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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le vendredi 7 juin 2019 - Vol. 45 N° 15

Étude détaillée du projet de loi n° 17, Loi concernant le transport rémunéré de personnes par automobile


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Table des matières

Journal des débats

(Onze heures cinquante-trois minutes)

La Présidente (Mme St-Pierre) : O.K. À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous allons commencer les travaux. Donc, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques, mais auparavant je pense que j'ai besoin d'un consentement pour pouvoir commencer les travaux puisque les affaires courantes ne sont pas terminées. Est-ce que c'est ça, Mme la secrétaire? Oui? Alors, est-ce que j'ai un consentement pour commencer les travaux? Oui.

Alors donc, la commission est réunie afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi... sur le projet de loi n° 17, Loi concernant le transport rémunéré de personnes par automobile.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Lemay (Masson) sera remplacé par Mme Foster (Charlevoix—Côte-de-Beaupré) et Mme Montpetit (Maurice-Richard), par Mme Anglade (Saint-Henri—Sainte-Anne).

Remarques préliminaires

La Présidente (Mme St-Pierre) : Merci beaucoup. Donc, nous débutons avec les remarques préliminaires. M. le ministre des Transports, vous disposez de 20 minutes.

M. François Bonnardel

M. Bonnardel : Oui. Merci, Mme la Présidente. Je prendrai un peu moins de temps, je pense que j'ai parlé énormément sur ce projet de loi dans les dernières semaines, mais, quand même, il serait important, premièrement, de saluer mes collègues de l'opposition, mes collègues ministériels, qui sont dans cette nouvelle salle Pauline-Marois, on est très, très fiers d'être ici, de l'inaugurer, en tout cas pour moi, et, nécessairement, d'amener... débuter donc les travaux de l'étude détaillée du projet de loi n° 17, qui est une étape importante dans le processus parlementaire pour en arriver à l'adoption finale dans les prochaines semaines, nécessairement.

Vous comprendrez qu'on a reçu plusieurs organismes, gens qui sont venus discuter avec nous, qui nous ont expliqué certaines améliorations qu'eux souhaitaient, donc, dans ce projet de loi. Le transport adapté pour les personnes vulnérables, handicapées a été un des sujets, je pourrais dire, presque dominant, dans une certaine mesure. Alors, vous comprendrez que, pour nous, il serait important, puis je l'ai mentionné depuis le début, de rassurer ces gens, que, pour nous, il sera important de bien nommer, s'il le faut par amendements, de modifier, s'il le faut aussi, encore une fois, pour que ces gens se considèrent bien traités dans cette perspective.

Et, pour nous, il sera important donc, par la suite, de travailler... Et je le dis ouvertement, sans gêne, aux députés de l'opposition, pour ceux qui me connaissent, je serai pragmatique. Maintenant, je serai prêt à accepter des amendements de l'opposition, mais il faut tenir compte aussi des principes mêmes de cette loi. Sans mettre en péril, nécessairement, les tenants et aboutissants de cette loi, je serai prêt à accepter des amendements qui vont faire avancer cette loi puis qui vont nécessairement tenir compte de certaines situations. Puis je pense qu'on aura peut-être les mêmes sujets à amener, mais, dans ces conditions, je veux bien expliquer aux oppositions que, pour moi, il sera important de travailler, j'espère, en collégialité pour qu'on soit capables de faire avancer, encore une fois, cette loi de la meilleure des façons.

Donc, le transport adapté, je l'ai mentionné. Je ne veux pas réitérer, mais, simplifier et uniformiser, donc, les exigences pour l'ensemble des personnes qui souhaitaient devenir chauffeurs de taxi, et même ceux qui le sont présentement, je pense que tout le monde m'a entendu dans les dernières semaines, abaisser les charges administratives et financières de l'industrie du taxi, cela, pour moi, était important, était partie prenante de l'engagement que je souhaitais mettre de l'avant pour les taxis mêmes, pour ces chauffeurs dans l'avenir. Donc, on n'a qu'à penser au permis de classe C, à la plaque T, à l'abolition, donc, des dessertes d'agglomération pour réduire le nombre d'autos solos, d'être capables aussi d'assurer, puis pas au détriment de la sécurité... J'ai souvent entendu plein de gens nous dire : Ah mon Dieu! La sécurité va être abaissée; les exigences d'antécédents judiciaires, il n'y en aura plus. C'est complètement faux. C'est complètement faux. On va s'assurer... Malgré le fait qu'on réduit les exigences administratives, cela ne se fera pas au détriment de la sécurité des usagers, ceux qui utilisent le taxi traditionnel, qui le font à coups de millions de courses année après année, et même ceux qui vont souhaiter un jour utiliser les nouvelles technologies. Dans ces conditions, pour moi, ça, c'est non négociable.

Il y aura de la formation uniforme partout au Québec pour tous les chauffeurs de taxi. Il y aura une formation additionnelle si certains répondants le souhaitent. Il y aura assurément aussi une formation nécessaire pour ceux qui font du transport adapté. Ça, c'est non négociable non plus. Et, dans ces conditions, pour nous, il sera important, encore une fois, comme je le mentionnais, de s'assurer que... les antécédents judiciaires, tout le monde devra y passer. Le permis de conduire, c'est normal que... Un permis de conduire de classe 5 avec un an d'expérience, c'est ce que nous demanderons pour tous ceux qui souhaitent un jour faire du taxi, s'ils le souhaitent, nécessairement.

Alors, formation, permis de conduire, antécédents judiciaires, ce sont des étapes qui seront importantes pour la suite des choses. La formation, je l'ai mentionné, ça variait un peu partout au Québec, entre sept et 150 heures. Donc, on va uniformiser tout ça. Les dessertes d'agglomération, on l'a maintes et maintes fois mentionné, autant du côté de l'industrie, qui le souhaite dans une certaine mesure... Maintenant, on n'est plus certain si, oui ou non, on souhaite abolir ces dessertes. Moi, je reste persuadé que cela donnera des outils aux chauffeurs, premièrement, qui feront plus de sous, de courses solos qui vont être réduites dans le futur et, nécessairement, aussi des sociétés de transport et municipalités qui pourront signer des ententes avec les sociétés de taxi puis, dans un certain cas, peut-être même les mettre en compétition s'ils le souhaitent. Encore une fois, je le mentionnais, il y a peut-être un quart... il y a peut-être un peu moins, un cinquième du service qui était peut-être inégal partout au Québec. Alors, j'ai le même discours qu'au début, mais, encore une fois, je pense qu'on donne des outils intéressants pour assurer la pérennité de l'industrie du taxi dans le futur et de s'assurer aussi de penser à une personne : l'usager, avant toute chose, le client.

Donc, encore une fois, Mme la Présidente, je suis persuadé qu'on réussira. Ce n'est pas un petit projet de loi. C'est 275 articles. On aura beaucoup de travail dans les prochaines semaines. Mais, encore une fois, je reste persuadé qu'on sera capables de faire un travail intéressant en collégialité avec les oppositions pour être capables de faire avancer le projet de loi au bénéfice de l'industrie, des nouvelles technologies et de l'usager. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Merci, M. le ministre. M. le député de La Pinière, vous avez 20 minutes.

M. Gaétan Barrette

M. Barrette : Merci, Mme la Présidente. Alors, salutations à tous les collègues de la partie gouvernementale, mais également, aussi, des autres oppositions, et évidemment mes collègues, et à vous, Mme la Présidente. Alors, on aura à travailler ensemble, comme le ministre vient de le dire, pendant une probable assez longue période de temps, non pas qu'on veut prolonger les choses, mais, comme le ministre l'a dit, il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup d'articles dans son projet de loi. Et ça, en soi, c'est quelque chose de significatif pour les travaux qu'on a à faire.

• (12 heures) •

Mme la Présidente, M. le ministre, je m'en vais m'excuser de mon retard, parce que, comme tout le monde le sait, il y a actuellement, dans nos relations, là, certaines difficultés d'organisation de l'horaire. Il y a beaucoup, beaucoup de projets de loi qui se bousculent. On sent, du côté de la partie gouvernementale, qu'on voudrait aller très vite, et, pour aller très vite, bien, il faudrait que certaines conditions soient remplies, et souvent ces conditions-là ne sont pas remplies, malheureusement. Et, Mme la Présidente, vous avez eu la chance, en n'étant pas en Chambre, d'assister à un débat très particulier sur la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui plutôt qu'une autre journée, parce qu'il y a l'enjeu de la loi n° 26, qui est une loi très importante, qui apparemment vient bousculer la vie professionnelle du ministre des Transports. Alors, je suis en retard, j'en suis fort désolé, ce qui m'a empêché d'entendre les commentaires introductifs du ministre.

Maintenant, je disais à l'instant puis je vais le redire qu'il y a une gestion, que je vais qualifier, disons, irrégulière de nos travaux parlementaires. C'est assez difficile de se dire les choses. Mme la Présidente, ce matin, à cette heure-ci, on était censés de traiter du projet de loi n° 14, et, à 22 h 40, hier, on était avisés que nous allions parler du projet de loi n° 17. Alors, c'est un peu étonnant. Et on arrive aujourd'hui, ce matin, à 9 h 30, avec ce volumineux cahier des députés, qui est un outil de travail fondamental pour l'étude détaillée. Et ça, je déplore, je le déplore, Mme la Présidente, parce qu'il y a des projets de loi qu'on étudie ici, au parlement, qui sont importants pour la société québécoise, c'est clair, et ça demande un maximum de collaboration. Et, dans ladite collaboration, bien, il y a un maximum de temps préparatoire qu'on doit apporter à nos interventions, comme on le fait ce matin. Et là, évidemment, on les fait à la dernière minute. Moi, ça ne m'embête pas vraiment, je peux le faire pendant des heures. Là, j'ai 20 minutes, Mme la Présidente, je vais prendre complètement mon 20 minutes, mais je vais quand même souligner que, cette documentation-là, on aurait pu l'avoir précédemment.

D'ailleurs, sur le même point d'intérêt, là, sur le même angle, Mme la Présidente, vous savez, le ministre va vouloir que son projet de loi avance vite. Alors, il est expérimenté, le ministre, Mme la Présidente. Ses collègues le sont dans leur vie respective, parce que beaucoup ont été actifs au niveau municipal, mais le ministre a été actif pendant de longues années au niveau gouvernemental et il sait bien qu'il serait plus facile et plus rapide de nous déposer en début d'étude détaillée, peut-être pas aujourd'hui... Ça aurait été bien de le faire aujourd'hui si c'est prêt, mais ce serait utile de nous déposer la liste des amendements que lui propose de déposer. Ça nous permettrait de faire la réflexion nécessaire pour avoir un débat ouvert et constructif pendant l'étude détaillée de son projet de loi, qui lui est cher. Et je ne pense pas avoir entendu ou, du moins, on ne me rapporte pas, pour la partie à laquelle je n'ai pas assisté, que le ministre avait annoncé qu'il déposerait ses amendements à l'avance, et, comme je ne l'ai pas entendu, Mme la Présidente, j'en fais une demande formelle. Évidemment, le ministre n'a pas l'obligation de répondre favorablement à ma demande, mais il peut le faire, il peut le faire, il peut déposer de façon préalable ses amendements. Pour nous, on en aura aussi, des amendements, mais on va quand même faire le tour du cahier des députés.

Vous savez, Mme la Présidente, le cahier des députés, pour ceux qui ne savent pas exactement de quoi il en retourne, bien, c'est un cahier qui reprend article par article, c'est pour ça que c'est l'étude détaillée, et, à chaque article, on indique des commentaires. Les commentaires viennent de la partie gouvernementale et les commentaires, essentiellement, illustrent la pensée ou la finalité qui a amené le ministre à inclure dans son projet de loi tel ou tel article. Et c'est très important. Dans une certaine mesure, ça va reprendre d'une façon plus détaillée les commentaires introductifs que le ministre a faits. Et c'est ça qui est l'intérêt de la chose, arriver à l'article 172 et dire : Ah oui! C'est ça qu'il voulait dire. Nous, on pense autrement et on va le débattre de cette façon-là, l'accepter, l'amender, le sous-amender, et ainsi de suite. Alors, moi, j'invite le ministre à nous présenter ses amendements.

Maintenant, j'en viens au coeur de notre sujet aujourd'hui, qui est nos commentaires préliminaires sur le projet de loi. Mme la Présidente, je l'ai dit, là, et je vais le redire aujourd'hui de la façon la plus solennelle possible — je l'ai tweeté, même — ce projet de loi là n'est pas un mauvais projet... non, je m'excuse, l'intention du projet de loi n'est pas nécessairement une mauvaise intention, nous-mêmes avions souhaité qu'il y ait une modernisation de l'industrie du taxi. On l'avait souhaitée, Mme la Présidente, nous avions choisi de le faire d'une façon progressive et en collaboration avec le milieu. Ce n'est pas le chemin qu'a choisi de prendre le ministre, et le chemin qu'il a pris nous amène à la génération d'injustices.

Ça ne fait pas 25 ans, moi, Mme la Présidente, que je siège au parlement. Dans mon expérience parlementaire, c'est certainement, sans aucune hésitation, le projet de loi qui, s'il est adopté, aura généré le plus d'injustices que j'aurai vu. Je pèse mon mot, Mme la Présidente, c'est injuste. Ce n'est pas injuste de moderniser l'industrie du taxi, c'est injuste de le faire de la façon dont c'est fait. Il n'y a pas d'autre mot, là, il n'y a juste pas d'autre mot. Et les gens qui sont dans l'industrie, c'est ça qu'ils ressentent aujourd'hui, une injustice. C'est une injustice.

Et je vais reprendre les éléments qui m'amènent à tirer cette conclusion-là, qui, au demeurant, Mme la Présidente, ont été exprimés de la même façon, pas avec le même mot, mais de la même façon, par le Groupe Desjardins. Le Mouvement Desjardins, là, ce n'est pas exactement, là, un mouvement d'extrême droite capitaliste à l'extrême, non, et ce n'est pas non plus un mouvement d'extrême gauche qui prône le communisme, et ainsi de suite, pas du tout. Le Mouvement Desjardins, c'est probablement le mouvement politico-économique, au Québec, qui est le plus au centre, du centre gauche, peut-être, que je connaisse, et il reflète certainement les valeurs du Québec, sans aucun doute, certainement les valeurs de sa clientèle, qui est à majorité francophone. Et là n'est pas l'enjeu de mon commentaire, mais eux-mêmes sont estomaqués, là, ils sont déçus de ce projet de loi là, non pas dans sa finalité de modernisation de l'industrie... Et je vois mes collègues sourire en face de moi, mais ils vont moins sourire, Mme la Présidente, lorsque je ferai mes commentaires, un petit peu plus... Puis je ne veux pas insulter personne, là, je veux juste remettre les points sur les i. Alors, le Mouvement Desjardins l'a dit, Mme la Présidente, c'est une expropriation, et une expropriation amène des compensations. Et, quand l'expropriant est le gouvernement, bien, le gouvernement a la responsabilité de compenser les expropriés. Et ce n'est pas ça qui se passe, actuellement.

Vous savez, dans toutes les revues qui traitent d'économie, Mme la Présidente, et qui commentent sur la transformation de l'industrie du taxi, et je parle ici principalement, aujourd'hui, parce que ce sont les principaux joueurs, il y en a d'autres, mais ce sont les principaux joueurs quand ils adressent et analysent la situation, de Lyft et d'Uber, il y a une seule question qui est posée : Comment peuvent-ils faire de l'argent, O.K.? C'est l'apparition et la progression dans la société de Lyft, d'Uber et de leurs semblables qui amènent l'injustice, Mme la Présidente. Et les gens qui font ces analyses-là, ce sont des économistes, ce sont des gens qui ont une approche purement économique et/ou académique, mais dans le même domaine. Ils regardent Uber et Lyft, et ils disent : La seule façon pour eux de faire de l'argent, c'est la seule...

Et je fais une parenthèse, c'est une industrie à but lucratif, ce n'est pas une industrie... Ce n'est pas des entrepreneurs qui sont des OBNL, là, ce sont des entreprises qui sont à but lucratif, cotées en bourse. Pour cette raison-là, pour avoir... un, évidemment, amener du capital pour faire développer leurs entreprises. Puis on est tous d'accord avec ça, ce sont des entreprises... On vit en Occident, dans des pays libres, qui vivent selon des règles qui sont convenues, et c'est bien correct, ça. Mais les règles selon lesquelles on vit actuellement ne leur permettent pas de faire de profit, ça ne leur permet pas de faire de profit. Et, quand les analystes regardent ces deux compagnies-là, ils les voient de la seule et unique manière par laquelle on peut les regarder, là.

• (12 h 10) •

En tant que compagnies qui, un jour, vont vouloir faire des profits, il va falloir qu'un jour disparaisse un poste de dépenses. Et le poste de dépenses qui aura à disparaître pour que Lyft et Uber soient des compagnies qui fassent d'immenses profits, c'est le jour où les chauffeurs disparaîtront. C'est comme ça. Et ça, ce n'est pas moi qui le dis, là. Amusez-vous à regarder tous les reportages, toutes les analyses qui se font sur cette industrie, Lyft et Uber, si, demain matin, il advenait que les chauffeurs disparaissent avec leurs coûts, les compagnies deviennent éminemment profitables. Je ne connais aucune compagnie, dans notre monde occidental, qui ne veut pas faire de l'argent, je n'en connais pas. Et je ne les critique pas pour ça, Mme la Présidente, c'est ça, leur essence. Et le jour où ils vont réussir à faire de l'argent, c'est le jour où Lyft et Uber ne seront que des véhicules autonomes. Oh surprise!

Alors, «véhicules autonomes», c'est l'expression qui a été utilisée je ne compte plus le nombre de fois... j'allais dire «ad nauseam», mais je n'ai pas eu la nausée, Mme la Présidente. J'étais triste d'entendre ça. C'est l'expression qui a été utilisée, le ministre. Je ne le lui reproche pas, mais je considère que le ministre a été convaincu, convaincu par les représentants d'une industrie, que, dans un jour plus prochain dans son esprit que je le considère, moi, mais il y a un jour devant nous que le ministre... — à mon avis, je déduis de ses commentaires — où il n'y aura que des voitures autonomes qui seront sous l'égide d'Uber et de Lyft, et ce jour-là sera un moment charnière irréversible à partir... après lequel ces compagnies-là feront de l'argent, beaucoup d'argent. Allez vous acheter des actions en bourse si vous croyez que c'est dans trois, quatre ans, dans cinq ans, bien là... où ce sera très lucratif, et l'action va monter. C'est ça, Mme la Présidente, qui est la logique. Et je l'ai entendu nombre de nombre, de nombre de fois de la part du ministre : la voiture autonome s'en vient. Parlez aujourd'hui à Uber et Lyft, rencontrez-les en privé, ils vont vous dire que c'est exactement là où on s'en va, et, dans un plan d'affaires, c'est exactement ça qui est dessiné. On veut, chez Uber, non pas enlever les chauffeurs, on veut qu'ils disparaissent par la technologie, qu'ils s'en viennent... Et ce n'est pas leur finalité dans la vie. Leur finalité, c'est de faire des profits, et les profits vont venir par la disparition des chauffeurs. Alors, la voiture autonome va faire ça. C'est ça qui est en jeu ici.

À partir du moment où on comprend ça, Mme la Présidente, et qu'on fait un projet de loi pour transformer l'industrie du taxi, bien, il me semble qu'on a la responsabilité, Mme la Présidente, de s'assurer de compenser ceux qui sont lésés. On a certainement aussi la responsabilité de ne pas suggérer que tout va être plus rose après qu'avant. Parce que ça a été dit à plusieurs reprises, ça : Vous allez faire plus d'argent après qu'avant. Faites-vous-en pas, MM. et Mmes les chauffeurs, vous n'en ferez pas plus, vous ne serez plus là. Dans 10 ans, là, il est très possible que vous ne soyez plus là, parce que, l'industrie, c'est vers ça qu'elle veut, souhaite, fait tout pour s'en aller, c'est vers là qu'elle s'en va. Alors, quand on comprend ça et quand on le voit clairement, on s'attend à ce que cette transformation-là se fasse en partant, à la case départ avec une compensation appropriée des propriétaires de taxi, ce qui n'est pas le cas, Mme la Présidente.

Et ça, Desjardins le dit... Mme la Présidente, je souhaite que le ministre puisse porter attention à mes commentaires préliminaires, là. Je peux comprendre que ça ne va pas dans le sens qu'il souhaite, mais j'aimerais bien quand même avoir un minimum d'attention, parce que le sujet est grave. Il est grave, le sujet, parce que, quand le Mouvement Desjardins est venu ici, là, il est venu ici dire exactement ça, il est venu dire exactement ça, et c'est la raison pour laquelle, dans le Mouvement Desjardins, Mme la Présidente, on a proposé au ministre, et on va l'amener dans l'étude détaillée du projet de loi, qu'il y ait un groupe d'experts neutres qui soient externes au gouvernement pour faire l'appréciation dans le temps de la compensation appropriée à apporter aux propriétaires de taxi, compensation qui est tributaire d'une date, et la date doit être entre maintenant et 2014. Et je peux vous assurer, Mme la Présidente, qu'on va se battre pour ça, parce que ça, c'est le bon sens, parce que ça, ça doit précéder l'analyse de tout le reste.

J'ai été très indisposé quand plusieurs des collègues de l'aile parlementaire ont insinué toutes sortes de choses, particulièrement, incluant le ministre, quand on a posé des questions sur les enquêtes de Revenu Québec. J'ai beaucoup apprécié... Et je ne m'étendrai pas là-dessus, mais les insinuations étaient claires, et le Mouvement Desjardins, ça a été les seuls à y répondre : Oui, mais, dans tel ou tel autre secteur de la société, n'y a-t-il pas la même chose? Et, s'il y a la même chose, exproprieriez-vous les gens de la même manière ou non? Et je rappellerai à mes collègues de l'aile parlementaire qu'aux crédits il a été difficile d'avoir des réponses jusqu'à ce qu'un fonctionnaire puisse venir répondre à une question simple : Vous expropriez comment dans le monde du transport? À la valeur marchande. Alors, évidemment, ici, ce n'est pas à la valeur marchande. Et, quand bien même le ministre dit que c'est la valeur marchande, c'est pour ça que le ministre... Le Mouvement Desjardins a dit : Prenez un groupe d'experts, faites une analyse, tout le monde va être content, il y aura quelque chose d'objectif. Et on a refusé ça.

Mme la Présidente, ayant fait cette partie-ci de mes remarques préliminaires, je vais aller maintenant dans le détail du projet de loi, pas nécessairement dans le détail article par article, on est ici pour les regarder tous, un par un. Bien oui, c'est bien évident que je m'attends à ce que le ministre... Et il l'a dit, puis d'ailleurs je l'en remercie, il est conscient actuellement qu'il doit y avoir des compensations... je m'excuse, qu'il doit y avoir des mesures qui fassent en sorte qu'il y ait une protection de l'activité des chauffeurs existants, des propriétaires existants, et que cette protection-là doit être enchâssée dans la loi.

La question de la formation et ce genre de choses là, c'est une chose simple à régler. Ça ne sera pas un grand problème. Mais de déterminer quel sera exactement le territoire, et je le dis au sens professionnel du terme et non territorial, protégé pour les chauffeurs de taxi... pas les chauffeurs, mais les propriétaires de taxi, ça, c'est une autre chose à laquelle il va falloir s'adresser. Je comprends que le ministre est sensible à la chose. On l'est. Et je vois difficilement comment on ne pourrait pas s'entendre. Mais, dans le projet de loi, il y a aussi un certain nombre d'éléments sur lesquels nous allons, de façon très forte, insister. Pour nous, on souhaite que... Si jamais le ministre avait raison et que moi, j'avais tort, donc il reste des chauffeurs chez Uber et Lyft pendant les 30 prochaines années, bien, on va se souhaiter que la loi fasse en sorte que, le terrain sur lequel tout le monde joue, entre guillemets, parce que ce n'est pas vraiment un jeu, bien, les chances soient égales pour tout le monde.

Et, pour que les chances soient égales pour tout le monde, ça devient une question d'accès à la donnée. L'enjeu de l'accès en ligne à la donnée est primordial. Il est primordial pour les chauffeurs-propriétaires eux-mêmes et les propriétaires aussi, pour les organisations municipales, qui en ont besoin pour faire leur planification, parce que le transport de personnes, ça va bien au-delà de simplement le taxi.

Alors, évidemment, tout le monde aura compris qu'on arrive, en disant ça, sur le thème du transport adapté et bien d'autres choses. Même le transport en commun, les municipalités ont besoin de cette donnée-là. Et l'État aura, à mon avis, le devoir de s'assurer que les données en ligne dont ont besoin les organismes municipaux qui traitent du transport et du déplacement, la mobilité au sens large... puissent être dotées de ces informations-là, alors qu'on va voir très vite que les compagnies en question vont vouloir garder leurs données ou ils vont vouloir proposer de donner des données en différé. Et les données en différé, ça a une utilité qui est limitée lorsqu'on arrive dans un environnement où il est essentiel — essentiel — de le gérer en ligne, en direct.

La Présidente (Mme St-Pierre) : ...plus qu'une minute, M. le député.

M. Barrette : Oui, j'ai vu ça, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Ah! vous avez votre décompte. Excusez-moi.

M. Barrette : Merci, oui.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Je voulais vous guider.

M. Barrette : Alors donc, c'est un des éléments, il y en aura d'autres, Mme la Présidente, il y en aura d'autres. Le projet est vaste. Les conséquences sont précises, mais elles sont dures pour bien des gens. Et je pense que, comme législateurs et comme parlementaires, nous avons la responsabilité d'agir avec le plus de souplesse et de précision possible pour s'assurer que, un, le moins de monde possible soit lésé par la mise en application du projet de loi et le maximum de gens qui ont besoin de ces services-là les reçoivent en quantité et en qualité appropriées. C'est ça, notre devoir, c'est comme ça qu'on va l'aborder. Nous serons collaborateurs dans l'esprit que je vous ai mentionné ici pendant les 20 dernières minutes. On n'est pas contre, je l'ai dit au début, je le dis encore aujourd'hui, on n'est pas contre, mais on pense qu'il doit y avoir des aménagements pour les raisons que j'ai clairement exprimées. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Alors, merci beaucoup, M. le député. J'invite maintenant la porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de transport et députée de Mercier à faire ses remarques préliminaires. Vous avez une durée maximale de 20 minutes.

Mme Ruba Ghazal

Mme Ghazal : Merci, Mme la Présidente. Mes salutations au ministre, et aux députés de la partie gouvernementale, et à mes collègues des partis d'opposition.

Écoutez, j'ai parlé longuement durant l'adoption de principe au salon bleu par rapport à ce projet de loi puis qu'est-ce qu'on en pensait suite aux interventions des différents groupes qu'on a entendus. Et le ministre n'était pas présent, donc il n'avait pas entendu les interventions. Peut-être qu'il les a entendues sans avoir été présent, je ne sais pas, mais je vais résumer ce que j'avais dit à ce moment-là, puis à différents moments, puis qu'on va pouvoir continuer.

• (12 h 20) •

Donc, en fait, aujourd'hui, si on se retrouve avec ce projet de loi n° 17, ce projet de loi qui met à terre toute une industrie, en tout cas, si ce n'est pas demain, après-demain, à moyen, long terme, ça, c'est clair, s'il n'est pas amendé, s'il est adopté tel quel... mais là je vois qu'il y a une ouverture, de la part du ministre, à des amendements, et ça, c'est une très, très bonne chose. Donc, si on se retrouve aujourd'hui dans cette situation-là... Bien, ça a commencé il y a trois ans, en 2016, lors de l'adoption sous le bâillon de la loi n° 100 qui a donné un avantage indu à Uber, où est-ce qu'on a ouvert la porte à Uber, c'est-à-dire qu'on a légalisé sa situation, alors qu'il était depuis un certain temps dans... plusieurs années, dans une situation illégale sur le territoire du Québec, et on a laissé traîner ça, on a laissé traîner ça.

Et, les chauffeurs de taxi, ce n'est pas la première fois qu'ils se mobilisent, les propriétaires et chauffeurs, qu'ils se mobilisent contre des décisions gouvernementales, ils en ont l'habitude. Et là, malheureusement, ils se retrouvent aujourd'hui... En fait, ils voient le projet de loi n° 17 comme... ils le reçoivent comme une brique sur la tête, parce que c'est leur avenir, l'avenir de leurs enfants, de leurs familles qui est mis en jeu. Mais ce n'est pas nouveau, ils ont vu ça venir avant, mais pas à ce point-là, cette déréglementation totalement sauvage qu'on voit dans ce projet de loi. Alors qu'Uber, il a été bien, bien silencieux, sauf quand il est venu, quand il a été invité... Les représentants, quand ils ont été invités à intervenir lors des consultations particulières, ils n'avaient pas beaucoup de commentaires à faire, pas beaucoup de changements, ils ont été silencieux parce qu'ils étaient satisfaits, ça répondait exactement à toutes leurs exigences, toutes leurs demandes qu'ils avaient formulées auparavant.

Donc, moi, ce que j'ai senti lors de ces discussions-là... J'ai beaucoup entendu évidemment le ministre parler, que ce soit lors de la commission ou dans les médias, et, moi, ce que je ressens, à force de répéter toujours les mêmes choses, peut-être à part pour la question du transport adapté, où là on sent une ouverture... parce qu'il y a eu un oubli, puis j'espère qu'il va être corrigé, mais ce que je sentais, c'est beaucoup d'incompréhension de la situation, des conditions de travail, de vie des chauffeurs et des propriétaires de taxi. Et, peut-être parce qu'il n'est pas familier avec l'industrie, c'est... Il en a rencontré, je le sais, il a rencontré les chauffeurs de taxi depuis qu'il est ministre des Transports, mais je sens ça.

Quand je suis allée dans les différentes manifestations — et aussi, moi, c'était la première fois, ici, en tant que porte-parole en matière de transports, mais il y avait aussi l'ancien député de Mercier qui était toujours présent auprès de cette industrie, de ces chauffeurs, à côté d'eux — il y avait un chauffeur qui m'a beaucoup marquée, et j'en avais parlé aussi lors de l'adoption de principe, qui est arrivé avec sa voiture qu'il a achetée, dont il est propriétaire, et qui a travaillé très, très fort, il est arrivé avec ses diplômes, des diplômes évidemment pas en matière de chauffeur de taxi, des diplômes en ingénierie et des diplômes du Maroc, parce qu'il est originaire du Maroc, des diplômes qu'il a obtenus ici pour pouvoir avoir un travail. Et ça, c'est un exemple qu'on donne beaucoup, beaucoup, beaucoup, des chauffeurs de taxi qui ne trouvent pas de travail à la hauteur de leurs compétences, à la hauteur de leurs diplômes et qui décident... qui se tournent vers l'industrie du taxi pour mettre du pain sur la table, pour nourrir leurs familles, pour éduquer leurs enfants. Et je trouvais que ce chauffeur-là, bien, il était emblématique. Et c'est un propriétaire, donc ce n'est pas... parce que souvent on a voulu opposer chauffeurs, propriétaires, c'est un propriétaire qui n'avait, en tout cas, pas payé peut-être son permis, mais qui disait : Pourquoi on ne nous laisse pas tranquilles? Pourquoi on ne nous laisse pas travailler — surtout quand on pense au projet de loi n° 9, au projet de loi n° 21, qui touchent des travailleurs, des honnêtes travailleurs qui veulent simplement travailler — pourquoi on ne nous laisse pas tranquilles faire notre travail? Et moi, je suis extrêmement touchée par ça.

Puis on peut dire : Oui, mais la vie change, c'est la modernité, c'est la loi de l'offre et de la demande, la loi de la jungle, où il y a des gens qui perdent, il y a des gens qui gagnent. Bien, on est au Québec, puis, au Québec, on a décidé qu'on allait avoir un filet social, et c'est important pour nous, c'est ce qu'on a choisi de faire, et de ne pas laisser tomber personne. Oui, on peut aller vers la modernité, vers la modernisation, même les chauffeurs ont... les propriétaires, l'industrie a fait des efforts pour ça, mais ça ne veut pas dire qu'il faut qu'on laisse tomber des travailleurs puis : Débrouillez-vous, vous êtes les perdants des choix qu'on a faits, débrouillez-vous, et nous, on continue, on avance vers la modernité.

Comme je le disais, il y a eu beaucoup... Moi, ce qui m'a beaucoup, beaucoup dérangée, et je pense que ça a dérangé aussi beaucoup l'industrie du taxi de façon générale, c'est le discours de la division, c'est-à-dire qu'au début on mettait tout le temps en opposition les chauffeurs versus les propriétaires. Les chauffeurs, eux, vont avoir beaucoup d'argent dans leurs poches puisqu'ils n'auront plus rien à payer aux propriétaires, ils vont pouvoir prendre leurs propres voitures ou s'en acheter une et, après ça, faire du taxi librement, sans avoir à donner de l'argent aux propriétaires. Mais ça, je pense que cette opposition-là n'a pas duré longtemps, parce que, dans les rues, ceux qui sont sortis, ceux qui se sont mobilisés... Moi, quand je parle avec des chauffeurs de taxi, je pose la question, et les deux ont le même discours : C'est une industrie qu'on est en train de voir tomber, et on s'en va vers l'ubérisation de cette industrie, et on sait comment Uber traite ses chauffeurs, et eux, ils n'ont pas envie d'aller là, d'entrer dans les griffes de cette compagnie multinationale qui se fout totalement des chauffeurs, alors que, là, ils ont un travail qu'ils vont pouvoir avoir pour longtemps.

Après ça, on a essayé de diviser l'industrie versus les usagers. Donc, il y a les chauffeurs de taxi versus les clients, qui, eux, n'en ont pas pour leur argent, ça coûte cher, la qualité laisse à désirer, etc. Donc, on veut que les usagers puissent avoir beaucoup plus de choix, alors que l'industrie du taxi a fait beaucoup de travail pour satisfaire la clientèle. On l'a vu à Montréal avec le Bureau du taxi de Montréal, où il y a eu des efforts qui ont été faits pour qu'il y ait plus de professionnalisation de l'industrie, et les chauffeurs, les propriétaires... L'industrie est embarquée là-dedans et a reconnu ses... a reconnu les choses qu'elle devait améliorer.

Il y a aussi, évidemment, les chauffeurs de taxi versus les chauffeurs d'Uber. Uber, quand ils sont venus, nous ont parlé d'associés — moi, j'appelle ça comme dans Walmart, on le sait comment ils traitent aussi leurs employés — et que les chauffeurs de taxi versus Uber... Uber, ils vont être peut-être beaucoup plus libres, ils vont pouvoir travailler comme ils veulent, etc. Ils n'auront rien à payer, sauf un certain montant à Uber.

Donc, il y a eu beaucoup ce discours de la division, et je suis contente d'avoir vu que, bien, l'industrie s'est tenue debout pour dire... pour parler d'une seule voix, et, non, on ne se laissera pas... on va se mettre ensemble, qu'on va être solidaires, ensemble pour contrer ce projet de loi qui met à mal notre gagne-pain.

On aura donc tout entendu, que les taxis refusent de se moderniser, qu'ils préfèrent rester dans le statu quo. On a vu, je pense, aujourd'hui, que ce n'est pas vrai. Il y a eu aussi... Je pense que c'était la chambre de commerce ou... j'ai oublié quels intervenants sont venus dire qu'il y a eu une surenchère des prix, que ça n'a pas de bon sens, les prix, à quel point ils sont rendus, les prix des permis de taxi, à quel point ils sont rendus, qu'il y a eu une surenchère, alors que les gens de l'industrie du taxi, les permis, on sait pourquoi ils ont existé. C'est parce qu'il y a eu une époque où il y avait énormément, énormément de taxis, c'était totalement le chaos. Donc, aujourd'hui, on enlève les permis... parce qu'il n'y avait pas de permis. Aujourd'hui, on enlève le permis, on dit que c'est une modernisation, alors que ce qu'on fait, c'est retourner en arrière, dans le temps qu'il n'y avait pas de permis. Et l'industrie aussi a contribué à ça. Ils ont injecté de l'argent, et aussi le gouvernement, pour pouvoir racheter les permis puis avoir moins de voitures puis qu'il y ait... de mettre de l'ordre dans cette industrie.

Et aussi on disait que c'étaient des gens d'affaires, que, quand on va en affaires, bien, qu'est-ce que tu veux, il y a des risques, et on peut faire faillite, alors que ce n'est pas du tout de cette façon-là que l'industrie doit être vue. C'est plutôt comme un filet social pour pouvoir aussi avoir un travail, puisque plusieurs n'ont pas pu trouver un travail ailleurs ou c'est juste un choix. Ils veulent travailler dans ce domaine-là, et donc le permis leur assure aussi une retraite, puisqu'ils n'ont aucun autre avantage.

Donc, la réalité, contrairement à ces mythes qu'on a entendus, c'est que... On l'a vu, la modernité, on parle beaucoup des applications. L'industrie a développé des applications, ils continuaient à faire un travail pour en développer. Et, comme je le disais, moi, quand je prends le taxi, je ne me rappelle pas la dernière fois où j'ai appelé quelqu'un pour pouvoir avoir un taxi, j'utilise toujours des applications. Donc, il y a eu cet effort-là. Et la chose la plus importante, c'est qu'ils ont respecté toutes les lois et tous les règlements que le gouvernement leur a imposés. Ils ont respecté toutes les règles et, même quand, par exemple, on a laissé entendre qu'il y avait du travail au noir, oui, ils l'ont reconnu.

• (12 h 30) •

Il y a eu beaucoup, beaucoup de changements, et l'industrie aussi continuait... Parce qu'aujourd'hui, en plus, avec les applications, c'est par carte de crédit, et donc ils se sont... Ils ont travaillé à respecter toutes les lois encore plus, et c'est ce qu'ils ont fait depuis toujours, et surtout la chose la plus importante, c'est qu'ils ont fait confiance au gouvernement. Ils ont fait confiance et ils ont vu qu'ils étaient menacés par cette multinationale et qu'est-ce que les gouvernements précédents ont fait, où est-ce qu'on a un petit peu prolongé, là, les projets pilotes, alors qu'un projet pilote, c'est supposé durer un certain temps, ce n'est pas supposé durer plusieurs, plusieurs années... Mais ils ont fait confiance, ils n'ont pas vu... Ils ont vu qu'il allait y avoir une modernité et ils voulaient s'adapter, ils étaient prêts. Même que, dans la région de Québec, ils ont travaillé à fusionner l'agglomération pour Québec... pas partout à travers le Québec, qu'il n'y ait plus aucune agglomération... d'avoir une agglomération fusionnée à Québec. Et d'autres auraient été aussi prêts à faire ça, à moderniser, dépendamment de leur situation dans les régions, et non pas de faire du mur-à-mur comme le projet de loi fait, sans aucune considération des différences régionales.

On parlait aussi beaucoup de la compensation. Écoutez, c'est clair, là, je veux dire, il n'y a pas à chercher midi à quatorze heures, quand on exproprie quelqu'un... Là, c'est les permis, c'est la même chose que quand on exproprie quelqu'un de sa maison, il y a des règles. Desjardins nous l'a dit quand ils sont venus en auditions particulières. Ils nous ont dit : Il y a des règles d'expropriation qui existent. On n'a pas besoin d'inventer le pain tranché, on a juste à les appliquer, et ça, ça veut dire une compensation pleine et entière à la valeur marchande.

J'ai parlé avec un travailleur du taxi. Il disait : C'est sûr que moi, j'aimerais mieux que le projet de loi n° 17 n'existe pas, qu'il n'y ait pas toute cette fusion, qu'on n'ouvre pas à n'importe qui, aux travailleurs du dimanche, à faire du taxi et à les concurrencer. C'est sûr qu'il préfère ça. Mais, au moins, si on le compensait à la valeur juste, marchande, d'aujourd'hui, depuis que le permis... Son permis a commencé à perdre de la valeur depuis l'arrivée d'Uber. Au moins, oui, il va avoir perdu parce qu'il va avoir... Il va perdre son gagne-pain à moyen et long terme, mais, au moins, il n'aura pas l'impression d'avoir tout perdu.

Et ce n'est pas aux contribuables de payer. Même l'industrie le dit et le répète, ce n'est pas à eux de payer. Il existe une compagnie extrêmement énorme qui fait... Oui, elle ne fait pas de profits maintenant, parce qu'elle veut faire du... elle est prête à faire du dumping pour rentrer dans les marchés. Mais ce n'est pas aux contribuables de payer. Il y a des pays qui ont décidé de se tenir debout et de dire : Bien, Uber aussi doit contribuer, ça ne peut pas être toujours les mêmes personnes. Donc, là aussi, l'autre discours, aussi, de division entre... je disais, entre l'industrie et les usagers, mais aussi entre l'industrie et les contribuables. Ce n'est pas aux contribuables de payer. Il ne faut pas parler de leur capacité à payer. Il faudrait que ça soit aussi les Uber de ce monde et Lyft de payer.

Je voudrais aussi parler de quelque chose de très important, c'est le rôle du gouvernement. J'appelle le ministre à ne pas succomber aux sirènes de l'économie de partage parce qu'il n'y a pas beaucoup de partage dans cette économie. Il y a beaucoup d'économies, mais peu de partage. Ça, c'est uniquement une façon de rendre les pratiques de cette industrie acceptables que de parler de l'industrie de partage. Et Uber est tout sauf moderne, parce qu'il entre — comme je l'ai dit, il l'a fait ici, il l'a fait ailleurs et il continue à le faire — sauvagement dans les marchés, dans l'illégalité, en ne respectant aucune loi, et ça, il n'a aucun scrupule à le faire. Et il traite aussi, comme je disais, les employés comme on traitait les employés, là, dans le passé dans les industries du début du dernier siècle, c'est-à-dire en les appauvrissant totalement et en disant que ce sont des gens totalement libres, ce sont des associés, qu'est-ce que vous voulez, alors que, pour vrai, c'est des travailleurs.

Et je pense que, de plus en plus, on va entendre... Là, ils sont peut-être inquiets, ils ne sortent pas assez. De plus en plus, on va entendre ces chauffeurs sortir, et, de plus en plus, il va falloir peut-être que le gouvernement aussi légifère pour leur donner un filet social pour qu'ils soient reconnus comme... pour qu'Uber soit reconnu comme employeur et qu'ils arrêtent de se cacher sous le couvert «ce sont des associés» et «l'économie de partage».

Donc, aujourd'hui, c'est l'industrie du taxi qui est touchée. Demain, ça va être peut-être d'autres industries. Il y a eu, aujourd'hui... Cette semaine, on a parlé de l'intelligence artificielle avec M. Bengio, qui est venu faire... qui est venu nous parler de l'intelligence artificielle et qui a dit... alors que lui, il est dans la recherche, dans la recherche fondamentale, dans l'application, aussi, de l'intelligence artificielle, mais il a voulu mettre en garde le gouvernement en disant : Faites attention, parce qu'on avance dans la technologie, il ne faut pas opposer... il ne faut pas qu'on laisse tomber personne. Par exemple, cette industrie-là, l'intelligence artificielle, quand elle va rapporter, il faut que la création de valeur soit faite ici, premièrement, et non pas dans les Google de ce monde. Il faut qu'on appuie des gens qui créent de la valeur ici et qui créent des nouveaux produits ici, et, après ça, d'imposer les grosses compagnies d'ailleurs, et après ça qu'on puisse protéger les travailleurs. Donc, il y a une préparation, oui, à la modernité, oui, mais il ne faut pas foncer tête baissée et il faut le faire intelligemment pour ne pas qu'après ça on soit obligé de reculer puis qu'il y ait, par exemple, des poursuites pour le gouvernement et qu'on soit obligé, après coup, de mettre en place des lois pour protéger les travailleurs.

Et je voudrais terminer avec ce que Jacques Parizeau nous disait, ce grand homme politique qui avait à coeur le... qui connaissait c'est quoi, la responsabilité de l'État. Et il disait que le rôle d'un gouvernement, c'est de protéger son monde, c'est de prendre soin de son monde. Et j'appelle le ministre, j'appelle le gouvernement de la CAQ à écouter ça puis à dire : Oui pour la modernité, oui pour la modernisation, oui on va avancer, mais ça se prépare. Et c'est très, très important de prendre soin de son monde, et son monde, ce sont les chauffeurs, ce sont les propriétaires du taxi. Merci.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Merci, Mme la députée. Alors, maintenant, j'invite le porte-parole du troisième groupe d'opposition en matière de transports et député des Îles-de-la-Madeleine à faire ses remarques préliminaires. Vous avez 20 minutes.

M. Joël Arseneau

M. Arseneau : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci, le ministre, de nous avoir convoqués aujourd'hui pour la reprise des travaux. Je salue tous mes collègues, également, et également le public qui continue de suivre ces débats, en particulier les représentants de l'industrie du taxi que l'on a rencontrés pendant toutes les auditions et qui se sont pliés aux règles malgré le projet de loi qui, dans son essence même, risque d'anéantir leur industrie. On aurait pu s'attendre à des débordements. Fort heureusement, somme toute, la voix des opposants à ce projet de loi a été formulée de façon totalement rationnelle et adéquate dans le système qui est le nôtre. Alors, je tiens à les remercier et à continuer, là, d'observer les travaux de notre commission.

Aujourd'hui, donc, puisqu'on a déjà parlé de ce dossier-là il y a un certain temps, on va s'y replonger pendant les prochains jours et peut-être les prochaines semaines, donc je vais revenir un peu sur certaines des remarques qu'on a pu formuler au cours des auditions et également lors de l'adoption de principe du projet de loi.

Tout d'abord, je veux rappeler que les préoccupations de ma formation politique sont à l'effet de défendre, dans ce projet de loi, les travailleurs de l'industrie du taxi et toutes les familles qui vont être touchées d'une façon ou d'une autre, certains de façon très abrupte, par le projet de loi, par les conséquences de l'adoption d'un éventuel projet de loi. On peut parler non seulement, là, des chauffeurs, des propriétaires, les mécaniciens, ceux qui sont dans l'entretien, et ainsi de suite, les répartiteurs, et tout, là, de plus de 25 000, certains avancent le chiffre de 30 000, familles du Québec. C'est une industrie forte importante au Québec. Donc, on a déjà mentionné les drames humains que pourrait provoquer la loi une fois adoptée. Donc, pour nous c'est important de défendre cette industrie et les travailleurs, qui, comme ma collègue l'a mentionné tout à l'heure, ont toujours respecté les règles, le cadre de loi qui était celui du Québec et qui se voient aujourd'hui un peu trahis par un projet de loi comme celui-là qui, visiblement, les ébranle et qu'ils n'ont pas vu venir. En fait, il y a peu de gens qui l'avaient vu venir.

La défense des travailleurs mais aussi la défense des consommateurs, et ça, c'est peut-être la remarque que je voulais, d'entrée de jeu, faire valoir. C'est que, dans tout ce débat-là, dans les auditions que nous avons tenues, chacun s'est prononcé sur les effets éventuels d'une loi sur le transport des personnes rémunéré... rémunéré des personnes en invoquant ce que ça pourrait donner pour les consommateurs, et je peux déplorer le fait que les associations de consommateurs, les consommateurs eux-mêmes n'ont pas eu voix au chapitre. On n'a pas pu entendre le point de vue dans le cadre de nos auditions, ce qui est assez malheureux. Nous continuerons au cours de l'étude détaillée, article par article, de tenter d'anticiper quelles seront les conséquences de l'adoption d'une loi comme celle-là sur les consommateurs, sur, finalement, l'ensemble des gens qui peuvent avoir recours, à un moment ou un autre, aux services de transport et de taxi.

• (12 h 40) •

Il y a également tout le volet de l'équité de service dans les différentes parties du territoire québécois. Nous avons des préoccupations très profondes sur ce que peut donner un projet de loi qui laisse au libre marché le soin de réguler l'offre et la demande, d'adapter l'offre à la demande, particulièrement dans les régions dites éloignées ou dans toutes les régions rurales du Québec. Donc, dès qu'on sort, finalement, des centres urbains comme Montréal, ou Québec, ou certaines autres villes, on risque d'avoir des ruptures de service et des problèmes significatifs, en fait une diminution du service par rapport à la situation actuelle.

D'abord, les remarques préliminaires pour rappeler un peu notre positionnement. Nous nous sommes prononcés contre le projet de loi et son principe parce que nous pensons qu'il repose sur un postulat qui n'est pas clair, dans la mesure où il tend à confondre toute la question de la modernisation du taxi et la déréglementation qu'on veut imposer à travers le projet de loi qui est devant nous, et nous pensons sincèrement qu'il s'agit de deux choses diamétralement différentes, sans être opposées. Et de postuler que le système actuel ne peut pas être réformé, mais doit être tout simplement aboli, pour nous, est une approche qui nous apparaît plutôt idéologique et qui n'a pas été démontrée, d'aucune façon, là, en présentant le projet de loi ou lors des auditions, il ne s'agit que de se pencher sur l'étude qui a été faite, l'étude du cadre réglementaire, là, l'étude réglementaire sur ce projet de loi, qui est très courte, qui est peu détaillée et qui, également, mentionne un certain nombre d'affirmations qui ne sont pas ou très mal appuyées.

Nous n'avons pas, non plus, pu obtenir les résultats des projets pilotes, et ça, bien, je pense qu'il s'agit d'une aberration dans le système qui est le nôtre, où le gouvernement, comme l'ont mentionné certains de mes collègues, a régularisé la situation d'une entreprise étrangère avec une plateforme électronique, qui opérait de façon illégale dans le cadre législatif du Québec. On a régularisé ses opérations dans le cadre d'un projet pilote puis d'un deuxième. Et, selon la compréhension habituelle qu'on a des projets pilotes, bien, il s'agit de mettre en place un cadre temporaire, qui nous permettra ensuite d'étudier ce que pourraient donner d'éventuels changements qu'on produirait mais en ayant analysé les résultats de la période d'essai dans le cadre d'un projet pilote. Ces informations-là sont sans doute disponibles quelque part. Mais il est absolument impossible pour nous d'anticiper ce que donnera le nouveau projet de loi ou le nouveau cadre si nous n'avons pas l'information de base sur laquelle le gouvernement semble vouloir s'appuyer pour proposer de tels changements, des changements draconiens, dans le système, en fait l'abolition du système tel qu'on l'a connu jusqu'ici. Alors, pour nous, à défaut d'avoir de l'information, nous avons cette espèce d'appel à croire sur parole le ministre et ses conseillers sur l'idée très simple qui a déjà été avancée dans d'autres sphères, à d'autres égards, pour dire que la libre concurrence réglerait de façon invisible et fluide l'ensemble des problèmes dans la desserte du transport rémunéré des personnes au Québec.

Donc, l'absence d'études ou de données probantes pour proposer un tel changement, je le rappelle, nous déçoit, de même que l'absence de comparatifs. Uber n'a pas été introduit seulement au Québec, on a vu des expériences ailleurs. Et, quand on lit ce qui se passe un peu dans d'autres pays, on a des raisons de s'inquiéter, que ce soit au sud de la frontière, que ce soit en Europe ou même ailleurs au Canada, l'information est parfois anecdotique. Mais je pense qu'il aurait été plus prudent de prendre le temps de faire les choses, de faire bien les choses, comme d'autres ont choisi de le faire, sans réagir à la pression d'une entreprise multinationale comme Uber, pour ne pas la nommer, ou Lyft, donc d'imiter peut-être une province comme la Colombie-Britannique, qui a pris plus de deux ans... et, à ce que je sache, ils n'ont pas encore conclu sur la façon dont on peut introduire cette offre nouvelle d'un transporteur sans créer le chaos, la confusion dans le service de transport rémunéré des personnes chez eux. Pourquoi réagir à la pression? C'est, pour nous, une chose qui n'était pas nécessaire, qui n'était pas utile à ce moment-ci.

Donc, le fait qu'on doive croire sur parole un certain nombre d'affirmations sur les effets positifs du projet de loi sans nécessairement qu'on voie à travers le projet de loi ou ses articles quelque garde-fou que ce soit ou quelque condition... Il y a des choses qui seront réglées par règlement, on en convient. Mais, pour nous, il est difficile non seulement de croire sur parole à l'effet positif du règlement dans toutes ses dimensions et de se dire que ce qui ne sera pas réglé par le projet de loi le sera aussi par des règlements, dont on ne connaît pas encore la teneur, alors qu'il est déjà facile d'anticiper certains dommages qui seront vraisemblablement irréversibles, particulièrement pour les travailleurs de l'industrie...

Maintenant, je dirais que l'utilisation du terme «modernisation», pour dorer la pilule... m'a semblé être utilisé de façon abusive tout au cours de la discussion, parce que, et on l'a entendu pendant les auditions, le processus de modernisation, il est commencé, il était commencé déjà depuis nombre d'années. Des témoins ont défilé pour nous en faire la preuve. Les plateformes qui ont été développées au Québec, les plateformes numériques existent, elles sont à nous. Elles ont été développées dans le but de servir les consommateurs et évidemment pour favoriser aussi l'achalandage chez les transporteurs, chez les taxis, dans l'industrie. On a reproché, à certains égards, à l'industrie du taxi de ne pas avoir réagi assez rapidement, là, à ce monde moderne, au téléphone intelligent qui était maintenant monnaie courante partout dans la société québécoise, particulièrement chez les jeunes, alors que la loi, elle-même, n'avait pas permis, pendant nombre d'années, aux taxis de justement doter leurs voitures d'une plateforme ou d'une tablette, par exemple, et ça leur était, pendant longtemps, interdit.

On a aussi des préoccupations sur tout ce qui est l'aspect conditions de vie des chauffeurs, des chauffeurs de taxi de demain et des chauffeurs occasionnels également, leur sécurité financière, donc leurs conditions de travail, mais également, on l'a mentionné, la sécurité des passagers. Le ministre, d'entrée de jeu dans ses remarques préliminaires, l'a mentionné, on est heureux de l'entendre, parce que c'est une préoccupation qui est réelle pour nous comme pour la population, pour ceux qui ont comparu également. Et, toute la question des services aux clientèles à besoins particuliers, disons, particulièrement le transport adapté, le ministre l'a aussi mentionnée. Nous en prenons note et nous allons vouloir travailler de façon positive avec lui sur l'amélioration du projet de loi à cet égard.

• (12 h 50) •

Il y a une grande question qui a été aussi, je dirais, abordée sans nécessairement qu'on puisse avoir de démonstration probante sur la place qu'aura l'industrie du taxi de demain. On a beaucoup parlé du nombre de courses qui était réalisé par l'industrie traditionnelle du taxi et on semble, encore une fois, dire qu'avec le projet de loi, tel qu'il a été écrit, le fait de pouvoir continuer à utiliser le taximètre et le lanternon était garant d'un maintien de la part de marché de l'industrie traditionnelle du taxi dans l'écosystème, ce dont on peut douter fortement.

Donc, nos préoccupations de façon plus pointue, lorsqu'il sera question d'étudier article par article le projet de loi, c'est le transport adapté. Les modalités concernant ce secteur important du transport rémunéré de personnes ont été, à bien des égards, oubliées ou occultées dans le projet de loi. Il faudra y porter une attention toute particulière.

La sécurité, j'en ai déjà fait mention. La déprofessionnalisation de l'industrie nous inquiète. Nous allons nous pencher là-dessus de façon plus pointue. Et, quand il est question de sécurité, il y a la formation des chauffeurs, mais il y a aussi cette espèce de mouvement à l'encontre de tout ce qu'il se fait dans le monde moderne aujourd'hui, de l'autorégulation de la sécurité et de l'entretien des véhicules. Pour nous, c'est un pas en arrière qui peut, jusqu'à un certain point, mettre en danger la sécurité des passagers et évidemment des chauffeurs. Et on a eu l'occasion déjà d'en parler un peu, mais nous y reviendrons. Les inspections doivent être maintenues de façon à rassurer l'industrie et les passagers, les consommateurs sur sa sécurité.

Toute la question de la qualité des services découle également de la formation adéquate ou non des chauffeurs. Quand on parle de déprofessionnalisation, évidemment, et des conducteurs du dimanche ou de fin de semaine, il y a toute la question de l'expérience et donc de la formation pour les personnes à besoins particuliers, moins de contrôle, tout ça nous préoccupe particulièrement.

J'ai déjà, aussi, mentionné les conditions de vie des chauffeurs, mais je veux préciser quand même de quoi il s'agit, dans la mesure où, au moment même où nous écoutions les témoignages des différents groupes lors des auditions, les chauffeurs d'Uber faisaient grève, et les chauffeurs de Lyft également, dans d'autres cadres législatifs. Ce n'était certainement pas parce qu'ils étaient satisfaits de leur sort. Si c'est la direction que l'on veut prendre, il faut quand même prendre note le fait que, lorsqu'on affirme que d'emblée les conditions de travail seront améliorées et le revenu des chauffeurs le sera également, on se permet d'en douter fortement. En fait, l'industrie, actuellement, offre des salaires qui permettent, à bien des égards, à des chauffeurs, à des propriétaires, souvent issus de l'immigration, de se bâtir un capital, de pouvoir finalement faire vivre leurs familles, payer des études à leurs enfants, et accéder, je dirais, à un statut social de génération en génération plus intéressant, toujours plus intéressant. Et aujourd'hui je ne pense pas que la voie qu'on s'apprête à prendre nous promette le même genre de succès pour les gens qui s'adonneront au transport rémunéré des personnes.

La disponibilité des services, que ce soit en milieu urbain ou en milieu rural, les deux vont obéir à des logiques différentes. Nous ne croyons pas que les conditions soient nécessairement réunies pour offrir toujours un service optimal et au meilleur coût en toutes circonstances. Nous avons eu certaines affirmations à cet égard, particulièrement, là, dans les périodes où le service serait moins payant. On a déjà des tactiques, si on veut, de la part des prestataires de service pour justement ne pas offrir un service qui serait pour eux moins rentable à certaines heures. Puis on peut imaginer, dans des conditions hivernales, que ce sera beaucoup moins intéressant aussi. Et, dans les régions, évidemment, lors des périodes plus tranquilles, saisonnières ou de la semaine, nous sommes convaincus que le service aura des difficultés à être rentable et donc ne sera pas offert, et ce seront les consommateurs et les populations qui en souffriront.

La question de la tarification dynamique, qu'on tend à décrire comme n'ayant que des effets positifs, pour nous, évidemment, devra être regardée de plus près. Qui dit tarification changeante dit difficulté à prévoir les déplacements pour des clientèles qui ne sont pas nécessairement toujours en moyens. Je pense aux jeunes. Je pense aux personnes les plus vulnérables, les plus démunies, qui devront faire un choix, peut-être, entre différents...

La Présidente (Mme St-Pierre) : ...

M. Arseneau : Combien?

La Présidente (Mme St-Pierre) : ...minute.

M. Arseneau : Je vais conclure. Merci, Mme la Présidente. Donc, qui devront faire un choix, mais un choix qui repose sur leur capacité de payer selon la période à laquelle ils ont besoin d'un service. Parfois, ils ne choisissent pas d'aller à l'hôpital, à la pharmacie ou au travail. Et ce choix-là reposera sur leurs capacités financières, s'offrir un service, par exemple, en période d'achalandage. Pour nous, ce n'est pas une amélioration, là, des services à la clientèle.

Toute la question du partage de données a été mentionnée également dans plusieurs auditions, lors de l'audition de différents groupes. C'est absolument crucial pour la gestion et la planification d'un transport durable dans les villes. Et, entre autres, la ville de Montréal a fait des représentations à cet égard, que, sans avoir la composante taxi ou transport rémunéré des personnes...

La Présidente (Mme St-Pierre) : Merci beaucoup. C'est terminé.

M. Arseneau : ...ce serait difficile. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Alors, vous savez, tous les députés peuvent parler lors des remarques préliminaires. Donc, est-ce qu'il y a d'autres membres qui souhaitent faire des remarques préliminaires? Mme la députée... Saint-Henri—Sainte-Anne. C'est ça. Merci.

Mme Dominique Anglade

Mme Anglade : Merci, Mme la Présidente. Écoutez, il ne me reste que quelques minutes pour prendre la parole, alors je vais essayer d'y aller à l'essentiel, quitte à revenir, de toute façon, la semaine prochaine.

J'aimerais saluer les personnes qui nous écoutent et les personnes qui sont présentes également, notamment les représentants des compagnies de taxi, des chauffeurs de taxi qui sont avec nous.

Écoutez, je vais y aller de manière générale sur ce que je crois être la responsabilité première d'un gouvernement. Cette semaine, on a eu des exemples assez éloquents où le premier ministre a pris part à des débats où on choisit des gagnants, on choisit des perdants. On parle beaucoup de salaire moyen que l'on veut augmenter. Les salaires élevés, c'est ce qu'on va valoriser. Bien, je pense que cette philosophie-là transparaît dans le projet de loi qui nous est présenté, comme si des salaires moins élevés, bien, avaient moins de considération, que ça pouvait justifier un certain nombre de choses.

Et, d'un point de vue principe, déjà là je me sens particulièrement interpelée. Il y avait des règles du jeu qui étaient établies. Le gouvernement décide de changer les règles du jeu. Soit. Il y a des milliers de personnes qui sont touchées par ça, des milliers de familles qui sont affectées par ça, des gens qui sont venus s'installer au Québec dans les années 60, dans les années 70, qui ont bâti une petite entreprise, une PME et qui sont touchés par ça. Et ce que l'on répond, de la part du gouvernement, c'est dire : On va tâcher de compenser d'une certaine manière, une certaine forme, mais pas de manière complète. Et, là où on regarde le résultat, c'est que... Lorsqu'on regarde les propositions qui sont faites, bien, elles ne répondent pas aux besoins de la population. Elles ne répondent pas aux besoins des personnes qui sont particulièrement touchées, à toutes les familles à l'intérieur desquelles oeuvre un chauffeur ou une chauffeuse de taxi.

Alors, les compensations qui sont proposées, bien que le ministre pense qu'elles soient suffisantes, ne le sont pas. Les compensations qui sont proposées, au lieu d'utiliser une méthode qui, au moins, s'approprierait, avec toute la question des expropriations... ne le sont pas. Et la responsabilité première d'un gouvernement reste quand même celle de s'occuper de l'ensemble de sa population.

Alors, nous, évidemment, lorsque nous allons regarder le projet de loi article par article, nous allons tout faire pour faire en sorte que les chauffeurs de taxi, les familles puissent réellement tirer leur épingle du jeu, et c'est la raison pour laquelle nous ne sommes pas d'accord avec la manière dont est présenté présentement le projet de loi.

D'autre part, Mme la Présidente, pendant les quelques minutes qu'il me reste...

Une voix : ...

Mme Anglade : ...30 secondes, j'invite le ministre, lorsque l'on parle d'économie collaborative et d'innovation... Parce que j'en suis, de l'innovation, j'en suis, de l'économie collaborative, j'aimerais vraiment qu'il puisse se pencher sur la véritable économie collaborative. Il y a eu des rapports qui ont été faits au sein du gouvernement précédent. Il devrait sérieusement en prendre note, parce que ce qui est présenté, encore une fois, ne répond absolument pas aux besoins qu'ont les propriétaires de taxi et aux besoins qu'ont les chauffeurs de taxi. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Alors, merci. Donc, nous allons poursuivre la semaine prochaine.

Et j'ajourne les travaux au 10 juin 2019, à 14 heures. Je vous remercie à vous tous et à vous toutes. Je vous souhaite un excellent week-end. Merci.

(Fin de la séance à 13 heures)

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