L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Actualités et salle de presse > Conférences et points de presse > Conférence de presse de M. Marc-André Dowd, protecteur du citoyen

Recherche avancée dans la section Actualités et salle de presse

La date de début doit précéder la date de fin.

Conférence de presse de M. Marc-André Dowd, protecteur du citoyen

Version finale

Le lundi 13 juin 2022, 10 h

Salle Evelyn-Dumas (1.30), édifice Pamphile-Le May

(Dix heures deux minutes)

M. Dowd (Marc-André) : Alors, bien, bonjour, tout le monde. Mon nom est Marc-André Dowd, nouveau Protecteur du citoyen depuis le 27 mars dernier. Auparavant, j'ai été vice-président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, Commissaire à la déontologie policière et aussi vice-protecteur au Protecteur du citoyen, donc c'est un retour pour moi dans l'équipe. Je suis accompagné de Me Hélène Vallières, qui est la vice-protectrice, Affaires institutionnelles et prévention.

L'élève avant tout, tel est le titre du rapport que je rends public aujourd'hui. Au cours des derniers mois, le Protecteur du citoyen a conclu une enquête d'envergure sur les services éducatifs complémentaires dans les écoles primaires publiques. On parle ici plus particulièrement de services destinés à des élèves qui sont intégrés dans des classes ordinaires mais qui éprouvent des difficultés d'adaptation ou d'apprentissage qui rendent difficile leur progression scolaire, à moins d'avoir accès aux adaptations nécessaires. Il est question, par exemple, de problèmes de langage, de déficit de l'attention, de problèmes de comportement ou encore de difficultés de lecture ou d'écriture. Généralement, en plus de l'enseignement et du soutien de leurs professeurs, les élèves visés doivent être pris en charge, entre autres, en orthopédagogie, psychologie, orthophonie, psychoéducation et éducation spécialisée. Pour maximiser les chances de réussite, les services doivent être adaptés aux besoins individuels de l'élève et lui être fournis en temps opportun.

La Loi sur l'instruction publique prévoit l'accès universel aux services d'enseignement et garantit l'accès aux services éducatifs complémentaires. Cela comprend les services offerts aux élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage. Selon cette même loi, les services éducatifs complémentaires doivent être définis pour un enfant au terme d'une évaluation de ses besoins et de ses capacités.

Concernant le rôle que jouent les grands acteurs du monde de l'éducation, il faut savoir que les centres de services scolaires et les commissions scolaires — il existe encore quelques commissions scolaires — sont responsables de faire cette évaluation des besoins et d'organiser et de donner les services requis afin d'y répondre. Pour sa part, le ministère de l'Éducation finance ces services et doit veiller à la qualité des services offerts aux élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage. À noter qu'en ce qui a trait à la qualité des services le Protecteur du citoyen a compétence sur le ministère mais pas sur les centres de services scolaires, les commissions scolaires ou les écoles.

Revenons à notre enquête, qui se fonde, notamment, sur des plaintes et des signalements récurrents de parents et de membres du personnel professionnel des services éducatifs complémentaires. Pour réaliser notre enquête, nous avons, entre autres, procédé par appel à témoignages. Y ont répondu plus de 800 membres du personnel professionnel qui offrent des services éducatifs complémentaires et autant de parents d'élèves dits DAA, un acronyme qui correspond à la catégorie des enfants qui rencontrent des difficultés d'adaptation ou d'apprentissage. Nous avons également mené de nombreuses entrevues avec des gestionnaires et des administrateurs de centres de services scolaires et de commissions scolaires. Je ne m'étends pas plus longtemps sur la méthodologie.

Quelques chiffres. En 2019‑2020, et ce sont les données les plus récentes dont nous disposons, les élèves handicapés et en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage représentaient 18 % de tous les enfants scolarisés au primaire dans le réseau public québécois. Et, parmi eux, 76 % avaient des difficultés d'adaptation ou d'apprentissage, et la presque totalité, 94 %, était intégrée en classe ordinaire. De l'avis du ministère de l'Éducation, l'intégration de ces élèves en classe ordinaire constitue le mode de scolarisation à privilégier.

Maintenant, que révèle notre enquête? Eh bien, nous sommes face à un portrait de situation des plus préoccupants qui révèle des écarts inquiétants entre ce que dit la loi et ce qui se vit sur le terrain. Notre principal constat sans équivoque est le suivant : quels que soient les besoins des élèves, les services offerts sont principalement organisés en fonction des moyens disponibles et des montants alloués par le ministère plutôt qu'en fonction de l'évolution des besoins réels des élèves. Or, si les services sont donnés selon ce qui est possible plutôt que selon ce qui est nécessaire, certains enfants ne font pas les progrès qu'ils pourraient faire parce qu'ils attendent leur tour trop longtemps.

D'abord, de longs délais s'additionnent pour obtenir une première évaluation des besoins de l'élève. D'après les délais dont nous ont fait part les parents qui ont répondu à notre appel à témoignages, l'attente a été de cinq à huit mois pour près de la moitié des cas. Ça, c'est pour l'évaluation des besoins seulement. Or, sans évaluation, la mise en place de services adéquats pour répondre aux besoins des élèves est retardée, voire compromise. Cela conduit de nombreux parents à recourir à des ressources privées, une possibilité réservée à ceux qui en ont les moyens et qui va à l'encontre du principe de la gratuité scolaire.

Après l'évaluation des besoins s'ajoutent d'autres délais pour mettre les services en place, quand ils le sont, ce qui n'est pas toujours le cas. Il est question de plus de huit mois d'attente pour le quart des élèves dont les parents ont répondu à notre appel à témoignages. Alors, j'insiste sur le fait que ces délais s'additionnent, le délai pour l'évaluation et le délai pour la mise en place du service. Et il arrive aussi que les services ne soient pas donnés selon la fréquence et l'intensité nécessaire.

Autre problème que nous avons identifié, en raison de ressources limitées, le milieu scolaire est plus enclin à mettre des services éducatifs complémentaires en place si l'enfant est en situation d'échec. Or, l'atteinte de la note de passage n'est pas un barème pour conclure qu'un enfant n'a pas ou n'a plus de difficultés d'adaptation ou d'apprentissage. Dans certains cas, les services ont simplement cessé au moment où l'enfant a obtenu la note de passage, alors que les besoins étaient encore là.

Phénomène particulièrement alarmant, les efforts des parents et du milieu scolaire pour répondre aux besoins des élèves DAA sont confrontés aux obstacles suivants : un modèle de financement des services éducatifs complémentaires lourd et complexe; un manque chronique de personnel; un manque de collaboration entre les différents intervenants scolaires; la lourdeur des tâches administratives liées au financement des services éducatifs complémentaires, ces tâches sont remplies par les professionnels de ces services alors qu'ils manquent déjà de temps pour intervenir auprès des enfants; et enfin des disparités marquées selon les centres de services scolaires, les commissions scolaires et les écoles.

De son côté, le ministère de l'Éducation ne dispose d'aucun portrait clair des postes vacants pour les services éducatifs complémentaires. Comment peut-on garantir que ces services sont donnés avec la qualité et l'intensité souhaitées en l'absence d'un tableau précis des postes non comblés?

Enfin, pour de nombreux cas, nous avons observé une culture rigide de catégorisation des élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage selon des profils types. Cela conduit souvent à des services formatés à l'avance selon des normes strictes. On est loin de la définition des services adaptés aux besoins de l'élève.

Autrement dit, à une étape cruciale de leur développement, des élèves du primaire n'ont pas toute l'attention nécessaire de la part du système scolaire pour leur permettre d'atteindre leur plein épanouissement. Quand il est question d'enfance, d'accès à la réussite scolaire, d'adaptation aux besoins particuliers des élèves et de perspectives pour le futur, les enjeux, tant individuels que collectifs, sont considérables. Je vous invite à parcourir notre rapport, nous l'avons voulu limpide quant aux problèmes dénoncés et particulièrement clair sur le mode d'attribution des services et le financement du ministère de l'Éducation.

Le Protecteur du citoyen adresse 11 recommandations au ministère. Elles portent sur des correctifs aux problèmes dont il vient d'être question. Il faut donc : valoriser davantage les postes en services éducatifs complémentaires et effectuer un suivi des postes à pourvoir; élaborer des outils pour orienter le rôle, les responsabilités ou la participation des parents, des élèves et de l'ensemble des intervenants en services éducatifs dans la dispensation des services éducatifs complémentaires; développer, à l'intention du personnel enseignant, l'offre de formation continue portant sur les besoins des élèves DAA; revoir le modèle de financement des services éducatifs complémentaires et les modalités de reddition de comptes en se basant sur les besoins réels des élèves; établir et financer un seuil minimal de services à l'échelle de la province.

L'accès aux services requis pour tout élève en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage n'est pas un privilège, je le rappelle, c'est un droit. Le Québec a placé la réussite éducative des élèves au cœur de la mission de l'école publique. Tous les élèves doivent avoir une chance équitable de réussir et nous devons leur en donner les moyens. Je vous remercie de votre attention. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

La Modératrice : Peut-être que vous pourriez chacun vous nommer puis nommer votre média. Mais je sais qu'Alexandre avait levé la main d'abord, là.

M. Robillard (Alexandre) : Oui, c'est Alexandre. Je suis du Devoir, Alexandre Robillard. Et puis je voulais savoir, justement, vous évoquez la Loi sur l'instruction publique, puis à la lumière de ce que vous constatez : Est-ce que vous avez l'impression que le ministère respecte sa propre loi?

M. Dowd (Marc-André) : Bien, ce qu'on a constaté, c'est un constat qui est très clair, c'est que les services ne permettent pas de répondre à tous les besoins des élèves actuellement. C'est un constat qui est généralisé. Donc, en ce sens... Et je reviens sur le fait que les services éducatifs complémentaires, c'est un droit pour les élèves qui en ont besoin, et il y a le principe de la gratuité scolaire, donc, en principe, ces services devraient être donnés par le réseau public de façon gratuite. Alors, on voit que, dans notre rapport, c'est 42 % des 800 parents qui ont participé à notre appel à témoignages qui ont été appelés à faire appel au privé, à un moment ou à l'autre, pour aller chercher des services.

Alors, il y a un enjeu là qui est un enjeu d'équité parce qu'avoir recours aux services du privé, bien, il y a des gens qui n'ont pas les moyens. Puis il y a un enjeu aussi, je dirais, puis ça, on l'a vu dans notre rapport, c'est que, lorsqu'on fait affaire avec un service du privé, ce n'est pas nécessairement en phase avec la réalité du milieu scolaire. La personne du privé, le professionnel du privé, il va évaluer l'enfant mais pas dans le cadre scolaire. Alors donc, les recommandations qui pourraient être amenées à faire ne sont pas nécessairement en phase avec ce que le milieu scolaire pourrait ou devrait mettre en oeuvre pour aider l'enfant à réussir.

M. Robillard (Alexandre) : Mais donc est-ce que le ministère de l'Éducation est en situation illégale face aux élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage?

M. Dowd (Marc-André) : Bien, ce que je dirais, c'est-à-dire qu'il y a un travail qui doit se faire, important, de revoir la méthode de financement. On revient sur la question de la méthode de financement, parce qu'actuellement notre constat, c'est qu'avec les critères — et les règles de financement sont assez complexes, là — mais avec les critères qui sont appliqués, ça ne permet pas de répondre à l'ensemble des besoins. Donc, il faut revoir la méthode de financement pour s'assurer qu'on répond aux besoins réels des élèves.

Et ça prend une meilleure... ça, c'est un élément important, je pense, une meilleure concertation et une meilleure communication entre le ministère de l'Éducation et les centres de services scolaires sur les règles budgétaires. Donc, il faut que, dans l'élaboration des règles budgétaires du ministère, les centres de services scolaires, les organismes scolaires aient voix au chapitre pour que la détermination des montants permette de répondre aux besoins qui sont observés.

M. Robillard (Alexandre) : Mais à partir de quel moment vous évaluez que des parents pourraient avoir une base juridique, là, solide pour s'appuyer sur la loi en disant : Le gouvernement, le ministère de l'Éducation contrevient à sa loi?

M. Dowd (Marc-André) : Vous savez, le rôle de l'ombudsman, c'est justement d'éviter la judiciarisation des situations. Le rôle de l'ombudsman, c'est de faire en sorte qu'on travaille en collaboration avec le ministère, puis je vais souligner qu'on a quand même eu une bonne collaboration avec le ministère dans notre enquête. On a identifié des problèmes sur lesquels on doit travailler. Puis j'aime plutôt avoir une approche positive, en disant : Si on s'engage...

M. Robillard (Alexandre) : Mais est-ce que le ministère est exposé à des poursuites, selon vous, dans la situation que vous constatez?

M. Dowd (Marc-André) : Je ne peux pas répondre à cette question-là, je dirais, de façon... Si les parents estiment qu'ils ont un recours, c'est à eux de le faire valoir. Moi, mon rôle comme ombudsman, c'est de tout mettre en oeuvre pour s'assurer que les services répondent aux besoins des élèves puis que le ministère joue son rôle.

La Modératrice : Caroline.

Mme Plante (Caroline) : Oui, bonjour. Caroline Plante de LaPresse canadienne. Vous notez, dans le rapport, que la Loi sur l'instruction publique, bon, prévoit la gratuité, le droit, là, pour ces élèves-là d'avoir des services, mais elle ne fait pas mention du délai acceptable pour les dispenser. Est-ce que, d'après vous, il faut rouvrir la Loi sur l'instruction publique pour mettre un délai acceptable dans la loi?

M. Dowd (Marc-André) : Ça ne fait pas partie des recommandations qu'on a dans le rapport. On préfère travailler sur l'idée d'écourter les délais, de faire en sorte que les modalités d'organisation permettent de donner, en temps opportun, le service. Alors, on n'est pas allés dans l'exploration d'une modification législative. Je ne rajouterai pas ça aujourd'hui, là, ça ne fait pas partie du corpus de notre rapport. Ce qui est important, c'est vraiment de faire en sorte que les besoins des élèves, dans chaque territoire, soient davantage la base selon laquelle le financement est établi, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Mme Plante (Caroline) : Ce ne serait pas un moyen de forcer la main, par exemple, là, mettre cette obligation-là dans la loi? Ça ne pourrait pas être...

M. Dowd (Marc-André) : Bien, encore une fois, ce n'est pas un des moyens qui a été retenu dans nos recommandations.

Mme Plante (Caroline) : Récemment, le ministre Roberge annonçait une grande stratégie, un projet pilote, entre autres, là, pour mettre des aides-enseignants dans les classes. Est-ce que vous pensez que c'est le moyen à privilégier ou il faudrait... Est-ce que c'est de l'argent bien investi ou il faudrait mettre ces ressources-là, cet argent-là dans les services éducatifs complémentaires?

M. Dowd (Marc-André) : En fait, c'est intéressant, parce qu'un des constats de notre enquête, c'est que le rôle et les responsabilités des différents professionnels ou personnels techniques appelés à donner des services éducatifs complémentaires est mal défini et mal compris dans certaines situations. On ne sait pas, par exemple, l'orthopédagogue, quel est son rôle exact, quel est le rôle qu'il doit jouer dans le plan d'intervention de l'élève, que doit faire le technicien ou la technicienne en éducation spécialisée. Donc, en réponse à votre question, je pense qu'il faudrait d'abord, et c'est une de nos recommandations, mieux définir le rôle de chacun des professionnels ou de chacun des membres du personnel technique qui dispensent des services d'éducation complémentaires. Puis là on va se rendre compte : Est-ce qu'il reste des besoins? Et là on pourra avoir la discussion sur le sujet que vous avez amené. Mais l'idée de clarifier d'abord le rôle de chacun, ça s'est imposé comme une évidence.

Mme Plante (Caroline) : O.K., oui, parce qu'il faut préciser que les aides-enseignants ne feraient pas de tâches pédagogiques, ça serait des tâches non pédagogiques. Bon. Et puis mon autre question, c'est : Avez-vous remarqué des grandes différences du côté anglophone comparativement au côté francophone, là, dans les commissions scolaires anglophones versus les centres de services francophones?

M. Dowd (Marc-André) : Une des différences qu'on a notée, c'est que, dans les commissions scolaires anglophones, on a tendance à utiliser davantage de personnel technique, la proportion de personnel technique est plus élevée. Dans les centres de services scolaires francophones, on a tendance à embaucher plus de personnel professionnel et moins de personnel technique. Donc, ça, dans la composition de la main-d'oeuvre, c'est une des différences qu'on a vues, effectivement.

Mme Plante (Caroline) : Est-ce qu'il y a une approche qui est meilleure que l'autre?

M. Dowd (Marc-André) : Je ne peux pas me prononcer là-dessus.

Des voix : ...

La Modératrice : Bien, je ne sais pas, là. Un de vous deux, allez-y.

M. Côté (Gabriel) : Gabriel Côté, Agence QMI. Il y a un manque de personnel, là, selon ce que vous nous dites, pour assurer les services éducatifs complémentaires. Est-ce que vous savez s'il y a beaucoup de gens, en ce moment, qui sortent de l'école pour être, justement, orthopédagogues ou ces autres corps d'emploi là? Est-ce qu'on pourrait, avec les gens qui sortent de l'école, régler le problème ou il faut mettre d'autres choses en place?

M. Dowd (Marc-André) : Bien, c'est toute la question de la planification de la main-d'oeuvre qui est centrale. Là, actuellement, la première chose qu'on doit faire, c'est avoir un portrait clair. Où sont les besoins dans chaque centre de services scolaires, dans chaque commission scolaire? Combien de postes de psychologues? Combien de postes d'orthopédagogues? Combien de postes en éducation spécialisée? Ça, c'est un premier élément. Parce qu'il faut davantage prévoir, on est dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre, on le sait.

Un des éléments, selon nous, qui aggrave la pénurie de main-d'oeuvre dans le milieu scolaire, c'est lié, justement, au mode de financement des services. Ça faire en sorte que le mode... les règles budgétaires actuelles font en sorte que des centres de services scolaires ou des organismes scolaires sont contraints de donner davantage de contrats à temps partiel ou de contrats temporaires parce qu'il n'y a pas de prévisibilité du financement, O.K.? Alors, ça, si on veut travailler sur l'attractivité, il faut travailler sur la planification de la main-d'oeuvre, pas à court terme, à moyen et à long terme pour ouvrir le plus possible des postes permanents, et là on sera davantage attractifs, notamment parmi ceux qui sont dans le réseau scolaire actuellement, qui sont en train d'être formés pour faire ces postes-là.

Ce qu'ils nous disaient, en fait, un des constats de l'enquête, c'est qu'il y a comme une frustration dans les organismes scolaires, parce qu'à cause du financement on peut juste ouvrir des postes temporaires, des contrats dans certaines situations. Les gens viennent prendre de l'expérience, c'est souvent des professionnels qui sortent de l'école, ils viennent prendre de l'expérience, puis, dès qu'il y a un poste permanent qui ouvre dans un autre centre de services scolaire, vont appliquer. Alors, on a formé une personne qu'on ne peut pas retenir. C'est pour ça que, la question, je la situerais plus en termes de planification de la main-d'oeuvre à moyen et à long terme.

M. Côté (Gabriel) : Puis juste une précision sur une de vos recommandations : Dans cette veine-là, qui est de développer, à l'intention du personnel enseignant, l'offre de formation continue portant sur les besoins des élèves DAA, est-ce qu'il s'agit de boucher des trous, là, en ce moment? C'est la première étape, il faut boucher des trous pour arrêter...

M. Dowd (Marc-André) : Non, c'est vraiment l'idée de former les enseignantes par le biais de la formation continue. C'est-à-dire qu'à la formation initiale il y a certains contenus qui sont vus sur les élèves DAA, lors de la formation initiale, mais, en même temps, un constat qui est fait, c'est que c'est dans l'exercice de l'enseignement qu'on va développer... on va mieux comprendre les besoins des élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage. Et donc ça prend une certaine expérience d'enseignement pour pouvoir se développer, mais il faut que ça soit, puis c'est le sens de notre recommandation, appuyé par de la formation, des conférences, une transmission des savoirs tout au long de la carrière de l'enseignante. Parce que l'enseignante, elle est dans un rôle privilégié auprès... évidemment, elle intervient en premier lieu dans sa classe, elle est là pour voir les besoins de ses élèves, elle est là pour déceler ceux qui auraient besoin d'aide et faire le lien.

Un des éléments, aussi, sur lequel je veux insister, on en parle dans le rapport aussi, c'est la nécessité de faire plus de place pour un travail en collaboration entre le personnel des services complémentaires, les orthopédagogues, les orthophonistes, et les enseignantes. Actuellement, il n'y a pas ou peu de place pour dire : Bien, on a des rencontres qui font partie de la charge de travail pour pouvoir échanger. Alors, oui, il y a les plans d'intervention, mais il faut que ça aille au-delà des plans d'intervention. Il faut qu'il y ait davantage de collaboration entre les enseignantes et le personnel des services éducatifs complémentaires, et ça, ça prend du temps. Donc, ça doit faire partie de la charge de travail.

M. Côté (Gabriel) : Merci.

M. Dowd (Marc-André) : Merci.

M. Bourassa (Simon) : Bonjour. Simon Bourassa de Noovo. Fin janvier 2019, il y a le ministre Carmant, là, qui annonçait l'embauche de 800 professionnels pour faire du dépistage précoce pour les troubles de l'apprentissage, là, chez les enfants du préscolaire. Ça fait quand même déjà trois ans. Est-ce que, dans votre enquête, vous avez pu constater qu'il y a eu un certain effet de cette mesure mise en place?

M. Dowd (Marc-André) : La collecte d'information dans notre enquête... Est-ce que tu peux m'aider sur la période, là? C'est...

Mme Vallières (Hélène) :Bien, en fait, l'enquête couvre la période de l'école primaire. Donc, les mesures qui ont été mises en place couvraient le préscolaire, là, donc vraiment tout le dépistage qu'ils faisaient, par exemple, en service de garde ou en CPE. Donc, nous, on s'est vraiment plus attardés aux services qui sont donnés, vraiment, à l'école primaire. Donc, c'est des mesures différentes, là. C'est sûr que ça peut aider, là, d'avoir du dépistage précoce parce qu'on connaît mieux les besoins, on connaît mieux l'état de situation de l'enfant lorsqu'il arrive en milieu scolaire. Donc, nous, on s'est vraiment plus attardés aux premières années du primaire, là.

M. Bourassa (Simon) : O.K. Mais bref, même si on dépiste de manière préventive, si les ressources ne sont pas là rendu au primaire...

M. Dowd (Marc-André) : Bien, on en revient à ça, c'est que, si on dépiste, mais que, pour évaluer les besoins, il faut attendre huit mois, puis qu'après ça, pour donner le service, il faut attendre un autre huit mois, bien, c'est plus qu'une année scolaire, là. Et tout le monde s'entend pour dire que c'est important d'intervenir tôt. Si on décèle, en première année, une difficulté, c'est là qu'il faut intervenir, c'est là qu'on a le plus de potentiel d'avoir un impact positif, là, dans le développement de l'enfant.

M. Bourassa (Simon) : Est-ce qu'une participation du privé plus importante, par des ententes entre le ministère et, bon, des intervenants du privé, pourrait être une solution envisageable pour avoir plus de services?

M. Dowd (Marc-André) : La question de la dispensation des services, on ne la regarde pas. Ce qui est important, c'est que le principe de la gratuité scolaire soit respecté, on s'entend. Si un milieu scolaire x développe des ententes, mais qu'au final le service est gratuit pour le parent et pour l'enfant, le principe de la gratuité scolaire est respecté. Donc, c'est vraiment ça qu'il faut s'assurer.

M. Bourassa (Simon) : Et est-ce que votre enquête permet d'affirmer qu'il n'y a jamais eu autant d'élèves en situation de DAA au Québec ou on ne peut pas aller jusque-là?

M. Dowd (Marc-André) : Je ne ferais pas cette affirmation-là. Je ne peux pas le dire, là.

M. Bourassa (Simon) : D'accord. Merci.

Mme Plante (Caroline) : Je veux juste approfondir sur la question de mon collègue sur le privé. Est-ce que les parents qui vont chercher de l'aide au privé devraient pouvoir se faire rembourser?

M. Dowd (Marc-André) : Bien, si on veut respecter le principe de la gratuité scolaire, ils ne devraient pas avoir à payer pour ces services-là. Puis un élément qui est préoccupant, c'est que, parmi les 42 % de parents qui ont eu recours aux services du privé, une part appréciable, je n'ai pas le pourcentage mais une bonne part, c'est à la suggestion de l'école. Alors, dans certains cas, c'est les écoles qui disent : Bien, allez au privé, ça va aller plus vite, donc. Et ça, ça m'apparaît très problématique et très inéquitable, on va se le dire, là.

Mme Plante (Caroline) : Puis, peut-être juste, je vous parlais, tantôt, de délais acceptables. Avez-vous une opinion, vous, sur ce que ce serait, un délai acceptable?

M. Dowd (Marc-André) : Bien, le délai acceptable, c'est de pouvoir commencer à dispenser le service le plus rapidement possible. Certainement, un délai de huit mois pour évaluer puis un autre délai de huit mois pour commencer le service, ça m'apparaît inacceptable comme délai, là. Donc, on n'est vraiment pas dans cet ordre de délai là pour ce soit acceptable, surtout au moment où les enfants en ont le plus besoin. Dès que la difficulté est décelée, c'est là qu'il faut intervenir le plus possible.

Mme Prince (Véronique) : J'aurais aussi des questions, mais par contre ce serait mieux que vous regardiez la caméra plutôt que moi, là. En fait, j'ai l'impression, malheureusement, que ce que vous dites, ce n'est pas vraiment nouveau, tu sais, que c'est une problématique qui est là depuis tellement longtemps. Est-ce que ça a empiré avec la pandémie? Ou est-ce que ça a empiré avec la pénurie de main-d'oeuvre? Est-ce que le portrait est de plus en plus négatif, finalement?

M. Dowd (Marc-André) : Bien, dans la mesure où nos données, c'est les données d'avant la pandémie, c'est difficile pour moi de me prononcer sur le fait : Est-ce que la pandémie a empiré la situation? Ce que je peux dire, c'est que, dans un grand nombre de dossiers, actuellement, au Protecteur du citoyen, que ce soit en services correctionnels, que ce soit en santé et services sociaux, et je présume que ça serait le même cas en éducation, la pénurie de main-d'œuvre est un élément qui est de plus en plus préoccupant. Et ça, il va vraiment falloir qu'on ait une approche transversale, là. Il faut que le gouvernement développe des pratiques de planification de la main-d'oeuvre qui font en sorte qu'on puisse penser pas à court terme mais à moyen et à long terme.

Mme Prince (Véronique) : Puis vous dites qu'il y a un manque au niveau du financement. Est-ce que vous êtes en mesure d'évaluer, justement, ce manque de financement là?

M. Dowd (Marc-André) : Alors, non. Notre enquête n'a pas porté sur le montant du manque de financement. Notre constat, c'est que les ressources consenties, les montants qui sont investis ne permettent pas de répondre aux besoins, mais c'est à la fois une question d'organisation des services, comme on en parle dans le rapport, que d'effets des règles budgétaires. Donc, c'est pour ça qu'on demande de mettre fin à ce qu'on appelle le financement catégoriel, là. C'est qu'il y a certains types d'élèves, en fait, dans EHDAA, nous avons les élèves handicapés et en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, les élèves handicapés, h, ont des codes de difficulté, et vient un financement majoré qui vient avec ça. Les élèves DAA, à l'exception de ceux qui ont des troubles graves du comportement, n'ont pas de financement majoré. Donc, dans le fond, les services complémentaires doivent leur être donnés à même l'allocation de base. Ça fait en sorte que, bien, évidemment, en présence d'un financement qui n'est pas suffisant, bien, on va égrener les services, on va prendre des décisions qui vont faire, par exemple, de dire : Bien, à partir du moment où l'enfant est à 60 %, a la note de passage, bien, on va arrêter le service pour qu'un autre puisse en bénéficier, et ce n'est vraiment pas optimal comme situation.

M. Robillard (Alexandre) : Le ministre Roberge avait promis de réduire la paperasse des professionnels, là, il y a deux ans. Est-ce que vous êtes capable de comprendre pourquoi il n'a pas atteint cet objectif-là? Est-ce que vous pouvez dresser un constat d'échec de cette promesse-là de...

M. Dowd (Marc-André) : Non. Bien, en fait, dans le cadre de notre enquête, ce qu'on a observé, c'est que, oui, il y a eu un changement de pratiques, c'est-à-dire qu'on est passés, pour les élèves qui avaient un financement de catégorie qui était rattaché, là, donc, on est passés d'un système où on devait justifier du financement dans tous les dossiers, O.K., à un système qu'on appelle assurance qualité, qui est un échantillonnage de dossiers. Donc, on ne fait pas tous les dossiers mais on fait un échantillon de dossiers. Alors, pour les gens qui sont au ministère, oui, ça fait moins de dossiers à évaluer. Par contre, pour les professionnels qui sont sur le terrain, bien, ils ne savent pas quel dossier va être dans l'échantillon, donc tous leurs dossiers doivent être montés de façon impeccable, parce que, si le dossier est choisi, bien, il doit être très bien monté et on doit voir comment... quel service a été donné, etc. Et c'est assez intéressant, cet aspect-là, parce que ce sont des professionnels qui remplissent ces rapports-là, en assurance qualité, donc qui font de la reddition de comptes, en fait, et ça se fait souvent au début de l'année scolaire. Alors, évidemment, quand on est en reddition de comptes, qu'on remplit des... qu'on répond en reddition de comptes au ministère, bien, on n'est pas en train de donner des services, on n'est pas en train d'évaluer des enfants, on n'est pas en train de donner des services.

M. Robillard (Alexandre) : Mais le ministre, il avait quand même promis qu'il réglerait ce problème-là, si ce n'est pas le cas, là.

M. Ducas (Marc-Antoine) :Bien, il y a eu... en tout cas, on a observé qu'il y a eu un changement dans le mode...

M. Robillard (Alexandre) : Pour les fonctionnaires, mais pas pour les professionnels?

M. Dowd (Marc-André) : ...mais il y a du travail qui demeure à faire, il y a du travail qui demeure à faire. Puis le ministère a accepté notre recommandation, aussi, de continuer à travailler à cet allègement-là, là.

M. Robillard (Alexandre) : Puis pourquoi, selon vous, le ministère est complètement dans le brouillard quand il s'agit de déterminer les postes vacants? Est-ce que ce n'est pas un peu inquiétant?

M. Dowd (Marc-André) : Bien, par exemple, c'est un travail qui est en train d'être fait pour les enseignants et enseignantes, O.K.? Donc, on veut avoir un portrait juste de l'état des postes vacants pour les enseignantes et enseignants. Ce qu'on dit, nous, c'est : Bien, il faut inclure, dans ces travaux-là, le personnel des services complémentaires. Donc, il s'agit de... ce n'est pas que le ministère ne fait rien, c'est qui a dit : On va le faire pour les enseignants et enseignantes. Bien, nous, on dit : Bien, il faut le faire aussi pour le personnel professionnel et le personnel technique qui dispensent des services complémentaires. Donc, c'est simplement d'élargir ce travail-là.

M. Robillard (Alexandre) : Mais, il me semble... Est-ce qu'on doit s'inquiéter de ça, quand même? Si le ministère n'a même pas une idée de combien il y a de postes vacants, qu'est-ce que ça dit sur la réponse à la demande?

M. Dowd (Marc-André) : Bien, moi, je me réjouis du fait que le ministère accepte notre recommandation puis s'engage à travailler dans ce sens-là au cours des prochains mois. Je pense que c'est une avancée positive, là, qu'on va suivre, bien évidemment, là, on va faire le suivi de nos recommandations pour s'assurer que ça se fait concrètement.

M. Robillard (Alexandre) : ...merci.

M. Dowd (Marc-André) : Merci.

La Modératrice : Merci beaucoup pour la conférence. Merci.

M. Dowd (Marc-André) : Merci beaucoup. Ma première. Merci.

(Fin à 10 h 31)


Document(s) associé(s)