(Quatorze heures quinze minutes)
La Modératrice : ...point de
presse du Parti Québécois. M. Joël Arseneau, notre porte-parole en matière de
santé et chef parlementaire, qui sera suivi du chef du Parti québécois, M. Paul
St-Pierre Plamondon. La parole est à vous.
M. Arseneau : Bien, écoutez,
bonjour. Deuxième point de presse de la journée, pour, évidemment, réagir au
projet de loi n° 28, qui a été déposé ce matin par le
gouvernement. Il était temps, bien entendu, depuis des semaines qu'on demandait
évidemment au gouvernement de mettre fin à l'urgence sanitaire. On aurait
souhaité que la fin des mesures, dans le calendrier qui a été déposé avec le
gouvernement, coïncide avec la levée de l'urgence sanitaire. Malheureusement,
il faut faire le débat maintenant, commencer le débat maintenant.
Donc, on s'attendait à ce que le projet de
loi soit court, soit simple. On voit qu'il a été composé de huit articles, mais
ce n'est pas parce qu'il est court qu'il est nécessairement aussi simple qu'on
pourrait... et aussi clair qu'on l'aurait souhaité. Il y a des articles
là-dedans qui laissent des zones d'ombre importantes. On a l'impression qu'il
procède à l'envers, en disant, de façon assez floue, que plusieurs des mesures,
appuyées par des décrets ou des arrêtés ministériels, vont continuer d'être en
vigueur jusqu'à la fin de l'année actuelle, jusqu'au 31 décembre. Et c'est sur
ces zones d'ombre là que j'aimerais laisser la parole à Paul St-Pierre
Plamondon, notre chef, là, pour les commenter. On a beaucoup de questions à cet
égard.
Paul.
M. St-Pierre Plamondon (Paul) : Merci,
Joël. On a de réelles inquiétudes devant ce projet de loi, parce qu'au lieu de
procéder de la manière la plus simple, à savoir ne pas renouveler l'état d'urgence,
le gouvernement a choisi de déposer un projet de loi. Dans ce projet de loi, au
lieu d'identifier les cinq, six mesures opérationnelles, les cinq, six décrets
qui sont absolument nécessaires de conserver, de manière extraordinaire, pour
assurer une transition, le gouvernement nous dit essentiellement : Tous
les décrets continuent, à vous de trouver s'il y en a qui pourraient poser
problème. Bien, voici des décrets ou des pouvoirs extraordinaires, en temps de
pandémie, qui, à notre avis, risquent de poser problème.
Premièrement, j'ai entendu plusieurs
journalistes demander à M. Dubé : Est-ce que vous conservez votre pouvoir
d'octroyer des contrats de gré à gré sans appel d'offres? On sait que c'est le
mécanisme pour prévenir la corruption, le favoritisme et des contrats farfelus.
La réponse, c'est : Oui, on conserve toujours ce pouvoir-là. Donc,
évidemment que c'est une grande inquiétude, puis que ce n'est pas acceptable,
parce qu'il y a déjà 17 milliards de dollars en contrats sans appel d'offres.
Ça représente 68 % de nos contrats dans tous les domaines, pas seulement
dans le domaine de la santé. Donc, première zone d'ombre et problème, le
ministre Dubé nous dit carrément : On a conservé le pouvoir de procéder de
gré à gré.
Deuxième zone d'ombre. On sait que les
décrets donnaient au gouvernement beaucoup de pouvoirs en matière d'accession
aux renseignements personnels. Le gouvernement avait accès à plein d'informations
qui, en temps normal, sont protégées. Le gouvernement, donc, conserve ces
pouvoirs-là alors qu'il n'y a plus d'urgence ni d'état d'urgence pour le
justifier. Et ensuite, il y a des dizaines et des dizaines de décrets qui ne
nous sont pas accessibles en ce moment, et qui peuvent également poser
problème.
Donc, on voit que le gouvernement a
procédé à l'envers, et conserve tous les décrets. Donc, ce qu'on demande au
gouvernement, d'une part, c'est la liste complète des décrets toujours en
vigueur. On veut également la liste complète de tout contrat de gré à gré passé
qu'ils ont l'intention de renouveler, parce qu'ils nous disent : On se
donne le droit de continuer, pendant cinq ans, des contrats de gré à gré qui
n'ont pas été conclus en contexte normal. On veut la liste de ces contrats-là.
Et ce qu'on dit, c'est : Nous, on veut sortir de l'état d'urgence le plus
rapidement possible. Mais en même temps, la manière de procéder du
gouvernement, essentiellement, semble de vouloir retenir certains pouvoirs qui
ne sont pas normaux, qui ne sont pas le propre d'une démocratie qui fonctionne
normalement.
La Modératrice : On va
prendre les questions.
M. Poinlane (Pascal) : Comment
vous qualifieriez ce projet de loi?
M. St-Pierre Plamondon (Paul) : Bien,
on a fait compliqué, quand on aurait pu faire simple, en ne renouvelant tout
simplement pas l'état d'urgence, puis en s'entendant à la pièce avec les
oppositions. Là, on a un fourre-tout, où tous les décrets d'état d'urgence
continuent. Donc, allez trouver, vous, quel décret n'est pas justifié dans les
circonstances. C'est comme si, au gouvernement de la CAQ, on pense que l'état
d'urgence, c'est la norme, c'est normal, puis l'exception, c'est de redonner
des pouvoirs. Mais dans les faits, on se rend bien compte qu'ils auraient dû
abandonner des pouvoirs comme les contrats sans appel d'offres, abandonner des
privilèges comme aller piger dans les informations confidentielles des gens.
Tout ça, là, c'est ça, le retour à la normale.
Donc, on nous dit : C'est la fin de
l'état d'urgence sanitaire, mais on va conserver, à travers les décrets qu'on a
déjà faits, plusieurs caractéristiques de l'état d'urgence sanitaire,
malheureusement.
M. Poinlane (Pascal) : Donc,
pour vous est-ce que, quand ça va être adopté, ça va être la fin de l'état
d'urgence sanitaire ou pas?
M. St-Pierre Plamondon (Paul) : Bien,
de toute évidence, non. De toute évidence, non. La vraie fin de l'urgence
sanitaire, ce sera lorsque le gouvernement aura accepté d'abandonner les
pouvoirs extraordinaires qu'ils ont pris durant la pandémie, notamment octroyer
des contrats à qui on veut, puis aller piger dans les informations personnelles
des gens. Ce sont des mesures exceptionnelles, mais le gouvernement n'a pas
l'air très pressé de s'en débarrasser.
Mme Côté (Claudie) : Donc, la
fin de l'urgence sanitaire, c'est le 1er janvier 2023?
M. St-Pierre Plamondon (Paul) : De
toute évidence. De la manière que c'est prévu en ce moment. Et malheureusement,
ça nous entraîne dans une autre problématique, c'est que ça va créer des
délais. Parce que là, devant cette situation-là, puis une liste de décrets que
je ne suis même pas capable... on n'est pas capables d'identifier de manière
très claire, vous comprenez que là, il va y avoir des étapes, puis là des
consultations, puis des divulgations. Donc, on peut aussi lire un projet de loi
si complexe, qui aurait pu être si simple, comme une manière de créer des
délais.
Parce que, si un gouvernement a la volonté
très sincère d'en finir avec l'état d'urgence, c'est tout simplement de dire :
On ne renouvelle pas. Puis, sur 10 jours, c'est terminé, puis ensuite, on
est superouverts à négocier à la pièce toutes les histoires de transition.
Évidemment qu'on veut que ça fonctionne. Mais plutôt que de faire ça, là, on se
retrouve dans un processus très compliqué, très flou et qui va nécessairement
occasionner des délais. Pourquoi le gouvernement veut ces délais-là? Pourquoi
le gouvernement procède de cette manière-là? Ça soulève de véritables
questions. Je n'ai pas la réponse.
M. Bellerose (Patrick) : Quel
type de reddition de compte est-ce que vous souhaitez? On va adopter le projet
de loi. Il va falloir, justement, faire un rapport sur les événements. Est-ce
que vous voulez qu'on voie chaque contrat? Est-ce qu'on devrait faire venir des
gens en commission parlementaire, sur plusieurs jours, pour discuter de comment
ça va fonctionner? Qu'est-ce que vous souhaitez?
M. St-Pierre Plamondon (Paul) : Bien,
comme vous avez vu de notre motion, ce matin, nous, notre priorité, c'est avoir
la certitude que ce qu'on a appris de contrats octroyés à des compagnies bidon
à l'étranger, de contrats octroyés à des amis du gouvernement, que ces cas-là
soient scrutés à la loupe. Ce n'est pas normal. Et il y en a pour 17 milliards
de dollars, de contrats.
Donc, ce que le gouvernement doit fournir
comme informations, c'est les biens reçus ou les services reçus en échange du
montant, et tous les détails permettant d'évaluer qu'il y a eu un rapport
qualité-prix acceptable. Toutes les démarches, également, effectuées pour
considérer des concurrents. Parce que le favoritisme, c'est d'identifier les
compagnies amies, et de ne pas considérer les autres compagnies. C'est pour ça
qu'on a mis en oeuvre des appels d'offres. Si le gouvernement a insisté pour
procéder sans appel d'offres dans le deux tiers des contrats, bien, on veut
l'assurance qu'ils ont fait un processus concurrentiel, qu'ils ont considéré
d'autres compagnies. Sinon, on tombe dans la zone d'ombre de s'il y a du favoritisme
ou non. Et on a déjà une révélation... je pense que c'était le Journal de
Montréal... comme quoi il y a eu des cas où c'est des amis, ce sont des
amis qui ont ramassé le contrat.
M. Bellerose (Patrick) : ...scruter
les contrats, est-ce que... Je n'ai pas vu la motion ce matin, je suis désolé,
là. Est-ce que c'est la VG, est-ce que...
M. St-Pierre Plamondon (Paul) : C'est
moi, c'est vous, c'est la VG. C'est-à-dire qu'en ce moment là, bonne chance à
quiconque veut savoir quels sont...
M. Bellerose (Patrick) : ...scruter
les contrats... Je m'excuse, là. Vous dites : Il faudrait pouvoir scruter
les contrats. Qui ferait ça?
M. St-Pierre Plamondon (Paul) : Nous,
on va le faire. Je pense que les journalistes vont le faire. Je pense que la
Vérificatrice générale va s'intéresser... au moins dans un contexte
d'échantillonnage. Parce que, bien évidemment, là, il y a un nombre
incalculable de contrats, mais au moins, qu'on puisse vérifier. La manière dont
l'information est divulguée ou, en fait, n'est pas divulguée de manière
transparente, en ce moment, rend impossible l'évaluation du rapport
qualité-prix, et rend impossible l'évaluation de si on a considéré des
compagnies concurrentes ou si on a ciblé les compagnies avec qui on avait
peut-être déjà un lien.
M. Arseneau : Est-ce que je
peux juste compléter une seconde? En fait, juste pour revenir sur la motion,
c'est que ça fait au moins quatre fois qu'on dit au gouvernement, et les autres
partis d'opposition l'ont fait également : On veut que le rapport
d'événements sur la crise, sur la pandémie soit déposé pour qu'on puisse en
prendre acte, qu'on puisse le scruter, qu'on puisse même avoir des commissions
parlementaires pour en discuter. On pourrait avoir une étude, comme une étude
de crédit, mais pour cet événement exceptionnel et inédit, et prendre le temps
de le faire, que ce soit, par exemple, à la Commission de l'administration
publique. C'est un endroit où, justement, on débat, de façon non partisane, des
dépenses publiques puis des choix du gouvernement, là, pour gérer l'État.
Alors, il me semble que ça pourrait s'appliquer.
Le problème, c'est qu'on a commencé par
dire qu'il fallait lever l'état d'urgence, et avoir le dépôt du rapport au mois
de mai. Je pense qu'on parlait du 3 mai, à ce moment-là, pour se donner, là, un
mois et demi, avant la fin de la session parlementaire, pour en discuter. Le
gouvernement a refusé, en disant : On va regarder ça, on va se donner
toute la latitude et déposer avant la fin de la session parlementaire. On a déposé
une deuxième date, vers la fin mai. Aujourd'hui, on a dit : Au début de la
dernière semaine parlementaire, le 6 juin, et le gouvernement a encore trouvé
le moyen de refuser.
Conclusion, il veut déposer son rapport,
pour éviter tout débat, pour éviter toute discussion et toute analyse... il
veut le déposer, vraisemblablement, le vendredi après-midi, après la fin des
travaux parlementaires, quand on fera notre bilan de session puis qu'on ira en
campagne électorale, à l'automne. Alors, jugez de la volonté du gouvernement de
faire preuve de transparence sur cette base-là. Évidemment, là, quand on se
pose la question, on y répond aussi. Le gouvernement ne veut pas qu'on en
débatte, il ne veut pas qu'on scrute. On va le faire, évidemment, pendant
l'été, mais ce n'est pas la façon, là, dont on aurait souhaité pouvoir jeter un
regard là-dessus.
M. Bourassa (Simon) : ...d'accord
avec le ministre comme quoi il faut garder certaines mesures pour faire face à
une éventuelle sixième vague, comme le conseille la Commissaire au bien-être et
à la santé, Mme Castonguay?
M. Arseneau : Bien, écoutez,
ce qu'on a entendu M. Paré dire, c'est que les mesures qui consistaient, par
exemple, à avoir recours à des professionnels autres que ceux qui sont
habilités à participer à la vaccination devraient demeurer en place, les
vétérinaires, les hygiénistes dentaires, et ainsi de suite, au cas où on
devrait procéder à une nouvelle période de vaccination intensive à l'automne.
Bien, je pense que ça a un certain sens, je pense que ça se défend, et c'est
une mesure qu'on ne voudrait pas empêcher de se déployer.
Si on devait aller plus loin, dans des
mesures populationnelles, comme on dit, ou restrictives, parce que la crise est
vraiment majeure, bien, il y a un outil. Il y a un outil, qui a été perverti
par le gouvernement, qui s'appelle l'état d'urgence sanitaire. Si on l'avait
utilisé avec parcimonie, bien là on pourrait dire : Les choses vont bien,
on lève l'état d'urgence. On est en mars, avril, mai, juin, tout va bien.
Rendus à l'automne, ça commence à moins bien aller. Il y a une élection le 3
octobre. Rendus en novembre, le feu est pris, état d'urgence sanitaire pour les
10 prochains jours, et là on peut mettre en place des moyens. Mais au bout de
10 jours, bien, on revient à l'Assemblée nationale puis on en discute avec
nous. C'est comme ça que ça devrait fonctionner.
C'est pour ça qu'on va revenir,
évidemment, absolument, sur l'idée de réviser la Loi sur la santé publique puis
l'utilisation de l'urgence sanitaire, parce qu'on en vient à penser
aujourd'hui, au Québec... Puis c'est l'une des seules juridictions qu'on
connaît où l'état d'urgence sanitaire est devenu un état d'urgence permanent.
Mais rappelons-nous que, si on l'avait adopté au moment où c'était l'état de
crise, pour une période limitée, on n'en serait pas là à débattre, aujourd'hui,
si c'est important de la maintenir ou pas. On l'utilise quand on en a besoin.
M. St-Pierre Plamondon (Paul) : Puis
l'autre élément, c'est que, si le gouvernement avait un bilan exemplaire dans
sa manière de dépenser les 17 milliards de dollars sans appel d'offres, le
gouvernement aurait intérêt à se précipiter puis à déposer son rapport, pour
montrer à tout le monde qu'il n'y a pas de question à se poser, que ça a été
bien fait.
Quand je vois un gouvernement s'accrocher,
pendant des mois, à des pouvoirs d'urgence sanitaire, notamment, on comprend
qu'ils vont continuer à avoir le pouvoir d'octroyer des contrats de gré à gré,
et repoussent toujours, malgré nos demandes, l'échéance de reddition de comptes
quant à quels sont ces contrats-là, la valeur... rapport qualité-prix.
Évidemment qu'on est inquiets, parce qu'on se demande qu'est-ce que le
gouvernement a à cacher à ne pas donner son rapport puis une reddition de
comptes, en temps voulu, pour qu'on puisse faire cet examen-là.
M. Bellerose (Patrick) : Donc,
a priori, on comprend que vous allez vous opposer au projet de loi. Et est-ce
que ça pourrait être légitime que le gouvernement adopte ce projet de loi là?
D'un point de vue démocratique, disons... Ils ont le droit de le faire, mais
d'un point de vue démocratique, est-ce que ça pourrait être légitime que le
gouvernement adopte le projet de loi seul et impose, justement, ces mesures-là
jusqu'à la fin de l'année?
M. St-Pierre Plamondon (Paul) : Bien,
tout est possible. Il gouverne seul depuis deux ans, en ne consultant personne
puis en n'ayant aucun compte à rendre. Est-ce que ce serait surprenant qu'ils
adoptent cette loi-là sans l'aval des oppositions? Moi, ça ne me surprendrait
pas du tout. Nous, ce qu'on va faire, par contre, c'est insister sur la
protection des données publiques puis la protection des données personnelles
des gens. Parce que là, le gouvernement est en train de nous dire : Je
vais conserver tous ces pouvoirs extraordinaires là, même si je vous dis qu'il
n'y a plus d'urgence, parce que moi, ça m'arrange. Puis ce n'est pas une bonne
réponse, ce n'est pas acceptable.
La Modératrice : Une dernière
question? Non? S'il n'y a pas d'autre question, on a terminé. Merci beaucoup.
(Fin à 14 h 30)