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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le mercredi 20 mars 2019 - Vol. 45 N° 6

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 7, Loi concernant certaines conditions de travail applicables aux cadres du réseau de la santé et des services sociaux


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Table des matières

Remarques préliminaires

Mme Danielle McCann

M. André Fortin

M. Sylvain Gaudreault

M. Sol Zanetti

Auditions

Association des gestionnaires des établissements de santé
et de services sociaux (AGESSS)

Association du personnel d'encadrement du réseau de la santé
et des services sociaux (APER)


Mémoire déposé

Autres intervenants

M. Luc Provençal, président

M. Enrico Ciccone

*          Mme Chantal Marchand, AGESSS

*          M. Stéphane Roy, idem

*          Mme Anne-Marie Chiquette, APER

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Quinze heures sept minutes)

Le Président (M. Provençal)  : ...à tous, nous allons débuter notre séance.

Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques pour la bonne marche de notre rencontre.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi n° 7, Loi concernant certaines conditions de travail applicables aux cadres du réseau de la santé et des services sociaux.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Gaudreault (Jonquière) remplace M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine).

Remarques préliminaires

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Cet après-midi, nous débuterons par les remarques préliminaires et nous entendrons, par la suite, l'Association des gestionnaires des établissements de santé et de services sociaux ainsi que l'Association du personnel d'encadrement du réseau de la santé et des services sociaux.

Comme la séance a débuté un petit peu plus tard, j'ai besoin de votre consentement pour poursuivre nos travaux au-delà de l'heure prévue, c'est-à-dire aux alentours de 16 h 52. Ça va? Merci beaucoup.

Alors, j'invite maintenant la ministre de la Santé et des Services sociaux à faire ses remarques préliminaires. Mme la ministre, vous disposez de six minutes, la parole est à vous.

Mme Danielle McCann

Mme McCann : Merci, M. le Président. Alors, bonjour à tous. Il s'agit, aujourd'hui, de mon premier projet de loi, et je voudrais d'abord rapidement saluer les équipes qui m'accompagnent et également les députés de l'opposition qui seront présents avec nous aujourd'hui.

Alors, en résumé, ce projet de loi déclaratoire vient confirmer le pouvoir de la ministre de la Santé et des Services sociaux de déterminer la rémunération et les conditions de travail des cadres, tel que prévu dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Rappelons qu'en février 2015 l'Assemblée nationale a adopté la Loi modifiant l'organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l'abolition des agences régionales, communément appelée la loi n° 10. Cette loi a eu notamment pour effet d'abolir les postes de cadres et de hors-cadres dans le réseau de la santé et des services sociaux. La loi n° 10 a notamment modifié des mesures de stabilité d'emploi prévues au règlement sur certaines conditions de travail applicables aux cadres et aux hors-cadres des agences et des établissements de santé et de services sociaux.

À cet effet, l'article 135 de la loi n° 10 est venu énoncer que les mesures de stabilité d'emploi des cadres et des hors-cadres ne peuvent excéder 36 mois. L'article 136 de la loi n° 10 prévoit, quant à lui, que, lorsqu'un poste est aboli, l'indemnité de fin d'emploi relative au choix du départ du secteur équivaut à un maximum de 12 mois de salaire.

Il est important de rappeler que les mesures de stabilité d'emploi prévues aux conditions de travail du personnel d'encadrement du réseau permettent à ce personnel de faire le choix d'être replacé dans le secteur plutôt que de le quitter. Dans ce contexte, les établissements doivent favoriser, autant que faire se peut, ce replacement dans le secteur de façon diligente. Or, à cet égard, suite à l'entrée en vigueur de la loi n° 10, le ministère de la Santé et des Services sociaux s'était donné le mandat de soutenir les établissements dans cet exercice de replacement par la mise en place de différentes mesures venant prioriser le replacement des cadres et hors-cadres dans cette situation.

• (15 h 10) •

Malgré la mise en place de ces différentes mesures, l'entrée en vigueur des dispositions de la loi n° 10 discutées précédemment a suscité bon nombre de débats entre les représentants ministériels et certains représentants associatifs, dont l'AGESSS, notamment sur les dates d'application des dispositions de la loi n° 10 ayant des impacts sur les mesures de stabilité d'emploi du personnel d'encadrement.

C'est pour mettre fin au débat qui venait générer une insécurité grandissante quant à l'application, par les établissements, des mesures de stabilité d'emploi destinées aux cadres et aux hors-cadres que le ministère a déposé un projet de modification du règlement des conditions de travail des cadres confirmant l'interprétation ministérielle sur les dates d'entrée en vigueur de ces mesures. Ce projet de modification fut adopté le 23 mars 2015. Par ailleurs, l'AGESSS a maintenu sa position et a contesté l'interprétation du ministère voulant que les modifications prévues à la loi n° 10 aux conditions de travail des cadres et des hors-cadres soient applicables à ceux dont le poste a été aboli au 31 mars 2015 pour les effets de cette loi. Cette contestation a fait l'objet d'un recours en Cour supérieure puis d'une demande du ministère en Cour d'appel. Étant persuadé de l'intention du législateur quant à l'esprit de la loi n° 10, et ce, malgré la reconnaissance d'une erreur dans l'écriture des mesures transitoires de cette loi, l'objectif de la demande d'appel était de faire reconnaître la validité du règlement du 23 mars 2015.

Suivant l'intention liée à la demande d'appel du ministère, plusieurs objectifs sous-tendent le présent projet de loi : réaffirmer l'exercice du pouvoir réglementaire de la ministre prévu à l'article 487.2 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, réitérer l'intention du législateur quant à l'esprit de la loi susmentionnée, permettre de mettre un frein aux procédures judiciaires.

En terminant, je tiens à souligner que, contrairement au projet de loi n° 160 déposé par l'ancien gouvernement, le projet de loi n° 7 prévoit la reprise du processus réglementaire pour la modification des mesures de stabilité d'emploi, l'indemnité de fin d'emploi et les congés de préretraite, et ce, selon les modalités de consultation des associations de cadres prévues par le règlement sur certaines conditions de travail applicables aux cadres des agences et des établissements de santé et de services sociaux. C'est un changement important et considérable dans la manière d'aborder le dossier et l'étude du projet de loi. Malgré nos différends, j'espère que nos échanges seront constructifs et cordiaux. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, Mme la ministre. À cette étape, j'invite le porte-parole de l'opposition officielle et député de Pontiac à formuler ses remarques préliminaires pour une durée de quatre minutes. La parole est à vous.

M. André Fortin

M. Fortin : Merci, M. le Président. D'abord, permettez-moi, d'entrée de jeu, de saluer la ministre, la féliciter pour le premier projet de loi qu'on a la chance de débattre ensemble, saluer les collègues autour de la table, de la partie gouvernementale, mes collègues de Marquette et de Viau qui sont ici, à mes côtés, comme toujours, dans cette commission, le collègue de Jonquière et le collègue de Jean-Lesage.

M. le Président, le projet de loi, on l'a reconnu, disons, et on en avait débattu lors du dernier Parlement, entre autres, avec les gens qui sont aujourd'hui au gouvernement, qui s'étaient très clairement, disons, avec le temps, là, prononcés en faveur de ce projet de loi, qui avaient dit que, pour deux ans de salaire, suite à une cession de l'emploi des 1 300 cadres, c'était nettement exagéré. Mais il faut se rappeler aussi de l'objectif de cette réforme-là, l'objectif du projet de loi n° 10, qui était de prendre de l'argent qui était utilisé en administration puis de l'utiliser pour donner des services. Et je pense que cet objectif-là, encore aujourd'hui, évidemment, il est raisonnable, il est viable.

Alors, la seule chose, M. le Président, que j'aimerais dire d'entrée de jeu et que j'ai trouvé désolant d'entendre au cours des derniers jours, c'est le fait que les groupes qu'on entendra aujourd'hui ici n'ont pas été consultés au cours des derniers mois, préalablement au dépôt du projet de loi, n'ont pas été... il n'y a jamais eu de discussion à ce niveau-là avec le nouveau gouvernement. Et je salue également... j'en profite pour saluer les gens de l'Association des cadres supérieurs de la santé et des services sociaux, qui ne sont pas avec nous aujourd'hui mais qui nous ont transmis quand même leurs préoccupations.

Mais, pour ce projet de loi là ou pour les autres, M. le Président, je pense que c'est important d'écouter et d'entendre les perspectives des gens qui sont touchés, de le faire en commission parlementaire, mais de le faire le plus souvent possible également. Alors, peut-être, peut-être réitérer le point qui a été fait par certains des groupes qui vont présenter aujourd'hui. Je pense qu'ils auraient aimé être consultés, je pense que ça aurait été bénéfique de le faire avant de déposer un projet de loi, mais, bon, on va les entendre aujourd'hui, on va être contents de le faire et évidemment on va être, comme toujours, une opposition officielle efficace et constructive pour la suite de nos travaux. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, M. le député. J'invite maintenant le porte-parole du deuxième groupe d'opposition et député de Jonquière à faire ses remarques préliminaires pour une durée d'une minute. La parole est à vous.

M. Sylvain Gaudreault

M. Gaudreault : Oui, merci, M. le Président. Je n'ai pas beaucoup de temps, simplement vous dire merci d'être ici, saluer les collègues, la ministre, les députés de l'opposition officielle, député de deuxième ou troisième parti, là, on ne sait plus, là, on va régler ça demain, officiellement.

Je veux dire surtout que la posture que nous avons, nous, à ce stade-ci, concernant le projet de loi n° 7, c'est celle d'écouter les représentations par les groupes que nous allons avoir cet après-midi et voir comment on peut, sur la base de ce qu'ils vont nous dire, bonifier le projet de loi n° 7. Nous n'avons pas d'opposition au principe du projet de loi n° 7, M. le Président, mais on comprend que nous sommes dans les suites ou dans les dommages collatéraux, je dirais, du projet de loi n° 10 qui avait été adopté par le gouvernement précédent.

Donc, à ce stade-ci, concernant ce que nous avons sous les yeux, moi, j'entends ce que la ministre dit, mais je veux surtout entendre les commentaires des groupes qui sont ici, qui sont directement concernés. Et, moi aussi, un peu comme le député de Pontiac, je déplore le fait qu'il n'y a pas eu de préconsultations, à ce qu'on a pu comprendre à travers les médias. Donc, on aura l'occasion de fouiller ça un peu plus. Merci.

Le Président (M. Provençal) : Merci, M. le député. J'invite, pour conclure, le porte-parole du troisième groupe d'opposition et député de Jean-Lesage à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale d'une minute. La parole est à vous.

M. Sol Zanetti

M. Zanetti : Merci, M. le Président. Alors, je serai bref. Par rapport à ce projet-là, on n'est pas hostiles, en soi, au fait qu'il y ait une diminution, par exemple, de cette... à la question de départ, là, chez les cadres du système de santé. Par contre, on est vraiment à l'écoute, on veut voir c'est quoi, les conséquences, exactement, et puis on remercie aux groupes ici aujourd'hui de venir pouvoir parler de ça. Nous autres, on va voir, on a des réserves sur la façon dont c'est en train de se faire, mais on va réserver notre jugement pour le moment où on aura toute l'information puis... pour pouvoir statuer là-dessus. Merci beaucoup.

Auditions

Le Président (M. Provençal) : Merci pour ces remarques préliminaires. Nous allons maintenant commencer les auditions. Je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Association des gestionnaires des établissements de santé et des services sociaux. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé. La parole est à vous.

Association des gestionnaires des établissements de
santé et de services sociaux (AGESSS)

Mme Marchand (Chantal) : Alors, merci, M. le Président, Mme la ministre et membres de la Commission de la santé et des services sociaux. Je me présente, Chantal Marchand, présidente-directrice générale de l'Association des gestionnaires d'établissements de santé et des services sociaux. Je suis accompagnée.

M. Roy (Stéphane) : Stéphane Roy, je suis secrétaire au conseil d'administration de l'AGESSS et aussi président de la section Capitale-Nationale au sein de l'AGESSS.

• (15 h 20) •

Mme Marchand (Chantal) : Donc, je débute en vous remerciant de l'invitation qui a été faite à l'AGESSS de présenter nos observations concernant le projet de loi n° 7.

Quelques mots sur notre association, donc nous sommes une corporation constituée en vertu de la Loi sur les syndicats professionnels et nous représentons près de 70 % des gestionnaires du réseau de la santé et des services sociaux, soit près de 6 800 membres actifs et près de 1 200 membres retraités répartis dans l'ensemble des régions du Québec. Active depuis près de 50 ans, notre association est la plus grande force de représentation des gestionnaires du réseau de la santé et des services sociaux. L'AGESSS est reconnue aux fins de relations de travail comme représentante des gestionnaires et interlocutrice principale auprès du ministère de la Santé et des Services sociaux.

Cela fait près de quatre ans que les gestionnaires dont les droits ont été bafoués dans la foulée de la réforme de la santé et des services sociaux imposée par le ministère — on parle de la loi n° 10 — espèrent et d'attendent à ce qu'au terme d'un débat judiciaire légitime justice soit rendue. On se rappellera que, le 20 juillet 2017, l'honorable Suzanne Ouellet, juge à la Cour supérieure, a rendu une décision accueillant notre requête. Elle déclare notamment que l'arrêté ministériel du 23 mars 2015 est invalide et nul, car il a été adopté en violation de l'article 2d de la Charte canadienne des droits et libertés de la personne, et ce, sans respecter la procédure établie aux fins de modifications des conditions de travail des gestionnaires.

Or, malgré la décision rendue en faveur des gestionnaires, nous nous retrouvons aujourd'hui en commission parlementaire afin d'énoncer haut et fort notre profond désaccord avec le projet de loi n° 7, et ce, avec une impression de déjà-vu. À nos yeux, le dépôt d'un tel projet de loi constitue un geste inacceptable, que nous ne pouvons ni respecter ni tolérer. À cet égard, nous souhaitons rappeler à la ministre son discours promettant un changement de ton dans le réseau de la santé et des services sociaux et auprès de l'ensemble de ses partenaires.

Les membres de l'AGESSS partagent avec la ministre, et je cite, «l'objectif de mieux prendre soin des Québécoises et des Québécois et de nos équipes de professionnels qui sont engagés auprès d'eux au quotidien», fin de la citation. Nous souhaitons porter à l'attention de la ministre qu'il est aussi essentiel de prendre soin de ses gestionnaires, sans qui cet objectif ne serait pas réalisable.

Or, pour atteindre cet objectif, la ministre entend dégager... et je cite, là, «dégager certaines sommes qu'elle réinjectera dans le réseau de la santé et des services sociaux», fin de la citation. Cela ne devrait pas se faire au détriment du respect des conditions de travail de ses gestionnaires. À notre avis, il faut considérer que le dévouement historique des gestionnaires et leur fierté de faire partie du réseau sont nécessaires à son bon fonctionnement.

La pression exercée sur le réseau de la santé et des services sociaux, accentuée par la mise en oeuvre de la réforme découlant de loi n° 10, a largement été exposée dans l'actualité ces derniers mois. Cette charge est en grande partie portée par les gestionnaires, qui doivent soutenir des équipes en souffrance, et ce, dans une structure qui ne leur permet, bien souvent, que d'éteindre des feux.

Puisque cela est toujours en partie possible, le gouvernement doit reconnaître les erreurs du passé et prendre les actions nécessaires pour réparer les torts causés aux gestionnaires. Il serait outrageux, en ces circonstances, que le gouvernement agisse envers ses employés d'une manière qu'il n'endosserait pas de leur part. Le gouvernement peut-il encaisser les lourdes conséquences d'une démobilisation de ses gestionnaires? L'AGESSS s'oppose vigoureusement à l'adoption du projet de loi n° 7.

Nous souhaitons, à ce moment-ci de notre présentation, vous faire part de deux grandes observations à la lecture de ce projet de loi. Premièrement, la relation d'emploi entre le gouvernement et ses employés. Dans une société régie par la primauté du droit, nous avons une attente légitime que le gouvernement, l'employeur, donne l'exemple et agisse de bonne foi et loyalement à l'égard de tous ses employés en leur démontrant notamment une considération, une bienveillance exemplaire. En contrepartie, il pourra s'attendre à obtenir le respect et l'implication de ceux-ci. La qualité de l'emploi et du travail est au coeur même des préoccupations des gestionnaires du réseau de la santé et des services sociaux. Il en va de même quant au respect de leurs conditions de travail, lesquelles sont notamment prévues au règlement sur certaines conditions de travail applicables aux cadres des agences et des établissements de santé et des services sociaux.

Dans ce contexte, il nous apparaît primordial d'indiquer que le dépôt du projet de loi n° 7 par la ministre de la Santé et des Services sociaux est un exemple éloquent du déséquilibre des forces existant dans la relation d'emploi entre le gouvernement du Québec et ses employés. En effet, plutôt que de respecter le processus judiciaire présentement en cours, le ministère dépose le projet de loi n° 7 pour échapper aux conséquences de ce qui est décrit dans le... du ministère à propos du dépôt du projet de loi comme une erreur commise par le gouvernement libéral. Au lieu d'accepter cette erreur et de se conformer au jugement rendu en faveur de l'AGESSS, la ministre dépose un projet de loi ayant pour objectif, et je cite, «de terminer le travail», fin de la citation. Autrement dit, le ministère, comme employeur, est représentant du pouvoir exécutif du gouvernement, tente d'utiliser le pouvoir législatif de l'Assemblée nationale pour arriver à ses fins. Il est d'ailleurs le seul employeur au Québec qui, devant une décision rendue en sa défaveur par les tribunaux, peut tenter de la contourner ainsi.

Ce qui est en jeu ici, c'est le principe de primauté du droit, qui veut que personne ne soit au-dessus des lois, y compris le gouvernement. Le respect de ce principe est d'autant plus important dans le contexte où le gouvernement se trouve à être aussi l'employeur, comme c'est dans le cas présent.

Nous considérons que l'adoption du projet de loi n° 7 serait inacceptable et qu'elle constituerait une pratique déloyale et irrespectueuse envers les gestionnaires et tous les employés du réseau de la santé et des services sociaux ainsi qu'envers tous ceux qui ont le gouvernement comme employeur.

En définitive, l'AGESSS considère que, pour agir à titre de bon employeur, le ministère devrait renoncer au projet de loi n° 7 et respecter le processus judiciaire présentement en cours. Également, le ministère devrait, à l'avenir, respecter le droit fondamental des membres de l'AGESSS à la négociation collective de leurs conditions de travail.

Comme mentionné par la juge Ouellet au paragraphe 119 de sa décision, les membres de l'AGESSS bénéficient de la protection constitutionnelle de la Charte des droits et libertés de la personne concernant la liberté d'association, ici l'article 2d, laquelle comprend le droit à la négociation collective de leurs conditions de travail. Ce droit est reconnu par la Cour suprême et inclut indubitablement le droit à une consultation véritable préalablement à la modification de conditions de travail de nos membres qui sont prévues au règlement.

Le deuxième élément est le caractère rétroactif et déclaratoire du projet de loi n° 7. Nous devons également déplorer le caractère rétroactif et déclaratoire du projet de loi n° 7, lequel porte atteinte au principe de primauté du droit. En effet, le premier article du projet de loi prévoit la possibilité pour le ministère de porter atteinte au droit acquis des gestionnaires dont le poste a été aboli par l'effet de la loi n° 10, ce qui est source d'injustice. Au paragraphe 105 de sa décision, la juge Ouellet confirme que les articles 135 et 136 de la loi 10 entrent en vigueur à compter du 1er avril 2015. Or, le deuxième article du projet de loi n° 7 fait complètement fi de cette conclusion et impose plutôt l'application de ces articles rétroactivement au 31 mars 2015. Au surplus, le libellé du troisième article du projet de loi n° 7 prévoit que ces dispositions sont déclaratoires et applicables malgré toute décision judiciaire et toute décision d'un organisme de l'ordre administratif exerçant une fonction juridirectionnelle ou non rendue avant l'édiction du règlement visé au deuxième alinéa de l'article 1.

Nous considérons que l'adoption d'une loi déclaratoire à portée rétroactive représente l'exercice d'un droit extraordinaire par le gouvernement et devrait, en conséquence, être une mesure exceptionnelle. Nous sommes d'avis que l'utilisation à la légère de ce type de disposition par le gouvernement pour annuler les jugements en sa défaveur aura un impact négatif sur la confiance des citoyens envers leur système de justice.

Dans le Regard du Barreau du Québec sur l'état de droit de 2012, le Barreau déclare ce qui suit, et je cite...

Le Président (M. Provençal) : Je vais vous demander de conclure, Madame.

Mme Marchand (Chantal) : Donc, merci beaucoup, excusez-moi.

Le Président (M. Provençal)  : Non, il n'y a pas de problème.

Mme Marchand (Chantal) : Donc, je termine en définitive qu'au nom de tous les gestionnaires membres de l'AGESSS nous dénonçons vigoureusement l'utilisation de lois déclaratoires à portée rétroactive, à plus forte raison dans le contexte de la relation d'emploi entre le gouvernement du Québec et ses employés. Cette pratique est inacceptable, car elle exacerbe le déséquilibre des forces existant en matière de relations d'emploi et ne concorde pas avec les valeurs québécoises.

Donc, nous recommandons que la ministre renonce à l'adoption du projet de loi n° 7, que la ministre accepte les conditions du jugement de la Cour supérieure, qu'advenant qu'elle n'accepte pas lesdites conclusions, qu'elle permette au processus judiciaire de suivre son cours devant la Cour d'appel du Québec.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons commencer la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous pour... vous avez 16 min 30 s qui est alloué. À vous la parole.

• (15 h 30) •

Mme McCann : Merci, M. le Président. Merci, Mme Marchand, merci, M. Roy, de votre présence. On vous a écoutés, je vous ai écoutés très attentivement et je suis très contente de pouvoir dialoguer avec vous aujourd'hui.

Je veux vous dire d'entrée de jeu que j'ai oeuvré 30 ans dans le réseau de la santé et des services sociaux, et j'ai été moi-même gestionnaire, gestionnaire de premier niveau, de deuxième niveau, et directrice générale, P.D.G. Les gestionnaires que vous représentez sont vraiment un pilier pour le réseau de la santé et des services sociaux. Je tiens à vous le dire aujourd'hui et je tiens à vous dire que nous allons aussi prendre soin des gestionnaires que vous représentez, vous pouvez compter sur nous, maintenant, et vous dire également que ces gestionnaires jouent un rôle majeur au niveau du réseau de la santé et des services sociaux.

Dans le cadre du projet de loi n° 7, ce dont nous discutons aujourd'hui, il est important de se rappeler qu'il y a eu, dans le processus, une forme d'erreur d'écriture et que l'intention du législateur était claire. Nous arrivons au pouvoir et nous souhaitons corriger cette erreur.

Mais il y a eu aussi une autre erreur dans le processus et qui est importante, et ce que vous avez invoqué, un processus de consultation, et ce processus-là a été évacué lors du dernier dépôt de projet de loi. Il est fondamental que nous vous consultions dans le processus que nous enclenchons aujourd'hui.

Alors, là-dessus, j'aimerais vous entendre sur ce que... votre positionnement par rapport à la consultation que nous enclenchons avec le dépôt du projet de loi n° 7 avec vos associations, votre association. Mme Marchand.

Mme Marchand (Chantal) : Alors, j'entends bien ce que vous me dites, Mme la ministre, et c'est clair que l'AGESSS a toujours voulu s'asseoir pour discuter puis être consultée. Ce que je trouve encore dommage, c'est que vous l'inscrivez dans un projet de loi qui est déclaratoire et, en plus, rétroactif. On aurait pu s'asseoir et discuter avant que tout ça s'écrive, avant que tout ça se mette en place. On a toujours tendu la main. Et ma position demeure la même, c'est que je suis très ouverte à la consultation, et, en plus, ça fait partie de notre processus pour modifier les conditions de travail. Donc, je trouve ça quand même dommage de me retrouver devant un projet de loi... j'entends, puis je lis comme vous, hein, oui, vous allez nous consulter, mais vous l'inscrivez à l'intérieur d'une loi qui est déclaratoire et qui est rétroactive. Donc, c'est sûr que ça n'envoie pas, là, nécessairement le même message, même si j'entends très bien ce que vous me dites aujourd'hui.

Mme McCann : Effectivement, il y aura un règlement, hein, évidemment, suivant le dépôt du projet de loi. On a besoin d'échanger avec vous, de vous consulter, et ce processus-là, pour nous, va être extrêmement important et, je le souhaite d'ailleurs, très riche, très... comment dire, qui va nous amener plusieurs éléments. Donc, je comprends que vous avez une ouverture importante face à ce processus de consultation. Nous allons nous assurer, là, qu'il est complet et que vous aurez vraiment la possibilité d'exprimer, hein, vos intentions, vos souhaits, les positions de vos membres. Alors, évidemment, nous, c'est là-dessus qu'on compte pour vraiment bien procéder dans le cadre du projet de loi n° 7.

Sur la question de vos préoccupations par rapport aux gestionnaires, j'aimerais vous entendre davantage, parce que je veux saisir cette occasion. Vous avez mentionné certains éléments qui me préoccupent par rapport à l'état de situation actuel. Est-ce que vous pourriez élaborer davantage?

Mme Marchand (Chantal) : Écoutez, l'État... Présentement, la préoccupation des gestionnaires, c'est qu'on respecte leurs conditions de travail. Et ceux qui ont quitté... qui n'ont pas quitté mais qui ont eu leur poste aboli au 31 mars 2015 s'attendent à ce qu'on respecte leurs conditions de travail.

Parce que le contexte, présentement, il est difficile, là, la pression est là, c'est rendu des mégas établissements, il y a du multisite, il y a du multitâche, il y a les soutiens administratifs qui ne sont pas toujours au rendez-vous. Mais les gestionnaires qu'on représente, ce qu'ils souhaitent, c'est qu'on respecte leurs conditions de travail. Et ces gens-là, depuis quatre ans, attendent, là, leur droit... tout est cristallisé. Donc, pour nous, c'est important.

Puis je reprends que, oui, la consultation, on va être disponibles pour le faire, mais, quand on regarde à modifier des conditions de travail, habituellement, on le fait pour le futur. On ne fait pas ça de façon rétroactive, là. Donc, je veux réappuyer sur cette nuance-là, là.

Mais, présentement, les gestionnaires, ils travaillent fort, ils n'ont pas quitté du tout le navire depuis quatre ans, je vous le dis, ils sont présents, ils sont là. Ils aimeraient avoir plus d'autonomie décisionnelle, ils aimeraient avoir des moyens pour gérer. Tous ces éléments-là font qu'ils n'ont pas quitté le bateau. Les gens veulent offrir de la qualité des services, ils sont là pour soutenir les équipes, comme je le disais, et, surtout, ils veulent aussi qu'on respecte leurs conditions de travail, comme on respecte les autres employés de l'État, et qu'on ne vienne pas jouer de façon unilatérale dans leurs règlements sans utiliser le chemin qui est obligatoire, c'est-à-dire de s'asseoir avec nous et qu'on discute de ça avant que les choses s'écrivent. Donc, c'est ça que veulent les gestionnaires.

Mme McCann : Mais j'aimerais vous entendre sur votre positionnement, comme évidemment représentante, là, d'un nombre important de gestionnaires. Deux années complètes d'indemnité, deux années complètes d'indemnité de fin d'emploi, il n'y a pas personne d'autre, là, qui a droit à une indemnité de deux ans dans le secteur public. Comment vous vous positionnez par rapport à ça, comment vos membres se positionnent par rapport à ça? Parce que, dans la fonction publique, il n'y a pas personne qui a deux ans. Ça va autour d'un an habituellement, là, l'indemnité de fin d'emploi. Quelle est votre position par rapport à ça, Mme Marchand?

Mme Marchand (Chantal) : Ma position est la suivante : c'est que ça fait des années que ça existe, hein, dans le règlement, là, on pense, à partir de 2001, si mes recherches sont bonnes, là, que le 24 mois existait. C'est clair qu'avec l'arrivée d'un projet de loi n° 10... Puis il faut se rappeler dans quel contexte on a mis aussi ces mesures-là, c'est vraiment dans un contexte où le poste du gestionnaire est aboli, ce n'est pas une prime pour qu'il s'en aille, là. Et, à ce moment-là, c'est sûr que l'arrivée du projet de loi n° 10, avec 1 300 postes qui sont abolis, c'était du jamais-vu, là. Mais je vous rappellerai, Mme la ministre, que, depuis le 1er avril, là, c'est 12 mois qui est versé aux gens dont le poste est aboli, là, depuis le 1er avril 2015.

Donc, quand je parle de tantôt qu'on peut modifier les conditions de travail, ça a été fait à partir du 1er avril 2015. Bon, ça a été fait sans nous consulter, à l'intérieur d'un projet de loi, là, on revient toujours à ce principe-là. Mais il est important, il est important qu'on respecte ce procédé-là. Donc, l'idée, c'est de dire : Ça existait avant, effectivement, puis ça a été modifié, mais les gens qui étaient présents au 31 mars 2015, là, ils veulent qu'on respecte les conditions de travail qui avaient lieu d'être à ce moment-là, au 31 mars.

Mme McCann : Je comprends votre point, mais en même temps, vous voyez bien que j'invoque une forme d'iniquité en termes, là, de l'ensemble des gens qui travaillent dans le secteur public, sans nier, Mme Marchand, que, au contraire, en reconnaissant le rôle important des gestionnaires... Mais il demeure qu'il n'y a pas personne qui a deux années d'indemnité, puis ça représente, quand même, certains moyens budgétaires qui pourraient nous permettre de donner davantage de services aux patients, d'ailleurs, aux patients dont les gestionnaires se préoccupent beaucoup.

Alors, c'est sûr que c'est une question sensible, mais, vraiment, si on reporte à 2015, il y a eu cette erreur d'écriture, l'intention du législateur était assez claire, et il y a cette question de cette différence, cet écart entre les gestionnaires, les conditions de travail des gestionnaires, et l'ensemble des travailleurs du secteur public qui se dévouent, hein, tous, dans le réseau de la santé et des services sociaux.

Alors, et je voudrais vous poser la question : Vous, vous êtes la seule association, là, qui a vraiment... qui s'est positionnée, hein, de la façon dont vous l'avez fait. Il y a deux autres associations qui représentent les gestionnaires, là, dans le réseau de la santé et des services sociaux. J'aimerais vous demander, là-dessus, votre positionnement. Pourquoi l'AGESSS s'est positionnée de cette façon-là?

• (15 h 40) •

Mme Marchand (Chantal) : Bien, l'AGESSS était convaincue, et la Cour supérieure nous a donné raison, qu'on n'avait pas respecté le processus par lequel on voulait modifier les conditions de travail des gestionnaires, là.

Puis, tantôt, vous mettiez et vous me disiez, Mme la ministre, que ça ferait une iniquité, bon, entre les gens qui ont eu 12 mois, ceux qui ont 24 mois, mais, à chaque fois qu'on fait des changements dans les conditions de travail, il y a toujours un avant puis un après, là. Il ne faut pas regarder juste les conditions de travail des gestionnaires de la santé et des services sociaux.

Je veux dire, ils étaient dûment négociés avec le gouvernement, c'était comme ça. Je veux dire, ce n'est pas un cadeau qui était donné aux gestionnaires, ça faisait partie d'un ensemble de conditions de travail, puis, si ma mémoire est bonne, dans les 20 dernières années, il y a certains secteurs qui avaient des sécurités d'emploi. Là, on peut se mettre à regarder toutes les conditions de travail en détail, mais je regarde dans mon secteur et c'est... Dans le réseau de la santé et des services sociaux, c'étaient des conditions qui existaient et qu'on a voulu modifier, mais faisons-le par la voie officielle. Puis c'est très bien inscrit dans le règlement, qu'à chaque fois qu'il y a des modifications de conditions de travail qui doivent être faites, bien, on s'assoit avec les associations qui représentent... par lesquelles aussi vous nous reconnaissez un décret pour se présenter, aux fins de conditions... aux fins des discussions de relations de travail.

Et c'est principalement pour ces raisons-là que l'AGESSS a déposé une requête en jugement déclaratoire. Parce que ce n'est pas la première grande fusion organisation, vous comprendrez, dans les 30... Moi aussi, ça fait 30 années que je suis dans le réseau de la santé et des services sociaux, je suis rendue à troisième, parce que j'étais en poste, moi, en 2015, quand ça s'est passé. Mais, à chaque fois, les gestionnaires étaient des gens que le gouvernement amenait à collaborer, c'étaient des collaborateurs. C'est vos collaborateurs à tous les jours, les gestionnaires. Mais ce qu'il est arrivé avec la loi n° 10, on est devenus des exécutants.

Ça ne marche pas, ça. Et c'est ces valeurs-là, entre autres, et le non-respect d'avoir été consultés pour modifier unilatéralement les conditions de travail qui a fait que l'AGESSS s'est levée, et elle est fière de ça, et elle a pris le chemin des tribunaux, et qu'elle est encore là, là. Nous sommes à la Cour d'appel présentement, et c'est ça, les valeurs, là, qu'on veut défendre.

Mme McCann : Mme Marchand, moi, je veux réitérer que je suis très heureuse que vous alliez vous inscrire dans le processus de consultation qui s'entame avec le dépôt du projet de loi n° 7. Nonobstant, je comprends vos commentaires, mais votre volonté est là, j'en suis très heureuse.

Nous allons travailler ensemble. Et soyez assurée que le rôle des gestionnaires, le rôle important de gestionnaires, qui contribuent à l'offre de services, qui contribuent à la qualité, à l'innovation dans le réseau de la santé et des services sociaux, c'est une valeur qui m'est très chère, qui est très chère au gouvernement actuel et que nous allons poser des gestes concrets pour que ça se réalise et que ça devienne vraiment une culture à nouveau dans le réseau de la santé et des services sociaux.

Je ne sais pas si mon temps est écoulé.

Le Président (M. Provençal)  : Il vous reste 1 min 30s, Mme la ministre.

Mme McCann : Deux minutes. Et, encore une fois, je réitère que je suis certaine que nous avons des valeurs communes aussi, au niveau des soins aux personnes, aux patients, aux citoyens. Et c'est un peu dans cet esprit aussi que nous déposons le projet de loi n° 7, tout en vous disant que nous voulons aussi prendre soin des gestionnaires et nous allons vraiment nous assurer que le processus de consultation va être fait dans les règles de l'art et que, pour nous, les gestionnaires, et notre gouvernement, et notre ministère, ça sera un nouveau départ, sur de nouvelles bases, dans un nouveau cycle. Alors, nous allons évidemment faire ce passage. Nous allons le faire ensemble de la façon la plus constructive possible. C'est ce que nous souhaitons, l'équipe du ministère aussi, le sous-ministre en titre, l'équipe entière du ministère, le gouvernement. Et ça nous donne, aujourd'hui, l'occasion, dans un cadre spécifique, mais de vous dire notre volonté vraiment de travailler avec vous et de vous écouter, de vous entendre sur l'ensemble de la gestion du réseau de la santé et des services sociaux.

Alors, je vous remercie aussi d'avoir répondu clairement, je pense, là, à mes questions, et donc on va poursuivre la discussion, et nous aurons l'occasion certainement de nous revoir dans le futur.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, Mme la ministre. Je cède la parole au représentant de l'opposition officielle. Vous disposez de 11 minutes pour vos échanges. M. le député de Pontiac, à vous la parole.

M. Fortin : Merci, M. le Président. Bonjour. Bonjour, Mme Blanchard. Bonjour, M. Roy. Merci évidemment d'être avec nous pour nous partager votre point de vue par rapport au projet de loi n° 7, qui évidemment a un impact important sur plusieurs de vos membres. Et j'écoutais la ministre échanger avec vous et, peut-être, lors de sa conclusion, il y a peut-être quelque chose que moi, j'ai mal saisi, mais que peut-être que vous avez compris ça différemment.

D'abord, d'entrée de jeu, je vous dirais, peu importent les lignes de parti, peu importent les députés qui sont ici, les formations politiques qu'ils représentent, je pense que tout le monde apprécie travailler avec leurs cadres du réseau de la santé. C'est pas mal les gens les plus importants avec lesquels on fait affaire pour comprendre ce qu'il se passe dans le réseau de la santé chez nous de façon régulière. Qu'on soit au Saguenay—Lac-Saint-Jean, qu'on soit à Montréal, en Outaouais ou ailleurs, c'est des gens avec qui on parle de façon régulière. Et on a besoin d'avoir un lien régulier et de confiance, jusqu'à un certain point, là, avec ces gens-là. Alors, quand la ministre dit que c'est important d'avoir cette relation-là, bien, je pense que tout le monde, en tant qu'élus, on partage tous un peu cette perspective-là.

Maintenant, la ministre a fait référence au processus de consultation, comme quoi c'était important d'avoir votre perspective dans le processus de consultation. Mais moi, je comprends que vous êtes ici pour parler du projet de loi n° 7, pour parler de vos attentes, pour parler de votre perspective. Mais il y a-tu un autre processus de consultation que je n'ai pas compris ou est-ce qu'on parle... Est-ce que c'est pas mal votre seule opportunité de parler du projet de loi n° 7, là?

Mme Marchand (Chantal) : Dans le fond, dans le règlement, on a un article qui parle qu'effectivement il y a un comité consultatif des relations professionnelles qui existe et qui doit être utilisé quand on souhaite modifier les conditions de travail des gestionnaires.

M. Fortin : Donc, vous, vous attendez à ce que ce soit évidemment utilisé de façon régulière, de façon constante, de façon...

Mme Marchand (Chantal) : L'historique nous a montré, avant l'arrivée du dépôt du projet de loi n° 10, que c'était utilisé, là.

M. Fortin : Très bien.

Mme Marchand (Chantal) : Oui.

M. Fortin : Vous avez fait référence, dans votre présentation, au fait que c'était important, si on veut, comme le gouvernement l'a dit, prendre soin des gens, prendre soin des Québécois, prendre soin des malades, et ça, c'est l'objectif de n'importe quel gouvernement, je croirais, mais qu'il faut prendre soin des gestionnaires.

Mais, aujourd'hui, vous êtes ici pour faire une représentation par rapport aux gestionnaires qui ne sont plus nécessairement dans le réseau. Si je comprends bien, il y en a une grande partie, là, des gens qui sont affectés par ça, et il y en a peut-être qui sont revenus dans le réseau, il y en a peut-être... mais, pour la plupart, leur poste, en 2015, a été aboli. Donc, quand vous dites : Bien, ce sont des gens qui prennent soin des Québécois, il y en a-tu beaucoup qui sont revenus sans le réseau? Avez-vous une statistique là-dessus? Ou comment... et quel est le lien que vous voyez entre les gens dont le poste a été aboli et leur capacité de prendre soin des Québécois aujourd'hui?

• (15 h 50) •

Mme Marchand (Chantal) : Dans le fond, dans les 1 300 postes qui ont été abolis, les gens avaient trois choix. Ils pouvaient être replacés, mais ils pouvaient aussi prendre l'indemnité de fin d'emploi ou le congé préretraite. Donc, il y a des gens qui sont restés dans le réseau.

Quand vous me parlez que c'est vrai que les postes abolis au 31 mars, ça a touché un groupe de personnes, ces gens-là se doivent de s'assurer, et c'est pour ça qu'il y a un processus judiciaire aussi, que leurs conditions de travail soient respectées. Mais il y a tous ceux qui ont observé ça depuis 2015, qui sont restés dans le réseau, qui ont été touchés par les réorganisations subséquentes, puis il y a tous ceux surtout qui voudraient peut-être venir travailler comme gestionnaires dans le réseau de la santé et des services sociaux puis qui se disent : Ils sont drôles, eux autres, dans ce ministère-là, ils modifient littéralement les conditions de travail sans consulter les gens.

Je veux dire, il y a tout cet aspect-là. Ça n'a pas touché tout le monde, parce qu'on touchait les gens administratifs, mais c'est l'image et l'impact que ça a, là. C'est ça que je trouve qu'il ne faut pas du tout perdre de vue puis s'assurer qu'on ait le même traitement. Donc, les gens, au 31 mars — puis je vais le répéter — les gens, au 31 mars, ils avaient des conditions de travail dûment négociées, et c'est ça qu'il faut respecter. Puis, quand on veut les modifier, on s'assoit au comité consultatif puis on s'assoit avec les associations qui sont représentantes, on fait une relation de travail. C'est ça qu'on doit faire et c'est ça qui n'a pas été fait.

M. Fortin : Vous parlez des gens qui sont à l'extérieur du réseau qui voudraient peut-être devenir cadres dans le réseau, là. Quand on a un projet de loi comme celui qui est déposé aujourd'hui par la ministre, disons, est-ce que... Ce que vous êtes en train de nous dire, là, c'est que ces gens-là, ils hésitent à venir travailler dans le réseau parce qu'ils pensent que la ministre pourrait modifier les conditions de travail à n'importe quel moment. C'est ça que vous êtes en train de dire? Je veux juste bien comprendre, là, parce que ce n'était pas 100 % clair pour moi.

Mme Marchand (Chantal) : Mais ça envoie ce message-là. Les gens qui nous observent... Parce que les gens de l'éducation, les gens de la fonction publique, les autres associations de gestionnaires, ils observent ça, là, ce qu'il se passe, là. Les gestionnaires aussi qui sont peut-être en comptabilité présentement dans une compagnie privée et qui se disent : Je pourrais peut-être devenir chef comptable au niveau de la santé et des services sociaux, ils observent ce qui se passe aussi, ils les lisent...

M. Fortin : Alors, quand la... Excusez-moi. Terminez votre pensée.

Mme Marchand (Chantal) : Oui. Donc, ils les lisent, ces informations-là. Et on va devoir... Ce qui est triste, c'est que, depuis quelques années, la fierté de travailler dans le réseau de la santé et des services sociaux, là, elle s'effrite, elle s'effrite, par les gestionnaires, par les employés. On peut-u retrouver cette fierté-là de travailler dans le réseau de la santé et des services sociaux? Mais ça va partir aussi par des gestes simples, mais celui aussi de respecter les conditions de travail des gestionnaires, comme on respecte les conditions de travail de tous les autres emplois. S'il fallait aller jouer dans les conventions collectives sans s'asseoir avec les syndicats... Oh «boy»!

M. Fortin : La ministre, tantôt, vous a posé la question : Est-ce que vous reconnaissez que deux ans, c'est pas mal plus que n'importe qui d'autre dans, disons, la fonction publique? Il n'y a pas grand monde qui a ça. Donc, là, si les gens... Parce que, depuis le 1er avril 2015, là, c'est un an. Les gens qui arriveraient dans le réseau... Tu sais, si votre argument, c'est : Bien, il pourrait se passer n'importe quoi par rapport à une indemnité de départ, et ça retient quelques personnes de se mettre dans le réseau, la ministre dit : Bien, deux ans, c'était peut-être excessif, là on ramène ça à quelque chose de plus normal, pensez-vous vraiment qu'elle changerait un an, alors que c'est, disons, plutôt la norme partout ailleurs?

Mme Marchand (Chantal) : Bien, c'est déjà changé, c'est...

M. Fortin : Oui, mais passer à moins qu'un an? Parce que, si vous nous dites : Bien, les gens hésitent à cause qu'il peut modifier les conditions de travail un peu n'importe quand, un peu n'importe comment, ce que les gens disent, c'est qu'ils ont peur que ça devienne moins qu'un an, c'est ça?

Mme Marchand (Chantal) : C'est parce que, là, on pointe les indemnités, mais il y en a beaucoup d'autres, conditions de travail. Ce que je veux dire, c'est qu'il y a un processus à respecter, et, si on modifie ça sans consulter puis de façon rétroactive, bien, ça envoie ce message-là aussi à ceux qui pourraient venir travailler puis qui sont peut-être dans des... surtout dans les situations où leur contrat de travail, on les respecte là-dedans, là.

M. Fortin : O.K. Le communiqué de la Coalition avenir Québec, là, quand... ou du gouvernement, en fait, là, quand ils ont déposé le projet de loi — et je sais que vous l'avez lu, parce que vous y avez fait référence dans votre mémoire, là — dans les faits saillants, c'est marqué : «Ce projet de loi comporte de nombreux avantages pour le réseau de la santé et des services sociaux, notamment de consacrer davantage d'énergie et de temps à l'amélioration des conditions de travail des cadres actuellement en poste dans le réseau de la santé et des services sociaux», les gens que vous représentez. Le voyez-vous, ce lien-là? Et avez-vous senti, disons, justement qu'on passe davantage de temps pour améliorer les conditions de travail des cadres existants en ce moment? Avez-vous senti ça de la part du gouvernement?

Mme Marchand (Chantal) : Bien, il faut le faire dans le processus de consultation. Donc, depuis le 1er octobre, oui, il y a des discussions. On avait déjà des travaux qui étaient...

M. Fortin : Entamés, oui.

Mme Marchand (Chantal) : ...entamés. Mais ce que je comprends de ce fait saillant là, c'est de... quand on dit : Consacrer davantage d'énergie, les gens en poste, mais il ne faut pas oublier que les gens en poste d'aujourd'hui, c'est ceux qui vont quitter demain, aussi. Donc, il faut s'assurer qu'on respecte les conditions de travail en tout temps.

M. Fortin : Une dernière question de ma part. Vous avez parlé de la fierté de travailler dans le réseau. Une des choses qui fait en sorte qu'on peut être fier de travailler dans le réseau, c'est d'avoir les budgets nécessaires pour améliorer les conditions de vie ou... les conditions de vie des malades, des Québécois, des gens qui passent par le réseau de la santé.

Avez-vous une attente particulière? Demain, c'est une grande journée, avez-vous une attente particulière par rapport à ce qui s'en vient? 4 %, 5 %, 6 %, 7 %? Qu'est-ce qui vous permet, justement, d'avoir un petit peu plus de fierté, comme vous l'avez dit, puis d'avoir les moyens nécessaires d'améliorer les conditions des gens?

Mme Marchand (Chantal) : Quand je faisais référence au passé, là, elle n'est pas complètement disparue, la fierté, là. Mais je me souviens... puis ça va être très personnel, là, comme réponse, là, mais je me souviens comment j'étais fière à l'époque de me dire et de voir qu'on avait des... je veux dire, on participait au projet de changement qui se faisait au niveau des établissements, on était consultés, on avait des mandats avec des délais qui étaient respectables, ce n'était pas à la dernière minute tout le temps, on pouvait utiliser notre créativité et on était fiers des choses qu'on réalisait pour donner un meilleur service à la population.

Mais, depuis le 1er avril 2015, c'est difficile, tout ça. C'est rendu des mégastructures. Et, quand je vous dis que les gestionnaires du réseau de la santé et services sociaux, ils souhaitent avoir les moyens pour gérer, ils veulent avoir une autonomie décisionnelle, et ça, ça s'est... comment je dirais ça, effrité dans le temps, là. Et c'est ça qu'on souhaite, là, ce n'est pas juste de l'argent.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Les échanges se poursuivent avec le représentant du deuxième groupe d'opposition, le député de Jonquière. 2 min 45 s, excusez.

M. Gaudreault : Pardon?

Le Président (M. Provençal)  : Pour 2 min 45 s.

M. Gaudreault : O.K. Merci, M. le Président. Merci beaucoup d'être ici.

Moi, ce qui me révolte, c'est que, dans le fond, on est en train d'essayer de remettre la pâte à dents dans le tube d'une réforme qui a été mal foutue puis bâclée. Quand je lis votre rappel des faits, là, le 5 novembre 2014, vous étiez rassurés par le ministre, qui disait qu'il n'y aurait... le projet de loi n° 10 n'aurait pas d'effet sur les conditions de travail. Vous avez eu un autre rappel le 2 décembre 2014. Puis là on est là puis on est tous un peu pognés à travers ça parce que le travail a été mal foutu à ce moment-là, puis ils vous ont fait des fausses représentations. Mettez-vous à notre place, là, on se retrouve là, là, puis on essaie de... pourtant... puis on l'a décrié 1 000 fois, le projet de loi n° 10, là, à ce moment-là.

C'est ça qui est enrageant, d'autant plus qu'il faut avoir un énorme respect envers les cadres du réseau de la santé, les cadres du... bien, il faut avoir un respect envers tous les employés de la fonction publique, mais en particulier les cadres du réseau de la santé parce qu'on vous a demandé de vous revirer sur un 10 cents pour organiser un mégasystème, mégaréseau, comme vous venez de le dire, alors qu'il était plus décentralisé avant. Dans les régions, on le sent. Moi, j'ai un établissement hospitalier dans ma circonscription, là. Je n'ai même plus de D.G., là. Je ne sais plus à qui parler, là. Je suis obligé d'appeler, moi, comme député, là, le P.D.G. du CIUSSS du Saguenay—Lac-Saint-Jean pour avoir un peu de nouvelles sur comment ça se déroule dans l'établissement dans mon comté, là, et ce n'est pas grand, là, alors qu'avant j'avais une réunion à peu près aux deux, trois mois avec le D.G. de l'hôpital de Jonquière pour savoir comment ça allait dans l'établissement. C'était de la proximité. Bon. Alors, c'est assez choquant.

Sur les... moi, je veux savoir... puis je n'ai pas beaucoup de temps, vous avez entendu ça. Sur les 1 300 postes de gestionnaires qui ont été abolis, il y en a combien réellement qui ont quitté le réseau, soit qu'ils ont pris leur retraite ou qu'ils sont allés ailleurs, sur les 1 300?

Mme Marchand (Chantal) : Je n'ai pas le chiffre exact, là, parce que moi, je peux parler des membres que je représente, là. Donc, moi, de ce que j'ai vu des membres qui étaient justement membres de l'AGESSS au 31 mars, là, je dirais que sur... il y a possiblement, je dirais, un 30 % qui est resté, puis l'autre 70 %, bien, il se divise en un deux tiers de... les gens qui sont partis, qui ont pris le congé préretraite, puis un tiers que les gens ont demandé de quitter le réseau.

• (16 heures) •

M. Gaudreault : Pour votre association...

Mme Marchand (Chantal) : Pour les membres que je représente.

M. Gaudreault : Ça veut dire, ça fait combien? Combien de personnes à peu près, là?

Mme Marchand (Chantal) : Là, qu'est-ce que je vous ai...

M. Gaudreault : 70 %, 30 %, oui... non, mais...

Mme Marchand (Chantal) : Oui, dans le fond, je regarde, 70 % de... peut-être, ceux qui ont quitté, c'est peut-être... ah! mon Dieu, vous me demandez... je ne suis pas une comptable, là...

M. Gaudreault : Vous nous l'enverrez, vous pourrez vérifier.

Mme Marchand (Chantal) : Oui, c'est ça. Je ne veux pas vous répondre, là, toutes sortes de choses.

M. Gaudreault : Mais, d'ici quelques jours, envoyez-nous ça.

Mme Marchand (Chantal) : Oui, parfait, j'en prends bien note.

M. Gaudreault : Merci.

Le Président (M. Provençal)  : On termine cet échange avec le député de Jean-Lesage, représentant du troisième groupe d'opposition. À vous la parole.

M. Zanetti : Merci. Est-ce que vous pouvez nous dire un peu quelles sont les conséquences prévisibles, selon vous, pour les autres travailleurs et travailleuses du domaine de la santé si le projet de loi n° 7 est adopté tel quel?

Mme Marchand (Chantal) : Les conséquences?

M. Zanetti : Oui. Qu'est-ce que ça aura comme conséquence qu'on dise, bien, pour les cadres, on va faire une loi déclaratoire rétroactive?

Mme Marchand (Chantal) : Je vous répondrais bien simplement qu'on envoie le message qu'on ne respecte pas les conditions de travail d'un groupe, qui est les employés qui sont les gestionnaires. Puis ça brise le lien de confiance aussi parce que c'est un contrat de travail que les gestionnaires ont, comme tout employé qui travaille dans le réseau de la santé et des services sociaux. Donc, oui, effectivement, ça peut envoyer un message d'un bris de confiance.

M. Zanetti : Et est-ce que c'est déjà arrivé, à votre connaissance, qu'on procède de cette façon-là pour modifier les conditions de travail des cadres en santé?

Mme Marchand (Chantal) : Non, c'est la première fois, et c'est pourquoi L'AGESSS a déposé un jugement déclaratoire au mois d'avril 2015 pour dénoncer cette situation-là.

M. Zanetti : Et le précédent que ça crée, est-ce que vous pourriez le décrire?

Mme Marchand (Chantal) : Celui de déposer...

M. Zanetti : Bien, si le p.l. n° 7, le projet de loi, est adopté tel quel, qu'est-ce que ça va avoir comme conséquence, ce précédent-là, au fond, pour l'avenir?

Mme Marchand (Chantal) : Bien, ce que je trouve qu'il envoie comme message, comme précédent, c'est... c'est que le ministère, le gouvernement étant l'employeur dans la situation, quand il est face à un jugement qui est en sa défaveur, bien, vu qu'il est le législateur, il peut utiliser ce pouvoir-là. Donc, comme je le disais, c'est un déséquilibre au niveau, là, des relations entre un employé puis un employeur, là, à ce niveau-là. Et c'est le seul employeur au Québec qui peut faire ça, là.

M. Zanetti : Est-ce que j'ai encore du temps?

Le Président (M. Provençal)  : Une dernière question.

M. Zanetti : Est-ce que, dans un scénario où on laisserait le processus judiciaire suivre son cours, que le p.l. n° 7 serait retiré, puis qu'on remettrait ce projet-là à plus tard, de diminuer l'indemnité de départ des cadres, mettons, là, est-ce que vous seriez ouverts, ouvertes à négocier, peut-être à la baisse, l'indemnité de départ des cadres dans la santé?

Mme Marchand (Chantal) : Bien, l'indemnité, elle est déjà réduite à partir du 1er avril 2015, là, dans le projet de loi n° 10, elle est déjà là, là. Nous, on parle des gens au 31 mars 2015, là, et eux avaient cette indemnité-là qui était dans leurs conditions de travail au 31... 2015. Donc, ce qu'on demande, c'est que ça, ça soit respecté.

M. Zanetti : Je comprends. C'est tout, merci.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Je remercie les deux représentants de l'Association des gestionnaires des établissements de santé et de services sociaux pour leur contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 4)

(Reprise à 16 h 7)

Le Président (M. Provençal)  : Je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Association du personnel d'encadrement du réseau de la santé et des services sociaux. Vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter puis à commencer votre exposé. À vous la parole.

Association du personnel d'encadrement du réseau
de la santé et des services sociaux (APER)

Mme Chiquette (Anne-Marie) : Bonjour, M. le Président. Alors, je suis Anne-Marie Chiquette, avocate senior à l'APER santé et services sociaux. Je travaille auprès des cadres du réseau de la santé et des services sociaux pour et avec eux, je dirais, depuis 30 ans. Je suis accompagnée ici par un cadre actif, notre président, M. Armando Taddeo.

Alors, l'APER est une association de cadres, comme l'AGESSS, qui représente les cadres du réseau de la santé depuis 47 ans. Nous accompagnons les cadres depuis 47 ans parmi la multitude de réformes que nous avons vécues. Je peux dire que l'ancienne réforme, la dernière réforme, le ministre n'était pas plus créatif que les autres — il fusionne des bâtisses, il coupe des cadres, ça a toujours été ça — à l'exception de M. Rochon, qui a demandé aux syndiqués et aux cadres de quitter le réseau — en 1997, les retraites assistées — mais qui a bonifié les retraites de façon équivalente pour l'ensemble de son personnel dans le réseau, les cadres et les syndiqués.

Le projet de loi n° 7, comme vous pouvez voir, on a fait la liste, puis j'aimerais vous expliquer, parce que je vais parler des vraies choses. Je vais sur le terrain, puis ce n'est pas beau, O.K.? Des cadres, c'est comme vous autres, les élus. Je vais vous le lire. Hein, c'est un groupe monolithique pour la population. C'est des élus, c'est des cadres. Ils font des heures de fou, ne sont pas payés pour le temps supplémentaire, ils sont sous-payés pour les heures qu'ils font, ils ont des valeurs et veulent faire une différence. Ils sont attaqués par les médias, ils ne sont que très rarement félicités ou reconnus pour tout le travail qu'ils font, et leur emploi aussi est précaire d'une élection à l'autre parce que, quand on change de ministre de la Santé, on a un risque d'avoir une réforme et des abolitions de poste de cadre.

• (16 h 10) •

Les cadres sont régis par un règlement de conditions de travail qui est d'ordre public, décision Richardson de la Cour d'appel. Donc, c'est au même titre que la loi des normes, c'est un règlement de conditions de travail qui est d'ordre public. Le règlement prévoit qu'on ne peut pas négocier... n'est-ce pas, on ne peut pas utiliser le mot «négocier» pour les cadres avec le gouvernement. Mais le règlement prévoit que les cadres doivent être consultés en ce qui concerne leurs conditions de travail.

Alors, il y a deux erreurs dans la loi n° 10. La première, c'est que les cadres n'ont pas été consultés, et on a coupé de moitié les modalités, ce qu'on appelle les mesures de stabilité d'emploi lorsque les postes de cadres sont abolis. Ils n'ont pas été consultés. Il y a eu une erreur d'écriture, et l'AGESSS est allée en demande de jugement déclaratoire et a eu gain de cause. Mais c'est une succession de décisions pour les cadres. J'aimerais vous rappeler, si vous ne le savez pas, qu'en 2003 plusieurs associations de cadres du gouvernement, que ce soient des ministères, la Société des alcools, les cadres de la santé, l'éducation, ont déposé une plainte au Bureau international du travail en 2003. Je ne vais pas vous lire la décision. Je vais vous l'expliquer. Mais avant, hein, ça, c'est toutes les modalités qu'ont suivies les différentes associations de cadres depuis 1977 pour avoir exactement le même exercice de pouvoir négocier leurs conditions de travail et de rémunération comme nos employés syndiqués.

Alors, la plainte a été déposée officiellement le 18 mars 2003. Le 9 avril 2003, le BIT a demandé au gouvernement du Québec d'avoir sa position. Pas de réponse. Juillet 2003, même chose, le BIT n'a pas de réponse du gouvernement du Québec. Décembre 2003, la même chose. Février 2004, même chose. Les associations demandent au gouvernement de l'époque de donner sa position. 2004, avril 2004, le conseil d'administration du BIT vient dire : Dans les cas n°s 21.11 et 22.57... 21.11, c'est le Pérou, 22.57, c'est le Québec. Le comité observe que, en dépit du temps écoulé depuis le dépôt de la plainte ou le dernier examen du cas, il n'a pas reçu les observations des gouvernements concernés, leur position. Finalement, le gouvernement du Québec a envoyé sa position, et le BIT a rendu sa décision en novembre 2004 et a dit au gouvernement du Québec de modifier le Code du travail afin que les cadres puissent négocier leurs conditions de travail et de rémunération. Il n'y a rien qui a été fait, mesdames et messieurs.

En janvier 2015, la Cour suprême du Canada, notre plus haute cour, a rendu une décision qui vient dire qu'en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne les policiers de la police montée, qui ne font pas partie du Code du travail et qui ne peuvent pas, comme nous, négocier leurs conditions de travail et de rémunération, la Cour suprême est venue dire : Ça ne suffit pas, juste de consulter, il faut qu'il y ait une négociation véritable. Pourquoi nous, en 2019, les cadres du gouvernement, les cadres du réseau de la santé et des services sociaux... ne peuvent pas négocier leurs conditions de travail et de rémunération? Qu'est-ce que ça a amené? Il y a quelqu'un qui posait la question. Le pendant, ça a amené la réforme Barrette, où on n'a pas été consulté, où, de toute façon, les médias ne prendraient pas fait et cause pour nous, parce que c'est des cadres, puis ce n'est pas grave.

J'aimerais juste vous dire la violence... j'étais là, j'étais sur le terrain, à rencontrer des cadres qui avaient un choix à faire dans l'espace de 30 jours. C'est d'une violence inouïe. Ceux qui l'ont vécu, on va toujours s'en souvenir.

Je vais juste vous donner une idée de l'ampleur de la réforme... Quand M. Gaudreault parlait, tout à l'heure, de la grosseur des établissements... Ne bougez pas... Oui. Dans Pontiac, M. Fortin, six de l'Outaouais, sept hôpitaux, dont un en santé mentale, 19 CLSC, 16 CHSLD, centres d'hébergement pour les personnes âgées, 19 centres de réadaptation, 10 Centres jeunesse et de réadaptation pour les jeunes, une maison de naissance, deux maisons de soins palliatifs, 51 cliniques et GMF, un centre multiservice, deux centres administratifs, 9 312 employés, sans compter médecins, résidents, étudiants, stagiaires, consultants, contractuels et 1 400 bénévoles. Il faut que quelqu'un les encadre. C'est immense. Vous avez un MBA; en termes de gestion, ce n'est pas gérable, c'est beaucoup trop gros, on est beaucoup trop loin de nos citoyens, de nos usagers, de nos patients.

La réforme a été faite de façon inouïe. Le ministre n'a pas consulté, c'était sa première erreur. Ça a été corrigé par la juge Ouellet, qui a suivi la décision de la Cour suprême en disant : Ce n'est pas juste de dire qu'il y a de la consultation, puis ce n'est pas juste de dire qu'on apprécie nos cadres, mais, encore, il faut que les bottines suivent les babines.

Quand vous trouvez que c'est beaucoup, 24 mois, nous autres, on travaille avec les médecins. Ils sont les plus hauts salariés... salariés, pardon, j'aimerais... j'aimerais qu'ils soient salariés... ce sont les plus haut payés au Canada. Ils ont des primes jaquettes, ils ne l'ont plus maintenant, mais c'est plusieurs millions de dollars pour mettre une jaquette ou pour arriver à l'heure. Mes cadres, quand ils ont à se déplacer, c'est 0,43 $ du kilomètre. Nos amis médecins, c'est 0,96 $. O.K.? Les syndiqués, nos employés, sont sécuritaires. Leur poste est aboli, ils s'en vont chez eux, payés plein salaire, jusqu'à tant qu'on leur trouve une job. Les cadres de tous vos ministères ont la sécurité d'emploi. Quand on parle du Club Med puis quand on parle des tablettes, avec tout le respect que j'ai pour ces gens-là, bien, c'est aux ministères, c'est dans les ministères.

Dans mon secteur à moi, j'ai des mesures de stabilité d'emploi, et le 24 mois, c'était un «buffer», hein, pour ne pas qu'on diminue les conditions de travail, pour qu'on arrête d'abolir les postes de cadres à chaque fois qu'il y a une réforme. Le 24 mois, les syndiqués ont près de 60 millions en libérations syndicales. Mon président, ici, il a pris une journée de vacances. Alors, il faut se comparer dans notre secteur.

Puis l'autre chose qui est très, très, très importante, ici, c'est le fait...

Le Président (M. Provençal)  : Dernier mot, madame.

Mme Chiquette (Anne-Marie) : ...qu'on n'a pas été consultés. On n'a pas été consultés avec M. Barrette, et le projet de loi n° 7 ne nous donne pas un droit de consulter, on l'a déjà. Le projet de loi n° 7 nous enlève nos conditions de travail, et, pour les gens et les cadres qui sont sur le terrain, c'est encore un autre affront.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, madame. Je vous remercie. Et nous allons initier la période d'échange avec Mme la ministre. La parole est à vous.

Mme McCann : Merci, M. le Président. Merci, Mme Tiseo Duarte.

Une voix : ...

Mme McCann : Pardon?

Mme Chiquette (Anne-Marie) : Mme Chiquette.

Mme McCann : Ah! Chiquette. Ah! excusez-moi. Je m'excuse, je me suis trompée. Mes excuses, Mme Chiquette, Me Chiquette.

Alors, oui, je vous ai écoutée attentivement. Bien, d'entrée de jeu, je peux vous dire que le cycle que nous entamons, il n'y aura pas de réforme de structure, il n'y en aura pas. C'est une réforme d'accès aux services, et c'est une réforme qui va faire en sorte qu'on va prendre soin de notre personnel et de nos gestionnaires aussi. Je voulais vous le dire d'entrée de jeu parce que c'est important de donner ce message à l'ensemble du réseau de la santé et des services sociaux et de faire suivre ça, évidemment, avec des gestes concrets. On a déjà débuté.

Sur la question qui nous occupe aujourd'hui, moi, je voudrais vous poser une première question, à savoir : Pourquoi votre association n'a pas contesté l'intention du législateur? Pourquoi vous avez pris cette position? J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Chiquette (Anne-Marie) : À l'époque, ce n'était pas Mme Marchand qui était présidente de l'AGESSS, c'était M. Yves Bolduc — pas le ministre, l'ancien ministre — et nous nous sommes rencontrés pour avoir des actions communes parce qu'on voyait la violence et l'acharnement à l'égard des cadres, hein? Quand on parle de la réforme, c'est une chose, mais, par la suite, même des gens de vos ministères trouvaient que le ministre pensait qu'ils étaient des poules pondeuses, à force de faire des demandes aux établissements. Les premiers six mois, ça a été l'enfer. Les demandes étaient quotidiennes.

Alors, nous avons rencontré l'AGESSS. Parce qu'il n'y avait plus de représentants patronaux non plus, là. Il a tout éliminé. Tout ce qui pouvait être, hein, un contre-pouvoir n'était plus là. Et la finalité de travailler en commun, à l'époque, avec le président, était à l'effet que l'APER ne devait plus exister. Il ne devait y avoir qu'une seule association. Alors, nous avons décidé de ne pas nous joindre à cette poursuite-là et d'en avoir plusieurs. Mais ça ne nous empêche pas d'avoir, par la suite, travaillé en collaboration avec l'AGESSS par rapport à cette décision-là, qui est tout à fait fondée en droit, là.

• (16 h 20) •

Mme McCann : D'accord. J'aimerais vous demander aussi votre position, en fait, vous demander... parce que, vous, vous êtes juriste, donc, votre compréhension de la différence entre le contenu du projet de loi n° 160 et le projet de loi n° 7.

Mme Chiquette (Anne-Marie) : Bien, essentiellement, c'est à peu près la même chose. C'est du copier-coller. Vous nous dites : Bien là, on ne paiera pas le 200 millions ou, «whatever», le montant, là, parce qu'il y a des cadres qui sont quand même revenus après le délai de 24 mois où ils ne pouvaient pas être dans le réseau. Puis vous nous donnez le droit d'être consultés. Bien, on est déjà consultés puis on avait déjà commencé des consultations pour la modification du règlement des conditions de travail en juin 2015 avec la prémisse de dire : On ne modifie pas encore, on ne réduit pas encore. On est sortis de ces négociations — ce n'est pas des négociations, je ne peux pas utiliser... — de ces consultations-là avec le ministère en janvier 2018, parce que le ministère avait décidé qu'il réduisait encore.

Des consultations, là, je ne négocie pas. Je n'ai pas de pouvoir. Je peux essayer d'amener des éléments terrain pour essayer de convaincre que ça serait mieux de cette façon-là, mais je ne suis pas en train de négocier. Mes cadres ne vont pas aller faire la grève, ne vont pas être dehors à faire du piquetage. Donc, si le gouvernement veut changer quelque chose, même si je suis assise à la table, il va le changer comme il va vouloir. Il faut que ça soit une consultation véritable en respect de vos engagements internationaux à l'effet qu'on a une liberté d'association et une liberté de... la capacité de négocier nos conditions de travail.

Donc, vous ne nous donnez rien, Mme McCann. Au contraire, l'impact que votre loi a malheureusement... Parce qu'effectivement vous pouvez dire : Ah! bien, c'est juste ceux qui sont partis qui ont l'argent. Ce n'est pas juste ça. Les mesures de stabilité d'emploi ont été attaquées aussi. Le replacement a été aussi attaqué dans ces modalités-là. Et c'est globalement... Les cadres sont tannés qu'unilatéralement on change leurs conditions de travail. On l'a fait avec la réforme puis on n'a pas arrêté après. On recevait des petites lettres : Il n'y a plus de prime de disponibilité. Vous devez être disponibles 24 heures sur 24, 365 jours par année, à part vos vacances. On va couper une semaine de vacances. Il n'y a plus de temps supplémentaire. La semaine de vacances... La semaine qui était payée pour le temps supplémentaire fait par les cadres, hein, ça, c'est enlevé. Telle chose était enlevée. C'était constant.

Alors, ils sont rendus... Moi, je fais des estimations de rente à tous les jours. Hier, Mme McCann, j'ai parlé à un cadre qui a fait une tentative de suicide la semaine passée à cause de son travail, un cadre qui est en arrêt de travail, qui a une quarantaine d'années. Son personnel l'a appelé : Reviens, reviens, c'est le bordel. Une autre cadre qui a été forcée d'être mise en arrêt de travail — ça, c'est hier — en arrêt de travail par son spécialiste, son médecin de famille. Elle ne voulait pas arrêter. Un groupe de cadres qui est venu me rencontrer parce que leur patron, il dit : Bien, tu sais, on recommence. On va abolir des postes. On va changer la structure.

Pouvez-vous juste leur laisser faire leur travail auprès des employés et de la population? Il n'y a aucun, aucun modèle de gestion qui est parfait. On l'a essayé en 40 ans. On les a tous essayés.

Mme McCann : Mais vous me donnez quand même l'opportunité de vous dire que, pour la première fois, et je sais de quoi je parle parce que j'ai été dans le réseau pendant 30 ans, la première fois depuis, des décennies — il y a eu peut-être une exception — on ne sera pas dans une réforme de structure et on va s'occuper du personnel, des gestionnaires puis on va s'occuper de l'accès aux services. Ça va être ça pendant quatre ans.

Mme Chiquette (Anne-Marie) : Je suis contente de l'entendre.

Mme McCann : Donc, Me Chiquette, oui. Bien, je suis contente que vous soyez heureuse de ça. D'ailleurs, c'est... J'appuie sur le message, j'appuie constamment sur le message. Parce que ça n'a pas été ça pendant certainement les quatre dernières années.

Et autre chose que je veux vous dire, on dit que le ton a changé. Oui, le ton a changé, mais c'est plus que le ton qui a changé. C'est l'approche qui a changé. Et il faut absolument que vous compreniez que, quand on parle de consultation, quand on parle de discussion, on veut dire ce qu'on veut dire. C'est une consultation, une discussion des deux côtés, et que, là, nous, on est un nouveau gouvernement, on a une nouvelle approche, on a beaucoup d'écoute. Il faut qu'on soit, évidemment, aussi à l'écoute de notre population, des besoins, comme vous. Comme vous, les gestionnaires sont à l'écoute des besoins de la population. Mais on a une ouverture. Nous sentons qu'il y a une ouverture certainement du côté des associations qu'on entend aujourd'hui. Et, nous, ce qu'on souhaite, c'est que ces consultations, ces discussions soient un passage qui nous amène vraiment vers un nouveau cycle, dans lequel on est actuellement.

Alors, vraiment, il faut que vous compreniez que — M. Taddeo aussi, je m'adresse à vous — l'approche est différente et qu'on puisse souhaiter que vous ayez une certaine confiance. On peut comprendre qu'elle ne soit peut-être pas complète, vous devez évidemment faire l'expérience, mais que nous souhaitons que ces consultations-là soient constructives et donnent des résultats concrets.

Mme Chiquette (Anne-Marie) : Parce qu'on a beaucoup de travail. On a beaucoup, beaucoup, beaucoup de travail. Je comprends ce que vous dites, mais ce n'est pas rendu sur le terrain. Je sais que les P.D.G. aiment beaucoup travailler avec vous. Ça, je le sais. Mais ça ne descend pas sur le terrain encore. Au quotidien, j'ai des cadres qui m'appellent pour me dire qu'il y a des postes de cadre qui vont être abolis, puis pas juste à un endroit, à plusieurs endroits. Ça fait qu'on est un peu encore dans le même moule précédent.

Puis on ne respecte pas à l'interne. L'impact que ça a eu, c'est qu'à l'interne les employeurs n'ont pas respecté ce qu'il restait de conditions de travail. Moi, je me faisais dire : Écoute, elle ne fait plus l'affaire, ça fait 24 ans. Je te donne un mois. Qu'elle se trouve une job, parce que les P.D.G. se parlent. Tu n'iras pas en arbitrage. C'est ça qu'on me disait. Je pourrais vous en conter, là. C'est ce que ça a. C'est quand on ne respecte pas, ça n'entraîne pas le respect. Puis les cadres, si votre premier geste à leur égard, c'est le premier geste... c'est le même genre de gestes que nous avons eus en 2015, ils ne sont plus capables.

Puis recruter, on ne recrute pas nécessairement à l'externe. On recrute à l'interne. C'est nos infirmières, travailleurs sociaux, les gens des relations de travail, nommez-les, qui deviennent des cadres. C'est nos performants. Ça fait longtemps qu'ils sont là, là. Ça peut faire 15 ans, 20 ans. On va les chercher, on va les former. Ça ne leur tente pas, les syndiqués, de devenir cadres quand ils ont vu ce qu'il s'est passé. Pourquoi je lâcherais la sécurité d'emploi? Pourquoi je ne serais pas payée en temps supplémentaire? Qu'est-ce qui est avantageux de devenir cadre dans notre réseau dans un contexte où on est en pénurie de main-d'oeuvre au Québec? Moi, je travaille dans une entreprise, là, dans un building, là, ils ont le skatepark, le panier de bonbons, nommez-les. Moi, les jeunes qui vont visiter ces bureaux-là, là, ils ont plus le goût d'aller là que dans le réseau de la santé en ce moment.

Ça fait que c'est toute cette réflexion-là qu'on doit avoir sur comment on traite notre monde dans le réseau de la santé et des services sociaux, Mme McCann. Parce qu'on traite les plus vulnérables, du premier ministre au ti-pit de la DPJ. Ça fait qu'il faut prendre soin de notre monde. On prend soin de nos concitoyens.

Puis la loi n° 7 a un impact beaucoup plus grand que vous pensez que le 200 millions parce que... La consultation, on l'a. Ça ne donne rien, ça n'a rien donné. L'impact de la réforme de M. Barrette nous a fait la démonstration que la consultation, ça ne donne rien. Il faut changer nos façons de faire. On est en 2019. C'est majoritairement des femmes, les cadres du réseau de la santé. Je suis en train de faire des parallèles, avec ma collègue qui est ici, avec tous les autres secteurs gouvernementaux et municipaux. Les trois secteurs féminins, CPE, éducation, santé et services sociaux, ça fait dur par rapport aux autres secteurs plus masculins.

Je pense qu'on est rendus à une étape de se remettre en question, de s'asseoir, tous les partenaires, puis de dire : Comment on rebâtit? Ce n'est pas le temps de se chicaner. Vous pouvez vous asseoir avec l'AGESSS, votre avocat peut s'asseoir avec l'AGESSS, le code de procédure le prévoit, que les avocats doivent s'asseoir et négocier.

Moi, je connais les cadres, je les connais depuis 30 ans. S'il faut qu'une partie de l'argent aille pour qu'on ait des chariots chauffants pour nos personnes âgées pour qu'il y ait des repas chauds sur les étages, je suis sûre qu'ils vont dire : Oui, on met l'argent là-dedans. Ou que nos ti-pits de la DPJ aient des sacs d'école neufs, ils vont le mettre là-dedans. Mais il s'agit de s'asseoir puis de négocier, puis ça, c'est un mot que vous n'aimez pas. Mais il faut le faire, on est rendu en 2019, ça fait 40 ans qu'on le demande, ça fait que faites-le avec l'AGESSS, assoyez-vous, il faut le changer.

Moi, je fais des estimations de rentes et des formulaires de rentes tous les jours. Au 30 juin 2019, on a une multitude de cadres qui vont partir à la retraite. Combien qui sont partis, hein? Puis M. Barrette, dans sa réforme, là, il a coupé les cadres administratifs. Ça ne sert à rien, des cadres administratifs, hein, ça ne fait pas de paie, ça ne s'occupe pas de remplacer une infirmière quand elle n'est pas disponible parce qu'elle est malade, ça ne s'occupe pas de changer les ampoules, ou les machines, ou d'acheter tout le matériel qu'on a besoin au bloc opératoire. C'est un tout. C'est une ville, hein? Les cadres administratifs sont aussi importants que les chefs infirmiers. Tous les cadres sont importants, parce qu'ils sont en support des autres. C'est un peu comme un orchestre, vous voyez les musiciens puis le chef d'orchestre, mais il y a du travail en arrière.

• (16 h 30) •

Mme McCann : Bien, écoutez, je vous remercie de vos commentaires, Me Chiquette, parce que vos propos résonnent beaucoup et vous représentez les gestionnaires. Et ce que je comprends, dans vos propos, c'est ce que je perçois aussi des gestionnaires, qu'ils ont à coeur les services aux patients, qu'ils ont à coeur... Et, dans le cadre de ce qu'on discute aujourd'hui, je perçois une ouverture de votre part de discuter de différents enjeux. On parle des indemnités, mais des autres enjeux aussi, et ça me donne confiance qu'on va arriver à bon port ensemble.

Je pense qu'il faut se remettre dans le cadre qu'on a la possibilité, à l'Assemblée nationale, d'adopter des lois déclaratoires, là, et que l'exécutif peut adopter des règlements, là, pour déterminer les conditions des cadres. On sait que les cadres, ce n'est pas des salariés syndiqués, comme vous l'avez mentionné, puis que leurs conditions sont déterminées différemment.

Mais j'aime le fait que vous apportiez vraiment beaucoup d'eau au moulin, que vous nous parliez des conditions actuelles d'exercice. Et notre volonté, c'est vraiment d'avoir un bon dialogue avec vos associations et d'amener des changements, des changements nécessaires. On a besoin non seulement d'attirer les nouveaux cadres, mais de les retenir, de les retenir.

Et c'est pour ça que je disais, tout à l'heure, et je le réitère encore plus fortement à la lumière de vos commentaires, que le projet de loi n° 7, nonobstant l'ensemble des commentaires, ça peut être une certaine opportunité de nous donner la possibilité de dialoguer pour nous remettre sur un chemin plus constructif avec les gestionnaires, ce qui est absolument nécessaire pour que notre réseau fonctionne bien et que les services soient au rendez-vous.

Alors, moi, je pense que le volet consultation — je vous le réitère encore — qui s'annonce va être extrêmement important, puis je vous rappelle, encore une fois, que nous sommes un nouveau gouvernement, une nouvelle ministre, avec un nouveau ton, une nouvelle approche, et qu'au fil du temps on va vraiment voir la différence.

Mais il faut d'abord réparer certaines choses dans ce dossier du projet de loi n° 7. Nous réparons certaines erreurs, une erreur de date, une erreur en termes de consultations, hein? Dans le cadre d'un projet de loi, il fallait consulter. C'est ce que nous allons faire. Mais, encore plus, nous parlons actuellement d'éléments beaucoup plus larges, qui sont l'état de situation actuelle des conditions d'exercice des gestionnaires, et ça, pour moi, c'est un point extrêmement important, et nous allons y porter une attention particulière. Auriez-vous un commentaire additionnel à faire, Me Chiquette?

Le Président (M. Provençal)  : Mme la ministre, le temps est terminé.

Mme McCann : ...est écoulé. Merci. Merci, Me Chiquette.

Le Président (M. Provençal)  : Vous m'excuserez. Nous poursuivons avec le député de Pontiac de l'opposition officielle. Monsieur.

M. Fortin : Merci, M. le Président. Bonjour, Me Chiquette. Bonjour, M. Taddeo. Bien, je vais peut-être vous laisser répondre à l'affirmation ou la question de la ministre, d'entrée de jeu, qui dit que le projet de loi n° 7 est une opportunité pour un nouveau dialogue, disons. Je veux vous entendre rapidement là-dessus en réponse à ce que la ministre a dit.

Mme Chiquette (Anne-Marie) : Alors, je ne pense pas, je pense que le dialogue va être court parce qu'évidemment, si la loi est adoptée, la plainte au Bureau international du travail est encore ouverte, le dossier est encore ouvert. Donc, nous irons, à Genève, déposer la loi qui est adoptée. On bâillonne le judiciaire puis on me dit qu'on veut corriger. On n'a pas consulté préalablement, puis la réforme Barrette n'a pas consulté préalablement, je pense, c'est ces deux éléments-là qu'il faut corriger prioritairement. Puis il y aura possiblement des discussions avec l'AGESSS, qui est partie prenante de la poursuite. Le dossier est en appel, ils pourront toujours s'asseoir et discuter.

Mais je pense que l'erreur primordiale, c'est, dans les deux cas, le gouvernement, comme employeur, n'a pas respecté une loi d'ordre public, qui est de consulter ses cadres. Il ne l'a pas fait. C'est dans le règlement qu'il doit le faire, il ne l'a pas fait pour le projet de loi n° 10, puis on ne le fait pas pour le projet de loi n° 7.

M. Fortin : Très bien. Merci. Je veux profiter de certaines choses... bien, de votre expertise et de certaines choses que vous avez avancées pour aller un petit peu plus loin dans votre propos, je vais laisser du temps au député de Marquette, mon collègue député de Marquette, parce que, tantôt, je ne lui en ai pas laissé.

Mais, dans votre mémoire, et vous l'avez dit aussi, d'entrée de jeu, là, vous faites référence au fait que, malgré le changement de gouvernement, rien n'a changé, les employeurs ne se gênent pas pour modifier unilatéralement et sans vergogne les conditions de travail de leurs cadres. Vous avez fait référence au groupe de cadres qui viennent vous voir puis qui disent : Bien, on est en train de changer des structures, mais, en même temps, là, la ministre est ici aujourd'hui, et ce qu'elle a dit, c'est qu'il n'y en aura pas, de changement de structure. Donc, vous me dites que, entre ce que la ministre dit puis ce qu'il se passe sur le terrain, il y a une différence assez grande, si je comprends bien ce que vous êtes en train de dire.

Mme Chiquette (Anne-Marie) : Bien, moi, ce que je peux vous dire à l'heure actuelle, c'est que ça ne descend pas sur le terrain. Moi, je suis sur le terrain, je vais dans les établissements, ça ne descend pas sur le terrain. Je n'ai pas juste la question que vous amenez, toutes les conditions de travail qu'on a dans notre règlement, qui est d'ordre public, les employeurs doivent les respecter, ne le font pas. Je m'en vais en arbitrage en Gaspésie parce que l'employeur ne veut pas le respecter. Il ne veut pas respecter ce qu'il y a dans le règlement.

M. Fortin : Moi, je suis ni cadre du réseau de la santé, je ne suis pas médecin, je ne suis pas infirmier, je ne suis pas préposé aux bénéficiaires, je n'ai jamais travaillé dans le réseau de la santé, la perspective que j'ai, c'est vraiment celle d'un patient. Mais, si vous me dites, avec votre expertise, avec celle... la vôtre, M. Taddeo, et je vous remercie d'avoir pris une journée de vacances pour être ici aujourd'hui, si vous me dites qu'il y a des changements de structure qui se font à l'intérieur du réseau de la santé, donc il y a des modifications importantes qui se font dans un CISSS ou dans un autre, ou dans plusieurs, comme vous l'avez dit, et que la ministre nous dit : On ne veut pas qu'il y ait de structure... de changement de structure, avec votre expertise, est-ce que vous pensez que la ministre peut dire, demain matin : Bien, ça suffit, il n'y en aura plus. Parce que, si, réellement, c'est la volonté de la ministre qu'il n'y ait pas de changement de structure, pourquoi, d'après vous, il se passe encore ce qu'il se passe?

• (16 h 40) •

Mme Chiquette (Anne-Marie) : C'est notre problème à tous, et il est pas mal plus grave que vous pensez, parce qu'on a plusieurs départs de cadres, on a une pénurie de main-d'oeuvre, on a des emplois attractifs bien ailleurs que dans notre réseau de santé et des services sociaux pour les jeunes, on a un problème générationnel.

Vous avez vu la grosseur des établissements, ce n'est pas gérable, c'est immense, mais on ne peut pas défaire, ça va être pire, les gens qui sont à l'interne ont trop souffert. Il ne reste pas assez de monde. Comme Mme Marchand disait, on court à gauche et à droite. On n'est plus en train de créer des projets. Oubliez ça, là. On est à gauche et à droite. C'est notre problème, c'est notre réseau de la santé et des services sociaux. Les ti-pits de la DPJ, là, ils ont des miettes! J'en ai un, cadre, qui est obligé de partir parce qu'il a perdu deux ti-pits. ...peut pas donner les services, ils sont sur la liste d'attente. L'hospitalier, plus on fusionne — moi, j'en ai vu, des fusions, hein, en 30 ans — plus on fusionne, l'hospitalier va gruger tous les autres budgets.

Alors, on a un fantôme de DPJ, on a un fantôme de première ligne, on a un fantôme en CHSLD. On n'est même pas capables d'apporter des repas chauds à nos personnes âgées. C'est trop gros. On a coupé les cadres. Vous, vous avez un M.B.A., vous agrandissez votre entreprise, vous allez aller chercher des cadres qui vont embaucher le personnel. M. Barrette a fait l'inverse : il a coupé des cadres qu'il appelait administratifs. Tous les cadres sont administratifs, qu'ils soient aux soins ou à la paie. Ils sont essentiels. Alors, il a coupé.

Ça fait que les cadres vont éteindre des feux à gauche et à droite. Il y en a, pour la plupart, passé 50 ans, ils sont brûlés, ils sont brûlés. J'en ai tous les jours, moi, qui doivent prendre un arrêt. J'en ai une qui était, elle ne l'est plus, elle était cadre dans un gros hôpital de Montréal à l'urgence. Elle s'est retrouvée à coordonner neuf urgences en Estrie. Pouvez-vous vous imaginer c'est quoi, coordonner neuf urgences? Ça n'a pas de base de gestion ce qu'on a fait, là, mais le monde est tellement fatigué à l'interne, tellement à bout, puis on est en manque de personnel, qu'on est pognés avec.

M. Fortin : Très bien. Je vous remercie. Je pense que mon collègue a quelques questions pour vous.

M. Ciccone : Oui. Combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Provençal)  : Alors, je cède la parole au député de Marquette.

M. Ciccone : Combien de minutes?

Le Président (M. Provençal)  : Il vous reste 4 min 13 s.

M. Ciccone : Merci beaucoup d'être là, Mme Chiquette et M. Taddeo. Moi, j'accroche beaucoup sur les mots, puis vous avez dit quelque chose tantôt qui m'a un peu rendu... qui m'a un peu bouleversé. Vous avez parlé des cadres qui sont majoritairement femmes chez vous, si je ne me trompe pas, et vous avez poursuivi en disant qu'ils sont moins bien traités que dans les secteurs où il y a plus de cadres hommes. Je comprends qu'on sort peut-être un peu, là, du projet de loi n° 7, là, mais qu'est-ce que vous voulez dire? Trouvez-vous qu'il y a une injustice envers les femmes chez vous parce que ce sont des femmes?

Mme Chiquette (Anne-Marie) : Tout à fait. Puis je vous dirais que le gouvernement, comme employeur, que ce soit avec Loto-Québec, que ce soit avec la SAQ, que ce soit avec le gouvernement lui-même, les ministères, etc., ça devrait être un employeur global, il devrait harmoniser ses conditions de travail, autant que faire se peut, vers les meilleures.

Mais moi, j'ai fait un parallèle... je travaille avec ma jeune collègue ici, et on a fait un parallèle avec les divers secteurs, et les trois pires secteurs sont les secteurs majoritairement féminins : CPE, les cadres de CPE, l'éducation, santé et services sociaux. Moi, mes cadres, en majorité, c'est des cadres féminins.

M. Ciccone : Vous n'avez pas une échelle salariale, justement, pour les cadres chez vous?

Mme Chiquette (Anne-Marie) : Oui. Il y a des...

M. Ciccone : Vous avez parlé tantôt que vos cadres étaient sous-payés. Je comprends qu'il y a des heures à mettre, puis, si on calcule le nombre d'heures...

Mme Chiquette (Anne-Marie) : Bien, il n'y a pas de temps supplémentaire payé. D'accord? Ça, c'est la première des choses, contrairement aux employés syndiqués. Donc, il n'y a pas de temps supplémentaire. Donc, des semaines de 35-40 heures, oubliez ça. Vous le savez, vous autres aussi. C'est pour ça que je vous compare un peu avec... mes cadres avec vous autres. Puis ils ont à peu près la même reconnaissance que vous avez. Puis ils sont monolithiques, hein? Les cadres. Les députés. Puis il faut s'élever au-dessus de ça. Ce sont des gens, mes cadres intermédiaires, ce sont des gens terrain qui sont directement en lien avec les patients, avec les jeunes de la DPJ, O.K.? On a à travailler ensemble parce qu'on a des grosses problématiques dans nos réseaux : le vieillissement, les jeunes de la DPJ, etc. C'était quoi, votre question?

M. Ciccone : Je parlais des cadres, l'échelle salariale. Vous disiez qu'ils étaient sous-payés.

Mme Chiquette (Anne-Marie) : C'est ça. Bien, vous savez, l'ancien ministre de la Santé a donné les salaires des P.D.G., P.D.G.A., qui sont tellement loin, malheureusement, de ce qu'il se passe terrain, puis on a les employés syndiqués avec des conventions collectives normées. Ça fait qu'il fallait placer tous les postes de cadre... Il y en a, il y en a une multitude, de postes de cadre, dans le réseau de la santé, Mme McCann le sait, donc il fallait essayer de normer ça entre les deux.

Le Président (M. Provençal)  : Il vous reste encore une minute, monsieur.

M. Ciccone : Il me reste encore une minute. O.K., je vais... Bien, quand on a, justement, présenté le projet de loi n° 160, c'était pour diminuer, justement, les dépenses administratives. Puis là, à un moment donné, justement, ce qui a mis le feu aux poudres, c'est qu'on a voulu réduire l'indemnité de départ à seulement une année, puis là on parle de centaines de millions de dollars. Le groupe précédent parlait d'un manque de soutien administratif, qui n'était pas au rendez-vous. Mais on parle à la population, il y a des caméras ici qui vous regardent, là, n'est-il pas mieux, justement, de mettre cet argent-là... Parce que, si on regarde au niveau de la population, deux ans de salaire, c'est énorme. Mais il n'est peut-être pas mieux de prendre ces centaines de millions de dollars là et de les mettre, justement, au niveau administratif pour aider aux services?

Mme Chiquette (Anne-Marie) : Vous savez...

Le Président (M. Provençal)  : Une réponse en une minute, est-ce que c'est possible?

Mme Chiquette (Anne-Marie) : Oui. La poursuite appartient à l'AGESSS, O.K.? C'est à eux de déterminer ce qu'ils vont vouloir faire et les modalités. Si on s'assoit puis on discute, je suis persuadée que les cadres du réseau de la santé veulent trouver ce qu'il y a de mieux aussi pour les gens qui soignent ou les ti-pits de la DPJ. C'est des gens dédiés, c'est des gens qui viennent... qui sont des infirmières, des éducateurs, c'est du monde à l'interne. Il y a moyen de s'asseoir puis de discuter. Je pense qu'on est rendus, en 2019, de dire : On peut-u s'asseoir, essayer de trouver une solution?, plutôt que de dire : Non, c'est fini, c'est comme ça. On l'a vécu. On l'a vécu pendant quatre ans, on l'a vécu jusque-là, je peux vous le dire, là, il y a un employé du ministère qui disait : C'est assez, je ne suis pas une poule pondeuse. On en avait pour les premiers six mois, là, c'était un... minimum un par jour, de : vous faites ci, puis vous faites ça, puis vous faites ci, puis vous faites ça. Je pense que les gens, dans le réseau de la santé, sont très intelligents, sont très dévoués, alors on peut travailler avec eux. On est en 2019, je pense que c'est le temps de changer.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Je cède la parole au deuxième groupe d'opposition, M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui, merci, M. le Président. Merci beaucoup de votre présence. J'apprécie votre franchise, votre clarté. Je constate également une analyse globale de la réforme des dernières années par le précédent gouvernement, que nous constatons également sur le terrain en termes d'envergure de la bête et, à travers tout ça, de l'éloignement des soins de qualité, de proximité, accessibles pour les patients. Parce qu'entre les deux ce n'est pas vrai qu'il n'y a personne, tu sais, je veux dire, ça prend du monde, comme vous dites, pour faire les... aller changer l'ampoule, puis acheter des équipements, puis ainsi de suite. Bon.

Je vais vous poser la même question que j'ai posée à vos prédécesseurs : Vous évaluez à combien, là, sur les 1 300 postes abolis en 2015, qui ont réellement quitté, là, tout le réseau, soit par retraite ou volontairement?

Mme Chiquette (Anne-Marie) : Dans les faits, il y a eu 2 000 postes d'abolis, parce qu'il y a eu une première vague puis une deuxième vague. Et ce que M. Barrette appelait les cadres administratifs... tous les cadres sont administratifs, un cadre infirmier, un chef d'unité a des... bon. Alors, il y a des cadres qui se sont replacés, il y avait des postes. Moi, je suis à la même hauteur que Mme Marchand, je veux dire, les départs, là... Moi, je les rencontrais aux 45 minutes, à 7 heures du matin, à l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont, puis je finissais à 7 heures le soir, puis j'essayais de leur expliquer le régime de retraite puis ce qu'ils pouvaient avoir comme choix, alors qu'ils n'étaient même pas prêts à l'entendre parce que c'est un choc. Quand on perd son emploi, c'est le deuxième plus gros stress dans une vie, après le décès d'un enfant ou d'un conjoint. C'est notre monde qui s'ouvre.

M. Gaudreault : Avez-vous des chiffres sur l'augmentation, par exemple, des congés de maladie, des cas de santé reliés au travail? Depuis la réforme jusqu'à aujourd'hui, là, est-ce qu'il y a des courbes?

Mme Chiquette (Anne-Marie) : Oui, ça a augmenté de façon exponentielle, les gens doivent arrêter. Quand vous avez neuf urgences sur le territoire de l'Estrie à superviser, huit ou neuf, là, ça fait beaucoup de voyagement, ça fait beaucoup de chevreuils, ça fait bien du monde pas content, c'est des machines qui pètent, c'est le chef d'orchestre, le cadre, là.

M. Gaudreault : Mais, au-delà de ça, avez-vous des chiffres à nous communiquer sur le taux, par exemple, d'absentéisme au travail chez les cadres?

• (16 h 50) •

Mme Chiquette (Anne-Marie) : Je pourrais vous le transmettre, mais ça augmente d'année en année, puis c'est assez élevé. Je vous dirais qu'il y a des employeurs qui les payent le plein salaire pour ne pas les mettre dans la liste des invalidités.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, M. le député. Nous finalisons nos échanges avec le député de Jean-Lesage, représentant le troisième groupe d'opposition.

M. Zanetti : Merci, M. le Président. On entend vraiment, là, la détresse dont vous faites part puis la démesure de la tâche qui est demandée depuis toutes les centralisations qu'il y a eu. On le voit, et c'est encore pire, je pense, dans les régions où les centres sont très éloignés, comme l'Abitibi-Témiscamingue. Les cadres passent beaucoup de temps dans leur voiture plutôt qu'à faire le travail, qui s'accumule. On voit une dépersonnalisation aussi du lien avec l'employé. Les cadres ne connaissent pas tous leurs employés, c'est évident. Les employés, évidemment, ils ne connaissent pas leurs cadres non plus, puis ça crée des tensions. On sent qu'il y a un problème avec... que ces structures-là, ces changements-là ont amené un problème de conditions de travail, qui est évident, là.

Selon vous, si on applique, là, le projet de loi n° 7, là, si on revient sur cette question-là, qu'est-ce que ça va avoir comme conséquences sur, disons, le système de santé, puis sur la vie des cadres en général, puis sur l'ambiance dans le réseau?

Mme Chiquette (Anne-Marie) : Merci pour la question. C'est une question de dignité, ce n'est pas une question d'argent. Je suis sûre que l'AGESSS ça être capable de négocier quelque chose avec le gouvernement s'il veut s'asseoir. C'est assez de nous taper dessus. On l'a mangé pas à peu près. Je n'ai jamais vu ça. J'en ai fait, des réformes dans ma vie, là, en 30 ans, j'en ai vu. Celle de 1997... il n'y avait aucune distinction pour les départs assistés en 1997 du gouvernement péquiste. Ils ont traité tout le monde de la même façon, les départs assistés. Là, il y a eu un acharnement, monsieur, un acharnement à l'égard des cadres. Je n'ai jamais vu ça en 30 ans que je travaille avec les cadres. C'est des gens dédiés, c'est des gens dévoués. Vous allez leur demander, ils vont en faire plus. Ils sont là pour les patients, ils sont là pour les ti-pits de la DPJ, puis on les traite comme ça. C'est assez. Ce n'est pas une question d'argent, c'est une question de respect. Nos salariés, ils sont sécuritaires. Nos médecins, on n'en parlera pas. Simplement une dignité, c'est tout.

Discutons. Négocions... c'est un mot qu'on ne peut pas utiliser avec les cadres. Que le gouvernement négocie avec l'AGESSS pour essayer de trouver une solution. Les processus de médiation qu'on a en cours, là, dans les autres dossiers, pourquoi que le gouvernement ne le fait pas? Discutons, arrivons à une entente qui va jeter un baume sur ce que les cadres ont vécu depuis avril 2004... 2014, pardon.

Mémoire déposé

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup. Avant de conclure les auditions, je procède au dépôt du mémoire d'un organisme qui n'a pas été entendu lors des auditions publiques.

Je remercie l'Association du personnel d'encadrement du réseau de la santé et des services sociaux pour votre contribution à nos travaux. Et j'ai cru comprendre que vous ferez parvenir des documents suite au questionnement du député de Jonquière. Vous les ferez parvenir à notre secrétaire, qui va les distribuer à l'ensemble des membres de la commission. Merci.

La commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die. Merci.

(Fin de la séance à 16 h 54)

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