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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le mardi 12 novembre 2019 - Vol. 45 N° 39

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 43, Loi modifiant la Loi sur les infirmières et les infirmiers et d’autres dispositions afin de favoriser l’accès aux services de santé


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Table des matières

Remarques préliminaires

Mme Danielle McCann

M. André Fortin

M. Sol Zanetti

M. Joël Arseneau

Auditions

Conseil pour la protection des malades (CPM)

Collège des médecins du Québec (CMQ)

Association des infirmières praticiennes spécialisées du Québec (AIPSQ)

Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)

Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ)

Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ)

Fédération des médecins résidents du Québec (FMRQ)

Autres intervenants

M. Luc Provençal, président

Mme Marilyne Picard

Mme Suzanne Blais

Mme Paule Robitaille

*          M. Paul G. Brunet, CPM

*          M. Mauril Gaudreault, CMQ

*          M. Guy Morissette, idem

*          Mme Linda Bélanger, idem

*          Mme Claudia Houle, idem

*          Mme Christine Laliberté, AIPSQ

*          Mme Claudie Roussy, idem

*          Mme Isabelle Levasseur, idem

*          Mme Nancy Bédard, FIQ

*          M. Jérôme Rousseau, idem

*          M. Louis Godin, FMOQ

*          M. Marc-André Amyot, idem

*          M. Sylvain Dion, idem

*          Mme Diane Francoeur, FMSQ

*          M. Robert Charbonneau, idem

*          M. Christian Campagna, FMRQ

*          M. Patrice Savignac Dufour, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures six minutes)

Le Président (M. Provençal)  : Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je vous souhaite la bienvenue, et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 43, Loi modifiant la Loi sur les infirmières et les infirmiers et d'autres dispositions afin de favoriser l'accès aux services de santé.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Benjamin (Viau) est remplacé par Mme Robitaille (Bourassa-Sauvé).

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Nous débuterons ce matin par les remarques préliminaires, puis nous entendrons par la suite les organismes suivants : le Conseil pour la protection des malades et le Collège des médecins.

Comme la séance a commencé à 10 h 05, y a-t-il consentement pour poursuivre nos travaux au-delà de l'heure prévue, soit jusqu'à 11 h 50? Consentement? Merci.

Remarques préliminaires

J'invite maintenant la ministre de la Santé et des Services sociaux à partager ses remarques préliminaires. Mme la ministre, vous disposez de six minutes. La parole est à vous.

Mme Danielle McCann

Mme McCann : Merci, M. le Président. Alors, je veux saluer mes collègues députés du gouvernement, députés de l'opposition, aussi, qui sont ici présents aujourd'hui, les membres de l'équipe du ministère, M. le Président, et aussi de mon cabinet, qui travaillent très fort pour ce projet de loi.

Alors, mesdames et messieurs, je vous salue tous et je vous souhaite la bienvenue à l'étude du projet de loi n° 43, Loi modifiant la Loi sur les infirmières et les infirmiers et d'autres dispositions législatives afin de favoriser l'accès aux soins et aux services de santé.

L'accès aux soins et aux services de santé constitue l'une des pierres angulaires de tout système de santé. Or, au Québec, cet accès demeure problématique. Les infirmières praticiennes spécialisées pourraient contribuer davantage à améliorer la situation. Toutefois, certaines restrictions imposées par le cadre législatif et réglementaire qui régit l'exercice de la profession d'infirmière empêchent les infirmières praticiennes spécialisées de mettre à profit toutes les compétences qu'elles détiennent. Toutes les clientèles visées par la pratique des infirmières praticiennes spécialisées pourraient bénéficier de leurs soins et services, ce qui contribuerait à l'amélioration non seulement à l'accès aux services, mais aussi à la santé et au bien-être de la population du Québec.

L'objectif poursuivi par les modifications législatives proposées est d'améliorer l'accès aux soins et aux services de santé par une utilisation optimale des ressources professionnelles. À cet égard, le Collège des médecins du Québec a recommandé au gouvernement d'utiliser les outils législatifs à sa disposition pour préciser les rôles et les responsabilités des IPS et leurs conditions d'exercice en collaboration avec l'Office des professions du Québec et l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. Il a également proposé de transférer de la Loi médicale vers la Loi sur les infirmières et les infirmiers les activités pour l'encadrement de l'exercice des infirmières praticiennes spécialisées.

Les infirmières praticiennes spécialisées sont titulaires d'une maîtrise en sciences infirmières, d'un diplôme d'études supérieures spécialisées. La pratique des IPS se divise en cinq classes de spécialités — soins de première ligne, soins aux adultes, santé mentale, soins pédiatriques et soins en néonatologie — prévues au Règlement sur les classes de spécialités des IPS. Elles possèdent, dans leur champ de spécialité, des compétences de niveau expert qui leur permettent de répondre aux besoins de santé de la population.

À cet effet, le projet modifie la Loi sur les infirmières et les infirmiers afin d'accroître les activités pouvant être exercées par les IPS en leur permettant notamment de diagnostiquer des maladies courantes, de déterminer des traitements médicaux et d'effectuer le suivi de certaines grossesses. Il permet également à l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec de prévoir par règlement les conditions et les modalités applicables aux activités exercées par ces infirmières. De plus, le projet de loi modifie certaines lois du domaine de la santé notamment pour ajuster les fonctions des directeurs des soins infirmiers des établissements de santé et de services sociaux. Le projet de loi modifie également plusieurs lois et règlements pour, entre autres, étendre aux infirmières praticiennes spécialisées la possibilité d'effectuer certains examens ou d'accomplir certains actes jusqu'à présent réservés aux médecins, notamment en matière de santé et de sécurité du travail, d'aide aux personnes et aux familles, d'assurance automobile, de santé et de services sociaux et de services de garde éducatifs à l'enfance. De plus, le projet de loi propose diverses dispositions de concordance.

• (10 h 10) •

Par ailleurs, en permettant à l'IPS de poser un diagnostic pour les maladies courantes, d'en déterminer le traitement et de faire le suivi de certaines grossesses, les patients pourraient avoir accès plus rapidement aux traitements répondant à leurs besoins. En fait, l'IPS, en première ligne, pourrait prendre en charge un plus grand nombre de patients, ce qui, selon le ministère de la Santé et des Services sociaux, devrait se traduire par une réduction du nombre de personnes en attente de médecin de famille inscrites au guichet d'accès aux médecins de famille. L'absence de telles modifications aurait pour conséquence de maintenir le statu quo en matière d'accès aux soins et aux services pour la population.

Notons à cet effet que plus de 536 000 personnes sont présentement en attente d'un médecin de famille au Guichet d'accès et que le réseau de la santé et des services sociaux est également aux prises avec des enjeux en matière de prise en charge dans les établissements de santé. Sans changement législatif, le réseau de la santé et des services sociaux ne pourra pas compter sur le soutien des IPS pour contribuer à solutionner ces problèmes.

Aujourd'hui, il est temps de mettre en place des actions pour faire en sorte que les activités professionnelles des IPS soient en adéquation avec les besoins de la clientèle ou du système de santé. Comme vous le savez, les besoins sont grands en santé et y répondre représente un énorme défi. Le présent projet de loi traduit ici notre volonté de décloisonner les professions en santé afin de permettre l'utilisation optimale du champ d'exercice de chaque professionnel, une pratique collaborative favorisant une synergie essentielle à l'atteinte de la prise en charge des patients.

Nous avons ici l'opportunité de mettre à profit les compétences des infirmières praticiennes spécialisées. Leur permettre de poser des diagnostics et d'établir des plans de traitement associés fera en sorte que les infirmières praticiennes spécialisées contribueront davantage à l'offre de services du réseau. C'est une occasion qu'il ne faut pas manquer, avant tout au bénéfice de la population. Merci, M. le Président, et je nous souhaite d'excellents échanges sur cet important projet de loi.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, Mme la ministre. J'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle et député de Pontiac à nous exposer ses remarques préliminaires pour une durée de quatre minutes. La parole est à vous, M. le député.

M. André Fortin

M. Fortin : Merci. Merci, M. le Président. Bonjour à vous. Bonjour à tous les collègues qui sont ici avec nous aujourd'hui.

Je vous le dis, M. le Président, je pense qu'on l'a déjà dit, mais on accueille avec ouverture le dépôt du projet de loi et le début des consultations, aujourd'hui, avec les différents groupes, qui, de toute évidence, sont intéressés par le projet de loi mais ont des points de vue très valables à nous partager.

Je suis d'accord avec la ministre sur beaucoup de ce qu'elle a avancé lors de ses remarques préliminaires, notamment sur le fait que les infirmières praticiennes spécialisées contribuent grandement, aujourd'hui, elles contribuent déjà grandement dans notre société par les patients qu'elles voient, par la plus grande disponibilité qu'elles permettent au niveau des médecins de famille, par l'approche collaborative qu'elles ont avec beaucoup, justement, de ces médecins-là. C'est des cliniques qui sont organisées partout au Québec pour que les IPS aient un rôle particulier à jouer et qu'elles puissent utiliser leurs connaissances dans le maximum qui est permis par la loi en ce moment. Et elles peuvent en faire plus, elles peuvent en faire plus, mais pour ça elles ont besoin d'un projet de loi, elles ont besoin de modifications à la loi afin qu'il leur soit permis d'en faire plus.

Alors, on accueille avec ouverture le projet de loi, parce que les infirmières praticiennes spécialisées, ce sont des hommes et des femmes... des femmes surtout, mais des hommes et des femmes de coeur, des gens qui ont une formation importante, des gens qui peuvent en faire davantage. Alors, on accueille favorablement le principe de base de dire qu'elles pourraient diagnostiquer des maladies courantes, qu'elles pourraient faire des suivis de grossesse, ce que pas toutes les femmes au Québec ont l'opportunité d'avoir en ce moment dans le réseau actuel, qu'elles puissent déterminer des traitements médicaux, qu'elles puissent contribuer davantage et faire en sorte également de libérer un peu de temps pour les médecins, qui, eux, veulent pratiquer la médecine avec des cas peut-être un petit peu plus spécialisés.

Alors, M. le Président, on va vouloir entendre, cependant, la plupart... on va vouloir entendre les préoccupations de beaucoup des groupes qui vont venir. Et il y en a qui ont déjà commencé, M. le Président, à nous faire part de leurs préoccupations, on l'a vu dans les médias ce matin et on le voit au détail des mémoires qui nous sont présentés, mais ils ont des préoccupations qui sont légitimes, ils ont des préoccupations qui sont bien réelles, à savoir comment on va encadrer ces pouvoirs-là additionnels qui seraient permis aux infirmières praticiennes spécialisées. Alors, il faudra se pencher collectivement, et j'ai bon espoir qu'on va le faire, sur chacune de ces préoccupations-là, ne serait-ce que pour s'assurer que le patient y trouve son compte, ne serait-ce que pour s'assurer que la qualité des soins aux patients, elle est la meilleure possible, ne serait-ce que pour s'assurer qu'on utilise, dans notre réseau, des infirmières praticiennes spécialisées au maximum de leurs capacités, et je pense que c'est l'objectif commun qui est recherché par tout le monde aujourd'hui.

Alors, M. le Président, je ne m'étendrai pas davantage sur les remarques d'ouverture, mais disons que nous avons très hâte d'entendre les groupes qui sont ici avec nous aujourd'hui.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. J'invite maintenant le porte-parole du deuxième groupe d'opposition et député de Jean-Lesage à faire ses remarques préliminaires pour une durée d'une minute. Je vous cède la parole.

M. Sol Zanetti

M. Zanetti : Merci beaucoup. Alors, on est contents de pouvoir travailler sur un projet de loi qui est un pas dans la bonne direction pour ce qui est de la délégation d'actes, des actes médicaux dans le système de santé québécois. Pour nous, ce projet de loi, toutefois, devrait aller plus loin et soustraire les infirmières à la tutelle des médecins, qui demeure dans le cadre de ce projet-là. On sait aussi qu'il va y avoir des rémunérations importantes qui vont être proposées pour la surveillance, si on veut, des IPS par les médecins de l'ordre de 60 000 $ à peu près. Et donc ça, c'est quelque chose sur lequel on va proposer, évidemment, des amendements, et on a bien hâte d'entendre tout le monde à ce sujet.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. J'invite, à ce moment, le porte-parole du troisième groupe d'opposition et député des Îles-de-la-Madeleine à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale d'une minute. C'est à vous.

M. Joël Arseneau

M. Arseneau : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, nous, on salue, encore une fois, là, le dépôt de ce projet de loi qui vise à accroître l'autonomie et les actes des infirmières praticiennes spécialisées. C'est un pas de plus vers le décloisonnement des professions dans le domaine de la santé pour rendre les services plus accessibles aux soins de santé pour les citoyens, et c'est une bonne nouvelle, c'est ce que notre formation politique souhaitait faire également. Donc, on va certainement contribuer à l'avancement des discussions dans ce projet de loi.

Néanmoins, il y a quelques éléments, pour nous, qui devront être éclaircis. On remarque que, dans le projet de loi, il y a certaines barrières qui nous semblent contre-productives pour, justement, ouvrir à davantage de responsabilités les infirmières. Les six caractéristiques cumulatives, pour nous, semblent des barrières à l'exercice plein et entier des responsabilités par les IPS, donc on regardera ça de très près pendant le projet de loi. Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, M. le député, pour ces remarques préliminaires.

Auditions

Nous allons maintenant débuter les auditions. Je souhaite la bienvenue aux représentants du Conseil pour la protection des malades. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé. Je vous cède la parole.

Conseil pour la protection des malades (CPM)

M. Brunet (Paul G.) : M. le Président, bonjour. Mme la ministre, messieurs dames les membres du gouvernement, Paul Brunet, du Conseil pour la protection des malades. Je suis accompagné de ma collègue Mme Ginette Boisvert, membre du conseil d'administration depuis longtemps, membre de comité d'usagers dans le Centre-du-Québec—Mauricie.

Le Conseil pour la protection des malades existe depuis 45 ans. C'est à peu près 200 mémoires produits ici depuis toutes ces années grâce à feu Claude Brunet, qui a fondé le conseil. C'est important que vous nous invitiez, et on est très heureux d'être ici. Nous avons aussi comme affiliés 200 comités d'usagers et de résidents militants. Pas des clubs sociaux, pas des tables de discussion, des militants, parce que c'est ça, l'oeuvre et la mission la plus importante des comités, défendre les droits des gens à recevoir des soins, chacun, chacune dans les établissements où ils oeuvrent. C'est ça, la principale job des comités. Je le sais parce que c'est mon frère Claude qui l'a fait insérer dans la loi dans les années 70. Alors, c'est ça que l'on fait, et c'est ça que nos comités font, et on est très contents, toujours dans le respect de la loi et des autorités, ai-je besoin de le préciser.

Succinctement, je ne répéterai pas ce que nous avons écrit dans notre mémoire, mais, on en conviendra, on n'a pas avancé beaucoup sur l'accès à des soins de première ligne depuis 10 ans. Je vous propose quelques références, dans notre mémoire, où on est encore à peu près, pour les urgences mineures des patients ambulatoires, environ cinq heures d'attente en moyenne. Ça n'a pas bougé beaucoup si je me fie aux chiffres et aux études que je cite dans le document.

• (10 h 20) •

Saluons l'avancée de ce gouvernement, de la nouvelle ministre. Ce n'est pas une question de marge budgétaire, là. Autoriser les infirmières praticiennes à en faire plus puis en faire mieux, là, les libéraux ne peuvent pas dire que c'est parce qu'ils vous ont donné de l'argent de plus pour le faire. Ça prenait une volonté politique, que l'on réclamait depuis une dizaine d'années. C'est vous qui êtes en train de le réaliser pour vrai. Ça fait du bien, des vraies affaires qui sont faites pour vrai. Ouf! Merci.

Je continue. Une préoccupation, si je peux me permettre. Je ne suis pas un spécialiste des questions de nursing, c'est pour ça que j'ai reproduit ce que j'ai trouvé dans ma recherche Internet en anglais sur ce que font les autres «nursing practitioners», pour être sûr que je n'irais pas dans les nuances et surtout que je ne traduirais pas mal ce que les autres font. Mais j'espère que nos infirmières praticiennes, qui sont aussi, au moins, compétentes que toutes les autres au Canada, vont avoir la même marge de manoeuvre, la même autorité, la même délégation d'autorité et d'actes que les autres.

Par exemple, je pense aux «nurse practitioner-led clinics». Est-ce qu'on va avoir ce que ça prend pour que les infirmières praticiennes puissent ouvrir des cliniques de nursing, de soins de première ligne? J'espère, Mme la ministre, que vous allez faire ça. Ça fait tellement longtemps qu'on en parle. Vous allez, en faisant ça, en tout cas, à mon avis, enfin percer le mystère et la rétention dont sont l'objet les infirmières, les infirmières praticiennes, depuis toutes ces années.

Imaginez-vous que la Nurse Practitioners' Association de l'Ontario a été fondée en 1973. La nôtre sera probablement fondée, si elle ne l'est pas déjà, dans les prochains mois. C'est 40 ans, 40 ans qu'on s'est fait tenir en se faisant dire : Ça prend un médecin. Enfin, vous le faites, et je vous salue. Je n'en reviens pas encore comment on avance à pas de géant malgré toutes les promesses puis les affaires qu'on s'est fait dire depuis toutes ces années. Alors, l'antériorité montre qu'il est urgent d'agir, et je salue votre geste.

Aussi, je l'ai dit, sur ce que les infirmières praticiennes seront autorisées à faire, je ne suis pas un spécialiste de la question, je ne l'ai pas décortiquée puis je ne suis pas allé dans les règlements, mais espérons, je vous en prie, que nous ayons les mêmes délégations puis les mêmes autorités. Ça va peut-être représenter un autre combat avec nos amis les médecins et ceux qui les représentent, parfois envers et contre leur propre serment de servir et de donner accès aux soins aux patients, mais vous aurez un appui, en tout cas, chez le Conseil pour la protection des malades.

Un avertissement, aussi, que je lisais de la part des filles de la Colombie-Britannique, qui disaient : Faites attention, nous autres, ça a pris 10 ans avant d'être vraiment intégrées au réseau. Alors, je soupçonne qu'il faut que ça vienne vraiment d'en haut, et à tous les instants devrez-vous insister, pousser sur la machine pour que ces femmes d'expérience, ces expertes-là du nursing soient intégrées dans le réseau et puissent faire tout ce qu'il y a à faire pour faire avancer l'accès aux soins et aux soins de première ligne pour les patients. C'est une priorité dont on parle depuis 10 ans, et je pense qu'avec ce geste-là et d'autres dont on s'est parlé, d'ailleurs, déjà, vous allez enfin briser cette barrière aux patients qui, malgré... Comme le disait un ancien ministre de la Santé, il y a 500 000 patients de plus enregistrés auprès d'un médecin de famille. Les venues, les allées à l'urgence pour les patients ambulatoires n'ont pas vraiment diminué, on parle de 40 000 ou 50 000 patients ambulatoires de moins. Alors, ça et d'autres affaires, j'espère, comme celle-ci qui est très importante, permettront enfin à plus de patients d'accéder aux soins de première ligne sans avoir à attendre cinq heures, comme les derniers chiffres le montrent.

Alors, j'ai cité ce que j'ai trouvé que les infirmières des trois autres provinces font et, j'espère, que les nôtres feront... et sont autorisées à faire la même chose. Je lisais, sur le site Internet de la British Columbia Nurse Practitioners, qui disait : «[The] NPs — nurse practitioners — were first introduced into British Columbia health care system to increase access to primary care and [to] provide a more seamless patient experience...» C'est ça dont on parle, c'est exactement de ça dont on parle ici, l'accès aux soins de première ligne. Alors, il y a des gens, il y a des provinces qui l'ont fait avant nous autres, et, bien qu'on puisse être distincts, je ne vois pas comment on devrait l'être plus, rendus en 2019, à ce titre.

Et je rappelais l'avertissement où les gens de l'association nous disent : Ça a pris 10 ans, puis, même, on commence à peine à être intégrés au réseau. Alors, ça va prendre vraiment une force de la part de l'autorité ultime du ministère pour vraiment pousser sur la machine et tous ceux et celles que vous connaissez déjà, dont les syndicats... ou plutôt, les fédérations ont retenu jusqu'à maintenant. Il faut vraiment pousser dans la machine pour que ces femmes-là, surtout, ces infirmières praticiennes soient intégrées et, comme je le propose à la page 6, soient autorisées aussi. Je ne suis pas certain que c'est le cas, mais il faut que ces femmes-là puissent ouvrir des cliniques infirmières, une autre porte d'accès aux soins de première ligne. Ça fait des années qu'on parle de ça avec nos syndicats de médecins. Je ne dis pas qu'ils sont les seuls responsables, mais je n'ai pas vraiment vu de mouvement, de geste concret, lourd pour permettre un meilleur accès aux soins de première ligne. Et je pense qu'en faisant ce que vous faites aujourd'hui on va faire un grand pas vers cet objectif.

Aussi rappeler qu'il faut que le projet de loi prévoie les responsabilités des uns et des autres, des unes et des autres pour que chacun, chacune soit bien dans les responsabilités qui lui seront confiées et que tout le monde assument leurs responsabilités professionnelles, comme la loi le prévoit.

Remarques finales. La ministre de la Santé, Mme McCann, et sa collègue aux Aînés, Mme Blais, ont tout un défi à relever, on en convient. Le réseau de la santé est une importante organisation qui mérite souvent mieux que ce qu'on en dit. L'histoire récente, empreinte de plusieurs bouleversements — «lean management», réforme Barrette et tutti quanti — n'ont pas donné les résultats escomptés. Oeuvrer à de meilleures actions concrètes sur le terrain, en n'oubliant jamais que le patient, l'usager, le résident est la raison d'être du réseau, va certainement améliorer la situation.

Nous apprenons aussi, et l'avons vu et entendu, que, depuis leur arrivée en poste, les ministres écoutent, consultent plus et mieux celles et ceux qui livrent la mission du réseau. Nous nous en réjouissons. L'autorité, rappelons-le, vient en effet de la collaboration et jamais — l'a-t-on tristement expérimenté sous l'ancienne administration — la collaboration ne vient-elle de l'autorité imposée. Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Merci pour votre exposé. Nous allons commencer la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous. Vous avez 16 min 30 s.

• (10 h 30) •

Mme McCann : Merci, M. le Président. Alors, je veux vous saluer, M. Brunet, Mme Boisvert aussi, saluer aussi, M. Brunet, ce que le Conseil de la protection des malades fait, a fait dans le passé, continue de faire pour les patients, les usagers du Québec. Je tiens à le dire, je tiens à le souligner, M. Brunet, depuis des années, suite, évidemment, à l'incitatif de votre frère, ce que vous faites pour les usagers du Québec est fondamental. Et soyez assuré que nous voulons que tout le monde travaille avec vous, avec les comités des usagers, qui, vous avez raison, sont des acteurs majeurs dans le réseau de la santé et des services sociaux du Québec, et nous entendons bien qu'ils jouent leur rôle pleinement.

Vous avez raison, ça fait des décennies que ce que nous tentons de faire par ce projet de loi, c'est fait ailleurs au Canada, dans d'autres provinces, et vous l'avez bien situé, vous l'avez bien dit. Alors, moi, ce que je dis : Effectivement, le Québec est en retard, mais on n'a plus le choix, vous avez raison, on n'a plus le choix d'avancer et d'avancer de façon maximale et optimale parce qu'on a une population vieillissante. À chaque année, 60 000 personnes de plus de 65 ans s'ajoutent à notre population, il faut en prendre soin. Et là-dessus il y a un pourcentage important qui vont être en perte d'autonomie, et nous devons absolument prendre soin de ces gens. Et, vous avez raison, c'est des modalités d'optimisation des compétences du personnel, on mise beaucoup là-dessus, et en même temps c'est une valorisation de la profession. Ça aussi, c'est important pour notre personnel infirmier. Alors, cet accès-là, c'est au coeur de ce que nous voulons faire comme gouvernement, et nous ne lâcherons pas tant que ça ne sera pas fait le plus possible au Québec pour rattraper, vraiment, les autres provinces, il faut le dire, et pour offrir un meilleur accès aux personnes qui attendent encore trop longtemps, comme vous le dites.

Alors, moi je suis intéressée, évidemment, à vous poser quelques questions sur ce que vous avez avancé. Ça m'intéresse beaucoup, les points que vous avez avancés, M. Brunet. Quand vous parlez des «nurse practitioners' clinics»... C'est sûr qu'au Québec on a un modèle très interprofessionnel, interdisciplinaire. On a beaucoup axé, je pense, avec raison, sur l'interdisciplinarité, sur le travail, et nous, comme gouvernement, le travail de collaboration entre les professions. C'est sûr qu'il y a des IPS beaucoup dans les GMF. Actuellement, une grande partie sont en première ligne, la majeure partie sont en GMF. Il y en a quelques-unes, au Québec, en CLSC et il y en a aussi en deuxième ligne. Ce n'est pas la majorité, mais il y en a, et elles jouent un rôle très important en deuxième ligne dans les hôpitaux, etc. Mais j'aimerais vous entendre, là, quand vous parlez des «nurse practitioners' clinics» au Québec, là. Au Québec, on a du potentiel interdisciplinaire intéressant dans les GMF, mais même à l'extérieur des GMF, en CLSC. Est-ce que ça serait indiqué d'avoir davantage d'IPS en CLSC? Les CLSC et les GMF, là, doivent travailler ensemble, là. Ce n'est pas parce qu'on est extramuros, là, qu'on ne peut pas travailler ensemble, surtout avec les moyens technologiques qu'on a aujourd'hui, là. Je voudrais vous entendre là-dessus. Voyez-vous un modèle en lien avec ce que vous avancez, M. Brunet, le modèle de l'Ontario?

M. Brunet (Paul G.) : En fait, sans être un spécialiste du sujet, mais pour entendre et avoir entendu, oui, des spécialistes des fédérations de médecins chez qui je suis allé récemment, beaucoup de gens ne vont pas au CLSC, beaucoup de gens se rabattent à l'urgence pour la moindre urgence mineure, on le sait, c'est documenté. Il faut offrir le plus possible d'autres endroits et le dire, le communiquer. Des gens à la FMOQ me disaient : Paul, il y a des plages horaires où les patients ne viennent pas. Oui, mais leur dites-vous? Il ne faut pas être passif, il faut aller au-devant des patients. Il faut les prévenir, il faut les informer, il faut faire de la publicité quand il y a une nouvelle unité de soins. Surtout pour les soins ambulatoires qui sont ouverts, il faut le dire.

Le gestionnaire qui a parlé de ça, à Notre-Dame, il s'est fait rabrouer, je pense, mais lui, il disait : Moi, dans ma clinique externe, à Notre-Dame, là, il n'y a personne, on cherche les patients. L'avez-vous dit? Il y a des gros posters : La fondation du CHUM attend votre argent. Oui, mais ça serait le fun de voir des posters dire : Venez à notre clinique, elle est ouverte, il n'y a pas grand monde. Tout le monde va au CHUM, personne ne va à Notre-Dame. Il faut informer le patient, pas juste sur la fondation de l'hôpital.

Alors, il y a beaucoup d'informations qui manquent. Et, pour moi, les cliniques d'infirmières praticiennes, que ces dames-là pratiquent en CLSC ou en GMF, ce qui m'importe, c'est qu'on ouvre le plus possible d'alternatives au patient et surtout qu'on l'en informe. Beaucoup d'informations sont manquantes.

Et je pense qu'avoir un autre site où des femmes, comme ça se fait ailleurs au Canada, reçoivent des patients... Il y en a un ici, dans la Basse-Ville, que, je pense, M. Barrette a fait fermer, corrigez-moi, mais c'étaient des infirmières qui recevaient des urgences mineures. Il faut qu'on offre d'autres alternatives aux patients, et ce n'est pas vrai que ça prend toujours un médecin pour avoir une clinique, à mon avis.

Mme McCann : M. Brunet, d'ailleurs, votre exemple est intéressant, c'est la clinique SABSA, qui n'a pas fermé, qui est demeurée ouverte. On l'a soutenue, comme gouvernement. À mon arrivée, là, je me suis penchée sur la situation, puis on a donné de l'aide à cette clinique-là. C'est un modèle unique, hein, au Québec, je pense que vous le savez, où est-ce qu'il y a des infirmières praticiennes spécialisées et qui ont un lien avec un médecin, mais qui n'est pas à l'intérieur, là, des murs, on va le dire comme ça, parce qu'on agit toujours dans le cadre actuel, là, évidemment, là, de la loi actuelle et des règlements.

Mais effectivement je pense que... J'espère saisir votre point, puis il est majeur. Moi, depuis mon arrivée, là, c'est effectivement souvent que je discute de ça, de dire comment informer les citoyens de nos services, c'est une trame de fond. Surtout, en même temps, en plus, avec les réformes qu'on veut faire, il va falloir encore plus s'atteler à bien informer la population.

La situation à l'Hôpital Notre-Dame est un peu particulière, mais il faudrait, vous avez raison, là, diffuser davantage l'information pour aider le CHUM aussi, là, qui reçoit... vraiment aider la population. Il y a une autre porte d'entrée, là, qui est là pour eux. Puis, je dois vous dire, moi, je suis allée à l'Hôpital Notre-Dame visiter, là, puis l'équipe, là, est à pied d'oeuvre là-dessus, mais votre point est essentiel, la communication avec la population.

Je reviens au travail des IPS. Avec ce que vous entendez, là, des personnes qui sont à votre organisation, des usagers, comment les gens vous parlent des IPS, actuellement, en termes d'intégration dans les équipes, là, avec les médecins, avec les autres professionnels? Moi, je ne veux pas biaiser votre réponse, M. Brunet, mais je vais quand même vous dire que je reviens d'une tournée au Québec, puis, dans certaines régions, là, la différence, c'est la présence d'une IPS. Dans certains secteurs sur la Côte-Nord, là, ce sont des IPS qui sont là, parce qu'on manque de médecins, actuellement, au Québec. Puis il y a des travaux à faire. Évidemment, on a d'autres travaux qui se font à ce niveau-là. Les médecins de famille, on en manque, actuellement. On manque de main-d'oeuvre dans certains secteurs, comme la Côte-Nord puis d'autres régions, et ce sont les IPS...

Et, je vais vous dire, moi, j'ai rencontré des citoyens qui m'ont dit : Vous êtes mieux de ne jamais toucher à mon IPS, hein, parce que vous allez vraiment recevoir une lettre de cabinet. Il y a eu beaucoup d'évolution. La population, maintenant, reconnaît la valeur des infirmières praticiennes spécialisées. Mais je veux vous demander qu'est-ce que vous entendez par rapport au travail conjoint de collaboration entre les médecins, les infirmières praticiennes et les autres professionnels.

M. Brunet (Paul G.) : Outre la réticence de certains groupes de médecins, je n'entends pas un patient me dire : Moi, l'IPS a fait ceci ou l'IPS a fait cela. Ce dont les patients se plaignent, et les plaintes que l'on reçoit, c'est l'accès. Quand ils vont comprendre, parce qu'on va leur avoir expliqué puis on va les avoir informés, qu'il y a des infirmières praticiennes qui peuvent les accueillir dans une clinique, dans un GMF pour accélérer, augmenter l'offre de soins pour les patients ambulatoires, c'est là où ils vont voir la différence. Ils la voient dans les régions, parfois dans des régions éloignées où, si ce n'était de la présence d'une IPS, il n'y aurait pas de soins, littéralement. Alors, je pense que c'est une avenue importante. Mais je n'ai pas entendu d'usagers me dire quelque chose pour ou contre une IPS, ce dont ils se plaignent, c'est de ne pas avoir accès à un médecin ou à des soins, surtout pour des soins de première ligne, où les IPS pourraient très bien faire le travail, de ce que je comprends du projet de loi et de ce qu'il est possible de faire, comme elles le font, d'ailleurs, en région.

Quand on s'est rencontrés, vous m'avez même parlé de télémédecine. Ça existe déjà. Il y a des entreprises qui offrent, avec des médecins, des infirmières, des soins via la vidéoconférence. On pourrait régler 30 %, 40 % des urgences mineures. Ce n'est pas rien, ça, c'est presque 1 million de patients de moins dans les urgences, parce que la médecine évolue, parce que l'accès évolue et parce qu'on s'en va là tranquillement. On n'aura pas le choix que de commencer à en parler, mais je sais que vous m'en avez parlé quand on s'est vus. C'est une des voies de l'avenir, surtout pour les gens qui ont besoin d'être vus pour des soins mineurs ou des diagnostics et des prescriptions pour un soin de première ligne.

Mme McCann : Mais, vous, M. Brunet, là, j'aimerais vous entendre un peu plus explicitement. Vous dites, dans le fond, que notre projet de loi ne va pas assez loin, vous regardez le modèle ontarien puis vous regardez ailleurs au Canada. Pouvez-vous nous dire plus spécifiquement où est-ce que le projet de loi ne va pas assez loin?

• (10 h 40) •

M. Brunet (Paul G.) : Je ne sais pas, les cliniques infirmières, moi, je ne les ai pas vues, là, dans les affaires que j'ai vu décrites. Pourquoi il n'y en aurait pas ici, alors qu'il y a en Colombie-Britannique puis en Ontario depuis 10, 20 ans? Ils ont fait la job, là. Il y a des patients Québécois qui habitent proche de l'Ontario puis ils s'en vont en Ontario voir une IPS parce que ça va plus vite.

C'est juste l'offre de soins, là. Tu sais, encore une fois, je ne suis pas médecin, je ne suis pas clinicien, j'opère, par exemple, dans mon organisation, mais c'est donner accès au monde. Tu sais, M. Barrette, puis je suis sûr qu'il était bien intentionné, a dit : On va enregistrer 500 000 patients de plus. Oui, mais comment ça se fait que ce 500 000 patients de plus enregistrés auprès d'un médecin de famille ne s'est pas répercuté dans la baisse de la venue de patients ambulatoires dans les urgences? Bon, on s'obstine, là, c'est 40 000 ou 75 000 de moins, mais il y a toujours bien 400 000 autres patients qui sont inscrits puis qui continuent de venir à l'urgence.

C'est de donner des moyens, des alternatives à l'accès puis d'informer la population, et, pour ça, je pense, je vous soumets... Je ne sais pas ce que vous allez faire, d'ailleurs, avec les supercliniques, mais c'était une autre alternative, et on a appuyé l'ancien gouvernement sur les vraies supercliniques, là, des miniurgences où on accueillait des gens, pas des miniurgences où on renvoyait les gens à l'urgence pour passer des tests ou passer des radiographies. Alors, ces supercliniques-là, il s'en est ouvert, et certaines sont très fonctionnelles, et il faudrait aussi les encourager, mais, encore là, il faut le publiciser.

Il faut donner accès aux gens à des soins de première ligne. Comment on va le faire? Vous avez là, certainement, un pas extrêmement important de franchi. Mais je vous propose que la clinique qu'il y a dans le bas de la ville, ici, à Québec, se multiplie, parce qu'il y a des femmes, surtout, mais il y a des hommes, je présume, infirmiers et infirmières praticiennes, qui sont extrêmement dévoués, et je pense qu'elles et ils pourraient jouer un rôle extrêmement important dans l'accès aux soins de première ligne. Et je vous encourage, mais je comprends que vous avez déjà fait un grand pas.

Puis ce n'est pas facile de discuter avec tous ces groupes qui sont habitués depuis, «my God», 100 ans à avoir l'exclusivité. C'est fini, ça. «The old boys' club», c'est fini, et nous nous en réjouissons, parce qu'il n'y a pas juste eux autres qui peuvent soigner les patients, surtout pas pour des urgences mineures.

Mme McCann : Bien, en tout cas, M. Brunet, vos messages sont importants. Et je pense qu'avec ce projet de loi et un autre qui chemine actuellement, là, au niveau des pharmaciens, les travaux qu'on fait pour changer le mode de rémunération des médecins de famille, avec lesquels on travaille avec la Fédération des médecins omnipraticiens, l'ouverture du Collège des médecins du Québec, le travail en partenariat entre les ordres professionnels, on arrive à une autre étape, et elle est essentielle, je le répète.

Et je sais que vous le savez, mais je le répète, que nous n'avons pas le choix, à ce moment-ci dans notre histoire, de faire tout ce qu'on peut parce qu'on a une pénurie de main-d'oeuvre. Alors, il faut vraiment enlever toutes les embûches à ce que tout le monde déploie toutes ses compétences, parce que c'est ça qui va faire en sorte qu'on va pouvoir s'occuper de notre population, de nos usagers.

Alors, je vous remercie de vos commentaires. Je ne sais pas si, M. le Président, on a du temps pour une autre petite question.

Le Président (M. Provençal)  : Une minute.

Mme McCann : Il y a la députée de... excusez-moi, M. le Président, la députée de Soulanges, peut-être...

Le Président (M. Provençal)  : Il n'y a pas de problème. Mme la députée de Soulanges.

Mme Picard : Oui, merci beaucoup pour vos témoignages, ils sont superimportants. En fait, au niveau de vos patients que vous consultez, pour vous, quel est le majeur problème en première ligne? Sur quels points on devrait vraiment, là, plus focusser en ce moment?

M. Brunet (Paul G.) : Votre question ressemble à celle que le Dr Godin m'a posée récemment, et puis je ne pense pas qu'il m'en veuille que je la redise ou que je la cite, et je le cite : Recevoir le patient, l'écouter, prendre un peu plus de temps à l'écouter. L'ancien président du collège, Dr Lamontagne, disait : Paul, il n'y a pas de tarif pour écouter les patients, ça fait partie de la prestation de soins, d'écouter le patient.

Tu sais, il y a des études américaines, puis le Collège des médecins me disait que ça s'appliquait aussi au Québec... lorsque le médecin interrompt le patient après 45 secondes et il regarde plus son écran que le patient, il y a tout un défi. Puis je sais qu'on est dans une société où tout va très vite, mais l'écoute, accès à un médecin, accès à des soins... Et moi, quand je parle à des usagers, je leur dis : Tu sais, il y a des infirmières, il y a du monde qui peut vous aider en CLSC, en GMF. Alors, il faut propager ça avec cette loi-là, quand elle sera en vigueur, pour que les gens aient plus... mais en général c'est le problème d'accès.

L'autre problème, c'est l'abandon du patient. Des fois, des patients avec de multiples maladies chroniques se font dire — en tout cas, ceux que l'on a reçus : Il m'a dit que, là, lui, il ne faisait plus ça puis il ne s'occupe plus de ça. J'ai rappelé à la FMOQ récemment qu'ils ont une obligation déontologique de ne pas abandonner le patient. Il faut que tu réfères le patient à un autre médecin, une autre médecin. Si toi, tu sens que tu as atteint la limite de ce que tu pouvais faire pour le patient ou de ce que tu voulais faire pour le patient, tu as le droit, mais tu ne peux pas abandonner le patient. J'ai beaucoup de plaintes d'abandon. Quelle honte qu'un médecin abandonne son patient sans le référer. C'est pourtant une obligation déontologique de l'accueillir ou de le référer.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, Mme la ministre. Maintenant, je cède la parole au député de l'opposition officielle, M. le député de Pontiac.

M. Fortin : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Brunet, Mme Boisvert. Merci d'être avec nous. Puis je trouve ça intéressant que vous soyez les premiers invités à la commission. Qu'on pense aux patients d'abord et avant tout, là, en tant que commission, je trouve ça intéressant. Et je suis un peu comme vous, là. Vous avez dit, tantôt, là : Moi, je ne suis pas un médecin et je n'ai pas travaillé dans le réseau. Moi non plus, je ne viens pas du réseau de la santé. Donc, on va prendre l'optique patient, c'est celui qu'on connaît, c'est celui que vous voyez au comité des usagers, Mme Boisvert aussi. Alors, prenons l'angle patient, puis là je vais essayer de comprendre votre point sur la communication. Comment on s'assure que le patient sait où aller? Parce que, là, le projet de loi, là, fait en sorte que les infirmières praticiennes spécialisées peuvent faire toutes sortes d'actes qu'en ce moment elles ne pourraient pas faire. Mais vous, vous dites à la ministre : Allez plus loin avec votre projet de loi, parlez des cliniques qui sont réservées aux infirmières praticiennes spécialisées. Parce que je ne pense pas que c'est le problème de SABSA, parce que pas mal tout le monde à Québec... peut-être que le député de Jean-Lesage pourrait me corriger, mais il y a bien du monde à Québec qui connaissent la clinique SABSA, qui savent les services qui y sont offerts.

Mais, si on ouvre, par exemple — et je ne suis pas contre ce que vous êtes en train de dire, j'essaie de comprendre — un réseau de cliniques d'infirmières praticiennes spécialisées, disons, est-ce que ça ne rend pas encore la chose plus compliquée pour le patient? Dans le sens où le patient, s'il est malade, il peut se tourner vers son GMF, il peut se tourner vers, s'il a un médecin de famille, un GMF, il peut se tourner vers une clinique sans rendez-vous dans sa région, il peut se tourner vers un CLSC, il peut se tourner vers la salle d'urgence — ça arrive trop souvent, malheureusement, pour des cas, donc, qui ne devraient pas nécessairement être traités à l'urgence — pourrait se tourner vers une clinique d'infirmières praticiennes spécialisées. Alors, je comprends où vous voulez en venir avec ça et rendre l'accès plus disponible, mais en même temps est-ce que ça ne va pas un peu contre ce que vous êtes vous-même en train de dire, que le patient doit savoir où aller à tout moment? S'il y a plus d'options, est-ce que ça ne vient pas plus difficile, pour le ministère de la Santé, le réseau ou les CISSS locaux, d'organiser ces soins-là pour que le bon patient aille au bon endroit au bon moment?

M. Brunet (Paul G.) : Écoutez, il y a encore, dans les derniers chiffres, là, 900 000 patients ambulatoires qui arrivent à l'urgence pour des soins mineurs, il faut trouver une solution, et cela, bien que nous ayons un record de patients enregistrés auprès d'un médecin de famille qu'ils ne peuvent pas voir avant un certain temps. Ça fait que ça, ça ne règle pas le problème des urgences mineures.

Simplement dit, c'est que, si on ouvre d'autres possibilités et qu'on le communique, j'espère qu'on va faire diminuer le nombre de patients ambulatoires. Pourquoi? Parce que les urgences, c'est fait pour les urgences graves. Quand on va régler le problème des urgences mineures, on va vraiment augmenter la sérénité puis la qualité des soins qui sont prodigués en urgence.

Il y a des gens extrêmement malades. J'ai un neveu qui s'est fait greffer un rein, puis, à chaque fois qu'il avait une complication, il s'en allait à l'urgence. Je lui ai dit : Es-tu correct? Il dit : «It's a war zone.» Il faut qu'il se protège lui-même contre ce qui se passe à l'urgence tellement il y a du monde. Il y avait un ancien... bien, je ne sais pas s'il est encore en pratique, mais, à Maisonneuve-Rosemont, le Dr Lévesque disait : Ce n'est pas l'urgence, le problème, c'est tout en périphérie qui ne fait pas sa job. C'est vrai. Sortons les 900 000 patients ambulatoires de l'urgence — je parle de chiffres gros, là — vous allez voir, les urgences vont s'améliorer, il va y avoir plus de qualité, on va faire baisser l'hospitalisation, à condition qu'on offre d'autres lits en soins de longue durée, hein, parce qu'il y a 25 % de personnes âgées qui sont hospitalisées, qui gèlent des lits, qui empêchent... Tu sais, tout se tient.

Alors, sortons les patients, pour des soins de première ligne, des urgences quand c'est possible, offrons-leur la possibilité, communiquons-le, d'aller voir une infirmière praticienne, réglons le problème des lits qui manquent en CHSLD, on va avoir un hôpital qui va pouvoir faire monter plus de patients de l'urgence, des patients gravement malades, on va régler une bonne partie du problème du réseau de la santé, et probablement que vous allez moins me voir. N'est-ce pas un objectif important?

• (10 h 50) •

M. Fortin : En fait, je ne suis pas en désaccord avec rien de ce que vous venez d'avancer, mais je me demande comment on fait ça, pratico-pratique, là, informer le patient, communiquer avec le patient, parce que l'infirmière praticienne spécialisée qui aurait toutes sortes de pouvoirs supplémentaires...

Moi, je suis patient en GMF, O.K.? Je donne mon exemple bien personnel, là, mais moi, j'ai un médecin de famille en GMF, où il y a des infirmières praticiennes spécialisées. Si les IPS ont tous ces pouvoirs-là additionnels et peut-être d'autres... on verra, au fil du temps, là, des consultations qu'on reçoit, mais, si je me pointe à mon GMF parce que je suis malade, parce que je ne vais pas bien, est-ce que le GMF n'est pas le meilleur endroit pour dire : Bien, aujourd'hui va voir une infirmière praticienne spécialisée, aujourd'hui va voir un médecin? Parce que, de l'extérieur, quelqu'un qui est malade, qui est chez lui, il ne sait pas où aller. Alors, je me demande c'est quoi, les meilleurs outils de communication pour que le patient sache où aller, pour ne pas qu'il aille à l'urgence. Comment on fait pour l'informer de ça? Est-ce que ça, là, pour quelqu'un qui a un médecin... D'après moi, ça peut fonctionner si des infirmières praticiennes spécialisées sont en GMF, et le GMF peut orienter ses patients. Mais comment on fait pour communiquer ça à quelqu'un qui, lui, ne sait pas où se tourner, qui n'a peut-être pas de médecin de famille? Alors, avez-vous des outils spécifiques en tête au niveau communicationnel? Tu sais, c'est un peu le débat qu'on a depuis toujours. Comment est-ce qu'on sort les gens de l'urgence? Comment est-ce qu'on leur dit qu'ils ont d'autres options? Avez-vous quelque chose de plus spécifique en tête?

M. Brunet (Paul G.) : Oui. Les GMF existent depuis, quoi, 10, 15 ans, si je ne m'abuse, un peu plus, ils font partie de la situation actuelle, qui n'est toujours pas résorbée. Alors, oui, améliorons la communication, l'information pour que les gens aillent dans les GMF. Mais, à date, force est de constater qu'on n'a pas amélioré la situation, malgré le travail important que les GMF font. Moi, dans mon GMF, le samedi matin, de 8 heures à midi, si tu es membre du GMF, tu peux aller dans cette urgence mineure là.

M. Fortin : Est-ce que les supercliniques n'ont pas fait ça, jusqu'à un certain point? Est-ce que vous trouvez qu'il y a un manque de communication à ce niveau-là? Bien, je ne le sais pas, mais, tu sais, je vous pose la question à vous, comment on y arrive, là? Parce que, si on donne des pouvoirs supplémentaires, s'il y a des actes supplémentaires qui peuvent être faits, peut-être que les cliniques vont pouvoir ouvrir des heures supplémentaires avec l'aide d'infirmières praticiennes spécialisées, peut-être que ce qu'on est en train d'étudier va mener à ça, mais comment est-ce qu'on le communique? C'est un peu ça, l'enjeu.

M. Brunet (Paul G.) : Je suis sûr qu'il y a des spécialistes en coms qui vont vous aider.

M. Fortin : Oui, c'est bon.

M. Brunet (Paul G.) : Puis on tend la main. Moi, je l'ai dit à Mme McCann puis à Mme Blais, on tend la main. Il faut redorer ce réseau-là. Il faut faire la job qui va avec puis redire aux gens comment ce réseau-là vaut son pesant d'or et comment, d'abord, c'est noble d'y travailler, hein? On a fait sortir beaucoup d'infirmières. D'ailleurs, contrairement à l'ancien gouvernement, dès son arrivée, j'ai dit à McCann qu'il y avait 1 000 infirmières sur le chômage. Ce n'est pas moi qui le disais, c'étaient les communiqués de l'ordre depuis deux ans. Là, on est rendus à 400, je pense, qui sont encore sur le chômage puis qu'on peut aller chercher.

Il y a 40 % des 14 000 infirmières auxiliaires qui doivent se trouver une autre job temporaire pour combler leur semaine de travail parce que le réseau ne leur donne pas assez d'heures. Ça, là, c'est presque 10 000 femmes et hommes qui sont disponibles. Il y a de la place. Si on leur offre quelque chose d'intéressant, là, il y a du monde qui est prêt à travailler pour combler la pénurie dont on parle tout le temps. Mais c'est parce que je me fais dire par des présidentes puis des présidents d'ordres divers chez les professionnels de la santé qu'il y a de la place puis il y a du monde qui veut travailler, mais à qui on n'offre pas des affaires importantes ou intéressantes. Il y a ce défi-là. Je comprends qu'aujourd'hui les jeunes, peut-être, aiment moins travailler la nuit, mais, tu sais, c'est une job, le nursing, comme la médecine, ce n'est pas du 9 à 5.

M. Fortin : Oui, je vous ai entendu souvent, M. Brunet, parler, justement, de cette question-là, la question de la pénurie d'infirmières, entre autres, là, pénurie de personnel, pénurie d'infirmières, puis, votre point, je pense qu'il est constant au cours des dernières années. Si je me souviens bien, vous avez parlé de ça en 2010, comme quoi il n'y avait pas de pénurie d'infirmières, puis on s'en parle encore aujourd'hui. Est-ce que quelque chose comme ça pourrait causer une pénurie ou, disons, un besoin supplémentaire au niveau des infirmières? Parce que, si les infirmières praticiennes spécialisées se trouvent à faire des choses que les médecins font en ce moment à certains niveaux, des choses qu'elles font elles-mêmes en ce moment, avec validation, là, disons, mais des nouveaux actes qu'elles ne peuvent pas faire en ce moment, est-ce que ça pourrait faire en sorte qu'on aurait besoin davantage d'infirmières et de ce qu'est une infirmière praticienne spécialisée en ce moment?

M. Brunet (Paul G.) : Écoutez, encore une fois, ce n'est pas ma spécialité. Ce que je dis, c'est qu'il faut régler le problème des urgences mineures puis des 900 000 patients ambulatoires qui se rendent inutilement à l'urgence. Comment on va le faire? À date, là, on n'a pas amélioré les affaires. Bien, en tout cas, objectivement, les chiffres sont astronomiques, et puis ce n'est pas normal que les urgences soient aussi encombrées puis qu'on attende aussi longtemps.

Qu'est-ce qu'on fait? Il y a toutes sortes d'alternatives possibles. Il y a toutes sortes de défis puis de risques, hein, de diluer les forces infirmières et autres, mais, si on ne l'essaie pas — et il y a des provinces qui le font depuis très longtemps, puis ça marche — bien, on ne saura pas ce qui en ressortira. Et je pense que ça vaut la peine de risquer et d'aller chercher toutes les femmes et les hommes professionnels de la santé à qui on devrait offrir plus de travail. Comme certains présidents, présidentes d'ordre me l'ont dit, il y a de la place encore. Si on a des sous, il faut aller les chercher.

M. Fortin : Je vous remercie, M. Brunet.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Je cède maintenant la parole au député de Jean-Lesage, responsable du deuxième groupe d'opposition.

M. Zanetti : Merci beaucoup. Merci d'être parmi nous ce matin. Qu'est-ce que vous pensez de l'argent qui est donné aux médecins pour superviser les infirmières praticiennes spécialisées? Est-ce que vous pensez que le montant est trop élevé? Quel est votre point de vue là-dessus?

M. Brunet (Paul G.) : Écoutez, là, je pense que ce projet de loi là devrait régler la question de l'assujettissement des infirmières praticiennes aux médecins et que quand l'infirmière ne sera plus assujettie au médecin, je ne vois pas pourquoi le médecin continuerait à être payé pour la superviser. On essaie de sortir de ce carcan historique, là.

Tu sais, ma mère disait : On ne parle pas contre les médecins puis on ne parle pas contre les prêtres. On est rendus ailleurs, tu sais, et, sauf respect puis l'affection que je voue aux médecins... — j'ai un médecin de famille et j'espère qu'il ne m'entend pas — mais il faut trouver d'autres alternatives. Et, quand ces femmes-là, ces hommes-là seront maîtres à bord à partir des actes délégués, il n'y a plus de raison qu'ils soient supervisés par un médecin. En tout cas, j'espère que c'est ça qu'on va faire, là, ça va débarquer. Puis je ne sais pas de quelle économie on parle, mais cela ne devrait plus être justifié, à mon avis.

M. Zanetti : Et vous sembliez dire qu'il y avait un frein, là, à la mise sur pied de cliniques dirigées par des IPS au Québec. Est-ce que vous pouvez clarifier ou expliquer ça?

M. Brunet (Paul G.) : Bien, écoutez, l'histoire des infirmières praticiennes de l'Ontario, qui date de 1973, parle par elle-même. Des superinfirmières, là, l'ancien gouvernement en avait promis. Elles ne sont toujours pas intégrées. Plusieurs ont quitté la province après qu'on les ait formées. Tu sais, on a une grosse job à faire pour dire à ces femmes, ces hommes-là : O.K., là, on va vous prendre au sérieux.

Et, comme j'en ai prévenu la ministre tantôt, même les gens de Colombie-Britannique ont dit : Faites attention, il faut vraiment qu'on pousse pour être sûrs que la machine va les intégrer respectueusement avec les budgets qui vont avec. C'est ça que ces femmes-là, ces hommes-là de la Colombie-Britannique sont venus nous dire, ça a pris 10 ans à les intégrer. On est capables de faire ça plus vite, ça prend une volonté politique et surtout ça prend une ouverture de nos amis médecins, là.

Puis, je pense, ce que j'entends, la nouvelle présidence du collège... M. Godin, semble-t-il, va quitter bientôt, mais je pense qu'on est rendus là. Puis il y avait des jeunes médecins autour de la table qui écoutaient bien ce qu'on leur disait, et je pense qu'il y a une belle ouverture. Il faut en profiter, parce que, là, la loi suivra cette ouverture-là, et c'est tant mieux. Mais je ne vois pas comment encore devrions-nous rémunérer des médecins s'ils ne supervisent pas ces IPS là, qui, en passant, sont très compétentes pour faire la job, avec toute l'autonomie que le projet de loi le prévoit.

M. Zanetti : Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal)  : Je passe maintenant la parole au député des Îles-de-la-Madeleine, responsable du troisième groupe d'opposition. 2 min 45 s, M. le député.

• (11 heures) •

M. Arseneau : Merci, M. le Président. M. Brunet, bienvenue.

Je vais aller directement à la question qui me préoccupe. Vous avez fait des comparaisons avec la province de l'Ontario, l'Alberta, la Colombie-Britannique. Selon notre compréhension, les IPS dans les autres provinces ne sont pas liées aux mêmes genres de critères qui sont inclus dans le projet de loi, les six caractéristiques cumulatives auxquelles chaque maladie courante doit répondre pour qu'une IPS puisse porter un diagnostic. Est-ce que vous partagez cette analyse-là? Et est-ce que vous avez approfondi la question?

M. Brunet (Paul G.) : Non, je n'ai pas approfondi la question, et c'est pour ça que j'ai cité ce que ces filles-là font en anglais, pour être sûr que je ne serais pas en défaut de traduire erronément. Ce que je souhaite, c'est que les infirmières praticiennes du Québec aient la même autorité, les mêmes actes délégués que leurs collègues des autres provinces. Si les infirmières praticiennes de l'Ontario font ça depuis 1973, ça doit être parce qu'il y a quelque chose de bon là-dedans. Et je ne sais pas si c'est parce que la ministre veut commencer tranquillement ou si c'est là que se sont arrêtées les négos, je ne le sais pas, mais on va vous appuyer pour aller le plus loin possible, Mme la ministre, pour que ces femmes, ces hommes-là aient les mêmes actes délégués sans autres encombres, comme leurs collègues des autres provinces. C'est très important qu'on... On est rendus là, écoute, là, on n'attendra pas un autre 40 ans, là, pour faire évoluer. C'est pour ça, je me dis : Tant qu'à donner un coup, donnons-le tout de suite. De toute façon, on sait que ça va prendre du temps à intégrer puis pousser ces affaires puis parler à nos amis médecins puis nos fédérations, là. D'ailleurs, je serais curieux de savoir... Je ne les ai pas entendus réagir bien gros, mais...

M. Arseneau : ...

M. Brunet (Paul G.) : Non, mais c'est pour une bonne cause, tu sais. On ne peut pas être contre cette vertu-là. En tout cas, on va être là.

M. Arseneau : Oui. Alors, je ne sais pas si la partie gouvernementale pourra répondre tout à l'heure, mais c'est ma période de questions, et elle est courte. Donc, ce que vous dites, c'est : L'étalon de comparaison minimal, c'est celui des autres provinces. Puis, quand on sait que les infirmières au Québec sont probablement les mieux formées de tout le pays, l'idée d'y aller de façon progressive, ou par étape, ou tout ça, pour vous, là, c'est à proscrire. Allons-y et allons-y à fond et dès maintenant.

M. Brunet (Paul G.) : C'est-à-dire qu'on pourrait prévoir une progression en ayant des dispositions qui n'entrent pas tout de suite en vigueur, ça pourrait être une démarche moins dure pour ceux qui s'y opposent ou qui ont peur, et tranquillement... mais mettre des dispositions ou mettre des paragraphes qui entreront en vigueur éventuellement sur décret du gouvernement.

M. Arseneau : Mais qu'on ne fasse pas les choses à moitié à ce stade-ci.

M. Brunet (Paul G.) : Bien, en tout cas, je pense que c'est un coup à donner, puis j'espère qu'on va aller le plus loin possible, dans le respect de ce que les autres collègues... et surtout dans le respect des autres groupes de médecins, parce qu'il ne faut pas s'en faire des ennemis non plus, on a besoin d'eux autres. Mais je pense qu'il y a de la place pour des professionnelles comme les infirmières praticiennes au Québec, comme c'est le cas ailleurs dans au moins trois autres provinces.

Le Président (M. Provençal)  : Je remercie le Conseil de la protection des malades pour leur contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 11 h 03)

(Reprise à 11 h 05)

Le Président (M. Provençal)  : Nous recevons maintenant les représentants du Collège des médecins du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter puis à commencer votre exposé. Je vous cède la parole.

Collège des médecins du Québec (CMQ)

M. Gaudreault (Mauril) : Bonjour à tous. Bonjour à tous et toutes. Ça va? Je suis Mauril Gaudreault, président du Collège des médecins du Québec. Bonjour, M. le Président. Je suis accompagné, aujourd'hui, du Dr Guy Morissette, à ma droite, qui est administrateur au conseil d'administration mais aussi président du Comité directeur sur les activités médicales partageables, qui est un comité permanent du collège, de Me Linda Bélanger, à ma gauche, qui est directrice adjointe à la Direction des services juridiques, qui suit depuis près de deux décennies l'évolution des lois et règlements professionnels, et de Mme Claudia Houle, qui est une patiente partenaire et membre du Comité directeur sur les activités médicales partageables.

M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les parlementaires, rappelons tout de suite la mission du Collège des médecins : promouvoir une médecine de qualité pour protéger le public et contribuer à l'amélioration de la santé des Québécois. Le Collège des médecins du Québec vous remercie de lui permettre de vous présenter ses réflexions concernant le projet de loi n° 43, la Loi modifiant la Loi sur les infirmières et les infirmiers et d'autres dispositions afin de favoriser l'accès aux services de santé.

Comme j'ai eu l'occasion de vous le dire ici même, le mois dernier, dans cette même salle, au sujet du projet de loi n° 31 concernant les activités professionnelles des pharmaciens, depuis mon élection à la présidence du Collège des médecins il y a un an, trois grands objectifs guident mes actions : se rapprocher du public, dont nous devons assurer la protection, assurer la responsabilité sociale des médecins, intensifier la collaboration interprofessionnelle afin d'améliorer l'accès à des soins de santé de qualité dans le respect des compétences de chaque intervenant. Aujourd'hui encore, le projet de loi n° 43 me donne l'occasion de poursuivre ces mêmes objectifs.

Je désire d'abord affirmer que le collège est d'accord avec les orientations du projet de loi et que nous soutenons le gouvernement dans sa démarche visant à préciser dans une loi propre les rôles, les responsabilités et les conditions d'exercice des infirmières praticiennes spécialisées, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire récemment, lors du dépôt du projet de loi, et ce, afin de mieux servir la population. Je tiens à souligner qu'au cours des derniers mois le collège a fait preuve d'une ouverture sans précédent afin que les infirmières praticiennes spécialisées puissent exercer davantage d'activités médicales. À mon sens, le projet de loi présentement à l'étude est la conséquence directe de cette ouverture.

Vous nous permettrez maintenant d'identifier certaines conditions de réussite pour que l'objectif poursuivi soit atteint. Ces conditions se résument en quatre mots, quatre : compétence, communication, collaboration, suivi.

D'abord, la compétence. Afin de remplir sa mission de protection du public, il est essentiel pour tout ordre professionnel de s'assurer de la compétence de ses membres. Ce nouveau modèle de soins ne profitera aux patients que si les activités médicales exercées par les IPS sont soumises aux mêmes exigences que celles auxquelles se conforment déjà les médecins. Voilà pourquoi nous sommes persuadés que le nouveau cadre législatif doit prévoir l'imposition d'un examen de certification de fin de formation ainsi que des mécanismes d'évaluation, des mécanismes d'inspection professionnelle et de maintien des compétences analogues à ceux qui existent chez les médecins pour des activités similaires.

• (11 h 10) •

Concernant la nouvelle responsabilité que le projet de loi souhaite confier aux IPS au sujet des formulaires de nature administrative qu'elles pourront dorénavant remplir, il reste à bien définir les responsabilités respectives du médecin et de l'IPS. Le collège soutient que le cursus des programmes de formation de spécialités des IPS devrait être actualisé afin de leur permettre d'acquérir des connaissances en lien avec ces nouvelles activités qui lui sont confiées, comme les formulaires de la commission des normes, équité et soins et services de santé, par exemple, de la même façon que de tels objectifs d'apprentissage sont inclus dans les programmes de résidence en médecine de famille.

À niveau de responsabilité équivalent, exigences équivalentes. Si la compétence initiale doit être confirmée par un examen de certification, elle doit être aussi maintenue tout au long de l'exercice. Voilà pourquoi le collège insiste également sur la nécessité que les exigences en matière de formation continue des IPS soient précisées, comme nous venons de le faire nous-mêmes avec notre règlement sur le développement professionnel continu, en vigueur depuis le 1er janvier dernier.

De plus, des mécanismes d'inspection professionnelle des infirmières praticiennes spécialisées doivent être instaurés dans les meilleurs délais, car ceux-ci n'ont toujours pas été mis en place depuis 2006 par l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. Le collège suggère d'ailleurs que des inspections conjointes soient effectuées pour ce qui est des activités médicales visées par le projet de loi. Sur ce plan, il offre à nouveau son entière collaboration à l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. À pratique équivalente, mécanismes de surveillance équivalents.

La communication. Comme je l'ai dit quand je suis venu ici il y a un mois, tout comme pour la collaboration interprofessionnelle avec les autres professionnels — on parlait à ce moment-là des pharmaciens — la clé de la réussite sera la mise en place de mécanismes de communication améliorés entre chaque professionnel impliqué dans la prise en charge et le suivi des problèmes de santé d'un patient. C'est là un de nos défis. Des outils technologiques actuellement disponibles tardent à être déployés pour consolider cette bonne communication, cependant.

Collaboration et suivi. Le collège souligne l'importance de mettre en place des structures et des mécanismes formels de collaboration entre les médecins et les infirmières praticiennes spécialisées afin d'éviter une pratique en vase clos et d'assurer un corridor de services fluide entre le médecin et l'IPS, chacun étant sollicité au bon moment, notamment lorsque la condition d'un patient ne correspond plus à la définition de maladie courante.

Le collège suggère qu'un comité de vigie soit constitué afin de faciliter la mise en oeuvre du projet de loi, alors que de nombreuses questions pourraient surgir sur le terrain quant à l'actualisation du rôle de l'IPS. De même que le collège et l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec devront collaborer à l'assurance qualité des activités médicales exercées par les IPS hors établissement, il devrait en être de même à l'intérieur des établissements. Pour assurer cette collaboration, nous recommandons qu'un comité conjoint entre les conseils des médecins, dentistes et pharmaciens et les conseils des infirmières et infirmiers sur l'évaluation de la qualité de l'acte des IPS soit institué.

En conclusion, c'est dans cet esprit de collaboration que le collège souhaite poursuivre avec l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec les travaux liés à l'actualisation du modèle proposé dans le projet de loi. Il offre d'ailleurs son entière collaboration à l'Ordre des infirmières et infirmiers dans la rédaction de son règlement qui précisera les modalités selon lesquelles les activités médicales entourant les maladies courantes seront dorénavant exercées.

Je vous remercie de votre attention, et nous serons heureux de répondre à vos questions.

Le Président (M. Provençal)  : Je vous remercie pour votre exposé. Nous allons maintenant initier la période d'échange avec Mme la ministre. Je vous cède la parole, madame.

Mme McCann : Alors, je veux vous saluer, Dr Gaudreault, alors, vraiment un plaisir de vous recevoir aujourd'hui. Et je veux dire vraiment que nous avons vécu des moments importants ensemble depuis mon arrivée au pouvoir, depuis le gouvernement, hein, qui est arrivé au pouvoir, depuis mon arrivée en fonction. Et je pense qu'il faut le souligner, Dr Gaudreault, en février dernier, quand votre conseil d'administration a dit : Nous ouvrons la porte, hein, ça a été un moment historique. Et je pense que nous continuons, et je l'espère, de faire l'histoire ensemble avec l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec aussi. Et je veux saluer aussi Dr Morissette, que je revois avec plaisir, Me Bélanger et Mme Claudia Houle, patiente partenaire et membre du Comité directeur des activités médicales partageables. C'est vraiment intéressant de voir, Dr Gaudreault, Mme Houle, comment les patients, les patientes partenaires sont maintenant de plus en plus intégrés à tous les niveaux dans notre réseau, dans les ordres professionnels, et ça, c'est un gain majeur pour le Québec. Et je suis très, très contente, madame, que vous soyez avec nous aujourd'hui. Merci, M. le président du Collège des médecins, de cette extrêmement intéressante initiative.

Alors, évidemment, il y a des questions fondamentales qui se posent, avec ce projet de loi, qui sont soulevées, et vous êtes vraiment une instance qui pouvez nous aider à faire beaucoup d'éclairage sur ces questions. La question de la qualité de l'acte, là, évidemment, les formations, moi, je vais vouloir vous poser une question là-dessus. Il y aura peut-être des sous-questions, aussi, de mes collègues, si je suis capable de leur laisser le temps de le faire.

Mais la première question que je vous poserais, et je vais directement au but : Depuis le dépôt du projet de loi, on a eu des commentaires, des réflexions importantes de différentes instances, vraiment, là, différents individus aussi, sur tout ce qui est les maladies courantes. Moi-même, je vais vous avouer candidement, j'ai demandé au ministère : Expliquez-moi, là, qu'est-ce que c'est, une maladie courante, faites-moi une liste pour que je puisse expliquer ça aux citoyens. Bien, ce n'est pas facile, et, même d'un point de vue scientifique, je ne suis pas sûre qu'il y a... à moins que vous puissiez nous donner un éclairage là-dessus.

Je vais vous dire mon inquiétude par rapport à «maladies courantes», c'est : Est-ce que ça va être compliqué? Ça, c'est ma première inquiétude. Je veux vous entendre d'un point de vue clinique, Dr Gaudreault ou des membres de votre équipe, parce qu'on ne peut pas se le cacher, là, dans les autres provinces qui ont, hein, mis sur pied tous ces services, là, d'infirmières praticiennes spécialisées, dans leurs lois, on parle de maladies, simplement, on ne parle pas de maladies courantes.

Alors, moi, j'en profite, là, avec votre présence, pour que vous puissiez nous expliquer. Est-ce qu'effectivement, en mettant «maladies courantes», on ne va pas assez loin? Est-ce qu'on complique l'organisation du réseau, le travail avec les médecins? Ça va être difficile pour les IPS, les médecins de comprendre la trajectoire des patients. Je vous le dis vraiment clairement, je me pose des interrogations, et ça, c'est suite aux réflexions qui m'ont été amenées en questionnement par rapport... de différentes instances et individus, Dr Gaudreault.

M. Gaudreault (Mauril) : Merci de votre question. Moi aussi, je vais aller droit au but par rapport à ça. Écoutez, je l'ai dit, intensifier la collaboration dans le respect des compétences de chaque intervenant. Et loin de nous, loin de moi l'idée de rendre les choses plus compliquées. Ce n'est pas ça, là, pas du tout, qu'on veut faire. Pour répondre comme il faut à la question, d'abord un début de réponse de ma part, et ensuite je vais donner la parole au Dr Morissette, qui, comme président du comité directeur, a beaucoup, beaucoup réfléchi sur la question, O.K., mais je vous dirais ce que j'ai dit déjà d'entrée de jeu, pas ce matin, mais l'expérience, l'expertise d'une infirmière et l'expertise du médecin, elles sont complémentaires, et l'intervention de l'infirmière praticienne spécialisée, à mon sens, s'arrête au moment où celle du médecin commence.

Et une fois qu'on a dit ça, définir ça, ce n'est pas si facile que ça, cependant, mais dans le respect des compétences de chaque intervenant, toujours. Pour poursuivre, je donnerais la parole au Dr Morissette par rapport à la question, notamment, des maladies courantes.

• (11 h 20) •

M. Morissette (Guy) : Mme la ministre, M. le Président, merci de pouvoir continuer cette intervention. Vous avez tout à fait raison de le souligner, on a eu de nombreuses discussions, on a fait beaucoup de lectures, on a regardé plusieurs références, à savoir, «maladies courantes», comment on le définit. On tente... dans le mémoire, vous avez vu, on a présenté un certain nombre d'éléments, je vous dirais, qui sont des caractéristiques de maladies courantes. Vous arriver avec une définition blindée qui va faire l'unanimité puis qui serait très précise, ça va être difficile.

Mais avant tout il faut savoir qu'il y a plusieurs catégories d'infirmières praticiennes spécialisées. Vous le savez, les infirmières praticiennes spécialisées de première ligne, mais il y en a en adultes, il y en a en santé mentale. Alors, la maladie courante, la première chose, ça va dépendre de quelle catégorie d'infirmière praticienne spécialisée qui va être concernée par cette maladie courante là. De base, c'est une maladie, tu sais... Alors, on a tenté de le définir en disant que, par exemple, tu sais, il y avait des symptômes et des signes habituels, clairement, je veux dire, de la fièvre, une douleur abdominale, alors des symptômes qui ne sont pas des symptômes rares mais qui sont des symptômes qu'on voit régulièrement, un ensemble de symptômes qu'on voit régulièrement avec des critères diagnostiques qui sont définis, spécifiques et reconnus. Je prends l'exemple simple, là, d'une grippe. Alors, tu sais, on sait que la grippe, ça va donner des douleurs musculaires, ça va donner de la toux, ça va donner de la fièvre, alors c'est reconnu comme faisant partie du syndrome grippal. On propose qu'il y ait un faible risque d'atteinte à la vie, à l'intégrité. Alors, ce sont des symptômes qu'on peut rattacher à une maladie, et qu'on peut traiter simplement, et que l'évolution, elle est prévisible.

Et évidemment, comme je vous ai dit, quand on parle, par exemple, d'une infirmière praticienne spécialisée en pédiatrie, pour les enfants, on peut aller jusqu'à dire, par exemple, qu'il y a des conditions qui vont être retrouvées chez cette catégorie d'infirmière praticienne spécialisée, qui ne pourront pas s'appliquer, par exemple, à la santé mentale. Chaque catégorie d'infirmière praticienne spécialisée va avoir des conditions courantes qui vont se rattacher à elle.

Alors, c'est un petit peu ce qu'on a essayé de définir comme étant, tu sais, des maladies courantes.

Mme McCann : Bien, je vous remercie, parce que je comprends qu'il y a eu beaucoup d'échanges, beaucoup de discussions. Et tout ça, là, on est dans un processus qui est nouveau, hein, évidemment, pour nous, là, au Québec, puis il faut y aller avec les étapes nécessaires.

Mais je reprends la question autrement. Je veux vous entendre par rapport au fait que... si, par exemple, on m'interpelle, moi, puis on me dit : Comment ça se fait, Mme la ministre, qu'en Ontario on parle de maladies et chez nous, au Québec, maladies courantes? Pourquoi? Pourquoi? Les IPS au Québec, me dit-on, sont même mieux formées qu'en Ontario, mieux formées dans le sens où elles ont même plus de temps de formation, de durée de formation qu'en Ontario. Comment je peux répondre à cette question?

Je vous la renvoie un peu, là, parce que ça m'embête et aussi ça m'embête au niveau de l'organisation des services. Encore une fois, j'ai entendu, Dr Morissette, ce que vous avez dit avec les critères, vous avez même dit, là : On ajuste nos critères dans ce sens-là, mais même les critères ne sont pas évidents à appliquer. Il y a un caractère un peu flou chez certains. Moi, je ne suis pas médecin, je ne suis pas infirmière, mais on sait qu'il y a du flou, hein, dans du clinique, là, dans les services sociaux aussi. Mais en santé physique, hein, c'est le jugement clinique, là, qui joue beaucoup. Alors, je suis très préoccupée par ça, parce que... comme vous, vous l'avez dit en partant, Dr Gaudreault, vous voulez que ça fonctionne, moi aussi. D'ailleurs, on se le dit depuis le début.

Alors, c'est pour ça que je vous repose la question autrement : Comment ça se fait qu'en Ontario c'est une maladie, et ça laisse à l'IPS le jugement de définir, parce qu'elle a une formation x qu'on connaît, là, quand elle va référer à un médecin de famille et quand elle va référer à un autre professionnel? Ce que fait le médecin de famille, aussi, à son niveau, parce qu'il a une formation différente, qui va référer au spécialiste, qui va référer à un autre professionnel, évidemment, par délégation, mais qui va référer au médecin spécialiste. Comment, à ce moment-là, expliquer cette différence?

M. Gaudreault (Mauril) : Autre élément de réflexion, je dirais bien, c'est un élément de réflexion, mais en fait... et après ça peut-être que Me Bélanger pourrait compléter ce que je vais dire, parce que des fois... moi, je ne suis pas juriste, je suis médecin, par exemple.

Bon, écoutez, moi, c'est une nouvelle profession. En Ontario, ce qu'ils ont fait, moi, je ne veux pas du tout, du tout commenter cela. Nous, il nous apparaît important de définir le plus possible la maladie courante dans une loi, mais évidemment tout cela, ça va dépendre de ce qui va se passer sur le terrain, on se comprend là-dessus. Et j'ai pleine confiance au professionnalisme des infirmières. Je l'ai dit plus d'une fois, je le dis ce matin, les infirmières, elles vont respecter leur champ de compétence et, quand ça va aller au-delà, vont consulter le médecin. Je n'ai aucune inquiétude par rapport à ça. Mais, quand même, étant donné que c'est une nouvelle impression, nous, il nous apparaissait important de définir la notion de maladies courantes dans une loi. Voilà.

Mme Bélanger (Linda) : Bonjour, Mme la ministre. En fait, je vais essayer d'un peu vous éclairer sur cette question-là. Je vous dirais que, la différence entre l'Ontario puis le Québec, c'est sûr que les lois ne sont probablement pas écrites tout à fait de la même manière. En Ontario, c'est la common law; on est en droit civil ici, on a une approche qui est différente en matière de législation.

Je pense que tout le monde sait que la formation des infirmières et des médecins est différente. Nécessairement, ces deux professionnels-là, sur le terrain, ne peuvent pas faire exactement la même chose. Il y a un partage au niveau de certains diagnostics, et le défi pour les juristes, c'était d'essayer d'établir elle va être où la limite d'un point de vue juridique, quels seront les diagnostics et qu'est-ce qu'on va se donner comme dispositions, dans une loi, pour nous guider là-dedans.

Vous l'avez dit, c'est un peu flou, ce n'est pas si précis, parce que, justement, on veut se permettre que la loi soit suffisamment évolutive pour les prochaines années. Mais on veut également se permettre que les critères qu'on se donne soient applicables à la fois en première ligne, dans une autre des spécialités, comme Dr Morissette le mentionnait, ou même en santé mentale, où les définitions sont parfois un petit peu plus difficiles parce que les limites sont plus difficiles à tracer qu'en santé physique. Donc, c'était le défi, finalement, d'essayer de voir comment on peut se donner, dans une loi, une définition qui va nous permettre de définir le champ d'exercice et les activités qui vont être réservées à l'infirmière praticienne spécialisée. On est arrivés avec une définition qui n'est certainement pas parfaite, mais je pense qu'elle pourra donner, là, sur le terrain, la possibilité aux gens de l'interpréter et de l'appliquer en fonction de chacune des spécialités et aussi elle va laisser la place à l'évolution.

De la même manière que le médecin de famille sait quand s'arrêter pour référer le patient à un spécialiste dans une spécialité donnée, de la même manière, je pense que l'infirmière praticienne spécialisée va être capable de comprendre qu'on n'est plus dans une maladie courante mais qu'on est rendu ailleurs et qu'elle doit diriger le patient vers un médecin dans une autre spécialité ou un médecin de famille. Je pense qu'ils vont être capables de réussir cet exercice-là sur le terrain. C'est sûr que ça va probablement prendre un petit peu de temps, au début, à ce que tout le monde s'adapte, mais j'ai confiance aux professionnels sur le terrain pour pouvoir faire ça.

Mme McCann : Je vous remercie. M. le Président, combien de...

Le Président (M. Provençal)  : 2 min 50 s.

Mme McCann : Deux minutes, eh mon Dieu, ça passe vite. Bien, je vous remercie des commentaires que vous avez faits, et évidemment on en prend bien note.

Sur la question, et là, évidemment, ça ne vous fera pas justice, là, de l'encadrement, ce que vous avez mentionné, la formation continue, l'inspection professionnelle, est-ce que... Je voudrais vous demander, parce que vous avez nommé beaucoup de choses, les prioritaires, là, dans l'ensemble des stratégies que vous avez nommées, pour faire en sorte qu'il y ait, évidemment, qualité, hein, amélioration de la qualité et qualité de l'exercice, hein, c'est très important. Quelles sont les priorités dans les éléments que vous avez apportés aujourd'hui, Dr Gaudreault?

M. Gaudreault (Mauril) : Je le redis, pour tout ordre professionnel, il s'agit de s'assurer de la compétence d'exercice par ses membres. Donc, pour nous, il est essentiel de s'assurer de la compétence en fin de formation, donc avant de débuter la pratique, et de poursuivre cette formation continue tout au long de la vie, tout au long de l'exercice du professionnel. C'est pour ça qu'on insiste tant sur la formation continue de même que sur l'examen de certification de fin de formation. Et, je le redis, à compétences équivalentes, nécessité d'outils de mesure de cela équivalents, dans le sens, à mon avis, que la société s'attend à tout autant des infirmières praticiennes spécialisées que ce qu'elle s'attend des médecins. C'est dans ce sens-là, c'est dans le sens de rôles. Je ne suis pas inquiet non plus, là, que l'Ordre des infirmières, ils vont faire ça, mais nous, nous tenions à le spécifier par rapport au fait que ça nous préoccupait.

Mme McCann : M. le Président, dans les dernières secondes, j'imagine...

Le Président (M. Provençal)  : Une minute.

Mme McCann : Une minute. Il faut souligner tout le travail conjoint que vous faites avec l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec et qui se poursuit, et ça, c'est riche de possibilités pour le futur. Vous avez même parlé d'inspections professionnelles conjointes, ça, ce serait nouveau, au Québec, et vous êtes en discussion avec l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec là-dessus.

• (11 h 30) •

M. Gaudreault (Mauril) : Et ça nous fera plaisir de partager l'expertise qu'on a à ce sujet, par rapport aux inspections.

Mme McCann : Oui, oui.

Le Président (M. Provençal)  : Je suis obligé de vous dire merci, Mme la ministre.

Mme McCann : Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Maintenant, je cède la parole au député de Pontiac. M. le député, à vous la parole.

M. Fortin : Merci, M. le Président. Bonjour, Dr Gaudreault, Dr Morissette, Me Bélanger, Mme Houle. Merci d'être avec nous.

Dr Gaudreault, je vous l'ai dit la dernière fois, je vais vous le dire encore, je vous remercie de votre ouverture. On le sent, on sent une ouverture de la part du Collège des médecins, qui, disons, facilite la tâche du législateur. Alors, je pense qu'on est plusieurs autour de la table à vous apprécier grandement à ce niveau-là.

Bon, j'ai lu votre mémoire, j'ai regardé chacune des recommandations. Mais je vais m'adresser à vous, Dr Gaudreault, spécifiquement, là, avant de rentrer dans les recommandations. Vous, vous avez été médecin, vous avez été médecin de famille jusqu'à il n'y a pas longtemps, jusqu'à il y a quelques années?

M. Gaudreault (Mauril) : Jusqu'à il y a quelques années, j'ai fait ça 40 ans, oui.

M. Fortin : Oui, O.K. Vous pratiquiez en GMF?

M. Gaudreault (Mauril) : Oui, en unité de médecine de famille, ce n'étaient pas des GMF encore tout à fait.

M. Fortin : D'accord. Il y avait des IPS, il y avait des infirmières praticiennes spécialisées?

M. Gaudreault (Mauril) : Oui, il y avait des infirmières. J'ai même formé des IPS.

M. Fortin : Bon, bien, j'ai l'expert devant moi, alors. Je veux essayer de comprendre, parce qu'on parle de donner des pouvoirs supplémentaires aux infirmières praticiennes spécialisées, et tout le monde autour de la table a l'air d'accord avec ça, avec le principe, mais je veux savoir comment ça se passe dans le quotidien, le quotidien de la relation, là, entre le médecin et l'infirmière praticienne spécialisée, en ce moment, versus ce qu'il pourrait y avoir après l'adoption potentielle, disons, du projet de loi dans sa forme actuelle, là.

Donc là, aujourd'hui, moi, je me pointe comme patient, je m'en vais à l'unité de médecine familiale, je commence par une IPS, je vois une IPS, parce que ça semble être quelque chose qu'une IPS pourrait faire. Elle me réfère au médecin de famille avant que je quitte, j'imagine. Donc, je vois l'IPS, après ça je vois le médecin, qui va me prescrire quelque chose, et je fais mon bout de chemin, je retourne à la pharmacie.

Là, ce qui se passerait, j'imagine, et vous pouvez me le confirmer ou non... Disons que j'ai une maladie courante, là, je vais voir l'infirmière praticienne spécialisée, elle dit : Vous avez une maladie courante, je vous prescris x, je retourne chez nous, mais advenant le cas où on pense que c'est une maladie courante, hein, vous l'avez décrit un peu, tantôt, Dr Morissette, advenant le cas où on pense que c'est ça, je vais voir l'infirmière praticienne spécialisée, elle se rend compte : Ce n'est pas pantoute une maladie courante que vous avez, vous avez besoin de voir un médecin. De ce que vous pensez du modèle, là, est-ce que j'ai besoin d'une référence vers un médecin ou est-ce que je pourrais juste aller vous voir, comme médecin à l'intérieur de la clinique, après pour ce qui n'est pas un pouvoir des IPS? J'aimerais ça comprendre ce que vous voyez comme mécanique pour le patient.

M. Gaudreault (Mauril) : Ça, c'est le défi qu'on va avoir, de faire en sorte que ça fonctionne comme il faut puis que la collaboration se fasse très, très bien, puis fluide. Dans ma pratique à l'unité de médecine de famille, il y avait des infirmières, il y en avait trois, O.K., on était huit médecins, il y avait des résidents, etc. Donc, par rapport à une visite comme ça... Moi, j'aurais adoré... Je n'ai pas travaillé avec des IPS, vraiment, tu sais, j'ai travaillé avec des infirmières. J'ai travaillé avec des IPS que je participais à former, mais j'adorerais travailler avec des IPS dans ce modèle-là, là, ça, je l'ai dit aussi déjà puis je le redis aujourd'hui. Ça dépend comment ils vont s'entendre, ces gens-là, à l'intérieur de cette unité-là, exemple, trois infirmières, huit médecins, etc. Il y a des résidents, aussi, qui voyaient les patients, des résidents qui voyaient des patients et qui venaient nous chercher comme superviseurs au moment où c'était nécessaire, tu sais. Des fois, je fais le parallèle un peu, ce n'est pas tout à fait la même chose, mais, quand même, j'aime ça, je trouvais intéressant, le modèle par rapport aux résidents que nous supervisions. Mais évidemment on ne supervise pas d'infirmières. L'infirmière, elle est là, elle fait sa pratique de façon autonome, mais en collaboration, en partenariat serré avec un médecin. Moi, là, je suis persuadé que les infirmières, elles vont aimer ça d'avoir un partenariat semblable avec un médecin, et je suis sûr que le médecin de famille que je suis, que j'étais, et les médecins de famille vont apprécier ça. Il s'agit de s'organiser comme il faut par rapport à cela.

Et, quand je disais, tout à l'heure, que je fais confiance au respect de son champ de compétence par l'infirmière, tout est là. Je veux dire, quand j'étais médecin de famille... bien, je suis médecin de famille, mais, quand je pratiquais, il n'y a rien qui me disait qu'à un tel moment donné je devais... ce n'était pas écrit dans une loi, là, que je devais consulter le médecin spécialiste parce que ça sortait de mon champ de compétence, O.K., puis, quand j'ai commencé, en 1973, on ne me l'a pas dit non plus. Ça fait que j'ai commencé, en 1973 et, avec la pratique, je m'apercevais rapidement que, tout à coup, ça sortait de mon champ de compétence puis qu'il fallait consulter quelqu'un d'autre. Moi, là, je pense que, oui, on essaie de mettre ça par écrit dans une loi, etc., c'est compliqué, vous l'avez dit tantôt, moi aussi, je trouve ça compliqué, mais ça va être à la pratique qu'on va faire ça, dans le respect des compétences de chacun et en assurant la qualité des soins. Ça, il faut être bien conscients de ça.

M. Fortin : Mais est-ce que vous, par exemple, comme Collège des médecins, là — je sors de votre rôle de médecin, je reviens au rôle de président du Collège des médecins — c'est quelque chose que vous voyez important? Je veux vous parler, dans vos recommandations, du cursus des infirmières praticiennes spécialisées, mais, dans le cursus des médecins, est-ce que ce serait important d'avoir une partie sur cette relation-là, sur cette relation médecin-IPS? Parce que, là, vous avez évoqué le rôle de supervision d'un médecin résident. En ce moment, il y a un certain rôle de supervision, là, entre un médecin et une IPS. Là, on coupe essentiellement ce rôle-là, il n'y a plus de supervision directe, là. Alors, est-ce que c'est important, selon vous, de changer le cursus — et vous en êtes responsables, jusqu'à un certain point — des médecins pour s'assurer que l'adéquation se fasse bien et que les médecins comprennent leur rôle par rapport aux infirmières praticiennes spécialisées?

M. Gaudreault (Mauril) : Là, je vais lui redonner la parole. J'ai eu le privilège de présider avant de devenir président, j'étais président d'un groupe de travail, O.K., qui visait à bien définir ce que pourrait être le partenariat entre un médecin puis une IPS, et c'est avec le comité directeur, aussi, maintenant, qu'on a discuté de cela. Alors, à nouveau, je vais passer la parole à Dr Morissette.

M. Morissette (Guy) : Vous avez tout à fait raison de soulever le point que vous soulevez. Remarquez bien ce qu'on vous dit et ce sur quoi on travaille déjà depuis, tu sais, plusieurs années, je dois dire, on n'est pas en compétition, on est en collaboration, et c'est important de voir ça. Chacun a ses compétences, bien sûr, avec une profession, une nouvelle profession, au Québec, peut-être, là, qui était en évolution depuis quelques années, mais la configuration de cette nouvelle profession là est différente, on ne peut pas nécessairement la comparer, tu sais, tâche pour tâche, avec le restant du Canada. Alors, il va falloir que, clairement, tu sais, au Québec, on soit dans une transition, qu'on s'approprie, tu sais, à travailler ensemble.

Quand vous parlez du cursus, bien sûr, des éléments dans le cursus qui va devoir s'ajuster, autant au niveau des infirmières praticiennes, que les médecins, au niveau des médecins, comment travailler ensemble en collaboration. On a déjà beaucoup, je vous dirais, des colloques, des formations où on parle de ça, parce qu'il y a déjà des infirmières praticiennes sur le terrain. On travaille déjà avec des infirmières cliniciennes, des infirmières bachelières, alors on fait beaucoup de travail à ce niveau-là. Puis le meilleur cursus, à mon avis, c'est dans l'exercice sur le terrain, c'est comment ça va se passer. Bien sûr, il va falloir voir, encore une fois, les infirmières... on parle beaucoup des infirmières praticiennes, on réfère souvent aux premières lignes, hein, en UMF, en GMF, en clinique, mais il y a déjà beaucoup de choses qui se font dans les milieux où... en cardiologie, en néphrologie, il y avait des anciennes infirmières — l'ancien vocable, si vous voulez — où déjà ça se fait, ça, ce travail de collaboration là.

Alors, oui, il va y avoir dans le cursus, mais il va y avoir aussi au niveau du terrain, comment ça va se faire, et c'est pour ça qu'on parle de collaboration entre nous, ça va se développer sur le terrain. Et, après quelques années, dans trois, quatre, cinq ans... Il faut le voir dans une évolution, il faut le voir dans une transition. Et, dans cinq ans, ce sera totalement différent, comment on va travailler ensemble. Mais la collaboration est au coeur... dans le respect des compétences et dans un environnement où, je veux dire, on n'est pas en compétition, là, on est en collaboration, on l'a dit. Il y a beaucoup de personnes qui attendent de voir... tu sais, qui n'ont pas de médecin de famille. Est-ce qu'ils ont vraiment besoin d'un médecin de famille? Je vais laisser ça à d'autres personnes de juger de ça, mais ce que je peux dire, c'est qu'ils ont besoin des soins et puis ils ont besoin de soins spécifiques, et on pense que les infirmières praticiennes peuvent répondre à une partie de ces besoins-là.

M. Gaudreault (Mauril) : On pourrait demander à la patiente partenaire ce qu'elle en pense aussi, je pense, ce serait...

Mme Houle (Claudia) : En fait, la question, c'est : Comment les médecins puis les IPS peuvent collaborer ensemble? Parce que moi, je peux plus vous répondre sur l'importance de la collaboration entre les IPS puis les médecins, parce que, nous, dans le fond, comme patients, tu sais... tout le monde est un peu patient, mais moi, par exemple, je suis patiente multi, dans multispécialités, ce n'est pas la même réalité que la majorité des gens peuvent vivre. Moi, c'est plusieurs médecins qui devraient être en collaboration, qui ne sont tout le temps parfaitement en collaboration ni entre spécialistes ni avec mon médecin de famille. Puis, moi, c'est sûr que je vais prôner la collaboration de tous les professionnels ensemble pour le bien-être du patient. En fait, je dois même prôner la collaboration avec tous les patients, dont moi-même. Ça aussi, c'est déjà un défi.

Puis je sais que les intentions, c'est toujours pour le patient et non... ni pour la profession d'infirmière ni pour la profession de médecin, c'est pour le patient que vous faites ça, puis je vous en remercie, tous et chacun, mais ce ne sera pas la première fois qu'on nous dit : C'est dans l'intention du faire du bien au patient. Donc, c'est sûr qu'il y a plein de choses qui sont à valider, ce n'est pas seulement l'intention qui compte, nous, sur le terrain, tout le monde a des bonnes intentions pour nous, ça ne fonctionne pas toujours si bien que ça. Donc, c'est sûr que, pour moi, la collaboration entre tous les professionnels — je vais au-delà de l'IPS-médecin — c'est ça qui va être bénéfique pour le patient, et, si ce n'est pas bien fait, ça va être dommageable pour le patient aussi.

• (11 h 40) •

M. Fortin : Dernière question, M. le Président. Est-ce que cette collaboration-là, elle est possible dans un modèle comme a été décrit par les gens du Conseil de la protection des malades, qui étaient ici, qui est un modèle de clinique uniquement gérée... et dont la propriété est aux IPS? On a parlé du modèle, là, où les médecins et les IPS collaborent ensemble à l'intérieur d'une clinique, mais, dans une clinique uniquement à IPS, où il n'y a pas de médecin, est-ce que cette collaboration-là peut être faite aussi facilement?

M. Gaudreault (Mauril) : Bien, c'est le défi que nous devrons relever, puis je m'engage à le faire au nom du C.A. puis au nom du Collège des médecins, avec M. Luc Mathieu, président de l'ordre des infirmiers et infirmières du Québec.

M. Fortin : Ça va, M. le Président.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Je cède maintenant la parole au député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour. Merci beaucoup d'être là. Dans votre mémoire, là, votre recommandation 6, vous demandez d'instaurer des mécanismes d'inspection professionnelle des IPS. Pourriez-vous un peu développer puis expliquer cette recommandation?

Mme Bélanger (Linda) : De développer des modèles d'inspection?

M. Zanetti : Bien, d'expliquer pourquoi vous proposez ça.

Mme Bélanger (Linda) : En fait, je pense qu'il y a déjà des IPS qui existent depuis déjà plusieurs années. Je pense que c'est important que l'ordre professionnel procède à une évaluation de cette pratique-là, puisque c'est des activités médicales qui sont nouvelles. Donc, ça va au-delà des activités infirmières bien intégrées dans la pratique infirmière. Donc, je pense que c'est important de voir est-ce qu'il peut y avoir de l'amélioration continue. Même au Collège des médecins, dans notre Règlement sur la formation continue, c'est prévu que les médecins doivent faire une évaluation de leur pratique. Donc, c'est une partie importante de ce qu'un professionnel devrait faire pour voir où il se positionne par rapport à un groupe de professionnels, qu'est-ce qu'il devrait aller chercher comme compétences et comment il fait pour se maintenir à jour avec ces compétences-là. Donc, on pense que c'est important que ça soit intégré également dans la pratique des IPS, puisqu'elles vont exercer des activités médicales, pas seulement des activités infirmières.

M. Zanetti : Parfait. Et, étant donné qu'on délègue beaucoup d'actes aux infirmières praticiennes spécialisées, est-ce que vous pensez qu'on pourrait aussi, en toute cohérence avec ça, disons, assouplir, voire éliminer, disons, la supervision médicale dont elles font l'objet, la supervision par un médecin des...

M. Gaudreault (Mauril) : Oui, mais il n'y en aura plus, de supervision, elles vont pratiquer de façon autonome. Ce que nous prônons, c'est que... le faire en partenariat. Mais, pour nous, il ne s'agira pas de superviser l'infirmière praticienne spécialisée, là, on ne parle plus de ça, là.

Tantôt, j'ai parlé de supervision d'un résident dans une UMF, mais il faut bien comprendre que je n'ai jamais voulu insinuer la supervision de l'infirmière praticienne spécialisée par le médecin. C'est une profession autonome. C'est une professionnelle autonome, et le défi, c'est le partenariat entre ces deux professionnels.

M. Zanetti : Donc, les montants, disons, qui étaient associés à ces supervisions-là, aussi, de rémunération au médecin, vont disparaître.

M. Gaudreault (Mauril) : Ce n'est pas à moi de décider ça, mais il n'y aura plus de supervision par les médecins.

M. Zanetti : O.K. Mais, en toute logique, si la supervision disparaît, on peut penser que le montant disparaît aussi. O.K., parfait. Merci.

M. Gaudreault (Mauril) : Ça, je vous laisse répondre à votre question.

M. Zanetti : O.K. Bon, bien, ça clarifie beaucoup de choses. Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Je cède maintenant la parole au député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Merci, M. le Président. Vous avez parlé de formation et de formation continue — je rentre dans le vif du sujet, je veux bien comprendre — puis je l'ai lu en diagonale, votre mémoire. La formation actuelle, à ce que j'en comprends, elle est déjà supérieure à ce qu'on peut avoir chez les IPS à travers le reste du pays. Ce n'est pas la formation en tant que telle que les IPS peuvent avoir que vous remettez en question, c'est simplement dans le temps, là, si la pratique médicale et la pratique infirmière évoluent. Est-ce que c'est bien ça?

M. Gaudreault (Mauril) : On parle d'un programme de développement professionnel continu et on... je ne veux pas qu'on se cite en exemple, là, mais notamment on parle d'un programme chez nous, au Collège des médecins du Québec. Donc, on recommande qu'il y ait un programme qui ressemble à ça pour ce qui est des infirmières praticiennes spécialisées, oui.

M. Arseneau : Est-ce que ça, ça se ferait dans le cadre du projet de loi? Vous recommandez qu'on la prévoie dans le projet de loi, cette formation continue, ou c'est une suggestion que vous faites de façon générale?

Mme Bélanger (Linda) : La formation continue est généralement dans des règlements de formation continue. Donc, c'est les ordres professionnels qui ont la possibilité d'adopter un règlement sur la formation continue, ça appartient à l'Ordre des infirmières et infirmiers de décider de ça.

Je pense qu'il faudra qu'ils réfléchissent à cette question et qu'ils prennent en compte le fait qu'ils ont parmi leurs membres des membres qui exercent la profession d'infirmière et qui en plus exercent aussi des activités médicales, qui vont diagnostiquer des maladies, certaines maladies, au même niveau qu'un médecin. Donc, les attentes de la population devraient être les mêmes en termes de formation continue.

M. Arseneau : Donc, c'est en quelque sorte... Par rapport au projet de loi qu'on étudie, c'est un complément ou, en tout cas, ou une condition préalable, dépendamment de la façon dont on se situe.

M. Gaudreault (Mauril) : Je vous rappelle que tout cela a fait l'objet de discussions entre eux et nous, là.

M. Arseneau : D'accord, c'est bien. Les infirmières praticiennes spécialisées nous faisaient part du fait que, bon, il y a actuellement une séparation entre celles qui s'occupent des soins de première ligne et celles qui sont spécialisées dans la santé mentale et que ça, ça peut restreindre la capacité des unes de diagnostiquer le volet pour lequel elles ne sont pas spécialisées, alors qu'elles pourraient le faire. Est-ce que vous avez un point de vue là-dessus? En d'autres mots, si on est infirmière pour la première ligne, on pourrait quand même faire un certain pas dans le diagnostic pour la santé mentale, même si on n'a pas le titre. Comment vous voyez ça?

M. Morissette (Guy) : Bien, justement, dans le règlement, il va falloir, tu sais, travailler ensemble et définir quelles sont les balises qu'on donne à une maladie courante. Puis il est clair qu'une grippe, pour... je dis ça comme ça, c'est clair que c'est dans le champ, si on veut, d'une infirmière praticienne spécialisée en première ligne, en soins de première ligne. Pour quelqu'un qui est en santé mentale, ça peut être un peu différent, alors ça ne fait peut-être pas partie, je vous dirais, d'une maladie courante en santé mentale. Mais la fibrose kystique, pour une IPS, je vais le prendre comme ça, une IPS en pédiatrie, bien, ce n'est peut-être pas la même chose si on est en première ligne comme infirmière praticienne spécialisée. Alors, il y a des champs de compétence qui sont en relation avec la formation qu'ils ont et qu'ils auront, O.K., ajustée, mais il faut le respecter, ça, cet élément-là. Puis je pense que même les infirmières praticiennes dans leur ensemble — mais là j'interprète — vont souhaiter que ça soit aussi comme ça pour leurs compétences, pour assumer leurs compétences.

Le Président (M. Provençal)  : Je remercie les représentants du Collège des médecins du Québec pour leur contribution à nos travaux.

Nous suspendons nos travaux après les affaires courantes, vers 15 h 30. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 47)

(Reprise à 15 h 13)

Le Président (M. Provençal)  : Bonjour à tous. Nous reprenons nos travaux. La Commission de la santé et des services sociaux reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur projet de loi n° 43, Loi modifiant la Loi sur les infirmières et les infirmiers et d'autres dispositions afin de favoriser l'accès aux services de santé.

Cet après-midi, nous entendrons les organismes suivants : l'Association des infirmières praticiennes spécialisées du Québec, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec et la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

Je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Association des infirmières praticiennes spécialisées du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé. À vous la parole.

Association des infirmières praticiennes
spécialisées du Québec (AIPSQ)

Mme Laliberté (Christine) : Merci beaucoup, M. le Président. Mme la ministre McCann, Mmes et MM. les députés, alors, mon nom est Christine Laliberté, je suis infirmière praticienne en soins de première ligne et je suis aussi présidente de l'Association des infirmières praticiennes spécialisées du Québec, AIPSQ. Alors, aujourd'hui, je suis accompagnée d'Isabelle Levasseur, qui est aussi infirmière praticienne en soins de première ligne et vice-présidente de l'association, et de Claudie Roussy, qui est infirmière praticienne en soins aux adultes du domaine de la cardiologie et qui représente les infirmières praticiennes en soins aux adultes au sein de l'association.

Alors, notre association a été fondée en 2005 afin d'assurer le développement, la mise en valeur et l'uniformité du rôle des infirmières praticiennes au Québec. Nous représentons actuellement 550 infirmières praticiennes qui sont de chaque classe de spécialité. Donc, au Québec, on a les IPS — «IPS» pour «infirmière praticienne spécialisée» — en néonatalogie, en santé mentale, en soins aux adultes, en soins pédiatriques et aussi en première ligne. Donc, nous vous remercions de votre invitation à pouvoir venir avoir la chance de commenter le projet de loi n° 43 avec vous aujourd'hui.

L'association souhaite premièrement saluer la volonté commune de chaque parti — je pense qu'ici on a vraiment un point commun — de donner des services accessibles à la population, améliorer la qualité, aussi, des services et l'efficience des soins de santé pour la population québécoise. Alors, tout comme le gouvernement, on constate qu'il est grand temps que tous les professionnels de la santé agissent selon la pleine étendue de leur champ de pratique.

Alors, dans le cas qui nous intéresse aujourd'hui, les précédentes réglementations, notamment les lignes directrices et règlements pour les infirmières praticiennes, limitaient la pratique et le développement optimal du travail de l'infirmière praticienne. Alors les conséquences, c'est qu'on multiplie les demandes d'intervention auprès des médecins partenaires, on limite aussi l'accès aux soins en dédoublant les services, et aussi ça augmente les coûts pour les contribuables.

Alors, les nouvelles dispositions du projet de loi présentent d'excellentes propositions pour améliorer la situation, et on est très satisfaits de pouvoir collaborer avec le gouvernement et les autres professionnels de la santé pour mettre en place une réglementation qui va être sécuritaire, réaliste et aussi applicable sur le terrain.

Alors, l'association tient aussi à partager avec vous certaines suggestions pour améliorer le présent projet de loi et permettre une utilisation optimale des capacités des infirmières praticiennes dans le réseau de la santé, mais surtout au bénéfice de la population.

Avant de passer aux recommandations, je vais vous parler un peu de la formation des infirmières praticiennes pour vous aider à contextualiser ce qu'on peut apporter à la population. Alors, actuellement, c'est nous qui avons la formation la plus longue et la plus complète au Canada. Les infirmières praticiennes détiennent, au départ, un bac, qui est un niveau de premier cycle, et minimalement deux ans d'expérience clinique dans la spécialité qu'elles ont choisie, celles que j'ai nommées plus tôt pour vous. Et sachez que les infirmières praticiennes, actuellement, ont de deux à 20 ans d'expérience clinique avec la population soit en centre hospitalier ou en première ligne avant d'être infirmières praticiennes, donc une expérience qui est non négligeable. Et simultanément elles vont faire, donc, la formation théorique qui va durer un an et demi et à laquelle on va combiner un stage de 950 heures qui est supervisé par des médecins et des infirmières praticiennes. Alors, au Québec, l'infirmière praticienne possède donc les compétences pour évaluer l'état des patients qui ont des problèmes de santé qui sont complexes, pour diagnostiquer des problèmes de santé physiques et mentaux, prescrire et interpréter des examens diagnostiques, des traitements médicaux et aussi des médicaments. À la sortie de l'université, les IPS, minimalement, ont les mêmes compétences que les infirmières praticiennes des autres provinces et territoires canadiens. Et pourtant, malgré ça, on répète le plus souvent que notre formation est la plus longue, mais on demeure encore l'endroit où la pratique est plus restrictive.

Donc, ça m'amène à vous parler de la première recommandation. Alors que, dans les autres provinces et territoires, le droit de diagnostiquer sans restriction a été autorisé très tôt dans le déploiement du rôle des infirmières praticiennes, soit pratiquement au moment où ils ont créé le rôle des infirmières praticiennes, le présent projet de loi risque d'entretenir de la confusion sur le terrain en raison de l'introduction d'une notion de maladie courante. Alors, pour offrir les soins les plus complets et efficients à la population, l'association recommande qu'il n'y ait pas de définition de «maladie courante» dans le projet de loi et qu'on s'harmonise avec la législation des autres provinces et territoires canadiens. Dans sa forme actuelle, la définition de «maladie courante» va restreindre l'infirmière praticienne dans ses activités quotidiennes avec comme impact un ralentissement, voire un bris de service, une diminution de l'accès aux soins et l'obligation pour l'infirmière praticienne de référer à d'autres professionnels de la santé, ce que le projet de loi n° 43 cherche à éliminer ou à réduire. Alors, s'il fallait conserver une définition dans la loi, l'AIPSQ recommande d'en modifier plusieurs critères pour s'assurer d'avoir une définition qui soit la moins restrictive possible pour permettre aux infirmières praticiennes de pratiquer à la hauteur de leurs compétences, et on pourra s'en parler au moment de nos échanges.

La deuxième recommandation de l'association est d'éliminer les restrictions qui sont relatives aux suivis de grossesse. Au Québec, l'infirmière praticienne qui évolue au sein de l'équipe en suivi de grossesse a une exposition très fréquente et soutenue auprès de la clientèle et elle fait aussi des formations continues spécialisées, développe son expertise bien au-delà des compétences de départ, c'est-à-dire au moment où elle sort de l'université. Elle est donc en mesure de reconnaître les situations cliniques qui nécessitent des suivis collaboratifs plus étroits, une consultation médicale ou encore un transfert vers une médecine spécialisée. Elle est donc pleinement outillée pour suivre des femmes enceintes avec des facteurs de risque plus élevé de façon autonome au sein de son équipe.

• (15 h 20) •

La troisième recommandation de l'AIPSQ concerne le retrait des précisions relatives à l'IPS en santé mentale dans les modifications introduites au Règlement relatif à la santé des conducteurs. Les autres classes d'infirmières praticiennes doivent aussi pouvoir émettre un avis quant à l'impossibilité de conduire un véhicule lorsque certains troubles du sommeil sont présents. Les examens pour les permis de conduire se font dans les services de première ligne auprès des infirmières praticiennes en soins de première ligne et des médecins, donc les troubles du sommeil y sont fréquemment évalués et diagnostiqués, et il n'y a aucun diagnostic spécifique qui devrait être réservé à une spécialité.

La quatrième recommandation de l'association est de corriger le projet de loi n° 43 de façon à ce qu'il n'y ait pas de scission arbitraire entre la pratique de la santé physique et mentale. Nous sommes le seul endroit en Amérique du Nord ou l'évaluation des troubles mentaux est réservée à une spécialité. Et, pour toutes les IPS qui soignent des personnes qui présentent des problèmes dans ces deux sphères, un cadre législatif souple permet de développer des compétences par l'exposition fréquente aux situations cliniques, la formation continue et la collaboration étroite avec les médecins partenaires. On ne veut pas séparer la santé mentale de la santé physique. La personne, c'est un individu dans sa globalité, et on voudrait vraiment vouloir faire les soins complets pour la personne qui est avec nous. Alors, dans un contexte où les besoins d'accès en santé mentale et en première ligne sont criants, il importe de corriger la situation pour offrir des services intégrés au moment opportun auprès des populations vulnérables. Donc, l'association recommande que les IPS en première ligne puissent poser le diagnostic pour des troubles mentaux fréquents en première ligne et que les IPS en santé mentale puissent poser des diagnostics pour des conditions de santé physique, même si ce n'est pas lié aux problèmes de santé mentale quand le patient est avec elles. Elles le feront, et c'est ce qui est important d'entendre, lorsqu'elles jugent, comme dans le reste de leur pratique, qu'elles ont la formation et l'expertise pour répondre aux besoins de la clientèle. Globalement, le projet de loi devrait indiquer que le champ d'exercice des IPS inclut donc le diagnostic des maladies physiques et mentales.

La cinquième recommandation est que les IPS puissent admettre les patients et donner le congé hospitalier au moment opportun. Cette pratique a permis d'améliorer l'accès à la sécurité, la continuité des soins pour les patients dans le reste du Canada, une diminution des délais d'attente aux urgences et des séjours hospitaliers. Suivant la volonté du gouvernement du Québec d'atteindre les deux derniers objectifs dans les hôpitaux québécois, ça serait pertinent de permettre ces tâches.

En plus de ce qui est prévu au projet de loi, l'association recommande de permettre l'administration de l'aide médicale à mourir par les infirmières praticiennes, tel que c'est déjà prévu dans la loi fédérale.

Notre dernière recommandation porte donc aussi sur la détermination du niveau de soins. La Loi médicale prévoit actuellement que les médecins sont les seuls à pouvoir le faire, tout comme le diagnostic et la prescription de traitements. À partir du moment où l'infirmière praticienne peut établir un diagnostic et prescrire un traitement, il est simplement logique qu'elles puissent procéder à la détermination du niveau de soins de leurs patients, toujours selon leur jugement clinique, compétences, expertise et dans la confiance.

En conclusion, je n'insisterai jamais assez sur le fait que l'infirmière praticienne a la formation, les compétences, les habiletés et le jugement clinique essentiels pour poser un diagnostic et référer au moment opportun, et ce, sans restriction sur les champs dans lesquels elle peut pratiquer. Et rappelons-nous que, depuis 15 ans, il y a des infirmières praticiennes dans le réseau au Québec, et on a toujours référé et consulté au moment opportun.

La Coalition avenir Québec, élue en octobre 2018, avait la volonté, donc, explicite d'améliorer l'accès aux soins de santé de la première ligne et de décloisonner les pratiques médicales pour permettre aux professionnels de la santé d'utiliser toutes leurs compétences pour répondre aux besoins de santé de la population. Vous tous, ici présents, siégeant actuellement à l'Assemblée, avez aussi pris des engagements en ce sens, se positionnant favorablement pour une utilisation à plein potentiel et à hauteur des compétences des infirmières praticiennes. Donc, le projet de loi étant aujourd'hui à l'étude, on veut saisir l'opportunité, donc, d'aller de l'avant pour les patients Québécois. Et je suis maintenant disposée à répondre à vos questions. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal)  : Merci pour votre exposé. Nous allons initier la période d'échange avec la partie gouvernementale. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme McCann : Bien, merci, M. le Président. Bonjour, Mme Levasseur. Je salue aussi vos collègues. Ça fait plaisir de vous recevoir aujourd'hui pour vous entendre. Évidemment, ce projet de loi vous touche directement. Évidemment, ce n'est pas la première fois qu'on se rencontre, et, vraiment, vous connaissez de l'intérieur la pratique des infirmières praticiennes spécialisées, et on a vraiment la chance de vous entendre, aujourd'hui, davantage sur des aspects, je pense, très importants, là, de ce projet de loi.

Alors, vous l'avez dit, Mme Levasseur, que nous avons tous le même objectif... Oui, c'est parce que...

Mme Laliberté (Christine) : C'est Laliberté.

Mme McCann : Ah! j'ai Levasseur. Mon Dieu! C'est Laliberté. Oui, mon Dieu! Il me semblait, aussi, que ça ne fonctionnait pas. Oui, alors, c'est Mme Roussy, Mme Levasseur et Mme Laliberté.

Mme Laliberté (Christine) : C'est moi, Mme Laliberté.

Mme McCann : À ma défense... Oui, bon, alors, vous me pardonnerez, Mme Laliberté.

Mme Laliberté (Christine) : Oui, bonjour.

Mme McCann : Alors, ce n'est pas la première fois, c'est vrai, qu'on se rencontre, hein, mais je n'ai pas toujours la mémoire des noms. Mais donc pour nous éclairer sur certains points qui sont très importants dans ce projet de loi — et on a besoin de concret, on a besoin, vraiment, de concret — vous avez une longue pratique, par exemple sur des éléments, puis vous en avez parlé, comme les maladies courantes, dans la pratique, vous dites que ça pourrait causer de la confusion, difficulté d'appliquer. Pouvez-vous nous expliquer? Par exemple, dans l'action, là, une infirmière praticienne spécialisée en première ligne — on va prendre celle qui est en première ligne — avec cette définition de la «maladie courante», quel impact ça peut avoir? Et, si vous avez seulement le terme «maladie», quel impact ça a dans votre pratique quotidienne?

Mme Laliberté (Christine) : Alors, le fait d'avoir la définition de «maladie courante» avec des symptômes précis, reconnus, qui suivent le cours, qu'il n'y a pas de détérioration possible ou potentielle, qu'il n'y a pas de risque de préjudice... Il faut regarder que, si on y va pour la première ligne, on travaille dans différents milieux. Il y a des milieux comme les cabinets médicaux, mais il y a aussi les CHSLD, on fait des soins à domicile, il y a des patients qui sont en soins palliatifs. Donc, à la base, on a une clientèle qui peut présenter beaucoup de complexités. Alors, si on ne peut pas poser de diagnostic chez cette clientèle complexe, on va avoir de la difficulté à arrimer les soins et services, par exemple en CHSLD.

Et on peut même penser à un patient de 85 ans qui se présente au sans rendez-vous avec une fièvre, une pneumonie, chez quelqu'un qui a déjà des problèmes pulmonaires chroniques connus, ce patient-là peut se détériorer rapidement. Mais, quand on est dans le sans rendez-vous, si on veut être efficace... et souvent ça peut arriver, dans certains milieux, que l'infirmière praticienne est seule. Alors, est-ce que je dois rediriger ce patient-là vers une autre clinique sans savoir s'il aura un accès et s'il va se détériorer en quittant, parce que je ne peux pas le faire, alors que c'est des choses qu'on fait déjà? Alors, actuellement, on ne fait pas de scission, dans le sans rendez-vous, à savoir si le patient va se détériorer ou pas, on traite la personne qui est là devant nous. On ne pouvait pas poser de diagnostic, mais on faisait déjà le traitement pour le patient. Et dites-vous que, si on fait un traitement pour un patient, c'est parce qu'on connaît les diagnostics, parce que sinon comment on pourrait choisir le meilleur traitement pour le patient sans savoir pourquoi on le traite? Alors, il y aurait des impacts parce que ça voudrait dire qu'on ne pourrait plus soigner ces patients-là. Et le fait qu'on commence à se poser des questions sur les critères de la définition, ça veut dire que ça place l'infirmière praticienne, dans sa clinique, à se dire : O.K., ça, j'ai-tu le droit? Ça, je n'ai-tu pas le droit? Ça, je peux-tu? Je vais-tu trop loin? Et là ça amène une série de questionnements plutôt que de focusser sur les soins qu'on a à donner à la personne.

Alors, on sait qu'on a la compétence, puisqu'on le fait déjà. On sait qu'on a déjà le jugement de décider de ne pas traiter quelqu'un avec lequel on n'est pas confortable et on va discuter avec un médecin, à ce moment-là, pour compléter les interventions. Et, quand le patient est assez à risque, dans un sans rendez-vous, pour qu'on se dise qu'on ne doit pas le soigner en sans rendez-vous, on les envoie à l'urgence. Sinon, on va être capable de faire l'intervention dans le sans rendez-vous. Alors, quand il y a un risque de détérioration, on va devoir quand même identifier, mais on va diriger la personne au bon endroit. Alors, ça, c'est des exemples de la première ligne.

Est-ce que vous voulez qu'on vous parle un petit peu pour les IPS en soins hospitaliers?

Mme McCann : J'aurais une sous-question. C'est parce qu'avec ce que vous me dites, là, ma crainte, si on garde «maladie courante» c'est qu'on fait un demi-pas en arrière, là, avec ce que vous dites, là.

Mme Laliberté (Christine) : Tout à fait.

Mme McCann : Parce qu'actuellement, là, vous n'avez pas cette balise-là, vous traitez, là, dans le cadre de la loi. Ça, c'est quelque chose qu'il faut noter, évidemment.

Mme Laliberté (Christine) : Oui.

Mme McCann : Et je vous demanderais, justement, là, si vous êtes dans un contexte où on parle de «maladie» sans avoir les critères puis qu'on ne dit pas «maladie courante», qu'est-ce que vous référez? Donnez-nous une idée. Que ce soit en première ligne ou en deuxième ligne, donnez-nous une idée de ce que vous référez, par exemple, à un médecin de famille. Où est-ce que ça dépasse vos compétences? Qu'est-ce que vous référez comme situations au médecin de famille?

Mme Laliberté (Christine) : Quand on est dans un service de sans rendez-vous, habituellement, on ne va pas référer au médecin de famille si on est seule. On va régler les interventions, on va conserver l'information pour des suivis dans les jours qui vont suivre les interventions. Mais habituellement, si on a à référer au médecin de famille, on va référer... Par exemple, actuellement, on a quand même déjà un blocage au niveau de la santé mentale, on ne peut pas évaluer les troubles mentaux — donc, c'est 20 % à 30 % de la clientèle — et, quand ils vont se présenter en sans rendez-vous, si on est seule, on va devoir référer au médecin. Ça ne pose pas de problème dans l'immédiat, si on n'a pas besoin d'une intervention immédiate pour le patient, mais, si ça prend un diagnostic, s'il y a un arrêt de travail qui nécessite aussi d'avoir un diagnostic et un plan de traitement à amorcer, c'est impossible pour l'infirmière praticienne en soins de première ligne de le faire.

• (15 h 30) •

Mme McCann : Ma question, si vous permettez, c'est vraiment davantage dans un nouveau contexte. Disons que le projet de loi chemine et qu'il y a cette identification de «maladie» — pas «maladie courante», «maladie» — à ce moment-là, qu'est-ce que vous référez à un médecin de famille, si vous avez le droit de diagnostiquer?

Mme Laliberté (Christine) : Oui, alors, si on avait le plein droit de diagnostiquer, on va référer toutes les situations pour lesquelles il y a un inconfort, qui peut varier d'une infirmière praticienne à l'autre selon son niveau d'expertise. Donc, par exemple, un patient qui se présente avec des douleurs chroniques, l'infirmière praticienne qui est moins confortable dans le contexte de douleurs chroniques, où c'est complexe, et le patient a de multiples médications, elle va se référer au médecin. L'avantage, c'est qu'elle ne le fera pas immédiatement, elle va attendre de revoir le médecin, ça peut se passer en un jour, deux jours. Elle va régler, dans l'immédiat, la raison pour laquelle il y a un inconfort chez le patient qui s'est présenté et elle va avoir le temps d'échanger, quand il n'y a pas un nouveau diagnostic à poser.

Si on pense, par exemple, à un patient qui se présente, pour lequel il y aurait une suspicion de penser, peut-être, que la personne a une fibromyalgie, c'est des diagnostics d'exclusion qui prennent un long cours, qui nécessitent une réflexion plus longue, pour lequel on va échanger avec le médecin parce que ça ne suivra pas le cours attendu dans l'évaluation et le suivi de cette patiente-là, donc on va référer, à ce moment-là. Là, je demeure dans un contexte de première ligne, à ce moment-là.

Mme McCann : Oui. Et vous souhaitez probablement nous parler un petit peu du contexte de deuxième ligne. Dites-nous quelques mots là-dessus, parce qu'on a moins d'IPS en deuxième ligne, mais elles font un travail important, là.

Mme Laliberté (Christine) : Très important.

Mme McCann : Alors, on va vous entendre sur... puis j'aurai une question sur le volet santé mentale, là, dont vous avez parlé tout à l'heure.

Mme Laliberté (Christine) : Parfait. Bien, pour les soins aux adultes, les gens qui travaillent en centre hospitalier, d'abord on doit savoir qu'ils travaillent déjà dans des milieux où les patients vivent une détérioration de l'état de santé ou qui nécessitent une investigation beaucoup plus poussée. On va les retrouver en soins critiques, par exemple. Ils vont travailler aux soins intensifs, ils vont passer faire des consultations aux urgences. Donc, il y a là quand même quelque chose de très important pour elles dans la définition pour ne pas les restreindre. Et, étant donné qu'on a la chance d'avoir Claudie avec nous, je vais demander à Claudie de vous donner un exemple par rapport à ça.

Mme Roussy (Claudie) : Absolument. Donc, c'est ça, nous, notre clientèle, ils sont tous à risque de détérioration rapide, ils sont tous à risque de préjudice grave, justement, pour la raison de consultation initiale, qui est justement une condition qui est instable, critique ou aiguë. Donc, nous, c'est vraiment notre clientèle au quotidien, du matin au soir, c'est le type de clientèle qu'on reçoit.

Pour vous donner un exemple, moi, ma clientèle quotidienne, c'est des infarctus non transmuraux, des infarctus, donc, communément appelés non STEMI, qui viennent quotidiennement, de l'angine instable, donc toutes des conditions qui ont un potentiel de détérioration, mais avec qui on a développé... comme c'est notre clientèle de tous les jours, notre expertise s'est développée autour de cette clientèle-là, justement. Même chose pour les fibrillations auriculaires très rapides, donc des arythmies aiguës, le patient peut devenir instable momentanément, mais les infirmières praticiennes ont beaucoup d'expérience, justement, pour évaluer cette situation-là et intervenir promptement.

Donc, voilà, c'est un petit peu... c'est là où ça va nous limiter énormément, si jamais il y avait ces caractéristiques-là, pour le diagnostic de maladies courantes, qui seraient retenues, parce que c'est notre clientèle quotidienne. Donc, ça ne nous donnerait pas plus de possibilités si on doit se référer sans arrêt au médecin, à ce moment-là.

Mme Laliberté (Christine) : Puis il faut penser, aussi, qu'on a des infirmières praticiennes en néonatalogie, avec des bébés nés prématurément, avec toute la complexité que ça peut apporter, et ça aussi, c'est leur travail quotidien. Et il y a des infirmières praticiennes en soins pédiatriques en centre hospitalier, donc dans des domaines plus complexes et aigus, qui ont besoin d'avoir une latitude aussi pour porter les actes qu'elles ont à porter au moment où on se parle.

Mme McCann : Merci. Je vais aller sur le volet santé mentale, parce que vous amenez cette dimension-là, puis je veux vraiment vous entendre là-dessus, là. En fait, si je vous ai bien comprise, vous dites que l'IPS, quelle que soit sa spécialité, si j'ai bien compris, parce qu'on a des IPS en santé mentale, là, formées, bon... Moi, je veux voir la différence entre une IPS adulte, première ligne, etc., et une IPS santé mentale. Qu'est-ce que l'IPS santé mentale peut faire de plus puis qu'est-ce que l'IPS... les autres, peuvent faire en santé mentale?

Mme Laliberté (Christine) : En fait, il existe un guide qu'on utilise tous pour les diagnostics qui s'appelle le DSM-5, qui regroupe tous les types de diagnostics possibles en santé mentale. Actuellement, le rôle de l'infirmière praticienne en santé mentale se dessine autour de ce guide-là, et on parle d'évaluer les troubles mentaux. Les autres infirmières praticiennes ne pourront poser aucun diagnostic en lien avec ce guide-là, ce qui veut dire que... À l'intérieur du guide, on retrouve les troubles du sommeil, notamment l'apnée du sommeil, d'où la recommandation en lien avec le permis de conduire. Donc, on retrouve aussi, par exemple, le syndrome des jambes sans repos, des inconforts au niveau des membres inférieurs. On retrouve aussi l'anxiété, la dépression, et ça, c'est des raisons de consultation qu'on va voir beaucoup en première ligne, quotidiennement, et c'est ce qu'on voit aussi depuis qu'on est présentes dans le réseau de la santé en 2009. Nos collègues infirmières praticiennes en santé mentale, ce sont des collègues qui sont formées pour évaluer des troubles encore plus complexes, et qui seraient vraiment complémentaires à nous, et qui pourraient nous accompagner. Alors, si elles doivent évaluer les problèmes qu'on voit couramment en première ligne au niveau de nos sans rendez-vous et de nos suivis, bien, on va les restreindre par rapport à l'évaluation des patients qui ont des problèmes plus complexes.

Et, par la bande, il y a aussi une notion qui a été ajoutée, que l'infirmière praticienne en santé mentale ne peut pas évaluer un trouble physique s'il n'est pas lié au problème de santé mentale. Alors, je vous donne un exemple : un patient qui se présente avec une problématique de schizophrénie qui est évalué par l'IPS en santé mentale et, cette journée-là, ce monsieur-là, connu asthmatique, a une détérioration de son état respiratoire au moment de la visite, elle n'a pas le droit de prescrire les inhalateurs qu'il a besoin pour régler la situation immédiatement. Alors, ça, c'est un enjeu parce qu'il faut déplacer ce patient-là vers un sans rendez-vous ailleurs, et on ne sait pas si le patient va être capable d'y aller et s'il va le faire. Et le patient n'a pas accès au médecin de famille avant un mois et demi pour avoir un rendez-vous pour dire... Alors, ce patient-là, il est comme pris dans le système, et il n'y a personne... il faut trouver quelqu'un d'autre pour donner le service, alors que, si elle pouvait le faire, si elle s'en sent compétente et responsable, elle pourrait prescrire les inhalateurs, et ensuite elle règle le problème dans l'immédiat, et, pour la suite, réfère à l'infirmière praticienne en première ligne ou le médecin de famille.

Et c'est la même chose pour une IPS en première ligne, si le patient ne va pas bien dans sa condition de santé mentale, ça ne suit pas son cours, c'est beaucoup plus complexe que prévu, on va avoir un plaisir de référer, justement, à notre collègue qui est spécialisée en santé mentale pour venir donner la suite des services au patient, l'accompagner et améliorer la situation.

Donc, c'est pour ça qu'on pense qu'il ne faut pas qu'on scinde les deux pratiques. Et, de toute façon, qui d'entre nous voudrait être vu : Toi, c'est physique, toi, c'est mental, porte a, porte b? Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne dans la vraie vie. On est des êtres complets, puis c'est comme ça qu'on veut continuer à donner nos services.

Mme McCann : Oui, et c'est la pratique en médecine de famille.

Mme Laliberté (Christine) : Et aussi la pratique.

Mme McCann : Et j'aimerais vous entendre sur le parallèle avec les autres provinces du Canada sur ce point-là.

Mme Laliberté (Christine) : Alors, il n'y a pas de restriction en santé mentale dans les autres provinces. Évidemment, il n'y a pas classe de spécialité santé mentale, et ça va venir, éventuellement, en Ontario, on m'a parlé qu'il y avait une possibilité qu'il y ait une classe, éventuellement, et il n'y a aucune restriction diagnostique. Que ce soit santé physique ou mentale, on se fie vraiment à la formation, l'expertise et le jugement de l'infirmière praticienne pour donner suite aux services. Il n'y en a pas, de limitation et de restriction, donc on ne coupe pas l'individu en deux morceaux.

Mme McCann : Quelle est la valeur ajoutée de l'infirmière praticienne spécialisée en santé mentale?

Mme Laliberté (Christine) : Bien, en fait, il y en a beaucoup. C'est qu'il y a un manque d'accès en santé mentale, on a besoin de portes d'entrée dans le réseau de la santé. Donc, l'infirmière praticienne en santé mentale va aider à améliorer la prise en charge et le suivi en santé mentale dans les cas plus complexes, particulièrement, accompagner autant l'infirmière praticienne de la première ligne que les autres spécialités et les médecins de famille pour les cas où c'est plus difficile, ça prend plus de temps, on a besoin d'un temps d'écoute supplémentaire, d'un traitement supplémentaire, on veut préciser un diagnostic qui est là. Si ça ne suit pas son cours, il faut voir, y a-tu d'autres choses qui se cachent derrière le diagnostic de dépression? Donc, c'est comme ça qu'ils vont pouvoir accompagner. Puis on a hâte qu'ils arrivent parce qu'ils viennent de terminer. Ils certifient prochainement, et on a hâte de les voir arriver.

Mme McCann : Oui, parce que je pense que ce sont des nouvelles IPS, hein, c'est la nouvelle cohorte.

Mme Laliberté (Christine) : Oui, exactement, la première cohorte.

Mme McCann : Au Québec.

Mme Laliberté (Christine) : Oui.

Mme McCann : Oui. J'avais d'autres questions, mais je ne pense pas que je vais avoir le temps de faire... que vous ayez le temps de faire justice à la question. Deux mots sur le partenariat avec les médecins.

Mme Laliberté (Christine) : En fait, le partenariat, actuellement, la collaboration avec les médecins, ça va très bien. Ceux qui travaillent avec nous qui nous connaissent sont amplement satisfaits des services, comprennent aussi les demandes qu'on fait aujourd'hui, parce que, si on veut que ça soit plus facile de donner de l'accès à notre population, c'est ce qu'il faut faire.

Puis on veut miser sur les forces de chaque intervenant. Là, on a parlé de médecins en partenariat, mais il y a plein d'autres gens qui travaillent avec nous, il y a des pharmaciens, il y a des travailleuses sociales, psychologues, nutritionnistes, nommez-en, et tous ces gens-là... il faut vraiment qu'on mise sur les forces de tout le monde pour donner les meilleurs services, plutôt que de se centrer à se dire : Est-ce que je suis dans mon champ de compétence ou pas? Il va toujours avoir des zones grises dans nos champs de compétence, mais, si on veut donner les meilleurs services, il faut se donner du lousse puis travailler en équipe et ensemble. Je m'excuse pour le mot «lousse», je trouve que ça se portait bien aujourd'hui. Merci.

Mme McCann : Merci. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, Mme la ministre. Nous poursuivons cet échange avec le représentant de l'opposition officielle. Alors, je cède la parole au député de Pontiac.

• (15 h 40) •

M. Fortin : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Laliberté, Mme Levasseur, Mme Roussy. Merci d'être avec nous. Je veux revenir deux secondes, je ne veux pas m'éterniser là-dessus, là, mais la question de la scission, je veux juste bien comprendre ce que vous avez essentiellement dit. Quand on parle de la scission, là, entre santé mentale, santé physique, donc une IPS, une infirmière praticienne spécialisée, en ce moment, qui oeuvre, disons, dans une unité de médecine familiale, vous considérez — et là je n'essaie pas du tout de minimiser, là, votre formation ou ce que vous avez comme compétences, j'essaie juste de comprendre le fond de l'enjeu, là — a toutes les compétences, selon vous, pour parler tant de santé mentale que de santé physique et peut faire le travail, là, des IPSSM et des IPSSP, là, selon vous, là. C'est ce que j'ai compris, là. Je veux dire, il n'y a pas de différentes classes, il n'y a pas d'IPS qui sont aptes et confortables à faire un diagnostic ou un autre. Tout le monde est capable de remplir les responsabilités qui sont dans le projet de loi en ce moment, si je comprends bien.

Mme Laliberté (Christine) : En fait, c'est que chacune a sa spécialité dans le domaine de la complexité. Donc, ça veut dire qu'une infirmière praticienne en soins de première ligne ne ferait pas un diagnostic de bipolarité ou de schizophrénie. Par contre, un diagnostic d'anxiété, de dépression, de TDAH, de trouble du sommeil, c'est courant dans notre pratique. Alors, oui, là, on a un confort et on sait où s'arrêter.

La même chose pour le patient qui se présente avec une douleur angineuse avec une infirmière praticienne en soins de première ligne, quand c'est trop complexe, c'est l'IPS en soins aux adultes qui va s'en occuper. Les médecins de famille ne font pas ce silo-là entre eux. Ils ont une prise en charge globale de généralistes, et, quand ça devient plus complexe, on comprend que ça va du domaine de la spécialité, et c'est la même chose pour l'infirmière praticienne.

M. Fortin : Donc, ce qui pourrait se passer, essentiellement, ça serait qu'une IPS en première ligne, disons, une infirmière en première ligne, pourrait référer un patient à une IPS en santé mentale.

Mme Laliberté (Christine) : Bien, on l'espère. C'est ce qu'on souhaite, de pouvoir s'arrimer entre nous, tout à fait.

M. Fortin : O.K. Parce qu'un des enjeux, entre autres en santé mentale mais dans plusieurs domaines, là, c'est... et c'est vrai quand un médecin de famille réfère à un médecin spécialiste, ce sera vrai si le projet de loi est adopté, ce sera vrai, nécessairement, si vous référez à un médecin spécialiste, mais, si vous référez à une IPS en santé mentale... je ne sais pas, il y a 600 IPS au Québec, là, il ne doit pas y en avoir tant que ça qui sont spécialisées en santé mentale. Je ne connais pas le chiffre exact.

Mme Laliberté (Christine) : En fait, ils ne sont pas arrivés encore. Il va y en avoir, mais il n'y en aura pas dans toutes les cliniques du Québec.

M. Fortin : Mais elle n'est pas là, la difficulté? Est-ce que ce n'est pas là que ça devient difficile? Jusqu'à ce qu'on n'ait pas, disons, un nombre d'infirmières praticiennes spécialisées dans un champ particulier, est-ce que ce transfert-là du patient ou cette référence-là du patient vers une IPS en santé mentale ne risque pas d'être long et compliqué, du moins initialement?

Mme Laliberté (Christine) : En fait, initialement, ça va probablement être l'inverse, mais ce n'est pas long qu'on va saturer, si on lui envoie tout ce qui est de troubles de santé mentaux. Mais, si on cible, justement, les endroits où les personnes on le plus besoin puis qu'on réfère, à ce moment-là on va être beaucoup plus efficaces. Donc, c'est pour ça qu'on pense que... Là, actuellement, il y a comme 465 infirmières praticiennes en première ligne, au Québec, qui pourraient donner une porte d'entrée, en plus de nos collègues en santé mentale, pour cette clientèle-là. Alors, on voudrait vraiment pouvoir mobiliser la clientèle plus complexe à nos collègues justement pour qu'ils nous aident à donner des meilleurs services, mais sans occulter qu'on peut faire une base pour ces patients-là en première ligne. Et je ne veux pas qu'on oublie qu'en santé mentale ils doivent aussi pouvoir faire des actions en santé physique pour les mêmes raisons.

M. Fortin : Parce qu'on en a entendu parler, dernièrement ou dans les derniers jours, là, j'aimerais que vous nous expliquiez un peu l'idée de la formation continue pour les infirmières praticiennes spécialisées. Qu'est-ce que vous avez en ce moment versus ce qui est demandé de la part des autres groupes, disons?

Mme Laliberté (Christine) : Question très intéressante. En fait, ce qui est demandé, actuellement, c'est 20 heures par année. Les infirmières praticiennes veulent plus que ça. Et ce qui est enregistré... et là, je m'excuse, ce n'est pas une donnée précise... c'est-à-dire, c'est une donnée précise, mais que je n'ai pas vue écrite, mais que j'ai entendu le président de l'Ordre des infirmières dire, les infirmières praticiennes, au Québec, ont 120 heures de formation continue par année, actuellement, en moyenne. On est tout le temps en formation. On aime la formation. Les médecins spécialistes disent même : Mon Dieu que c'est le fun, vous donnez de la formation, vous écoutez ce qu'on dit, vous suivez les guides de pratique, vous nous accompagnez là-dedans, et on en a tout le temps. Et, au sein de l'association, on donne de la formation continue, pour l'instant, à quatre journées par année, mais ça peut augmenter, et ça va se consolider avec le temps pour s'assurer de répondre aux besoins adéquatement et d'être capable de suivre les guides de pratique, ce que les comités d'experts recommandent. Et on se fait toujours dire que nous autres, on est trop à cheval sur les guides de pratique. Inquiétez-vous pas, on va faire ce qu'il faut.

M. Fortin : Est-ce qu'il y a quelque chose qui manque, en ce moment, dans votre formation continue, qui serait nécessaire pour s'assurer que, disons, vous restez à jour sur... Parce que, là, il y a le pouvoir des prescriptions, toutes ces choses-là. Est-ce qu'il y a quelque chose qui manque dans votre formation continue, qu'il faudrait ajouter?

Mme Laliberté (Christine) : Il ne manque pas rien, mais on veut toujours améliorer et consolider. Et nous, à l'association, on fait les formations basées sur les besoins des infirmières praticiennes. Donc, on valide les besoins et on crée les formations avec des objectifs précis à la formation pour des infirmières praticiennes spécialisées justement pour ça.

M. Fortin : Bien. Si c'est possible...

Mme Laliberté (Christine) : Ma collègue aimerait vous dire...

M. Fortin : Oui, allez-y, bien sûr.

Mme Levasseur (Isabelle) : Je veux juste dire que la majorité des infirmières praticiennes spécialisées vont dans des formations continues médicales, donc des formations données par la FMOQ ou même la FMSQ. Donc, la majorité du temps, on a déjà des formations du même niveau que les médecins.

Mme Laliberté (Christine) : Ce sont les médecins et les médecins spécialistes qui nous forment.

M. Fortin : O.K. Très bien. Puis est-ce que vous êtes correctes avec ça?

Mme Laliberté (Christine) : Tout à fait.

Mme Levasseur (Isabelle) : Tout à fait correctes.

M. Fortin : D'accord. O.K. Je veux en parler deux secondes... je ne veux pas m'éterniser, mais je veux entendre votre point de vue, parce qu'on ne l'a pas entendu encore, que les infirmières praticiennes spécialisées puissent administrer l'aide médicale à mourir. J'aimerais ça savoir, parce qu'il y a beaucoup... Il y en a, des infirmières praticiennes spécialisées, vous en avez parlé tantôt, qui font des soins palliatifs, donc qui interagissent avec des patients qui, fort probablement, là, sont tout près de l'aide médicale à mourir, qui ont demandé l'aide médicale à mourir. J'aimerais ça comprendre un peu le rôle que vous jouez en ce moment dans le... je n'aime pas le terme, là, mais le «lead-up», là, disons, le «buildup» jusqu'au moment où on demande l'aide médicale à mourir, où celle-ci est administrée et ce que vous aimeriez spécifiquement comme pouvoirs additionnels.

Mme Laliberté (Christine) : Tout à fait. Je vais demander à Claudie de compléter.

Mme Roussy (Claudie) : À ce jour, en fait, le besoin pour l'aide médicale à mourir, c'est de garantir l'accès à ce soin ultime là et aussi de favoriser la continuité des soins à travers le continuum et la trajectoire de vie et du projet de vie des patients.

Ce qu'il faut savoir, c'est qu'actuellement la loi fédérale, la loi qui modifie le Code criminel, autorise les médecins et les infirmières praticiennes à être évaluateurs et à donner ce soin-là. Actuellement, les IPS peuvent administrer l'aide médicale à mourir en Alberta, en Colombie-Britannique, l'Île-du-Prince-Édouard, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, l'Ontario, Saskatchewan, le Yukon, Terre-Neuve-et-Labrador, bref... Donc, au Québec, malheureusement, la loi ne nous permet pas, actuellement, de pouvoir administrer l'aide médicale à mourir.

Il faut comprendre que, lorsque le patient, ultimement, demande ce soin-là, il peut demander une date qui a de l'importance à ses yeux. Il y a des professionnels de la santé qui ont une objection de conscience à donner ce soin-là, et donc je pense que, pour garantir l'accès à ce soin-là et diminuer la souffrance de nos patients, l'IPS est au coeur de ces décisions-là pour donner des soins, justement, qui s'inscrivent dans le projet de vie du patient puis pour répondre à ses valeurs, à ses besoins également, et donc je considère que ce serait important de rattraper le pas à ce point de vue là, en fait.

M. Fortin : Est-ce que c'est quelque chose que vous voyez, ça, en ce moment, par exemple, que des patients ne peuvent pas y avoir accès au moment où ils le veulent, ou qu'ils doivent changer d'établissement, ou quelque chose comme ça, là, pour être en mesure d'avoir accès à l'aide médicale à mourir? Je comprends votre point de vue, que vous pourriez aider, à ce niveau-là, à la rendre plus accessible, mais est-ce que le problème que vous soulignez, là, c'est quelque chose qui est prévalent ou c'est quelque chose qui est arrivé de façon ponctuelle ici et là? Pas que ce soit plus acceptable pour le patient qui veut décéder, là.

Mme Roussy (Claudie) : Il faut comprendre que c'est un soin qui est relativement récent. Il faut comprendre que le niveau de demande pour ce soin-là va être à la hausse avec, justement, le vieillissement de la population, l'évolution de la technologie biomédicale. On va arriver à des situations où parfois ça pourrait devenir problématique, effectivement, donc je pense qu'il faut se préparer pour, justement, garantir cet accès-là.

À ce jour, bon, on a vu des situations, parfois, dans les médias, mais je pense que c'est important de prévoir pour l'avenir, avec, justement, la situation démographique qu'on connaît, pour pouvoir garantir des soins sécuritaires puis des soins, surtout, d'une grande qualité.

M. Fortin : Je vous comprends bien puis j'apprécie votre perspective, mais, puisque vous me dites que, dans les autres provinces... et la législation est encore plus récente, là, mais, dans les autres provinces, les infirmières praticiennes peuvent administrer l'aide médicale à mourir, je ne peux pas m'imaginer ce que ce serait, mais il n'y a pas eu d'enjeux particuliers avec...

Mme Roussy (Claudie) : Pas à ma connaissance. Et, à date, les statistiques pour le nombre d'aides médicales à mourir qui ont été administrées par une infirmière praticienne oscillent entre 2 % et 8 %, et le reste était administré par les médecins, pour vous donner une idée de grandeur, oui.

M. Fortin : D'accord. Dernière chose pour moi, vous demandez à ce que les infirmières praticiennes spécialisées puissent admettre les patients et leur donner le congé hospitalier. Ça se fait ailleurs, ça ne se fait pas... et ce n'est pas dans le projet de loi, là, en ce moment. Pourquoi vous demandez ça? Qu'est-ce que vous voyez qui pourrait être amélioré? Puis avez-vous une idée pourquoi ce n'est pas dans le projet de loi? Sinon, je le demanderai à la ministre plus tard, mais peut-être que vous le savez.

Mme Laliberté (Christine) : Claudie, je te cède la parole.

• (15 h 50) •

Mme Roussy (Claudie) : Oui, absolument. Bien, en fait, l'objectif visé, c'est de, justement, juste si on parle pour les organisations, le système de santé, pour son efficience, diminuer les durées moyennes de séjour, améliorer, justement, la continuité, la fluidité de la trajectoire de soins des patients, par exemple, donc que l'IPS n'ait pas à attendre de discuter, par exemple, d'un cas avec son médecin pour pouvoir admettre le patient à l'étage. Puis ça entraîne des délais pour recevoir les examens, recevoir les interventions, également, quand on n'a pas de lits de disponibles parce qu'on ne peut pas demander l'admission. Même chose pour les congés, les congés sont retardés parce que l'infirmière praticienne doit attendre, malheureusement, parfois, de discuter de cette situation-là.

Donc, c'est sûr que ça améliorerait, justement, la coordination, l'efficience au niveau de la trajectoire de soins des patients. Ça permettrait aussi de donner des congés, de favoriser la continuité entre les soins de deuxième, troisième ligne vers la première ligne également, donc diminuer la durée moyenne de séjour, diminuer le temps sur civière dans les urgences, et ça, je crois que c'est criant, actuellement. Donc, c'est tout plein d'enjeux, en fait, qui nous touchent, actuellement, et qu'on vit quotidiennement, puis ça pourrait vraiment, je pense, décongestionner et aider le réseau de la santé et nos patients, surtout dans leur trajectoire de soins, pour rendre ça plus efficient, plus optimal, en fait, actuellement, que ce l'est.

M. Fortin : Donc, vous ne savez pas pourquoi ce n'est pas inclus là-dedans?

Le Président (M. Provençal)  : Merci, M. le député.

M. Fortin : Non? O.K. C'est bon.

Mme Roussy (Claudie) : Non, je l'ignore pour l'instant.

M. Fortin : C'est bon, je vous remercie. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, M. le député. L'échange se poursuit maintenant avec le représentant du deuxième groupe d'opposition. Je cède la parole au député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Merci beaucoup, merci d'être là. Il y a quelque chose que je voudrais éclaircir. J'ai posé des questions, ce matin, aux représentants du Collège des médecins, puis je veux savoir qu'est-ce qu'il va en être, véritablement, de la supervision des IPS par les médecins avec le projet de loi. Dans votre compréhension, là, au fond, avec ça, les IPS ne sont plus supervisées par les médecins. Est-ce que c'est ce que vous comprenez aussi? Parce qu'on dirait qu'il y avait comme une confusion. Puis, moi, ce que je comprenais, c'est qu'il allait continuer à y avoir une supervision, mais là on m'a dit : Non, non, non, on ne supervise plus les IPS, on va superviser les actes, par contre. Puis là, à savoir... mais qu'est-ce que ça veut dire et qu'est-ce que ça implique? Est-ce que ça vous donne vraiment une pleine autonomie? Est-ce que vous pouvez me démêler là-dedans?

Mme Laliberté (Christine) : Oui, bien, en fait, on doit dire qu'actuellement ce n'est pas de la supervision, c'est du travail de collaboration. On va contacter nos médecins partenaires quand la situation ne suit pas son cours, on veut un avis, une opinion ou on veut qu'ils voient le patient parce que ça ne suit pas ce qui est supposé au niveau des soins, au niveau du traitement, de l'évaluation.

Donc, dans le contexte actuel, pour le bien de la population, honnêtement, ce que ça prend, c'est de continuer en collaboration, en misant sur les forces des médecins, des infirmières praticiennes, dans le soin qui va se donner, sans nécessairement qu'on soit aux crochets. Et on n'est pas déjà aux crochets. Nos médecins partenaires sont vraiment... C'est une fluidité d'actes, en fait. C'est comme une trajectoire continue de soins et de services qui se passe entre nous et les médecins et qui est efficace, actuellement, déjà, aussi. Alors, le terme «supervision» n'a pas sa place. On est supervisées quand on est étudiantes, on est supervisées quand on a besoin d'avoir des choses supplémentaires au niveau de la formation, mais, dans le cadre où on parle actuellement, on parle vraiment de collaboration.

M. Zanetti : Ça donnait l'impression, étant donné, aussi, la rémunération qui venait avec ce qui n'est pas une supervision... les infirmières, là, tu sais, on parle de 60 000 $ par médecin, mettons, avec l'argent au GMF, tout ça. C'est pour ça que ça me donnait l'impression qu'il y avait un gros... Parce que, pour 60 000 $... C'est de l'argent, 60 000 $, c'est 125 %, à peu près, du salaire moyen au Québec, là, ou médian, en tout cas, il faudrait voir. Mais, bref, ça, au fond, est-ce que vous voulez qu'il y ait, à ce niveau-là, une continuité ou un changement, ou est-ce que ce qui est dans le projet de loi vous satisfait?

Mme Laliberté (Christine) : En fait, au niveau du projet de loi... sans argent, le projet de loi... le projet de loi va nous satisfaire avec l'évolution attendue de ce qu'on recommande.

Pour ce qui est de l'argent, ce n'est pas un enjeu qui se passe à notre niveau. Et, juste une petite précision, dans les 60 000 $, il y a 30 000 $ qui vont au bureau pour qu'on puisse avoir un siège pour travailler, et le reste, à une équipe de médecins qui travaillent avec l'infirmière praticienne. Mais ce n'est pas un enjeu qui concerne l'association. Nous, on veut vraiment développer le rôle et on va laisser les instances qui sont en lien avec ça débattre de la situation.

M. Zanetti : Parfait. Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, M. le député. Nous terminons ce bloc d'échange avec le représentant du troisième groupe d'opposition. Je cède la parole au député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Merci de votre mémoire, qui est détaillé et qui, aussi, propose des solutions, en fait, des amendements. J'apprécie la précision de vos interventions. J'ai une question sur la question de la définition des «maladies courantes». Les deux éléments que vous retenez, s'il fallait en retenir, pourquoi vous les retenez? Qu'est-ce qui fait qu'ils seront plus faciles comme caractéristiques?

Mme Laliberté (Christine) : Comme caractéristiques? En fait, oui, je réitère qu'on n'en veut pas. Mais, si on est obligées, ce qu'on souhaite, c'est que ce soit selon la spécialité, selon la classe de spécialité, le domaine mais aussi l'expertise. Et pourquoi on mentionne ça? C'est parce que, justement... On va reprendre un exemple pour notre infirmière praticienne en santé mentale. Le patient se présente dans son bureau, aujourd'hui il a une infection urinaire, il a de la misère, même, à se concentrer sur l'évaluation prévue. Si elle ne peut pas traiter l'infection urinaire, encore une fois, ce patient-là doit se déplacer ailleurs. Donc, si elle a l'expertise — on fait de la formation continue, on développe de l'expérience, on n'est pas toujours au même niveau d'expérience que le jour 1 où on sort de l'université — elle pourrait soigner le patient. Alors, c'est pour ça qu'on met ce terme-là.

Et, le deuxième, on a gardé les «maladies reconnues», sans mettre «spécifiques», «typiques», et «assidues», et tous les autres mots qu'on pourrait mettre pour s'assurer que ce soit très, très précis. Mais, si on met «reconnues», à ce moment-là, on suit les guides de pratique, les comités d'experts, on échange ensemble avec les médecins. Habituellement, je vais vous dire, quand on consulte un médecin partenaire pour une opinion, il est possible que le médecin partenaire n'ait pas la réponse, lui aussi, surtout quand on a 10 ans d'expérience comme infirmière praticienne. On va référer en spécialité, on va demander d'autres tests, on va se concerter, et des fois c'est le médecin partenaire qui nous demande qu'est-ce qu'on en pense, et ça, il faut retenir ça. Alors, les termes «reconnues» seraient assez généraux. Et il faudrait faire attention aux documents qui suivront la loi pour ne pas qu'ils viennent restreindre le travail que vous aurez fait.

M. Arseneau : J'aurais une petite question sur le suivi des grossesses. Pouvez-vous juste préciser les raisons pour lesquelles vous ne voulez pas restreindre cette pratique?

Mme Laliberté (Christine) : Le suivi de grossesse, un peu pour les mêmes raisons. Une infirmière praticienne qui travaille depuis cinq ans avec une équipe de médecins accoucheurs voit des grossesses très régulièrement. Son niveau de connaissance et d'expertise à ce niveau-là s'est élevé amplement pour être en mesure d'assurer le suivi de grossesses plus complexes. Et c'est pour ça qu'on pense que, si on met une restriction, ça veut dire qu'une infirmière praticienne qui a l'expertise ne pourrait pas assurer un suivi, on va demander à un médecin de le faire. Et, pendant ce temps-là, lui, il ne voit pas un autre patient, on vient donc restreindre nos accès, encore une fois. Donc, pour ces raisons-là, on pense qu'on devrait permettre la latitude et laisser le jugement de cette infirmière praticienne, qui a une formation très concrète, scientifique et accessible, pour donner les meilleurs services.

M. Arseneau : Au bénéfice des...

Mme Laliberté (Christine) : De la population.

M. Arseneau : Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Je remercie les représentantes de l'Association des infirmières praticiennes spécialisées du Québec pour leur contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place. Merci, mesdames.

(Suspension de la séance à 15 h 58)

(Reprise à 16 heures)

Le Président (M. Provençal)  : Je souhaite la bienvenue aux représentants de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé. À vous la parole.

Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)

Mme Bédard (Nancy) : Alors, bonjour, M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés. Donc, je suis Nancy Bédard, la présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec, et je suis accompagnée aujourd'hui par M. Jérôme Rousseau, qui est vice-président au secteur Organisation du travail et pratique professionnelle de notre organisation, Mme Marie-Eve Viau et Jean Villeneuve, deux conseillers syndicaux de notre organisation.

Donc, la FIQ et ses 76 000 infirmières, infirmières auxiliaires, inhalothérapeutes et perfusionnistes cliniques, on est vraiment enthousiaste, aujourd'hui, de participer à cette consultation, et on vous remercie vraiment de cette opportunité. La FIQ est l'organisation syndicale qui représente la quasi-totalité des infirmières praticiennes spécialisées au Québec, donc nous avons une très bonne connaissance de leur réalité terrain. C'est avec fierté, évidemment, qu'aujourd'hui la fédération présente leurs pistes de solution pour amoindrir les obstacles à leur pratique et favoriser surtout l'accessibilité aux soins pour la population du Québec. Les recommandations de la FIQ qu'on vous présente aujourd'hui sont basées, effectivement, sur une consultation des infirmières praticiennes spécialisées des différentes régions du Québec ainsi que des différentes classes de spécialités et aussi la comparaison des lois professionnelles ailleurs au Canada.

Globalement, la FIQ appuie l'objectif du projet de loi n° 43 et salue, effectivement, certaines avancées pour l'accès aux soins qui témoignent d'une plus grande reconnaissance du rôle de nos infirmières praticiennes spécialisées. On parle ici notamment de la possibilité de diagnostiquer certaines maladies, de déterminer des traitements médicaux et de réaliser le suivi de grossesses normales ou à faible risque.

Toutefois, la fédération a des réserves importantes, car elle constate que, malgré l'objectif louable du projet de loi n° 43, on maintient tout de même le retard du Québec dans la pratique des infirmières praticiennes spécialisées par rapport aux autres provinces canadiennes. Tous les ingrédients essentiels ne s'y retrouvent pas, malheureusement, pour leur permettre une véritable autonomie professionnelle. Le projet de loi n° 43 doit absolument aller plus loin pour atteindre réellement son objectif de décloisonnement des activités médicales au bénéfice de la population et obtenir rapidement les effets escomptés.

Dans un contexte où l'ensemble des professions de la santé sont en manque d'effectifs, on ne peut pas se permettre de ne pas pleinement bénéficier de leurs compétences là où ça compte. Alors que les besoins de santé de la population sont grandissants, on ne peut pas non plus tolérer des obstacles à la pratique des infirmières praticiennes spécialisées, des professionnelles essentielles à la dispensation des soins de qualité et sécuritaires au Québec.

La Loi sur les infirmières et les infirmiers n'est pas fréquemment modernisée, on va se le dire, et la FIQ croit essentiel de saisir l'opportunité historique du projet de loi n° 43 pour que les IPS québécoises, qui sont les plus formées, notamment au Canada, puissent pleinement mettre leurs compétences au bénéfice de la prise en charge des patients. La population québécoise mérite de pouvoir avoir accès aux soins dont elle a besoin et qui peuvent être dispensés par les infirmières praticiennes spécialisées, comme c'est le cas pour plus de 3 millions de Canadiens.

Donc, pour la FIQ, lever les obstacles à la pratique des infirmières praticiennes spécialisées, c'est lever les obstacles à l'accessibilité aux soins pour les patients. Les cinq recommandations de la fédération sur le projet de loi n° 43 vont toutes dans cette direction.

Dans un premier temps, la FIQ demande que le pouvoir de prescription des infirmières praticiennes spécialisées au Québec s'arrime avec les standards canadiens. Les infirmières praticiennes spécialisées provenant des différentes classes de spécialités nous confirment que la formulation actuelle du projet de loi n° 43, soit de diagnostiquer les maladies courantes correspondant à six caractéristiques, est floue et insuffisante pour répondre aux besoins multiples des patients. Là, je pense qu'on va être plusieurs à l'avoir dit aujourd'hui. Nos trois premières recommandations sont donc à l'effet que ces six caractéristiques soient retirées, que les infirmières praticiennes spécialisées puissent diagnostiquer les maladies, troubles et blessures et communiquer le diagnostic, et ce, sans aucune restriction à cette activité professionnelle.

La quatrième recommandation, toujours avec l'objectif de s'inspirer des meilleures pratiques dans les autres provinces canadiennes : le projet de loi n° 43 devrait permettre expressément aux infirmières praticiennes spécialisées de référer les patients vers d'autres professionnels de la santé, y compris les autres infirmières praticiennes spécialisées et les médecins spécialistes, dans le but de rendre plus fluide l'épisode de soins des patients.

On sait aussi que le projet de loi, une fois adopté, sera suivi de règlements et lignes directrices rédigés par l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. Ceux-ci viendront préciser, bien sûr, les modalités de déploiement des activités. Pour que le projet de loi n° 43 atteigne son objectif, les gains réalisés ne doivent pas être restreints, par la suite, par des règlements et autres guides de pratique, ceux-ci devant servir à clarifier la pratique mais non à la limiter. La FIQ est donc préoccupée de constater que le projet de loi à l'étude prévoit une consultation obligatoire par l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec des ordres professionnels intéressés, dont le Collège des médecins du Québec, pour tout règlement relatif aux classes de spécialités des infirmières praticiennes spécialisées. Cette façon de faire semble augmenter les délais dans l'adoption et la mise à jour de règlements, au risque de les rendre moins pertinents, surtout quand on sait que la pratique clinique évolue rapidement. Ça semble aussi créer une obligation qui n'existe pas pour d'autres professions de la santé à exercice exclusif. La FIQ est tout à fait en faveur de la coopération interprofessionnelle, de la collaboration entre IPS, entre médecins et autres professionnels de la santé, bien sûr, parce qu'on le sait, c'est essentiel pour une prise en charge complète des patients. Pour la fédération par contre, et c'est là notre cinquième recommandation, la double-consultation des ordres professionnels ne devrait pas être obligatoire mais bien à la discrétion de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec.

Actuellement, le Règlement sur les classes de spécialités d'infirmière praticienne spécialisée, négocié entre l'ordre et le Collège des médecins, comprend l'obligation pour les infirmières praticiennes spécialisées et les médecins avec lesquels elles travaillent d'avoir une entente de partenariat. Malheureusement, ces ententes peuvent s'ingérer dans les conditions d'exercice et l'offre de services des infirmières praticiennes spécialisées en limitant notamment les clientèles qu'elles peuvent desservir et les soins et les services qu'elles peuvent donner. Pour nous, il est clair que c'est au gouvernement à déterminer les soins auxquels la population a droit et non à une entente entre de tierces personnes.

Le mémoire de la FIQ mentionne également d'autres pistes pour favoriser l'accès aux services de santé, et parmi celles-ci, notamment, la modernisation de la formulation des activités professionnelles des infirmières praticiennes spécialisées, leur contribution accrue aux arrêts de travail et notamment aussi à l'assurance salaire, la possibilité pour elles d'admettre ou de donner congé aux patients dans l'ensemble des établissements de santé.

Puisque le gouvernement ouvre la Loi sur les infirmières et les infirmiers, la FIQ tient à souligner que l'ensemble des infirmières fait partie de la solution pour l'accès aux soins, donc on pourrait ainsi accorder plus de pouvoir de prescription aux infirmières qui ne sont pas des infirmières praticiennes spécialisées. La ministre de la Santé et des Services sociaux avait notamment fait part de cette intention l'été dernier, et cela permettrait de mieux répondre aux besoins de la population. Considérant que les infirmières sont les professionnelles de la santé les plus nombreuses au Québec, présentes dans tous les milieux de soins, leur accorder plus de pouvoirs est un levier important dans la transformation du réseau de la santé. Le mémoire de la fédération propose des pistes en ce sens.

Les chercheurs et praticiens au Québec et ailleurs dans le monde sont formels, ils soulignent que les lois professionnelles trop restrictives sont un obstacle majeur à la pleine contribution des infirmières praticiennes spécialisées aux soins de santé. La FIQ espère que les parlementaires vont être à l'écoute des solutions de nos membres infirmières praticiennes spécialisées et que le projet de loi n° 43 va être remodifié pour aller plus loin dans l'augmentation de l'autonomie professionnelle des IPS, toujours dans l'objectif de favoriser l'accès aux soins.

En finissant, le ministère de la Santé et des Services sociaux s'est donné comme cible d'atteindre 2 000 infirmières praticiennes spécialisées en 2024‑2025. Pour atteindre cet objectif très, très souhaitable, la pratique des infirmières praticiennes spécialisées au Québec doit être attractive. Pour le projet de loi n° 43, le Québec a la possibilité non seulement d'opérer un rattrapage mais de devenir un acteur de premier plan pour ce qui est de la pratique des infirmières praticiennes spécialisées, et la FIQ espère que toutes les mesures seront prises pour ce faire. La FIQ et ses membres vous assurent de leur entière collaboration dans le déploiement des activités professionnelles des infirmières praticiennes spécialisées, dans le meilleur intérêt des patients et de la population du Québec. Je vous remercie.

• (16 h 10) •

Le Président (M. Provençal)  : Merci, Mme Bédard, pour votre exposé. Nous allons débuter cet échange avec Mme la ministre. Je vous cède la parole.

Mme McCann : Merci, M. le Président. Alors, je vous salue, Mme Bédard, très contente de vous revoir, et M. Rousseau, aussi, que j'ai eu l'occasion de rencontrer à quelques reprises, Mme Viau, M. Villeneuve, vraiment très heureuse de vous recevoir dans cette commission parlementaire sur un projet de loi qui nous tient tous très à coeur. Et on a bien noté, j'ai bien noté vos commentaires, puis vous avez raison, vous n'êtes pas la seule à avoir soulevé toute la question des maladies courantes et de la définition. Mais je pense que, si je vous ai comprise, ce que vous souhaitez, c'est que ce soit le libellé qui est employé ailleurs, dans d'autres provinces du Canada, qui pour vous serait le libellé à employer dans le projet de loi.

Mais je pense qu'il faut saisir, aussi, l'opportunité de vous avoir avec nous pour vous entendre davantage sur les infirmières, hein, sur les infirmières du Québec. Moi, la question que j'aurais à vous poser, et c'est vraiment dans ce cadre-là : Comment on peut favoriser l'autonomie professionnelle des infirmières praticiennes spécialisées dans un contexte, hein, qu'on veut beaucoup au Québec, d'une pratique collaborative? Vous, vous êtes beaucoup sur le terrain, votre équipe est beaucoup sur le terrain, j'aimerais ça vous entendre là-dessus, particulièrement dans le cadre du projet de loi, là, qu'on étudie aujourd'hui.

Mme Bédard (Nancy) : Bien, notamment, c'est d'essayer d'enlever le plus d'obstacles possible. Et, quand on regarde la pratique ailleurs au Canada puis quand on regarde la pratique au Québec, c'est là qu'on voit qu'il y a eu des... bien, les choix qui ont été faits au Québec, notamment de faire en sorte que les infirmières praticiennes spécialisées soient longtemps au niveau de la Loi médicale et sous le joug de la Loi médicale, ont fait en sorte que notre pratique... en tout cas, quand nous, on analyse le déploiement de cette pratique, bien, je pense qu'on a du recul, à comparé du reste du Canada et ailleurs.

Aujourd'hui, le projet de loi n° 43, c'est un bon pas devant pour enlever l'ensemble de ces obstacles, mais on pense que, notamment, le fait que dans ce projet de loi là, il y a une obligation, encore une fois, de consulter le collège, notamment, bien, c'est comme si on donne encore beaucoup de pouvoirs au collège au niveau de nos infirmières praticiennes spécialisées. Ça, ça en est.

Tantôt, on parlait de supervision, tantôt on parlait aussi des ententes de partenariat, bien, moi, je vais me permettre, notamment au niveau des ententes de partenariat, de dire qu'il y a là des éléments qu'il faut faire très, très attention, parce que, dans les discussions qu'on a eues... puis j'ose le dire parce que vous le savez, on siège actuellement sur un comité, avec le ministère, où on parle, justement, de tous les éléments puis de la pratique des infirmières praticiennes spécialisées, et les ententes de partenariat, parfois, elles sont ou elles peuvent être restrictives sur la pratique, parce que ça reste au médecin, ça demeure avec le médecin partenaire, dans une entente de partenariat, de venir inscrire des éléments qui peuvent, effectivement, restreindre cette pratique.

Alors, je donne un exemple, on peut, dans un établissement, dans un GMF, dans une pratique, venir, dans une entente de partenariat, puis ce n'est pas supposé, mais venir encadrer le fait que, pour cette infirmière praticienne spécialisée, elle ne verra pas les grossesses, pour dire quelque chose, elle va être encadrée sur certaines maladies ou certains profils de patients qu'elle va pouvoir voir. Donc, les ententes de partenariat, il y a là un lieu où il faut regarder tous les éléments qui peuvent restreindre la pratique de nos infirmières praticiennes spécialisées. Et, pendant longtemps, puis ce matin, même, vous pouviez voir tous les éléments que le Collège des médecins souhaite voir mettre en place, hein, des comités obligatoires. Quel ordre professionnel, quelle profession a des obligations de mettre en place des comités pour s'assurer qu'on va superviser une pratique ou on va s'assurer d'un bon déploiement de pratique? Donc, pour moi, c'est insidieux, pour la plupart des gens... Mais, quand nous, on siège puis qu'on travaille avec les infirmières praticiennes spécialisées, plusieurs nous disent qu'il y a là tout des éléments qui font en sorte qu'on a des partenaires autour qui souhaitent vraiment s'assurer d'avoir la mainmise sur du déploiement de pratique. Alors, je pense que tout ça mis ensemble fait en sorte que, dans le projet de loi, si on va plus loin ou si on enlève plus d'obstacles, on va s'assurer d'une meilleure pratique pour une meilleure accessibilité aux soins des patients.

Mme McCann : Donc, vous, avec ce que vous venez de dire, ce que vous entendez sur le terrain, là, qu'est-ce que ce serait dans le projet de loi, dans les suggestions que vous nous faites, comment ça se traduirait, ce partenariat, cette collaboration entre un médecin de famille, par exemple, en première ligne, et une IPS?

Mme Bédard (Nancy) : Honnêtement, là, ce que je vais vous dire là, c'est que je ne comprends pas pourquoi on a besoin d'une entente de partenariat au Québec. Vous le savez, là, hein, ça n'existe pas à nulle part dans le monde, juste au Québec. Alors, déjà là, en avril dernier, lors du dernier règlement, de voir élargir les ententes de partenariat dans les établissements, je ne comprenais pas qu'on allait encore plus loin là-dedans au Québec après que la pratique ait été là depuis une dizaine d'années. On aurait dû voir partir ces ententes de partenariat. Nos infirmières praticiennes spécialisées sont compétentes. Je pense que ce qu'on a vu avant, de l'association, est très, très clair sur leurs compétences, sur ce qu'ils peuvent faire. Elles devraient avoir un droit de pratique totalement autonome. Alors, c'est là que je suis...

Alors, l'entente de partenariat, si vous voulez m'entendre sur, à la base, là, qu'est-ce qui devrait ne plus exister, c'est ça. Nos infirmières praticiennes spécialisées devraient être complètement autonomes, ne pas dépendre d'aucun médecin au Québec puis d'être capables, en collaboration et en pratique, avec la compétence qu'elles ont, de pouvoir référer leurs patients aux professionnels qui doivent être référés.

La clinique SABSA, je ne peux pas penser autrement que vous donner cet exemple-là, la clinique SABSA, qui est rendue qu'ils voient près de 3 500 patients par année. Quand on réfère 2 % à 3 % des patients à des médecins et, le reste, on les voit seuls, bien, moi, je pense que, ça, voilà une très, très belle pratique qui démontre une autonomie où les ententes de partenariat devraient, quant à moi, tomber. Alors, honnêtement, si vous voulez que j'aille jusque-là, il est là, le plus grand problème. Et, si ce projet de loi là pouvait faire enlever ces ententes de partenariat là, je pense qu'on serait déjà dans un autre monde, au Québec.

Mme McCann : Merci pour ça. Je vais donner la parole, M. le Président, si mes collègues veulent prendre la parole.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la députée de Soulanges.

Mme Picard : Oui. Bonjour. Merci beaucoup pour votre présence ici aujourd'hui, malgré la tempête.

J'ai une question par rapport à la santé mentale, je n'ai pas pu la poser au groupe précédent. La commission siège présentement sur un mandat d'initiative pour le TDAH, la surmédicamentation des jeunes, et puis il y a un problème qui a été soulevé à plusieurs reprises où un même patient a eu, supposons, un premier diagnostic d'anxiété, et, année après année, il va revoir un autre médecin, et puis là c'est un diagnostic de dépression.

Est-ce que, d'ajouter une autre personne qui peut diagnostiquer pour la santé mentale, vous y voyez un problème, selon vous, ou si, au contraire, l'infirmière praticienne spécialisée va pouvoir, elle, peut-être mieux écouter, mieux encadrer et puis prendre vraiment plus le temps avec le patient? Comment voyez-vous la cohésion de cette pratique-là?

Mme Bédard (Nancy) : C'est une bonne question. C'est assez micro, là, dans la pratique, là, je vous dirais. Mais globalement, si je regarde dans l'ensemble des difficultés qu'on peut voir, notamment, que ce soit dans la pratique des GMF, dans la pratique des établissements, je pense que vous tenez là une clé, c'est que l'infirmière praticienne spécialisée, qui est différente de l'approche médicale, elle prend le temps, et elle a le temps, aussi, dans sa pratique, et elle doit pouvoir prendre l'espace qui doit être pris pour traiter chacun des patients dans sa globalité ou dans l'approche qu'elle a à faire.

Moi, je regarde juste les gens autour de moi qui peuvent avoir accès à une infirmière praticienne spécialisée, on n'est pas dans la même mentalité que quand tu vas voir ton médecin, tu es 10, 15 minutes avec, puis, déjà là, il faut clore la rencontre, il faut clore le rendez-vous. L'approche des infirmières praticiennes spécialisées et la façon dont la pratique se déploie, bien, je pense qu'on a là un endroit avec une professionnelle qui peut prendre un bon moment pour vraiment prendre le temps que ça prend où le patient a de besoin et sa famille. Alors, en ce sens-là, si je regarde ce qui est fait, actuellement, en termes d'approche par des professionnelles autres que des professionnelles médicales, si on veut, bien, on a là une clé, effectivement, extrêmement intéressante pour le réseau.

• (16 h 20) •

Mme Picard : ...maintenant, M. le Président?

Le Président (M. Provençal)  : ...

Mme Picard : On avance? O.K., parfait. Je vais poser une dernière question avant de passer la parole à ma collègue. Une infirmière, en ce moment, qui décide de se perfectionner et puis devenir IPS, est-ce qu'il y a des incitatifs? Comment peut se faire la transition d'une personne qui est déjà... La procédure, en fait, là, et puis les incitatifs, j'aimerais avoir votre point de vue et puis vos idées.

Mme Bédard (Nancy) : Je vais commencer, puis, Jérôme, si tu veux poursuivre dans les difficultés, aussi, qu'ils ont avec certaines ententes, là.

C'est sûr que l'état actuel, les restrictions actuelles, la pratique actuelle des infirmières praticiennes spécialisées... puis c'est pour ça qu'on avait un comité, justement, avec le ministère, sur tous les obstacles, les difficultés, notamment au niveau de la formation. Vous savez, une infirmière praticienne spécialisée, pour être capable de prendre une journée, deux jours de congé pour aller se faire former... des formations adéquates avec leurs besoins à eux, c'est extrêmement difficile.

Avec les ententes de partenariat, avec la restriction, souvent, que des infirmières praticiennes spécialisées ont avec certains médecins, moi, il y en a plusieurs qui m'ont dit : Avoir su, je n'aurais pas mis autant d'énergie, autant d'argent à aller faire mon cours d'infirmière praticienne spécialisée, parce que j'ai de la misère à voir la différence entre mon rôle d'infirmière clinicienne et le rôle que je devrais avoir parce qu'on ne me donne pas toute cette ouverture-là où je pratique. Donc, ce n'est pas la compétence puis le fait de l'avoir fait, c'est d'avoir la capacité d'avoir cette pleine autonomie-là puis avoir le sentiment, après une journée de travail, de se dire : Bien, moi, là, aujourd'hui, je fais une différence, et ma compétence est mise au profit de la clientèle.

Donc, ça se parle, ça, quand même. Donc, c'est plutôt ces éléments-là qui font, à un moment donné, que c'est peut-être un petit peu moins attractif. Puis il faut lever énormément d'obstacles, mais il faut aussi être aidants dans la pratique pour être capables de faire en sorte que ces professionnelles-là vont avoir le courage de s'investir pendant ces années-là pour aller faire cette formation-là, qui est quand même extrêmement exigeante.

Donc, pour le reste, je pense que, Jérôme, si tu veux compléter sur les difficultés ou ce qui pourrait être intéressant pour l'attraction...

M. Rousseau (Jérôme) : Concrètement, une infirmière qui désire devenir infirmière praticienne spécialisée, elle doit avoir un certain nombre d'heures, déjà, de pratique à titre d'infirmière. Donc, on se retrouve avec des infirmières d'expérience qui doivent mettre leurs vies sur pause pendant l'équivalent de deux ans d'études à temps complet. Donc, oui, il existe un programme de bourses, actuellement, qui est l'équivalent de 60 000 $, mais pour deux années. Donc, c'est ça qui rend peut-être un peu plus difficile la migration du type d'emploi d'infirmière vers IPS, actuellement, parce que ce sont souvent des infirmières avancées en pratique et en salaire. Donc, de mettre leurs vies sur pause, faire un congé sans solde presque de deux ans et de recevoir juste 60 000 $ sur deux années, c'est ça qui est un peu difficile, actuellement, en termes d'accessibilité. Ça, c'est aussi en région. Les programmes de formation d'IPS sont beaucoup concentrés dans les villes, donc c'est aussi une autre difficulté en région, l'accessibilité aux programmes d'IPS est plus difficile aussi.

Mme Picard : Merci beaucoup. Merci beaucoup. Merci. Je vais passer la parole.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la députée d'Abitibi-Ouest.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Dans votre mémoire, vous dites que vous avez fait une tournée au niveau des régions et que vous avez discuté avec différentes IPS. J'aimerais savoir : Au niveau des régions, y avait-il des suggestions particulières à propos de la réalité éloignée des grands centres? Parce qu'on sait que les régions ont leurs couleurs et ont leurs saveurs locales, et c'est complètement différent des régions urbaines. Alors, quels étaient leurs demandes ou leurs points d'interrogation?

Mme Bédard (Nancy) : Il y a certainement deux volets. C'est-à-dire qu'il y a certaines difficultés, certainement, sur l'accès à la formation. Comme, je peux vous dire, les établissements, parfois, offrent certaines formations, mais les formations ciblées, qui, vraiment, ciblent la compétence et le besoin d'une infirmière praticienne spécialisée, c'est un volet extrêmement difficile. Le déplacement, l'accès à soit des remboursements ou à ce qu'ils peuvent avoir pour être aidants, pour aller suivre ces formations, d'être capables d'être libérées pour les faire, c'est un enjeu majeur, actuellement, pour nos infirmières praticiennes spécialisées, et notamment celles qui sont en région. Donc, ça, c'est un volet assez difficile.

Par contre, parfois, en région, bien, la pratique est quand même plus intéressante à certains égards. Puis c'est souvent ça qu'on se dit : Pourquoi que la pratique des professionnels en soins, qu'on soit dans le Grand Nord ou qu'on soit en région, tout à coup, on voit une pratique, bon, avec beaucoup plus d'ouverture, qu'il est plus facilitant, puis, quand on arrive dans des régions plus urbaines, bien là, tout d'un coup, la pratique est comme réduite, et là il y a des cadres puis de l'encadrement qui est fait? Donc, en région, au niveau de la pratique, bien, parfois, eux, quand même, ils ont des pratiques superintéressantes. Cependant, ils peuvent se retrouver, effectivement, avec un fardeau parce que, là, le nombre d'infirmières praticiennes spécialisées n'est potentiellement pas suffisant, donc elles arrivent à peine, des fois, à pouvoir répondre aux besoins qu'elles voient que leur population, leur communauté aurait. Je ne sais pas, là-dessus, si ça va pour ça. Donc, en gros, c'est les éléments particuliers.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Est-ce que vous suggérez une infirmière en première ligne pour les régions?

Mme Bédard (Nancy) : Bien, certain, des infirmières en première ligne, quant à moi, il pourrait y en avoir partout, certainement en région, autonomes surtout.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Oui, surtout.

Mme McCann : Je reprends la balle au bond. Oui, alors, dernière question, vous demander, Mme Bédard, l'impact sur la profession infirmière au Québec, de l'évolution du dossier des IPS, quel est-il, selon vous?

Mme Bédard (Nancy) : J'essaie de bien saisir votre question, Mme la ministre. Je vais répondre ce que je pense bien comprendre. Mais je pense que c'est avec fierté que l'évolution de la pratique infirmière peut voir que nous avons des infirmières praticiennes spécialisées au Québec, qu'elles devraient être capables de... L'accessibilité directe aux infirmières praticiennes spécialisées devrait être un état de fait au Québec, actuellement, et ça, je pense que c'est un enjeu majeur. Donc, sur la pratique, je pense que, pour une infirmière qui commence dans sa pratique et qui peut faire en sorte de voir l'élargissement d'une pratique, d'une carrière, jusqu'où une infirmière peut développer ses compétences, c'est fortement positif et fortement positif pour la population. Donc, le développement de la profession infirmière au Québec, c'est clairement, pour moi, une valeur ajoutée pour la population, pour l'accessibilité aux soins du Québec, et c'est avec fierté qu'on représente nos infirmières praticiennes spécialisées, qu'on est ici aujourd'hui pour s'assurer que la pratique soit de plus en plus reconnue et surtout autonome. À quand les cliniques d'infirmières au Québec? On les attend.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, Mme la ministre. On passe la parole au député de Pontiac.

M. Fortin : Merci, M. le Président. Bonjour. Bonjour à vous tous. Merci d'être avec nous et de nous partager votre point de vue. Je vais essayer de comprendre le fond et l'objectif principal, en fait, de votre intervention aujourd'hui, et là je mets de côté... parce que vous avez trois recommandations là-dessus, mais sur les maladies courantes, mais je ne pense pas que c'est ça, le fond de votre intervention, corrigez-moi si j'ai tort, là. Vous avez dit, essentiellement : On veut que la pratique des IPS ressemble à celle dans le reste du Canada. Et ce que vous semblez dire, de façon particulière, c'est la référence, vous semblez parler beaucoup de la référence, de la référence d'une IPS à une autre, la référence vers un médecin spécialiste. Ça, c'est quelque chose qui, selon vous, dans le reste du Canada, se fait, si je comprends bien, là, mais, honnêtement, je n'ai pas regardé dans chaque province, mais, dans le reste du Canada, se fait, une infirmière praticienne spécialisée, disons, en première ligne peut référer directement à un médecin spécialiste.

Dans ce que vous comprenez du projet de loi qui est devant nous, ce qui a été proposé par la ministre, l'infirmière praticienne spécialisée devrait référer au médecin de famille, qui, lui, référerait au médecin spécialiste, c'est ce que vous avez compris?

Mme Bédard (Nancy) : Hum-hum.

M. Fortin : Est-ce que ça n'enlève pas une grande partie de l'attractivité de ce projet de loi là? Parce que ce qu'on veut, en partie, là, en partie, et tout le monde est favorable, je pense, au principe général derrière tout ça, mais est-ce qu'en partie ça ne vient pas enlever un peu ce qu'on essaie de faire à la base, donner plus de pouvoirs aux infirmières praticiennes? Ça donne plus d'accès aux patients, ça libère également du temps du médecin omnipraticien, mais là, si l'infirmière est obligée de référer le patient au médecin omnipraticien pour qu'il passe ensuite au médecin spécialiste, est-ce qu'on n'est pas en train juste, pour le patient, là, de rajouter des étapes? C'est un peu ce que vous êtes en train de nous dire.

Mme Bédard (Nancy) : Absolument, absolument.

• (16 h 30) •

M. Fortin : O.K. Donc, vous, vous dites : Enlevez tout ça, l'infirmière devrait pouvoir référer à l'infirmière praticienne spécialiste qui est spécialisée dans un domaine en particulier et au médecin spécialiste. O.K., je vous comprends bien.

D'après votre compréhension du projet de loi, là, et de ce qui pourrait se passer concrètement, est-ce que l'infirmière praticienne spécialiste en première ligne pourrait interagir directement avec le médecin spécialiste, un peu comme le fait un médecin omnipraticien, là, va le consulter, va l'appeler, va lui demander des renseignements, va lui écrire, etc.? Est-ce qu'une IPS pourrait faire ça, selon vous, avec le projet de loi?

Mme Bédard (Nancy) : Selon moi, non. Ce n'est pas clair. En tout cas, il y a des flous encore à ce chapitre-là. Donc, c'est pour ça qu'on l'adresse, c'est pour ça qu'on le nomme, parce qu'on ne le retrouve pas clairement. Et les ententes de partenariat, actuellement, à notre avis, ne permettent pas ça, puis, si oui, bien, il faut clairement que ce soit nommé, que les ententes de partenariat devraient pouvoir le permettre, tout ça parce qu'on a besoin d'ententes de partenariat puis tout ça parce que l'infirmière praticienne spécialisée n'a pas une pratique parfaitement autonome. Si elle avait une pratique parfaitement autonome, elle ne serait pas liée avec un médecin qui viendrait encadrer les éléments sur lesquels sa pratique doit être faite. Donc, pour nous, clairement, une infirmière praticienne spécialisée qui voit un patient, si elle juge, de par sa compétence, sa pratique, son expérience, qu'elle devrait référer ce patient-là directement à un spécialiste, pourquoi on s'en priverait? La question est pertinente. Je ne peux pas vous répondre pourquoi. Mais, une chose est certaine, c'est que, pour nous, clairement, on devrait être rendus là au Québec aujourd'hui.

M. Fortin : Ce que vous décrivez comme une pleine autonomie, là... Je veux juste bien comprendre le modèle des autres provinces. Elles ont toutes cette pleine autonomie là, c'est ce que vous dites.

Mme Bédard (Nancy) : Oui.

M. Fortin : O.K. Donc, une infirmière praticienne, en Ontario, au Nouveau-Brunswick, ailleurs, là, pourrait consulter elle-même, au besoin, un médecin spécialiste, pourrait référer à un médecin spécialiste, pourrait référer à une autre IPS. Mais, si on n'a pas ça au Québec, qui va référer à une infirmière praticienne spécialisée, disons, en santé mentale? Est-ce que vous pensez vraiment qu'un... Et je vous pose la question, là. Pensez-vous vraiment qu'un médecin de famille va référer quelqu'un à une IPS en santé mentale? J'ose l'espérer, mais je vous pose la question.

Mme Bédard (Nancy) : J'ai de grands doutes. Je ne peux pas l'affirmer, là, je serais malhonnête, là, mais j'ai de très, très, très grands doutes. Pour ne pas dire non, là, je vais juste dire de grands doutes.

M. Fortin : O.K., c'est bon, j'ai le même pressentiment. On pourrait demander, un peu plus tard, peut-être aux médecins résidents ou aux médecins omnipraticiens, mais j'ai le même doute que vous. Mais je vais poser la question un peu plus tard.

Vous avez parlé, tantôt, des cibles d'infirmières praticiennes spécialisées, cible de 2 000 d'ici 2024. Une formation d'IPS, c'est plusieurs années, c'est, quoi, cinq ans, je pense, si je ne me trompe pas, environ. Donc, les gens qui seraient en pratique en 2024‑2025, en théorie, soit commencent leurs études là ou sont déjà aux études. Est-ce qu'en regardant uniquement les gens qui sont aux études en ce moment on va arriver à 2 000 IPS en 2024‑2025?

Mme Bédard (Nancy) : Bien, honnêtement, j'ai regardé les perspectives de l'ordre, notamment eux qui suivent ça, et ça va être difficile, là, d'atteindre les cibles juste avec les éléments qu'on a, actuellement. Il y a une certaine difficulté juste en nombre puis avec celles qui sont inscrites dans le cursus, là, pour devenir infirmières praticiennes spécialisées. Mais, si on redouble d'ardeur, bien, la cible pourrait potentiellement, rapidement, là, dans les années qui vont suivre, là, être atteinte.

M. Fortin : C'est M. Rousseau ou je pense que c'est vous, tantôt, qui y faisiez référence, là, aux difficultés de passer d'un certain type d'infirmière à une infirmière praticienne spécialisée. Est-ce qu'il y a quelque chose qui pourrait être mis en place? Vous avez parlé de la difficulté, là, mais est-ce qu'il y a une solution pour faire en sorte... et je comprends que plus de pouvoirs, ça en fait partie, de l'attractivité de la pratique, mais est-ce qu'il y a quelque chose qui peut être mis en place, un incitatif ou quelque chose comme ça, qui pourrait pallier un peu au problème que vous avez identifié un peu plus tôt? Parce que, pour que ça marche, on a besoin de monde. On a besoin d'infirmières praticiennes spécialisées pour que ça fonctionne, cet accès supplémentaire.

M. Rousseau (Jérôme) : Tout à fait, il faut travailler sur les deux volets, non seulement sur l'autonomie, la pratique qui va la rendre plus intéressante, donc, mais aussi sur l'aspect financier, ultimement, parce que c'est deux ans supplémentaires lorsqu'on est déjà sur les milieux de travail. Donc, effectivement, il faudrait travailler sur les deux volets.

M. Fortin : Il n'y a pas quelque chose de particulier auquel vous avez réfléchi, analysé et que vous êtes prêts à, disons, lancer dans la sphère publique, suggérer à la ministre ou à nous, ici, comme législateurs, pas encore, du moins?

Mme Bédard (Nancy) : C'est sûr qu'en termes de contrats de travail avec nos infirmières praticiennes spécialisées on a dû travailler, dans les dernières années... puis tout n'est pas parfait avec les établissements, parce que leurs conditions de travail... est à géométrie variable, parce que, dans un même établissement, quand elles se jasent entre elles, il y en a qui vont avoir des contrats de travail complètement différents. Donc, ça, les gens voient ça aller, et c'est comme si on embauche une infirmière praticienne spécialisée, on va lui dire : Bien, toi, on va te donner un poste dans trois mois, on va t'évaluer pendant trois mois, l'autre, c'est deux mois. Elles se posent des questions. Il y a énormément d'harmonisation. Et il faut que, les établissements, ça soit : On a voulu que les infirmières praticiennes spécialisées soient dans un contrat de travail, elles soient syndiquées, bien, il faut respecter ça. Alors, elles ont de la misère à prendre des vacances. C'est difficile, là, si on veut se dire les vraies affaires.

Puis, à votre question, actuellement, si on veut rentrer dans les conditions de travail micro de nos infirmières praticiennes spécialisées, quand vous travaillez dans un établissement de santé puis que vous avez de la misère à prendre vos vacances, quand c'est le médecin qui... dépendamment si le médecin part ou qu'il ne part pas, vous ne pouvez pas partir, donc votre conciliation travail-famille-études, vos horaires de travail dépendent énormément du médecin avec qui vous allez travailler et non pas, vous, d'être capable de dire : Bien, voici, moi, ce que j'aimerais, voici comment j'aimerais choisir mes vacances, j'ai tant d'ancienneté. On dirait qu'il n'y a plus rien qui compte.

Donc, ça, c'est des difficultés. Puis on travaille... c'est pour ça qu'il y a un comité avec le ministère. C'est sûr que c'est long. Ça fait deux, trois ans, on devrait avoir tout réglé. Mais ça, c'est l'autre côté de difficultés qu'on a avec le ministère, actuellement, qui veulent seulement documenter les problématiques, mais ils ne veulent pas faire de recommandations. Et nous, on a travaillé très fort pour être capables de faire des recommandations à la ministre, puis des recommandations aux ordres, puis des recommandations partout, pour être capables de changer les choses. Puis malheureusement le levier de ce comité-là, qui devait permettre d'enlever tous ces obstacles-là et de traduire, au niveau des établissements de santé, des conditions de travail gagnantes pour faire en sorte que nos infirmières praticiennes spécialisées restent, mais surtout que la profession soit attractive... parce que c'est souvent dans les premières dizaines et centaines d'infirmières praticiennes spécialisées que tu as des ambassadrices, où les gens voient aller cette pratique-là et ont le goût de le faire. Alors, pour moi, actuellement, travailler sur tous ces leviers-là... et c'est notamment ce qu'on tente de faire depuis 2017 avec le ministère pour être capables que nos 500 IPS, au Québec, actuellement, soient les plus belles, les meilleures ambassadrices au Québec, pour être capables de les doubler, de les tripler. Et c'est ces difficultés-là sur lesquelles on travaille ardemment avec les infirmières praticiennes spécialisées et avec le ministère.

Et je vous dirais que, là-dessus, ça prendrait un petit coup, parce qu'on est en train de se faire dire que juste le documenter, c'est assez, puis on a de la misère à avoir des recommandations officielles de notre comité, en partenariat avec le ministère, pour mettre au grand jour ces éléments-là et faire en sorte qu'on ait, honnêtement, là, des obligations de faire suite à des recommandations. Alors, ça, c'est le niveau de difficulté, actuellement, auquel on fait face.

M. Fortin : Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup. Alors, nous allons procéder maintenant avec le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Merci beaucoup. Merci d'être là. Dans le but d'obtenir la plus grande autonomie possible pour les IPS dans le cadre de ce projet de loi, il y a des amendements qui vont devoir être faits. Dans votre mémoire, vous proposez certaines choses. Le principal obstacle à l'autonomie, de ce que j'ai compris, vous avez dit : C'est les ententes de partenariat qui sont susceptibles de limiter ce que peut faire une IPS dans un GMF en particulier, si j'ai bien compris. Est-ce que vous pourriez développer puis nous dire un peu comment est-ce qu'on peut faire pour lever cet obstacle-là?

Mme Bédard (Nancy) : Bien, changer la loi qui fait qu'on est obligées, au Québec, d'avoir des ententes de partenariat pour être capables de pratiquer, parce qu'avant même... Puis, dans le déploiement, quand tu deviens ou tu veux étudier comme infirmière praticienne spécialisée, notamment, puis si ça n'a pas changé, pour être capable d'avoir droit à une bourse, il faut déjà que tu sois attachée avec un établissement puis que tu aies des ententes de partenariat, donc que tu aies un médecin qui ait accepté de travailler avec toi et qui soit partenaire avec toi pour que tu puisses t'assurer d'une pratique à quelque part puis d'avoir un endroit pour pratiquer.

Donc, tous ces éléments-là à la base d'une entente de partenariat... Puis je ne suis pas en train de dire que... parce que, là, je ne veux pas galvauder le terme, hein? Les infirmières praticiennes spécialisées travaillent en partenariat avec l'ensemble des professionnels du réseau, et notamment avec les médecins. Ils travaillent très, très... Ils sont en collaboration constante avec eux, là. Il ne faut pas que mes propos ne soient pas mis à la bonne place. Mais l'entente de partenariat pour être capable de pratiquer au Québec, il est là, le problème. Pourquoi on a une entente de partenariat? Et, à la base, le fondement de ça, pour vraiment donner un message d'une pleine autonomie des infirmières praticiennes spécialisées, bien, si ça tombait demain, puis il y avait un changement drastique là-dessus, moi, je peux vous dire que, là, on viendrait donner le réel message qu'on vient de changer, au Québec, la pleine autonomie de nos infirmières praticiennes spécialisées.

• (16 h 40) •

M. Zanetti : Et est-ce que, dans ce que vous proposez dans votre mémoire, de changer... Vous proposez un amendement par rapport aux ordres professionnels. Est-ce que c'est l'amendement qui ferait tomber, justement, la nécessité de ces ententes de partenariats là? Non?

Mme Bédard (Nancy) : Non, malheureusement.

M. Zanetti : Non? O.K.

Mme Bédard (Nancy) : Il faut aller plus loin que ça puis il faudrait le nommer clairement. Cet élément-là, qui fait en sorte que l'ordre a la double obligation de consulter — du jamais-vu, quand même — c'est comme un autre élément qui fait en sorte que, par la porte d'en arrière, O.K., on a confié à l'ordre... Quant à nous, là, dans notre vision, on a confié à l'ordre le fait qu'on va sortir les infirmières praticiennes spécialisées de la loi des médecins. Ça, c'est bien. C'est très, très, très bien, hein, puis il fallait faire ce pas-là, et on le salue, et qu'on le mette sur la loi des infirmières, c'est très bien. Cependant, pourquoi un ordre professionnel qui est autonome, qui a le droit à analyser sa propre pratique de A à Z, doit doublement et obligatoirement consulter le Collège des médecins? Qu'est-ce que ça donne comme message? C'est comme si, par la porte d'en arrière, le Collège des médecins dit : On n'est pas d'accord avec le règlement. Parce que, vous savez, il va y avoir le projet de loi, mais c'est dans le cadre des écritures du règlement, des fois, que toutes les choses s'attachent et que, là, hein, on voit arriver toutes sortes de nuances, qui fait que, oups! hein, il y a une restriction dans la pratique, et c'est ça que le projet de loi doit s'assurer qu'on ne vive plus jamais.

Mais qu'est-ce que ça fait si le Collège des médecins n'est pas d'accord avec les lignes directrices? Il n'y en aura pas, parce qu'il y a une obligation de le consulter, et là ça va s'allonger. Ça va s'allonger avant que l'ordre puisse déposer son projet de loi à l'Office des professions. Donc, on a des questions là-dessus puis on a des prérogatives où on trouve que le projet de loi porte flanc encore beaucoup et n'enlève pas tous ces obstacles-là. Donc, avec ce qu'on a vu dans les 20 dernières années, avec juste le mémoire déposé par le Collège des médecins, qui demande toutes sortes d'autres choses obligatoires, il faut voir, là encore, le fait qu'ils veulent garder certaines parties sur leur patinoire et s'assurer de pouvoir bien diriger et contrôler certains éléments. En tout cas, nous, c'est notre lecture qu'on fait de ces éléments-là.

M. Zanetti : Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Je vais maintenant céder la parole au député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Merci, M. le Président. Mesdames et messieurs, je voulais aussi embarquer sur le dossier de l'autonomie. Ça semble être la principale préoccupation de votre fédération, et j'ai l'impression que — et dites-moi si j'ai bien compris — ce projet de loi là non seulement il ne va pas assez loin, mais qu'il y a d'autres éléments qui sont complémentaires, qui vont devoir être modifiés de façon assez radicale pour qu'on puisse offrir le même genre de services que dans d'autres provinces canadiennes. On comprend bien? C'est comme ça qu'il faut comprendre votre mémoire?

Mme Bédard (Nancy) : Oui, c'est sûr que nos cinq recommandations sont en lien purement avec ce qui est dans le projet de loi n° 43, mais, dans la discussion plus large, puis avec les questions que j'ai eues, je me suis quand même permis l'élément des ententes de partenariat, certes, parce que, dans les travaux qu'on a faits avec nos infirmières praticiennes spécialisées, dans les travaux qu'on a faits avec la CPNSSS et le gouvernement, tout le contrat d'intéressement puis tout le contrat des médecins partenaires a été mis sur la table à plusieurs reprises sur tous les éléments qui étaient de grands obstacles ou des restrictions à la pratique autonome de nos infirmières praticiennes spécialisées.

M. Arseneau : D'accord. Si le projet de loi devait être adopté tel qu'il a été présenté, comment vous le qualifieriez?

Mme Bédard (Nancy) : Dommage, un rendez-vous, en 2019... Puis, je le dis, je parle, dans la présentation... la loi sur les infirmières n'a pas été ouverte souvent puis elle n'est pas ouverte souvent, et je pense qu'après 10, 12, 13 ans de pratique chez nos infirmières praticiennes spécialisées au Québec, avec toute la volonté d'ouvrir l'accessibilité aux soins, la conjoncture du Québec, ce qui s'est passé ailleurs au Canada, aux États-Unis, on est en mesure d'aller plus loin, et ça serait, je pense, un rendez-vous un peu manqué.

M. Arseneau : J'allais dire «une occasion ratée». Mais qu'est-ce qui peut expliquer cette timidité-là, selon vous?

Mme Bédard (Nancy) : Bien, je pense que, comme elle n'a pas été ouverte ça fait longtemps, comme on était sur la Loi médicale, comme on veut être sûrs de ne pas rater la cible, peut-être pour faire attention, peut-être pour faire un premier pas, parce qu'au Québec on fait souvent un premier pas avant d'en faire un deuxième, on a de la misère à en faire des grands, on a décidé de le faire comme ça. Moi, c'est mon interprétation, mais je ne suis peut-être pas la meilleure personne pour vous répondre à ça.

M. Arseneau : Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup. Alors, merci aux représentantes de la Fédération interprofessionnelle de la santé pour leur contribution à nos travaux.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 16 h 46)

(Reprise à 16 h 48)

Le Président (M. Provençal)  : Nous recevons maintenant les représentants de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, à qui je souhaite la bienvenue. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé. Je vous cède la parole.

Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ)

M. Godin (Louis) : Merci, M. le Président. D'abord, je veux vous remercier et remercier les parlementaires de nous offrir cette occasion de vous faire part de certains commentaires à propos du projet de loi n° 43.

Je vais d'abord présenter les gens qui m'accompagnent : d'abord, à ma droite, le Dr Marc-André Amyot, qui est premier vice-président de la fédération, qui est médecin de famille dans la région de Joliette et qui travaille principalement dans les salles d'urgence, à ma gauche, le Dr Sylvain Dion, qui est deuxième président de la fédération, qui est médecin de famille dans la région du Lac-Etchemin et qui travaille également en GMFU, c'est-à-dire dans un groupe de médecine familiale à vocation universitaire, où il se fait de l'enseignement, et finalement, à mon extrême droite, Me Pierre Belzile, qui est avocat et directeur des affaires juridiques à la fédération.

Avant de débuter notre présentation, qui sera grandement inspirée, évidemment, de notre mémoire, je tiens à dire que la fédération soutient entièrement les demandes et recommandations qui vous ont été faites aujourd'hui de la part du Collège des médecins par rapport, notamment, au maintien de l'examen de certification des connaissances et des compétences cliniques des IPS, à l'instauration dans les meilleurs délais de mécanismes d'inspection professionnelle des IPS, à la mise en place d'un comité conjoint statutaire CMDP-conseil des infirmières sur la qualité de l'acte médical des IPS en établissement et à la mise en place d'un cadre de collaboration clair entre les IPS et les médecins.

• (16 h 50) •

Notre présentation, maintenant. La FMOQ prend acte du projet de loi n° 43, comme elle a pris acte de l'entente entre le CMQ et l'ordre des infirmiers et infirmières du Québec, au printemps dernier, laissant la capacité aux IPS de poser des diagnostics pour des maladies courantes, de prescrire des médicaments et de proposer des traitements. La fédération n'a pas d'objection de fond par rapport au contenu du projet de loi et comprend les objectifs qui ont mené à sa présentation.

Cela dit, nous souhaitons attirer votre attention aujourd'hui sur trois enjeux qui méritent, selon nous, une attention particulière, soit le diagnostic des maladies courantes et la sécurité du public, l'intégration des IPS au sein des équipes de soins de première ligne et l'impact des modifications législatives proposées sur l'accès.

D'abord, en ce qui concerne le diagnostic des maladies courantes et la sécurité du public, il est important de se rappeler que poser un diagnostic n'est pas une chose simple et que banaliser cet exercice équivaudrait sans contredit à se prêter à un jeu risqué. Évidemment, le projet de loi se veut rassurant en posant le postulat que les IPS ne diagnostiqueront que les maladies courantes. Le projet de loi énumère d'ailleurs une série de caractéristiques pour déterminer ce qu'est une maladie courante. Selon nous, il demeure malgré tout un certain flou qui peut prendre diverses formes. Par exemple, comment départager un cas complexe d'une maladie courante? Comment définir le faible potentiel de risque de détérioration rapide? Comment juger l'absence de potentiel de préjudice grave et irrémédiable? Il est toujours facile, en rétrospective, d'exercer un tel jugement, mais, de façon prospective, c'est loin d'être toujours aussi facile. Nous croyons donc que cet exercice doit se faire selon des critères rigoureux afin de bien définir le tout. Nous sommes donc d'avis que le gouvernement et les ordres professionnels devront s'assurer, par la réglementation ou par des guides de pratique, de mettre en place les conditions permettant de bien définir la nature de ces dites maladies courantes.

En ce qui concerne l'intégration des IPS au sein des équipes de première ligne, à notre avis, la plus-value du projet de loi n° 43 passe nécessairement par un cadre collaboratif bien structuré. Pour la fédération, la collaboration interprofessionnelle et le travail d'équipe est à la base de l'organisation des soins de première ligne, et nous en avons fait la promotion depuis maintenant de très nombreuses années. Le modèle GMF, qui est actuellement le modèle le plus répandu en termes d'organisation de première ligne, en est la preuve éloquente. Tout en respectant l'autonomie des IPS, nous sommes d'avis que le gouvernement, les ordres professionnels concernés et la FMOQ, de concert avec les IPS, devront définir un modèle collaboratif bien structuré et centré sur le besoin des patients. Ceci nous apparaît nécessaire pour éviter que le chevauchement des compétences entre les médecins de famille et les IPS n'occasionne des problèmes et n'empêche la mise en place réelle des plus-values pour les patients.

La FMOQ recommande donc au gouvernement de s'assurer que les objectifs du projet de loi n° 43 se réalisent dans une logique interprofessionnelle où les services sont offerts dans un même lieu. Pour nous, il est incontournable qu'un des éléments à la base d'un travail collaboratif réussi et optimal pour les patients repose sur l'organisation physique des lieux de pratique. Les milieux de soins doivent favoriser les contacts, les échanges et les communications entre les IPS et les médecins de famille. Cette cohésion est essentielle à nos yeux, et la proximité physique est un élément incontournable à cet égard. La FMOQ souhaite donc que le déploiement des IPS se poursuive à l'intérieur des modèles d'organisation de première ligne existants, soit, principalement, les GMF soit les groupes de médecine familiale. Nous invitons aussi les élus à se méfier des aléas du travail en silo et du cloisonnement des compétences. Il ne faut pas créer deux réseaux parallèles. Cela serait contre-productif et contraire à l'intérêt des patients, à notre avis.

Finalement, sur l'impact des modifications législatives proposées sur l'accès aux services de première ligne, il est important, à ce stade-ci, de rappeler dès le départ tout le chemin parcouru depuis 2004 dans l'accès aux soins de première ligne alors que plus de 1,2 million de Québécois de plus ont maintenant un médecin de famille. Et cette situation continue sans cesse de s'améliorer malgré un contexte souvent difficile, malgré aussi le fait que la situation des dernières années a provoqué à nouveau une situation de pénurie d'effectifs, puisqu'on a découragé la relève médicale à choisir la médecine familiale et accéléré le départ à la retraite de nombreux médecins de famille. Il existe donc actuellement une réelle pénurie de médecins de famille aujourd'hui. D'ailleurs, imaginons seulement ce que serait la situation aujourd'hui si nous avions, en ce moment, les 400 médecins de famille de plus qui étaient prévus, si on se rapporte aux prévisions de 2014. Nous serions dans un tout autre monde en termes d'accès aux soins de première ligne.

Cette pénurie ne touche pas seulement que les médecins de famille, cela dit, elle touche aussi les infirmières. La preuve, les situations que nous avons vécues dans les derniers mois : ruptures en obstétrique, nombre insuffisant d'infirmières en GMF et temps supplémentaire obligatoire. Nous devons aussi rappeler qu'à notre connaissance tous les professionnels actuellement en place — médecins de famille, infirmières, autres professionnels de la santé — travaillent déjà pratiquement au maximum de leurs capacités, et ce, autant les médecins que les IPS en place, comme je le mentionnais.

Il faut donc être prudents, dans ce contexte, avant de laisser entendre que le projet de loi n° 43, tout comme le projet de loi n° 30, d'ailleurs, vont régler les problèmes d'accès en première ligne et avoir des effets quasi magiques. Certes, ces nouvelles législations ne nuiront pas, mais la vraie solution au problème d'accès aux médecins de famille et aux soins de première ligne répond d'abord et avant tout dans la correction des pénuries d'effectifs qui existent actuellement.

 En conclusion, la fédération recommande donc au gouvernement et aux législateurs : premièrement, de s'assurer que les autorités gouvernementales et les ordres professionnels responsables adoptent une réglementation ou des guides de pratique appropriés qui puissent permettre de définir clairement la nature des maladies courantes; deuxièmement, de s'assurer que les objectifs qui sous-tendent la présentation du projet de loi n° 43 se réalisent dans une logique de collaboration interprofessionnelle dans les mêmes lieux de pratique; troisièmement, de ne pas favoriser des modèles d'organisation où le travail en silo, le cloisonnement des compétences et un possible dédoublement de services viendraient mettre en péril la qualité des services offerts à la population et l'efficacité du réseau; quatrièmement, de s'attaquer à la pénurie de médecins de famille en augmentant leur nombre, notamment via une véritable valorisation de cette spécialité médicale, et ce, dans une vision structurée des services médicaux de première ligne; et finalement, puisque les médecins de famille seront les premiers collaborateurs en soins de première ligne, de travailler avec la fédération afin de s'assurer d'une utilisation efficace des nouveaux pouvoirs qui leur seront dévolus à la suite de l'adoption du projet de loi n° 43.

Merci, M. le Président. Merci, les parlementaires. Nous sommes disponibles pour les questions.

Le Président (M. Provençal)  : Je remercie le Dr Godin pour son exposé. Nous allons commencer maintenant l'échange avec Mme la ministre.

• (17 heures) •

Mme McCann : Oui, merci, M. le Président. Alors, je vous salue, Dr Godin — un plaisir de vous revoir — Dr Dion, Dr Amyot, aussi, Dr Belzile. Alors, merci d'être là pour échanger avec nous sur ce projet de loi fort important.

Mais évidemment je vous écoutais pendant votre présentation, et c'est clair que nous sommes, en quelque part, à la croisée de quelques chemins, on va le dire comme ça, pour le réseau de la santé et des services sociaux, et les médecins de famille font partie de la solution, de toute évidence. Et je pense que c'est important de nommer ce que vous faites, actuellement, les travaux qui sont faits, actuellement, au niveau du mode de rémunération et à d'autres niveaux, qui font en sorte que, dans le futur, on pourrait avoir une offre de services augmentée.

Vous avez fait référence aussi à des difficultés que vous avez eues dans les années antérieures, et je pense qu'il faut apprendre, hein, du passé, il faut se tourner vers l'avenir, et les travaux que nous sommes en train de faire sont porteurs de solutions, je pense, pour la population du Québec. Alors, les solutions qu'on apporte, comme gouvernement, sont multifacettes, et les professionnels qui oeuvrent dans notre réseau doivent être valorisés, doivent aussi déployer toutes leurs compétences, doivent travailler en interprofessionnel, en interdisciplinarité.

Alors, au niveau du projet de loi dont on parle, il y a des questions qu'on a posées à peu près à toutes les instances qui sont venues nous voir depuis le début, là des consultations, et je vais vous les poser à vous aussi parce qu'on veut avoir votre point de vue. Je sais que vous pratiquez aussi encore, évidemment, Dr Godin, et tout le monde, probablement, qui est ici. Les maladies courantes — poser la même question — vous l'avez dit vous-même, il faudra définir vraiment de façon précise. Est-ce que c'est possible? Parce que, je vais vous dire, Dr Godin, j'ai fait des petites recherches, moi-même — vous le savez, je ne suis pas médecin, je ne suis pas infirmière — puis ce n'est pas évident de comprendre qu'est-ce que c'est, une maladie courante. Alors, moi, je vais vous dire ce que j'ai dit à d'autres instances, ce qui m'inquiète, c'est la difficulté d'être précis par rapport aux maladies courantes et de créer une confusion, une difficulté en termes de fonctionnement du réseau, et c'est pour ça que je vous pose la question.

Puis la deuxième question que je vous pose, c'est par rapport, évidemment, comme j'ai posé aux autres instances, aux autres provinces du Canada, où, dans leur définition, hein, de ce que peuvent faire les IPS, les infirmières praticiennes spécialisées, on ne parle pas de «maladie courante», on parle de «maladie», à peu près toutes les autres provinces qui ont évolué depuis des années au niveau, là, de tout ce que font les IPS. Alors, je voudrais vous entendre sur ces deux volets-là, Dr Godin.

M. Godin (Louis) : Pour nous, ça nous apparaît très important d'être capables de définir le plus possible, en sachant que ce sera une tâche qui ne sera pas facile. Et c'est d'ailleurs pourquoi on vous soulignait qu'à l'intérieur du projet de loi, où on émet certains critères, il nous apparaît essentiel d'aller encore plus loin, de pousser encore plus loin, que ce soit à l'intérieur de la réglementation ou à l'intérieur de guides de pratique, pour pouvoir structurer le plus possible qu'est-ce qu'on permet à l'intérieur de ça. Et je m'explique. La notion de poser un diagnostic est quelque chose de très, très large. Si on prend la formation des médecins de famille, ils passeront 42 mois de leur temps de formation à se faire une habileté à être capables de discriminer et de faire ce qu'on appelle le fameux diagnostic différentiel. Et je comprends qu'il y a toujours cette difficulté-là entre faire une liste de maladies et de définir d'une autre façon ce qui peut être fait, parce que, si tu es capable, comme professionnel, de discriminer l'ensemble des situations, bien, selon nous, à ce moment-là, tu es devenu un médecin de famille. Donc, il faut, à quelque part, être capable de faire une certaine détermination.

On comprend que ce n'est pas une tâche facile, mais, si on parle de gens qui vont travailler en équipe, il faut s'assurer que chaque membre de l'équipe est aussi bien au fait et bien conscient de la capacité de chacun d'évoluer dans cette équipe de soins là. Et c'est pour ça que l'on vous soumet aujourd'hui la nécessité d'aller plus loin. Et d'ailleurs on offre, comme fédération, que ce soit au Collège des médecins, à l'Ordre des infirmières, aux IPS, notre entière collaboration pour essayer de pousser cette question-là le plus loin possible.

Nous sommes, on le mentionnait en début, à l'aise avec le fait de cet élargissement-là des pouvoirs des IPS, mais en même temps il faut être capables de déterminer de façon la plus précise possible ce qui se fait. Pourquoi ça ne s'est pas fait ailleurs? C'est peut-être parce qu'on a décidé, tout simplement, d'abdiquer devant cette nécessité-là. Mais, pour s'assurer d'une nécessaire cohésion à l'intérieur de nos équipes de soins... parce qu'on le mentionne dans notre mémoire, il est clair que, si on veut vraiment aller chercher la plus-value de cette démarche-là qui est faite actuellement, ça doit se faire dans ces équipes de soins là. Donc, pour nous, ce n'est pas parce qu'on a évité d'éclaircir ça ailleurs qu'on doit ici, au Québec, se dire : On ne se livrera pas à cet exercice-là. Le projet de loi met certaines balises, mais on doit aller plus loin.

Vous mentionniez que j'étais encore à une clinique. Malheureusement, moi, je ne suis plus en clinique, là. Malheureusement, j'ai accroché mon stéthoscope il y a quelques années. Mais je suis accompagné de gens qui, eux, sont encore en clinique, ils pourraient vous donner des exemples d'où peut être l'ambiguïté entre une maladie courante et ce qui peut être un cas complexe à fort risque de préjudice, et ils travaillent tous les deux dans des milieux fort différents : quelqu'un qui travaille dans une salle d'urgence, où on est, à tous les jours, face à des maladies courantes, en principe, mais à fort risque de détérioration, et quelqu'un qui est dans un milieu d'enseignement, où qu'il vit bien, je vais dire, cette réalité. Je les laisserais peut-être, tous les deux, vous donner des exemples de ce que ça peut représenter.

M. Amyot (Marc-André) : Bien, je travaille à l'urgence, je travaille aussi en GMF, en sans rendez-vous puis en prise en charge. La difficulté, c'est dans la subtilité de diagnostiquer. Le processus diagnostic, c'est un processus complexe, puis, quand on donne un symptôme, dans ma tête, on a déjà un nombre de diagnostics qu'il faut éliminer. C'est ça, le diagnostic différentiel. Mes patrons disaient — puis là je vais le dire en anglais, là : «You don't find what you don't look for.» Si je n'y pense pas, je ne trouverai pas ce qui est le problème.

Et le simple exemple... Dans les 10 patients que je vais voir qui font de la fièvre, lequel est une méningite? Dans la personne qui se présente pour dyspnée — dyspnée, c'est l'essoufflement, hein, je suis essoufflé — ça peut être bien des choses, ça peut être simplement une crise d'asthme, ça peut être de l'anxiété, ça peut être aussi une embolie pulmonaire, ça peut être de l'insuffisance cardiaque. Parfois, là, toute cette difficulté-là de questionner ce processus-là, c'est un processus extrêmement complexe, puis, à notre perception, ça nécessite une clarification, un encadrement ou, nécessairement, une clarification pour les IPS.

M. Dion (Sylvain) : Un autre exemple, quand on regarde le projet de loi, on parle de «critères diagnostiques définis». Il y a des choses que, l'IPS, c'est certain qu'elle va pouvoir les diagnostiquer. Elle est aussi bonne que moi pour diagnostiquer un diabète parce qu'on s'appuie sur une donnée de laboratoire. Même chose pour une maladie pulmonaire, c'est un test que le patient passe, puis on voit le résultat du test. Ça, ça ne pose pas de problème, mais c'est quand on a des symptômes qui sont mal définis.

La maladie angineuse, là, ça se présente, oui, comme dans les livres, la douleur qui serre dans la poitrine puis que le patient est tout en sueurs, souvent c'est une douleur dans l'épaule. Et il faut reconnaître, quand même, que les IPS n'ont pas la formation qui est équivalente. Oui, elles ont peut-être sept ans d'université, mais elles ont eu d'abord cinq ans qui étaient des soins infirmiers, ce qui n'est pas la science médicale comme telle, c'est les deux dernières années.

Dr Godin faisait référence, les médecins de famille, ils ont une expérience clinique de 42 mois en stage, c'est sûr, ça leur donne ce bagage-là pour avoir la démarche clinique. Les IPS, eux autres, c'est six mois de stage, donc il y a vraiment une différence. À cet égard-là, je pense qu'il y a une limite à ce qu'elles peuvent diagnostiquer, à ce qu'elles peuvent avoir comme diagnostic différentiel, d'où l'importance, à notre point de vue, de préciser, au niveau du projet de loi ou dans le règlement, c'est quoi, le cadre. Est-ce qu'on se limite à des choses qui sont plus, je dirais, sur des données objectives, comme je vous parlais du diabète ou d'autres maladies, ou est-ce que ça pourrait être d'une autre façon? Je pense que c'est ça qu'il faut préciser davantage.

Puis je rajouterais que ce qui est peut-être important de préciser ici, là, c'est, bien, si l'infirmière, à un moment donné, frappe son mur, bien, elle travaille en complémentarité avec son médecin, le médecin de famille qui est dans la même clinique, et elle réfère, à ce moment-là, au médecin de famille pour aller un petit peu plus loin au niveau de cette démarche-là de diagnostic différentiel. Je le vis déjà chez nous, là. Quand on travaille avec les IPS, à un moment donné, on dit : Bon, bien là, le patient, il a des douleurs articulaires, bon, ce n'est pas tout de l'arthrose, les douleurs dans les articulations, des fois c'est des maladies inflammatoires, puis elles ne sont pas formées pour ça. Ça fait que c'est sûr qu'il va falloir qu'elles réfèrent, pour des pathologies plus complexes comme ça, aux médecins de famille.

• (17 h 10) •

Mme McCann : Ah! bien, je vous remercie, c'est éclairant. D'ailleurs, je veux revenir sur votre recommandation, parce que, dans le projet de loi, on parle de six critères, hein, et, vous, ce que vous dites, c'est que vous souhaitez qu'on adopte une réglementation ou un guide de pratique qui puisse permettre de définir clairement la nature des maladies courantes. Est-ce qu'à ce moment-là, les six critères invoqués dans le projet de loi, vous êtes en accord avec ça ou vous dites qu'il faudrait définir davantage par un guide de pratique?

M. Godin (Louis) : Ça fait partie, je pense, des principaux critères que l'on doit tenir compte. On n'a pas fait l'analyse à savoir est-ce qu'on devrait rajouter d'autres critères, est-ce qu'on devrait éliminer certains de ces critères-là. Je pense qu'à partir du projet de loi tel qu'il est là il doit être clair, après, que, dans le processus de réglementation, au niveau des ordres professionnels ou à l'intérieur d'autres véhicules, qui peut être un guide de pratique à savoir qu'est-ce qu'on fait dans telles circonstances, on puisse, justement, permettre d'améliorer et d'éclairer le processus pour éviter des situations qui pourraient être, finalement, préjudiciables pour le patient. Et nous, on pense que c'est un travail qui devra être commandé à la suite de l'adoption du projet de loi. On ne dit pas aux parlementaires : Vous devriez exclure ou rajouter certains critères, je pense que c'est à l'intérieur d'un exercice qui aura comme objectif de le déterminer le plus précisément possible, exercice qui devrait se faire avec l'apport des IPS mais aussi avec l'apport de médecins cliniciens qui sont dans le quotidien et qui voient une série de situations et de leur permettre de déterminer, finalement, qu'est-ce qu'il en est là-dedans.

Mme McCann : Je veux revenir, si vous le permettez, sur la question par rapport aux autres provinces canadiennes. Vous avez dit : Bon, ils n'ont pas fait l'exercice, je ne reprends peut-être pas vos termes exacts, là. Mais, dites-moi, parce qu'on est tous, hein, à l'affût de ce qui se passe ailleurs dans le monde, au Canada, etc., comment se vit la pratique là-bas, en Ontario, au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse? Est-ce que vous, vous avez eu vent de difficultés, étant donné qu'ils n'ont pas défini ce qu'on est en train de discuter, que c'est des maladies puis avec quelques précisions? Est-ce que vous pensez qu'il y a des difficultés qui se vivent dans les autres provinces au point de vue clinique?

M. Godin (Louis) : En toute transparence, la principale des difficultés qui nous a été rapportée ailleurs, dans les autres provinces, c'est un élément qu'on amène un peu plus loin dans notre mémoire, c'est-à-dire que les autres provinces ne sont pas préoccupées des lieux d'exercice de ces autres professionnels. Elles se sont retrouvées dans des situations où il y a vraiment du travail en silo, c'est-à-dire que les groupes des professionnels travaillent de façon complètement séparée, sans mécanisme de collaboration, et ils nous disent tous qu'ils ont perdu là une valeur ajoutée, et ils ne pensent pas que c'est la chose à faire à l'intérieur de ça.

La préoccupation par rapport aux maladies courantes, je vous dirais, elle nous vient principalement des réactions de nos cliniciens qui sont, eux, actuellement, à travailler avec les IPS, là. Il faut comprendre que, déjà... plusieurs années, les médecins de famille travaillent en étroite collaboration avec les IPS et ils nous disent : Comment on va déterminer si c'est une maladie courante ou non? Et c'est important de le faire parce que, dans le quotidien, souvent, ces deux groupes de professionnels que sont le médecin de famille et l'IPS ont souvent le même patient en charge à s'occuper, donc ça demeure très important de faire tous les efforts nécessaires pour essayer de baliser ça et de donner les guides les plus précis pour être capables de déterminer, comme on disait au tout départ, qu'est-ce qui est un cas qui est relativement simple par rapport à qu'est-ce qui est un cas complexe.

On peut prendre les six énoncés qui sont dans le projet de loi et se dire : Bien, tout est là. Vient, après, toute la définition de chacun de ces éléments-là. Comment est-ce qu'on précise ça un petit peu plus? On a des éléments, des outils qu'on peut se servir. On sait qu'on a des critères beaucoup plus objectifs, critères de laboratoire, Dr Dion donnait l'exemple du diabète. À la rigueur, à partir du moment où... (panne de son) ...quels sont les critères diagnostiques, si le chiffre, il est à 8, il n'y a pas de doute, si vous avez une hémoglobine glyquée, qui est une mesure pour déterminer que le suivi du diabète, qui est à 0,75, il n'y a plus de doute, là, je vais dire, dans le diagnostique, c'est clair. Mais il y a des zones beaucoup plus floues à l'intérieur de ça, et c'est pour ça qu'il nous apparaît essentiel qu'on pousse un peu plus loin là-dessus.

Mme McCann : Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, Mme la ministre. Nous allons procéder maintenant à l'échange avec le député de Pontiac.

M. Fortin : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci d'être avec nous. Je vais rentrer direct dans le vif du sujet, on est déjà là, mais l'article 3 du projet de loi, il dit essentiellement, là : «L'infirmière praticienne spécialisée peut [...] exercer», et là il y a une liste d'activités — je mets de côté la question des maladies courantes — donc l'IPS peut «prescrire des examens diagnostiques», «utiliser des techniques diagnostiques invasives ou présentant des risques de préjudice», «déterminer des traitements médicaux», «prescrire des médicaments et d'autres substances», «prescrire des traitements médicaux», «utiliser des techniques ou appliquer des traitements médicaux, invasifs ou présentant des risques de préjudice», «effectuer le suivi de grossesses normales ou à faible risque». Êtes-vous d'accord avec ça?

M. Godin (Louis) : Dans l'ensemble, je vous dirais, on est à l'aise avec ça.

M. Fortin : Oui? Parfait.

M. Godin (Louis) : Elles le font déjà.

M. Fortin : Oui, bien, exactement. Est-ce que vous avez un enjeu à ce qu'une infirmière praticienne spécialisée réfère un patient à un médecin spécialiste?

M. Godin (Louis) : Écoutez, on n'a pas nécessairement d'enjeu sur le fait qu'ultimement ça puisse se faire, mais il nous apparaîtrait beaucoup plus opportun qu'avant de référer au médecin spécialiste on pense peut-être de référer au médecin de famille.

M. Fortin : Oui, mais, dans ce cas-là, dans ce cas-là, c'est une référence à vous, qui allez faire la référence après, là. C'est quoi, la différence, là? J'essaie de comprendre, là, ce que vous êtes en train de dire.

M. Godin (Louis) : Non, non, non, on va faire une grande différence, là, à l'intérieur de ça. Et ça ne veut pas dire que, parce qu'on réfère au médecin de famille, il va nécessairement référer au médecin spécialiste. Le médecin de famille va probablement être capable de gérer la majorité des difficultés qu'il puisse retrouver en termes... que ce soient diagnostics, ou traitements, ou certaines interrogations.

M. Fortin : Mais en fait ma question n'est pas là, Dr Godin, ma question est plus : Est-ce que vous ne pensez pas que l'infirmière praticienne spécialisée est capable de savoir quand est-ce qu'elle doit référer à un médecin omni puis quand est-ce qu'elle doit référer à un médecin spécialiste? Elles ne sont pas folles, là. Puis je vous ai entendu, docteur, tantôt, vous parlez de leur longue formation. Mais est-ce que, dans leurs sept années de formation, elles ne sont pas capables de savoir quand est-ce qu'elles peuvent aller vers un omni, et que l'omni va être capable de traiter le patient, et quand est-ce qu'elles ont besoin d'aller voir un spécialiste? Pourquoi elles auraient besoin d'aller vous voir, vous, pour se rendre à un spécialiste?

M. Godin (Louis) : Attention, là, ce que l'on dit, c'est qu'ils ne devraient pas passer nécessairement par le médecin de famille. Ce que l'on dit, c'est qu'il faudrait encourager et s'assurer qu'on exploite vraiment la consultation vers le médecin de famille, d'autant plus qu'on espère qu'elles exercent dans le même milieu, dans la même équipe de soins et d'autant plus que, dans la très grande majorité des cas, le patient de l'IPS sera aussi le patient d'un des médecins du groupe dans lequel elles vont évoluer, donc ça sera pour le moins particulier qu'on n'ait pas le réflexe de se questionner sur la nécessité de référer au médecin de famille avant de passer au médecin spécialiste. Il y a certaines situations où, effectivement, probablement qu'ils peuvent d'emblée aller vers le médecin spécialiste, mais, comme je vous mentionnais, il y a là une question : Est-ce que c'est vraiment la meilleure utilisation des ressources?

L'autre élément qu'il faut toujours se rappeler, dans l'organisation et dans tout le mécanisme de collaboration : Qu'est-ce qui va nous assurer que, le rapport de consultation qui est fait là, qui est à la fois, probablement, aussi très pertinent pour le médecin traitant de ce même patient, que lui ne l'ait pas? Comment est-ce qu'on va s'assurer que lui aura cette même information-là?

M. Fortin : Ça, vous ne pensez pas que ça peut se faire? Vous avez dit vous-même «à l'intérieur d'une même clinique», j'imagine que ça peut se faire à travers un mécanisme quelconque, là.

M. Godin (Louis) : C'est pour ça que l'on a insisté à la nécessité de bâtir un cadre collaboratif bien défini et que c'était, selon nous, le deuxième aspect, si on veut, le plus important que nous retenons et que nous avions comme commentaire à faire à l'intérieur du projet de loi.

M. Fortin : Bien, donc, O.K., mais je reviens à la base, là : Vous n'avez de problème à ce que, dans la loi, ce soit permis qu'une IPS puisse référer un patient à un médecin spécialiste?

M. Godin (Louis) : On n'a pas de problème, mais est-ce que c'est nécessairement la meilleure utilisation des ressources? Je pense qu'il doit y avoir une réflexion.

M. Fortin : Bien, il faut penser à vos ressources aussi, il faut penser à vos ressources de médecins de famille aussi, là.

M. Godin (Louis) : Tout à fait, je suis...

• (17 h 20) •

M. Dion (Sylvain) : M. Fortin, il faut voir pourquoi l'infirmière praticienne réfère à un spécialiste. Le patient a du sang dans les selles, on va référer en gastro ou en chirurgie pour une coloscopie, O.K.? Je vais vouloir être informé que mon patient, par contre, a eu du sang dans les selles puis peut-être que je vais vouloir demander du labo aussi, parce que l'infirmière n'y aura peut-être pas pensé en raison de la quantité, etc.

Mais il y a une autre condition, par contre, où l'infirmière praticienne, elle n'a pas le diagnostic. À ce moment-là, elle va me référer parce que moi, j'ai des compétences supplémentaires en diagnostic différentiel. Je vous donnais, tantôt, l'exemple de douleurs articulaires, l'infirmière praticienne peut peut-être être capable de faire un bout de chemin avec le patient en pensant que c'est de l'arthrose. Mais le patient revient après deux semaines, il est encore très souffrant, bien, on ne l'enverra pas en rhumatologie, là, ou encore en orthopédie, on va me référer le patient parce que j'ai quand même des connaissances plus larges.

Je pense qu'il faut le voir dans cet angle-là. Oui, il y a encore de la place, mais le Dr Godin insiste beaucoup là-dessus, sur la collaboration qu'on doit avoir avec l'infirmière praticienne pour le mieux de notre patient puis éviter qu'on utilise les ressources en spécialités à mauvais escient, là.

M. Fortin : O.K. Je vais passer à d'autres choses, rapidement, là. Les infirmières praticiennes spécialisées demandent le pouvoir d'admettre et de donner un congé aux patients. Est-ce que ça vous pose problème?

M. Godin (Louis) : Honnêtement, ça nous inquiéterait. Lorsque vous êtes admis, on passe probablement au-delà de la maladie courante sans risque de détérioration et de préjudice. Actuellement, dans notre système de santé, avec l'évolution des technologies, lorsque vous avez besoin d'être admis, on n'est plus dans les choses simples à traitement facile et sans risque de détérioration.

M. Fortin : Mais, si on le fait dans les autres provinces, j'ai de la misère à comprendre pourquoi on ne pourrait pas le faire au Québec. Je ne sais pas, est-ce que vous avez déjà parlé à une fédération dans une autre province, à savoir pourquoi ça fonctionne bien, pourquoi ça ne fonctionne pas? Je comprends ce que vous dites, mais je vous avoue que je suis porté à croire que les IPS peuvent en faire davantage, même, que ce qui est inscrit dans le projet de loi en ce moment. Alors, j'essaie de comprendre votre point de vue, là, à savoir pourquoi ça fonctionnerait difficilement.

M. Godin (Louis) : Quand je regarde la lourdeur et la complexité des cas auxquels nos médecins de famille sont confrontés, actuellement, au quotidien, lorsqu'ils ont à hospitaliser des patients, comment on pourrait confier ça, dans le cadre actuel, à d'autres professionnels, mis à part nos autres confrères spécialistes?

M. Fortin : O.K. Ça va pour moi. Je sais que ma collègue a des questions, M. le Président. Je vous remercie, Dr Godin, et vous tous.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Robitaille : Oui, bien, je trouve ça intéressant. Bonjour, messieurs. Je trouve ça intéressant, parce qu'on a en entendu des infirmières, tout à l'heure, la FIQ, entre autres, qui avaient un discours très différent du vôtre, et je vais revenir un peu sur les questionnements de la ministre. Elles nous disaient, ces infirmières-là : Bien, il faudrait enlever cette définition de la maladie courante, il faudrait avoir beaucoup plus de marge de manoeuvre, et ça aiderait la fluidité, le rapport, le... c'est ça, la fluidité entre les omnipraticiens, et les infirmières, et tout ça. Et vous, vous dites le contraire, finalement. Elles disent qu'ailleurs et en Ontario on travaille de cette façon-là, où il n'y a pas de définition, où c'est beaucoup plus large, il n'y en a pas, de problème, il n'y a pas de problème à ce niveau-là.

J'aimerais que vous m'expliquiez, encore une fois, si, en Ontario et dans les autres provinces, les infirmières ont beaucoup plus de marge de manoeuvre, sont moins supervisées, pourquoi, ici, il faudrait faire autrement.

M. Godin (Louis) : On ne parle pas, je vous dirais, de superviser, là. Nos propos, ce ne sont pas que le médecin de famille doit avoir l'oeil au-dessus de l'épaule de l'infirmière praticienne spécialisée pour juger de ce qu'elle fait. On considère, je veux dire, qu'elle a une capacité de diagnostic. Mais en même temps il faut faire attention, parce que, si à un moment donné on ouvre... de dire qu'il n'y a pas de critères à l'intérieur de ça, bien, à ce moment-là, ça devient un médecin de famille ou un autre spécialiste, il n'y a plus de critères, je veux dire, tu peux diagnostiquer et, à partir de ce moment-là, tu peux faire n'importe quoi, tu peux traiter, donc tu viens de créer un autre médecin de famille ou un autre médecin spécialiste parce que tu peux faire l'entièreté de ces choses-là.

Je comprends qu'on va nous dire : Elles vont juger de la limite de ces capacités. C'est peut-être une des choses que les médecins de famille en formation doivent acquérir le plus durant les 42 mois, pas juste savoir ce que tu sais, mais d'être capable d'être alarmé ou de savoir ce que tu ne sais pas et où t'arrêter, et ça, je vous dirais, ça s'apprend après un long cheminement clinique à l'intérieur de ça. Et c'est pour ça que nous, on pense... tout en reconnaissant, je vais dire, cette autonomie-là et l'élargissement qui est fait, il demeure qu'on doit faire cette démarche pour créer certains guides ou de façons de pouvoir répondre de façon le plus précise où on doit s'arrêter et quand est-ce qu'on dépasse le cadre des maladies courantes ou des cas qui sont simples et non complexes.

Mme Robitaille : Mais à vouloir compartimenter, comment je pourrais dire, à, justement, déterminer une façon très, très spécifique, est-ce qu'on ne va pas à l'encontre de l'efficacité qu'on aimerait créer ou qu'on aimerait mieux établir, si on veut?

M. Godin (Louis) : Nous pensons, là, qu'avec le cadre qui est proposé, là, avec ce qu'on vous mentionne, il y a énormément d'espace pour utiliser toutes les capacités qu'offrent les IPS, actuellement, et que vont offrir les futures IPS afin d'augmenter l'accès et l'offre de soins. Déjà, d'aller là-dedans avec une définition plus précise des «maladies courantes» ou de ce qui n'est pas complexe, déjà là, ça ouvre énormément de champs d'activité auxquels on pourra utiliser le plein potentiel des infirmières praticiennes spécialisées. Donc, il ne faut pas le voir comme étant un aspect restrictif, il faut le voir beaucoup plus en se disant : Déjà là, on aura beaucoup de gains qui seront faits par rapport à ça. Mais, en même temps, gardons toujours en tête la notion de sécurité et de cette notion qui n'est vraiment pas facile dans le diagnostic. Lorsque vous pratiquez la médecine pendant plusieurs années, vous vous rendez compte qu'il restera toujours une zone de doute, une petite zone grise, et il faut être très prudents par rapport à ça.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, Mme la députée. Nous terminons cet échange avec le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Moi, je veux aussi revenir sur l'espèce d'opposition entre votre mémoire et les deux précédents. On demande, du côté des IPS et de leurs représentantes, davantage d'autonomie pour favoriser l'accessibilité; vous parlez de cadres, de restrictions. Comment on avance pour augmenter l'accessibilité si on impose des cadres puis des restrictions?

M. Godin (Louis) : Bien, d'abord, un, je vous dirais, rapidement, ce n'est pas nécessairement des restrictions, ce sera surtout des précisions pour savoir quand est-ce qu'on n'est plus en maladie courante, puis quand est-ce que que ça devient complexe, puis quand est-ce que ça devient préjudiciable ou à risque de préjudice. Je n'ai pas parlé, nécessairement, de restrictions, j'ai parlé de précisions pour être capable d'avoir un état de situation le plus clair possible. Et Dr Dion pourrait peut-être rajouter un exemple là-dessus pour peut-être mieux illustrer ce que l'on veut mentionner par rapport à ça.

M. Dion (Sylvain) : Je travaille dans un milieu d'enseignement. Je reçois des résidents en médecine de famille, et on les forme à être médecins de famille, et je reçois également des stagiaires à la profession d'infirmière praticienne spécialisée. À la fin de leur stage, les deux ans de résident en médecine de famille et le six mois de la stagiaire en soins de première ligne, ce n'est pas la même personne. Donc, quand on dit : Dans les autres provinces, ils ont mis «maladie», ce n'est pas vrai. Moi, quand je supervise au sans rendez-vous mon résident 2 et mon infirmière praticienne, si je leur demande leurs diagnostics différentiels, mon résident est capable de m'en dire une liste, l'infirmière praticienne va donner ce qui est le plus courant, c'est ce qu'elle a appris. C'est en ce sens-là qu'on vous dit : Mettre «maladie» tout court, ça rouvre le champ à je ne sais trop quoi. Est-ce que vous êtes capables... Vous avez déjà fait cet effort-là, de toute façon, dans le projet de loi, d'être capables d'amener... puis ce n'est pas nécessairement restrictif, là, mais il faut prendre acte d'une réalité.

M. Arseneau : Mais qu'est-ce qui vous laisse supposer que les infirmières voudraient aller au-delà de leurs propres compétences? Parce qu'on demande une autonomie dans le champ de leurs compétences. Qu'est-ce qui vous laisse penser qu'elles vont outrepasser leurs compétences, si ça ne se passe pas dans les autres provinces canadiennes?

M. Godin (Louis) : Bien ça, on n'a pas, nous, là, de...

M. Arseneau : On n'a pas de problème ni d'un bord ni de l'autre.

M. Godin (Louis) : ...ni de l'autre, là, je veux dire...

M. Arseneau : Mais on a un fonctionnement qui est...

M. Godin (Louis) : On a un fonctionnement qui est comme ça et, comme je vous le mentionnais, qu'on considère, nous, loin d'être optimal par rapport à ça et de plus-value pour les patients.

• (17 h 30) •

M. Dion (Sylvain) : On a quand même... Dans nos pratiques comme médecins de famille ayant travaillé avec des IPS, à un moment donné, c'est arrivé, des choses comme ça, où le diagnostic différentiel n'était pas établi, donc, d'où l'importance... Puis on parle de baliser ça, mais je sais que le Collège des médecins est venu, ce matin, vous dire qu'il y avait lieu, également, de faire de l'évaluation de l'acte professionnel. Donc, c'est tout un ensemble de choses qui vont faire en sorte qu'il n'y aura pas de dérives.

Mais je vous donne cet exemple-là que je vis, moi, dans ma pratique, ce n'est pas la même personne. Puis, quand on donne l'ensemble des maladies puis qu'on ne met pas de balises à l'intérieur de ça, je vous avouerai qu'on a certaines craintes par rapport à la sécurité du public, mais, bon.

M. Godin (Louis) : Vous savez, on vous amène ces éléments-là, mais c'est des éléments qui sont amenés avec l'historique de plusieurs années de travail avec les IPS. On ne commence pas à travailler avec les IPS, ça fait déjà plusieurs années qu'ils sont avec nous dans les groupes de médecine familiale, et on vous fait part de ça suite aux commentaires que l'on reçoit de nos membres et des interrogations qu'ils ont. Parce que, comme je vous le mentionnais tout à l'heure, ultimement, dans la très grande majorité des cas, on va s'occuper des mêmes patients. C'est ça, la réalité.

Le Président (M. Provençal)  : Je remercie les représentants de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec pour leur contribution à nos travaux.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 17 h 31)

(Reprise à 19 h 30)

Le Président (M. Provençal)  : Bonsoir. La Commission de la santé et des services sociaux reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 43, Loi modifiant la Loi sur les infirmières et les infirmiers et d'autres dispositions afin de favoriser l'accès aux services de santé. Ce soir, nous entendrons les organismes suivants : la Fédération des médecins spécialistes du Québec et la Fédération des médecins résidents du Québec.

Je souhaite la bienvenue aux représentants de la Fédération des médecins spécialistes du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé. Et je vous cède la parole, madame.

Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ)

Mme Francoeur (Diane) : Merci, M. le Président. Mme la ministre, mesdames messieurs, bonsoir. Merci d'accueillir les commentaires de la FMSQ sur le projet de loi n° 43. À mes côtés, Dr Robert Charbonneau, président de l'Association des néphrologues du Québec. Il travaille lui-même avec des IPS et pourra témoigner de son expérience. Le Dr Charbonneau est notre doyen en ce qui concerne la collaboration avec le travail des IPS en médecine spécialisée, il sera à même de vous donner plusieurs exemples concrets pour soutenir notre exposé.

Vous savez tous, évidemment, que la FMSQ a présentement des enjeux avec le gouvernement. Nous avons offert une pleine collaboration au gouvernement, qui a répliqué avec la menace d'une loi spéciale avant même de s'asseoir avec nous. Nos membres se sentent traités en boucs émissaires pour sortir l'immigration de la conversation. Je sais que ce n'est pas le sujet de l'heure, mais, si on ne l'évoquait pas, on aurait tous l'impression qu'il y a un éléphant dans la pièce. Alors, voilà, c'est fait, c'est dit, passons maintenant aux choses sérieuses.

La FMSQ est favorable au projet de loi n° 43 et à la prestation de certains actes médicaux par les IPS. Plusieurs de nos membres, notamment en cardiologie, en néphrologie et en néonatalogie, travaillent depuis une douzaine d'années avec des IPS et jugent leur participation très positive. Cependant, l'élargissement de leur nombre et de leur champ de pratique soulève des questions importantes. La FMSQ est d'avis que le projet de loi élude certains aspects et tend à simplifier une réforme porteuse mais complexe. On compte aujourd'hui 552 IPS dans le réseau, selon l'OIIQ, et plus de 500 autres en formation, femmes et hommes.

Les recommandations de la FMSQ portent sur quatre thèmes : la formation, l'encadrement, la collaboration et la pertinence. La formation d'un médecin spécialiste est, en moyenne, d'une douzaine d'années. Elle n'est jamais terminée. La médecine étant en constante évolution, la formation continue fait partie de la culture médicale. Les médecins sont des apprenants jusqu'à leur retraite. Logiquement, puisque les IPS seront autorisées à poser des actes médicaux, elles devront elles aussi être soumises à un programme de formation continue. Or, à l'heure actuelle, les mots «formation» et «compétence» n'apparaissent nulle part dans le projet de loi n° 43.

Le législateur semble considérer que la formation de niveau de maîtrise des IPS, cinq ans d'université, suffit comme base de pratique. On parle comme si les actes qui pourront être posés par les IPS sont sans risques, sans conséquence et sans balises. Cette étonnante insouciance du législateur nous déconcerte et doit être corrigée. La FMSQ recommande donc que les IPS soient soumises par leur ordre professionnel à un programme rigoureux de développement continu des compétences comparable à celui auxquels sont astreints les médecins.

Dans le réseau, les omnipraticiens sont des généralistes qui réfèrent aux spécialistes en cas de besoin. Les spécialistes sont des experts de certaines parties du corps ou de certains types de pathologies. Le domaine d'intervention des spécialistes est défini par ce qu'on appelle les privilèges de pratique, qui font qu'un néphrologue ne s'improvisera pas en obstétricien, même s'il a déjà été exposé lors de sa formation.

Mais qu'en est-il des IPS? Elles ont une formation générale mais intègrent souvent des équipes spécialisées. Dans ces cas, il faut définir leur rôle. La FMSQ recommande que des champs de pratique soient déterminés dès l'embauche des IPS afin qu'elles puissent s'enraciner dans des domaines de pratique et que ces champs soient déterminés par l'OIIQ en collaboration avec le Collège des médecins.

Des questions se posent aussi en matière de responsabilité et d'encadrement. Jusqu'à maintenant, l'encadrement des IPS était fait par les médecins. Le projet de loi propose de placer les IPS sous l'autorité de l'OIIQ. On comprend l'intention d'autonomie du projet de loi, mais cela va conduire à des zones grises, en termes de responsabilité, qui mettent malheureusement parfois la sécurité des patients à risque.

Dans un hôpital, les médecins se rapportent à d'autres médecins, habituellement à la direction des services professionnels, les DSP, et les infirmières se rapportent à des infirmières, les fameuses directions des soins infirmiers, qu'on appelle les DSI. C'est une logique de pair à pair. Nous verrons donc des DSI, des directions des soins infirmiers, qui devront statuer sur des actes médicaux qui sont posés par les IPS. Si vous me permettez la question : Le juge, ici, aura-t-il les compétences pour trancher, puisqu'évidemment le nombre d'IPS est quand même assez limité, faisant en sorte qu'il n'y aura pas nécessairement des représentants au niveau de chacune des DSI des établissements? Il faut se préparer à régler ces questions. Sans avoir les réponses à toutes ces questions, la FMSQ vous recommande, Mme la ministre, que vous concertiez toutes les parties prenantes afin de solutionner les enjeux de gouvernance qui se poseront dans la foulée de la mise en oeuvre de cette réforme déclenchée par le projet de loi n° 43.

J'aimerais laisser mon collègue Dr Charbonneau vous parler de la collaboration réelle sur le terrain entre les médecins spécialistes et les IPS.

M. Charbonneau (Robert) : M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les parlementaires, merci de nous accueillir.

Alors, oui, comme la Dre Francoeur vient de vous le dire, déjà en néphrologie, donc la spécialité qui s'occupe des maladies rénales, on est habitués, depuis plus de 10 ans, on a intégré la pratique des IPS dans notre pratique dans le soin quotidien des patients, et c'est le cas aussi d'autres spécialités, en cardiologie et en néonatalogie, aussi, depuis à peu près la même période, et c'est un succès. L'arrivée de ces professionnels a amené beaucoup de bénéfices pour le soin des patients, et ils ont été intégrés dans les équipes traitantes de façon parfaite, et le travail qu'ils accomplissent est très important.

Alors, si je vous parle un peu plus de notre expérience en néphrologie, les IPS sont intégrées dans des suivis de malades chroniques de très haute complexité. En néphrologie, les patients, les malades sont atteints de multiples maladies. Ils peuvent être suivis, donc, avant, à des stades moins avancés de l'insuffisance rénale, le suivi de la transplantation rénale et le suivi des soins de suppléance rénale, hein, l'hémodialyse, le rein artificiel. Alors, ce sont tous des rôles que les IPS peuvent jouer pour appuyer les néphrologues dans le soin de ces cohortes de patients qui sont de plus en plus nombreux, de plus en plus complexes, de plus en plus âgés. Et donc ils ont une place primordiale, maintenant, dans l'équipe, alors c'est un succès.

Je vous donnerais aussi d'autres exemples. Le territoire québécois est vaste et de faible densité. On doit offrir des services de suppléance rénale dans des régions éloignées. Vous comprenez bien qu'il est difficile pour les médecins de se déplacer et visiter tous ces patients-là. Alors, c'est encore un rôle... une IPS sur place pourrait jouer un rôle de coordination et de soutien pour le soin de ces patients-là.

Alors, c'est essentiellement les bénéfices qu'on vit, et je pense que le projet de loi va permettre que cet apport de ces professionnelles dans les soins des patients soit étendu à d'autres champs de pratique de la médecine spécialisée au Québec.

• (19 h 40) •

Mme Francoeur (Diane) : En toute logique, si on accepte que les IPS prescrivent certains examens diagnostiques, elles doivent avoir les autorisations à procéder. Évitons l'étape accessoire qui consisterait à demander à un médecin généraliste de simplement remplir un formulaire. La FMSQ recommande donc que les IPS puissent référer directement des patients en consultation pour faciliter l'accès aux services spécialisés, ce qui est en cohérence avec l'élargissement de leur prérogative à la prescription d'examens diagnostiques.

Notre dernier point touche à la pertinence et aux suivis. Le volume des consultations qu'elles généreront en soins spécialisés est pour l'instant imprévisible. Toutefois, ces mêmes consultations sont envoyées par les médecins généralistes. La FMSQ considère qu'un suivi s'impose afin d'évaluer les impacts de cette réforme en termes de pertinence, de volume, de coûts et d'impacts sur l'accès à un médecin spécialisé.

Par ailleurs, la FMSQ se questionne sur les choix de l'obstétrique et de la santé mentale comme champs d'activité dans le contexte où des sages-femmes sont au chômage et que les psychologues peinent à se mettre le bout du nez dans notre réseau public. Étaient-ce les meilleurs choix, lorsqu'on a encore 20 % de la population qui n'a pas accès à des soins de première ligne? Nous recommandons donc au ministère d'effectuer un suivi annuel de l'impact du projet de loi n° 43 sur les demandes de consultation et de s'assurer que la pertinence, les volumes, les coûts et l'impact seront en lien avec les budgets qui ont été prévus.

En terminant, nous insistons sur l'importance de la formation continue des IPS et l'instauration de mécanismes de discussion pour solutionner les situations ambiguës qui surgiront en termes de gouvernance. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Provençal)  : Je vous remercie pour votre exposé. Nous débutons avec Mme la ministre cette période d'échange. Je vous cède la parole, Mme la ministre.

Mme McCann : Oui, alors, merci, M. le Président. Alors, je vous salue, Dre Francoeur, M. Tétrault et Dr Charbonneau. Alors, merci d'être là... partager des réflexions avec nous sur ce projet de loi.

Mais vous me permettrez une petite parenthèse, Dre Francoeur. Si vous connaissez des sages-femmes au chômage, nous serions très intéressés à avoir leurs coordonnées, parce qu'on a besoin de services, comme vous le savez, en obstétrique, et de plus en plus, au Québec, les sages-femmes travaillent en collaboration avec nos équipes en obstétrique, comme vous savez, c'est votre domaine à vous aussi, donc laissez-nous savoir.

Donc, je reviens sur le projet de loi, et j'ai bien noté les commentaires, aussi, de Dr Charbonneau, quand vous dites que les IPS peuvent jouer un rôle majeur dans les régions, notamment. Et moi, je l'ai vu beaucoup en première ligne, là, quand j'ai fait la tournée du Québec, et effectivement ça fait la différence à plusieurs endroits, dans plusieurs régions du Québec.

Mais je pense que, là, on a une belle occasion de vous entendre aujourd'hui, parce que la majeure partie des IPS, ce sont des IPS en première ligne. On n'a pas souvent l'occasion d'entendre parler... on a eu un peu de commentaires, d'informations d'un ou deux groupes précédents sur les IPS en deuxième ligne, les IPS qu'on dit en santé adulte, et ça serait intéressant, évidemment, d'entendre un peu plus sur les expériences concrètes.

Moi, j'aimerais vous entendre sur le travail de collaboration entre un médecin spécialiste et une IPS en santé adulte. Vous avez parlé, là, de ce qu'elles font, mais, dans le quotidien, là, comment un médecin spécialiste travaille avec une IPS, comment se départagent les tâches? J'aimerais bien vous entendre, parce qu'on n'a pas souvent l'occasion d'entendre parler de ce volet-là du travail des IPS.

Mme Francoeur (Diane) : Mme la ministre, il me fera plaisir de vous donner mon expérience à moi, parce que, comme vous savez, je suis obstétricienne-gynécologue à Sainte-Justine. Tout d'abord, en ce qui concerne votre questionnement sur les sages-femmes au chômage, malheureusement, c'est une réalité, puisque certaines d'entre elles se sont épuisées au travail par le fait qu'elles étaient si peu nombreuses et souhaiteraient pouvoir faire des suivis de grossesse et ne pas être toujours disponibles pour faire les accouchements. Mais je pense que ce n'est pas le lieu de ce projet pour avoir cette discussion, mais on pourra en discuter dans d'autres lieux avec grand plaisir.

Mon exposition personnelle avec les IPS, elle est une histoire qui date depuis la création des IPS à Sainte-Justine, parce que nous en avons en néonatalogie. Et, comme vous savez, on est un hôpital où il y a beaucoup de grossesses à risque. Donc, les IPS font partie de l'équipe, elles sont présentes avec nous sur les unités, elles ont leurs patients dédiés. Et, pour nous, en médecine spécialisée, une IPS qui a acquis une expérience continue... Parce que notre inquiétude, lorsque je vous disais : Nous sommes inquiets de la formation, et de l'exposition, et de la détermination des rôles... C'est sûr qu'une infirmière en néonatalogie à qui on apprend, par exemple, à intuber un petit bébé prématuré qui se serait extubé de... a fait sortir le tube qui permet de respirer de façon accidentelle, bien, elle ne pourrait pas, le mois d'après, devenir compétente en néphrologie si elle n'a pas été exposée, si elle n'a pas eu la formation. Alors, ça, ça fait partie des choses qui, pour nous, sont importantes à définir. Mais, sur le terrain, pour nous, une IPS qui a une expérience fonctionne facilement comme un résident de deuxième ou troisième année dans l'équipe. Elle a ses patients, elle fait ses suivis, elle se rapporte avec l'équipe de spécialistes sur place, et les relations sont extrêmement harmonieuses, tout va bien.

J'aimerais que Dr Charbonneau vous raconte son expérience, parce que lui, il la vit encore, également, au quotidien dans une autre discipline qui est la néphrologie.

M. Charbonneau (Robert) : Bien, Mme la ministre, elles sont intégrées tout à fait dans les activités quotidiennes, par exemple, des cliniques externes qui suivent des cohortes de malades chroniques, comme je vous le disais tantôt, et nous travaillons conjointement, en partenariat. Et d'ailleurs c'est une de nos recommandations dans ce mémoire, le maintien de ces ententes de partenariat, qui reflètent bien la façon dont on peut travailler ensemble pour le soin des patients. Autrement dit, l'entente de partenariat définit un peu le champ de pratique de ces professionnelles, et, à partir de là, ça se fait à peu près naturellement.

Dans une unité d'hémodialyse, par exemple, elles vont voir les patients, règlent les problèmes, quand c'est des problèmes courants, des problèmes usuels, et, dès qu'il y a des problèmes qui sortent un peu de leurs compétences, bien, l'entente de partenariat prévoit qu'elles doivent m'en référer, mais ça se fait de façon tout à fait fluide dans le travail de tous les jours. C'est un travail d'équipe très, très, très serré, là, il n'y a pas de division, elles sont intégrées. Moi, je vois les infirmières qui sont au chevet des patients dans les unités d'hémodialyse, qui réfèrent directement à notre IPSSA qui est présente sur l'unité, échangent sur les problèmes, proposent des solutions à des problèmes diagnostiques ou thérapeutiques, et tout ça s'intègre de façon très fluide toute la journée.

Dans les cliniques externes, on se réunit à la fin de chaque clinique pour discuter des patients qu'elles ont vus, échanger sur les problèmes, et de cette façon-là il y a un transfert de connaissances et d'expertise qui est très bénéfique.

Je terminerais en disant que le bénéfice principal, c'est la continuité, hein? Les médecins spécialistes sont appelés à jouer plusieurs rôles dans plusieurs secteurs d'activité, et, pour des malades chroniques, qui sont suivis pendant des années, ça peut être parfois difficile d'avoir une approche en continu. Bien, la présence permanente de ces professionnelles auprès des patients assure cette continuité-là, et le transfert d'informations cliniques se fait de façon continue, et ça fonctionne, comme je vous disais, je me répète encore, de façon très fluide. Ils font partie intégrante de l'équipe traitante, là, il n'y a pas de...

Mme McCann : Je voudrais vous demander, dans le même volet... Ce que propose le projet de loi par rapport, par exemple, aux champs de pratique, hein, concernant les maladies courantes avec des critères et le fait, aussi, que l'IPS pourrait poser des diagnostics, faire des plans de traitement... Je vais peut-être commencer par ce volet-là. Que l'IPS pourrait faire des diagnostics et faire des plans de traitement, quel impact ça va avoir sur le travail que vous faites avec les IPS? Qu'est-ce que ça va changer?

• (19 h 50) •

Mme Francoeur (Diane) : Pour nous, ça ne change rien du tout parce que, concrètement... C'est sûr que les enjeux entre la médecine spécialisée puis la médecine de première ligne sont complètement différents. Les IPS qui travaillent avec nous ne sont jamais seules, il y a toujours quelqu'un qui est autour. C'est des patients qui sont complexes, et, lorsqu'elles... Comme on les forme aussi, parce que c'est des domaines très pointus, dès qu'elles sortent de leur champ de compétence, elles viennent nous voir. Comme je vous disais, la collaboration est fluide.

Il y a un très beau modèle, aussi, qui est différent, c'est celui du CHUM, par exemple, où, en sciences cardiaques, les cardiologues et les chirurgiens cardiaques travaillent ensemble avec la même équipe d'IPS, et il y a un suivi, par exemple, pour tous les patients qui vont être référés de la cardio, ils vont être vus par les IPS, ils vont être revus en postop puis ils vont être revus en clinique externe.

C'est sûr qu'au quotidien elles font des diagnostics. Je pense qu'il faut dépoussiérer un peu, là, cette espèce de phobie du diagnostic. Personnellement, lorsque nous, on laisse intuber un petit bébé prématuré de 26 semaines par une IPS, je pense qu'il y a pas mal plus de risques, là, que de faire un diagnostic d'otite, là, alors, sans négliger aucun champ de compétence. Alors, c'est pour ça que nos enjeux à nous, ça n'a jamais été aussi inquiétant, dans le sens qu'on travaille en équipe. Mais évidemment je comprends que les omnipraticiens, comme l'équipe n'est pas toujours sur place, les relations ne sont pas nécessairement fluides, pouvaient avoir des réticences. Mais, dans nos champs de compétence à nous, c'est clair qu'on les forme pour reconnaître les problèmes, et faire un diagnostic, bien, c'est ça, reconnaître un problème. Je ne sais pas si Dr Charbonneau a quelque chose à rajouter, là, mais ce n'est pas un enjeu pour nous.

M. Charbonneau (Robert) : Non, je suis tout à fait d'accord. Écoutez, les champs de pratique sont plutôt restreints, hein, en médecine spécialisée, alors, rapidement les problèmes courants reviennent, et ces professionnelles réussissent à développer une expertise qui est tout à fait adéquate pour poser des hypothèses diagnostiques ou même des diagnostics pour les conditions qu'on rencontre fréquemment dans le soin de ces patients-là.

Ce que les IPS nous disent souvent, c'est, par exemple : Je suis capable de reconnaître assez facilement lorsque quelqu'un présente de l'oedème ou une surcharge en volume, là — c'est ce qu'on fait face souvent chez nos patients en insuffisance rénale — mais je ne suis pas habilitée à poser un diagnostic d'une infection cardiaque ou pulmonaire. Et ça s'établit naturellement dans les équipes. Et, comme je vous dis, après plus de 10 ans de travail, je n'ai jamais vu de ces professionnelles qui dépassaient leur expertise. Et il ne faut pas oublier qu'elles sont imputables aussi, elles ont un sens de responsabilité et elles savent très bien établir les limites de leurs compétences.

Mme McCann : Mais là-dessus, justement, à peu près tous les groupes... j'ai posé cette question-là, puis on a eu beaucoup d'échanges là-dessus, dans le projet de loi on parle de «maladie courante», avec six critères. Quel est votre point de vue là-dessus par rapport à l'environnement, là, en médecine spécialisée, hein, en deuxième ligne? Comment vous voyez ça? Parce qu'on a discuté du fait que — et vous êtes sûrement au courant — dans les autres provinces du Canada, on ne parle pas de maladie courante, quand on parle du champ de pratique des IPS, on parle de maladie et on élabore, là. Et il y a une difficulté à définir la «maladie courante» aussi, hein? J'aimerais ça avoir votre point de vue là-dessus. Est-ce que le fait qu'on établisse quelque chose comme ça dans le projet de loi peut créer une difficulté d'application, peut créer un flou, une difficulté d'application dans le quotidien pour vraiment définir ce champ de pratique, de votre point de vue, en deuxième ligne, en médecine spécialisée?

Mme Francoeur (Diane) : Je vous dirais, Mme la ministre, que, pour nous, on vous propose d'amener votre projet de loi encore plus loin, on ouvre la consultation directement en médecine spécialisée. Alors, évidemment, pour nous, c'est un enjeu qui ne nous inquiète pas. Comme Dr Charbonneau le disait, ce sont des professionnelles autonomes, responsables, qui auront une formation. Bon, évidemment, il y a l'enjeu des examens. Nous, on recommande, comme le collège, qu'il y ait un examen à la fin de la formation, parce qu'on considère qu'elles vont quand même poser des gestes médicaux. Alors, comme les sages-femmes, comme les médecins, elles devraient avoir un examen, mais ce sera aux autorités à statuer à cet effet.

Mais, pour nous, un professionnel... par exemple, si je travaille avec un pharmacien qui fait de l'hémato-onco, bien, ce n'est pas un pharmacien qui fait de la néonatalogie, alors il ne va pas s'improviser dans un champ de compétence ou dans un domaine qui ne lui est pas connu. Alors, c'est pour ça que, pour les problèmes courants — et je pense que ce sera aux acteurs de la première ligne de statuer — pour nous, ce n'est pas un enjeu. Et, oui, je pense que les IPS devraient être capables de référer directement pour diminuer les délais d'attente pour rien pour les patients, là. On a le fardeau de l'accès en médecine spécialisée, c'est extrêmement difficile, vous le savez. Avec le CRDS, on a vu plus de 1 million de consultations, l'année dernière, on a des mauvais outils. Lorsqu'on sera capables de fonctionner de façon moderne, comme on devrait en 2019, on pense qu'on sera capables de voir beaucoup plus de consultations et on ne pense pas que la lourdeur va être plus grande, dans le sens que les patients qui avaient besoin d'être vus passaient par leur omnipraticien pour avoir un papier, là, alors c'est des délais pour rien pour la population.

Mme McCann : D'accord. Je reviens à votre point sur l'encadrement. Vous avez parlé des directions des soins infirmiers, là. J'aimerais mieux comprendre votre pensée là-dessus, le rôle des DSI dans le cadre du projet de loi qu'on propose aujourd'hui.

Mme Francoeur (Diane) : Bien, écoutez, comme ce sont des... ils vont relever de l'OIIQ, alors ça va de soi qu'en principe ça devrait être les DSI qui devraient statuer sur leur pratique professionnelle. Présentement, dans les établissements, elles relèvent plus des équipes médicales. Mais, comme on veut sortir ce statut via votre projet de loi, bien, à ce moment-là, elles vont devoir relever de quelqu'un. Et évidemment, bon, on s'entend tous qu'en ce qui concerne... par exemple, lorsque vous aurez statué sur la formation continue obligatoire, le code de déontologie, la pratique professionnelle générale, les DSI peuvent très bien gérer. Par contre, je serais curieuse de voir comment, par exemple, un ou une DSI pourrait aller juger, par exemple, de traitements d'hémodialyse qui auraient pu être ajustés par une IPS en néphro, parce que ça prend des connaissances extrêmement pointues. Évidemment, quand tout va bien, il n'y en a pas, de problème, mais il ne faut pas attendre que les problèmes arrivent avant de statuer. Je pense que la gouvernance mérite d'être plus clairement définie dans votre projet de loi.

Mme McCann : Oui, puis je fais un parallèle... Est-ce que j'ai encore du temps?

Le Président (M. Provençal)  : 40 secondes.

Mme McCann : 40 secondes. Bien, je ne ferai pas le parallèle, parce que je sais que vous n'aurez pas le temps de répondre là-dessus, mais... Bien, en fait, la réflexion que je me faisais, c'est qu'un DSP qui est spécialiste, par exemple, ou même un médecin de famille qui est DSP n'a pas non plus la connaissance de toutes les spécialités. Je ne sais pas si vous faites un...

Mme Francoeur (Diane) : Oui, tout à fait, je comprends votre question.

Mme McCann : Vous comprenez mon point.

Mme Francoeur (Diane) : Je me dépêcherai de répondre. Mais il va aller chercher un médecin spécialiste de la spécialité concernée pour le conseiller, alors que, là, le DSI n'aura pas cette opportunité-là parce que les médecins sont permis dans la formation, et leur rôle va s'arrêter là.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, Mme la ministre. Nous allons maintenant aller avec le député de Pontiac.

M. Fortin : Merci, M. le Président. Bonjour, Dre Francoeur. Bonjour, vous tous. Merci d'être avec nous ce soir. Je sais que c'est une journée occupée pour vous, peut-être moins occupée que vous pensiez mais occupée quand même.

Je vous écoutais, dans vos remarques d'introduction, et vous dites, à certains niveaux — et c'est normal, ça veut dire que vous avez étudié le projet de loi — que vous avez tout fait pour le comprendre puis voir où il peut être amélioré puis où il a besoin de bonification, mais vous dites : À certains niveaux, on dit que le projet de loi n° 43 devrait aller plus loin, entre autres au niveau de la possibilité de référer directement, qu'un IPS en première ligne, qu'une IPS en première ligne puisse référer directement à un médecin spécialiste.

Mais vous parlez aussi de... tu sais, vous mettez les freins à certains niveaux, vous parlez un peu de la légèreté avec laquelle certains aspects du projet de loi ont été abordés. Je pense que vous avez utilisé les expressions «sans risque», «sans conséquence». C'est un peu comme si le législateur n'avait pas nécessairement... n'était pas allé jusqu'au bout de sa pensée, n'avait pas réfléchi autant qu'il devait le faire à certains enjeux. Je veux m'attarder là-dessus d'entrée de jeu. Qu'est-ce qui a été abordé avec trop de légèreté dans le projet de loi? Qu'est-ce qui a besoin d'être approfondi davantage?

• (20 heures) •

Mme Francoeur (Diane) : Alors, c'est clair que, vous le savez, la majorité des IPS sont présentement en première ligne, alors les quelques IPS qu'il reste sont très peu nombreuses dans des domaines très pointus. Et je pense qu'on ne s'est probablement pas assez attardé aux défis qui sont à venir lorsqu'elles seront plus nombreuses. Et je m'explique, si je n'ai pas été assez claire, lorsqu'elles sont dans un domaine, par exemple, comme la néphrologie, où... Dans l'équipe de Dr Charbonneau, il y a cinq IPS, ils se connaissent, ils les ont formées, puis la chimie est très bonne. Donc, souvent, quand on a une équipe, on va même encore plus loin, on les amène à aller au maximum de leurs compétences.

Une IPS, par exemple, qui part de chez eux ne pourrait, même si elle a le statut officiel... Il va falloir qu'on prévoie, là. Peut-être qu'il va en avoir une qui va se former en néphro, puis elle va dire : Ah! bien, moi, je veux aller m'occuper des petits bébés, là, je veux aller en néonatalogie. Alors, qu'est-ce qu'on va faire comme équivalence? Qu'est-ce qu'on va vérifier comme champ de pratique? Comment est-ce qu'on va faire, par exemple, pour s'assurer qu'il y aura les compétences nécessaires? On est présentement aussi... On sait qu'il y a une partie de la formation qui est assurée par l'Ordre des infirmières, et planifiée et organisée pour la base, mais les domaines très pointus, comment est-ce qu'on va s'assurer de pouvoir leur permettre d'aller jusqu'au bout?

Moi, je peux vous dire que je travaille avec elles depuis longtemps, et, au début, lorsque cette nouvelle profession est arrivée, ce n'était pas planifié, ce n'était pas organisé. Il y en a plusieurs qui ont fait l'effort de faire leur maîtrise et qui ont arrêté après un an ou deux. C'est un désastre, là. Alors, il faut qu'on prévoie mieux comment est-ce qu'on va les accueillir dans les milieux de stage. On a des exemples de collaboration qui sont extraordinaires. Par exemple, pour les étudiantes sages-femmes, elles viennent faire des stages avec nous en obstétrique-gynéco dans différents hôpitaux du Québec, et la collaboration, qui est le nerf de la guerre, est déjà prévue. Donc, les limites sont déjà toutes établies, alors on n'a pas de surprise. Il y aura toujours des surprises, évidemment, parce que c'est un nouveau projet de loi, mais je pense qu'on doit s'asseoir avec les gens sur le terrain et prévoir ces possibles réorientations de carrière ou tout simplement un déménagement.

Bon, on sait que vous avez ouvert, Mme la ministre, plusieurs nouveaux sites de dialyse, mais il n'y en a pas partout. Alors, si une IPS qui est formée en dialyse déménage dans un endroit où il n'y en a pas, par exemple à Maniwaki, pour utiliser un endroit très connu dans votre comté, eh bien, peut-être qu'elle va vouloir se recycler en soins primaires. Comment est-ce qu'on va arrimer tout ça? Parce que, vous savez, on en a besoin. Nous, ce qu'on souhaite... en médecine spécialisée, on veut toutes les prendre, si on peut, parce que ça nous permet de rouler davantage, mais il faut déjà prévoir, par respect pour ces candidates, qui mettent beaucoup d'efforts, que ce soit déjà prévu.

M. Fortin : Je vous entends bien. Je comprends votre point de vue là-dessus.

Je reviens à la première partie de... en fait, là où vous poussez le gouvernement à aller plus loin, la référence directement d'une infirmière praticienne spécialisée à un médecin spécialiste. Et je n'essaie pas de vous mettre en contradiction avec la FMOQ, ce que j'essaie de faire, j'essaie de comprendre, là, leur opposition à la chose. Parce qu'il va falloir décider, ici, autour de la table, là, si on veut aller plus loin que ce qui est dans le projet de loi ou non. Ce qu'on a compris, tantôt, de la FMOQ, c'est que ce qui les inquiétait, c'est que vous soyez en surcharge parce que les infirmières praticiennes spécialisées référaient des gens qui n'ont pas besoin d'aller jusqu'à eux, que les omnipraticiens pourraient s'en occuper directement chez vous. Moi, honnêtement, là, je les écoutais puis je trouvais ça un peu paternaliste, leur approche. Mais je veux comprendre pourquoi vous pensez différemment de la FMOQ là-dessus, parce que vous interagissez avec les IPS régulièrement, même celles qui sont en première ligne. Pourquoi vous pensez qu'elles ont toutes les capacités de juger est-ce qu'un patient a besoin d'être vu par un médecin omnipraticien ou est-ce qu'il a besoin d'être vu par un médecin spécialiste?

Mme Francoeur (Diane) : Alors, évidemment, je ne serai pas en contradiction avec mon représentant de l'autre fédération. Ils ont sûrement de bonnes raisons d'avoir pris la position qu'ils ont prise. Et nous, on travaille avec elles. Par exemple, une IPS... Je vais vous donner un exemple. Dr Charbonneau est néphrologue, je suis gynécologue. Quand on a un problème avec une maladie chronique au niveau des reins, on finit toujours par avoir besoin d'une consultation en gynécologie, quand on est une jeune femme, parce que, quand la santé ne va pas, ça finit par aller mal dans mon domaine. Alors, par exemple, l'IPS va pouvoir faire directement une consultation. Elle le sait, ça s'en vient, quand la fonction rénale dégénère, ça va finir par avoir des problèmes de menstruations. Elle n'a pas besoin de valider avec un médecin de famille ou avec Dr Charbonneau, c'est déjà tout écrit dans le ciel. Et, comme on les forme, on va leur apprendre qu'est-ce qu'il faut faire, quand est-ce référer.

Par contre, l'IPS qui va référer une patiente dans un domaine comme le mien, elle ne va pas référer une consultation à sa belle-soeur qui a envie d'avoir une visite en gynécologie, là. Alors, les patients, ils ne s'inventent pas des maladies. Quand les problèmes de santé sont là, ils doivent être vus. Moi, je pense que le problème d'accès est vraiment, définitivement, beaucoup plus parce qu'on n'a pas les outils de travail. On a encore 20 % puis parfois, dans certaines cliniques, 30 % de patients qui ne se présentent pas avec les CRDS, là. Tout ça, c'est des magnifiques opportunités d'avoir des consultations qui sont laissées comme lettre morte, avec le fait, aussi, que les patients peuvent refuser trois fois. Il est là, le problème, il est bien plus là que dans le fait qu'on n'a pas nécessairement encadré une nouvelle profession. Nous, on n'est pas inquiets, de ce côté-là.

M. Fortin : O.K. Ça me va, M. le Président. Je pense que ma collègue a quelques questions.

Le Président (M. Provençal)  : Alors, Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Robitaille : Je vous entendais... Donc, est-ce qu'on devrait circonscrire le travail des infirmières? Si je vous entends, des IPS, si je vous entends, on devrait leur donner le champ libre. Il ne devrait pas y avoir de définition de «maladie courante» ou certaines restrictions comme ça, mais vous seriez pour plus large, une responsabilité plus large, plus flexible. Est-ce que c'est ce que je comprends?

Mme Francoeur (Diane) : Écoutez, nous, on n'est pas des spécialistes de la première ligne, on est des spécialistes de la deuxième ligne. C'est sûr que je vais laisser mes collègues spécialistes de la première ligne statuer sur qu'est-ce qui devrait être permis ou pas. Notre position à nous, elle est claire et elle vient de la part de tous mes présidents d'association, qui ont ces demandes-là.

Alors, pourquoi, si les IPS suivent les patients puis qu'ils savent qu'ils ont un problème... C'est sûr que ce sont des professionnelles autonomes. Si elles ne sont pas certaines — est-ce qu'il y a un problème, par exemple, musculosquelettique? Est-ce que je l'envoie en orthopédie, en rhumatologie ou en physiatrie? — là, oui, peut-être que ça vaut la peine de l'envoyer à un médecin de famille pour avoir une opinion. La dernière personne qu'un orthopédiste veut voir, c'est un patient qui a mal au dos. Un orthopédiste, ça veut couper.

Et, oui, il va y avoir de l'organisation à faire, mais je pense que le secret, c'est d'avoir un encadrement, et de ce que, moi, j'ai compris, les IPS de première ligne sont quand même encadrées, elles ne sont pas laissées toutes seules à elles-mêmes. Et nous, on souhaite que la collaboration qu'on a en médecine spécialisée soit un peu la norme, et c'est ce qu'on applique au quotidien, là.

Mme Robitaille : Parce que, c'est ça, comme disait mon collègue, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec disait, tout à l'heure, qu'ils avaient très peur que ces infirmières-là réfèrent directement aux spécialistes, pour des raisons... pour le bien-être des patients, même, parce qu'il pouvait y avoir des erreurs, et puis peut-être que les références ne seraient pas bonnes ou des erreurs. Donc, on alourdit tout le processus. Vous n'êtes pas d'accord avec ça.

Mme Francoeur (Diane) : Écoutez, moi, je pense que, la solution, c'est Mme McCann qui va nous la donner. Lorsque nous aurons un système de prise de rendez-vous, de confirmation des rendez-vous, d'annulation de rendez-vous facile, qu'on n'est pas obligés d'attendre une heure de temps au téléphone et que les patients pourront profiter de toutes les plages horaires qui sont disponibles au quotidien dans les hôpitaux, on va être capables de répondre à la demande.

Et, vous savez, la consultation, nous, on attend depuis très longtemps de pouvoir mettre sur pied la consultation électronique, qui va éviter à un paquet de patients de se déplacer. C'est encore une autre avenue qui peut être une piste de solution.

Alors, je pense qu'on a déjà des façons d'orienter mieux, et c'est pour ça qu'on demande, d'ailleurs, dans notre mémoire, qu'il y ait un suivi. Alors, si on voit qu'une IPS demande 10 fois plus de consultations que sa voisine, bien, je pense qu'il y aura lieu de faire une formation supplémentaire, comme ça peut arriver à certains médecins spécialistes ou à certains médecins omnipraticiens qui ne sont pas confortables dans un secteur d'activité qui vont aller faire du ressourcement. Comme je l'ai dit d'entrée de jeu, les médecins spécialistes apprennent jusqu'à leur retraite, alors on souhaite que les IPS suivent la norme aussi.

Mme Robitaille : Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup, Mme la députée. Nous allons maintenant terminer cet échange avec le député des Îles-de-la-Madeleine, et qui a une demande.

M. Arseneau : Oui, M. le Président. Est-ce que je peux récupérer le temps qui est laissé sur la table par le député de Jean-Lesage?

Le Président (M. Provençal)  : Ça prend un consentement. Consentement?

Des voix : Consentement.

Le Président (M. Provençal)  : Merci.

M. Arseneau : Merci beaucoup. Merci. Le grand luxe, aujourd'hui.

Bonjour. Merci. La question que je voulais vous poser... D'entrée de jeu, vous vous dites favorables au projet de loi, mais est-ce que vous y voyez une valeur ajoutée? Parce que vous dites : Bien, on est favorables au projet de loi, et vous décrivez la situation actuelle. Et, lorsqu'il est question d'élargir, vous dites : On a des préoccupations. Est-ce qu'il y a une valeur ajoutée à ce projet-là pour votre pratique?

• (20 h 10) •

Mme Francoeur (Diane) : Là, j'ai vraiment l'impression que j'ai raté mon coup si je ne vous ai pas convaincu que nous, on en voulait plus, puis qu'on travaille bien, puis que tout va bien en médecine spécialisée.

Évidemment qu'il y a une valeur ajoutée, mais je pense qu'on peut toujours s'améliorer, dans la vie. Le projet de loi nous inquiète parce qu'on trouve qu'au niveau de la gouvernance on aurait pu et on aurait dû aller plus loin. Nous ne sommes pas d'accord à ce qu'il n'y ait pas d'examen à la fin, parce que je pense qu'un examen... et ça sera à l'OIIQ de décider si c'est à une école, c'est un examen pratique comme on a, nous, en médecine, est-ce que c'est un examen théorique, qu'on sait qu'aujourd'hui ce n'est peut-être pas le meilleur moyen d'éviter un stage. Mais, oui, le projet de loi... En fait, une commission parlementaire, c'est là pour trouver les petits bobos qui manquent, alors c'est pour ça qu'on vous a fait des recommandations. Mais, oui, il y a une valeur ajoutée, définitivement.

M. Arseneau : Et les enjeux de gouvernance que vous avez identifiés, ce que je comprends, c'est qu'il y a toute la question de l'ordre ou... en fait, de la formation, de quoi s'agit-il?

Mme Francoeur (Diane) : Bien, il y a au niveau de la formation, parce que nous, on a déjà prévu... Parce que, par exemple, dans la formation, il y a déjà des IPS qui viennent en médecine spécialisée, on voit plus celles qui sont dans nos secteurs d'activité. Ça, c'est déjà tout organisé. Maintenant, cela dit, après ça, bien, qui va faire l'évaluation? Qui va faire le suivi? Qui va faire le lien?

Je vais vous faire un parallèle avec deux programmes qui ont eu des succès complètement à l'opposé. Il y a, je pense... Moi, j'ai travaillé beaucoup sur l'établissement de l'Ordre des sages-femmes il y a beaucoup, beaucoup d'années, et je pense que ça a pris du temps avant qu'on s'apprivoise, qu'on se fasse confiance, mais maintenant la collaboration est à l'agenda, et ça fonctionne très bien. Et, au niveau de la formation à l'UQTR, les responsables du programme prennent ça vraiment au sérieux, les stages dans les hôpitaux, tout est organisé, tout est planifié. Les évaluations, ça roule, ça va super bien.

Il y avait un autre programme qui s'appelait infirmière première assistante en salle d'opération, où la gouvernance, ce n'était pas clair, c'était désorganisé. Bien, qu'est-ce qui est arrivé? Le programme a été fermé. Alors, il est sur le point d'être peut-être réanimé, là, mais, pour l'instant, il n'y a pas de graduées parce que ça ne fonctionnait pas bien.

Alors, la gouvernance, ce n'est pas juste quelque chose qui paraît bien, c'est quelque chose qui doit très vivant et s'appliquer au quotidien. Et c'est important qu'on essaie de prévoir toutes les problématiques d'avance et qu'on ait prévu des voies de passage, par exemple qui va les évaluer. Quand tout va bien, il n'y en a jamais, de problème, mais par contre, si on a quelqu'un qui est moins compétent, ou qui ne fait pas sa formation, ou qui a des compétences qui ne sont peut-être pas à la hauteur, qui va sonner l'alarme? Parce que c'est souvent des compétences médicales, parce que ce sont des actes médicaux. Mais, si c'est jugé par un DSI, est-ce qu'on sera aptes de juger ou pas? Alors, tout ça doit être déjà organisé dans les établissements.

M. Arseneau : D'accord. Merci, Mme Francoeur. Vous avez aussi fait référence, donc... vous venez de faire référence aux sages-femmes. Il y a une question qui a été soulevée, dans les consultations préalables, sur les suivis de grossesse. Est-ce que vous avez une opinion là-dessus, sur les limites qu'on doit ou non imposer aux IPS dans les suivis de grossesse?

Mme Francoeur (Diane) : Tout à fait. Bien, comme je le disais dans notre allocution, on se questionne, parce qu'effectivement il y a malheureusement des sages-femmes qui pourraient être excellentes pour faire du suivi de grossesse mais qui n'ont plus la santé physique ou la santé psychologique pour continuer à être de garde tout le temps puis à être appelées tous les soirs, toutes les nuits, parce qu'en obstétrique, quand on est en fonction, c'est 365 jours par année. Et on sait qu'il y en a qui sont malheureuses, elles sont venues nous voir, mais, comme elles ne peuvent pas sortir de leur cadre professionnel, elles ne peuvent pas faire que des suivis. Alors, est-ce qu'on a optimisé ces ressources qui sont déjà toutes formées, compétentes, etc.?

C'est sûr que, si on regarde, par exemple, dans l'offre de services en obstétrique, il y a beaucoup d'acteurs : il y a les sages-femmes, il y a des infirmières cliniciennes qui font des suivis de grossesse dans les CLSC. L'important, c'est de... Encore une fois, lorsqu'on parle de gouvernance, qui fait quoi, est-ce qu'on prend les bonnes personnes pour faire les bons suivis? Nous nous questionnons, parce que, nous, comme médecins spécialistes, lorsqu'on veut retourner nos patients à leurs médecins de famille, il y a encore, malheureusement, 20 % de la population qui n'en ont pas. Est-ce que les nouvelles IPS n'auraient pas été plus utiles dans un domaine où il y a une chaise vide, là? Il y a 20 % de la population qui ont besoin de services de première ligne, alors qu'on a d'autres acteurs qui peuvent faire des suivis de grossesse. C'est la base de notre questionnement.

Le Président (M. Provençal)  : Je remercie les représentants de la Fédération des médecins spécialistes du Québec pour leur contribution aux travaux.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 20 h 15)

(Reprise à 20 h 18)

Le Président (M. Provençal)  : Je souhaite la bienvenue aux représentants de la Fédération des médecins résidents du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé. Et maintenant je vous cède la parole.

Fédération des médecins résidents du Québec (FMRQ)

M. Campagna (Christian) : Bien, tout d'abord, merci, M. le Président, merci, Mme la ministre, puis à tous les membres de la commission de nous recevoir ce soir. Je suis le Dr Christian Campagna, je suis président de la Fédération des médecins résidents du Québec. Je suis accompagné, ce soir, de Me Patrice Savignac Dufour, qui est notre directeur général, et de Mme Marie-Anik Laplante, qui est notre coordonnatrice aux affaires syndicales. Donc, c'est vraiment une belle opportunité qu'on a, là, de faire valoir notre point de vue sur le projet de loi n° 43. Encore une fois, on vous en remercie.

Tout d'abord, d'entrée de jeu, présenter qui je représente. La Fédération des médecins résidents, ça regroupe plus de 3 600 membres qui sont des médecins en formation postdoctorale. Ces médecins-là, en fait, ont effectué une formation doctorale, qui va de quatre à cinq ans, avant de débuter leur résidence. De ceux-là, il y en a une certaine partie, à peu près 25 % de nos membres, qui vont aller vers la médecine familiale, une durée de deux ans supplémentaires de formation s'applique; l'autre partie, elle, va faire une formation qui va de cinq à sept ans pour toutes les autres spécialités.

Ce qui est sûr, c'est que, durant notre formation, mes collègues et moi-même, on est directement impliqués dans tout ce qui est la dispensation des soins aux patients puis également, là, on est présents dans plusieurs établissements de santé au Québec, que ça soit des milieux universitaires, que ça soit des groupes de médecine familiale ou bien que ça soit des hôpitaux régionaux. Et, même là, dans les soins à domicile, on est partout pour apprendre notre métier. On travaille en moyenne environ 72 heures par semaine, puis ça, ça comprend faire l'évaluation, faire des diagnostics différentiels, être capable de faire un plan de traitement, être capable de prescrire la médication qui est appropriée pour le patient. C'est certain que ça, ça vient avec un niveau de supervision qui s'adapte au niveau de résidence puis qu'éventuellement, bien, on devient médecins.

Sans plus tarder, je m'enligne tout de suite dans ce qui est la raison qu'on est ici aujourd'hui, donc pour parler du projet de loi puis des impacts que nous, on peut percevoir, là, présentement, pour la population québécoise puis aussi dans l'avenir. Donc, ce qu'il faut dire comme commentaires généraux, c'est de dire qu'on est, tout d'abord, d'accord pour dire que l'élargissement du rôle des IPS, notamment envers les soins de première ligne, ça va pouvoir permettre d'augmenter l'offre de services puis, par le fait même, l'accessibilité aux soins pour la population québécoise.

Il faut quand même dire, malgré cette présence-là, hein, que les soins à la population, ce n'est pas les 2 000 ou 2 500 infirmières praticiennes qu'on anticipe d'ici cinq ans qui vont combler tous les problèmes. Ça, on veut vraiment être clairs là-dessus, parce que la population du Québec est en croissance puis elle est vieillissante, donc ça va prendre l'épaule à la roue de plusieurs professionnels, dont les médecins, dans l'avenir pour pouvoir combler tout ça.

• (20 h 20) •

Une autre chose qui nous amène à réflexion, puis là on parlait du rôle circonscrit plus des infirmières praticiennes, pour nous, il se doit d'être circonscrit pour la même raison qu'il faut être capable de faire la différence entre un médecin puis une IPS sur le terrain, il faut être capable de faire la différence entre une IPS puis un médecin résident dans les milieux de formation. Tout comme un médecin en exercice va faire une formation qui s'étend sur plusieurs années pour être capable de bien centrer son champ d'exercice puis aussi de reconnaître ses propres limites, donc, cette circonscription-là du rôle médical est faite à même la formation médicale et doit être aussi faite avec les IPS, si on souhaite procéder avec le projet de loi.

Un autre point qu'on aimerait souligner, puis ça touche vraiment la pratique future des IPS, puis on veut voir un peu aussi ce que les gens en pensent autour de la table, on se demande comment on va gérer les IPS qui, à partir de leurs nouveaux pouvoirs qui leur seront octroyés, décideraient d'aller pratiquer au privé. Est-ce que ça a été pensé que ça pouvait se produire, des situations comme celle-là? Vont-ils facturer directement les services aux patients et ensuite demander des examens dans le réseau public? Est-ce qu'on va en venir à un système à deux vitesses, à ce moment-là? Comment on va l'encadrer? Par quels pouvoirs le ministère va encadrer tout ça? Donc, nous, on sait que, présentement, la profession médicale est régie, donc il y a un moyen de contrôler ce qui se passe dans le réseau public et dans le réseau privé, donc on aimerait ça qu'il y aurait au moins cet éclaircissement-là, à savoir qu'est-ce qui va se passer avec les IPS à qui on donne plus de pouvoirs à partir de maintenant, ça, c'est certain.

Puis sinon je laisse ces questions-là un peu en suspens pour passer aux points, là, plus détaillés qui vont aller en lien avec le projet de loi actuel, puis plusieurs points furent évoqués aussi par la FMOQ et la FMSQ. Nous, ce qu'on veut s'attarder, vraiment, c'est le domaine que nous, on pense qu'on a quelque chose à apporter, c'est au niveau de la formation. Donc, ce que j'ai envie de vous dire, c'est qu'on est inquiets, quand même, de ce que l'OIIQ a fait dans les derniers mois, initialement, d'annuler l'examen de formation au niveau des IPS pour ensuite en remettre un qui est fondamentalement un examen qui va viser la déontologie et puis l'éthique du travail beaucoup plus que les compétences cliniques. Évidemment, un ordre professionnel, ça a à surveiller puis éventuellement à juger de la qualité de l'exercice de l'acte médical fondamental, qui n'est pas, présentement, là, une capacité qu'ils ont ou, en tout cas, qu'ils ont fait semblant de démontrer qu'ils sont capables d'exercer. Ça semble un peu discordant, le discours qu'ils nous donnent sur comment ils vont l'encadrer puis ce qui est probablement nécessaire pour la population québécoise.

À ça, je vous ramène, là, à certains articles du Règlement sur les classes de spécialités, puis je vais le lire pour être, effectivement, au brûle-pourpoint. Le Règlement sur les classes de spécialités d'infirmière praticienne spécialisée prévoit l'obligation pour l'IPS de «se présenter à la première session de l'examen — entre parenthèses, de spécialité — qui suit la date à laquelle elle a obtenu son diplôme».

Également, ils ont un article 10, qui prévoit que l'examen de spécialité va vraiment «porter sur les aspects théoriques et cliniques de la classe de spécialité concernée. Il évalue notamment l'intégration et l'application dans diverses situations cliniques des connaissances et des habiletés acquises par l'infirmière, en vue de déterminer si elle est apte à exercer de façon autonome à titre d'infirmière praticienne spécialisée dans la classe de spécialité concernée.»

Donc, si ça, ça serait encore le cas, déjà là, je pense qu'il y aurait une frontière qui serait beaucoup plus claire pour nous. Cependant, on se retrouve avec l'examen qu'on a noté plus haut. Puis, même sur le site Internet de l'OIIQ, on retrouve que... compte maintenant administrer un examen qui «évaluera non pas les connaissances des candidates infirmières praticiennes spécialisées, car [...] les universités le font déjà, mais déterminera plutôt si les candidates IPS maîtrisent de façon adéquate les aspects juridiques et déontologiques encadrant leur pratique».

Pour nous, c'est un minimum, là, que ça prend un examen de certification. Si on dote les IPS d'un pouvoir de diagnostiquer, ça prend un véritable examen sanctionnel pour être capable d'évaluer les capacités. Ce n'est pas le rôle des universités d'évaluer si moi, je protège le public ou si ma pratique en termes de médecin est adéquate au long cours, mais c'est clairement le rôle de l'ordre professionnel. Donc, vous allez les recevoir demain en commission, j'aimerais particulièrement vous entendre les questionner à savoir s'ils sont prêts à assumer ce rôle-là, et, si ce n'est pas le cas, de trouver quelqu'un qui est prêt à l'assumer dans l'entremise.

Juste pour vous donner un comparatif, les médecins résidents, nous, bien, c'est sûr qu'on va être évalués à la fin de notre formation doctorale. On va être évalués à chacun de nos stages durant la résidence, qui s'échelonne sur plusieurs mois, des années. Ensuite de ça, on va avoir un examen de certification canadien qui vient soit, pour les médecins de famille, du Collège des médecins de famille du Canada ou bien du Collège royal des médecins et chirurgiens, pour les autres spécialistes. Des gens comme moi, on en passe deux, des examens du Collège royal en médecine interne, en gériatrie. Certains de mes collègues vont en passer jusqu'à trois, en hémato-oncologie. Donc, pour nous, c'est clair que, si on veut être, là, sur un pied qu'on dit : On délivre des soins à la population, on pose des diagnostics et on offre des traitements, il faut vraiment s'aligner vers quelque chose comme ça pour être concordant avec la réalité qu'on est, présentement, dans le système de santé. Sinon, on a aussi un examen, par ailleurs, de déontologie, ALDO-Québec, qui est offert par le Collège des médecins. Donc, on a déjà cette variante-là, on souhaiterait qu'ils la conservent également dans le futur.

Pour ce qui est de leur formation actuelle, là aussi, on souhaite vous soulever certains points d'interrogation. On veut vraiment qu'il y ait une qualité de diagnostic qui se fasse. Donc, les IPS vont-elles bénéficier d'une formation en diagnostic différentiel qui va vraiment avec la réalité qu'on a besoin d'adresser maintenant?

Ce qu'on se rend compte sur le terrain, c'est qu'il y a vraiment une variabilité, une hétérogénéité entre les différentes formations offertes par nos différentes universités. Donc, moi, comme médecin en exercice, dépendamment d'où l'IPS a été formée, c'est peut-être difficile de savoir à quoi m'attendre de ses connaissances au départ. Donc, on ne parle pas, là, que ça fait trois ans qu'elle est dans la clinique, qu'on s'est acclimatés, qu'on sait comment le professionnel travaille et que nous, on travaille, mais, à partir de ce point-là, en début de pratique, comment on fait pour s'arrimer? Ce n'est pas clair pour nous.

Également, comment on fait pour encadrer ces IPS là dans les milieux de formation? Parce que, présentement, vous avez des médecins superviseurs, vous avez également des résidents séniors, vous avez des résidents juniors, tout ce beau monde-là cohabite dans un environnement pyramidal où on connaît le niveau de formation à peu près de tout le monde à mesure qu'il progresse. Quand on a une IPS qui rentre dans le dossier, je dois vous avouer que, la plupart du temps, ce n'est pas clair à quel niveau on doit la situer dans cette pyramide-là, comment on fait pour lui apporter des connaissances qui vont vraiment l'aider dans sa pratique — parce que sa pratique, comme je vous ai dit, est hétérogène — puis aussi d'obtenir au moins les objectifs de stage, ce qui est fait probablement dans certains milieux mais qui n'est pas globalisé, là, en fait, implanté dans l'ensemble des programmes. C'est des mesures qui, selon nous, sont essentielles. Puis que ça soit fait dès le début, que ça soit mis à même un projet de loi qui demande ces choses-là pour que ça soit fait pour qu'ensuite on puisse rassurer tout le monde, la population en premier, qu'on sait exactement quel endroit ou quelle place ces personnes-là vont prendre dans le réseau de la santé québécois public ou privé, comme je vous ai dit tantôt, ça restera à déterminer, ça aussi.

Donc, sans plus tarder, moi, ça passe à travers la plupart des points que j'avais à vous présenter aujourd'hui. Je suis sûr qu'on aura des bons échanges. Je vous remercie, encore une fois, d'avoir pris du temps pour nous recevoir.

Le Président (M. Provençal)  : Je vous remercie pour votre exposé. Débutons la période d'échange avec la partie gouvernementale. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme McCann : Oui. Bonjour. Merci, M. le Président. Bonjour. Dr Campagna, j'ai eu l'occasion de vous rencontrer puis d'aller à une de vos assemblées fort intéressantes, avec multitude de participants, puis je salue également Me Dufour et Mme Laplante, présents avec vous.

C'est intéressant que vous soyez venus discuter avec nous de ce projet de loi, parce que vous êtes dans une position unique, hein, comme médecins résidents, et vous en parlez, vous y faites allusion, vous avez fait allusion assez fréquemment dans votre présentation, et moi, je suis très, très intéressée à vous entendre davantage sur cette réalité-là. Quand vous dites, là : Nous, on est dans un milieu, et nous, on est médecins résidents, et arrivent des IPS, puis il y a des médecins séniors, là, des médecins médecins, là, et on ne sait plus trop, là, comment s'aligner dans tout ça, j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que vous parlez de circonscrire le rôle du médecin et circonscrire le rôle de l'IPS. Comment vous voyez ça, circonscrire ces rôles-là?

• (20 h 30) •

M. Campagna (Christian) : Bien, je pense qu'on pourrait l'aborder de multiples façons. Pour revenir peut-être au point d'introduction de votre commentaire, on a vraiment deux réalités, hein? On a les IPS qui sont déjà, présentement, en pratique, soit en première ligne, soit en deuxième ligne. Ces gens-là sont déjà présents dans les stages quand nous, on arrive, hein, puis, un peu comme disait Dre Francoeur, ils agissent un peu comme des résidents de mi-formation en surspécialité. Ils ont des connaissances, ils peuvent nous apporter beaucoup dans notre enseignement, à partir de là, quand on est vraiment en train d'apprendre les fondements de discipline, donc on s'encadre avec ces gens-là. Puis ça, c'est un peu plus facile, de se lier à ces gens-là puis d'être capable de comprendre, aussi, leur réalité tout en suivant notre cheminement puis en ayant nos médecins superviseurs.

L'autre situation qui est différente, c'est quand on est à même de participer à la formation de ces futures IPS là. C'est là qu'on remarque qu'on manque d'outils pour être bien capables de comprendre c'est quoi qu'on doit leur apporter exactement, c'est comment qu'on fait pour les aider à accomplir leur rôle au niveau de la population. Ce n'est vraiment pas clair, pour nous, c'est quoi, une IPS, comparativement à un médecin de famille. Je suis censé lui apprendre quoi, comparativement au résident de médecine de famille qui vient faire un mois dans ma rotation, alors qu'elle vient aussi faire deux mois ou il vient faire un mois dans ma rotation? Comment je lui enseigne ce qui est pertinent?

Donc, pour nous, leur champ d'exercice, si on est pour l'appliquer au sens large, ça demeure difficile de bien comprendre c'est quoi, leur rôle. C'est comme ça que nous, on pense qu'on doit clairement être capables de faire une distinction entre une IPS, un médecin de famille, un spécialiste, tout comme les médecins de famille et les spécialistes, entre eux, sont capables de bien définir les lignes où leurs tâches ou leurs capacités se terminent et que ça devient du travail de l'autre, finalement, de poursuivre les travaux.

Mme McCann : On a entendu, par exemple, la Fédération des médecins omnipraticiens, la Fédération des médecins spécialistes, comme vous l'avez mentionné, et on voit bien qu'en partie, là, la réalité des IPS ou de l'environnement avec les IPS en deuxième ligne par rapport à l'environnement des IPS en première ligne, il y a des différences, là. Alors, oui, mais disons qu'on parle de la première ligne, quand vous parlez, là, de circonscrire le rôle des IPS, disons, en première ligne et le rôle des médecins de famille, vous trouvez que c'est difficile de circonscrire ces rôles-là?

M. Campagna (Christian) : Bien, moi, je pense que c'est essentiel d'être... Parce que, si on n'a pas un moyen clair d'établir où se situe la ligne entre un médecin omnipraticien et puis une IPS à partir de ce projet de loi là, eh bien, comment, après ça, on va être capables de faire la distinction? Bien, on devrait peut-être juste les nommer médecins de famille d'emblée si elles sont capables d'effectuer les mêmes tâches. Donc, c'est anormal de ne pas être capable d'établir un gradient au moment auquel elles devraient y avoir référence. Pour nous, ça demeure une zone floue qui est difficile à naviguer. Je ne sais pas si vous aviez un ajout, Me Savignac.

M. Savignac Dufour (Patrice) : Bien, peut-être, en fait... Moi, je pense que, dans le projet de loi tel que vous l'avez présenté, vous en mettez déjà une, distinction. Là, je comprends que, depuis ce matin, c'est déjà la partie gouvernementale qui présente le rapport... Le projet de loi émet des réserves sur le libellé du projet de loi pour la question des maladies courantes, là. Là, ça m'a quand même surpris. On a écouté tous les groupes qui ont passé aujourd'hui, là, dans la journée pour se préparer, et, pour moi, je ne vois aucune contradiction entre la position de la FMSQ qu'on vient d'entendre et la position de la FMOQ qu'on a entendue plus tôt. C'est la deuxième ligne et la première ligne, c'est deux réalités complètement différentes.

Mais nous, on vous le dit, on appuie le projet de loi dans sa forme actuelle parce qu'on pense que la notion de maladie courante vient établir la distinction, si c'est adopté tel quel, entre l'IPS en première ligne et le médecin de famille. Si on retirait, parce que je pense que c'est une évidence qu'il y a quelqu'un qui va faire l'amendement, à moment donné, avec ce qu'on a entendu aujourd'hui, on n'appuierait plus le projet de loi. Donc, si on dit «diagnostiquer toutes les maladies», il n'y a plus de différences entre l'IPS et le médecin de famille. C'est un peu ça que la FMOQ et le Dr Godin vous ont dit aujourd'hui, et c'est d'une évidence qu'on ajouterait à la confusion.

Et, Dr Campagna pourrait expliquer, tu sais, il y a une différence entre la formation d'un médecin de famille et d'une IPS. Et, à moins qu'on change et qu'on double la durée de la formation des IPS — éventuellement, là, ça pourrait être dans les choses à faire, possiblement — il y a comme un questionnement, là. Alors, qu'est-ce que nos médecins de famille apprennent, là, à l'université et leur résidence si on est en train de dire qu'une IPS, avec la moitié de la formation postuniversitaire... en tout cas, universitaire, minimalement, peut diagnostiquer n'importe quelle maladie? En deuxième ligne, ce que Dre Francoeur a dit, on peut être d'accord avec tout ce qu'elle a dit, mais, en première ligne, on est aussi d'accord avec la FMOQ, et, pour nous, ce n'est absolument pas contradictoire. Donc, je pense que c'est sage, la ligne que vous avez tracée dans le projet de loi tel qu'il a été présenté, mais, si on retirait la notion de maladie courante, là ce serait un tout autre projet de loi pour nous, là.

Mme McCann : Bien, c'est intéressant que vous rameniez ce point-là, parce qu'effectivement on va vous reposer la même question qu'on a posée aux autres groupes, parce qu'on est là vraiment pour s'enrichir de vos réflexions, alors je pense qu'il ne faut pas hésiter à vous poser la même question. Dans les autres provinces canadiennes, effectivement, le libellé n'est pas «maladie courante», est «maladie» tout court, et ça fonctionne depuis longtemps, depuis plusieurs années en Ontario, en Nouvelle-Écosse, Nouveau-Brunswick, bon, dans plusieurs, plusieurs provinces du Canada. Alors, on se pose toujours la question. Vous, vous dites, dans le fond : Si vous enlevez la notion de maladie courante, là, ce n'est pas du tout la même chose, mais ça fonctionne dans les autres provinces. Ça a l'air à fonctionner, à moins que vous ayez de l'information à ce niveau-là. Comment expliquer?

M. Savignac Dufour (Patrice) : Bien, autant qu'on n'a pas d'information qui va nous dire que ça fonctionne mal, on n'a pas beaucoup d'information non plus à savoir que ça fonctionne bien. Puis on a aussi des situations qui sont un peu en dehors de la nature de ce qu'on dit, aussi, aujourd'hui, mais qu'il y a même des médecins de famille et des IPS, en Ontario, qui ont eu de la misère à différencier le travail qu'ils faisaient, l'an dernier, à savoir que, peut-être, il y a juste 2 %, finalement, de ce que je ne fais pas qui peut être fait par un médecin de famille, lorsqu'on parle aux IPS.

Donc, pour nous, c'est de revenir à la base puis de se dire : Est-ce qu'on pense vraiment qu'avec la formation de deux ans qui suit un autre deux ans où ils ont travaillé comme infirmiers et infirmières, qu'ils ont implanté leur pratique comme infirmiers ou infirmières puis on leur demande deux ans où... à lequel ils font un 18 mois d'apprentissage théorique avec un six mois de stage, plus ou moins deux, ça se compare vraiment à nous, qui avons fait deux ans et demi de formation préclinique orientée sur le diagnostic différentiel, avec un externat qui s'échelonne sur un an et demi à deux ans, où on ne prescrit pas, on ne fait qu'apprendre un peu les pathologies, comment elles s'imbriquent... de rajouter un deux ans de formation minimale en médecine familiale là-dessus? Donc, cette connaissance-là qui a été acquise, ce n'est pas juste pour traiter 2 % des maladies, là, puis ce n'est pas pour traiter 20 % non plus. Le «80 % peut être fait par des IPS en première ligne», on n'y croit pas, mais on croit qu'elles ont leur place. Mais de là à évoquer des chiffres sans pouvoir, en tout cas, se positionner sur des données franches, pour nous, ça pose un problème. C'est pour ça qu'on demeurerait avec, justement, un encadrement qui irait avec «maladie courante».

Le Président (M. Provençal)  : Sept minutes.

Mme McCann : Sept minutes. Oui, eh bien, je pourrais donner la parole, M. le Président, à...

Le Président (M. Provençal)  : À la députée de Soulanges.

Mme Picard : Merci, M. le Président. J'aurais deux questions. Ma première... En fait, vous avez exposé beaucoup de problématiques, aujourd'hui. Selon vous, est-ce que vous pensez que de mettre un nombre d'années minimum d'expérience à une IPS pour travailler dans un domaine, pour pouvoir émettre des diagnostics, ça serait peut-être une bonne solution ou bien non?

M. Campagna (Christian) : Ce qu'on se rend compte, de notre côté... Je ne pourrais pas dire qu'on a une position ferme, parce que ça prend des années de formation différentes pour chaque spécialité, au Québec, quand on parle de la médecine, donc c'est certain que ça va faire la même chose avec les IPS.

Ce que Dre Francoeur vous a évoqué un peu plus tôt, c'est qu'après quelques années à travailler ensemble, bien là, soudainement, ils travaillent comme des R2 et des R3, puis on aurait cette flexibilité-là, où on se sentirait très à l'aise de leur déléguer les tâches qui sont inscrites dans le projet de loi. Donc, ça, moi, de mon expérience, les gens que j'ai côtoyés qui avaient effectivement... ça fait 10 ans qu'ils travaillent dans un domaine comme la néphrologie, ils sont à même de voir, justement, les frontières, les trous, les possibles dangers qui sont associés à leur profession et à se sentir très bien. De le demander, au premier jour d'exercice, après un stage de six mois... c'est comme demander à un externe de passer par-dessus sa résidence, il va trouver l'étape puis l'échelle très haute. Certains vont dire : Je vais prendre mon temps pour l'atteindre puis je vais plus me référer. Certains autres vont dire : Je suis bon, puis adviendra que pourra.

Donc, c'est un peu comme ça que nous, on le perçoit, c'est de se dire : Cette formation-là, est-ce que ça fait partie des solutions, de se dire, si on embarque dans un domaine très spécialisé, qu'il faudrait qu'il y ait une formation qui soit ajustée selon les connaissances à acquérir? Encore là, ce n'est pas à nous de le dire, mais il va falloir que l'OIIQ et peut-être éventuellement le CMQ aient leur mot à dire sur comment on fait un examen de formation qui va chercher ces sujets à intégrer là, mais c'est un bon sujet de réflexion.

Mme Picard : Et puis j'aimerais vous entendre aussi sur le volet santé mentale. On a fait deux forums, dernièrement, pour les jeunes et les adultes. Il y a beaucoup de problématiques à la première ligne, et puis j'aimerais savoir, selon vous, est-ce que ça dégagerait la première ligne, côté santé mentale, que les IPS puissent aider les médecins.

M. Campagna (Christian) : Je pense que les IPS vont être utiles à n'importe quel endroit où on va pouvoir les positionner dans un poste, dans le fond, où elles et ils sont confortables. C'est ça qu'on veut, finalement, avec le projet de loi.

Donc, la santé mentale, oui, c'est une préoccupation de beaucoup de gens. On souhaite probablement qu'ils et elles aient leur mot à dire dans ces domaines-là, spécifiquement, éventuellement, O.K.? Donc, comment on l'intègre, comment on les forme, comment on vérifie leur formation, ça va faire partie de toutes les choses auxquelles... il faut se poser, mais, oui, très certainement, elles ont un rôle à jouer dans ce domaine-là, il faut qu'elles en aient, comme tous les autres professionnels, travailleurs sociaux, qui entourent la santé mentale.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la ministre.

Mme McCann : Oui, alors, je veux revenir, parce que vous l'avez soulevé quand même beaucoup, là, au niveau des stages. Vous avez dit qu'il peut arriver que des IPS d'expérience, évidemment, soient impliquées dans votre résidence, là, puis qu'il y ait un échange d'information fort intéressant. Mais est-ce que ça peut être inversé? Est-ce qu'à des moments donnés, des résidents, pour des IPS qui sont en stage, on peut leur demander de fournir de l'information, de la formation à ces IPS?

• (20 h 40) •

M. Campagna (Christian) : Absolument, donc, ils le font déjà. Même parfois on se demande qui donne vraiment la formation, pendant certaines périodes, là. Certains résidents séniors ont vraiment une supervision d'IPS, en formation, qui représente presque l'entièreté d'un stage, dépendamment des domaines, dépendamment des régions, ce qui nous ramène au point qu'il faut au moins que les objectifs de stage soient clairs. Parce que nous, on peut parler longtemps de ce qu'on connaît et de ce qu'on sait, mais il faut savoir, mais qu'est-ce qu'il faut leur apprendre. Donc, oui, ça nous arrive souvent, puis souvent c'est le balancier qui s'inverse. On a tout d'abord des gens qui vont nous former puis qu'à mesure que notre formation avance on va retourner faire de la formation à ces gens-là. Comme moi, je n'ai pas peur de le dire... comme vous, vous êtes travailleur social de formation... moi, en gériatrie, les travailleurs sociaux, quand je suis arrivé, ils connaissent tout le réseau autour de moi, là, donc je m'abreuve de leurs connaissances, puis éventuellement ça me fait plaisir de faire le retour, puis ça, ça fait partie d'un travail interprofessionnel qui fonctionne.

Mme McCann : Alors, vous voyez positivement... en autant que vous ayez les objectifs.

M. Campagna (Christian) : Oui, on veut des objectifs.

Mme McCann : Oui, mais ce que vous dites, actuellement, c'est que ce n'est pas toujours le cas.

M. Campagna (Christian) : Non.

Mme McCann : Vous n'avez pas toujours... Est-ce que c'est fréquent? Pouvez-vous nous en dire plus là-dessus, la façon dont c'est organisé, les stages pour les IPS, dans votre expérience à vous, là?

M. Savignac Dufour (Patrice) : ...ce que tout le monde a dit...

M. Campagna (Christian) : Tu peux y aller au sens large. Je n'ai pas une très grande expérience d'IPS, moi-même. J'ai beaucoup d'histoires, mais...

M. Savignac Dufour (Patrice) : En fait, on a créé un comité, à la fédération, qui s'est penché là-dessus, et ce que plusieurs résidents de plusieurs spécialités nous ont dit, c'est qu'au moment où on se parle... bon, on est avant l'adoption du projet de loi, mais il y a quand même les six maladies chroniques, là, que les IPS ont le droit de diagnostiquer. Et, au moment où on se parle, à Montréal, j'ai trois exemples, dans trois établissements différents, là... je ne veux pas donner les exemples concrets, là, ce serait délicat, mais trois exemples où les étudiantes IPS, on parle bien de ça, là, arrivent, aucun document, aucun objectif de stage, et : Tiens, tu vas passer la journée avec ce résident-là, et puis montre-lui des choses. Mais c'est quoi, les objectifs de stage? C'est quoi qu'elle est censée apprendre? Zéro, niet, il n'y a aucune information qui est donnée aux résidents qui encadrent le travail de ces étudiantes IPS. Je ne sais pas si...

Peut-être que les objectifs existent à quelque part et que c'est juste mal communiqué, mais les résidents sont embêtés : Mais je suis censé lui apprendre quoi? Jusqu'où je vais, dans le travail, sur le plan micro? Et c'est fort regrettable. Il y a-tu un problème de concertation entre les facultés de médecine et les milieux universitaires qui s'occupent de la formation des IPS? Vraisemblablement, il y a peut-être de la collaboration qui devrait être accentuée, de ce côté-là, là.

M. Campagna (Christian) : Puis la santé mentale, on en parlait il n'y a pas si longtemps, aux dernières nouvelles, il y avait quand même certaines universités qui ne l'intégrait pas du tout durant les deux ans de formation, là. Donc, dépendamment où tu as été formée, soit tu as vu de la santé mentale ou tu n'en as pas vue. Donc, si c'est le besoin dans la région où tu retournes travailler, puis tu n'y as pas été exposée, c'est à qui de savoir si ça a été fait ou pas, ça? C'est des questions que nous... demeurent en suspens, encore à ce jour.

Mme McCann : Est-ce que ce que vous décrivez se passe autant en première ligne qu'en deuxième ligne?

M. Campagna (Christian) : Absolument.

Mme McCann : Oui? C'est le même phénomène.

M. Campagna (Christian) : Oui, parce que, que les gens en formation décident de s'orienter plus vers la première ligne ou les autres spécialités, ça se produit dans les deux cas. Certains milieux vont déjà être prêts, d'autres le sont moins. Puis c'est certain que, si on augmente le nombre de personnes qui vont être en formation, on va se retrouver avec des milieux qui ne seront pas habitués de les former, d'autant plus... où c'est important d'être proactifs puis d'être capables de fournir cette documentation-là préalablement à des stages.

Mme McCann : D'accord.

Le Président (M. Provençal)  : Une minute.

Mme McCann : Une minute? Oui, bon, attendez un peu, il faut que je fasse un choix.

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme McCann : Oui, je voulais vous poser une question sur l'article 36 à nouveau, parce que vous faites une suggestion. Bien, peut-être que je vais vous la poser, parce que, même si on n'a pas beaucoup de temps, vous faites une proposition. Pouvez-vous me l'expliquer en quelques mots, là? Parce qu'elle est quand même assez étoffée, là, votre proposition pour l'article 36.

M. Savignac Dufour (Patrice) : Bien, en fait, très rapidement, c'est parti de, à notre avis, là, quelque chose qui, au niveau linguistique... un peu discutable, là, dans le paragraphe 2°, dans la définition de «maladie courante».

Mais, selon nous, c'est dans le premier paragraphe, dans le pouvoir de diagnostiquer, qu'on devrait... et je pense que ça rassurerait tout le monde, y compris, probablement, nos collègues de la FMOQ, même si on ne souhaite pas que vous fassiez marche arrière sur la question de la maladie courante. Au minimum, si vous faites ça, gardez au moins la notion que la fonction diagnostique serait en fonction de la classe des spécialités de l'IPS et de son domaine de soins. Je pense que, minimalement, ça, ça sécuriserait tout le monde. Ça a beau se faire dans d'autres provinces, c'est nouveau, au Québec, là, ça n'a jamais existé.

Alors, ça, là-dessus, moi, je pense que... c'est la proposition qu'on fait, c'est de maintenir la notion de maladie courante. Mais, si vous l'enlevez parce que les gens, ceux qui étaient favorables, vous ont dit : De toute façon, les IPS n'iront pas au-delà de leur formation, faites confiance, nous, on pense que ça devrait minimalement, dans un premier temps, quand même être inscrit que le pouvoir de diagnostiquer devrait être en fonction... parce que, s'ils sont en première ligne, s'ils sont en deuxième ligne, s'ils ont une spécialité particulière d'IPS... et que, dans un premier temps, ça devrait être là. Et nous, on pense que c'est aussi une fonction qui va aider les IPS et aider à ce que ce soit un succès, la mise en place de ces nouveaux pouvoirs diagnostiques là, et ça rassurerait l'ensemble des joueurs dans le réseau.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Merci, Mme la ministre. Nous procédons maintenant avec le député de Pontiac. À vous la parole.

M. Fortin : Merci. Merci, M. le Président. Bonjour à vous trois. Merci d'être... bien, bonsoir, mais merci d'être avec nous ce soir. Je veux revenir sur la question du stage, parce que je pense que c'est une partie importante de votre mémoire et des propos que vous avez tenus ce soir. Vous dites, essentiellement, là, il n'y a pas de... c'est comme si on laissait l'infirmière praticienne spécialisée en stage, là, en étudiante, en IPS, avec vous, avec les médecins résidents, puis on dit : Bien, montrez-y quelque chose. Parce que je cherche à savoir le type d'encadrement qu'on pourrait vouloir, qu'est-ce qui serait idéal. Est-ce qu'au moment de la formation en stage d'un médecin, par exemple, vous avez des objectifs clairs? Est-ce que c'est encadré de façon plus appropriée? Est-ce que vous avez des objectifs, je ne sais pas, moi, de façon hebdomadaire? Est-ce qu'il y a un modèle à suivre au niveau de ce que devrait être un stage pour les infirmières praticiennes spécialisées?

M. Campagna (Christian) : Je vous donne l'exemple que nous, on vit en médecine à tous les jours, là. Chacun de nos stages, à partir de l'externat, ont des objectifs ciblés sur la discipline dans laquelle on va passer à peu près un mois, jusqu'à trois mois, de formation. Ça va être divisé, ensuite, dans les aspects de communication, de leadership, d'expertise médicale. Donc, il ne faut pas juste aller chercher de la connaissance médicale, il faut aller chercher des capacités de communication avec les patients, du leadership, des capacités de travail en équipe, interprofessionnalisme. Ça, ça fait partie des choses qui nous sont demandées de pouvoir performer en stage pour démontrer qu'on mérite le statut de médecin.

Donc, ensuite, ce qu'il faut savoir, c'est que nous, on a deux, trois étapes : on est étudiants, ensuite on est externes, ensuite on est résidents, ensuite on est patrons. Donc là, on essaie de condenser ça en dedans de deux ans, la première partie est plus théorique, on s'en va en stage. Donc, à ce moment-là, c'est clair qu'il faut y avoir des objectifs qui dépassent simplement l'expertise, donc il faut être capables de bien les encadrer dans ce qu'on s'attend à ce qu'ils vont faire en début de pratique de manière autonome.

Les exemples qu'on a en surspécialité, la raison que ça n'a jamais été une problématique auparavant, c'est que les gens qui arrivaient avaient une supervision médicale, donc c'était comme dire : Vous faites votre formation d'IPS, puis ensuite vous allez aller avec sous l'égide d'un médecin spécialiste. C'est comme faire une résidence pendant 10 ans, puis, après 10 ans, d'être au niveau R2, R3, puis tout le monde se satisfait, tout le monde est content. Là, on arrive puis on enlève un peu ce besoin-là de supervision directe. Je ne suis pas convaincu qu'après les deux ans, quand on passe de, genre, l'externat au patronat, qui sont des termes, pour nous, qui disent «devenir médecin» puis «être étudiant», il manque ce que moi, je vis comme résident. Donc, c'est ce trou-là qu'il faut être soit à l'aise de dire que ça prend peut-être une formation complémentaire associée à un examen dans certaines situations ou bien qu'on l'apprend directement dans la formation d'IPS, à ce moment-là. Pour l'instant, on n'a ni un ni l'autre.

M. Fortin : Mais vous êtes confortables à ce que ce stage-là, ce soit encore sous la supervision d'un médecin résident. Il n'y a pas personne d'autre qui peut faire ça, réellement, dans le système?

M. Campagna (Christian) : Dans le meilleur des mondes, on aurait un bassin d'IPS formées dans leur discipline qui seraient capables d'offrir ces stages-là et de les superviser avec leurs connaissances et ce qu'elles et ils font vraiment sur le terrain à tous les jours. Dans la mesure où on veut en former plus dans le temps qui nous est imparti, qui est un petit peu moins long, bien, on sait que ça va prendre des médecins en exercice qui vont faire office de superviseurs.

On ne veut surtout pas surcharger nos milieux de stage, qui sont déjà... en termes d'exposition puis en termes de pouvoir voir les patients qu'on a besoin pour être, nous aussi, adéquats dans notre pratique. Donc, il faut s'assurer que tout ça s'arrime bien ensemble, là. Mais, oui, au début, ça va prendre des médecins qui vont mettre l'épaule à la roue, ça, c'est sûr.

M. Fortin : Bien, je comprends ce que vous dites, parce que, dans un sens, vous parlez surtout... et je pense que vous avez fait le parallèle avec la première ligne aussi, là, mais vous parlez surtout de la spécialité, là où il y en a moins d'infirmières praticiennes spécialisées, en ce moment. Alors, vous avez raison de dire que ça prendrait un temps supplémentaire, mais je pense que je saisis bien votre propos là-dessus.

Une chose, dans votre mémoire, qui m'a accroché... je vais vous lire une phrase, là : «Selon les informations dont nous disposons, la formation des IPS varie d'une université à [l']autre.» Vous, ce n'est pas votre cas. Vous, ça se ressemble pas mal pour tout le monde. Mais, ça, est-ce que vous êtes en train de dire, essentiellement, que ça prendrait une formation encadrée uniforme avec un genre de collège des médecins des IPS? C'est ce que vous êtes en train de dire?

M. Campagna (Christian) : On pense que ça prend des stages qui sont agréés, que ça prend un organisme de supervision qui décide si les stages de formation rencontrent des standards pour être capables de dire si ce stage-là amène l'expérience clinique souhaitable pour que quelqu'un pratique dans sa sphère de compétence. Donc, tu sais, c'est sûr que nous, on est encadrés de cette manière-là, ça fonctionne, pour nous, de cette manière-là.

Présentement, on n'a pas le même genre de sentiment au niveau, là, des IPS, puis la santé mentale en est un exemple. Donc, si moi, quelqu'un, je suis médecin de famille en région, j'ai une IPS, un IPS engagé, puis que, finalement, la formation est hétérogène pendant ses deux ans, bien là, ça vient qu'il faut que tu regardes le pedigree de... dans quelle université il ou elle a étudié pour savoir qu'est-ce qu'il est capable de faire au jour 1. Pour nous, ça rajoute une étape supplémentaire que, peut-être, il faudrait laisser de la fluidité, de la flexibilité qui laisse les gens faire des stages qui les intéressent et qu'ils vont aller chercher des compétences dans les domaines où ils en ont besoin, mais ça prend aussi un certain nombre de critères, là, qui sont capables d'être partagés à même les différentes universités.

M. Fortin : Puis là il n'y en a pas du tout, selon vous? Ça, je dirais, honnêtement, je ne le sais pas, je vous pose la question, là, mais...

M. Campagna (Christian) : Moi, je ne suis pas au courant de la présence d'une telle chose.

• (20 h 50) •

M. Fortin : O.K. Puis peut-être que la question ne s'adresse pas à vous, mais peut-être à certains de vos collègues, là, parce que votre expérience personnelle est peut-être un moindre avec les IPS, mais est-ce que vous voyez une si grande différence, disons, d'une IPS à une autre, là, selon où elle a étudié, au niveau de la qualité de l'enseignement, au niveau de ses connaissances? Lorsqu'elle arrive, disons, en stage, là, est-ce que vous voyez une si grande disparité due au programme d'enseignement?

M. Campagna (Christian) : Pour les résidents avec qui je peux côtoyer au jour le jour, ils vont nous dire : Ah! bien, elle, elle vient d'une autre université, puis ça paraît. Moi, c'est ça que j'entends à tous les jours, mais ce n'est pas nécessairement non plus par rapport à... les connaissances ne sont pas du tout les mêmes ou le niveau de connaissance est différent. Toutes les situations sont dans l'air, mais c'est certain que les gens vont être capables facilement de dénoter que des gens ne viennent pas du même milieu de formation.

Mais ça ne veut pas dire qu'un milieu de formation est moins adéquat qu'un autre, mais ça veut peut-être dire que les efforts sont mis dans... ce milieu de formation est orienté différemment. On a des UMF, aussi, au Québec, en médecine familiale, que c'est un peu ce qui se passe. Ils font beaucoup d'obstétrique dans certaines UMF, ils font beaucoup d'urgence dans d'autres, donc est-ce que c'est pour ça qu'on les empêche de devenir des médecins de famille qui pratiquent dans toute la sphère d'activité? Non, mais ça demeure que le centre du programme, lui, il est encadré d'une manière plus vigilante que ça l'est fait présentement pour les IPS.

M. Fortin : Ça va. Je vous remercie. C'est bon. Moi, je pense que ma collègue a une question, M. le Président.

Le Président (M. Provençal)  : Alors, je cède la parole à la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Robitaille : Bonjour. Bonjour à tous. Bonsoir, je devrais dire. Écoutez, aujourd'hui, on a entendu des médecins spécialistes, des infirmières, ils s'entendaient tous pour dire, grosso modo, que le travail des IPS devait être large, il devait être autonome, ils iraient même au-delà, là, de les restreindre à la «maladie», à la définition de «maladie courante». Les seuls qui étaient un peu rébarbatifs à ça, c'est la Fédération des médecins omnipraticiens et puis vous. Est-ce que, finalement, les IPS, ce n'est pas une menace pour les omnipraticiens? Est-ce que ce n'est pas ça que vous dites, que c'est une menace, finalement, pour les omnipraticiens, tu sais, qu'on connaît aujourd'hui?

M. Campagna (Christian) : Moi, je pense qu'il faudrait leur poser la question comme ça, si on veut avoir leur réponse, mais ce n'est pas le sentiment que moi, j'ai à même mes résidents qui sont en formation en médecine familiale. Ce n'est pas le sentiment que les gens ont sur le terrain, que les IPS vont devenir une menace. Ils seront encore un nombre restreint, même dans cinq ans, et ils et elles vont s'implanter dans les cliniques de médecine familiale un peu partout, vont appuyer les médecins de famille dans leurs tâches.

Je pense que qu'est-ce qui doit être ressenti sur le terrain, c'est vraiment d'en revenir un peu à ce qu'on a dit tantôt, ça prend quand même, si quelqu'un agit dans une sphère d'activité, qu'elle y soit limitée, à cette sphère d'activité là, pour ne pas qu'on lui donne accès à l'ensemble du répertoire médicamenteux du Québec puis simplement à la fin de sa formation.

M. Savignac Dufour (Patrice) : ...

Mme Robitaille : Parce que... Ah non, oui, allez-y.

M. Savignac Dufour (Patrice) : Bien, peut-être ajouter... En fait, il y a deux choses, là. Premièrement, il ne manque pas de patients et il manque de médecins de famille.

Mme Robitaille : Non, puis il manque d'infirmières puis il manque de médecins.

M. Savignac Dufour (Patrice) : Et en plus on a déjà atteint les limites de capacité d'accueil en médecine de famille dans les quatre facultés de médecine du Québec, là, on en parle aux tables de concertation, là, sur le sujet. Donc, au moment où on se parle, on peut difficilement former davantage de médecins de famille qu'on peut le faire, puis il manque encore de médecins de famille, ça fait que je ne vois pas pourquoi quelqu'un s'inquiéterait que les IPS viendraient enlever du travail aux médecins de famille. Je ne pense vraiment pas que c'est un cas de figure, c'est plus une question de préoccupation sur... Tu sais, si on nous dit qu'en 18 mois de formation et un six mois de stage on peut avoir les mêmes connaissances médicales pour poser des diagnostics différentiels sur toutes les maladies qu'un médecin de famille... quelle réflexion on doit faire avec le Collège des médecins de famille du Canada, qui a mis des standards que c'est quatre ans, là, que ça prend pour faire de la médecine de famille, pour faire du diagnostic différentiel en première ligne?

Tu sais, c'est dans ce sens-là qu'on trouve que c'est un peu étrange, puis ce n'est pas ça qui est dans le projet de loi, je le rappelle. Pour l'instant, on parle des maladies courantes. Mais, si on enlevait cette notion-là, c'est là qu'on trouve qu'il y a une chose étrange, ou bien on va dire aux gens qui sont en médecine de famille : Vous avez fait une formation deux fois trop longue, ça ne servait à rien, et je ne pense pas que c'est ça, là.

Mme Robitaille : Bien, puis là on voit qu'en Ontario, dans le reste du Canada, ils ont beaucoup de pouvoirs, et ce n'est pas le chaos. Puis, de plus en plus, il va y avoir plus de ces superinfirmières-là, on l'a dit. En fait, ce que j'essaie de dire, c'est : Est-ce que le rôle de l'omnipraticien comme on le connaît n'est pas voué à changer, finalement?

M. Campagna (Christian) : Tous nos rôles sont amenés à changer. Tous les médecins...

Mme Robitaille : À s'adapter à tout ça, là.

M. Campagna (Christian) : Mais les médecins de famille, les médecins spécialistes ont des rôles complètement différents qu'il y a 10 ans, simplement par l'avancée de la science puis l'avancée des connaissances. Comme dirait mon père — il a commencé avec ça — son CPS de pharmacie, c'est rendu à deux tomes. Donc, les pilules augmentent, les maladies augmentent, le nombre de patients suivis, l'âge des patients augmente.

Donc, à chacun de ces moments-là, on se réoriente, on se réorganise, en tant que système de santé, autour des priorités, puis il faut être capables de prendre la place qui nous revient. Ce qu'on veut, nous, c'est qu'il y ait une place pour ces deux corps de métier là, qu'on soit capables de dire : Ce corps de métier là fait ça, ce corps de métier là fait ça. Ce n'est pas le même corps de métier qui joue dans les mêmes eaux.

Mme Robitaille : Mais, veux veux pas, ça va avoir un impact sur ce que l'omnipraticien ou le médecin de famille qu'on connaissait fait, ça va évoluer.

M. Campagna (Christian) : Je pense que c'est prématuré d'avancer ça, mais «peut-être» serait ma meilleure réponse, à ce moment-ci. Je pense qu'il va falloir voir comment ça s'applique dans le quotidien.

Mme Robitaille : Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Nous concluons cet échange avec la participation du député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Est-ce qu'on peut récupérer le temps qui a été laissé par le député de Jean-Lesage?

Le Président (M. Provençal)  : Le consentement a été donné, M. le député.

M. Arseneau : ...pour faire durer un peu la soirée, je vous remercie beaucoup, de 2 min 45 s, merci.

Bon, à mon tour, alors. La question que je voulais poser, c'était... En fait, je l'avais indiqué, le mot «menace» ou sinon «insécurité». J'avais l'impression, dans votre discours, d'entendre une certaine crainte que les IPS accaparent une partie de vos responsabilités. Dans votre discours, du moins, on sent une espèce de compétition plutôt que d'une approche de compétitivité, est-ce que je me trompe? Parce qu'il me semble que le travail, idéalement, tel qu'il se fait et tel qu'il devrait se faire, devrait se faire en complémentarité, pour décharger les médecins d'une certaine catégorie de situations pour pouvoir vous concentrer sur ce qui est plus important et là où c'est vos compétences davantage.

M. Campagna (Christian) : Pour être bien clair, on ne sent aucun problème de compétition avec les IPS, au moment où on se parle. Au contraire, on n'est ici que pour dénoter que certains éléments du projet de loi sont manquants, selon nous, pour nous réconforter. Donc, oui, la crainte qu'on a, ce n'est pas une crainte que les IPS viennent chercher notre job, la crainte qu'on a, c'est que je suis incapable de vous dire à quoi l'IPS qui est formée présentement dans une université au Québec va ressembler à la fin de sa formation puis si elle va m'aider ou ne pas m'aider dans ma pratique.

Après trois ans, quand on a tout expliqué comment ça fonctionne, ou un an, dépendamment des milieux, comment fonctionne mon milieu de travail, bien là, tu dis : Bien oui, ça travaille bien, la collaboration est belle. Mais présentement ce qu'on fait, c'est qu'on enlève ce tampon-là qui permettait aux médecins de se mettre à l'aise avec les IPS, puis on dit : Bien, soudainement, c'est comme ça, elles n'ont plus besoin de vous. D'accord, donc, si elles n'ont plus besoin de moi, moi, je m'en vais voir ce qu'elles apprennent, puis là je me dis : Mais non, il me semble que ce n'est pas clair pour moi, ce qu'elles peuvent faire. C'est ça, la crainte, finalement. On a plus une crainte pour la population du Québec vis-à-vis, présentement, qu'on a un ordre professionnel qui demande un examen de déontologie après une formation de deux ans qui est censée être diagnostique et clinique. Ça, pour nous, c'est une crainte.

M. Arseneau : O.K., oui, ça, on a très bien compris, là, la question du rôle de l'ordre puis de l'examen dont vous parlez. Tout à l'heure, on a entendu l'expression «sortir de la phobie du diagnostic». J'ai l'impression d'entendre, ici, l'expression de cette crainte-là par rapport au diagnostic, qui doit être vraiment très, très encadré, alors que, par ailleurs, dans le discours divergeant du vôtre, c'est la question de l'autonomie professionnelle puis de connaître ses limites, les limites de sa formation et de pouvoirs. Est-ce qu'il y a une question de confiance, là, qui ne serait pas là puis il faut absolument qu'on encadre la pratique professionnelle d'un autre corps d'emploi?

M. Campagna (Christian) : Un peu. Je pense que première ligne, deuxième ligne, c'est des choses complètement différentes. Mais, encore là, la confiance qu'on a envers des médecins en exercice, présentement, parce qu'on peut toujours se ramener à ce qui existe déjà, c'est parce qu'on sait qu'ils et elles passent tous par le même processus de médecine familiale pour devenir des omnipraticiens. Si je me compare à un autre gériatre, je sais par où il a passé, il a fait le même examen que moi, donc je sais à quoi m'attendre de mon collègue gériatre, c'est là que la zone de confiance embarque. Donc, on sait que quelqu'un qui a été formé dans ce carcan-là devrait être capable de faire environ telle chose d'une telle manière. C'est comme ça qu'on est jugés, aussi, en comité disciplinaire si on manque à notre tâche.

Présentement, on n'a pas ça pour les infirmières. C'est là, la crainte du diagnostic, parce que, quand on fait sept ans et plus, quand on est en médecine familiale, à la fin, que les médecins de famille ont leur zone de confort qui se situe ici et là, certains ont des intérêts qui les poussent à connaître plus dans des domaines plus spécialisés, ça demeure un cercle assez commun. Donc, ce cercle-là, pour les IPS, se situe où? Je pense qu'il n'existe pas, présentement, parce qu'on va enclencher quelque chose de complètement nouveau.

M. Arseneau : Est-ce que vous avez des liens avec les résidents, médecins résidents des autres provinces, à savoir quelles sont leurs expériences soit dans le cadre des stages, ou en formation, ou dans leur pratique avec les IPS, évidemment, là?

M. Campagna (Christian) : Dans les autres provinces, je pense que ça s'est implanté, initialement, comme au Québec. J'ai des exemples qui sont très bons, puis il y a d'autres exemples qui le sont moins, puis ça, bien, je ne pense pas qu'il faut aller sur l'exemple brûle-pourpoint, un pour un.

Puis, quand je pose la question du privé, c'est parce qu'on en voit, du privé, qui se fait dans les autres provinces puis que ça amène des questions de système à deux vitesses. Ça, ça nous inquiète aussi, parce que ça n'a pas été réglementé par les autres provinces avant que ça rentre en oeuvre, puis que, là, présentement, soudainement, ça cause des problèmes de congestion dans le système de santé. Mais je vous invite juste à peut-être revoir ces situations-là qui se présentent dans nos provinces voisines sans pointer quelqu'un du doigt.

M. Arseneau : D'accord. Et puis la question de l'hétérogénéité de la formation, la question a déjà été posée, mais ce n'est pas nécessairement basé sur les programmes de formation mais sur les gens avec qui vous avez été en contact ou, carrément, c'est la formation?

M. Savignac Dufour (Patrice) : On les a regardés, les programmes de formation, puis, d'une université à l'autre, vous allez voir les distinctions. Dans un cas de figure, on a vu deux cours de 45 heures sur le diagnostic dans toute la formation des IPS, là, mais ce n'est pas vrai dans d'autres universités. Alors, quand vous regardez les cursus, vous pouvez constater les différences.

(21 heures)

M. Arseneau : D'accord. On n'a pas parlé, ici... Je ne sais pas si j'ai encore quelques secondes.

Le Président (M. Provençal)  : 20 secondes.

M. Arseneau : La question, dernière question, les suivis de grossesse, ça a été discuté. Est-ce que vous avez une opinion là-dessus, à savoir s'ils devaient être restreints ou ouverts?

M. Campagna (Christian) : Moi, je ne veux pas faire de microgestion dans un domaine. On pense que, si elles ont atteint les capacités de le faire puis qu'on juge que ça va bien, pourquoi pas? Ça pourrait être un endroit où elles ont une pratique autonome, puis je pense qu'il y a des gens qui seraient très à l'aise avec ça. Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Je remercie les représentants de la Fédération des médecins résidents du Québec pour leur contribution à nos travaux.

La commission ajourne ses travaux jusqu'au mercredi 13 novembre 2019, après les affaires courantes, vers 11 h 30, où elle poursuivra un autre mandat.

(Fin de la séance à 21 h 01)

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