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Bois-de-Coulonge

Définition

Domaine situé aux abords du fleuve Saint-Laurent à Québec (vieux Sillery). Il sert de résidence officielle au lieutenant-gouverneur du Québec de 1867 à 1966, année où un incendie détruit le bâtiment principal. Depuis 1967, le site est un parc public.

L'endroit porte le nom de « Spencer Wood » jusqu'en 1950.

Historique
La Châtellenie de Coulonge (1649-1766)

Le 17 octobre 1649, Louis d'Ailleboust de Coulonge et d'Argentenay, deuxième gouverneur et lieutenant général de la Nouvelle-France, acquiert une terre de 50 arpents appartenant à Nicolas Gaudry, dit Bourbonnière. La même année, il y fait construire une demeure qu'il nomme « Coulonge la Magdeleine »1. Le 22 mars 1653, il agrandit son domaine en se faisant céder la terre dite « de Belleborne », située entre les ruisseaux Saint-Denis et Belleborne. Ce nouveau terrain de 160 arpents correspond en partie à l'actuel parc du Bois-de-Coulonge2.

Le 9 avril 1657, la Compagnie de la Nouvelle-France érige le domaine de Coulonge en fief de dignité3 en reconnaissance des services rendus par d'Ailleboust à la colonie. Le domaine devient ainsi la seule châtellenie de la Nouvelle-France4. À la mort d'Ailleboust en 1660, son épouse, Marie-Barbe de Boullogne, hérite de la châtellenie. Un conflit naît quand Charles-Joseph d'Ailleboust des Muceaux, neveu du défunt, revendique la moitié du domaine. La veuve d'Ailleboust accepte de la lui céder et, quelques années plus tard, en juillet 1670, elle donne sa part à l'Hôtel-Dieu de Québec, où elle s'est retirée.

Le 2 octobre suivant, les Sœurs hospitalières acquièrent l'ensemble de la châtellenie, qu'elles conservent jusqu'en mai 1676. Elle est alors rachetée par le Séminaire de Québec, qui reste propriétaire du terrain pendant plus de deux siècles5.

De Powell Place à Spencer Wood (1766-1950)

Après la conquête britannique, des difficultés financières poussent le Séminaire à concéder des portions de ses possessions. Le 11 avril 1766, la partie centrale de la châtellenie est concédée aux commerçants Antoine Orly et John Mayer en retour d'une rente seigneuriale.

En 1780, les terres d'Orly et de Mayer sont achetées par l'arpenteur général de la province, Samuel Holland. Celui-ci agit en son propre nom, mais aussi en celui du brigadier-général Henry Watson Powell. Holland se réserve le terrain situé au nord du chemin Saint-Louis, alors que Powell s'installe au sud-est. Cette partie prend alors le nom de Powell Place, qui sera conservé jusqu'en 18116.

Powell y fait construire une luxueuse demeure. Bâtie dans une architecture classique de style palladien, elle comprend quatre pièces de réception au rez-de-chaussée et un escalier monumental qui mène aux chambres à coucher7.

En 1797, Powell se retire en Angleterre et Powell Place est racheté par Patrick Beatson, un riche constructeur de navires. Ce dernier meurt peu de temps après et le domaine est racheté le 7 novembre 1801 par François Le Houiller, marchand parfumeur de Québec. Entre 1807 et 1811, il loue la propriété à Sir James Henry Craig, gouverneur du Bas-Canada. Celui-ci, surnommé « le petit roi », y organise des fêtes et des activités mondaines particulièrement courues8.

Le 3 avril 1811, Le Houiller vend Powell Place à Michael Henry Perceval, percepteur impérial des douanes à Québec. Le nouveau propriétaire renomme par la suite le domaine « Spencer Wood », en l'honneur de son oncle, l'Honorable Spencer Perceval, premier ministre de Grande-Bretagne. Ce choix déplait à l'élite francophone, puisque ce dernier était réputé pour son dégoût de la culture française, des Canadiens français et des catholiques9.

Perceval et son épouse, Anne-Mary, donnent d'impressionnantes réceptions au domaine : tous les lundis, ils organisent des bals dansants ou de grands concerts. Leur occupation des lieux prend toutefois fin en octobre 1829, alors que Perceval meurt en mer en voyage vers l'Italie10.

Le 18 mai 1835, ses héritiers vendent le domaine à un riche négociant de Québec, Henry Atkinson. Président de la Société d'horticulture, il met à profit ses talents en aménageant de splendides jardins sur le domaine. Il y élève en outre des vaches, des moutons, des volailles et des chevaux, en plus de cultiver le blé et les pommes de terre11.

Atkinson agrandit sa demeure en y ajoutant une aile de deux étages au décor néoclassique, avec au toit, un puits de lumière ainsi qu'un jardin d'hiver dans l'aile ouest. Décrit comme un homme au goût raffiné, il meuble la propriété d'œuvres d'art et d'antiquités achetées en Europe, dont de nombreuses peintures et gravures12. En 1844, il fait construire une deuxième résidence sur le domaine, qu'il baptise Spencer Grange. Il y aménage plusieurs jardins de fleurs ainsi qu'une grande serre où il cultive entre autres l'oranger, le pêcher et l'amandier13.

Après l'incendie des édifices du parlement de Montréal en avril 1849, le gouvernement de la province du Canada décide de siéger à Toronto et à Québec en alternance tous les quatre ans. Cette situation, qui perdure jusqu'à ce que la reine Victoria fixe la capitale à Ottawa en 1857, pose le défi de trouver un lieu adéquat pour loger le gouverneur général dans les deux capitales14.

Le gouvernement propose alors de louer à cet effet Spencer Wood, avec promesse d'achat. En octobre 1851, le gouverneur James Bruce, 3e comte d'Elgin, arrive à Québec et est logé brièvement à l'hôtel Albion, situé sur la côte du Palais. Six mois plus tard, il emménage à Spencer Wood, où il habite jusqu'en décembre 1854. Atkinson se retire quant à lui à Spencer Grange, désormais entièrement détaché de Spencer Wood devenu résidence vice-royale15.

Le contrat de vente définitif de la concession est signé le 25 juin 1854 et inclut une clause stipulant que Spencer Wood « [doit] être affectée pour toujours à l'usage du gouvernement civil de la province, et à nul autre16  ».

Le successeur d'Elgin, Sir Edmund Walker Head, ne s'installe à Spencer Wood qu'au début de l'année 1860. Le 28 février de la même année, un grave incendie ravage complètement la villa17. Le gouverneur est relogé temporairement chez monsieur Price, tout près, à Wolfefield, puis au domaine Cataraqui. En 1861, le nouveau gouverneur, Charles Stanley Monk, demande la reconstruction d'une résidence vice-royale à Spencer Wood18.

Un nouveau manoir de deux étages est bâti en 1862 et en 1863. Cependant, la destruction des jardins aménagés par Atkinson diminue l'attrait du site19.

La résidence des lieutenants-gouverneurs du Québec

En 1867, l'avènement de la Confédération change la vocation du domaine. Puisque l'entente prise avec Atkinson prévoit que seule la province de Québec peut jouir du site, Spencer Wood devient le lieu de résidence du lieutenant-gouverneur du Québec. Toutefois, jusqu'au 7 février 1882, la province continue de verser des redevances au Séminaire de Québec, qui loue la concession depuis 1766 et possède toujours des titres de propriété20.

En tout, 21 lieutenants-gouverneurs séjourneront à Spencer Wood21. Le premier, Narcisse-Fortunat Belleau, n'apprécie cependant pas l'endroit, qui a besoin de rénovations, et s'y rend rarement. Son successeur, René-Édouard Caron, préfère également sa propre résidence à Québec. En 1873, il accepte néanmoins de s'y installer après la promesse du premier ministre Gédéon Ouimet de travaux de remise en état des lieux22.

Dans les décennies suivantes, plusieurs lieutenants-gouverneurs ajoutent des dépendances ou réalisent des travaux d'aménagement sur le domaine. Ainsi, en 1944, Eugène Fiset fait ériger une cabane à sucre23, reconstruite par Paul Comtois en 1962. L'érablière de 2 000 entailles permet de confectionner différents produits offerts aux visiteurs officiels du domaine ou aux hôtes du lieutenant-gouverneur à l'étranger24. Cette tradition du temps des sucres perdure encore au début du XXIe siècle, bien qu'à une échelle plus modeste25.

Le Bois-de-Coulonge

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le désir d'affirmation nationale au Québec se manifeste par l'adoption de mesures mettant à l'avant le fait français26. Dans ce contexte, une campagne d'opinion lancée en 1947 et appuyée par la Société d'histoire régionale de Québec réclame de donner à Spencer Wood un nom français, rappelant la mémoire du gouverneur d'Ailleboust27. Elle finit par gagner l'adhésion de plusieurs médias et députés de l'Assemblée législative si bien que, le 15 février 1950, le ministre d'État Antoine Rivard présente un projet de loi à cet effet, adopté à l'unanimité le 7 mars28. Ainsi, Spencer Wood devient officiellement le Bois-de-Coulonge.

Le 21 février 1966, le manoir du Bois-de-Coulonge, où résident le lieutenant-gouverneur Paul Comtois et sa famille, est ravagé par les flammes. Le lieutenant-gouverneur meurt dans l'incendie qui détruit la quasi-entièreté du manoir; vers trois heures du matin, seules quelques cheminées, une section des serres et de l'aire réservée aux domestiques sont toujours debout29. Le feu provoque en outre la perte de nombreuses œuvres d'art, appartenant notamment au Musée du Québec30.

La cause du sinistre est l'objet de nombreux débats. Le député fédéral de Lotbinière, Auguste Choquette, soulève à la Chambre des communes la possibilité « d'activité terroriste provenant de révolutionnaires séparatistes31  ». Le Commissariat des incendies de Québec attribue quant à lui l'incendie à une défectuosité du système électrique, explication reprise par le premier ministre Jean Lesage32.

La villa n'est jamais reconstruite. Très peu d'aménagements sont réalisés sur le site du Bois-de-Coulonge, qui devient en 1967 un parc public33. Il est par la suite un lieu de rassemblement populaire avec, par exemple, la tenue d'un important concert musical, le 21 juin 1976, réunissant Claude Léveillée, Yvon Deschamps, Jean-Pierre Ferland, Gilles Vigneault et Robert Charlebois.

C'est en 1985 que la Société immobilière du Québec fait l'acquisition de la propriété et entreprend des travaux pour redonner aux jardins leur charme d'antan. Ces efforts sont poursuivis à partir de 1995 par la Commission de la capitale nationale, qui en est la nouvelle propriétaire34.

Depuis, le parc du Bois-de-Coulonge attire de nombreux visiteurs qui fréquentent les lieux pour profiter des sentiers, des aménagements horticoles et de la vue sur le fleuve Saint-Laurent. Le site comprend également quelques bâtiments historiques ayant échappé à l'incendie, dont les écuries et la maison du gardien conçue par Eugène-Étienne Taché35.

Pour citer cet article

« Bois-de-Coulonge », Encyclopédie du parlementarisme québécois, Assemblée nationale du Québec, 29 février 2024.

Faites-nous part de vos commentaires à : encyclopedie@assnat.qc.ca

Pour en savoir plus

Lemieux, Frédéric, Christian Blais et Pierre Hamelin. L'histoire du Québec à travers ses lieutenants-gouverneurs, Québec, Publications du Québec, 2005, p. 320-335.

Malchelosse, Gérard. « Bois-de-Coulonge, résidence de nos gouverneurs, et ses alentours », Les Cahiers des Dix, no 27, 1962, p. 187-213.

Smith, Frédéric. Parc du Bois-de-Coulonge, Québec, Fides, 2003, 96 p.

Tremblay-Lamarche, Alex. « De Spencer Wood à Bois de Coulonge : l'histoire derrière la francisation du nom des lieux », Cap-aux-Diamants, no 134, 2018, p. 38-39.

 

Notes

1 

Frédéric Lemieux, Christian Blais et Pierre Hamelin, L'histoire du Québec à travers ses lieutenants-gouverneurs, Québec, Publications du Québec, 2005, p. 320.

2 

Frédéric Smith, Parc du Bois-de-Coulonge, Québec, Fides, 2003, p. 13.

3 

Un fief de dignité est une seigneurie avec titre en honneur. Celles-ci, des châtellenies aux duchés, ont donc justice ou des titres.

4 

Gérard Malchelosse, « Bois-de-Coulonge, résidence de nos gouverneurs, et ses alentours », Les Cahiers des Dix, no 27, 1962, p. 192.

5 

F. Lemieux, C. Blais et P. Hamelin, op. cit., p. 321-322.

6 

G. Malchelosse, op. cit., p. 202.

7 

F. Smith, op. cit., p. 17.

8 

G. Malchelosse, op. cit., p. 204.

9 

F. Smith, op. cit., p. 18.

10 

F. Lemieux, C. Blais et P. Hamelin, op. cit., p. 324.

11 

F. Smith, op. cit., p. 21.

12 

F. Lemieux, C. Blais et P. Hamelin, op. cit., p. 325.

13 

F. Smith, loc. cit.

14 

F. Lemieux, C. Blais et P. Hamelin, loc. cit.

15 

F. Smith, op. cit., p. 23-25.

16 

Ibid., p. 25.

17 

F. Lemieux, C. Blais et P. Hamelin, op. cit., p. 326.

18 

Ibid., p. 327.

19 

F. Smith, op. cit., p. 27

20 

F. Lemieux, C. Blais et P. Hamelin, op. cit., p. 327-328.

21 

Ibid., p. 320.

22 

Christian Blais, Gilles Gallichan, Frédéric Lemieux, Jocelyn St-Pierre, Québec : quatre siècles d'une capitale, Québec, Publications du Québec, 2008, p. 355.

23 

F. Smith, op. cit., p. 43.

24 

« La petite histoire du temps des sucres au Bois-de-Coulonge », Commission de la capitale nationale, 30 mars 2021, https://www.capitale.gouv.qc.ca/ (Site consulté le 17 juillet 2023).

25 

Ibid. Aujourd'hui, une cinquantaine d'érables sont entaillés chaque printemps. Les profits reviennent entièrement à la Fondation de l'école Saint-Michel de Sillery.

26 

F. Smith, op. cit., p. 32.

27 

Alex Tremblay Lamarche, « De Spencer Wood à Bois de Coulonge : l'histoire derrière la francisation du nom des lieux », Cap-aux-Diamants, no 134, 2018, p. 39.

28 

F. Lemieux, C. Blais et P. Hamelin, op. cit., p. 331.

29 

Ibid., p. 333.

30 

Ibid., p. 334.

31 

Débats de la Chambre des communes, 1ère session, 27e législature, v. 4, 4 avril 1966, p. 3772.

32 

C. Blais, G. Gallichan, F. Lemieux, J. St-Pierre, op. cit., 492.

33 

Ce choix est réalisé conformément au contrat d'acquisition de 1854, qui stipule que seul le gouvernement de la province peut utiliser le terrain.

34 

F. Smith, op. cit., p. 34.

35 

« Parc du Bois-de-Coulonge », Commission de la capitale nationale, https://www.capitale.gouv.qc.ca/ (Site consulté le 17 juillet 2023).