tue, j'ai
refusé toutes les demandes d'entrevue. Vous êtes probablement quelques-uns ici
à essayer de me demander mon point de vue, et je n'ai pas répondu parce que je
me suis dit : C'est des choses qu'on doit régler à l'interne, puis, en
évoluant dans nos réflexions, on va pouvoir… Alors, c'est pour ça que je lui ai
dit… Il savait, M. Couillard, que j'avais fait une réflexion en 2011 parce
que le projet de loi que je vous dépose aujourd'hui, il a commencé en 2011 avec
Me René Chrétien, qui est le conseiller spécial ici du secrétaire général
et qui m'a accompagnée jusqu'à aujourd'hui avec plusieurs autres personnes qui
y ont travaillé.
Et malgré tout,
parce qu'il s'était positionné, donc, aucune autre option n'était valable à ses
yeux. Et ça vient de là, le problème.
Mme Lajoie
(Geneviève)
: Vous avez dit tout à l'heure que le Parti québécois,
mais aussi le Parti libéral avait une position électoraliste.
Mme
Houda-Pepin
: Oui.
Mme Lajoie
(Geneviève)
: Dans quel… qui…
en tout cas,
là, vous dites que c'est plutôt M. Couilard qui a pris cette position-là. Qui veut-il
séduire en adoptant cette position-là?
Mme Houda-Pepin
: Bien. Alors, écoutez, ce n'est pas seulementau niveau de séduire l'électorat, c'est aussi le fait qu'on ne fait
pas de débat à l'interne pour se positionner adéquatement. Moi, par exemple, le directeur de cabinet de M. Couillard est venu me dire — le dernier, là — mais
avec force et une voix extrêmement haute, là, que je devais aller en commission parlementaire,
que je devais sortir sur une entrevue que Drainville avait donnée à LaPresse
pour le dénoncer parce qu'il était en train de discréditer le Parti libéral,
parce que ci, parce que ça. Il me dit : Regarde, ton collègue Marc Tanguay
n'est pas capable de lui faire face, là, il faut que tu ailles lui aider. Mais
j'ai dit : Pourquoi est-ce que mon collègue n'est pas capable de faire
face à Bernard Drainville? Parce que vous l'avez envoyé à la guerre sans les
outils, sans les armes. Il n'a jamais été préparé, cet homme-là, pour faire
face à toutes les demandes, à toutes les subtilités de ce débat parce qu'au
Parti libéral on a fait l'économie de ce débat. M. Couillard n'a jamais
voulu qu'on ait un vrai débat.
Le 20 janvier,
la journée où, moi, j'ai été exclue du caucus, on a discuté de sa deuxième
position qu'il a annoncée ici même, dans cette Assemblée, le 18 décembre. Ça
n'a jamais été discuté dans le caucus. La
sortie de Marc Tanguay sur le tchador, hein, qui, lui, ça ne le dérangeait pas
d'avoir une collègue députée ou ministre libérale qui siégerait à l'Assemblée
nationale, ça n'a jamais été discuté dans le
caucus. Alors, le problème, c'est ça. C'est qu'on s'est fait l'économie du débat, et on
est mal préparés, puis on sort dehors, puis on dit des affaires qui n'ont pas
d'allure. Alors, est-ce que la procédure normale n'aurait pas été d'abord de venir discuter,
de valider avec ton caucus avant de sortir et de défendre une position? À ce moment-là, moi, quand
je me… je me serais exprimée. Si je suis la seule, dans un caucus, qui pense
comme ça — j'ai toujours été consensuelle — je vais dire : Bon, bien, mon point de vue, je l'ai
exprimé. Ça ne rejoint pas la majorité, je ne vais pas empêcher la majorité de fonctionner. J'ai toujours été femme
d'équipe. Toujours.
M. Dutrisac
(Robert)
: Vous parlez d'une
démarche non partisane. Bon. Et, sur la question du port des signes religieux, c'est là où il y a des divergences
entre les partis, notamment entre… le PQ, notamment, et même Québec solidaire. Votre position semble… est semblable à celle de Québec solidaire. Est-ce que vous pensez qu'il y a un… qu'il
pourrait y avoir un compromis possible sur cette question-là? Par exemple, si Mme Marois
tenait absolument à ce que le domaine de l'enseignement — où les personnes sont, on peut considérer, en autorité face
à des enfants — soit inclus, est-ce que c'est quelque chose qui est… c'est
un compromis qui pourrait être possible là-dessus?
Mme
Houda-Pepin
:Bien, écoutez, moi, personnellement, je
cherche ce compromis. Je le cherche dans l'intérêt du Québec, pas dans l'intérêt
de la prochaine campagne électorale, là. Et, si on est suffisamment ouverts pour ce dialogue-là, je pense qu'on peut y
arriver. Il y a
moyen de faire des compromis. Mais, personnellement, mon analyse non
seulement de la situation… parce que j'ai analysé un
peu les différents modèles de laïcité dans le monde, et ce que j'ai compris et constaté, c'est
que chaque modèle s'inscrit dans le contexte historique du pays où la laïcité a été implantée. Alors donc, nous, notre contexte historique, il est là et
il parle de lui-même. Et je me dis : Qu'est-ce qui est le plus important? Est-ce qu'on peut inscrire,
dans la Charte des droits, la neutralité religieuse de l'État avec l'autorité
contraignante qui représente effectivement
l'État ou est-ce qu'on met en péril tout le projet parce que chacun veut garder
son petit morceau de chiffon? Hein? C'est de ça qu'il s'agit, là. Alors, moi,
je pense que l'enjeu est plus important que juste les foulards, etc.
D'ailleurs, les
foulards… je vous rappelle que j'ai signé un article en 1994 sur le foulard. Parce
que la crise du foulard au Québec a commencé
le 2 décembre 1993, et ça a été une période assez difficile, là. On a
entendu les mêmes commentaires, les mêmes amalgames à l'égard des femmes musulmanes, des
musulmans, etc. Et on oublie qu'au Québecil y a des communautés musulmanes qui viennent des quatre coins
du monde, qui s'intègrent bien, qui réussissent bien, qui ont des histoires à
succès à raconter, que les jeunes réussissent bien dans les écoles, qu'ils
s'intègrent bien, qu'ils apprennent le français. Mais malheureusement, tout ça,
c'est un peu la forêt derrière l'arbre que sont les signes religieux et le
foulard en particulier. Mais est-ce qu'on peut
parler des vraies affaires?
M. Dutrisac
(Robert)
: Maintenant, le côté… tout l'aspect lutte à
l'intégrisme, contre l'intégrisme dans votre projet de loi, est-ce qu'il n'y a
pas des interdictions là-dedans qui sont… qui vont de soi, c'est-à-dire qui
sont déjà… qui font déjà partie d'autres… Code criminel, choses comme ça? On parle
d'excision, on parle de polygamie. Pourquoi les répéter dans ce projet de loi
là?
Mme
Houda-Pepin
: Les répéter dans la loi, c'est essentiel. C'est
essentiel pour que tout le monde comprenne qu'au Québec c'est de même qu'on veut
être gouvernés. On veut avoir une société où on ne pratique pas de polygamie.
Au moment où je vous parle, là, la polygamie se pratique au Québec, Code
criminel pas Code criminel. Alors, si on fait un… si on crée un centre de
recherche-action, puis qu'on va sur le terrain, puis qu'on détecte le problème…
Regardez, par exemple, récemment il y a eu une série d'articles dans LaPresse
sur les mariages forcés, tout d'un coup on réalise : Ah! Bien, ça existe,
ça, ici. L'affaire Shafia, ça nous a ouvert les yeux sur la question des codes
d'honneur, et tout ça. Mais il faut aller documenter ces phénomènes, il faut
montrer réellement qu'est-ce qui se passe sur le terrain. Et ça, ça ne peut se
faire que par un centre de recherche-action doté par des moyens et qui va aller
sur le terrain pour documenter ces phénomènes.
M. Chouinard
(Tommy)
: Justement, sur ce centre, vous évoquez la possibilité
qu'à titre de sanction on puisse donc retirer le statut d'organisme de
bienfaisance… À votre avis… Puis on a vu un cas, récemment, où une mosquée
fichée par le FBI est reconnue comme organisme de bienfaisance, par Ottawa, je
crois, puis le Québec est… suit, là, d'après…
Mme
Houda-Pepin
: Non, c'est par rapport à notre loi, là. Je
faisais référence à la Loi sur l'impôt du Québec. Je ne suis pas allée dans la
juridiction fédérale.
M. Chouinard (Tommy)
:
C'est ça. Mais, selon vous, est-ce qu'il y a plusieurs organismes comme ça qui,
dans le fond, préconisent l'intégrisme religieux et qui bénéficient des
largesses de l'État?
Mme
Houda-Pepin
: Bien, écoutez, dans la mesure où on va les
documenter… Oui, ça existe, mais, dans la mesure où on va les documenter, on va
le savoir avec exactitude. Parce qu'une des questions…
M. Chouinard
(Tommy)
: Mais est-ce qu'il y
en a? Je veux savoir s'il y en a…
Mme
Houda-Pepin
: Oui. Actuellement, oui. Oui, oui, oui, il y en a.
M. Chouinard (Tommy)
: Plusieurs?
Mme Houda-Pepin
: Écoutez, il y a pas mal de phénomènes… Bien, moi, je n'ai
pas les ressources d'un centre de recherche-action, hein, mais ma compréhension
et ce que je sais, c'est que cette réalité-là existe.
Maintenant,
est-ce qu'on peut documenter ces phénomènes pour,
justement, les situer dans leurs justes proportions, pour ne pas ni généraliser
à outrance ni minimiser à outrance? Pour moi, c'est essentiel qu'on puisse
faire cet exercice-là.
M. Lavallée
(Hugo)
:Qu'est-ce que vous pensez
de l'idée du PQ, là, de mettre sur pied une commission pour étudier ce qui s'est passé entre vous et le chef de
cabinet de M. Couillard? Est-ce que vous êtes favorable à un examen?
Mme
Houda-Pepin
: Bien, écoutez, personnellement,
ce que j'avais à dire, je l'ai dit. Je veux dire... Et j'ai dit la vérité, puis
ça, c'est sûr. Maintenant, si M. Bédard ne m'a pas avisée hier, lorsqu'il a présenté sa
motion, s'il veut jouer la procédure parlementaire, moi, j'irai devant le diable et le Bon Dieu pour répéter
la vérité. Je n'ai pas de problème avec ça.
M. Lavallée
(Hugo)
: Donc, vous maintenez
votre version des faits. Parce que M. Couillard, tout à
l'heure, nous disait que tout était absurde,
impossible...
Mme
Houda-Pepin
: Ah! Bien, écoutez... Bien, donc il est en train de donner raison à
M. Bédard. Je ne suis pas au courant.
M. Chouinard
(Tommy)
: Juste une dernière en français, s'il vous plaît.
Mme Houda-Pepin, considérez-vous qu'à l'heure actuelle l'État finance,
effectivement, des intégristes?
Mme
Houda-Pepin
: Bien, alors, écoutez, je ne peux pas répondre à
cette question telle quelle. Il faudrait faire les analyses et les recherches
pour arriver à vérifier ce fait-là. Merci.
M.
Harrold (Max) : Mme Houda-Pepin, can I ask you a couple of
questions in English?
Mme
Houda-Pepin
: Yes, why not? Yes.
M.
Harrold (Max) : Thank you very much. OK. So, can you tell us how you
were lied to by…
Mme
Houda-Pepin
: …madame. Excuse me.
M.
Harrold (Max) : Can you tell us how were you lied to by Philippe
Couillard?
Mme
Houda-Pepin
: Sorry?
M.
Harrold (Max) : How were you lied to by Philippe Couillard? You said
you were lied… «On m'a menti.»
Mme
Houda-Pepin
: Oh! Yes, yes, yes. Well, because he told me
things he did not do. He did not deliver on the whole process of bringing this
bill to the caucus through the… le comité sur l'intégrisme, the Fundamentalism
Committee he created and who... which he asked me to preside, which I refused
because the condition was that I have to leave my bill.
M.
Harrold (Max) : And how far apart do you think your position is from
the Liberal Party's? Because it seems to be in the fundamentalism area that
you're adding new measures, but is it such a big difference?
Mme
Houda-Pepin
: Well, the big difference is about the religious
signs. Mr. Couillard, as you know, he stated publically he doesn't want to
forbid anything for anyone. So, in that regard, we can't really define the
religious neutrality of the State if those who represent the State cannot be
neutral themselves in the way they are dressed.
M.
Harrold (Max) : How urgent is this a problem to address, in your view?
Mme
Houda-Pepin
: Well, this is a very important issue, you know. It's
the last stone to put in order to have a lay society, complete lay society. Thank you very much.
Mme
Plante (Caroline)
: Are you saying that your caucus is… your
party is ill-prepared to deal with this issue right now?
Mme
Houda-Pepin
: The caucus never had a real debate to analyse the
different options, you know, and to find out what is the neutrality, how you
can apply it, and even on the religious signs. You know, what's the proposal of
Mr. Couillard? We can discuss it but other proposals too, and then we can
draw the line of the consensus. That debate never happened.
Mme
Plante (Caroline)
: So, do you think that the Bill 60
hearings are purely being done for electoral reasons?
Mme
Houda-Pepin
: For what?
Mme
Plante (Caroline)
: Electoral reasons.
Mme
Houda-Pepin
: That's not what I'm saying. I respect the
institution, and it is a kind of democratic exercise, people are coming to
express themselves, and I can't, you know, really say no to that. So, it's a good
expression of the population. You have to listen to what the people are saying,
yes. Thank you.
M.
Daigle (Thomas) : How big
of a problem is religious fundamentalism in Québec today? Is it a real problem?
Mme
Houda-Pepin
: Well, as I said, yes, it is a real problem, from
my understanding. But also I suggested that we can create a research center
which will go on the grass roots and find out about the manifestation of this
fundamentalism so that will give us a real picture. Thank you very much. Merci
beaucoup.
(Fin à
14 h 5)