(Dix heures deux minutes)
M. Dowd (Marc-André) : Alors,
bien, bonjour, tout le monde. Mon nom est Marc-André Dowd, nouveau Protecteur
du citoyen depuis le 27 mars dernier. Auparavant, j'ai été vice-président
de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, Commissaire
à la déontologie policière et aussi vice-protecteur au Protecteur du citoyen, donc
c'est un retour pour moi dans l'équipe. Je suis accompagné de Me Hélène
Vallières, qui est la vice-protectrice, Affaires institutionnelles et
prévention.
L'élève avant tout, tel est le
titre du rapport que je rends public aujourd'hui. Au cours des derniers mois,
le Protecteur du citoyen a conclu une enquête d'envergure sur les services
éducatifs complémentaires dans les écoles primaires publiques. On parle ici
plus particulièrement de services destinés à des élèves qui sont intégrés dans
des classes ordinaires mais qui éprouvent des difficultés d'adaptation ou d'apprentissage
qui rendent difficile leur progression scolaire, à moins d'avoir accès aux
adaptations nécessaires. Il est question, par exemple, de problèmes de langage,
de déficit de l'attention, de problèmes de comportement ou encore de
difficultés de lecture ou d'écriture. Généralement, en plus de l'enseignement
et du soutien de leurs professeurs, les élèves visés doivent être pris en
charge, entre autres, en orthopédagogie, psychologie, orthophonie,
psychoéducation et éducation spécialisée. Pour maximiser les chances de
réussite, les services doivent être adaptés aux besoins individuels de l'élève
et lui être fournis en temps opportun.
La Loi sur l'instruction publique prévoit
l'accès universel aux services d'enseignement et garantit l'accès aux services
éducatifs complémentaires. Cela comprend les services offerts aux élèves en
difficulté d'adaptation ou d'apprentissage. Selon cette même loi, les services
éducatifs complémentaires doivent être définis pour un enfant au terme d'une
évaluation de ses besoins et de ses capacités.
Concernant le rôle que jouent les grands
acteurs du monde de l'éducation, il faut savoir que les centres de services
scolaires et les commissions scolaires — il existe encore quelques
commissions scolaires — sont responsables de faire cette évaluation
des besoins et d'organiser et de donner les services requis afin d'y répondre.
Pour sa part, le ministère de l'Éducation finance ces services et doit veiller
à la qualité des services offerts aux élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage.
À noter qu'en ce qui a trait à la qualité des services le Protecteur du citoyen
a compétence sur le ministère mais pas sur les centres de services scolaires,
les commissions scolaires ou les écoles.
Revenons à notre enquête, qui se fonde,
notamment, sur des plaintes et des signalements récurrents de parents et de
membres du personnel professionnel des services éducatifs complémentaires. Pour
réaliser notre enquête, nous avons, entre autres, procédé par appel à
témoignages. Y ont répondu plus de 800 membres du personnel professionnel
qui offrent des services éducatifs complémentaires et autant de parents d'élèves
dits DAA, un acronyme qui correspond à la catégorie des enfants qui rencontrent
des difficultés d'adaptation ou d'apprentissage. Nous avons également mené de
nombreuses entrevues avec des gestionnaires et des administrateurs de centres
de services scolaires et de commissions scolaires. Je ne m'étends pas plus
longtemps sur la méthodologie.
Quelques chiffres. En 2019‑2020, et ce
sont les données les plus récentes dont nous disposons, les élèves handicapés
et en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage représentaient 18 % de
tous les enfants scolarisés au primaire dans le réseau public québécois. Et,
parmi eux, 76 % avaient des difficultés d'adaptation ou d'apprentissage,
et la presque totalité, 94 %, était intégrée en classe ordinaire. De l'avis
du ministère de l'Éducation, l'intégration de ces élèves en classe ordinaire
constitue le mode de scolarisation à privilégier.
Maintenant, que révèle notre enquête? Eh
bien, nous sommes face à un portrait de situation des plus préoccupants qui
révèle des écarts inquiétants entre ce que dit la loi et ce qui se vit sur le
terrain. Notre principal constat sans équivoque est le suivant : quels que
soient les besoins des élèves, les services offerts sont principalement
organisés en fonction des moyens disponibles et des montants alloués par le
ministère plutôt qu'en fonction de l'évolution des besoins réels des élèves. Or,
si les services sont donnés selon ce qui est possible plutôt que selon ce qui
est nécessaire, certains enfants ne font pas les progrès qu'ils pourraient
faire parce qu'ils attendent leur tour trop longtemps.
D'abord, de longs délais s'additionnent
pour obtenir une première évaluation des besoins de l'élève. D'après les délais
dont nous ont fait part les parents qui ont répondu à notre appel à
témoignages, l'attente a été de cinq à huit mois pour près de la moitié des
cas. Ça, c'est pour l'évaluation des besoins seulement. Or, sans évaluation, la
mise en place de services adéquats pour répondre aux besoins des élèves est
retardée, voire compromise. Cela conduit de nombreux parents à recourir à des
ressources privées, une possibilité réservée à ceux qui en ont les moyens et
qui va à l'encontre du principe de la gratuité scolaire.
Après l'évaluation des besoins s'ajoutent
d'autres délais pour mettre les services en place, quand ils le sont, ce qui
n'est pas toujours le cas. Il est question de plus de huit mois d'attente pour
le quart des élèves dont les parents ont répondu à notre appel à témoignages.
Alors, j'insiste sur le fait que ces délais s'additionnent, le délai pour
l'évaluation et le délai pour la mise en place du service. Et il arrive aussi
que les services ne soient pas donnés selon la fréquence et l'intensité
nécessaire.
Autre problème que nous avons identifié,
en raison de ressources limitées, le milieu scolaire est plus enclin à mettre
des services éducatifs complémentaires en place si l'enfant est en situation
d'échec. Or, l'atteinte de la note de passage n'est pas un barème pour conclure
qu'un enfant n'a pas ou n'a plus de difficultés d'adaptation ou
d'apprentissage. Dans certains cas, les services ont simplement cessé au moment
où l'enfant a obtenu la note de passage, alors que les besoins étaient encore
là.
Phénomène particulièrement alarmant, les
efforts des parents et du milieu scolaire pour répondre aux besoins des élèves
DAA sont confrontés aux obstacles suivants : un modèle de financement des
services éducatifs complémentaires lourd et complexe; un manque chronique de
personnel; un manque de collaboration entre les différents intervenants
scolaires; la lourdeur des tâches administratives liées au financement des
services éducatifs complémentaires, ces tâches sont remplies par les
professionnels de ces services alors qu'ils manquent déjà de temps pour
intervenir auprès des enfants; et enfin des disparités marquées selon les
centres de services scolaires, les commissions scolaires et les écoles.
De son côté, le ministère de l'Éducation
ne dispose d'aucun portrait clair des postes vacants pour les services
éducatifs complémentaires. Comment peut-on garantir que ces services sont
donnés avec la qualité et l'intensité souhaitées en l'absence d'un tableau
précis des postes non comblés?
Enfin, pour de nombreux cas, nous avons
observé une culture rigide de catégorisation des élèves en difficulté
d'adaptation et d'apprentissage selon des profils types. Cela conduit souvent à
des services formatés à l'avance selon des normes strictes. On est loin de la
définition des services adaptés aux besoins de l'élève.
Autrement dit, à une étape cruciale de
leur développement, des élèves du primaire n'ont pas toute l'attention
nécessaire de la part du système scolaire pour leur permettre d'atteindre leur
plein épanouissement. Quand il est question d'enfance, d'accès à la réussite
scolaire, d'adaptation aux besoins particuliers des élèves et de perspectives
pour le futur, les enjeux, tant individuels que collectifs, sont considérables.
Je vous invite à parcourir notre rapport, nous l'avons voulu limpide quant aux
problèmes dénoncés et particulièrement clair sur le mode d'attribution des
services et le financement du ministère de l'Éducation.
Le Protecteur du citoyen adresse 11 recommandations
au ministère. Elles portent sur des correctifs aux problèmes dont il vient
d'être question. Il faut donc : valoriser davantage les postes en services
éducatifs complémentaires et effectuer un suivi des postes à pourvoir; élaborer
des outils pour orienter le rôle, les responsabilités ou la participation des
parents, des élèves et de l'ensemble des intervenants en services éducatifs
dans la dispensation des services éducatifs complémentaires; développer, à
l'intention du personnel enseignant, l'offre de formation continue portant sur
les besoins des élèves DAA; revoir le modèle de financement des services
éducatifs complémentaires et les modalités de reddition de comptes en se basant
sur les besoins réels des élèves; établir et financer un seuil minimal de
services à l'échelle de la province.
L'accès aux services requis pour tout
élève en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage n'est pas un privilège, je
le rappelle, c'est un droit. Le Québec a placé la réussite éducative des élèves
au cœur de la mission de l'école publique. Tous les élèves doivent avoir une
chance équitable de réussir et nous devons leur en donner les moyens. Je vous remercie de votre attention. Je
suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
La Modératrice : Peut-être
que vous pourriez chacun vous nommer puis nommer votre média. Mais je sais
qu'Alexandre avait levé la main d'abord, là.
M. Robillard (Alexandre) : Oui,
c'est Alexandre. Je suis du Devoir, Alexandre Robillard. Et puis je
voulais savoir, justement, vous évoquez la Loi sur l'instruction publique, puis
à la lumière de ce que vous constatez : Est-ce que vous avez l'impression
que le ministère respecte sa propre loi?
M. Dowd (Marc-André) : Bien,
ce qu'on a constaté, c'est un constat qui est très clair, c'est que les
services ne permettent pas de répondre à tous les besoins des élèves
actuellement. C'est un constat qui est généralisé. Donc, en ce sens... Et je
reviens sur le fait que les services éducatifs complémentaires, c'est un droit
pour les élèves qui en ont besoin, et il y a le principe de la gratuité
scolaire, donc, en principe, ces services devraient être donnés par le réseau
public de façon gratuite. Alors, on voit que, dans notre rapport, c'est
42 % des 800 parents qui ont participé à notre appel à témoignages
qui ont été appelés à faire appel au privé, à un moment ou à l'autre, pour
aller chercher des services.
Alors, il y a un enjeu là qui est un enjeu
d'équité parce qu'avoir recours aux services du privé, bien, il y a des gens
qui n'ont pas les moyens. Puis il y a un enjeu aussi, je dirais, puis ça, on
l'a vu dans notre rapport, c'est que, lorsqu'on fait affaire avec un service du
privé, ce n'est pas nécessairement en phase avec la réalité du milieu scolaire.
La personne du privé, le professionnel du privé, il va évaluer l'enfant mais
pas dans le cadre scolaire. Alors donc, les recommandations qui pourraient être
amenées à faire ne sont pas nécessairement en phase avec ce que le milieu
scolaire pourrait ou devrait mettre en oeuvre pour aider l'enfant à réussir.
M. Robillard (Alexandre) : Mais
donc est-ce que le ministère de l'Éducation est en situation illégale face aux
élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage?
M. Dowd (Marc-André) : Bien,
ce que je dirais, c'est-à-dire qu'il y a un travail qui doit se faire,
important, de revoir la méthode de financement. On revient sur la question de
la méthode de financement, parce qu'actuellement notre constat, c'est qu'avec
les critères — et les règles de financement sont assez complexes, là — mais
avec les critères qui sont appliqués, ça ne permet pas de répondre à l'ensemble
des besoins. Donc, il faut revoir la méthode de financement pour s'assurer
qu'on répond aux besoins réels des élèves.
Et ça prend une meilleure... ça, c'est un
élément important, je pense, une meilleure concertation et une meilleure
communication entre le ministère de l'Éducation et les centres de services
scolaires sur les règles budgétaires. Donc, il faut que, dans l'élaboration des
règles budgétaires du ministère, les centres de services scolaires, les
organismes scolaires aient voix au chapitre pour que la détermination des
montants permette de répondre aux besoins qui sont observés.
M. Robillard (Alexandre) : Mais
à partir de quel moment vous évaluez que des parents pourraient avoir une base
juridique, là, solide pour s'appuyer sur la loi en disant : Le
gouvernement, le ministère de l'Éducation contrevient à sa loi?
M. Dowd (Marc-André) : Vous
savez, le rôle de l'ombudsman, c'est justement d'éviter la judiciarisation des
situations. Le rôle de l'ombudsman, c'est de faire en sorte qu'on travaille en
collaboration avec le ministère, puis je vais souligner qu'on a quand même eu
une bonne collaboration avec le ministère dans notre enquête. On a identifié
des problèmes sur lesquels on doit travailler. Puis j'aime plutôt avoir une
approche positive, en disant : Si on s'engage...
M. Robillard (Alexandre) : Mais
est-ce que le ministère est exposé à des poursuites, selon vous, dans la
situation que vous constatez?
M. Dowd (Marc-André) : Je ne
peux pas répondre à cette question-là, je dirais, de façon... Si les parents
estiment qu'ils ont un recours, c'est à eux de le faire valoir. Moi, mon rôle
comme ombudsman, c'est de tout mettre en oeuvre pour s'assurer que les services
répondent aux besoins des élèves puis que le ministère joue son rôle.
La Modératrice
:
Caroline.
Mme Plante (Caroline) : Oui,
bonjour. Caroline Plante de LaPresse canadienne. Vous
notez, dans le rapport, que la Loi sur l'instruction publique, bon, prévoit la
gratuité, le droit, là, pour ces élèves-là d'avoir des services, mais elle ne
fait pas mention du délai acceptable pour les dispenser. Est-ce que, d'après
vous, il faut rouvrir la Loi sur l'instruction publique pour mettre un délai
acceptable dans la loi?
M. Dowd (Marc-André) : Ça ne
fait pas partie des recommandations qu'on a dans le rapport. On préfère
travailler sur l'idée d'écourter les délais, de faire en sorte que les
modalités d'organisation permettent de donner, en temps opportun, le service.
Alors, on n'est pas allés dans l'exploration d'une modification législative. Je
ne rajouterai pas ça aujourd'hui, là, ça ne fait pas partie du corpus de notre
rapport. Ce qui est important, c'est vraiment de faire en sorte que les besoins
des élèves, dans chaque territoire, soient davantage la base selon laquelle le
financement est établi, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Mme Plante (Caroline) : Ce ne
serait pas un moyen de forcer la main, par exemple, là, mettre cette
obligation-là dans la loi? Ça ne pourrait pas être...
M. Dowd (Marc-André) : Bien,
encore une fois, ce n'est pas un des moyens qui a été retenu dans nos
recommandations.
Mme Plante (Caroline) : Récemment,
le ministre Roberge annonçait une grande stratégie, un projet pilote, entre
autres, là, pour mettre des aides-enseignants dans les classes. Est-ce que vous
pensez que c'est le moyen à privilégier ou il faudrait... Est-ce que c'est de
l'argent bien investi ou il faudrait mettre ces ressources-là, cet argent-là
dans les services éducatifs complémentaires?
M. Dowd (Marc-André) : En
fait, c'est intéressant, parce qu'un des constats de notre enquête, c'est que
le rôle et les responsabilités des différents professionnels ou personnels
techniques appelés à donner des services éducatifs complémentaires est mal
défini et mal compris dans certaines situations. On ne sait pas, par exemple,
l'orthopédagogue, quel est son rôle exact, quel est le rôle qu'il doit jouer
dans le plan d'intervention de l'élève, que doit faire le technicien ou la
technicienne en éducation spécialisée. Donc, en réponse à votre question, je
pense qu'il faudrait d'abord, et c'est une de nos recommandations, mieux
définir le rôle de chacun des professionnels ou de chacun des membres du
personnel technique qui dispensent des services d'éducation complémentaires.
Puis là on va se rendre compte : Est-ce qu'il reste des besoins? Et là on
pourra avoir la discussion sur le sujet que vous avez amené. Mais l'idée de
clarifier d'abord le rôle de chacun, ça s'est imposé comme une évidence.
Mme Plante (Caroline) : O.K.,
oui, parce qu'il faut préciser que les aides-enseignants ne feraient pas de
tâches pédagogiques, ça serait des tâches non pédagogiques. Bon. Et puis mon
autre question, c'est : Avez-vous remarqué des grandes différences du côté
anglophone comparativement au côté francophone, là, dans les commissions
scolaires anglophones versus les centres de services francophones?
M. Dowd (Marc-André) : Une
des différences qu'on a notée, c'est que, dans les commissions scolaires
anglophones, on a tendance à utiliser davantage de personnel technique, la
proportion de personnel technique est plus élevée. Dans les centres de services
scolaires francophones, on a tendance à embaucher plus de personnel
professionnel et moins de personnel technique. Donc, ça, dans la composition de
la main-d'oeuvre, c'est une des différences qu'on a vues, effectivement.
Mme Plante (Caroline) : Est-ce
qu'il y a une approche qui est meilleure que l'autre?
M. Dowd (Marc-André) : Je ne
peux pas me prononcer là-dessus.
Des voix : ...
La Modératrice : Bien, je ne
sais pas, là. Un de vous deux, allez-y.
M. Côté (Gabriel) : Gabriel
Côté, Agence QMI. Il y a un manque de personnel, là, selon ce que vous nous
dites, pour assurer les services éducatifs complémentaires. Est-ce que vous
savez s'il y a beaucoup de gens, en ce moment, qui sortent de l'école pour
être, justement, orthopédagogues ou ces autres corps d'emploi là? Est-ce qu'on
pourrait, avec les gens qui sortent de l'école, régler le problème ou il faut
mettre d'autres choses en place?
M. Dowd (Marc-André) : Bien,
c'est toute la question de la planification de la main-d'oeuvre qui est
centrale. Là, actuellement, la première chose qu'on doit faire, c'est avoir un
portrait clair. Où sont les besoins dans chaque centre de services scolaires,
dans chaque commission scolaire? Combien de postes de psychologues? Combien de
postes d'orthopédagogues? Combien de postes en éducation spécialisée? Ça, c'est
un premier élément. Parce qu'il faut davantage prévoir, on est dans un contexte
de pénurie de main-d'oeuvre, on le sait.
Un des éléments, selon nous, qui aggrave
la pénurie de main-d'oeuvre dans le milieu scolaire, c'est lié, justement, au
mode de financement des services. Ça faire en sorte que le mode... les règles
budgétaires actuelles font en sorte que des centres de services scolaires ou
des organismes scolaires sont contraints de donner davantage de contrats à
temps partiel ou de contrats temporaires parce qu'il n'y a pas de prévisibilité
du financement, O.K.? Alors, ça, si on veut travailler sur l'attractivité, il
faut travailler sur la planification de la main-d'oeuvre, pas à court terme, à
moyen et à long terme pour ouvrir le plus possible des postes permanents, et là
on sera davantage attractifs, notamment parmi ceux qui sont dans le réseau
scolaire actuellement, qui sont en train d'être formés pour faire ces
postes-là.
Ce qu'ils nous disaient, en fait, un des
constats de l'enquête, c'est qu'il y a comme une frustration dans les
organismes scolaires, parce qu'à cause du financement on peut juste ouvrir des
postes temporaires, des contrats dans certaines situations. Les gens viennent
prendre de l'expérience, c'est souvent des professionnels qui sortent de
l'école, ils viennent prendre de l'expérience, puis, dès qu'il y a un poste
permanent qui ouvre dans un autre centre de services scolaire, vont appliquer.
Alors, on a formé une personne qu'on ne peut pas retenir. C'est pour ça que, la
question, je la situerais plus en termes de planification de la main-d'oeuvre à
moyen et à long terme.
M. Côté (Gabriel) : Puis
juste une précision sur une de vos recommandations : Dans cette veine-là,
qui est de développer, à l'intention du personnel enseignant, l'offre de
formation continue portant sur les besoins des élèves DAA, est-ce qu'il s'agit
de boucher des trous, là, en ce moment? C'est la première étape, il faut
boucher des trous pour arrêter...
M. Dowd (Marc-André) : Non,
c'est vraiment l'idée de former les enseignantes par le biais de la formation
continue. C'est-à-dire qu'à la formation initiale il y a certains contenus qui
sont vus sur les élèves DAA, lors de la formation initiale, mais, en même
temps, un constat qui est fait, c'est que c'est dans l'exercice de
l'enseignement qu'on va développer... on va mieux comprendre les besoins des
élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage. Et donc ça prend une
certaine expérience d'enseignement pour pouvoir se développer, mais il faut que
ça soit, puis c'est le sens de notre recommandation, appuyé par de la formation,
des conférences, une transmission des savoirs tout au long de la carrière de
l'enseignante. Parce que l'enseignante, elle est dans un rôle privilégié
auprès... évidemment, elle intervient en premier lieu dans sa classe, elle est
là pour voir les besoins de ses élèves, elle est là pour déceler ceux qui
auraient besoin d'aide et faire le lien.
Un des éléments, aussi, sur lequel je veux
insister, on en parle dans le rapport aussi, c'est la nécessité de faire plus
de place pour un travail en collaboration entre le personnel des services
complémentaires, les orthopédagogues, les orthophonistes, et les enseignantes.
Actuellement, il n'y a pas ou peu de place pour dire : Bien, on a des
rencontres qui font partie de la charge de travail pour pouvoir échanger. Alors,
oui, il y a les plans d'intervention, mais il faut que ça aille au-delà des
plans d'intervention. Il faut qu'il y ait davantage de collaboration entre les
enseignantes et le personnel des services éducatifs complémentaires, et ça, ça
prend du temps. Donc, ça doit faire partie de la charge de travail.
M. Côté (Gabriel) : Merci.
M. Dowd (Marc-André) : Merci.
M. Bourassa (Simon) :
Bonjour. Simon Bourassa de Noovo. Fin janvier 2019, il y a le ministre Carmant,
là, qui annonçait l'embauche de 800 professionnels pour faire du dépistage
précoce pour les troubles de l'apprentissage, là, chez les enfants du
préscolaire. Ça fait quand même déjà trois ans. Est-ce que, dans votre enquête,
vous avez pu constater qu'il y a eu un certain effet de cette mesure mise en
place?
M. Dowd (Marc-André) : La
collecte d'information dans notre enquête... Est-ce que tu peux m'aider sur la
période, là? C'est...
Mme Vallières
(Hélène) :Bien, en fait, l'enquête couvre
la période de l'école primaire. Donc, les mesures qui ont été mises en place
couvraient le préscolaire, là, donc vraiment tout le dépistage qu'ils
faisaient, par exemple, en service de garde ou en CPE. Donc, nous, on s'est vraiment
plus attardés aux services qui sont donnés, vraiment, à l'école primaire. Donc,
c'est des mesures différentes, là. C'est sûr que ça peut aider, là, d'avoir du
dépistage précoce parce qu'on connaît mieux les besoins, on connaît mieux
l'état de situation de l'enfant lorsqu'il arrive en milieu scolaire. Donc,
nous, on s'est vraiment plus attardés aux premières années du primaire, là.
M. Bourassa (Simon) : O.K.
Mais bref, même si on dépiste de manière préventive, si les ressources ne sont
pas là rendu au primaire...
M. Dowd (Marc-André) : Bien,
on en revient à ça, c'est que, si on dépiste, mais que, pour évaluer les
besoins, il faut attendre huit mois, puis qu'après ça, pour donner le service,
il faut attendre un autre huit mois, bien, c'est plus qu'une année scolaire,
là. Et tout le monde s'entend pour dire que c'est important d'intervenir tôt.
Si on décèle, en première année, une difficulté, c'est là qu'il faut
intervenir, c'est là qu'on a le plus de potentiel d'avoir un impact positif,
là, dans le développement de l'enfant.
M. Bourassa (Simon) : Est-ce
qu'une participation du privé plus importante, par des ententes entre le
ministère et, bon, des intervenants du privé, pourrait être une solution
envisageable pour avoir plus de services?
M. Dowd (Marc-André) : La
question de la dispensation des services, on ne la regarde pas. Ce qui est
important, c'est que le principe de la gratuité scolaire soit respecté, on
s'entend. Si un milieu scolaire x développe des ententes, mais qu'au final le
service est gratuit pour le parent et pour l'enfant, le principe de la gratuité
scolaire est respecté. Donc, c'est vraiment ça qu'il faut s'assurer.
M. Bourassa (Simon) : Et
est-ce que votre enquête permet d'affirmer qu'il n'y a jamais eu autant
d'élèves en situation de DAA au Québec ou on ne peut pas aller jusque-là?
M. Dowd (Marc-André) : Je ne
ferais pas cette affirmation-là. Je ne peux pas le dire, là.
M. Bourassa (Simon) : D'accord.
Merci.
Mme Plante (Caroline) : Je
veux juste approfondir sur la question de mon collègue sur le privé. Est-ce que
les parents qui vont chercher de l'aide au privé devraient pouvoir se faire
rembourser?
M. Dowd (Marc-André) : Bien,
si on veut respecter le principe de la gratuité scolaire, ils ne devraient pas
avoir à payer pour ces services-là. Puis un élément qui est préoccupant, c'est
que, parmi les 42 % de parents qui ont eu recours aux services du privé,
une part appréciable, je n'ai pas le pourcentage mais une bonne part, c'est à
la suggestion de l'école. Alors, dans certains cas, c'est les écoles qui
disent : Bien, allez au privé, ça va aller plus vite, donc. Et ça, ça
m'apparaît très problématique et très inéquitable, on va se le dire, là.
Mme Plante (Caroline) : Puis,
peut-être juste, je vous parlais, tantôt, de délais acceptables. Avez-vous une
opinion, vous, sur ce que ce serait, un délai acceptable?
M. Dowd (Marc-André) : Bien,
le délai acceptable, c'est de pouvoir commencer à dispenser le service le plus
rapidement possible. Certainement, un délai de huit mois pour évaluer puis un
autre délai de huit mois pour commencer le service, ça m'apparaît inacceptable
comme délai, là. Donc, on n'est vraiment pas dans cet ordre de délai là pour ce
soit acceptable, surtout au moment où les enfants en ont le plus besoin. Dès que
la difficulté est décelée, c'est là qu'il faut intervenir le plus possible.
Mme Prince (Véronique) : J'aurais
aussi des questions, mais par contre ce serait mieux que vous regardiez la
caméra plutôt que moi, là. En fait, j'ai l'impression, malheureusement, que ce
que vous dites, ce n'est pas vraiment nouveau, tu sais, que c'est une
problématique qui est là depuis tellement longtemps. Est-ce que ça a empiré
avec la pandémie? Ou est-ce que ça a empiré avec la pénurie de main-d'oeuvre?
Est-ce que le portrait est de plus en plus négatif, finalement?
M. Dowd (Marc-André) : Bien,
dans la mesure où nos données, c'est les données d'avant la pandémie, c'est
difficile pour moi de me prononcer sur le fait : Est-ce que la pandémie a
empiré la situation? Ce que je peux dire, c'est que, dans un grand nombre de
dossiers, actuellement, au Protecteur du citoyen, que ce soit en services
correctionnels, que ce soit en santé et services sociaux, et je présume que ça
serait le même cas en éducation, la pénurie de main-d'œuvre est un élément qui
est de plus en plus préoccupant. Et ça, il va vraiment falloir qu'on ait une
approche transversale, là. Il faut que le gouvernement développe des pratiques
de planification de la main-d'oeuvre qui font en sorte qu'on puisse penser pas
à court terme mais à moyen et à long terme.
Mme Prince (Véronique) : Puis
vous dites qu'il y a un manque au niveau du financement. Est-ce que vous êtes
en mesure d'évaluer, justement, ce manque de financement là?
M. Dowd (Marc-André) : Alors,
non. Notre enquête n'a pas porté sur le montant du manque de financement. Notre
constat, c'est que les ressources consenties, les montants qui sont investis ne
permettent pas de répondre aux besoins, mais c'est à la fois une question
d'organisation des services, comme on en parle dans le rapport, que d'effets
des règles budgétaires. Donc, c'est pour ça qu'on demande de mettre fin à ce
qu'on appelle le financement catégoriel, là. C'est qu'il y a certains types
d'élèves, en fait, dans EHDAA, nous avons les élèves handicapés et en
difficulté d'adaptation et d'apprentissage, les élèves handicapés, h, ont des
codes de difficulté, et vient un financement majoré qui vient avec ça. Les
élèves DAA, à l'exception de ceux qui ont des troubles graves du comportement,
n'ont pas de financement majoré. Donc, dans le fond, les services
complémentaires doivent leur être donnés à même l'allocation de base. Ça fait
en sorte que, bien, évidemment, en présence d'un financement qui n'est pas
suffisant, bien, on va égrener les services, on va prendre des décisions qui
vont faire, par exemple, de dire : Bien, à partir du moment où l'enfant
est à 60 %, a la note de passage, bien, on va arrêter le service pour
qu'un autre puisse en bénéficier, et ce n'est vraiment pas optimal comme situation.
M. Robillard (Alexandre) : Le
ministre Roberge avait promis de réduire la paperasse des professionnels, là,
il y a deux ans. Est-ce que vous êtes capable de comprendre pourquoi il n'a pas
atteint cet objectif-là? Est-ce que vous pouvez dresser un constat d'échec de
cette promesse-là de...
M. Dowd (Marc-André) : Non.
Bien, en fait, dans le cadre de notre enquête, ce qu'on a observé, c'est que,
oui, il y a eu un changement de pratiques, c'est-à-dire qu'on est passés, pour
les élèves qui avaient un financement de catégorie qui était rattaché, là,
donc, on est passés d'un système où on devait justifier du financement dans
tous les dossiers, O.K., à un système qu'on appelle assurance qualité, qui est
un échantillonnage de dossiers. Donc, on ne fait pas tous les dossiers mais on
fait un échantillon de dossiers. Alors, pour les gens qui sont au ministère,
oui, ça fait moins de dossiers à évaluer. Par contre, pour les professionnels
qui sont sur le terrain, bien, ils ne savent pas quel dossier va être dans
l'échantillon, donc tous leurs dossiers doivent être montés de façon
impeccable, parce que, si le dossier est choisi, bien, il doit être très bien
monté et on doit voir comment... quel service a été donné, etc. Et c'est assez
intéressant, cet aspect-là, parce que ce sont des professionnels qui
remplissent ces rapports-là, en assurance qualité, donc qui font de la
reddition de comptes, en fait, et ça se fait souvent au début de l'année
scolaire. Alors, évidemment, quand on est en reddition de comptes, qu'on
remplit des... qu'on répond en reddition de comptes au ministère, bien, on
n'est pas en train de donner des services, on n'est pas en train d'évaluer des
enfants, on n'est pas en train de donner des services.
M. Robillard (Alexandre) : Mais
le ministre, il avait quand même promis qu'il réglerait ce problème-là, si ce n'est
pas le cas, là.
M. Ducas
(Marc-Antoine) :Bien, il y a eu... en
tout cas, on a observé qu'il y a eu un changement dans le mode...
M. Robillard (Alexandre) : Pour
les fonctionnaires, mais pas pour les professionnels?
M. Dowd (Marc-André) : ...mais
il y a du travail qui demeure à faire, il y a du travail qui demeure à faire.
Puis le ministère a accepté notre recommandation, aussi, de continuer à
travailler à cet allègement-là, là.
M. Robillard (Alexandre) : Puis
pourquoi, selon vous, le ministère est complètement dans le brouillard quand il
s'agit de déterminer les postes vacants? Est-ce que ce n'est pas un peu
inquiétant?
M. Dowd (Marc-André) : Bien,
par exemple, c'est un travail qui est en train d'être fait pour les enseignants
et enseignantes, O.K.? Donc, on veut avoir un portrait juste de l'état des
postes vacants pour les enseignantes et enseignants. Ce qu'on dit, nous,
c'est : Bien, il faut inclure, dans ces travaux-là, le personnel des
services complémentaires. Donc, il s'agit de... ce n'est pas que le ministère
ne fait rien, c'est qui a dit : On va le faire pour les enseignants et
enseignantes. Bien, nous, on dit : Bien, il faut le faire aussi pour le
personnel professionnel et le personnel technique qui dispensent des services
complémentaires. Donc, c'est simplement d'élargir ce travail-là.
M. Robillard (Alexandre) : Mais,
il me semble... Est-ce qu'on doit s'inquiéter de ça, quand même? Si le
ministère n'a même pas une idée de combien il y a de postes vacants, qu'est-ce
que ça dit sur la réponse à la demande?
M. Dowd (Marc-André) : Bien,
moi, je me réjouis du fait que le ministère accepte notre recommandation puis
s'engage à travailler dans ce sens-là au cours des prochains mois. Je pense que
c'est une avancée positive, là, qu'on va suivre, bien évidemment, là, on va
faire le suivi de nos recommandations pour s'assurer que ça se fait
concrètement.
M. Robillard (Alexandre) : ...merci.
M. Dowd (Marc-André) : Merci.
La Modératrice : Merci
beaucoup pour la conférence. Merci.
M. Dowd (Marc-André) : Merci
beaucoup. Ma première. Merci.
(Fin à 10 h 31)