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Version finale

30th Legislature, 2nd Session
(March 14, 1974 au December 28, 1974)

Thursday, June 20, 1974 - Vol. 15 N° 104

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 22 — Loi sur la langue officielle


Journal des débats

 

Commission permanente de l'éducation,

des affaires culturelles et des communications

Etude du projet de loi no 22

Loi sur la langue officielle

Séance du jeudi 20 juin 1974

(Dix heures huit minutes)

M. LAMONTAGNE (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs!

Je voudrais d'abord informer les membres de la commission des changements dont on m'a avisé. M. Springate (Sainte-Anne) remplace M. Bérard (Saint-Maurice); M. Tardif (Anjou) remplace M. L'Allier (Deux-Montagnes); M. Séguin (Pointe-Claire) remplace M. Parent (Prévost); M. Beauregard (Gouin) remplace M. Phaneuf (Vaudreuil-Soulanges), et les autres membres de la commission sont les suivants: M. Charron (Saint-Jacques), M. Déom (Laporte), M. Cloutier (L'Acadie), M. Hardy (Terrebonne), M. Lapointe (Laurentides-Labelle), M. Morin (Sauvé, M. Roy (Beauce-Sud), M. Veilleux (Saint-Jean).

M. SAMSON: M. le Président, je voudrais présenter une motion pour changer le nom de M. Roy par celui de Samson.

M. HARDY: Nette amélioration! UNE VOIX: On ne se plaindra pas.

M. SAMSON: On en revient à ce qui était originellement.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Donc, M. Samson (Rouyn-Noranda) remplace M. Roy (Beauce-Sud) qui, effectivement, remplaçait déjà le député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: Vous avez raison.

M. HARDY: Cela n'a pas été une heureuse initiative.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Pour le bénéfice de nos...

M. SAMSON: Ne commencez pas.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... invités d'aujourd'hui, je voudrais peut-être rappeler une règle de pratique quant au mode de convocation des organismes à la commission parlementaire. Il est d'usage normal et reconnu dans une commission parlementaire que tous les organismes devant être entendus au cours d'une journée sont convoqués pour la même heure le matin, soit pour dix heures. Malheureusement, il est évident que tout le monde ne passe pas à la même heure. Selon un exemple qu'on m'a soufflé à l'oreille tout à l'heure, c'est la même situation que lorsque des témoins sont convoqués à une cour; ils le sont tout à la même heure, quelle que soit l'heure à laquelle ils vont être entendus. Ce matin, cependant, on peut vous donner un aperçu de ceux qui vont être entendus, suivant une entente...

M. CHARRON: Cordiale.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... cordiale intervenue entre les partis. Trois organismes pourraient être entendus ce matin, soit The Montreal Board of Trade, Provincial Association of Protestant Teachers of Quebec et le Congrès canadien polonais. Pourquoi le Congrès canadien polonais apparaît-il en dernier lieu? Déjà cet organisme avait été convoqué, mais à cause d'une erreur technique, il n'avait pu être entendu au cours d'une journée. C'est donc la deuxième fois, aujourd'hui, qu'il apparaît devant notre commission. Je vous fais donc part de l'entente intervenue entre les membres de la commission.

J'inviterais le porte-parole du Montreal Board of Trade à s'identifier ainsi que ceux qui l'accompagnent.

Montreal Board of Trade

M. HUGGETT: M. le Président, membres honorables de ce comité, mesdames et messieurs, je suis Donald Huggett, président du Montreal Board of Trade. Il me fait plaisir de présenter les membres de notre délégation qui sont, à ma gauche, M. Claude Tétreault, président de notre comité d'étude; à ma droite, M. Bernard Finestone, trésorier du Board et M. Lorne Tracy, directeur général du Board et, son adjoint, M. Alex Harper.

The Montreal Board of Trade is pleased to be able to appear before you to support and, if deemed necessary, to elaborate upon our brief relating to the Official Language Act.

With your permission, Mr Chairman, I would like to read our submission into the record.

The Montreal Board of Trade's prime concern, since its founding in 1822, has been the commercial and industrial well-being of the City of Montreal, in particular, and the Province of Quebec and Canada, in general.

The membership of the Board consists of approximately 2,900 firms in Montreal and its environs, working in both the French and English milieu, with over 8,000 representatives whose interests range through manufacturing, distribution, finance, transportation, construction and the professions.

Tel qu'il l'a déjà indiqué à plusieurs reprises, le Board estime que les principaux éléments de toute politique linguistique gouvernementale devraient consister à :

I — Tendre à réaliser les objectifs du Québec en ayant recours à des incitations plutôt qu'en imposant des sanctions et encourager l'usage du

français, sans pour autant limiter l'usage de l'anglais, là où il est nécessaire.

II— Doter le Québec d'un système efficace d'enseignement des deux langues, afin que les nouveaux diplômés puissent s'exprimer couramment en anglais et en français.

III— Eviter de recourir à toute contrainte découlant des mesures législatives ou administratives auxquelles pourrait donner lieu une interprétation arbitraire de la part du personnel administratif non élu.

Compte tenu de ces objectifs, le Board estime qu'un certain nombre de dispositions du projet de loi 22 touchant la langue de l'administration provinciale, de même que la langue du travail et des affaires, répondent à ces critères et sont acceptables aux yeux de la collectivité d'affaires.

However, in order to foster an environment of strong economic activity, to continue to identify Montreal as an appropriate head office locale for national and multinational companies and to identify the Province of Quebec to all business as a desirable place in which to grow and prosper, the Board respectfully submits that the proposed Act should be modified to encompass the following points:

I.The Board is opposed to the institution of "francization" certificates as contemplated in the bill because of the strong possibility of discrimination and abuse. If certificates are to be introduced at all, they should only be used as a means of qualifying their recipients for subsidies, grants and guidance in connection with "francization" programmes. In any event, certificates should certainly not be required to obtain "permits" or to meet other legal requirements which may be necessary for the carrying on of a business or a profession and which are in most cases of the nature of "rights" rather than "privileges".

The Board reaffirms its belief that incentives rather than coercion have a far greater chance of accelerating the progress already made in obtaining greater participation of Francophones at all levels of business enterprises in Quebec.

II.The languages of instruction should be explicitly stated to be both French and English. in. The right of all parents to decide the language of instruction of their children should be clearly affirmed.

IV. If, on the other hand, the children of future immigrants who do not have sufficient knowledge of English are required to receive instruction in French, the Board has serious reservations about the adverse effects of such a policy upon immigration and the economy of this Province in future years. It is understood that the Government may believe this move to be necessary in the light of the drop in birth rate in Quebec in recent years and the enrollment of most children of immigrants in the English schools, but the situation should be watched carefully.

V. Those receiving their education must have an opportunity to acquire a sufficient knowledge of oral and written English, just as those receiving education in English must acquire a sufficient knowledge of oral and written French.

In this Board's view, it is essential, both from a business and a cultural point of view, that Quebecers be bilingual in French and English.

The bill, as drawn, might have serious consequences for francophones in that the anglophones would be more likely to become bilingual and thus be in a more favourable position in the labour market.

VI- As successfully provided elsewhere, for example, the Collective Agreement Decrees Act, provision should be made for regulations under bill 22 to be published in proposed form in the Quebec Official Gazette, with notice that any amendments may be proposed by interested parties within 30 days of such publication. If, by the end of the notice period, any suggestions are received, the Minister may order an enquiry to determine if the recommendations are well founded. If no amendments are proposed, the order to establish the regulations could come into effect from the subsequent date of publication in the Quebec Official Gazette or from any other date that might be set.

VII- Because the ultimate application of many of the provisions of the proposed legislation will rest on ministerial discretion and administrative decision, this Board recommends that, to minimize potential problems stemming from arbitrary interpretative determinations, a "Languages Ombudsman" for both languages be constituted in the legislation.

Tout en comprenant les raisons qui ont motivé le gouvernement à établir une politique linguistique définitive, le Board est convaincu que si cette politique devait causer une entrave indue à l'utilisation de l'anglais dans le domaine des affaires, elle causerait un tort immense à la croissance économique de la région montréalaise et du Québec en général. Les sièges sociaux des entreprises nationales et internationales, ainsi que les bureaux desservant une clientèle anglophone importante, sont d'une importance vitale pour Montréal et le Québec. Aussi faut-il veiller à maintenir un climat qui soit favorable à leur croissance au sein de la province.

That, Mr Chairman, is our submission.

I would say that this Board has been in existence as a viable and important organization since 1822, some one hundred and fifty two years and our prime and major concern has been and is today directed towards the economic advancement of the city of Montreal and its environs.

As such, we are neither Anglophone or Francophone. Our mandate is to speak for business in Montreal and its vicinity and to see that business per se is not disadvantaged in our milieu.

Our delegation is now prepared for questions and I am going to ask M. Claude Tétreault to respond for us, since as chairman of our study committee, he was involved in the preparation of the brief from the beginning to end and as well is equally versatile in both languages.

Mr Chariman, the Board delegation is at your disposal.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Merci. Avant de procéder à la période des questions, je voudrais vous informer que j'avais oublié de nommer M. Saint-Germain, député de Jacques-Cartier, comme membre de la commission et je voudrais faire part à la commission que M. Tremblay, député d'Iberville, remplace M. La-pointe, député de Laurentides-Labelle.

Le ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: M. le Président, je remercie The Montreal Board of Trade pour la présentation de son mémoire. J'ai une remarque à faire et une question à poser. La remarque est la suivante : A la page 4 de la version française du mémoire, je note les points 6 et 7 qui me paraissent constituer des recommandations intéressantes. Le gouvernement en tiendra certainement compte. J'ai toujours dit que, même si le gouvernement n'avait pas l'intention de modifier le principe de ce projet de loi, qui est un principe basé sur la justice, l'équité, il était très certainement disposé à revoir certaines des modalités, si des suggestions valables lui étaient faites.

C'est dans cet esprit que nous allons étudier ces deux recommandations comme nous avons d'ailleurs retenu un bon nombre de recommandations faites par d'autres témoins devant cette commission.

Ma question est la suivante: En me référant toujours à la page 4 de la version française de votre mémoire, au numéro 6, je note que The Montreal Board of Trade dit comprendre le gouvernement qui a établi une politique linguistique. En somme, The Montreal Board of Trade semble admettre la nécessité d'une politique linguistique.

Cependant, si on lit le reste du mémoire, on est presque poussé à la conclusion que le Board of Trade préférerait qu'il n'y ait pas de politique linguistique, parce que la plupart des suggestions qui sont faites semblent annuler l'effet de la politique linguistique telle que comprise dans le projet de loi 22. Ma question est la suivante: Comment pouvez-vous expliquer ce qui, au premier abord, me paraît être une certaine contradiction et est-ce qu'au fond vous n'êtes pas satisfait de la situation actuelle, et que vous ne préféreriez pas qu'elle continue sans intervention législative?

M. TETREAULT: M. le ministre, si vous tournez à la page 2, il y a le paragraphe qui commence ainsi: Compte tenu de ces objectifs, le Board estime qu'un certain nombre de dispositions du projet touchant la langue sont acceptables. Nous n'avons pas énuméré toutes ces dispositions, mais, pour répondre à votre question, si nous avions énuméré tout ce qui était acceptable, ce serait peut-être autant que ce qui ne l'est pas.

M. CLOUTIER: Pourriez-vous quand même élaborer un peu là-dessus? Qu'est-ce qui vous parait acceptable? Vous avez dans votre mémoire établi des réserves en ce qui concerne surtout les certificats de refrancisation.

M. TETREAULT: Certainement, M. le ministre. Pour commencer, aux chapitres I et II, langue de l'administration publique, langue des entreprises d'utilité publique, d'une façon générale, nous sommes d'accord sur les dispositions en ce qui concerne la priorité du français. Maintenant, il y a deux exceptions.

M. CLOUTIER: Dans votre esprit, il s'agit vraiment d'une priorité donnée au français dans le cadre de ce projet de loi?

M. TETREAULT: Oui.

M. CLOUTIER: Parce qu'un certain nombre de témoins ont prétendu qu'il n'y avait aucune priorité donnée au français, qu'il s'agissait au contraire de bilinguisme.

M. TETREAULT: Non, ce n'est pas ce que nous prétendons.

M. CLOUTIER: Bon.

M. TETREAULT: Mais, d'une façon générale, sur les chapitres I et II, nous sommes d'accord. Il y a deux exceptions: à l'article 8, on parle d'énumérer des textes officiels, mais, dans la version anglaise, on ne dit pas quels textes seront énumérés. Je crois qu'il devrait y avoir un amendement pour cela. Nous nous référons deuxièmement aux article 12 et 19. A l'article 12, la langue officielle est la langue de communication interne de l'administration publique. Or, l'administration publique comprend les universités. Je vois mal comment les professeurs de l'université McGill, par exemple, peuvent se parler en français. Alors, je crois qu'il doit y avoir certaines exceptions.

A l'article 19, la même chose; dans les hôpitaux anglophones, on ne peut pas s'attendre que tout se fasse en français.

Maintenant, passons au chapitre III: La langue du travail. Les articles 25 à 30. Nous sommes d'accord sur les principes contenus dans ces articles avec une exception. En cas d'un grief d'un anglophone, par exemple, qui donnerait lieu à un arbitrage, je vois mal pourquoi l'arbitrage ne se ferait pas en anglais pour un individu. Vu qu'il a le droit de poser sa plainte en anglais, pourquoi n'aurait-il pas droit

à un arbitrage en anglais? Je ne parle pas de compagnies. Je parle d'un individu.

Chapitre IV: La langue des affaires. D'une façon générale, nous sommes d'accord sur ce chapitre. Il y a une exception au moins et c'est à l'article 40 où il s'agit de l'usage du français qui ne peut pas être exclusif, à notre point de vue. C'est l'étiquetage des produits. Alors, je vous résume un peu ce que nous approuvons dans le bill.

M. CLOUTIER: C'est-à-dire que vous approuvez l'ensemble du projet, sauf ce qui concerne le chapitre V. Vous êtes d'accord sur les chapitres I, II, III, IV, avec des modalités qui sont, somme toute, davantage des points d'éclaircissement.

M. TETREAULT: Excusez, M. le ministre. Nous sommes contre les certificats de francisation.

M. CLOUTIER: Vous restez contre les certificats de francisation, c'est-à-dire l'utilisation du pouvoir économique du gouvernement pour refranciser les entreprises.

M. TETREAULT: Cela, nous sommes contre. Nettement contre.

M. CLOUTIER: Alors, je vous remercie.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. MORIN: Messieurs, comme première question, j'aimerais vous demander si le dossier "N" du rapport Gendron qui porte sur les sièges sociaux, les centres de décision, à Montréal, a été porté à votre attention. En particulier, êtes-vous familiers avec les chiffres qui sont donnés à la page 8 de ce dossier, où l'on peut lire ce qui suit: En ce qui concerne la présence des francophones dans les sièges sociaux montréalais et la répartition entre anglophones et francophones, on constate grosso modo que, pour chaque catégorie de salaire en commençant par les salaires les plus bas, on obtient ce qui suit: pour les salaires de moins de $10,000, on trouve deux anglophones pour un francophone.

Pour les salaires de $10,000 à $15,000, on trouve trois anglophones pour un francophone. Pour les salaires de $15,000 à $20,000, quatre anglophones pour un francophone. Enfin, pour les salaires de plus de $22,000, on trouve six anglophones pour un francophone. J'aimerais connaître les explications que le Board of Trade pourrait donner de la condition des francophones dans les sièges sociaux montréalais.

M. TETREAULT: C'est une question très générale que vous me posez. Il n'y a aucun doute qu'il y a des statistiques, vous venez de les mentionner, je ne les ai pas étudiées dernièrement. Tout ce que je peux répondre à ça, c'est qu'il y a eu un progrès assez considérable qui s'est fait dans ce domaine depuis quelques années. Je ne peux pas vous répondre davantage que ça. J'espère que ça va continuer.

M. MORIN: Est-ce que vous pouvez nous donner des chiffres tout de même? Vous faites une affirmation que je trouve intéressante, mais que j'aimerais pouvoir quantifier.

M. TETREAULT: Malheureusement, je ne peux pas vous... Je le vois simplement dans mon entourage, si vous voulez. C'est une réponse personnelle que je vous donne.

M. MORIN: Qu'est-ce que vous entendez par votre entourage? Le Board of Trade ou...?

M. TETREAULT: Seulement la publicité qu'on voit dans les journaux, les nominations qui se font aujourd'hui, accordées à des Canadiens français qui, autrefois, ne l'étaient pas. Il s'est fait un gros changement de ce côté.

M. MORIN: II y a quelque temps, la Chambre de commerce de Montréal, avec laquelle, j'imagine, vous entretenez des rapports cordiaux...

M. TETREAULT: Oui.

M. MORIN: ...avait soutenu que le nombre de postes de décision dans les grandes entreprises devrait correspondre, devrait être proportionnel à la part respective des francophones et des anglophones dans la population du Québec. Cela aurait donné 80 p.c. ou 85 p.c. des postes, disait la Chambre, qui seraient détenus par des francophones. Est-ce que le Board of Trade est favorable à une telle distribution des postes de direction?

M. TETREAULT: Nous n'avons jamais discuté de ce problème, je ne peux pas vous répondre de la part du Board of Trade ce matin, M. Morin. Vous me posez une question, on n'en a jamais discuté.

M. MORIN: Cela ne vous avait pas frappé à l'époque, cette déclaration de la chambre de commerce? Pourtant, ça touche de très près les questions dont vous venez nous entretenir dans ce mémoire.

M. TETREAULT: Je vous répète ce que je vous ai dit tout à l'heure, je crois qu'il y a eu un effort considérable qui s'est fait dans ce domaine. C'est tout ce que je peux vous répondre. Ce ne sont pas des statistiques acquises.

M. MORIN: Si vous ne pouvez me répon-

dre, peut-être que votre président, M. Huggett, dont j'ai reçu une lettre fort intéressante d'ailleurs, pourrait nous dire ce qu'il est enclin à en penser. Est-ce que les entreprises anglophones, qu'elles soient canadiennes, québécoises ou multinationales, établies au Québec seraient prêtes, éventuellement — vous avouerez que c'est une question importante — à accepter que les postes de direction, dans ces entreprises, soient accordés en nombre proportionnel aux francophones du Québec, c'est-à-dire qu'on leur donne entre 80 p.c. et 85 p.c. des postes de commande éventuellement?

Est-ce que vous acceptez cela en principe ou si vous le refusez d'avance?

M. HUGGETT: Mr Morin, let me start by saying this: Most "sièges sociaux", head offices — call them what you will — would be quite prepared to have proper proportional representation of Francophones at their upper levels. There is no question of discrimination or anything else, but I would add that business is business and it is not a question of whether an individual is a Francophone or an Anglophone as to whether he will be promoted; it is a question as to his ability in the business field.

M. MORIN: Est-ce que nous devons conclure de la situation actuelle où seulement 15 p.c. des postes de commande sont entre les mains de francophones, qu'ils n'ont pas autant que les anglophones les aptitudes aux affaires? Est-ce qu'il n'y aurait pas d'autres obstacles à leur montée dans le monde des affaires?

M. HUGGETT: I certainly do not know if it is any. Any of the companies with which I have been associated, I have seen, are quite prepared and quite happy to have Francophones, they are looking for Francophones. Really in the business field, I do not see any obstacles. Now, obviously there is going to be an exception to the rule, but I do not know any. And as I say, the progress of particular individuals is dependent upon their abilities as business men.

M. MORIN: Dans le dossier "R" de la commission Gendron, je trouve le passage suivant: "Enfin le dernier argument est le fait que le Canadien français ne s'intéresse pas au monde des affaires. L'enquête sur la présence francophone dans les corporations professionnelles confirmerait cette..." Je m'excuse, c'est un passage qui n'est pas complet. Un peu plus loin, le dossier "R" nous dit : "II existe une population francophone compétente en nombre parfois trop élevé, puisqu'une portion n'arrive pas à se caser". Je pense que vous avez compris le sens de ce passage. La commission Gendron nous apprend donc qu'il existe trop de francophones compétents par rapport aux postes disponibles. Et, d'autre part, je constate avec la Chambre de commerce de Montréal que seulement 15 p.c. des postes de commande dans les entreprises québécoises sont aux mains des francophones. Je me demande comment réconcilier ces deux constatations avec ce que vous venez de nous dire, messieurs. A moins que vous soyez en mesure de contredire carrément la commission Gendron.

M. HUGGETT: I do not really believe that we can add to what you said, I mean I have made my point strongly that it is a question of ability and supply of the people coming up.

If you want an example, I can tell you that, in our firm, 20 p.c. of my partners are Francophones when many years ago, it was only 1 p.c. More than 50 p.c. of our staff are Francophones. Yet we are considered to be an English firm. That is only an example. I am not sure that it is found anywhere else, but I think it is a trend.

M. MORIN: Si j'ai bien compris, vous reconnaissez, à tout le moins, que la situation des francophones dans les centres de décision des entreprises est une situation qui n'est pas satisfaisante et qui est même injuste pour la population francophone.

M. TETREAULT: Je ne dirais pas que c'est injuste. Ce n'est pas satisfaisant, c'est vrai. Il y a eu des progrès énormes, et il continuera d'y en avoir. Je suis très optimiste de ce côté, M. Morin.

M. MORIN: Oui.

M. TETREAULT: II y en a d'autres qui le sont moins que moi, mais, moi, je suis optimiste.

M. MORIN: Très bien. Est-ce que vous acceptez qu'éventuellement il serait normal que 85 p.c. des postes de direction dans les entreprises québécoises soient détenus par des francophones québécois?

M. TETREAULT: Je ne suis pas autorisé à répondre à cette question. Si vous voulez que je vous donne une réponse personnelle, je suis prêt à vous la donner. Il y a toute une question de compagnies...

M. MORIN: Votre réponse personnelle m'intéresse, mais c'est surtout celle du Board of Trade que j'aimerais entendre.

M. TETREAULT: Je ne suis pas autorisé à répondre pour les 3,000 membres, M. Morin. Je ne suis pas autorisé à répondre.

M. MORIN: Ceci vient des 3,000 membres aussi, ce mémoire que vous nous soumettez?

M. TETREAULT: Oui.

M. MORIN: Bien. J'imagine qu'il est fondé

sur une certaine logique. Tout ceci se tient et nous pouvons certainement vous poser des questions de détail.

M. TETREAULT: Sûrement, mais ce n'est pas une question de détail que vous venez de poser.

M. MORIN: Bon, je vais essayer d'aller un peu plus loin. De toute façon, vous êtes libre de répondre ou de ne pas répondre. Je ne voudrais pas que vous vous sentiez coincé le moindrement; soyez bien à l'aise. Nous tentons simplement d'explorer le terrain le mieux possible.

M. TETREAULT: Oui.

M. MORIN: Est-ce que le Board serait prêt à accepter en principe que, dans les affaires, comme dans tous les aspects de la vie quotidienne, le Québec devienne aussi français que, par exemple, l'Ontario est anglophone?

M. TETREAULT: C'est difficile de répondre. Je crois que déjà le Québec est très français, M. Morin. Je ne sais de quelle façon vous voudriez qu'il le soit plus que maintenant.

M. MORIN: Mais vous me retrournez la question.

M. TETREAULT: Certainement que je vous retourne la question.

M. MORIN: Je pourrais là-dessus vous entretenir pendant quelques heures. Nous n'avons malheureusement pas tout ce temps. Je ne vous parle pas de vous-même, mais du Board. Est-ce que le Board a une attitude là-dessus?

M. TETREAULT: Je vais demander à M. Finestone de répondre, si vous le permettez.

M. MORIN: Oui.

M. FINESTONE: We have a collision here between a pragmatic point of view which is the concern of the Board of Trade and statistical idealism which is not relevant. The important point in your first question is that the doors are opened. The doors are not only opened, but those francophones who are qualified are being eagerly sought. This is the product of the last ten years and something, I think, we can all congratulate ourselves upon, rather than taking a statistical analysis and saying: It is not good enough.

In so far as your second question, vis-à-vis Ontario versus Québec, if Ontario and Quebec had the same background, my answer would be: Your point is well taken. Ontario and Quebec do not have the same background. We are a different province and I think it is something we are proud of and stress and emphasize.

Therefore, to look at two different provinces and say: Would you do the same in one as the other? My answer is again : It is not relevant.

We as business men, must live in the world we find. We must live and adapt ourselves to the present world and to simply state that something which exists elsewhere should exist here is something which is not relevant to business. We must do business here.

M. MORIN: Bien, M. Finestone, je suis très heureux de constater que vous êtes fier de vivre au Québec, mais si tous à la table ici, dans cette salle, nous en étions aussi fiers que vous, nous ne serions pas là. Les problèmes que nous affrontons n'existeraient pas. C'est pourquoi vous admettrez que nos questions sont quand même importantes. Elles sont pertinentes. Malgré votre pragmatisme, il s'avère que cette méthode ne semble pas répondre aux besoins des Québécois, et qu'il y a de plus en plus de problèmes. Il faut donc voir s'il n'y a pas d'autres méthodes pour résoudre nos problèmes.

En particulier — je n'ai pas le temps d'entrer dans tous les détails comme je l'aurais voulu — je voudrais vous poser une ou deux courtes questions additionnelles.

Vous vous êtes opposé à tout moyen qui ne soit pas purement incitatif. Est-ce que je puis vous souligner, ou est-ce que vous savez que, dans la plupart des pays européens, la loi exige que les autochtones soient représentés aux conseils d'administration, à la direction, selon des pourcentages qui sont établis de façon précise dans la loi? Est-ce que vous savez que des programmes "d'autochtonisation", si je puis m'exprimer ainsi, existent dans plusieurs pays? Je songe en particulier à un pays qui, comme le Québec, fait face à la pression du voisin le plus puissant sur le plan industriel, sur le plan scientifique et sur le plan commercial, le Mexique. Le Mexique exige que la majorité des administrateurs dans les entreprises qui font affaires au Mexique soient Mexicains. Est-ce que vous connaissez ces dispositions juridiques qu'on trouve dans de nombreux pays civilisés? Est-ce que vous admettriez que le Québec se prévaille de solutions comme celles-là?

M. FINESTONE: I would presume that the legislators in the European countries have drafted rules and regulations applicable to their situation. And while watching what they have done with their legislation and the results which have flowed therefrom, I would sincerely hope that we, in Quebec, could learn from their errors rather than attempt to duplicate them, because they have not been all that successful. You mentioned Mexico in particular, a country which I am, in some extent, familiar with. They have paid, in human and economic terms, a rather impressive price for 50 years for their particular

position, which, I respectfully submit, steins out of their history, and I would hope that our Legislature would take cognizance of the reality of our province and our needs and the demands of our population would respond with corresponding legislation suited to our needs, rather than looking sideways and saying: They have done it, so we should.

M. MORIN: Peut-être une dernière question, M. le Président, une toute dernière. Est-ce que le Board of Trade sait que, dans de nombreux pays, notamment européens, mais également en Amérique latine, au Japon et ailleurs, la langue des entreprises est la langue du pays, sauf, naturellement, lorsqu'il faut communiquer avec des pays étrangers, notamment avec les Etats-Unis, alors qu'il est parfaitement normal que ce soit l'anglais qui soit utilisé?

Est-ce que le Board of Trade sait cela que, dans la plupart des pays, "business is conducted in the language of the country"?

M. BLANK: ... les Anglais ont des droits aussi...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!

M. MORIN: J'ai posé une question. Est-ce que ces messieurs pourraient y répondre?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!

M. TETREAULT: J'admets ce que vous dites, mais il ne faut pas oublier que, dans la ville de Montréal, le tiers de la population est anglophone. Est-ce que le tiers de la population de la ville de Paris est anglophone? Est-ce que le tiers de la population de Rome est anglophone? Alors, pourquoi nous citer de tels exemples?

M. MORIN: Oui.

M. TETREAULT: Le cas de Montréal est un cas tout à fait particulier.

M. MORIN: Est-ce que vous admettez qu'il faille quand même corriger la situation ou vous inclinez-vous devant cet état de fait? Vous isolez le cas de Montréal, parce que cela fait votre affaire. Mais, autour de Montréal, il y a le Québec et je serais d'avis que vous lisiez le mémoire de la Chambre de commerce de Montréal qui, lui, me paraît beaucoup plus soucieux de l'ensemble du Québec. Vous n'avez pas de responsabilités qu'à l'égard de Montréal. J'ai terminé, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Rouyn-Noranda. Quatre minutes.

M. SAMSON: Dans le mémoire qui nous est présenté, à la page 4, il m'apparaît, à l'article 5 (VI et VIII), deux recommandations que vous faites qui peuvent être extrêmement intéressantes. Cependant, je ne m'attarderai pas tellement sur ces points. Je voudrais vous demander ceci: Vous semblez inquiets, particulièrement par la question des certificats de francisation et, selon ce que vous dites à la page 2, 5 (I), le Board s'oppose à l'émission prévue de certificats de francisation en raison des fortes possibilités de discrimination et d'abus auxquelles ils pourraient donner lieu.

Dans votre esprit, que signifient la discrimination et les abus que vous pourriez prévoir, advenant qu'il y ait émission de certificats de francisation?

M. TETREAULT: Ce que nous avions dans l'idée, c'est simplement que, quand vous avez toutes sortes de gens dans l'administration qui doivent décider qui aura un certificat et qui ne l'aura pas, il y a toutes sortes de considérations qui peuvent entrer en jeu. C'est ce que nous voulons dire. Appelez-le patronage, si vous voulez. Appelez-le comme vous voudrez. C'est ce que nous avons dans l'idée.

M. SAMSON: Pour vous, patronage, si je comprends bien votre point de vue, cela veut dire que vous seriez inquiétés par une possibilité que cela devienne un patronage au niveau du fonctionnarisme qui aurait à prendre les décisions quant à l'émission de ces certificats de francisation.

M. TETREAULT: C'est ce qui nous fait un peu peur, oui. A part cela, l'administration de ce programme de certificats serait très onéreuse, à notre point de vue.

M. SAMSON: Quelle serait votre réaction si le ministre, par exemple, en arrivait, après étude, à la conclusion que ces certificats de fransication soient émis sur une base fixe, c'est-à-dire avec des normes bien préparées et ne donnant lieu à aucune espèce d'arbitraire ou de pouvoir de décision d'une personne en particulier dans un service donné?

M. TETREAULT: Cela pourrait aider, mais il ne faut pas oublier ceci. Chaque entreprise a une situation toute particulière quant à ses employés. Une entreprise peut avoir une majorité d'anglophones, grande majorité, petite minorité. Alors, vous allez essayer d'appliquer des critères à des situations qui varieront d'une entreprise à l'autre. Cela va mener à des problèmes considérables, à notre point de vue.

M. SAMSON: Si je comprends bien, ce qui vous inquiète davantage, c'est l'évaluation des humains qui pourrait se faire dans ce cas, parce que cela serait évidemment des humains qui feraient ces évaluations.

M. TETREAULT: Oui.

M. SAMSON: C'est l'évaluation qui vous inquiète davantage, n'ayant pas suffisamment de possibilités d'en arriver à des critères assez rigides.

M. TETREAULT: C'est cela.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Malheureusement, je dois vous arrêter. Le temps des questions à la disposition de l'Opposition est terminé, à 22 minutes. Vous vous reprendrez une prochaine fois.

M. SAMSON: Je suis bien d'accord qu'on me coupe la parole aussi facilement...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): C'est-à-dire que je n'aime pas beaucoup couper la parole, mais cela n'est pas ma faute.

M. SAMSON: ... mais je voudrais en profiter pour soulever un point de règlement, pour peut-être vider cette question.

Nous aurons d'autres mémoires à entendre aujourd'hui et je pense qu'il serait bon et valable pour la bonne marche de nos travaux que les 20 minutes qui sont accordées à l'Opposition puissent être déterminées sur une base fixe, de façon que je puisse aussi savoir combien de temps j'ai à ma disposition. Vous allez comprendre que c'est assez difficile et je ne veux blâmer en aucune façon le chef de l'Opposition officielle, ni le député de Saint-Jacques qui, évidemment, ont toujours des questions à poser aussi. Ce qui arrive, c'est qu'étant celui qui parle après eux, s'il reste deux minutes et si j'en ai pour huit ou dix minutes, ou pour cinq minutes, cela me cause un tort en tant que membre aussi de cette commission.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Faites-moi part de votre convention...

M. SAMSON: Voici, M. le Président, je pense avoir compris — et on me contredira si je n'ai pas bien compris — qu'hier, du côté de l'Opposition, on envisageait, autant que faire se peut, que le temps soit partagé dans une proportion de 12/8 ou quelque chose comme cela. Je vois que le chef de l'Opposition semble dire non. S'il dit non, on va engager le débat, parce que je n'ai pas l'intention qu'on me prive de mon droit de parole.

M. MORIN: Nous étions d'accord, M. le Président, pour 15 minutes pour l'Oposition officielle et 5 minutes pour le Parti créditiste.

M. SAMSON: M. le Président, je regrette, mais je ne me laisserai pas bâillonner ni par l'Opposition officielle, ni par le gouvernement. Si on accepte que le gouvernement qui a 102 députés se contente de 20 minutes, je ne vois pas pourquoi l'Opposition officielle, qui n'en a quand même que six, vienne manger 15 minutes de la période de 20 minutes de l'Opposition. Je pense que j'ai un droit de réclamer justice. Je serais d'accord qu'on partage dans la proportion de 12/8, quitte à dire au chef de l'Opposition, lorsque je prévois ne pas utiliser les 8 minutes, qu'il utilise la différence. Je suis toujours prêt à m'entendre, mais il faudra que l'on veuille s'entendre. Si l'on ne veut pas du côté de l'Opposition officielle et si on veut faire comme d'habitude, empiéter et ne pas permettre à l'opposition créditiste de manifester et de pouvoir manifester son opposition à ce projet, je vous dis que j'en ferai appel à vous, M. le Président, et je n'ai pas l'intention de négocier mon temps de parole avec l'Opposition officielle à chaque mémoire qui sera présenté devant nous. Je ne serai pas d'accord sur cela. Je regrette, mais je ne marcherai pas dans ce genre de "bargain".

M. MORIN: M. le Président, je voudrais bien que le député de Rouyn-Noranda sache que nous connaissons son intérêt pour les questions qui sont soumises à cette commission. Il n'est pas du tout question de l'empêcher de parler, mais un décompte strict du temps, un partage strict du temps irait à l'encontre de l'accord, que nous avons conclu avec le gouvernement, selon lequel pour les mémoires les plus importants — on admettra que le Board of Trade est un organisme important — nous ferions preuve de la souplesse et que nous pourrions faire durer l'entretien avec nos invités plus longtemps. Si nous tombons dans des 12/8 ou même des 15/5... C'est une proportion que j'ai indiquée 15/5, c'est-à-dire, trois minutes pour une, mais cela pourrait être dans le cas où l'Opposition officielle aurait des questions plus longues à poser, parce que le mémoire nous paraît plus substantiel. Nous n'entendons pas du tout nous laisser enfermer dans une période rigide de 15 à 20 minutes. Il peut arriver que nous ayons des questions pour une période de 30 minutes, et nous n'entendons pas du tout abdiquer ce droit, voire même, si nous avions des questions pour une heure, nous poserions des questions pendant une heure.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Je comprends le chef de l'Opposition officielle, qui, à un certain moment, voudrait poser des questions une journée de temps, mais quant à moi, cela fait une dizaine de fois que je décris mon rôle de président. Ce n'est pas votre goût personnel que je dois évaluer, mais bien les règlements. Hier, il y a eu une espèce d'entente tacite à savoir que les deux partis de l'Opposition feraient part au président d'une entente intervenue. Je suggère que les deux leaders de chaque parti se rencontrent et informent le président de l'entente intervenue. Au cas contraire, dès cet après-midi, je devrait diviser moi-même la période de temps.

Je pense qu'il serait plus normal que les deux partis s'entendent sur une période de temps, mais quant à moi, c'est 20 minutes, ce n'est pas n'importe qui qui va le décider, ce sont nos règlements. Pour éviter une procédure inutile à ce stade-ci, du fait qu'on avait dit qu'une entente serait prise et qu'elle n'est pas prise, je pense qu'il serait malheureux de priver les membres de la commission d'entendre nos invités.

M. MORIN: M. le Président, nous sommes sur une pente glissante. Je voudrais vous le faire remarquer. L'interprétation que vous venez de donner, en vous fondant sur le règlement, n'est pas conforme au "gentlemen's agreement" qui est intervenu entre tous les partis quant à la marche de cette commission. Si vous commencez à chronométrer, il n'y aura plus de "gentlemen's agreement". Nous avons convenu qu'il y aurait de la souplesse dans le procédé.

M. HARDY: M. le Président, juste un mot. Je suis bien d'accord et je vous l'ai signalé tantôt. L'idéal, c'est que les partis fassent une entente cordiale. Cela, c'est l'idéal. Mais quand un parti — et c'est ce qui est arrivé ce matin — ne respecte pas l'entente cordiale — c'est ce que le chef de l'Opposition a fait à l'endroit du député de Rouyn-Noranda, il n'a pas respecté l'entente cordiale — il vous appartient malheureusement d'arbitrer et d'appliquer rigoureusement le règlement.

M. CLOUTIER: Permettons donc peut-être une question supplémentaire.

M. SAMSON: M. le Président, je pense qu'il vaut mieux régler cela tout de suite parce qu'on en a pour la journée.

M. CLOUTIER: C'est cela. Pas si on y consacre une heure.

M. SAMSON: S'il faut y consacrer une heure, je regrette, mais je ne me laisserai pas piler sur les pieds comme cela, je vous le jure, M. le Président.

M. CLOUTIER: Allons, on va vous donner une question de plus.

M. SAMSON : M. le Président, en ma présence hier, on a mentionné 12/8, même si le chef de l'Opposition vient de faire signe que non encore ce matin. En ma présence hier, on a mentionné 12/8.

M. MORIN : Qui vous a mentionné cela?

M.SAMSON: Le député de Saint-Jacques, en ma présence. M. le Président, je l'affirme de mon siège de député et je vous dis qu'il y avait des témoins. Je vois que le député de Laporte fait signe que oui. Il y avait des témoins. Il est prêt à le redire. Il vient justement de me dire qu'il est prêt à le redire.

M. le Président, dans ce cas, si le député de Saint-Jacques me dit qu'il est prêt à le redire, je crois comprendre qu'il y a peut-être eu malentendu, que peut-être le chef de l'Opposition n'a pas pris connaissance de cela. S'il y a eu malentendu, je suis prêt à laisser le député de Saint-Jacques s'expliquer avant d'aller plus loin.

M. CHARRON: M. le Président, c'est une tempête dans un verre d'eau qu'est en train de faire le député de Rouyn-Noranda parce que c'est la première fois... On a travaillé pendant...

M. HARDY: Vous continuez à mettre de l'eau.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Laissez terminer l'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: On a travaillé pendant six jours, à peu près, avec son collègue de Beauce-Sud sans qu'il y ait...

M. HARDY: ...séparatiste.

M. TARDIF: Le député de Saint-Jacques...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): N'allongez pas les débats inutilement, s'il vous plaît. Ceux qui voudront parler me demanderont la parole et, comme je le répète à chaque jour, c'est avec plaisir, si on me la demande. Mais si vous ne me la demandez pas, vous n'avez pas le droit de parole.

M. HARDY: Bien, M. le Président, vous avez raison.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: On a travaillé pendant six jours avec le député de Beauce-Sud et, même à l'occasion hier, avec le député de Rouyn-Noranda, sans qu'il y ait accrochage quelconque, J'ai mentionné hier qu'à l'occasion cela pouvait être 12/8; à l'occasion, M. le Président, cela peut même être 10/10, si vous voulez savoir, comme à d'autres occasions... Ce matin, c'est arrivé, peut-être à cause du témoin en particulier, je ne sais pas; il s'est produit que, dans le temps qui restait au député de Rouyn-Noranda, malheureusement sa dernière question n'a pas pu se glisser, vous êtes intervenu. Je n'ai pas l'intention d'aboutir à un partage de temps, ni 12/8, ni 10/10, ni même 15/5 en faveur du député de Rouyn-Noranda. Il n'y en aura pas de partage de temps. L'engagement que nous avons pris — et cela c'est produit à chacun des mémoires, c'est le premier où cela achoppe un peu ce matin — c'est qu'il y a toujours eu le temps pour les deux partis d'aller au bout de leurs questions. Même hier, le

député de Rouyn-Noranda en conviendra, je lui ai signalé qu'après le chef de l'Opposition je n'interviendrais pas, pour qu'il ait le loisir de poser ses questions. Il a même eu, à certaines occasions, plus que les fameuses huit minutes qu'il revendique ce matin. Cela peut être 12/8 dans la pratique quotidienne, on peut le vérifier à la suite. Mais, comme il n'y a jamais eu mésentente quant au partage du temps, c'est le premier accrochage que nous ayons à ce jour, je ne veux pas partir de cet accrochage pour faire des règles fixes et du "chronométrage" d'opinions. Nous avons pris cet engagement — et la preuve est que c'est la première fois que l'accrochage arrive, c'est donc que l'engagement a été respecté — que nous tiendrions compte dans notre temps de l'existence à nos côtés, dans l'opposition à ce projet de loi, des créditis-tes et, jusqu'ici, ils ne se sont plaints aucunement. Je puis même vous dire, M. le Président, qu'il peut arriver certaines occasions comme hier, où j'ai posé deux questions pour immédiatement remettre le temps et on n'avait même pas complété le temps de l'Opposition, même après la période de questions de l'opposition créditiste.

Il n'y aura pas de partage fixe et nous ne vous aviserons aucunement d'un partage mathématique du temps, M. le Président, puisque la souplesse a prévalu dans 25 mémoires sur 26 et qu'elle a été efficace. Plutôt que de prendre exemple d'un seul cas d'accrochage, j'aime mieux prendre exemple des 25 cas précédents où tout a bien fonctionné.

M. SAMSON: M. le Président, je veux bien croire qu'on nous parle de souplesse, mais il semble que la souplesse soit exigée de nous à ce moment-ci, parce que s'il y avait souplesse, on ne m'aurait pas arrêté. Personne ne serait intervenu s'il y avait cette souplesse dont tout le monde parle ce matin. C'est parce qu'il n'y a pas eu cette souplesse qu'on m'a obligé d'arrêter. Je vous le répète, il faut régler la question avant qu'on continue la journée. Je n'ai pas l'intention qu'à chaque mémoire on en revienne au même problème.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): On va rendre une décision... Si vous permettez, il ne faut pas...

M. SAMSON: Si vous voulez, M. le Président, je voudrais souligner que je ne tiens pas particulièrement à des règles rigides. Seulement, il y a quand même un minimum qui pourrait être donné à notre parti sans que ça entrave le temps de l'Opposition officielle. Je ne tiens pas à entraver le temps de l'Opposition officielle. Je vous dis que j'ai l'intention de collaborer pour autant que faire se peut, et, s'il m'arrive de ne pas avoir besoin de tout le temps, je suis prêt à le dire à l'Opposition officielle pour qu'elle utilise ce temps. Mais ce que je veux faire comprendre, c'est que je ne veux pas me ramasser à la fin de l'interrogatoire de l'Opposition officielle avec trois minutes qui me restent. C'est ça que je veux faire comprendre à la présidence.

M. MORIN: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Ecoutez, je pense...

M. MORIN: ... je voudrais ajouter une dernière chose.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Une toute dernière, parce que je ne veux pas retarder inutilement les débats.

M. MORIN: Je tiens simplement à préciser que nous n'avons pas l'intention d'empêcher le député de Rouyn-Noranda de poser ses questions. En ce qui nous concerne, il faut qu'il soit clair que, s'il en a pour un quart d'heure en raison de l'importance du mémoire et en raison de l'importance qu'il faut attacher aux comparants, je serais pour qu'il ait le plein quart d'heure; et même davantage, s'il estime que c'est nécessaire. Il n'est pas question d'essayer de l'empêcher de parler. J'espère qu'il a compris cela depuis le début. S'il n'a pas compris, il se méprend rudement sur nos intentions. Mais, M. le Président, si...

M. SAMSON: J'invoque le règlement.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: Le député de Sauvé n'a pas le droit de me prêter d'intentions. Il le comprendra et il sera le premier à le comprendre. Il dit qu'il ne veut pas m'empêcher de parler, je suis bien d'accord qu'il ne veuille pas m'empêcher de parler, c'est ça que je réclame, M. le Président. Mais c'est quand même lui tantôt qui m'a empêché de vous demander de me donner le temps qu'il fallait.

M. MORIN: M. le Président, le député de Rouyn-Noranda ne veut pas qu'on lui prête d'intentions, eh bien, qu'il ne nous en prête pas. Tout à l'heure, il a insinué que nous voulions le bâillonner, et jamais...

M. SAMSON: C'est ce que vous avez fait. Je ne l'ai pas insinué, je l'ai constaté.

M. MORIN: M. le Président, je voudrais simplement ajouter le point pour lequel je suis intervenu. Si vous vous apprêtez à rendre une décision qui tend à chronométrer à la seconde ou à la minute le temps dont dispose l'Opposition pour interroger les comparants, je tiens à vous dire que cela est de nature à remettre en question le "gentlemen's agreement" et alors, il n'y a plus de règle qui tienne. Nous inter-

rogerons les témoins aussi longtemps qu'il nous conviendra. Si l'accord sur lequel nous nous sommes entendus au cours des jours passés ne tenait pas, je tiens à vous dire que nous voulons récupérer toute notre liberté d'action et que nous ferons des motions, si nécessaire, dans ce sens. On oublie trop facilement le second paragraphe de l'article 8 dans tout ça.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): D'abord, il n'y a pas de second paragraphe, c'est la dernière phrase du para,jraphe 8: "Ces périodes peuvent être prolongées, si la commission le juge à propos". Je voudrais, pour la dixième fois au moins, demander la collaboration de tous les membres de la commission pour rappeler une entente intervenue et qui est d'ailleurs en conformité avec nos règles de pratique. Je me souviens fort bien que le député de Saint-Jacques a trouvé que c'était un partage équitable; d'ailleurs, je dois souligner que ce que vient de dire le député de Saint-Jacques est rigoureusement exact, j'ai moi-même présidé la majorité des auditions et, depuis le tout début, il n'y a pas eu de problème sérieux. C'est évident qu'on ne peut pas arriver toujours à la seconde près. Quant à moi, je voudrais respecter l'entente entervenue, soit vingt minutes pour l'Opposition, vingt minutes pour le parti ministériel. Je crois que c'est un partage équitable.

Si, après 40 minutes, la commission juge à propos de continuer la période des questions, il s'agit à nouveau d'un nouveau partage. Si la commission dit pour 20 minutes additionnelles, ce sera dix minutes pour l'Opposition et dix minutes pour le parti ministériel.

Mais vous comprendrez —je l'ai souligné à plusieurs reprises — que mon rôle est de faire respecter cette entente et je crois qu'on le fait le plus généreusement possible. Mais toutes les fois qu'on se lance dans un débat de procédure, écoutez, il y a 25 minutes que nous sommes dessus, mais ce n'est pas drôle, franchement, et, à la fin de la journée, il y a quelqu'un qui va payer la note.

M. CHARRON: M. le Président, l'Opposition officielle tiendra compte de l'incident.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Nous en étions rendus à l'honorable député de Jacques-Cartier.

M. SAINT-GERMAIN: M. le Président, dans votre version française, à la page 3, paragraphe 4, vous parlez des futurs immigrants. Vous mentionnez que vous avez de sérieuses réserves quant aux effets néfastes que cette mesure pourrait avoir au cours des années à venir sur l'immigration et l'économie de la province. Hors cette réserve, est-ce que vous acceptez cette politique complètement? Est-ce qu'au point de vue de la justice humaine ou des droits humains, vous croyez que cette politique est acceptable en ce qui regarde les futurs immigrants?

M. TETREAULT: Non, nous avons simplement mis ce paragraphe plutôt pour prévenir le gouvernement que nous avions des réserves sérieuses quant à l'effet économique d'imposer une loi qui s'appliquerait aux futurs immigrants. Nous sommes contre en principe.

M. SAINT-GERMAIN: Merci.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Gouin.

M. BEAUREGARD: M. le Président, j'aimerais tout d'abord signaler à l'attention de la commission l'importance extrême du mémoire que nous avons devant nous. Je pense que le Board of Trade représente une partie de l'économie du Québec et, sans aucun doute, la partie la plus importante. Je pense que nous devrions être capables d'apprécier, et même les membres de l'Opposition officielle qui, si je ne m'abuse, ont toujours oeuvré dans un domaine de fonctionnarisme ou de parafonctionnarisme, que c'est quand même l'immense majorité des travailleurs du Québec de toutes catégories qui gagnent leur vie dans l'entreprise privée et qui, par leur travail, jour après jour, alimentent toute l'économie du Québec.

Je suis personnellement très sympathique à l'approche pragmatique que le Board of Trade a prise. Je voudrais cependant poser une ou deux questions rapides au Board of Trade puisque je ne partage peut-être pas non plus toutes les conclusions auxquelles il en est arrivé. J'aimerais d'abord faire remarquer qu'à deux moments dans son mémoire, à la page 2 et à la page 5, le Board of Trade mentionne l'importance d'inciter les entreprises nationales et multinationales à s'implanter au Québec et à y croître, soutenir leur intérêt à l'égard de Montréal comme lieu d'établissement de leurs sièges sociaux. Un peu plus loin, à la fin du mémoire, à la page 5, à l'avant-dernier paragraphe, on parle de nouveau de l'importance des sièges sociaux qui sont, dit-on ici, d'une importance vitale pour Montréal et pour le Québec. Aussi, faut-il veiller à maintenir un climat qui soit favorable à leur croissance au sein de la province.

Messieurs, est-ce que je pourrais vous poser la question suivante et peut-être vous demander d'expliquer un peu cela? Est-ce que vous croyez qu'une législation qui inciterait les entreprises à travailler en français autant que possible est de nature à éloigner les sièges sociaux que nous avons à l'heure actuelle dans la province de Québec ou à ne pas attirer les sièges sociaux que nous pourrions attirer dans l'avenir?

M. HUGGETT: I will try to speak for that, if I may. First of all, to answer your second

question, if there are strict laws and regulations governing the language, I do not believe that head offices, new businesses will be attracted to this province, naturally if they are Anglophone in nature. It is simply there are too many other places that they can go to within Canada which are economically as attractive as Quebec.

Therefore, business does not go looking for trouble and I would doubt that we would find a great increase in the numbers of head offices or administrative head-quarters in Montreal. As to businesses that might leave, that is a difficult question. I cannot say that : Yes, all businesses will leave or some businessess will leave or the majority will. We cannot quantify that, but we do feel that there would be a thrust, a pressure if you will... Perhaps businesses will look to Ontario, Toronto and say: It is just as good there. We are having trouble here. Why do hot we move? And I think that this would be wrong for this province and damaging to its economy.

M. BEAUREGARD: M. le Président, est-ce que je pourrais demander au Board of Trade s'il croit que, lorsque les compagnies — comme cela a été le cas depuis quelques années où on a vu certains sièges sociaux de compagnies canadiennes ou multinationales déménager leur siège social, soit graduellement ou soit d'un seul coup, vers Toronto, en particulier — déménagent, ne continuent-elles pas, à ce moment-là, de faire des affaires au Québec?

M. TETREAULT: Oui, elles continuent à faire des affaires. Cela peut peut-être mener à un bureau régional plutôt qu'au siège social de la compagnie. Elles ne disparaissent pas complètement de la province.

M. BEAUREGARD: En somme, ce que vous craignez, c'est qu'avez une législation trop contraignante, le Québec devienne une succursale de l'Ontario?

M. TETREAULT: C'est une possibilité. On cherche à trouver des postes plus nombreux pour les francophones aux centres de décision. Malheureusement, si les centres de décision se déplacent, cela cause un problème sérieux.

M. BEAUREGARD: On parlait des conséquences économiques, si je comprends bien, jugées très sérieuses du déménagement des sièges sociaux vers, par exemple, l'Ontario. Vous mentionnez ici, si je comprends bien, dans votre dernière réponse, le fait que cela pourrait également agir comme une espèce de boomerang et que ce serait même néfaste à la francisation des entreprises. Est-ce que je vous interprète bien, si je dis, par exemple, si une compagnie déménage son siège social à Toronto — supposons qu'il s'agisse, pour prendre un exemple concret, d'une compagnie fabriquant des cigarettes qui aurait des employés et des marchés aussi bien au Québec qu'en Ontario — l'opéra- tion québécoise devient une succursale de l'opération entière, laquelle est dirigée de l'Ontario? Est-ce que j'interpréterais bien votre pensée si je disais que, dans un cas comme celui-là, le francophone dans l'entreprise, qui a une saine ambition d'occuper un poste important dans l'entreprise, devrait nécessairement s'orienter vers le travail en langue anglaise totalement, puisque, pour avoir un poste décisionnel important, il devrait aller s'établir à Toronto? Est-ce que c'est un peu le sens de votre réponse, monsieur?

M. TETREAULT: Non, malheureusement, cela peut arriver de cette façon. Si le siège social se déplace et que le francophone, le Canadien français veut continuer au siège social, il est obligé de partir. D'ailleurs, il y en a plusieurs. Je pense que, dans la population de Toronto, il y a 80,000 francophones, dans la région de Toronto, et c'est peut-être 80,000 exemples de ce qui est arrivé. C'est qu'il y a des gens qui ont décidé qu'ils avaient une carrière à suivre et qu'ils étaient prêts à suivre cette carrière en dehors du Québec.

Maintenant, plus on formera d'entreprises dans la province de Québec, non seulement de la part des anglophones, mais de la part des francophones, plus les francophones vont former leurs propres entreprises, plus vite la francisation se fera.

M. BEAUREGARD: Diriez-vous qu'il est plus facile pour le gouvernement de la province de Québec d'émettre des directives, soit par voie de législation ou de réglementation concernant la francisation des entreprises, à des compagnies qui ont non seulement une exploitation au Québec, mais aussi leur siège social au Québec?

M. TETREAULT: C'est plus facile, peut-être oui; franchement, je ne vois pas qu'il y ait beaucoup de distinction à faire. M. Fine-stone a un commentaire à faire.

M.FINESTONE: I think we are running in the difficulty of creating a black-white situation, and when you do this, you come up, I am afraid, with the wrong conclusions.

The reality of the matter is that business, given an opportunity, will adapt to anything that can do or must do in order to earn profits. We represent 2,900 business and, as I think you have been kind enough to mention, one of the mainstays of the economy of Quebec. I would not like the questioning to indicate that a trend towards ameliorating French in the French milieu would drive 2,900 businesses out of Quebec. That simply will not happen.

The reality of the matter is that business and I think almost the totality of the firms we represent have accepted, in principle, the fact that something must be done to assist the

French _fact to grow in Quebec. This is no longer debatable among our people. We have stayed away very carefully in our brief from all political aspects,as you may note if you read it. This we do not feel is the mandate of the Board of Trade. This is your mandate. What we are attempting to do in our brief is to show you that if you proceed in certain ways and at speeds that are too rapid, you will create effects which will not only be adverse to the economy of Quebec, but as you have stated yourself, Mr Deputy, may very well nullify the thrust towards French which this whole legislation is meant to implement.

But I would hope that we would not fall into a black-white situation. Some head offices will leave for reasons totally unrelated to the French fact. Others may take exception to the French fact and leave on that basis. There is no one answer. Our position is that given that we accept that this must be and I think that the statistics, which have been put before you on certain other briefs which I have read, certainly indicate that industry and business that was exclusively anglophone is converting itself, as fast as it can, without impeding the efficiency of the operation. Given those facts, I think it behoves the legislators to take cognizance of that fact and to realize that you cannot arrive at Utopia in one day, nor by one piece of legislation. What we are suggesting is a gradual approach which will allow Quebec to flourish and not to suffer economically and will, over a reasonable period of time, attain your objectives without the harm which we feel a flatout, coercive and punitive approach might create which, I think, we would all regret very quickly.

M. BEAUREGARD: M. le Président, j'aimerais...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): La période des questions est terminée, à moins que la commission n'en décide autrement.

M. BEAUREGARD: J'allais dire, M. le Président, tout simplement, merci.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Ce qui est vrai pour un côté est vrai pour l'autre côté également. La période des question est terminée, à moins que...

M. MORIN: Si les députés gouvernementaux ont encore des questions, nous n'avons pas objection, M. le Président.

M. BEAUREGARD: M. le Président, est-ce que vous me donnez 30 secondes?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je n'ai pas de secondes à donner, malheureusement.

M. BEAUREGARD: Je retire ma dernière question, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je remercie, au nom des membres de la commission, le Board of Trade, ainsi que ceux qui sont venus nous rencontrer ici, ce matin. Merci beaucoup.

M. TETREAULT: Merci, messieurs.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Nous entendrons maintenant M. John C.T. Johnson, président du Provincial Association of Protestant Teachers of Quebec.

Est-ce que vous voulez vous présenter ainsi que ceux qui vous accompagnent, s'il vous plaît?

Provincial Association of Protestant Teachers of Quebec

M. JOHNSON: M. le Président, messieurs les membres de la commission, mesdames et messieurs, je voudrais vous présenter les membres de notre association qui sont ici aujourd'hui. A ma droite, du côté gauche, M. Peacock, vice-président du PAPT et aussi président du Montreal Teachers' Association. A ma gauche, du côté droit, M. Bernstein, executive assistant of the PAPT.

Pour commencer, je voudrais vous informer que The Provincial Association of Protestant Teachers of Quebec est une des trois associations des professeurs de la province de Québec, qui a été créée en 1864. Notre association représente 6,500 professeurs dans les écoles élémentaires et secondaires de la province de Québec. En majeure partie, ces membres sont de langue anglaise, même si l'on retrouve dans l'association plus de 10 p.c. de membres francophones, en ce moment.

Lors de représentations devant des commissions parlementaires ou des commissions royales, tant au niveau provincial qu'au niveau fédéral, la PAPT a, durant les derniers dix ans, constamment plaidé pour un système d'éducation basé sur la langue dans lequel les parents auraient le libre exercice du choix de l'école française ou anglaise pour leurs enfants.

Notre expérience et la perception que nous avons des événements qui ont lieu au Québec et dans le Canada ne nous ont aucunement menés à changer notre point de vue, mais au contraire l'ont appuyé et nous ont conduits à nous y attacher encore plus fermement.

Le projet de loi 22 nous semble mal approcher le problème de la protection du français et s'y prend mal pour encourager son utilisation au Québec. Elle est trop diffuse et vague quand elle traite de la langue de travail ou des affaires, discriminatoire dans la défense ratée des droits de la minorité de langue anglaise, et par trop arbitraire dans la cession de pouvoirs discrétionnaires à outrance au cabinet des ministres et à la Régie de la langue française.

Lors de son assemblée générale annuelle tenue en mai de cette année, la PAPT réaffir-

mait sa position sur la politique linguistique par une proposition qui en partie déclarait: "Cette assemblée déclare son engagement ferme envers une société démocratique pour tous les Canadiens, mais plus spécifiquement envers une société dans laquelle les deux langues officielles peuvent prospérer. Nous nous engageons à soutenir toute mesure raisonnable visant à donner à la langue française un statut de priorité au Québec". Nous reconnaissons que la langue parlée par plus de 85 p.c. de la population doive posséder un statut prioritaire.

Ce que nous ne pouvons accepter, c'est que les droits dont jouissait traditionnellement la minorité puissent être diminués ou éliminés au nom des droits de la majorité. Les droits de la minorité ne contredisent pas nécessairement, dans une société démocratique, les droits de la majorité.

Le projet de loi 22 tente de résoudre le problème en essayant de plaire un tout petit peu à tout le monde; de fait, par les réactions initiales qui suivirent son introduction à l'Assemblée nationale, il est clair que c'est à tout le monde qu'elle ne plaît pas du tout. Si l'intention est de vraiment accorder à la langue française un statut prioritaire parce que c'est la langue de la majorité, il s'ensuit que les dispositions de la loi doivent être claires et avoir une portée véritable, spécialement dans les chapitres III et IV. Ce n'est pas satisfaire les visées de la loi que de laisser à des règlements à définir ultérieurement le soin de clarifier la lettre de la loi.

Si l'intention de la loi est aussi de réassurer la population de langue anglaise sur ses droits aux écoles anglaises et ses prérogatives dans les communications avec ou à l'intérieur de groupes publics, cette loi devrait l'établir clairement et sans équivoque.

Au sujet de la langue officielle au Québec, la disparition du statut officiel de la langue anglaise au Québec est probablement l'aspect le plus important de la loi. En une phrase, la loi a réduit le droit à l'usage de l'anglais dans les communications en public ou en tant que langue d'instruction à un privilège qui n'est détenu que de par la bonne grâce de celui qui détient le pouvoir. Etant donné l'article 1 de ce projet de loi 22, toutes dispositions ultérieures dans la loi traitant de l'usage de l'anglais, même si elles procèdent d'intentions louables, ne deviennent que de simples mots. Le gouvernement doit comprendre que la population de langue anglaise du Québec se sent dans l'insécurité et sérieusement menacée par les pressions récentes qui lui semblent requérir un Québec unilingue. Cela nous semble être la responsabilité d'un gouvernement élu de pourvoir à la sécurité de tous les éléments de la population. Ceci, tel que notre mémoire le démontrera clairement, n'implique pas nécessairement que la PAPT favorise le maintien perpétuel du statu quo. Le statut de la minorité de langue anglaise au Québec peut être cité comme un exemple de bonne volonté et de tolérance entre deux ethnies partageant le même Etat. Dans l'esprit des relations traditionnelles entre les groupes anglais et français au Québec, le gouvernement devrait maintenir le présent statut légal de la minorité tout en incitant de façon positive et en encourageant la communauté anglophone à s'intégrer à la majorité francophone. Il serait tragique pour le Québec de traiter la minorité anglaise de la même façon que les minorités francophones sont traitées dans les autres provinces. Même si ce n'était aps ignominieux, il serait quand même non pertinent de s'appuyer sur le fait que les autres provinces aient été intolérantes et aient agi de façon discriminatoire envers les minorités françaises pour défendre, comme certains l'ont fait, le retrait des droits de la minorité au Québec.

Aux questions de la langue de l'administration publique. Pour être logique dans l'application de notre position que les deux langues officielles soient reconnues, nous croyons que les articles 6 et 7 doivent prévoir l'obligation de publier dans les deux langues tout texte officiel ou document émanant du gouvernement. Comme la population anglophone du Québec constitue au moins 10 p.c. de la population globale, cette recommandation est en accord avec l'article 9 de la loi.

Même si la loi prévoit que l'on puisse s'adresser aux groupes de l'administration publique soit en français soit en anglais, cette même loi demeure muette sur la langue de réponse. Nous croyons qu'il ne serait qu'équitable que l'individu puisse choisir le français ou l'anglais dans ses rapports bilatéraux avec son gouvernement.

Nous ne pouvons qu'approuver les dispositions des articles 14, 18 et suivants, requérant une connaissance suffisante du français de ceux qui travaillent dans les services publics ou qui agissent en capacité de professionnels.

Cependant, nous espérons que des dispositions obligeront les corps professionnels à l'utilisation de l'anglais lorsqu'ils traitent avec les anglophones. Ceci revêt une importance particulière du point de vue humain lorsqu'il s'agit des services de santé.

Langue de travail. La PAPT appuie le principe que le Québec de langue française a le droit de conduire sa vie économique dans sa propre langue. Nous croyons que l'employeur doive communiquer avec son employé dans sa langue.

Les articles 24 et suivants établissent que le français est la langue de travail tout en permettant que l'anglais puisse être utilisé là où une partie des travailleurs sont de langue anglaise. Malheureusement, la loi n'indique pas de quelle façon cet article 24 pourra prendre effet. La mise en vigueur de cet article dépend des pouvoirs discrétionnaires du lieutenant-gouverneur en conseil et de la Régie de la langue française. Nous apprécions ce désir qu'a le gouvernement d'éviter la coercition et d'introduire une certaine flexibilité dans l'application

de la loi, mais l'absence quasi totale d'entraves permet une application sélective et peut entraîner des abus administratifs de la part des groupes responsables.

A la lumière de la méfiance généralisée envers les gouvernements à travers l'Amérique du Nord, il serait de bon aloi, de même que rentable politiquement, pour les parties en cause d'établir dans la loi même des directives d'application, de même qu'une cédule d'implantation du programme de francisation.

Si la mise en place du programme nécessite vraiment des incitations, le système tel que suggéré par la loi est par trop arbitraire. La possibilité d'attribution, de retenue, de retrait de permis, subsides, contrats gouvernementaux, etc., ouvre la porte à l'abus et peut devenir sérieusement discriminatoire.

La loi devrait définir plus particulièrement des directives d'application des articles 32, 35 et 47.

C'est une ironie que d'établir des dispositions claires dans les articles 43 et 46 en ce qui a trait à la langue des panneaux-réclame ou de la publicité, y compris le délai de cinq ans accordé dans la mise en vigueur de ces dispositions quand la loi demeure muette sur les communications humaines.

Nous croyons que la langue française sera protégée de façon sûre quand chaque Québécois francophone pourra être assuré de pouvoir travailler dans les affaires ou les services publics ou encore conduire sa vie quotidienne dans sa propre langue. La loi 22 nous semble être le premier pas véritable vers l'achèvement de cette fin. Le gouvernement doit en être félicité.

Question de la langue d'instruction. Le retrait des droits des parents au libre choix de la langue d'instruction pour les enfants et, en particulier, l'intégration obligatoire des immigrants dans les écoles françaises reflète très mal le désir de voir les immigrants s'intégrer au milieu français du Québec.

Si le français était vraiment la langue de travail de la province et si les immigrants étaient assurés que leur intégration au milieu français leur ouvre des horizons économiques et sociaux alléchants, ils s'intégreraient volontairement aux écoles françaises. Tant et aussi longtemps qu'ils verront que leur avenir est dans le milieu anglophone, ils continueront à s'assimiler à ce niveau quelles que soient les écoles qu'ils fréquentent obligatoirement.

On doit aussi noter que la population anglophone a promu dans ses écoles l'éducation de ses enfants en français et ce, d'une façon positive. L'expansion volontaire des programmes d'immersion en français, l'amélioration de l'enseignement de la langue seconde, de même que l'inscription de nombreux adultes anglophones à des cours de français témoignent du désir et consentement à accepter la langue de la majorité.

De plus, les récents programmes mis sur pied pour encourager les immigrants à apprendre le français, tels les centres d'accueil ou les COFI (Centre d'orientation et de formation des immigrants) ont obtenu un certain succès.

En remplacement des dispositions du chapitre V de la loi 22, le gouvernement devrait développer plus énergiquement les programmes requis et leur affecter les ressources nécessaires pour que les étudiants de langue anglaise atteignent la maîtrise du français.

De telle visées exigeraient, entre autres, de meilleurs "ratios" maître-élèves ou l'enseignement du français, la formation d'un plus grand nombre d'enseignants du français comme langue seconde, l'expansion des programmes d'éducation aux adultes, etc.

Par les tests requis pour l'admission à l'instruction française ou anglaise, il se pourrait que la loi réduise le nombre d'enfants dont la langue maternelle n'est pas le français dans les classes d'immersion et ce, particulièrement chez les anglophones. La loi restreint aussi de fait la possibilité qu'ont les parents de donner à leurs enfants des connaissances adéquates de l'anglais. Même les groupements qui ont plaidé pour un système scolaire unilingue français ont, par la même voie, demandé que le gouvernement améliore de façon marquée l'enseignement de l'anglais dans les écoles.

Si le gouvernement accédait à ces demandes d'amélioration de l'enseignement de l'anglais en tant que langue seconde, il y a tout lieu de croire que le nombre d'étudiants francophones inscrits dans les écoles anglaises diminuerait sensiblement.

En bref, la loi est mal orientée quand elle introduit des mesures coercitives pour ceux qui n'ont même pas le droit de vote et laisse une grande marge de manoeuvre par ses omissions et ses portes de sortie aux grosses corporations.

Nous nous devons de réaffirmer que le droit au libre choix entre le français et l'anglais en tant que langue d'instruction doit être maintenu par la loi et que, par des incitations valables, les non-francophones soient amenés à apprendre le français et à s'assimiler au milieu francophone.

Selon notre prise de position que la langue française et la langue anglaise doivent coexister en ayant chacune le statut de langue officielle, nous croyons que l'article 53 doit être supprimé.

Au sujet de la Régie de la langue française, les pouvoirs attribués à cette Régie de la langue française ainsi qu'à ses fonctionnaires sont excessifs. Une agence publique de la sorte devrait voir à faire respecter les politiques établies par législation et non les établir elle-même à toutes fins pratiques.

La fonction de la Régie de la langue française serait pour nous de surveiller l'implantation des mesures que nous vous avons suggéré d'introduire dans les chapitres III et IV de la loi.

Nous ne pouvons accepter qu'un corps public soit inattaquable en loi ou possède des

pouvoirs discrétionnaires tels qu'ils en font quasiment un appareil législatif en soi.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Merci beaucoup.

M. JOHNSON: Let me add one additional point which was not included in the brief, but one which concerns us as an association of employees, in articles 28 and 29, the question of the language of arbitration. It is clear, in article 29, that there is a choice of language of arbitration and that choice is left to the association. As president of such an association, it is a right that I feel I should not possess, that the association should not possess, but it should be the right of the individual. A grievance, an arbitration is a court, a system of justice. The law does provide that, in the regular courts of the province, the individual has the right to his language. And we maintain that that right should be granted to the individual end not to the association.

In summary, I would like to say why we agree with the general principles outlined at the beginning of the law, we feel that the law, as proposed, does not come to grips, with the reality of the situation which is an economic problem.

And first and foremost, the attack and, the thrust should be towards the language of work, until the citizen, the Francophone citizen in the province of Quebec, feels assured that he is able to carry on his every day life in the French language. He is going to wish to integrate into the anglophone educational system. And so we contend that rather than beginning with education, the law should put the primary thrust towards the language of work.

The law, while it says the language of work should be French, the discretionary powers and the methods by which this is to be applied are unclear and it is certainly clear that arbitrary procedures could be adopted which would allow large corporations of the hook and leave the situation very much as it is at present. Thank you.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Merci. Le ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: Je remercie l'Association provinciale des enseignants protestants du Québec pour la présentation de ce mémoire. Il s'agit d'un groupe que je connais bien. D'ailleurs, je me réjouis que nous ayons pu signer hier l'entente sur la classification, ce qui n'a certainement pas nui à la qualité du dialogue ce matin.

M. le Président...

M. JOHNSON: J'espère que le gouvernement a déjà signé.

M. CLOUTIER: Oui, cela a été signé hier. J'ai même obligé, faute de temps, de signer à cette commission, sur cette table.

M. le Président, je voudrais apporter trois éclaicissements et poser une seule question. Le premier éclaircissement concerne le pouvoir réglementaire par rapport à une remarque du mémoire, à la page 2 au deuxième paragraphe. Je cite: "Ce n'est pas satisfaire les visées de la loi que de laisser des règlements définir ultérieurement le soin de clarifier la lettre de la loi." Tout ce que je veux dire à ce stade-ci, puisque ce n'est pas le moment d'entreprendre un débat, c'est que les principes sont clairement indiqués dans le texte de la loi et la réglementation ne viendra que pour en préciser l'application. Il était impossible de procéder autrement dans un domaine où la souplesse est indiquée, où il faut même prévoir des exceptions.

Je me suis engagé, devant cette commission, à, sinon déposer le texte final de ces règlements, du moins à faire état des principes et de leurs modalités de manière qu'il n'y ait pas d'ambiguité qui risque de subsister.

Le deuxième éclaircissement se rapporte à la page 7, au dernier paragraphe. Je cite: "Par les tests requis pour l'admission à l'instruction française ou anglaise, il se pourrait que la loi réduise le nombre d'enfants dont la langue maternelle n'est pas le français dans les classes d'immersion et ce particulièrement chez les anglophones."

C'est exact, M. le Président. C'est le but que poursuit la loi, un des buts que poursuit la loi à savoir d'orienter les immigrants qui ne parlent ni français ni anglais vers le secteur francophone. Il s'agit d'une loi qui tente d'insister sur la priorité du français. Ce mécanisme est en relation logique avec l'objectif.

Quant à la page 9, le dernier paragraphe: "Nous ne pouvons accepter qu'un corps public — je cite — soit inattaquable en loi ou possède des pouvoirs discrétionnaires tels qu'ils en font quasiment un appareil législatif en soi."

Je pense, M. le Président, que sous-jacent à cette remarque, il y a un élément dont le gouvernement a l'intention de tenir compte. En effet, rien n'interdirait sur le plan des modalités que l'on dissociât les deux fonctions principales de la régie telle que conçue, c'est-à-dire la fonction proprement administrative qui voit à l'application des lois, de la fonction de contrôle qui se rapporte effectivement à un pouvoir quasi judiciaire. Combien de fois ai-je dit que le gouvernement ne bougerait pas sur le principe de son projet de loi, mais qu'il était disposé à envisager toutes les recommandations valables ou peut-être même meilleures de ce qu'il propose.

Je crois qu'il y a là une suggestion extrêmement intéressante dont le gouvernement tiendra très certainement compte. Je m'arrête là et je passe à ma question unique.

Partout dans le mémoire, on sent une inquiétude, que je comprends fort bien de la part de ce groupe, qui porte sur la restriction de ce que le groupe appelle les droits des anglophones. A la page 1, par exemple, on déplore ce que l'on

appelle l'approche discriminatoire dans la défense des droits de la minorité anglaise. A la page 2, on parle des droits, je cite: "... dont jouissait traditionnellement la minorité puissent être diminués ou éliminés au nom des droits de la majorité."

A la page 3, on parle de la disparition du statut officiel de la langue anglaise. Je ne nierai pas, bien au contraire, que la place qu'occupait l'anglais se trouve réduite par le projet de loi. C'est le but que nous poursuivons, même si, d'après certains groupes francophones, non seulement la place de l'anglais ne leur parat pas réduite, mais leur paraît même augmentée.

En revanche, ce que nous avons toujours maintenu, et nous le maintiendrons toujours, parce que c'est l'orientation et le souci d'équité et de justice du gouvernement, c'est que les droits des individus, en ce qui concerne leur langue, sont maintenus. Or, comme vous sem-blez en douter, j'aimerais que vous puissiez m'indiquer quels sont les articles de la loi qui briment les droits individuels, les droits des personnes, en ce qui concerne l'usage de leur langue, compte tenu du fait que j'admets volontiers que la place de l'anglais est moindre, comme il se doit, étant donné l'esprit de la législation, que vous le souhaiteriez probablement.

M. JOHNSON: To begin — perhaps one of my colleagues would like to answer more precisely to my initial comments — I would like to react first to your observations.

If we go through a number of the articles 31 and following, we question seriously that public funds should be used for the francization programs of corporations. We would question what kind of subsidies the government has in mind, on what basis these subsidies are granted. We would also ask...

M. CLOUTIER: Me permettriez-vous de vous interrompre, parce que cette question que vous soulevez a été, en un certain sens, je ne dirai pas réglée, mais éclaircie? J'ai indiqué à plusieurs reprises que le gouvernement n'avait pas l'intention de subventionner les entreprises pour les programmes de refrancisation. Il est exact qu'il y a un article qui est l'article 31, qui en donne le pouvoir. Nous avons pensé qu'il était utile de conserver, pour des situations très exceptionnelles, la possibilité d'intervention, mais comme les interprétations qu'on en donne prêtent à confusion, le gouvernement n'aura aucune hésitation à mettre cet article de côté.

M. JOHNSON: To come to the question of rights, we have avoided any reference to the British North America Act, that piece of legislation passed in Westminster by our colonial masters. We have mentionned that government should protect the rights of all citizens, and that citizens should feel comfortable and at home with the legislation that is presented. It is clear, from many of the reactions, that this law has not accomplished that end, nor, in fact, does it accomplish the aims and objectives for the Francophone population.

In speaking of the rights, we speak not only of rights traditionnally held, but what we would consider, in a democratic society, the democratic rights of a significant minority group within that society. And it is that kind of a concept that we would like to emphasize rather than what rights have been built into the BNA Act, the UN charter, etc.

M. CLOUTIER: Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, je remercie également les membres de la Provincial Association of Protestant Teachers de leur mémoire. Comme j'en ai pris un peu l'habitude, je ferai partir mes questions de celles que le ministre vient de poser et de l'échange qu'il vient d'avoir avec le groupe.

Je vous ferai d'ailleurs remarquer, M. le Président, que les interventions du ministre se font désormais plus nombreuses, plus longues. Il ajoute des commentaires.

M. CLOUTIER: Et plus précises. M. CHARRON: Plus précises. M. CLOUTIER: C'est exact.

M. CHARRON: Et que, contrairement à la première semaine — je vous le signale, parce que vous n'étiez pas ici — il vise à rassurer, en plus grand nombre maintenant, les anglophones qu'il ne le faisait au début. C'était la tâche que j'avais à faire que d'expliquer la loi aux anglophones et de leur dire...

M. SPRINGATE: A votre manière.

M. CHARRON: Mais peut-être le député de Sainte-Anne devrait-il remarquer dans la stratégie du ministre une façon de lui enlever sa clientèle? Enfin...

M. SEGUIN: L'apôtre des Gentils.

M. CHARRON: ... je ne veux pas m'insérer dans la dissension à l'intérieur du Parti libéral, M. le Président, et je veux...

M. SPRINGATE: Attention... du Parti libéral.

M. CHARRON: ... aborder la question, effectivement, à peu près aux mêmes endroits où le ministre a fait porter ses questions, mais tout en essayant d'être un peu plus précis.

D'abord, je veux vous remercier, comme

groupe de travailleurs syndiqués, d'avoir apporté à peu près le même message que les groupes de travailleurs syndiqués francophones ont apporté sur un point extrêmement précis et que, jusqu'ici, à peu près uniquement les travailleurs syndiqués ont fait remarquer à la commission. C'est ce que vous dites au bas de la page 6 alors que vous affirmez qu'il s'agit effectivement d'une question de pouvoir économique. Au bas de cette page, vous affirmez ceci: "Si le français était vraiment la langue de travail de la province et si les immigrants étaient assurés que leur intégration au milieu français leur ouvre des horizons économiques et sociaux alléchants, ils s'intégreraient volontairement aux écoles françaises." Là-dessus, je ne peux que vous appuyer, et vous répéter que vous rejoignez là-dedans les positions des organisations de travailleurs francophones qui sont venues faire remarquer ce que bien des gens ont oublié, c'est que l'essentiel du problème est la faiblesse économique des francophones dans leur propre pays, dans ce propre territoire qu'ils occupent, où ils seront jusqu'à la fin de leurs jours chez eux, le seul endroit où ils seront véritablement chez eux.

Mais, malheureusement, cette affirmation très syndicale, très sociale et consciente de la place sociale que vous occupez dans l'échiquier, est malheureusement précédée d'un paragraphe très anglophone où vous affirmez le retrait des droits des parents au libre choix de la langue d'instruction pour leurs enfants et l'intégration obligatoire des immigrants dans les écoles françaises.

Vous, comme groupe anglophone, à ce sujet, vous n'êtes pas différents des autres, je vous l'assure, vous avez lu ces deux choses dans le projet de loi. Je l'ai lu, je l'ai relu, vous êtes le 26e ou le 27e groupe à venir nous donner généreusement votre opinion sur le projet de loi, je vous prie de m'indiquer à quel endroit, dans le projet de loi, vous voyez le retrait du libre choix. Le ministre lui-même a dit que le libre choix n'était pas retiré. Ce point est l'un des rares sur lesquels nous sommes d'accord. Alors, peut-être pouvez-vous nous faire mentir tous les deux et nous affirmer qu'effectivement il y a retrait du libre choix dans le projet de loi? Surtout, dites-moi où vous voyez l'intégration obligatoire des immigrants dans les écoles françaises!

M. PEACOCK: Est-ce que vous me permettez de répondre: D'abord, l'article 118, qui est clair, dit que le bill 63 est retiré.

M. CHARRON: Techniquement, parce qu'il est...

M. PEACOCK: Voulez-vous que je lise le texte, M. Charron?

M. CHARRON: Oui.

M. PEACOCK: II n'y a pas le mot "techniquement" dans le texte.

M. CHARRON: II fallait le faire parce qu'on a changé, dans les articles 48 à 52...

M. PEACOCK: Si vous voulez défendre l'article, c'est à vous de le faire. Je dis que je l'ai lu. C'est clair, et cela...

M. CHARRON: Oui.

M. PEACOCK: ... retire le bill 63.

M. CHARRON: Techniquement, je suis d'accord avec vous. En principe, je suis d'accord.

M. PEACOCK: Vous ajoutez les mots, d'accord. Lisons l'article 49. Les élèves qui n'ont une connaissance suffisante d'aucune des deux langues doivent recevoir leur instruction en français. Il est clair que les immigrants venus ici ne parlent pas suffisamment bien l'anglais, sauf dans le cas des riches, peut-être. C'est cela qui me préoccupe un peu. Est-ce qu'ils vont détourner la loi? Les riches vont ouvrir des écoles privées pour leur donner une espèce de "crash course". Nous pensons toujours aux pauvres qui ne pourront pas faire cela. A l'exception des riches et des gens à l'aise, les pauvres qui immigreront ici n'auront sûrement pas une connaissance suffisante de la langue anglaise. Il y a une contradiction dans cette affaire. Pédagogiquement, d'abord, c'est solide de dire: Un enfant doit avoir une connaissance suffisante de la langue d'instruction pour recevoir cette instruction dans cette langue. D'accord, mais s'il ne l'a pas, il doit recevoir cette instruction en français. Cela est logique!

M. CHARRON: M. Peacock, ne mélangeons pas immédiatement la situation des immigrants, si vous le voulez. Tenons-nous en aux citoyens québécois ici. On parlera des immigrants par la suite. Les citoyens québécois déjà ici, francophones comme anglophones, les 6,000,000 de Québécois actuellement, se voient-ils, dans le projet de loi actuel, retirer le droit d'inscrire leurs enfants à l'école française ou à l'école anglaise?

M. PEACOCK: Cela dépend, s'ils ont une connaissance suffisante.

Si je comprends bien, il y a beaucoup de Canadiens français qui envoient leurs enfants dans les écoles anglaises, justement parce qu'ils n'ont pas une connaissance suffisante de la langue anglaise.

M. CHARRON: M. Peacock, l'affirmation de principe que vous avez notée à l'article 49 voulant que les élèves doivent connaître suffisamment la langue d'enseignement pour recevoir l'enseignement dans cette langue, cette affirmation de principe qui est une trivialité, en fin de compte — tout le monde en conviendrait — qu'il n'était pas nécessaire de mettre dans un projet de loi, n'est-ce pas la situation actuelle? Les gens qui ont passé avant vous, vos

employeurs, par exemple — je ne veux pas vous amener sur un autre sujet — qui sont responsables... Ce n'est pas vous qui êtes responsables de l'admission des étudiants. Vous, vous leur donnez des cours une fois qu'ils sont dans la classe. Ceux qui décident si l'étudiant entre et recevra vos cours, ce sont véritablement vos employeurs, les cadres scolaires protestants, etc. Où voyez-vous dans la loi une restriction pour eux à accepter un enfant francophone dans l'école anglaise? Il n'y en a aucune. On nous a dit...

M. PEACOCK: Je suis d'accord que la commission protestante va sortir des tests si faciles qu'un Chinois, qui ne parle pas un mot d'anglais, va se trouver avec une connaissance adéquate de la langue anglaise. C'est tout ce qui intéresse la commission

M. CHARRON: Voulez-vous répéter cette phrase pour le ministre de l'Education qui est malheureusement dérangé à l'heure actuelle?

M. PEACOCK: Le ministre a toujours ses pouvoirs discrétionnaires de faire un autre test. Je ne veux pas faire des cauchemars. Il se peut fort bien qu'un ministère assez rusé puisse créer un test où je ne réussirais pas, si vous me demandez de conjuguer le subjonctif imparfait du verbe "must", par exemple, en anglais, ou si vous me demander tous les gérondifs, des choses très compliquées, un test plein de grammaire. Quelqu'un qui veut éliminer ce transfert des francophones ou d'autres personnes aux écoles anglaises pourrait inventer un autre test. Cela dépend du test. On peut jouer le jeu du test pendant bien longtemps. Ce n'est pas par le text qu'on fait...

M. CHARRON: Mais vous êtes d'accord avec moi pour dire qu'avant que le ministre se prévaille de ce droit qu'il se réserve à l'article 51, dans les cas où cela tournerait mal, comme vous dites, où il pourrait arriver avec un test très difficile ou un test très facile, personne ne le sait. Il y a des francophones qui viennent nous dire: Le test va être très facile. Vous nous dites: Le test peut être très difficile. Vous avez peut-être autant raison que les autres. On ne le sait pas. Le ministre se réserve un pouvoir discrétionnaire par règlement. Avant cela, avant que le ministre n'intervienne avec ce pouvoir en vertu de l'article 51, c'est l'article 49 qui va s'appliquer. Vous m'avez dit qu'avec l'article 49 le Protestant School Board of Greater Montreal, que vous connaissez bien, va pouvoir accueillir un Chinois ou un francophone qui n'a aucune connaissance suffisante de l'anglais.

M. PEACOCK: II peut le faire. Je ne suis pas le représentant ici, mais je m'imagine bien qu'il va créer des tests assez faciles, disons, presque trop faciles.

M. CHARRON: Parce que ces gens ont un avantage économique direct d'avoir des étudiants. Plus ils ont d'étudiants, plus la subvention qui provient du gouvernement sera proportionnelle, j'imagine. C'est une des raisons. L'inquiétude qu'on a, c'est qu'il y a une affirmation de principe dans l'article 49, à laquelle bien des anglophones se sont achoppés. Ils disent: Voilà, c'est la fin du libre choix. Il faut maintenant avoir une connaissance suffisante. Mais il n'y a aucune obligation de tests ou de vérification. C'est laissé à la discrétion des commissions scolaires. Comme vous me dites, les commissions scolaires soucieuses d'accueillir la clientèle vont faire cela au minimum. On n'est pas assuré...

M. PEACOCK: Excusez-moi, vous me parlez de la commission protestante, mais il y a des commissions catholiques qui contiennent des élèves anglais et des élèves français, par exemple la CECM. Je m'imagine les bagarres qui vont se produire après l'adoption de ce bill. Chaque fois, l'Alliance des professeurs va protester qu'il y a trop de gens qui vont dans les écoles anglaises. Chaque fois, la Federation of English-Speaking Catholic Teachers va faire encore un communiqué de presse contre cela. Finalement, le ministre sera obligé d'intervenir chaque fois qu'un élève passe d'un côté à l'autre.

M. CHARRON: Etes-vous d'accord pour dire — ce sera ma dernière question sur ce sujet — comme bien des francophones avant vous nous l'ont dit, que tel que stipulé, le chapitre de la langue d'enseignement va conduire à la création de Saint-Léonard, Laval, Brossard, etc.?

M. PEACOCK: Oui.

M. CHARRON: Vous êtes d'accord comme les francophones l'ont dit. Bien, j'ai une dernière question, avant de céder à mon collègue de l'Opposition créditiste, dans les 20 minutes qui sont réparties, sa période des questions. Au dernier paragraphe de votre mémoire à la page 7, sur lequel le ministre voua a interrogé, mais où il a abandonné rapidement le terrain, lorsque vos affirmez que, par les tests requis pour l'admission à l'instruction française ou anglaise, il se pourrait que la loi réduise le nombre d'enfants dont la langue maternelle n'est pas le français dans les classes d'immersion, et ce particulièrement chez les anglophones, il vous a dit: C'est vrai.

Encore une fois, la première phrase: Par les tests requis pour l'admission à l'instruction française ou anglaise. Il n'y a aucun test requis pour l'admission à l'école française ou anglaise dans la loi 22. Il se peut, à l'occasion de Saint-Léonard, de Brossard ou de Laval, que le ministre intervienne avec son test, en vertu de l'article 51, qui peut être très difficile ou qui peut être très facile, mais il n'y a aucune obligation dans la loi 22 qu'il y ait des tests d'admission à l'instruction française ou anglaise.

M. JOHNSON: Qu'est-ce que c'est la signification de l'article 50?

M. CHARRON: C'est le statu quo. C'est actuellement cela. Actuellement les commissions scolaires possèdent déjà le droit, en jugeant de la connaissance suffisante, comme nous ont expliqué tous les cadres scolaires qui sont venus, de voir... Si l'enfant n'a vraiment aucune connaissance de la langue dans laquelle il va être instruit, on le met dans la classe qu'on a appelée zéro; s'il a déjà une connaissance de son milieu familial, etc., on le met dans une classe un peu plus avancée. Le pouvoir des commissions scolaires de placer l'enfant dans le groupe, la classe ou le cours où elles jugent bon de le placer, la commission scolaire l'a déjà. La preuve, c'est qu'à Brossard, cette année, les commissaires, pour contrer les effets négatifs de la loi 63, ont décidé que, désormais, tous les parents francophones qui inscriraient leurs enfants à l'école anglaise verraient leurs enfants perdre une année. Sur le plan pédagogique, on voulait leur faire combler ce retard. C'est une façon pour les commissaires de contourner une loi nocive et que le gouvernement répète dans la loi 22. Mais ce pouvoir, à l'article 50, il existe déjà aux commissions scolaires, c'est le statu quo.

M. PEACOCK: Je dois vous faire remarquer que ce commissaire de Brossard dont vous parlez a été battu par une majorité francophone, sur cette question, récemment.

M. CHARRON: Cela est bien possible. Cela fait partie, M. Peacock, de ce genre de climat que nous allons vivre d'une commission scolaire à l'autre et de conflits proprement politiques qui vont se transposer jusqu'aux élections scolaires. Cela est très vrai. Cela confirme, effectivement, le fait que, désormais, les droits vont varier d'une commission scolaire à l'autre et d'une majorité de commissaires à l'autre. Il se peut, effectivement, que, demain matin, la ville de Saint-Hyacinthe, par exemple, élise une majorité de commissaires qui, eux, décideront de ne pas faciliter le transfert et que la commission scolaire suivante, à Saint-Hilaire, par exemple, qui, elle, aura élu une majorité de commissaires, genre Comité Canada, genre assimilés nous arrive par la suite en disant: Toutes portes ouvertes aux écoles anglaises. Les droits des francophones et des anglophones vont varier d'une commission scolaire à l'autre par la suite. Est-ce qu'on est d'accord sur cette affirmation? C'est tout, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: M. le Président, dans le mémoire qui nous est soumis, à la page 6, nous retrouvons une chose qui nous intéresse. On nous mentionne que la langue française pourrait davantage être intéressante, au niveau de l'éducation, si nous en arrivions au français comme langue de travail. Bien sûr, M. le Président, nous constatons aussi que la langue étant un moyen de communication, elle est utilisée pour les nécessités de la vie. Ce qui veut dire que, lorsque nous savons à l'avance qu'au travail il nous faudra parler telle ou telle langue, bien entendu, on est intéressé à apprendre la langue qui sera nécessaire pour chaque citoyen pour occuper un emploi et pour vivre sa vie économique. Ceci dit, bien entendu, nous considérons, nous aussi, qu'une meilleure promotion de la langue française se fera nécessairement lorsque nous aurons atteint le niveau de français langue de travail. A ce chapitre, vous rejoignez un peu le mémoire que nous avons entendu hier de la part de la FTQ. Je pense qu'au point de vue de la promotion de la langue française au Québec, il est absolument important pour nous que cela soit relié à la vie économique et, par le fait même, au monde du travail.

M. le Président, je voudrais cependant poser certaines questions quant au statut de la langue anglaise. Nous retrouvons assez fréquemment dans le mémoire des endroits où l'on nous parle du statut officiel de la langue anglaise au Québec, du désir de votre groupement de voir conserver ce statut. Je voudrais vous faire remarquer que mon point de vue est le suivant: non seulement il n'y a pas de danger dans le présent projet de loi pour les droits de la langue anglaise mais, au contraire, je considère que, par ce projet de loi, on légalise plutôt une situation qui existe.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Si vous permettez, M. le député de Rouyn-Noranda, c'est parce qu'on vient de me faire part d'une contre-entente récente, qui vient d'intervenir à cause de certaines obligations d'un parti politique pour les prochaines heures. Le groupe du Congrès canadien polonais que nous devions entendre vers midi et trente devra être entendu à seize heures cet après-midi. Je le dis pour éviter qu'il demeure ici: à seize heures, vous serez le premier groupe à être entendu. Je tiens à le mentionner, quel que soit le parti en cause: il arrive qu'il y a certaines obligations qu'il est normal que les autres partis politiques reconnaissent. Sans nommer aucun parti politique, je pense que c'est une bonne tradition que de reconnaître les obligations de chaque parti. Le député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: Merci, M. le Président. J'en étais à expliciter le fait que je considère que le statut, que je ne crois pas être un statut légal présentement, le statut de fait qui est celui de la langue anglaise au Québec, loin d'être mis en danger ou modifié, est plutôt légalisé par la présente loi. Je voudrais en profiter pour poser une question à M. Johnson. Des les dernières quatre ou cinq lignes, à la page 3, vous dites: "Le gouvernement devrait maintenir le présent

statut légal de la minorité — je ne crois pas que ce sôlt un statut légal, mais en tout cas — tout en incitant de façon "fasitive" et en encourageant la communauté anglophone à s'intégrer à la majorité francophone." Cette intégration que vous désirez suivant votre mémoire, vous la voyez possible de quelle façon?

M. JOHNSON: De façon "positive", c'est une erreur. C'est à la page 3? De façon "positive".

M. SAMSON: Positive, d'accord. En encourageant la communauté anglophone à s'intéresser à la majorité francophone, vous la voyez comment cette façon d'inciter les anglophones à s'intégrer? Cela prendrait quelle forme, selon vous?

M., JOHNSON: It is important to us that the prime method is the language of work.

This is the main vehicle to make the French language a priority language in the province of Quebec and this has been a theme that we emphasize throughout. I would like to react too to your observations about the status of the English language, and question the meaning of article 53, which, I do not know what it means, it says: "Notices required by law to be published in French and English may nevertheless be published only in French". What does that mean?

And this has a bearing on the status of the English language. This is our concern about the vagueness of the law.

M. SAMSON: Si vous me permettez, sur cette question, à travers le Québec — je ne parlerai pas seulement de la région de Montréal — cela ne se fait pas d'une façon bilingue complète partout, ce qui veut dire que, si je comprends aussi cet article, le ministre, par cet article, aura la possibilité de faire en sorte que cela se fasse dans les deux langues, ce qui veut dire que cela pourrait se faire dans un plus grand nombre de municipalités que cela se fait présentement, si je le comprends bien. Maintenant, je voudrais en revenir à la question spécifique que je vous ai posée, parce que cela m'intéresse énormément de savoir votre point de vue sur la façon de trouver des méthodes incitatives d'intégration à la communauté francophone.

Vous avez, dans votre réponse, mentionné que la langue, étant un véhicule de communication, selon vous, si la langue de travail devenait le français d'une façon plus globale, cela serait une méthode d'incitation. Est-ce bien cela que j'ai compris?

M. PEACOCK: Est-ce que je peux ajouter une autre réponse supplémentaire? Il y a une chose d'anormale au Canada, c'est que les Canadiens semblent ne pas avoir compris que d'apprendre une langue seconde, c'est du "fun" comme on dit ici. Cela pourrait être agréable d'apprendre une autre langue ou peut-être deux ou trois autres langues. Cela n'existe pas à l'heure actuelle, on ne veut pas apprendre l'autre langue. Il y a des Canadiens français aussi qui ne veulent et qui ne peuvent pas parler l'autre langue. Ils ne le veulent pas. Plus on essaie de forcer les gens à parler une autre langue, moins ils le veulent. Si on pouvait créer — et cela est la responsabilité du ministère de l'Education — un système d'éducation d'apprentissage de langue seconde qui était supérieur à n'importe quel système n'importe où en Amérique du Nord, si on pouvait avoir des cours sur la culture de l'autre langue, si on peut avoir des échanges promis par le ministère de l'Education, tel qu'on l'avait déjà proposé il y a trois ans au ministère de l'Education, si on pouvait faire tout cela, on pourrait créer une atmosphère, une ambiance détendue dans les écoles, où les élèves seraient encouragés à apprendre, pas seulement le français, mais d'autres langues. C'est tout cela. On sait que les meilleures recherches sur l'apprentissage de la langue seconde sont faites au Texas ou en Californie plutôt qu'au Québec et c'est cela qui n'est pas normal dans toute la situation.

C'est parce que la situation est anormale, c'est que ce bill devient anormal aussi. Toutes les solutions sont anormales. Mais on pourrait inciter les enfants à apprendre une autre langue par des mesures, en créant une atmosphère de détente. Chaque fois qu'on essaie de faire passer un bill, cela crée encore un dérangement entre les deux communautés. Il y a du ressentiment, il y a des "red necks" des deux côtés, tout cela, et encore des rancunes derrière nos attitudes. On ne parle pas de cela. Mais derrière cela, on ne se comprend pas très bien. Les élèves sont bien capables d'apprendre n'importe quoi, surtout les langues secondes, à un âge très jeune, s'ils le veulent. Mais on ne peut pas forcer les enfants à vouloir apprendre une langue.

M. SAMSON: On peut quand même conclure que...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je peux conclure... 22 secondes.

M. SAMSON: ... c'est le besoin qui fait qu'on va apprendre une langue plutôt qu'une autre et que ce besoin n'existe peut-être pas actuellement en fonction de la langue française. En tout cas, du côté anglophone, vous ne sentez pas suffisamment qu'il faille apprendre le français parce que la nécessité de vivre en français n'apparaît pas pour vous. C'est cela?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député d'Iberville.

M. TREMBLAY: M. le Président, permettez-moi tout d'abord de féliciter M. Johnson pour avoir présenté son mémoire dans l'une des deux

langues officielles du Canada et particulièrement pour son usage de la langue qui deviendra certainement officielle au Québec après l'adoption de notre bill.

Je retiens, M. le Président, plusieurs points externe ment intéressants dans le mémoire que M. Johnson vient de nous présenter au nom de son association. Comme le temps est limité, je vais mentionner ce qui m'excite le plus dans les allégations que vous présentez, particulièrement à la page 2 du texte anglais qui parle du "Official language of Quebec". Je veux attirer l'attention des porte-parole de l'association sur la suite de ce passage qui dit: "The government must understand that the English-speaking population of Quebec feels insecure and deeply threatened by recent pressures, which seem to it, to call for a unilingual Quebec". Une phrase comme celle-là, messieurs, à mon humble avis, dans votre mémoire, n'aide précisément pas au climat psychologique dans la population anglophone de notre Québec, parce que vous avez comme prémisses... Je vais le relire en anglais parce que votre mémoire va certainement paraf-tre dans les journaux anglais de Montréal et attirera davantage l'attention des anglophones de la région métropolitaine que ceux de Chicoutimi et de la ville de Québec. "The removal of the status of English as an official language in Quebec is perhaps the most significant aspect of the bill". Je considère que c'est une allégation qui va passablement loin. "In one sentence, the bill has reduced the right to use English in public communication or as a language of instruction to a privilege which is held at the grace and favour of whomever is in power at the moment".

Je vous pose une question: Messieurs, à quel endroit précisément, dans l'étude certainement approfondie que vous avez faite du projet de loi 22, percevez-vous précisément que le projet de loi est à l'encontre de l'unilinguisme au Québec?

M. JOHNSON : First of all, I would say this. Our chief concern has been the vagueness and inprecise nature of the bill, that by removing the English as an official language, it leaves the real status of the English language to the discretion of civil servants and public employees or to regulations promulgated by order in council, which do not have to come before the Parliament or the National Assembly of this province, and are, therefore, opened to debate by all elected representatives of the people.

The regulations do, in fact, determine certain policies about the application, and if you go through the bill and count the number of references to regulations that will be formulated and passed by order in council, you come up with a rather staggering number of such regulations. I think it is the arbitrary nature of what the real status of the English language will be that is a concern of the Anglophone population. So, as the minister of Education has already indicated, his proposal is to make more precise some of the regulations, but until those regulations are forthcoming, there is the concern and the fear of what the right, true status of the English language will be in Quebec.

M. TREMBLAY All right. Do you admit, though, that the general spirit of the bill goes towards unilinguism in Quebec? Give me a precise answer. We have advocates of unilinguism in Quebec, I mean French.

M.JOHNSON: I think...

M. TREMBLAY: A few of these... All right.

M. JOHNSON: ... the spirit outlined in the préambule does not necessarily do that. What our concern is, is that the application couldlead towards that. So that it is not a question of what the bill says or does not say, but the thing that concerns us is what is not defined and, therefore, what in fact could become the reality of the French language, if the regulations are such.

M. BERNSTEIN: If I may add something. The regulatory powers given to the Lieutenant-Governor in Council outside of the National Assembly, and particularly given to "la Régie de la langue française" in the bill, smack of the kind of executive privilege that we have heard a great deal about from south of the border, that the guidelines for imposing the regulations are nowhere specified in the bill.

The French language board's decisions are incontestable. I think this goes a little beyond the realm of democratic procedure whereby a public regulatory body can have its decisions incontestable, not appealed, no judicial review and this is the granting of certificates, the removal of certificates, the decisions as to whether the francization program is being implemented or not, on what basis it is to be implemented, how it is to be implemented. These are all discretionary powers well beyond the jurisdiction of the National Assembly and the electee representatives of the people of the province.

For example, the powers given to it, without any specific legislative guidelines, are, to our minds, open to abuse. To be cynical, they are open to favoratism, "patronage". These are all possibilities and I think the law should specify what the guidelines shall be; the law should also specify, which it does not, what the penalties are for non-implementation of the francization program for corporations. It is sort of ironic that a major bill of linguistic policy provides for no penalties for non-application by large corporations and yet, a previous bill, with a slightly lower number, bill 19, provided for very stringent penalties on the part of individuals for non-implementation of a particular law.

And it would seem that there is a contradiction, a distorted sense of perspective value where the onus falls on the individual in legislation and not on so-called moral persons, "personnes morales" corporations, non individual, legal entities.

M. PEACOCK: I think we very much regret...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Il lui reste trois minutes.

M. PEACOCK: ... if anything we said added fuel to the passions of bill 22. We were not trying to add that. I think we were trying to make a "constatation". The English community is beginning to take French Canadian seriously. Maybe that it is a good thing, but they listen also to the wild men and it is the wild men that we are worried about that might get into the power and administer this bill. You could argue that this bill is a Humpty-Dumpty bill. If you read Alice's adventures in wonderland, Humpty-Dumpty said: Words mean whatever you want them to mean. If could be a bill which is nothing. A sop to French Canadian pride, but a wink to the English corporations. As I have understood Mr Trudeau rightly, that is what he is saying, that they are not going to implement the damn thing, it is just that it keeps everybody happy. Well, that could be. But it also could be a very discriminatory bill. It could be anything you wanted it to be and this, in the present climate of uptightness if I may use that word, amongst the English population is a very dangerous thing. It is like sticking a stick into a lion's cage.

M. TREMBLAY: Your expression of the wild men to become in power some day who would they be? Of whom are you afraid?

M. PEACOCK: II n'y a personne ici dont nous avons peur.

M. TREMBLAY: Quelle serait l'alternative du gouvernement actuel, par exemple, advenant une élection prochaine? Qui est l'Opposition officielle? N'est-ce pas cela que vous aviez à l'esprit?

M. PEACOCK: II y a des gens dans l'Opposition officielle qui veulent un Québec unilingue. C'est pour moi...

M. MORIN: Est-ce le programme de l'Opposition officielle?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. MORIN: M. le Président, les propos du député "toastmaster" nous inquiètent quelque peu.

M. VEILLEUX: Le député de Beauce-Sud a dit qu'il était pour l'unilinguisme français. Il a parlé d'un parti de l'Opposition.

M. MORIN: Je n'avais pas l'intention d'intervenir à ce stade du débat.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Je voudrais informer les membres de la commission que la période de 40 minutes pour les questions est maintenant terminée.

M. MORIN: M. le Président, elle s'est terminée sur une note qui me parait fort déplaisante pour la suite des travaux de cete commission. J'aimerais demander à M. Peacock, s'il connaît le programme du parti qui constitue, à l'heure actuelle, l'Oppsoition officielle, dans le domaine dont nous parlons.

M. PEACOCK: J'ai failli voter pour.

M. MORIN: Et vous connaissez ce programme?

M. TREMBLAY: M. le Président...

M. CLOUTIER: Mais pour d'autres raisons. Vous étiez contre la classification. Avouons-le.

M. PEACOCK: Ma femme a voté pour.

M. CLOUTIER: Oui, parce que vous protestiez contre le gouvernement. Vous n'auriez pas voté pour si la classification avait été réglée comme elle l'a été hier.

M. MORIN: Mais, M. Peacock, vous connaissez donc le programme.

M. PEACOCK: Oui. Mais je connais des personnes dans le parti qui ne sont pas tout à fait d'accord sur le programme actuel.

M. MORIN: Bien sûr. J'imagine que, si votre femme en fait partie, elle pourrait être en désaccord. Les partis politiques sont souvent des constellations d'opinions. On le voit bien, surtout à l'heure actuelle, dans le gouvernement.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Merci beaucoup. La commission suspend ses travaux jusqu'à seize heures.

(Suspension de la séance à 12 h 32)

Reprise de la séance à 16 h 47

M. GRATTON (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs.

Avant de procéder à l'audition du premier groupe, j'aimerais aviser la commission des noms des membres qui la composent, soit M. Springate (Sainte-Anne), M. Charron (Saint-Jacques), M. Déom (Laporte), M. Cloutier (L'Acadie), M. Hardy (Terrebonne), M. Tremblay (Iberville), M. Tardif (Anjou), M. Morin (Sauvé), M. Fraser (Huntingdon), M. Beaure-gard (Gouin), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Veilleux (Saint-Jean).

Le premier groupe que nous entendrons est le Congrès canadien polonais, M. Chelminski. Je vous inviterais, M. Chelminski, à bien vouloir nous présenter les gens qui vous accompagnent et à nous faire votre présentation.

Congrès canadien polonais

M. ROMER: M. le Président, M. le ministre, messieurs les députés. J'ai l'honneur de vous présenter les membres de la délégation du Congrès canadien polonais ici présents. Nous sommes quatre. Le deuxième, à ma droite se trouve le professeur Vincent Adamkiewicz, professeur de microbiologie à l'Université de Montréal, ancien président du Congrès canadien polonais, Québec; à ma droite, immédiatement à côté de moi, M. Thaddée Solovij, économiste conseil à Montréal, trésorier de la section canadienne de l'Institut polonais des arts et des sciences en Amérique; immédiatement à ma gauche,, M. André Kavczak professeur et directeur du département de philosophie à Loyola, Montréal, ancien président du Congrès canadien polonais au Québec. Nous avons aussi l'avantage d'avoir avec nous le président en charge du Congrès canadien polonais, Québec, M. l'ingénieur Leszek Chelminski qui est placé deuxième à gauche de moi.

J'ai l'honneur, M. le Président, tout d'abord d'exprimer ma profonde satisfaction de me trouver ici dans ce cadre impressionnant et accueillant à la fois pour pouvoir vous dire en toute franchise et en toute amitié notre profonde satisfaction de voir examiner et d'être appelés à collaborer avec vous pour étudier ce projet de loi no 22. Nous sommes absolument d'accord avec les buts qu'il poursuit et qui sont fixés dans le préambule du projet de loi qui nous dit: Attendu que la langue française constitue un patrimoine national que l'Etat a le devoir de préserver et qu'il incombe au gouvernement du Québec de tout mettre en oeuvre pour en assurer la prééminence et pour en favoriser l'épanouissement et la qualité.

Nous sommes entièrement d'accord sur ce préambule et je crois que nous n'avons absolu- ment pas à discuter les buts. Ce qui est à discuter, ce que nous voudrions étudier avec vous, en toute amitié, ce sont les moyens qu'on doit employer pour atteindre ces buts.

Nous avons dans ce domaine passablement d'expérience en ce qui concerne notre mère patrie, notre pays d'origine, la Pologne qui, comme vous le savez, pendant près de 150 ans, s'est trouvée sous la domination de trois puissances copartageantes et qui a éprouvé, soit dans le domaine de l'instruction, de l'éducation publique, soit dans d'autres domaines, une persécution constante de la part de ces puissances occupantes. Ceux d'entre nous, et j'appartiens à cette catégorie, qui se rappellent l'époque d'avant la première guerre, nous avons constaté et assisté avec tristesse et au grand scandale de l'Europe toute entière, à des scènes où l'on fustigeait les enfants polonais qui se trouvaient en Pologne allemande et qui refusaient de dire à l'école la prière en allemand qui leur était imposée. A cette époque-là, soit dans la région qui était occupée par la Prusse, soit dans la région de la Pologne qui était occupée par la Russie, l'enseignement et l'usage de la langue polonaise était interdit ou bien très limité et les souffrances de ce côté étaient considérables.

Par contre, ça n'a pas empêché le développement de la langue polonaise et de la culture polonaise car c'étaient des mesures qui nous étaient imposées et qui provoquaient de la part de la nation polonaise, une réaction très forte et très violente. A la même époque de ces persécutions, nous avons vu paraître le principal romancier de cette époque, Henryk Sienkiewicz, prix Nobel, qui est l'auteur de Quo Vadis, le fameux roman connu de tout le monde — il a été traduit dans toutes les langues — qui prouvait jusqu'à quel point la langue, la culture et la civilisation polonaises, malgré ces persécutions ont continué à se développer et à exercer une influence sur tous les pays voisins.

Voici nos expériences. D'autre part, je voulais aussi attirer votre attention sur le fait que nous avons toujours considéré la connaissance de plusieurs langues étrangères comme une acquisition extrêmement favorable, extrêmement intéressante, un enrichissement intellectuel pour ceux qui pouvaient les pratiquer.

Vous voyez, ici, nous sommes quatre et nous avons une vingtaine d'enfants et de petits-enfants qui sont déjà, dans certains cas, des personnes adultes et, sur celles-là, il n'y en a pas une seule qui n'ait pas commencé ses études en français dans une école française du Canada et qui ne parle pas la langue française facilement et confortablement.

Nous sommes nous-mêmes d'avis que l'acquisition des langues étrangères est possible, surtout pour les enfants qui les acquièrent facilement, et qu'il est très avantageux d'apprendre les langues. Nous recommandons, et cette recommandation est suivie de plus en plus sou-

vent -et fréquemment dans notre groupe national polonais ici au Canada, de commencer par la langue française pour les enfants. Pourquoi, messieurs? Car la langue française est plus difficile à apprendre, surtout la grammaire française, que la langue anglaise et, de ce fait, il est bon de commencer par l'école française et par l'étude de la langue française.

Et cette mesure a donné de bons résultats chez nous car nous constatons, d'après nos enfants et nos petits-enfants, qu'ils parlent facilement la langue française et qu'ils la manient avec facilité et avec éloquence.

Je voudrais, M. le Président, si vous voulez bien me le permettre, vous donner lecture de l'introduction très brève au mémoire du Congrès canadien polonais que nous allons essayer de défendre devant vous et de discuter avec vous, pour vous montrer l'atmosphère qui existe dans notre milieu, auprès de nous, de notre groupe ethnique polono-canadien.

Voici cette introduction: Le groupe ethnique polono-canadien, dans la province de Québec, prend connaissance du projet de loi no 22 sur la langue officielle avec une certaine inquiétude.

Notre groupe ethnique est bien conscient des liens traditionnels et très étroits qui le lient à la langue française et à la culture francophone de la majorité de cette province, étant donné les liens historiques entre la Pologne et la France et les traditions culturelles des deux pays.

Notre groupe ethnique, conséquemment, approuve entièrement toutes les mesures ayant en vue l'affermissement et le développement de la langue française de la province et au Canada tout entier.

Cependant, les justes démarches en vue de garantir l'avenir et le développement de la langue française au Canada, et surtout dans le Québec, ne peuvent, à notre avis, être réalisées de façon à empiéter sur les droits acquis, façon qui pourrait créer des tendances discriminatoires de différenciation des citoyens en différentes catégories.

Les mesures en vue de défense et d'affermissement de la langue française n'exigent pas, à notre avis, l'amoindrissement ou l'élimination du rôle de la langue anglaise qui est une langue d'un nombre considérable d'habitants de cette province et dont la connaissance est indispensable, nous parait-il, sur le continent nord-américain. Au contraire, nous croyons que la meilleure garantie pour l'avenir de la langue française est le développement économique et culturel de la province, est une réalisation conséquente par étapes d'un vrai bilinguisme dans tout le Canada. Nous appuyons donc très fortement des modifications du projet de loi 22 qui pourraient nous approcher de cette réalisation et qui pourraient éliminer un conflit ou un danger d'un conflit de cette loi avec le principe constitutionnel de deux langues officielles.

Nous sommes d'avis que la législation en cette matière dans la plupart des autres provin- ces du Canada, on pourrait même dire dans toutes les autres provinces du Canada, ne garantit pas effectivement les droits et les besoins de la population canadienne de langue française et de progrès vers la réalisation de ce but suprême, à notre avis, à savoir que le Canada devienne un pays bilingue.

Il ne nous faut pas cependant pour cette raison, croyons-nous, modifier la législation de cette province dans un sens qui pourrait nous éloigner de ce but suprême. En effet, il nous semble évident que le projet de loi, tel qu'il nous est soumis actuellement, aurait pour conséquence de retenir et même de faire reculer des possibilités du développement de la langue française dans d'autres provinces.

Le congrès canadien a nommé un comité, lequel, dans le cadre du raisonnement dont il est question plus haut, se permet, au nom du groupe ethnique polono-canadien, de soumettre les propositions dont vous avez le texte et dont je ne voudrais pas discuter avant que vous puissiez nous poser des questions.

Je voudrais ajouter que j'ai ici, avec moi, les copies de deux lettres qui m'ont été remises avant notre départ de Montréal, hier soir, l'une par le président du grand Comité des églises et des associations hongroises de Montréal, l'autre par la Société prométhéenne, qui groupe quatorze groupements ethniques au Canada, et, en plus de cela, la Commission de la citoyenneté et qui, toutes deux dans leurs lettres, s'associent entièrement, après avoir pris connaissance de notre mémoire, avec les thèses que je me suis permis de vous exposer et que nous essaierons de défendre ici en répondant à vos questions.

En plus de cela, je voudrais souligner encore que je proposerais... Je n'ai pas encore parlé, en présentant mes collègues, de mon occupation à moi. Je suis un professeur retraité de l'université McGill en littérature, civilisation et langue françaises, j'étais, jusqu'à l'année dernière, en charge de l'organisation de la direction de l'enseignement du français au personnel enseignant, de recherche et administratif de la même université. Je suis aussi président et directeur de la section canadienne de l'Institut polonais des arts et des sciences en Amérique.

Comme vous voyez, j'ai une certaine expérience de l'enseignement que j'ai donné personnellement, l'enseignement de la langue française depuis 27 ans. J'ai eu affaire non seulement avec les étudiants à l'Université ou bien à des personnes adultes venant de la ville pour des cours du soir. J'ai également fondé et dirigé, pendant une bonne dizaine d'années, un service spécial à l'université McGill pour l'enseignement du français, à partir de 1963, au personnel enseignant, au personnel de recherche et aussi au personnel administratif de notre université. C'était une preuve de bonne volonté de leur part. Il y a 1,400 environ de ces gens, parmi ce personnel, qui sont venus chaque année, pendant dix à onze ans, suivre ces cours. C'est une université qui, au moment où je suis arrivé

d'Angleterre après la deuxième guerre mondiale, était, je dirais, un bastion de langue anglaise. Elle est devenue aujourd'hui... elle s'est ouverte à la possibilité de comprendre et de parler, de s'exprimer en français d'une façon plus ou moins correcte de la part de tout le personnel qu'elle comporte.

Je crois que c'est une preuve de bonne volonté et une preuve aussi de la possibilité, même pour les adultes, d'apprendre à maîtriser la langue française.

Voici ce que je voulais dire, et si vous le permettez, M. le Président, je voudrais passer encore la parole à mes collègues pour exposer des points spéciaux très brièvement et pour pouvoir répondre plus tard aux questions que vous aurez l'obligeance et la possibilité de nous poser.

Si vous me le permettez, je vais passer la parole à M. Solovij, qui est à ma droite, pour exposer la question des entreprises économiques.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Pardon, monsieur. J'aimerais vous faire remarquer quand même que le temps alloué pour la présentation est d'environ 20 minutes et qu'il vous reste environ six minutes. Je présume que vous pouvez...

M. SOLOVIJ: Je passe sur les petites corrections que nous suggérons dans notre mémoire, changer un an, deux ans, des trucs comme cela, et je passe aux choses plus essentielles.

Au chapitre sur la langue de travail, en plus de quelques corrections de moindre importance, nous proposons de supprimer les articles 32, 33 et 34. J'ai cru comprendre ce matin, de la bouche du ministre Cloutier, que le gouvernement ne soutient plus l'article 31.

En tant que contribuables, nous nous opposons aux dispositions qui donnent une préférence aux entreprises titulaires du certificat de francisation. En effet, à notre avis, le seul critère applicable pour l'attribution, par l'administration publique, de contrats, doit être le critère économique, c'est-à-dire celui concernant les prix et la qualité des fournitures, services, ou travaux offerts.

Le projet donne une grande latitude au commissaire-enquêteur en ce qui concerne l'application de la loi, ce qui présente un sérieux danger car elle risque d'entraîner maintes décisions arbitraires, surtout dans le cas des petites entreprises qui ne peuvent pas se permettre d'engager des spécialistes pour se défendre.

Comment sera établi, par exemple, le degré de francisation pour une petite épicerie où travaille seulement la famille du propriétaire? Le permis de la vente de la bière sera-t-il dans ce cas dépendant du résultat de l'examen de tous les membres de cette famille?

En ce qui concerne l'enseignement, sur lequel mes collègues auront beaucoup plus à dire, je me limite seulement à une question. Nous sommes tout à fait d'accord, solidairement, sur l'article 52 qui prévoit que l'école doit assurer la connaissance de la langue française parlée et écrite aux élèves qui reçoivent l'enseignement en langue anglaise. Nous sommes cependant d'avis qu'une bonne connaissance de la langue anglaise s'impose également aux élèves fréquentant les écoles de langue française. Le texte du projet de loi 22 est muet à ce sujet. Cette lacune ne peut pas encourager les parents à diriger leurs enfants vers les écoles dont l'enseignement en anglais leur garantira la bonne connaissance des deux langues en usage au Canada, surtout si la Centrale de l'enseignement du Québec, comme nous l'avons appris par la presse, préconise à la commission la suppression totale de l'enseignement de la langue seconde au niveau primaire.

Il y a lieu d'observer que les écoles d'une autre province ne peuvent être comparées que peu favorablement avec les écoles secondaires de plusieurs pays de l'Europe continentale, où souvent l'enseignement d'une ou même de deux langues autres que la langue maternelle est obligatoire.

Dans le cas du Québec, dont l'économie repose dans une très large mesure sur le commerce avec les autres provinces du Canada et les Etats-Unis, et dont le développement futur dépend en grande partie de l'afflux des capitaux étrangers, la connaissance de l'anglais, par excellence une langue financière, commerciale et technologique, est absolument indispensable pour tous ceux qui aspirent entrer dans les cadres et d'autant plus pour ceux qui désirent occuper un poste de direction dans les affaires. La familiarité avec le monde international de la finance indique que la connaissance de l'anglais se répand de plus en plus dans les centres mêmes tels que Paris, Genève ou Bruxelles. Pour résumer, nous ne voyons aucun conflit entre l'objectif du projet de loi 22, c'est-à-dire la connaissance de la langue française par toutes les personnes vivant au Québec, et l'enseignement de l'anglais à tous les jeunes de la province. Au contraire, nous sommes convaincus que la connaissance de cette langue est nécessaire dans l'intérêt du développement économique du Québec et ne peut qu'enrichir la culture générale de la population.

M. KAVCZAK: Si vous me permettez, je suis M. André Kavczak de Loyola, Montréal. Il nous semble que les craintes et les appréhensions de la communauté polonaise et des autres communautés ethniques au Québec sont basées, premièrement, sur cette question: Quelle est la meilleure méthode d'assurer un bon avenir à nos enfants, au Québec, au Canada et dans l'Amérique du Nord? L'avis qui prévaut dans notre communauté est qu'une bonne connaissance des deux langues, le français et l'anglais, constitue une fondation favorable et peut-être nécessaire pour le vrai développement de la personnalité de l'individu, et, en même temps,

la meilleure préparation pour une vie utile et créatrice dans la société. Il nous semble qu'il faut commencer l'enseignement des deux langues le plus tôt possible, préférablement avant l'âge de neuf ans. Cette opinion semble être appuyée par des autorités du premier rang, telles que Jean Piaget, Penfield, McEven ou, Lambert.

Cette question est particulièrement importante du point de vue des responsabilités des parents et je voudrais citer les résultats des études longitudinales des professeurs Lambert et Tucker.

Je cite la revue Psychologie, no 49, de 1974: "Les analyses montraient que le bilan était bien supérieur sur le plan de l'intelligence que leur travail scolaire était incontestablement meilleur et qu'il avait une attitude de plus grande compréhension." C'est de ce point de vue que nous sommes inquiets que les effets de l'application des normes des articles 48 à 52 du projet de loi 22 peuvent être négatifs pour la génération nouvelle de Québécois. Bien qu'ils soient de familles francophones, anglophones ou polonophones, il nous semble que le système jusqu'ici et les privilèges de la loi 63 en particulier, ont offert des chances uniques pour nos enfants, des chances qu'il faut apprécier et protéger, îl nous semble que les parents eux-mêmes sont dans la meilleure position d'évaluer quel régime linguistique à l'école est le plus avantageux pour un vrai développement de leurs enfants.

Concernant les tests prévus par le projet de loi 22, il nous semble qu'il y a ici un sérieux danger d'empêcher et même endommager la structure psychique d'un très jeune enfant surtout s'ils sont appliqués d'une façon rigide sans tenir compte de la situation dans la famille de l'enfant et des aspirations naturelles et justifiées de ces parents. Merci.

M. ROMER: M. le professeur Adamkiewicz de Loyola, si vous voulez.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Monsieur, je dois vous aviser que l'on dépasse le temps d'environ deux minutes. A moins que la commission m'autorise à allonger la période de présentation.

M. MORIN: M. le Président, en ce qui concerne l'Opposition nous y consentons volontiers. L'exposé, jusqu'ici a été fort intéressant. Nous n'avons pas d'objection à ce qu'il soit poursuivi.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce qu'on peut compter que dans deux ou trois minutes on pourrait compléter la présentation?

M. ADAMKIEWICZ: M. le Président, à cause du manque de temps, je serai bref et nécessairement lapidaire. Je m'adresserai tout simplement au chapitre du projet de la loi qui traite de la langue française comme langue d'enseignement. Dans ce chapitre, nous détectons — je m'exprime en termes très généraux — un quiproquo et une contradiction. Le quiproquo consiste en les faits suivants. Si nous comprenons bien les buts de ce projet de loi, ce but vise un renforcement de la nation canadienne-française par le truchement de la langue et de la culture française. Il nous semble étrange que ce renforcement doive être exécuté au moyen ou plutôt à coup de Polonais, d'Italiens, de Juifs ou autres immigrants. Nous croyons donc — quoique nous soyons absolument d'accord sur le but — que les moyens conduisent ailleurs. Quant à la contradiction, elle touche l'idée de la francophonie en juxtaposition avec l'idée nationale de la province. Il nous semble que la francophonie est une idée beaucoup plus large. Pour illustrer mon point, je me permettrai, M. le Président, de citer l'exemple de l'anglophonie dans ce pays. L'anglophonie se compose de nombreux groupes ethniques et je suis sûr qu'aucun de ces groupes ne serait d'accord que seulement les idées d'un seul groupe, notamment britannique, lui soient imposées dans les questions de langue et d'éducation. Je crois que la situation est un peu semblable du côté de la francophonie et beaucoup de groupes ethniques qui appartiennent à la francophonie canadienne désirent avoir l'accès libre à l'enseignement de la langue anglaise aussi bien que la langue française. Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, nous vous remercions et avant de demander au ministre de commencer la période des questions, j'aimerais, si vous voulez bien, vous aviser que M. Brown, député de Brome-Missisquoi, remplace M. Hardy comme membre de la commission et j'aimerais également aviser la commission scolaire Lakeshore qu'à cause des retards à l'Assemblée nationale tantôt, il nous est apparent et il est sûr qu'il ne sera pas possible pour la commission de l'entendre ce soir. Alors, la Commission scolaire Lakeshore qui devait comparaître en dernier lieu aujourd'hui sera convoquée à nouveau par le secrétariat des commissions.

M. MORIN: M. le Président, puis-je simplement ajouter un mot? Nous aurions été fortement intéressés à entendre cette commission scolaire, j'espère qu'elle reviendra. Nous sommes vraiment navrés de ces retards occasionnés par les débats interminables de l'Assemblée.

M. SEGUIN: M. le Président, d'autant plus que vous faites ce commentaire, est-ce qu'on me permettra de demander si le délai que vous suggérez serait un délai de sept jours ou si ce sera un délai de 24 heures ou 48 heures?

M. CLOUTIER: M. le Président, d'après...

M. SEGUIN: On a passé la journée, ici, vous savez.

M. CLOUTIER: ... nos règlements, le délai est de sept jours, mais à la suite d'une motion qui a été acceptée à l'Assemblée nationale, cette période a été réduite à 48 heures. Cependant, nous sommes d'accord avec le secrétariat des commissions pour convoquer immédiatement même, aujourd'hui ou demain matin, ce groupe pour la semaine prochaine.

M. SEGUIN: La semaine prochaine, pouvez-vous déterminer la journée, M. le Président?

M. CLOUTIER: Je ne crois pas que ce soit le lieu en commission même...

M. SEGUIN: Que ce soit le mardi, le jeudi ou le mercredi.

M. CLOUTIER: ... de faire une convocation. Mais je suggérerais que le président entre en communication immédiatement avec le secrétaire des commissions.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que le secrétaire général de la commission scolaire Lakeshore, M. LeBaron, est ici? Est-ce qu'il y a quelqu'un? Vous pourriez peut-être rencontrer M. Pouliot, le secrétaire des commissions, pour vous entendre sur votre date de comparution la semaine prochaine.

M. VEILLEUX: M. le Président, il y aurait peut-être lieu, lorsque la comparution d'un groupe est remise, compte tenu qu'il manque du temps, de prévoir que le secrétaire des commissions, lorsqu'on reconvoque l'organisme en question, lui donne priorité lorsqu'il est reconvoqué une deuxième fois.

M. CLOUTIER: Dans la mesure du possible, M. le Président, nous tenons compte du désir...

M. VEILLEUX: Le Congrès canadien polonais avait déjà été convoqué et on l'a replacé à la fin de la liste.

M. CLOUTIER: Dans la mesure du possible, nous tenons compte des désirs des associations. Maintenant, il faut bien comprendre, comme l'a expliqué le président ce matin, qu'il est normal que tous les groupes soient convoqués à la même heure le matin. Il s'agit là d'un organisme parlementaire.

M. VEILLEUX: Oui, mais ce que je veux dire au ministre, c'est que, nécessairement, le président de la commission est obligé d'appeller les organismes selon l'ordre qui est inscrit ici, alors on pourrait inscrire le groupe, lorsqu'il sera reconvoqué, en premier au lieu d'en dernier.

M. CLOUTIER: Dans la mesure du possible, mais si nous voulons les voir rapidement, la semaine prochaine, comme ça semble être le souhait, il y a déjà des gens convoqués. Nous allons tenter de tenir compte de cela.

M. VEILLEUX: D'accord!

LE PRESIDENT (M. Gratton): J'invite le ministre de l'Education à commencer la période de questions.

M. CLOUTIER: M. le Président, je voudrais d'abord remercier le Congrès canadien polonais de sa présentation.

Je sais pertinemment quel a été l'apport du groupe polonais à la collectivité québécoise et au Canada dans son ensemble. Je ne ferai que deux brefs commentaires avant de poser une question d'ordre général. Le premier commentaire se réfère à ce que j'ai déjà dit ce matin, à savoir qu'au cours de la discussion en commission élue, article par article, nous allons apporter toutes les informations pertinentes en ce qui concerne les réglementations des programmes de francisation. A ce moment-là, nous serons amenés à définir certaines expressions qui semblaient créer des difficultés à ce groupe comme l'expression "permis".

La deuxième remarque concerne certains commentaires en rapport avec les immigrants, dans le domaine de la langue d'enseignement. Le projet de loi tel que rédigé ne comporte aucune discrimination envers quelque groupe que ce soit; tous les citoyens sont traités de la même façon dans l'optique de l'orientation choisie.

Voici maintenant ma question : Ce mémoire semble se placer surtout dans une perspective de bilinguisme, de bilinguisme dans l'ensemble du pays et de bilinguisme pour chacune des provinces. Cependant, est-ce que ce groupe n'admet pas qu'il est important pour le Québec de se situer dans une optique différente, à savoir que le français doit devenir prioritaire sur son territoire? Ceci ne paraît pas d'emblée incompatible à ce qu'il y ait un bilinguisme dans l'ensemble du pays. Ceci dit, est-ce que cela n'entraîne pas inévitablement certaines restrictions du point de vue de l'usage de l'anglais sur le plan collectif? Ce qui ne modifie pas les droits individuels des personnes de s'adresser ou d'utiliser cette langue.

M. ROMER: Nous sommes tout à fait d'accord, M. le ministre, et nous avons proposé de notre côté de remplacer l'adjectif officiel par l'adjectif prioritaire dans l'article premier. De fait, n'est-ce pas, nous comprenons que le mot "officiel" se rapporte déjà, dans la législation fédérale, à la loi sur les langues et aussi il en est question dans un aspect limité, dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

M. CLOUTIER: Je ne veux pas entreprendre de débat. Ce n'est pas le lieu. J'aurai amplement l'occasion de démontrer qu'il n'y a pas de contradiction à ce qu'une province quelle

qu'elle soit fiasse de la langue de sa majorité une langue officielle, même s'il y a, en ce qui concerne les institutions fédérales, deux langues officielles. Parce qu'il faut bien mesurer la portée de la loi sur les langues officielles. Mais ce que vous dites me semble entrer en contradiction avec d'autres de vos remarques où, tout en admettant que le français soit prioritaire, vous semblez enlever, dans le projet de loi, tout ce qui tend à rendre cette langue prioritaire, indépendamment des expressions utilisées.

M. ROMER: M. le ministre, il me semble que de notre côté, nous approuvons entièrement ce qui figure dans l'article premier, c'est-à-dire dans le préambule, en ce qui concerne le rôle et l'importance, l'épanouissement de la langue française. Ici, il s'agit simplement de l'adjectif "officiel" ou de l'adjectif "prioritaire" dans la première remarque que nous avons faite, par rapport à l'article 1.

M. CLOUTIER: M. le Président, j'ai l'impression que, si vous êtes d'accord sur le principe, vous n'êtes pas d'accord sur les dispositions qui sont dans la loi et qui mènent au principe, dans la mesure où vous semblez privilégier un bilinguisme.

M. ROMER: Oui. Je ne crois pas que de notre côté il y ait opposition à cette définition. Je crois qu'il est difficile qu'il y ait une contradiction entre le terme "officiel" dans la loi fédérale et le terme "officiel" dans la loi provinciale. Vous voyez, quand nous parlons d'une langue officielle et que, de l'autre côté, il est question dans une loi qui existe au point de vue fédéral de deux langues, il y a une certaine opposition. Il est bien vrai que la définition de la langue officielle, au point de vue fédéral, se rapporte à certains domaines seulement. Dans ces domaines, il y a contradiction entre la loi fédérale et le projet de loi provincial.

M. CLOUTIER: Je m'arrête là, ne voulant pas engager de débat et je vous remercie.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition.

M. MORIN: M. le Président, je me réjouis profondément que cette commission puisse faire appel à la longue expérience d'un pays remarquable par son histoire, qui a lutté si longtemps pour arracher son indépendance à de puissants voisins. Quel magnifique exemple pour nous que ce pays petit par la géographie, mais grand dans ses trois âmes pour parler comme Adam Mickiewicz.

Aussi, voudrais-je commencer par évoquer avec nos invités l'expérience historique de la Pologne. Tout d'abord, messieurs, comme première question, j'aimerais vous demander quelle a été, avant et après l'indépendance de votre pays d'origine, l'attitude du gouvernement polonais à l'égard de la langue russe, par exemple, ou de toute autre langue minoritaire sur le territoire de la Pologne.

M. ROMER: Je vous remercie d'abord de vos paroles si touchantes en ce qui concerne la Pologne et qui nous ont touchés ici. Nous sommes vraiment profondément touchés de votre attention et des paroles que vous nous avez adressées.

En ce qui concerne les minorités nationales, la minorité russe n'existe presque pas et n'existait pas dans la Pologne indépendante. Il s'agissait de la minorité ukrainienne, ou ruthène ou blanche-russienne, ou lituanienne. De ce côté, nous avions des écoles minoritaires, pendant la période où il y avait indépendance, dans lesquelles on apprenait ces langues et il y avait la possibilité, puisqu'il y a deux langues en plus du polonais qu'on apprenait dans toutes les écoles publiques, il y avait le choix à faire entre ces différentes langues.

Du reste, ces groupes minoritaires en Pologne avaient la faculté d'avoir aussi leurs propres écoles avec l'enseignement de la langue nationale. Je crois que de ce côté, notre passé est propre. Il peut y avoir des erreurs d'application, comme dans tous les pays et dans toutes les existences, mais en général, je crois qu'on peut être plus ou moins satisfait du traitement dans le domaine de l'enseignement qui a été réservé aux minorités nationales polonaises.

Mais je veux attirer votre attention sur le fait que, dans la Pologne actuelle, ces minorités n'existent presque plus. Vous savez qu'il y a eu le changement de frontière et que la Russie a accaparé presque la moitié de la Pologne orientale où se trouvaient justement ces minorités ukrainiennes, ruthènes et blanches-russiennes.

Maintenant, la Pologne est un pays qui est infiniment plus unifié au point de vue de la langue et au point de vue de la nationalité et ses problèmes sont infiniment moindres. Vous savez que l'élément juif qui existait en Pologne et qui, surtout au point de vue économique, jouait un rôle important avant la deuxième guerre mondiale, a plus ou moins été exterminé par les Allemands pendant l'occupation allemande. Il y a des horreurs qui se sont passées, des camps de concentration et des exterminations qui ont révolté le sentiment de l'Europe et du monde entier, dont la responsabilité retombe sur l'occupant allemand. D'autre part, donc, l'élément juif a presque pratiquement disparu de la Pologne de nos jours, et l'élément des autres minorités nationales que je viens de citer a disparu plus ou moins avec le changement des frontières qui a existé à la fin de la deuxième guerre mondiale.

M. MORIN: Effectivement, M. le président, la Pologne, au moment de son indépendance, comptait de très nombreuses minorités, et Lord Curzon avait même pu parler de cette région de l'Europe comme d'une véritable "peau de panthère".

Le sens de ma question est le suivant: Le

russe a joué un très grand rôle en Pologne avant l'indépendance. Quelle a été l'attitude du gouvernement polonais au moment de l'indépendance à l'égard de la langue russe?

M. ROMER: La langue russe ne s'appuyait presque pas sur l'élément, car il n'y avait pas d'élément ethnique russe en Pologne ou presque pas, très peu, extrêmement peu nombreux. Il ne faut pas confondre le russe avec l'ukrainien ni avec le blanc-russien, de sorte que ce problème avait un aspect tout à fait particulier. Le rôle de la Russie et l'influence culturelle russe étaient diminués en Pologne du fait que c'était l'oppresseur et que, par opposition à l'oppresseur, même au point de vue culturel et même au point de vue des apports qui pourraient être intéressants pour notre civilisation, il y avait une opposition tellement forte et tellement violente qu'il y avait toujours une opposition, par exemple, pour apprendre la langue russe en Pologne. On comprenait l'avantage que cela représentait, un puissant voisin au point de vue des relations économiques joue un certain rôle, mais ce phénomène se reproduit de nos jours, et nous observons en Pologne le fait qu'on ne désire pas, malgré l'intérêt économique que cela représenterait, on s'oppose... Cette jeunesse à laquelle on voudrait imposer, sous la pression de Moscou, l'apprentissage de la langue russe, s'oppose à cela par le fait de cette atmosphère créée par l'oppression russe et par la domination de l'influence russe économique et autres qui pèsent sur la Pologne de nos jours.

M. MORIN: M. le Président, vous est-il jamais venu à l'esprit que le Québec pourrait être aux Etats-Unis ce que la Pologne a été et est toujours à l'Union Soviétique?

M. ROMER: Je crois, M. le chef de l'Opposition, que ce n'est pas comparable, car l'oppresseur russe a commis tant d'injustices et d'injustices sanglantes et violentes pendant la domination des 150 années qu'il a exercée sur nous, que c'est une chose qui n'est pas comparable avec le voisinage des Etats-Unis qui, au point de vue économique naturellement, peut exercer une pression profonde sur le Canada, mais qui n'a jamais dominé le Canada au point de vue spirituel, ni au point de vue économique, ni au point de vue militaire.

M. MORIN: Pourriez-vous nous dire si l'Union Soviétique n'a jamais cherché à exercer son influence économique en Pologne?

M. ROMER: Au contraire. Elle a toujours trouvé une opposition extrêmement forte et plus la pression était violente, plus l'opposition, au lieu de diminuer, augmentait encore. Et vous savez que la jeunesse...

M. MORIN: C'est tout à fait remarquable. Je crois que nous, Québécois, pouvons puiser dans votre histoire des enseignements extrêmement précieux. Je voudrais vous demander combien il y avait de langues officielles, en Pologne, après l'indépendance.

M. ROMER: Après l'indépendance, il n'y avait qu'une seule langue officielle, mais dans l'enseignement, nous avions la langue de nos voisins. On enseignait et on pouvait choisir l'allemand ou le russe, ou le français qui était toujours une deuxième langue dans la Pologne d'avant la première guerre mondiale.

M. MORIN: Oui, effectivement. Mais dans les écoles, à l'intérieur de la Pologne, où il n'y avait qu'une seule langue officielle, voulez-vous dire que l'on apprenait le blanc-russien, l'ukrainien ou l'allemand comme langue première ou comme langue seconde?

M. ROMER: Comme langue seconde.

M. MORIN: Comme langue seconde. Donc, dans toutes les écoles polonaises, on apprenait d'abord et avant tout le polonais.

M. ROMER: Oui.

M. MORIN: C'est bien exact?

M. ROMER: Oui.

M. MORIN: Là encore, M. le Président, vous nous apportez une expérience pleine d'enseignements. Puis-je vous demander, en particulier, en ce qui concerne la Silésie, un pays qui fait aujourd'hui partie intégrante de la Pologne, mais qui longtemps a été dotée d'un statut particulier au temps de la Société des Nations, quel était le régime linguistique en vigueur? Commençons par la période de 1920 à 1939.

M. ROMER: L'enseignement était donné en langue polonaise avec l'allemand comme langue seconde.

M. MORIN: Mais en Silésie, il y avait des minorités dont la langue allemande était la langue maternelle, n'est-ce pas?

M. ROMER: Oui, la minorité allemande, mais cette dernière a été diminuée très considérablement par le fait du rapatriement des Allemands en Allemagne et par le rapatriement des groupes polonais de travailleurs ouvriers qui rentraient en Pologne.

M. MORIN: Oui, mais cela s'est passé en 1945.

M. ROMER: Non.

M. MORIN: Je vous parle de la période de 1920 à 1939.

M. ROMER: Même là déjà, après la première

guerre mondiale, il y avait eu des échanges de population assez considérables.

M. MORIN: Oui, mais la minorité germanophone est tout de même restée fort importante à cette époque.

M. ROMER: Oui, et il y avait à cette époque des écoles de langue allemande en Silésie.

M. MORIN: Un instant; avez-vous dit des écoles polonaises dans lesquelles l'allemand était enseigné comme langue seconde ou des écoles où seul l'allemand était enseigné?

M. ROMER: Non. L'enseignement du polonais était toujours maintenu en Pologne...

M. MORIN: Oui.

M. ROMER: ... et c'étaient des écoles où l'enseignement des autres sujets pouvait se faire ou bien en polonais ou bien en allemand.

M. MORIN: Oui, mais c'étaient des écoles polonaises.

M. ROMER: C'étaient des écoles polonaises. M. MORIN: C'est bien mon impression.

M. ROMER: Au fond, l'enseignement était entre les mains de l'Etat.

M. MORIN: Et pour nous résumer, dans la Pologne, depuis que cet Etat est indépendant, il n'y a jamais eu qu'une seule langue officielle.

M. ROMER: Oui.

M. MORIN: Et cela malgré la présence de l'Union Soviétique?

M. ROMER: Malgré la présence de l'Union Soviétique.

M. MORIN: Et cela malgré la présence de la Prusse?

M. ROMER: Parfaitement.

M. MORIN: Et malgré la présence de l'Allemagne?

M. ROMER: Enfin la Prusse représentait l'Allemagne. C'était une seule...

M. MORIN: Je me réfère à la Prusse d'il y a quelques années et plus récemment à l'Allemagne.

Puis-je vous poser une dernière question, M. le Président? Il y a toujours eu en Pologne des échanges de population avec les voisins. Il y a toujours eu une certaine émigration de la Pologne, mais aussi une certaine immigration vers la Pologne. Pourriez-vous nous dire à quelles écoles les immigrants allaient en Pologne?

M. ROMER: Les immigrants?

M. MORIN: Oui, les personnes qui venaient s'établir en Pologne.

M. ROMER: Les immigrants étaient des Polonais qui rentraient en Pologne, n'est-ce pas? Les immigrants...

M. MORIN: II n'y a jamais eu d'autres immigrants que les Polonais.

M. ROMER: Ceux qui partaient étaient justement les minorités nationales d'autres langues, comme les Allemands qui avaient tendance à quitter la Pologne, de sorte que les immigrants étaient ceux qui avaient travaillé ou résidaient dans les pays étrangers comme les pays voisins ou les pays plus lointains comme la France ou l'Allemagne occidentale. Ils avaient tendance à retourner en Pologne pour retrouver leur mère patrie.

M. MORIN: M. le Président, vous ne pouvez ignorer que, le long de la frontière tchèque, il y a toujours eu des travailleurs tchèques qui venaient habiter en Pologne, attirés par le travail, que le long de la frontière allemande, il y a des Allemands qui ont passé la frontière. Cela n'a jamais été un courant très fort, mais il y a eu une certaine immigration en Pologne.

M. ROMER: Les Allemands étaient très peu nombreux, ceux qui venaient en Pologne.

M. MORIN: Oui, mais ceux qui y venaient, dans quelles écoles allaient-ils? Dans des écoles de leur choix?

M. ROMER: Je ne crois pas qu'il y avait des familles allemandes qui venaient s'installer en Pologne depuis la première guerre mondiale. Il y avait des travailleurs, des spécialistes qui venaient pour passer quelque temps et pour gagner leur vie, pour travailler en Pologne...

M. MORIN: Oui.

M. ROMER: ... mais pas pour s'y installer. Il y avait une nette tendance de l'élément allemand à s'expatrier et à retourner dans un milieu qui lui était plus sympathique et plus favorable, n'est-ce pas? De ce fait, les personnes dont vous parlez en ce moment, c'étaient des unités très peu nombreuses et pas une immigration stable, mais une immigration saisonnière, de travail.

M. MORIN: Depuis quelques années, M. le Président — ce sera ma dernière question — y a-t-il des immigrants en Pologne?

M. ROMER: Il y a des immigrants, ceux qui rentrent de l'étranger, des Polonais qui retournent en Pologne pour s'installer là-bas.

M. MORIN: II n'y a aucune immigration en provenance des pays baltes, de l'Union Soviétique, de l'Ukraine, de la Tchécoslovaquie ou de l'Allemagne, aucune?

M. ROMER: Je crois que je ne pourrai pas dire aucune, car évidemment, il peut y avoir des unités et des cas de mariage mixte et des familles mixtes, etc. Cela peut exister. D'après ce que nous savons, il n'y a pas d'immigration de groupes, ou d'immigration importante d'éléments non polonais qui rentrent en Pologne en ce moment.

M. MORIN: Pour ceux qui rentrent et qui ne sont pas d'origine polonaise, dans quelles écoles vont-ils?

M. ROMER: Les écoles qu'ils ont à leur disposition. Dans certaines villes où il y a encore un élément allemand, par exemple, il y a des écoles allemandes. A ce point de vue, cela existe.

M. MORIN: Oui, c'est-à-dire des écoles polonaises où l'allemand est enseigné à titre de langue seconde.

M. ROMER: Des écoles polonaises de langue allemande. Oui, comme langue seconde.

M. MORIN: Comme langue seconde. Bien. J'ai terminé. Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, le député de Rouyn-Noranda. Il reste environ cinq ou six minutes à l'Opposition.

M. SAMSON: M. le Président, je voudrais tout d'abord féliciter les représentants du Congrès canadien polonais qui ont eu cette délicatesse de nous présenter leur mémoire en français et de répondre à nos questions dans un excellent français, d'ailleurs.

Je voudrais demander aux représentants du Congrès canadien polonais, M. le Président, s'ils ont à leur disposition des statistiques nous permettant de pouvoir évaluer quelle serait la proportion des Canadiens-polonais dans la province de Québec qui sont intégrés à l'une ou l'autre des communautés, c'est-à-dire soit à la communauté francophone ou à la communauté anglophone.

M. SOLOVTJ: Je ne pense pas que nous puissions répondre à cette question. La seule chose que nous savons, d'après le recensement de 1961, c'est qu'il y avait 30,790 personnes qui se sont déclarées d'origine polonaise. Mais quel groupe s'est intégré au Québec? La commission Gendron non plus n'a pas pu faire des études allant si loin. C'est impossible de répondre à cette question.

M. SAMSON: D'accord. Même si vous n'avez pas de statistique exacte, est-ce qu'il vous serait possible de donner, devant cette commission, une évaluation au meilleur de votre connaissance des proportions?

M. ROMER: II me semble, M. le député, que l'intégration se fait à la deuxième ou à la troisième génération. La première a de la difficulté à s'intégrer car elle tient encore à ses racines très fortement, ses racines nationales. L'intégration linguistique, l'intégration spirituelle peuvent se faire seulement avec les générations qui viennent. Nous avons maintenant au Canada la troisième ou la quatrième génération. Cela dépend des régions dans lesquelles ils sont situés pour voir si l'intégration dans le milieu canadien, qu'il soit français ou qu'il soit anglais d'origine, se fait plus ou moins rapidement. Mais cette intégration en général est plus difficile avec l'élément polonais puisqu'il s'est exercé depuis longtemps, très fortement, à s'opposer à l'intégration des puissances avoisinantes qui ont accaparé la Pologne pendant 150 ans. Alors, vous voyez, l'élément polonais, dont la langue et la civilisation sont millénaires, qui est riche comme civilisation, donne une force d'opposition à l'intégration qui est peut-être plus forte que dans les autres éléments. Nous nous rendons compte, en comparant notre situation ici au Canada avec celle d'autres groupes minoritaires nationaux que le Polonais résiste plus longtemps à l'intégration que le groupe d'autres nationalités d'origine.

M. SAMSON: Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire si, selon vous, les membres de votre communauté ont plutôt tendance à parler les deux langues de façon généralisée, et à ne pas s'intégrer directement ni à l'une ni à l'autre des communautés, mais plutôt parler les deux langues? Est-ce que c'est bien cela que je comprends?

M. ROMER: Oui, il y a une forte tendance de la part des Polonais, qui viennent en Amérique et qui, évidemment, voyagent passablement et profitent de la liberté qu'ils n'ont pas en ce moment dans leur propre pays, à insister sur une parfaite connaissance des deux langues pour pouvoir se sentir plus libres dans leurs mouvements et dans leurs entreprises ici dans ce domaine. Mais je dois dire que la culture et la langue française était peut-être surtout, autrefois, mais peut-être qu'elle continue toujours à être plus rapprochée de nous à cause de différentes affinités, affinité religieuse, avec l'élément franco-canadien.

Il y a le fait que nous sommes accueillis ici avec beaucoup de civilité et beaucoup d'amitié par les Canadiens français. Ce fait nous rapproche de l'élément canadien-français. Nous som-

mes portés à dominer plus facilement, malgré les difficultés linguistiques, la langue française que la langue anglaise. D'autre part, il y a l'élément économique, l'élément gagne-pain, etc., qui joue un rôle peut-être plus considérable de la part de ceux qui ne s'arrêtent pas définitivement au Québec et qui cherchent des possibilités de vie meilleure et de vie plus facile dans le Canada tout entier et qui se remuent facilement d'un coin à l'autre.

M. SAMSON: Est-ce que je dois comprendre par là que les membres de votre communauté ont plus de facilité ou, encore, sont plus attirés vers un gagne-pain en langue anglaise qu'en langue française?

M. ROMER: Non, pas nécessairement. M. SAMSON: Pas nécessairement.

M. ROMER: Je ne crois pas. Mais il y a ici des éléments culturels et des éléments d'affinité, comme je vous dis, politiques, religieuses, culturelles, qui ont aussi leur poids et leur importance. Cela dépend plutôt du niveau d'éducation, du niveau des occupations professionnelles qu'ils avaient autrefois en Pologne et qui ont dû changer en s'intégrant à ce pays. C'est ça qui décide de la chose.

M. SAMSON: Les enfants des membres du Congrès canadien polonais sont-ils, selon vous, en plus forte majorité attirés vers l'école française que vers l'école anglaise?

M. ROMER: Comme je vous ai dit, nous croyons que...

M. SAMSON: Je m'excuse, est-ce que je peux reformuler ma question autrement?

M. ROMER: Le français est plus difficile à apprendre et nous recommandons à tous nos compatriotes d'origine polonaise de faire apprendre le français dans une école française au début, car c'est la langue qui est la plus difficile, et nous tenons à ce qu'elle soit parfaitement connue du moment qu'on est établi ici au Québec.

M. SAMSON: Mais en pratique, selon votre évaluation, est-ce que plus d'enfants polonais sont dans les écoles françaises que dans les écoles anglaises?

M. ROMER: Cela dépend où ils sont installés.

M. SAMSON: Dans la région de Montréal, par exemple.

M. ROMER: Pour la région de Montréal, je crois que ça doit être à peu près en proportions plus ou moins égales.

M. SAMSON: Merci beaucoup.

M. MORIN: M. le Président, une question additionnelle pour préciser celle du député de Rouyn-Noranda. Avez-vous des chiffres à nous donner là-dessus? Des chiffres sur les inscriptions des enfants d'origine polonaise dans les écoles de la région de Montréal.

M. ROMER: Nous n'avons pas de statistiques, ces statistiques n'existent pas au point de vue canadien et nous pourrions seulement citer des cas que nous connaissons, des cas assez nombreux, mais qui ne permettent pas d'établir des statistiques car ils ne comprennent pas tout le monde.

M. MORIN: Vous voulez dire que le Congrès polonais ne sait pas combien il y a d'enfants d'origine polonaise inscrits dans les écoles françaises ou dans les écoles anglaises de Montréal? J'ai peine à le croire, M. le Président.

M. ROMER: Oui.

M. SOLOVIJ: C'est un fait. Le Congrès polonais tient à coeur à faire apprendre et à continuer d'élever les enfants selon les traditions de son propre pays, organise les écoles, c'est-à-dire les leçons en polonais le samedi, par exemple.

Mais il n'y a pas eu d'enquête parmi les Canadiens d'origine polonaise pour savoir dans quelles écoles ils envoient les enfants, non.

M. MORIN: Vous avouerez qu'il y a là de quoi étonner.

M. SOLOVIJ: Et aucun groupe ethnique n'a fait ces enquêtes.

M. MORIN: Vous avouerez également que ces chiffres seraient très pertinents aujourd'hui, messieurs.

LE PRESIDENT (M. Gratton): The honorable member for Huntingdon.

M. FRASER: Merci, M. le Président. Nous sommes honorés de votre présence, messieurs. J'ai entendu votre mémoire et je sais que vous tenez à vos traditions et je vous en félicite. N'importe quel peuple, grand ou minime, s'il n'est pas fier de ses traditions, n'est pas digne d'être représenté par des hommes comme vous.

J'ai une couple de questions à vous poser. Comme vous êtes des immigrants, vous avez déjà déménagé de pays en pays apparemment. Est-ce que vous vous sentez à l'aise ici au Canada? Est-ce que vous vous sentez libres?

M. ROMER: Parfaitement. J'ai choisi le Canada quand j'ai terminé mon service diplomatique. J'ai passé bien des années dans le service diplomatique polonais. Quand j'ai quitté la

diplomatie polonaise, j'ai choisi le Canada parce que j'estimais que c'était un pays libre et accueillant où l'on pouvait travailler dans des conditions de liberté et dans un entourage qui nous était favorable et agréable. Nous nous félicitons de ce choix. Il y a beaucoup de Polonais qui ont choisi d'autres pays pour émigrer, car ils ne voulaient pas entrer dans un pays sous la domination et l'oppression communiste. Ils auraient peut-être préféré venir au Canada, mais ils ont été empêchés par des conditions économiques, familiales et autres de faire le même choix que nous avons fait nous-mêmes.

M. FRASER: Par le dernier recensement du Canada, on a 9,680 personnes supposées être d'origine polonaise; il y en a 45,000 en Ontario. Ceci veut dire qu'il y en a beaucoup plus en Ontario qu'il y en a au Québec. Mais je crois que vous êtes venus au Canada plutôt qu'en Ontario ou au Québec, n'est-ce pas?

M. ROMER: Oui.

M. FRASER: Est-ce que vous êtes en faveur de la liberté de choix pour les parents, vis-à-vis de l'éducation ou de la langue?

M. ROMER: Oui.

M. KAVCZAK: M. le député, si je peux répondre à cette question, nous sommes certainement à l'aise du point de vue des degrés de liberté qu'il y a ici. Le contraste avec la situation de la Pologne d'aujourd'hui est vraiment sérieux. Néanmoins, je regrette de dire qu'il y a beaucoup d'inquiétude dans notre groupe et dans les autres groupes ethniques au

Québec. Je pense que notre mémoire présenté aujourd'hui exprime cela assez bien. Je regrette de dire que dans les dernières années, il y a eu une diminution de la population polonophone dans cette province.

Premièrement, beaucoup de polonophones quittent Québec. En fait, ils quittent Québec pour les autres provinces du Canada ou pour les Etats-Unis. Deuxièmement, il y a une décroissance d'entrée d'immigrants d'origine polonaise au Québec. C'est un problème sérieux pour le Congrès canadien polonais, parce que... Qu'est-ce qu'on peut répondre à la question de savoir ce qui est le mieux pour le polonophone qui veut trouver une place au Canada où il est vraiment bienvenu et respecté.

A ce point de vue, je pense qu'une révision de certains points du projet de loi 22 est vraiment nécessaire. Nous présentons cela avec l'idée que l'épanouissement de la langue française puisse continuer. Il y a certainement du progrès, mais il faut continuer dans une atmosphère de confiance et d'amitié avec les groupes ethniques. Ici, je ne parle pas seulement pour mon groupe, je parle pour les Canadiens ethniques ici. Il y a beaucoup d'inquiétudes à s'exprimer parce qu'il y a une décroissance d'immigration.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Merci, messieurs. S'il n'y a pas d'autres questions... Messieurs du Congrès canadien-polonais, nous vous remercions et je pense qu'il serait peut-être dans l'ordre de suspendre les travaux de la commission jusqu'à ce soir, vingt heures.

La commission suspend ses travaux jusqu'à ce soir, vingt heures.

(Suspension de la séance à 17 h 51)

Reprise de la séance à 20 h 9

M. PILOTE (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs!

Messieurs, je voudrais mentionner, avant que ne débute la séance, les membres de la commission: M. Pagé (Portneuf) remplace M. Bérard (Saint-Maurice); M. Charron (Saint-Jacques); M. Déom (Laporte); M. Cloutier (L'Acadie); M. Brown (Brome-Missisquoi) remplace M. Hardy (Terrebonne); M. Lapointe (Laurentides-Labelle) est membre de la commission; M. Tardif (D'Anjou) remplace M. L'Allier (Deux-Montagnes); M. Morin (Sauvé) remplace M. Léger (Lafontaine); M. Fraser (Huntingdon) remplace M. Parent (Prévost); M. Beauregard (Gouin) remplace M. Phaneuf (Vaudreuil-Soulanges); M. Saint-Germain (Jacques-Cartier) est membre de la commission; M. Samson (Rouyn-Noranda) et M. Veilleux (Saint-Jean).

J'inviterais à présent les Jeunes chambres du Canada français et M. Réjean Simard, président, de bien vouloir présenter son mémoire.

Pour votre information, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire ou un résumé de votre mémoire. Les membres du parti ministériel ont 20 minutes pour vous poser des questions et l'Opposition a 20 minutes également.

La parole est à M. Simard et si vous voulez bien présenter ceux qui vous accompagnent.

Fédération des jeunes chambres du Canada français

M. BRODEUR: M. le Président, M. le ministre, distingués membres de la commission, d'abord je vous prierais d'excuser M. Réjean Simard qui est retenu, pour des raisons de travail, à Chicoutimi, précisément à la Baie aujourd'hui, et je le représente pour exposer ce mémoire. Mon nom est Jean-Roger Brodeur. Je suis vice-président et conseiller juridique de la Fédération des jeunes chambres du Canada français. A ma gauche, nous avons M. Benoît Côté, qui est directeur de l'exécutif de notre fédération; et à ma droite, M. Yves Ménard, qui est directeur général de la fédération. Nous devions également avoir trois autres représentants de notre conseil d'administration, mais étant donné que nous n'avons pu passer qu'en soirée, il est arrivé que ces personnes avaient déjà des engagements pour ce soir et ils ont dû s'absenter.

Alors, lors de notre dernière assemblée générale, qui s'est tenue les 1er et 2 juin à Ottawa, la Fédération des jeunes chambres du Canada français a manifesté le désir de présenter, à l'Assemblée nationale du Québec, certains amendements au projet de loi no 22 intitulé Loi sur la langue officielle.

Désirant être constante dans ses prises de position sur la langue officielle au Québec, la

Fédération des jeunes chambres propose, dans le document ci-joint, des changements au projet de ladite loi tel que soumis en première lecture.

Ces amendements veulent surtout que le français soit non seulement la langue officielle au Québec, mais aussi qu'elle soit la langue prédominante.

Conséquemment, les amendements que nous soumettons respectueusement à l'Assemblée nationale du Québec visent à éviter que la langue anglaise ne jouisse en aucun cas d'un statut égal au français sur quelque partie du territoire du Québec et que la langue anglaise ne soit pas considérée comme langue seconde dans d'autres parties du territoire.

Seule la langue française devrait être considérée comme langue officielle sans égard à une autre langue et l'enseignement se doit d'être dispensé en français, sauf pour les enfants dont les parents sont d'origine anglaise seulement, et s'ils le désirent.

Nous espérons, M. le Président et M. le ministre, que vous prendrez en considération, avec vos confrères membres de l'Assemblée nationale du Québec, les amendements proposés ci-après.

Titre 1: Nous sommes évidemment d'accord sur le principe émis dans l'article 1, soit: "... que le français est la langue officielle du Québec...". En partant de ce principe, nous allons tenter de proposer des amendements pour en améliorer son application.

Titre 2: Nous sommes d'accord sur les dispositions d'ordre général.

Titre 3: Le chapitre 1, traite de la langue d'administration publique. Nous avons des commentaires à faire relativement aux articles qui vont suivre. D'abord, nous suggérons de biffer complètement l'article 9 étant donné qu'il va à l'encontre du principe de base, soit le français, langue officielle du Québec. Il serait en effet étonnant, d'après nous, qu'uniquement 10 p.c. des administrés d'un organisme municipal ou scolaire, puissent authentifier des textes et documents officiels alors que le principe veut que seul le texte français soit authentique.

A l'article 11, nous suggérons que toute personne ne puisse s'adresser à l'administration publique qu'en français, étant donné que ladite administration publique reflète, dans les deux cas, la culture d'une province ou d'un pays.

A l'article 14, nous ne pouvons qu'être d'accord sur le premier paragraphe qui veut qu'une personne ne puisse être admise ou promue à une fonction administrative si elle n'a de la langue officielle une connaissance appropriée à l'emploi qu'elle postule.

Nous sommes en désaccord, toutefois, sur le deuxième paragraphe, ce deuxième paragraphe qui accorde un pouvoir discrétionnaire trop grand, ne permettant pas de connaître, avant l'adoption desdits règlements qui sont, dans bien des cas, plus importants que la loi elle-même, les normes fixées. Nous ne sommes pas d'accord sur la troisième partie dudit article,

étant donné qu'il va en contradiction avec le principe émis à l'article 12 sur la communication interne de l'administration publique.

Article 11 : Toujours pour observer l'application du principe émis à l'article 1, nous suggérons que, lors des assemblées délibérantes dans l'administration publique, les interventions soient faites dans la langue française avec traduction simultanée si nécessaire.

L'article 15 pourrait se lire comme suit: A l'assemblée délibérante, dans l'administration publique, les interventions dans les débats officiels doivent être faites dans la langue française et une traduction simultanée sera fournie si nécessaire.

Article 16: A notre avis, tous les jugements devraient être prononcés en français par les tribunaux et une traduction devrait être fournie aux justiciables si nécessaire. L'article 16 pourrait donc se lire comme suit : Le ministre de la Justice doit faire en sorte que les jugements soient prononcés en français par les tribunaux québécois et soient traduits dans la langue anglaise si nécessaire.

Au chapitre II qui traite de la langue des entreprises d'utilité publique et des professions, concernant l'article 18, nous sommes d'accord sur la plupart des principes émis au chapitre II et plus particulièrement sur l'article 18 qui veut que les services des entreprises d'utilité publique et les corps professionnels soient offerts dans la langue officielle.

A l'article 22: Toutefois, nous sommes en désaccord sur l'article 22 qui permet à un membre d'une corporation professionnelle de pratiquer au Québec, sans avoir une connaissance suffisante de la langue officielle, ceci pour une période d'un an ou plus. Une personne qui est acceptée par un corps professionnel devrait déjà connaître la langue officielle du Québec. Il en est de même pour les immigrés qui savent ou doivent savoir que la langue officielle au Québec est le français.

Article 23: Nous sommes également en désaccord sur cet article qui laisse la liberté à une certaine catégorie de gens de ne pas parler le français et qui va à l'encontre du principe établi à l'article 7.

Quant au chapitre III, qui parle de la langue de travail, article 26 : Nous sommes en désaccord sur cet article qui fait prédominer la langue anglaise sur la langue française dans un cas où uniquement les membres présents à une assemblée générale et non la majorité des membres d'un syndicat peuvent décider que toutes les négociations, conciliations, peuvent être faites en anglais. C'est une entaille sérieuse au principe de l'article 1. Nous comprenons toutefois que, dans certains cas, pour faciliter la communication, il y aurait lieu de tolérer. C'est ainsi que nous proposons que l'article 26 se lise dorénavant comme suit: Si au cours d'une assemblée régulièrement convoquée, les salariés d'une association accréditée en décident ainsi à la majorité des voix de ceux qui sont présents, les conventions et écrits visés à l'article 25 sont rédigés dans la langue officielle et en anglais. Ces deux langues sont utilisées pour les négociations et les séances de conciliation. Toutefois, les conventions collectives ne peuvent être déposées en vertu de l'article 60 du code du travail que si elles sont accompagnées d'une version française. Ici, il y a une erreur dans le rapport, nous avions écrit "anglaise", mais il faut lire "française".

A l'article 29. L'article 29, à notre avis, a une portée supérieure dans l'application des principes émis à l'article 26. En effet, en vertu de cet article, tous les griefs, les arbitrages, les actes de procédure, les séances et les décisions pourront se faire en anglais. En résumé, toute l'application de la convention collective pourra être faite en anglais. Nous vous suggérons purement et simplement de biffer cet article.

Article 30. Pour être logique dans notre pensée, il faudrait biffer à l'avant-dernière ligne de l'article 30 les mots: "l'article 29".

Article 31. Nous avons des réserves sérieuses sur le principe de récompenser une entreprise parce que celle-ci respecte une loi québécoise. Toutefois, nous comprenons qu'il y a lieu, dans certains cas, d'inciter les entreprises financièrement à franciser leurs opérations, mais nous soumettons que les subventions devraient être divulguées de façon à éviter les abus.

Article 33: Nous soumettons que le pouvoir discrétionnaire accordé au lieutenant-gouverneur en conseil de faire des règlements pour avoir droit de recevoir de l'administration publique des permis, primes, subventions, concessions ou avantages devrait être transformé en obligation et que les deux premières lignes de l'article devraient se lire comme suit: Le lieutenant-gouverneur en conseil doit exiger que...

Article 34: Le pouvoir discrétionnaire, dans ce cas-ci, devrait également être transformé par une obligation de façon à s'assurer que l'attribution des contrats par l'administration publique ne puisse être faite qu'à des compagnies déjà francisées ou en voie de francisation ou si vous préférez, à des compagnies qui possèdent déjà leur certificat, soit permanent, soit provisoire.

Au chapitre IV, qui traite de la langue des affaires.

Article 38: Nous soumettons que toutes les raisons sociales françaises devront ressortir d'une manière plus avantageuse que les versions anglaises. L'article 38 devrait se lire comme suit: Les raisons sociales françaises doivent ressortir dans les textes et documents d'une manière plus avantageuse que les versions anglaises.

Article 39: L'article 39 devrait se lire comme suit : Doivent être rédigés dans la langue officielle, les contrats d'adhésion, les contrats où figurent des clauses types imprimées ainsi que les bons de commande, les factures et les reçus imprimés auxquels sera jointe une version anglaise si nécessaire.

Article 40: L'étiquetage des produits doit se

faire en français. Il en est de même pour les certificats de garantie et les "notices" qui accompagnent les produits, ainsi que les menus et cartes de vins.

Article 43: Nous soumettons que l'article 43 est parfaitement clair et qu'il n'y a pas lieu de prévoir des règlements si ce ne sont des sanctions, dans la mesure où l'affichage public ne respecte pas ledit article. Ainsi, cet article devrait se lire comme suit: L'affichage public doit se faire en français ou à la fois en français et dans une autre langue. Le présent article s'applique également aux annonces publicitaires écrites, notamment aux panneaux-réclame et aux enseignes lumineuses.

Article 45. Nous soumettons qu'une période de cinq ans est une période trop longue et c'est ainsi que nous suggérons fortement une période d'un an.

Au chapitre V, la langue de l'enseignement. Article 48. Nous soumettons qu'au premier paragraphe de cet article, nous devrions changer l'expression "en langue française" par "dans la langue officielle".

Article 49. Au sujet de cet article, nous pourrions facilement récrire tout ce qui a été dit concernant l'importance de la langue de l'éducation sur la culture linguistique dans un pays ou une province. Nous soumettons toutefois qu'il n'est pas nécessaire de reprendre toutes les opinions données à ce sujet. Vous comprendrez sans doute l'utilité de l'amendement que nous proposons. Nous suggérons de biffer complètement l'article 49 et que cet article se lise maintenant comme suit: Tous les élèves doivent recevoir l'enseignement de la langue officielle, sauf s'ils le désirent, les élèves dont les parents sont d'origine canadienne-anglaise.

Article 50. Pour être conforme à l'article 49 et 48, l'article 50 devrait se lire comme suit: II appartient à chaque commission scolaire, commission scolaire régionale et corporation de syndics de déterminer la classe, le groupe ou le cours auquel un élève peut être intégré, eu égard aux articles 48 et 49.

Article 51. Nous vous suggérons de biffer complètement cet article. Il n'a plus d'utilité, étant donné l'amendement proposé à l'article 49.

Au chapitre VI, les dispositions diverses. Article 53. Pour être conforme aux amendements déjà proposés, nous suggérons de biffer le troisième et le quatrième paragraphe de cet article, étant donné que nous avons déjà suggéré de biffer l'article 9.

Article 54. Cet article devrait se lire comme suit: La version française des textes et documents visés par la présente loi doit ressortir d'une manière plus avantageuse que toute version dans une autre langue.

Au titre IV, chapitre I traitant de la recherche en matière linguistique et les commissions de terminologie. Nous n'avons aucun commentaire spécial sur ces articles, soit les articles 56 à 60.

Au chapitre II, qui traite de la régie de la langue française, section I, article 62, pour être conforme à nos amendements, nous suggérons de biffer au paragraphe c de l'article 62 les articles 9 et 53.

Article 63: Nous suggérons d'ajouter un paragraphe qui se lirait comme suit: Veiller à l'application des articles 48, 49 et 50.

Article 67 : Biffer à la dernière ligne les mots "9" et "53".

A la section II, composition et activités de la régie, nous n'avons aucun commentaire spécial à formuler sur cette section.

Au chapitre III, qui traite des enquêtes, nous n'avons aucun commentaire spécial à formuler.

Néanmoins, nous constatons que la loi ne prévoit aucun système d'infractions ou de sanctions pour les compagnies ne respectant pas le projet de loi 22. Il nous paraît inconcevable de créer des obligations ou de faire une loi sans en surveiller l'application par le biais d'infractions et de sanctions. Les rapports de la régie au ministre et à l'Assemblée nationale ne sont qu'une forme minime de pression sur les activités de la compagnie. Les compagnies pourraient être affectées par une telle recommandation à l'Assemblée nationale, mais la population a tendance à oublier vite, selon nous, certaines recommandations. Il nous paraît impératif d'inclure dans le projet de loi un système normal d'infractions et de sanctions exigeant davantage la francisation de la province.

Titre V: Dispositions finales.

Article 119: Nous soumettons que l'amendement proposé à la Loi de la protection du consommateur devrait se lire comme suit: Dans le cas de contradiction entre le texte français et le texte anglais d'un contrat, le texte français prévaut.

Article 124: Nous soumettons que, pour être conforme aux amendements que nous avons déjà proposés, il faudrait lire les articles 6, 7, 8, 10 et 13 en enlevant l'article 9, que nous suggérons de biffer.

Article 125: Nous soumettons que cet article devrait se lire comme suit: L'article 19 s'applique à compter du 1er juillet 1975.

En guise de conclusion, nous espérons, M. le Président, M. le ministre et messieurs de la commission parlementaire, que vous tiendrez compte de nos recommandations que nous avons faites en toute bonne foi et dans le but de rendre au Québec le français la langue officielle et langue prédominante.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Le ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: M. le Président, je désire remercier la Fédération des jeunes chambres du Canada français pour la présentation de son mémoire. Je désire également féliciter ce groupe, parce que, contrairement à ce que certains ont fait, il a bien voulu prendre le projet de loi tel qu'il était et 0 a cherché à l'améliorer. Il n'a pas tenté de défendre des politiques quelles

qu'elles soient, il n'est pas parti de prises de position antérieures, il a vraiment voulu faire un effort de réflexion honnête. Je crois que c'est d'ailleurs l'attitude générale des citoyens du Québec lorsqu'ils sont confrontés avec une législation.

Je n'aurai pas beaucoup de questions. Je n'aurai pas beaucoup de commentaires non plus. Ce n'est pas le lieu pour avoir un débat. Il y a un bon nombre de ces amendements qui viennent du fait que les éclaircissements n'ont peut-être pas été suffisamment apportés concernant certains éléments de cette loi. Je suis à peu près sûr que le groupe renoncerait à ces amendements s'il connaissait toujours la portée exacte des articles. Je donnerai quelques exemples. Il y en a d'autres que le gouvernement va certainement retenir et qu'il va étudier lorsqu'il aura à faire le bilan des travaux de cette commission.

Je constate, par exemple, que lorsqu'on propose un amendement à l'article 22 qui viserait à faire disparaître cette réserve que nous avons amenée concernant la possibilité d'émettre des permis à la période d'un an, on n'est peut-être pas au courant que c'est déjà la législation qui apparaît dans le code des professions, et, que cette disposition a été mise parce qu'il faut absolument tenir compte des ingénieurs ou des techniciens qui viennent de l'extérieur, parfois des Etats-Unis, pour des contrats spécifiques, des contrats limités dans le temps. Il s'agit là tout simplement d'une souplesse presque indispensable dans une loi. Je n'ai retenu que ce point, mais c'est pour illustrer qu'il y a plusieurs autres amendements qui entrent un peu dans cette catégorie.

J'ai déjà eu l'occasion d'expliquer que le gouvernement n'avait pas l'intention de subventionner les entreprises pour se refranciser. Même s'il prêtait ambiguïté.

En ce qui concerne d'autres remarques touchant le pouvoir dit discrétionnaire du lieutenant-gouverneur en conseil, il s'agit en fait du pouvoir réglementaire. Et là encore, je me suis expliqué en montrant qu'il était à peu près impossible, dans le cadre d'une loi comme celle-ci, qui est une loi-cadre, qui est une loi qui cherche à enfermer des situations très variables, très fluctuantes, de ne pas procéder de cette façon, et que lors du débat en commission élue article par article, le gouvernement apporterait toutes les précisions nécessaires sur ces réglementations.

Ceci m'amène aux remarques que vous faites concernant l'affichage et l'étiquetage. Là encore, il est absolument essentiel d'avoir un pouvoir de réglementation pour prévoir des situations particulières qui ne peuvent pas être enfermées dans un texte législatif. Je pense, par exemple, à des produits étrangers, des produits polonais qui entreraient ici. Il n'est pas essentiel d'imposer le bilinguisme.

Or, il n'est pas possible de prévoir ces situations dans un texte de loi. Il reste que l'exercice, auquel vous avez bien voulu vous prêter, est un exercice qui me paraît extrêmement valable, et vous avez parfaitement compris que l'esprit de ce projet de loi est de donner la priorité au français partout, d'aller le plus loin possible, dans la mesure du raisonnable, tout en protégeant et en ménageant les droits individuels.

Je n'ai pas d'autre question et je voulais simplement vous faire part de ces commentaires.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Au nom de l'Opposition officielle, je tiens à remercier la Fédération des jeunes chambres du Canada français. Votre mémoire était attendu, je dois le dire, et à une occasion, il n'y a pas tellement longtemps, la Jeune chambre de Montréal est venue rencontrer les différents partis de l'Assemblée nationale. A cette occasion, j'ai eu le plaisir de la rencontrer et de lui formuler le désir que j'avais de voir ou la Jeune chambre de Montréal ou encore mieux la Fédération des jeunes chambres apporter un mémoire sur le projet de loi linguistique qui venait à ce moment d'être déposé. Ce soir, non seulement par le fait que vous êtes venus déposer ce mémoire, mais je dois dire également, par le contenu de ce mémoire, que j'ai doublement raison d'être satisfait de vous l'avoir demandé..

J'ai raison d'être satisfait parce que je retrouve dans votre mémoire une cohérence que n'a pas le gouvernement et que n'a pas le projet de loi 22 et que vous essayez de lui donner, en quelque sorte, en apportant des amendements, dont certains sont particulièrement bien fondés.

En fait, je pense que j'aurais le droit de résumer votre mémoire par cette phrase que vous-même avez mise dans le troisième paragraphe, lorsque vous dites que vos amendements veulent surtout que le français soit non seulement la langue officielle, mais qu'elle soit aussi la langue prédominante.

Mettez-vous à la place d'étrangers — je ne vous en fais aucunement le reproche, remarquez bien, mais c'est seulement pour qu'ensemble on se situe dans le contexte absurde dans lequel nous travaillons — qui demain prendraient connaissance de ce texte que vous avez fait en toute bonne foi et sur lequel je suis parfaitement d'accord à peu près dans toutes ces lignes et qui découvriraient qu'au Québec on est en train de travailler pour faire qu'une langue officielle soit vraiment une langue prédominante.

Existe-t-il une société au monde où la langue officielle d'une collectivité, si le mot "officielle" veut dire quelque chose, n'est pas la langue prédominante? Mais vous avez eu parfaitement raison d'apporter ces amendements parce que, effectivement, dans le projet de loi 22, le seul endroit où le français devient langue officielle,

c'est à l'article 1. Il n'est pas, comme vous le notez, dans chacun des autres articles par la suite, la langue prédominante.

Nous serons donc le seul Etat au monde à avoir une langue officielle qui n'est pas prédominante et qui, dans plusieurs endroits, donne un statut égal à une langue qui, elle, n'est pas reconnue comme officielle.

Vos amendements sont donc allés dans ce sens et c'est pour préciser certains... Je comprends l'effort que cela a dû vous demander que d'essayer de faire dire à une loi ce qu'elle se refuse à dire et de donner une volonté politique à un gouvernement qui se refuse à l'avoir, de lui donner des portées un peu plus réelles quant au sens de l'officialité de la loi.

Je veux revenir avec vous, par contre, surtout en ce sens que la fédération a mis le point là-dessus, comme peu de groupes l'ont fait. Les amendements aux articles 33 et 34 que vous nous suggérez sont, dans le projet de loi, les domaines où l'utilisation du pouvoir économique de l'Etat, quant à la francisation du monde du travail, est, dit-on, utilisé. Je ne vous rappellerai pas les insignifiances de la commission Gendron dans ses recommandations dans ce domaine. En ce sens, le gouvernement a parfaitement suivi la nullité qui lui était proposée. Lorsque vous suggérez une utilisation obligatoire du pouvoir économique du gouvernement, plutôt qu'une utilisation que vous qualifiez de discrétionnaire et qui est effectivement discrétionnaire, aux articles 33 et 34, est-ce que vous pouvez expliquer aux membres de la commission les motifs, en fait, qui vous font militer pour que cette utilisation devienne obligatoire au Québec?

M. BRODEUR: Justement, le sujet a été débattu assez longuement ce matin quand le premier rapport a été discuté ici, à savoir le fait que, dans les compagnies, par exemple, les bureaux de direction soient dominés en très forte proportion par des Anglais, des personnes d'origine anglaise. Là-dessus, nous croyons évidemment qu'au Québec il va falloir en venir à un point où nous serons capables de contrôler notre économie, quand on sait si bien que les décisions qui se prennent pour dépenser des millions de dollars se prennent à des conseils d'administration où actuellement siègent des majorités de personnes anglaises. Il est évident que, si vous avez un conseil d'administration qui a à prendre une décision concernant un sujet précis, un développement précis, et que ces gens, au départ, soient d'origine anglaise, ils vont certainement favoriser leur ethnie — c'est normal — avant de favoriser l'ethnie française.

Là-dessus, je crois que nos amendements visent simplement à ce que le gouvernement intervienne, dans la mesure où il peut intervenir, pour faire en sorte — ce qui a justement été dit ce matin — que si, proportionnellement, nous avons dans un milieu un certain pourcentage de francophones, les conseils d'adminis- tration des compagnies qui ont de l'argent à dépenser dans ces milieux soient justement contrôlés par des personnes francophones. Je crois que c'est un peu dans ce sens que nous avons soumis les amendements que nous avons proposés. Nous ne pensons pas qu'il y ait ici matière à discrétion, mais bien matière à obligation et qu'il ne faut pas craindre — de même que cela a été soulevé concernant d'autres pays — que ces gens, qui font affaires chez nous, partent parce que nous voulons simplement contrôler nos affaires. Les gens qui font affaires chez nous font affaires chez nous parce qu'ils ont intérêt à faire affaires chez nous. Il est évident qu'ils continueront à le faire, même si nous sommes en mesure, et même si nous prenons les moyens pour contrôler les décisions qui se prennent à ces niveaux.

M. CHARRON: Quand votre amendement, à l'article 39 suggère de faire disparaître la formule bâtarde, que propose le projet de loi 22 de rédaction bilingue des contrats d'adhésion, des contrats où figurent des clauses types imprimées, des bons de commande, c'est qu'au fond vous voulez que le caractère officiel du français se transpose jusque dans ces actes de la vie quotidienne des Québécois, si j'ai bien compris?

M. BRODEUR: Oui. Il est certain que, si la langue officielle au Québec est le français, tous les actes qui se font à caractère légal, à caractère juridique, si vous voulez, tous les actes qui sont posés en matière de contrat et autres doivent se poser en français. Ceci n'empêche pas, évidemment, que des versions anglaises soient préparées pour la bonne compréhension de ceux qui négocient, mais il est évident qu'au départ le principe de base, le principe émis à l'article 1, doit être respecté en tout temps et en tout lieu et principalement en ces matières qui sont extrêmement importantes pour la vie économique du pays.

M. CHARRON: A partir de cet énoncé de principe, M. Brodeur, sur lequel je suis d'accord, je vous demanderais de m'expliquer pourquoi, si vous exigez à l'article 39 la disparition, encore une fois, de cette formule bâtarde de bilinguisme dans les contrats d'adhésion, vous l'admettez à l'article 43, lorsque vous concédez que l'affichage public puisse se faire à la fois en français et dans une autre langue. Si vous refusez la présence du bilinguisme et l'insulte du bilinguisme dans des contrats d'adhésion, dans des bons de commande, dans des factures, est-ce qu'on n'est pas encore plus motivé, à partir de ce même principe, de refuser le bilinguisme sur les panneaux-réclame et les tableaux avec lesquels, vous l'admettrez avec moi, nous sommes encore beaucoup plus en mesure d'entrer en contact quotidiennement qu'avec des factures ou des bons de commande?

M. BRODEUR: Même si la langue officielle est bien reconnue, même si, dans son application, la loi fait en sorte que, dans le milieu même, toute l'activité se fasse dans la langue officielle, il ne faut quand même pas, à un moment donné, mettre des barrières quelconques vis-à-vis des gens qui nous entourent. Il est évident qu'au point de vue de l'affichage, au point de vue de l'information au public qui vient dans le pays, il n'est pas inconcevable, il n'est pas inadmissible que les Américains qui viendront chez nous, que les Ontariens qui viendront chez nous et que d'autres gens d'autres pays qui connaissent la langue anglaise et qui viendront chez nous, soient capables de lire et de comprendre des affichages en anglais. Mais il est extrêmement important que tout affichage, quel qu'il soit, soit en français, sauf qu'en guise d'information, en guise d'ouverture au monde qui nous entoure, en guise d'ouverture à nos concitoyens parce qu'il y en a aussi chez nous qui parlent anglais, il ne faut pas fermer complètement la porte et dire: Si vous voulez venir au Québec, apprenez le français avant de partir.

M. CHARRON: Je suis d'accord sur cette affirmation, mais malheureusement il y a des organismes très sérieux qui ne sont pas d'accord sur cette affirmation et qui peut-être vous inviteraient à la reprendre en considération. Si votre concession au bilinguisme pour les panneaux-réclame et l'affichage public tient au fait de l'industrie touristique, je vous dirai que ce gouvernement a en main depuis déjà un bon bout de temps — il n'en a pas tenu compte dans la loi 22, bien sûr, comme il n'a pas tenu compte d'un certain nombre de documents qu'il a en main — mais il a en main, depuis un certain temps un rapport de l'Office de planification et de développement du Québec.

Ce rapport dit que l'industrie touristique québécoise est proportionnellement liée à la francisation du Québec, en quelque sorte et que, ce qui attire les touristes étrangers et ce qui fera l'attrait touristique du Québec sera de plus en plus son caractère français. Au fond, ce qui attire un touriste, c'est la sensation de se sentir ailleurs; autrement, on ne se déplacerait pas. Si vous arriviez en Espagne et que vous retrouviez des panneaux-réclame qui s'adressent à vous exactement dans votre langue, qui vous annoncent exactement les mêmes produits que vous connaîtriez chez vous, vous vous demanderiez pourquoi, vous n'auriez pas la sensation d'avoir changé de milieu. C'est ce que cherchent des touristes. L'Office de planification et de développement du Québec a particulièrement recommandé et insisté sur le visage français du Québec comme étant exactement une garantie d'apport de capital étranger par les touristes chez nous. Ce gouvernement a en main ce document. S'il est un endroit où le visage français du Québec va vivre et va s'affirmer, c'est non seulement sur les factures ou sur les bons de commande à l'égard du touriste, mais aussi sur les panneaux-réclame ou les affichages. Si la ville, cette ville de Québec où nous travaillons ce soir, qui déjà, à cette époque assez tôt de l'été est envahie de touristes, c'est certainement le caractère français de la capitale nationale des Québécois qui les a attirés. Autrement, je ne crois pas que nous ayons à ce point ce sentiment d'appel. Est-ce que vous ne croyez pas que l'affichage unilingue français qui serait conforme à la langue, à la culture de plus des quatre cinquièmes de la population du Québec est loin d'être un désavantage économique au fond, quand on le regarde comme il le faut?

M. BRODEUR: Ce que vous me citez, disons qu'en ce qui me concerne, je n'ai pas le mandat d'en discuter; personnellement, je n'en ai pas pris connaissance. Mais je crois que ça n'est pas incompatible que nous donnions une information à des touristes. Peut-être que le directeur général peut ajouter quelque chose.

M. MENARD: M. le Président, si vous le permettez. En fait, nous avons mentionné dans cet article une autre langue. Il faut quand même prendre en considération, si on regarde le mémoire d'un bout à l'autre, qu'on demande une langue officielle et dominante francophone. Maintenant, nous demandons aussi une certaine protection pour les droits acquis de ceux qui sont là. Lorsqu'on arrive à l'article 39, il faut quand même penser que dans Montréal, entre autres, il y a des minorités qui' sont chinoises, grecques et qui donnent un cachet aussi touristique à Montréal par leurs milieux. Lorsqu'on dit une autre langue, on demande quand même que le français soit là, on l'exige. Mais que ce soit en grec, à un moment donné, sous le français, que ce soit en italien, ça peut apporter aussi un cachet et on ne veut pas fermer les portes complètement dans ce sens. On demande vraiment que le français soit langue officielle, langue dominante et on y tient.

Il est évident que, dans notre milieu, il y a des jeunes en formation, qui, demain, seront à votre place, nous l'espérons en tout cas. Nous ne possédons certainement pas la science infuse dans ce domaine. Aujourd'hui, vous avez le pouvoir de légiférer et de nous écouter.

Demain nous espérons que nous aurons le même pouvoir que vous avez de légiférer et d'écouter. Maintenant, il faut protéger au Canada — et c'est essentiel parce qu'on est quand même la Jeune chambre du Canada français — ce qu'on appelle le bilinguisme. Et le bilinguisme appartient à la province de Québec, la francophonie vient de la province de Québec à travers le Canada. Je comprends qu'il y a des minorités francophones ailleurs que dans la province de Québec, mais la francophonie est d'abord au Canada et, par le rapport Caston-guay-Marion, il a été prouvé qu'il y avait une assimilation.

Alors nous, Fédération des jeunes chambres

du Canada français, on demande une protection à la francophonie afin que le Canada reste bilingue. Si vous enlevez la francophonie au Québec où vous permettez l'assimilation, à ce moment on ne peut plus parler de bilinguisme au niveau du Canada, mais plutôt d'unilinguisme. Et la pensée et le principe, depuis quatre ans, de la Fédération des jeunes chambres du Canada français, c'est de protéger la francophonie dans son milieu, à son maximum et c'est pour cela qu'on va peut-être un peu plus loin que ce que le gouvernement demande par le bill 22. On veut que ce soit fait au Québec. Après, on pourra parler d'un Canada bilingue. Sans cela, si on permet l'assimilation, à ce moment-là, il faut parler d'un Canada unilingue. C'est le principe de base d'où vient tout le mémoire.

LE PRESIDENT (M. Pilote): II reste trois minutes à l'Opposition. L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: M. le Président, à mon tour, je voudrais évidemment féliciter les représentants de la Fédération des jeunes chambres du Canada français qui se sont donné la peine de venir nous visiter et nous présenter un mémoire de façon très objective. M. le Président, je voudrais mentionner aux représentants de la Fédération des jeunes chambres du Canada français que je suis très sympathique à plusieurs des idées qui sont préconisées dans ce mémoire et, notamment, il me fait plaisir de trouver qu'au moins sur un point on se rencontre très bien, soit celui de considérer que le projet de loi 22 est parfait au moins jusqu'à l'article 1 inclusivement.

M. le Président, je voudrais souligner que dans le mémoire qui nous est présenté d'une façon cohérente, la Fédération des jeunes chambres du Canada français tente de suggérer des choses. Cela ne veut pas dire que vous avez touché au bon endroit partout. Je pense qu'il y a quand même des nuances à apporter, mais je crois déceler cette tentative que vous avez faite d'apporter des suggestions qui font en sorte que tout le projet de loi atteigne la perfection que nous retrouvons jusqu'à l'article 1 inclusivement. Cela est important.

M. le Président, j'ai remarqué à la page 1, au titre 3, article 9, que vous êtes un peu inquiétés par cette question des 10 p.c. Est-ce qu'on pourrait savoir si vous avez, dans vos études, considéré un autre pourcentage possible pour l'application des provisions de l'article 9 par exemple?

M. BRODEUR: Non, M. le Président, nous avons pris l'article tel qu'il était et nous ne voyons pas qu'il soit possible de jouer sur les pourcentages. Nous voyons simplement qu'il y a à adopter une position claire et précise et que si le principe dit que la langue officielle au Québec est le français, pour le reste, c'est la même chose.

M. SAMSON: A l'article 14 où vous nous parlez de la réglementation, est-ce que vous avez considéré, par exemple ce qui nous a été suggéré ce matin dans un autre mémoire, que la réglementation devrait être connue publiquement par l'entremise de la Gazette officielle et qu'un certain délai puisse être donné pour que les groupes intéressés puissent faire connaître leurs points de vue sur la réglementation proposée? Est-ce que vous avez considéré, en étudiant le projet de loi 22, cette possibilité aussi de faire une demande ou de ne pas en faire? Est-ce que vous avez considéré cette possibilité d'un délai après la production de la réglementation et avant que cette réglementation n'entre en vigueur, pour que les groupes concernés et intéressés puissent se faire entendre?

M. BRODEUR: Dans notre esprit, nous croyons que le pouvoir discrétionnaire devrait tout simplement être restreint.

Je ne crois pas qu'il soit coutume, dans l'adoption des règlements, de consulter pour adopter des règlements. Nous ne croyons pas qu'il soit avantageux pour quiconque, même pour la population, de devoir venir expliquer, chaque fois que des règlements devraient être adoptés, sa position vis-à-vis de tel ou tel règlement, parce qu'en fin de compte, les lois sont là et les règlements viennent les appliquer. Evidemment, s'il faut subir des délais trop grands, au moment où le règlement entre en vigueur, il n'y a plus aucun effet.

Dans notre esprit, ce qui est important, c'est de réduire au maximum le pouvoir discrétionnaire du lieutenant-gouverneur qui a le pouvoir d'adopter ces règlements. C'est de le limiter, de lui faire des barrières bien précises pour lui dire: Vous allez adopter des règlements dans telle et telle situation et, à partir du moment où nous accordons ces pouvoirs, évidemment, il exerce son pouvoir exécutif conformément à ce que la constitution prévoit, sauf qu'il faut que la législation soit quand même assez précise pour que le pouvoir d'adopter des règlements ne soit pas discrétionnaire, de manière à ne pas devenir un abus de la part de l'Exécutif.

M. SAMSON: Si je comprends bien...

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de... C'est terminé. Cela fait exactement 23 minutes qu'on a données à l'Opposition. Je permettrais une toute petite question au député, toute petite.

M. SAMSON: Oui, M. le Président, parce que je pense quand même...

M. CLOUTIER: Un bon député. UNE VOIX: Cela nous fait plaisir.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Cela vous fait plaisir. On va le prendre sur le temps du parti ministériel à ce moment-là.

M. CLOUTIER: Oui...

M. SAMSON: A une prochaine occasion, M. le Président, je leur remettrai leur temps.

M. CLOUTIER: Certainement. Il ne demande pas le retrait de la loi comme Fabien...

M. SAMSON: Si je comprends bien, quant à cet article, vous rejoignez les positions de la Chambre de commerce provinciale ou de la Fédération des chambres de commerce provinciale lorsqu'elles nous ont présenté un mémoire sur ce qu'elles ont appelé l'érosion du pouvoir. Elles recommandaient, dans ce mémoire, qu'il n'y ait plus de législation accompagnée de pouvoirs excessifs de réglementation. Est-ce que c'est bien cela que j'ai compris?

M. BRODEUR: Personnellement, je ne l'ai pas lu. Nous n'avons pas préparé notre mémoire en ayant étudié le mémoire de la chambre de commerce. D'abord, nous ne l'avions pas, mais si ce que vous me dites est conforme à ce fameux mémoire, c'est exactement notre pensée.

M. SAMSON: Vous préférez, si je comprends bien, que la loi soit plus claire et qu'il n'y ait pas de réglementation qui suive.

M. BRODEUR: Non.

M. SAMSON: Vous ne préférez pas cela?

M. BRODEUR: Non. Il est nécessaire qu'il y ait une réglementation. Ceci va exactement dans notre mode de fonctionnement législatif et administratif, sauf que les lois doivent être assez précises pour que la réglementation qui s'y rattache ne puisse en aucun temps faire dévier les objectifs de ces lois.

M. SAMSON: Est-ce que vous êtes d'accord quand même que ce n'est pas le volume, si vous voulez, de la réglementation qui peut peut-être changer l'esprit de la loi comme telle, mais plutôt ce qui sera inséré dans la réglementation? Il peut y avoir une courte réglementation qui peut tout changer comme cela peut prendre beaucoup de pages pour changer un peu l'esprit de la loi.

Si je vous comprends bien — vous me direz si j'ai tort — vous préférez une réglementation moins élaborée qui respecte strictement l'esprit de la loi? Est-ce que c'est cela que je dois comprendre?

M. BRODEUR: La réglementation doit respecter l'esprit de la loi. Quant à son contenu, cela dépend évidemment des situations qui se présentent au fur et à mesure que le pays évolue.

M. SAMSON: Merci.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Laurentides-Labelle.

M. LAPOINTE: Oui, M. le Président, ma première question...

LE PRESIDENT (M. Pilote): II reste douze minutes.

M. LAPOINTE: ... aura pour but d'établir la représentativité de la Fédération des jeunes chambres. Est-ce qu'on pourrait savoir combien de membres regroupe la Fédération des jeunes chambres?

M. BRODEUR: Oui, actuellement, la Fédération des jeunes chambres compte 5,000 membres. C'est un mouvement qui a déjà eu 10,000 membres. Nous escomptons bien, cette année, pouvoir atteindre à nouveau ce chiffre de 10,000 membres.

M. LAPOINTE: Quelles sont les conditions pour être membre?

M. BRODEUR: C'est un mouvement qui regroupe les personnes de 18 à 40 ans, c'est l'une des conditions principales. Je vais demander au directeur général pour...

M. MENARD: M. le Président, apparemment, le directeur général est au courant des règlements. Ceci dit, le mouvement a évolué énormément cette année; à l'heure actuelle, il est devenu de plus en plus discipliné et sévère, grâce à la transformation que nous avons subie cette année. Ce que nous exigeons maintenant pour que quelqu'un fasse partie de la Fédération des jeunes chambres du Canada français, c'est qu'il veuille, à prime abord, avoir une formation et pratiquer ce qu'il a appris en théorie afin de devenir un chef, de se former, de se perfectionner au leadership. De plus, on s'annonce officiellement comme palier politique par excellence, et on espère que ce sera pris en considération éventuellement. Aussi, on demande à nos chambre, comme moyen d'action ou moyen de formation, d'être des corps intermédiaires au sein de leur localité, au sein de leur régionale, et aussi au sein de la fédération quand les moyens nous le permettent. Est-ce que cela répond à votre question?

M. LAPOINTE: Oui.

M. BRODEUR: Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, la Fédération des jeunes chambres du Canada français est une compagnie, à laquelle sont affiliées 118 compagnies. D y a actuellement 118 localités dans lesquelles il y a une jeune chambre dûment affiliée à la fédération. Là-dessus, nous avons deux jeunes chambres dans la province de l'Ontario.

M. LAPOINTE: Le mémoire que vous nous avez présenté, de quelle façon a-t-il été préparé et par qui a-t-il été accepté?

M. BRODEUR: A l'assemblée générale d'Ottawa, le projet de loi 22 a été étudié d'abord par un comité spécialement affecté à cette étude, et ensuite, ces gens sont revenus à l'assemblée générale, ont produit leur rapport sur l'étude faite du projet de loi 22, puis des discussions ont été faites en assemblée générale, discussions qui ont duré, je crois, près de trois heures. Par la suite, mandat a été donné de préparer un mémoire qui devait être soumis ici à cette commission, et qui devait être approuvé par le conseil d'administration. Relativement à cette approbation, nous devons vous dire que nous avons soumis le mémoire à chacun des membres du conseil d'administration, suivant nos règlements généraux, et que ce mémoire a été adopté à 29 voix contre deux.

M. LAPOINTE: Sur le plan de la langue de l'enseignement, à l'avant-dernier paragraphe de la première page, vous dites: Sauf pour les enfants dont les parents sont d'origine anglaise seulement. Est-ce que cela signifie que, les nouveaux immigrants de langue anglaise ou d'origine anglaise auraient le choix d'aller à l'école française ou à l'école anglaise?

M. BRODEUR: Non. Pour nous, les immigrants qui veulent venir au Québec savent au départ, ou doivent savoir qu'ils viennent dans un pays où la langue officielle est la langue française, et qu'ils doivent s'attendre, s'ils vont à l'école publique, à être instruits en français, sauf évidemment à apprendre l'anglais comme il est normal d'apprendre d'autres langues pour sa culture et également pour son utilité. Mais au départ, le libre choix, quant à nous, n'existe pas.

M. LAPOINTE: Je m'excuse, mais je crois qu'il manque un mot dans cette phrase. On a oublié le mot "canadienne", dans d'origine canadienne-française.

M. BRODEUR: C'est possible, oui.

M. LAPOINTE: A l'article 49, vous proposez des modifications et vous spécifiez l'origine canadienne-anglaise. Est-ce que cela signifie — les modifications que vous proposez à l'article 49 — que les francophones et les immigrants actuellement engagés dans le système anglophone devraient réintégrer l'école francophone?

M. BRODEUR: Non, je ne crois pas. Nous avons bien parlé de respecter quand même des droits acquis, et spécialement en ce qui concerne la question de l'éducation, il n'est question de brimer qui que ce soit. C'est seulement pour l'avenir.

M. LAPOINTE: Dans votre mémoire, vous semblez d'accord sur l'article 8 où on demande une version anglaise des textes dans l'administration publique, ainsi que sur l'article 13 et l'article 20 en ce qui concerne les entreprises d'utilité publique.

Vous demandez des modifications à l'article 11 qui dit que "... toute personne a le droit de s'adresser à l'administration publique en français ou en anglais...". Vous demandez que cela se fasse seulement en français. Il en est de même à l'article 15. Sur quel principe vous appuyez-vous pour limiter le droit à la communication en anglais sur le plan des communications orales quand vous semblez accepter l'anglais et le français pour les communications écrites?

M. BRODEUR: Le principe sur lequel nous nous basons est simplement que la langue officielle est la langue française. A présent, là-dessus, je vous ai mentionné tout à l'heure que nous avions eu deux votes contre et je crois que cela concerne directement ces deux articles où il est certain qu'il ne faut pas être intransigeant avec les personnes qui, actuellement, ne connaissent pas la langue française. Mais il faut voir, je crois, notre suggestion — et je dis bien notre suggestion— avec une vue d'avenir, une vue prochaine, à savoir qu'à un certain moment, toutes les personnes qui vivent au Québec connaîtront, devront connaître le français, parce que même les enfants d'origine anglaise qui seront instruits en anglais, devront apprendre le français à l'école et il est certain que lorsqu'ils viendront à maturité, ils connaîtront notre langue.

M. LAPOINTE: Une dernière question. J'ai remarqué que vous n'avez signalé aucun amendement à l'article 36 qui traite des raisons sociales, contrairement au Parti québécois dans son projet de loi sur la langue de l'an I qui exige que la seule langue des raisons sociales soit le français et qui ajoute: Après l'indépendance, toutes les compagnies faisant affaires au Québec devront y être incorporées. Est-ce que vous liez la question linguistique à l'indépendance du Québec?

M. CLOUTIER: Je dois interrompre mon collègue; l'indépendance n'a pas l'air d'être si certaine que cela, parce que, dans la même conférence de presse, un journaliste a posé une question à M. Morin et il a dit: "Est-ce que votre projet changerait si demain le Québec était indépendant? Il s'agit du contreprojet linguistique du PQ. M. Morin a répondu: "C'est une question bien hypothétique".

M. MORIN: Entendons-nous. Vous sortez du contexte. Le journaliste a dit: Demain.

M. CLOUTIER: Je m'excuse, mais je n'ai pu résister. Pardonnez-moi.

M. MORIN: Oui, bien sûr. On peut nous faire dire n'importe quoi quand on sort les choses de leur contexte.

M. CLOUTIER: II conteste le contexte! M. MORIN: Le contexte actuel.

M. CLOUTIER: D'accord. Je m'excuse. L'occasion était trop belle.

M. BRODEUR: Je crois que j'ai deux choses à dire là-dessus, et je vais' commencer par la deuxième.

M. CLOUTIER: On est ici pour la soirée.

LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre, messieurs!

M. CLOUTIER: Je n'ai pas cité le président du PQ, parce que là, c'est marrant.

M. CHARRON: Si vous pensez que vous en avez besoin.

M. LAPOINTE: J'ai une dernière question.

M. BRODEUR: J'ai deux remarques à faire sur ce qui vient d'être dit. Je vais commencer par le deuxième. Comme vous l'avez si bien dit, nous ne proposons pas d'amendement à l'article 36. Alors, je crois qu'il faut inférer que nous sommes d'accord et, à ma connaissance, cet article a été soumis par le gouvernement. D'autre part, je tiens à vous préciser que notre mouvement est entièrement apolitique et qu'au moment de préparer notre mémoire, nous n'avons ni étudié, ni lu, ni révisé, ni essayé de comprendre aucun programme d'aucun parti que ce soit et ce que vous trouvez ici, ce sont nos idées.

M. LAPOINTE: Merci.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Verchères m'avait demandé la parole.

M. OSTIGUY: Une petite question, oui?

LE PRESIDENT (M. Pilote): Une petite question parce que le temps est terminé.

M. OSTIGUY: J'aimerais poser quelques questions au directeur général. Vous dites au tout début de votre mémoire: "Ces amendements veulent surtout que le français soit non seulement la langue officielle, mais qu'il soit la langue prédominante". Je pense bien que les amendements que vous voudriez apporter ne sont pas nécessaires pour que le français soit une langue prédominante puisque dans les articles — je vais vous en énumérer quelques-uns: 6, 12, 18, 24, 43 — déjà le français est la langue prédominante. Pourriez-vous expliciter davantage ce que vous voulez dire par ce troisième paragraphe de votre mémoire?

M. MENARD: Je reconnais le député de Verchères, mais je dois dire qu'en tant que mouvement bien discipliné tel qu'on l'est, d'abord, celui qui doit avoir la première réponse est le porte-parole officiel de la fédération et c'est M. Jean-Roger Brodeur. Je m'excuse, mais avant d'avoir sa permission, je ne peux répondre à la question.

M. BRODEUR: Je ne lui donne pas la permission de répondre. Je vais répondre moi-même.

M. CHARRON: Le ministre aimerait bien que le ministre de la Justice lui demande son opinion également avant d'émettre un avis contraire au sien.

M. OSTIGUY: M. le Président, il le lui a demandé.

LE PRESIDENT (M. Pilote): La parole est à M. Brodeur.

M. CLOUTIER: II a raison. Il me remet la monnaie de ma pièce.

M. BRODEUR: Jamais nous n'avons dit ou même inféré dans notre mémoire que, dans le projet de loi, il n'y avait pas des visées pour faire du français la langue prédominante. Nous n'avons pas soutenu cela. Dans notre mémoire, nous avons soutenu et nous avons proposé des amendements pour aider et faire en sorte que le français devienne encore mieux et encore plus la langue prédominante au Québec.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Le temps qu'on peut permettre est écoulé. Pour être juste envers tout le monde, je ne peux permettre d'autres questions. Je remercie M. Brodeur ainsi que ceux qui l'accompagnent de la façon dont ils ont présenté leur mémoire. Soyez assurés que la commission va en prendre bonne note.

M. SEGUIN: M. le Président, je vous ferai remarquer que demain je réclamerai au moins cinq minutes au député de Rouyn-Noranda pour avoir l'occasion d'utiliser notre temps et non pas le passer au député de Rouyn-Noranda, puisqu'on a déjà consenti de prendre sur le temps ministériel. Demain, je prendrai cinq minutes et je l'exigerai.

M. SAMSON: M. le Président, je le lui remettrai avec plaisir.

M. SEGUIN: C'est cela.

M. VEILLEUX: La collaboration.

M. SAMSON: Les bons comptes font les bons amis!

M. SEGUIN: Absolument.

LE PRESIDENT (M. Pilote): On vous remercie, messieurs. J'inviterais à présent M. Richard Décarie, président du conseil de la commission scolaire Chomedey de Laval, à bien vouloir venir présenter son mémoire. Pourriez-vous identifier les personnes qui vous accompagnent?

Commission scolaire Chomedey de Laval

M. DECARIE: M. le Président, M. le ministre, messieurs les membres de la commission, mon nom est Richard Décarie, je suis président du conseil des commissaires de la commission scolaire Chomedey de Laval. Avant de commencer mon exposé, permettez-moi de vous présenter ceux qui m'accompagnent. A ma gauche, M. Bernard Lafortune, commissaire, responsable du comité sur la question linguistique à la commission scolaire Chomedey de Laval; à ma droite, M. Edmond Leroux, directeur général adjoint de la même commission.

M. le Président, j'aimerais informer les membres de la commission parlementaire que le mémoire présenté aujourd'hui est appuyé par la majorité des commissaires, soit 16 sur 19, et fait suite à deux résolutions, l'une et l'autre majoritairement adoptées. La première, CC 544, adoptée le 11 mars 1974, se lit comme suit: Considérant que le fait de favoriser le français comme langue de travail contribue à résoudre un problème fondamental du Québec; considérant que la très grande majorité de nos diplômés sont formés en français; considérant qu'il est important que nos diplômés puissent travailler dans leur langue dans le but d'accroître leur efficacité et leur créativité; considérant qu'il est important que les immigrants s'intègrent à la majorité francophone, il est proposé et résolu que la commission scolaire Chomedey de Laval demande au gouvernement de la province de Québec :

A) de décréter, par une loi, la langue française, la langue de travail dans la province de Québec, B) de favoriser, par tous les moyens, y compris la modification de la loi 63, l'éducation de tous les immigrants dans la langue française, de façon à faciliter leur intégration à la communauté québécoise francophone.

La deuxième résolution, M. le Président, CC 560, adoptée le 25 mars 1974, se lit comme suit: Considérant que, selon le message inaugural de la présente session, on sait maintenant que le gouvernement doit déterminer les questions relatives à la langue d'enseignement; considérant que, selon les informations, la commission parlementaire de l'éducation entendra les mémoires que la population soumettra à la suite de la déposition du projet de loi gouvernemental; considérant qu'à ce temps le comité pédagogique aura soumis son rapport sur l'enseigne- ment des langues et que la commission scolaire sera mieux renseignée sur le problème; considérant aussi que, déjà, nonobstant ce rapport du comité pédagogique, la commission scolaire, par sa résolution CC 544, a demandé au gouvernement de favoriser l'éducation de tous les immigrants dans la langue française, il est proposé que la commission scolaire Chomedey de Laval attende de connaître le projet de loi gouvernemental, lequel doit déterminer les questions relatives Ta langue d'enseignement avant de statuer, que la commission scolaire, après le dépôt du projet de loi, fasse connaître sa position sur ledit projet de loi au gouvernement, soit par une résolution, soit par un mémoire présenté à la commission parlementaire de l'éducation.

M. le Président, c'est pourquoi nous voulons, par ce mémoire, vous exposer nos vues sur le chapitre V du projet de loi 22 sur la langue d'enseignement.

Le court délai à notre disposition ne nous a pas permis de faire des recommandations sur les autres chapitres de ce projet de loi, mais nous sommes d'accord sur les objectifs que cette loi vise à atteindre. M. le Président, Chomedey de Laval couvre un territoire de 45 milles carrés avec une population globale de 120,000 habitants dont une population de 80 p.c. de francophones. Nous recevons dans nos écoles 30,000 étudiants d'un niveau élémentaire et secondaire.

M. le Président, dans le résumé de notre mémoire, nous soulignons les points suivants:

Nous nous demandons pourquoi les collèges reconnus d'intérêt public ne sont pas inclus dans les organismes sujets à cette loi.

Nous reconnaissons aux parents le libre choix de la langue d'enseignement de leur enfant, à certaines conditions bien précises.

Nous demandons que les immigrants reçoivent leur enseignement dans la langue française pour des raisons d'ordre historique, social et culturel.

Nous demandons de connaître une définition de connaissance suffisante, car cette connaissance suffisante devient une question sine qua non pour demander ce changement de langue d'enseignement.

Nous croyons que les tests sont aussi insuffisants pour s'assurer de cette connaissance suffisante; nous croyons qu'il devrait y avoir autre chose de plus que les tests.

Nous croyons que le comité pédagogique devrait être indépendant, exempt de contrôle politique.

Nous demandons que des recherches sur la qualité de la langue soient accentuées tel que prévu à l'article 63 dudit projet. M. le Président, nous sommes maintenant disposés à recevoir vos questions.

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: M. le Président, je désire

d'abord remercier la Commission scolaire Chomedey de Laval pour la présentation de son mémoire. Là encore, nous sommes en présence d'un organisme qui s'est donné la peine d'attendre le dépôt du projet de loi avant de le critiquer, qui en a fait une étude exhaustive et qui propose un certain nombre de recommandations. C'est tout à fait l'esprit avec lequel il faut se présenter, je crois, devant une commission parlementaire et c'est un esprit éminemment positif. Il y a des points dont le gouvernement tiendra certainement compte lors de la révision et du débat article par article. Je note que votre groupe est d'accord pour maintenir la liberté de choix, mais veut l'assortir de certaines conditions. C'est ma première question. Dans votre esprit, quelles seraient ces conditions?

M. LAFORTUNE: Alors, M. le Président, si vous me le permettez...

LE PRESIDENT (M. Pilote): Oui.

M. LAFORTUNE: ... dans l'examen de la Loi de l'instruction publique, nous, commissaires, n'avons rien trouvé qui oblige l'enfant francophone à fréquenter l'école francophone. Nous n'avons également rien trouvé dans la loi qui oblige l'enfant anglophone à fréquenter l'école anglophone. Le bill 27 établit des commissions scolaires selon la foi et non selon la langue, mais celui qui doit payer ses taxes à une commission scolaire de sa juridiction où il y a des écoles où on donne l'enseignement en anglais et des écoles où on donne l'enseignement en français, devrait-il avoir la possibilité ou le choix de diriger son enfant à l'une ou à l'autre? Dans les conditions, M. le Président, nous demandons qu'il existe une batterie de tests. On sait qu'il existe, dans des pays, une batterie de tests qui, lors de l'inscription ou la demande de l'individu de venir dans un pays quelconque... Nous demandons, en plus de la batterie de tests, qu'il y ait une étude du bulletin scolaire de l'élève dont le père demande le changement de langue d'enseignement.

Nous demandons également, si possible, qu'il y ait une rencontre avec les parents et nous demandons que l'on décide un jour ou l'autre à quel niveau on peut permettre un changement d'enseignement de langue. A la sixième année élémentaire, je pense qu'il est assez facile de permettre un changement de langue, mais par contre, si on va au secondaire II ou III avec les options professionnelles, il se pose un problème qui peut peut-être dévaluer les chances de succès de l'élève. En somme, d'après nous, quant aux conditions, étant donné que nous sommes à la commission scolaire pour aider des enfants à apprendre, nous ne voulons pas leur apprendre de l'insuccès, nous voulons quand même qu'ils aient toutes les chances de succès de leur côté. Nous voulons évaluer dans la mesure du possible, la chance de succès de l'enfant dont le père ou la mère demande un changement de langue d'enseignement.

M. CLOUTIER: En somme, M. le Président, ce que vous voulez faire en tant que commissaires, c'est d'assumer vos responsabilités en matière pédagogique. C'est peut-être d'ailleurs ce que vous avez dans l'esprit lorsque vous dites à la page 3 de votre mémoire: Le gouvernement a trouvé une formule habile pour ne pas créer de classe spéciale entre les personnes demeurant au Québec.

Je conclus d'ailleurs de vos explications que vous n'êtes pas contre les tests sans doute, parce que vous savez ce dont vous parlez. Vous avez vous-mêmes invoqué l'utilité des batteries de tests et il m'apparaît intéressant que vous songiez à ce que l'on tienne compte d'autres facteurs également.

J'ai une deuxième question. Vous demandez une définition de la connaissance suffisante et vous admettez que les tests sont nécessaires pour que l'on puisse déterminer la connaissance suffisante. Aucun individu ou aucun organisme au monde n'a pu trouver d'autres méthodes de mesures objectives. Cependant, vous dites qu'il devrait y avoir autre chose, est-ce qu'il s'agit des conditions que vous venez d'énumérer?

M. LAFORTUNE: Je pense que oui, M. le Président. Un jour ou l'autre, d'après les règlements, peut-être qu'on aura une définition de la connaissance suffisante et nous demandons qu'il y ait autre chose.

M. CLOUTIER: Les règlements seront d'ailleurs, sinon déposés dans leur forme finale, présentés lors du débat article par article, de manière que l'on puisse évaluer toute la portée de la loi. Ceci est vrai non seulement pour le chapitre 5 qui porte sur la langue de l'enseignement, mais également sur les autres chapitres. Le ton général de votre mémoire donne à penser que vous êtes d'accord sur les objectifs du projet de loi, vous êtes d'accord sur ses orientations fondamentales et vous apportez un certain nombre de suggestions que nous allons très certainement verser au dossier. Merci.

M. LAFORTUNE: M. le Président, nous sommes d'accord sur les objectifs du projet de loi 22. Nous avons, dans notre localité, différents groupes d'enfants et nous voulons, en tant que commissaires... je pense que nous n'avons pas été élus commissaires pour une catégorie d'enfants, nous avons été élus commissaires pour toutes les catégories d'enfants. Le serment que l'on prête lorsqu'on devient commissaire est d'agir au meilleur de sa connaissance, mais toujours selon son intelligence.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Le chef de l'Opposition officielle.

M. MORIN: M. le Président, si j'ai bien compris le mémoire, nos invités sont venus nous parler avant tout de la langue de l'enseignement. Je ne pense pas qu'ils entendent, ce soir, se prêter à des questions portant sur d'autres

chapitres du projet de loi. Est-ce que j'ai bien compris?

M. DECARIE: Oui, vous avez bien compris, nous nous limitons à la langue d'enseignement.

M. MORIN: Je vous demande cela parce qu'à l'instant, le ministre essayait de vous "embarquer" comme approuvant l'ensemble du projet de loi. J'avais cru comprendre que ce n'était pas votre intention en venant ici, ce soir.

M. DECARIE: Je pense que M. Lafortune a quand même répondu assez clairement et nous sommes pleinement d'accord sur les objectifs du bill et nous avons bien dit...

M. MORIN: Et le préambule?

M. DECARIE: ... que nous n'avons pas eu le temps à notre disposition pour étudier les différents articles.

M. MORIN: Bien.

M. CLOUTIER: Ma question ne portait pas sur autre chose, j'ai bel et bien demandé les objectifs, on m'a répondu clairement, il ne faudrait pas tenter de laisser croire que je cherchais autre chose.

M. MORIN: C'est ambigu et je voulais qu'il soit clair que ces messieurs sont venus nous parler avant tout de la langue d'enseignement. C'est ce qui les intéresse au premier chef étant donné les fonctions qu'ils occupent.

M. LAFORTUNE: Nous pensions qu'il y avait d'autres organismes, peut-être mieux qualifiés que nous, pour parler et de la langue de travail et de la langue des affaires publiques, etc., etc.

M. MORIN: Très bien. Je ne vous interrogerai pas sur autre chose que sur la langue d'enseignement. Ma première question porte sur le voeu que vous formulez dans votre mémoire selon lequel les immigrants devraient recevoir l'enseignement en langue française. A la page 2, comme d'ailleurs à la page 8 du mémoire où vous revenez sur cette question, vous semblez indiquer qu'il s'agit de tous les immigrants. Est-ce que vous entendez par là aussi bien les non-anglophones que les anglophones?

M. LAFORTUNE: M. le Président, si vous me permettez de répondre à M. Morin, je pense que, pour une fois, cela reflète le voeu du milieu de la population de Laval. Je pense que la population de Laval a demandé que la commission scolaire s'occupe de tous les immigrants. Actuellement, nous avons des projets, selon le plan de développement des langues; nous accueillons actuellement des immigrants, peut-être pas de langue anglaise, mais d'autres nationalités. On va revenir, M.. Morin, à la question des anglophones. Nous demandons que les immigrants viennent s'intégrer à la communauté francophone. Nous ne leur demandons pas de faire des concessions. Nous leur demandons tout simplement de venir enrichir notre peuple québécois. Je pense qu'ils ont quand même une culture, ils ont quand même autre chose à nous apporter. Qu'on leur demande de venir connaître la culture française, je pense que c'est une demande qui est légitime, normale et nous pensons également qu'ils viendront, un jour ou l'autre, à rendre service à la communauté qu'ils ont adoptée et acceptée.

M. MORIN: J'ai rarement entendu dire les choses aussi clairement et aussi magnifiquement, M. le Président. J'espère que le ministre écoutait d'une oreille attentive.

M. CLOUTIER: Bien sûr. Le ministre est entièrement d'accord sur ce principe. Evidemment...

M. MORIN: Pourquoi ne le met-il pas dans sa loi?

M. CLOUTIER: ... il s'agit de savoir... Le principe est dans la loi; c'est une question de modalité.

M. MORIN: Ah, vraiment?

M. CLOUTIER: Nous ferons le débat en temps et lieu et, à ce moment-là, nous aurons l'occasion de montrer ce que signifie le contre-projet linguistique du PQ ...

M. MORIN: Ah! la la!

M. CLOUTIER: ...et d'en mesurer toutes les implications. Ne me provoquez pas, parce que je vais en parler tout de suite.

M. MORIN: Eh bien, allez-y!

LE PRESIDENT (M. Pilote): Je ne suis pas d'accord. L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. CLOUTIER: C'est bien. M. MORIN: M. le Président...

M. LAFORTUNE: Vous me permettrez, pas d'élaborer, mais peut-être de dire que, quand même, il y a eu une période dans l'histoire où l'immigration a été favorable à la province de Québec. Il y a une période où nous avons reçu des Belges, nous avons reçu des gens de l'Afrique francophone, nous avons reçu d'autres personnes. Par contre, ce soir, nous ne pouvons pas vous donner des statistiques que vous tous vous connaissez concernant l'immigration, mais

c'est le voeu de la commission scolaire et je pense qu'on peut dire également que c'est le voeu du milieu.

M. CHARRON: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de Saint-Jacques.

M. MORIN: Je n'ai pas terminé, M. le Président. Je céderai la parole au député de Saint-Jacques dans quelques instants. Si j'ai bien compris alors votre attitude à l'endroit des immigrants, lorsque vous parlez des tests ou de la batterie de tests comme vous avez dit, vous n'entendez pas appliquer ces tests aux immigrants? Ce sont des tests que vous feriez passer aux citoyens qui voudraient passer d'un système à l'autre; c'est bien cela?

M. LAFORTUNE: M. le Président, si je peux répondre à cette question. Je vais quand même référer M. Morin à l'article 49. Si les immigrants, une fois qu'ils ont adopté l'Etat québécois comme patrie, peuvent peut-être après un certain temps, selon certains règlements, avoir un certain libre choix comme tout autre Québécois, quand même nous tenons et nous demandons, avant que cette chose soit permise, qu'ils s'intègrent réellement, culturellement, sociolo-giquement et juriquement à la communauté francophone.

M. MORIN: Puis-je vous demander un ou deux détails là-dessus?

M. LAFORTUNE: On ne crée pas une classe spéciale, d'après nous, pour les immigrants parce qu'il nous fait plaisir de les recevoir chez nous.

M. MORIN: Oui.

M. LAFORTUNE: II nous fait plaisir de les aider dans leur famille, il nous fait plaisir de les aider culturellement, il nous fait plaisir de les aider à être des Québécois.

M. MORIN: D'accord. C'est bien dit. Maintenant, je voudrais quand même vous demander un ou deux détails qui m'intéressent, pour vous faire préciser votre pensée.

Si je vous ai bien compris, lorsqu'un enfant deviendrait citoyen, ou lorsque ses parents deviendraient citoyens, il retrouverait, ce que vous appelez, la liberté de choix.

M. LAFORTUNE: Je pense, M. le Président, qu'il faudrait peut-être aller jusque-là, parce que si nous sommes des confrères québécois, il faut quand même être confrères jusqu'au bout du sang.

M. MORIN D'accord, mais je vous donne maintenant un ou deux cas qui peuvent se poser assez fréquemment. Supposons deux immigrants qui arrivent au pays en mars de cette année; en avril, ils ont un enfant. En vertu des lois de ce pays, cet enfant né sur le sol canadien devient automatiquement citoyen canadien. Donc, il n'est pas un immigrant. Est-ce que cet enfant, d'après vous, ira à l'école anglaise, s'il le désire, ou s'il doit être orienté vers l'école française?

M. LAFORTUNE: On n'a pas encore de "pré-pré-prématernelle", parce que vous n'avez pas mis tellement vieux votre enfant, vous l'avez mis...

M. MORIN: Je l'ai pris très, très jeune à dessein.

M. LAFORTUNE: Après un certain temps, il faudrait étudier le problème. Vous êtes des législateurs, vous êtes quand même des personnes qui connaissez beaucoup... Nous pouvons quand même avoir une opinion, M. Morin, sur le problème...

M. MORIN: C'est cela que je vous demande.

M. LAFORTUNE: Notre opinion est la suivante. Il faudra qu'un jour ou l'autre il aille à l'école française.

M. CLOUTIER: Vous n'en sortirez pas des tests.

M. MORIN: M. le Président, je pourrais continuer mes questions comme cela et, par exemple, supposer que les parents arrivent ici, deviennent citoyens et aient des enfants dans les années suivantes. Etant citoyens, d'après ce que vous nous avez dit, ils auraient cette "liberté de choix" pour leurs enfants, bien que les enfants soient des enfants d'immigrants, en réalité.

M. LAFORTUNE: Je pense bien, M. Morin, que je n'irai pas discuter avec vous du problème constitutionnel. Mais si l'enfant est arrivé l'an passé, je pense bien que vous savez qu'il lui faut quand même cinq ans avant qu'il ne devienne citoyen canadien.

M. MORIN: Oui, si l'enfant lui-même arrive au pays, d'accord; mais dans les cas que je vous ai mentionnés, la situation est un peu plus compliquée. Toutefois je n'insiste pas; c'est pour vous montrer qu'il faut pousser la réflexion assez loin pour trouver des règles qui soient d'application générale.

Je voudrais vous signaler en passant au sujet de la page 3, que nous sommes tout à fait d'accord sur l'insistance que vous mettez sur le fait que dans les écoles françaises, il doit y avoir un bon enseignement de l'anglais. C'est un point sur lequel vous appuyez et nous vous donnons entièrement raison là-dessus. Je n'ai

pas de question à poser; je voulais vous signaler cela en passant.

A la page 4, une dernière question, avant de passer...

M. LAFORTUNE: M. le Président, M. Leroux, le directeur, responsable de l'enseignement, aurait peut-être une question ou un fait à rapporter.

M. MORIN Oui.

M. LEROUX Sur la question de la qualité de l'enseignement, ce n'est pas, je pense, au bill de préciser ces conditions. Mais il y a tout de même des dispositions qui sont en dehors du bill et qui sont l'application de la future loi auxquelles il faudrait apporter des améliorations, entre autres, le "ratio" professeur. Actuellement, lorsqu'on veut donner un bon enseignement dans la langue seconde, on se doit de nommer des spécialistes pour donner un enseignement dans la langue seconde. Je pense qu'il y a des programmes de perfectionnement qui sont prévus. Nous essayons de nous lancer de ce côté et d'organiser notre corps professoral pour donner un enseignement valable, mais, malheureusement, lorsqu'on commence à nommer des spécialistes pour l'enseignement de la langue seconde, cela a un ricochet sur le nombre d'élèves qu'on met dans les classes. Par le fait même, on en vient à une chose qui pourrait devenir ridicule, c'est-à-dire que, pour améliorer l'enseignement d'une langue seconde, on pourrait se mettre dans des conditions où l'enseignement de la langue maternelle serait diminué, parce qu'on aurait trop d'élèves dans une même classe.

Je ne veux pas insister sur des détails semblables. Je ne pense pas que ce soit dans la loi qu'on doit les trouver. Mais je crois qu'il faut tout de même y penser maintenant, de façon que ces retombées ne produisent pas des effets néfastes, particulièrement sur l'enseignement de la langue maternelle.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, puisque nous sommes à parler de problèmes d'administration, j'aimerais tout de suite vous rassurer quant à votre interprétation de l'article 50. Vous vous demandez : Nous espérons que notre interprétation soit la bonne. C'est celle que personnellement j'ai défendue à cette table depuis les débuts des séances de la commission devant chacun des groupes qui sont venus, quant au fait que 50 est le statu quo, les pouvoirs des commissions scolaires de placer les étudiants dans le groupe et le cours auxquels ils se sont inscrits.

Si mon interprétation avait été mauvaise, vous pouvez être certain que le ministre de l'Education m'aurait confondu. Mais je l'ai tellement répété de fois...

M. CLOUTIER: II le faut parfois.

M. CHARRON: ... et il a eu tellement l'occasion de le faire que je crois que vous et moi avons la bonne compréhension de l'article 50.

M. CLOUTIER: Pas seulement vous et eux...

M. CHARRON: Maintenant, je voudrais revenir à l'article 49. Vous y insistez sur la définition d'une connaissance suffisante; nous avons soutenu également cette demande avec plusieurs groupes qui vous ont précédés et qui oeuvrent dans le monde scolaire comme vous, aussi bien du côté anglophone que francophone. Peut-être que la question pour les groupes anglophones était plus vive, parce que c'est ce transfert au secteur anglophone qui nous inquiète beaucoup plus qu'au contraire le transfert anglophone de notre côté, ce qui est parfaitement normal dans un rapport de minorité à majorité.

Mais je voudrais vous demander, à vous, comme administrateurs scolaires, MM. Décarie et Lafortune, actuellement, quand, selon le système de la loi 63, un étudiant anglophone décide de s'inscrire chez vous, vous avez quand même comme responsabilité déjà, sans que même le principe soit dans la loi, de vérifier s'il a une connaissance suffisante puisqu'en vertu de l'article 50, ou en vertu de la réglementation 06, 04, 02 et 10, vous avez le devoir de le placer à un cadre quelconque. Comment, actuellement, procédez-vous à la vérification de cette connaissance suffisante?

M. LAFORTUNE: M. le Président, si vous me le permettez, après avoir suivi l'étude des crédits du ministère de l'Education, après avoir lu et pris connaissance des documents du ministre et également de M. Charron, je pense qu'en tant que commissaire d'écoles... Avant de répondre à votre question, si vous me permettez, M. le Président, j'aimerais remercier M. le ministre et j'aimerais également remercier M. Charron. Le seul endroit où des commissaires d'écoles peuvent apprendre et connaître les objectifs du ministère à long terme, c'est à la lecture des crédits et c'est une richesse inouie pour les commissaires, pour ceux qui prennent la peine de les lire. Je voudrais donc remercier et féliciter M. le ministre et également M. Charron. Je pense qu'en tant que commissaire, je devais le faire.

M. CHARRON: Merci, M. Lafortune.

M. CLOUTIER: Merci de m'avoir remercié...

M. LAFORTUNE: Pour répondre à votre question, j'imagine que la question va venir un jour ou l'autre, une minute ou l'autre, nous avons des problèmes de demande de transfert de parents qui veulent que leurs enfants suivent des cours dans une autre langue d'enseigne-

ment. A Laval, il semble qu'il y a eu des manifestations. Il semble qu'il y a eu quelques problèmes.

Nous aimerions quand même donner ici, pour le bénéfice de cette assemblée, les statistiques concernant la ville de Laval. En 1970/71, nous avons eu 50 demandes de transfert au secteur anglophone; en 1971/72, 90 élèves; en 1972/73, l'année où on appliquait peut-être intégralement ce qu'on appelait la loi 63, nous avons eu 193 élèves; en 1973/74, 150; et en 1974-75, nous avons 140 élèves. Nous avons plus d'enfants qui vont au secteur privé que d'enfants qui vont au secteur anglophone.

Maintenant, voici ce qui s'est fait à la commission scolaire Chomedey de Laval. D'abord, nous avons des tests à la commission scolaire. Nous avons pris sur nous d'établir des tests pour établir une connaissance suffisante. Nous avons également étudié le bulletin scolaire de l'élève, son aptitude à apprendre, son aptitude à apprendre peut-être dans une autre langue, son aptitude à apprendre peut-être selon des manières audio-visuelles. Nous avons également demandé des rencontres avec les parents, et nous avons, en dernier lieu, demandé des rencontres avec les professeurs anglophones qui enseigneront l'année suivante aux enfants.

C'est ce que nous avons fait à Chomedey de Laval pour aider les enfants à réussir, pour les aider à apprendre à être et pour apprendre à apprendre.

M. CHARRON: M. Lafortune, si je comprends bien, si, demain, l'Assemblée allait adopter...

M. LAFORTUNE: Voulez-vous parler un peu plus fort, M. Charron?

M. CHARRON: Je vais respirer.

M. LAFORTUNE: J'ai des difficultés, je suis handicapé.

M. CHARRON: Si, demain, l'Assemblée allait adopter la loi 22 telle qu'elle est rédigée actuellement, pour la commission scolaire Chomedey de Laval, le fait que l'article 49 affirme le principe de l'obligation d'une connaissance suffisante pour être inscrit dans un régime d'enseignement ne constituerait pas pour vous une modification énorme puisque déjà vous avez, comme vous dites, tout un système d'évaluation avant de procéder à la classification de l'étudiant. Est-ce exact?

M. LEROUX C'est exact. Cependant, je pense qu'aucune commission scolaire du Québec négligerait d'avoir de l'aide par des tests qui seraient réellement bien standardisés. Je crois que c'est avec plaisir qu'on recevrait des tests qui pourraient nous assurer un excellent choix. J'ajouterais, particulièrement, au secondaire, où cela fait trois ans qu'on applique des tests et lorsque des élèves se révèlent trop faibles, on conseille aux parents de ne pas faire le changement.

M. CHARRON: D'accord!

M. LAFORTUNE: Sur 350 demandes, nous en avons accepté 140.

M. CHARRON: J'ai une toute petite dernière question. Je ne veux pas priver mon collègue de Rouyn-Noranda... Mais est-ce que le ministre accepterait de considérer que le temps des félicitations que nous avons reçues ne soit pas pris sur le temps de l'Opposition?

M. CLOUTIER: Ecoutez.

M. MORIN: Nous vous les ferions partager, puisque le ministre en réclamait sa part.

M. DEOM: 50-50.

M. CHARRON: J'ai une dernière question à poser. A la page 4, dans vos commentaires de l'article 48, vous dites que vous comprenez difficilement l'attitude de certains Québécois qui, pourtant bien adeptes de la liberté, veulent priver d'autres Québécois d'un droit qu'ils possèdent.

Est-ce que vous partagez l'opinion du ministre de l'Education qui dit que le libre choix est un droit ou partagez-vous l'avis du ministre de la Justice qui dit que ce n'est qu'une mesure pratique?

M. LAFORTUNE: M. le Président, si vous me permettez de répondre à M. Charron, je pense que, si le contribuable a l'obligation de payer des taxes à une commission scolaire où on offre deux langues d'enseignement, il doit avoir la possibilité, également, de choisir la langue d'enseignement ou de diriger son fils là où il voudrait bien, parce que c'est lui qui paie. Si on étudie les statistiques que nous avons mentionnées tantôt celles des élèves qui demandent un transfert de langue d'enseignement, au niveau provincial, c'est 1.7 p.c. selon l'étude des crédits et c'est monté à 1.9 p.c. alors que chez nous à Laval, actuellement, la situation est sous contrôle puisqu'au niveau secondaire nous recevons des élèves des trois commissions scolaires de l'île, la régionale de Mille-Iles, la régionale Duvernay et la régionale de la commission scolaire Chomedey. Cette année, nous avons 140 demandes acceptables, pour le bien de l'enfant, d'un changement...

LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: J'aurai quelques brèves questions parce que déjà les représentants de la commission scolaire Chomedey de Laval ont répondu à plusieurs questions que je me posais.

A la page 5 de votre mémoire... Evidemment, l'article 128 mentionne une date d'application, soit septembre 1974 et il vous parait impossible, à cause des inscriptions déjà faites... Si je comprends bien, cela veut dire que vous souhaiteriez qu'en ce qui concerne l'article 128, que la date...

M. LAFORTUNE: Je pense que, dans notre cas à nous, peut-être ceci ne s'applique pas parce que toutes les inscriptions sont faites. Il y a peut-être des commissions scolaires où il y a un retard et où cela peut s'appliquer.

M. SAMSON: Cela voudrait dire que vous réclamez, en quelque sorte, une souplesse quant à la date d'application, c'est-à-dire pas nécessairement...

M. LAFORTUNE: Je pense que cela nous donne une chance de répondre à la question du député de Rouyn-Noranda. Nous, des instances décentralisées, sommes habitués à vivre avec un code scolaire où il y a peut-être au minimum 55 articles qui relèvent du ministre et il y en a peut-être également autant qui nous régissent d'après le lieutenant-gouverneur. Nous avons appris à vivre avec l'autorité et nous pensons que nous agissons pour le bien des contribuables.

M.SAMSON: D'accord! Vous vous dites inquiets au sujet des règlements en ce qui concerne l'application du projet de loi 22 — j'ai posé la même question à d'autres groupements et je vous pose cette même question— est-ce que vous verriez d'un bon oeil le fait que les règlements soient publiés, que vous puissiez en prendre connaissance avec un délai avant l'application de ces règlements afin que, comme groupement, vous puissiez émettre votre opinion quitte à ce que le ministre l'accepte évidemment, ou la refuse, mais que votre opinion puisse être émise avant la date d'application de ces règlements.

M. LEROUX: Du point de vue des fonctionnaires de la commission scolaire, un changement qui arrive après janvier pour une application en septembre suivant, c'est toujours trop tard pour le moins. Je pense que, depuis quelques années, le ministère de l'Education fait attention à cela. Pour application, il faut prévoir un délai si on veut être réellement efficace.

M. SAMSON: D'accord. En ce qui concerne les tests, vous avez mentionné une expérience un peu particulière à votre commission scolaire. C'est l'avant-dernier paragraphe de la page 5; en disant que les tests sont insuffisants, vous suggérez qu'en plus des tests, le comité pédagogique ou même la commission scolaire prenne connaissance du bulletin de l'élève, de l'évaluation du professeur et des rencontres avec les parents. Est-ce que vous souhaiteriez également qu'avant que ces fameux tests soient préparés il y ait rencontre entre les autorités du ministère et les autorités de toutes les commissions scolaires du Québec aux fins d'échanger vos différentes expériences?

M. LAFORTUNE: M. le Président, pour répondre à la question de M. Samson, même si nous avons ce qu'on appelle une certaine autonomie, je pense que nous prenons nos responsabilités dans le sens et dans la limite de notre autonomie. Je pense que nous faisons passer les tests lors de la demande premièrement; ensuite, le programme se poursuit, selon le résultat de ces tests.

M. SAMSON: En vertu du projet de loi 22, il se pourrait que les tests soient préparés autrement?

M. LAFORTUNE: Actuellement, nous vivons avec une autre loi que le projet de loi 22.

M. SAMSON: Je m'excuse, mais je vous parle, évidemment, toujours en fonction du projet de loi 22. Si le projet de loi 22 est adopté, s'il est adopté avec des tests, cela voudra dire, si je comprends bien — peut-être que le ministre pourra m'éclairer là-dessus — qu'il y aurait une forme de test imposée ou suggérée.

M. CLOUTIER: Ecoutez. Nous fournissons constamment des tests aux commissions scolaires dans tous les domaines. Je pense aux mathématiques. Alors, nous allons procéder exactement de la même façon. Les tests sont aujourd'hui des techniques de mesure parfaitement objectives. Il suffit de déterminer des seuils et nous allons proposer ces tests de manière qu'il y ait une certaine uniformité au niveau du Québec. Cette idée des tests n'est pas née, vous savez, d'un cerveau ou d'une galaxie éducative. Depuis qu'on y a mis fin...

M. SAMSON: Alors, cela va me rassurer.

M. CLOUTIER: Cette idée est née des expériences pratiques des commissions scolaires. Je crois que les commissaires, qui sont des gens éminemment responsables, ont clairement indiqué qu'ils procèdent comme cela depuis des années dans l'intérêt des enfants, et que ceci sert de frein aux transferts que j'ai qualifiés de transferts sauvages. Je voulais dire par là des transferts qui n'étaient pas contrôlés, qui ne tenaient pas compte des impératifs pédagogiques. Le commissaire nous a dit qu'il y avait eu 350 demandes l'année dernière et que, par le système de tests, on avait réduit ces demandes à 150. Ceci s'est fait sans drame. La dramatisation a eu lieu dans les journaux, mais elle n'a pas eu lieu au niveau des élèves, et elle n'a pas eu lieu au niveau des commissaires. Le moment

viendra pour expliquer les choses clairement, mais à l'occasion d'un témoignage comme celui-là, il est utile de le souligner. Il est certain que toutes les consultations qui devront avoir lieu, auront lieu.

M. SAMSON: Ah bon! Dans ce cas, M. le Président, vous permettrez que je pose peut-être une petite question au ministre pour éclairer ma lanterne. Dans la recherche de cette standardisation des tests et dans la préparation des tests, si j'ai bien compris, le ministre n'a pas objection à ce qu'il y ait consultation générale de toutes les commissions scolaires?

M. CLOUTIER: C'est-à-dire que nous consulterons la fédération, c'est ce qu'il y a de plus simple.

M. SAMSON: Oui, mais...

M. CLOUTIER: Constamment. D'ailleurs, toute la validation des tests se fait dans les commissions scolaires, en collaboration très étroite avec les enseignants, avec les cadres. Ce que je veux dire, c'est qu'on a dramatisé toute cette question. On l'a souvent mal comprise. Je pense que voilà un témoignage qui nous éclaire beaucoup sur le plan technique et qui manifeste bien quelle est la véritable portée de cette façon de procéder. On a essayé d'éviter de créer des classes. Le chef de l'Opposition a essayé de faire dire aux commissaires que les immigrants seraient, par des méthodes coercitives, inclus dans le système francophone.

Ce n'est pas ce que nous cherchons à faire. Nous voulons traiter tous les citoyens de la même façon, mais il est bien évident que notre but est d'essayer d'orienter le plus possible d'immigrants dans notre secteur.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Douze minutes au parti au pouvoir.

M. SAMSON: M. le Président, je voudrais tout simplement remercier les membres de la commission scolaire de Chomedey de Laval.

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de Mille-Iles.

M. LACHANCE: M. le Président, le mémoire préparé par la Commission scolaire de Chomedey pose beaucoup de questions. Je pense que le ministre de l'Education y répondra lors de l'étude du principe du bill en deuxième lecture, lors de son examen article par article. Par contre, je voudrais revenir, à l'instar du chef de l'Opposition, sur ce qui concerne les immigrants. Est-ce que votre commission scolaire, au moment où nous nous parlons, est vraiment prête à recevoir les immigrants? Je voudrais faire le point là-dessus. Les immigrants, au niveau des maternelles, au primaire et au secondaire, est-ce que vous êtes prêts en ce moment à les recevoir?

M. LEROUX: Nous sommes prêts au niveau pédagogique, nous sommes prêts au niveau des locaux. Je pense que nous avons des disponibilités de locaux chez nous à ce point de vue. Déjà, pour l'année en cours, nous avons deux classes qui ont très bien fonctionné, qui ont donné des résultats très satisfaisants. C'était une première expérience. Nous avions 21 élèves et, l'année prochaine, nous espérons en avoir 49 en trois classes. A ce point de vue, après consultation des responsables et avant de venir à la commission, je me suis informé comment fonctionnaient les classes d'immigrants afin de donner la meilleure explication. On serait même prêt à tenter des expériences du côté du regroupement des immigrants dans le milieu, dans l'école la plus près de chez eux dans certains cas. Actuellement il y a des inconvénients parce qu'on est obligé de regrouper les élèves. Il y a des problèmes secondaires de transport: l'élève part très tôt le matin de chez lui et dans certains cas il revient très tard. Alors, il y a des inconvénients qui font que c'est moins intéressant à ce moment-là de s'intégrer à une classe maternelle éloignée mais, par ailleurs, du côté des différentes ethnies qui se retrouvent en classe, cela devient très intéressant parce qu'on débloque sur une obligation d'avoir un moyen de communication, d'avoir une langue de communication, qui est le français nécessairement, puisque vous avez des Espagnols, des Grecs, qui ne sont pas capables de se comprendre dans une autre langue que le français. Ils débloquent là-dessus par obligation, par moyen de communication et par besoin de moyens de communication. Cela a été un succès de ce côté, mais par ailleurs on se demande si cela ne serait pas plus facile de regrouper les élèves dans leur milieu, mais encore faut-il avoir le nombre. Actuellement, nous en avons 21, et nous en aurons 49 l'année prochaine.

M. LACHANCE: En somme, si on peut préciser...

M. LAFORTUNE: Je pourrais peut-être continuer sur le sujet un instant. Nous recevons actuellement 18 immigrants en classe maternelle et l'an prochain nous en avons quinze qui continuent à l'école française et trois qui vont à l'école anglaise.

M. CLOUTIER: Grâce aux dispositions du plan de développement des langues, qui a permis la création d'une de ces écoles comme on en a créées un peu partout à Montréal. Vous en aurez donc quinze sur 18, ce qui correspond à peu près aux proportions ailleurs. Il y aura 90 p.c. des enfants des écoles maternelles qui vont s'inscrire dans le secteur francophone et notre cadre législatif viendra asseoir tout cela solidement.

M. LACHANCE: En somme, votre commission scolaire est prête à recevoir, à assimiler

tous les groupes ethniques d'immigrants aux francophones.

M. LEROUX: La grosse difficulté est de les trouver, actuellement, c'est cela. On fait affaires avec le bureau régional afin de savoir où se trouvent les immigrants de façon à aller les chercher puis les intégrer à une classe maternelle ou prématernelle dans certains cas, selon qu'ils ont quatre ou cinq ans.

M. LACHANCE: Une autre question à la suite de votre mémoire. A la page 5, article 51, vous dites: Nous demandons que le comité pédagogique ne relève pas du ministre mais qu'il soit indépendant. En somme, vous l'avez vraiment étudié pour dire ces choses. Quelles raisons vous amènent à dire que le comité pédagogique devrait être indépendant? Est-ce que vous pouvez préciser votre pensée?

M. LAFORTUNE: Nous avons, à l'intérieur de la commission scolaire, des personnes qui, si on les empêchait d'aller dans un autre secteur d'une langue différente, peuvent faire des pressions à différents niveaux. Nous demandons que le comité pédagogique relève, soit de la régie, ou peut-être d'un autre organisme, et qu'il soit absent du contrôle politique. C'était une demande minimale dans notre mémoire; après la lecture des articles, nous en sommes arrivés à cette conclusion. Cela n'est pas quand même une demande sine qua non.

M. LACHANCE: Ce n'est pas parce que vous ne croyez pas au contrôle politique ou ces choses-là?

M. LAFORTUNE: J'espère que, lorsqu'il s'agit d'un enfant, M. le Président, lorsqu'il s'agit de son avenir, ce n'est pas que je n'ai pas confiance en M. le ministre. Mais peut-être que si c'était la régie, ou un autre organisme, qui décide ou qui demande un avis à un comité pédagogique, dont on ne connaît pas les instruments de mesure, dont on ne sait pas ce sur quoi il va se baser pour donner son avis... Nous demandons, ce sera probablement connu dans les règlements, nous l'espérons, que ce soit tout simplement comme ça.

M. CLOUTIER: Ici, il serait utile que j'apporte un éclaircissement. La réglementation qui sera connue au moment du débat, parce que nous ne sommes pas en débat en ce moment — nous écoutons les représentations — contiendra des dispositions de cet ordre. Nous avons exactement les mêmes préoccupations.

M. LAFORTUNE: Nous sommes suspendus à vos lèvres, M. le ministre, pour connaître les règlements de façon à pouvoir les appliquer le plus tôt possible chez nous.

Maintenant, M. le Président, si vous me permettez, une commission scolaire n'est quand même pas un organisme qui s'occupe d'administrer des sous et des choses comme ça. Nous sommes tellement soucieux au niveau de la recherche et des recherches pédagogiques, à l'article 63 c), même si ça ne relève pas du secteur de l'enseignement, nous aimerions que soit inscrit dans notre dossier que nous avons suggéré différentes recherches sur la langue.

La première sera celle-ci: La recherche sur les facteurs autres que l'enseignement influençant l'apprentissage de la langue.

Deuxièmement, une recherche opérationnelle sur les techniques d'immersion pour l'apprentissage d'une langue seconde.

Troisièmement, une recherche opérationnelle sur les troubles d'apprentissage au niveau secondaire; cette recherche toucherait particulièrement les troubles d'apprentissage en lecture, des troubles d'apprentissage en orthographe et leur fréquence dans les classes de voie régulière et allégée. Une recherche sur la rentabilité des méthodes utilisées pour l'apprentissage de la lecture à l'élémentaire.

Enfin, une recherche sur une méthode de récupération à l'intérieur de l'école.

Je voulais que ce soit inscrit dans le journal des Débats.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Saint-Jean.

M.VEILLEUX: M. le Président, lorsque M. Lafortune a répondu tout à l'heure à une des questions du chef de l'Opposition, le député de Sauvé, relativement à l'immigrant qui obtient sa citoyenneté après cinq ans, j'étais porté à me demander si M. Lévesque avait rencontré M. Lafortune avant de donner sa conférence de presse ou vice versa, parce que M. Lévesque a donné exactement la même réponse que M. Lafortune tout à l'heure. Ce n'est pas le point sur lequel je voudrais vous interroger. Depuis que cette commission parlementaire siège...

M. MORIN: Ce sont deux hommes de bon sens, voilà tout.

M.VEILLEUX: ... il y a un député qui relève assez souvent le cas de Saint-Léonard, de Laval, de Brossard. Ici, on a les commissaires d'écoles qui ont eu le cas, qu'on a appelé de Laval. Est-ce que vous pourriez nous dire exactement dans quelle circonstance il s'est produit, de quelle façon et comment il s'est réglé, ou s'il n'est pas réglé?

M. LAFORTUNE: Je pense que je ne trancherai pas le débat qui a été mentionné dans le journal des Débats entre M. Cloutier et M. Charron.

Nous allons quand même expliquer notre position, du moins, ce sur quoi nous nous sommes basés pour en arriver à une décision. Je voudrais bien rassurer les membres de cette digne commission que notre décision n'est pas

finale, puisque nous sommes encore en discussion avec le ministère de l'Education.

Dans le secteur de l'école Présentation de Marie, puisqu'il faut l'appeler par son nom, il y a 1800 places/élèves et nous avons, dans le secteur, dans la juridiction, 812 élèves à placer. Alors, il nous faut, si nous voulons administrer... le problème de la vocation de l'école Présentation...

M. MORIN: Pour préciser les chiffres, 812 élèves en plus des 1800?

M. LAFORTUNE: Non, non. Il y a 1800 places/élèves dans le secteur.

M. MORIN: Bon.

M. LAFORTUNE: ... et nous avons 812 élèves dans le secteur.

M. MORIN: Bon, j'ai compris.

M. DECARIE: 812 élèves francophones.

M. LAFORTUNE: Nous avons pris la décision de faire de l'école Présentation de Marie une école francophone. Dans d'autres secteurs... à Mille-Iles, il y a eu une rencontre entre M. Pierre Martin, sous-ministre et différents fonctionnaires du ministère de l'Education. Nous avons rencontré la commission scolaire de Mille-Iles et actuellement il semble qu'après les élections, même après les nouvelles élections qui viennent d'avoir lieu, que la question des doubles horaires demeuraient à Mille-Iles et que la vocation de l'école Présentation de Marie devrait être réétudiée en fonction de cette décision qui appartient à une autre commission scolaire.

LE PRESIDENT (M. Pilote): J'inviterais...

M. LAFORTUNE: A Laval actuellement, il ne semble pas y avoir de problème.

LE PRESIDENT (M. Pilote): M. Lafortune, je vous inviterais à vous en tenir au bill 22 et non pas à une question de places/élèves.

M. VEILLEUX: M. le Président, j'ai posé la question pour une raison bien simple. C'est que, depuis que cette commission siège, on nous flanque à pleine face de même qu'à ceux qui viennent témoigner, des gens qui ne vivent pas à Laval, donnant comme cas type de la ville de Laval, Présentation de Marie, je pense qu'il est temps qu'on éclaircisse ou du moins qu'on tente d'éclaircir ici exactement la situation de Présentation de Marie. Vous dites qu'il y avait 812 francophones à placer dans une école qui pouvait en contenir 1800. Mais le problème exactement vient de la différence entre 1800 et 812, les 1000 qui faisaient la différence?

M. DECARIE: On parle de 1800 places/élè- ves dans deux écoles. Vous parlez de Présentation de Marie qui a une possibilité de 950 et vous parlez de Saint-Jean qui a à peu près le même nombre. A ce moment-ci, face à la diminution des élèves, nous nous sommes vus dans l'obligation d'essayer de trouver une autre vocation à Présentation de Marie. C'est de là que sont venus les problèmes et je ne voudrais pas, M. le Président, que la commission pense que ce qu'on veut dire actuellement veut nous éclipser de la situation, mais je pense que cela a été quand même monté en épingle, c'est tout.

M. VEILLEUX: Mais lorsque vous dites que vous aviez un problème dû à une diminution d'élèves, cette diminution d'élèves était due à quoi?

M. DECARIE: Due à plusieurs faits, dont par exemple, le premier, la construction de certains centres commerciaux dans Laval, due aussi peut-être à l'inflation. Je vais vous donner un exemple. Dans un secteur où il y a eu vente de douze maisons où nous avions trente élèves, les nouveaux propriétaires qui ont acheté ces maisons avaient seulement deux enfants. Ce sont des raisons qui font que...

M. VEILLEUX: C'est là que vous êtes allé chercher les enfants qui voulaient fréquenter les classes anglophones pour les faire entrer dans Présentation de Marie, si je comprends bien, pour répondre aux normes d'administration d'une commission scolaire.

M. DECARIE: Nous avons essayé d'utiliser au maximum les locaux que nous avions.

M. VEILLEUX: D'accord, merci.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Je remercie M. Décarie ainsi que ceux qui l'accompagnent pour leur mémoire et soyez assurés que la commission va en prendre bonne note. J'inviterais à présent M. Stafford du Quebec Association of School Administrators à venir présenter son mémoire et à identifier ceux qui l'accompagnent.

Quebec Association of School Administrators

M. MACDONALD: Je m'appelle Hugh Macdonald. Je suis président de la Quebec Association of School Administrators. Vous permettez que je dise quelques mots avant que Mlle Marksfield fasse sa présentation.

M. le ministre, messieurs les députés, je suis accompagné de M. Peter Krause, vice-président de notre association et directeur des services du personnel de la Southshore Protestant Regional School Board et de Mlle Sylvia Marksfield, porte-parole de notre association et principale d'une école d'immersion de la Protestant School Board of Greater Montreal.

Mlle Marksfield et M. Krause seront prêts à répondre à vos questions après la présentation. Merci, M. le Président. Mlle Marksfield.

MLLE MARKSFIELD: Merci, monsieur.

M. le Président, M. le ministre, messieurs les députés, la Quebec Association of School Administrators a la responsabilité et le devoir d'informer le gouvernement de ses points de vue sur le projet de loi 22, la loi sur la langue officielle.

La Quebec Association of School Administrators compte plus de 575 éducateurs professionnels sur qui repose en grande partie la responsabilité de diriger l'éducation dans le secteur protestant et, en tant que corps corporatif, la QASA représente une organisation dont les membres possèdent une formation professionnelle, des qualifications et une expérience indiscutable.

Ce mémoire traite principalement des implications du projet de loi sur l'éducation de milliers d'enfants d'âge scolaire, tant francophones qu'anglophones, résidant actuellement au Québec ou qui y viendraient dans l'avenir. Il ne devrait pas être nécessaire d'appuyer sur le fait que ce projet de loi comporte un sens profond pour les destinées de ces enfants, quelle que soit leur langue ou leur culture.

Afin d'être bref et précis, les différents points que notre association désire souligner sont énumérés ci-dessous: 1.Nous appuyons de tout coeur une législation visant à maintenir et renforcer la culture et la langue française. 2.Nous appuyons l'effort fait afin de conserver la langue française comme langue prédominante au Québec. 3.Nous appuyons cette section du projet de loi qui rend l'enseignement de la langue française obligatoire dans les écoles anglophones. Ceci sert à confirmer une pratique déjà existante. Il n'y a pas de doute qu'une disposition similaire devrait exiger que la langue anglaise soit enseignée dans les écoles francophones. 4. La législation,' sous sa forme actuelle, d'après nous, est discriminatoire, non pas contre les enfants anglophones, mais contre les enfants francophones, à un tel point qu'elle n'offre aucune garantie qu'ils auront la possibilité d'apprendre l'anglais à l'école. Bien plus, de telles mesures tendent à rabaisser la langue et à décourager le bilinguisme. Plus précisément, à moins que la section 48 ne soit amendée convenablement, la même stratification, si longtemps source d'irritation au Québec, pourrait être renforcée. 5.Nous recommandons instamment des mesures économiques pour l'enseignement du français et de l'anglais, langue seconde au Québec. Un enseignement efficace de la langue seconde est la meilleure façon de s'assurer que les parents cesseront d'envoyer leurs enfants à des écoles autres que celles auxquelles ils iraient normalement pour apprendre une langue seconde. 6.Nous croyons fermement que la diversité culturelle et le bilinguisme fortifient grandement la société du Québec. Nous nous permettons de suggérer au gouvernement de légiférer de façon à encourager l'usage des deux langues, avec des précautions particulières afin de sauvegarder la langue française. 7. Nous appuyons le droit démocratique des parents de choisir la langue principale d'enseignement pour leurs enfants et toute contrainte dans ce domaine nous paraît inacceptable. En fait, nous ne connaissons aucun endroit où il existe un double système scolaire où le choix de la langue d'enseignement est dénié. D'ailleurs, nous pouvons remarquer que les commissions Parent, Gendron et BB ont recommandé que les droits des parents soient maintenus. 8. Nous demandons instamment que de fortes garanties légales soient introduites afin d'assurer l'existence continue des écoles anglophones. Nous sommes inquiets par la manière plutôt cavalière dont l'éducation anglaise est traitée dans ce projet de loi. Nous suggérons que le projet de loi soit amendé afin que les droits de la minorité anglophone, qui existent depuis plus d'un siècle et demi, s'appuient sur quelque chose de plus substantiel que le bon vouloir ministériel. 9. Il nous paraît, après mûre réflexion, que les dispositions du projet de loi forçant les enfants qui n'ont pas une connaissance suffisante de la langue anglaise à fréquenter les écoles françaises n'atteindront pas les résultats attendus. De plus, nous prétendons qu'un tel déni des droits démocratiques représente une exagération du sentiment nationaliste, qui risque de conduire à la méfiance et à la controverse. 10. L'Association considère que toute législation qui oblige les membres d'un groupe culturel à apprendre une langue étrangère ne peut qu'échouer. Peut-être n'y a-t-il pas de meilleure preuve pour appuyer notre point de vue que les Canadiens d'origine française. Certainement, il y a 150 ans, la tentative de forcer les francophones à fréquenter les écoles anglaises a été éminemment infructueuse. 11. Nous croyons que l'apprentissage de la langue seconde, de fait, même l'intégration d'un groupe social dans une culture majoritaire, peut seulement s'accomplir par la persuasion, le précepte et l'exemple. Les parents anglophones ont fait des efforts considérables en particulier au cours des dernières années, pour s'assurer que leurs enfants parlent le français couramment et possèdent une solide connaissance de la langue. Cet intérêt et cette détermination des parents anglophones se reflètent dans le fait que plusieurs milliers d'enfants suivent des cours d'immersion française dans les écoies anglaises à Montréal et les environs. Il nous semble que parmi les élèves sortant des écoles anglaises, le nombre de ceux qui s'expriment couramment en français est plus élevé qu'on ne le pense généralement. Nous soutenons également que le nombre augmente considérablement et ira en

augmentant, grâce aux programmes actuellement en cours dans les écoles anglaises. Nous prétendons aussi que plusieurs des premières générations d'immigrants, quoique ayant fréquenté des écoles anglaises, parlent français et sont partie intégrante de la communauté francophone, bien plus que ne l'allèguent certaines affirmations. 12. Nous suggérons que le gouvernement institue des recherches plus substantielles afin de s'assurer de l'étendue totale des problèmes dans le domaine de l'éducation, sujet dont le projet de loi doit traiter. Il nous semble qu'on ne dispose pas actuellement d'arguments objectifs de poids concernant ces problèmes. 13. Finalement, nous sommes d'avis que les difficultés d'opération inhérentes à l'application de ce projet de loi et, en particulier, l'obligation de diriger des élèves vers des écoles d'une langue ou de l'autre sont plus vastes et plus complexes qu'on ne le croit. Quelle que soit la souplesse de l'administration, les règlements pourraient donner lieu à de sérieux abus. Même les examens proposés, qui, en apparence du moins, semblent avoir des caractéristiques de précision et d'objectivité risquent, comme tous les examens, même les examens standardisés, de devenir de grossiers instruments de sélection, presque entièrement inutiles pour de jeunes enfants qui entrent à l'école pour la première fois.

L'association est reconnaissante d'avoir ainsi l'occasion de présenter son point de vue sur le projet de loi 22. Elle réalise que la culture est l'héritage qu'une génération reçoit de ses prédécesseurs et que les décisions prises à ce sujet affectent profondément les recherches d'une société pour son identité. Et ce, à son tour, affecte sa croissance.

En tant que Québécois anglophones ou francophones, nous devrions bien savoir que, quelle que soit la contribution que fait chaque génération pour la continuation de la vie de société, sa propre croissance demande qu'elle utilise l'expérience du passé.

Avec la disparition d'une langue ou de l'autre, les générations à venir auraient très peu à apprendre de leurs prédécesseurs. Notre devoir est de maintenir et de développer nos deux cultures, si richement modelées par les générations passées. Toutes nos forces devraient tendre vers ce but. Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Le ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: Je remercie the Quebec Association of School Administrators pour la présentation de son mémoire. C'est un autre groupe que je connais. Je suis très heureux de voir qu'il y a autant de groupes qui s'intéressent au secteur de l'éducation et qui se présentent devant cette commission parlementaire. Cela n'est pas étonnant, étant donné la présence dans ce projet de loi d'un chapitre qui porte précisément sur la langue d'enseignement.

Etant donné que votre groupe a choisi de ne traiter que ce chapitre, ce qui est tout à fait naturel, je limiterai mes deux questions à ce secteur. Je dis que c'est tout à fait naturel parce que ce ne sont pas tous les groupes qui se sont limités au secteur qu'ils connaissaient le mieux.

Ma première question est la suivante: Vous dites qu'en forçant les enfants à fréquenter un secteur scolaire, lorsqu'ils connaissent suffisamment la langue d'enseignement, ceci représente un déni des droits démocratiques. J'aimerais que vous m'expliquiez en quoi il y a déni des droits démocratiques parce qu'on demande aux enfants d'avoir la capacité pédagogique de suivre l'enseignement dans la langue du secteur.

MLLE MARKSFIELD: II s'agit, n'est-ce pas, des examens de rendement que vous allez demander aux enfants. Quelle sorte d'examens allez-vous proposer pour un enfant de cinq ans qui ne sait pas lire?

M. CLOUTIER: Alors, donc, votre réserve ne porte pas sur le fait qu'il y a une condition attachée à la liberté de choix, mais sur le fait que cette condition consiste en tests.

MLLE MARKSFIELD: C'est cela. Oui.

M. CLOUTIER: II y a quand même une nuance sérieuse. Alors, vous n'êtes pas, en principe, opposée à ce que la liberté de choix soit conditionnelle. Je ne cherche pas à vous mettre en difficulté, mais je cherche véritablement à préciser si votre prise de position vient du fait que vous êtes intransigeants sur la liberté de choix d'un secteur à l'autre secteur ou si elle vient du fait que la modalité qui n'est qu'une modalité qu'a choisie le gouvernement, à savoir l'utilisation de tests, pour être le moins discriminatoire possible...

MLLE MARKSFIELD: M. le ministre... Pardon, M. le ministre.

M. CLOUTIER: Je vous en prie, madame.

MLLE MARKSFIELD: Ce dont j'ai peur, c'est ceci: Supposons que vous ayez un enfant de cinq ans, qu'il soit anglais, ou italien ou de n'importe quelle langue, quel rendement allez-vous lui proposer? Quel examen allez-vous lui proposer? Et s'il ne répond pas à votre examen — les enfants de cinq ans ne répondent pas toujours aux adultes — qu'est-ce que vous allez faire? L'enfant échoue. Il a ses voisins qui vont à une telle école. Sa maman lui dit: Toi, tu vas aller là-bas et il ne sait pas pourquoi. Alors, vous aurez une école pleine d'enfants qui sont des échecs. Qu'est-ce qu'on va faire de ces jeunes enfants?

M. CLOUTIER: Chose certaine, madame, vous n'auriez pas besoin de test parce que vous, vous vous exprimez admirablement bien en français. Je vous en félicite.

MLLE MARKSFIELD: C'est mon métier. C'est mon langage de travail.

M. CLOUTIER: Je le sais parce que je vous connais également. Il semble donc qu'on a établi que ce qui vous gêne dans cela, c'est la modalité qui a été choisie, à savoir l'utilisation de tests. Je crois que vous étiez présente lorsque les commissaires d'école qui ont témoigné avant vous...

MLLE MARKSFIELD: Oui.

M. CLOUTIER : ... ont expliqué de quelle façon ils procédaient et ils vous ont dit qu'ils utilisaient des tests depuis toujours, qu'il était essentiel que les tests viennent à la rescousse lorsqu'il était nécessaire de classer un enfant dans un secteur plutôt qu'un autre secteur.

MLLE MARKSFIELD: Ce ne sont pas les commissions scolaires qui présideront les examens. Selon l'article 51, c'est le ministre de l'Education qui peut, cependant, conformément au règlement, imposer des tests.

M. CLOUTIER: Vous seriez d'accord si c'étaient les commissions scolaires?

MLLE MARKSFIELD: Je le crois oui.

M. CLOUTIER: Mais la façon, le député de Saint-Jacques qui est devenu un expert en ce qui concerne le chapitre de la langue de l'enseignement, va vous l'expliquer, n'est-ce pas? C'est bien votre intention?

M. CHARRON: Si vous pouvez l'expliquer pour une fois, cela m'éviterait de l'expliquer chaque fois.

M. CLOUTIER: Je ne suis pas sûr de l'expliquer aussi clairement, parce que le député de Saint-Jacques défend notre projet de loi sans trop s'en rendre compte.

M. CHARRON: Ah oui!

M. CLOUTIER: Certains de ses aspects, tout au moins. J'ai l'honnêteté de le dire. Dans la rédaction actuelle du projet de loi, les commissions scolaires peuvent effectivement faire ce qu'un bon nombre d'entre elles ont toujours fait, à savoir utiliser des tests pour classer leurs étudiants, qu'il s'agisse de première inscription ou qu'il s'agisse de transfert d'un secteur à l'autre. C'est ce que la commission scolaire qui vous a précédés fait, d'une façon, semble-t-il, tout à fait valable. Ce que le projet de loi apporte, c'est que, d'une part, il institutionalise ce qui n'était qu'un règlement, en en faisant une procédure générale au Québec, et d'autre part, il fait en sorte que le ministre imposera ou proposera aux commissions scolaires des tests standardisés pour l'ensemble du territoire. Mais l'application continuera de se faire au niveau des commissions scolaires, ce qui n'exclurait pas l'utilisation des comités comme l'a suggéré d'ailleurs l'organisme précédent. Il y aura une réglementation qui sera clairement proposée en même temps que la discussion, article par article, du projet de loi pour qu'on en mesure toute la portée. Il n'a pas été possible de le faire parce que nous avons choisi d'aller en commission parlementaire avant que le débat n'ait lieu. C'est pour cela que nous écoutons avec infiniment d'attention et de respect les recommandations qui nous sont faites. Dans la perspective que je viens de vous décrire, est-ce que le test vous paraît aussi odieux?

MLLE MARKSFIELD: M. Krause aimerait bien ajouter quelques...

M. KRAUSE: M. le Président, justement pour clarifier ce que vient de dire le ministre de l'Education, il nous semble qu'il y a peut-être une petite contradiction dans le projet de loi comme il est actuellement présenté. Il me semble qu'on parle de deux groupes d'élèves actuellement: premièrement, ceux qui entrent dans le système d'éducation pour la première fois, soit au niveau élémentaire, au niveau maternel ou à un autre niveau plus élevé. Ces élèves — c'est un peu clair quand on lit la présentation — vous aller dans des écoles francophones. Maintenant, pour ceux-là, on n'exige pas un test pour déterminer s'ils ont oui ou non l'habileté ou l'aptitude, si vous voulez, d'apprendre la langue française. Ils s'en vont à l'école française.

M. CLOUTIER: Lorsqu'ils ne parlent ni français, ni l'anglais.

M. KRAUSE: Pardon?

M. CLOUTIER: Lorsqu'ils ne parlent ni français, ni anglais.

M. KRAUSE: Oui, alors...

M. CLOUTIER: Cela vous ennuie?

M. KRAUSE: Oui.

M. CLOUTIER: Je comprends très bien que cela vous ennuie. Je le conçois très bien, parce que s'ils vont dans le secteur francophone, ils ne vont pas dans le secteur anglophone.

M. KRAUSE: C'est votre opinion.

M. CLOUTIER: II faut être réaliste et l'avouer. C'est précisément ce que vous voulons faire.

M. CHARRON: La panique...

M. KRAUSE: Maintenant, la deuxième cho-

se, ce sont les élèves qui vont changer d'un niveau à un autre, soit le niveau anglais au français ou français à l'anglais. Dans ce cas, vous exigez que ces personnes démontrent une certaine aptitude dans la langue de l'enseignement qu'elles vont prendre. Alors, c'est dans ce sens, pour nous en tout cas, que cela représente une certaine dichotomie.

M. CLOUTIER: Contradiction. Je ne le crois pas, parce que tout le monde est soumis exactement à la même condition pédagogique. Il n'y aurait pas de condition pédagogique — ou elle existe ou elle n'existe pas — si un groupe en était exclu. La seule chose, c'est que les enfants qui ne parlent aucune des deux langues des secteurs d'éducation ici au Québec, parce qu'il y a deux secteurs, l'anglophone et le francophone, vont vers le secteur francophone parce que nous avons choisi de mettre dans ce secteur des classes d'accueil. On vous en a décrit tout à l'heure lors de la comparution du groupe précédent. Evidemment, il y a une restriction au point de vue du secteur anglophone en ce sens que le secteur anglophone recevait un nombre considérable d'enfants qui ne parlaient ni français, ni anglais et que ces enfants iront désormais dans le secteur francophone.

C'est précisément ce qui constitue un des éléments positifs de ce projet de loi. Je crois que vous démontrez de façon très claire que tel est le cas, puisque vous admettez que cela change quand même un comportement dans le choix.

M. KRAUSE: Dans notre situation actuelle, ce qu'on dit, c'est qu'on peut établir ces classes d'accueil dans les deux systèmes.

M. CLOUTIER: Parfaitement, vous pouvez le faire. Vous comprenez bien ce que nous faisons, nous sommes conscients de vous gêner. La preuve d'ailleurs qu'on les gêne, c'est qu'ils protestent. Cela ne me paraît pas anormal, précisément parce que nous considérons qu'il y a un phénomène qui n'est pas acceptable au Québec, à savoir que le secteur anglophone draine pour tout un ensemble de raisons — sur lesquelles j'aurai l'occasion de revenir lors du débat — la majorité des immigrants qui ne parlent ni français ni anglais et nous voulons renverser cette tendance en les dirigeant vers le secteur francophone. Cependant, nous n'avons pas voulu choisir de méthodes discriminatoires. Nous avons envisagé un tas d'hypothèses. Le chef de l'Opposition posait des questions tout à l'heure sur la nationalité, c'est une des 200 ou 300 hypothèses qu'on a étudiées et nous avons retenu l'idée des tests, parce que c'était pratiqué déjà dans un bon nombre de commissions scolaires et cela nous paraissait une méthode non discriminatoire d'effectuer cette orientation.

MLLE MARKSFIELD: Est-ce que je peux vous poser une autre question?

M. CLOUTIER: Oui, bien sûr.

MLLE MARKSFIELD: Quel est le pourcentage d'immigrants qui entrent dans le Québec?

M. CLOUTIER: Je vais vous répondre, mais je pense que je vais m'arrêter là justement pour ne pas faire le débat.

MLLE MARKSFIELD: Non, je ne veux pas être osée, M. le ministre.

M. CLOUTIER: Non. J'en suis parfaitement conscient. Il y a environ 20,000 immigrants qui entrent au Québec chaque année. Mais si vous voulez souligner le fait que quoi que l'on fasse on ne touchera qu'un nombre limité d'enfants d'immigrants, c'est bien évident. Mais, ce qui compte ce n'est pas cela, c'est de changer une tendance sur une assez longue période.

MLLE MARKSFIELD: C'est cela, oui.

M. CLOUTIER: Alors, je voudrais que vous vous demandiez bien — et je termine là — si vous vous opposez à cette condition qui vient modifier la liberté de choix, laquelle est maintenue, parce que pour vous c'est un droit sacré inaliénable, ou bien si c'est parce que — permettez-moi de vous le demander très gentiment — cela vient quand même diminuer ou toucher la clientèle dans le secteur scolaire anglophone.

MLLE MARKSFIELD: Absolument pas, monsieur, c'est un principe...

M. CLOUTIER: Alors, ce n'est pas à cause...

MLLE MARKSFIELD: ... je crois, un droit partout dans le monde.

M. CLOUTIER: Bon, très bien. Merci.

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, je veux remercier également le Quebec Association of School Administrators de nous avoir apporté ce témoignage, surtout de nous avoir attendu toute la journée, parce que vous êtes là depuis ce matin.

Voici ma première question : Est-ce que vous me pardonnez de ne pas avoir rempli la promesse que je vous avais faite, je crois, en décembre 1972?

MLLE MARKSFIELD: Absolument, mais il faut venir au mois de septembre prochain.

M. CHARRON: J'essaierai, je vous le promets.

MLLE MARKSFIELD: Voilà.

M. CHARRON: J'ai tellement de travail à

corriger le ministre, vous savez que j'ai à peine le temps...

MLLE MARKSFIELD: Mais j'ai invité le ministre aussi et il n'est pas venu non plus.

M. CHARRON: Ah bon!

M. CLOUTIER : C'est exactement pour la même raison.

MLLE MARKSFIELD: Alors, deux visites au moins...

M. CLOUTIER: Sauf que moi, cela me prend plus de temps.

M. CHARRON : Je voudrais vous poser simplement quelques questions. Au bas de la page 2, dans le paragraphe 6 de votre mémoire, vous affirmez croire fermement que la diversité culturelle et le bilinguisme fortifient grandement la société du Québec.

Il y a des groupes qui sont venus avant vous, à cette table, très documentés et certains avec statistiques en main, pour nous prouver que la situation de bilinguisme dans une société n'est toujours qu'une étape transitoire dans cette société, mais qu'au fond, lorsqu'on regarde plus loin que la façade de bilinguisme d'une société et qu'on regarde les effets réels de cette situation à long terme, on tend toujours vers l'unilinguisme. Le bilinguisme dans une collectivité n'est toujours qu'une étape transitoire. Elle peut être transitoire sur plusieurs années, comme les événements peuvent accélérer ou ralentir la marche vers l'unilinguisme, mais on est toujours en marche vers l'unilinguisme. Les francophones nombreux, à l'exception de quelques-uns qui sont venus dénoncer le projet de loi, s'appuyaient sur le fait qu'ils détenaient des statistiques, certaines émises par la commission Gendron, d'autres puisées dans d'autres sources de renseignement qui disaient qu'effectivement le bilinguisme ne fortifiait pas la société du Québec et surtout ne fortifiait pas la société francophone, que cette situation de bilinguisme se faisait à son détriment, que certaines zones du Québec vivaient dans une étape — la zone de l'Outaouais, la zone de Montréal et d'autres — dans la situation qui tendait progressivement vers l'unilinguisme, autrement dit, que le rapport de force n'est pas égal.

MLLE MARKSFIEELD: C'est une opinion. Pour moi, il me semble que le cachet du Québec, c'est la diversité de sa société. Il me semble qu'il y a un savant qui a dit: Connaissance de deux langues nous donne deux âmes.

M. CHARRON: Je ne nie pas cela. Je ne voudrais pas voir disparaître la culture anglaise de Montréal et du Québec, je suis pour le maintien de ces cultures. Mais croyez-vous que, lorsqu'on se fixe comme objectif de maintenir ces cultures aussi vivantes l'une que l'autre sans reconnaître qu'il existe une majorité et qu'il y en ait une qui est prédominante, on prenne une position réaliste à ce moment-là?

MLLE MARKSFIELD D'après moi, oui, d'après moi. Si M. Krause veut ajouter...

M. KRAUSE: Tout ce que je voudrais ajouter à ça, c'est que je pense que le Québec est peut-être un exemple où, dans les cinq dernières années au moins, le français, comme langue prioritaire, s'est développé. La situation à laquelle je me réfère, c'est la situation du gouvernement lui-même, de la fonction publique et de tous les bureaux avec lesquels nous, comme commission scolaire anglophone, prenons contact. C'est toujours en français. Même ici, devant la commission parlementaire, on parle français. Je pense que c'est déjà une preuve qu'il y a une certaine évolution vers le français comme langue prédominante au Québec, évolution, qui, peut-être, n'existait pas il y a quinze ou vingt ans.

M. CHARRON Vous ne devez pas prendre l'exemple de la commission parlementaire. Autant je peux me joindre au ministre et vous féliciter de la qualité de votre français, autant on a enduré parfois un unilinguisme assez sévère de certains organismes, desquels, au moins, on aurait pu attendre un minimum de français. Non, je ne crois pas que nous puissions prendre une commission parlementaire comme un baromètre d'une situation linguistique du Québec, d'autant plus que nous sommes encore d'accord pour reconnaître que, même dans un cadre de Québec souverain et officiellement français, cette fois pour le vrai, il serait toujours permis à des citoyens de s'exprimer en anglais à la commission parlementaire. Je ne veux pas non plus engager un débat qui, de toute façon, pourrait avoir lieu, mais je pense que les arguments qui affirment le contraire de vos thèses ont été à ce point forts, à un moment ou l'autre, pour obliger le gouvernement à présenter un projet de loi. Ce n'est pas celui que les groupes qui revendiquent une action attendaient. C'est une autre question, ça. Mais le simple fait que le gouvernement du Québec, quel qu'il soit — et ce n'est pas un gouvernement que j'approuve, vous le savez — en vienne un jour à se sentir dans l'obligation morale de légiférer pour la protection de la langue de la majorité, ce simple fait, à mon avis, est unique au monde. Je ne connais pas un gouvernement au monde qui légifère aujourd'hui pour la protection de la langue de la majorité. Croyez-vous qu'au Danemark, ce soir, ils sont en train de se poser la question, à savoir si le danois va devenir la langue officielle, la langue d'enseignement, ou en quelle langue on va afficher au Danemark? Le simple fait...

MLLE MARKSFIELD: Vous donnez trop

d'importance à l'influence des écoles. Pensez-vous qu'envoyer un enfant à l'école va franciser l'enfant? (Je déteste le verbe franciser). Moi, après tout, je suis fille d'immigrant, j'ai fait des études, je suis finissante des écoles de la PSBGM, j'avais la volonté de vouloir perfectionner mon français, toute ma vie professionnelle est consacrée à l'apprentissage de la langue seconde. Suis-je francophone? Vraiment?

M. CHARRON: Non.

MLLE MARKSFIELD: Mais j'ai l'appréciation, la reconnaissance...

M. CHARRON: Vous avez une merveilleuse connaissance d'une langue seconde, mais votre culture ou, pour reprendre votre expression de tantôt, vous citer, votre âme appartient à une autre culture. Il n'y a personne qui veut vous l'arracher, il n'y a personne qui veut vous l'enlever.

MLLE MARKSFIELD: Je l'ai fait moi-même avec mes rencontres, j'ai eu une formation grammaticale à l'école, mais pour pouvoir vraiment accomplir le niveau de facilité, il fallait le faire dans les milieux sociaux. Je voulais apprendre à jouer au bridge. J'ai fait partie d'un club français. Comme ça, j'ai appris le bridge et j'ai eu un milieu social dans la langue française. C'est ce qu'il faut faire. L'école va donner un moyen, un véhicule à la langue.

M. CHARRON: Est-ce que vous jouez mieux au bridge en français ou en anglais?

MLLE MARKSFIELD: Mal dans les deux.

M. MORIN: Ne vous laissez pas entraîner dans une partie de bridge avec le député de Saint-Jacques, mademoiselle.

M. CHARRON: Je vais vous poser une question que votre réponse vient de me suggérer. Vous êtes vous-même fils d'immigrants, je crois?

MLLE MARKSFIELD: Fille.

M. CHARRON: Fille d'immigrants, pardon. A 10 h 45, parfois...

MLLE MARKSFIELD: D'accord, ça va. Oui, mes parents ne savaient parler ni anglais ni français quand ils sont venus. Il y avait huit enfants dans la famille. Tous ont appris le français, ont travaillé dans la langue française.

M. KRAUSE Mais c'est exactement le point qu'on est en train d'essayer de soulever à un certain moment, c'est que ce n'est pas le système d'éducation qui va faire d'un anglophone ou d'un nouveau Canadien un canadien-français. C'est bien plus que cela.

M. CHARRON: Je suis parfaitement d'accord avec vous.

M. KRAUSE: C'est bien plus que cela et il nous semble que, dans le projet de loi, il y a une très importante priorité mise sur l'éducation, qui, pour nous, est un peu trop exprimée.

M. CHARRON: Je suis parfaitement d'accord avec vous. Même si, dans le chapitre de l'enseignement et de l'éducation au Québec, on en venait à prendre une position que les groupes ont réclamée à la table d'unilinguisme français complet pour tous, y compris la disparition du secteur public anglophone comme certains groupes l'on réclamé, mais que cette action unilatérale dans le domaine de l'éducation n'était accompagnée aucunement d'efforts dans les autres domaines et que l'anglais continuait à occuper la place de force qu'il occupe dans le monde du travail, dans le monde des affaires, etc., et que respecte, à mon avis, le projet de loi actuel, on n'aurait rendu service à personne en fin de compte.

Vous auriez alors parfaitement raison de dire qu'un immigrant qu'on enverrait de force à cette école française, mais qui, socialement, se verrait attirer par d'autres forces, ne s'assimilerait jamais à cette culture. C'est pourquoi un effort dans le domaine de l'éducation doit être accompagné de tout en effort et en particulier pour que l'effort dans le domaine de l'éducation ait sa portée réelle, et c'est peut-être le seul enseignement clair qui soit sorti de la commission Gendron, cela doit d'abord partir d'un effort et d'une action dans le monde économique, dans le monde du travail. Par la suite, les autres secteurs peuvent s'agencer.

MLLE MARKSFIELD: Mais il me semble que cela se fait dans le monde du travail, entièrement. C'est remarquable vraiment d'entrer n'importe où à Montréal et entendre le français partout.

M. CHARRON Oh oui!

MLLE MARKSFIELD: Ah oui! il faut admettre qu'il y a eu des démarches extraordinaires.

M. CHARRON: Qu'il y ait eu progression au cours des dernières années, je vous dirai bien... il y a des bombes à un moment donné qui ont obligé certaines entreprises à découvrir le fait français. Il a fallu à un certain moment que les Québécois se...

MLLE MARKSFIELD: II y a eu certes toujours des abus. J'ai déjà vu, moi, comme minorité dans une minorité, moi, j'ai aussi connu des abus. Mais cela est le passé. Il faut aller en avant.

M. CHARRON: Je ne dirais pas...

MLLE MARKSFIELD Ah oui, monsieur!

M. CHARRON: Je ne dirais pas que c'est le passé.

MLLE MARKSFIELD: Oui, c'est le passé, il y a eu des abus partout.

M. CHARRON Parce que les statistiques, encore une fois, que la commission Gendron nous a rapportées dans ses études, dans ses recherches, et que d'autres organismes nous ont présentées montrent que la situation n'est pas si reluisante que cela...

MLLE MARKSFIELD: Admettons-le, je ne le nie pas.

M. CHARRON: ... et qu'elle aurait nécessité une action beaucoup plus vigoureuse que ne le fait la loi 22 à cet effet.

MLLE MARKSFIELD: Ils sont là, je les admets. Mais écoutez, il faut aller en avant, il faut persévérer et changer l'attitude de beaucoup de personnes, séparatistes anglais, séparatistes francophones. Je suis d'accord. Mais pourquoi renouer tellement, s'il y a tant de personnes qui sont contre ce bill? Pourquoi alors continuer cette attitude? Ajustez quelque chose. C'est tout ce qu'on demande. Pourquoi enlever aux parents un choix? S'il s'agit de deux langues, cela implique un choix, n'est-ce pas? C'est l'unilinguisme. "I cannot pronounce it, sorry".

M. CHARRON Vous vous demandez pourquoi...

MLLE MARKSFIELD Onze heures du soir, c'est...

M. CHARRON: Vous vous demandez pourquoi tant de gens sont contre ce bill et à partir d'oppositions tellement contradictoires, à l'origine en tout cas...

MLLE MARKSFIELD: Dans les journaux...

M. CHARRON: Je vais vous le dire en tout cas, parce qu'au bout de sept jours et de quelque trente mémoires, et en connaissant d'avance certains autres mémoires, je peux vous dire que ce projet de loi qui devait être une solution...

MLLE MARKSFIELD: Mais cela ne l'est pas.

M. CHARRON: ... n'est rien de plus qu'une manoeuvre politique. Il a essayé de couvrir ce qui était "incouvrable". En ce sens, l'échec... Alors qu'on aurait voulu, par son flou, par son vague séduire les deux parties, on les a man-quées toutes les deux. La solution aurait exigé qu'on se campe dans un camp ou qu'on se campe dans l'autre avec, par la suite, des positions...

MLLE MARKSFIELD: Pourquoi pas ensemble?

M. CHARRON: ... à l'égard de l'autre groupe. Mais dans ce domaine et surtout dans une société comme la nôtre, on peut se faufiler à travers des grèves, des crises politiques mais quelque habile politicien qui gouverne le Québec à un moment ou à un autre, il ne se faufile pas à travers cette question fondamentale de l'identité québécoise. Sa marque de commerce vient de se fracasser.

MLLE MARKSFIELD: II faut persévérer. Vous savez, dans l'enseignement, il faut toujours être très naif. Moi, je le suis, je crois. Après 33 ans d'enseignement, je crois toujours à beaucoup de choses et il me semble qu'on peut continuer, anglophones, francophones, Italiens, Chinois qui que ce soit ensemble, en avant.

M. CHARRON: Moi, je voudrais bien être encore naif, mais je ne peux plus.

MLLE MARKSFIELD: Nous sommes tous des gens de bonne volonté. Il ne faut jamais oublier ceci. Il me semble qu'avec une compréhension et un vouloir on pourrait accomplir quoi que ce soit dans le Québec et faire épanouir plus que jamais notre province.

M. CHARRON: Je vous remercie.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: M. le Président, dans les réponses que j'ai entendues, si j'ai bien compris, il m'a semblé que fondamentalement votre groupe ne trouve pas que le bill 22, en fin de compte, est nécessaire à quoi que ce soit. C'est cela.

Est-ce que cela veut dire que vous allez jusqu'à réclamer le retrait du bill?

MLLE MARKSFIELD: Réclamer, je n'ai pas...

M. SAMSON: Le retrait...

MLLE MARKSFIELD: Le retrait.

M. SAMSON: ... du bill.

MLLE MARKSFIELD: J'espère que oui.

M. SAMSON: Merci.

D'autres questions. Je m'excuse si j'y vais à bâtons rompus. A l'heure qu'il est, vous comprendrez pourquoi.

MLLE MARKSFIELD: On a attendu toute la journée.

M. SAMSON: Vous avez semblé tantôt nous dire que, selon vous, dans le domaine du travail la langue française avait progressé énormément. Est-ce que le fait que l'on fait cette constatation — je m'en rapporte toujours à vos paroles — ne vous inciterait pas à penser que, si finalement cela devient de plus en plus nécessaire, parce que cela progresse dans le domaine de la langue du travail, selon vous, cela n'amènerait pas une nécessité qu'il y ait aussi le même genre de progrès dans le domaine de l'enseignement, en fin de compte, pour pouvoir suivre la langue de travail qui est une nécessité? Si la langue de travail est le français, cela devient une nécessité économique pour un citoyen que de posséder le français.

A ce moment-là, cela crée l'obligation d'avoir un système d'enseignement...

MLLE MARKSFIELD: Cela se fait, monsieur, dans les écoles. Les efforts, les progrès que font les anglophones dans le domaine de l'apprentissage de la langue seconde sont remarquables.

M. SAMSON: Oui. Je m'excuse si je vous interromps.

Je rattache peut-être cela un peu plus aux nouveaux immigrants qu'à ceux qui sont déjà ici et qui ont déjà l'habitude de fréquenter des écoles anglophones, où ils font cet effort que vous dites — je m'en reporte toujours à ce que vous dites — d'apprendre, comme langue seconde, la langue française. Mais ne croyez-vous pas que, pour les nouveaux immigrants, ceux qui arriveront, compte tenu de ce que vous dites toujours, du fait qu'on ait une progression dans la langue du travail, il est préférable que ces nouveaux venus se rattachent immédiatement à la communauté francophone en fréquentant les écoles francophones, tout en n'enlevant aucun droit existant à ceux qui sont là.

MLLE MARKSFIELD: Mais pourquoi ne pas apprendre les deux langues? Dans une école francophone, s'ils veulent fréquenter une école francophone. Très bien! Mais pourquoi enlever...

M. SAMSON: Remarquez que...

MLLE MARKSFIELD: ... l'occasion d'apprendre deux langues, et non pas seulement une langue?

M. SAMSON: ... lorsque je vous parle de l'école francophone, je ne veux pas dire enlever comme langue d'enseignement, comme langue seconde, l'anglais. Je vous demande si vous ne croyez pas que les nouveaux venus, ceux qui doivent venir chez nous, qui viendront chez nous, ne seraient pas mieux de fréquenter les écoles francophones...

MLLE MARKSFIELD: S'ils veulent... M. SAMSON: ... parce qu'ils devront...

MLLE MARKSFIELD: Pas parce qu'ils devront, s'il veulent ou voulaient...

M. SAMSON: ... parce qu'ils devront, écoutez...

MLLE MARKSFIELD: S'ils voulaient, monsieur.

M. SAMSON: Je pense que vous m'avez mal compris. Si vous me permettez d'expliciter davantage.

MLLE MARKSFIELD: Non, je vous ai parfaitement compris.

M. SAMSON: Si vous me permettez d'expliciter davantage, je disais, parce qu'ils devront, si c'est vrai que la langue française est en progression dans le domaine du travail, nécessairement posséder cette langue.

MLLE MARKSFIELD: Un petit enfant de cinq ans, monsieur, voyons!

M. SAMSON: Ecoutez. Je ne parle pas du petit enfant de cinq ans, parce que vous savez comme moi que les immigrants peuvent arriver au pays avec des enfants qui ont plus de cinq ans. Mais si est vraie, et c'est là que je me pose la question, l'affirmation que vous faites, soit que dans le domaine de la langue du travail, il y a beaucoup de progrès qui se fait, cela veut dire que cela amène une nécessité davantage, en tout cas...

MLLE MARKSFIELD: D'accord!

M. SAMSON: ... que celle que nous avions peut-être précédemment. Si cela amène cette nécessité, et c'est là toujours la question que je pose, ne croyez-vous pas que cela devrait normalement inciter les autorités à faire en sorte que les nouveaux venus devraient plutôt fréquenter les écoles francophones que les écoles anglophones, étant donné qu'ils auront besoin de cette langue pour des raisons d'ordre économique?

MLLE MARKSFIELD: S'ils voulaient. Je réponds toujours de la même façon, monsieur.

M. SAMSON: Mais... Je vais vous poser la question d'une autre façon.

MLLE MARKSFIELD: Allez-y!

M. SAMSON: Ne croyez-vous pas que ce serait leur rendre un mauvais service que de les laisser aller n'importe où, si on sait que lorsque ces enfants atteindront le marché du travail, seront en quelque sorte, obligés par la force des

choses, par la force économique de travailler dans la langue française? Ne croyez-vous pas que c'est un mauvais service à leur rendre que de dire: Allez là où vous voulez, à ce moment?

MLLE MARKSFIELD: Oui. M. SAMSON: Merci.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Portneuf. Il reste sept minutes.

M. PAGE: Je vous remercie, M. le Président, je vais quand même être bref. J'ai remarqué qu'à l'article 8 vous demandez que de fortes garanties légales soient introduites afin d'assurer l'existence continue des écoles anglophones. Si on se réfère à ce que l'Opposition a déclaré depuis le début du débat, le projet de loi ne changerait pas beaucoup de choses dans la condition de l'enseignement auprès des anglophones.

MLLE MARKSFIELD: D'après le... Pardon.

M. PAGE: D'après vous, quels sont les motifs qui vous incitent à présenter une telle requête?

MLLE MARKSFIELD: L'article 8, deuxième paragraphe : Ces organismes peuvent donner l'enseignement en langue anglaise. Alors, pour moi, "peuvent donner", cela veut dire que si jamais il y a un changement de gouvernement, on pourrait simplement dire: Non, pas cette année, merci bien.

M. PAGE: Alors, comment verriez-vous que de telles garanties puissent se concrétiser? Par la suppression de l'article 48?

MLLE MARKSFIELD: Pourquoi ne pas continuer avec la loi 63 alors?

M. PAGE: Vous alléguez à l'article 1 de votre mémoire que vous appuyez de tout coeur une législation visant à maintenir et renforcer la culture et la langue française?

MLLE MARKSFIELD: Oui, absolument.

M. PAGE: Vous ne croyez pas qu'en demandant le libre choix à l'article 7, c'est une contradiction?

MLLE MARKSFIELD: Non. Pas du tout.

M. PAGE: Bien sincèrement, comment promouvoir la langue française...

MLLE MARKSFIELD: Je suis sincère, monsieur.

M. PAGE: ... si les immigrants qui n'ont pas une connaissance suffisante de l'anglais peu- vent, choisir une école anglaise, alors qu'il semble qu'ils fréquentent...

MLLE MARKSFIELD: Je ne dis pas qu'ils vont... S'ils veulent. Je n'insiste pas pour qu'ils fréquentent les écoles anglaises ou les écoles françaises ou une école privée. Simplement qu'ils aillent où ils veulent. Avez-vous quelque chose à ajouter, M. Krause?

M. PAGE: Vous croyez qu'en laissant le libre choix total, on va promouvoir la langue française au Québec?

MLLE MARKSFIELD: Absolument. Cela se fait aujourd'hui plus que jamais. Dans la PSBGM, dont je fais partie, il y a 3,000 enfants immergés dans la langue seconde et le programme régulier se continue toujours et le plan Cloutier avec toutes les occasions de perfectionner l'enseignement de la langue seconde. C'est remarquable ce que font les enseignants dans le domaine de l'amélioration de leur méthode, leur technique, leur compétence, et cela se fait à l'intérieur des écoles. Hier, j'avais dans mon école à peu près 300 parents qui sont venus à une cérémonie de finissants de mon école. J'ai une septième année d'immersion et les parents étaient ravis des progrès de leurs enfants. C'est remarquable, monsieur.

M. PAGE: Je suis d'accord que les programmes tels que le programme d'enseignement des langues, les structures d'accueil, tout cela, peuvent favoriser et promouvoir l'existence de la langue française et la renforcer chez nous. Mais ne croyez-vous pas qu'il devient nécessaire de donner à ces différents programmes un cadre législatif tel que celui présenté dans le projet de loi 22?

M. KRAUSE: Je pense que la position est assez claire dans notre mémoire. On ne trouve pas qu'il y a une contradiction dans le fait qu'on voudrait voir une protection établie dans la langue française, mais, d'un autre côté on veut aussi avoir un peu plus de protection pour le système d'éducation anglophone qui est actuellement en existence dans la province de Québec, un peu plus que ce que le projet de loi dit actuellement.

M. PAGE: Et comment votre protection pourrait-elle se concrétiser?

M. KRAUSE: Pardon?

M. PAGE: Cette protection que vous recherchez, comment pourrait-elle se concrétiser?

M. KRAUSE: Se concrétiser? Au lieu de dire "... peuvent donner", par "doivent donner" où c'est déjà établi. Il y a toutes sortes de possibilités. C'est une question de terminologie. Est-ce que le président me permet de poser une question?

LE PRESIDENT (M. Pilote): Allez-y!

M. KRAUSE: Je suis immigrant aussi. J'ai demeuré cinq ans en France et, quand je suis venu au Québec, je parlais seulement le français et l'allemand. Je ne connaissais pas un mot anglais. Ce qui est arrivé, c'est que, comme on était trois enfants dans ma famille, on est venu à Montréal et on voulait aller à l'école française. Cela ne marchait pas, parce que mon père était protestant. Cela lui coûterait $75 par mois pour les trois enfants dans les écoles françaises. Alors, il a dit: Je ne peux pas payer cela, alors on va vous envoyer aux écoles anglaises.

M. CLOUTIER: C'est cela.

M. KRAUSE: Actuellement, le projet de loi que vous présentez, est un projet qui ne change pas la base du système d'éducation au Québec.

M. CLOUTIER: M. le Président, je peux peut-être répondre à cette question.

M. KRAUSE: La question que je veux poser: Comment va se rédiger ce problème de religion sur un côté, et de langue sur l'autre, si un anglo-protestant, par exemple, arrive à Québec comme immigrant?

M. CLOUTIER: Je pense que ce que vous venez de dire constitue un témoignage extrêmement important. Il est exact — et je le déplore — que la communauté francophone a littéralement repoussé des milliers et des milliers d'enfants d'immigrants vers le secteur anglophone, parce qu'elle avait érigé des barrières religieuses, entre autres. Ce n'étaient pas les seules d'ailleurs. En fait, j'ajoute qu'il n'y a pas eu des enfants d'immigrants de langue autre que la langue française. Il y a eu également des dizaines de milliers d'enfants d'immigrants francophones qui ont été envoyés délibéremment dans le secteur anglophone. C'est un examen de conscience. Je reviendrai là-dessus lorsque nous aurons un débat. Justement, c'est que le gouvernement, depuis qu'il est là, a entrepris de faire disparaître ces barrières. Il a réussi à le faire, il n'a pas réussi à changer encore les mentalités, parce qu'il y a là également des barrières et elles sont souvent beaucoup plus importantes. Mais la loi 71, le fonctionnement scolaire de l'île de Montréal, a été justement une loi qui a permis des ententes entre commissions scolaires, de sorte qu'aujourd'hui on peut passer d'un secteur à l'autre sans frais de scolarité. La dernière commission scolaire à accepter ces ententes a été le Protestant School Board of Montreal tout récemment, parce que cette commission scolaire maintenait encore des frais de scolarité pour les enfants qui venaient d'autres commissions scolaires.

La barrière confessionnelle est disparue dans les écoles aussi, alors que l'enseignement de la religion n'est plus obligatoire. Il est soumis à la décision des parents, au choix des parents. Il y a également d'autres types d'obstacles qui sont disparus. La structure la plus importante de ce point de vue, c'est le plan d'enseignement des langues dont j'ai parlé à quelques reprises, qui comporte toute une série de mesures pour l'intégration des immigrants, des enfants d'immigrants au secteur francophone, dont des mesures qui consistent à sensibiliser davantage les francophones et même à permettre des cours de religion dans la religion des immigrants dans le secteur francophone. C'est un élément extrêmement important qu'on passe trop souvent sous silence, souvent parce qu'on préfère ne pas le voir à des fins politiques, mais c'est la base de notre législation.

Nous avons, avant de commencer, d'arriver avec cette loi, mis en place de vastes structures, et je ne parle que de celles-là, dans le secteur de l'enseignement. Alors, cela répond à votre question. Actuellement, je ne dis pas qu'il n'y a pas encore des commissions scolaires où on rejette les enfants d'immigrants, il y en a encore. J'ai des exemples ici même dans la bonne ville de Québec. Il s'agissait de Pakistanais. Mais je vous dis que les obstacles juridiques n'existent plus et c'est cela qui est important.

M. KRAUSE: Cela répond en partie à ma question, M. le Président; si je pouvais seulement demander une autre clarification. La partie qui n'est pas encore très claire c'est : un immigrant protestant qui vient au Québec, qui parle anglais ou autre chose, ne peut-il pas, actuellement, sous les lois du pays, insister pour que son enfant aille à une école protestante anglophone?

LE PRESIDENT (M. Pilote): Je voudrais rappeler aux membres de la commission que le temps est écoulé. Je vais permettre une courte réplique du ministre et une courte question du chef de l'Opposition officielle pour ensuite conclure.

M. CLOUTIER: C'est un problème assez complexe, mais à cause de ces ententes entre commissions scolaires, si cet enfant ne parle ni français ni anglais, à ce moment-là nous avons toute latitude, après avoir rempli les conditions du projet de loi dans le cadre de ses modalités, c'est-à-dire des tests, de le diriger vers le secteur francophone.

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. MORIN: M. le Président, je voudrais simplement demander quelques précisions à nos invités au sujet du septième paragraphe de leur mémoire. Dans cet alinéa, vous plaidez en faveur du droit des parents de choisir la langue d'enseignement pour leurs enfants. A l'appui de votre proposition, vous dites ce qui suit: "En

fait, nous ne connaissons aucun endroit où il existe un double système scolaire où le choix de la langue d'enseignement est dénié." Ma première question serait la suivante et c'est — croyez-le bien, simplement pour me renseigner: Est-ce que vous pourriez nous indiquer quelques pays où il existe un double système public d'enseignement?

MLLE MARKSFIELD: Est-ce que la Belgique en a un?

M. MORIN: Oui. la Belgique, mais est-ce qu'on peut y passer librement d'un système d'enseignement dans l'autre?

MLLE MARKSFIELD: Non.

M. MORIN: Je pense que votre exemple est trop bien choisi. Méfiez-vous! Méfiez-vous! Ce sont des systèmes parfaitement étanches.

MLLE MARKSFIELD: On constate qu'on n'en connaît pas, mais peut-être que vous en connaissez, monsieur.

M. MORIN: Non. Votre phrase est extraordinaire parce que vous nous dites: Nous ne connaissons aucun endroit où il existe un double système scolaire. Si vous vous étiez arrêtés là, cela aurait été parfait, mais vous ajoutez: "Et où le choix de la langue d'enseignement est dénié". C'était facile de faire une affirmation comme celle-là dans la seconde partie de votre phrase parce qu'il n'existe pas de pays où il y ait un double système d'enseignement public fondé sur la langue, en tout cas; peut-être dans certains pays pour l'enseignement religieux, mais c'est autre chose.

M. KRAUSE: Je voudrais dire que les idées qu'on présente ne sont pas complètement parfaites.

M. MORIN: Non, je vous ai demandé cette précision en toute amitié.

M. CLOUTIER : En tout cas, elles sont bien présentées.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Je remercie les membres qui se sont présentés, Mie Marksfield et ceux qui l'accompagnent.

M. MORIN: Merci.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Demain, nous entendrons, dans l'ordre, le Centre des dirigeants d'entreprise, l'Association des mines et métaux du Québec incorporée, l'Association des manufacturiers canadiens, division du Québec. La commission suspend ses travaux jusqu'à demain, après la période des questions, vers dix heures trente.

(Fin de la séance à 22 h 59)

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