(Onze heures deux minutes)
La Modératrice : Bonjour.
Bienvenue à ce point de presse transpartisan. Prendra la parole tout d'abord
Ruba Ghazal, suivie de Guylaine Maroist, Laurence Gratton, Léa Clermont-Dion
puis Joël Arseneau. Vous pourrez poser vos questions par la suite.
Mme Ghazal : Merci. Merci
beaucoup, tout le monde, d'être ici. Je suis vraiment très, très contente
d'être entourée de Léa, Guylaine, Laurence et aussi de mon collègue Joël
Arseneau. Moi, j'ai été interpellée par Guylaine et Léa il y a quelque temps
parce qu'elles voulaient déposer la pétition de lutte contre les cyberviolences
à l'Assemblée nationale, eh bien, tout de suite j'ai dit oui, évidemment, et
j'en ai parlé avec mes collègues pour en faire une action transpartisane.
Comme vous le savez, on est dans les 12 jours
d'action de lutte contre les violences faites aux femmes. Demain, c'est le 6
décembre, jour de commémoration du féminicide de la tuerie de Polytechnique qui
a eu lieu il y a 33 ans. Et ces 12 jours d'action servent à lutter
contre toutes les formes de violence, évidemment les violences physiques, les
violences psychologiques, les violences sexuelles, mais aussi les violences sur
le Net, sur les réseaux sociaux. La cyberviolence a des impacts concrets, réels
dans la vraie vie, et non pas uniquement dans la vie virtuelle.
J'ai eu la chance d'assister à la première
médiatique du film Je vous salue salope, à Montréal, et je me rappelle
très bien, M. Simon Jolin-Barrette, ministre de la Justice, était présent.
C'est vraiment un film percutant. Je pensais que j'étais sensibilisée à la
cyberviolence, mais là je l'ai été encore plus, parce qu'on voit des gens de
tous les milieux, du milieu politique, des étudiants comme Laurence, de...
N'importe qui dans la société peut subir ça, et ça a des impacts. On l'a vu d'ailleurs...
moi, comme femme en politique, ça me touche énormément. On reçoit toutes sortes
de messages. On a vu des politiciens, notamment dans le monde municipal, mais
aussi ailleurs, décider... ils en avaient assez, ils ont décidé de quitter la
politique parce qu'ils n'en pouvaient plus de recevoir ces messages-là. Ça crée
un climat vraiment malsain. Et ça touche les hommes et les femmes, mais ça
touche encore plus les femmes qui prennent la parole publiquement, parce que le
but chez les harceleurs, ceux qui font subir cette violence-là sur les réseaux
sociaux, sur le Net, c'est de créer un climat d'insécurité, de peur et surtout
de faire taire les femmes. Et il y a vraiment des exemples très, très
percutants et qui rentrent dedans dans le film.
On ne peut pas rester les bras croisés. Ma
collègue Christine Labrie, en 2019 — puis je me rappelle, on se
rappelle tous, ça a été un moment fort de la dernière législature — elle
avait lu des exemples pour nous illustrer ce qu'on reçoit comme messages. C'était
horrible. Tout le monde, tous les élus à l'Assemblée nationale, sans exception,
étaient horrifiés et ont dit: Ça suffit, ça ne peut pas continuer. Maintenant,
il ne faut pas juste dire: C'est inacceptable, il faut agir. Il ne faut pas
juste dénoncer. Et des solutions existent : la pétition Stop les
cyberviolences, signée aujourd'hui — ça n'arrête pas d'augmenter, et
on espère que ça va continuer — par 24 000 personnes. En
présence, je vais laisser donc les réalisatrices nous parler de ce que contient
la pétition. Merci.
Mme Maroist (Guylaine) : Merci,
Mme Ghazal. Merci, M. Arsenau. En fait... Merci. Cette alliance, en
fait, des partis d'opposition est très significative pour l'avenir des droits
des femmes.
En 2015, Léa et moi, on a décidé de
faire un film pour qu'on cesse de banaliser la cyberviolence faite aux femmes.
Notre but, c'était de montrer que cette violence virtuelle est bien réelle.
Aujourd'hui, sept ans plus tard, la cyberviolence atteint des niveaux inégalés,
et toutes les études le montrent, les femmes sont la première cible. Une
misogynie plus virulente que jamais envahit donc nos écrans : harcèlement,
dénigrement, lynchage, sextorsion, diffusion de photographies intimes, menaces
de viol, menaces de mort. Ces actes graves qui touchent des milliers de femmes
au Québec restent pour la plupart impunis.
Depuis la sortie de notre film, en
septembre dernier, des dizaines de victimes sont venues nous voir et nous ont
raconté leur histoire. On nous dit toujours à peu près la même chose,
c'est-à-dire que leur témoignage n'est pas pris au sérieux. Ni la police ni les
géants du Web ne considèrent que c'est des menaces graves. Donc, chaque jour,
des centaines de femmes, des femmes comme Laurence Gratton, qui est derrière
moi, sont menacées, traquées et vivent dans la peur.
Alors, l'effet le plus pernicieux de cette
misogynie, c'est que, de peur d'être attaquées, de plus en plus de femmes se
taisent et abandonnent leur droit de parole dans l'espace public. Alors, je
pense qu'il faut se rendre à l'évidence, il y a un enjeu ici puis l'enjeu est
démocratique. Ce sont les droits des femmes qui sont menacés. Il faut agir.
Mme Gratton
(Laurence) :Alors, je m'appelle Laurence Gratton. J'ai été
harcelée en ligne pendant cinq ans. On parle ici d'insultes, de menaces de
viol, de menaces de mort à répétition. J'ai vécu dans la peur pendant cinq ans
et la police n'a jamais pu m'aider. J'ai raconté mon histoire dans un
documentaire, Je vous salue salope, qui est sorti en septembre. Tout de
suite après, mon agresseur est revenu à la charge. Je suis retournée voir la
police et, encore une fois, on a refusé de prendre ma plainte. On m'a dit
qu'elle ne constituait pas une réelle menace. Et, encore aujourd'hui, j'ai
peur. Je n'en peux plus. Les demandes formulées dans cette pétition sont
essentielles pour le sort des femmes. Merci.
Mme Clermont-Dion (Léa) : Merci
beaucoup, Laurence. Bonjour. Laurence Gratton est extrêmement courageuse,
extrêmement forte. Depuis plusieurs années, donc, elle est harcelée par un
individu. Puis je ne sais pas si vous réalisez, mais ne se faire pas considérer
par des policiers de cette façon-là, c'est inacceptable. Combien de Laurence il
y a au Québec à l'heure actuelle qui ne seront pas entendues, qui ne seront pas
crues par les policiers? C'est un problème majeur. Des Laurence, il y en a des
milliers.
On pense que c'est un enjeu démocratique,
on pense que c'est un enjeu politique et on pense que l'Assemblée nationale du
Québec, le gouvernement en place doit agir urgemment parce que c'est le droit à
la liberté d'expression des femmes qui est piétiné. La violence virtuelle,
c'est une violence réelle.
Aujourd'hui, appuyés par tous les partis
d'opposition officielle, par plus de 24 000 personnes,
mais aussi par les 43 000 personnes
qui ont vu le film dans les écoles, par toutes les personnes qui se sont
rendues en salle et toutes les personnes aussi qui nous écrivent, on est
appuyés et on vous propose deux revendications claires. Nous, Léa
Clermont-Dion, Guylaine Maroist, Laurence Gratton, déposons officiellement une
pétition qui réclame au gouvernement de M. François Legault d'agir le plus
rapidement possible pour contrer les cyberviolences.
On a deux revendications claires. La
première concerne les policiers, parce qu'on le sait, les premiers répondants
qui reçoivent les plaintes peuvent avoir une incidence fondamentale dans le
parcours de la victime :
«Considérant que la formation initiale des
recrues du service de police ne traite pas de cyberviolences et de
cyberharcèlement, nous demandons au gouvernement du Québec qu'il s'engage à
intégrer une formation obligatoire aux policiers et aux policières sur les
cyberviolences faites aux femmes;
Deuxièmement : «Considérant que le
manque d'encadrement de nos gouvernements face aux géants du Web laisse libre
cours à la montée de la misogynie et aux cyberviolences, nous exigeons du
gouvernement du Québec qu'il fasse pression sur le gouvernement fédéral au
moyen d'une motion afin que celui-ci adopte une loi inspirée de la loi
allemande sur les contenus haineux forçant les réseaux sociaux à supprimer les
contenus haineux et délictueux sous peine d'une amende significative.»
Donc, en s'alliant ainsi, nos élus ont
l'occasion de mettre le Québec à l'avant-garde de façon internationale en
matière de réglementation quant aux cyberviolences. L'Allemagne n'est pas la
seule à agir, l'Union européenne. Qu'attend le Québec pour agir? Je vais m'adresser
à M. le ministre de la Justice. M. Jolin-Barrette, vous avez donné votre
appui à notre cause. M. le premier ministre Legault, est-ce qu'il faudra qu'un
cyberagresseur passe de la parole à l'action et tue une femme pour que vous
agissiez et que vous enrayiez réellement la misogynie en ligne? Nous vous
implorons d'agir urgemment pour mettre fin aux cyberviolences faites aux
femmes. Merci.
M. Arseneau : Alors, bonjour,
tout le monde. Écoutez, c'est un peu intimidant de devoir compléter un point de
presse comme celui-ci, mais je vous dirais d'abord que je suis heureux et
honoré d'être là la veille de la commémoration des événements et des
féminicides de Polytechnique. J'étais à l'université à cette époque-là, à
l'Université du Québec à Montréal comme journaliste étudiant, et on suivait ça
évidemment de très près. Et ce que ça me signifie aujourd'hui, c'est qu'on a
encore un chemin incroyable à parcourir pour l'égalité des femmes et le
respect, la considération et mettre fin à la violence sous toutes ses formes.
Et ce qui est inquiétant avec ce qui est dénoncé aujourd'hui, c'est que la
misogynie reprend du galon à travers le cyberespace et que rien n'est fait pour
le contrer.
Donc, aujourd'hui, je veux saluer le
courage de ces femmes qui sont ici avec moi, mais de toutes celles qui ont soit
contribué au film, au documentaire, mais également qui le font à travers leurs
actions quotidiennes, de résister, de continuer d'être présentes, de faire
entendre leur voix sur la toile, sur les réseaux sociaux, dans l'espace public.
On sait que c'est un phénomène, la cyberviolence et la cyberintimidation, qui
est extrêmement troublant pour les personnes qui les vivent. Nous, comme
personnages politiques, nous le vivons, et pour les femmes, on le sait, c'est
encore pire, et dans tous les domaines de l'action publique. Et donc moi, je
vais apporter mon appui en tant qu'homme, en tant que père également. Moi, je
suis née dans une famille... ma mère, ils étaient 10 femmes dans la
famille. J'ai été élevé avec deux sœurs. J'ai trois enfants qui, je pense, sont
tous féministes, une femme et deux hommes, et j'ai beaucoup de difficulté à
comprendre aujourd'hui qu'on en vienne à réclamer encore une fois des actions
des deux paliers de gouvernement.
Et je terminerai en disant que je veux
inscrire aussi mon plaidoyer au nom d'un caucus parlementaire uniquement
masculin, mais dans la continuité des actions de mes ex-collègues, évidemment
Méganne Perry Mélançon et Véronique Hivon, qui ont obtenu, avec d'autres, la
mise en place d'un tribunal spécialisé en matière sexuelle et conjugale. Et je
me demande... en fait, j'espère que la demande qu'on fait aujourd'hui sera
considérée à la même hauteur que les demandes dans le passé pour ce type de
délit. Merci.
La Modératrice : Merci
beaucoup. On va passer à la période de questions. Comme il y a plusieurs
personnes au micro, peut-être adresser votre question, en commençant par Mme Richer.
Mme Richer (Jocelyne) : Oui,
bonjour. Pour Mme Ghazal, s'il vous plaît. Durant la campagne électorale
et durant le discours d'ouverture du premier ministre, il me semble que je n'ai
pas entendu parler beaucoup de cyberviolence, alors que c'est rendu un fléau,
vous l'avez dit. Qu'est-ce que, selon vous, le gouvernement peut et doit faire
pour contrer ce phénomène-là, ce fléau-là, au-delà de la pétition, au-delà de
faire pression sur Ottawa, par exemple? Est-ce que vous avez des revendications
envers le gouvernement Legault?
Mme Ghazal : Oui, bien, en
fait, la pétition, ce qu'elle propose, oui, des pressions sur le fédéral, mais
pas uniquement. C'est-à-dire qu'il y a un levier que le gouvernement du Québec
possède et c'est celui de la formation des policiers. La première chose à
faire, et Laurence en a témoigné... elle est allée au poste de police et on n'a
même pas voulu tenir compte de sa plainte. Donc, il y a là un manque flagrant
de formation des policiers encore en exercice et aussi de la formation de base
pour les policiers. Juste tenir en compte... prendre en compte ce que les
femmes disent quand elles portent plainte, celles qui ont le courage de le
faire, parce qu'il y en a beaucoup qui ne le font pas, qui ne... parce que ça
prend du courage, hein, témoigner, venir sur la place publique ou, par exemple,
même aller voir la police. Donc, ça, c'est un élément. Après ça, la pétition
propose deux mesures. Est-ce qu'il y en a d'autres? Est-ce qu'il y a d'autres
choses qui peuvent être faites? Peut-être. Il faudrait que le gouvernement au
moins reconnaisse... vous avez raison que le premier ministre n'en a pas parlé
dans son discours. Est-ce qu'ils sont sensibilisés? Donc, il pourrait y avoir
d'autres mesures, mais il faudrait que le gouvernement le reconnaisse que c'est
un problème et, après ça, présente d'autres mesures. Et nous, on va être là
comme opposition pour en discuter, en débattre et les appuyer. Si vous
voulez... peut être, oui, vu que c'était votre...
Mme Clermont-Dion (Léa) : Bien,
bonjour. En fait, c'est sûr que la juridiction du numérique puis la compétence
comme telle appartiennent davantage au fédéral, donc ça devient plus difficile
pour le gouvernement provincial d'agir. La formation des policiers, c'est
quelque chose de très concret, mais je voudrais juste ajouter un petit quelque
chose. Durant la campagne électorale, on a tellement parlé de cyberviolence
avec ce qui s'est passé avec Marwah Rizqy. Il y a énormément d'élus qui sont
ciblés par les violences, hommes et femmes. Ce que je trouve dommage, en fait,
c'est qu'on en a beaucoup parlé pendant quatre jours puis ça a été un feu de
paille finalement parce qu'il n'y a rien qui a été fait par la suite.
Mme Richer (Jocelyne) : Il
n'y a pas eu d'engagement qui a été pris.
Mme Clermont-Dion (Léa) : Non,
exactement. Je pense que c'est un élément parmi d'autres, puis on s'est
beaucoup questionné à savoir comment est-ce qu'on peut concrètement agir. Parce
qu'au final, c'est quand même les GAFAM qui ont la grande responsabilité de
gérer les discours haineux. Mais je vous dirais qu'à Ottawa, ils ont besoin de
pression parce qu'il y a des groupes proliberté d'expression qui ne veulent pas
faire adopter un tel projet de loi, comme le projet de loi allemand, donc de
vraiment... d'incriminer les GAFAM quand ils laissent les propos haineux être
diffusés sous peine d'une amende assez sérieuse. Donc, c'était juste ça mon
point, c'est de dire : Je pense que le gouvernement n'a pas eu de
réflexion réelle sur la question, et il faudrait vraiment trouver des solutions
concrètes, parce que ce que Marwah Rizqy a vécu, il y a plein d'autres femmes
qui vont le vivre, puis les cyberviolences sont en recrudescence avec la
pandémie. Les études internationales le démontrent, ça ne fait qu'augmenter et
ça sera de pire en pire.
Mme Richer (Jocelyne) : Juste
une dernière question à Mme Ghazal. Il n'y a personne des libéraux, il n'y
a personne de la CAQ ici ce matin. Est-ce que vous les avez sensibilisés?
Est-ce qu'il faut davantage les sensibiliser ou quoi?
Mme Ghazal : Bien, les
libéraux, ce que je comprends, c'est que... En fait, moi, j'ai parlé avec le
Parti libéral, c'est juste que Mme Brigitte Garceau, elle a dit qu'elle ne
pouvait pas être là, mais ce n'était pas moi qui lui a parlé, c'est une de
vous, donc elle a dit... Donc, c'est vraiment les trois partis politiques. Pour
ce qui est de la CAQ, moi, je n'ai pas interpellé, là... c'est comme la
première fois, là, que je le fais personnellement, M. Simon Jolin-Barrette,
mais je le sais que ça a été fait par vous.
Mme Clermont-Dion (Léa) : Il
appuie... le Parti libéral appuie, là, la pétition.
Mme Ghazal : Oui, oui, oui, le
Parti libéral, mais je parlais de la CAQ, oui.
Mme Morin-Martel (Florence) : Oui,
bonjour. Florence Morin-Martel du Devoir. Ma question est pour les
cinéastes. En fait, je me demandais, est-ce que vous sentez depuis, là, la
sortie du film, est-ce que vous sentez... au-delà de la politique, est-ce vous
sentez qu'il y a une prise de conscience, vraiment, dans la société, ou comment
vous...
Mme Maroist (Guylaine) : Oui,
oui, vraiment. Le film est sorti à un moment assez clé aussi. Nous, il y a sept
ans, quand on a commencé à faire le film, on n'imaginait pas que le phénomène
allait prendre tant d'ampleur, parce que, comme le disait Léa, la pandémie a
accéléré encore le phénomène de la misogynie en ligne. On sent que les gens
veulent du changement. On va à la rencontre des gens, les gens sont là, le film
a eu vraiment, vraiment beaucoup de succès, les gens ont été là en salle et, en
sortant du film, les gens veulent faire quelque chose. C'est pour ça, ce matin,
on a eu 25 000 personnes
derrière nous et je pense que les Québécois sont vraiment derrière nous, là, ils
veulent du changement.
Mme Morin-Martel (Florence) : Est-ce
qu'aussi après ça, il y a certains aspects qui vous sont comme arrivés après la
sortie que vous auriez aimé aborder par rapport au cyberharcèlement que vous
n'avez pas pu aborder, disons? Après la sortie en salles, est-ce qu'il y a des
événements qui se sont ajoutés, disons?
Mme Maroist (Guylaine) : Bien,
en fait, ça s'est... Peut-être Léa, tu peux...
Mme Clermont-Dion (Léa) : Oui,
je pourrais peut-être...
Mme Maroist (Guylaine) : Vas-y.
Mme Clermont-Dion (Léa) : Bien,
en fait, j'hésitais à en parler, mais je vais en parler puisque c'est assez
symbolique. On a lancé la campagne #StopLesCyberviolences, puis moi, suite à
mon passage à Tout le monde en parle, j'ai reçu des centaines, des
centaines de commentaires sexistes, désobligeants, des menaces de mort, des
menaces de viol, un peu comme ce qu'on voit dans le film, Je vous salue
salope, qui est très parlant. J'ai eu aussi... j'ai reçu beaucoup de
montages pornographiques, en fait, suite à ma prise de parole. Des choses que
je ne voulais pas voir, en fait, mais, bon, on a dû... j'ai dû accepter, j'ai
dû voir ces affaires-là, puis on a essayé de porter plainte, en fait. Et on a
signalé sur Twitter, mais ils nous ont dit que ça correspondait, en fait, aux
critères conformes de leur plateforme. Donc, ça, c'est un élément qui est
surprenant quand même. Je veux dire, on faisait juste lancer une campagne pour
parler de cyberviolence, puis on en reçoit de plus belle.
Puis, comme le disait Guylaine, tu sais,
ça fait dix ans qu'on travaille là-dessus à peu près, on a vu une recrudescence
folle. Tu sais, moi, quand j'ai commencé à faire le film, c'est parce que
j'avais reçu aussi des violences, mais jamais aussi fortes que ça. Aujourd'hui,
à 31 ans, j'ai une carapace puis ça m'affecte moins, mais je pense
beaucoup aux jeunes filles qu'on va rencontrer dans les écoles secondaires et
les universités et elles ont peur de parler maintenant parce qu'elles savent ce
qui les attend au final. Donc, ça, c'est un élément nouveau qui nous incite à
croire qu'il faut vraiment agir très rapidement pour contrer ce phénomène-là.
Puis d'ailleurs, le Conseil de l'Europe, l'ONU, The Economist Institute disent
tous : Il faut agir incessamment, là, c'est le droit de parole des femmes
qui est affecté.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Je
vais poursuivre avec vous, si c'est possible. C'est incroyable d'entendre ce
que vous nous racontez ce matin. Comment est-ce qu'on peut être, les hommes,
entre autres, des alliés envers les femmes qui vivent ces phénomènes-là?
Mme Clermont-Dion (Léa) : Je
pense que les hommes peuvent être vraiment des alliés, là, par rapport à cette
cause-là. On a montré, par exemple, des extraits du film Je vous salue
salope à tous les joueurs de la Ligue de Hockey junior majeur du Québec.
Les jeunes hommes étaient très sensibilisés à cette question-là puis ils se
sont rendu compte que la distribution pornographique non consentante, c'était
un enjeu important. Je pense d'écouter et aussi de dénoncer quand on voit ce
type de violence là arriver sur les réseaux sociaux, mais ce n'est pas
suffisant de dénoncer de façon anecdotique. Ça prend des mesures concrètes dans
nos organisations. Donc, plus on forme, je pense, nos organisations comme
telles et notre société, bien, plus on va agir. Mais là, ça prend plus que des
mesures individuelles, parce que les hommes, je dirais, qui sont volontaires
comme vous à agir ne savent pas trop comment s'y prendre. Ça prend des mesures
concrètes et ça passe par l'éducation aussi. Donc, on a ces deux mesures-là,
mais il faudrait aussi investir dans un cours sur la citoyenneté numérique, sur
les rapports égalitaires. Ça fait dix ans qu'on le demande, ce cours-là, on
l'attend toujours. Et, en ce moment, le Web, c'est du far Web. Donc, c'est pour
ça qu'on est ici aujourd'hui. On croit vraiment que ce n'est pas suffisant de
rester les bras croisés. Puis ça dépasse nos individualités, vous et moi.
Finalement, c'est vraiment quelque chose de structurel et politique qui est
nécessaire pour agir.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Avez-vous
parlé au gouvernement? Simon Jolin-Barrette était présent à la première du
documentaire. Là, aujourd'hui, vous l'interpellez via les partis d'opposition,
mais avant de procéder de cette façon-là, avez-vous tenté de parler au
ministre?
Mme Clermont-Dion (Léa) : Oui,
on a tenté d'en parler, mais on pense quand même qu'il y a une pression
populaire qui doit être envoyée. Je pense qu'il y a une ouverture. Je pense
qu'il y a une ouverture de la part du ministère de la Justice. Bon, ils ont
adopté toutes sortes de mesures sur la question des violences faites aux
femmes, la création du Tribunal spécialisé pour les violences sexuelles et
conjugales a généré une formation aussi des juristes. Donc, pourquoi pas sur
les cyberviolences? C'est juste que, là, la prise de conscience, elle est
vraiment soudaine, on réalise ce que c'est. Il y a un an, on n'en parlait pas,
mais avec toute l'histoire de Marwah Rizqy, on réalise. Donc, oui, il y a une
ouverture de la part du gouvernement. Moi, j'espère que ça puisse donner quelque
chose.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Puis,
une dernière question pour vous, pour ma part. Vous êtes à Québec aujourd'hui,
mais il y a quand même beaucoup de choses qui peuvent se faire sur ce sujet-là
à Ottawa. Pourquoi est-ce que vous n'êtes pas à Ottawa ou est-ce que vous
comptez y aller aussi?
Mme Clermont-Dion (Léa) : J'y
serai la semaine prochaine pour m'adresser à la Chambre des communes sur cette
question-là, entre autres.
M. Lacroix (Louis) : Bonjour.
Louis Lacroix de Cogeco. Ce que vous racontez là, moi, ça me trouble, comme
homme. Est-ce que les gens qui qui font ça, le profil, en fait, des cyber...
comment vous les...
Mme Maroist (Guylaine) : Agresseurs.
M. Lacroix (Louis) : ...agresseurs,
appelons-les comme ça, là, est-ce que c'est exclusivement des hommes ou... très
majoritairement des hommes ou si ça... C'est quoi, le profil type?
Mme Maroist (Guylaine) : Bon,
on a vu... il y a eu plusieurs études, évidemment, puis on tente de dresser les
profils. C'est assez fluide, en fait. Sur Twitter, il y a des femmes
effectivement qui peuvent proférer des insultes, mais ce qui est clair, c'est
que des femmes traquées, menacées, des menaces de viol, de mort, en fait, c'est
plus l'apanage des hommes. Dresser un profil... Donna Zuckerberg, on a
interviewé la sœur de Mark Zuckerberg pour notre film. Elle, les études qu'elle
a faites et consultées, selon elle, ça va beaucoup avec la montée de la droite
aux États-Unis. Évidemment, leurs études concernent les États-Unis. Donc cette
montée de la droite, c'est des hommes, surtout blancs, dans la trentaine,
quarantaine, mais surtout dans la trentaine. Mais, tu vois, en France, et
peut-être que Léa pourra appuyer, parce qu'elle a vraiment fait un doctorat sur
la question, en France, Marion Seclin nous dit que, dans le profil de ses
agresseurs... Marion Seclin, c'est une des femmes qu'on a suivie en France, qui
a reçu 40 000 menaces
de viol et de mort, alors elle s'étonnait du profil varié, en fait, des
agresseurs. Parce que, quand quelqu'un voyait une agression, les gens se sentent
le droit de commenter, d'ajouter des commentaires en pensant peut-être qu'ils
ne sont pas coupables parce que c'est une meute qui est en train d'agir. Alors,
il y a divers profils. Et le problème de l'impunité, évidemment, fait que les
gens se sentent un peu légitimés. Beaucoup de personnes ne sont pas conscientes
de la gravité de leurs gestes...
M. Lacroix (Louis) : Derrière
l'anonymat, en fait, du média.
Mme Maroist (Guylaine) : Oui,
oui.
Mme Clermont-Dion (Léa) : Bien,
je vais peut-être ajouter un petit quelque chose.
M. Lacroix (Louis) : Oui,
bien sûr.
Mme Clermont-Dion (Léa) : Bien,
je ne veux pas prendre trop de temps, mais juste pour amener d'autres...
M. Lacroix (Louis) : Non,
non, mais c'est... On est là vous...
Mme Clermont-Dion (Léa) : Ah!
O.K., c'est bon. Vous ne parlerez pas de ça aux nouvelles, mais bon. Juste pour
préciser un peu, dans le fond... Oui, les profils sont très variés, par contre,
on voit que, de plus en plus, il y a un sentiment d'impunité à ceux qui
agissent de la sorte. Ce n'est plus seulement non plus le geek de demi-sous-sol
un peu sociopathe qui va attaquer, comme c'est le cas dans certaines situations
où on voit vraiment un isolement. Par exemple, des gens qui peuvent épouser la
perspective Incel, une perspective radicale qui prône l'apologie et
l'extermination des femmes, c'est des célibataires involontaires, ça, c'est
vraiment un profil de radicalisés, mais tu en as d'autres qui sont plus comme,
je dirais, de l'ordre du violent ordinaire, qui vont vraiment attaquer pour le
plaisir les personnes et qui vont adhérer à des idéologies qui là sont plus
radicales, des idéologies comme, on pourrait dire, le suprémacisme mâle qui se
voit de plus en plus... c'est un drôle de mot, hein, mais c'est de plus en plus
populaire, en fait, sur les réseaux, notamment dans la manosphère.
Sinon, ce que je voulais dire, c'est que
c'est aussi... bien, c'est aussi des élus qui vont perpétuer la haine, des
fois. Alors, on le voit dans notre film, Laura Boldrini, l'ex-présidente du
Parlement italien, elle, elle a été attaquée par beaucoup d'hommes, mais la
haine, elle venait d'une stratégie politique. Matteo Salvini, qui a été
ministre de l'Intérieur, qui, aujourd'hui, fait partie de la coalition à la
tête du pouvoir, a attaqué Laura Boldrini. On parle d'un maire italien qui a
envoyé des violeurs chez elle, sur les réseaux sociaux. On va se donner un
exemple français, la Ligue du LOL, ça, c'était des rédacteurs en chef de grands
journaux parisiens qui attaquaient les femmes en groupe sous des profils
anonymes. Donc, on voit finalement que cette haine-là, elle est complètement
décomplexée, et on voit un tournant avec l'élection de Trump. Et,
malheureusement, ce sont des idéologies radicalisées qui s'apparentent des fois
au complotisme et les gens vont aller chercher des bribes de ça. Puis il y a un
point commun avec toutes ces perspectives-là, c'est qu'ils veulent finalement
faire taire les femmes et qu'ils utilisent des stratégies pour faire taire les
femmes.
Moi, quand j'ai reçu la centaine de
commentaires sexistes dégueulasses suite à ma participation à Tout le monde
en parle, ce n'était pas par hasard, ils se sont mis en meute, ils ont des
groupes privés, puis ils se disent : Elle, on va la faire taire parce
qu'elle a remis en question un propos d'un individu, d'un humoriste aimé des
Québécois, qui peut plaire à certains admirateurs qu'on pourrait qualifier plus
d'extrême droite. Alors, on va dire les choses comme elles sont. Voilà. Donc,
il y a toutes sortes de profils, ça s'organise et c'est de plus en plus
effrayant.
Puis, juste pour conclure, aux États-Unis,
on voit, par exemple, des grandes conventions. Ces individus-là se rassemblent
par milliers, et là, c'est «Make women great again», je pense à la
convention 22, par exemple, puis on s'inspire de Trump puis on dit :
Comment est-ce qu'on peut ramener les femmes à la maison? Donc, c'est un retour
à l'arrière, là.
Mme Maroist (Guylaine) : Parce
que c'est politique, justement. Tu sais, l'idée de ramener les femmes à la
maison, c'est quand même assez troublant. Et le problème que Ruba évoquait
aussi, c'est que, sachant cela, il y a des jeunes femmes qui, maintenant, ayant
peur de se faire attaquer sur les réseaux sociaux, ne veulent pas aller en
politique. J'ai enseigné à l'UQAM l'année dernière, et il y a une jeune femme
qui... je parlais de mon film, puis elle a dit : Bien, moi, c'est sûr, je
sais tout ça, là, je n'irai pas en politique parce que je sais que ça vient
avec le territoire, que les femmes en politique se font harceler. Donc là,
c'est le droit de la liberté d'expression des femmes qui est en jeu et c'est
démocratique, là.
M. Lacroix (Louis) : Juste
une petite question...
M. Arseneau : ...
M. Lacroix (Louis) : Oui,
oui, allez-y.
M. Arseneau : ...je veux juste
apporter juste une petite dimension. On a posé la question, à savoir ce que le
gouvernement du Québec pouvait faire. La semaine dernière, avec la ministre de
la Famille, on remettait les prix pour saluer des initiatives en matière de
lutte contre l'intimidation et la cyberintimidation, et ce que j'ai remarqué,
c'est qu'on ne parle pas, à travers ces initiatives-là, de façon très, très
formelle, des rapports égalitaires aussi qu'il faut renforcer. Donc, on parle
aussi de l'impunité avec laquelle les cyberintimidateurs ou cyber... comment on
les a appelés?
Une voix : Agresseurs.
M. Arseneau : Agresseurs, peuvent
pratiquer, mais il faut également, je pense, non seulement serrer la vis avec
des règles beaucoup plus serrées chez les GAFAM, mais il faut aussi agir en
prévention. Et ça, je pense que c'est le gouvernement du Québec, à travers son
système d'éducation, qui doit saisir l'occasion de le faire.
L'autre élément, c'est la question de la
formation des policiers. Pas plus tard que la semaine dernière, on disait que
la question du profilage racial, là, ce n'était pas une question
d'interpellation aléatoire, mais qu'il fallait parfaire, compléter, ajouter à
la formation des policiers. C'est précisément ce qui est demandé dans la
pétition. C'est dans la formation des policiers de sensibiliser de façon
particulière à la cyberviolence. Donc, on a déjà ouvert la porte pour le
profilage racial, faisons-le également pour la cyberviolence.
M. Lacroix (Louis) : Juste
une question, peut-être, pour Mme Gratton. Vous avez témoigné dans le
document et vous dites que vous avez eu des répercussions de ça. Je comprends,
là, que votre agresseur, lui, a répliqué, mais ça s'est matérialisé comment?
Vous êtes une victime, vous allez dénoncer un geste et ensuite on vous
réattaque. De quelle façon ça s'est matérialisé? Juste pour nous donner un
exemple, pour pouvoir l'illustrer, là.
Mme Gratton
(Laurence) :En fait, c'est exactement de la même façon dont on
l'a vu dans le film. Donc, mon agresseur a repris contact avec moi par le biais
de faux comptes, avec des menaces, et tout ça, comme on l'a vu dans le film.
Mais ce qu'il faut savoir, c'est que mon agresseur avait des interdictions
d'utiliser des ordinateurs, les réseaux sociaux, qui ont, depuis la parution du
film, été levées, ces interdictions-là. Donc, là, pour moi, il faut que je
recommence le processus de plainte. Déjà, bon, que ma plainte n'a pas été
reçue, il faut que je recommence à zéro mon processus de plainte pour essayer
de retrouver, retracer ces gens-là. C'est un processus qui est assez difficile.
Donc, c'est par ce biais-là, là, de faux comptes, de messages haineux, c'est
toujours de la même façon dont il s'y prend. Donc, c'est assez répétitif. Sauf
que, pour lui, comme il n'y a plus d'interdiction, bien, il n'y a plus de
limite finalement, là, pour me recontacter.
M. Lacroix (Louis) : Et
savoir que ça allait, comment dire, réveiller ça, est-ce que vous auriez
témoigné quand même dans le document?
Mme Gratton
(Laurence) :Je me suis fait beaucoup poser la question, mais
la réponse, c'est oui. Je pense que, justement, ce que Guylaine, ce que Léa
disaient tantôt, bien, ça revient à ça, c'est que, par la peur de se faire
attaquer... le but, c'est de faire taire les femmes. Puis si moi c'était à
refaire, bien, si je me tais, si je ne témoigne pas dans ce documentaire-là,
bien, finalement, mon agresseur a gagné. C'est comme ça que je le vois. Moi, je
le vois comme, que de prendre la parole, c'est une façon pour moi de prendre le
dessus sur lui, de lui montrer que je n'ai pas peur, même si, au fond de moi,
oui, j'ai peur un peu, mais que je suis plus forte que ça. Puis je pense que
c'est en montrant justement aux femmes qu'elles peuvent prendre la parole
malgré ces menaces-là que ça va un jour cesser, là. Il faut comme un peu
détruire ce cycle-là de violence.
M. Lacroix (Louis) : Mais
vous savez que c'est correct d'avoir peur, hein?
Mme Gratton
(Laurence) :Oui, tout à fait.
M. Lacroix (Louis) : Puis quand
on a peur puis on le fait quand même, on appelle ça du courage.
Mme Gratton
(Laurence) :Exactement. Merci, oui.
Journaliste : Bonjour. Je ne
sais pas exactement à qui s'adresse ma question, mais vous pourrez sauter au
micro, là, si vous sentez que vous pouvez y répondre. Est-ce que cette
idéologie-là, que vous avez qualifiée de suprémaciste mâle ou, tu sais, avec
d'autres termes aussi, c'est une espèce de courant de fond, une colère de
certains hommes qui gronde puis qui se manifeste sur les réseaux sociaux ou
est-ce qu'il y a une incarnation politique de cette idéologie-là dans certains
partis au Québec et au Canada, selon vous?
Mme Clermont-Dion (Léa) : Mais
je sens que c'est un... Je n'aurais peut-être pas dû dire ça, ce mot-là, parce
c'est un gros concept à vraiment nuancer. En fait, tu sais, le suprémacisme
mâle, ça adhère vraiment à l'idéologie du suprémacisme blanc, mais qui veut que
les hommes, finalement, soient un peu, je dirais, dominants dans l'espace
public, O.K.? Donc, ça, c'est l'idée. Et c'est... oui, ça vient d'une certaine
peur, d'un certain malaise par rapport, en fait, à l'avancement des droits des
femmes dans la société. Donc, certains, même, disent qu'on vit dans une
gynécocratie, donc que les femmes domineraient le monde à l'heure actuelle, et
ça, ça les effraie beaucoup. C'est une idéologie, on s'entend, de la pensée
radicale, donc ce n'est pas quelque chose de tant encore commun, mais ça peut
s'apparenter à une idéologie qui peut aller chercher des racines dans le
complotisme, O.K.?
Donc, je ne pense pas qu'il n'y ait aucun
parti politique qui prône ça à l'heure actuelle, mais il y a certainement des
sympathisants et des adhérents de certains partis... Je ne sais pas si je vais
nommer le parti. Bon, je pense, je ne nommerai pas le parti, mais il y a des
adhérents qu'on peut voir sur les réseaux sociaux qui vont finalement adhérer à
ce genre de groupes là. Le Parti conservateur du Canada, par exemple, on a vu,
a ciblé des groupes comme les Men Becoming On Their Way qui épousent cette
perspective-là. Et donc, on voit que les adhérents sont susceptibles d'adhérer
à ce genre de vision là du monde, qui est un peu simpliste, évidemment,
alarmiste puis qui s'encre dans une perspective très réactionnaire des choses.
Journaliste : Merci. Puis
j'aurais une deuxième question. Il a été question, à quelques reprises, là,
d'éducation, de ce qu'on peut faire en amont, là, pour prévenir le problème. Vous
avez évoqué aussi un cours de citoyenneté numérique, là. Alors, je me demandais
un peu qu'est-ce que contiendrait ce cours-là, qu'est-ce qu'il faut dire, là, à
l'école aux jeunes? Est-ce que c'est pour éviter l'intimidation ou pour éviter
de se mettre, je ne sais pas, dans des situations pour être intimidé? Je ne
sais pas, je ne connais bien la dynamique, là.
Mme Clermont-Dion (Léa) : Bien,
je vais être superconcrète avec cette idée-là parce qu'on a monté une campagne qui
s'appelle stoplescyberviolences.ca, vous pouvez aller sur le site Internet. On
a créé, avec des psychologues, un guide pédagogique, donc, qui peut être
utilisé par les enseignants, enseignantes du Québec, il y a plein de fiches
là-dedans. Puis, pour prévenir, en fait, les cyberviolences, il faut expliquer
les causes, il faut expliquer également les conséquences de ça, expliquer les
impacts. Dans la pédagogie, c'est important d'expliquer le problème aux jeunes,
puis aussi d'essayer de nuancer qu'est-ce qu'on peut faire quand on est acteur,
finalement, nous-mêmes, ou quand on laisse aller des cyberviolences. Ça, c'est
un élément très concret de pédagogie pour prévenir les cyberviolences puis de
créer aussi des espaces de discussion pour vraiment se développer un esprit
critique face à ces discours-là. Parce que des jeunes peuvent tomber sur un
Andrew Tate sur Tik Tok qui a des propos assez misogynes. Bon, bien,
accompagnons les jeunes à se faire un esprit critique pour mieux comprendre ça.
Et donc on a réfléchi à cette notion-là, on a monté quasiment un cours. Ça, ça
pourrait être intégré effectivement dans le cursus scolaire obligatoire des
étudiants, étudiantes du Québec dans un cours sur la citoyenneté numérique,
spécifiquement l'enjeu des violences. Après, le grand cours, je ne suis pas
assez férue de ça pour vous répondre, mais ça, c'est un élément qui existe. On
a les ressources, il suffit d'avoir...
Mme Maroist (Guylaine) : Il
est gratuit.
Mme Clermont-Dion (Léa) : C'est
disponible, gratuit, il suffit d'avoir une vision politique et une conviction
que c'est un enjeu premier.
Journaliste : Donc, est-ce
que vous interpellez le ministre de l'Éducation, Bernard Drainville, sur cet
enjeu-là?
Mme Clermont-Dion (Léa) : Ah
là! je ne m'embarquerai pas...
Mme Ghazal : Bien, je vais
juste dire que l'important, c'est de, oui, reconnaître, dénoncer. Là, vous
parlerez, par exemple, avec n'importe quel élu, je me rappelle en 2019, ils
disaient que ça n'a pas de bon sens que les femmes, par exemple, en politique
puis les femmes, de façon générale, reçoivent ce genre de message. Donc, tout
le monde est d'accord pour dénoncer la situation.
Maintenant, il y a une pétition ici qui
est déposée à l'Assemblée nationale avec deux mesures. En discutant ici
ensemble puis en faisant comme du brainstorming, on... il y en a d'autres là
parce que ça a été réfléchi, de l'éducation, dans le cursus scolaire, ça fait
que ça interpelle tous les acteurs de la société. Ici, on est à l'Assemblée
nationale et nous pouvons agir.
Demain, c'est le 6 décembre, on va
avoir une motion à l'Assemblée nationale où on va faire des discours pour
commémorer la tuerie à Polytechnique. On se rappellera, il y a 33 ans, en
1989, quand c'est arrivé, on n'appelait pas ça un féminicide. Ça a pris des
années et des années, plus de 10 ans, je ne me rappelle plus combien de
temps, pour dire que c'est un féminicide, pour mettre en place des actions, et
la société évolue. Là, ici, tout le monde est d'accord qu'il y a un problème
avec la cyberviolence, cyberintimidation, qui touche plus particulièrement les
femmes parce qu'on veut les faire taire. Les faire taire, les femmes, ça, ça
fait longtemps que ça existe, là, au Moyen Âge et bien avant. Là, on utilise
d'autres façons pour le faire. Il y a des femmes, jeunes femmes... Moi, ça
m'horripile de savoir qu'il y a des jeunes femmes qui ne veulent pas venir en
politique. Ici, on est presque 50 % en ce moment à l'Assemblée nationale
du Québec, donc nous pouvons... il faut que ça veuille dire quelque chose.
Comme je le disais aussi pour l'Iran la semaine passée, il faut qu'on agisse.
Demain, ça serait une opportunité en or que le gouvernement, que le premier
ministre propose une mesure concrète, on lui en propose ici en ce moment
plusieurs concrètes pour avancer, pas juste dire que c'est vraiment affreux ce qui
se passe sur le Net.
M. Arseneau : Moi, je voudrais
juste aussi attirer l'attention sur ce qui a été dit, sur le fait que, sur une
période de sept à 10 ans, le phénomène observé par les cinéastes ici est
en recrudescence, il augmente. Et souvent, le gouvernement, les gouvernements
ont tendance à agir lorsqu'évidemment il y a un cas très médiatisé et tragique.
Donc, ce qu'on dit aujourd'hui : Agissons en prévention. Le phénomène, il
est en plein développement, il est en expansion. La désinhibition des
violences, là, elle est en train de se matérialiser. On n'a plus maintenant une
transposition de ce qui se passe dans le réel vers le virtuel, mais plutôt le
contraire qui est en train de se réaliser aussi dans certains endroits à
travers la planète. N'attendons pas que ça se produise ici, au Québec.
La Modératrice : En
terminant, M. Laberge.
M. Laberge (Thomas) : Oui,
bonjour. Thomas Laberge pour Le Soleil. Ma question serait peut-être
pour Mme Clermont-Dion, si c'est possible. On a parlé un peu du climat,
peut-être, politique, là, dans lequel ce phénomène-là s'incarne. Je comprends
que vous ne voulez pas cibler des partis. Est-ce que, par contre, vous pouvez
cibler des influenceurs qui sont très populaires sur les réseaux sociaux et qui
parfois ont tendance à encourager ce genre d'idéologies là... je pense
notamment au Canada anglais, à Jordan Peterson, qui est très, très populaire
auprès de ce genre. Est-ce que vous ciblez ce genre d'individus là?
Mme Clermont-Dion (Léa) : Bien,
non, parce que je tiens aussi à ma sécurité et j'ai un enfant, j'ai deux
enfants, et ce genre de situation là de toujours être en polarisation, pour
moi, ce n'est pas une solution. Donc, oui, je peux vous nommer des gens, là, je
peux vous nommer du monde, mais après c'est moi qui me retrouve avec leur meute
à mes trousses, et ça ne me tente pas, puis je n'ai pas envie d'aller dans ça.
Cependant, tu sais, on peut dire... on peut nommer quand même des gens à
l'international qui sont très connus, par exemple, Roosh V, qui est un «pick up
artist», qui a d'ailleurs revendiqué le fait de pouvoir violer impunément dans
les lieux privés, donc que le viol conjugal soit légalisé. J'ai nommé Andrew
Tate tout à l'heure. Bon, ça, c'en est un qui est très populaire sur TikTok. Bien,
il a été banni, mais il est revenu après. Donc, ça, c'est un individu qui est
beaucoup aimé chez, je dirais, les jeunes particulièrement.
Je voudrais faire un commentaire général
là-dessus. C'est que c'est souvent des individus qui se gargarisent, si on veut,
d'une psychologie un peu de coach de vie, donc qui vont donner des bons
conseils aux jeunes hommes puis qui vont leur dire comment agir finalement pour
être bien dans leur peau. Puis qu'à travers ça il y a des fois des perspectives
un petit peu plus radicales. Je ne pense pas que Jordan Peterson s'inscrive,
là, dans la pensée la plus radicale qui soit et la plus violente. Il a des
propos problématiques à mon sens, mais pas que. Donc, voilà, mais je ne
nommerai pas, parce qu'encore une fois ça peut être inquiétant par la suite,
là.
Journaliste : Mais, sans
cibler, est-ce que vous voyez, par exemple, une émergence de ce phénomène-là...
Mme Clermont-Dion (Léa) : Oui.
Journaliste : ...plus au
Québec? Parce qu'on a parlé beaucoup des États-Unis. Est-ce qu'au Québec il y a
une inspiration, par exemple, puis on voit ça d'une manière plus importante
ici?
Mme Clermont-Dion (Léa) : Ah
oui, oui! il y a même des psychologues qui s'expriment dans certaines émissions
de télé grand public qui ont des propos, je dirais, antiféministes, là.
Journaliste
: Merci.
Mme Clermont-Dion (Léa) :
Merci.
La Modératrice : En anglais.
M. Spector (Dan) :Hello. Dan Spector from Global News. I was just hoping you guys could,
a little bit in English, outline the petition and why it's important.
Mme Ghazal :
Yes, well, today Léa and Guylaine asked me if all the opposition parties can «depose»
a petition against cyberviolence with some measures. So, we know that tomorrow
is December 6, and we are doing the commemoration of what happened in
Polytechnique 33 years ago. So, it's important for the Government of the CAQ,
Mr. Legault and Mr. Simon Jolin-Barrette as the Minister of Justice, to put an
action and a measure to fight against cyberviolences, and that's what we are
asking here, all together, all the opposition parties and also the people who
are here today.
M. Spector
(Dan) : You guys shared some… I don't know if you guys are comfortable
in English much to just share a bit why you wanted to be here today.
Mme Maroist
(Guylaine) : Yes. Well...
Mme Ghazal : ...
Mme Maroist
(Guylaine) : Merci. Seven years ago, Léa and I
started developing this film, Je vous salue salope, and our goal was to
show people that this phenomenon is real, it's not virtual. People think that
cyberviolence is just virtual, but it has real consequences. Unfortunately,
seven years later, this phenomenon has grown tremendously, and nothing is being
done. Women like Laurence Gratton, who has received numerous threats, rape
threats, death threats, they go see the police and nothing is being done. So,
we think that… well, we're asking two things, and I'm going to let Léa…
Mme Clermont-Dion
(Léa) : O.K. So, thank you to be there today. We have two objectives.
So, the first one, it's about, like, the formation of policemen in Québec. So,
we ask to our government to adopt, so, a formation for all policemen in the
province on cyberviolence because we think it's one of the solutions that we
can really apply easily. So, that's the first step. And the second step is to
put pressure on the federal Government on finally… the solution would be to
adopt a law that… I would say, inspired by Germany that
obligates and forces social media to shut down social media when there are hate
speeches shared. So, that's really an inspiration from German law, and the
provincial government has to put pressure on Ottawa to make that change. So,
that's two specific questions. But we have also the question of prevention that
is beside the petition, and we think it's really important to put money and to,
I would say, put pressure on our government to adopt a program of prevention of
cyberviolence.
M. Spector
(Dan) : Thanks. And, Mme Gratton, I don't know
how comfortable you are, but I was just… I mean, your story is obviously a super
powerful one and I was just wondering if you could just talk a bit about your
experience.
Mme Gratton (Laurence) : Yes, exactly. My name is Laurence Gratton, and I have been a victim
of cyberviolence by the same person during five years. He has been contacting
me with, like, death threats, rape and everything, rape messages. And just
recently, he wrote me, he wrote back at me. And I have been to the police to
tell my story, and I really haven't been listened to; they weren't so open
about my story. So, I'm talking about it in the movie, and it's important to
sign the petition, because I'm not the only woman with this struggle right now,
I think.
M. Spector
(Dan) : OK, Thank you.
M. Arseneau : May I just say that what's troubling is tomorrow is going to be the
commemoration of the feminicides at Polytechnique, and this phenomenon that
we're talking about today is increasing. So, what have we learned? And I think
it's time to reflect upon, you know, where we're headed, and it's just not a
matter for women. That's why I'm here. I think men have to realize that we have
a role to play, I think governments have a role to play, and we can have better
training for our police forces. But we can also have a better education system,
which will certainly promote, you know, equality among kids and people and
fighting cyberintimidation and what we're talking about today, cyberviolence,
and so we can act upon it and, you know, change society if we decide to. Thank you.
Journaliste
:Thank you.
Une voix : Merci beaucoup.
Des voix : Merci.
(Fin à 11 h 49)