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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le mercredi 13 novembre 2019 - Vol. 45 N° 40

Mandat d'initiative - Augmentation préoccupante de la consommation de psychostimulants chez les enfants et les jeunes en lien avec le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH)


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Table des matières

Auditions (suite)

MM. Pierre-Claude Poulin et Guy Falardeau, et Mme Valérie Labbé

Mémoires déposés

Autres intervenants

M. Luc Provençal, président

M. Ian Lafrenière

Mme Marilyne Picard

M. François Tremblay

Mme Monique Sauvé

M. André Fortin

M. Sol Zanetti

M. Sylvain Gaudreault

Journal des débats

(Onze heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Provençal)  : Bon matin. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je vous souhaite la bienvenue. Et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques dans le cadre du mandat d'initiative concernant l'augmentation préoccupante de la consommation de psychostimulants chez les enfants et les jeunes en lien avec le trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements pour ce mandat?

La Secrétaire : Alors, peut-être... Non, attendez... Je fais l'annonce, oui, pardon.

Le Président (M. Provençal)  : Alors, oui, c'est vous qui devez... madame.

La Secrétaire : M. Lafrenière (Vachon) est remplacé par M. Bachand (Richmond); M. Benjamin (Viau) est remplacé par Mme Nichols (Vaudreuil); Mme David (Marguerite-Bourgeoys), par Mme Sauvé (Fabre); M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), par M. Gaudreault (Jonquière).

Le Président (M. Provençal)  : Alors, je vais vous demander... Il est convenu que M. Lafrenière, de Vachon, reprenne ses fonctions à titre de membre de la commission pour la durée de la séance. Alors, j'ai besoin de votre consentement.

Une voix : D'accord.

Auditions (suite)

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Ouf!

Nous entendrons, ce matin, conjointement les Drs Poulin, Falardeau et Labbé, et nous sommes très heureux de pouvoir échanger avec vous ce matin.

Comme la séance a commencé à 11 h 35, y a-t-il consentement pour poursuivre nos travaux au-delà de l'heure prévue, soit 12 h 20? Consentement? Merci.

Je souhaite maintenant la bienvenue au Dr Poulin, Dr Falardeau et Dre Labbé. Il s'agit d'une audition conjointe. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé. Je vous cède maintenant la parole.

MM. Pierre-Claude Poulin et Guy Falardeau, et Mme Valérie Labbé

M. Poulin (Pierre-Claude) : Bonjour, Mmes, MM., les députés. Ça nous fait vraiment très plaisir de venir vous exposer notre point de vue sur la problématique du TDAH et de l'augmentation de consommation de psychostimulants.

Tout ça a débuté par une lettre ouverte qu'on a écrite dans les journaux, nous trois avec quelqu'un d'autre qui n'est pas là, qui s'appelle Joël Monzée, parce que, dans notre pratique, on constatait, depuis quelques années, vraiment une augmentation importante des enfants qui nous étaient référés pour évaluation, pour diagnostic et pour traitement de TDAH, de sorte qu'on a décidé d'écrire une lettre aux médias. On a envoyé un courriel à quelques collègues et on a eu une réponse spectaculaire. En l'espace de trois jours, il y a 50 collègues pédiatres qui nous ont répondu puis qui ont dit : Go! On est d'accord avec ça, mettez notre signature. Ça fait que la première lettre est parue.

Après ça, on s'est dit : Il ne faudrait peut-être pas juste dénoncer l'augmentation de consommation de psychostimulants, il faudrait peut-être proposer des solutions. Ça fait qu'on a écrit une deuxième lettre, 15 jours après, qu'on a partagée à quelques pédiatres, juste quelques courriels par les voies non officielles. Cette fois-là, on a eu 70 réponses de pédiatres qui nous ont répondu : Go! On est d'accord avec vous autres, avec ce que vous recommandez. Puis les grands principes de ce qu'on propose aujourd'hui ont été entérinés à l'assemblée générale de l'Association des pédiatres en avril dernier, donc, considérez donc — vous avez une lettre, d'ailleurs, en ce sens — que c'est la position de l'Association des pédiatres du Québec.

Alors, dans notre pratique, comme je vous disais, on est un peu inquiets de voir l'augmentation de consommation des psychostimulants. Puis en fait les travaux de l'INESSS, auxquels j'avais participé en 2017 comme représentant de l'Association des pédiatres, sont venus montrer que notre impression était vraiment confirmée. Je vais passer vite là-dessus, parce que je pense que l'INESSS vous a fait sa présentation, vous a montré ses chiffres de consommation et de prescription de psychostimulants. Mais je suis allé chercher les derniers chiffres, puis ça montre, finalement... si vous voyez le total de prévalence de l'utilisation des médicaments pour le TDAH en 2018‑2019, déjà, par rapport à 2014‑2015, quand on avait fait les premiers travaux, ça a continué à augmenter. Donc, on est dans une espèce de courbe d'augmentation des prescriptions de psychostimulants qui continue tout le temps.

L'INESSS avait fait des travaux... Ça, le tableau que je viens de vous montrer, c'est les enfants qui sont assurés via la Régie de l'assurance maladie. L'INESSS a fait des travaux, aussi, chez tous les enfants via un organisme qui s'appelle IMS, puis ça démontrait un peu la même chose, c'est qu'on prescrit beaucoup plus, en fait trois fois plus, chez les 10 à 18 ans, de psychostimulants que dans le reste du Canada, ce qui est quand même surprenant. Chez les 10-18 ans, on est à quelque chose qui approche 15 %, alors que la fréquence attendue du TDAH est plus de l'ordre de 5 % à 7 %.

Aussi, l'Institut de statistique du Québec avait publié des données recueillies un peu différemment à partir de questionnaires qui ont été faits chez des adolescents, 60 000 adolescents à qui on a demandé de compléter des questionnaires pour vérifier leur état de santé, de santé mentale, entre autres, puis il y a des chiffres qui sont inquiétants, entre autres le niveau élevé de détresse psychologique qui, en six ans, est passé de 21 % à 29 %, à partir des réponses des jeunes. Les diagnostics de TDAH sont passés de 16 % à 27 % en 2016‑2017. Ça, c'est des jeunes qui disaient qu'ils avaient eu un diagnostic de TDAH fait par un médecin ou un professionnel de la santé. Les troubles anxieux aussi, parce que, ça aussi, on est confrontés à ça... Dans cinq ans, vous allez faire un comité comme vous faites aujourd'hui pour étudier l'augmentation de consommation des antidépresseurs pour traiter l'anxiété chez les enfants, je vous le promets, vous allez venir à ça.

Donc, suite à ça, bien, on a fait des recommandations, on a fait six recommandations, qu'on va partager avec vous autres, parce qu'une fois qu'on a dit ça il faut trouver des solutions concrètes. Il faut trouver des solutions qui sont particulières au Québec, parce que les enfants du reste du Canada, ils sont exposés aux réseaux sociaux, ils jouent aux jeux vidéo, ils regardent la télévision, pourquoi, ici, on a trois fois plus d'enfants, 15 % de jeunes qui se font prescrire des psychostimulants? Donc, il y a des causes médicales, puis en fait le but de tout ça, c'est d'amener la société québécoise à faire un effort de réflexion sur ça. Puis on pensait d'ailleurs que le premier endroit pour faire cette réflexion-là, c'est vraiment vous autres, qui êtes le représentant de toute la population à travers le Québec, d'où notre contentement d'être ici aujourd'hui.

Donc, j'en arrive aux propositions. La première qu'on a faite, c'est de remettre sur pied un comité conjoint entre le ministère de la Santé puis le ministère de l'Éducation, comme ça s'était déjà fait en 1999. Puis, encore là, moi, j'avais participé à ce comité-là — parce que je commence à être plus vieux, là — pour représenter l'Association des pédiatres, puis le comité avait été mis sur pied en 1999 parce qu'on constatait qu'il y avait une augmentation dans la consommation des psychostimulants. Vous voyez les chiffres qui partent en 2000, 2004, 2005, les chiffres de l'INESSS, le comité a fait beaucoup de recommandations qui ont été appliquées puis qui étaient tout à fait fondées, mais ça n'a évidemment pas empêché l'augmentation des prescriptions de psychostimulants. À ce moment-là, la ministre de la Santé, c'était Pauline Marois, puis le ministre de l'Éducation, c'était François Legault.

Donc, on pense qu'on devrait refaire ce genre de comité là qui pourrait un peu, comme vous l'avez fait depuis une semaine, recueillir les opinions et les recommandations de divers groupes qui sont concernés. Si jamais vous décidez de le mettre sur pied, je vous offre mes services. C'est sûr que ça m'intéresse encore, moi, de participer à ça. Pour les autres recommandations, bien, je vais passer la parole à mes collègues, au Dr Falardeau.

• (11 h 40) •

M. Falardeau (Guy) : Bien, la deuxième recommandation, c'est des ressources psychosociales. Actuellement, les enfants qui sont en souffrance, ça peut prendre des mois et même parfois au moins une année avant qu'ils aient le moindre service, et la plupart du temps, en tout cas dans ma pratique à Québec, les services en psychologie et en pédopsychiatrie sont simplement refusés. On offre au maximum des services de travailleur social, et on offre rarement des services à l'enfant même, c'est-à-dire on offre des services aux parents. Donc, il faut avoir plus de ressources et une meilleure utilisation, aussi, des ressources, parce qu'il y a un psychologue de CLSC qui m'a dit qu'à peu près la moitié de son temps il ne faisait que faire de la paperasse pour répondre au ministère ou pour justifier son travail au lieu de passer du temps avec les enfants. Donc, si on diminuait les paperasses, bien, on augmenterait la possibilité d'aider des enfants.

On veut aussi valider les questionnaires. Une des choses qui nous est utile dans l'évaluation, dans le diagnostic des enfants, c'est les questionnaires. C'est sûr que c'est une aide seulement, mais on voudrait voir la valeur de ces questionnaires-là dans notre milieu, ce qui n'a jamais été fait. Je vais passer la parole à Valérie.

Mme Labbé (Valérie) : ...moi, je n'ai pas mes lunettes.

En fait, pour les psychologues aussi, j'avais un autre mot, parce qu'évidemment, en venant ici, on a eu beaucoup d'appels de gens, puis tout ça. Puis les psychologues sont présentement, c'est ça, en train de faire des démarches parce que, c'est ça, au niveau du public, ils ont beaucoup de difficultés avec la rétention des psychologues, qui s'en vont tous au privé. Et une des raisons qu'on croit majeures là-dedans, là, c'est au niveau, c'est ça, de leur salaire, là, qui est trois fois moindre au public qu'au privé. Alors, ça, ça cause une problématique. Alors, c'est ça, bon, nous demandons que l'Ordre des psychologues et le Collège des médecins refassent les lignes directrices, bon, on en a parlé.

Et par la suite, c'est ça, on voudrait qu'il y ait une augmentation au niveau de l'activité physique. Comme tous les enfants ont accès et doivent aller à l'école, on croit que c'est un bon endroit, là, pour augmenter l'activité physique, là, chez les enfants. Il y a une nouvelle récréation, là, qui a été ajoutée, on est bien contents de ça. Et, si on pouvait faire en sorte, là, qu'il y en ait davantage, d'accessibilité, on peut faire même... on suggérait, là, un projet pilote, là, de 30, 45 minutes d'activité, là, par jour.

L'autre chose qu'on trouve très préoccupante aussi, et vous avez dû en entendre parler, puis tout le monde, on le constate, c'est la place des écrans dans la vie de nos jeunes. Ça a un impact majeur. Encore une fois, j'ai un autre message à passer, il y a les médecins psychiatres, aussi, qui ont fait une sortie et qui ont proposé, là, de l'éducation, là, en santé mentale à l'école, dès l'école primaire. Alors, on est tous concernés par cette omniprésence-là des écrans, et on croit que de faire de la formation dès l'entrée scolaire, de faire de la formation via des publicités et des émissions de télévision pour que les parents soient bien au courant, là, de cette problématique-là, ça pourrait aider tous nos jeunes.

Moi, j'avais un autre point qui était très important pour moi. On n'a pas donné les statistiques par rapport au sexe des enfants, et je voudrais mentionner qu'il y a trois fois plus de diagnostics de TDAH chez nos garçons. Ça, ça me préoccupe énormément parce que, vraiment, on en voit beaucoup, des garçons qui viennent dans nos bureaux, qui sont souffrants puis, c'est ça, c'est eux aussi qui se ramassent à avoir beaucoup de médications, là, pour le TDAH. Nos jeunes garçons baignent dans un milieu complètement féminin dès l'école primaire, surtout au primaire. La pédagogie est faite, là, par des femmes. C'est un petit peu tabou de parler de ça en faisant une distinction par rapport au sexe, mais, si on veut inclure tout le monde puis que tout le monde soit heureux, je pense qu'il faut se pencher sur cette problématique-là. Spécifiquement chez les garçons, la pédagogie, elle peut être différente. On a des nouvelles données, via nos neurosciences affectives, qui montrent que nos cerveaux ont des différences pour la façon d'apprendre, qu'est-ce que qui nous intéresse, bon, tout ça. Moi, j'aimerais beaucoup, beaucoup, si un comité, là, soit formé, là, avec le ministère de l'Éducation puis le ministère de la Santé, qu'on se penche, là, sur cette problématique-là, étant donné que ce sont eux qui ont le plus de diagnostics versus les filles, qui, elles, à l'adolescence, ont beaucoup plus de diagnostics d'anxiété. Alors, c'est ça, même si on veut inclure tout le monde, il y a des problématiques un peu différentes, là, selon les sexes.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Le temps étant écoulé pour la présentation, nous allons procéder à la période d'échange. Alors, le député de Vachon.

M. Lafrenière : Oui. Comme mes collègues ont gentiment autorisé à me représenter moi-même, merci beaucoup. Merci pour votre présentation, c'est très apprécié. Moi, c'est ma première dans cette commission, je ne peux pas vous dire que vous allez m'aider à bien dormir ce soir, comme père de famille, cependant.

Et j'aimerais vous entendre sur quelque chose qu'on n'a pas abordé aujourd'hui — peut-être que vous l'avez fait avec d'autres intervenants — c'est l'automédication, le fait que certains jeunes vont aller consommer du cannabis pour s'automédicamenter. J'aimerais vous entendre sur ce sujet-là, s'il vous plaît.

M. Poulin (Pierre-Claude) : Effectivement, on voyait les statistiques sur les troubles anxieux, là, puis, on vous dit, ça prend un peu l'allure d'une épidémie. Moi, au début de ma pratique, des troubles anxieux, je n'en voyais jamais, du Prozac, je n'avais jamais appris à prescrire ça, puis maintenant ça fait un peu partie de ma pratique. Puis ce n'est pas parce que je saute facilement sur les pilules, c'est parce qu'il y a des enfants dont la vie devient complètement gâchée puis ils sont incapables de fonctionner, même si on leur offre un support psychothérapeutique.

Puis effectivement, pour certains adolescents, ça peut être tentant de tomber dans le pot parce que ça a un peu un effet anxiolytique, le pot, ça fait qu'il y en a qui vont utiliser ça pour traiter leurs phobies sociales, leur timidité excessive ou leur anxiété, puis ça va les aider à dormir, parce qu'on a aussi beaucoup d'insomnie chez nos enfants puis nos adolescents. Effectivement, c'est des données qui sont un peu inquiétantes pour nos enfants, nos petits-enfants ou nos neveux puis nos nièces.

Mme Labbé (Valérie) : Et, si au début ça diminue l'anxiété chez les jeunes, la consommation de marijuana, ce que les jeunes ne savent pas, c'est que ça a tendance, après ça, à amener des symptômes plutôt dépressifs, lorsque vient une consommation, là, plus régulière, et une dépendance, puis des problèmes de sommeil. Ce qui les aidait au début, finalement, devient encore pire par la suite, et ça crée beaucoup de problématiques.

• (11 h 50) •

M. Lafrenière : Et, selon vos connaissances à vous, est-ce que c'est par absence de diagnostic, ou les jeunes sont diagnostiqués puis ils décident de prendre le cannabis au lieu de prendre un autre médicament?

M. Poulin (Pierre-Claude) : Non, ils ne sont pas diagnostiqués.

M. Lafrenière : C'est vraiment en absence de diagnostic?

M. Falardeau (Guy) : Moi, j'aimerais ajouter, quand on regarde les chiffres du tableau qui sont là, on diagnostique beaucoup plus de troubles anxieux chez les filles et beaucoup plus de TDAH chez les garçons, et, d'après moi, une des raisons, c'est que l'anxiété chez le garçon se représente souvent avec des symptômes de TDAH, en particulier d'agitation et des problèmes de comportement. Donc, souvent, les faux diagnostics de TDAH et les faux traitements sont donnés chez des enfants anxieux. Et des garçons anxieux ne réagissent pas nécessairement de la même façon qu'on s'attend à ce qu'ils agissent quand ils sont anxieux, qu'ils manifestent leur anxiété de la même façon.

M. Lafrenière : Est-ce que vous parlez d'erreurs de diagnostic, à ce moment-là?

M. Falardeau (Guy) : Oh! je suis convaincu qu'il ne peut pas y avoir 27 % ou 23 % des enfants qui ont un TDAH. Je pense qu'il y a beaucoup de faux diagnostics, et ces faux diagnostics là sont dus en partie, en grande partie, d'après moi, à des enfants anxieux. En tout cas, dans ma pratique, j'ai vu beaucoup d'enfants chez qui je mettais en doute le diagnostic justement parce qu'il y avait des problèmes d'anxiété en dessous de ça. J'ai vu des enfants autistes qui se sont fait diagnostiquer des TDAH, des enfants opposants, des enfants avec des troubles de langage, par exemple, qui deviennent agressifs parce qu'ils ne sont pas capables de s'exprimer par le langage et qu'à cause de leur comportement, bien, on leur met un diagnostic de TDAH. Alors, oui, il y a des faux diagnostics. C'est pour ça qu'on veut qu'on refasse... qu'on donne des lignes directrices pour bien faire les diagnostics, et en particulier de s'occuper de l'anxiété et de vérifier l'anxiété des enfants avant de poser des diagnostics de TDAH.

Mme Labbé (Valérie) : Les neuropsychologues nous disent que... parce qu'en neuropsychologie ils ont une évaluation beaucoup plus grande, en fait c'est comme notre Cadillac, en 2019, là, c'est la meilleure évaluation qu'on peut avoir actuellement, et, encore là, il y a toujours des limites, hein? Mais, c'est ça, les neuropsychologues, lorsqu'ils voient entrer un enfant avec un TDAH dans leur bureau et qui... bon, ça ne fonctionnait pas, tout ça, ils doivent le réévaluer, ils nous disent que, dans 90 % du temps, ils enlèvent le diagnostic du TDAH et trouvent autre chose. Ça peut être, oui, du TDAH mais avec un trouble d'apprentissage, par exemple, des difficultés d'apprentissage qui peuvent imiter les symptômes, là, du TDAH, ça peut être de l'anxiété, ça peut être un grave problème affectif à la maison, ça peut être autre chose.

La problématique avec le TDAH, c'est que c'est diagnostiqué souvent à partir de symptômes, des symptômes qui peuvent imiter plusieurs autres problématiques, là, finalement, là, qui ne sont pas toujours du TDAH.

M. Lafrenière : ...terminer avec un petit commentaire. Dre Labbé, tantôt, vous avez parlé de la surutilisation des tablettes. Dans une autre commission, la commission spéciale sur l'exploitation sexuelle des enfants, on a une spécialiste qui est venue nous voir et qui nous conseillait de faire de la formation aux futurs parents, juste pour vous dire comment vous êtes vraiment dedans, pile-poil.

Mme Labbé (Valérie) : On voulait mettre ça dans le Mieux vivre avec son enfant. Bien, ça, c'est une de nos idées, mais en fait, à force de se parler, tout le monde ensemble, c'est génial, parce que les gens apportent des idées, des fois, qu'on n'a pas pensé, parce qu'on se dit : Bon, où est-ce qu'on peut faire passer ce message-là?

Entre autres, le Mieux vivre avec son enfant, c'est comme un peu la bible des parents, qui est remise à tout le monde. Là, c'est sûr qu'il ne faut pas que ça soit trop impressionnant non plus, les gens ne le liront pas, mais ça peut être une piste de solution. Faire de l'enseignement via les médias, via les médias sociaux, tu sais, c'est très, très utilisé, mais c'est des pistes de solution... il faut les actualiser, finalement, puis voir comment on peut faire pour passer le message. Parce que c'est vrai que nous, comme professionnels de la santé, actuellement, on a énormément d'exposés sur les méfaits, les dangers potentiels de, bon, la cyberdépendance, les écrans, puis tout ça, mais je ne pense pas que la population en général est au courant de tout ça, et c'est vraiment quelque chose qui est archi, archipréoccupant.

M. Poulin (Pierre-Claude) : Dans ce contexte-là, ça m'inquiète un peu de voir qu'on veut... ou j'ai entendu qu'on voulait proposer des programmes de concentration en cyberjeux dans les écoles secondaires. Pour moi, j'ai l'impression que c'est comme si on donnait des concentrations de black-jack ou de poker au niveau secondaire, ça m'inquiète.

Mme Labbé (Valérie) : Moi, ce qui me rassure énormément... J'étais, en fin de semaine, à un colloque international, parce qu'on avait des invités de calibre international, et c'était sur Cerveau et psychologie, c'était mené par Joël Monzée, qui est la quatrième personne, là, qui ne pouvait pas être là aujourd'hui. Alors, deux de ses bons amis et ministres étaient là. Le ministre Jean-François Roberge était là, le ministre Lionel Carmant était là, j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec eux. Lionel Carmant est entre autres venu parce qu'on avait un après-midi sur la cyberdépendance, sur tous, bon, les médias... les tablettes, finalement, et, par son propre gré, il est venu assister parce que, justement, c'est un sujet qui l'intéresse. Et il m'a beaucoup rassurée, en me disant que c'était une des priorités du gouvernement actuel, la santé mentale chez les jeunes. Et nous, oui, aujourd'hui, on parle du TDAH, mais, vraiment, grosso modo, c'est de toute la santé mentale dont on est inquiets chez nos jeunes, et la majorité de notre pratique, maintenant, est orientée vers la santé mentale de nos jeunes. Et ce ne sont pas les pédopsychiatres qui voient ces patients-là, eux, ils voient vraiment le bout de l'iceberg, mais ce sont les pédiatres, les médecins de famille. Et je vous dirais que c'est vraiment épidémique, ça pourrait faire, finalement, 100 % de notre pratique, là. Il y a des listes d'attente partout pour nous voir, ça peut prendre jusqu'à un an, puis tout ça, mais on a des demandes, des demandes, des demandes. Autant, au niveau organique, on a fait énormément de progrès, autant, je crois, qu'en 2019 on doit focuser beaucoup sur la santé mentale des jeunes, et, c'est ça, comme, repenser à comment on peut aider tous ces jeunes-là.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la députée de Soulanges.

Mme Picard : Bonjour. Merci beaucoup d'être présents aujourd'hui. Un autre groupe, la semaine dernière, nous disait que, selon eux, il y a une différence entre le reste du Canada et le Québec parce qu'au Québec la RAMQ rembourse les médicaments. Est-ce que vous, vous croyez que c'est...

M. Poulin (Pierre-Claude) : Je ne suis pas d'accord avec ça. C'est vrai que c'est un facteur qui peut jouer... parce que, de toute façon il y a des médicaments pour le TDAH qui ne coûtent pas cher. Le Ritalin, ça ne coûte pas cher. C'est les médicaments longue action qui sont dispendieux. Puis j'ai vu qu'il y en a qui sont venus la semaine passée, puis qui ont dit qu'on n'a pas vraiment des preuves qu'il y a surconsommation de psychostimulants, puis que, finalement, on a peut-être vraiment 15 % de TDAH. Si vraiment on a 15 % de TDAH, on a un sérieux problème, alors qu'ailleurs il y en a 7 %. Puis, si on en a 7 % mais qu'on prescrit quand même 15 % de psychostimulants, on a un sérieux problème aussi. Ça fait que, de toute façon, on a un sérieux problème.

M. Falardeau (Guy) : Il faut comprendre que c'est les médicaments longue action qui ne sont pas remboursés. Les médicaments à courte action sont remboursés ailleurs. Et, pendant des années, on a traité les enfants avec des médicaments courte action, et ils sont disponibles dans les autres provinces.

Mme Labbé (Valérie) : Mais effectivement ça peut jouer un rôle, mais il faut se poser d'autres questions que juste dire que c'est parce que c'est remboursé.

Mme Picard : Concernant l'anxiété qui est un problème qui va émerger, j'aimerais savoir comment on peut travailler en amont, comment on peut travailler en prévention, selon vous, au niveau de l'anxiété de nos jeunes.

M. Poulin (Pierre-Claude) : Bien, je pense que l'association des psychiatres a proposé, la semaine passée ou il y a deux semaines, de faire de la formation auprès des enfants, des adolescents puis des parents pour leur apprendre à gérer leur anxiété. Je pense que ça serait une bonne chose...

Une voix : Alphas connectés.

M. Poulin (Pierre-Claude) : ...oui, de fermer la télévision, fermer les écrans, fermer l'iPad puis fermer le téléphone. Apprendre aux parents à faire ça puis à subir la révolte des jeunes si on les oblige à fermer leurs écrans puis leurs téléphones, ça serait déjà quelque chose.

• (12 heures) •

Mme Labbé (Valérie) : Encore une fois, c'est vraiment revenir à la base, tu sais, c'est le sommeil, c'est l'activité physique, c'est moins d'écrans, c'est de jouer avec des amis, d'avoir des jeux libres. Tout ça, c'est la base. C'est la base qu'il faut qu'ils soient aussi, comme... formation à l'école, ça, ça serait vraiment quelque chose d'intéressant, et puis, pour les cas plus sévères, d'avoir un accès possible à des travailleurs qui sont spécialisés là-dedans.

Je prends ma propre fille, qui a un trouble anxieux, que je viens de faire voir au privé parce que j'ai essayé, au public, d'y aller, et finalement ils ne voulaient pas la voir, c'est très, très long, ça a pris un an d'attente, des rencontres, des rencontres pour remplir des papiers, impossible de voir un psychologue, puis, tu sais, j'ai les moyens. Je voulais voir c'était quoi, parce que je voulais voir comment mes patients, à moi... tu sais, c'est quoi, le chemin qu'ils doivent faire. Je l'ai vu, je l'ai constaté. Ce n'est peut-être pas comme ça dans tous les milieux, mais c'est comme ça dans beaucoup de milieux. Puis, encore une fois, l'accès aux psychologues, au public, est peut-être quelque chose de difficile parce qu'ils ne sont pas capables de les garder, ils vont tous au privé. Et là, bien, il faut se demander pourquoi ils vont tous au privé.

Mais je pense que de revenir à la base, une formation à l'école... On appuie 100 % les psychiatres avec leur idée d'Alphas connectés, de formations de la Santé publique. Puis, après ça, pour les cas plus sévères, qu'ils aient un accès. La psychologue qui voyait ma fille, la semaine dernière, me disait : Bien, madame, elle a un trouble anxieux sévère, ça doit être traité différemment qu'une anxiété généralisée, et voici ce qu'on va faire, et, si on fait tout ça, il se peut que, plus tard, elle n'ait plus de problème. Si j'étais allée avec le CLSC, ce qu'ils me donnaient, c'est les recommandations de base, et ça se termine là. Alors, c'est sûr que c'est quelque chose, tu sais, qui est important, là, finalement, que ça soit dans le programme Agir tôt, hein... On dit beaucoup que plus on agit tôt, plus on a des chances de bien les modeler pour éviter d'autres problématiques plus graves par la suite.

Mme Picard : Merci beaucoup. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Provençal)  : M. le député de Dubuc.

M. Tremblay : Merci, M. le Président. On a rencontré différents intervenants. Je me pose la question, on vit... Les enfants sont agités, on reçoit des inputs de l'école. Comme parents, on intervient, la situation se joue là, en temps réel. Il y a différentes options. Est-ce qu'on travaille sur notre réalité de vie ou si... J'aimerais savoir s'il n'y a pas eu un cycle de désengagement sociétal par rapport au fait d'intervenir en amont pour apprendre à négocier avec cette anxiété-là qu'on a, finalement, créée, et puis où on entre dans un sentier de médication, et puis qu'il y a des répercussions qui sont lourdes sur une période qui peut s'échelonner sur plusieurs années. Est-ce qu'il n'y a pas eu un cycle de désengagement par rapport à ce phénomène-là?

Par ailleurs, il y a le Dr Benoît Hammarrenger qui est venu signifier qu'il serait peut-être intéressant d'avoir un comité pour actualiser des lignes de pratique. Vous arrivez à des conclusions similaires. Il y aura aussi la renaissance du Commissaire à la santé. Est-ce que vous croyez que c'est un mandat qui pourrait être prioritaire? Comment vous le sentez?

M. Falardeau (Guy) : Moi, je vous dirais que, oui, il y a eu un désengagement. En tout cas, dans ma pratique, j'ai senti qu'à partir des années 2014, 2015, 2016 les services d'accès en santé mentale se bloquaient progressivement, les disponibilités des professionnels étaient de moins en moins grandes, et on offrait de moins en moins de services ou ça prenait de plus en plus de temps. Même chose, le CRDI, qui s'occupe des enfants autistes, encore là, les services sont rendus d'un à trois ans avant que l'enfant ait des services après le diagnostic. Donc, oui, il y a eu beaucoup de coupures de services, et on espère que ça va... Et le Commissaire à la santé, oui, moi, je serais d'accord avec ça, en tout cas.

M. Tremblay : Mais, si vous me permettez, j'allais ajouter, du désengagement, aussi, au niveau de la famille puis au niveau de la structure scolaire.

M. Poulin (Pierre-Claude) : Bien, l'Institut de statistique du Québec, c'est les données qui sont sur l'écran, le niveau de détresse psychologique... en fait, ils ont fait beaucoup de variables — je ne vous ai pas tout dit ça, parce que ça aurait pris la journée — pour vérifier qu'est-ce qui était associé à un niveau de détresse psychologique chez les enfants, puis, entre autres, être dans une famille reconstituée, une famille monoparentale, c'est 39 % et 38 % au lieu de 29 %; niveau de scolarité des parents plus bas, c'est un facteur de risque aussi; être moins à l'aise financièrement, bien, on peut le comprendre, c'est un facteur de risque; si la performance scolaire est inférieure à la moyenne, c'est un facteur de risque. Mais c'est des points sur lesquels c'est plus difficile de travailler, mais il y en a sur lesquels on peut faire quelque chose. Si les jeunes travaillent plus de 16 heures par semaine, puis Dieu sait qu'il y en a, c'est un facteur de risque; s'ils dorment moins, et Dieu sait qu'il y en a... les jeunes dorment une heure de moins que quand mes enfants étaient petits, aujourd'hui. Puis, s'il y a un niveau plus élevé de supervision parentale, à ce moment-là, le risque devient faible ou moyen. Donc, s'il n'y a pas de supervision parentale, c'est considéré comme un facteur de risque pour avoir une détresse psychologique élevée.

Donc, ça répond un peu à votre question. Je pense qu'il faut travailler avec les parents en amont, comme vous dites, pour prévenir cette espèce d'épidémie d'anxiété puis de TDAH qu'on a.

Mme Labbé (Valérie) : Mais ça a augmenté et pas seulement chez les jeunes. Dans le fond, c'est le reflet de toute la société. Si on regarde, nous autres, les femmes qui viennent accoucher, on estime qu'il y a une femme sur cinq qui accouche alors qu'elle prend actuellement, tu sais, comme, des ISRS, là, qui sont des antidépresseurs. Est-ce que ça affecte le bébé? Tu sais, comme, ça, on ne le sait pas encore, on n'a pas de données pour dire ça.

Mais, bref, les parents sont aussi plus anxieux. Le rythme de vie a changé. Je veux dire, tout le monde l'a remarqué, là. Il y a quelques années, plusieurs femmes étaient encore à la maison, s'occupaient des enfants, tout allait moins vite. Et là, bon, la performance, tout va plus vite, les fameux écrans qui nous tiennent à notre travail, toujours, le soir, la nuit, le matin. Et puis il y a des choses que, sans vouloir dire que c'est la faute de qui, c'est la faute de quoi, c'est arrivé progressivement dans la société, puis ça nous a pris un petit peu par surprise, là. L'épidémie des écrans, les effets que ça a sur toute la population entière, c'est énorme, et on ne s'y attendait peut-être pas autant que ça, là. On a vu le positif, et puis maintenant on se rend compte qu'il y a aussi beaucoup de négatif.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Nous allons maintenant continuer notre échange avec l'opposition officielle. Alors, je reconnais la députée de Fabre.

Mme Sauvé : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bonjour à vous, Dr Poulin, Dr Falardeau, Dre Labbé, un plaisir de vous entendre et d'avoir aussi sonné l'alerte pour dire qu'il faut absolument se préoccuper de cette situation-là de façon importante. L'INESSS nous l'a bien exprimé avec son analyse, mais vous le dites aussi, et vous faites bien, il faut s'en parler.

Moi, j'ai été attentive aux présentations précédentes, et, dans les questions que je veux vous poser... Il y a plusieurs pistes de solution dans votre mémoire, d'ailleurs, je vais y revenir, c'est excessivement intéressant. Toute la situation de prévalence des médicaments pour les enfants qui ont le TDAH, évidemment, on a parlé de diagnostic... Vous, vous l'attribuez, le faux diagnostic, davantage à de la comorbidité, c'est-à-dire qu'il y a... bien, vous avez mentionné, par exemple, trouble anxieux, on peut faire en sorte qu'il y ait plusieurs problématiques, et la conclusion du diagnostic va vers le TDAH, alors il faut un peu clarifier tout ça.

Mais on a entendu beaucoup des groupes précédents, évidemment, l'évaluation, l'observation qui est faite par les enseignants, par les parents dans la première étape vers le diagnostic, et j'ai eu l'occasion de dire à quel point tout le monde est de bonne foi, mais le parent qui est devant son enfant et qui veut cet enfant aille mieux, il a des préoccupations, il entend ce qui se passe et il veut qu'on trouve une solution. Or, la solution qui est devant lui, c'est souvent le traitement, le médicament.

Alors, quand vous dites qu'il y a des solutions à sensibiliser et peut-être même éduquer les parents, j'en suis, je trouve ça excessivement important, mais en même temps il faut tenir compte que, le parent, pour lui, il faut vraiment qu'il y ait une solution. Et, dans l'observation qu'il peut faire, parce qu'il a des outils devant lui... Moi, je vous parlerai tantôt du questionnaire de Conners, que vous avez questionné, d'ailleurs, qui n'est pas un test scientifique, bien, il est accessible pour les parents et les enseignants. Alors, quand la première étape du diagnostic... On a beau faire de la prévention, et c'est extraordinaire d'en faire, il faut en faire, mais quand même, malgré la prévention, réduire le temps à l'écran, stimuler l'activité physique, si après ça, dans la première étape d'évaluation, d'observation, on est devant la volonté d'avoir un diagnostic TDAH parce que c'est le mieux-être de l'enfant qui vit ça, comment on y arrive? Est-ce que ce que je vous dis, ça fait sens, c'est des choses que vous observez, le parent qui a vraiment, bien sûr, la volonté d'aller vers le diagnostic parce que son enfant souffre puis parce qu'il veut trouver une solution?

M. Falardeau (Guy) : C'est sûr que les médicaments, c'est une réponse rapide pour soulager l'enfant, alors que, justement, les services psychosociaux, qui sont de moins en moins disponibles, c'est une réponse à long terme.

Je voulais juste corriger une chose. Pour moi, la comorbidité, d'abord, ça existe. Comorbidité, ça veut dire que l'enfant a un TDAH et a, par exemple, un trouble anxieux, mais je pense que c'est beaucoup utilisé. Maintenant, dès qu'on a un enfant qui a un trouble anxieux ou un trouble oppositionnel, on crée un diagnostic de TDAH en comorbidité qui n'est pas là justement pour justifier la prescription de médicaments et pour agir.

Et vous pouvez comprendre, quand on est dans le bureau, qu'on a un enfant en souffrance, qu'on a des parents en souffrance, que c'est des grosses difficultés et que tout ce qu'on a à leur offrir, c'est un système qu'on sait qu'ils n'auront pas de services avant un an, la tentation de prescrire des médicaments est très forte, et c'est très facile de se trouver une raison pour les prescrire, mais il faut arrêter que les médecins cèdent à cette tentation-là en offrant d'autres services, d'autres services aux enfants et aux parents.

• (12 h 10) •

Mme Sauvé : Bien d'accord avec ce que vous dites. Effectivement, c'est le cycle vicieux, en fait. Et, quand on parlait de diagnostic, après ça on vient au traitement puis effectivement, vous venez d'en parler, c'est dommage, effectivement, que, dans le traitement, il n'y ait pas la juxtaposition, l'intervention psychosociale pour toutes les raisons que vous avez nommées — l'exode des psychologues dans le privé, le manque de ressources — parce que, dans les faits, le meilleur traitement, le traitement optimal... puis ça, les recherches le démontrent, on est capable de traiter l'enfant de façon beaucoup plus intéressante et importante quand on fait appel et aux médicaments et à l'intervention psychosociale, hein, ça monte de 60 % à 95 % dans bien des cas.

Donc, encore là, dans un monde idéal où on est vraiment à vouloir régler la situation et favoriser la double approche médicaments et intervention psychosociale, comment on change cette culture-là? Imaginons que les ressources sont au rendez-vous, imaginons que tout est en place. Le médecin qui prescrit, présentement, dans la pratique, il n'a pas souvent la référence vers l'intervention psychosociale.

M. Poulin (Pierre-Claude) : Moi, je dirais, dans ma pratique — ça fait 40 ans que je suis en pratique — il y a quelque chose qui a changé. C'est qu'au début, là, pour prescrire... parce que ça existe, le TDAH, là, puis on ne dit pas que ça n'existe pas...

Mme Sauvé : Oui, on est tous d'accord.

M. Poulin (Pierre-Claude) : ...puis il y a des enfants qui bénéficient clairement de la médication, mais, quand on voulait prescrire une médication à un enfant il y a 25 ans, il fallait se lever de bonne heure, là, il fallait avoir vraiment des bons arguments pour convaincre les parents de le faire. Aujourd'hui, on a l'impression que c'est le contraire, il faut avoir vraiment des bons arguments pour convaincre les parents que ce n'est peut-être pas nécessaire que leur enfant prenne une médication.

Puis je ne sais pas si vous avez remarqué — moi, ça a vraiment attiré mon attention — les données de l'INESSS, ils vous les ont présentées par région. Vous êtes députée de Fabre, dans la région de Laval, il y a 4,3 % de prévalence de consommation de psychostimulants, alors que — M. Gaudreault, je suis désolé, là, ça vous a piqué, mais c'est quatre fois la... — le championnat, c'est au Saguenay—Lac-Saint-Jean, avec 14 %. Donc, il y a des grosses différences interprovinciales. De quoi ça dépend? C'est une question de culture, d'acceptation de traitement avec une pilule pour des problèmes comme ça? Je n'ai pas la réponse, mais je me pose la question. Je pense qu'il faut faire une réflexion là-dessus.

Mme Sauvé : Vous avez raison. M. le Président, je vais céder la parole...

Mme Labbé (Valérie) : Puis il faut se rappeler que, pour la santé mentale des jeunes, on a une seule pilule... bien, une seule... on a une catégorie, qui sont les psychostimulants. Il y en a d'autres qui existent, mais ils sont très rarement utilisés. Pour l'anxiété, nous, on a encore comme formation — puis j'espère que ça va rester, aussi — que la première ligne, c'est plutôt de la psychoéducation, psychothérapie, et tout ça. Alors, on est vraiment beaucoup plus frileux à donner des antidépresseurs, des anxiolytiques, et, c'est ça, c'est une pilule pour tous les maux.

Le Président (M. Provençal)  : Je reconnais le député de Pontiac.

M. Fortin : Merci. Merci, M. le Président. Bonjour, bonjour à vous trois, merci d'être avec nous. Il y a deux moments, hein, il y a deux moments, essentiellement, là... parce qu'on parle de surconsommation, donc il y a le moment où il y a la prescription initiale puis il y a le moment où il y a le renouvellement de la prescription. Si on veut réellement diminuer, là, le nombre de... ou la consommation de façon générale... Et vous avez parlé de la difficulté, là, il y a quelques instants, vous avez parlé du... il y a un certain temps, c'était difficile de prescrire. Maintenant, c'est plus simple, disons, ou le parent s'attend à ça. Quand je regarde vos statistiques que vous nous avez amenées, chez les 10-12 ans, il y a 14 % d'enfants, disons, là, qui utilisent, qui consomment les médicaments pour le TDAH, et après ça on passe de 9,9 % chez les 13-17 ans. Alors, il y a un moment, nécessairement, où le médecin se dit : Je ne renouvelle pas pour cet enfant-là.

Mme Labbé (Valérie) : L'enfant ne veut plus le prendre.

M. Fortin : L'enfant ne peut plus le prendre?

Mme Labbé (Valérie) : Ne le veut plus. Il est ado, il ne le veut plus, il arrête.

M. Fortin : Oui, O.K., c'est lui qui ne le veut plus, ce n'est pas le médecin qui arrive à dire : Tu n'en as plus besoin.

Mme Labbé (Valérie) : Rarement, ça arrive.

M. Fortin : Mais comment ça pourrait arriver davantage? Bien, si c'est la bonne chose, cliniquement, à faire, là. Mais est-ce qu'il y aurait moyen de sensibiliser, je ne sais pas, moi, les médecins, justement, à faire un certain suivi, voir est-ce que l'enfant en a encore besoin? Est-ce que vous voyez quelque chose qui peut être fait de façon additionnelle pour que... Ça peut être légitime qu'on prenne un médicament pour le TDAH, mais peut-être, à un certain point, qu'on peut faire un certain «phasing out», là, disons, de cette utilisation-là. Est-ce que ça, c'est en place ou est-ce que les médecins font simplement prescrire jusqu'au point où, comme vous le dites, l'enfant n'en veut plus?

M. Falardeau (Guy) : Juste une remarque, c'est que les enfants... D'abord, les chiffres, les derniers chiffres, c'est 12,6 % chez les ados et non pas 9,9 %. Il faut comprendre que les ados d'aujourd'hui ont été... Et, quand ils étaient plus jeunes, c'était l'époque où on faisait moins de diagnostics et de faux diagnostics. Donc, je pense que c'est épidémique. Oui, il y a des ados qui ne veulent plus... Et je ne pense pas que la problématique est de prolonger les prescriptions parce que, dès que ça n'aide pas, l'ado est le premier à ne pas vouloir prendre les médicaments. La problématique est plus de faire des faux diagnostics, et ça augmente de plus en plus.

Et là on a même le problème des enfants aux garderies. On avait vu, je pense, c'est dans Le Journal de Québec, une mère qui s'est fait demander par sa garderie d'aller se faire prescrire des médicaments, et elle a constaté que cinq des neuf enfants dans son groupe étaient déjà médicamentés, et là on parle d'enfants de quatre ans. Alors, la problématique, elle va en augmentant. Et ce n'est pas la prolongation, je pense, qui est le gros problème, c'est le début, c'est la première prescription.

M. Poulin (Pierre-Claude) : Et, vous avez raison, on devrait essayer de l'arrêter. D'abord, les statistiques disent qu'il y a à peu près 50 % des jeunes chez qui les symptômes disparaissent ou s'amenuisent en vieillissant, assez pour qu'ils soient capables de fonctionner sans médication.

Puis il y a l'étude, la grosse étude sur le TDAH à laquelle vous vous êtes référés tantôt, quand vous parliez de l'efficacité de combiner le traitement psychosocial et... ça s'appelle l'étude MTA, elle a été poursuivie jusqu'à 25 ans, puis il n'y a aucune étude qui a démontré que c'était efficace à long terme, les psychostimulants, contrairement à ce qu'on pense. En fait, les gens, il y en a qui en prennent toute leur vie, mais il n'y a aucune étude qui a démontré que c'était efficace à long terme. Puis cette étude-là a démontré, même, qu'à long terme les enfants qui avaient toujours été exposés aux psychostimulants, à 25 ans, mesuraient quatre centimètres de moins. C'est quand même beaucoup, quatre centimètres, un pouce et demi de moins, en moyenne. On n'entend pas parler de ça, là.

M. Fortin : Je vous remercie. Ça va pour moi, M. le Président.

Le Président (M. Provençal)  : Nous passons la parole au député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Merci beaucoup, M. le Président. Merci pour votre présence. On a parlé un peu des causes, disons, les déterminants sociaux, là, qui peuvent favoriser l'émergence d'un trouble de déficit de l'attention ou d'un trouble apparenté puis d'un surdiagnostic, vous avez mentionné, bon, certaines inégalités économiques, le travail étudiant, l'hygiène de vie, l'absence de supervision parentale. Est-ce que vous sentez aussi, par exemple, ce que d'autres ont dit, la pression du parent-payeur, là, qui dit : Moi, je paie pour l'évaluation, donc je veux un diagnostic? Puis aussi, plus largement, quelles conclusions vous tirez sur ce qui, dans notre société, fait qu'on est rendus là, nous, ici, au Québec? C'est large, hein?

M. Poulin (Pierre-Claude) : Oui, c'est une grosse question. Bien, je pense qu'il y a plusieurs raisons, puis nous, on a fait attention de ne pas pointer un groupe en particulier. Puis on ne dit pas que c'est la faute des parents, on ne dit pas que c'est la faute des enseignants, on ne dit pas que c'est la faute des psychologues, des neuropsychologues, on ne dit pas que c'est la faute des médecins, mais il reste quand même que c'est nous autres qui les fait, les prescriptions, les médecins. Mais je pense que c'est la faute des médecins, c'est la faute des parents, c'est la faute des enseignants et c'est la faute des psychologues aussi, c'est la faute de tout le monde. Ça fait que je pense qu'il faut réfléchir puis se demander ensemble pourquoi on est rendus là. Il y a toutes sortes d'explications, puis il y a des explications qui sont spécifiques au Québec, là. Je le redis encore, dans le reste du Canada, ce n'est pas comme ça, là. Puis il semble que, dans la région de Montréal, ça soit beaucoup moins comme ça aussi. Est-ce que c'est des facteurs culturels?

Mme Labbé (Valérie) : 4 %

M. Zanetti : Je précise ma question. Quand vous avez, mettons, comme cliniciens, cliniciennes, des parents qui viennent puis qui disent : Mon enfant, il se passe ci, il se passe ça, trouvez une solution, qu'est-ce que vous sentez qui est l'inquiétude qui les mène à vouloir, mettons, là, que vous leur prescriviez des médicaments?

M. Poulin (Pierre-Claude) : Ça marche. Ça marche trop, en fait. C'est trop efficace, les psychostimulants. Si l'enfant, il bouge tout le temps, il est sur le bord de se faire mettre à la porte de l'école puis qu'on lui prescrit un psychostimulant avec un diagnostic de TDAH, ça va marcher, il va être plus calme. C'est trop efficace.

Mme Labbé (Valérie) : Ça marche la journée même que tu le prends.

M. Falardeau (Guy) : C'est très efficace. Et une des choses qu'on n'a pas dites, c'est le rôle des compagnies pharmaceutiques. Donc, il y a beaucoup de nouveaux médicaments et il y a beaucoup d'investissements, des millions qui sont investis dans les compagnies pharmaceutiques pour publiciser ces nouveaux médicaments là auprès des médecins. Et il faut savoir qu'au Québec la très grande majorité des formations médicales continues pour les médecins sont commanditées par des pharmaceutiques. Ça ne veut pas dire que les conférenciers sont biaisés, mais ça veut dire, quand même, que les médecins trempent dans... rencontrent des représentants pharmaceutiques.

Moi, il y a une compagnie qui est venue me voir pour me donner un outil pour faciliter le diagnostic de TDAH. Donc, c'était une feuille où il y avait la liste des symptômes, on n'avait qu'à les cocher, donc pas d'analyse de la quantité ou de la force du symptôme, il est là ou il n'est pas là, et il n'y avait pas du tout le reste. Mais les symptômes, ce n'est rien. C'est-à-dire, il faut s'assurer que les symptômes ne sont pas dus à de l'anxiété, que les symptômes ne sont pas dus à un problème affectif, un problème d'opposition, un problème de langage, etc., un problème trouble d'apprentissage. Mais, non, il voulait me faciliter la vie, et moi, je lui ai dit que la seule place où je pouvais mettre ça, c'était dans la poubelle, dans la récupération, et que c'était honteux d'offrir ça à des médecins. Mais les autres médecins, naïfs, souvent, bien, ils ont dit : Oui, c'est vrai, ça nous facilite le diagnostic. Oui, ça facilite un diagnostic, et donc de prescrire. Et évidemment, sur la feuille, bien, il y a le logo de la compagnie pharmaceutique, ça fait qu'on est porté à prescrire celui-là.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Je vais céder la parole, pour conclure, au député de Jonquière.

• (12 h 20) •

M. Gaudreault : Oui, merci. Bien, écoutez, moi, je veux vous féliciter parce que, si on est ici, comme commission parlementaire, c'est à cause de vous autres, c'est à cause du travail que vous avez fait, des deux lettres que vous avez écrites, et je veux vous dire que vous êtes la démonstration que ça marche, d'interpeler des députés, d'interpeler l'Assemblée nationale, contrairement à un certain cynisme ambiant où ce n'est bon rien, c'est juste des commissions parlementaires, faux.

Cependant, ça ne veut pas dire que votre travail s'arrête aujourd'hui. Moi, je continue de croire, en tout cas, en votre action puis la force de votre groupe, parce que, si, par exemple, on va vers un comité conjoint MSSS, ministère de l'Éducation, bien, il ne faut pas qu'il demeure sur une tablette, ce comité-là, puis il faut qu'il travaille. Alors, moi, je compte sur votre groupe, là, de 60, puis peut-être qu'il va augmenter, pour continuer de mettre de la pression sur ce comité pour arriver à des résultats.

J'aurais, évidemment, 1 000 questions à vous poser — il faut que j'en pose une, oui — il y a beaucoup de sujets qui ont été abordés par les collègues. Il y a un point que vous avez soulevé qui n'a pas été soulevé par les collègues. Vous êtes les premiers à nous dire de revoir les questionnaires. Alors, est-ce que vous pouvez détailler un petit peu plus? Puis il reste à peu près une minute, alors, c'est cruel, là, on n'a pas beaucoup de temps.

M. Poulin (Pierre-Claude) : Quand un médecin de famille demande une consultation d'un pédiatre, il y a trois questionnaires qu'on lui demande, soit le Conners, soit le Poulin ou soit le SNAP.

M. Gaudreault : Le Poulin, c'est vous, ça?

M. Poulin (Pierre-Claude) : Le Poulin, c'est moi, ça.

M. Falardeau (Guy) : C'est lui qui l'a créé, puis c'est un très bon questionnaire.

M. Poulin (Pierre-Claude) : Mais en fait il n'y a jamais eu de validation statistique, au Québec, de ces questionnaires-là, qui sont quand même importants, là, puis c'est un outil primordial dans le diagnostic qu'autant les médecins que les psychologues utilisent. Le Conners, il a été validé statistiquement aux États-Unis. Je pense que, si on commençait par faire une validation statistique au Québec, on pourrait voir, d'abord, à partir de ce questionnaire-là, est-ce qu'on a toujours 15 % de TDAH. Puis on devrait ramener la norme à deux écarts types, en fait, c'est ça, la norme du questionnaire de Conners, puis on pourrait faire la même chose avec le questionnaire de Poulin. Le questionnaire de Conners, il a des droits d'auteur. Le questionnaire de Poulin, ça va me faire plaisir de vous laisser la possibilité de faire une validation.

M. Gaudreault : Donc, c'est un mandat qu'on pourrait confier, entre autres, au comité conjoint, là, de...

M. Poulin (Pierre-Claude) : Ou à l'INESSS.

M. Gaudreault : ...mais même le comité, de s'assurer que ça se fasse puis...

M. Poulin (Pierre-Claude) : Oui. Ça me paraît vraiment important.

M. Falardeau (Guy) : Moi aussi.

Mme Labbé (Valérie) : Moi aussi.

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme Labbé (Valérie) : On est tous d'accord.

Le Président (M. Provençal)  : C'est beau. Alors, je remercie les Drs Poulin, Falardeau et Labbé pour leur contribution aux travaux de la commission et, je dirais même, pour être les initiateurs, d'une certaine façon, de cette commission-là.

Mémoires déposés

Avant de conclure les auditions, je procède au dépôt des mémoires des organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions publiques.

Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures, où elle poursuivra un autre mandat. Merci beaucoup de vous être déplacés.

(Fin de la séance à 12 h 22)

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