Conférence de presse de Mme Linda Goupil ministre d'État à la Solidarité sociale, à la Famille et à l'Enfance, Mme Nicole Léger, ministre déléguée à la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion, et Mme Jocelyne Caron, secrétaire d'État à la Condition féminine
Bilan des travaux de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 112
Version finale
Friday, December 13, 2002, 12 h 02
Salle Evelyn-Dumas (1.30),
édifice Pamphile-Le May
(Douze heures deux minutes)
Mme Goupil: Alors, bonjour tout le monde. C'est un grand moment aujourd'hui, un grand moment pour toute la société québécoise parce que, vous le savez, ce projet de loi pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale a interpellé l'ensemble de notre société.
Nous avons eu une commission parlementaire qui a duré près de 100 heures, mais elle nous a permis, cette commission parlementaire, de compléter le travail qui avait été effectué depuis, je dirais, plusieurs mois, plusieurs années et, en soi, il nous fallait absolument nous assurer que la compréhension que nous avions de la pauvreté et de l'exclusion était partagée pour que nous ayons également une intervention qui s'assure du consensus.
Lorsque nous avons fait la commission parlementaire article par article, encore une fois, nous avons entendu ce que les gens nous ont demandé. On a apporté près d'une quarantaine d'amendements qui nous ont permis de reconnaître, je dirais, quatre grands principes extrêmement importants. Les gens, qui vivent la situation de pauvreté et d'exclusion sociale, nous ont demandé que nous puissions changer
les choses dans l'avenir pour qu'on n'intervienne plus à la pièce, mais qu'on intervienne de façon globale.
Alors, ce que ça signifie, quand on parle d'une colonne vertébrale, c'est que dorénavant, dans ce projet de loi, on s'est créé l'obligation, trois, quatre obligations, entre autres, plus importantes que les autres, d'abord la reconnaissance du barème plancher. C'est-à-dire qu'on a introduit le principe dans notre projet de loi à l'effet qu'en deçà d'un certain revenu, il n'y aurait plus de coupures et de pénalités. Non seulement on l'a reconnu dans la loi, en plus, on a l'obligation, dans le plan d'action qui doit être adopté dans les 60 jours, de rédiger exactement de quel montant s'agira-t-il.
Cependant, en même temps, nous avons posé des gestes concrets pour les personnes qui vivent des situations de pauvreté et d'exclusion sociale pour que, dès janvier 2003, ils aient cette reconnaissance de ce que signifie un barème plancher par le partage du coût du logement, parce que ça occasionnait des pénalités pour les gens. C'est près de 53 millions de dollars que les Québécois et Québécoises, à même leurs impôts, vont être utilisés pour éviter cette pénalité. Ce que ça signifie concrètement pour une famille, je prends l'exemple, par exemple, d'une personne seule, sans contrainte, qui actuellement recevait 445,92, va recevoir en janvier 2003, 554,08, c'est-à-dire 108,16 $ de plus pour lui permettre justement lorsqu'ils font le choix de vivre ensemble pour diminuer leurs dépenses, qu'ils aient cette somme supplémentaire. Je prends l'exemple d'une personne, d'une famille biparentale avec deux enfants, prenons l'exemple de 9 et 14 ans, ils avaient actuellement, en décembre 2002, 1 280,43. Donc, en janvier 2003, c'est 1 392,75, soit 112,32 de plus à compter de janvier.
C'est ce que l'on appelle des mesures immédiates, l'abolition du partage de logement, l'abolition du test du logement et l'indexation des prestations. Vous savez, nous avions annoncé au printemps qu'il y aurait cette indexation-là pour permettre aux gens, justement, d'améliorer et d'avoir des mesures immédiates. Et, dans la loi, ce qu'on est venu fixer également, qui est extrêmement important, c'est une clause d'impact qui était demandée. C'est-à-dire que tous les gestes que le gouvernement fera dans l'avenir, quels que soient les ministères, ils devront toujours mesurer quel sera l'impact à l'égard des personnes vivant une situation de pauvreté et d'exclusion sociale. Vous savez, parfois, il y a des gestes qui sont posés, qui sont bien pour un grand nombre de personnes, mais ça a des impacts négatifs pour d'autres personnes. En introduisant la clause d'impact, c'est qu'on crée l'obligation pour la suite des choses de nous assurer qu'on en tienne constamment compte, à l'égard des personnes vivant ces situations de pauvreté.
Également, ce qui a été aussi demandé, c'est que nous puissions considérer, au niveau des personnes qui reçoivent des pensions alimentaires pour les enfants... Vous savez que, lorsqu'une personne reçoit une pension pour l'enfant, lorsqu'il s'agit d'un enfant de moins de cinq ans, nous ne comptabilisons pas ce revenu. Alors, on nous a demandé justement de faire en sorte que, dans l'avenir, nous ne puissions plus le comptabiliser puisque la pension alimentaire, elle est payable pour les enfants uniquement. Et, dans ce contexte-là, dans le plan d'action, il y aura une mesure spécifique, justement, pour nous indiquer comment on va le faire, parce que ça a des répercussions également au ministère de l'Éducation et au ministère de la Famille.
Enfin, je vous dirais que ce qui est extrêmement important aussi, c'est qu'on a développé, dans ce projet de loi, des modifications qui nous étaient demandées aussi. Par exemple, quel est l'impact chez les femmes et chez hommes? Comment ces personnes vivent la pauvreté? Alors, on a introduit l'analyse différenciée selon les sexes. Ma collègue, Mme Caron, pourra vous en parler davantage; elle a travaillé avec toutes les personnes, justement, pour que nous puissions l'inclure dans notre projet de loi.
Finalement, ce projet de loi, je vous indiquerais que c'est venu confirmer hors de tout doute que l'engagement de société que nous avons pris de réduire, au cours des 10 prochaines années, de 50 % le nombre de personnes vivant ces situations de pauvreté, on a l'obligation de considérer ce revenu de plancher, on a l'obligation aussi de poser des gestes immédiatement. On l'a fait avec les mesures immédiates qui s'appliquent dès janvier 2003. Mais surtout, c'est un projet de société qui vient nous dire que, au Québec, on est solidaires, mais on est capables aussi d'atteindre cet objectif.
La mesure du plein emploi que notre collègue ministre des Finances et Mme Maltais également... si nous n'avions pas, je dirais, toutes ces mesures d'emploi, peut-être que nous pourrions dire: Ça va être difficile d'atteindre les objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés. Mais, dans notre projet de loi, on est venu dire: Indépendamment des groupes de personnes, nous avons de l'aide et du soutien à la mesure de la réalité des gens. Alors, on prend la personne dans sa globalité puis on intervient sur différents niveaux.
Le projet de loi interpelle le ministère de l'Éducation avec Agir tôt , c'est-à-dire le plus rapidement possible lorsque l'on détecte qu'on soit capable d'intervenir. On interpelle directement le ministère de la Santé et des Services sociaux parce qu'il y a des liens directs qui doivent être faits. Le ministère de la Famille est extrêmement interpellé, et nous avons convenu, dans le projet de loi, que, dans l'avenir, nous devions également nous donner des indicateurs pour nous assurer que, d'ici deux ans, les indicateurs que le comité consultatif sur lequel on retrouve des chercheurs, des gens qui connaissent bien cette réalité, nous donne des indicateurs typiquement québécois puis qu'on soit capable, dans deux ans, de mesurer déjà les progrès qu'on aura faits, dans trois ans, et on a l'obligation de déposer à l'Assemblée nationale, pour faire l'objet d'une réévaluation au niveau de l'Assemblée, pour voir le chemin qu'on aura parcouru ensemble et d'être capable de corriger le tir si jamais on s'était trompé.
Alors, c'est un grand moment aujourd'hui et ce projet de loi, bien, c'est un projet qui démontre la solidarité de la nation québécoise. on va être capable d'y arriver. C'est ambitieux, mais ça s'est fait avec la société civile, ça s'est fait avec les parlementaires et, comme notre collègue le député de – j'oublie sa circonscription – Saint-Jean disait: Ça a été une des premières fois, dans l'histoire du Québec, où la société civile, avec le législatif et l'exécutif, a tant travaillé en étroite collaboration. Donc, c'est un projet de société qui correspond à des attentes, mais qui est réaliste également. Je vous remercie beaucoup.
Mme Léger: Je suis particulièrement heureuse d'annoncer aujourd'hui avec mes collègues, Linda Goupil et Jocelyne Caron, l'adoption de ce projet de loi là qui vise à lutter contre la pauvreté et l'exclusion.
Vous avez cheminé avec nous depuis ces deux dernières années. Je pourrais vous dire que c'est un chemin dont la direction nous a été indiquée par notre premier ministre, Bernard Landry, dès son arrivée en fonction il y a deux ans, qui nous a été aussi indiqué et inspiré aussi par un important mouvement social qui a été représenté par le Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté et aussi par les militantes et les militants du Parti québécois, auquel je suis fière d'appartenir, et qui véhicule, à l'image de la société québécoise, des valeurs de partage et d'équité sociale.
Si, comme d'aucuns le prétendent, le gouvernement du Québec avait voulu faire ce projet pour des fins purement électoralistes, je peux vous assurer que nous y serions allés par la voie rapide de l'autoroute. Mais, vous le savez, les risques d'accidents sont plus élevés quand on roule trop vite. Ainsi, le chemin que nous avons emprunté nous a amenés à sillonner chaque région du Québec où j'ai personnellement rencontré des milliers de personnes et des centaines de groupes, autant pour mes collègues, et qui avaient des suggestions à nous faire sur des idées novatrices à partager avec nous. En cours de route, nous avons aussi pu recevoir l'éclairage de partenaires multiples, un groupe-conseil, un comité aviseur de députés ministériels, un groupe-recherche, des conseils, statut de la femme, de la santé, du bien-être, des aînés, de la jeunesse, de la famille et de l'enfance, des groupes syndicaux, patronaux, communautaires, l'ensemble des ministères mis à la contribution pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion.
Au cours des dernières semaines, un grand nombre de femmes et d'hommes sont venus témoigner, lors de l'étude en commission parlementaire, du projet de loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, des actions à poser et des préoccupations à considérer dans notre lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Nous pouvons dire aujourd'hui: Nous vous avons entendus.
Et j'aimerais d'ailleurs revenir sur certains éléments particuliers qui ont retenu notre attention, celles, d'une part: un, la participation citoyenne; deux, l'importance de l'action communautaire et de l'action bénévole; trois, l'importance de donner plus de pouvoir aux régions et aux communautés locales.
Afin de favoriser l'engagement de l'ensemble de la société, le projet de loi n° 112 a été renforcé pour y inclure de façon plus évidente l'importance de la participation citoyenne. Les personnes concernées par la pauvreté ou celles qui les représentent trouvent donc une place importante dans les mécanismes qui seront conçus pour développer les actions et les mesures à mettre en oeuvre dans le cadre de la stratégie. Cette participation citoyenne s'effectue également par l'entremise de l'action communautaire et bénévole des Québécoises et des Québécois qui oeuvrent auprès des plus démunis de notre société.
À cet égard, le texte de loi met dorénavant en évidence l'importance que le gouvernement et toute la société accordent à la valeur de l'action communautaire et bénévole. Le Rendez-vous national des régions a permis à notre gouvernement de manifester de façon concrète le choix qu'il fait de travailler en partenariat avec les communautés locales et régionales, respectant ainsi les priorités de développement et les initiatives déterminées par ces dernières.
À cette fin, le gouvernement du Québec a prévu la création d'un fonds spécial qui se nomme maintenant le Fonds québécois d'initiatives sociales. Les régions détermineront elles-mêmes des priorités d'action en matière de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, établiront un consensus autour des territoires d'intervention prioritaire et seront responsables de la gestion d'une enveloppe destinée à soutenir les actions à l'échelle de la région.
Le projet de loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale démontre bien que le Québec prend les moyens nécessaires pour s'attaquer au problème de la pauvreté et de l'exclusion sociale. L'adoption de ce projet de loi fera du gouvernement du Québec un chef de file mondial en matière de pauvreté et d'exclusion puisqu'il les inscrit de façon permanente dans la législation.
Malgré tout le chemin parcouru, je tiens à vous dire que l'adoption de cette loi n'est pas notre destination finale. Nous serons arrivés à destination lorsque nous pourrons dire qu'au Québec personne n'est laissé de côté. Merci.
Mme Caron: Alors, c'est avec beaucoup de plaisir que je joins ma voix à mes collègues, comme collègue mais aussi à titre de secrétaire d'État à la Condition féminine. Ce n'est pas pour rien que les femmes, les regroupements de femmes, le mouvement des femmes ont été au coeur de la lutte contre la pauvreté. Elles auront été au coeur de la lutte à la pauvreté parce que le visage de la pauvreté est très majoritairement féminin. Qu'on pense aux chefs de famille monoparentale de tous les âges, qu'on pense aux jeunes filles avec les grossesses précoces, qu'on pense au revenu, aux faibles revenus des femmes aînées, c'est évident que la pauvreté doit être traitée différemment, et c'est pour ça que nous avons accepté une demande des regroupements de femmes concernant l'analyse différenciée selon les sexes.
Au gouvernement du Québec, cette analyse-là, elle est prioritaire. Nous travaillons actuellement avec sept ministères au niveau des expériences-pilotes. Donc, nous retrouvons dans cette loi l'analyse différenciée selon les sexes. Il est impossible d'apporter les bonnes solutions si nous n'envisageons pas les véritables problèmes, et la problématique est différente pour les femmes et pour les hommes. Cet outil sera donc essentiel. Nous retrouverons donc l'analyse différenciée au niveau de l'Observatoire, dans toutes les études qui seront faites. Nous en tiendrons compte, évidemment, aussi au niveau de notre clause d'impact.
Enfin, comme nous parlons que la stratégie doit être d'une cohérence importante et qu'il y a des mesures concrètes directement sur le terrain, en même temps que nous travaillons sur l'adoption article par article de la loi n° 112, nous avons travaillé sur des mesures concrètes avec la loi n° 143 au niveau des normes du travail. Et quand on parle des normes du travail, c'est 1,6 million de personnes au Québec, 60 % de la main-d'oeuvre et les deux tiers sont des femmes et on retrouve aussi beaucoup de jeunes et ces mesures-là vont permettre de lutter directement contre la pauvreté, et l'étude article par article a été terminée hier soir.
Donc, je remercie très sincèrement le Mouvement des femmes qui, au cours des dernières années, a contribué à nous permettre la réalisation de ce projet et c'est évident que nous nous retrouverons avec une société beaucoup plus juste, beaucoup plus égalitaire. Merci.
M. Poirier (Dominique): On va prendre les questions. Questions en français, Jean Thivierge d'abord.
M. Thivierge (Jean): Mme Goupil, M. Sirros cette semaine puis encore tantôt évoquait le fait que si on accordait la gratuité des médicaments aux assistés sociaux et aux personnes âgées qui touchent le supplément de revenu, ça coûterait 23 millions de dollars. Ce n'est pas une somme faramineuse si on regarde l'ampleur du budget du Québec. Vous avez quand même dit non. Pourquoi?
Mme Goupil: D'abord, ce projet de loi, une des préoccupations extrêmement importantes était celui d'éviter de créer des iniquités plus grandes pour les femmes et les hommes qui se retrouvent à faibles revenus. Pensons, par exemple, aux travailleurs et travailleuses au salaire minimum. Le projet de loi, qui est maintenant une loi que nous venons d'adopter, il s'adresse à trois catégories de personnes, des femmes et des hommes qui, malgré toute leur bonne volonté, ne seront jamais capables de subvenir seuls à leurs propres besoins. Vous avez des salariés à faibles revenus, salaire minimum, chef de famille monoparentale qui fait tous les efforts pour s'en sortir, et ce que l'on veut, justement, c'est que lorsqu'elle fait ces efforts, être capable de l'aider, non pas qu'elle soit pénalisée dès qu'elle gagne un peu plus. Et l'autre catégorie, c'est celle des personnes qui, à un moment donné de leur vie, à 45 ans, perdent leur emploi, peu scolarisées, qui ont été pendant des années pour travailler dans une entreprise et qui se retrouvent du jour au lendemain sans emploi. Alors, on ne voulait pas créer d'inégalités et on s'est adressé et on s'est attaqué sur ce qui pouvait être le plus structurant. Nous aurions voulu répondre oui à cette demande, cependant il y a des choix qui ont été faits. Ce qui nous a été demandé, ça a été de faire en sorte que les personnes qui décident de vivre ensemble et que l'on coupe, c'est-à-dire qu'on leur donne une pénalité de 50 $, on leur coupe de 50 $, ils sont venus nous dire: Ça, c'est une mesure qui nous permettrait de nous aider pour justement améliorer notre situation. C'est 52 millions de dollars que ça coûte.
Alors, il est évident qu'il y a des choix qu'on a voulu faire. La clause d'impact, l'impact sur tous les autres ministères, ça a des conséquences aussi monétaires. Quand on regarde au niveau d'introduire dans notre loi le barème plancher dans lequel on s'est engagé à le faire, disant que... puis là, il nous reste à vérifier au niveau de la fraude. Que va-t-il se passer dans les cas de fraude? Parce que, unanimement, les gens disent: Il faut qu'on soit capable de trouver la mesure pour que ces personnes-là. s'il y a fraude, qu'ils soient capables d'avoir des conséquences à leurs gestes. Et finalement, on voulait, par rapport à l'assurance médicaments, que ça demeure toujours payant aussi, le fait d'aller travailler. Si vous vous retrouvez avec un revenu modeste du salaire minimum, que vous n'avez pas droit à l'assurance médicaments gratuite et que quelqu'un vient vous dire: Bien, vous savez, moi, je veux bien travailler, mais les avantages qui sont sur la table actuellement font en sorte que ce n'est pas incitatif et que je suis pénalisé. Donc, les coûts qui ont été évalués au ministère de la Santé pour permettre aux gens qui se retrouvent aujourd'hui en situation de pauvreté et d'exclusion sociale au Québec, les trois catégories que je vous ai mentionnées, c'est près de 75 millions que ça aurait coûté.
Alors, il est évident que c'est un choix qui a été fait de immédiatement répondre à la coupure du partage du logement, l'indexation automatique également pour tout le monde. Il y a des coûts rattachés à ça et il nous fallait choisir. Puis j'ajouterai un élément: qu'actuellement les personnes qui se retrouvent prestataires avec des contraintes sévères, ça ne coûte pas un sou, ils n'ont pas à payer. Les personnes aînées qui se retrouvent avec le supplément maximum n'ont pas à payer non plus.
Alors, il évident que, si le Québec avait tous ses moyens financiers, on est, comme je le disais à M. Sirros... les groupes communautaires... les gens du collectif ont signé avec nous pour le déséquilibre fiscal. Ils le savent très bien que c'est l'argent qui appartient aux femmes et aux hommes, qu'il y a des choix qu'il a fallu que nous fassions et le faire pour un groupe et, à ce moment-là, on aurait encore une fois créé des iniquités. Et le projet de loi, la loi vient dire: Dans l'avenir, si on bouge quelque part, il faut bouger pour tout le monde pour qu'il demeure toujours plus payant d'occuper un emploi, si modeste soit-il. Améliorons les conditions de toutes ces personnes, y compris les jeunes, les femmes et les aînés.
M. Thivierge (Jean): Je veux juste ajouter une chose. Ce qui me chicote, c'est l'idée de l'analyse différenciée selon les sexes. J'avoue que je peux bien comprendre le concept, là, mais dans les faits, ça va signifier quoi? Est-ce que éventuellement, je veux dire, les bénéfices financiers, entre guillemets, que hommes et femmes pourraient retirer pourraient être différents? Qu'est-ce que ça signifie concrètement?
Mme Goupil: D'abord, cette mesure, elle a été initiée suite à la dernière conférence à Beijing +5, au niveau international. On s'est dit: Est-ce qu'il possible dorénavant, dans les programmes gouvernementaux, dans les mesures que l'on adopte, on soit capable de mesurer quel est l'impact chez les femmes et chez les hommes. Prenons l'exemple du décrochage scolaire. On constate actuellement qu'il y a du décrochage scolaire chez les jeunes, chez les gars et chez les filles. Quelles sont les raisons qui font en sorte qu'il y a un décrochage? Par rapport à la pauvreté, on a ciblé que, quand on est capable d'intervenir, par exemple, avec les jeunes femmes qui ont des jeunes enfants – Ma Place au soleil, je prends cet exemple-là – quand on a été capable d'offrir à ces femmes qu'elles puissent étudier, où elles se retrouvaient ensemble les unes avec les autres, où il y avait un lieu pour que leur enfant, dont elles sont souvent les seules responsables, puisse être à proximité d'elles, dans ce contexte-là, ces femmes-là, qui ont repris, je dirais, le sentier de l'école, non seulement ont complété leurs études, mais ont décidé d'aller plus loin puis de se sortir de situations de pauvreté. Donc, on a été capable de cibler de façon spécifique.
Alors, dans l'avenir, la pauvreté, ma collègue le disait tout à l'heure... On sait qu'il y a une famille sur deux qui connaît la rupture au Québec, 85 % des chefs de famille sont des femmes monoparentales avec des revenus inférieurs à 23 000 $. Alors, il est évident qu'une personne qui est responsable seule des enfants qui va sur le marché du travail, elle a besoin d'avoir des conditions salariales qui lui permettent que ça vaille la peine aussi d'aller travailler. Alors, dans les circonstances, on vient dire que, dans l'approche, pour nous assurer que les programmes répondent le mieux possible aux besoins, on veut être capable de se donner des indicateurs qui vont nous indiquer: La réalité des femmes, elle est la suivante; celle des hommes, elle est la suivante. Donc, on va avoir une intervention plus ciblée encore.
La Modératrice: Norman Delisle.
M. Delisle (Norman): Oui. Il y aurait deux documents dont j'aimerais vérifier s'ils vont être rendus publics. Le premier, c'est les analyses que va mener l'Observatoire sur la pauvreté. Est-ce que ces documents-là vont être uniquement remis à la ministre ou vont-ils être rendus publics? Le deuxième document, ce sont les analyses d'impact que chaque ministre devra mener sur un projet de loi, l'impact sur la pauvreté. Est-ce que cette analyse-là va demeurer confidentielle ou elle va être rendue publique?
Mme Goupil: D'abord, dans la loi, vous avez la dernière – je n'ai pas la loi devant moi – partie de la loi, où on y retrouve l'obligation de rendre publics tous les rapports. Je ne voudrais pas vous induire en erreur, mais, quand on prend... Ce sont les articles 56 et suivants dans le projet de loi – on pourra vous les soumettre – où il y a des obligations aux trois ans, aux deux ans parfois de rendre publics, justement, les outils que le Comité consultatif nous donnera, parce qu'on doit prendre des décisions en fonction des indicateurs que le Comité consultatif nous donnera et que l'Observatoire également aura travaillés, et ces indicateurs-là vont être rendus publics, ceux qui vont avoir été retenus, parce qu'il est évident que l'Exécutif a toujours la possibilité de choisir parmi les indicateurs qui vont lui être soumis.
Quant à votre question par rapport à l'impact, les clauses d'impact par rapport aux collègues ministres, il est évident qu'ils ont l'obligation de les déposer à la ministre responsable. Et la ministre, elle, de son côté, elle a aussi à rendre publics les avis qui vont lui être acheminés pour justement qu'ils puissent faire l'objet d'analyse. Et on a une période, à la fin de cinq ans, où on s'est obligés aussi à déposer le tout en commission parlementaire, avant que l'Exécutif ait à prendre des décisions définitives, pour entendre justement, en commission parlementaire, soit des groupes de personnes qui voudraient venir nous partager leur perception des choses ou les parlementaires eux-mêmes pourront soulever des questionnements avant que des décisions définitives soient prises lorsqu'on redéposera un autre plan d'action. Parce que la loi nous oblige, dans les 60 jours, à déposer un premier plan d'action. Lorsque notre terme de trois ans sera terminé... c'est cinq ans, excuse-moi, c'est cinq ans – Nicole, c'est bien ça? – on aura justement l'obligation de revenir en commission pour redéfinir ensemble quels seront les nouveaux gestes que nous poserons pour justement atteindre les objectifs qu'on s'est fixés.
Mme Poirier (Dominique): Tommy Chouinard.
M. Chouinard (Tommy): Vous avez parlé de précédent entre l'Exécutif, les relations entre l'Exécutif, le législatif et la société civile. Je veux me pencher sur la société civile. Les groupes sociaux évidemment sont très contents maintenant qu'il y ait l'adoption de la loi. Ils lui ont toujours reproché le fait qu'il n'y avait pas suffisamment de mesures concrètes mais ils ne l'ont pas exprimé trop fort, ils sont très contents maintenant d'avoir une loi. Mais est-ce qu'en contrepartie ça ne crée pas une pression chez vous pour la présentation du plan d'action dans 60 jours, à savoir est-ce qu'il va y avoir des choses véritablement concrètes? Ça ne pourra pas satisfaire tous les groupes qui étaient là.
Mme Goupil: D'abord, votre question, elle est très pertinente. Vous savez les femmes et les hommes qui vivent la pauvreté dans le quotidien, avec des femmes et des hommes qui ont la vie pas facile, il est évident qu'il est de leur devoir non seulement moral mais de faire en sorte de réclamer le maximum pour les femmes et les hommes qu'il représente. Alors, quand on dit qu'il y a eu un travail exceptionnel qui a été fait depuis, je dirais, la Marche mondiale des femmes, qui était déjà des revendications pour la pauvreté et pour la violence, ce qui a été fait, c'est qu'on a travaillé avec ces personnes. Mme Léger a fait une tournée du Québec où elle a rencontré les gens pour entendre effectivement ce qu'ils ont voulu exprimer. Ma collègue l'a fait également avec les groupes de femmes. Pendant que nous étions à rédiger le texte de loi, nos légistes, les gens avec qui on travaille ont travaillé avec les membres du Collectif, avec une équipe d'experts, de personnes, qui sont venus nous indiquer qu'il fallait avoir une vision globale d'intervention, et non plus des mesures à la pièce, pour justement être capables d'avoir des résultats. Alors, il est évident qu'on s'en est créé, des pressions. Et, aujourd'hui, je pense que tout le monde peut être fier. Puis je vais vous dire la raison pour laquelle, à l'Assemblée nationale, vous l'avez senti vous tous, parlementaires comme gens du... des gens sur le terrain, il y a non seulement une perspective d'avenir et d'obligation de résultat consacrées dans la loi, mais il y a également des mesures concrètes où des personnes qui vivent des situations de pauvreté, dès janvier, vont voir leur situation s'améliorer. Alors, le plan d'action, on a voulu qu'il y en ait une obligation parce que la pauvreté, elle coûte cher à notre société. En termes de problèmes de santé, en termes de décrochage scolaire, en termes de problèmes familiaux, une société n'a pas les moyens de demeurer avec tant de gens qui vivent des situations de pauvreté.
M. Chouinard (Tommy): Mais qu'est-ce que ça veut dire, une approche globale par rapport à des mesures à la pièce?
Mme Goupil: ...va compléter avant, je répondrai après.
Mme Léger: Oui. Vous savez, ce qui est important aussi de camper, c'est qu'on a une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté. Les gens nous ont dit: qu'est-ce que c'est une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté? On a, en juin, rendu public un énoncé politique où on a des orientations bien définies qui nous obligent à avoir une approche globale intersectorielle. Alors, je fais le lien avec votre clause d'impact de tout à l'heure, c'est que chaque politique gouvernementale, chaque politique qu'on fera dans n'importe lequel des ministères devra avoir cette clause d'impact là dans le sens de faire le lien: est-ce que ça peut appauvrir telle population, ou dans telle domaine, ou tel secteur d'activité particulier. Ça, c'est important. C'est ça qu'elle va faire, la clause d'impact. Ça paraît peut-être simple quand je vous le dis comme ça, là, mais ça nous oblige comme gouvernement d'avoir une vision horizontale aussi, d'avoir une approche intersectorielle. Ça, c'est important.
Deuxième aspect, c'est que ce n'est pas la loi qui va venir nécessairement tout régler le problème de la pauvreté au Québec. La loi est notre outil pour être capable de camper toutes les obligations gouvernementales et toute la mobilisation de la société civile – parce que vous parliez de la société civile tout à l'heure. Et cette participation-là dont un comité consultatif qui vont travailler tout le long des prochaines semaines, prochains mois à vraiment se doter et d'outils et etc.
Et, pour terminer, le plan d'action qui va venir des mesures concrètes. Et ce n'est pas d'hier qu'on travaille la lutte contre la pauvreté, là. On en a fait beaucoup d'autres politiques qui sont là, que ce soit la lutte au décrochage scolaire et d'autres politiques qu'on a faites. Donc, ça vient compléter.
Mme Goupil: L'exemple concret. Regardez, quelqu'un qui arrive demain matin pour une aide de dernier recours au ministère de la Solidarité sociale – exemple, c'est dans la région de Chaudière-Appalaches – cette personne, elle va être prise en charge par le réseau de l'emploi pour être capable de lui faire connaître quels sont les emplois qui sont disponibles dans la région, est-ce que cette personne, elle répond à tous les critères et toutes les compétences pour répondre à cet emploi. Si la réponse, elle est non, il faudrait faire l'arrimage avec le ministère de l'Éducation pour que cette personne puisse avoir, grâce à la politique de la formation continue, un cours qui pourra se donner pour que cette personne, rapidement, puisse avoir les compétences pour occuper l'emploi qui est disponible dans la région, 33 000 emplois dans Chaudière-Appalaches, c'est 600 000 dans tout le Québec. Alors, il faut qu'il y ait l'arrimage obligatoirement entre le ministère de la Solidarité sociale et les autres ministères qui ont des gestes à poser.
Je prenais Ma Place au soleil: une jeune femme qui est prestataire, qui est enceinte, qui est seule chez elle, on a réussi à faire en sorte que trois réseaux travaillent ensemble pour répondre aux besoins spécifiques de cette jeune mère de famille. Aujourd'hui, elle a complété ses études puis elle a un emploi, puis son enfant a un service de garde à proximité. Donc, on a permis à cette personne d'aller de l'avant.
Autre exemple, Solidarité jeunesse. On avait 8 000 jeunes qui étaient admissibles, le 1er septembre de l'an 2000, pour recevoir une prestation d'aide de dernier recours. Sur ces 8 000 jeunes aujourd'hui, on en a 85 % qui ne le sont plus, prestataires: retournés aux études ou ils occupent un emploi ou ils sont en train de faire, ce que je dirais, se refaire une santé. Ça a été une approche différente. Plutôt que de laisser cette personne à elle seule avec un chèque, on lui a dit: On va t'offrir autre chose.
Je prends un exemple, par exemple: celui ou celle qui occupe un emploi à salaire minimum qui se retrouve avec des enfants. Bien, cette personne, elle a besoin d'être soutenue par différentes mesures. On a un programme APPORT qui permet justement d'aider pour le logement.
Dans le cadre de la stratégie, si quelqu'un aujourd'hui occupe un emploi à un salaire, exemple, salaire minimum et puis qu'il gagne un peu plus, souvent il se retrouvait à être pénalisé versus le coût de son loyer, donc il y a des ajustements qui ont été faits. Dès que quelqu'un améliore sa situation financière, bien, on ne le pénalise pas, on l'aide justement pour que ça vaille la peine de faire ces efforts.
Alors, je ne sais pas si ce sont des exemples bien concrets pour saisir...
Mme Poirier (Dominique): C'est beau? D'accord. Rick Kalb.
M. Kalb (Richard): Mme Goupil, à part l'argent pour les gens qui sont des prestataires de l'aide sociale puis une obligation de sortir un plan d'action, qu'est-ce qu'il y a, concrètement, dans la loi, pour le monde qui est pauvre mais qui travaille?Mettons une personne qui gagne 22 000 $ par année, qui a trois enfants et une femme qui doit rester chez elle parce qu'un des enfants ne peut pas... a besoin de garde, qu'est-ce qu'il y a pour cette personne qui est honnête, qui travaille, qui essaie de s'avancer mais qui est en effet pauvre?
Mme Goupil: Bon, alors, il y a plusieurs éléments qui se travaillent actuellement pour répondre aux personnes...
M. Kalb (Richard): Non, mais, dans la loi, dans la loi.
Mme Goupil: Actuellement, dans la loi, il y a cette reconnaissance et l'engagement de faire en sorte que nous travaillons pour définir, au cours des deux prochaines années, quel sera le revenu de solidarité que chaque citoyen aurait besoin pour répondre à leurs besoins essentiels.
Alors, le comité consultatif aura à travailler, c'est un mandat spécifique qu'il aura à travailler pour dire quel serait ce revenu que cette famille aurait besoin pour se retrouver non pas en-dessous du seuil de pauvreté mais au-dessus, parce que certaines de ces personnes se retrouvent dans le groupe de personnes vivant la pauvreté. Alors, ce qu'on veut faire, on veut être capable de le définir ensemble.
Cette personne, avec la Loi sur les normes du travail qui est en train de se travailler parce qu'on va avoir des améliorations importantes si nous pouvons...
M. Kalb (Richard): La loi sur la pauvreté?
Mme Goupil: Oui. Mais la loi sur la pauvreté là, quand on parle que c'est une colonne vertébrale, que c'est notre colonne qui permet que tous les gestes qui seront posés au niveau de l'action gouvernementale doivent tenir compte et se rattacher de ce cadre-là pour la suite des choses, alors, on...
M. Kalb (Richard): La loi sur le travail, on l'a déjà eue.
Mme Goupil: Pardon?
M. Kalb (Richard): On l'a déjà eue, la loi sur le travail puis sur les normes du travail. Qu'est-ce qu'il y a dans la loi sur la pauvreté? Septembre prochain, mettons septembre prochain, cette famille qui gagne 20, 22 000 $, trois enfants, homme et femme honnêtes qui essaient de s'avancer, qu'est-ce qu'ils vont faire quand leurs enfants vont à l'école et ils ont besoin d'acheter des souliers, des vêtements? Qu'est-ce qu'il y a dans la loi qui va aider cette famille pauvre?
Mme Goupil: D'abord, je vous dirais, l'obligation de regarder l'aspect financier par rapport à cette famille, parce qu'on sait qu'il faut aussi travailler sur la fiscalité. On a pris l'engagement de faire en sorte qu'avec le ministère des Finances et le ministère de la Famille, de voir quelle est l'approche qui permettrait justement de faire en sorte que cette famille puisse atteindre un revenu de solidarité faisant en sorte qu'elle ne se situe pas dans les caractéristiques des personnes pauvres. Il y a plusieurs fronts: APPORT, qui est un programme justement pour aider les familles, le supplément garanti qu'on vient de promouvoir pour les cinq prochaines années. Peut-être que cette famille y a droit là, il faudrait prendre le temps de le regarder. Si vous me donnez votre exemple...
M. Kalb (Richard): Dans la loi, septembre prochain, cette famille n'aurait rien de plus à cause de cette loi. C'est ce que vous êtes en train de me dire.
Mme Goupil: Non, je ne suis pas d'accord avec vous. D'abord...
M. Kalb (Richard): ...
Mme Goupil: Mais si vous me permettez, je vais juste vous répondre, s'il vous plaît, là. O.K.? On a une loi dans laquelle on a reconnu des principes qui changent des choses immédiatement pour des personnes vivant des situations de pauvreté qui sont peut-être encore plus pauvres que toutes les autres. Pour les autres personnes, on a un plan d'action où on s'est engagé à poser des gestes concrets dans les 60 jours de l'adoption de la loi pour essayer de répondre. On ne pourra pas répondre tout en même temps, mais corriger des situations pour qu'il demeure toujours plus payant pour une personne d'occuper un emploi puis d'avoir le soutien nécessaire pour lui permettre justement d'avoir un revenu, pas un revenu pour être riche, mais un revenu pour lui permettre justement de ne plus être dans le groupe de personnes qui sont en deçà de ce seuil de revenu où on la considère comme étant une personne pauvre. Et on a pris l'engagement aussi de faire en sorte que nos mesures vont soutenir la famille. Est-ce que ça pourrait être une allocation plus élevée? Peut-être que ça pourrait être cette réponse. Mais donnons-nous, là, le temps de reconnaître que d'avoir dorénavant un projet de loi qui oblige que toutes mesures gouvernementales dans l'avenir qui vont être posées doivent considérer particulièrement l'impact chez les personnes qui se situent... qui ne vivent pas de façon très riche, mais qui ont des faibles revenus. Alors, si vous nous demandez en janvier 2003, ce n'est pas à cette personne-là que ça va donner un résultat immédiat, mais il y a plusieurs mesures gouvernementales qui, actuellement, peuvent répondre à cette famille.
Est-ce que ça répond à la hauteur que ce que ces gens-là espéraient demain matin? La réponse, elle est non, parce que nous avons actuellement des problèmes financiers énormes – et vous le savez. Quand on parle du déséquilibre fiscal, là, dès janvier ça nous atteint, nous-mêmes, tous dans nos ministères.
Alors, ce qu'on veut faire avec cette loi, trois groupes de personnes où on veut les soutenir et les aider. Est-ce que ce sera par le programme APPORT, de l'aide au logement? Est-ce que ce sera par une mesure directe pour permettre à ces gens de retourner à l'emploi? Je ne peux pas vous répondre immédiatement mais je peux vous dire qu'on a cette série de mesure actuellement qui aident beaucoup de personnes à se sortir de la pauvreté.
Mme Poirier (Dominique): J'ai deux autres questions et Jean Thivierge veut revenir aussi après. John Grant.
Mme Goupil: Oui.
M. Grant (John): Est-ce que je comprends bien que ce qu'on a aujourd'hui c'est le principe et qu'on reviendra dans 60 jours pour quelque chose de plus concret?
Mme Goupil: Oui. Il y a... Je vais vous dire, on a le principe qui est le revenu de base, d'introduire ce revenu de base dans la loi, vous avez raison, on le reconnaît dans la loi. Mais, on ne fait pas juste le reconnaître dans la loi, on pose un geste concret. Le partage du logement est une pénalité de 50 $ par personne qui faisait en sorte que s'ils décidaient d'aller vivre ensemble pour augmenter leur revenu ils étaient pénalisés. Donc, dès janvier, ces gens-là vont avoir des ajustements. Je vous disais tout à l'heure, pour une personne seule, c'est 108,16 quand on regarde le partage du logement versus l'indexation, c'est ce qu'elle va avoir de plus. C'est une reconnaissance du principe.
Mais, dans le plan d'action, on va aller plus loin encore, on va avoir eu le temps d'aller faire le consensus. Qu'est-ce qu'on fait dans les cas de fraude? Qu'est-ce qu'on fait avec le remboursement de dettes qui ont pu être contractées? Il faut convenir de ces ajustements-là puis c'est ce qu'on veut faire d'ici le plan d'action, d'être capable de le compléter.
Mme Léger: Je voudrais...
M. Grant (John): Dans 60 jours, est-ce qu'il y aura de l'argent neuf?
Mme Léger: Je voudrais compléter M. Grant. Le projet de loi, là... Le projet de loi, il est inscrit dans cinq points particulièrement: les principes fondamentaux qu'on inscrit dans le préambule; les obligations de résultat donc un plan d'action par le gouvernement, par des orientations, des axes d'intervention, des échéances, on s'oblige avec des échéances donc de réduire en 10 ans 50 % de la pauvreté au Québec. C'est ça, c'est dans la loi, là, ça. Un engagement dynamique de la société civile dont les partenaires associés par le comité consultatif et tout. Un engagement des communautés locales et régionales par un fonds spécial tel quel. Je suis allée faire le tour des régions, les gens nous ont demandé: Venez soutenir des projets que nous avons déjà, que ce du transport collectif, que ce soit l'alphabétisation, dépendant des régions qui ont chacun leur couleur, qui ont chacun fait déjà un plan d'action. Beaucoup, beaucoup de régions ont déjà un plan d'action vraiment de planification vraiment pour lutter contre la pauvreté. Et un outil de mesure qu'on se donne de nos progrès. Ce sont les cinq éléments de cette loi-là.
Alors, les régions nous disaient: Arrêtez de faire des mesures par mesure, il y a des trous, là. Vous êtes en silo parfois. Est-ce qu'on peut avoir une approche plus globale? Et, est-ce qu'on peut penser – le revenu de solidarité que ma collègue vous parle – de voir à cette approche-là globale? Alors, c'est ce qu'on vient camper dans une loi. On n'aurait pas la loi, on ne se donnerait par nécessairement cette obligation-là. On pourrait faire des mesures, on pourrait faire des politiques, on pourrait répondre à ce que monsieur a demandé tout à l'heure par rapport à une famille à faibles revenus. On pourrait identifier qu'on décide de faire telle mesure pour les familles à faibles revenus. Mais c'est beaucoup plus grand que ça la loi. La loi vient nous donner toute cette approche-là québécoise dans une vue intersectorielle en essayant d'arrêter d'être en silo, de se parler, d'être cohérent et soutenir des actions locales. C'est ça qu'elle vient faire la loi. Alors, c'est absolument fondamental. Il n'y en a pas une au monde qui s'est fait donnée cette loi-là sauf la France pour l'exclusion sociale. Alors, c'est un pas unique. Je sais qu'on voudrait encore des mesures plus concrètes. On pourrait vous en dire, tout ce qu'on a fait déjà de concret dans différents autres, je pourrais dire, d'autres politiques qu'on a mises sur pied, mais là, on vient de camper, puis ça, c'est fondamental. Il ne faudrait pas penser qu'on fait une loi pour une loi. C'est une loi qui est très, très précise dans ce qu'on campe pour l'avenir des choses et de réduire la pauvreté de 50 % en 10 ans, c'est tout un objectif. C'est un Québec sans pauvreté, ça. C'est tout un objectif.
Mme Poirier (Dominique): Kevin.
M. Dougherty (Kevin): Oui. Mme Goupil, vous parlez d'incitation, vous voulez inciter des gens qui touchent à l'aide sociale maintenant de travailler, si j'ai bien compris. Et c'est pour ça qu'on a parlé des produits pharmaceutiques, par exemple. Mais, je me demande... et aussi l'idée de l'impact, la clause d'impact, je me demande si le gouvernement, ailleurs, a une politique de plein emploi. Est-ce qu'il y a une espèce de coordination entre les deux et comment on prend quelqu'un qui, maintenant, est à l'aide sociale, pour je ne sais pas quelle raison, mais en tout cas à l'aide sociale, pour intégrer cette personne? C'est quoi votre objectif en ce sens?
Mme Goupil: D'abord, dans un premier temps, il y a quelqu'un qui aujourd'hui arrive pour aller chercher de l'aide, aujourd'hui, on va être à même de rencontrer cette personne, de voir quelle est son expertise, son degré de scolarité. Quelles sont les compétences que cette personne a. Immédiatement, il y a un lien qui est fait avec le ministère de l'Emploi. Le ministère de l'Emploi sait maintenant, avec la création d'Emploi-Québec, quel est le nombre d'emplois que nous avons de disponibles dans nos régions, quelles sont les compétences que tu dois avoir pour occuper ces emplois, et là il y a un accompagnement pour justement s'assurer que l'on puisse former cette personne-là pour occuper cet emploi et qu'on lui offre autre chose qu'un chèque d'aide de dernier recours. On a travaillé avec... je vous parlais des jeunes tout à l'heure. On en avait près de 66 000 ciblés, des jeunes de 18 ans, on en a maintenant 33 000 parce qu'on a été capable d'avoir une approche différente avec les jeunes, depuis septembre 2000, où on prend le jeune puis là on le soutient dans sa réalité.
Est-ce que c'est une jeune femme chef de famille seule, qui n'a pas complété son secondaire III? Donc, il faut qu'il y ait cet arrimage avec les différents gouvernements mais avec les gens sur place aussi pour accompagner cette personne. Et, comme au niveau de l'emploi, on s'est fait dire aussi partout que, au niveau de la formation continue, il est important de pouvoir offrir une formation qui correspond aux besoins des employeurs d'une région particulière, de nous assurer que les programmes du ministère de l'Éducation soient ajustés en fonction de la réalité du terrain, toute la formation professionnelle qu'on a pendant des années abandonnée, aujourd'hui il y a un arrimage qui est fait avec les partenaires du marchés – Mme Maltais pourrait vous en parler beaucoup mieux que nous – où tous les partenaires sont autour de la table, identifient les priorités.
Je vous donne un exemple aussi qui fait que, ou on travaille en réseau pour être capable d'amener ces jeunes au travail ou aux études puis qui sont situés sur un territoire, ou, s'il n'y a pas de transport en commun pour être capable de l'amener, bien là, ils ont développé des outils avec du transport collectif. Il y en a sept projets-pilotes dans ma région qui ont été justement pour répondre aux besoins des étudiants, des personnes plus âgées. Donc, c'est des nouvelles formules qui ont été adaptées dans des régions, on s'en inspire. Et, dans ce contexte-là, ça a donné des résultats, puis c'est cette approche qui dorénavant sera obligatoire pour la suite des choses pour les personnes qui se retrouvent dans cette situation de pauvreté.
M. Dougherty (Kevin): Mais on parle de couper 50 % dans une période de 10 ans, mais combien de monde qui sont maintenant... qui touchent l'aide sociale pourraient être subventionnés quand même?
Mme Goupil: Je vais vous dire, je n'ai pas apporté mon petit tableau, mais je pourrai vous répondre de façon spécifique. Nous avons actuellement réduit de près de 50 %, comme je vous disais, les jeunes qui étaient prestataires, qui ne le sont plus. On sait que, depuis les cinq dernières années, c'est 30 % de gens qui ne sont plus prestataires de l'aide sociale aujourd'hui, qui sont retournés en emploi. Ce qu'on constate, par exemple, c'est qu'il y a un noyau plus difficile actuellement. Les personnes qui sont demeurées prestataires et qui sont éloignées du marché du travail depuis de nombreuses années ont des problématiques beaucoup plus complexes, un taux de scolarisation peu élevé. Il faut dire là, quand ça fait un certain nombre d'années que tu n'as pas été sur le marché du travail, avec la réalité d'aujourd'hui, la vitesse avec laquelle les nouveaux outils... Ce n'est pas tout le monde qui peuvent être au même degré de productivité.
On a développé une formule à Trois-Rivières, avec COMSEP, où ils ont accompagné des gens qui avaient quatre critères pour éloigner du marché du travail: plus de 45 ans, scolarisation moins d'un secondaire, qui avaient eu certaines difficultés et qui fait qu'ils sont depuis trois, quatre ans, qu'ils étaient prestataires. Ils les ont accompagnés par des équipes pour être capables d'aller rencontrer ces gens, leur permettre de vérifier leurs intérêts, leurs compétences et ils ont réussi à faire en sorte que ces gens occupent des emplois. Mais, le temps de productivité, pour produire, par exemple – je prends toujours l'exemple qu'ils m'ont donné – les petites carottes pour fournir un buffet, bien, au lieu de prendre 10 minutes pour les faire, ça prend peut-être 40 minutes. Elles sont faites correctement puis elles sont bien droites.
Alors, ils ont besoin d'avoir de l'aide pour soutenir l'entreprise qui, dans sa productivité, ne peut pas répondre aussi rapidement aux besoins d'une entreprise à un coût le plus bas possible. Donc, ils ont besoin d'avoir une aide directe de l'État pour soutenir non pas l'entreprise, mais une aide salariale à la personne qui occupe un emploi, mais avec une productivité qui est un peu moins grande. Alors, c'est autant de mesures qui ont fonctionné et les gens sont venus nous dire: Vous savez, on est bien chanceux de pouvoir avoir bénéficié de scolarité, d'être à l'aise avec les nouveaux outils aujourd'hui, la nouvelle technologie, et tout ça. Mais ce n'est pas tout le monde qui peuvent être capable puis on a besoin de tous les corps de métiers. On a besoin que chaque personne qui aujourd'hui est disponible à occuper un emploi, qu'on lui permette, en termes de formation, d'avoir les outils nécessaires pour l'occuper cet emploi. Puis, vous savez, aujourd'hui quels sont les emplois qui ne demandent pas un secondaire V? Alors, il fait en sorte qu'il y a des gens qui, lorsque ça fait trois, quatre ans qu'ils sont éloignés du marché du travail, qui ont certaines difficultés d'apprentissage, bien, il faut être capable de leur dire: Écoutez, on a besoin de vous. Vous êtes capables quand même de réussir. Il faut être capable de les accompagner, mais il faut être capable d'avoir une mesure.
Et avec Emploi-Québec, qui est partie prenante de façon extraordinaire, on sait les emplois qu'on aura de disponible, on sait la formation puis on va accompagner les gens pour les diriger dans des emplois qu'ils seront capables d'occuper, mais qu'ils auront aussi la formation pour occuper ces emplois.
Mme Poirier (Dominique): J'ai encore trois questions. Robert Plouffe.
M. Plouffe (Robert): Mme Goupil, rapidement, parce que ça s'étire, s'il vous plaît. Barème plancher, vous avez inscrit le principe, mais quel est-il et quand sera-t-il appliqué? Ça, pouvez-vous me répondre?
Mme Goupil: Le barème plancher, actuellement, il est presque totalement appliqué, parce qu'il n'y a à peu près plus de coupures qui sont instaurées. Une des coupures importantes qui nuisait énormément, c'est la coupure pour le partage du logement, 50 $. Quand je vous disais tout à l'heure que, dès le mois de janvier, ces gens-là vont se retrouver avec des montants qui peuvent aller jusqu'à 108 $, donc c'est une mesure concrète. Maintenant, la définition complète du barème plancher dans le plan d'action, on a l'obligation de la définir.
M. Plouffe (Robert): Si vous me dites que c'est à peu près respecté maintenant, donc c'est quoi, le montant exact?
Mme Goupil: Bien. Actuellement, je vais vous dire... Excusez-moi, je n'ai pas ma fiche avec moi. C'est 535, je pense? Je vais vous le donner.
Mme Léger: 537.
Mme Goupil: 537 exactement.
M. Plouffe (Robert): 537 $.
Mme Goupil: Oui, dollars.
M. Plouffe (Robert): Par...
Mme Goupil: Pour une personne seule.
M. Plouffe (Robert): Par mois.
Mme Goupil: Oui. Vous l'avez. O.K.
M. Plouffe (Robert): Et dans le même sens, là, pour ce qui est de... je veux revenir avec les médicaments. Être malade, Mme Goupil, ce n'est pas un choix, alors la personne qui n'a pas les moyens de se payer des médicaments, les personnes qui sont sur l'aide sociale... vous parlez d'un noyau dur. Ce noyau dur là, s'ils se retrouvent à être obligés de payer ces médicaments, est-ce qu'ils ne sont pas, dans le fond, pénalisés également?
Mme Goupil: Ce noyau dur actuellement n'a pas à payer, absolument pas, pour les médicaments. Les personnes... ce qu'on dit, les personnes avec contrainte sévère, celles qui malgré toute bonne volonté ne peuvent pas s'en sortir, ils n'ont pas à payer les médicaments actuellement. Les personnes âgées qui reçoivent le supplément du revenu parce qu'elles sont dans des situations de grande vulnérabilité n'ont pas à payer non plus. Alors, je vous dirais que – et vous avez raison – que c'est important qu'on soit capables d'offrir l'ensemble des soins aux personnes et l'assurance médicaments. Et il faut penser que quand on l'a mise de l'avant cette assurance médicaments, il y avait des centaines d'enfants et de familles qui n'avaient pas aucune couverture. Aujourd'hui, c'est 1,7 million de personnes qui ont une couverture d'assurance.
Et si nous avions eu, je vais vous dire, tous les moyens financiers pour répondre à toutes les demandes légitimes, solidairement les femmes et les hommes du Québec auraient répondu oui. Il ne faut jamais oublier que, comme élus, ce sont les impôts des contribuables du Québec qui sont utilisés en solidarité pour répondre aux besoins, puis on a choisi ce qui était le plus structurant, de réussir à faire en sorte qu'on reconnaisse ce barème plancher en-deça duquel on considère qu'on ne peut pas couper, mais surtout qu'on soit capables d'accompagner les gens pour qu'ils sortent de l'aide sociale, pour être capables de faire en sorte qu'ils gagnent leur vie. C'est ça le principe de la loi, c'est ce principe qui nous a habités pour être capables d'aller chercher le maximum. Et l'assurance médicaments, bien, il est évident que nous avons, avec notre collègue, fait en sorte que le plus grand nombre puissent être couverts et c'est un petit nombre de personnes.
Puis il y a des gens, je pourrais vous dire qu'avec le ministère de la Solidarité sociale, si quelqu'un se retrouve dans une situation où il a véritablement besoin de ses médicaments, on finit toujours par trouver des solutions parce qu'on ne laisse personne de côté. Les intervenants ont cette possibilité, on travaille avec les réseaux, avec les communautés. Puis, je vais vous dire, on fait beaucoup de travail individuellement avec les gens en fonction de leur réalité et de leur situation.
Mme Poirier (Dominique): Rapidement, Jean Thivierge.
M. Thivierge (Jean): Je veux revenir sur la question du revenu de solidarité, est-ce que je me trompe en pensant que... est-ce que c'est synonyme de revenu minium garanti, un? Et il va être défini quand et de quelle façon ce revenu de solidarité?
Mme Goupil: Le principe qu'on a reconnu dans la loi actuellement c'est la prestation de base, ce qu'on pourrait appeler le barème plancher. Le barème plancher, c'est un revenu minimum où on dit en-deça de ça on ne couperait pas. Alors, ça, c'est le premier. Le revenu de solidarité, c'est un seuil de revenu qu'on veut définir ensemble avec la société, avec le Comité consultatif, avec l'Observatoire...
M. Thivierge (Jean): Quand est-ce qu'il va être défini?
Mme Goupil: Bien, je vais vous dire, on veut avoir les indicateurs, ça va être un des premiers mandats qui va être confié au Comité consultatif et à l'Observatoire et on veut être capables, d'ici une période de deux ans, au moins être capables d'avoir les indicateurs pour nous dire quel serait ce revenu de solidarité. Pour une personne seule, pour une famille, pour des chefs de familles monoparentales, pour une personne âgée, et on a déjà actuellement des mesures. Il y en a trois, au niveau international, mais on veut être capable de convenir de ce revenu-là en solidarité avec la société civile.
Mme Ormaechea (Maité): Est-ce qu'on peut essayer en anglais? Est-ce qu'il y a quelqu'un là... Mme Goupil, est-ce que vous pouvez essayer en anglais pour nous?
Mme Goupil: Oui, pour vous répondre en français, oui.
Mme Ormaechea (Maité): Pour répondre en français?
Mme Goupil: Oui.
Mme Ormaechea (Maité): Ah! Non. Ça va, je veux en anglais.
La modératrice: Pas de question, Maité?
(Fin à 12 h 52)