(Neuf heures trente et une minutes)
La Modératrice : Alors, ce
matin, M. Joël Arseneau, notre chef parlementaire et porte-parole en
matière de santé. Il sera suivi du chef du Parti québécois, M. Paul St-Pierre Plamondon.
Ils prendront ensuite les questions.
M. Arseneau : Alors,
bonjour, tout le monde, content de vous rencontrer après ces deux semaines de
travail en circonscription. Écoutez, ça fait quand même deux ans, on a souligné
le deuxième anniversaire de la pandémie, un triste anniversaire, et on a
évidemment une pensée toute spéciale aujourd'hui pour les Québécois qui ont
perdu un être cher, pour les familles qui ont été lourdement éprouvées pendant
la durée de la pandémie.
Ça fait également deux ans que le
gouvernement gouverne par décrets au moyen de l'urgence sanitaire, ce n'est pas
rien, deux ans où les règles habituelles de reddition de comptes ici, à
l'Assemblée nationale, sont suspendues et, pour l'essentiel, sans débat. Par
tous les moyens possibles, le gouvernement essaie de nous faire croire qu'il a
encore besoin de ces moyens extraordinaires pour gérer le Québec. On insiste
depuis des mois pour dire qu'il y a une différence entre la gestion de la
pandémie par décrets et l'imposition ou l'application de mesures sanitaires
pour protéger les Québécois.
Alors, évidemment, on réitère que le
gouvernement doit mettre fin à l'urgence sanitaire. On s'attend au dépôt d'un
projet de loi qui va permettre la transition de façon extrêmement rapide. Des
voix s'élèvent également, encore en fin de semaine dernière, pour dire qu'il y
avait abus de pouvoir de la part du gouvernement. Donc, je pense que le
rendez-vous est important cette semaine.
Par ailleurs, on aura également le retour
de l'ensemble des députés au salon bleu de l'Assemblée nationale. Donc, c'est
un signe de plus d'un certain retour à la normalité, donc, et un signal que le
gouvernement doit céder les pouvoirs exorbitants et extraordinaires qu'il s'est
octroyés lui-même. Je pense que cette semaine sera déterminante.
Je vous laisse en compagnie de mon chef,
Paul St-Pierre Plamondon.
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Merci, Joël. Bonjour, tout le monde. Très heureux de tenter cette expérience
de «hot room». C'est spécial.
Journaliste : ...
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Exactement. En effet, je ne m'en vanterai pas avant, on s'en reparle après.
Écoutez, je veux revenir en premier lieu sur la nouvelle de ce matin, à savoir
qu'on est rendus à 17,4 milliards de dollars en contrats octroyés sans
appel d'offres par le gouvernement de la CAQ. On constate que, même avant la
pandémie, la CAQ aimait ça, les contrats sans appel d'offres, était déjà rendue
à 4,5 milliards de dollars octroyés sans appel d'offres. C'est beaucoup
plus que la moyenne des gouvernements précédents. C'était autour de 1,8 milliard
de dollars à l'époque. Donc, un constat est indéniable, c'est dangereux pour
nos finances publiques.
Et la CAQ aime ça contourner les règles et
les institutions. On l'a vu avec les commissions parlementaires, on le voit
avec des règles de base pour prévenir la corruption, comme les appels d'offres.
Et, comme le disait Joël, il n'y en a pas, de justification pour une
gouvernance par décrets puis des contrats sans appel d'offres à ce stade-ci. On
a déjà des indications précises et factuelles que des contrats ont été octroyés
à des entreprises fantômes, des contrats ont été octroyés, puis, clairement, il
y a un aspect bidon dans la piètre qualité de la livraison. Ça donne lieu à une
culture du favoritisme où on sait que le gouvernement a appelé des amis, dans
au moins un cas.
Donc, tout ça, là, on peut parler de Jean
Charest très longtemps puis de son époque sombre de gouvernance, mais il faudrait
ouvrir les yeux sur ce qui se passe en ce moment : 17 milliards de
dollars pour lesquels on n'a aucun mécanisme pour vérifier si on a obtenu une
valeur, un rapport qualité-prix qui a du bon sens. Donc, ce qui m'inquiète
énormément, c'est la dilapidation des fonds publics. Et on parle beaucoup de
pandémie et de quand est-ce qu'on va pouvoir enlever les masques. Moi, ce que
je vous dis, ce matin, c'est que les masques vont véritablement tomber quand on
va découvrir la portée de ces contrats-là et les problématiques qui sont déjà
révélées par les journalistes quant à l'absence de rapport qualité-prix ou,
potentiellement, du favoritisme par le gouvernement. C'est cette journée-là que
les masques vont véritablement tomber.
Je veux revenir également, rapidement, sur
la question du français et revenir au nationalisme qu'on peut qualifier
d'homéopathique de la CAQ. Je suis très surpris de la sortie de Sonia LeBel,
qui semble complètement étonnée de voir que le gouvernement fédéral ne
collaborera pas sur l'application de la loi 101 aux entreprises à charte
fédérale. Elle se comporte comme si elle ne l'avait pas vu venir et elle ne
prend pas la responsabilité de ce que la CAQ a mis de l'avant, à savoir que la
CAQ nous a promis des gains dans le Canada, nous a promis de démontrer que ça
fonctionnait, le Canada, au niveau notamment de la langue. Et le constat
d'échec, il est cuisant. Et ce n'est pas parce que Mme LeBel va taper du
pied en disant : Ce n'est pas correct faire ça, que ça va changer quoi que
ce soit. Il faut en tirer les conclusions.
Et, si vraiment Mme LeBel a à coeur l'avenir
de la langue française, au lieu de taper du pied auprès d'un gouvernement
fédéral qui n'a aucune écoute pour la CAQ — on se souviendra qu'ils
ont indiqué de voter conservateur lors des dernières élections — pourquoi
ne tape-t-elle pas du pied puis ne parle-t-elle pas avec plus de conviction
dans son propre Conseil des ministres par rapport à la question de la
loi 101 au cégep, qui, de l'avis de tous les experts et de plus en plus de
cégeps, devrait s'appliquer, là, partout au Québec? Pourquoi cette décision-là
n'est-elle pas prise par la CAQ? Ça, c'est la vraie question qui, je crois,
devrait être posée à Sonia LeBel.
La Modératrice : On va
prendre des questions. Une question, une sous-question.
M. Lachance (Nicolas) : Êtes-vous
étonné de voir que cette année, en 2022, là, depuis janvier 2022, 68 % de
l'argent contractuel, qui a été mis dans les contrats, a été octroyé de gré à
gré? Donc, 68 % de l'ensemble des sommes dépensées dans des contrats, c'est
des gré à gré encore en début 2022, alors que... Bon, c'est vrai que la
pandémie est encore là, mais est-ce que ça justifie que plus de la moitié de l'argent
public soit dépensé de gré à gré?
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
68 % des contrats qui sont sans appel d'offres, ce n'est pas étonnant,
c'est épeurant. 17 milliards de dollars, c'est beaucoup, beaucoup d'argent.
Et ce qu'on voit, c'est que... Évidemment, les gens comprennent qu'on octroie
des contrats sans appel d'offres, lorsque c'est du matériel médical urgent,
mais ce qu'on voit, en fait, c'est que c'est dans tous les domaines. Des
ministères qui ne sont absolument pas en situation d'urgence en ont profité
pour octroyer des contrats suivant des critères qu'on ne connaît pas.
Et revenons à la logique de l'appel d'offres.
C'est pour éviter le favoritisme, éviter ce qu'on a découvert à la commission
Charbonneau, c'est-à-dire des cotes, des extra, des amis. C'est pour ça qu'on a
des appels d'offres. Ils doivent être améliorés, ces appels d'offres là, je
pense qu'il y a une réforme qui est nécessaire. Mais, plutôt que de réformer le
processus d'appel d'offres, le gouvernement fait simplement un contournement d'une
règle fondamentale.
Et allez voir, moi, je suis allé voir ce matin,
là, je consultais la liste, parce qu'on nous dit qu'ils ont été transparents, essayez
de trouver dans cette liste-là une quelconque information sur combien de
compagnies ont été considérées, pourquoi on a choisi une telle compagnie et
quel rapport qualité-prix on obtient entre la marchandise ou le service, d'une
part, et le prix payé, d'autre part. Ça ressemble étrangement à la divulgation
caviardée, c'est-à-dire, le gouvernement nous dit : Bonne chance pour
trouver puis comprendre quoi que ce soit sur comment on a dépensé
17 milliards de dollars sans appel d'offres.
Donc, quand je vous dis que les masques
vont tomber bientôt, c'est qu'on va découvrir la portée et les conséquences de
cette manie-là qu'a le gouvernement, pour le deux tiers des contrats, à
contourner les règles qui préviennent la corruption, qui garantissent l'éthique.
M. Bossé (Olivier) : Mais
est-ce qu'on va avoir besoin d'une deuxième la commission Charbonneau pour ce
17 milliards là?
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Je l'ignore. En fait, je ne le souhaite absolument pas, mais je pense qu'il
faut s'ouvrir les yeux comme société. Pourquoi le gouvernement étire la sauce à
ce point?
M. Bossé (Olivier) : ...le
lien avec Jean Charest, là, quand même.
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Oui, c'est ça. Il faut ouvrir les yeux sur maintenant. Et moi, je pose la
question : Qu'est ce que la CAQ a à cacher? Pourquoi la CAQ maintient-elle
la gouvernance par décrets puis l'absence d'appel d'offres, alors que tout ce
qu'elle avait à faire, au cours des derniers mois, c'est tout simplement ne pas
renouveler l'état d'urgence? Puis adapter, là, les quelques éléments, là, ça
aurait pris 48 heures. Qu'est-ce que la CAQ cherche à faire lorsqu'elle
maintient artificiellement la gouvernance par décrets et l'octroi de contrats
sans appel d'offres? Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple? Qu'est-ce
que ça veut dire, 17 milliards de dollars sans appel d'offres, pour nos
finances publiques, pour ce qu'on va découvrir? Moi, je suis très inquiet.
M. Lachance (Nicolas) : Le
gouvernement promet une reddition de comptes, mais c'est quel genre de
reddition de comptes que vous aimeriez avoir? Ça ressemblerait à quoi?
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Bien, c'est le rapport d'évènement dont on a besoin, c'est-à-dire quelles
compagnies ont été considérées…
M. Lachance (Nicolas) : Il
y en a, là, c'est à l'infini pratiquement, là, c'est énorme, le nombre de
contrats qu'il y a eu.
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Bien, ça va avec la responsabilité...
M. Lachance (Nicolas) : ...devrait
faire ça? Comment le faire?
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Le gouvernement, parce que, sinon, c'est la Vérificatrice générale qui va
le faire.
M. Lacroix (Louis) : Mais
est-ce que vous demandez à la vérificatrice de le faire? Parce qu'on peut
demander des mandats.
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
On l'a déjà demandé. Vous vous souviendrez, quand on a eu la révélation
comme quoi il y avait des compagnies bidon à l'étranger, on a déjà demandé l'implication
de la Vérificatrice générale. Ça relève de sa décision. Mais en termes de...
M. Lacroix (Louis) : Est-ce
que vous l'avez fait formellement avec une lettre envoyée à la vérificatrice
pour lui demander de se pencher là-dessus?
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Je vais revenir à comment on avait fait la demande. Oui, hein, c'est le
cas? On l'avait faite par écrit.
Donc, je pense que le gouvernement a l'obligation,
dans la loi, si on respecte l'esprit de la loi... Évidemment, on peut être de mauvaise
fois, puis envoyer juste un chiffre puis un autre contrat, puis dire :
Arrangez-vous, faites une demande d'accès à l'information puis vous aurez
peut-être l'information caviardée dans 60 jours. Ça, c'est de la mauvaise
foi. Si le gouvernement est véritablement transparent, il va nous fournir
quelles compagnies ont été considérées, quels services ou quel matériel ont été
obtenus, pour quel prix, de manière à ce que des journalistes, par exemple,
puissent regarder s'il y a un problème de rapport qualité-prix lorsque, par
exemple, on engage une compagnie du Mexique qui est spécialisée dans les appels
téléphoniques pour du matériel médical. Quand on a des révélations comme
celle-là, là, je pense qu'il faut peser sur le lumineux rouge et réaliser qu'il
y a potentiellement un problème important sur le plan du rapport qualité-prix
obtenu.
M. Robillard (Alexandre) : Qu'est-ce
que la CAQ aurait à gagner en favorisant certaines entreprises plus que
d'autres, selon vous?
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Bien, c'est-à-dire que je ne le sais pas, moi, pourquoi un sous-ministre a
appelé son ami pour un contrat de 21 millions de dollars, là. Ça, c'était
une révélation qu'on a eue il y a quelques semaines. Je ne sais pas exactement
quel agenda... Moi, ce que je sais, c'est que les partis d'opposition ont le
devoir de protéger le trésor public puis de demander des comptes. Puis, quand
il y en a pour 17 milliards de dollars de contrats pour lesquels on n'a
aucune manière de savoir comment les décisions sont prises, quelle valeur est
obtenue, c'est très dangereux, puis on a le droit à cette reddition de comptes
là.
M. Robillard (Alexandre) : ...dans
le passé, on a fait le lien avec les contributions politiques. Et donc, là,
vous, qu'est-ce que... Pourquoi ça vous inquiète, là, cette apparence de...
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
J'espère qu'on ne se retrouvera pas à nouveau là, là. Je sais où est-ce que
vous vous en allez.
M. Robillard (Alexandre) : Bien,
moi, je vous pose des questions, là. C'est vous qui... vous allez où vous
voulez, mais...
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Oui, oui. Je n'ai pas de réponse factuelle pour vous ce matin de ce qu'on
va trouver quand on va faire l'examen de ces 17 milliards de contrats sans
appel d'offres. Ce que je vous dis, c'est qu'un gouvernement qui s'accroche à
ce point-là, depuis des mois, à la gouvernance par décrets pour donner des
contrats sans appel d'offres, c'est très inquiétant quand on sait qu'il y a des
contrats envoyés à des amis puis des contrats envoyés à des compagnies bidon.
M. Robillard (Alexandre) : ...ce
que vous dites, c'est que plus il s'accroche, plus il soulève des doutes sur
ses motivations.
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Bien oui, puis là on ne peut pas exclure les élections là-dedans. Plus il
s'accroche, plus les délais pour que les journalistes et les oppositions
fassent une évaluation réelle, précise de comment ces 17 milliards de
dollars là ont été dépensés dans la réalité... plus le temps manque, là.
M. Robillard (Alexandre) : Mais
est-ce que, plus il s'accroche, plus il crée la perception qu'il a un gain à
tirer de la situation?
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Plus il s'accroche, plus il crée la perception fondée qu'ils ont quelque
chose à cacher, qu'ils ont une raison de gouverner en contournant les règles.
Parce que ce n'est absolument pas nécessaire, depuis des mois, d'y aller de gré
à gré, là. L'appel d'offres n'est pas un empêchement à gérer la pandémie.
M. Lachance (Nicolas) : Mais
la ligne est mince parce qu'il y a quand même une situation d'urgence. Par
exemple, si on prend le 105 millions de gré à gré à Cossette pour de la
publicité, tu sais, pour la COVID, concernant la COVID, est-ce qu'on aurait dû
aller en appel d'offres? C'est quand même 105 millions, là, c'est beaucoup
d'argent public...
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
C'est beaucoup d'argent.
M. Lachance (Nicolas) : ...à
une seule entreprise de communication. Est-ce qu'on aurait dû aller en appel
d'offres là-dessus?
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Bien, à tout le moins, à ce stade-ci, on aurait le droit de savoir est-ce
que d'autres compagnies ont été considérées puis quel était le prix demandé par
les autres compagnies.
M. Lachance (Nicolas) : ...décret
d'urgence, il n'y en a pas, là.
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Mais c'est ça. Mais c'est là que la reddition de comptes qui est prévue
dans la loi, avec un rapport complet, devient absolument nécessaire. Parce
qu'évidemment que, quand tu détiens 17 milliards de dollars que tu peux
donner à qui tu veux dans la société québécoise, c'est tentant de faire
plaisir.
M. Lacroix (Louis) : Mais,
en citant tout à l'heure, là, M. Charest, le passé de M. Charest puis
la commission Charbonneau... À cette époque-là, il y avait des soupçons de
collusion et de favoritisme. Est-ce que vous avez les mêmes soupçons en ce
moment à l'égard de la situation des contrats sans appel d'offres?
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Je suis inquiet. Je suis inquiet parce que la commission Charbonneau nous
disait qu'il fallait réformer le processus d'appel d'offres. Moi, je faisais
partie du comité de suivi sur les recommandations de la commission Charbonneau
et je me souviens très bien qu'une des recommandations c'était d'améliorer le
processus d'appel d'offres pour mieux protéger les deniers publics. Qu'est-ce
que la CAQ a fait? Aucune réforme, mais elle a enlevé le garde-fou
complètement. 68 % des contrats octroyés sans appel d'offres, de gré à
gré, à qui on veut, sans reddition de comptes. Si les lumineux rouges
n'allument pas, en ce moment, il va être trop tard, là.
Puis, rappelez-vous, j'ai demandé
notamment à ce qu'on poursuive les compagnies bidon pour rapatrier l'argent, il
y a un an, quand on a appris que des centaines de millions de dollars avaient
été donnés à des compagnies bidon. Qu'est-ce qu'a fait la CAQ? Zéro. Zéro.
Donc, c'est très inquiétant, comme gouvernance, comme transparence, comme
absence de transparence.
M. Poinlane (Pascal) : Mais,
à vos yeux, une fois que l'urgence sanitaire va être levée, est-ce qu'il n'y a
plus de problème, puis on va retourner aux règles de base, donc ça va être
terminé, le problème, ou vous pensez qu'il va y avoir un effet, puis on a pris
un mauvais pli à quelque part?
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Bien, il y avait déjà un mauvais pli puisque la CAQ utilisait trois fois
plus les contrats sans appel d'offres en moyenne, avant la pandémie, que les
gouvernements précédents. Donc, il y a quelque chose, dans la gouvernance de la
CAQ, où on aime simplifier les choses en contournant les règles et les
institutions. On l'a vu souvent au cours des dernières années. Ça avait lieu
avant la pandémie.
Moi, ce que je vous dis, c'est : Quand
17 milliards de dollars ont été octroyés dans des contrats de gré à gré
pour lesquels on n'a aucune information, là, ce n'est pas respectueux des
payeurs de taxes. C'est vraiment une insulte à l'intelligence des citoyens, qui
ont droit, parce qu'ils travaillent pour cet argent-là, d'avoir des mécanismes
qui garantissent qu'on a un bon rapport qualité-prix. Puis là la CAQ s'accroche
à cette manière de gouverner là depuis des mois, et c'est très inquiétant.
Mme Lévesque (Fanny) : Sur
l'urgence sanitaire, là, puis de façon plus large, est-ce que vous êtes d'accord
avec ce principe-là? De ce qu'on en sait jusqu'à présent, c'est qu'on va mettre
des mesures de transition pour être capable de réactiver tout le processus de
crise sans avoir recours à l'état d'urgence sanitaire. Ça, pour vous, ça fait
du sens ou... C'est quoi, vos attentes spécifiquement liées à la pandémie?
M. Arseneau : Bien, si
on exclut la question des contrats, parce qu'on a tout à fait... Il n'y a pas d'urgence
à acquérir, par exemple, du matériel. Si on n'a pas fait les provisions en
termes d'inventaire, par exemple, on a un foutu problème.
Donc, on parle essentiellement des mesures
sanitaires. On parlait du port du masque, par exemple, on parlait des
conditions de travail du personnel de la santé. Et là on nous dit : Bien,
est-ce que les partis d'opposition ne sont pas d'accord avec le fait qu'on
conserve des primes pour s'assurer qu'on puisse soutenir le réseau? Pas plus
tard que vendredi dernier, on annonçait l'abolition des primes, là, un peu
partout dans l'appareil, dans le réseau de la santé. Alors, il faut que le
gouvernement soit cohérent. Il faut qu'il dépose un projet de loi qui nous
permettrait, justement, de réagir de façon rapide, si besoin est, mais pour une
période de transition.
Mais j'ose espérer que le gouvernement ne
va pas faire l'économie du débat sur la révision, par exemple, de la Loi sur la
santé publique et sur la question de l'état d'urgence sanitaire, puis de la
reddition de comptes, puis du débat qu'on doit avoir à l'Assemblée nationale.
Donc, moi, en fait, ce à quoi je m'attends,
c'est que le projet de loi soit déposé — demain, je pense, qu'on a
annoncé — et qu'il soit le plus simple possible, en quelques
articles, avec des mécanismes, justement, qui permettent d'utiliser au minimum
des pouvoirs, disons, extraordinaires ou qui contournent, là, les règles
habituelles de gouvernance.
Mme Lévesque (Fanny) : Est-ce
que vous allez demander, par exemple, des espèces de garde-fous? Par exemple,
si on arrive à une sixième vague puis qu'on se donne la possibilité de
réactiver, si on le veut ou si on le souhaite, le passeport vaccinal, des
mesures comme ça qui ont été quand même controversées au cours des derniers
mois, donc, est-ce que vous allez exiger des critères précis pour...
M. Arseneau : Oui, bien,
ce que j'allais dire... Les balises, les indicateurs, les critères, on les a
demandés depuis deux ans...
Mme Lévesque (Fanny) : Vous
ne les avez pas eus.
M. Arseneau : Et on ne
les a pas eus. Alors, il est clair que, si le gouvernement aujourd'hui dépose
un projet de loi et qu'il veut la collaboration des oppositions, il va falloir
qu'il nous donne un certain nombre de balises pour qu'on puisse débattre
ensemble de ce qui est urgent, pour la société québécoise, à mettre en place.
Sinon, l'exercice est complètement factice et inutile.
Mme Lévesque (Fanny) : Vous,
M. Arseneau, allez-vous vous représenter aux prochaines élections?
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
On a une annonce.
M. Arseneau : Écoutez, j'imagine
que vous faites référence au fait que ma collègue députée de Gaspé a annoncé qu'elle
serait de retour, qu'elle va briguer un second mandat. Moi, je prévois une
annonce d'ici la fin du mois.
Journaliste : Pour dire quoi?
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Juste revenir là-dessus, je veux juste spécifier qu'il y a les fonds
publics, prévention de la corruption, prévention de mauvais contrats à des
compagnies bidon ou mauvais rapport qualité-prix, mais, pour la suite des
choses, il y a aussi la qualité des décisions. Quand des décisions qui
affectent la société québécoise et qui affectent, potentiellement, la cohésion
entre les Québécois, là, ne sont pas débattues, sont prises en catimini par une
cellule de crise où la majorité des gens sont des experts en communication, là,
ça, on ne veut plus jamais retourner là-dedans. Dorénavant, là, s'il y a d'autres
situations sur le plan sanitaire, les décisions importantes doivent absolument
être débattues, et nous, on ne fera aucun compromis là-dessus. C'est le ton qu'on
a adopté dès la rentrée, en janvier, puis on va maintenir ce cap-là. Il n'y en
a pas, d'excuse pour ne pas débattre de décisions importantes, surtout quand on
apprend des choses comme, par exemple, là, pour le couvre-feu ou ce qu'on nous
a suggéré, là, par rapport au fait que la Santé publique était derrière ça.
Quand on vérifie, on gratte, comme ça a été souvent le cas, on se rend compte
que ce n'est pas tout à fait ça. On ne nous a pas dit tout à fait la vérité,
là, on a joué avec la vérité.
Mme Lévesque (Fanny) : Vous
allez exiger que ce soit inscrit dans le projet de loi, qu'il y ait cet
espace-là de débat pour les prochaines vagues ou pour les prochaines crises?
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Oui, bien... Ou, si ce n'est pas dans le projet de loi, de réduire les
pouvoirs spéciaux du gouvernement pour que la normalité ait lieu. La normalité,
c'est de débattre, donc c'est de ne pas tout retirer les pouvoirs de
l'Assemblée nationale pour les donner à une cellule de crise en communication.
Puis ça, c'est la normalité. Donc, c'est vraiment de limiter les champs
d'action du gouvernement à ce qui est absolument nécessaire, tout en
garantissant que les deniers publics sont bien dépensés mais également que
toutes les voix au Québec sont entendues avant de prendre des décisions
importantes, pas seulement les intérêts électoraux de la CAQ.
M. Robillard (Alexandre) : ...pensez-vous
qu'on s'en va vers une sixième vague?
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Ça, c'est vraiment aux scientifiques de nous le dire, mais je pense qu'il
faut éviter certaines erreurs du passé et regarder attentivement ce qui se
passe ailleurs.
Journaliste
: ...
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
À nouveau, là, ça, c'est la Santé publique qui va nous dire. Mais une erreur
qu'on a faite par le passé, c'est de décider de ces questions-là avant même
d'avoir des données fiables. Souvenez-vous, le 7 décembre dernier, quand
on a annoncé 20 personnes à Noël, c'était impossible d'avoir des données
épidémiologiques fiables pour prendre cette décision-là. Ça a cassé le moral
des gens. Donc, si on a des décisions à prendre pour la suite, dans un contexte
d'incertitude, attendons d'avoir des données fiables avant de prendre des
décisions. Et le reste, ça relève de la Santé publique.
La Modératrice : Une dernière
en français, s'il vous plaît.
Mme Côté (Claudie) : ...question
sur le budget. Vous n'avez pas fait encore vos propositions concernant le
budget la semaine prochaine. Est-ce que des chèques, c'est une bonne idée pour
contrer l'inflation?
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
On va revenir sur nos propositions. Ce qu'on a déjà mis sur la table, nous,
c'est le gel des sociétés d'État pour un an, pour donner de l'oxygène...
Pardon?
M. Arseneau : Le gel des
tarifs.
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Le gel des sociétés d'État... Non, c'est ça, il faudrait qu'elles
continuent à fonctionner. Le gel des tarifs des sociétés d'État. Nous, on est
de l'école qu'il faut absolument se demander quelles politiques publiques
peuvent faire baisser les prix dans certains domaines. Ce qui nous inquiète le
plus, c'est de voir l'inaction du gouvernement par rapport à la bulle immobilière
puis à la crise du logement. Les gens s'appauvrissent. Puis ce qu'on
constate... Pour l'essence, l'inflation, nous, on propose des mesures pour
baisser les prix puis on va vous revenir avec les propositions, là,
prébudgétaires.
Mme Côté (Claudie) : ...ça va
être un chèque, éventuellement.
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Je ne présume pas du plan du gouvernement. Ce que je vous dis, c'est que
nous, on va arriver avec des propositions. On verra ce que le gouvernement
offre. Mais je souligne que l'appauvrissement des Québécois sous la CAQ se
compte en milliers de dollars et notamment parce que, vis-à-vis une bulle
immobilière puis une inflation galopante, les politiques publiques qui auraient
pu freiner ces dynamiques-là puis protéger les consommateurs n'ont pas été
prises en temps utile. Et là l'endettement ou l'appauvrissement des familles
québécoises se compte en milliers de dollars par année.
Puis c'est ça, le vrai test de la réalité
pour la CAQ, là. Ils ont beau nous rappeler qu'en 2018 ils ont fait un
engagement puis ils ont fini par le faire, là, si, dans la poche des
Québécoises et des Québécois, il y a 2 000 $, 3 000 $,
4 000 $ de moins cette année puis qu'ils ne sont pas capables de
rejoindre les deux bouts, là, on va aller au-delà des communications puis du
marketing puis on va demander des comptes à la CAQ.
M. Poinlane (Pascal) : Sur
l'affaire Carpentier, rapidement, c'est quoi vos attentes par rapport à la
ministre Guilbault, là — je ne sais pas si vous êtes au courant du
dossier — sachant que la SQ n'a plus ses opérations de recherche,
sauf à Montréal, mais on a coupé dans les régions, puis ça a possiblement causé
les problèmes de recherche, là?
M. Arseneau : Bien, il y
a des révélations troublantes qui ont été faites, à plusieurs égards, par
l'émission Enquête. Ce qu'on peut dire aujourd'hui, c'est qu'on n'est
pas allés au bout de l'exercice, dans l'enquête, et d'entendre des témoins ce
serait peut-être une bonne idée. Donc, il y a des éléments qui semblent avoir
été écartés ou pas considérés par la coroner, là, ou le Bureau du coroner.
Mais, au-delà de ça, c'est la
responsabilité ministérielle qui est en cause aujourd'hui. C'est-à-dire qu'en
février 2019 on a aboli l'unité d'urgence permanente à la Sûreté du Québec.
Est-ce que la ministre était au courant de l'abolition d'un service comme
celui-là? En voyant les résultats auxquels on a droit, là, un an plus tard, dans
une période où deux personnes, deux enfants étaient portés disparus et qui a
donné lieu à des opérations, là, pour le moins difficiles et un certain
cafouillage, un manque de compétence, un manque de ressources, un manque de
coordination, et qu'aujourd'hui, bien, on nous dise que la Sûreté du Québec va
faire le travail en temps utile… Moi, je m'attendais à ce que la ministre nous
dise que ce fut une erreur de la Sûreté du Québec d'abolir une équipe d'enquête
comme celle-là et qu'elle va s'assurer que l'équipe soit reconstituée et que la
compétence de la Sûreté du Québec à cet égard soit reconstituée. Parce que, là,
on voit qu'on est toujours à risque, selon le témoignage même de certains
policiers.
Alors, la situation est grave, et l'espèce
de nonchalance de la ministre dans sa réponse, pour moi, relève d'une absence
de responsabilité ministérielle à l'égard de ce que la police a fait et fait
maintenant.
La Modératrice : On va passer
aux questions en anglais...
M. Lachance (Nicolas) : ...avant
de prendre une décision, M. Arseneau?
M. Arseneau : Ah! Pas du
tout. Vous savez que l'élection dans Marie-Victorin, c'est le 11 avril. Et
la fin de mars, bien, viendra avant l'élection.
La Modératrice : En anglais,
s'il vous plaît.
Mme Senay
(Cathy) : I just would like to jump back,
Mr. Arseneau, on the Carpentier sisters. You have the impression that Mrs.
Guilbault is dragging her feet to, basically, make changes that would make sure
that the mistakes that the SQ did won't happen again?
M. Arseneau : Yes. One sure thing is we didn't get the full story. At the time of
the disappearance of the two kids, we thought that was particularly slow, that
no search operations were conducted during the night. It took a while, a long
time before the AMBER Alert, you know, was launched. And now we learn all sorts
of troubling facts. So that's one thing. Maybe the inquiry didn't go as far as
it should. So, that's one thing, I think it should continue.
But moreover, what we
learned is that the reason why the operations were so confused was because a
special unit, emergency unit was disbanded a year prior under the CAQ
Government. And the question is : Was the Minister aware of that? Did she,
you know, approve of that decision? And does she think it's a good idea today?
Because we're still at risk. And if she believes that, you know, what police
officers say today, that they wouldn't be anymore prepared... any better
prepared to act, then she should certainly send a message to the Sûreté du
Québec that something has got to be done and some kind of special unit has to
be reintroduced, reinstated, so we can reassure Quebeckers that we're, you know, ready for such an operation when it happens.
Mme Senay (Cathy) : Mr. St-Pierre Plamondon, a year ago, Québec's Auditor General
confirmed that she will investigate the expenses of the Legault Government
during the pandemic, including contracts and the buying of equipment. So, what
are you asking her today? Do you want her to speed up her examination, so we
know what's happening with this $17 billion of contracts? Because she has
started her investigation already, so I'm not sure what are your expectations.
M. St-Pierre
Plamondon (Paul) : Of course, the Vérificatrice générale has the power to
determine what's appropriate or not. So, it's not for me to tell her what to
do. But...
Mme Senay (Cathy) : ...
M. St-Pierre
Plamondon (Paul) : But there are objective
fears about what's going on right now. And I think it's important that this
institution gives us an accurate picture of what happened in due course, in a
useful frame of time, a period of time. If we get that information, next November,
we cannot evaluate what actually the CAQ did. And it's very hard to see through
how the CAQ governs, in general. During the pandemic, transparency was a
problem, how the decision making is done. They already like a lot not going to
«appel d'offres», I'm sorry...
Des voix : Call for tenders.
M. St-Pierre Plamondon
(Paul) : Call for tenders. I'm sorry. So, I
think, for that inquiry that is a very normal step in a democracy,
Vérificatrice générale is a very important institution. For that work to be useful
for Québec, for our citizens, for every political party, we need to have at
least some partial results, some partial evaluation of how that $17 billion
were spent. It's huge amounts of money. And we cannot just go to the next
election saying : We have just no idea how that was spent. We know it was
not going through tenders, we know that, in some cases, it was given to some
friends or to some companies that have no legitimacy, somewhere in Mexico, we
know that, but otherwise will go to the elections with no information
whatsoever. I think the Vérificatrice générale needs to enlighten that question
that is very serious, given the large amounts that are in stake.
Mme Senay
(Cathy) :
...look
at every contract and speed up her investigation?
M. St-Pierre
Plamondon (Paul) :
Yes. And, in the event that, with the limited resources at the Vérificatrice générale, all contracts cannot
be examined in detail, you could have some...
Mme Senay
(Cathy) : Major ones.
M. St-Pierre
Plamondon (Paul) : ...yes, major ones or just
random examinations, so to have a global picture of what actually happened in
due course.
M. Wood (Ian) : Do you think the Government is corrupt?
M. St-Pierre
Plamondon (Paul) : No. What I think is the Government... We need to stick to the
facts. The Government likes
this style of governance where
there is no debate and no questions asked about how the contracts were given here and there without
tender. This, in itself, is a very serious problem. So, it's not for me to try
to understand the intention of the Government or how good or how bad this situation is. It's for me to say :
We need this information. You
cannot hide from us $17 billion worth of contracts in terms of who, why and what's the value
for money. If we don't get that information before the elections, we should
understand that there are serious problems in terms of transparency and in terms of what we're actually going to discover once we have that
information. C'est bon?
La Modératrice
: C'est
tout pour les questions, merci beaucoup. Bonne fin de journée.
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Merci.
(Fin à 10 h 4)