(Douze heures trente-neuf minutes)
M. Jolin-Barrette : Bonjour, tout
le monde. Tout d'abord, il convient de souligner que le jugement valide, en
grande partie, la Loi sur la laïcité de l'État. En ce sens, il s'agit d'une
victoire importante pour les Québécoises et les Québécois.
Il y a maintenant tout près de deux ans,
l'Assemblée nationale du Québec a adopté avec courage la Loi sur la laïcité de
l'État. Le gouvernement du Québec avait promis d'agir, et nous l'avons fait
avec fierté. Il revient à l'Assemblée nationale du Québec de déterminer de
quelle façon s'organisent les rapports entre l'État et les religions. La Loi
sur la laïcité de l'État a été dûment adoptée en ces murs, ici, à l'Assemblée
nationale. Il est de notre devoir, en tant que représentants élus, de faire
valoir notre caractère distinct, nos spécificités et nos valeurs et de faire
respecter nos choix collectifs.
Ainsi, au nom du gouvernement du Québec,
je tiens à exprimer notre profond désaccord concernant les éléments du jugement
qui rendent inopérantes certaines dispositions de la Loi sur la laïcité de
l'État. Les lois du Québec doivent s'appliquer pour tous et sur l'ensemble du
territoire québécois. Il n'y a pas deux Québec, il n'y en a qu'un seul. Ce
jugement remet en question le droit du Québec à sa spécificité et nos capacités
de faire nos choix par nous-mêmes et pour nous-mêmes. Le Québec ne peut pas
accepter une telle intervention du tribunal envers nos décisions collectives.
Nous annonçons donc sans tarder que nous
porterons le jugement en appel. Et, pour qu'il n'y ait aucune ambiguïté, il
importe de souligner que la Loi sur la laïcité de l'État, malgré cette
décision, continue d'être en vigueur et continue de s'appliquer.
Le Québec est une nation. Certains tentent
de nous diviser, mais le Québec reste uni. Il est essentiel que les lois qui
nous gouvernent soient en phase avec nos valeurs profondes. La nation
québécoise a fait le choix de la laïcité, et votre gouvernement défendra ce
choix jusqu'au bout. Merci.
M. Laforest (Alain) : Ce qui
vous dérange, c'est entre autres que les commissions scolaires anglophones ne
seront pas soumises à cette loi-là. C'est vraiment ça qui vous incite à aller
devant la Cour d'appel.
M. Jolin-Barrette : Il y a
deux éléments dans le jugement. Le premier est le suivant : celui que vous
avez souligné.
M. Laforest (Alain) :
…répéter?
M. Jolin-Barrette : Il y a deux
éléments dans le jugement qui sont en jeu. Le premier est celui que vous
soulignez. Les lois du Québec s'appliquent pour tous au Québec, uniformément,
de la même façon. Ce que le jugement de la Cour supérieure vient faire, c'est
de créer une division dans l'application de la loi en fonction d'un critère
linguistique, et l'article 23 de la Loi constitutionnelle de 1982 n'a pas
été conçu pour ça. Alors, nous irons en appel. Les lois de l'Assemblée nationale
s'appliquent sur l'ensemble du territoire québécois. Il n'est pas question de
diviser le Québec dans l'application de la législation québécoise. Le Québec
est uni et il le demeurera.
M. Bergeron (Patrice) : On
comprend que le droit à la liberté de religion est une sorte de prolongement
des droits linguistiques, selon l'espèce d'interprétation que fait le juge.
Donc, vous n'êtes pas d'accord tout à fait avec cette lecture-là d'associer...
d'assortir l'un à l'autre.
M. Jolin-Barrette : Nous
allons aller en appel parce que l'article 23 de la Loi constitutionnelle
de 1982 vise à donner le droit à l'instruction dans la langue de la minorité et
ne donne pas droit à faire en sorte d'avoir des aspects culturels ou des
aspects qui font en sorte de venir dire que les lois de l'Assemblée nationale
ne s'appliqueront pas uniformément à tous les Québécois et à toutes les Québécoises.
Il en va du pouvoir des élus québécois de légiférer sur l'ensemble du territoire
québécois, donc l'importance d'avoir une application uniforme des lois
québécoises.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais donc je comprends que ce n'est pas une question de gestion pour les commissions
scolaires anglophones ou c'est une question de gestion mais avec laquelle vous
n'êtes pas d'accord avec l'interprétation du juge.
M. Jolin-Barrette :
Comme je vous l'ai dit, le rôle des tribunaux est d'interpréter la
Constitution, non pas de la réécrire. Alors, c'est fondamental que la cour ne
divise pas le Québec. Et pour nous, et pour l'État québécois, il est fondamental
que les lois québécoises s'appliquent uniformément à l'ensemble du territoire québécois.
Et l'article 23 qui a été écrit dans la Loi constitutionnelle de 1982 vise
les droits linguistiques, vise les ayants droit, et c'est pour cette raison-là
que nous irons en appel, notamment sur cet article-là.
En réponse à la deuxième question de
M. Laforest, il y a des dispositions qui invalident le droit des élus...
bien, en fait, l'obligation pour les élus de siéger à visage découvert. Nous
sommes en désaccord. Au Québec, les élus de la nation québécoise doivent siéger
à visage découvert à l'Assemblée nationale du Québec.
Mme Prince (Véronique) :
Est-ce que ça risque de provoquer deux Québec différents?
M. Jolin-Barrette : Écoutez,
le jugement fait en sorte de diviser le Québec. L'État québécois, la nation québécoise
constitue un tout, il s'agit d'une unité. On ne peut pas laisser les lois du
Québec s'appliquer différemment en fonction d'un critère linguistique tel qu'il
est proposé par le juge. Il n'y a qu'un seul Québec, on ne divise pas le
Québec, la nation québécoise, elle est unie.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais là vous dites que les tribunaux divisent le Québec. Plusieurs personnes
ont manifesté dans les rues pour dire que c'est vous, le gouvernement québécois
et l'Assemblée nationale, qui divisent le Québec. Qu'est-ce que vous répondez à
ceux qui disent que vous portez cette cause-là en appel, et que le jugement de
la Cour d'appel ne va pas vous satisfaire, et que ça va immanquablement être
devant la Cour suprême du Canada, et qu'en faisant ça vous faites juste faire
perdurer le débat en sachant que votre loi est populaire puis que ça va
peut-être vous permettre d'en faire un enjeu lors de la prochaine campagne
électorale?
M. Jolin-Barrette : Non, pas
du tout. Vous savez, à partir du moment où on a pris l'engagement devant les
Québécois lors de la dernière campagne électorale, après plus de 10 ans de
débat sur la laïcité de l'État, ça a été un engagement très clair de notre part
que nous allions adopter une loi qui vise à régir les rapports entre l'État et
les religions. C'est ce que nous avons fait. À partir du moment où les élus de
la nation québécoise, ici, de façon souveraine, décident de quelle façon vont
s'organiser les rapports et que la disposition de dérogation est utilisée, il
appartient uniquement aux élus de la nation québécoise de déterminer cela, et
nous défendrons les droits collectifs de la nation jusqu'où il faudra les
défendre.
Mme Prince (Véronique) : Quel
message ça lance un ministère de la Langue française?
M. Jolin-Barrette : Qu'est-ce
que vous voulez dire?
Mme Prince (Véronique) : Quel
message ça lance, lorsqu'un gouvernement crée un ministère de la Langue
française?
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, à ma connaissance, il n'y a toujours pas de ministère de la Langue
française qui est créé.
Mme Prince (Véronique) :
Est-ce qu'il devrait y en avoir un pour lancer un signal fort?
M. Jolin-Barrette : Écoutez,
on verra dans les prochaines semaines ce que le ministre responsable de la
Langue française présentera comme réforme.
M. Laforest (Alain) : Bien,
le ministre de la Langue française, c'est vous, là. Là, vous allez avoir deux
fronts pour vous battre avec la communauté anglophone, la Loi sur la laïcité et
la loi 101. Vous vous préparez un beau barbecue pour l'été, là.
M. Jolin-Barrette : D'entrée
de jeu, sur la question de la langue française, j'ai toujours indiqué que mon
projet de réforme n'a pas pour objectif d'opposer la langue française à la
langue anglaise. Il n'est pas question d'opposer les francophones et les
anglophones. Dans le passé, il y a peut-être eu des événements qui se sont
déroulés dans l'histoire linguistique du Québec où il y avait des groupes qui
étaient opposés. Le projet de réforme que je vais faire n'aura aucun objectif
de soustraire des droits à la communauté anglophone. Tous les gouvernements
successifs du Québec ont toujours protégé le droit de la communauté anglophone
du Québec à leurs institutions et ça demeurera toujours, et c'est l'engagement
également que j'ai pris au mois de novembre dernier lorsque j'étais devant vous.
Alors, l'objectif est de faire en sorte de promouvoir, de valoriser et de
protéger le français, et c'est ce que je vais faire dans le projet de loi que
j'aurai l'occasion de déposer, mais il n'est pas question d'opposer les
anglophones et les francophones avec la loi que je vais déposer, il s'agit
d'unir et de rassembler.
M. Laforest (Alain) : ...le
PQ erre avec la loi 101 dans les cégeps.
M. Jolin-Barrette : Le Parti
québécois fait ses choix. Je note que le Parti québécois, depuis 10 ans, a
changé de position à de nombreuses reprises et il vient encore de changer de
position. Alors, je vais laisser ces questions-là au Parti québécois.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
...vous êtes contre les mesures proposées par Guy Rocher, là, qui craint que
vous ne tombiez dans les demi-mesures puis qui vous demande d'étendre la
loi 101 aux cégeps. Vous êtes contre.
M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez,
M. Rocher a eu l'occasion, dans le cadre d'une entrevue au Devoir, justement,
de s'exprimer. Je prends note des propositions et des commentaires de
M. Rocher puis je vais les analyser.
M. Carabin (François) : ...le
projet de loi va être déposé d'ici le 11 juin, M. Jolin-Barrette?
M. Jolin-Barrette : Moi, j'ai
toujours dit : À la présente session parlementaire. Donc,
je pense qu'on veut passer en anglais.
M. Authier (Philip)
: Good day, Sir.
M. Jolin-Barrette : Hi.
M. Authier (Philip)
: Did you anticipate that the judge would come up with such a formula
in his ruling, to divide things up the way he did by striking down certain
elements and leaving others?
M. Jolin-Barrette : Well, we never know where the court will rule. So, we did, in front
of the court, all the arguments and we answered all the answers from the judge.
But today, what I can say to you, it's the fact that we are not agree with the
judgment.
I want to be clear, first
of all, it's a victory for all the Quebeckers today. But there are some parts of the judgment that we're not
agree. So, for that reason, we'll go in appeal of that judgment because we need
to keep united in Québec. And
all the laws that are adopted here, at the National
Assembly, have to apply to everyone in Québec, in the territory of Québec, on the same base. The
section 23 of the constitutional law of 1982, it's not its goal to do what
is going in the judgment right now.
M. Authier (Philip)
:
It's a clause that deals with language.
M. Jolin-Barrette : It's a clause that deals with language, it's not a clause that
deals with laicity or secularism of the State. So, we're not agree with that.
And the other important
thing about what we're not agree also, it's about the fact that here, at the
National Assembly, when you are a Member of the National Assembly, you have to
sit with the face uncovered to exercise your job in the National Assembly.
Mme Senay (Cathy) : I mean, when you sit at the National Assembly, only the Deputy Speaker
and the Speaker they can't wear religious symbols. But now you're against the
fact that for giving public services, MNAs… You don't like the decision of the
judge that MNAs won't have to cover their faces to give public services.
M. Jolin-Barrette : That's two things. Because what's in the bill, it's the fact that
you have two obligations for the Members of the National
Assembly. First of all, to every 125 Members of the National Assembly, you have to be uncovered…
the face. So, the judge says : I'm not agree with that and we are opposed
to that. Because he says : Well, you have the right to do that in
elections, so you have the right to sit with the face covered. We're not agree
with that. So, that's really important.
That's different that
the… and he makes a difference in his judgment about the fact… about the
President or the Vice-President or the Justice Minister that should not…
couldn't wear religious symbols. So that's the big difference. So, we are not
agree about the fact that he said : You can sit here with the face
covered.
Mme Senay (Cathy) : What was your first reaction when you saw that EMSB won? EMSB won
this legal fight under article 23. The judge says : Yes, you're right,
your anglophone school boards will be exempt from Bill 21. What was your
first reaction? How frustrating it is for you that you lost?
M. Jolin-Barrette : Well,
it's not about me, it's about the State, the State of Québec. There's only one State
here in Québec. There's only one law that applies for everybody for the same
thing. And that's why we are going on appeal on that.
The section 23 of
the constitutional law of 1982 is about linguistic rights and not about
secularism or laicity of the State. So, that's why we are going in appeal on
that, because there's no two Québec. There's only one Québec and we will be
sure that in appeal we'll plead these arguments.
Mme MacKenzie (Angela) :
In the Fall, you announced your intention to strengthen the French language
laws. When are you going to table that? Do you have an update for us?
M. Jolin-Barrette : Well, as I said in November, it will be in the next session. So, we
are now in the session and that it ends on June 11th.
Mme MacKenzie (Angela) :
So, sometimes in the next couple of months?
M. Jolin-Barrette : So, I will table since June 11th.
Mme MacKenzie (Angela) :
Thank you.
M. Verville
(Jean-Vincent) :Peut-être une question de Raquel Fletcher : The judgment upholds the
majority of the law... about English school boards, why do you not see this as
a fair compromise?
M. Jolin-Barrette : Well, because here in Québec we have one Parliament and we have one
law. So, the way that the judge decides to go, the path on where he goes, it's
not a good path because the section 23 of the constitutional law of 1982 is
based on linguistic rights and not about secularism and not about laicity. So,
that's why we are going to be in appeal, and the bill should apply and still
applies, because we're going in appeal for all the Quebeckers
on the same way, not based on a distinction and a division about language.
M. Verville
(Jean-Vincent) : How far are you willing to
go?
M. Jolin-Barrette : We will defend that bill, as we tabled it with courage, to all the
different steps that we will need to go.
Journaliste
:
Merci.
M. Jolin-Barrette : Merci.
(Fin à 12°h°55)