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Version préliminaire

42e législature, 2e session
(19 octobre 2021 au 28 août 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Le jeudi 10 février 2022 - Vol. 46 N° 6

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 15, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d’autres dispositions législatives


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Journal des débats

11 h (version non révisée)

(Onze heures vingt-sept minutes)

Le Président (M. Provençal) : Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je souhaite la bienvenue... Mon Dieu! C'est l'ordre... excusez-moi, parce que je ne veux pas faire d'erreur, Ordre professionnel des criminologues du Québec, dont Mmes Goyette et Giroux seront les porte-parole. Mesdames, je vous rappelle que vous aurez dix minutes pour votre exposé, et par la suite il y aura échange avec les membres de la commission. Alors, je vous cède la parole. Merci beaucoup de votre...

Mme Rioux (Josée) : Merci beaucoup. Alors, M. le Président de la commission...

Le Président (M. Provençal) : Une minute. Une minute, s'il vous plaît, parce que j'ai oublié de... Je veux être trop rapide, ce matin. Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Derraji (Nelligan) est remplacé par Mme Weil, notre Dame de grâce; Mme Sauvé (Fabre) est remplacée par Mme Robitaille (Bourassa-Sauvé); M. Marissal (Rosemont) est remplacé par M. Zanetti (Jean-Lesage); et M. Arseneau (Îles de la Madeleine) est remplacé par M. Ouellet (René Lévesque).

Le Président (M. Provençal) : Et ce matin nous entendrons les groupes suivant: l'Ordre professionnel des criminologues du Québec et la Fondation Marie-Vincent. Alors, mesdames, je vous cède la parole.

Mme Rioux (Josée) : Alors, merci beaucoup. Alors, M. Le Président de la commission, M. le Ministre, Mmes, MM les députés membres de commission et Mme la directrice nationale, bonjour. Je suis Josée Rioux, criminologue et présidente de l'Ordre professionnel des criminologues du Québec. Je suis accompagnée ce matin de Mme Michèle Goyette, qui est également criminologue. Elle est spécialisée en protection de la jeunesse et la présidente de notre ordre. Mme Goyette nous a d'ailleurs représentés lors des auditions de la commission Laurent.

Nous tenons évidemment à saluer la célérité avec laquelle le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux a déposé ce projet de loi. Ceci témoigne sans contredit d'une volonté de mettre en oeuvre les changements proposés par la commission Laurent, à l'instar de plusieurs collègues qui nous ont présentés depuis mardi. C'est donc avec honneur et privilège de nous présenter devant vous pour commenter ce projet de loi, qui, de notre avis, constitue une pièce maîtresse du devoir que nous avons collectivement d'être une société bienveillante pour nos jeunes et nos enfants. C'est d'ailleurs le titre que nous avons choisi à donner à notre mémoire.

D'entrée de jeu, nous sommes d'avis que ce projet de loi propose plusieurs avancées intéressantes. Nous croyons...

Mme Rioux (Josée) : ...toutefois essentiel d'aller plus loin sur certaines questions de fond. Notre ordre a été constitué en 2015 et compte près de 1700 membres. Il a pour mandat premier d'assurer la protection du public, notamment en encadrant la qualité des services professionnels fournis par les criminologues aux personnes contrevenantes, aux personnes victimes et à la communauté. Plus de la moitié de nos professionnels en oeuvre sont en protection de la jeunesse. La compétence des criminologues se traduit notamment par une agilité en contexte volontaire, tant en contexte... (Panne de son) ...que d'être contrainte ou sous mandat légal, une polyvalence qui constitue un atout de taille pour accompagner les enfants, les jeunes et leurs parents dans leur démarche d'aide, de réadaptation ou de réinsertion. Bref, les criminologues sont des spécialistes de l'aide en contexte d'autorité.

• (11 h 30) •

Les enfants d'aujourd'hui sont nos adultes de demain. Il faut donc faciliter le passage à la vie adulte pour une réinsertion sociale réussie chez nos jeunes. Trop souvent, ces jeunes en protection se retrouvent dans les milieux correctionnels adultes, notamment en incarcération, faute de services adéquats lorsqu'ils atteignent leur majorité. Ce projet de loi doit impérativement nous donner les moyens de briser le cycle. La continuité des services et leur accessibilité demeurent à ce jour un défi important auquel il faut s'adresser rapidement pour bien guider l'adulte en devenir. Pour cela, il faut se donner concrètement les leviers et les moyens de nos ambitions. Nous considérons que c'est un important projet de société.

La protection du public... (Panne de son) ...importance quand on parle de protection de la jeunesse. L'application de la loi comporte des enjeux importants concernant les droits fondamentaux des enfants et des familles. La notion de l'intérêt de l'enfant est complexe, peu définie et perçue de façon variable. Il demeure primordial d'en donner une définition claire permettant que les modifications à la loi ne soient pas vaines. Bien protéger le public implique que nous puissions baliser les interventions tant sociales que judiciaires, encadrer la prise de décision afin de s'assurer de la rigueur de celle-ci et du respect de la loi, tant dans son esprit que dans son libellé.

Ainsi, nous devons nous assurer que la révision de cette loi permette de clarifier sans équivoque ce que nous entendons collectivement comme étant le fait de prioriser l'intérêt de l'enfant. Dans cet esprit, nous avons posé un regard critique face aux éléments retenus dans ce projet de loi et ceux qui, de notre avis, auraient dû s'y retrouver. Ma collègue Mme Goyette va y revenir. En ce qui concerne les enfants autochtones, nous n'avons pas la prétention de parler au nom des communautés des Premières Nations. Par ailleurs, nous partageons le point de vue de la commission Laurent et déplorons l'écart qui existe entre cette prise de position de la Commission et les dispositions du projet de loi en la matière. Les changements apportés à la déclaration de principe de loi nous rallient, nous y adhérons sans réserve. Nous saluons également la clarification de plusieurs principes accentuant la primauté et l'intérêt de l'enfant, la responsabilisation parentale, la stabilité des liens, la collaboration entre les différents intervenants et la clarification des règles de confidentialité. Toutefois, nous sommes d'avis que pour être pleinement efficaces, ces principes doivent s'incarner concrètement dans des modifications législatives touchant certains articles clés de la loi. Autrement, nous craignons que les écarts d'interprétation subsistent et nuisent à l'atteinte des objectifs poursuivis par ce projet de loi.

En somme, pour actualiser pleinement la vision et les principes affirmés haut et fort dans le préambule et les articles touchant les principes généraux, il est essentiel que ces derniers s'accompagnent de modifications supplémentaires dans l'esprit des recommandations formulées par la Commission Laurent. Maintenant, je laisse Mme Goyette aborder certaines propositions que l'Ordre vous fait aujourd'hui.

Mme Goyette (Michèle) : Merci, Josée, bonjour tout le monde, merci de nous donner l'occasion d'être entendues ce matin. Le premier enjeu que nous voulons soulever est lié à la question de la stabilité des enfants. La Commission Laurent a été très éloquente sur cet enjeu, une famille pour la vie, voilà l'objectif clair à atteindre. Les ravages de l'instabilité chez les enfants sont documentés et très bien connus. Elle a des conséquences sur la vie entière des enfants. Or, même si depuis 2007, la loi devrait permettre une plus grande stabilité grâce aux dispositions sur les durées maximales de placement, force est de constater que nous n'y sommes pas arrivés. Il faut certes réaffirmer les principes de façon plus claire, mais il faut surtout fournir des leviers légaux pour que les principes s'actualisent et changent la vie des enfants vraiment. Alors, nos recommandations sur ce sujet sont les suivantes : d'introduire dans la loi l'obligation de planifier un projet de vie alternatif dès le premier placement d'un enfant de moins de 5 ans, introduire l'idée que le tribunal doit prendre une décision qui assure la stabilité de l'enfant et non pas tant à assurer...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

Mme Goyette (Michèle) : ...tel que libellé actuellement, indiquait que le tribunal, lors d'une décision de placement permanent, doit statuer sur les contacts avec les parents, et éventuellement, sur le transfert des attributs de l'autorité parentale; préciser que le seul motif pour outrepasser les délais est l'intérêt de l'enfant, tel qu'analysé et documenté par le tribunal; préciser que le placement en famille d'accueil à majorité n'est pas un projet de vie stable; et introduire, comme motif d'admissibilité à l'adoption, le dépassement des durées maximales de placement.

Notre deuxième sujet d'intérêt est le passage à la vie autonome. C'est un sujet qui nous préoccupe, comme criminologues, nous accordons une grande importance à l'insertion sociale. Nous saluons d'abord la volonté du législateur de s'y adresser, notamment en donnant des leviers supplémentaires pour s'assurer qu'une préparation minimale est offerte aux jeunes avant leurs 18 ans. Nous croyons aussi que la conservation des dossiers jusqu'à l'âge de 43 ans est une avancée importante pour ceux dont le dossier, à la protection de la jeunesse, constitue l'histoire de vie. Ces changements sont positifs, mais selon nous, c'est trop peu. Il y a un vaste chantier à créer et de façon urgente pour mettre en place des mesures visant à faciliter cette difficile transition pour les jeunes qui ont été placés. Ces mesures ne sont pas toutes de nature législative, évidemment, mais nous croyons qu'il y aurait certainement eu lieu d'introduire dans la loi la possibilité de maintenir le placement d'un jeune adulte jusqu'à ses 21 ans, avec son accord, évidemment, et sans obligation de scolarisation.

Notre troisième sujet est la transmission d'informations confidentielles. Nous souscrivons clairement à la volonté de profiter de l'actuelle révision législative pour insuffler une plus grande souplesse dans l'interprétation des règles devant guider les intervenants qui doivent, au quotidien, échanger des informations. Comme ordre professionnel, cela nous préoccupe tout particulièrement puisque nous avons le devoir de veiller sur la qualité des pratiques exercées dans l'intervention en protection de la jeunesse, tout autant que sur le respect de la confidentialité et du secret professionnel. Nous sommes tout à fait d'accord avec le principe sous-jacent de subordonner la transmission d'informations à l'intérêt de l'enfant. Nous recommandons cependant que l'application des changements à la loi en cette matière s'accompagne d'un chantier de clarification et de formation pour soutenir les intervenants sociaux et judiciaires. Les ordres professionnels pourraient être associés à ces travaux. Nous avons, dans notre mémoire, soulevé certaines balises que je ne répéterai pas ici, mais qui devraient être prises en considération pour encadrer la transmission d'informations et la levée du secret professionnel.

Nous saluons l'enchâssement dans la loi d'une fonction de directeur national de la protection de la jeunesse et d'un forum des directeurs de la protection de la jeunesse. Ces deux mesures permettent une meilleure harmonisation des pratiques et soutiendront leur développement. Toutefois, nous aurions souhaité que le directeur national de la protection de la jeunesse ait un peu plus de pouvoirs sur les services de première ligne pour les enfants et les familles. Il faut agir en amont, comme l'a martelé la Commission Laurent, et je cite ici le rapport, il faut rehausser, renforcer et compléter une trajectoire robuste de services de proximité à la famille. Il faut que quelqu'un porte cette mission. Le nouvel article 28 institue un rôle-conseil pour le ministre de la Santé et des Services sociaux concernant la protection de la jeunesse et les enfants en situation de vulnérabilité. C'est une bonne chose, mais nous souhaitons que la loi soit plus contraignante à ce sujet. Nous souhaitons aussi que la fonction de commissaire aux droits des enfants soit enchâssée dans la loi. Nous formulons donc deux recommandations : d'ajouter au nouvel article 28 la création d'une table interministérielle, chapeautée par le ministre de la Santé et des Services sociaux, pour mettre en place et coordonner des actions préventives susceptibles de soutenir le développement des enfants; d'instituer d'ores et déjà, dans ce projet de loi, les fonctions de commissaire et commissaire adjoint au bien être et aux droits des enfants.

Je termine avec l'intervention judiciaire. Bien que la judiciarisation des situations en protection de la jeunesse constitue, dans certaines circonstances, l'avenue à privilégier, dans le respect des droits des membres de la famille, le passage au tribunal devrait, selon nous, être le dernier recours. L'approche contradictoire imposée par l'appareil judiciaire n'est pas, selon nous, le meilleur véhicule pour faire évoluer les familles au bénéfice des enfants. Cette approche engendre souvent une cristallisation des conflits. En conséquence, il faut, selon nous, moderniser, humaniser, adapter le processus judiciaire afin qu'il serve mieux l'intérêt de la famille et des enfants dans le contexte d'application de la loi. Il y a peu de changements dans le projet de loi qui favoriseront l'utilisation des approches consensuelles. À titre d'exemple, la conférence de règlement à l'amiable, instaurée depuis 2007, est toujours sous-utilisée. Y a-t-il lieu de créer dans la loi des obligations précises de recours à des approches consensuelles? C'est une question qui mérite réflexion, selon nous. Nous souscrivons aux dispositions de la loi qui augmentent la possibilité de conclure des ententes volontaires et nous sommes aussi d'accord avec la représentation obligatoire des enfants par un avocat. Il y a trois points, cependant...

Mme Goyette (Michèle) : ...que nous aimerions amener. Premièrement... oui?

Le Président (M. Provençal) : Madame? Vous allez m'excuser, mais vous dépasser déjà largement le 10 minutes, ça fait que je n'ai pas le choix de vous interrompre.

Mme Goyette (Michèle) : D'accord.

Le Président (M. Provençal) : Je vais demander le consentement pour la redistribution du temps. Oui, ça va. Alors, M. le ministre, vous avez maintenant 16 min 30 s pour l'échange.

• (11 h 40) •

M. Carmant : Parfait, merci beaucoup. Bonjour, Mme Goyette, j'espère je vais vous redonnez du temps pour terminer vos explications en vous posant les bonnes questions. Mme Rioux, enchanté. Merci d'être là. Merci pour votre mémoire. Merci pour vos remarques, ce matin.

D'entrée de jeu, effectivement, pour nous, l'intérêt de l'enfant doit primer. Le définir dans la loi pourrait entraîner des complications parce que quand on fait des listes de situations, on en manque toujours. Donc, quand vous nous suggérez de le définir dans la loi comment... qu'est ce que vous voulez dire par là?

Mme Goyette (Michèle) : Alors, c'est clair que ce n'est pas une mission facile de définir l'intérêt de l'enfant, et c'est clair que jusqu'ici, dans l'application de la loi, l'intérêt de l'enfant n'a pas toujours été compris de la même façon. À partir du moment où on parle de questions comme la stabilité, par exemple, à partir du moment où on va plus loin dans des mesures, dans des leviers qui précisent comment on doit privilégier, par exemple, la stabilité, déjà, bien, on s'attaque davantage à l'intérêt de l'enfant. Alors, c'est pourquoi que nos recommandations sont vraiment dans le sens de donner des leviers supplémentaires, parce que notre interprétation de l'intérêt de l'enfant, il faut la préciser dans ces leviers supplémentaires là. Alors, c'est un peu la façon dont nous on y répond avec des leviers supplémentaires.

M. Carmant : Je comprends. Merci. Un autre point que vous avez mentionné aussi, c'était le calcul de la durée maximale de placement, là, qui est souvent dépassée et qu'on doit vraiment mieux définir et mettre un point de départ clair. Certains sont même allés jusqu'à nous proposer de raccourcir ces délais maximaux de placement. Êtes-vous en accord avec ça ou comment vous vous positionnez par rapport à ça? Ou déjà juste de les respecter serait suffisant?

Mme Goyette (Michèle) : Si je peux me permettre, Mme Rioux, je répondrai aussi à cette question. Je pense que vous avez tout à fait raison, M. le ministre, quand vous dites : Déjà de le respecter serait suffisant. On comprend que quand une situation se produit à la protection de la jeunesse qui nécessite un placement, il y a déjà, il y a plusieurs choses qui ont été tentées, et il y a du travail à faire avec les parents pour les amener à être capables d'assurer la sécurité et le développement de leurs enfants. Il faut donner ce temps-là, et les délais qui existent nous apparaissent suffisants pour donner ce temps-là. Mais à partir du moment où le temps a été donné, où les services ont été donnés, et ça, c'est un autre aspect très important, si on donne temps, mais que les services qui peuvent aider ces parents-là à évoluer ne sont pas au rendez-vous, on augmente, à ce moment-là, les délais en disant : Bien, les parents n'ont pas reçu les services. Mais pendant ce temps là, l'enfant, lui, s'attache ailleurs. Donc, il faut impérativement que les services soient disponibles. Mais c'est possible que malgré que les services soient disponibles, malgré que les parents y contribuent, y participent activement, que la situation ne se résorbe pas, ça arrive malheureusement, mais à ce moment-là, il y a une décision très difficile à prendre, mais il faut la prendre. Et c'est là que quand on met des leviers comme expliquer de façon très claire en quoi ce ne serait pas dans l'intérêt de l'enfant de respecter les délais, on ajoute des contraintes qui vont faire qu'on va resserrer le respect de ces délais-là. C'est un peu le point de vue qu'on amène ce matin.

M. Carmant : Aussi, vous avez mentionné que le placement en famille d'accueil à la majorité n'est pas un projet de vie stable. Alors, ça, c'est la déclaration qui m'a fait le plus réfléchir. Qu'est-ce que vous voulez dire par là? Puis comment on peut améliorer les choses?

Mme Goyette (Michèle) : Encore une fois, je me permets de répondre, Mme Rioux, si ça vous convient. Évidemment, ça a été largement documenté dans le rapport de la commission Laurent que le placement à majorité dans une famille d'accueil, ça n'implique pas qu'un enfant à une famille pour la vie. Ça peut impliquer qu'il a plusieurs familles tout au long de sa vie, qu'il se promène d'une famille d'accueil à l'autre. La décision demeure la même : placement à majorité. Mais sa vie, elle, n'est pas stable parce qu'il se promène d'une famille d'accueil à l'autre. Alors, c'est sûr que des moyens comme la tutelle ou l'adoption sont des mesures beaucoup plus aptes à procurer de la stabilité aux jeunes. Si on s'en va vers des mesures de placement en famille d'accueil à majorité, il faut s'assurer que ce soit la même famille d'accueil jusqu'à...

Mme Goyette (Michèle) : ...puis à ce moment-ci les règles entourant les contrats avec les familles d'accueil ne permettent pas... En tout cas, il y a sûrement moyen de trouver une façon de stabiliser ces enfants-là, mais dans le moment ce n'est pas la réalité pour certains d'entre eux. Il y en a certains qui vont demeurer dans la même famille d'accueil, mais ce n'est pas la majorité, je dirais.

M. Carmant : D'accord, merci. Puis, quand on parle également un petit peu de l'arrimage avec les services pour... Quand on parle de la transition à la vie adulte, nous, on a quand même déployé ou accéléré le déploiement du programme Aire ouverte, qui justement permet la transition, là, 18-25 ans, avec une visée surtout santé mentale. Mais je sais que le chercheur, là, je pense, Dr Goyette aussi, peut-être, là - je ne sais pas si je confonds les noms, là - mais qu'il nous propose d'utiliser ce programme-là pour justement aider les jeunes qui sortent de la Protection de la jeunesse à faire la transition vers la vie adulte. Avez- vous déjà utilisé les services d'Aire ouverte ou connaissez-vous le modèle? Puis qu'est-ce que vous en pensez, de cette option-là?

Mme Goyette (Michèle) : Personnellement, je ne connais pas le programme, malheureusement. Je connais bien M. Martin Goyette pour l'étendue de ses travaux, justement, sur le passage à la vie autonome. En passant, il n'y a pas de lien de parenté. Mais je pense que Mme Rioux a aussi des choses à mentionner, là, par rapport au passage à la vie autonome.

Mme Rioux (Josée) : Vous savez, nos jeunes... Bonjour, M. le ministre. Vous savez, nos jeunes n'ont pas toujours les services requis. Quand on quitte à 18 ans puis qu'on a été cadré toute sa vie, que d'arriver à l'âge adulte et devoir se cadrer soi-même, ce n'est pas quelque chose qui est facile, et de pouvoir bénéficier des services rapidement quand on arrive à... quand on passe à la vie adulte demeure important, parce que, pour avoir travaillé longtemps auprès des adultes, on les voit en centre de détention, ils ne sont pas capables de s'adapter à la vie adulte. Et, quand un jeune va faire des demandes de services, qu'on soit en pédopsychiatrie, qu'on soit en psychiatrie ou qu'on soit en services généraux en CLSC, s'il y a de l'attente, les jeunes, ils ne vont pas persévérer. C'est sur le moment qu'ils doivent être pris en charge pour pouvoir développer un lien avec la communauté, de pouvoir développer des capacités d'être autonomes, et, si on attend deux, trois, quatre mois, le momentum est terminé, là, le jeune, il ne va pas revenir, et c'est là où est-ce qu'on risque de les perdre, nos jeunes, et c'est là où c'est important qu'il y ait vraiment une continuité de services.

M. Carmant : O.K. Donc, c'est en plein ce qu'on offre avec Aire ouverte, là, un service sans rendez-vous d'aide psychosociale, santé mentale, etc. Donc, je pense que ce serait important que ce pont-là se confirme, se concrétise.

Mme Rioux (Josée) : Effectivement.

M. Carmant : Je pense que c'est définitivement sous-utilisé. Merci.

Un autre sujet qui m'intéresse beaucoup, là, c'est l'hébergement jeunesse, puis ça, vous l'avez mentionné. Il y a peu de gens qui l'ont mentionné dans leur rapport, là. Comment voyez-vous la capacité, là, de rendre ça plus accessible, de rehausser les services d'hébergement jeunesse puis d'utiliser les ressources pour faciliter la transition, tu sais, que ce soient ceux de moins de 18 ans, ceux de plus de 18 ans?

Mme Goyette (Michèle) : Si je peux me permettre, je pense qu'il y a des projets excessivement prometteurs qui ont été mis en place, notamment par des fondations. Je vais noter l'exemple du Projet Clé en Montérégie où, grâce à des dons, on soutient des jeunes pour continuer leurs études, on soutient le paiement de leur appartement, etc. Peut-être que ce n'est pas normal que ce ne soient que les fondations qui soutiennent budgétairement ces projets-là. Alors, les jeunes sont ouverts à recevoir de l'aide puis ont besoin de cet accompagnement-là. Mais c'est difficile de trouver le bon véhicule. Alors, dans le flou qui existe dans tous les services au niveau des jeunes, bien, les fondations ont retroussé leurs manches, et plusieurs ont fait des projets intéressants, mais ça ne peut pas ne reposer que sur les fondations.

Il y a aussi tout le réseau des auberges du coeur, qui année après année trouvent difficilement des moyens de se financer, qui ne sont pas financées à la hauteur des services qu'elles donnent. Alors, je pense qu'il y a un investissement à faire pour soutenir cet... l'hébergement et soutenir aussi le paiement au loyer, la commission Laurent l'a recommandé... est un point intéressant. Je ne sais pas, Josée, si tu voulais...

Mme Rioux (Josée) : Oui. Si vous permettez, on a des réalités régionales aussi, hein? Ce qui offert en Montérégie, ce qui est offert à Montréal n'est pas nécessairement offert sur la Côte-Nord. Alors, c'est certain que plus on va arriver à pouvoir fournir de l'hébergement comme ça aux jeunes dans toutes les régions, on va les aider encore davantage, et moins on risque encore, je maintiens ma position, de les retrouver dans le monde adulte au niveau correctionnel...

Mme Rioux (Josée) : ...c'est vraiment cette portion-là qui est inquiétante, c'est de voir un dérapage, de voir un glissement rapidement, et que d'offrir un hébergement dans toutes les régions du Québec, que ce ne soit pas à géométrie variable, je pense que ce serait quelque chose de gagnant à ce moment-là.

M. Carmant : On a offert des PSL, là, des plans de supplément au loyer, qui aident les jeunes, mais une fois qu'ils sont en situation d'itinérance. Est-ce qu'il y aurait moyen, selon vous, là, d'utiliser ça comme transition directement du centre jeunesse?

Mme Goyette (Michèle) : Absolument, en prévention de l'itinérance, justement.

Mme Rioux (Josée) : Effectivement. Puis c'est vrai que les Auberges du coeur peuvent aussi être une bonne alternative.

M. Carmant : Pour utiliser ces PSL-là?

Mme Rioux (Josée) : Pour offrir l'hébergement, pour pouvoir, là, justement prendre en charge les jeunes, parce qu'il quand même des bons services dans les auberges du coeur.

• (11 h 50) •

M. Carmant : Mais est-ce qu'ils ont de la capacité additionnelle? Je pense que c'est ça, le problème.

Mme Rioux (Josée) : Tout dépendant. C'est, encore là, tout dépendant des régions, tout dépendant du financement.

M. Carmant : D'accord. Merci beaucoup. M. le président, je passerais la parole à la députée de Lotbinière-Frontenac.

Le Président (M. Provençal) : Oui. Allez-y, Mme la députée.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Bonjour. Moi, j'aimerais revenir sur ce que vous avez dit tout à l'heure concernant l'intervention judiciaire. Vous avez parlé de moderniser, humaniser et vous avez parlé aussi de règlement à l'amiable. J'aimerais vous entendre plus longuement là-dessus, s'il vous plaît.

Mme Goyette (Michèle) : Alors, dès 2007, il y a eu des dispositions, dans la loi, qui ont favorisé certaines possibilités d'entente consensuelle, la révision sans audition, et la conférence de règlement à l'amiable était une de ces dispositions-là. Ça fait quand même 15 ans, je vous dirais qu'il y a eu beaucoup de travaux qui ont été faits pour essayer de mettre ça en place, mais pour des raisons que je peux difficilement expliquer, ça n'a vraiment pas levé, ça n'a vraiment pas fonctionné. Alors, c'est dans ce sens-là que nous, on pense que, comme l'approche contradictoire, les parents, l'enfant contre la DPJ au tribunal, ça cristallise des positions, ce n'est pas de nature à trouver des solutions gagnant-gagnant, si je peux me permettre, puis de donner du pouvoir aux jeunes puis aux parents. Nous, on aimerait que ces approches-là soient davantage utilisées, alors comment on fait pour qu'elles soient davantage utilisées? Mais, nous, on soulève la question: Y a-t-il lieu de mettre quelque chose d'obligatoire, comme une médiation obligatoire, ou de rendre ces mécanismes-là plus automatiques?

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : O.K. Moi, j'ai fait un mandat en violence conjugale, je le sais que, quand il y a des séparations de couple, tout ça, la médiation, c'est... puis, tu sais, quand il y a eu de la violence conjugale, ce n'est pas recommandé de faire des règlements à l'amiable parce que, justement, on ne peut pas se parler, quand il y a la DPJ là-dedans aussi, j'imagine que, quand il y a de la violence, je ne comprends pas trop... bien, le règlement à l'amiable quand...

Mme Goyette (Michèle) : Bien, en fait, je pense que si on part du principe que, dans une situation de protection de la jeunesse, il y a un enfant qui vit... dont la sécurité de développement est compromis, puis Il y a des parents qui sont certainement... qui aiment cet enfant-là certainement, qui veulent son objet, on devrait être capable de s'entendre sur qu'est ce que ça veut dire, son intérêt, et de convenir ensemble de moyens, au lieu de s'affronter dans le débat contradictoire, c'est ce qu'on veut dire. Et évidemment il y a déjà des mesures volontaires qui existent, on est content qu'il y ait a une prolongation possible des mesures volontaires. Mais le système contradictoire en tant que tel, par rapport à un problème social, parce que la protection de l'enfant, c'est un problème social comme la violence conjugale, est-ce que c'est le meilleur moyen pour trouver la meilleure solution? Des fois, oui, mais pas toujours. Alors, est-ce qu'on peut aller un petit peu plus loin dans des ententes consensuelles? C'est la proposition qu'on fait

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Au niveau de la formation, par rapport à l'enfance, dans les différents curriculums, il y a d'autres groupes qui sont venus avant puis qui ont dit que c'était... on n'en parlait pas beaucoup dans les curriculums, est-ce que c'est le même cas en criminologie? Qu'est-ce qui devrait être fait d'après vous?

Mme Goyette (Michèle) :  Bien, au niveau de la formation des criminologues, il y a tout ce qui est nécessaire pour travailler auprès des enfants en besoin de protection. Le cursus a été reconnu par les travaux concernant le p.l. 21 et fait en sorte que les criminologues font partie des trois ordres professionnels qui ont...

Mme Goyette (Michèle) : ...qui ont la capacité d'exercer les activités réservées en protection de la jeunesse.

Les recommandations qu'on fait, nous, sont beaucoup plus liées vers le monde judiciaire, où on dit, par exemple, l'avocat qui représente un enfant, comment fait-il pour déterminer quel est l'intérêt de son client, principalement quand ce client-là est très jeune et ne peut pas nécessairement s'exprimer lui-même. Ça prend quelques notions au niveau de qu'est ce que c'est, le développement d'un enfant, de quoi un enfant a besoin, toutes les notions d'attachement. À partir du moment où on connaît ces notions-là, on a une plus grande sensibilité à toute la question de la stabilité, à toute la question des effets de la maltraitance sur les enfants.

Alors, nous, notre position, c'est beaucoup de dire, en plus des formations qui existent déjà, d'aller un petit peu plus loin, là, au niveau de la magistrature et des avocats qui exercent auprès des enfants.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. Nous allons poursuivre cet échange avec la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme Weil : Merci, monsieur le Président. Donc, bonjour, mesdames Rioux et Goyette. Merci pour votre mémoire. Très intéressant d'avoir votre point de vue en étant l'Ordre des criminologues. Et on a entendu plusieurs ordres, hier, donc il y a certaines convergences, mais on voit que chacun a sa spécificité, et ça apporte des lumières intéressantes.

Et d'ailleurs plusieurs groupes se prononcent sur votre premier sujet, là, dans votre mémoire - je crois bien que c'est le premier - sur la timidité du projet de loi sur les enfants autochtones, et que c'est le temps d'aller plus loin. C'est beaucoup ce que les gens disent. On sent un mouvement dans la population, la société québécoise. Est-ce que vous pourriez vous exprimer... Est-ce que vous avez une expérience dans ce domaine?

Mme Goyette (Michèle) : Si tu me permets, Josée, je vais me prononcer là-dessus.

Mme Rioux (Josée) : Bien sûr. C'est toi la spécialiste.

Mme Goyette (Michèle) : En fait, personnellement, moi, j'ai eu l'occasion de travailler dans des communautés autochtones dans les dernières années. Et quand on dit que l'autodétermination est probablement la meilleure chose, j'en conviens tout à fait. Parce que dans le rôle que j'ai joué auprès de ces communautés-là, je constate que les gens des communautés sont les mieux placés pour déterminer comment résoudre leurs problèmes, comment donner la meilleure stabilité à leurs enfants, comment soutenir le mieux possible les parents. Il y a une différence culturelle importante entre ce que, nous, on fait, les Occidentaux - si je peux me permettre, parce que c'est comme ça, souvent, qu'ils nous appellent - et les communautés autochtones. Et nos moyens, souvent, se heurtent à leur culture et à leurs traditions, et il y a comme une incompréhension, puis c'est particulièrement vrai quand on est à la cour. En général, au tribunal, ce sont des blancs qui sont là pour prendre des décisions. Alors, je pense que plus on peut aller vers une forme d'autodétermination, mieux ce sera. C'est le point de vue qu'on a exprimé dans notre mémoire.

Mme Weil : Très bien. Très Intéressant. Oui, à la page 7 de votre mémoire, vous parlez de... «nous craignons que les écarts d'interprétation...» pour l'intérêt de l'enfant et les dérives que ça pourrait comporter. Est-ce que vous pourriez peut-être expliquer - bien, vous parlez déjà de dérives - expliquer votre expérience à cet égard? Donc, l'interprétation des uns et des autres par rapport à cette notion qui existe dans la loi depuis très longtemps. Peut-être, aller sur votre expérience et des exemples, ça rend ça très concret.

Mme Goyette (Michèle) : Oui, alors... Merci, Josée. Effectivement, mon expérience en protection m'a amené à voir que l'intérêt de l'enfant, pour moi, ça peut être une chose, et pour mon voisin, ça peut être autre chose. Et c'est pour ça que quand je répondais tantôt à la question de monsieur le ministre Carmant, ce que je disais, c'est que plus la loi est précise dans ses modalités, dans son application, plus cela va permettre de clarifier. On est d'accord, tout le monde, pour dire que l'intérêt de l'enfant, c'est de vivre dans une famille stable. Ça, tout est documenté, tout est bien expliqué. Mais si on n'a pas les leviers légaux pour s'assurer que ça se fait... Moi, je peux être une personne qui croit beaucoup à la force des liens biologiques, parce que c'est ma croyance, et, si c'est moi qui a à prendre la décision, je pourrais...

Mme Goyette (Michèle) : ...peut-être m'écarter de la question de la stabilité. Alors, en mettant des objectifs et des moyens, des leviers légaux très clairs, on précise des principes qu'on a mis de l'avant.

Alors, c'est pour ça que nous, on fait les recommandations qu'on fait, en disant : Oui, c'est beau que ce soit dans les principes, mais si on veut que ça s'actualise, il faut aller plus loin que les principes. Autrement, ça laisse place à l'interprétation de tout un chacun de qu'est-ce que c'est, l'intérêt de l'enfant. Parce qu'on le sait, on n'a pas tous la même vision par rapport à ça.

Mme Weil : Comment arriver à ces précisions? Quel serait l'exercice?

Mme Goyette (Michèle) : Eh bien, je pense que...

Mme Weil est ce que ce serait tout de suite dans le projet de loi?

• (12 heures) •

Mme Goyette (Michèle) : Bien, je pense que le meilleur et le meilleur exemple qu'on peut donner, c'est vraiment la question de la stabilité. À partir du moment où il y a des leviers dans la loi qui disent écoutez si vous dépassez les durées maximales de placement, il faut vraiment prendre le temps de faire une analyse rigoureuse que c'est dans l'intérêt de l'enfant et non pas parce que les parents ont eu de telles difficultés, ou il est arrivé telle chose, ou... est ce que c'est vraiment dans l'intérêt de l'enfant de dépasser les durées de placement? Et si ça ne l'est pas, on ne les dépasse pas. Alors, ces leviers-là font en sorte qu'on ne permet plus autant de latitude pour préciser ces choses-là. C'est vraiment une question de refermer l'entonnoir par des dispositions légales précises, puis le projet de loi le fait dans beaucoup de choses. Par exemple, on a dit beaucoup que ce n'était pas dans l'intérêt de l'enfant parfois de ne pas s'échanger d'informations. Effectivement, parfois, ça nuit à des enfants qu'on ne se transmette pas d'informations. Alors là, on dit, si c'est dans l'intérêt de l'enfant, vous devez le faire, vous devez même être relevé de votre secret professionnel. Alors, il y en a déjà des moyens dans le projet de loi, beaucoup, et on en est très heureux, mais nous on va un petit peu plus loin avec la recommandation qu'on fait.

Mme Weil : Non, mais c'est la stabilité, je pense que cette notion du temps de l'enfant est incluse un peu dans cette notion de stabilité, et assez rapidement établir cette stabilité avant que...

Mme Goyette (Michèle) : Voilà.

Mme Weil : ...il y ait des conséquences sur son développement et son bien être.

Mme Goyette (Michèle) : Absolument.

Mme Weil : On a parlé déjà de judiciarisation, j'aimerais vous vous amener... Bon, vous dites que le Québec est le cancre du Canada. C'est sûr que quand je vois ce mot-là et quand je vois ces comparaisons là, ça invite à une réflexion pour qu'on soit à niveau concernant donc des programmes pour... des programmes et l'obligation qu'ils soient ancrés quelque part pour les 18-21 ans. Donc, le ministre a évoqué des expériences qui ont des... qui connaissent des succès, etc. Qu'est-ce que vous avez... Est-ce que vous avez des exemples de modèles ailleurs au Canada que vous trouvez qu'on peut suivre? Je sais quoi aux États-Unis, apparemment, c'est la Californie qui a le meilleur programme. C'est ce qu'on a découvert. Et est-ce que c'est logique, ou est-ce qu'on donne la mission et l'autorité, auquel cas, il faudrait changer la loi, à la DPJ? Parce que c'est cette entité-là qui a cette mission, est-ce que c'est transféré au ministère de l'Emploi ou autre et c'est le gouvernement, puis on trouve qui sont les meilleurs? Bon. La DPJ fait la préparation, puis ensuite c'est entre les mains... Donc, comment ils font dans les autres provinces qui sont des modèles?

Mme Goyette (Michèle) : C'est si je peux me permettre une des choses qui existent dans toutes les autres provinces que le Québec, mais que nous, on n'a pas fait des réseaux d'entraide entre jeunes placés et ex-jeunes placés qui sont très... Ces jeunes-là sont dans des jeunes adultes qui ont vécu le placement et qui soutiennent des jeunes dans leur transition à la vie adulte. Ces réseaux-là sont soutenus financièrement et ces réseaux-là sont écoutés aussi par rapport à quels sont les besoins. Quand on a vécu le placement, quels sont nos besoins? Ils se sont présentés à la commission Laurent. Ils ont été très éloquents dans leurs recommandations. Il y a un petit noyau de réseaux qui existent au Québec, mais qui vivotent, si je peux me permettre. Alors, je pense qu'il faut donner la parole aux jeunes, puis, ces moyens-là, c'est vraiment une façon de le faire.

Ensuite est-ce que ce sont des mécanismes qui devraient être dans la loi? Nous en avons proposé la question de permettre le placement puis la poursuite du placement jusqu'à 21 ans. Est-ce que ça peut entrer dans la Loi sur la protection de la jeunesse, qui est une bonne question? Mais c'est clair qu'il y a un chantier à faire autour de cette question-là. Bon, le ministre nous a parlé du projet Aire ouverte. Personnellement, je ne le connaissais pas, mais je pense que ce genre de chose qui doit être développée et qui doit être développée de concert avec les gens qui s'occupent des adolescents jusqu'à leur majorité et les gens qui vont s'occuper d'eux après leur majorité. Il y a un travail de collaboration à faire là très important.

Mme Weil : Et c'est toujours quand même bien aussi...


 
 

12 h (version non révisée)

Mme Weil : ...Je pense, d'avoir un ministère où le gouvernement, qui est aussi... Je pense au ministère de l'Emploi pour la portion emploi, peut être, en tout cas, donc, de l'ancrer quelque part, donc, pour que ça soit, comment dire, une obligation, une responsabilité du gouvernement. Je sais ce que vous dites par rapport aux réseaux. Il y a des réseaux qui existent au Québec, mais ils sont fragiles. Et hier, donc, Camil Bouchard nous disait : Des fois, il y a des belles expériences dans la communauté, mais ah! les gens qui ont quitté, ils ont trouvé d'autres fonctions ailleurs et finalement, ça s'effrite. Mais quand c'est ancré au gouvernement et ensuite on développe l'expertise... Donc, à réfléchir. Donc, il me reste...

Mme Rioux (Josée) : Vous savez, le Québec est novateur souvent, dans la majorité de ses programmes. Alors, que d'être capable d'imaginer quelque chose qui pourrait prendre la relève de la DPJ ou du ministère de la Santé, là, et des services sociaux, ça pourrait être quelque chose qui pourrait être intéressant. C'est un chantier, comme Mme Goyette dit, qu'il faut qu'on prenne en compte. Et quand je disais tout à l'heure que c'est un chantier de société, hein, c'est là, hein, pour ne pas que le jeune tombe entre deux chaises. Il faut vraiment qu'on trouve, là, un mécanisme pour pouvoir maintenir les services avec ces jeunes-là.

Mme Weil : ...mais avec du financement public essentiellement. Parce que sans ce financement stable, c'est de la bienfaisance et c'est des dons.

Mme Rioux (Josée) : le financement public et la responsabilité du ministère aussi.

Mme Weil : Absolument. Il reste une minute? Pas une minute.

Le Président (M. Provençal) :C'est terminé.

Mme Weil : très bien. Merci pour votre présentation.

Le Président (M. Provençal) :Nous allons compléter cet échange avec le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Merci beaucoup. Dans votre mémoire, vous proposez d'introduire dans la LPJ l'obligation de planification concurrente d'un projet de vie dès le premier placement d'un enfant âgé de moins de cinq ans. Pouvez-vous nous dire pourquoi?

Mme Goyette (Michèle) : Je peux... là, je vais me permettre de répondre. À partir du moment où on décide de retirer un enfant de moins de 5 ans de sa famille, c'est une décision très lourde de conséquences et c'est une décision qui est prise parce qu'on n'a vraiment pas le choix, que ce soit par le directeur de la protection de la jeunesse ou par un tribunal. Ça signale une difficulté importante pour les parents et ça signale que ça ne sera peut-être pas possible que cet enfant-là revienne. On va tout faire le travail qu'on peut faire pour que l'enfant revienne dans sa famille. On va fournir les services. Et j'insiste sur la nécessité que ces services-là soient disponibles pour les parents. Mais il faut avoir un plan B. Il ne faut pas se promener d'une échéance à l'autre, que le jeune enfant est maintenu dans une famille d'accueil sans jamais savoir s'il va revenir avec ses parents. Et c'est difficile pour l'enfant de s'attacher à cette famille d'accueil là. Il y a... Alors, je n'ai pas besoin d'aller plus loin, là, pour vous illustrer qu'il faut qu'on ait déjà en tête un plan B. Mais on travaille sur le plan A, évidemment, avec toute l'énergie possible et avec tous les services requis autant que possible.

M. Zanetti : ...c'est de dire il faut toujours qu'il y ait au moins un plan sûr.

Mme Goyette (Michèle) : Absolument, absolument.

M. Zanetti : Un plan stable. Je comprends. Puis sur la question de la confidentialité puis du partage d'informations, est ce que vous avez un critère à proposer de balises à ne pas dépasser, par exemple?

Mme Goyette (Michèle) : Bien, nous, dans notre mémoire, vous allez voir qu'on a mis différentes balises. Bien, je pense que la principale, c'est une balise qui est déjà connue dans les milieux qui est la nécessité et la pertinence : une information, pour qu'elle soit divulguée, soit pertinente à la protection de l'enfant et soit en lien avec son intérêt et que ce soit nécessaire, que cette information-là soit divulguée. Alors, ce n'est pas des critères mathématiques, malheureusement, et on n'est pas dans des choses qui se tranchent au couteau. Mais je pense que tous les professionnels, et que ce soit dans le système judiciaire ou dans le système social, qui travaillent avec des clientèles en protection de la jeunesse doivent avoir en tête ces balises-là parce que le respect de la vie privée, c'est un droit aussi. Et je pense que, nous tous, si nous avions une situation où nos informations confidentielles sont divulguées, on voudrait que la loi soit bien respectée.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. Alors, Mme Rioux, Mme Goyette, merci beaucoup de votre contribution et de votre participation à nos travaux.

Je suspends temporairement les travaux pour laisser place au prochain groupe. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 9)

(Reprise à 12 h 11)

Le Président (M. Provençal) :Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue à la Fondation Marie-Vincent. Mesdames, je vous rappelle que vous aurez dix minutes pour votre présentation et par la suite nous procéderons aux échanges. Alors, je vous cède immédiatement la parole.

Mme Gareau (Stéphanie) : Merci. Alors, bonjour. Mais, tout d'abord, on souhaite remercier la Commission pour cette invitation à contribuer à vos travaux pour cet important projet de loi en protection de la jeunesse. Je commencerais par vous dire quelques mots sur notre organisation, puis ensuite je vais céder la parole à ma collègue, la directrice des services cliniques.

Donc, Marie-Vincent, qui sommes nous? Alors, nous sommes un organisme à but non lucratif qui soutient les enfants et les adolescents victimes de violences sexuelles en leur offrant, sous un même toit et en collaboration avec nos partenaires, les services dont ils ont besoin. On contribue aussi à Marie-Vincent à prévenir la violence sexuelle en misant sur l'éducation, la sensibilisation, et on aide aussi les enfants qui présentent des comportements sexuels problématiques, et on outille, évidemment, bien, les adultes qui les entourent.

Donc, Marie-Vincent est ce qu'on appelle un centre d'appui à l'enfance et à la jeunesse qui offre des services intégrés. Ça, qu'est-ce que ça veut dire? C'est qu'il y a du dévoilement à la fin du suivi thérapeutique. Les services dont les jeunes et leurs familles, finalement, ont besoin, les parents non agresseurs que nous, on appelle, ont besoin... peuvent avoir besoin, et ces services-là sont tous offerts sous un même toit. Par exemple, les corps policiers, les médecins, ils viennent à Marie-Vincent pour rencontrer les enfants dans des salles adaptées, dans des salles qui sont plus chaleureuses. Les intervenants de la protection de la jeunesse aussi se déplacent dans nos centres puis peuvent accompagner les enfants quelquefois aussi à titre d'adultes significatifs.

Donc, nous, ce qu'on offre avec nos cliniciennes, bien, ce sont des services psychosociaux, des services psychothérapeutiques, du soutien aux parents. Tout ça, c'est offert dans notre centre. Je vous ai dit en début... en introduction qu'on offre des services cliniques, mais le deuxième pilier de l'offre de services de Marie-Vincent, bien, c'est la prévention. Donc, on développe des programmes de prévention auprès des tout-petits 0-5 ans, auprès des adolescents 13-17. Et puis là on vient d'avoir du financement aussi pour développer des programmes de prévention pour les 6-12 ans. Donc, on pourra offrir des services 0-17 ans également en prévention.

Marie-Vincent, c'est aussi une offre de formation, donc on participe au transfert des connaissances avec des formations pour nos partenaires, des partenaires de la protection de la jeunesse, des partenaires des écoles, les centres de la petite enfance, d'autres organismes communautaires, nos partenaires du sociaux, judiciaires aussi, les avocats, les CAVAC, les gens qui oeuvrent autour des enfants. On offre des formations, également, en prévention aussi, comme comment recevoir un dévoilement, comment mieux accompagner les enfants. Ça, ce sont tous des services que nous offrons à Marie-Vincent.

Maintenant, pour en venir au coeur du sujet, dans le fond, nos commentaires sur le projet de loi 15, bien, selon nous, il s'agit d'une occasion à saisir pour faciliter la collaboration entre les partenaires pour, dans le fond, solidifier notre modèle de centre d'appui aux enfants à Marie-Vincent, briser...

Mme Gareau (Stéphanie) : ...faciliter la collaboration entre les partenaires qui gravitent autour des enfants, c'est au cœur du modèle de notre service. Ce qu'on se rend compte aussi... bien, ce qu'on a entendu avec bonheur, c'était au coeur aussi des recommandations de la Commission spéciale sur les droits des enfants et de la protection de la jeunesse, mais, avec le projet de loi 15, on voit aussi que c'est une préoccupation du gouvernement. Je pense que... On pensait à Marie-Vincent que ce qui est intéressant de notre contribution à vos travaux, c'était aussi que la directrice des services cliniques, Mme Dionne, puisse vous illustrer, dans le fond, l'importance de la circulation de l'information puis de la collaboration avec les partenaires pour le meilleur intérêt des jeunes victimes de violences sexuelles qui sont accompagnées par nos thérapeutes. Donc, je lui demanderais peut-être d'illustrer plus concrètement ce que ça veut dire pour les enfants pour qu'ensuite de ça vous ayez une meilleure compréhension de nos recommandations. Merci.

Mme Dionne (Sonia) : En effet, au-delà de toutes les recommandations qui vont... auxquelles vous pourriez avoir accès, là, dans notre mémoire, il nous apparaît, là, vraiment très... de façon très importante... de vous illustrer l'engagement puis l'impact qu'un organisme comme Marie-Vincent a sur les enfants. Nos familles et les enfants qu'on rencontre à Marie-Vincent, on les suit pendant des semaines, des mois et même des années. On les connaît pendant très longtemps, on les suit pendant très longtemps. Nos services sont adaptés à leurs besoins, à leurs particularités et aussi à leur évolution dans le temps. On le sait, les enfants évoluent rapidement à travers les étapes.

On les suit dans leur évolution, ce qui nécessite un travail essentiel au niveau de la collaboration, donc, oui, avec la DPJ et aussi avec tous les autres partenaires. Un partage fluide des informations pertinentes entre les différents partenaires, pas seulement avec la DPJ, entre les différents partenaires, est primordial. L'expérience l'a démontré, les échanges en silo, ça ne nous permet pas d'atteindre nos objectifs de protection des enfants. À Marie-Vincent, on a les enfants.... Mme Gareau l'a spécifié, on a les enfants à partir du dévoilement, quelquefois tout de suite après l'investigation policière, qui se fait dans nos lieux ou ailleurs, mais aussi par référence de différents partenaires comme la DPJ, les écoles, les organismes communautaires, les policiers. Différents partenaires peuvent nous référer des enfants victimes de violences sexuelles. Dès les premiers jours, une intervention... se fait en parallèle avec tout ce que les autres partenaires font dans la situation d'urgence suite à un dévoilement. C'est important pour nous de spécifier que notre travail se fait toujours en parallèle avec le système de justice, ce que la DPJ va mettre sur pied pour protéger ces enfants-là. Donc, l'intervention interdisciplinaire et concertée est le moyen pour nous, essentiel, à offrir les meilleurs services de sécurité et de protection aux enfants victimes de violences sexuelles qu'on rencontre dans notre ressource.

Donc, suite à cette crise-là, suite à ce que nous autres, on image comme la bombe qui tombe dans la famille suite au dévoilement, il y a ces rencontres qu'on offre aux parents et aux adolescents pour assurer un filet de sécurité, un filet de sécurité pour s'assurer qu'ils ont les ressources qu'ils ont les bonnes personnes de confiance dans leur entourage pour traiter toutes les difficultés que peuvent engendrer une situation de violence sexuelle dans une famille. Les besoins sont différents d'une famille à l'autre. La structure de la maison qui reçoit une bombe peut -être endommagée de façon différente, et donc on s'adapte à chacun des besoins. Et chacun des partenaires, selon les besoins, seront interpelés par un organisme comme nous, et d'autres viendront nous chercher aussi.

Donc, suite à cette crise-là, les enfants auront droit, là, à une quinzaine d'heures d'intervention psychosociale afin de leur permettre, là, de travailler sur leur situation, leurs besoins. Et, pendant toutes ces heures-là, une guidance parentale est aussi offerte. Donc, nous offrons un service à la famille, et non pas seulement à la victime pour faire en sorte que tout le monde travaille...

Mme Dionne (Sonia) : ...ensemble. Suite à ces rencontres-là, il y a aussi un service psychothérapeutique. Marie-Vincent a la chance d'être formé d'une équipe de professionnels expérimentés et spécialisés en violences sexuelles. Notre expertise est importante, recherchée et on aime la partager, et on s'assure que plus... dans les meilleurs moments, on puisse concerter notre travail avec celui de la DPJ et des autres. Donc, l'action concertée et adaptée aux besoins évolutifs des enfants est essentielle. Chaque étape du processus de guérison de ses enfants que nous soutenons doit être faite avec tous les partenaires concernés par la situation vécue par les enfants. Je te cède la parole pour terminer, Stéphanie.

Mme Gareau (Stéphanie) : Oui. Donc, dans le fond, en conclusion...

Le Président (M. Provençal) : Moins d'une minute.

Mme Gareau (Stéphanie) : Oui. Bien, alors ce que je voulais juste dire en conclusion, c'est qu'à Marie-Vincent, on n'est pas des avocats dans notre quotidien. Nous, notre objectif, en participant aux travaux de la commission, c'est qu'il soit clair à la fin de notre témoignage que, dans le fond, il faut que le projet de loi 15 donne aux organismes comme le nôtre les moyens de faire notre travail, de collaborer, de transmettre de l'information. Parce que tout ça, au final, c'est pour aider les enfants puis pour veiller à leur meilleur intérêt. Merci.

• (12 h 20) •

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup de votre exposé. Avant de céder la parole à M. le ministre, je veux rappeler aux membres que M. le ministre devra quitter à 2 h 53 pour son débat de fin de séance au Salon bleu. Alors, je tenais à informer les membres. M. le ministre.

M. Carmant : Merci pour la nouvelle, M. le Président. Bonjour, Mme Gareau, Mme Dionne. Bien, premièrement... bien, je vous remercie pour le travail que vous faites, là, pour nos enfants, là. J'ai eu la chance de vous rencontrer dans le passé, puis c'est clair que Marie-Vincent, c'est une institution pour nous qui est importante. Puis le modèle de service intégré que vous utilisez on veut le déployer, comme vous le savez, là, à travers le Québec. Le point que vous parlez, c'est beaucoup la communication entre les différents intervenants. Puis, on a voulu travailler ça quand on a parlé au niveau de la confidentialité. Mais vous, est-ce... quand je lis votre mémoire, vous semblez plus inquiètes de la... partage d'informations entre les différents professionnels. Mais pour vous, c'est quand même plus facile dans un modèle intégré. Comment on... est ce que c'est avec la DPJ les difficultés de partage d'information ou c'est vraiment entre les différents professionnels qui évaluent l'enfant? Ce n'était pas clair pour moi.

Mme Gareau (Stéphanie) : Bien, je peux commencer, mais je pense que Sonia pourra compléter parce que c'est davantage elle dans son quotidien, là. Nous, dans le fond, ce qu'on constate à la lecture du projet de loi 15, c'est qu'il y a beaucoup d'outils pour la DPJ puisse aller chercher de l'information. Nous, on veut collaborer, on veut fournir de l'information, mais il faut que cette conversation-là puisse avoir lieu dans les deux sens. Ça fait que oui, la DPJ, mais oui aussi que l'information puisse circuler entre les différents partenaires qui, dans le fond, qui entourent l'enfant, là. Peut-être plus concrètement, Mme Dionne pourra vous préciser, là, que ce que vous cherchez à comprendre mieux, là.

Mme Dionne (Sonia) : En effet, l'objectif et notre souhait pour le projet de loi, c'est de faire en sorte que l'information ne soit pas offerte seulement dans une seule trajectoire, donc qu'elle soit échangée. Et que nous ne sommes plus une forme d'outil pour permettre à la DPJ d'aller jusqu'au bout de leur objectif. Ceci dit, on a des très bonnes collaborations avec la DPJ, ce n'est pas visé, mais on pense que la loi devrait permettre aux travailleurs et travailleuses de la DPJ de pouvoir échanger avec des professionnels tels que nous le somme, et ceci en toute humilité, mais nous avons une expertise et c'est important qu'on puisse avoir une loi qui nous permet d'échanger et non pas d'être un outil d'information. C'est dans ce sens-là qu'on évite les silos. On évite de travailler en silo et de faire en sorte qu'on voit tous les aspects de l'enfant dans sa généralité avec tous les acteurs présents, dont la DPJ, pour s'assurer qu'on a une compréhension globale de la situation de l'enfant et assurer sa sécurité en bout de ligne.

M. Carmant : O.K. Donc, clairement, parce que ça, c'est la... moi, c'est ce que je voulais, là, comme législateur. Donc, clairement, vous ne trouvez pas qu'on va assez loin. Je sais qu'on...

M. Carmant : ...inclus les familles d'accueil parce que ce n'était même pas dans le groupe, mais on parle des professionnels. Donc, qu'est-ce qu'on doit modifier à la loi, tu sais, pour que vraiment cet échange d'informations se fasse plus fluidement?

Mme Gareau (Stéphanie) : Bien, ce qu'on pense, par exemple, c'est que, tu sais, nous, on trouve que l'ajout du préambule, c'est une excellente amélioration. Puis on se disait, bien, dans le rapport de la Commission spéciale sur les droits des enfants, là, on parlait d'une Charte des enfants des droits des enfants. Mais, dans les considérants qu'il y avait dans cette charte-là, on parlait, là, que le droit à la protection de l'enfant, ça implique un partage fluide des informations pertinentes entre les divers acteurs qui composent le réseau de protection. Ça fait que, nous, ce qu'on dit, c'est, bon, peut-être que vous n'êtes pas rendu encore à aller là, vers une charte, mais il y a une occasion avec l'ouverture de la Loi sur la protection de la jeunesse, avec le projet de loi 15, peut-être d'intégrer dans le préambule cette notion de partage fluide entre tous les partenaires. Tu sais, il y avait quatre points, là, dans le rapport des commissaires, là, où on parlait... Ils sont reproduits dans notre mémoire, là, je les répète pour les fins de la discussion. Mais il y avait le partage fluide. Il y avait de l'importance de reconnaître que l'enfant, dans le fond, il évolue dans... il a besoin d'une intervention collective et interdisciplinaire, qu'il faut que ça serve. Que le partage, évidemment, il faut que le partage d'informations serve les besoins et l'intérêt de l'enfant, là, c'est clair pour nous. Et puis qu'évidemment les gens qui reçoivent cette information-là ont un devoir de discrétion. Ces quatre points-là étaient dans le rapport de la CSDEPJ, puis on pense que ça pourrait être un ajout fort utile au préambule du projet, avec le projet de loi 15.

M. Carmant : Et est-ce que... On a quand même senti, auprès des différents ordres auxquels on a parlé, une certaine hésitation ou un certain tiraillement quant au sujet de la confidentialité que nous, on veut vraiment élargir. Est-ce que, dans votre pratique quotidienne, vous avez ce même sentiment-là?

Mme Gareau (Stéphanie) : Bien, dans tous les cas, ce que j'ai envie de vous dire, c'est que, tu sais, quand la loi n'est pas claire, bien, on s'abstient. Donc, ça vise exactement ça. Il y a différents ordres professionnels, ils ont des codes de déontologie distincts. Il y a une frilosité qui est plus grande auprès de certains, moins grande auprès d'autres. Donc, on se dit, mais si, dans la loi, on indique clairement que ce partage d'informations là dans le meilleur intérêt de l'enfant, avec un devoir de discrétion, on pense que peut-être ça va pallier toutes ces interprétations distinctes que chacun fait. Tu sais, on se dit que la Loi sur la protection de la jeunesse, son objectif, clairement, c'est de veiller au meilleur intérêt de l'enfant. Pour nous, ce qu'on observe, c'est que ce meilleur intérêt là, il est servi par un partage d'informations. Donc, si on intègre à la loi cette notion-là, ça va clarifier ces interprétations distinctes là.

M. Carmant : Parfait, merci. Un autre point qui m'a touché, dans votre mémoire, c'est la capacité d'un parent de pouvoir prendre une décision, surtout dans une situation comme celle des enfants que vous prenez en charge. Pouvez-vous nous illustrer des exemples où ce n'est pas possible pour un parent de prendre une décision? Puis comment on...

Mme Gareau (Stéphanie) : Oui. Sonia, je pense que tu es mieux placée que moi.

Mme Dionne (Sonia) : Oui. Je peux y aller avec des exemples concrets. C'est-à-dire que, dans une situation comme un Marie-Vincent, on se rend compte que, dans la majorité des cas, je ne vous sortirai pas des chiffres qui pourraient être faux, mais on a, là, jusqu'à 99 % des enfants accompagnés à Marie-Vincent qui connaissent leur agresseur. Donc, quand ça se trouve... quand on retrouve que l'agresseur est un parent, soit la mère, soit le père, soit un grand-parent, on se retrouve avec des situations où les deux parents doivent consentir à des soins. L'agresseur n'est souvent pas intéressé à donner son accord pour des soins qui pourraient ne pas lui rendre service dans sa défense. Il est important, pour nous, de mentionner, dans cette situation-là, que l'offre de soins aux enfants qui n'ont pas obtenu l'autorisation ou le consentement des deux parents peut être reportée puisqu'on doit s'assurer que soit les deux parents donnent leur consentement ou soit qu'il y ait un ordre de la cour qui nomme qui est le parent protégeant qui a l'autorité parentale. Donc, ça peut faire en sorte que des soins sont reportés par cette situation-là, quand on pense dans des situations...

Mme Dionne (Sonia) : ...de violences sexuelles où les soins peuvent... ont toute leur importance et doivent être donnés le plus rapidement possible.

M. Carmant : D'accord. Et ça vous... ce serait... on pourrait l'insérer dans quel article de la loi?

Mme Gareau (Stéphanie) : Honnêtement, là, les article par article, je suis désolée, je ne suis pas certaine. Quand j'ai mentionné qu'on n'était pas des avocats, c'était exactement ce commentaire-là. Mais dans le fond, l'idée, pour nous, c'est on sent qu'il y a une volonté au niveau du gouvernement de répondre à cette problématique-là, puis c'est ce qu'on nomme dans notre mémoire, c'est-à-dire que dans le projet de loi qui modifie le Code civil, tu sais, il y a un souhait d'aller dans cette direction-là. C'est juste qu'on parle de parents, tu sais, pères, mères, mais nous, des fois... bien, pas des fois, on va voir souvent des cas de grands-parents ou de tantes, ou dans la fratrie, puis ça demande d'aller chercher une autorisation ou une attestation qu'il y a une violence dans la famille, là, les modifications qui sont proposées. Mais nous, ce qu'on dit, c'est que dans la Loi sur la protection de la jeunesse, un peu à l'instar que les commissaires l'avaient recommandé, là, dans la commission, la CSDEPJ, c'est que, dans tous les cas où on est en protection de la jeunesse, qu'un seul des deux parents puisse consentir aux soins, ça éviterait, là, les situations dont Mme Dionne vient de parler.

• (12 h 30) •

M. Carmant : D'accord, parce qu'effectivement on ne touche pas au consentement aux soins, là, donc j'accueille votre proposition.

Mme Gareau (Stéphanie) : Merci.

M. Carmant : Monsieur le Président, je passerais, avec votre consentement, la parole à la députée de Lotbinière-Frontenac, s'il vous plaît.

Le Président (M. Provençal) :Allez-y, madame la députée.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Bonjour. Moi, j'aimerais ça revenir au sujet de la confidentialité. Vous avez dit que vous n'êtes pas un outil d'information. Ce n'est pas la première fois que j'entends ça. Moi, j'ai fait un mandat en violence conjugale, puis les gens dans les maisons d'aide et d'hébergement me disaient la même chose. Jusqu'où aller dans le partage d'informations? Puis qu'est-ce qui est pertinent et non pertinent, selon vous?

Mme Dionne (Sonia) : ne le sais pas, mais c'est toujours dans le meilleur intérêt de l'enfant. À partir du moment où on fait affaire avec des gens qui sont des professionnels, comme à la DPJ, comme à Marie-Vincent, on a des professionnels, des intervenants psychosociaux, des psychothérapeutes, il faut toujours s'assurer que l'encadrement qui est donné, c'est que les informations qui sont transmises doivent permettre, dans le meilleur intérêt de l'enfant, de mieux connaître sa situation en général.

Qu'est ce qui est nécessaire comme tel? Je pense que c'est une longue discussion. Je ne pense pas que je peux arriver dans tous les détails, à moins que tu aies quelque chose à ajouter, Stéphanie. Mais il reste qu'en termes de violence familiale et sexuelle, le partage d'informations, le consentement et la confidentialité sont des enjeux de sécurité importants, et il faut permettre, dans toutes les situations, qu'on puisse échanger rapidement les informations pour assurer une intervention globale. Qu'est-ce qui est... dans chacune des situations, ce sera particulier. Les professionnels ont cette formation-là pour distinguer quelles sont les informations pertinentes à partager pour chacune des situations particulières vécues, selon moi.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Vous pensez que les gens ont la formation nécessaire. D'après vous, est ce qu'il faut baliser dans le projet de loi? Qu'est-ce qui... ou faire de la formation, ou ce n'est pas nécessaire, vous avez déjà tous les outils?

Mme Gareau (Stéphanie) : Bien, ce que j'ai envie de vous dire, là, c'est que... puis c'est pour ça qu'on met... dans les 4 points qu'on parlait pour le préambule, c'est que oui, on pense que les professionnels sont outillés, on pense que les professionnels ont l'information. Puis, quand je parlais tantôt que Marie-Vincent fait de la formation, comment recevoir un développement... un dévoilement. On fait aussi de la formation sur l'entrevue non suggestive, comment poser les questions. On ne parle pas... on ne questionne pas un enfant comme on questionne un adulte. Donc tout ça, c'est des choses que nous, on offre, mais on pense que les professionnels qui oeuvrent autour des enfants, ils ont la compétence de savoir quelles questions demander, quelles informations aller chercher. Puis, le corollaire de ça, c'est le devoir de discrétion, évidemment, tu sais. Donc, oui, il faut que l'information circule, mais la seule raison pour laquelle cette information-là doit circuler, c'est pour qu'on puisse offrir le meilleur service à cet enfant là qui est...


 
 

12 h 30 (version non révisée)

Mme Gareau (Stéphanie) : ...devant nous, là.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Est-ce que vous pouvez me parler de continuation des services? D'après vous, jusqu'à quel âge qu'on devrait continuer les services, quels services offrir puis sous quelle forme?

Mme Gareau (Stéphanie) : Bien là, c'est sûr que si vous me parlez de Marie-Vincent, nous, notre clientèle, c'est 0-18 ans, là. Ça fait que c'est clair que nous, on est très niché, là, dans l'intervention qu'on peut faire. Ça fait que j'aurais le goût de réserver à ça mes commentaires.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Parfait. Combien de temps?

Le Président (M. Provençal) :M. le député de Dubuc.

M. Tremblay : Oui, oui. Je vais aller ailleurs. Merci, monsieur le Président. Ravi de vous rencontrer. Dites-moi, on a évoqué le fait de peut-être instaurer des fondations Marie-Vincent à l'échelle du Québec. Ce que j'aimerais savoir, c'est, à votre avis, vous travaillez souvent en réseau, c'est flatteur, est-ce que toutes les régions, à l'heure actuelle, en lien avec p.l. 15, sont bien outillées pour offrir le type de services que vous offrez? Dans la présentation précédente, il était question d'Auberges du cœur, d'hébergement, mais, bon, ça semble ne pas être nécessairement cohérent au niveau de la qualité de structure qu'il y a d'une région à l'autre. Êtes-vous au fait s'il y a du travail à faire? Puis est-ce qu'il y a de la place pour avoir des structures davantage reconnues, intégrées dans toutes les régions du Québec? On a aussi parlé de forums, de la réalité d'une région à l'autre. Comment vous voyez cette potentielle avancée-là au niveau des structures de services?

Mme Gareau (Stéphanie) : Bien, à votre question : Est-ce qu'il y a l'équivalent de Marie-Vincent partout dans chacune des régions du Québec? La réponse, c'est non. Nous, on se fait approcher par plusieurs régions qui souhaitent développer le modèle ou qui souhaitent développer un partenariat similaire. Je vous dirais que la bonne nouvelle, c'est que là, on est à l'aube d'ouvrir un Centre Marie-Vincent en Montérégie, là, à Châteauguay, pour desservir la population, les jeunes victimes de violences sexuelles en Montérégie. Mais évidemment, quand on se fait appeler par d'autres régions, bon, tu sais, nous, on n'a pas la capacité d'ouvrir des Marie-Vincent partout au Québec, mais on pense qu'il pourrait y avoir des forces régionales qui peuvent se concerter. Nous, ça nous ferait bien plaisir d'être en consultation ou d'appuyer ou d'aider au développement, assurément, là. Là, présentement, on se concentre sur Montréal et sur la Montérégie, mais j'ai d'autres régions qui nous sollicitent, évidemment. Mais il n'existe pas cette offre de services partout à travers le Québec, mais il y a le potentiel qu'elle existe, je dirais.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. Alors, la suite des échanges appartient maintenant à la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme Weil : Merci, monsieur le Président. Donc, madame Gareau, Mme Dionne, merci beaucoup pour votre présence et votre mémoire et pour le travail que vous faites. Alors, j'ai eu l'occasion, comme le ministre, de visiter votre centre il y a plusieurs années. Et aussi vous êtes venus en aide dans un cas qui m'a été référé par un autre comté, puis je ne savais pas à quelle porte frapper, puis je vous ai appelés et vous avez répondu à l'appel. Et c'est vraiment un service d'urgence que vous offrez dans un domaine tellement complexe et délicat. Donc, vous jouez un rôle essentiel. Je suis contente d'entendre qu'il y aura un deuxième site et espérons que ce modèle va se retrouver un peu partout au Québec, des grands centres comme ça, parce que vous faites un travail extraordinaire.

Juste pour... Des fois, c'est un soupçon que peut-être la mère peut avoir, un soupçon de quelque chose, l'enfant ne va pas bien. L'enfant ne va pas bien, ils ne savent pas trop ce que c'est puis ils ont besoin d'une évaluation. Comment ces gens-là... Donc, parce qu'on a suivi son parcours, dans le sens qu'on nous a raconté... elle nous a raconté les portes auxquelles elle a frappé, puis il y avait votre porte. C'est pour ça que j'ai pensé à vous. Il n'y avait pas une porte d'ouverte, les CLSC, etc. Donc, ils ne savaient pas où... à qui... Et, en plus, issus de la diversité, là, mais ce n'était pas familial. Elle ne savait pas trop ce qui s'était passé, mais elle avait un doute.

Et donc, comment les gens rentrent chez vous, les parents, ou un parent, ou quelqu'un qui serait... La DPJ, je comprends qu'eux, quand ils ont des soupçons, ils vont directement chez vous, la police aussi...

Mme Weil : ...d'autres, est-ce qu'il y a quelqu'un qui les réfère? Sinon, le filet de sécurité n'est pas très, comment dire, avancé. Une fois qu'ils sont chez vous, oui, mais avant ça ne ils savent pas à quelle porte frapper.

Mme Dionne (Sonia) : Je peux débuter, si ça convient. Notre service est évidemment un service de protection de référence. Donc, toute... la totalité, en fait, de notre clientèle est référée par des professionnels, c'est-à-dire que des situations comme vous la nommez... le parent qui a besoin de soutien doit passer par des services comme ceux offerts par la protection de la jeunesse. Il y a des gens effectivement qui nous appellent, à la fondation, pour connaître qu'est-ce que je peux faire dans ma situation. À chaque fois, nous aussi, on va les référer soit à la police, s'il y a des actes criminels qui ont été commis, soit à la protection de la jeunesse, qui va être là pour évaluer la situation avec la famille, pour ensuite les référer à nos services à Marie-Vincent, puisque, dans notre offre de services, il n'est pas possible d'offrir le service à la population, directement. On fonctionne toujours par référence de professionnels et aussi avec l'intervention immédiate, par exemple, ou... avec l'investigation policière. Les policiers peuvent venir directement dans nos locaux, et à ce moment-là, lorsqu'il y a un dévoilement, tout de suite, à partir de là, on peut commencer à offrir un support. Mais, déjà là, c'est passé par la police, par la protection de la jeunesse. Et c'est là que dès les premières journées, suite au dévoilement, on peut s'inscrire dans la démarche de soutien à l'enfant et à la famille.

• (12 h 40) •

Mme Weil : Donc, dans toutes les régions du Québec, qui seraient les intervenants? Donc, ça peut être un membre de la famille. Ça peut être l'école, peut-être, qui ferait un signalement parce qu'ils ont des doutes, ils ont une certaine expérience, les CLSC, c'est un peu tout. Et donc il y a vraiment peut-être une formation de sensibilisation à faire en attendant qu'il y ait des Marie-Vincent un peu partout au Québec. Mais c'est vraiment de sensibiliser tout le monde à quels seraient les indices. Parce que c'est un rôle tellement important, que vous jouez, là, vous êtes capable de faire en sorte qu'un jeune, un enfant qui vit ce traumatisme puisse s'en sortir et éventuellement devenir un adulte, comment dire, bien dans sa peau. Alors, je pense que vous partagez la vision, certainement, parce que vous allez créer un autre Marie-Vincent, donc, à Châteauguay.

Mme Dionne (Sonia) : Et c'est ce qu'on fait, en fait. Tout le département, là, de prévention, formation, c'est ce qu'on fait, on va dans les milieux, on va dans les écoles pour former les enseignants, pour être capable de dépister, pour être capable de recevoir un dévoilement. On va dans les CPE, on va dans les différents milieux, on va même dans les communautés autochtones. On est allé dans différents endroits pour justement sensibiliser les professionnels à mieux dépister et à mieux référer, dans des situations comme celles-là, dans des ressources comme la DPJ, mais aussi comme Marie-Vincent.

Mme Gareau (Stéphanie) : Si je peux me permettre aussi, on parle beaucoup de former, sensibiliser les intervenants, mais il y a aussi tout un travail de prévention qui se fait auprès des jeunes. Quand on parle d'aller dans les CPE, donc, oui, on va former des intervenantes en centres de la petite enfance, services de garde éducatifs, qui vont instaurer... On a un programme, par exemple, qui s'appelle le programme Lanterne, où on fait de l'éducation à la sexualité, on fait de l'éducation aux relations égalitaires. Donc, les jeunes vont connaître...  les enfants vont reconnaître les situations qui sont plus à risque, vont pouvoir nommer les choses. C'est important de nommer, de nommer les situations, de nommer les parties intimes, comme ça, quand un enfant, un petit enfant, entre, mettons, 0-5 ou 2 à 5 parle à son parent, bien, il va dire les choses telles qu'elles sont, il va savoir ce qui est inacceptable. C'est aussi ce rôle-là qu'on doit jouer, puis ça, c'est une partie du travail qui est fait à Marie-Vincent. Oui, former les intervenants, mais aussi éduquer les jeunes sur la réalité puis ce qui est acceptable et ce qui est inacceptable.

Mme Weil : J'aimerais revenir... combien j'ai de temps, M. le Président?, sur les considérants que vous voudrez rajouter et l'idée d'une charte pour les enfants. Quatre minutes. Donc, vous avez le temps de partager votre vision des choses selon ce que la commission spéciale recommande, donc. Donc, parlez-moi de cette charte des droits de l'enfant et la nécessité ou, selon vous, l'intérêt d'avoir une charte et une bonne définition de l'intérêt de l'enfant.

Mme Gareau (Stéphanie) : Bien, la...

Mme Gareau (Stéphanie) : ...dans le fond, nous... La Charte des droits de l'enfant en protection de la jeunesse, je pense que c'est un outil qui pourra aider à la sensibilisation, à la meilleure définition, à une meilleure compréhension. Mais ce qu'on... nous, dans le fond, on s'est inspiré de certains considérants de cette charte-là, en se disant : Bien, peut être qu'on n'est pas rendu là encore, ou peut être que ça fait partie de ce qu'il y a dans les projets du gouvernement, mais comme on a une opportunité maintenant, en ouvrant la Loi sur la protection de la jeunesse avec le projet de loi 15, bien, il y a peut être certains considérants qui étaient dans la charte, qu'on ne sait pas quand elle pourrait voir le jour, donc utilisons cette opportunité parce qu'il y a des principes, il y a des grands principes, celui du partage fluide de l'information, qui sont essentiels puis qui s'inscrivent tout à fait dans la logique puis dans la philosophie de la Loi sur la protection de la jeunesse. Ça fait que c'est cette inspiration... c'est plus une inspiration pour le libellé, pour ce qui est important de mettre de l'avant puis ce qui est important de bien établir, je dirais.

Mme Weil : ...des droits et libertés actuelle est trop vaste, et pas spécifique, et pas assez pointue. On a eu des discussions avec la Commission des droits de la personne, hier, par rapport à leur rôle. Beaucoup de débats sur, bon, est-ce que le fait qu'ils ne sont pas juste dédiés aux enfants, ce qui a créé, donc, cette recommandation de commissaires. Donc, c'est une charte qui serait spécifique. Mais entre temps, vous recommander d'ajouter des considérants qui vont, justement, sur ces points qui seraient dans une charte, donc des considérations qu'on doit prendre en compte lorsqu'on regarde lésion de droits ou qu'un enfant est vulnérable, parce qu'on ne respecte pas certains droits. C'est bien ça, c'est ça, le lien que vous faites, c'est-à-dire que la charte québécoise et pas assez détaillée.

Mme Gareau (Stéphanie) : Bien, nous, dans le fond, c'est que l'enjeu du partage de l'information, de la collaboration, pour nous, c'est ce qui ressortait dans les commentaires qu'on souhaitait mettre de l'avant sur le projet de loi 15. Puis plutôt que d'inventer un nouveau libellé, on trouvait qu'il y avait un travail extraordinaire qui avait été fait par les commissaires, qui était élaborait, finalement, ce que, nous, on souhaite mette de l'avant. Ça fait qu'on se disait : Bien, profitons du travail bien fait, intégrons ces considérants-là, parce qu'ils touchent le coeur de ce que, nous, on a à mettre de l'avant en lien avec la confidentialité.

Mme Weil : Oui. Je trouve que c'est ça ajoute de la profondeur, d'ailleurs. Oui, cette question de... vous avez expliqué que dans un projet de loi, actuellement, on discute de modification au Code civil. Très intéressant, ce que vous proposez, c'est qu'on y aille directement, puis on corrigerait tout de suite le problème pour avoir la permission d'intervenir, un parent puisse procéder sans l'accord de l'autre, parce que vous expliquez très bien qu'un parent pourrait avoir un genre de conflit d'intérêts par rapport à lui-même ou quelqu'un d'autre dans la famille. Ça, c'est intéressant, très intéressant, parce que le gouvernement pourrait mettre l'instaurer tout de suite dans ce projet de loi qui est dédié aux enfants, de toute façon, et leur protection. J'imagine qu'il y aura des discussions avec le ministère de la Justice aussi là-dessus. Mais on comprend ce que vous recommandez.

Mme Weil : Et c'est cette compilation d'attestation, peut être à en parler justement. C'est-à-dire que dans la procédure qui serait dans le Code civil, il y a une complication, c'est une tierce personne qui doit faire une attestation alors qu'e... Peut-être, expliquer cet enjeu.

Mme Gareau (Stéphanie) : Bien, ça revient peut à ce que ce que ma collègue disait, c'est que quand il y a un dévoilement dans une famille, c'est une bombe qui explose. Donc, on se dit que le Code civil, ce qui est fait... ce qui est proposé dans le projet de loi 2 pour le Code civil, c'est très bien, là, dans le sens où c'est une loi d'application générale. Mais là on se dit : Là, on est dans la Loi sur la protection de la jeunesse, est-ce que c'est nécessaire, quand on est dans le spectre de la protection de la jeunesse, d'avoir recours à une attestation additionnelle? On est dans une situation où il y a eu un signalement. Donc, le fait qu'il y ait une situation de violence sexuelle ou violence parentale, ou violence conjugale est un peu plus avéré, puis je me promène... je le mets entre guillemets, évidemment, parce que la preuve doit être faite, là, puis les enquêtes doivent être faites, mais on est davantage dans un environnement où c'est plus probable que pas probable qu'il y ait un enjeu. Donc, pourquoi ajouter un volet administratif? C'est une famille... Une famille, là, qui vit un dévoilement, là, de violence sexuelle, elle est, elle est complètement démunie, là. Donc, ce qu'on se dit, c'est : Ne mettons des barrières additionnelles...

Mme Gareau (Stéphanie) : ...pour permettre à l'enfant... Parce que c'est ça, ultimement, l'objectif, c'est que l'enfant reçoive les services, que la famille soit outillée pour faire face à cette situation-là. Donc, ce qu'on dit, c'est on est dans une loi d'application spécifique, donnons les outils aux gens pour intervenir adéquatement et rapidement, toujours dans le meilleur intérêt de l'enfant.

• (12 h 50) •

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup, Mme Gareau et Mme Dionne, pour votre participation, votre contribution et la qualité de ces échanges.

Je suspends les travaux jusqu'à cet après-midi, là, jusqu'à 13 heures... pas jusqu'à 13 heures, mais... Oui, c'est ça, 13 heures. Excusez.

Des voix : ...

Le Président (M. Provençal) : Oui. Non, c'est parce qu'à 13 heures on a une autre séance de travail. C'est pour ça que je dois dire 13 heures, M. le ministre. Mais je vais demander aux gens qui ne participent pas à cette séance de travail de quitter. Merci beaucoup. Merci beaucoup de votre collaboration et de votre contribution.

(Suspension de la séance à 12 h 51)


 
 

13 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 14 h 2)

Le Président (M. Provençal) : Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux membres de la Centrale des syndicats démocratiques. Je vous rappelle que vous aurez dix minutes pour votre exposé, et, par la suite, nous procéderons aux échanges avec les membres de la commission. Alors, je vous cède la parole. Merci.

M. Bissonnette (Kaven) :Merci beaucoup. Vous m'entendez bien? Bien, premièrement, on tient à remercier les membres de la commission d'avoir accepté de nous entendre aujourd'hui.

La Centrale des syndicats démocratiques regroupe, sur une base régionale, cinq associations démocratiques de ressources à l'enfance du Québec, ce qui en fait l'organisation la plus représentative au Québec avec près de 3 000 familles d'accueil à l'enfance.

Notre mémoire sur le projet de loi no 15, la Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse, représente donc la perspective des familles d'accueil sur cette traduction de nombreuses recommandations de la commission Laurent en texte de loi. En conséquence, vous comprendrez que nous ne commenterons pas tous les articles du projet de loi 15, d'autant plus qu'aujourd'hui on veut réellement vous présenter la perspective des familles d'accueil, et non pas une dissertation en droit.

Dans un premier temps, qu'on vient dire la plupart des recommandations du mémoire de la CSD à la commission Laurent, intitulé Les familles d'accueil veulent être traitées en partenaires, ont trouvé écho dans le rapport final de cette commission importante créée pour réformer le système de protection de la jeunesse au Québec en mettant l'intérêt de l'enfant de l'avant... à l'avant-plan, un objectif partagé par les familles d'accueil que nous représentons d'abord et avant tout parce que le sort des enfants vulnérables est la préoccupation première des personnes qui décident de devenir famille d'accueil.

Avant de commencer aussi, dans notre mémoire, il y a un élément qui ne se retrouve peut-être pas, mais je tiens à le préciser rapidement, hier, suite au témoignage, là, de Mme Laurent, quand elle mentionne qu'au deuxième considérant du projet de loi, on dit que ça devrait... "Considérant que l'intérêt de l'enfant est une considération primordiale dans toute décision prise à son sujet", la CSD et les associations de familles d'accueil chez nous partagent son point de vue quand elle dit que ça devrait être libellé de la façon suivante...


 
 

14 h (version non révisée)

M. Bissonnette (Kaven) : ...de considérant que l'intérêt de l'enfant... au lieu d'être une considération, ça devrait être la considération primordiale. Ça, on partage ça, on tient à le dire, parce que ça ne se retrouve pas de mémoire, mais on le partage. Par contre, bien que le projet de loi 15 constitue une avancée importante pour les droits des enfants au Québec, nous considérons qu'il ne répond pas pleinement aux recommandations des familles d'accueil faites dans le but de faire de l'intérêt de l'enfant la considération primordiale.

Ainsi, je vais y aller en grand bloc, là, pour maximiser l'efficacité de notre temps. L'élément numéro un, là, qu'on voit, c'est : pour nous, il est fondamental que les familles d'accueil soient consultées pour toute décision concernant les enfants qui leur sont confiés si le gouvernement est sérieux dans sa volonté de réforme. Les familles d'accueil qui vivent 24 h sur 24, 365 jours par année avec des jeunes, donc on prend des décisions à leur égard, c'est un incontournable que les familles d'accueil soient consultées et non pas simplement de façon facultative. Donc, quand on regarde au niveau des considérants, également, le septième considérant, on pense qu'on devrait également y insérer la participation de l'enfant et de ses parents aux décisions qui les concernent et la prise en compte de leur opinion. Mais je pense qu'on devrait ajouter, on pense qu'on devrait ajouter, également, la famille d'accueil, le cas échéant. Si un enfant est en famille d'accueil, la famille d'accueil devrait être impliquée dans le processus.

Le deuxième grand bloc, c'est que, pour nous, on devrait ajouter un article de loi pour prévoir que, dans tous les cas où un tribunal doit prendre une décision à l'égard dans l'intérêt de l'enfant et que cet enfant-là est en famille d'accueil, il devrait y avoir une obligation de consulter la famille d'accueil et non pas une invitation ou une possibilité pour la famille d'accueil d'y participer. Ça devrait être obligatoire pour être certain que les décisions qui sont rendues au regard de cet enfant-là soient les bonnes et également que toutes les informations pertinentes soient prises en considération par le tribunal avant de prendre une décision, considérant que la ressource, la famille d'accueil est la personne qui vit 24 h sur 24 avec ce jeune. Et également on pense, puis ça, c'est une autre loi, on a une recommandation quand même, qu'au niveau de la loi 24, la Loi sur la représentation des ressources, que l'article 63 devrait éventuellement être modifiée pour éviter que certains établissements se cachent derrière les pouvoirs et responsabilités exclusifs de l'établissement pour mettre de côté l'expertise et les informations privilégiées connues de la famille d'accueil.

Troisième bloc, c'est au-delà de 18 ans, pour nous, un enfant qui est en famille d'accueil ne devrait pas être laissé à lui-même à 18 ans et une journée. On devrait pouvoir lui offrir les services s'il le demande au-delà de 18 ans. Et ça, c'est un élément qui est crucial, qui est majeur. On en reparlera, j'imagine, un peu plus loin. Puis également on demande, les familles d'accueil, que soit réinstituée une forme d'intervenante ressource comme il existait à l'époque. Sans qu'il y ait de lien de subordination, nos familles d'accueil ont souvent besoin de support au-delà du cadre, entre guillemets, professionnel ou des services à rendre aux jeunes. Nos familles d'accueil, ce qu'ils nous demandent, c'est que les choses ont bien changé, ont bien évolué au fil des dernières années, mais il y a un côté humaniste qui s'est effrité au profit d'un côté professionnalisation de ce qui est une famille d'accueil. Il y a du bon, il y a eu des éléments, contrôle de qualité, cadre de références. Une famille d'accueil, aujourd'hui, effectivement qu'elle est probablement mieux outillée qu'il y a 30 ans. Mais il y a un côté humain, ces gens-là ne font pas ça pour l'argent. Quand on devient famille d'accueil, c'est qu'on a des convictions profondes qu'on veut aider des jeunes. Donc, à cet égard-là, on demande qu'il y ait une forme de réintégration de cette personne-là, qui pourrait être un support à la famille d'accueil et également qui pourrait donner un coup de main aux familles d'accueil de proximité. Familles d'accueil de proximité, quand les jeunes sont placés chez... des personnes significatives pour elle, ces gens-là, quand ils deviennent famille d'accueil de proximité, n'ont pas suivi un processus de recrutement puis d'évaluation comme une famille d'accueil régulière. Donc, ce qu'on comprend puis ce qu'on entend de ces gens-là qu'on représente, c'est qu'ils ont souvent besoin de beaucoup d'aide, et d'appui, et de...

M. Bissonnette (Kaven) : ...De la part de l'établissement. Donc, dans leur cas à eux, l'intervenant en ressources prend encore plus toute sa place. Madame Thomas va vous en parler un peu plus tard.

Et le dernier bloc, bien, c'est sur le Forum des directeurs de la protection de la jeunesse, qui est une très bonne chose en soi. On croit que les organisations de familles d'accueil devraient pouvoir siéger au sein de ce forum là pour qu'on puisse avoir une vision, la vision la plus élargie possible pour... dans le cadre de la mission de la loi et du projet de loi.

Je vais laisser Mme Thomas, là, je ne sais pas, là, il reste un petit peu de temps, je ne sais pas combien de temps mais je vais laisser Mme Thomas se présenter.

Le Président (M. Provençal) : Deux minutes.

• (14 h 10) •

Mme Thomas (Diane) : Bonjour. Mon nom, c'est Diane Thomas. Je suis la présidente des ADREQ au niveau provincial. J'ai le plaisir d'avoir plusieurs régions à m'occuper avec mes consoeurs qui sont présidentes régionales. Ce que monsieur Bissonnette vous a parlé, c'est vraiment primordial. Il y a des sujets là-dedans... On joue avec la vie des enfants et je crois qu'on est là, les familles d'accueil et j'aimerais qu'on nous donne une voix plus forte, une voix pour protéger nos enfants. Souvent, on est la seule personne qui peut s'exprimer à la place de l'enfant. C'est très difficile pour un enfant dans un tribunal d'aller parler contre son parent qui est assis à côté de lui. Donc, nous, on pense qu'on a une place dans toutes ces instances-là, qu'il faudrait qu'on soit présents pour parler au nom de l'enfant, pour ce qu'il n'est pas capable de faire, que nous, nous soyons capables de le faire.

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup. Vous pouvez ajouter, oui, allez-y.

Mme Thomas (Diane) : Oui. Je voulais vous dire, je tiens à coeur... je sais que ce n'est pas dans les projets de loi, tout ça, les familles d'accueil de proximité, mais c'est des familles d'accueil, surtout celles qui sont en attente. Au Québec, on a une loi qui protège les enfants et j'ai l'impression qu'on les a carrément abandonnés, ces enfants-là. Le jour un que le parent ou le grand parent ou l'oncle, la tante qui est accréditée reçoit cet enfant-là, elle ne reçoit aucune aide. Donc, ces enfants-là, qui ont des droits, se font bafouer le temps de l'accréditation, qui est une question hyperimportante, l'accréditation des ressources. Mais pourquoi cet enfant-là perd tous ses droits? Tout ce qu'il aurait besoin, il n'a pas accès à ça parce qu'il est placé chez un membre de sa famille. C'est tragique. Je vous expliquerai plus loin pourquoi, mais ça crée vraiment des problèmes.

Et pour finir, mes 18-21. C'est essentiel pour moi, les 18-21, c'est... il faut se battre pour eux autres parce qu'on l'expliquera plus loin, c'est des enfants qui ont besoin de nous autres parce qu'on ne devient pas adulte à 18 ans.

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup. Nous allons débuter cette période d'échange avec monsieur le ministre. Alors, M. le ministre, à vous la parole.

M. Carmant : Merci beaucoup, monsieur le Président. Madame Thomas, monsieur Bissonnette, enchanté. Merci pour votre exposé. Allons-y en grand bloc, là, comme vous dites. La première chose que j'aimerais voir avec vous, c'est ce sujet-là que j'entends souvent, récemment surtout, les familles d'accueil de proximité et cette période d'évaluation, là, ou de ce que vous appelez d'accréditation. Qu'est-ce qu'on peut faire pour améliorer ça, là? Tu sais, j'en ai parlé avec mes collègues, là, tu sais, de rétroactivité ou, tu sais... C'est quoi, le problème? Puis qu'est-ce que vous suggérez pour le régler?

Mme Thomas (Diane) : Aussi simple... Si je peux me permettre, Kaven. Aussi simple que le jour un, qu'il sorte du tribunal ou qu'il soit crédité, et vous ferez les évaluations par la suite. Mais, quand la famille sort du tribunal avec l'obligation, l'enfant est confié à cette ressource-là, elle devrait avoir droit au panier de services. Il y a un frais particulier, un document qui existe, frais particuliers pour enfant placé en ressources, nous, on l'appelle le panier de services, qui donne droit à cet enfant-là à tous les services scolaires, dentiste, les lunettes. Cet enfant-là a ce droit-là. Et ces familles-là qui reçoivent ces enfants-là, présentement, les accréditations peuvent aller de six mois, j'ai même vu 18 mois pour accréditer. Donc, cette famille-là, là, elle doit tout assumer les frais de cet enfant-là, et, des fois, c'est ces enfants-là. Parce que j'ai vu beaucoup de fratries, j'ai vu des gens recevoir deux, trois enfants qui arrivent avec des grands besoins, des grandes lacunes. Et elle-même, la famille d'accueil a des besoins particuliers parce qu'elle... Nous, on se prépare pendant quelques mois, pendant qu'on se fait accréditer, les familles d'accueil régulières. Mais les familles d'accueil de proximité non. Le jour un du tribunal, ils débarquent, ils emmènent trois enfants chez eux, et leur vie change, mais ils n'ont aucun soutien, aucun support. Ils ont une intervenante qui y va un petit peu pour voir si tout est correct, mais ils ont besoin de plus que ça. Ils ont besoin de formation, ils ont besoin d'écoute...

Mme Thomas (Diane) : ...qui ont besoin de nous, qu'on les aide, les associations... qu'on est là pour les aider, mais ils ne sont pas accrédités. Vous comprendrez que je ne peux pas les défendre, je ne peux pas les représenter, je ne peux pas représenter non plus le besoin de ces enfants-là, qui est criant. Puis je trouve ça très triste, de les laisser abandonnés avec des familles complètes, puis laisser cette charge-là souvent à des grands-parents qui sont obligés de, des fois, laisser leur travail pour s'occuper de leurs petits enfants, et toute cette charge financière là, les lacunes. Donc, on prend des enfants, on appauvrit des familles complètes. C'est triste. Ça ne devrait pas, là.

M. Carmant : Je vous entends. Puis une autre chose que vous avez dit, puis l'autre groupe de familles d'accueil à qui on a parlé a mentionné la même chose, puis ça aussi, là, je... proches, serrer là-dessus, dans la dernière année, on a investi quand même 10 millions de dollars, là, pour supporter les familles d'accueil. Ça, on ne voulait pas utiliser le mot que vous avez utilisé, là, «intervenant-ressource», mais le but, c'était vraiment, tu sais, ce qu'on m'avait expliqué, que chaque enfant avait son propre intervenant. Ça fait que la famille devait dealer avec plusieurs intervenants. Donc, on voulait vraiment venir au modèle où une famille d'accueil va avoir le soutien d'un intervenant. Vous me dites, vous aussi, vous me dites que, sur le terrain, ça ne s'est pas matérialisé. Là on a parlé de soutien aux usagers, là, ou je ne sais pas trop.

Mme Thomas (Diane) : Oui. Moi, présentement, je n'ai aucune nouvelle de ça. Dans ma région, ça n'existe pas, mes consoeurs non plus. Et présentement on est beaucoup en pénurie... on manque d'intervenant. J'ai des jeunes... Il y a beaucoup de familles d'accueil qui nous rapportent qu'il y a des jeunes qui peuvent être des mois et des mois sans intervenants ou ne pas les voir parce que les intervenants sont débordés. Ce n'est pas de la mauvaise volonté, c'est que les établissements manquent d'intervenants.

M. Carmant : Oui, mais, tu sais, le but, c'était d'optimiser le processus aussi, là, au lieu d'avoir trois intervenants qui deale avec une famille, qui avec une... Dans quelle région vous êtes, je peux savoir, par intérêt?

Mme Thomas (Diane) : Moi, Chaudière-Appalaches. Et ça va très bien, sauf qu'ils font avec ce qui ont. Puis, oui, un intervenant par ressource pourrait aider, effectivement.

M. Carmant : O.K., mais on va suivre ça. Bon, pour revenir au début, la considération primordiale, je pense que... comme vous dites, Mme Laurent l'a dit, puis on a bien pris note de ça, puis c'est l'intention qu'on avait également en déposant le projet de loi, c'est l'intention du législateur, là. Ça, il n'y a pas de problème. La consultation de la famille d'accueil, expliquez-moi un petit peu? Parce que moi, à ce que je sache, on vous demande votre opinion, on vous... Tu sais, qu'est ce que vous voulez dire : Soyez... Être consultés dans les décisions?

M. Bissonnette (Kaven) : Bien... Ah! bien, je peux... Je vais y aller. Bien, effectivement, quand... Trop souvent, les décisions sont prises... Tu sais, puis je vois deux types, là, je vois soit devant un tribunal ou dans la vie courante d'une famille d'accueil. Ça se fait trop souvent, les décisions, oui, la ressource va être consultée, mais les recommandations ou les informations que la ressource donner, on n'a jamais aucune garantie que ça va être utilisé dans la prise de décision. Ça, c'est... Ça, ça pose souvent problème. On ne demande pas d'être décisionnel. On comprend que les services, c'est la responsabilité de l'établissement. On ne demande pas d'avoir ce pouvoir, là, moi, à tout le moins, que la personne qui 24 heures sur 24, avec un jeune, 365 jours par année, à tout le moins que son expertise soit reconnue puis que ça soit bien inscrit, en quelque part, que la ressource, elle dit : Moi, là, voici ce que je constate, voici ce que je pense ce qui devrait être fait. Et trop souvent, ce n'est pas fait. Ça, c'est le premier volet, puis j'essaie d'y aller de façon très succincte, là. Monsieur le ministre, s'il y a de quoi, n'hésitez pas, vous pouvez m'interrompre.

Puis l'autre élément, c'est au niveau du tribunal. On sait que, depuis la dernière modification, les ressources peuvent intervenir, une famille d'accueil peut intervenir devant le tribunal pour présenter ses observations. C'est bien, mais nous, ce qu'on pense, c'est que, dès qu'il y a des décisions qui doivent être prises au regard d'un enfant qui est placé en famille d'accueil, on ne peut pas rendre... bon, à moins qu'on parle d'une décision qui soit carrément... mais ce qui est très rare. Mais généralement, quand on est devant le tribunal avec un jeune... on parle d'ordonnance, on parle de changement de paramètres, je vois très mal comment un juge peut prendre une décision sans avoir exigé d'entendre la famille d'accueil qui vit avec ce jeune-là ou... 24 h sur 24. Ça, pour nous, ça devrait être obligatoire, tu sais. Puis je pense que, si on veut le portrait réel d'un jeune où il se situe dans le temps puis de ses besoins, il y a un intervenant dans le portrait, là, qu'on ne peut pas ignorer, qui est la famille d'accueil. Ça fait qu'il y en a une, bien sûr. Ça fait que ça, c'est les deux volets, là. Si je réponds à votre question, là, c'est les deux volets, pour nous, qui sont primordiaux.

M. Carmant : Puis le volet 2, je l'avais déjà entendu, là. Dans le volet 1, est-ce que...

M. Carmant : ...de bien comprendre, puis voir si j'ai bien compris ce que vous avez dit. C'est comme un manque de transparence un peu. On vous demande de l'information, mais il n'y a pas de rétroaction, hein, ça, j'ai entendu ça beaucoup cette semaine.

M. Bissonnette (Kaven) : Effectivement, puis vous le dites bien. Puis on n'accuse pas personne d'être de mauvaise foi, là, loin de là. On a tous des charges de travail. On sait que les intervenants ont des charges de travail qui ne sont pas faciles. Nos ressources... tout le monde est bien occupé, tout le monde fait son possible. Ça fait qu'on ne veut surtout pas accuser les intervenants, les établissements de mauvaise foi, loin de là. C'est que... mais, il y a des informations qui se perdent puis... et qui sont importantes et que... et finalement, il y a des décisions, des fois, qu'au regard d'un enfant qui vont arriver quelques semaines plus tard, quelques mois plus tard, compte tenu de la charge de travail qu'un intervenant peut avoir, puis ça ne sera pas nécessairement bon. Et, dans ce qui va être demandé pour le jeune, bien, les propos, les observations de la ressource ne se retrouveront pas là. Puis on ne le voit pas nulle part, c'est comme c'est disparu, puis ça, ça ne devrait pas.

• (14 h 20) •

M. Carmant : Je vous comprends tout à fait. Forum des directeurs, comment vous voyez votre participation ou votre interaction avec cet... ce qu'on veut créer, là, comme... tu sais, ce n'est pas comme la... c'est un petit peu la... avant, il y avait la table des centres jeunesse, là, puis là, tu sais, on veut évoluer vers peut-être un nouveau modèle. Mais comment vous voyez votre rôle là-dedans? Puis comment vous participiez avant? Puis comment vous verriez ça, votre contribution?

M. Bissonnette (Kaven) : Tout à fait. Bien, notre contribution, on la voit bien... bien qu'on soit des associations représentatives, une organisation syndicale, on ne voit pas notre intervention dans un sens de revendication ou de négociation, loin de là. Et mais plutôt... et ce n'est pas... et plutôt dans une intervention sur l'expertise de nos ressources, de nos présidentes qui consultent, qui rencontrent leurs ressources plusieurs fois par année, qui reçoivent les appels de l'ensemble de leurs familles d'accueil, de ce qui vivent des problématiques. On pense que se serait une grande plus-value que nos représentants des différentes organisations de familles d'accueil puissent avoir des sièges là parce que c'est eux qui sont toujours en première ligne des problématiques vécues par les familles d'accueil. Donc, on pense ça serait une grande plus-value d'avoir les gens qui sont sur le terrain assis là.

M. Carmant : Parce que moi j'aimerais ça qu'il y ait un gros volet formation, là, dans ce projet-là. Est ce que vous vous voyez votre rôle, ici, la formation, mentorat, tu sais, comme?

M. Bissonnette (Kaven) : Je vais laisser Mme Thomas.... au niveau de la formation elle a une expertise que je n'ai pas.

Mme Thomas (Diane) : Oui, effectivement, la formation... nous en Chaudière-Appalaches, notre priorité... et les ADREQ, qu'il y a beaucoup d'ADREQ qui ont beaucoup de formation. C'est une de nos priorités parce que c'est le meilleur moyen de se comprendre. Et à force d'être informé, autant pour le côté... dans ce comité-là que pour les enfants que pour les familles d'accueil, c'est toujours aidant. Donc, oui, le volet formation nous intéresse beaucoup... puis une participation positive comme disait mon confrère.

M. Carmant : Puis penseriez-vous que ça nous aiderait à recruter des familles d'accueil, ça?

Mme Thomas (Diane) : Effectivement, c'est le meilleur moyen pour savoir. Moi, j'ai toujours dit : Quand on est transparent et on dit la vérité. Vous pouvez recevoir tel genre d'enfant, on va vous équiper, on va vous donner les ressources pour. C'est le meilleur moyen d'avoir des familles d'accueil. Moi, personnellement, je commencerais le processus comme la cadre de référence L'instrument, je les donnerais à ceux qui sont postulants pour qu'ils sachent dans quoi qu'ils s'en vont au lieu d'attendre d'être accrédités. Je le donnerais avant comme ça aux familles d'accueil, le jour un de l'accréditation, seraient outillées, et ils sauraient quoi faire. Présentement, ce n'est pas le cas. Famille d'accueil, là, le temps que j'aille le temps de faire le tour puis de les former, ça peut me prendre des fois six mois parce qu'on donne des formations en automne, puis au printemps. Donc, ça peut... il peut y avoir un laps de temps, et c'est là qu'ils font des gaffes. Et c'est là aussi que, ne sachant pas comment intervenir avec des jeunes qui ont des troubles de santé mentale de plus en plus lourds, des traumatismes de plus en plus fréquents. C'est bon que tout le monde soit formé.

M. Carmant : D'accord. Une petite dernière question parce que... avant de passer la parole à ma collègue, vous vouliez dire quelque chose sur les 18-21 ans, puis on vous a un peu coupé. C'était quoi?

M. Bissonnette (Kaven) : Bien, je peux-tu? Je peux y aller. Je vais répondre en première... rapidement. Bon, je suis avocat de formation. Je suis vice-président de la CSD depuis 2019, et je suis un jeune de famille d'accueil. J'ai passé dans le réseau des familles d'accueil, j'ai eu ce bonheur-là, j'ai eu cette chance-là et je ne serais jamais devenu ce que je suis devenu aujourd'hui sans avoir eu la chance d'avoir une famille d'accueil. Et d'ailleurs, une des raisons pourquoi je suis devenu avocat, puis je ne veux pas prolonger le temps de la commission, c'est que mon papa de famille d'accueil, je l'appelle comme ça...

M. Bissonnette (Kaven) : ...il était bibliothécaire à la Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke, et j'allais lire des livres de droit en l'attendant et je regardais les étudiants et les juges et les avocats, puis c'est pour ça que je suis devenu ce que je suis devenu. Et je veux juste dire une chose, quand j'ai quitté à 18 ans parce que j'ai dû quitter, je me suis retrouvé un appartement et au cégep, à assumer une responsabilité que je n'étais pas prêt à assumer. Je n'étais pas outillé. Bien que j'ai une bonne famille d'accueil, j'ai un bagage derrière moi. J'avais bien, bien des choses que j'avais... j'étais loin d'avoir la maturité nécessaire pour faire face à la vie, mon cégep a été un fiasco, et j'ai perdu plusieurs années de ma vies suite à ça alors que c'est le moment où j'aurais eu le plus besoin d'un milieu de vie stable de 18 à... 18, 19, 20 ans, le temps de faire mon cégep, puis de commencer à avancer dans la vie.

Puis l'autre élément,  puis je vais y aller rapidement, c'est difficile quand on arrive à 18 ans, en  appartement avec très peu de ressources financières et qu'on voit... et qu'on a... toute ma vie à part des autres, et là, on voit nos amis qui ont des vies, qui vivent chez leurs parents, qui ont des autos, qui sortent, qui peuvent aller au restaurant, puis que, toi, bien, tu ne peux pas y aller. mais à 18 ans,  qu'est ce que tu fais? Tu y vas, puis le 15 du mois, quand tu as dépensé des prêts et bourses, mais tu n'as plus rien, et donc éventuellement tu ne paies pas ton loyer, éventuellement tu fais débrancher le téléphone. Bref, c'est majeur, puis mon frère de famille d'accueil qui, lui, commençait un DEP, ça a été la même histoire. Bien, lui, ça a été plus tragique, il ne s'est même pas rendu à 19 ans, il s'est suicidé à 18 ans et 9 mois. Et je convaincu qu'il avait pu rester dans notre famille d'accueil, il aurait fait son DEP, ça ne serait probablement pas arrivé. Et ça, c'est juste mon exemple et un autre exemple.

C'est majeur, ce n'est pas juste... Peu importe ce que ça peut coûter en argent, on ne peut pas passer à côté de ça. On est à 18 ans, on n'est pas apte, capable, en tout cas, il y en a peut-être, mais ça doit être des exceptions. Puis, si on ne le fait pas, on vient un peu annihiler tout le beau travail qui a été fait avant par nos familles d'accueil. Bien, en tout cas, pour nous puis pour moi, personnellement, ça me tient à coeur, ça.

M. Carmant : Je pense que, tout le monde, ça tient à coeur, puis merci d'avoir partagé ça avec nous, monsieur. J'apprécie le courage.

Le Président (M. Provençal) : ...aimerait intervenir, monsieur le ministre.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci, M. le Président. Bonjour, monsieur Bissonnette, madame Thomas. Je vais faire ça rapidement. Au niveau de la FFARIQ, je veux avoir un peu votre point de vue. Ils recommandaient, entre autres, qu'une personne ou une famille d'accueil soit admise à l'audience entière de toute demande relative à l'enfant qui lui est confié. Il y avait aussi une autre recommandation. J'aimerais savoir, là : Êtes-vous en accord avec ces recommandations-là de la Fédération des familles d'accueil? Et qu'est-ce que cela aurait comme avantage?

M. Bissonnette (Kaven) : Bien, moi, je suis... On n'est pas... peut-être pas encore à 100 %. Toute demande, il faut être conscient qu'il peut y avoir des demandes qui ne sont, là, nécessairement de nature, comment je pourrais dire, plus accessoire, tiens, des demandes peut-être plus accessoires. Je ne pense pas que la famille d'accueil a nécessairement l'intérêt de toujours être là. Mais, dans la mesure où on a à trancher des questions, rendre des décisions au regard de l'intérêt de l'enfant, bien, on pense que, oui, on doit être là. Mais, sur des mesures purement accessoires, non.

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup. Le temps, malheureusement, est coulé. Alors, nous allons poursuivre cet échange avec madame la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme Weil : Bonjour, alors, M. Bissonnette et Mme Thomas. Très contente de vous avoir et de vous entendre. Et merci de partager, comme le ministre l'a dit, merci de partager votre expérience. Parce que ça vient toujours, ces expériences personnelles, et souvent dans les questions qu'on pose, on veut que... vous êtes les experts. Pour nous, de légiférer, surtout si on n'est pas dans ce domaine ou on n'a pas... et c'est sûr que la plupart des députés n'ont pas d'expérience à la DPJ, on a besoin de comprendre. On comprend que les recommandations qui se retrouvent dans le projet de loi sont appréciées, mais il y a des améliorations. Puis pour qu'on amène ces améliorations, c'est vraiment très utile d'avoir votre vécu.

Alors, pour revenir aux familles d'accueil, parce que, ça, on a eu cette recommandation, et qu'on puisse poursuivre. Donc, il y aurait différents scénarios. Mais là où l'enfant a été placé dans une...

Mme Weil : ...d'accueil et le lien d'attachement s'est fait, pourquoi pas utiliser cette famille d'accueil pour la suite des choses? D'ailleurs, ils nous ont même parlé, certains, à 40 ans, qui reviennent poser des questions puis vouloir... parce que la relation est tellement bonne, est tellement proche que leur vie durant, quand ils ont des enfants, ils veulent avoir comme un papa, puis une maman, l'expérience, tout ça. Donc, ça, c'est une voie pour les familles d'accueil. Pour tous les autres, parce qu'on a parlé des aspects plus techniques de ça, qui prendraient la relève de ça après la DPJ, comment crée-t-on donc un réseau après 18 ans. Est-ce que vous avez réfléchi à cette question-là? Vous. vous êtes... évidemment. vous parlez des familles d'accueil, mais est-ce que vous avez réfléchi à ça, comment ça pourrait être construit, car la compétence de la DPJ, c'est vraiment jusqu'à 18 ans, mais la loi peut faire en sorte que cette compétence et responsabilité continuent. Comment vous voyez ça?

Mme Thomas (Diane) : Bien, si je peux me permettre, présentement, ça existe déjà, certains jeunes qui n'ont pas terminé leur secondaire sont suivis, après, le dossier se transfère au CLSC. Il y en a d'autres que c'est des jeunes qui ont des troubles de santé mentale, donc c'est transférés au CRDI. Le placement se continue jusqu'à 21 ans, il y a un suivi qui se fait par certains intervenants de différents milieux.

• (14 h 30) •

Mme Weil : Il faudrait que ça soit, comment dire, obligatoire ou ça soit... c'est-à-dire qu'on le garantisse, une garantie dans la loi.

Mme Thomas (Diane) : Oui. Nous, ce qu'on aimerait, c'est sûr, si l'on veut rester dans sa famille, on aimerait vraiment que l'enfant puisse, parce que ces enfants-là, il faut que vous compreniez quelque chose : même nos enfants, à 18 ans, ils ne sont pas prêts. Imaginez un enfant qui arrive chez moi, à neuf ans, avec son sac à dos plein de roches. Il faut travailler des années, des années, des années. On a un pur bonheur qu'il finisse son secondaire avant 18 ans, des, on a cette chance-là, et la récompense qu'on leur donne, c'est : «Woosh! Woosh!», 18 ans, toi, va t'en au cégep puis débrouille-toi. C'est cruel, parce que cet enfant-là a vidé, peut-être, des fois, en partie, son sac à dos, mais il reste avec des chocs post-traumatiques, il reste avec, des fois, la maturité qui n'est propre pas à 18 ans. Le fait qu'il a fallu qu'il se débatte pour de la survie, a fait en sorte que cet enfant-là, en trouble d'attachement, entre autres, bien, ces enfants-là n'ont pas la même maturité. Donc, ils partent avec des crises en partant. Donc, c'est comme si on les envoyait se planter, puis on le sait, puis on ne les arrête pas. Moi, je trouve ça cruel.

Je veux les aider à réussir. Je veux que ça devienne des bons citoyens. Et c'est vous qui allez être gagnant, le gouvernement, parce que ces enfants-là, s'ils sont bien accompagnés dans leur vie adulte, vont coûter beaucoup moins cher au réseau, en vieillissant, soit en sa santé mentale, soit en occupation. On essaie d'éviter que ces jeunes-là deviennent... Il y en a beaucoup qui finissent à la rue. On a un pourcentage dans une étude qui était, si ma mémoire est bonne, de 28 pour cent de jeunes qui sortent des ressources et qui finissent itinérantes. On ne peut pas laisser les choses aller comme ça, c'est immoral. Présentement, là, je trouve ça cruel. Il faut changer les choses. Puis, au contraire, vous voyez un enfant qui fait comme nos enfants : il va au cégep, il a maman qui l'aide, on le laisse voler de ses propres ailes, mais on adoucit... dès qu'ils sortent du nid, on adoucit avec un petit coussin, on essaie de mettre les choses en place pour ça aille bien. Mais il faut qu'on reste dans leur vie. Puis, moi, j'en ai de 35 ans aussi qui reviennent, puis ils ont encore besoin du budget, ils ont encore besoin de temps. IIs veulent acheter une maison, ils viennent me voir : Quelle meilleure banque? Ils ont besoin qu'on reste dans leur vie...

Mme Weil :  Oui, c'est formidable. L'évolution de la qualité des services, de l'appui que les familles d'accueil ont du gouvernement, etc., vous voyez une évolution, disons... Vous, ça fait combien d'années que vous êtes familles d'accueil? Bien, vous deux avez de l'expérience commune, là, mais ça fait longtemps. C'est ça? Est-ce que vous avez vu des améliorations au fil des années par rapport à l'appui que vous avez, que vous recevez?

Mme Thomas (Diane) : Il y a beaucoup eu de changements, dans les dernières années, qui fait que ça ralentit le réseau, je crois. On manque beaucoup de main-d'œuvre, donc les enfants n'ont pas le soutien nécessaire, des fois. Les intervenantes sont brûlées. Je ne sais pas vous dire autrement. Le réseau est fatigué, et ces enfants-là ont de plus en plus de grands besoins. Moi, les enfants que j'avais quand j'ai commencé il y a 17 ans, avaient beaucoup moins de problèmes et de troubles de santé mentale qu'aujourd'hui. Aujourd'hui, les enfants sont de plus en plus lourds. Et ça, ça fait en sorte que, la chose que j'ai vue qui s'est améliorée grandement, quand l'établissement le veut bien puis que la...


 
 

14 h 30 (version non révisée)

Mme Thomas (Diane) : ...est là, c'est les formations. On nous outille pour aider ces enfants-là. Et quand le partenariat est là... et ça, c'est la clé, il faut que l'établissement ait un bon partenariat avec l'association pour mettre les choses en place pour aider les familles d'accueil. Mais si ce n'est pas le cas, c'est les enfants qui payent au bout de la ligne, et les familles parce qu'elle ne restera pas famille d'accueil si elle n'est pas capable de comprendre le trouble d'attachement, si elle n'est pas capable de contrer les crises, puis d'avoir des outils pour calmer ces crises-là. Et il y a des régions qui ont perdu beaucoup. Avant ça, on avait des programmes éducateurs qui étaient beaucoup plus présents. Maintenant, on les a, mais en bloc, ça fait que ça dépend des besoins. C'est tous des programmes comme ça qu'on aimait beaucoup comme intervenants... qui ont disparu avec le temps.

Mme Weil : Donc, c'est toute une réflexion, hein? Parce qu'il y a du bon, dans le passé, il y a la situation qui est rendue plus dramatique et plus difficile. Il y a la pénurie en même temps. Pour contrer cette pénurie, j'ai vu de deux centres jeunesse qui avaient... DPJ, qui avaient fait, comment dire, une journée ou deux journées de... pour attirer les familles, de promotion, si on veut. Et ils se sentaient obligés de le faire. C'était intéressant. Ils avaient fait des... ils étaient sur les réseaux sociaux, etc. Puis je ne sais pas s'ils ont eu des réussites avec ça. Mais est-ce que c'est difficile d'attirer les familles d'accueil de nos jours? C'est plus difficile maintenant que c'était, disons, il y a vingt ans?

Mme Thomas (Diane) : Oui, c'est très difficile présentement parce que les cas sont de plus en plus lourds et les familles d'accueil des fois, on en a qui sont accréditées, mais court terme, ils ne restent pas plus de deux ans. S'ils ont trop des jeunes lourds, avec la connaissance qu'ils ont, dès qu'ils commencent, c'est très, très difficile. Et n'oubliez pas que présentement, près de la moitié de nos membres au Québec sont des familles d'accueil de proximité. Donc, eux aussi ont la chance de... leurs enfants aussi. Donc, eux, ils ont un volet qui est encore plus lourd. Puis, pour nos familles d'accueil régulières... écoutez, il y en a plus, il en faut, des familles d'accueil. J'ai fait des campagnes de promotion avec mon établissement. On essaie de faire des publicités dans les cinémas, dans les restos, un peu partout, dans les médias, des campagnes publicitaires, mais... puis les émissions de télé pour essayer de recruter les gens. Ça a fonctionné à un certain point, mais il en manque encore beaucoup. Dans mes ADREQ, moi, il en manque encore beaucoup.

Et ça fait en sorte que, quand on parle de qualité de service à l'enfant, si, dans une région comme la mienne, mettons qu'il y a 15 places disponibles, pour dire quelque chose, mais que cet enfant-là ne... les familles d'accueil ne conviennent pas dans ces 15 places-là, ce n'est pas des familles d'accueil qui sont outillées pour recevoir ce genre d'enfant là. Malheureusement, cet enfant-là va avoir un mauvais pairage, parce qu'on est en manque. Ça fait qu'il faut mettre les choses en place pour attirer les familles d'accueil, simplifier les choses, puis arrêter de se sentir jugé, se sentir en partenariat, c'est important. Les familles d'accueil, souvent, ont peur de parler parce qu'ils ont peur de perdre les enfants. Il y a des établissements, ça va superbien, mais il y en a d'autres, seigneur, que je vais vous dire, le partenariat, là, ça serait à apprendre.  C'est important.

Mme Weil : C'est là où le directeur national, la direction nationale peut jouer un rôle, uniformiser les pratiques, comment... les bonnes pratiques pour... qui est vraiment une collaboration, un partenariat avec les familles d'accueil, avec ce respect de partager l'information qui est essentielle, tout ça peut être mis dans la loi. Je vous écouterais pendant des heures, mais je pense que ma collègue a peut-être des questions. Merci beaucoup

Le Président (M. Provençal) :Malheureusement...

Mme Weil : Ah! Ah! non, excusez.

Le Président (M. Provençal) :Je vais vous permettre une question rapide.

Mme Robitaille : Ah! bien, écoute, rapide, parce que c'est tellement... bien, c'est tellement pertinent ce que vous dites. J'essaie juste de voir, est-ce que dans la loi... parce que je vous écoute, puis ce que je sens, c'est que c'est de plus en plus lourd pour les familles d'accueil de prendre charge d'un enfant. Ça explique peut-être pourquoi il n'y a pas beaucoup de familles qui s'offrent comme familles d'accueil. Qu'est-ce qu'on pourrait insérer dans la loi pour améliorer, pour envoyer le signal, puis donner les outils pour mieux outiller les familles d'accueil, puis leur donner le soutien qu'il faut?

M. Bissonnette (Kaven) : Je peux y répondre. Je pense que, quand on regarde notre mémoire, quand on parle du partage d'informations, quand on parle que la famille d'accueil soit consultée à plusieurs niveaux, quand il y a des prises de décisions, ça, on croit fermement que ça pourrait être un incitatif pour que nos familles... des gens aient le goût de le...

M. Bissonnette (Kaven) : ...et le goût de le demeurer. Parce qu'on a souvent des histoires de familles d'accueil où la relation parfois avec l'établissement ou avec l'intervenant, il n'y a pas une grande synergie, où on se fait imposer, bon, voici ce que tu vas faire, voici ce que... et qu'on ne la consulte pas. Tu sais, quand je disais redonner un côté humaniste à la relation entre la ressource, la famille d'accueil... excusez le terme, «ressource», je suis dans la loi, mais la famille d'accueil avec l'intervenant, avec l'établissement, réhumaniser. Qu'il y ait ce lien-là, ce lien de confiance là, qui est peut être disparu parce que, bon, il y a eu une loi, il y a eu la syndicalisation des ressources, il y a eu plusieurs impératifs qui ont peut-être fait que tout le monde a voulu rester un peu sur ses gardes, bien, ça, c'est nocif. Ce n'est pas bon.... les familles d'accueil, les associations ont leur raison d'être, ont le droit de négocier, ont des droits, comme tout le monde. Mais on pense que... Là, je vois que le temps est restreint, mais c'est recréer cette synergie-là entre l'établissement et la famille d'accueil. Ça, ça aiderait beaucoup à promouvoir.

• (14 h 40) •

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup pour ces éléments de réponse. Nous allons poursuivre cet échange avec le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Oui. Merci. Les intervenants-ressources dont vous parlez, là, dans votre mémoire, par rapport à l'importance de reconnaître les familles d'accueil comme partenaire, là, qu'est ce qu'ils feraient exactement? Pouvez-vous nous décrire le rôle de ces intervenants-ressources là, même s'ils ne s'appelleraient pas nécessairement comme ça.

Mme Thomas (Diane) : La différence, à l'époque puis aujourd'hui, c'est un contrôle de qualité qui vérifie l'ensemble du service qu'on donne à l'enfant, qui va venir vérifier notre maison, vérifier nos détecteurs, vérifier si on a des armes, tout ça. Mais nous, ce qu'on aimait de nos intervenantes-ressources, c'était la personne qui venait dans notre cuisine, qui s'assoyait avec nous, qui décortiquait une crise avec nous puis qui pouvait nous outiller puis nous dire: Moi, j'essaierais ça comme ça, ça, je ferais ça comme ça. Et il y a des places au Québec que ça ne se fait plus du tout. Et c'est ça qui est triste. D'avoir l'inspecteur qui arrive dans la maison, qui vérifie tout, c'est normal que vous vérifiiez tout, ça, je n'ai pas de problème, mais l'intervenant ressource, elle, c'est la personne qui s'occupait de la ressource, elle s'occupait aussi de voir si la famille d'accueil allait bien, parce que parfois, je peux vous dire que, par expérience, que c'est très difficile. Des fois, on a des enfants qui, malheureusement, doivent quitter, et c'est très touchant pour la famille d'accueil. Il faut s'assurer que les familles d'accueil vont bien pour qu'elles reçoivent des recevoir les... pour s'assurer que la famille d'accueil comprend bien le besoin de l'enfant aussi. Donc, c'est ce bout-là humain qui nous manque, puis ça, il faut à tout prix aller rechercher ça parce que c'est là que ça fait des pairages gagnants, c'est là que, souvent, on évite des déplacements. C'est peut être une heure de payée, je le sais, mais c'est une heure qui est payante, je peux vous le dire.

M. Zanetti : C'est comme si vous étiez passé dans une dynamique où la famille d'accueil se sent plus perçue comme un prestataire de services, plus froidement, là, tandis que c'est un partenaire qu'il faut aider, soutenir parce que les familles d'accueil n'arrivent pas nécessairement avec toute l'expérience, tout le temps qu'il faut pour faire... pour jouer ce rôle-là, c'est ça.

Mme Thomas (Diane) : C'est exactement ça. Le cadre de référence donne une norme à faire, mais c'est froid, c'est un cadre, c'est très, très froid, mais la ressource et l'enfant, c'est... ce n'est pas écrit dans tous les... là, chaque enfant est différent, chaque ressource est différente, puis il faut faire fitter ces gens-là ensemble, puis il faut que les gens soient heureux. Moi, mon mandat associatif, c'est... puis je dis toujours qu'une famille d'accueil heureuse fait des enfants très heureux. Mais il faut que les gens soient bien, puis il faut donner les services pour.

Je vous donne un exemple, à un moment donné, j'ai eu une jeune qui s'est suicidée à l'âge adulte. L'intervenante a eu du support, la famille a eu du support, ce qui est normal, mais personne n'est venu voir la famille d'accueil pour voir si elle, elle avait besoin d'aide. Et c'est ça qui est triste. Nous, on n'a jamais de support, nos enfants non plus, et ça, les gens l'oublient, nos enfants aussi ont des droits, et ça, c'est important. Le support devrait être donné à toute la famille, ce que l'intervenant ressource faisait, il s'assurait que tout le monde était correct, puis que tout le monde allait bien. C'est ça la... c'est ça notre mission, de le rendre heureux, cet enfant-là.

M. Zanetti : C'est très clair, je vous remercie.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup, monsieur le député. Alors, maintenant, on complète cet échange avec le député de René-Lévesque.

M. Ouellet : Merci beaucoup, monsieur le Président. Donc, à mon tour de vous saluer, monsieur Bissonnette, madame Thomas. Qu'est-ce qui fait que ça bloque, qu'on ne soit pas capable de reconnaître qu'un jeune de 19, 20, 21 ans puisse avoir encore besoin d'aide, là? On a souvent en tête que la majorité, c'est 18. Un permis de conduire, c'est 16 ans. Fumer du cannabis, c'est 21. Donc, pourquoi dans le développement de l'enfant, pour vous, c'est...

M. Ouellet : ...important de ne pas s'arrêter à 18 et de donner un continuum de services à 21 ans. Pourquoi c'est... Parce que, tu sais, au-delà des témoignages qu'on a entendus, ça semble être une priorité fondamentale de votre groupe de travailler à faire reconnaître cette opportunité-là. Donc, qu'est-ce qui bloque? Est-ce que c'est au niveau de la justice? Est-ce que c'est parce que nos lois sont faites que la majorité est reconnue à 18 ans et qu'on arrête les services parce qu'on parle que la personne est rendue un adulte? Qu'est-ce qui fait que ça bloque? Et comment, comme législateurs, nous, on pourrait faire débloquer cela?

M. Bissonnette (Kaven) : Je vais répondre. A priori, ce qu'on s'en rend compte, c'est les situations où un jeune de 18 ans peut demeurer en famille d'accueil, ça va être un jeune, mettons, qui n'a pas terminé son secondaire 5, ça, ça peut arriver. Dès qu'il y a un autre agent payeur, que ce soit les... pour parler des prêts et bourses pour un DEP ou pour le cégep, là, ça ne fonctionne plus, là. Là, là, il y a une rupture, il y a un autre agent payeur. S'il y a une demande de prêts et bourses, on ne peut pas payer une famille d'accueil parallèlement. On dirait, là, là, je vous dis, c'est la perception que j'ai. Dès qu'il y a un autre agent payeur qui est disponible, ça ne fonctionne pas. Si le jeune travaille à temps plein, bien, on oublie ça aussi.

Donc, c'est là que ça accroche puis c'est là que c'est fondamental. Puis honnêtement, moi, pour l'avoir vécu, là, j'aurais aimé bien mieux de ne pas avoir à gérer. Tu sais, j'aurais aimé ça qu'on m'apprenne à gérer un budget comme il faut, mais j'aurais aimé mieux pouvoir faire mon cégep dans ma famille d'accueil, comme mes collègues au cégep qui vivaient chez leurs parents, puis qui arrivaient le soir, puis qui avaient de l'aide dans leurs devoirs, puis qui avaient un coup de main quand ça n'allait pas émotionnellement, quand que... En tout cas, au cégep, c'est une marche, là, ça fait qu'il y a une marche entre le secondaire et le cégep. Et, quand tu arrives d'une famille d'accueil avec ton bagage, qui n'a pas toujours été facile depuis la naissance, bien, tu ne peux pas monter cette marche-là seul, tu ne peux pas. C'est beau, là, qu'on me donne des prêts et bourses, puis tu as droit à un maximum, qui n'est déjà pas grand-chose, là, mais un maximum parce que, bon, tu n'as officiellement pas de parent contributeur. Ce n'est pas une question d'argent, là, c'est une question... On est ailleurs. Et ça, une famille d'accueil, bien, moi, j'aurais bien aimé ça pouvoir vivre chez ma famille d'accueil le temps de faire mon cégep. Je n'aurais pas perdu autant d'années, ça n'aurait pas été un fiasco. Probablement que je serais devenu avocat bien avant aussi.

M. Ouellet : Je crois comprendre... Vous faites référence à cet important moment de transition de la vie personnelle entre une vie académique vers une vie plus professionnelle. Cette transition-là s'opère chez plein de jeunes, à 18, à 19, à 20, 21 ans. Moi le premier. J'ai eu la chance de faire mon cégep à Baie-Comeau, j'ai fait mon université à Québec, mais je peux vous dire qu'à 20 ans j'avais encore besoin de mes parents. Un coup de téléphone, la fin de semaine, et un support, là, je n'étais pas grand, grand, grand autonome dans ce que j'avais à faire. Mais je comprends que, pour des jeunes en centre d'accueil, en maison maison d'accueil, ce que ça prend aussi, c'est cette possibilité d'avoir cette transition facile et qui permet un accompagnement en fonction du besoin du jeune. C'est ça que vous nous dites aujourd'hui. Donnons cette possibilité que, ceux et celles à 19, 20 ans qui ont besoin de support, réussissons cette transition, pas juste la vie académique à la vie professionnelle, mais de la vie familiale à une vie plus personnelle. C'est ça, le message que vous nous dites aujourd'hui?

Mme Thomas (Diane) : Exactement ça, si je peux me permettre. Présentement, le réseau compte sur nous, mais ce n'est pas toutes les familles d'accueil qui sont capables de garder les enfants, et ça leur crève le coeur de leur dire de partir. Vous voyez, moi, je vais être confrontée à ça bientôt. J'ai une jeune de 17 ans qui, je l'ai rassurée, je vais te regarder. Mais, moi, comme famille d'accueil, ça me fragilise, parce que je ne peux pas accueillir un autre jeune, vous comprenez. Et toutes les familles d'accueil qui gardent leur jeune après 18 ans tombent avec la charge du jeune complètement à 100 %, et personne ne les aide non plus. On est des gens de coeur, donc souvent on les garde. Mais il y en a qui ne peuvent pas, puis je les comprends de ne pas pouvoir, parce que financièrement on ne peut pas, des fois, on ne peut pas, c'est simplement ça. Des fois, c'est une question de contrat aussi. L'établissement, des fois, ne veut pas qu'on les garde. Et moi, je me dis, si un jeune adulte de 18 ans me dit : Diane, je veux rester chez toi, aide-moi à passer à l'adulte, c'est avec plaisir que je vais le faire. Mais, après ça, vous nous donnez le droit de les garder jusqu'à 21 ans.

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup pour et le témoignage et surtout votre participation et votre contribution à l'évolution de nos travaux.

Je vais suspendre temporairement les travaux pour faire place au prochain groupe. Merci beaucoup de vous êtes disponible pour cette rencontre.

(Suspension de la séance à 14 h 49)

(Reprise à 15 heures)

Le Président (M. Provençal) :Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue à l'Alliance des maisons d'hébergement de 2e étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale. Nous aurons trois intervenantes, Madame Lemeltier, Madame Pontel et madame Fedida. Alors, mesdames, je vous cède la parole dix minutes pour votre présentation et par la suite on fait nos échanges. À vous.

Mme Lemeltier (Sabrina) : Bonjour, Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Mesdames et messieurs les députés, merci de nous recevoir. Je suis Sabrina Lemeltier, présidente de l'Alliance des maisons d'hébergement de 2e étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale. Et je suis accompagnée de Maud Pontel, coordonnatrice générale, et de Gaëlle Fedida, coordonnatrice des dossiers politiques de l'Alliance. L'Alliance représente 35 maisons d'hébergement de 2e étape à travers le Québec et nous tenterons de porter à votre attention les sérieuses préoccupations des organismes spécialisés en violence conjugale sur le projet de la loi 15.

Pour votre compréhension, les maisons d'hébergement de 2e étape offrent un accompagnement spécialisé en violence conjugale postséparation aux femmes et aux enfants suite à un séjour en maison d'aide et d'hébergement selon les critères d'évaluation de la dangerosité de l'ex-conjoint. Nous agissons directement en prévention de l'homicide conjugal. Cela concerne 8 % des femmes au sortir de l'urgence, soit environ 600 femmes au Québec chaque année.

L'absence de la reconnaissance dans la Loi de la protection de la jeunesse de la violence conjugale comme motif de compromission a de très sérieuses conséquences pouvant aller jusqu'au meurtre des enfants. Nous partageons avec vous cet exemple. Une maman et ses enfants arrivent en Maison d'aide et d'hébergement pour femmes victimes de violence conjugale suite aux menaces de mort proférées par le conjoint. Il y a eu intervention policière, arrestation et une plainte au criminel. En parallèle, un signalement est fait par la police à la protection de la jeunesse. Afin de maintenir un filet de sécurité autour de la famille, celle-ci ira ensuite en maison d'hébergement de 2e étape. La DPJ s'implique dans la vie de Mme et souhaite mettre en place des visites supervisées pour que le papa puisse revoir ses enfants. Maman exprime ses craintes, nomme que monsieur veut la tuer, et qu'il pourrait s'en prendre à ses enfants pour lui faire du mal. Elle est entendue, mais l'intervenante nomme que les événements ont eu lieu il y a plusieurs mois, qu'elle est en sécurité, ainsi que ses enfants, que monsieur a droit et qu'il est dans l'intérêt des enfants de voir papa. Des visites supervisées sont mises en place et il est demandé à maman de collaborer dans l'intérêt des enfants. Lors d'une visite supervisée, Monsieur fait une demande à laquelle l'intervenante de la protection de la jeunesse opposera un refus. Monsieur, en réponse, menace de mort l'intervenante à la protection de la jeunesse. Ce fut le salut de Une plainte est déposée. Monsieur est arrêté et les visites sont suspendues.

Nous lançons aujourd'hui un cri d'alarme . Les enfants victimes de violence conjugale ne sont pas... actuellement par la Loi de la protection de la jeunesse et nous allons, à travers notre présentation, démontrer comment la loi telle que modifiée ne va pas changer cette affirmation. Merci.

Mme Pontel (Maud) : Quand les femmes et les enfants arrivent en maison d'hébergement, ils sont souvent désorientés et affolés d'avoir pris la fuite avec quelques effets personnels et surtout confrontés à l'inconnu. Les mères et les enfants sont souvent en état de choc. Les femmes se mettent en mode de protection pour elle et leurs enfants. Lorsque l'on parle de violence conjugale, on ne parle pas d'une chicane de couple, mais bien d'une dynamique insidieuse qui s'établit dans le temps et se poursuit bien au-delà de la séparation. Bien que la violence revêt plusieurs formes, il est important d'évoquer le contrôle coercitif. On parlera alors d'une multiplicité d'actes de contrôle et de manipulation qui vont petit à petit isoler les femmes et les enfants, les enfermant psychologiquement et alimentant leur peur des représailles si leur soumission n'est pas totale.

Considérant notre contexte d'intervention, les maisons d'hébergement de 2e étape, nous pouvons affirmer sans aucun doute que pour l'ensemble des femmes et des enfants qui y sont hébergés, la fin de la relation ne constitue pas un arrêt de la violence, mais bien au contraire. Les techniques de contrôle de l'agresseur se multiplient et se diversifient afin de maintenir son emprise. Les femmes victimes de violence conjugale postséparations qui sont hébergées dans nos maisons craignent pour leur sécurité et celle de leurs enfants. Alors que ces mères évoquent leur crainte d'un passage à l'acte sur elle ou sur leurs enfants, cette peur n'est pas considérée à la hauteur de la gravité qu'elle représente pour eux. Trop souvent...


 
 

15 h (version non révisée)

Mme Pontel (Maud) : ...ce qui est pour nous de la violence conjugale postséparation sera perçue comme un conflit sévère de séparation par les intervenants de la DPJ, où les actions des mères, qui sont en mode de protection, pourront jusqu'à être qualifiées de comportement aliénant. En résulte alors une possible mise en danger du fait que les plans d'intervention proposés par les intervenants de la Direction de la protection de la jeunesse, basés sur une évaluation de la dynamique familiale plutôt que conjugale, ne sont pas pensés en fonction du risque de récidive de l'ex-conjoint ou de l'exposition à la violence, mais orientés vers une coparentalité où la responsabilité de la mère et du père sont mis sur un même pied d'égalité. En d'autres mots, on rappelle constamment à ces mères leur responsabilité de collaborer avec leur agresseur. On constate une dissociation entre les capacités parentales et les comportements violents du père et, par le fait même, une minimisation de la violence vécue et de ses impacts néfastes sur les mères et les enfants. Les mamans auprès desquelles la Direction de la protection de la jeunesse intervient ne sont pas responsables du lien père-enfant, tout comme elles ne sont pas responsables de la violence qu'elles ont vécue et qu'elles continuent d'expérimenter dans un contexte de post-séparation.

Considérant les effets dévastateurs de la violence conjugale à court, moyen et long terme et les impacts sur le développement des enfants qui y sont exposés, et ce, même dans un contexte de postséparation, il nous apparaît impératif de considérer l'exposition de la violence conjugale comme un motif de compromission en soi. Cela permettrait une détection et une évaluation beaucoup plus juste des situations et permettrait, par le fait même, de mettre en place des interventions visant une véritable mise en sécurité des mères et des enfants. Merci.

Mme Fedida (Gaëlle) : En terminant, une fois qu'on a dit ça, que la violence conjugale doit devenir un outil de compromission comme tel, il faut aussi parler de l'efficacité de la loi et des dispositions à prendre pour la mettre en cohérence avec l'ensemble du travail gouvernemental contre la violence conjugale qu'on a pu connaître massivement depuis les deux dernières années. Donc, parle de cohérence avec la définition qui est incluse dans la Loi sur le divorce de la violence familiale, qui reprend, justement, ces éléments de contrôle coercitif qui sont dans la définition de la politique québécoise. C'est la concordance avec le rapport Rebâtir et, notamment, tout récemment, donc, la Loi sur les tribunaux spécialisés, qui dispose de la nécessité de services intégrés pour ces familles. C'est la concordance avec les recommandations de la commission Laurent, qui préconisait très, très explicitement le fait d'introduire la violence conjugale comme un motif de compromission. Et c'est aussi la concordance avec les travaux du coroner qui démontrent bien qu'il faut profiter de chaque contact avec les services pour pouvoir agir pour améliorer la protection et la sécurité des personnes.

Bien entendu, tout ça, au final, requiert aussi un investissement majeur dans la formation des personnels. On a déjà vu plusieurs initiatives dans ce sens sur le terrain. Notre mémoire vous expose l'initiative que nous avons conduite avec la DPJ de Montréal, dans la dernière année, et qui a porté des fruits extrêmement intéressants. On va s'arrêter là. Je voulais aussi simplement vous rementionner, pour vous mettre un petit peu dans le contexte de ce que vivent les enfants, qu'on vous a fait parvenir ce document qui s'appelle Il se prenait pour le roi de la maison, qui est un ouvrage fait par des chercheurs en sciences sociales avec des enfants victimes de violence conjugale et qui peut vous éclairer sur la réalité que vivent ces enfants aujourd'hui. Merci.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. Nous allons maintenant débuter l'échange avec M. le ministre. M. le ministre, je vous cède la parole.

M. Carmant : Merci beaucoup, M. le Président. Mme Lemeltier, Mme Pontel, Mme Fedida, merci d'être là. Merci pour ce que vous faites également pour les femmes vulnérables. Donc, je pense que la discussion doit vraiment focuser sur votre point, là, la violence conjugale. Nous, on avait... Tu sais, comme vous parlez de l'action gouvernementale, on avait regardé ça, premièrement, mon collègue ministre de la Justice dans son projet de loi 2, là, sur le droit de la famille, a clairement exprimé que la parentalité doit s'exprimer sans violence, là, ce qui, je pense, est un pas vers l'avant significatif. Puis, nous, ce qu'on a entendu ici, puis je vais voir si vous êtes... si c'est suffisant ou si...

M. Carmant : ...est-ce que vous... si c'est ce que vous recherchez. M. Hotte nous a parlé qu'on pourrait mettre dans un alinéa spécifique la violence conjugale, qui, actuellement, dans la loi de la DPJ, est à l'article 38c, dans le grand groupe, là, des... comment on appelle ça...

Une voix : ...

M. Carmant : ...mauvais traitements psychologiques, exactement. Donc, est-ce que ce serait le genre de modifications que vous regarderiez? Seriez-vous satisfaite?

Mme Lemeltier (Sabrina) : Absolument. C'est d'introduire un nouvel alinéa qui soit, en soi, un motif de compromission à l'égard des mauvais traitements psychologiques, oui, tout à fait.

• (15 h 10) •

M. Carmant : D'accord. On accepte ça très positivement, là, puis évidemment, on va en discuter avec nos collègues, mais ça a été accueilli très positivement par tout le monde, je crois. Une chose j'aimerais parler avec vous, là, puis c'est quelque chose que.... dont je suis même sorti publiquement, là, c'est cette histoire d'aliénation parentale. Comment on améliore ça, là?  C'est un non-sens, là, c'est un paradoxe choquant, là, cette histoire-là. Comment règle cette histoire-là?

Mme Pontel (Maud) : Effectivement, quand on parle d'aliénation parentale, on se rend compte que ça a été utilisé sans des données probantes, et que le fait d'avoir, justement, cette absence de contexte, de recherche, etc., ça fait en sorte que c'est utilisé à tort et à raison. Donc, ce que, nous, on constate avec les femmes avec lesquelles on travaille, d'une part, on travaille dans un contexte postséparation, donc quand les intervenants de la DPJ arrivent, là, dans les dossiers des enfants, la séparation s'est déjà opérée, et ce que l'on voit, ce que les, comment dire, les intervenants vont qualifier soit de conflit sévère de séparation ou encore de comportement aliénant ou d'aliénation parentale, pour nous, c'est clairement de la violence conjugale post-séparation.

Quand on parle d'aliénation parentale, et ce qu'on retrouve, nous, par exemple, chez les femmes avec lesquelles on travaille dans nos maisons d'hébergement, c'est que ces femmes sont en mode de protection. Elles ne sont pas en train d'aliéner les enfants en disant que papa est un malpropre ou quoi que ce soit, elles sont en mode de protection. Ces femmes ont vécu de la violence, des abus à répétition, ont été menacées de mort, de violences physiques. Les enfants aussi. Donc, il est tout à fait légitime pour ces femmes, pour ces mères, d'exprimer leurs craintes à l'égard de la violence que le père pourrait faire subir aux enfants ou encore à l'égard de la violence qu'elles pourraient subir.

Ce qu'on voit, c'est que, dans une perspective où la parentalité, la coparentalité est encouragée, où les deux parents sont mis sur un même pied d'égalité, bien évidemment, ça va fausser toutes les analyses et toutes les évaluations. Pourquoi? Parce qu'on est en présence d'un débalancement de pouvoir entre une personne qui agresse et une personne qui est victime. Donc, une personne qui est victime va exprimer ses craintes, va exprimer ses peurs. Les enfants vont aussi, eux, exprimer leurs craintes et leurs peurs. Et tout de suite, on va se mettre à penser que c'est parce que maman ne veut pas que les enfants voient le papa, parce que maman porte un discours qui est dénigrant par rapport à papa, alors que les intervenants se mettent dans une perspective de travail de coparentalité. La coparentalité, c'est quelque chose qui ne fait pas de sens dans une dynamique de violence conjugale.

Donc, quand on entend parler d'aliénation parentale, je pense que c'est une manière de justifier la position du père, de la parentalité du père, versus ce qu'on impose aux mères en termes de responsabilité et de l'absence de prise en compte de leur vécu de violence conjugale. Donc, les intervenants vont encourager la coparentalité, vont encourager la présence du père, mettre en place des plans d'intervention qui ne font pas de sens et qui mettent en danger la mère et les enfants, et quand les mères ou les enfants abordent leurs préoccupations, leurs craintes, on va parler d'aliénation parentale. Ça ne fait absolument aucun sens. Il n'y a pas de volonté de manipulation, il n'y a pas de volonté de contrôle, il y a juste une volonté de protection

Mme Lemeltier (Sabrina) : Pour revenir à la question, concernant qu'est ce qu'on peut faire par rapport à ça, on s'est rendu compte, justement, qu'avec de la formation auprès des intervenants de la DPJ aux réalités de la violence conjugale et de la violence conjugale postséparation, c'est là qu'on a vécu... On a vécu, même, des expériences assez incroyables avec eux...

Mme Fedida (Gaëlle) : ...on explique dans le mémoire qu'on a tout un projet avec la DPJ de Montréal, on a fait des sensibilisations auprès des 500 intervenants de Montréal. Et, au sortir de ces séances, plusieurs disaient: Mais mon Dieu! Il va falloir que je revoie mon "caseload" parce que là, avec ce que je viens de comprendre ce matin, bien, je me rends compte que j'en ai échappé puis qu'il y en a qu'il va falloir que j'aille réviser. C'est vraiment... Et, pour eux, c'est... Pour nous, c'est très encourageant parce que c'est une prise de conscience qui mène à l'action. Donc...

Mme Pontel (Maud) : Et je rajouterais même que, dans les sensibilisations qu'on a menées, c'était vraiment d'amener les intervenants à analyser les situations non plus uniquement au niveau de la dynamique parentale, mais aussi de la dynamique conjugale. Et, à partir de ce moment-là, ça faisait une véritable différence dans leur capacité à comprendre les situations et à détecter des éléments de violence conjugale.

M. Carmant : Je suis très heureux vous entendre dire que la formation est utile et même clé. On va s'assurer que vous soyez invitées au forum parce que je pense que ça va être le bon endroit pour faire ça, là. Je pensais que c'était quelque chose de plus ancré, mais si la formation, là... c'est parfait, ça.

Je voulais vous demander également... Un des gros enjeux qu'on a discutés cette semaine, puis vous, je crois que ça va vous impliquer beaucoup, c'est l'enjeu de la confidentialité, comment on gère ça dans un contexte, là, de violence conjugale, puis pas juste... des deux côtés... du côté de la... bien, non, non... pas dire ça, là... du côté de l'agresseur et du côté de la personne agressée. Comment on gère ça?

Mme Pontel (Maud) : On ne voit pas notre collègue, là, c'est un petit peu difficile de savoir si jamais elle veut prendre la parole. Sabrina, je vais commencer, puis éventuellement, là, si tu veux supporter... Je pense que, quand on parle justement, là, au niveau de la confidentialité, à partir du moment où il y a une évaluation sévère du risque, la confidentialité doit être levée. Donc, quand on travaille... Moi, j'ai la chance, là, d'être membre du Comité du coroner sur l'analyse des décès en contexte de violence conjugale. Et c'est vraiment une des informations clés, là, dans nos discussions, où, quand on voit qu'il y a une un risque élevé de passage à l'acte, de dangerosité, il faut absolument qu'il y ait un partage d'information entre les différents intervenants clés. Et je pense que ça va aussi dans le sens, là, de la mise en place des cellules d'intervention rapide en violence conjugale.

Donc, tout ce qui est le projet pilote là au niveau du ministère de la Justice, ça va dans ce sens-là, où on va réunir des acteurs du terrain qui vont être au courant d'une situation à haut risque de passage à l'acte, et donc les informations vont pouvoir être partagées dans ce sens-là. Mais ça fait... c'est une des clés, là, vraiment, au niveau d'une meilleure intervention puis de la mise en place d'un filet de sécurité rapide et efficace.

Mme Fedida (Gaëlle) : Et on comprend que ça pose des questions aux gens de la DPJ parce que, c'est bien clair, ils sont dans un cadre actuellement où on leur dit: Tout ça, c'est confidentiel, il faut protéger les données, etc. Maintenant, les dispositifs en cours, les cellules de crise, elles sont déployées actuellement dans plusieurs régions, mais enfin il y en a quand même un certain nombre qui étaient déjà très fonctionnelles depuis plusieurs, plusieurs années. Et tous les dispositifs de levée de confidentialité dans le cas de dangerosité sont déjà connus, et on a déjà des outils pour ça et des processus de... à partir de quand est-ce qu'on déclenche la levée de confidentialité, par exemple.

Donc, tout ça, ce sont des processus qui existent actuellement et qu'on peut tout à fait mettre en place également dans un meilleur arrimage et articulation du travail avec la DPJ.

M. Carmant : Mais moi, je vais vous dire que je suis confronté régulièrement avec des histoires où un professionnel dans la famille n'a pas voulu partager l'information, cellule de crise ou pas, là.

Mme Fedida (Gaëlle) : Effectivement... aussi. Et, encore et toujours, la formation, l'objectif de ces professionnels, leur mandat, ça reste la protection. Et puis leur mandat, ce n'est pas la protection des données. -eur mandat, c'est la protection des personnes. Donc ça, ça fait partie de la formation, justement, de bien distinguer à quoi sert la confidentialité. Elle sert elle-même à protéger les personnes. Donc, quand la règle de confidentialité devient contre-productive par rapport à l'objectif de mise en...

Mme Fedida (Gaëlle) : ...c'est clair que la règle elle tombe, effectivement.

M. Carmant : Parfait, c'est bien entendu ça. Peut-être, M. le Président, je passerais la parole à la députée de Lotbinière-Frontenac.

Le Président (M. Provençal) : Lotbinière-Frontenac? Avec plaisir.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Bonjour, mesdames. Moi, j'aimerais ça qu'on... bien, on a parlé de... M. le ministre a parlé de confidentialité. J'aimerais ça que vous parliez, à votre niveau, les maisons d'aide et d'hébergement, comment ça fonctionne la confidentialité avec la... par exemple, les intervenants de la DPJ? Vous parliez souvent, là, de sens unique.

Mme Fedida (Gaëlle) : Sabrina?

• (15 h 20) •

Mme Lemeltier (Sabrina) : Oui, je peux... C'est certain qu'à partir du moment que la protection de la jeunesse est impliquée dans le dossier et que nous recevons maman et ses enfants, une prise de contact va être faite, toujours avec l'autorisation de maman. Et puis là, on est vraiment dans, je dirais, une collaboration active autour de la maman et des enfants. Où ça va poser des fois un problème, et puis je ne répéterai pas ce qui a été dit un peu plus tôt, c'est quand, par exemple, nous évaluons que la dangerosité de monsieur est assez élevée. Nous faisons une analyse auprès de l'intervenant de la protection de la jeunesse, et qui va nous refléter que nous nous empêchons, madame, de prendre de la distance ou d'avoir une attitude plus positive par rapport au droit du papa et, par exemple, à des accès du papa aux enfants. Donc, je vous dirais qu'au niveau de la confidentialité, à partir du moment où la femme est en maison d'hébergement, nous collaborons activement avec les intervenants de la protection de la jeunesse.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Oui.

Mme Fedida (Gaëlle) : Ce qu'on peut voir peut-être, simplement, c'est qu'à un moment donné aussi, malheureusement, c'est très personne dépendant et on voit des, je dirais, des qualités d'expertise vraiment très, très, très différentes d'une personne à l'autre, d'une région à l'autre. Donc, c'est là aussi que l'élément de la formation redevient majeur parce que c'est là qu'on donne des bases communes, une compréhension commune de ces enjeux-là au travailleur.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : À ce que j'ai compris, là, durant les derniers mois, pendant mon mandat de violence conjugale, c'est que la formation des intervenants est quand même différente d'un établissement à l'autre. La notion de violence conjugale n'est pas vue dans tous les établissements d'enseignement. C'est un peu laissé à chaque établissement. Est-ce que vous pensez qu'il y aurait un ... tu sais, je le sais que vous vous faites de la formation des intervenants qui sont déjà en poste, mais il y a beaucoup, beaucoup de, je dirais, de... le terme anglais «turnover», là, dans le personnel, est ce que la formation en violence conjugale de tous les intervenants, déjà, à la base, dans les établissements d'enseignement serait un plus pour vous, là?

Mme Pontel (Maud) : Absolument, absolument. C'est sûr que si on prend l'exemple de ce qui s'est passé, là, au niveau de notre collaboration avec les Centres jeunesse de Montréal, la première sensibilisation a permis de toucher plus de 500 personnes, donc 500 intervenants, des chefs d'équipe, des superviseurs, des... même des avocats. Et maintenant, cette sensibilisation-là, elle a été enregistrée. Elle est obligatoire pour tous les nouveaux intervenants qui arrivent à la DPJ. Ça fait partie de leur passeport de formation. Donc, il y a un document qui a été développé en collaboration qui s'appelle Les essentiels : violence conjugale, violence conjugale post-séparation. Et donc, tous les nouveaux intervenants, parce qu'effectivement, il y a beaucoup de roulement de personnel, tous les nouveaux intervenants doivent suivre, voir ce webinaire-là et avoir accès aux documents sur les essentiels en violence conjugale, violence conjugale post-séparation. Mais au-delà de ça, effectivement, on le voit, d'une région à l'autre, d'un établissement à l'autre, la formation est assez inégale. Et je pense que ça devrait venir d'en haut pour qu'il y ait vraiment une uniformisation et une harmonisation quant à la formation en violence conjugale et violence conjugale post-séparation.

Mme Fedida (Gaëlle) : Et effectivement, le fait d'introduire les notions, cette notion là dans les cursus de formation initiaux, oui, mais on n'est pas là. Mais oui, on est tout à fait favorable à ça, bien entendu. On le dit depuis deux ans, d'ailleurs, sur beaucoup de corps de métier, ce n'est pas uniquement au niveau de la DPJ, c'est au niveau de toutes les occasions de contact...

Mme Fedida (Gaëlle) : ...que ces femmes et ces enfants ont, avec les institutions... c'est ce qui est démontré aussi dans les rapports du coroner où on voit que malgré... enfin, les homicides ont eu lieu alors que tous ces gens-là avaient été connus des services, des différents services, dont la DPJ, mais pas seulement, donc les occasions ratées d'intervenir et de bonifier un filet de sécurité. Donc, c'est certain que, si ça faisait partie du corpus initial dans les formations que reçoivent ces gens-là à l'université ou dans les écoles, travail social, etc., ça serait bien évidemment extrêmement facilitant pour la suite.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. Nous allons poursuivre cet échange avec la députée de Notre-Dame-de-Grâce. Je vous cède la parole, madame.

Mme Weil : Oui. Alors, bienvenue. Et c'est tellement, comment dire, important que vous soyez là, qu'on puisse avoir votre point de vue avec le nombre de féminicides qu'on a vécu, et moi, de beaucoup de cas personnels, les gens qui m'appelaient. Et je me rappelle quand le ministre avait réagi sur cette... l'autorité parentale, et c'était un cas semblable, il a dit : Il faut corriger absolument la loi. Je ne me rappelle pas exactement les circonstances, mais c'est les droits de visite qu'on donnait, donc, bien, qu'on donnait au père violent, même avec un dossier criminel et qui... et la femme était victime de violences conjugales. Alors, les femmes aux prises avec ça, avec qui j'ai pu parler, les avocats aussi disent que la DPJ, les intervenants ne reconnaissaient pas du tout le syndrome de la femme victime de violences conjugales, pensaient qu'elle était juste têtue puis faisait à sa tête, puis la primauté parentale faisait qu'ils allaient toujours essayer de bâtir des ponts. L'enfant terrorisé d'aller passer la fin de semaine avec son père qui s'en prenait beaucoup à sa mère.

Alors, tout ça, la formation, je me demandais : Est ce qu'il faudrait... C'est tellement important, ce sujet. Tellement important. Il faut que toute la société soit mobilisée autour de ça. Et là, voilà, la loi est ouverte. C'est sûr qu'il y a certaines intervenantes, et dépendant des régions, c'est inégal. C'est surtout ça qui est important, c'est qu'ils ont besoin de formation. Moi, je n'aurai jamais connu ça parce que la plupart des gens ne connaissent pas ça, mais les avocats ont besoin de bien comprendre, tout le monde, les juges, etc., les syndromes, les aspects psychologies, qu'est ce qu'ils ont vécu, comment l'homme peut agir, hein... Bon, même ça, le profil. En psychologie, ils... bien reconnaître le type de profil et j'imagine que vous connaissez bien le profil aussi. Il y a des patterns qui reviennent. Et on ne parlera pas de l'aide qu'il faudrait donner, évidemment, à cette personne, mais surtout en termes de protéger les enfants. Est-ce qu'il y aurait un considérant ou un préambule, quelque chose auquel on pourrait réfléchir? Et, si vous n'avez pas la réponse aujourd'hui... Parce que je trouve que c'est un sujet tellement important, que la société soit mobilisée autour de cette question. On le voit que c'est partout, hein, ce n'est pas juste au Québec, c'est au Canada, c'est partout.

Mais là on a l'occasion, parce qu'il y a, en justice, il y a ce projet de loi, ici, le projet de loi protection de la jeunesse. On serait capables de vraiment mettre de l'avant cet enjeu-là. Donc, ça, c'est une question que j'ai, si vous avez pensé à cet aspect-là. Je pense que vous êtes surtout là pour nous dire que ça prend de la formation sérieuse et étalée partout au Québec, hein, donc cette formation. Est-ce qu'il y a d'autres recommandations que vous voulez mettre en lumière?

Mme Lemeltier (Sabrina) : Gaëlle, est-ce que tu me permets?

Mme Fedida (Gaëlle) : Oui, go.

Mme Lemeltier (Sabrina) : Oui. C'est certain que la formation est un élément important, on l'a souligné. Mais ce qui est très important, c'est de s'assurer, comme il a été nommé un peu plus tôt dans notre présentation, que l'ensemble des mesures prises par le gouvernement soient cohérentes.

Donc, par exemple, vous l'avez nommé, on peut être au criminel, avoir un monsieur qui est accusé de choses très graves et qui va accéder, à travers la protection de la jeunesse, à des droits d'accès à ces enfants, et les cours ne se parlent pas. À travers le tribunal spécialisé, c'est ça qui va être possible, c'est-à-dire que l'ensemble des cours se parlent, et qu'on se centre sur les besoins, bien, sur la sécurité de la maman et des enfants. En ayant une loi 15 qui reconnaît la violence conjugale clairement, je vous dirais que je pense que la formation va suivre et ensuite nos mesures de protection vont être cohérentes les unes envers les autres. Donc, nous, on le voit vraiment comme un tout. La formation, c'est un plus, mais ce qui est important, c'est d'avoir des lois claires, d'avoir une...

Mme Lemeltier (Sabrina) : ...une orientation gouvernementale à travers toutes les mesures ensemble pour qu'elles se complètent et avoir, je dirais, des ancrages juridiques forts qui nous permettent de, quand on donne les formations, aussi, de dire : Voilà où, dans la Loi de la protection de la jeunesse, on reconnaît qu'il est nécessaire de protéger les enfants. Et là, on va avoir quelque chose qui va se tenir dans son ensemble.

Mme Weil : Tous ceux qui ont une responsabilité vis-à-vis ses enfants, incluant les familles d'accueil, parce qu'on vient de... alors, là, ils nous ont fait une présentation. On a eu deux présentations très, très intéressantes sur leur besoin de bien connaître l'historique de l'enfant et donc que cette information soit partagée... eux aussi... ces familles-là, elles aussi, auraient besoin de formation. Donc, c'est de bien réfléchir à tous ceux qui sont dans le parcours de cet enfant puissent connaître son parcours, mais être formés pour reconnaître. Parfois, ils ont été victimes eux-mêmes, parfois non, mais traumatisés, quoi qu'il en soit. Alors, donc vous voyez ça, cette formation, qui irait sur toute la ligne, essentiellement?

• (15 h 30) •

Mme Fedida (Gaëlle) : Absolument. Puis la question de la cohérence gouvernementale aussi. Bon, vous verrez que certains chiffres dans notre mémoire... si vous comprenez que les deuxièmes étapes sont là pour héberger ceux qui sont à plus gros risque de dangerosité et d'événements critiques. Mais clairement, il faut... clairement, c'est l'arrimage global, c'est à dire, je pense, excusez-moi, j'ai perdu mon idée, je vais repasser la main à ma collègue Maud et je reviendrai après.

Mme Pontel (Maud) : Donc, oui, c'est vraiment au niveau de la cohérence entre toutes ces différentes actions qui se sont... On l'a vu, il y a vraiment une volonté gouvernementale d'agir par rapport à la violence conjugale. Je vous dirais aussi ce qui... c'est un devoir de société. C'est un devoir de société. La violence conjugale n'est pas uniquement quelque chose qui se passe dans la sphère privée. C'est quelque chose qui se passe dans la sphère publique. On l'a vu, vous l'avez dit, 18 féminicides, plusieurs infanticides, 40 enfants orphelins maintenant à cause de ces meurtres-là. C'est un devoir social qu'on doit se faire que de pouvoir comprendre à quel point la violence conjugale n'est pas uniquement quelque chose qui se passe derrière les portes closes, mais que tout le monde a un rôle à jouer à l'intérieur de ça. Donc, effectivement, quand on parle d'avoir un motif de compromission spécifique sur la violence conjugale, c'est aussi donner une orientation par rapport à tout ce qui va découler de ça. Donc, il faut que l'instrument législatif puisse donner cette orientation en démontrant que la violence conjugale est un enjeu de société, et de là va découler, je dirais, une cohérence dans les actions, une cohérence dans la formation et une prise de conscience pour toutes les personnes qui vont travailler à protéger les enfants.

Le Président (M. Provençal) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé aurait... voudrait intervenir.

Mme Robitaille : O.K., merci. Donc, deux minutes environ?

Le Président (M. Provençal) : Deux minutes.

Mme Robitaille : O.K. Je veux juste revenir un peu sur le point 3, là, de vos recommandations. Vous dites que les services de la DPJ devraient avoir l'obligation statutaire de collaborer avec les milieux d'hébergement. Il me semble que c'est une évidence, c'est vrai, mais vous... selon votre expérience, ça ne se fait pas assez et ça ne se fait pas systématiquement.

Mme Fedida (Gaëlle) : Bien, en fait, comme on dit, ça va sans dire, mais ça va mieux en le disant. Je vais répondre comme ça. Comme on l'a expliqué, était très, très, très inégal d'une région à l'autre. Puis même dans une même région, ça peut être très inégal d'un service à l'autre. Après ça, c'est sûr qu'on essaie quand même de nouer des relations avec les directions, hein, régionales. Malheureusement, les dispositifs ne sont toujours pas en place partout. Ça, c'est quand même des mesures du plan d'action qui datent de 2018 et toujours pas en place dans toutes les régions, alors que les budgets sont là, la volonté politique est là. La mesure elle est inscrite, mais ce n'est toujours pas ce qui se passe dans la réalité, malheureusement. J'aurais juste voulu faire peut-être une... justement, rebondir aussi sur une autre question qui a été posée sur, O.K., la formation, d'accord, mais quoi d'autre? Bien, justement, le mandat de la DPJ, la compréhension du mandat de la DPJ. Le problème qu'on a, c'est que même quand on a des interlocuteurs qui s'assoient avec nous aux tables de concertation, par exemple...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

Mme Lemeltier (Sabrina) : ...assez régulièrement, je dirais, mais pas le responsable du service qui est là. Ils envoient quelqu'un qui va prendre des notes. Il va éventuellement comprendre ou pas comprendre les enjeux dont on parle. Puis voilà. Il n'y a pas une présence active et consciente, je dirais, et solide, de l'institution DPJ dans ces concertations-là, alors que c'est là que ça se joue. C'est là qu'il serait capable de comprendre. C'est là qu'il serait capable d'entendre aussi ce que les maisons disent. Donc, c'est sûr, nous, on travaille dans des maisons d'hébergement.

Donc, pour nous, un milieu de vie comme un milieu d'hébergement, c'est certain qu'on a les enfants avec nous au quotidien, là. Donc, on a quand même une capacité de parler de leur vécu. Et puis, bon, les intervenants sont aussi des professionnels, là. Ce n'est pas une gang d'amis, là. Ce sont des gens qui eux-mêmes, eux-mêmes aussi, font parfois des signalements à la DPJ. On a de toute façon notre éthique aussi, là.

Mme Pontel (Maud) : Mais effectivement, il y a un besoin de collaboration puis d'établir des mécanismes qui puissent faciliter le dialogue et la collaboration. Et je dirais quand on voit des directions qui sont très ouvertes justement à la collaboration, c'est là où il va y avoir, comment dire, des interventions beaucoup plus positives. Donc, il y a vraiment une nécessité de reconnaître l'expertise aussi, qui est en maison d'hébergement parce qu'effectivement, quand les expertises se rencontrent et qu'elles avancent dans une même direction, là, on est capable de faire des avancées quand même remarquables pour la sécurité des enfants. Mais dans un dialogue, il faut que les deux personnes aient la volonté de se parler.

Or, ce que l'on peut voir sur le terrain, c'est que parfois, il y a un des deux côtés qui est un petit peu plus fermé. Donc, c'est important d'apporter ça au niveau des directions pour qu'elles entendent ce que les maisons d'hébergement ont à dire et qu'elles s'inscrivent dans des mécanismes de collaboration.

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup. Nous allons poursuivre maintenant avec le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Oui, je vous remercie. On vient de recevoir d'ailleurs le livre. Alors, je vous remercie pour ça. On sait que le comité, là, qui a mené au rapport Rebâtir la confiance a été aboli. Mais est-ce qu'il y a des éléments de ce rapport-là qui touchent la DPJ, qui n'ont pas été nommés aujourd'hui et que vous voudriez porter à notre attention?

Mme Pontel (Maud) : Sabrina.

Mme Lemeltier (Sabrina) : Bien, dans le rapport, Rebâtir la confiance, ce qu'on voit vraiment, c'est qu'il y avait... En parallèle la commission Laurent avait lieu. Donc, pour avoir participé au rapport Rebâtir la confiance, on est vraiment... On s'est vraiment dit : La commission Laurent fait un travail, et ça va être important de pouvoir lui laisser toute sa place. Cependant, si on regarde dans le rapport rebâtir, c'est vraiment ce qu'on vient vous vous présenter aujourd'hui, c'est-à-dire de reconnaître la violence conjugale que d'arrêter cette confusion avec les conflits sévères de séparation et d'aliénation parentale et de former l'ensemble des intervenants afin qu'ils y aient une intervention, je dirais, adéquate et qui participe au filet de sécurité autour de la femme et des enfants.

J'irais plus loin. Les discussions qu'il y a beaucoup... qui ont beaucoup, je dirais, animé nos rencontres, c'était de se dire : On veut très rapidement remettre en place le lien père-enfant. Est ce qu'on peut... Est-ce qu'on pourrait se permettre un temps d'arrêt, un temps d'analyse, laisser aussi quand il y a des démarches légales à avoir, qu'elles progressent et qu'elles arrivent à une certaine, je dirais, à leur conclusion pour nous permettre que l'intérêt de l'enfant soit réellement au centre des décisions qui vont être prises au niveau de la protection de la jeunesse. C'est vraiment, je vous dirais, l'essence des discussions ou des éléments qu'on peut retrouver dans rebâtir où la partie sur les enfants, là, est quand même... est quand même petite, mais sachant que la commission Laurent faisait elle-même un travail sur ce sujet-là.

M. Zanetti : Je vous remercie.

Le Président (M. Provençal) : Nous allons poursuivre maintenant avec le député de René-Lévesque.

M. Ouellet : Merci beaucoup, monsieur le Président. Donc, à mon tour de vous saluer, mesdames. Je connais bien la maison Anita Lebel qui est chez moi, sa coordonnatrice Suzie Levasseur, car on a l'occasion de se parler à chaque année, pas juste lorsque des événements à souligner les événements tragiques des féminicides, mais aussi lorsque les maisons en deuxième étape font face à des défis financiers. Je pense que c'est important de...

M. Ouellet : ...reconnaître leur importance et du succès qu'elles apportent dans le parcours pour sortir les femmes d'un milieu violent... de violence - pardon.

J'aimerais peut-être revenir à la toute fin de votre mémoire ou de votre présentation. Vous présentez un cas type d'Alice devant la CDPDJ avec les conclusions que je résume brièvement, là, qu'il y a un manque de formation des intervenants de la DPJ sur la violence conjugale, vision sur la présence du père dans la vie de l'enfant ne correspond pas à une situation de violence conjugale, non-respect du rythme de l'enfant compte tenu de son vécu, les autres professionnels entourant la mère, victime de violence conjugale, ne sont pas consultés. Bref, c'est quand même frustrant de voir tout ça. Alors, j'aimerais savoir de votre part, mesdames, pourquoi la DPJ est autant réfractaire aux organismes oeuvrant auprès des femmes. Pourquoi, selon vous, il y a un frein?

• (15 h 40) •

Mme Lemeltier (Sabrina) : Maud.

Mme Pontel (Maud) : Bien, je pense qu'on ne se le cachera pas, c'est une institution qu'on peut qualifier de patriarcale. Et donc quand on essaie de faire valoir les droits des femmes, les droits des mères et des enfants, ceux-ci prennent le bord au profit des droits des pères, malgré le fait que ce soit des agresseurs.

Donc, je pense qu'il y a beaucoup de choses à changer au niveau de l'institution, beaucoup de choses au niveau, je dirais, philosophique. On a beaucoup évolué. On travaille beaucoup. On comprend maintenant que ce que, nous, on veut dire, c'est qu'il faut entendre les femmes et les enfants quand ils évoquent leurs peurs, leurs craintes. Il faut absolument arrêter avec la primauté du droit du père au profit de la sécurité des mères et des enfants, particulièrement ceux qui sont victimes de violence conjugale.

Donc, je vous dirais, il faut faire de l'institution une institution qui puisse faire valoir la parole de ces femmes, de ces enfants qui vivent dans des climats de peur, qui vivent dans des climats toxiques et qui veulent absolument pouvoir vivre une vie sans violence.

M. Ouellet : Vous faisiez référence, tout à l'heure, au projet de loi 2 qui sera étudié, ici, à l'Assemblée nationale, et je pense que vous nous demandez, ici, comme législateur, de porter une attention particulière aux discussions et adoption des règles et des lois qui pourraient maintenant régir le droit de la famille.

Vous nous invitez aussi à s'assurer qu'il y a une certaine concordance. Donc, ce qu'on va faire aussi, en parallèle, ici, d'être certain que si on reconnaît, dans un contexte familial, que les enfants peuvent être victimes des contrecoups de la violence conjugale envers une femme, c'est aussi le cas en matière de protection de la jeunesse.

Donc, vous nous amenez, comme législateur, à avoir une oreille attentive sur ce qui se passe dans une autre commission pour être certain que, si on convient d'une chose pour ce qui est de la protection de la femme en matière de violence conjugale pour le droit familial, on doit avoir cette même préoccupation, encore plus pour les enfants dans cette commission. C'est ce que je comprends.

Mme Lemeltier (Sabrina) : Absolument.

Mme Pontel (Maud) : Exactement.

M. Ouellet : Parfait. Merci beaucoup, mesdames, de votre présentation.

Une voix : Merci.

Le Président (M. Provençal) :Alors, je vous remercie de votre collaboration et de votre contribution à vous trois.

Nous allons suspendre les travaux pour faire place au dernier groupe de la journée. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 43)

(Reprise à 15 h 54)

Le Président (M. Provençal) : ...Je souhaite la bienvenue à monsieur Jean-Marc Potvin du Groupe des experts, commissaires, experts de la Commission spéciale sur les droits des enfants et sur la protection de la jeunesse. M. Potvin est accompagné de trois de ses collègues qui pourront prendre la parole selon les besoins de la commission. Alors, vous avez dix minutes pour votre présentation et par la suite, nous nous aurons nos échanges. À vous.

Une voix : Alors... Bien, d'abord, merci de nous accueillir...

M. Potvin (Jean-Marc) : ...devant cette commission. Nous sommes un groupe constitué des six ex-commissaires experts de la Commission spéciale sur les droits des enfants et sur la protection de la jeunesse. Je suis accompagné aujourd'hui de Danielle Tremblay, Gilles Fortin et de Jean-Simon Gosselin qui, lui, est au téléphone. Outre nous, nous, nous quatre, deux personnes ont participé à la confection du mémoire. Il s'agit de Lesley Hill et André Lebon. Alors, tous les six avons une longue expérience en matière de protection de la jeunesse.

D'entrée de jeu, on veut souligner que la grande majorité des enfants prises en charge par la DPJ du Québec sont maintenus ou retournés dans leurs familles dans un délai raisonnable avec succès. Cependant, il y a une minorité d'enfants qui entrent dans le système de protection et qui vont y demeurer très longtemps, parfois dans des parcours qui ont commencé à un très jeune âge marqué par l'insécurité, les frayeurs, les manques puis les ruptures. Les effets pour ces enfants sont dévastateurs. Ce sont ces enfants qui nous préoccupent, et qu'il faut cesser de ballotter et à qui il faut donner une famille pour la vie. Il y a plusieurs enjeux adressés dans le p. l. 15 et plusieurs avancées. Nous les saluons sincèrement, mais nous allons traiter ici que de la stabilité de ces enfants pour lesquels les avancées nous semblent nettement insuffisantes.

Je vais maintenant passer la parole à Danielle.

Mme Tremblay (Danielle) : …je m'excuse. Je vais vous parler d'un enfant qui souffre en silence, bébé Léo. Dès sa naissance, sa situation est signalée à la DPJ. Malgré l'aide apportée à Sarah et Maxim, ses parents, on constate rapidement qu'il ne reçoit pas de réponses régulières à ses besoins. Il pleure pendant des heures parce qu'il a faim, soif, trop froid, trop chaud, besoin d'être changé. Il est amorphe et souvent laissé seul dans son lit. Lors d'une situation de crise, à six semaines, il doit être placé d'urgence, car ses parents ont consommé et sont désorganisés. Léo est confié à une famille d'accueil de dépannage au milieu de la nuit. Les parents refusent de collaborer avec la DPJ, mais n'ont pas de solution à proposer. Le placement se prolonge, et il est déplacé vers une famille d'accueil régulière. Léo récupère et progresse bien en famille d'accueil. Il est plus actif, enjoué, se développe bien. À 9 mois, il retourne vivre avec sa maman, qui a amélioré sa situation. Il réagit beaucoup à ce changement de vie. Malgré l'aide reçue, la maman se sent démunie et rapidement impatiente, d'autant plus que le papa ne s'implique pas. Sept semaines après son retour, elle n'en peut plus et, en crise, demande qu'il soit placé, sans quoi elle menace de le frapper. À 11 mois, Léo est donc confié à une nouvelle famille d'accueil. Cependant, il est perturbé par toute l'instabilité et l'insécurité vécue depuis sa naissance. C'est un enfant difficile qui fait des crises et a des retards de développement. Entre l'âge de 11 mois et 8 ans, malgré une ordonnance de placement à majorité en famille d'accueil, survenue à l'âge de 2 ans, Léo connaîtra cinq familles d'accueil. Elles démissionnent l'une après l'autre devant l'ampleur de ses problèmes. De plus, ses parents exigent des contacts, ce qui le déstabilise encore plus. Cette spirale d'instabilité fait en sorte que Léo n'est plus capable de s'intégrer dans une famille. Il provoque sans cesse le rejet. À 8 ans, il est confié dans une ressource spécialisée, en trouble sévère d'attachement. Il demeurera en ressources de réadaptation jusqu'à ses 18 ans.

En audience, nous avons reçu des jeunes ayant vécu un tel parcours d'instabilité. Ils nous ont témoigné des impacts négatifs sur eux et de la grande détresse qu'ils ont vécue. Les données de recherche nous indiquent que le tiers des enfants réunifiés avec leurs familles sont replacés dans la première année qui suit. Le placement en famille d'accueil à majorité est le projet de vie le plus souvent utilisé, même si c'est celui qui offre le moins de stabilité. L'adoption et la tutelle sont peu utilisées et de moins en moins au fil du temps. Enfin, les durées maximales d'hébergement sont outrepassées la plupart du temps. Le placement à majorité constitue une solution adéquate pour certains enfants. Les familles d'accueil doivent alors avoir tous les leviers pour bien s'en occuper. Mais le recours à cette mesure, par défaut, va à l'encontre de l'intérêt de nombre d'enfants, particulièrement lorsqu'ils sont placés en très bas âge, et que les parents demeurent peu impliqués. Vivre toute son enfance sous la tutelle de la DPJ ne constitue pas une vie normale d'enfant. S'ils ne peuvent pas retourner chez leurs parents, l'adoption et la tutelle sont les options les plus favorables. L'enfant ne se perçoit plus comme un enfant de la DPJ placé jusqu'à sa majorité. Il est l'enfant d'une famille engagée envers lui pour la vie.

Concernant Léo, pensez-vous que son parcours de vie aurait pu...

Mme Tremblay (Danielle) : ...si des décisions efficaces avaient été prises plus tôt dans sa vie, pour lui permettre de s'ancrer solidement dans une famille en bas âge. Alors, Jean-Marc.

M. Potvin (Jean-Marc) : Alors, pour nous, le p.l. 15 clarifie les principes de la loi, notamment sur la question de l'intérêt de l'enfant et sur l'importance de la stabilité affective, c'est très important, mais c'est insuffisant pour réfléchir des trajectoires d'instabilité telles que celles de... Pour atteindre ce but, il faut introduire, dans la loi, les leviers nécessaires, voici ces leviers: Concernant l'intérêt de l'enfant, les valeurs et les convictions de chacun peuvent teinter les décisions sociales et judiciaires au détriment d'une l'analyse sérieuse des véritables enjeux pour l'enfant. Les connaissances cliniques et scientifiques sur le développement de l'enfant et sur ce que l'enfant exprime devraient être prises en compte impérativement dans l'appréciation de son intérêt, ce n'est pas toujours le cas. Nous recommandons donc que la loi prévoie, à l'article 3, que chaque décision, tant sociale que judiciaire, soit documentée par une analyse rigoureuse de l'intérêt supérieur de l'enfant.

• (16 heures) •

Concernant les droits et obligations des parents, nous sommes d'avis qu'il faut sortir de l'apparente opposition entre les droits des enfants et ceux des parents, comme s'il fallait toujours forcément trancher en faveur de l'un ou de l'autre. Les droits des parents ne sont pas un absolu. La Cour suprême du Canada a établi clairement le principe à l'effet que les parents sont titulaires de droit afin de pouvoir remplir leurs obligations envers leurs enfants. Nous recommandons donc que la loi énonce clairement, à l'article 11.4, que les parents sont titulaires de droit afin de pouvoir remplir leurs obligations.

Concernant la permanence et la stabilité es liens, l'article 91.1 a été introduit à la loi en 2006, il vise à actualiser un projet de vie stable dans un délai raisonnable lorsque le retour de l'enfant dans sa famille n'est pas possible. Les durées maximales d'hébergement sont alors introduites pour respecter le temps de l'enfant. Nous constatons aujourd'hui que l'introduction de cet article n'a pas permis d'atteindre le but visé, alors qu'il constitue notre site principal pour assurer à tout enfant un projet de vie stable et viable. Nous recommandons que l'article 91.1, demeuré inchangé dans le p.l. 15, prévoie que les durées maximales d'hébergement commencent à courir dès le premier placement de l'enfant et non pas dès la première décision judiciaire sur le fond. On recommande aussi que le seul motif, qui permettrait de passer outre à ce délai, soit l'intérêt de l'enfant dans le cadre d'une analyse rigoureuse de celui-ci, et enfin, qu'au terme d'une durée maximale d'hébergement, lorsque le retour de l'enfant dans sa famille n'est pas possible, que le tribunal, un, doit statuer... doit rendre une décision qui assure la stabilité et la permanence des liens, plutôt que de... tel que la loi actuelle l'édicte, et, deux, que le tribunal doive aussi statuer sur le maintien ou non des contacts avec ses parents et décider ou non du transfert de l'exercice de certains attributs de l'autorité parentale aux personnes qui en ont la garde, toujours en fonction de l'intérêt de l'enfant.

Concernant le recours à l'adoption et à la tutelle, on sait clairement qu'il constitue les projets de vie alternatifs qui donnent les meilleures garanties de stabilité, de permanence pour les enfants, il faut en faciliter l'accès. Dans d'autres juridictions au Canada ou ailleurs dans le monde, le seul fait d'atteindre les durées maximales de placement prévues par la loi est un motif qui donne ouverture à la tutelle ou à l'adoption. Il faut donc introduire que l'atteinte des durées maximales d'hébergement, sans retour possible de l'enfant chez les parents, constitue un motif donnant ouverture à une demande de déclaration d'admissibilité à l'adoption ou de tutelle. Il faut aussi introduire l'adoption simple, sans rupture de lien de filiation, pour favoriser l'adoption d'enfants plus âgés, pour qui les liens, avec leurs parents biologiques, peuvent être importants à leurs yeux.

En conclusion, l'atteinte de la durée maximale d'hébergement, qui respecte le temps de l'enfant, doit réellement constituer un moment charnière dans la vie de l'enfant pour lui offrir un projet de vie stable, viable, sécuritaire dans une famille pour la vie. Ce n'est pas le cas actuellement pour bon nombre d'enfants. La grande majorité des enfants signalés au DPJ finissent par évoluer harmonieusement auprès de leurs parents, et c'est heureux. Mais rien n'est jamais à négliger pour soutenir les parents, le placement d'un enfant doit être considéré comme une situation qui requiert les soins intensifs sociaux sans délai. Mais lorsque le retour de l'enfant n'est pas possible, il faut avoir le courage de prendre des décisions pour préserver l'enfant. Il importe de le faire aussi souvent que possible avec l'adhésion des parents eux-mêmes. Tous les parents veulent le bien-être de leurs enfants, y compris les parents qui n'ont pas la capacité de les assumer. Mais, en définitive, les décisions doivent assurer un projet de vie alternatif qui offre les meilleures garanties pour chaque...


 
 

16 h (version non révisée)

M. Potvin (Jean-Marc) : ...en particulier. À notre avis, le p.l. 15 n'intègre pas certains éléments essentiels pour qu'on puisse y arriver. Nous sommes convaincus que non seulement il y a maintenant une plus grande acceptabilité sociale à prendre des décisions claires et non équivoques en faveur de la stabilité des enfants, mais que la société s'attend à cela des DPJ et de l'État. Pour nous, le plus grand échec du système de protection est de prendre en charge un enfant à la naissance et de voir celui-ci sortir à ses 18 ans du système vulnérable. Nous estimons que le devoir... L'État a le devoir et la capacité d'infléchir de telles trajectoires d'enfants, surtout s'ils ont été pris en charge très tôt dans leur vie. Merci.

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup pour votre exposé. En premier lieu, je vais céder la parole au député de Vanier Les Rivières.

M. Asselin : Bonjour. Merci, Monsieur le Président. Je voudrais... Premièrement, bon, merci beaucoup pour la qualité de votre mémoire et de votre présentation. Je sais que vous étiez six autour de la table. Et, franchement, votre mémoire en particulier m'a beaucoup touché. À titre d'ex-directeur d'un pensionnat ou secondaire de plusieurs pensionnats au secondaire, je sais à quel point les ados ont besoin de temps en temps de prendre du recul vis-à-vis de leur famille. Puis, c'est important, le travail que vous avez fait, même si c'est des circonstances particulières dans lesquelles vous avez préservé votre devoir.

Moi, je souscris parfaitement aux devoirs que vous avez institués de donner à chaque enfant une famille pour ma vie. C'est vraiment important d'y penser, même si parfois il y a des petites poses qu'on besoin que l'enfant vive par rapport à sa famille. Donc, j'aimerais que peut-être que vous commenciez par nous parler de l'atmosphère qui a régné dans votre groupe de six. Je sais que vous avez pris votre travail au sérieux. Mais parlez-nous un peu des valeurs qui vous ont guidés.

M. Potvin (Jean-Marc) : En fait, nous, on s'est senti la responsabilité de produire un mémoire, puis de se faire entendre parce qu'on estime que si pour la commission spéciale il y avait une recommandation phare qui était d'établir un commissaire pour enfants, concernant la protection de la jeunesse, la thématique phare, c'est d'être capable de procurer à un enfant une famille pour la vie. Et là on a l'impression que le p.l. 15 n'introduit pas les leviers pour faire ça et qu'il y a des enfants qui vont demeurer dans des parcours d'instabilité. C'est ça qui a animé le groupe des six. Je ne sais pas, Danielle, si tu veux compléter, là.

Mme Tremblay (Danielle) : Et quand on parle d'une famille pour la vie, on parle de stabiliser les enfants le plus tôt possible dans leur vie. Vous savez, un tout petit enfant, et c'est pour ça qu'on vous a présenté l'histoire de bébé Léo, mais l'histoire de bébé Léo reflète très bien l'histoire de plusieurs enfants. Comme l'a bien dit Jean-Marc, ce n'est pas la majorité des enfants qui font affaire avec le système de la protection de la jeunesse que ça concerne. Ça concerne une petite proportion de ces enfants-là, mais c'est quand même... Ça représente, au total du nombre, un nombre significatif d'enfants à qui on ne donne pas ces chances-là de pouvoir s'ancrer solidement dans une famille pour pouvoir avoir un parcours de développement qui va leur permettre de réaliser leur potentiel.

Alors, vous savez, quand on parle... Vous avez entendu beaucoup, dans le cadre de la commission, parler d'attachement, du temps de l'enfant. Mais un enfant qui développe des troubles de l'attachement, c'est un enfant qui porte des stigmates pour le reste de sa vie. Cela se manifeste par des problèmes de comportement, des retards de développement, des retards d'apprentissage, des difficultés dans ses relations interpersonnelles. Et ces difficultés-là risquent de perdurer tout au long de leur vie. C'est ce que les jeunes sont venus nous témoigner.

Et vous savez, bien, il faut briser ce cycle là des enfants qui ne sont pas bien pris soin en très jeune âge pour éviter, justement... On a entendu parler aussi beaucoup dans le cadre de votre commission de la transition à la vie adulte. C'est excessivement important, mais il faut essayer de faire en sorte de stabiliser le plus possible les enfants très tôt dans leur vie, les enfants, bien sûr, qui ne pourront pas vivre auprès de leurs parents, cette petite proportion d'enfants là, pour éviter justement ces parcours-là dont on a entendu parler, de jeunes qui se retrouvent à 18 ans, complètement démunis et qui ne sont pas capables d'assumer leur majorité. Alors, c'est ce qui nous a animés.

M. Asselin : Mme Tremblay, M. Potvin, M. Gosselin, et monsieur... le troisième qui vous a accompagné, merci beaucoup pour votre contribution.

Le Président (M. Provençal) : M. le ministre.

M. Carmant : Merci beaucoup, Mme Tremblay...

M. Carmant : ...Monsieur Potvin, docteur Fortin, monsieur Gosselin, un plaisir de vous revoir. Merci pour le mémoire, aussi, puis pour tout le travail que vous avez fait, là, lors de la commission et par la suite. Bon, premier point super important, vous parlez d'analyse rigoureuse de l'intérêt de l'enfant. Comment on s'assure que ça a été fait puis comment on s'assure que cette analyse a été rigoureuse? On a entendu beaucoup de nos participants, là, parler de, tu sais, d'inquiétudes au niveau de la transparence, puis : on nous demande beaucoup d'informations mais on n'a pas de rétroaction, là. Comment moi, comme législateur, je vais m'assurer que l'intérêt de l'enfant a vraiment été pris en compte dans toutes les étapes du processus?

• (16 h 10) •

M. Potvin (Jean-Marc) : C'est ça. En fait, notre recommandation va dans le sens de documenter l'analyse de l'intérêt de l'enfant, donc tant dans les décisions sociales que judiciaires. Certains vous ont proposé de décrire l'intérêt de l'enfant dans la loi. On pense aussi, puis on a fait cette réflexion-là à la commission spéciale, que c'est complexe, d'introduire ça dans une loi, des paramètres de l'intérêt de l'enfant. Par contre, il y a des connaissances scientifiques, il y a des connaissances cliniques qui sont très claires, qui nous aident à déterminer ce qu'est l'intérêt de l'enfant dans le cas particulier de chaque enfant.

Alors, nous, ce qu'on veut, c'est que ce soit documenté. Que le DPJ documente ça quand il amène une recommandation de la Cour puis que le juge reprenne ces éléments-là avec, évidemment, les arguments des parents, de l'enfant. Mais que la discussion soit obligée devant la cour sur l'intérêt de l'enfant, que la décision de la Cour porte sur une appréciation documentée de l'intérêt de l'enfant à partir des arguments des parties. Ce n'est pas le cas actuellement. Dans un jugement de cour, on va simplement invoquer contre une telle décision puis, implicitement, on va considérer que c'est dans l'intérêt de l'enfant sans que ce soit expliqué. Or, on sait que les valeurs jouent beaucoup dans cette appréciation de l'intérêt de l'enfant. Forcer la discussion devant le tribunal sur l'intérêt de l'enfant, ça nous ramène à l'enfant et c'est ça qui est important, au développement de l'enfant, notamment, à l'attachement, à ses besoins.

M. Carmant : Vous voulez compléter, Dr Fortin?

M. Fortin (Gilles) : Oui, si je peux me permettre d'ajouter justement à ce que Jean-Marc vient de dire. Il faut aussi se préoccuper d'aller chercher la parole de l'enfant. On ne peut pas prétendre défendre l'intérêt de l'enfant si on ne fait pas les efforts de comprendre qu'est-ce qu'il veut, à qui est-it attaché, qu'est ce qui le rend heureux. Vous allez me dire : oui, ce n'est pas facile. C'est vrai que ce n'est pas facile. Plus l'enfant est jeune, plus c'est difficile peut-être, mais ça se fait très bien. Il s'agit souvent, en bas âge, que d'observer les comportements de l'enfant. Par ses attitudes, ses comportements, on voit très bien qui est significatif pour l'enfant et qui est important pour lui. Et je pense que quand on parle d'une analyse rigoureuse de l'intérêt de l'enfant, ça veut dire aussi faire les efforts pour recueillir la pensée, la parole, les désirs de l'enfant, quel que soit son âge.

M. Carmant : Et là, je vais sauter directement à un autre point où, tu sais, on veut introduire la présence d'un avocat pour représenter l'enfant dans toutes les conditions. On nous a même suggéré d'aller même dans les mesures volontaires. Qu'est-ce que vous pensez de cette proposition?

M. Potvin (Jean-Marc) : Peut-être Danielle.

Mme Tremblay (Danielle) : Oui. La recommandation à laquelle on en est venu, à la commission, c'est, effectivement, la représentation des enfants est importante. Et justement, dans le commissaire, on disait c'est quand même un exercice très rigoureux pour les avocats de représenter un enfant. Alors, on suggérait que le commissaire établisse un mécanisme d'accréditation des avocats pouvant représenter les enfants parce que ça nécessite des connaissances particulières.

Maintenant, au niveau de la... le droit à la représentation, nous, comme on l'a positionné, c'est que l'avocat, oui, peut être présent à toutes les étapes du processus en protection de la jeunesse, pas nécessairement uniquement au niveau judiciaire mais agir à titre d'accompagnateur et de conseiller de l'enfant. Parce que, c'est sûr qu'on ne veut pas... Actuellement, dans les tribunaux, la majorité des enfants sont représentés. Mais effectivement, on en est venu à la conclusion qu'en amont, avant qu'on se rende au tribunal, et dans l'espoir d'éviter le tribunal, aussi, lorsque c'est possible, que l'avocat puisse servir d'accompagnateur, de soutien à l'enfant dans la recherche... Dans sa représentation pour la recherche de la meilleure solution dans son intérêt.

M. Potvin (Jean-Marc) : Mais pour nous, en complément, ce qui est fondamental, c'est que les avocats soient très bien formés sur les enjeux de développement de l'enfant et sur, justement, ce que peut être l'intérêt de l'enfant. Ce n'est pas toujours le cas actuellement. Il y a beaucoup d'avocats qui prennent des situations à pied levé, sans nécessairement connaître les... surtout pour les très jeunes...

M. Potvin (Jean-Marc) : ...enfants. Quand un adolescent peut s'exprimer, ça va bien, mais pour un très jeune enfant, ça prend des connaissances et des compétences particulières pour les avocats.

M. Carmant : Puis, d'un autre côté, j'ai été surpris de représentantes d'intervenants qui nous ont dit que c'était très difficile, pour les enfants, de se présenter à la cour, et que même, on devait considérer qu'en bas d'un certain âge ou en bas... avec certaines difficultés neurologiques, ou autres, cognitives, on devrait les... tu sais, comme les, tu sais, ne pas les laisser avoir à vivre seuls un traumatisme, donc, même, ils parlaient. Puis, tu sais, ils voulaient même qu'on inclue ça dans la loi. Je ne sais pas si vous avez réfléchi à cet aspect-là?

M. Potvin (Jean-Marc) : Oui, bien, peut-être, Danielle, sur ça?

Mme Tremblay (Danielle) : Oui, bien, écoutez, on vous dit... le Dr Fortin vous a bien dit, tout à l'heure, l'importance de prendre en compte la parole de l'enfant, ce que l'enfant exprime. Et quel que soit son âge, que ce soit par ses paroles, par ses comportements, par ses réactions, il faut prendre en compte... Donc, il faut que la parole de l'enfant puisse être entendue au tribunal.

Maintenant, concernant la présence des enfants, une des recommandations qu'on a faite à la commission, c'est d'adapter les tribunaux à la présence des enfants. On a eu une jeune femme qui est venue témoigner que la juge était sortie de son estrade pour venir s'asseoir à côté d'elle et s'adresser à elle personnellement, là. Vous savez, les cours, les cours de justice, c'est effectivement très, très impressionnant pour tous les citoyens qui ne sont pas habitués à fréquenter les palais de justice, alors, d'autant plus pour un enfant. Et de là la nécessité d'adapter les lieux, d'adapter les façons de faire, mais pour permettre que l'enfant qui désire être entendu soit, oui, représenté, mais lorsque c'est dans son intérêt, qu'il puisse également être présent.

Vous savez, c'est important, pour les décideurs, d'avoir une vraie image. Ils ont un enfant réel devant eux. Alors, toutes les parties sont là, la DPJ, les parents. Donc, toutes les parties sont là, et l'enfant ne serait pas là? Pour moi, j'ai de la difficulté à concevoir ça. Mais il faut le faire dans un contexte où on adapte à la réalité des enfants.

M. Potvin (Jean-Marc) : C'est d'autant plus important, oui. Peut-être, Gilles, tu veux compléter là-dessus?

M. Fortin (Gilles) : Oui, je pense qu'il faut quand même bien réaliser que, pour certains enfants, en raison de leur âge ou de la nature des problèmes, ça peut être traumatisant d'aller au tribunal. Mais ça n'empêche pas qu'ils soient bien représentés par quelqu'un qui a pris le temps de le rencontrer, de l'entendre, qui va être un vrai porte-parole de sa parole. Comme on l'a mentionné tantôt, les avocats, des fois, n'ont pas les compétences, des fois, n'ont pas le temps. Des fois, le dossier leur est remis trop tardivement. Des fois, ils n'ont pas toutes les informations. Mais je pense que... Est-ce que c'est un avocat que ça prend chaque fois pour porter la parole de l'enfant devant le tribunal? Je ne sais pas, mais je pense que c'est important qu'il y ait quelqu'un qui porte parole de l'enfant, à défaut du fait qu'il puisse lui-même aller s'affirmer devant le tribunal.

M. Potvin (Jean-Marc) : C'est ça. Il faut que l'enfant réel, que sa détresse soit très tangible pour le tribunal, ce qui n'est pas toujours le cas. La détresse des parents est tangible, c'est bien, mais il faut que la détresse de l'enfant soit tangible pour le juge.

M. Carmant : J'ai bien pris note, là, des changements suggérés au chapitre 91. Là, c'était vraiment très clair.

M. le Président, je sais que le député de Dubuc aimerait poser quelques questions. Je lui passerais la parole, avec votre consentement.

Le Président (M. Provençal) : Oui, ça va. Alors, M. le député de Dubuc.

M. Tremblay : Merci, M. le Président. Bonjour à vous, messieurs, madame, ravi de vous rencontrer. Bravo pour l'ensemble de l'oeuvre. Quelle contribution! Dites-moi, M. le ministre vient de parler de 91. Vous avez parlé, en début de présentation, de 91.1, qui, selon vous, au niveau de la durée maximale, serait inchangé, à l'heure où on se parle, par rapport au p.l. 15. Quelles seraient... Pourriez-vous développer davantage sur les conséquences de modifier 91.1?

M. Potvin (Jean-Marc) : Bien, peut-être, je peux commencer.  91.1, c'est vraiment l'outil qui fait en sorte que, quand un enfant ne pourra pas retourner chez lui au terme des durées maximales d'hébergement... c'est l'outil qui permet de mettre en place les conditions pour donner à l'enfant un projet de vie qui soit viable et sécuritaire. 91.1 a introduit les durées maximales d'hébergement. On sait qu'elles ne sont pas respectées dans la majorité des cas. Ça devrait être des durées maximales. Donc, on devrait aller plus loin, jusque là, avant de donner un projet de vie qui soit stable et viable à l'enfant...

M. Potvin (Jean-Marc) : ...donc, on veut le renforcer, 91.1, on veut mettre des outils dans ça, dans 91.1. On ne veut pas nécessairement raccourcir les délais, mais on veut que les délais soient respectés. Puis on veut notamment que les délais commencent à courir dès le premier placement de l'enfant. Ce qui n'est pas le cas actuellement, il commence dès la première décision judiciaire qui peut survenir plusieurs mois après le placement de l'enfant. On veut aussi, à 91.1, que le seul motif pour passer outre au délai, ça soit l'intérêt de l'enfant et aussi que le juge se penche sur... maintenant qu'on va ordonner un projet de permanence pour l'enfant, quelles sont les conditions? Est-ce que les contacts avec ses parents sont bénéfiques, nécessaires, utiles et répondent aux besoins de l'enfant ou, au contraire, si on les maintient tout simplement parce qu'on considère que c'est le droit des parents, mais peu importe le préjudice que ça peut causer à l'enfant? Même chose, la famille d'accueil qui garde un enfant, bien, elle doit avoir les leviers au quotidien, doit pouvoir prendre les décisions pour les sorties scolaires, pour les soins de santé.

Alors, c'est tout ça qu'on veut qu'il y ait une appréciation beaucoup plus sérieuse qui soit faite à cette étape-là pour s'assurer qu'on donne le plus de chances à l'enfant pour la stabilité aussi. Puis pour les familles d'accueil, ils sont souvent instables pour toutes sortes de raisons. Alors, 91.1, c'est moment de faire cette réflexion.

• (16 h 20) •

Mme Tremblay (Danielle) : Et si je peux me permettre de compléter, est-ce que ça va?

Le Président (M. Provençal) : Oui.

Mme Tremblay (Danielle) : C'est qu'à l'article 4, il y a été introduit une modification fort importante, l'ancienne... L'article 4 de la loi actuelle dit que la décision doit tendre à assurer la permanence et la continuité dans la vie de l'enfant. Et le projet de loi 15 vient dire : la décision doit assurer, et non pas "tendre à assurer", "doit assurer". Et cette nuance-là, elle est très importante. Mais, malheureusement, comme 91.1 n'a pas été modifié d'aucune façon, la concordance dans 91.1, on trouve encore le "tendre à assurer". Alors, ces deux articles là, ils vont de pair. Comme disait mon collègue, l'article 4, c'est le principe et l'article 91.1 c'est le levier, l'outil pour permettre d'actualiser ce principe-là. Alors, c'est de là qu'on insiste tant sur la modification, 91.1, dans le sens de ce qu'on vous recommande.

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup. Alors, maintenant, nous allons poursuivre avec le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Merci, monsieur le président. Vous proposez, essentiellement, de faciliter la transition entre le placement en famille d'accueil et l'adoption. Ce que j'ai compris de ce que vous avez dit tout à l'heure. Je comprends les motifs, c'est-à-dire la stabilité pour l'enfant. Qu'est-ce que ça veut dire, du point de vue des familles d'accueil, par exemple, le fait de passer du statut de famille d'accueil à famille qui adopte du point de vue du soutien que l'État leur donne, par exemple, pour pouvoir accomplir cette mission? C'est la première question que je vous poserai. Puis la deuxième, c'est : Est ce que vous pensez... Quel est le point de vue, selon vous, des familles d'accueil par rapport à ça? Est-ce que c'est quelque chose que vous sentez qui est souhaité de la part du milieu ou est ce qu'elle préfère, elle, demeurer famille d'accueil tout simplement?

M. Potvin (Jean-Marc) : Je ne sais pas, Danielle, si tu veux... Merci.

Mme Tremblay (Danielle) : Bien, écoutez, vous savez que dans le cadre des travaux de notre commission, on a tenu des forums. On a fait la tournée des régions du Québec. Et on a des familles d'accueil qui se sont beaucoup mobilisées pour participer aux Forums. Et si un des thèmes qui est ressorti de façon je dirais pas unanime mais très, très forte, c'est l'importance de la stabilité des enfants, d'aller vers des projets plus stables, de permanence. Donc, en soi, sur le principe, les familles d'accueil, tout comme l'ensemble des citoyens et des professionnels qu'on a rencontré, sont majoritairement d'accord avec cet état de fait là, d'accord avec le fait de stabiliser les enfants le plus tôt possible dans leur vie.

Maintenant, vous posez la question: qu'est-ce qu'elles en disent, de devenir adoptantes ou tuteurs? Bon, au niveau de la... dans le fond, il y a des... Il faut savoir qu'il y a différentes catégories de familles d'accueil. Et il y a des familles d'accueil, puis c'est ce qu'elles veulent, d'être des familles de permanence pour les enfants. Et le défi, il est clinique: très rapidement, pouvoir confier les enfants le plus tôt possible. Là, ce qu'on voit, là, qu'on peut travailler très, très fort avec les parents, etc., mais qu'on n'y arrivera pas, dans l'intérêt de l'enfant, à respecter le temps, hein, le temps qui leur est dévolu. Il faut très rapidement pouvoir confier ces enfants-là à des familles d'accueil qui, eux autres, veulent s'engager pour la vie auprès d'un enfant et devenir adoptantes ou tutrices, si c'est le meilleur projet de vie pour l'enfant.

Maintenant...

Mme Tremblay (Danielle) : ...à la commission, encore là, d'autres d'autres recommandations, à savoir d'améliorer le soutien financier aux adoptants et aux tuteurs. Parce qu'il ne faudrait pas que le placement à majorité soit l'option... Actuellement, c'est l'option qui est retenue par défaut, puis il ne faudrait pas que ça perdure, ça, parce qu'on vous a fait la démonstration que c'est la forme de permanence la moins stable, justement. Donc, il ne faudrait pas que des enjeux financiers fassent en sorte que l'intérêt de l'enfant, qu'on veut mettre de l'avant, bien, passe en deuxième pour des enjeux financiers. Alors, on a pas les propositions d'améliorer le soutien aux tuteurs et aux adoptants, d'améliorer le soutien, y compris financier. Mais aussi le soutien clinique. Alors, voilà.

Le Président (M. Provençal) : Merci.

M. Potvin (Jean-Marc) : Peut-être en complément, c'est que, dès qu'il y a un placement d'enfant, il faut évaluer le risque que l'enfant ne puisse pas retourner chez lui puis il faut choisir une famille, une famille d'accueil prête à s'engager à long terme envers l'enfant, si on estime qu'il y a un risque important que les parents... qu'on ne réussisse pas avec les parents à ce qu'ils reprennent leur enfant. Alors, il y a des familles d'accueil qui s'engagent à long terme. Parfois, il y a des familles de proximité dans l'entourage des parents qui peuvent s'engager aussi à long terme envers l'enfant, soit dans une tutelle par exemple, si c'est quelqu'un de très apparenté aux parents, ou par adoption. Mais il faut prévoir ça dès le départ.

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup. Nous allons poursuivre maintenant avec la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme Weil : Oui. Merci beaucoup. À mon tour de vous féliciter pour un travail extraordinaire. Et je pense que le document que vous avez produit est tellement durable dans le sens qu'on ne verra peut-être pas toutes les recommandations, et on le voit déjà, mais que ces recommandations sont là pour longtemps et qu'il va falloir toujours se pencher sur les recommandations qui sont dans ce document.

En regardant cette question du moment... Un poupon, par exemple, un poupon... Et souvent, c'est même à l'hôpital que, tout de suite, tout le monde à l'hôpital voit que ce n'est pas des parents qui pourront... hein, c'est assez évident pour les infirmières. Et les gens racontent des histoires ou des témoignages qu'ils ont puis, souvent, ils agissent très, très rapidement avec la DPJ, puis les résultats sont bons. Donc, dès l'arrivée de cette personne dans la vie, le lien entre, justement, le réseau de la santé qui est interpelé assez rapidement et la DPJ puis les observations... Quand vous parlez... on sait tellement de quoi vous parlez quand vous dites: le temps est tellement précieux. Parce que ce poupon, aller d'une famille à l'autre, l'instabilité et retour à la maison... On a juste à voir un bébé en développement. Et plusieurs d'entre nous, on est des grands-parents, on revit ce qu'on a vécu, on le voit, à quel point chaque étape est cruciale, de son développement. Donc, de penser qu'ils vont aller d'un endroit à l'autre, retourner chez les parents...

Dans la pratique, est-ce qu'assez rapidement la DPJ est capable d'évaluer la... Comment dire, les chances, les chances que cet enfant va être capable... Que les parents vont être capables de vraiment bien remplir leur rôle? Est-ce que les signaux sont là assez rapidement? Puis dans ces cas là, il faut agir quand même assez vite, et c'est peut-être une question de mois, il faut agir.

M. Potvin (Jean-Marc) : C'est ça. Je peux peut-être commencer mais Danielle va vouloir compléter, c'est certain, sur cette question là. Mais je veux juste mentionner qu'il y a déjà des projets très porteurs sur des questions comme celles-là, des liens qui se font avant même la naissance de l'enfant. Donc, quand, à l'hôpital, on constate qu'il y a vraiment un environnement à risque, que les parents ont des problèmes de consommation, par exemple, importants, qu'il va y avoir des enjeux pour prendre soin de l'enfant, pour prévenir un placement à la naissance, qui est un choc pour les parents, quand la DPJ débarque, là, à l'hôpital après la naissance, bien, on commence cette discussion-là avec les parents avant même la naissance. Puis là, on regarde les conditions dans lesquelles... qu'il faut mettre en place pour qu'ils puissent assumer l'enfant, on discute avec eux. Ça se fait avec l'hôpital, avec le DPJ. Ça, ça se répare, ces projets là, c'est maintenant plus généralisé. Mais ça, c'est très important de le faire. Et souvent, ça a permis de faire en sorte que les parents prennent leur enfant mais qu'ils ont fait ce qu'il fallait avant la naissance. Puis ils sont accompagnés dès la naissance puis ça diminue la judiciarisation. Bon, ça a beaucoup d'effets bénéfiques, il faut le faire. Dans d'autres cas, on va convenir, avec les parents, que leur mode de vie est trop difficile, trop problématique pour qu'ils puissent garder l'enfant à la naissance. Mais ça évite le choc. Danielle.

Mme Tremblay (Danielle) : Bien, peut être, en complément. Effectivement, même les bébés qui sont signalés à la naissance en raison des inquiétudes qui se présentent, effectivement, Jean-Marc a tout à fait raison de dire que...

Mme Tremblay (Danielle) : ...même durant la grossesse de la maman, pour tenter de préparer la venue du bébé, les mobiliser et développer leurs habiletés à prendre soin d'un bébé. Ces projets-là existent de plus en plus, mais ils doivent être généralisés pour faire en sorte que... vous savez, le moment de la naissance, c'est un moment relativement court dans le temps. On ne peut pas tout évaluer ça en l'espace d'une couple de jours où la maman va être à l'hôpital. Il faut préparer la venue du bébé. Tant mieux si les parents s'inscrivent dans les services pour faire en sorte d'être mieux équipés et continuer, bien sûr, ces services-là suite à la naissance.

• (16 h 30) •

Mais lorsqu'on voit qu'il n'y a pas de mobilisation, de conscientisation ou de capacité des parents à bénéficier des services qui leur sont offerts, bien, c'est là où la décision se prend. Mais vous savez, les enjeux, ils sont nommés aux parents même durant la grossesse, hein, des enjeux de dire : Bien, voilà, puis ce n'est pas des menaces, là, hein, souvent, on dit : La DPJ fait des menaces. D'ailleurs, dans ma région, région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, on a un projet comme ça et c'est une intervention conjointe entre le CLSC et la DPJ pour accompagner les parents tout au long de la grossesse et pouvoir, près l'accouchement, faire le constat avec eux, à savoir : Oui, oui, vous allez allez sortir de l'hôpital avec votre petit bébé, avec les services qu'on va continuer à vous dispenser ou bien, malheureusement, on a bien essayé, mais la situation... vous l'avez bien exprimé, madame Weil, comment la vulnérabilité d'un bébé est grande. Alors, voilà.

Mme Weil : Et donc, et qui touche cette notion de temps, parce que le développement est tellement rapide dans ces premières années, son lien d'attachement. Les sourires viennent quand même assez jeune, le regard dans les yeux de sa maman, et tout. Et donc, quand vous parlez du temps de l'enfant aussi, il a... ce temps est précieux, j'imagine, donc dans son développement. Est-ce que la voie... donc, par exemple, dans les situations que vous mentionnez, où, très, très tôt, les gens se parlent, on fait appel à la DPJ pour venir regarder, puis peut-être des discussions avec des parents. L'option ensuite, l'étape, ce serait famille d'accueil. Et quand est-ce que l'option adoption... il faut que les parents consentent, hein, ça, c'est tout un...

Mme Tremblay (Danielle) : C'est une voie et je vous dirais que c'est... C'est une voie, oui, mon microphone est activé, c'est une voie et je vous dirais que c'est la voie qui devrait être privilégiée, de travailler avec les parents pour les amener à faire le meilleur choix pour leur enfant et qui est un choix déchirant pour eux de confier leur enfant vers une famille d'accueil qui va s'engager auprès de leur enfant pour la vie. Maintenant, quand vous dites : À quel moment? Et c'est là où mon collègue Jean-Marc parlait tout à l'heure de l'importance d'établir des pronostics. Oui, on va travailler avec les parents à tenter de développer leurs capacités. Ce que je viens de vous exprimer, c'est... ça a déjà commencé, même durant la grossesse, à, de tenter de le faire, O.K.? Mais si le pronostic est sombre parce qu'il y a des situations où le pronostic est sombre, bien, il faut rapidement... le petit bébé, là, il faut le confier à une famille d'accueil qui est prête, elle, à prendre le risque, de dire : Moi, je m'engage. Moi, ce que je veux, là, c'est vraiment de m'engager pour l'enfant. Je vais l'adopter, cet enfant-là, s'il devient adoptable, O.K.? Mais si, par... que le bébé peut finir par retourner chez ses parents, bien, ce sera moi, comme adulte, qui gérera ma peine, pas le petit bébé.

Mais encore là, quand je parle, si retourné chez mes parents, la recherche nous démontre particulièrement chez les jeunes bébés, lorsqu'il y a des tentatives de retourner chez les parents, ils sont replacés très rapidement. La recherche nous indique clairement que pour les jeunes bébés, ils sont replacés à l'intérieur de 57 jours en moyenne, c'est très rapide. Alors, quand on prend une décision de retourner un enfant dans sa famille, cette décision-là, elle est lourde de conséquences pour les enfants.

Mme Weil : Moi, je pense...

M. Fortin (Gilles) : ...

Mme Weil : Allez-y.

M. Fortin (Gilles) : Oui, je m'excuse, rapidement, je pense que ce que vous faites ressortir, Mme Weil, c'est que le temps de l'enfant et le temps de l'adulte n'est pas le même. Certains parents ont besoin de plusieurs mois, plusieurs années, voire, pour se restaurer. Mais l'enfant, lui, ne peut pas arrêter de se développer. Il se développe, il établit des relations avec la personne qu'il... les personnes qui l'entourent. Et malheureusement, des fois, il y a des rendez-vous manqués.

Mme Weil : ...vous proposez viendrait rassurer...


 
 

16 h 30 (version non révisée)

Mme Weil : ...tous ceux qui travaillent dans ce domaine. Parce que c'est un guide, c'est un guide, et on se dit : Bien, ce n'est pas, oui, mes émotions personnelles, mais c'est dans la loi, c'est dans nos pratiques, et on va s'organiser autour de ça, parce que le but qu'on a tout le monde ensemble, c'est le bien-être de cet enfant et son développement pour toujours, donc de créer un adulte, une personne qui sera compétente et épanouie. Et parce que je pense que ça doit être très, très dur pour la DPJ, les décisions déchirantes pour eux, là, qui sont là-dedans. On entend, hein, on le voit dans des cas qui sont rapportés dans les journaux, des jugements que je lis, et on voit que la DPJ essaie tout, là, puis essaie d'expliquer aux parents pourquoi le développement de l'enfant est compromis, puis qu'ils ne peuvent pas continuer à prendre... Donc, on voit les déchirements.

Alors, si, d'entrée de jeu, tout le monde a cette formation, puis c'est bien clarifié dans la loi, comme vous le recommandez, je pense c'est une piste qui vient rassurer. En tout cas, pour moi, c'est mon opinion, surtout les intervenants et intervenantes auprès de ses enfants, je ne sais pas, qui sont tous contents d'avoir des orientations puis une modernisation, si on veut, de la loi, à la lumière des connaissances qu'on a, et ce rapport, votre rapport.

La pénurie, je ne sais pas, on n'a pas... Je ne sais pas... Parfait, j'ai dit à ce que j'avais à dire. Donc, merci.

Mme Tremblay (Danielle) : Si je peux me permettre, Mme Weil, l'idée n'est pas de rassurer nécessairement les intervenants. Tant mieux, effectivement, si on leur crée des conditions pour leur permettre de bien travailler à l'intérêt de l'enfant. Mais l'idée, c'est pour les petits bébés, jeunes enfants, qu'ils soient stabilisés.

Le Président (M. Provençal) :Merci. Nous terminons cet échange avec le député de René-Lévesque.

M. Ouellet : Merci beaucoup, M. le Président. Donc, à mon tour de vous saluer, chers commissaires. Vous avez fait la commission, vous avez parcouru le Québec, vous avez entendu des tonnes de témoignages. Et, au courant des travaux de cette semaine, dans cette commission, il y a une tendance qui a commencé à s'installer, la tendance pour les maisons d'accueil et les gens des familles d'accueil, pardon, d'avoir la possibilité d'accueillir encore les enfants jusqu'à 21 ans. On a entendu des groupes, pas plus tard que cet après-midi, la reconnaissance de la violence conjugale comme étant un facteur de prise en compte pour protéger un enfant. On a entendu aussi d'autres groupes venir nous dire l'importance d'avoir un continuum de services et l'importance de prendre soin des enfants.

Quand je regarde votre mémoire, il y a une trame fondamentale qui semble se dessiner, et je vais vous poser la question qui tue. Pourquoi, pour vous, c'est fondamental de toucher l'article 91.1? Pourquoi, dans cette commission-ci, après avoir entendu plein de groupes puis avoir vu le projet de loi en question, pourquoi, comme législateurs, après avoir adopté la loi à la fin des années 70 et avoir introduit l'article 91 en 2006, pourquoi on doit saisir cette occasion aujourd'hui de faire une révision de l'article 91.1?

M. Potvin (Jean-Marc) : Écoutez, comme ex-commissaires, on a analysé le projet de loi, puis il y a beaucoup d'autres enjeux qu'on a vus sur lesquels on aurait pu intervenir. On a fait le choix de venir vous parler de l'enjeu de la stabilité des enfants parce que, pour nous, c'est critique, cet enjeu-là. Il y a des enfants qui se font placer à la naissance puis qui sortent à leur majorité du système de protection. C'est inacceptable dans notre société. J'ai été... Il y a trois travailleurs sociaux parmi nous, il y a un médecin spécialiste en protection de l'enfance, il y a un avocat, on a tous une longue expérience, puis on a vu des enfants qui ont été démolis par leur expérience de la naissance à l'âge adulte. Ça n'a pas de bon sens. On aurait pu choisir une autre thématique, mais celle-là, elle nous apparaît cruciale.

Il faut changer ces trajectoires-là. On a le pouvoir de le faire, il faut avoir le courage de prendre des décisions pour l'enfant. Puis ce n'est pas si difficile, il faut accompagner les parents... Il faut apaiser tout le monde dans ça. Tous les parents souhaitent que leur enfant ne soit pas en difficulté, en détresse toute leur enfance, adolescence durant, y compris les parents pour les... Encore faut-il bien les accompagner. Pour nous, c'est crucial. Si on n'a pas ce courage-là aujourd'hui, on va se retrouver, dans trois ans, quatre ans, cinq ans, à dire : Il y a encore des enfants qui sont ballottés dans le système, il y a encore des enfants dont l'enfance est démolie. Ce n'est pas acceptable. On a le pouvoir de changer les choses. Et tous les six, on vient vous dire en choeur que, pour nous, c'est majeur. Bien sûr, le passage adulte, c'est important, mais on n'en veut plus, d'enfant qui sort du système à 18 ans poqué. C'est ça qu'on veut changer profondément. Je ne sais pas si mes collègues veulent compléter, là.

Mme Tremblay (Danielle) : J'ajouterais qu'on a le pouvoir, mais on a le devoir de le faire, d'avoir le courage de le faire. Je répète, ce n'est pas pour tous les enfants...

Mme Tremblay (Danielle) : ...qu'ils fréquentent, qui ont affaire au système de protection de la jeunesse, c'est pour une minorité d'enfants mais qui représente un nombre quand même significatif d'enfants. Et est-ce que le Québec, on entend parler beaucoup de la dénatalité au Québec, est ce que le Québec a le moyen de se passer de ses enfants, de certains de ses enfants? À mon avis, non. Alors, il faut prendre le courage et c'est un devoir comme société de se donner les leviers nécessaires pour arriver à offrir à chacun des enfants une famille pour la vie.

Le Président (M. Provençal) : Docteur Fortin, je pense que vous vouliez conclure.

• (16 h 40) •

M. Fortin (Gilles) : Oui. Je veux juste signaler qu'en 2006, je suis venu en commission parlementaire pour demander l'introduction de l'article 91.1, avec d'autres. Et malheureusement, je constate, après toutes ces années, qu'il n'a pas livré la marchandise. Et c'est pour ça qu'il faut, je pense, le réviser, le préciser aujourd'hui.

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup, monsieur Jean-Marc Potvin et vos collègues, ex-commissaires. Et on a été très choyés de vous avoir en conclusion de notre journée. Alors, merci beaucoup de votre présence. Merci beaucoup du temps que vous nous avez consacré, mais merci aussi pour la qualité du mémoire que vous nous avez déposé. Je vous souhaite une excellente fin de journée. Je vous remercie pour votre collaboration.

La commission ajourne ses travaux au vendredi 11 février à 10 heures où elle entreprendra un autre mandat. Merci beaucoup à vous tous.

(Fin de la séance à 16 h 41)


 
 

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