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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le lundi 9 avril 2018 - Vol. 44 N° 194

Étude détaillée du projet de loi n° 157, Loi constituant la Société québécoise du cannabis, édictant la Loi encadrant le cannabis et modifiant diverses dispositions en matière de sécurité routière


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Table des matières

Étude détaillée (suite)

Question de règlement sur la recevabilité d'un amendement

Décision de la présidence

Intervenants

M. Richard Merlini, président 

Mme Lucie Charlebois

M. Sylvain Pagé

M. Simon Jolin-Barrette

M. Marc Bourcier

M. Marc H. Plante

Mme Nicole Ménard

M. Jean Boucher

M. Pierre Michel Auger

Journal des débats

(Quatorze heures huit minutes)

Le Président (M. Merlini) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour et bienvenue, en ce lundi après-midi, à la Commission de la santé et des services sociaux. Ayant constaté le quorum, je déclare donc notre séance ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle du Conseil législatif de bien vouloir éteindre toute sonnerie de n'importe quel appareil électronique que vous possédez.

La commission est réunie cet après-midi afin de pour suivre l'étude détaillée du projet de loi n° 157, Loi constituant la Société québécoise du cannabis, édictant la Loi encadrant le cannabis et modifiant diverses dispositions en matière de sécurité routière.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements aujourd'hui?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Girard (Trois-Rivières) sera remplacé par M. Boucher (Ungava); Mme Simard (Charlevoix—Côte-de-Beaupré), par M. Auger (Champlain); M. Simard (Dubuc), par Mme Ménard (Laporte); Mme Vallières (Richmond), par M. Plante (Maskinongé); M. Turcotte (Saint-Jean), par M. Bourcier (Saint-Jérôme); et M. Paradis (Lévis), par M. Jolin-Barrette (Borduas).

Étude détaillée (suite)

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Mme la secrétaire. Lors de l'ajournement de nos travaux, le 29 mars dernier, nous procédions à l'étude de l'article 14 de la Loi encadrant le cannabis, qui, elle, est introduite par l'article 12 du projet de loi n° 157. Est-ce que j'ai des interventions? M. le député de Labelle.

M. Pagé : Oui. En fait, ça sera... Bon, c'est ça, on est bien rendus à l'article 14, hein, c'est bien ça? Oui, c'est ça. Juste pour... parce que je sais qu'avec consentement on peut faire plein d'affaires, et je ne veux pas à ce moment-ci demander de consentement, mais je veux juste informer la ministre.

Suite à l'adoption de l'article 13, où nous avions déposé à deux reprises des amendements pour qu'on ne puisse pas fumer dans les chambres multiples dans des endroits où des gens ont besoin d'aide, de soutien, sont en détresse ou encore, même, des maisons de dépendance, je veux juste vous dire que, suite à cela, j'ai été interpellé à deux occasions et j'ai parlé aussi à certaines personnes et qui m'ont confirmé ne pas souhaiter... Effectivement, ce qu'ils m'ont dit : Si on avait adopté que ça soit seulement pour des chambres simples, il n'y aurait pas de problème avec ça.

• (14 h 10) •

Alors, j'invite vraiment très amicalement... Puis la ministre pourrait aller vérifier, j'ai eu des entrevues, et j'étais à Force Jeunesse, au colloque, en fin de semaine, et je n'ai cessé de répéter jusqu'à quel point on travaillait bien ensemble, en toute collégialité. Et je l'invite à revérifier. Et je pense que la façon dont on a adopté l'article 13, je pense que les gens ne sont pas satisfaits. Ce qu'ils souhaiteraient, et ce qu'on m'a dit, c'est que : Oui pour des chambres simples, mais des chambres multiples, ça ne devrait pas être permis. Alors, je lui soumets très respectueusement. J'aimerais éventuellement qu'elle y réfléchisse, et peut-être qu'on pourra revenir avec un consentement de tout le monde, éventuellement, pour juste passer ce bout-là où ça serait interdit quand c'est des chambres multiples.

Alors, je ferme la parenthèse. Je le soumets pour la réflexion. On a encore le temps de revenir, le projet de loi n'est pas adopté. Mais on m'a interpellé là-dessus, et je pense qu'il serait tout approprié, même, voire sage, d'aller questionner les gens. Elle nous avait dit, Mme la ministre, puis je l'avais noté : Je fais confiance à l'intelligence des gens qui travaillent dans le réseau. Elle a raison. Et justement, ces gens-là m'ont interpellé pour dire : Non, n'adoptez pas tel quel l'article que vous avez adopté parce qu'effectivement il y a une très grosse différence entre des gens qui vont fumer dans une chambre où il y a plusieurs personnes et fumer du cannabis. Il ne faut pas voir ça comme la même chose. Alors, ils étaient d'accord avec l'amendement où ça serait possible seulement dans 20 % des chambres, où ça serait des chambres individuelles. Alors, voilà, je ferme la parenthèse, M. le Président.

Le Président (M. Merlini) : Très bien. Merci. Est-ce que j'ai d'autres interventions pour l'article 14? Je n'en vois pas. Je le mets donc aux voix. Est-ce que l'article 14 est adopté?

Des voix : Adopté.

Le Président (M. Merlini) : Adopté. Mme la ministre, nous allons donc à l'article 15 : «Section III. Autres lieux.»

Mme Charlebois : C'est ça. À l'article 15, M. le Président : «Il est interdit de fumer du cannabis dans tous les lieux suivants :

«1° les abribus;

«2° les tentes, chapiteaux et autres installations semblables montés de façon temporaire ou permanente et qui accueillent le public;

«3° les terrains d'un établissement de santé ou de services sociaux;

«4° les terrains où sont situés les bâtiments mis à la disposition d'un établissement [...] postsecondaire;

«5° les terrasses et [...] autres aires extérieures exploitées dans le cadre d'une activité commerciale et qui sont aménagées pour y permettre le repos, la détente ou la consommation de produits;

«6° les aires extérieures de jeu destinées aux enfants et qui accueillent le public, y compris les aires de jeux d'eau, les pataugeoires et les planchodromes;

«7° les terrains sportifs et les terrains de jeux, y compris les aires réservées aux spectateurs, qui sont fréquentés par des mineurs et qui accueillent le public;

«8° les terrains des camps de jour et des camps de vacances de même que les patinoires et les piscines extérieures qui sont fréquentés par des mineurs et qui accueillent le public.

«Cette interdiction s'applique également dans un rayon de neuf mètres :

«1° de toute partie du périmètre d'un lieu visé au paragraphe 6° du premier alinéa;

«2° de toute porte, prise d'air ou fenêtre qui peut s'ouvrir d'un lieu fermé visé au premier alinéa de l'article 11, sauf s'il s'agit d'un lieu visé aux paragraphes 8°, 9° et 16° de cet alinéa.

«Cependant, si le rayon de neuf mètres ou une partie de ce rayon excède la limite du terrain sur lequel le lieu visé au deuxième alinéa est situé, l'interdiction de fumer s'applique uniquement jusqu'à cette limite.

«Le gouvernement peut, par règlement, prévoir d'autres lieux où il est interdit de fumer.

«Quiconque contrevient aux dispositions du premier ou du deuxième alinéa ou à celles d'un règlement pris en application du quatrième alinéa commet une infraction et est passible d'une amende de 500 $ à 1 500 $. De plus, quiconque fume sur les terrains d'un lieu fermé visé au premier alinéa de l'article 7 ou dans un autre lieu extérieur visé par un règlement pris en vertu du deuxième alinéa de cet article commet une infraction et est passible d'une amende de 750 $ à [2 750 $]. En cas...»

Le Président (M. Merlini) : ...

Mme Charlebois : Pardon?

Le Président (M. Merlini) : 2 200 $?

Mme Charlebois : Moi, j'ai 2 750 $ dans mon cahier.

Le Président (M. Merlini) : Dans le projet de loi, c'est 2 250 $.

Mme Charlebois : Attendez un peu, M. le Président.

Une voix : ...

Mme Charlebois : C'est 2 250 $?

Une voix : Oui.

Mme Charlebois : O.K. Alors, je reprends ma phrase. Ça va être plus facile, là, on va reprendre ça. «De plus, quiconque fume sur les terrains d'un lieu [...] visé au premier alinéa de l'article...»

Le Président (M. Merlini) : ...

Mme Charlebois : J'ai dit quoi?

Le Président (M. Merlini) : Vous avez dit «un lieu visé».

Mme Charlebois : «Un lieu fermé». Dis-moi donc! Après-midi, hein? On est lundi, M. le Président?

Le Président (M. Merlini) : Un café, Mme la ministre?

Mme Charlebois : Oui, un bon café, ça va faire du bien.

Le Président (M. Merlini) : Oui? O.K.

Mme Charlebois : On recommence : «De plus, quiconque fume sur les terrains d'un lieu fermé visé au premier alinéa de l'article 7 ou dans un autre lieu extérieur visé par un règlement pris en vertu du deuxième alinéa de cet article commet une infraction et est passible d'une amende de 750 $ à 2 250 $. En cas de récidive, ces montants sont portés au double.

«Dans une poursuite pénale intentée pour une contravention aux dispositions du premier, du deuxième ou du cinquième alinéa ou à celles d'un règlement pris en application du quatrième alinéa, la preuve qu'une personne fume à l'aide d'un accessoire habituellement utilisé pour fumer du cannabis ou qu'elle fume alors qu'il se dégage du produit consommé une odeur de cannabis suffit à établir qu'elle fume du cannabis, à moins qu'elle ne présente une preuve contraire à l'effet qu'il ne s'agit pas de cannabis.»

Le Président (M. Merlini) : Vous avez un amendement, Mme la ministre?

Mme Charlebois : Oui, M. le Président. Mon Dieu! Que vous êtes à votre affaire aujourd'hui! Je suis impressionnée. C'est lundi, mais, moi, c'est comme tous les jours de la semaine, lundi, ou samedi, ou ce que vous voulez.

Alors, amendement : Modifier l'article 15 de la Loi encadrant le cannabis, proposé par l'article 12 du projet de loi, par le remplacement, dans le dernier alinéa, de «à l'effet qu'il ne s'agit pas de cannabis» par «selon laquelle il ne s'agit pas de cannabis».

C'est un amendement qui vise à remplacer l'expression «à l'effet que» parce que c'est un calque de l'anglais «to the effect that». Il ne signifie rien en français.

Le Président (M. Merlini) : Très bien. Est-ce que j'ai des interventions sur la proposition d'amendement de Mme la ministre? C'est un amendement qui a été déposé le 27 mars dernier. M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Oui. L'objectif de remplacer les deux mots «à l'effet qu'il ne s'agit pas de cannabis» par «selon laquelle il ne s'agit pas de cannabis», c'est simplement une différence linguistique?

Mme Charlebois : Oui, c'est ça. C'est nous assurer que ça respecte l'esprit de la langue française.

M. Jolin-Barrette : O.K. Et l'autre élément là-dessus, dans le fond, il y a la présomption sur l'odeur de cannabis et l'accessoire de cannabis aussi.

Mme Charlebois : ...on va parler de l'article au complet?

M. Jolin-Barrette : Oui.

Mme Charlebois : Là, je pensais qu'on parlait juste de l'amendement, mais je vais être disposée à répondre à votre question à l'autre partie.

M. Jolin-Barrette : C'est comme vous voulez. On peut disposer de l'amendement.

Mme Charlebois : Oui, bien, on pourrait disposer de l'amendement, puis s'en retourner tout de suite, si vous me le permettez, à l'article, puis je vais pouvoir répondre à votre question.

M. Jolin-Barrette : Moi, les lundis, je suis très ouvert, Mme la ministre.

Mme Charlebois : Ah! moi aussi.

Le Président (M. Merlini) : Très bien. Alors, est-ce que j'ai d'autres interventions sur l'amendement de Mme la ministre? Je n'en vois pas. Est-ce que la proposition d'amendement de Mme la ministre est adoptée?

Des voix : Adopté.

Le Président (M. Merlini) : Adopté. Nous revenons donc à l'article 14 tel qu'amendé.

Une voix : ...

Le Président (M. Merlini) : L'article 15, pardon, oui, parce que le 14 est déjà adopté. Merci, Mme la secrétaire.

Mme Charlebois : ...pour vous aussi, M. le Président.

Le Président (M. Merlini) : Je vous en prie. Alors, on a un, deux, trois, quatre, cinq, six alinéas et un certain nombre de paragraphes, 10 paragraphes. Alors, vous faites la mathématique pour les temps de parole. M. le député de Labelle, à vous la parole.

M. Pagé : Oui, M. le Président. Alors, je voudrais déposer l'amendement suivant, qui se lirait ainsi :

Modifier l'article 10 de la Loi encadrant le cannabis, édictée par l'article 12 du présent projet de loi, par l'insertion, après le quatrième alinéa, de l'alinéa suivant :

«Sous réserve des dispositions des alinéas précédents, il est également interdit de fumer du cannabis dans une rue ou dans tout autre endroit public, à l'exception des lieux expressément désignés par les municipalités dans leur [règlement].»

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, M. le député de Labelle. On va faire les photocopies et la distribution aux membres.

Je suspends les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 14 h 19)

(Reprise à 14 h 27)

Le Président (M. Merlini) : Nous reprenons donc nos travaux. La proposition d'amendement de M. le député de Labelle a été distribuée aux membres de la commission, qui en ont pris connaissance. Je donne la parole maintenant à M. le député de Labelle pour ses explications. À vous la parole.

M. Pagé : Oui. Alors, M. le Président, nous disons que, bon, sous réserve des dispositions des alinéas précédents — donc, tout ce qui précède, évidemment, nous ne sommes pas contre, bien entendu — il serait également, donc, interdit, en vertu de cet amendement, de fumer du cannabis dans une rue ou dans tout autre endroit public, à l'exception des lieux expressément désignés par les municipalités dans leurs règlements.

Donc, il y a deux volets. Il y a le volet, finalement, de reproduire ce qui va être permis en Ontario, au Nouveau-Brunswick. J'ai parlé de l'expérience du Colorado, où je suis allé il y a deux ans. Je me suis promené partout, dans des rues souvent touristiques, où il y avait des bars, mais jamais, à un endroit, je n'ai senti sur la place publique l'odeur du cannabis parce que ce n'est pas permis dans les lieux publics. Et donc, pour nous, il est important que l'on ne puisse pas consommer dans les lieux publics, à l'exception de lieux qui pourraient être expressément désignés par les municipalités, alors, en vertu de leurs règlements. Parce que les municipalités aussi demandent ce pouvoir d'encadrer et de légiférer, également, et nous respectons cela. Alors, ici, on vient clarifier deux choses : Quand vous allez être au Québec, ça va être comme les provinces limitrophes, et j'imagine, si on se fie aux expériences américaines, puis on sait que les États limitrophes du Québec s'en viennent également avec une légalisation, j'imagine, ça va être pareil partout.

Je vais vous avouer, M. le Président, que j'ai été très surpris quand j'ai vu, quand j'ai entendu l'article 15, quand on en avait entendu parler, lors du dépôt du projet de loi, et quand on en a pris connaissance, parce que cela voulait dire qu'on pouvait, vous et moi, se promener sur la rue, déambuler et consommer un joint de cannabis. En fait, c'est qu'on se rapproche beaucoup de la cigarette, ce qui est permis avec la cigarette. Mais le cannabis, ce n'est pas la cigarette. Le cannabis va altérer les capacités d'une personne, je vous dirais, à la limite, même si... Ce n'est pas permis, vous et moi, M. le Président, de se promener sur la rue puis consommer une bière. Et pourtant on pourrait consommer une bière, vous et moi, et ne pas être en état d'ébriété. Mais, si, vous et moi, on se promène, puis on a chacun un joint, puis on se le passe, ça va altérer nos capacités.

• (14 h 30) •

Donc, déjà, évidemment, on vient d'entrer, comment dirais-je, dans une permission qui banalise la chose. Et, s'il y a bien une chose que nous avons entendue à satiété, là, dans toutes les consultations des experts des 19 et 20 juin dernier, dans les consultations publiques que nous avons faites, dans les 60 groupes ou presque, là, qui sont venus nous parler ici, en commission parlementaire, toujours, on nous disait : Il ne faut pas que légalisation soit synonyme de banalisation. Et le fait que l'on puisse consommer dans les lieux publics banalise la chose. Et j'ai l'impression que ce n'est pas pour rien que les provinces limitrophes, d'ailleurs, le refusent. Ils le refusent. Et, quand je pense au Colorado, qui a beaucoup plus d'expérience que nous, et qui, au début, a ouvert beaucoup plus, et qui a modifié leurs lois et règlements 23 fois pour, par la suite, restreindre, alors je nous dis : On est peut-être mieux de restreindre un peu plus au début, quitte à ce que, dans trois ans, comme la ministre nous dit, on va revoir la loi ultérieurement. Si, un jour, on veut en venir à être plus ouverts, plus libertins, bien, on pourra l'être.

Mais, dans un premier temps, il me semble qu'on envoie un message de banalisation en permettant aux gens de consommer sur la rue. Alors, on sera arrêtés sur un coin de rue, là, et, pendant ce temps-là, sur un coin de rue à Montréal, vous le savez, des fois, là, il y a plein de monde autour, familles, des petits enfants dans les poussettes partout, un petit peu plus vieux, ils vont nous regarder tous les deux : Qu'est-ce qu'ils font là, papa? Ils consomment un joint de cannabis. Mais, vous et moi, là, de l'alcool, pourtant, là, je l'ai dit et je le répète, là, on prendrait un verre sur le coin de la rue, nos facultés ne sont pas affaiblies parce qu'un verre, ça en prend plus que ça pour affaiblir nos capacités. Alors, il me semble qu'on envoie un mauvais message et que les expériences d'ailleurs et que les territoires limitrophes devraient nous inspirer.

Alors, j'ai été très surpris que l'on montre autant d'ouverture même si on dit : Bien, les abribus, c'est interdit, les chapiteaux, c'est interdit, les terrains des établissements de santé et services sociaux, évidemment, bon, à proximité des écoles, ça va, ça, on est d'accord, mais vous comprenez que ça laisse quand même une ouverture à plein d'endroits, notamment de déambuler sur la rue et consommer son joint de cannabis puis à l'entrée de plusieurs parcs un peu partout. Alors, il nous apparaît beaucoup plus sage de commencer en suivant l'exemple de nos voisins, en envoyant un message comme quoi, oui, on est assez sévères parce qu'on veut, dans un premier temps, ne pas envoyer un message de banalisation, quitte à ce que, par la suite, on finisse par être plus ouverts, et, à la fois, les municipalités qui veulent ouvrir un peu plus pourraient le faire en vertu de leurs règlements.

Alors, voilà, M. le Président. Et il me semble que ce que nous proposons... non seulement il me semble, mais je suis vraiment convaincu que, si on passait un sondage auprès de l'ensemble des gens qui sont venus nous parler lors des différentes consultations, mis à part les consultations en soirée parce que, c'est vrai, Mme la ministre, les consultations en soirée, ce n'était pas la même chose... Les consultations en soirée, on a bien constaté, vous et moi, que, pas dans tous les cas, mais dans plusieurs cas, c'étaient plus des consommateurs qui venaient faire valoir leurs points de vue, et c'est très correct. Ils ont le droit à venir émettre leurs points de vue, puis ça, on respecte ça. Mais, dans l'après-midi, quand nous rencontrions des groupes, et tous les groupes, ici, une soixantaine, qui sont venus en commission parlementaire... et le sondage terrain...

La ministre le dit souvent : Je suis rendue un peu Mme Cannabis, parce qu'effectivement elle porte ce projet de loi. Mais, je vais vous dire, moi, je le dis souvent, là, je ne pensais jamais que d'être porte-parole des saines habitudes de vie et de la santé publique m'amènerait à être un spécialiste du cannabis, et pourtant... le député de Borduas aussi, probablement, maintenant qu'il est associé aussi à ce projet de loi là. Alors donc, les gens s'associent maintenant à nous par rapport à ce projet de loi et ils viennent nous en parler, ils viennent nous le dire, et je vais juste vous dire les échos du terrain que nous avons, puis ça, souvent, ça parle beaucoup. J'en ai parlé tantôt par rapport à l'article 13. Là, c'est très ciblé, là, hein, c'est des lieux très précis.

La semaine dernière, j'ai eu l'occasion, comme je le fais sur une base régulière, de faire deux soirées publiques. La population des petites municipalités où j'étais vient voir le député. Je rends des comptes à la population, et ensuite la population pose des questions sur toutes sortes de sujets. Et, compte tenu que j'ai dit que je passais beaucoup de temps à l'Assemblée nationale sur le projet de loi de cannabis, il y a eu beaucoup de questions. Et les gens étaient toujours stupéfaits, stupéfaits de se rendre compte qu'on pourrait se promener, vous et moi, sur la rue et pouvoir consommer : Bien oui, mais on ne peut pas pour l'alcool, comment ça se fait que... et pourtant...

Et, vendredi, même chose avec mes 17 maires de la MRC d'Antoine-Labelle, de 9 heures à 15 heures, on était ensemble pour parler d'à peu près 52 sujets. Et je leur ai dit au départ : Si vous avez des questions sur le cannabis, là, allez-y, je suis rendu un petit peu le spécialiste. Et la première question, c'est : Où est-ce qu'on va pouvoir fumer? Où est-ce qu'on va pouvoir consommer? Et, spontanément, quand je leur ai dit... J'ai dit : Nous, on va déposer un amendement. Je leur ai fait part du sens de l'amendement que j'allais déposer aujourd'hui. Et, spontanément, leur réaction, là, ils nous ont dit : Bien oui, bien oui, on ne veut surtout pas que les gens puissent se promener aussi librement, puis consommer un peu n'importe où, et qu'à la limite, effectivement, si vous nous laissez ce droit, on pourrait ouvrir à certains endroits bien précis, bien encadrés.

Alors, je vais vous dire que le pouls du terrain que j'ai eu la semaine dernière lors de deux soirées publiques et mes 17 maires d'une MRC qui étaient unanimes pour dire comment ils voyaient la chose, ça allait exactement dans le sens de ce que nous déposons aujourd'hui. Ça me conforte encore plus dans mes convictions qu'il faut adopter cet amendement.

Et, même, ils sont allés un petit peu plus loin, et j'ai trouvé ça intéressant parce que la réaction a été... Le préfet a dit spontanément aux 16 autres maires : Il faudra, une fois que ça sera adopté, que l'on se parle et qu'on se donne une conduite uniforme pour que, quand les gens — à tout le moins, ici, c'est différent de Montréal, d'ailleurs — ils vont arriver sur le territoire de la MRC d'Antoine-Labelle, ils vont savoir que, dans toutes les municipalités, on a tous adopté le même règlement. Donc, ce que les élus m'ont dit : On veut une position uniforme, on veut une position pareille partout. Et leur premier choix, c'était interdit sur la place publique, et, si on pouvait permettre à certains endroits, que toutes les municipalités encadreraient dans le même sens, les 17, pour qu'il y ait un consensus, voire unanimité autour d'endroits bien prescrits, bien spécifiques. Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, M. le député de Labelle. Mme la ministre.

Mme Charlebois : Alors, M. le Président, j'entends bien l'intention du député de Labelle. J'entends qu'il a beaucoup de conversations avec ses citoyens, mais, tu sais, c'est... Honnêtement, je ne veux en rien réduire l'échange qu'il a avec ses concitoyens, mais je sais fort bien que nous pouvons donner un sens à la façon dont nous abordons les choses, et la compréhension peut s'en trouver nettement différente. Qu'on soit d'une part ou d'une autre part, la façon de l'expliquer peut faire changer des points de vue.

Ceci étant dit, ce qu'on cherche à faire ici, M. le Président, avec le dépôt, avant l'amendement, de cet article avec tous les alinéas et paragraphes, c'est de faire en sorte que le Québec trouve un équilibre entre la permission d'utiliser un produit légal et faire la protection de la santé et de la prévention, évidemment. Mais trouver l'équilibre, là, c'est drôlement... c'est un... Ça devient de plus en plus difficile dans notre société parce qu'il y a des gens qui prônent pour la liberté, il y en a d'autres qui prônent pour la rigueur, mais il faut trouver l'équilibre entre les deux.

Alors, c'est ce que notre article ici, 15, fait. Ce que je veux dire au député de Labelle par votre entremise, M. le Président, c'est que ce qu'il propose, c'est de faire les choses à l'envers. Ce que nous, on a proposé, puis je maintiens notre position comme gouvernement, c'est de respecter l'autonomie municipale. Et, dans la Loi sur les compétences municipales, au chapitre C-47.1, à l'article 85, on vient dire : «En outre des pouvoirs réglementaires prévus à la présente loi, toute municipalité locale peut adopter tout règlement pour assurer la paix, l'ordre, le bon gouvernement et le bien-être général de sa population.»

Or donc, chaque municipalité peut établir des règlements pour encadrer la consommation dans sa municipalité sur les lieux publics. Ce que je veux vous dire, M. le Président, c'est que, dans tous les mémoires qu'on a reçus des groupes suite au dépôt du projet de loi, seulement 20 % nous ont demandé une interdiction totale. Il en reste donc 80 % qui n'ont pas parlé de ça du tout, du tout, du tout. Alors, à partir de ce moment-là, un, on a un point de vue des groupes qui sont venus, qui sont... vraiment, ils se sont prononcés en fonction du projet de loi qu'on avait sur la table. Deux, nous, on est le gouvernement qui a dit aux municipalités : Nous allons respecter votre autonomie municipale. Vous comprendrez qu'on n'a pas l'intention de défaire cette prémisse-là parce qu'il n'y a pas une municipalité qui se ressemble tant que ça, il n'y a pas une municipalité qui a le même dessin de ses rues, et de ses trottoirs, et de son aménagement, et de sa localisation. Chaque municipalité est différente au Québec. Juste dans mon comté, j'ai 15 municipalités, M. le Président. Dans ces 15 municipalités là, là, je peux vous dire qu'il y a déjà des grandes différences, que, si je faisais quelque chose d'uniforme, ça viendrait à l'encontre de ce qu'eux perçoivent comme lieu d'usage.

• (14 h 40) •

Ceci étant dit, la loi fédérale, puis je vais faire un parallèle pour le député de Labelle, permet des choses, mais vous savez qu'on ne peut pas être plus permissifs que la loi fédérale. On peut être plus restrictifs. Alors, c'est ce qu'on vient dire, nous autres, on dit : On va vous donner un cadre. Là, on a donné les tentes, les chapiteaux, les terrains d'établissements de santé, les terrains où sont situés des bâtiments mis à la disposition d'établissements postsecondaires, des terrasses, des aires extérieures où il y a une activité commerciale, des aires de jeux destinées aux enfants qui accueillent le public, y compris les aires de jeux d'eau, les pataugeoires, les planchodromes — tu sais, les skateparks, en bon québécois, qu'ils appellent, les jeunes — les terrains sportifs, des terrains de jeux, les aires réservées aux spectateurs.

Bref, on protège beaucoup d'endroits publics. Ce qu'on dit aux municipalités, c'est que nous allons respecter votre autonomie. À partir de là, si vous voulez vous doter d'un règlement plus sévère pour certains coins dans votre municipalité, vous aurez le choix. Et, vous savez quoi, M. le Président, on ne peut pas le faire à l'envers. Nous autres, on ne peut pas être plus permissifs que le fédéral. Ça fait que ce que me propose le député de Labelle, c'est exactement ça, c'est de dire : On va encadrer, puis vous serez plus permissifs. Ça ne fait pas de sens. Ça ne fait pas de sens. Nous, ce qu'on dit, c'est : Laissons les municipalités, comme pour l'alcool sur la voie publique, comme plein d'autres choses... Il y a des règlements municipaux, en ce moment, là, qui, justement, gèrent tout ce qui est la consommation d'alcool. Alors, nous...

D'ailleurs, je vous rappelle que l'UMQ a demandé à ce qu'on respecte leur autonomie municipale pour qu'ils puissent encadrer les lieux d'usage. Et je veux aussi vous dire, M. le Président, que, s'il reste juste les lieux de résidence privée où ils peuvent consommer, les gens, outre ceux qui sont en appartement parce que, bien sûr, les propriétaires de logements pourront l'interdire, ces gens-là qui sont en logement, bien, je me demande bien où ils vont pouvoir consommer. On va revenir à faire semblant que ça n'existe pas.

Deux, est-ce qu'on souhaite que, dans une famille, papa, ou maman, ou mononcle, matante, ou peu importe qui sera dans la maison, décident d'allumer leur joint en présence d'enfants et que l'enfant respire... alors que, maintenant, là... Moi, j'ai des amis qui viennent chez moi, qui fument le tabac, ils ne fument pas le cannabis parce qu'on n'est pas des adeptes, ça aurait pu arriver, remarquez bien, mais, bon, bien, ils vont dehors chez nous par respect pour mon mari et moi qui ne consommons pas de tabac. Est-ce qu'on va être rendus à contraindre les gens à fumer à l'intérieur puis rendre cette fumée-là à forte concentration en présence des enfants?

Moi, je vais vous dire, je pense... puis je comprends la bonne volonté du député de Labelle, mais je pense qu'il prend les affaires à l'envers, pas parce qu'il veut faire mal, là. Je comprends très bien son point de vue. Mais ce que je lui dis, c'est : Faisons exactement ce qui est dans le projet de loi. Les élus municipaux, là, ils sont tout aussi capables que nous autres, sinon plus parce qu'ils connaissent très bien leur territoire et leur aménagement du territoire, de décider de règlements sur leur territoire. Ils le font déjà pour l'alcool, puis il n'y a pas foire au village, là, pour l'alcool, ça fait que je ne vois pas pourquoi il y aurait plus foire au village pour le cannabis, d'autant plus qu'on a mis déjà un périmètre où ça sera interdit. Laissons-leur leur autonomie.

Puis, comme je vous dis, c'est l'UMQ eux autres même qui nous l'ont demandé. Et je vous réitère que de prendre les choses... C'est comme si on faisait à l'envers, là, tu sais. On va tout vous interdire, puis vous autres, vous allez permettre, alors que ce n'est pas comme ça que ça marche du fédéral au provincial puis du provincial vers le municipal. On leur dit : Nous avons destiné des lieux où ce sera interdit. Si vous en voulez plus, vous pouvez être plus sévères que nous.

Alors, bien que je comprenne la bonne volonté du député de Labelle, manifestement, on ne sera pas capables de voter en faveur de votre amendement. Je vous le dis déjà d'avance, là. On en a discuté, nous, à l'intérieur de notre caucus. Ça fait plusieurs fois qu'on discute de ce sujet-là. Et, puisqu'on est le gouvernement qui a donné beaucoup d'autonomie aux municipalités, ce n'est certainement pas nous autres qui vont leur enlever leur autonomie. On n'est pas capables de faire ça. Puis on pense que les élus municipaux, c'est des grandes personnes. Ils sont capables, eux autres aussi, de décider, dans leurs schémas d'aménagement, dans leurs lieux, dans tout ce qui les concerne, des lieux où il pourrait être consommé du cannabis.

Le Président (M. Merlini) : Merci, Mme la ministre. M. le député de Labelle.

M. Pagé : Très, très déçu, M. le Président. J'avais quand même 17 élus... C'est vrai qu'il en manquait une, hein? Il y avait une mairesse qui était partie dans le Sud, mais j'en avais quand même 16 sur 17, et c'était unanime. C'était unanime. Alors, madame... C'est ça.

Mme Charlebois : ...ne perdez pas ça de vue.

M. Pagé : Oui, je sais que vous êtes capable de faire différentes choses en même temps. Vous êtes meilleure que moi là-dessus. Mais le pouls, quand même, que j'ai eu, sur 16 maires que j'ai rencontrés, c'était unanime : Ne permettez pas dans les lieux publics. Et, à cette ouverture de pouvoir, qu'eux puissent permettre à certains endroits, ah, ça, O.K., et là le préfet dit : Bon, là, on s'entendra à ce moment-là. Bien, tout le monde, on pourra permettre un peu le même genre d'endroit ciblé. Mais, unanimement, unanimement, les gens me disaient... puis, unanimement aussi, des gens que je rencontre un peu partout, les gens lors des soirées publiques, les gens me disent : On ne devrait pas avoir le droit de consommer sur la place publique en marchant sur la rue comme on ne le fait pas pour l'alcool. Et pourtant ça serait moins pire, l'alcool. C'est moins pire, l'alcool, puis pourtant ce n'est pas possible.

Alors, j'ai énormément de difficultés à comprendre la volonté gouvernementale. Et pourtant, quand elle nous dit : On veut faire le monde à l'envers, là, ce qu'elle nous dit, c'est que l'Ontario fait le monde à l'envers, le Nouveau-Brunswick fait le monde à l'envers, le Colorado fait le monde à l'envers. Alors, tous les endroits, les endroits limitrophes puis les endroits qui ont le plus d'expérience, font tout à l'envers, sauf que le gouvernement a trouvé, par contre, ce qui était la bonne chose. Moi, je dis : Attention, là! quand... Gandhi disait : Ce n'est pas parce qu'on est minoritaires qu'on a tort. C'est vrai, et le temps lui a donné raison. Mais là elle va sur un terrain glissant, là, en disant : Bien, le député de Labelle veut faire le monde à l'envers. Mais pourtant les provinces limitrophes font le monde à l'envers, le Colorado, qui a plus d'expérience, fait le monde à l'envers. Prudence, prudence. Est-ce qu'elle a consulté ses homologues des provinces limitrophes? Est-ce qu'ils lui ont dit que, bien, le monde à l'envers, c'est de faire ce qu'eux sont en train de faire? Je suis vraiment surpris de cette réponse. Je suis vraiment surpris de cette réponse.

Et, je vous dirais, même, pour bien faire, là, c'est tellement clair dans mon esprit qu'il ne faut pas aller dans la direction qu'on est en train de nous amener parce qu'à mon avis ça va plus loin que juste : Bien, tu as tort, j'ai raison, là. On banalise. Et, s'il y a bien une chose qu'on nous a répétée à satiété dans toutes les consultations, il ne faut pas que légalisation soit synonyme de banalisation, et, avec l'article 15, on banalise. Alors, s'il y a une chose, je pense, qu'on devrait faire, ça serait... Je l'invite, là, je l'invite à suspendre l'amendement, à suspendre l'article 15, et de retourner consulter, et d'aller demander à ses homologues des provinces limitrophes puis d'aller demander à des élus un peu partout : Qu'est-ce que vous en pensez, que, vous et moi, on va pouvoir se promener et consommer du cannabis en marchant sur la rue un peu partout? La réponse, elle va l'avoir tout de suite. Moi, je l'ai eue. C'est ce que je doutais, mais la semaine dernière, pendant toute la semaine, je l'ai eue en pleine face, et tout le monde a été unanime pour me dire : Bien non, bien non, bien non! C'est quoi, cette affaire-là? On va pouvoir marcher sur la rue puis consommer du cannabis? Bien non! On ne peut pas se promener sur la rue puis boire de l'alcool, et pourtant, un verre d'alcool, tu n'as pas altéré tes capacités.

La ministre dit... elle faisait référence à la loi fédérale : La loi fédérale dit des choses, nous, on va encadrer. Mais la loi fédérale n'en parle même pas, de ça, là, ou à moins qu'elle me dise à quel endroit. Mais la loi fédérale nous envoie la balle dans notre cour et nous dit : Vous allez décider à quel endroit. Mais, la loi fédérale, il n'y a pas véritablement d'encadrement par rapport au lieu de consommation, là. Alors, c'est à nous à décider, comme l'Ontario l'a fait, comme le Nouveau-Brunswick l'a fait. Puis probablement que, si on fait la liste des provinces... J'aimerais savoir combien de provinces ont décidé de consommer sur la place publique. J'aimerais qu'on fasse le décompte.

La ministre nous dit : Il n'y a que 20 % des gens qui sont venus nous demander l'interdiction totale. Mais il y en a combien qui se sont prononcés? Avez-vous fait le décompte? Il y en a combien qui se sont prononcés? Il y a plusieurs qui sont venus déposer des mémoires, mais ils n'ont tout simplement porté aucun regard sur le sujet. Si elle fait 20 % des 60 et quelques mémoires qui ont été déposés, mais qu'il y en a juste 20 % qui se sont prononcés sur la chose, c'est donc que 100 % veulent l'interdiction. Alors, j'aimerais, là, qu'elle fasse le tour de tous les mémoires qui ont été déposés. Combien se sont prononcés? Combien ont dit : Nous voulons que ça soit possible de consommer sur le trottoir, dans les lieux publics? Combien ont dit ça? Est-ce qu'elle a la réponse? Je lui pose la question. Est-ce qu'elle a la réponse?

Le Président (M. Merlini) : Mme la ministre.

• (14 h 50) •

Mme Charlebois : D'abord dire, M. le Président, quand il parle avec ses maires... parce que moi aussi, je parle avec mes maires, puis j'ai 15 municipalités, puis, c'est drôle, j'ai un son de cloche totalement différent, sauf que je vais vous en poser, moi, une question. Est-ce que vous avez mentionné le nombre de lieux qui sont déjà dans l'interdiction? Est-ce que vous avez mentionné que c'est «tabac plus» qui est déjà là? Vous avez donné tous les lieux qui sont dans l'article que j'ai mentionné. Ça m'a pris cinq minutes, le lire, là. Il y a huit alinéas, plus deux autres dans le bas, là. Vous avez tout mentionné ça à vos maires?

M. Pagé : De mémoire, là, j'en ai quand... sauf que je, vais vous dire...

Mme Charlebois : Oui, c'est ça. Bien, moi, quand je leur mentionne que c'est...

M. Pagé : ...je vais vous dire, des abribus dans mes 27 municipalités, il n'y en a pas. Alors, je n'avais pas besoin de nommer tous les endroits qui sont écrits dans la loi parce que, souvent, ça ne les concerne pas. Mais ce qui choque, c'est de savoir que, vous et moi, on va pouvoir se promener sur la rue et consommer. C'est ça qui choque.

Mme Charlebois : M. le Président, c'est moi qui avais la parole?

M. Pagé : Oui, mais elle m'a posé une question, M. le Président.

Le Président (M. Merlini) : Un à la fois! Un à la fois! Je le sais, c'est lundi. Mme la ministre.

Mme Charlebois : Alors, ce que je comprends, c'est que, O.K., il n'a pas mentionné les abribus. Mais il a donc mentionné à tous ses maires, et ça, j'espère que ça a été dit, là, tout le restant : les tentes, les chapiteaux, etc., les lieux de... terrains d'établissements de santé et services sociaux, les autres établissements postsecondaires, les terrasses, les autres aires extérieures accessibles et exploitées par une activité commerciale, les aires de jeux destinées aux enfants qui accueillent le public, les aires de jeux d'eau, les pataugeoires, les planchodromes, les terrains sportifs, les terrains de jeux, les aires réservées aux spectateurs. Tout ça a été dit, là. Permettez-moi de dire que je lui fais confiance.

Mais, ceci étant dit, il y a... Puis là je n'ai pas tout lu l'article, là, M. le Président. Est-ce que, quand le député de Labelle affirme : Mais c'est déjà bien encadré par l'alcool, ça veut-u dire que les maires ne seront pas capables de faire la même chose avec les lieux de consommation pour le cannabis? C'est eux autres qui déterminent déjà où est consommé l'alcool. Ça, c'est une autre affaire.

Puis, quand il me dit, là : Il y en a d'autres, provinces, dont le Colorado, qui ne permettent pas, tatati. Bien non! Ils ont des «pot shops», ce qu'on ne veut pas au Québec. On ne veut pas recommencer à avoir des fumoirs comme des salons de cigares, et tout ça. Je me rappelle qu'il y a quelqu'un qui a déposé un amendement pour avoir des salons de cigares. Je me demande si ce n'est pas le député de Labelle. Je ne veux pas vous l'imputer parce que je ne suis pas certaine. C'est soit vous ou le député de Borduas.

Bon, alors, une fois que je vous dis ça, M. le Président...

M. Jolin-Barrette : M. le Président, juste...

Le Président (M. Merlini) : Un instant, Mme la ministre. M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Juste une question de clarification pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté. Je tiens à rassurer la ministre, ce n'est pas moi ni ma collègue de Repentigny qui avons déposé un amendement pour autoriser les salons ou les fumoirs. Vous pouvez être certaine qu'on est tout à fait contre cette disposition.

Le Président (M. Merlini) : C'est noté, M. le député de Borduas. Mme la ministre.

Mme Charlebois : ...de ce fait, M. le Président, il ne faut pas... Tu sais, moi, là, je fais confiance aux élus municipaux. Puis, quand il me dit : On banalise, bien, c'est-u que les maires et les élus municipaux vont banaliser le cannabis puis ils ne seront pas capables de l'encadrer au même titre qu'ils encadrent de l'alcool, la consommation d'alcool sur la voie publique? Moi, je ne pense pas. Je ne pense pas. Je pense qu'ils sont capables de réglementer ça comme ils le réglementent déjà. Puis, savez-vous quoi, même ici, à Québec, c'est déjà prévu dans leur règlement, ça dit «alcool et drogue», si je ne me trompe pas. Je pense que le maire Labeaume a déjà vu à ça. Je pense, c'est déjà fait.

Alors, en ce moment, là, quand on me demande les provinces qui envisagent de l'interdire totalement sur la voie publique, il y a l'Ontario, Saskatchewan et le Manitoba. Puis ce n'est pas clair, clair, le Manitoba. Les autres provinces, là, c'est comme nous autres, c'est «tabac plus». Pourquoi? Parce qu'il y a un règlement municipal qui peut entrer en vigueur. Et moi, je fais confiance aux élus municipaux.

Et là-dessus, M. le Président, je vais vous dire, je répète, là, on a voté une loi, là, et, à l'article 85 de la Loi sur les compétences municipales, on leur donne des pouvoirs réglementaires pour assurer la paix, le bon gouvernement, l'ordre, le bien-être général de la population. Ils sont capables de se doter de règlements dans leurs schémas d'aménagement ou dans leurs lieux, de dire : Cette avenue-là, on ne veut pas de cannabis. Puis, du fait qu'il n'y a pas une municipalité pareille... L'UMQ nous l'a demandé. C'est plus que vos maires puis mes maires ensemble, là. On peut jouer à ça, là, dire : Mes maires, moi, sont d'accord, les vôtres ne sont pas d'accord avec notre interprétation, puis on peut faire ça tout l'après-midi, mais l'UMQ, c'est un rassemblement de maires. Je ne peux pas croire qu'ils n'ont pas consulté leurs élus, là.

Alors, moi, en termes de cohérence, je préfère respecter la Loi sur les compétences municipales. À l'article 85, on leur a donné de l'autonomie. Ils sont capables... Puis je ne suis même pas inquiète qu'ils vont le faire. Ils vont décider des lieux où ils ne veulent pas parce qu'ils savent, là, qu'on s'en vient avec des lieux qui sont déjà interdits. Ils sont capables de décider de lieux supplémentaires. Moi, je leur fais confiance puis je reste dans cet esprit-là. Ce n'est pas parce qu'on leur fait confiance qu'on banalise. Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai. Si on me dit que je banalise parce que je leur fais confiance, c'est donc dire qu'on ne leur fait pas confiance. Si on veut faire des raccourcis, on va les faire jusqu'au bout, là. Je ne pense pas que c'est ça que le député de Labelle veut me dire. Je ne pense pas. Ça me surprendrait, en tout cas, de lui, bien gros.

Alors, ce que je veux vous dire, c'est que, non, on n'aura pas de «pots shops» comme au Colorado. Ça n'arrivera pas. Il n'y en aura pas, des fumoirs. On n'en veut pas plus. On a déjà voté un amendement dans ce sens-là. Ce qu'on ne veut pas, c'est qu'il y ait une concentration de fumée dans les lieux de résidence. Ceux qui sont en appartement, bien, vous autres, si on écoute, voyons, le député de Labelle, excusez-moi, bien, vous ne fumerez pas nulle part parce que vous ne pourrez pas dans votre logement, vous ne pourrez pas sur les lieux publics, vous ne pourrez... En tout cas, il n'y aura pas de place. Ce n'est pas compliqué, il n'y en aura pas pantoute. Ça fait que savez-vous ce qu'on va faire? C'est qu'on va mettre plein de monde illégal. C'est ça qu'on va faire.

Moi, je pense, les municipalités sont capables de circonscrire des places où elles vont dire : Là, là, tu peux y aller, vas-y, puis ça, tu ne peux pas y aller parce que ça, on ne veut pas de cannabis sur ces rues-là. Puis ils sont capables de déterminer où il y a affluence. C'est déjà le cas ici, à Québec. Puis il y a d'autres municipalités que c'est déjà le cas comme ça. S'ils sont capables, s'ils n'ont pas banalisé le produit qu'est l'alcool, je ne vois pas pourquoi ils ne seraient pas capables de décider pour le cannabis. Moi, je suis convaincue qu'ils ont toutes les capacités. Puis ils connaissent bien mieux leur territoire que quand on fait une grande loi à Québec puis qu'on englobe tout le monde dedans.

D'ailleurs, je me souviens très bien qu'en ce qui concerne le tabac il y a des gens qui étaient venus me voir parce que les terrains de camps de jour, là... Des terrains de camps de jour, c'est grand en mosus, M. le Président. C'est grand, c'est très, très vaste. Puis les moniteurs, là, parfois, ils sont obligés d'aller au trait-carré aller fumer leur cigarette, je vais vous le dire, là. Puis c'est déjà interdit pour le tabac puis ça va être encore interdit pour le cannabis. Puis c'était un problème pour le tabac, je m'en souviens. Il y en a qui sont venus m'en parler.

Alors, moi, je demeure convaincue que, plutôt que de faire une grande mesure large, là, restrictive, on est mieux de les... On a déjà un encadrement qui est très, très, très précis. Et là je pense que les municipalités... puis pas je pense, je suis certaine que les élus municipaux sont tout aussi à l'affût de protéger leur population et de choisir les endroits où ça sera permis et les autres où ça ne sera pas permis. Mais remarquez qu'avec toutes les restrictions qu'on a déjà données, là, il ne reste plus tant d'endroits que ça. Ça fait que, si elles amènent encore un petit peu plus d'encadrement, les municipalités, ça va être encore moins permis. Alors, moi, je leur fais confiance, M. le Président. Et, comme nous sommes le gouvernement, tous ceux qui sont assis de ce bord-ci de la table, là, qui a donné plus d'autonomie aux municipalités, je pense que mes collègues sont d'accord pour qu'on respecte leurs pouvoirs.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Mme la ministre. M. le député de Labelle, vous disposez de quatre minutes.

M. Pagé : Oui. Je vois le député d'Ungava qui semble me dire qu'il est d'accord avec ça. Il faut dire qu'avec le très grand territoire qu'il a probablement que ça cause moins problème. C'est à peu près la moitié du Québec, votre comté, hein, c'est ça? Plus que la moitié du Québec. C'est quand même, j'ai envie de dire, hallucinant, sans faire de mauvais jeu de mots, mais, quand la ministre me dit : Bien, des gens vont être chez moi puis, bien, par respect, ils vont sortir, mais là ils ne pourraient plus aller fumer sur la place publique. Mais les gens, quand ils sont chez moi puis qu'ils veulent fumer, ils fument sur mon terrain, là. Sur mon terrain, je ne suis pas sur la place publique.

Une voix : ...

M. Pagé : Bien, quand les gens vont être chez moi et que je leur dis : Bien, allez fumer dans la cour arrière, bien, ça, ils peuvent déjà, là. Alors, ce que l'on dit, c'est sur la rue, et ça, ce n'est pas nommé. Quand la ministre nous dit : Bien là, si on les rend illégal... il faut arrêter de restreindre, mais là je lui rappellerai que, parlant de restreindre les droits de tous et chacun, pourtant elle interdit à tous les citoyens de faire pousser ne serait-ce qu'un plant de cannabis à la maison. Quand on parle d'être restrictif et de rendre les gens illégaux quand elle sait très bien, probablement, que... Et même il y a eu justement des propos du fédéral, en fin de semaine, disant que, bien, aussitôt que ça va être contesté, bien, on va supporter les gens qui vont contester. Donc, il y a de bonnes chances que ça devienne illégal. Alors, quant à cette illégalité-là, elle est en train de rendre illégaux des gens qui voudraient faire quelque chose à l'intérieur de leur maison. Alors, en termes de restriction, là, je trouve qu'en termes d'illégalité on repassera, là.

Moi, je n'ai pas entendu de réponse à la question. Elle m'a dit : Il y a 20 %... dans 20 % des mémoires seulement qui ont été déposés que des gens ont demandé l'interdiction totale. Premièrement, notre amendement ne va pas jusqu'à l'interdiction totale parce que les municipalités pourraient prévoir des endroits. Alors, on a tout prévu, quand même. Mais pour l'interdiction totale, il y en a combien, dans l'autre 80 %, qui ont dit quelque chose? Est-ce qu'on a une réponse à ça?

• (15 heures) •

Le Président (M. Merlini) : Mme la ministre.

Mme Charlebois : Ce que je sais, c'est qu'il y a 20 % des gens qui ont demandé une interdiction totale sur 55 groupes. Ça, je sais ça. Ce que je sais aussi, M. le Président, c'est que la ville de Montréal demande le maximum de latitude pour l'interdiction de l'usage des lieux publics. Elle veut déterminer elle-même... Je pense que la municipalité de Montréal, la ville de Montréal, je pense que c'est assez important.

Je vais vous en donner un autre, exemple, M. le Président. Réseau québécois des villes et villages en santé, ils écrivent, eux autres, concernant les lieux de consommation : «Trop restreindre la consommation en dehors des lieux privés favoriserait une [explosion] — l'exposition, excusez-moi — plus importante de la fumée secondaire par les autres habitants des logements et toucherait plus particulièrement les populations défavorisées qui vivent, pour la plupart, dans des logements locatifs.

«[...]afin de respecter les compétences municipales en matière de zonage et de réglementation, le Réseau québécois des villes et villages en santé recommande de garder les mêmes restrictions que pour l'usage du tabac dans les lieux publics...»

Ce n'est quand même pas... Ils sont nombreux, là, ceux qui sont là-dedans, là. Puis ce n'est pas moi qui le dis, là, c'est eux autres qui l'ont dit. Alors là, je suis rendue à dire : La ville de Québec, la ville de Montréal, le Réseau québécois des villes et... l'UMQ, M. le Président, je pense que les élus sont capables de faire leurs propres décisions. Et je ne veux pas qu'on fasse... C'est vrai que la consommation n'est pas légiférée par le fédéral, vous avez raison, puis je le sais. Ce que je vous dis, c'est que le fédéral a un encadrement pour plusieurs dispositions. On ne peut pas être plus permissifs qu'eux autres.

Alors là, ceux qui encadrent la consommation, c'est nous, alors les municipalités ne peuvent pas être plus permissives que nous. Nous encadrons; ils peuvent en ajouter. Alors, c'est pour ça que je préfère garder notre cadre. Parce que, je suis certaine, s'ils sont capables de faire les réglementations nécessaires pour tout ce qui est alcool, ils sont capables de faire la même chose pour le cannabis.

Le Président (M. Merlini) : Merci, Mme la ministre. M. le député de Labelle.

M. Pagé : Bien, je n'ai toujours pas eu de réponse à ma question, là. Sur les 65 mémoires, il y en a 20 % qui se sont prononcés pour l'interdiction totale. Dans les autres 80 %, combien ont dit quelque chose à ce sujet-là? Est-ce qu'on a un chiffre là-dessus?

Le Président (M. Merlini) : Mme la ministre.

Mme Charlebois : Ce que j'ai, moi, ici, M. le Président, dans le résumé, là, c'est qu'il y a 25 %, sur 55 groupes... 20 %, excusez, qui ont demandé une interdiction totale. Alors, les autres, tirez vos conclusions. Puis on pourra refaire la lecture des mémoires, à savoir : Qui n'en a pas parlé du tout ou qui en a parlé un peu? Mais, si je vous dis que l'UMQ, si je vous parle de Réseau québécois des villes et villages en santé, si je vous parle de la ville de Montréal, la ville de Québec, ça commence-tu à dire qu'il doit y en avoir quelques-uns qui veulent réglementer eux-mêmes? D'après moi, je vous dis ça avec beaucoup, beaucoup, beaucoup de respect, là, je pense qu'il y a beaucoup d'élus municipaux qui sont capables, comme ils l'ont fait pour l'alcool. C'est déjà en vigueur pour l'alcool.

Alors, M. le Président, quand bien même que je répondrais puis qu'on retournerait lire les 80 % d'autres mémoires, là, moi, ce que je lui dis, là, c'est qu'on touche au monde municipal, et, dans le monde municipal, j'ai deux villes majeures qui veulent plus de pouvoirs... plus de latitude pour pouvoir eux autres même encadrer ça, les lieux de consommation. J'ai villes et villages... attendez un peu, là, Réseau québécois des villes et villages en santé. Ce n'est quand même pas les derniers des Mohican, là. C'est tous des élus qu'il y a là, là. Alors, tout ça, là, me fait dire... Puis il y a l'UMQ qui me fait dire que c'est tous des gens du monde municipal, des élus municipaux qui veulent la latitude pour, eux, spécifier quels seront leurs lieux d'interdiction.

Moi, je n'ai pas d'autre chose à rajouter, M. le Président.

Le Président (M. Merlini) : Merci, Mme la ministre. M. le député de Saint-Jérôme.

M. Bourcier : Oui, M. le Président. Vous savez que je dis toujours... j'amène toujours un angle différent à propos des discussions qu'on a. Je vais revenir sur ce que Mme la ministre mentionnait tantôt sur les provinces canadiennes.

On a l'Île-du-Prince-Édouard qui a une interdiction, et il y a également Terre-Neuve-et-Labrador qui l'interdit dans les lieux publics au niveau de la consommation du cannabis. Et j'ai toujours fouillé dans mes notes, j'ai plein de notes, là, je me suis mis plein de notes autour, mais, quand je suis allé au Nouveau-Brunswick, c'était l'interdiction dans les lieux publics qui était prônée. D'ailleurs, la consommation de cannabis à des fins récréatives serait interdite dans les lieux publics. Puis je vais vous lire un extrait, justement, de ce qui nous avait été communiqué lorsqu'on y était. Et la majorité des gens ont indiqué au comité que le cannabis ne devrait pas être consommé en public. La province a déjà édicté des modifications sur la loi, sur les endroits sans fumée. Alors, évidemment, le Nouveau-Brunswick aussi est contre. Donc, à date, nous, nos informations nous disent qu'il n'y a seulement que l'Alberta qui veut clairement le permettre en public.

L'autre chose, M. le Président. Je suis tombé sur un mémoire, parmi les 20 % des mémoires qui voulaient l'interdiction dans les lieux publics, c'est le Conseil québécois sur le tabac et la santé qui disait explicitement, et je rejoins mon collègue député de Labelle en disant ça, que la consommation de cannabis se compare davantage à celle de l'alcool qu'à celle du tabac, compte tenu de ses effets psychotropes sur le comportement de ses utilisateurs et des risques qu'elle représente pour la sécurité de la population. On parle d'une autre chose, on est dans une autre zone que le tabac et dans une autre zone également que l'alcool, qui pourrait être possiblement consommé sur les lieux publics.

Là, où je m'enligne, moi, comme ancien enseignant, c'est justement la perception des gens par rapport à ça. Dans un sondage qui était publié il n'y a pas très longtemps, soit en date du 26 février, un sondage SOM, on disait que 76 % des Québécois sont en désaccord avec la consommation dans les lieux publics; 9 % des Québécois sont d'accord — ce n'est pas beaucoup, ça. Alors, 76 % des Québécois sont en désaccord avec la consommation dans les lieux publics. Je sais, Mme la ministre a raison en disant que ça fait plusieurs endroits, dans l'article 15, qui sont énumérés là, justement pour l'interdiction. Mais d'en permettre certains, justement, que nous, on veut interdire, ça ouvre la porte à la perception, et là je vais peser mes mots, la perception que les jeunes vont avoir concernant l'acceptabilité sociale de la consommation du cannabis.

Moi, en tout cas, par expérience personnelle... Puis je vais vous raconter. Lorsque j'étais enseignant, on était dans un milieu défavorisé, et, à certaines heures de la journée, il y avait les élèves de la polyvalente qui arrivaient dans le parc-école qui était situé dans la cour de notre établissement, qui venaient consommer. Et il y avait des jeunes de deuxième, première, troisième année, qui allaient jouer dans les jeux, et qui apercevaient ces grands-là en train de consommer, et qui devaient sûrement sentir les odeurs de cannabis qu'il y avait sur la cour.

Alors, l'acceptabilité... ou, je dirais, la normalité de cette histoire-là, pour des yeux de jeunes enfants, fait qu'il y a un risque à courir. En l'interdisant dans les endroits publics, dans tous les lieux publics, ça va avoir pour effet, M. le Président, de retarder l'initiation des jeunes ou qui ne commencent jamais à en consommer. Pendant des années, dans ma classe, il y avait des programmes antitabac où on disait : Plus tard on les retarde, plus tard ils vont fumer la cigarette, moins l'habitude pourrait arriver, moins ils seront en contact avec des gens qui fument. Moi, je pense que, par expérience, puis je pense surtout aux jeunes qui pourraient percevoir ça comme une normalité...

Une voix : Une banalisation.

M. Bourcier : ...une banalisation, tout à fait, d'utilisation ou de fumer du cannabis, alors là c'est notre devoir de l'interdire dans les lieux publics.

Et je termine en disant que j'ai côtoyé aussi des personnes de ma circonscription, qui est aussi une ville parce qu'à Saint-Jérôme c'est les mêmes limites que la ville — et il y a une commission sur le cannabis et des personnes qui gravitent au niveau municipal et qui m'ont donné une opinion similaire que les maires ont donnée à mon collègue député de Labelle — les gens veulent une interdiction complète dans les lieux publics pour éviter une banalisation et que ce soit acceptable de le faire pour les plus jeunes. Et c'est aux plus jeunes que je pense quand je vous adresse la parole à ce sujet-là, M. le Président.

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. le député de Saint-Jérôme. M. le député de Borduas.

• (15 h 10) •

M. Jolin-Barrette : Alors, bonjour, M. le Président. Bon lundi. Je vais avoir un sous-amendement à déposer à l'amendement du député de Labelle, qui se lira ainsi : Modifier l'amendement proposé à l'article 15 de la Loi encadrant le cannabis proposé par l'article 12 du projet de loi :

1° par la suppression de «à l'exception des lieux expressément désignés par les municipalités dans leur réglementation».

Ainsi, le texte de l'article sous-amendé se lirait ainsi :

«Sous réserve des dispositions des alinéas précédents, il est [...] interdit de fumer du cannabis dans une rue ou dans tout autre endroit public.»

Alors, on a les copies, M. le Président, on peut les distribuer.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup.

Je suspends les travaux quelques instants pour permettre la distribution du sous-amendement de M. le député de Borduas.

(Suspension de la séance à 15 h 11)

(Reprise à 15 h 13)

Le Président (M. Merlini) : Nous reprenons donc nos travaux. La copie du sous-amendement de M. le député de Borduas a été distribuée aux membres, ils en ont pris connaissance. Et je demanderais maintenant au député de Borduas de nous donner ses explications. À vous la parole.

M. Jolin-Barrette : Alors, M. le Président, vous savez que ce débat-là sur le fait de consommer dans les lieux publics et dans les espaces publics, nous, au niveau de la Coalition avenir Québec, on est contre le fait de permettre la consommation dans les lieux publics.

Dès le départ, dès le 12 ou le 13 septembre, lorsqu'on a présenté notre proposition par rapport à l'encadrement du cannabis, ça a été très clair pour nous qu'on devait être restrictifs, on devait avoir une approche qui était restrictive dès le départ parce qu'il s'agit d'un encadrement nouveau, d'un produit qui était illicite qui devient licite. On n'a pas d'expérience par rapport au cannabis en termes de substance licite et en termes de consommation dans les lieux publics.

Parce qu'il faut se rappeler qu'actuellement, et la ministre aime nous le rappeler... de nous dire que du cannabis, ça existe déjà. C'est vrai. Par contre, actuellement, les policiers avaient déjà un outil, puisque la substance était illicite. S'il y avait des interventions à faire, ils étaient habilités à faire les interventions dans les lieux publics parce que la substance était illicite. Donc, il y a des arrestations qui pouvaient être faites, il y a des constats d'infraction qui pouvaient être donnés par rapport aux individus qui consommaient dans les lieux publics.

Vous savez, ce qui est important lorsqu'on est un gouvernement, lorsqu'on gère un État, c'est d'assurer la quiétude de la population, d'assurer le bon ordre, d'assurer, dans l'espace public, que l'ordonnancement de la vie se fasse de façon appropriée. C'est pour ça qu'on est régis par toutes sortes de lois, toutes sortes de règlements qui gouvernent nos rapports entre nous. Alors, c'est la même chose au niveau privé que dans le domaine public. Il faut mettre en place un cadre législatif qui fait en sorte... qui régit les rapports entre les individus. Le fait notamment d'encadrer le cannabis, ça en fait partie.

Alors, je suis assez d'accord avec le député de Labelle sur la proposition d'interdire le cannabis dans les lieux publics, à l'exception du fait que, pour nous, on souhaite que ça soit interdit sur l'ensemble du territoire québécois. Et je vais m'expliquer en ce sens-là, et je veux bien qu'on me comprenne. Et je ne souhaite pas que la ministre nous dise : Nous, de notre côté, on respecte les municipalités, et vous, vous ne les respectez pas.

Le principe de l'autonomie municipale, il est acquis et il est respecté par l'ensemble des formations politiques. Ce qui a été voté dans le projet de loi n° 122, c'est correct. Par contre, dans des cas particuliers, comme celui d'une nouvelle substance comme le cannabis, je pense que c'est important d'avoir un gouvernement national qui prend ses responsabilités. Et actuellement, ce que le gouvernement libéral fait, c'est de pelleter la légalisation, l'encadrement du cannabis dans les municipalités québécoises. Donc, on leur pellette le problème puis on va leur dire : Bien, arrangez-vous pour l'encadrer entre vous.

Et il faut dire que moi aussi, M. le Président, j'ai été interpellé par mes maires et mes mairesses de ma circonscription. Moi, ma circonscription couvre deux MRC, M. le Président, la MRC de La Vallée-du-Richelieu ainsi que la MRC des Maskoutains, donc la partie de Saint-Hyacinthe, deux villes dans cet endroit-là, Sainte-Madeleine, Sainte-Marie-Madeleine, et, pour la MRC de La Vallée-du-Richelieu, moi, j'ai 10 villes là-dedans : Otterburn Park, Saint-Hilaire, Saint-Mathieu-de-Beloeil, Saint-Jean-Baptiste, Saint-Charles-sur-Richelieu, Saint-Denis-sur-Richelieu, Saint-Marc, Saint-Antoine, Beloeil également et McMasterville.

Alors, M. le Président, j'ai discuté avec les élus, j'ai discuté avec les conseillers municipaux, lors des tournées que je fais des conseils municipaux, et ils m'ont tous dit la même chose : Réglez-le à Québec, on ne veut pas être pognés avec le problème; déjà qu'on n'est pas contents du gouvernement fédéral, du fait qu'il y ait une légalisation, nous, là, comme municipalités, ça va engendrer de la pression sur nous, encore une fois, pression financière, pression en matière de ressources humaines, pression en matière d'interventions.

Parce que les municipalités, c'est un gouvernement de proximité. Les municipalités, ce sont eux qui sont les plus proches du citoyen, mais doivent gérer des problématiques provinciales et fédérales. Et on ne leur donne pas tous les moyens pour le faire. Mais surtout, ils nous demandent de l'aide, ils nous disent : Simplifiez-nous la vie, aidez-nous à ce que ça soit facile à gérer, le cannabis. Alors, vous vous retrouvez dans différentes situations où parfois vous êtes régis par une régie intermunicipale de police.

Je donne un exemple. Nous, c'est la Régie intermunicipale Richelieu-Saint-Laurent, pour une partie de mon territoire. Il y a, je pense, une vingtaine de villes qui sont régies. Ensuite, vous avez certaines parties du territoire qui sont régies par la Sûreté du Québec. Donc, exemple, mes quatre villages du nord des Patriotes, Saint-Charles, Saint-Denis, Saint-Marc, Saint-Antoine, relèvent du poste de Sorel. Sainte-Madeleine puis Sainte-Marie-Madeleine relèvent du poste de Saint-Hyacinthe avec la Sûreté du Québec. S'il n'y a pas de règlement d'application provinciale, M. le Président, ou l'interdiction complète de consommer dans les lieux publics, ça va faire en sorte que les corps de police vont devoir, s'il n'y a pas d'arrimage au niveau des règlements municipaux, regarder dans chacun des règlements municipaux est-ce que c'est permis de consommer du cannabis dans tel lieu. Première chose : Est-ce que c'est permis sur leur territoire, oui, non?

Prenez le cas d'une municipalité qui dit : Ah! bien, c'est permis, mais juste à tel endroit, dans tel parc, à tel endroit. Alors, les policiers, eux, vont devoir évaluer, devoir avoir le règlement dans chacune des 20 villes qui font partie de la Régie intermunicipale Richelieu-Saint-Laurent pour dire : O.K., à Calixa-Lavallée, tu peux, mais pas à Saint-Antoine; à Saint-Denis, tu peux, dans le parc, mais, à Saint-Hilaire, tu ne peux pas dans le parc Lamartine. Voyez-vous l'incohérence que ça amène?

L'autre solution, c'est qu'il y ait un arrimage des différents règlements municipaux, que la régie s'assoit ensemble et que chacun des conseils fasse un règlement miroir avec toutes les autres municipalités. Mais savez-vous ce que ça demande en termes d'effectifs, en termes de ressources humaines, en termes de greffes? Savez-vous comment c'est compliqué?

• (15 h 20) •

Moi, je suis pour un État efficace. Et vous allez vous retrouver avec des MRC, supposons... Parce qu'il faut le dire, M. le Président, une régie intermunicipale, ça ne couvre pas nécessairement les municipalités que dans la MRC. Je donne l'exemple chez nous, la MRC, elle couvre des municipalités qui ne sont pas desservies par la régie intermunicipale, mais qui sont avec la SQ. Alors, une autre difficulté.

Alors, le temps que ça soit adopté, le temps que chacun des conseils adopte des résolutions... Aussi, si jamais il y a une problématique au niveau du règlement. Supposons, le règlement est invalidé en partie par une requête en constitutionnalité. Là, vous vous retrouvez avec des municipalités, une vingtaine de municipalités, supposons, qui auraient adopté le règlement-cadre, négocié entre eux, à devoir réadopter 20 fois s'il y a une disposition du règlement qui est modifiée. Dites-vous tout le travail que ça demande pour chacune des municipalités.

Tout le monde nous a dit lors des consultations : Vous avez une nouvelle expérience, vous devez être précautionneux, vous devez y aller à pas de bébé. Comme parlementaires québécois, comme gouvernement québécois, on a une responsabilité d'application, on une responsabilité que ça se passe bien, la légalisation du cannabis. On a une obligation de bons pères, de bonnes mères de famille.

Et je ne veux surtout pas mettre en opposition... et j'ai entendu beaucoup la ministre tout à l'heure le dire au député de Labelle : Vous ne faites pas confiance aux élus municipaux. C'est tout à fait faux. Je suis convaincu que le député de Labelle fait autant confiance que moi, que la ministre aux élus municipaux dans les 1 100 municipalités du Québec. Par contre, il y a beaucoup de municipalités qui n'ont pas les ressources requises au niveau de l'application, au niveau de gérer cela. C'est déjà compliqué pour nombre de municipalités. Quand vous vous retrouvez dans des municipalités de 15 000 habitants, 1 000 habitants ou 500 habitants, les citoyens, là, ils paient des taxes pour faire fonctionner la municipalité. Si, en plus, il faut qu'ils aillent à l'externe pour engager des bureaux d'avocats pour faire leurs réglementations...

Parce que c'est ça qui arrive. Quand vous avez une municipalité de 1 500 habitants, là, qu'est-ce qu'ils font? Souvent, ils demandent des avis juridiques. Souvent, ils travaillent sur des projets de règlement, et là, ensuite, c'est amené au conseil. C'est des factures de milliers de dollars pour beaucoup de municipalités. La question qui se pose, c'est : Est-ce que le gouvernement libéral veut imposer ça aux municipalités?

Et, quand on parle des municipalités, on parle des citoyens québécois, on parle des payeurs de taxes, on parle des gens qui, à chaque année, paient en fonction de l'évaluation foncière de leurs maisons. On les taxe au provincial, on les taxe au fédéral, on les impose au niveau municipal. Ils sont déjà égorgés, puis au lieu de leur simplifier la vie, au lieu de leur dire de faire oeuvre utile, au lieu de dire : Bien, nous, au niveau québécois, on va faire comme en Ontario, on va faire comme au Nouveau-Brunswick, on va appliquer un règlement de portée générale provincial à la fois pour que le travail policier, pour que les employés municipaux, pour que les citoyens aussi aient de la prévisibilité et sachent quel est le cadre réglementaire qui régit le fait de consommer du cannabis...

Parce que ce n'est pas mieux pour le citoyen, aussi. Mettez-vous à la place du citoyen qui veut consommer du cannabis. Il s'en va chez son cousin, son cousin qui habite à Saint-Hilaire, supposons. Lui, dans sa ville, à Beloeil, de l'autre bord du Richelieu, c'est permis, mais, à Saint-Hilaire, ce n'est pas permis. Là, comment il va faire pour savoir si c'est permis? Mais, deuxièmement, si jamais il y a du «spot zoning», où on peut fumer du pot, bien, comment il va faire pour savoir que, dans tel parc, à Saint-Hilaire, supposons au parc Beaujeu, il peut fumer, mais au parc Lamartine, il ne peut pas fumer? Il va aller au greffe avec son joint de pot, avant, de la ville, puis il va aller voir, puis il va aller dire : Écoutez, j'aimerais ça savoir si je peux fumer au parc Lamartine, à Saint-Hilaire, ou il faut que j'aille au parc Beaujeu.

Parce que c'est à ça qu'on s'expose, Mme la ministre. C'est cette réalité-là. S'il n'y a pas d'uniformité et s'il n'y a pas d'interdiction globale, dans les espaces publics, bien, les citoyens québécois n'auront pas de la prévisibilité. Alors, est-ce que vous voulez aussi faire en sorte de pénaliser ces citoyens québécois là qui voudront consommer? Parce que, c'est ça, ils vont s'exposer à des infractions en vertu d'un règlement municipal.

Je pense que, quand on adopte un règlement ou une loi, il faut que ça soit clair, mais il faut que ça ait une portée générale aussi. Alors, si le gouvernement provincial, si le gouvernement du Parti libéral ne prend pas ses responsabilités et déverse cette responsabilité-là encore une fois dans la cour des municipalités, il y en a beaucoup qui l'ont demandé, on va se retrouver encore dans une difficulté d'application, et ce n'est pas logique.

Et, tout à l'heure, j'entendais la ministre nous dire : Écoutez, il y a 80 % des gens dans leurs mémoires qui nous ont dit ça. Bien, c'est bizarre, mais le député de Labelle et ma formation politique, on représente environ 60 % de la population, puis nous, on vous dit que les gens qu'on a entendus...

Mme Charlebois : ...

M. Jolin-Barrette : Bien, la ministre peut se référer aux dernières élections. C'est à peu près ça, 60 %, si je ne me trompe pas.

Des voix : ...

M. Jolin-Barrette : 48 %?

Des voix : ...

Le Président (M. Merlini) : S'il vous plaît! M. le député de Borduas.

Des voix : ...

M. Jolin-Barrette : Bien, c'est plus que vous, en tout cas. Bien, 42 %? 41 %? Tout ça pour dire, M. le Président, qu'il y a une difficulté d'application, et les municipalités le réclament.

Vous avez entendu l'UMQ qui a dit : Respectez notre pouvoir municipal. Bien, moi, j'ai beaucoup de municipalités, dans ma circonscription, qui sont membres de l'UMQ, qui nous ont dit : On n'est pas d'accord avec cette position-là. Et d'ailleurs vous avez omis de mentionner, Mme la ministre, que la Fédération québécoise des municipalités, l'autre grande fédération, vous a demandé un règlement-cadre, vous a demandé des modèles. Pourquoi? Parce que les municipalités qui sont membres de la FQM veulent être outillées.

Alors, on se retrouve dans une situation où il ne faut pas opposer l'autonomie municipale avec le fait de réglementer le cannabis dans les lieux publics. Pour nous, c'est très clair qu'il ne faut pas envoyer un message non plus de banalisation. Parce qu'en permettant le fait de consommer partout, parce que c'est ça qui arrive, à l'exception de celles visées à l'article 15, vous allez pouvoir fumer sur la rue, vous allez pouvoir fumer dans les parcs, où il n'y a pas de jouets pour enfants, mais ça ne veut pas dire qu'il n'y aura pas d'enfants, qu'il n'y aura pas de familles. Cette proposition-là, elle est inacceptable.

Il faut faire en sorte de bien encadrer le cannabis, de ne pas le banaliser. Et la voie qui est choisie actuellement, et je l'explique à la ministre, ça va être une banalisation du cannabis dans les lieux publics. Je pense que l'approche raisonnable, avec cette nouvelle expérience-là de légalisation du cannabis, ce serait d'interdire dans tous les lieux publics, sur les rues, et de permettre, pour ceux qui souhaitent consommer, le fait de consommer à la maison, à domicile, sur un terrain privé.

La ministre nous disait tout à l'heure : Ce ne sera pas possible pour ceux qui sont en logement. Faux. C'est la même chose que pour le tabac. Et je sais qu'elle s'est inspirée du tabac pour faire son projet de loi. Alors, si votre bail le permet, vous pouvez. Si le bail le permet, vous pouvez. C'est une négociation de gré à gré, c'est conventionnel. La ministre le sait très bien que c'est possible. Alors, c'est faux de dire : Si vous êtes en logement, vous n'allez pas pouvoir fumer du cannabis.

Autre élément, c'est possible de fumer sur un terrain privé. Alors, si vous êtes en logement — la ministre peut le dire aussi — c'est possible de fumer sur un terrain privé. Elle donnait l'exemple de chez elle, quand il y a des gens qui viennent fumer du tabac à la maison. Elle dit : Allez à l'extérieur. Ce serait possible également lorsque vous êtes en logement.

Alors, voyez-vous, il y a des solutions. Mais on est face à une question de société. Et moi, je m'explique mal que ce gouvernement-là ne prend pas ça au sérieux, la légalisation du cannabis. Je vous le dis, on se retrouve face à une situation où on dit : Ça va être 18 ans, le plus proche, le plus jeune possible. On a vu les ravages que ça a faits, la consommation de drogue, la consommation de cannabis. Et, au cours des années, on nous dit : Écoutez, ça existe déjà, ils fument déjà. Oui? Pourquoi vous n'avez pas mis davantage de ressources? Dans les autres provinces canadiennes, c'est 19 ans partout, sauf en Alberta. Premier élément.

Deuxième élément, on se retrouve encore une fois à être la province qui va être la plus permissive. Nos voisins en Ontario, juste à côté, M. le Président, eux, ils interdisent la consommation dans les lieux publics. Pourquoi on ne se colle pas sur l'Ontario? Ça, ça veut dire, là... Puis je vais reprendre mon exemple de l'âge, là. À Gatineau, là, les jeunes de 18 ans, ontariens, vont traverser le pont. Ils vont être bien contents, ils vont pouvoir venir fumer dans la rue à Gatineau puis s'acheter du pot à Gatineau. Mais, quand ils vont retourner l'autre bord, en Ontario, ils ne pourront pas en acheter puis ils ne pourront pas consommer dans la rue.

Voyez-vous l'incohérence du gouvernement libéral, M. le Président? Ça n'a pas de bon sens de permettre la consommation dans les lieux publics. Ça ne s'explique pas.

Et le fait de fumer du cannabis, ce n'est pas un droit fondamental, n'en déplaise à la ministre. C'est une substance qui, désormais, devient légalisée par le fait du gouvernement fédéral, mais on n'est pas obligés d'être des béni-oui-oui puis dire au fédéral : Bien oui, on va faciliter la consommation de cannabis. Et ce gouvernement-là, c'est ce qu'il est en train de faire en faisant en sorte de pouvoir consommer dans les lieux publics. C'est inacceptable, c'est inadmissible.

• (15 h 30) •

Et le cannabis, ça ne doit pas être les règles du tabac qui s'appliquent. Et la ministre, ce qu'elle nous fait, c'est qu'elle nous place les règles du tabac pour encadrer le cannabis. Ce n'est pas la même substance, M. le Président.

Puis l'autre élément, là, qui est particulier, M. le Président, c'est qu'on s'est battus des années, et des années, et des années contre le tabac pour faire de la prévention, pour dire : Si vous fumez, si vous inhalez, vous avez le cancer du poumon. Et là on remplace ça par une autre substance qui est psychoactive puis qui, en plus, vous inhalez, ça a des conséquences aussi pour les poumons, puis là on dit : Bien, «let's go», fumez dans les lieux publics. Banalisons la substance. Ça, c'est l'approche actuellement du gouvernement libéral.

Et je me serais attendu, dans le corps de l'article 15, à ce que le gouvernement arrive avec une voie de passage pour dire : Écoutez, on a entendu les oppositions, on a entendu la population. 52 % des gens, selon un sondage SOM—Radio-Canada, étaient tout à fait en désaccord avec la consommation de cannabis dans les lieux publics. Peut-être que les Québécois ne sont pas tous venus s'asseoir ici, M. le Président, au bout pour nous présenter un mémoire. Peut-être que les Québécois n'ont pas eu le temps de venir. Peut-être qu'ils ne sont pas venus durant la tournée parce qu'ils étaient plus ou moins intéressés, parce que ce n'étaient pas nécessairement des consommateurs. Mais peut-être qu'on devrait les entendre.

Puis notre job à l'Assemblée, c'est d'entendre la volonté des Québécois puis de dire aussi : Ce n'était pas le choix des Québécois, la légalisation du cannabis, mais que l'encadrement, c'est notre responsabilité. Et on devrait faire en sorte que cette importante question là soit réglée, encadrée de façon à ce qu'on y aille à pas de bébé et qu'on observe l'expérience, quitte à réajuster, mais il est clair qu'on ne doit pas permettre la consommation dans les lieux publics.

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. le député de Borduas. Mme la ministre.

Mme Charlebois : M. le Président, là, on va remettre quelques affaires dans leur contexte.

Je vais d'abord répondre au député de Saint-Jérôme qui a fait un paquet d'affirmations et qui m'a dit que 76 % des lieux publics... 76 % de la population est en désaccord avec les lieux publics. Je vais vous la lire, la question, M. le Président, qui a été demandée, tu sais, parce que, quand j'ai demandé au député de Labelle tantôt : Avez-vous tout expliqué ce qu'il y a dans l'article 15?, on m'a répondu oui. Et là son collègue vient me dire qu'il y a 76 % de la population qui est en désaccord avec la consommation sur les lieux publics. Mais il n'est nullement question, dans la question, des tentes, des chapiteaux, des autres installations, des terrains d'établissements de santé, des terrains où il y aura des bâtiments, des terrasses, des aires exploitées dans le cadre d'une activité commerciale. Il n'est nullement question, dans la question, des aires de jeux extérieures pour enfants qui accueillent le public, les jets d'eau, les patinoires, les planchodromes, les terrains sportifs, les terrains de jeux, les terrains de camps de jour, les camps de vacances, les patinoires, les piscines extérieures. Je peux vous en lire encore, M. le Président.

La question dont ils me font part, là, le député de Saint-Jérôme puis... M. le député de Borduas, lui, il a été plus nuancé, il n'en a mis rien que 56 % parce qu'il y a un 20 quelques pour cent qui flotte. Je vais vous la dire, c'est quoi, la question. Vous allez voir que tout ce que je viens de vous énumérer n'est pas dans la question. Ça fait que c'est normal qu'on a une réponse subjective. Ce qu'ils disent ici, la question c'était... attendez un brin que je la retrouve, je suis tellement en maudit, là, que ça me met... la population... où elle est, la question? Êtes-vous d'accord avec la consommation du cannabis dans les lieux publics? On a oublié mentionner toutes les nuances que je viens de vous énumérer à l'article 15, M. le Président. Ça fait que c'est sûr qu'avec une question comme : Êtes-vous d'accord avec la consommation de cannabis dans les lieux publics... puis qu'il ne mentionne pas... bien, par ailleurs, la ministre, elle a mis, dans l'article 15, tous les lieux dont je viens de vous faire l'énumération... Ça, il n'est pas mentionné dans le sondage SOM, hein? On va se dire les vraies affaires, là. Alors là, là, qu'on arrête d'extrapoler des chiffres sur des fausses bases.

Deuxième élément. Vous vous souvenez sûrement, M. le Président, qu'on a fait une consultation sur l'encadrement du cannabis au Québec. On a un rapport de ça, imaginez-vous donc, et, dans le rapport, il est écrit à la page 11, point 4.2 : «Les citoyens entendus aux consultations souhaitent en majorité ne pas avoir à subir la fumée secondaire de cannabis dans les lieux publics.» Ça, ils disent ça. «Aussi s'attendent-ils à ce que, minimalement, les restrictions d'usage en public s'appliquent à l'usage du cannabis. Une minorité de répondants en ligne ont toutefois suggéré d'interdire la consommation de cannabis dans un plus grand nombre de lieux comme les parcs, les rues où il y a présence d'enfants, [...]territoires scolaires, incluant les cégeps [...] universités...» C'est exactement ça qu'on est en train de faire, M. le Président.

Ce n'est pas sorti du fruit de mon imagination. Quand on me dit, M. le Président, puis là ça... tu sais, ça m'a allumée un peu, je vous le dis, là, parce que j'ai tout écouté ça. Quand on me dit, là, député de Saint-Jérôme... c'est ça? Vous m'avez parlé du parc-école, qu'il y a des grands qui venaient fumer un joint, puis il y a des tout-petits qui... C'est écrit, là, hein? Les terrains scolaires, les terrains de jeux, ils ne sont pas supposés d'être là à la base. On l'a mis dans l'article 15. Ça fait que ça n'a pas lieu d'être un sujet de discussion.

Quand le député de Borduas me dit, M. le Président... ça, là, honnêtement, j'ai pensé faire appel au règlement. Je vais tout prendre mes notes, parce que j'en ai pris, des notes, croyez-moi. On va ajouter un fardeau aux municipalités, les municipalités, on ne sait pas ce qu'on leur demande. C'est-u drôle, moi, que j'ai eu des correspondances qui m'ont fait signe. Dans le budget de la semaine passée, là, avant qu'on quitte, de 2018‑2019, on a octroyé 62 millions, hein, aux municipalités pour les aider à faire face à ces pressions financières pour le cannabis. C'est-u drôle qu'ils ont tous été encouragés, tous d'accord? C'est-u drôle? Tout le monde était content de ça. Ils savent qu'on les a considérés, ils... Même il y a un maire d'une grande ville qui a dit qu'il en a eu plus que ce qu'il pensait avoir. Ça fait que ce n'est pas peu dire.

Ceci étant dit, je reviens au député de Borduas, votre 52 %. Le questionnaire manquait un petit peu de nuances. Quand il dit que je me fous des pressions financières aux municipalités, c'est totalement faux. J'ai fait mes représentations, puis ils ont les budgets qui se rattachent à ça. Je veux aussi vous dire que les municipalités sont habituées de travailler en concertation. Peut-être que vous ne les avez pas vues faire, mais quand on parle d'autonomie municipale, bien, c'est ça. Ils sont de plus en plus habitués de travailler ensemble. Ils sont capables de faire un règlement qui s'englobe dans une région donnée pour un milieu qui se ressemble et à 58 ans — j'ai 58 ans sonnés, je marche sur mon 59 — vous ne viendrez pas me dire que mon parcours de vie fait que je prends ça à la légère. Vous n'avez aucune idée, vous, de ce que j'ai pu vivre dans ma vie et ce que tout le monde qui m'entoure a pu vivre. Avant de me dire que je prends le projet de loi sur le cannabis à la légère... C'est là où vous m'avez allumée. Vous avez pincé un petit fil, là, sérieux, sérieusement.

J'ai huit petits-enfants puis j'ai des membres de ma famille... je vais vous dire de quoi, puis j'ai du monde autour de moi, jamais personne ne peut me dire que je vais me fouter des gens et que je suis en train de faire quelque chose à la légère avec le cannabis, et c'est comme ça pour tous les élus du... les libéraux. Moi, là, je veux bien qu'on fasse de la politique, là, M. le Président, je suis très d'accord à ce qu'on fasse de la politique, mais de là à me dire que je banalise, que je me fous de comment on est en train de faire les choses, je pense que le député de Labelle, il sait que j'ai ça à coeur. Je pense qu'il peut au moins admettre ça. Ça, je suis sûre. Puis, si vous, vous ne voyez pas ça, moi, je ne peux pas rien y faire.

Mais je peux vous dire une affaire : de me dire ça puis de me dire que je ne représente pas 50 % de ma population... Ce n'est pas parce que vous en représentez 50 % que vous avez l'unanimité dans votre comté. Attention! Soyons respectueux de nos citoyens.

Non, je ne banalise pas les choses. Et comment font-ils, les policiers, à l'heure actuelle, alors qu'il y a des règlements tellement différents, M. le Président, d'une municipalité à l'autre? Elles ne sont pas si différentes que ça, les municipalités, quand elles sont proches les unes des autres. Elles sont capables de se faire des règlements municipaux. Comment ils font pour l'alcool en ce moment? Comme ils vont faire pour le cannabis. C'est des gens intelligents, les policiers. Les élus municipaux, ce n'est pas du monde qui sont démunis de moyens. Ce qu'on vient faire, là, c'est...

Lui, là, si j'écoute son discours, il me dit que je laisse tout aller puis ça met de la pression sur les corps municipaux. Donc, l'efficacité, ça passe par une interdiction totale, un manque de respect total pour les libertés individuelles. Donc, l'interdiction totale facilite toute l'administration. «Come on», M. le Président! On le sait très bien que ça ne va pas faciliter plus. Ce que je dis, c'est que les élus municipaux peuvent choisir de leurs lieux en concertation. Ce que je dis, c'est que les élus municipaux sont capables de prendre des décisions, ils sont capables d'autonomie. On est le gouvernement qui leur a donné de l'autonomie. On est ceux qui leur donnent les budgets pour gérer ça. Et je vous le dis, il y a des maires qui nous ont dit qu'ils ne s'attendaient même pas à ce qu'on aille aussi loin que ça.

Puis je vais vous dire, M. le Président, je l'ai vraiment sur le coeur, là, du haut de mes 58 ans, qu'on me dise que je fais ça avec aucun, aucun sens des responsabilités. C'est à peu près ça qu'il m'a dit, je ne l'endure pas, ça. Je vais vous dire, la CAQ disait, pas plus tard que le 14 juin 2017, avec le projet de loi n° 122, et c'est son collègue de Blainville : «...oui, il faut une autonomie municipale meilleure, les villes méritent, [...]dans le respect du citoyen...» Les villes le méritent. Bien, si elles le méritent pour l'ensemble des lois qu'on fait, le cannabis, c'est la même chose.

Et ne pensez pas, M. le Président, que les élus municipaux sont désincarnés de la société. Eux autres aussi, ils ont des familles. Eux autres aussi, ils sont concernés. Puis quand il a dit, le député de Borduas, là, un petit peu en début, là : Le cannabis, c'est une nouvelle substance, eh bien, du haut de mes 58 ans, je peux vous dire que c'est loin d'être une nouvelle substance. Je m'adresse à vous, M. le Président.

• (15 h 40) •

Non, mais, écoutez, là, moi, je veux bien, là, qu'on fasse de la politique, qu'on extrapole puis qu'on fasse des raccourcis, mais je ne peux pas concevoir qu'on me dit que je prends ça à la légère, alors qu'on est ceux qui vont les plus loin quant à la promotion, à la publicité. On est ceux qui contrôlent le modèle de vente plus que l'ensemble des autres provinces. L'Ontario, ils envisagent de faire des «pot shops»; nous autres, on dit : Non, on n'en veut pas de ça. On veut encadrer l'industrie du...

Écoute, on me dit que je prends ça à la légère. Non, M. le Président. Oui, je suis passionnée, puis, oui, ça m'a mis un petit peu en maudit, je vais vous le dire, je suis entière. Puis là ils feront les reportages qu'ils voudront là-dessus, là, tous ceux qui en ont à faire, là, mais je vais vous dire que je ne me laisserai pas dire ce que je viens de me faire dire par personne. Au contraire, on prend ça tous au sérieux, toute la gang. Puis j'espère que c'est de même aussi pour les oppositions, puis j'en suis certaine. Puis de me faire dire que je prends ça à la légère, ce n'est pas vrai.

Ce qu'on vient dire, c'est qu'il y a un encadrement très, très, très rigoureux, je le répète, M. le Président, pour les abribus, pour les tentes, les chapiteaux, les autres installations semblables, pour les terrains d'un établissement de santé et services sociaux — je le répète parce que c'est bon pour les citoyens qui l'entendent — les terrains où sont situés des bâtiments mis à la disposition d'un établissement postsecondaire, les terrasses et les autres aires extérieures exploitées dans le cadre d'une activité commerciale qui sont aménagées pour y permettre le repos, la détente et la consommation de produits, les aires extérieures de jeu aux enfants qui accueillent le public — un terrain de soccer, ce n'est pas permis, là — y compris les aires de jeux d'eau, les pataugeoires, les planchodromes, les terrains sportifs et les terrains de jeux, y compris les aires réservées aux spectateurs, M. le Président, qui sont fréquentés par des mineurs et qui accueillent du public, les terrains de camps de jour, les camps de vacances, de même que les patinoires, les piscines extérieures qui sont fréquentées par des mineurs qui accueillent le public. Et cette interdiction s'applique aussi dans un rayon de neuf mètres pour tous les autres articles.

Honnêtement, M. le Président, il n'y a pas beaucoup de lieux où tu peux fumer du cannabis, là. Puis quand le député de Borduas, il dit : Ce n'est pas vrai, il peut y avoir une entente avec le propriétaire, vous m'en trouverez des propriétaires qui veulent une entente dans leur logement avec leurs locataires. Ils sont tous en train de se préparer pour mettre une interdiction de consommation. Moi, j'en côtoie, des propriétaires d'édifices à logements, là. Je parle à plein de monde, puis c'est drôle, tous ceux qui sont venus me voir m'ont dit : Aïe! Bonne affaire, ce que vous avez proposé. Ah! regarde donc ça.

Alors, M. le Président, ne faisons pas, là... Moi, là, je veux bien qu'on soit plus purs que purs puis, tu sais, qu'on veuille faire de la politique. On s'en va en campagne électorale, tout le monde, c'est parfait, puis on peut se donner... on se rentre dedans, puis c'est le fun. Mais là on est en train de faire un projet de loi pour l'ensemble des Québécois, puis moi, je pense que tout le monde a droit à son point de vue. Et de me faire dire que je prends ça à la légère, je ne le prends pas. Je vous le dis, je ne le prends pas parce que ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai. On peut avoir des opinions différentes, mais je vous le dis, là, je ne prends pas ça à la légère. Puis, si... deux minutes, là, je pourrai lui expliquer en privé pourquoi je ne prends pas ça à la légère. Je pense que le monde s'en doute un peu avec ce que je viens de faire comme discours.

Ceci étant dit, moi, ce que je compte faire, c'est de mettre les lieux d'interdiction là, que j'ai nommés à trois ou quatre reprises, permettre aux municipalités de faire en sorte d'être plus restrictifs. Ils sont capables de se concerter, puis ça ne leur coûtera pas une fortune. Puis de toute façon, comme je vous dis, au dernier budget, même les municipalités ne pensaient pas qu'on irait aussi loin que ça. Ça fait que, tu sais, à un moment donné, 62 millions en deux ans, M. le Président, ce n'est quand même pas rien, là. Et je le sais qu'ils sont capables de faire des règlements dans les municipalités qui sont près les unes des autres. O.K.? Alors, moi, là, ce que je dis, laissons ça aux élus municipaux, ils sont capables, capables de nommer les territoires où ils vont permettre la consommation de cannabis et où ils ne le permettront pas.

Ceci étant dit, ça va être légal. Arrêtons de faire comme si ça n'a jamais existé, d'un. Puis de deux, parce que ça va être légal, il va falloir prévoir des environnements où les gens pourront consommer. Il y a des environnements où ils ne pourront pas consommer. Et les municipalités réglementent déjà l'alcool, alors moi, je suis convaincue qu'ils sont capables de réglementer le cannabis. Puis c'est drôle, moi, je parle à mes maires puis je n'ai pas les mêmes versions. Ça dépend peut-être de la... tu sais, la fameuse question que je vous ai lue tantôt, là, qui manquait de nuance, c'est peut-être comme ça que la question leur a été posée, à leurs maires. Je ne le sais pas. Je ne veux pas leur imputer de motif, comme je m'en suis fait imputer. Je ne le sais pas. Alors, moi, je vais m'en tenir là. M. le Président, ni le sous-amendement ni l'amendement, je vais être en accord. Voilà.

Le Président (M. Merlini) : Merci, Mme la ministre. M. le député de Borduas, il vous reste une minute.

M. Jolin-Barrette : ...sur une question de règlement, par contre, M. le Président, sur le fait qu'on peut rectifier un fait après une intervention. Écoutez, la ministre nous dit : Le député de la CAQ dit que c'est une nouvelle substance. Si elle écoutait la totalité de mes propos au lieu de se pomper, ça ferait en sorte, M. le Président, qu'elle pourrait comprendre le lien dans tout le discours. Alors, on sait tous que ça existe, du cannabis, Mme la ministre. Il ne faut pas se mettre la tête dans le sable. Mais, avec l'attitude que vous avez présentement, ça ne nous aide pas à cheminer dans le dossier. Alors, je vous dis ça.

Mme Charlebois : M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Merlini) : Mme la ministre.

Mme Charlebois : Mon attitude me regarde, ça ne le regarde en rien, M. le député de Borduas, de un. Et, de deux, mon attitude vient du fait qu'il m'a dit que je prenais ça à la légère. Alors, peut-être que mon attitude n'aide en rien, mais la sienne n'aide pas non plus. Ceci étant dit, redonnez-lui la parole.

Le Président (M. Merlini) : Oh! avec plaisir, Mme la ministre. M. le député de Borduas, il vous reste une vingtaine de secondes.

M. Jolin-Barrette : Alors, M. le Président, c'est dommage qu'on soit rendus à là parce qu'on exprime un point de vue, et le texte réglementaire du gouvernement, effectivement, nous croyons que le gouvernement libéral prend ça à la légère. La ministre fait son travail de ministre, mais ça n'empêche pas que la proposition législative qui est sur la table, nous la considérons comme prenant ça à la légère. Alors, que la ministre ne le prenne pas personnel, mais c'est la position de son gouvernement.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, M. le député de Borduas. Est-ce que j'ai d'autres interventions au sous-amendement? M. le député de Labelle.

Des voix :...

Le Président (M. Merlini) : S'il vous plaît! C'est M. le député de Labelle qui a la parole.

M. Pagé : Très rapidement, M. le Président, je veux... Bon, pour les gens qui nous écoutent, oui, il y a un peu plus de passion cet après-midi, puis c'est normal parce qu'effectivement le sujet passionne, nous passionne tous autant que nous sommes, parce qu'on a des convictions. Puis il faut justement, je pense, faire attention à ne pas tomber dans des propos qui pourraient nous amener dans la partisanerie parce qu'on s'est dit depuis le départ qu'on ne pouvait pas, qu'on ne voulait pas rendre ce projet de loi partisan. Alors, je nous invite tous à continuer dans le même sens et effectivement je pense qu'il faut faire attention à nos propos.

Je l'ai dit aussi à quelques occasions, je pensais qu'en permettant dans les lieux publics cela était aussi synonyme de banalisation. Mais je ne suis pas en train de dire que la ministre banalise. Ce n'est pas ça que je dis, parce que je suis convaincu qu'elle souhaite autant que moi à ce que nous adoptions le meilleur projet de loi. Puis le député de Borduas aussi, je suis sûr de ça. Mais en même temps, des fois, de la façon dont on présente les choses, ça pourrait avoir l'air de... bien, qu'on fait de la partisanerie, mais je suis convaincu qu'au fond on souhaite tous adopter le meilleur projet de loi possible.

Cela dit, je tiens quand même à apporter une nuance, je tiens quand même à expliquer pour quelles raisons je vais voter contre le sous-amendement du député de Borduas, même s'il a voulu nous dire qu'il continuait à défendre l'autonomie municipale. Mais, en enlevant ce bout d'amendement que nous préconisons, soit de l'interdire partout, sauf aux endroits déterminés par les municipalités, c'est qu'on reconnaît cette possibilité aux municipalités de pouvoir déterminer certains endroits. Donc, on reconnaît cette autonomie municipale. Il pourra argumenter, revenir, s'il le veut, pour continuer à échanger sur le sujet, mais il me semble, de la façon que le député de Borduas présente les choses, il va justement à l'encontre de cette autonomie qui est souhaitée par les municipalités. Et je vous le dis, je le répète, peut-être que 16 maires et mairesses, ce n'est pas 1 141, parce qu'il y en a 1 141 à travers le Québec, mais c'est quand même un bon son de cloche quand ils me disent unanimement : Ayez une position claire, identique partout puis donnez-nous quand même un peu de pouvoir si on veut quand même nuancer. Et c'est ce que notre amendement dit. Alors, c'est la raison pour laquelle je vais voter contre le sous-amendement du député de Borduas.

Le Président (M. Merlini) : Merci. M. le député de Saint-Jérôme.

M. Bourcier : Oui. M. le Président, je suis de bonne humeur, il n'y a pas de problème. Et c'est important pour moi de faire toujours valoir le point qu'après 35 ans d'enseignement, là, je ne suis pas ici pour me chicaner ou personnaliser les choses. C'est très important. On travaille tous ensemble en faisant du droit nouveau.

Je veux spécifier l'exemple du parc-école que j'ai utilisé un peu plus tôt, parce que c'est une image importante que j'ai apportée sur le fait que la banalisation du cannabis peut influencer les jeunes. À l'époque où ça nous arrivait... puis je me souviens très bien qu'on sortait plusieurs enseignants, puis que l'école n'était pas terminée, puis, quand il fait bon, on sort dehors. Ça va être le cas bientôt, là, avec le printemps et l'été. Alors, on sortait à l'extérieur, il y avait ces grands-là qui fumaient dans le parc, et on leur disait de ne pas faire ça, mais il y a déjà des enfants qui s'amusaient dans ce parc-là. Alors, les jeunes qui voyaient ces choses-là trouvaient ça ordinaire, même chose courante, d'utiliser ou de fumer des substances dans le parc, parce que, pour eux autres, ils le voyaient tout le temps.

• (15 h 50) •

Je salue le fait qu'il n'y en aura plus dans les parcs-écoles. Ça va éviter probablement des situations où nous, on devait appeler les policiers pour régler cette situation-là, ce qu'on faisait, comme professeurs conséquents. Et évidemment ces jeunes-là s'objectaient, ils partaient en courant, mais on leur disait de ne pas faire ça.

Mais moi, l'exemple où je l'ai utilisé et dans le contexte où je devais le faire, c'est que les jeunes, les enfants qui ont observé ça à l'époque, dans le parc-école, pourraient aussi l'observer dans certains lieux publics permis par la loi, de la manière qu'elle est faite actuellement, et trouver ça aussi banal que les jeunes qu'on a pu voir dans nos parcs-écoles à l'époque où on sortait, où j'enseignais dans des quartiers défavorisés. Et c'est le risque de laisser certains endroits libres et... certains endroits publics, plutôt, oui, c'est très important de spécifier, certains endroits publics libres à la consommation de cannabis.

Finalement, M. le Président, je vais dire la même chose que mon collègue député de Labelle. Oui, on va voter contre l'amendement du député de Borduas, parce que oui, pour nous, c'est non partout, comme au Nouveau-Brunswick, l'Île-du-Prince-Édouard, Terre-Neuve-et-Labrador, mais on laisse, contrairement à la formation politique du député de Borduas, la CAQ, le droit aux municipalités de déterminer les lieux où ce le sera.

Je vous dirais, c'est une image, mon père me disait toujours : Quand l'année commence, là, puis tu as tes nouveaux élèves, sois donc sévère en partant, tu... rien, tu as un encadrement serré, puis plus les élèves s'habitueront à toi, tu pourras laisser peut-être un peu plus de permissivité. Alors, c'est un peu ça qu'il faut faire.

Il faut être conséquent. Il faut tout faire pour retarder l'initiation des jeunes, le premier contact avec le cannabis, afin qu'ils n'en consomment jamais. C'est le but de mon intervention, M. le Président.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, M. le député de Saint-Jérôme. Est-ce que j'ai d'autres interventions au sous-amendement de M. le député de Borduas?

M. Jolin-Barrette : ...

Le Président (M. Merlini) : Non, il ne vous reste plus de temps, malheureusement, M. le député de Borduas. Alors, je mets donc le sous-amendement de M. le député de Borduas aux voix. Est-ce que le sous-amendement de M. le député de Broduas est adopté?

Des voix : Rejeté.

Le Président (M. Merlini) : Il est donc rejeté.

M. Jolin-Barrette : ...M. le Président, vote par appel nominal, s'il vous plaît.

Le Président (M. Merlini) : Oui. Oui, O.K., alors le vote par appel nominal est donc demandé, j'ai fait une vérification avec la secrétaire. Pour, contre ou abstention. Mme la secrétaire.

La Secrétaire : M. Jolin-Barrette (Borduas)?

M. Jolin-Barrette : Pour.

La Secrétaire : Mme Charlebois (Soulanges)?

Mme Charlebois : Contre.

La Secrétaire : M. Plante (Maskinongé)?

M. Plante : Contre.

La Secrétaire : Mme Ménard (Laporte)?

Mme Ménard : Contre.

La Secrétaire : M. Boucher (Ungava)?

M. Boucher : Contre.

La Secrétaire : M. Auger (Champlain)?

M. Auger : Contre.

La Secrétaire : M. Pagé (Labelle)?

M. Pagé : Contre.

La Secrétaire : M. Bourcier (Saint-Jérôme)?

M. Bourcier : Contre.

La Secrétaire : Et M. Merlini (La Prairie)?

Le Président (M. Merlini) : Contre. Alors, la proposition de sous-amendement de M. le député de Borduas est donc rejetée. Nous revenons donc à la proposition d'amendement de M. le député de Labelle. Est-ce que j'ai des interventions?

M. Pagé : ...plus avoir beaucoup de temps.

Le Président (M. Merlini) : Effectivement, M. le député de Labelle, vous n'avez plus de temps pour votre amendement. M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Une question de règlement... bien, en fait, d'information, M. le Président. Au niveau de la convention, est-ce que le président, généralement, s'abstient lors d'un vote?

Le Président (M. Merlini) : Non, le président peut participer et voter lors des séances des commissions parlementaires.

M. Jolin-Barrette : ...de coutume qu'il vote?

Le Président (M. Merlini) : C'est laissé à chaque président. Est-ce que j'ai des interventions sur la proposition d'amendement de M. le député de Labelle? Je n'en vois pas, je vais donc le mettre au vote. M. le député.

M. Pagé : ...

Le Président (M. Merlini) : Le vote par appel nominal est demandé pour la proposition d'amendement de M. le député de Labelle. Pour, contre ou abstention.

La Secrétaire : M. Pagé (Labelle)?

M. Pagé : Pour.

La Secrétaire : M. Bourcier (Saint-Jérôme)?

M. Bourcier : Pour.

La Secrétaire : Mme Charlebois (Soulanges)?

Mme Charlebois : Contre.

La Secrétaire : M. Plante (Maskinongé)?

M. Plante : Contre.

La Secrétaire : Mme Ménard (Laporte)?

Mme Ménard : Contre.

La Secrétaire : M. Boucher (Ungava)?

M. Boucher : Contre.

La Secrétaire : M. Auger (Champlain)?

M. Auger : Contre.

La Secrétaire : M. Jolin-Barrette (Borduas)?

M. Jolin-Barrette : Contre.

La Secrétaire : M. Merlini (La Prairie)?

Le Président (M. Merlini) : Contre. Alors, la proposition de M. le député de Labelle est donc rejetée. Nous revenons donc à l'article 15 tel qu'amendé. Est-ce que j'ai des interventions? M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Oui, M. le Président. Vous me permettrez de déposer un amendement qui se lit ainsi :

Modifier l'article 15 de la Loi encadrant le cannabis, proposé par l'article 12 du projet de loi, en ajoutant au premier alinéa, après le paragraphe 8°, le paragraphe suivant :

«9° Tous autres lieux publics.»

Alors, les copies sont déjà imprimées, on va pouvoir les distribuer.

Le Président (M. Merlini) : Merci.

Je suspends donc les travaux quelques instants pour permettre la distribution aux membres de la commission.

(Suspension de la séance à 15 h 55)

(Reprise à 16 h 7)

Le Président (M. Merlini) : Nous reprenons donc nos travaux après cette brève suspension pour permettre la distribution de la proposition d'amendement de M. le député de Borduas. Les membres en ont pris connaissance. Maintenant, je demanderais à M. le député de Borduas de nous offrir ses explications. À vous la parole.

M. Jolin-Barrette : Oui, certainement, M. le Président. Alors, l'amendement vise à interdire toute consommation... En fait, interdiction de fumer du cannabis dans tout autre lieu public, outre ceux visés à l'article 12, 15, des différents paragraphes, les abribus, les tentes, les terrains, etc., tous les autres lieux publics qui ne sont pas visés à cette liste-là. Donc, c'est en cohérence avec la position qu'on a développée dès le départ, M. le Président, de permettre uniquement la consommation dans les lieux privés. Alors, l'objectif de l'amendement est vraiment d'interdire...

M. Pagé : ...

Le Président (M. Merlini) : Vous avez une question de règlement, M. le député de Labelle? Excusez-moi, M. le député de Borduas, j'ai une question de règlement.

Question de règlement sur la recevabilité d'un amendement

M. Pagé : Oui. Ce n'est pas que je veux l'interrompre pour rien, mais étant donné qu'on vient de rejeter un sous-amendement et un amendement qui étaient, à toutes fins pratiques, la même chose que cela au final, est-ce que... Je me questionnais sur votre réflexion quant à la recevabilité de l'amendement, tout simplement, parce que ma compréhension, c'est que, si on faisait l'addition de l'amendement et du sous-amendement qu'on a rejetés tantôt, on arrivait, à toutes fins pratiques, exactement à cela. Alors, je voulais juste avoir votre compréhension des choses, M. le Président, là.

Décision de la présidence

Le Président (M. Merlini) : Oui. Ici, l'amendement vient ajouter un paragraphe au premier... au premier alinéa, effectivement, qui parle de tout autre lieu public, alors que l'amendement et le sous-amendement faisaient référence à dans une rue ou dans toute autre... ou de tout autre endroit public. Alors, on enlève le principe de la rue et on ne fait qu'un amendement spécifiant tout autre lieu public. Alors, c'est un amendement qui est différent que l'amendement et le sous-amendement qui a été rejeté précédemment. Alors donc, l'amendement de M. le député de Borduas est donc recevable.

Des voix : ...

Le Président (M. Merlini) : Alors, je reviens donc à M. le député de Borduas pour la continuité de ses explications.

M. Jolin-Barrette : Parfait. Merci, M. le Président. Bonne décision. J'appuie votre décision, M. le Président, parce que, vous savez...

Le Président (M. Merlini) : Je vais m'acheter un 6/49.

M. Jolin-Barrette : On pourrait faire un achat groupé, M. le Président. Comme ça, si jamais on gagne, bien, on...

Des voix : ...

M. Jolin-Barrette : Je retiens la suggestion de la ministre.

Le Président (M. Merlini) : Allez-y, M. le député de Borduas. À vous la parole.

• (16 h 10) •

M. Jolin-Barrette : Alors, M. le Président, comme je le disais, il faut faire en sorte d'encadrer le cannabis. La position du gouvernement ne nous satisfait pas, parce qu'on trouve qu'elle n'est pas assez responsable, M. le Président. Et je l'ai déjà exprimé.

Vous savez, les policiers nous ont dit, lorsqu'ils sont venus en commission parlementaire, à la fois la fédération des policiers provinciaux et à la fois... je ne crois pas que c'est la fédération, là, mais les policiers municipaux, les représentants des policiers municipaux, et les policiers provinciaux nous ont dit : Écoutez, pour nous, ça va entraîner des difficultés d'application. Et je me souviens très bien, à ce micro, de leur poser la question : Est-ce que vous préférez une norme provinciale ou des normes municipales? Et dans les deux cas, ces chefs syndicaux là, qui représentent l'ensemble des policiers municipaux et l'ensemble des provinciaux du Québec, nous ont tous dit la même chose, les deux à la fois : Bien, c'est beaucoup plus simple, au niveau de l'application, d'avoir une application provinciale, une loi provinciale qui va interdire la consommation, le fait de fumer dans les lieux publics. Alors ça, c'est ceux qui sont chargés de l'application de la loi. On devrait peut-être les écouter parce qu'au jour le jour c'est eux qui vont devoir appliquer. Donc, au niveau de la faisabilité, au niveau de l'application, c'est important.

Les autres intervenants, M. le Président, qui sont venus, et non pas les moindres, qui nous ont dit qu'ils souhaitaient une interdiction dans les lieux publics, notamment la Fédération des comités de parents du Québec, eux qui sont sur les comités de parents dans les écoles nous ont dit : On vous demande d'interdire la consommation dans les lieux publics. Pourquoi? Parce que ces parents-là, qui ont notamment des jeunes au primaire, bien, c'est des parents qui ont à coeur le bien-être de leurs enfants. Ils ont à coeur la sécurité, l'environnement de leurs enfants et ils souhaitent qu'il y ait une interdiction de consommation dans les lieux publics. Même chose aussi au niveau de la Fédération des commissions scolaires du Québec. La consommation de cannabis devrait être interdite dans les lieux publics. Alors, les commissions scolaires qui sont dans le réseau scolaire, sont celles actuellement qui gèrent les écoles, recommandent d'interdire la consommation de cannabis dans les lieux publics.

Vous savez, M. le Président, on est face à un débat, on est face à une décision qui doit être prise relativement au fait de comment est-ce qu'on traite cette substance-là, comment est-ce qu'on traite le cannabis. Si on ne l'encadre pas au niveau provincial, on fait en sorte qu'il va y avoir des disparités sur l'ensemble du territoire québécois. Un, ce n'est pas simple pour les citoyens. Deux, ce n'est pas simple pour ceux qui sont chargés de l'application de la loi. Trois, ce n'est pas simple aussi en termes de ressources et d'investissements que ça prend. Lorsque vous faites de la rédaction réglementaire, ça prend du temps, de la coordination. Le fait d'avoir une cohérence entre les différents règlements municipaux, c'est complexe et ce n'est pas simple, et parfois ça prend un certain temps aussi avant de réussir à faire ça. Et ce qu'il risque d'arriver, avant que tout le monde se parle, d'autant plus que la loi risque d'entrer en vigueur en juillet ou au mois d'août, bien, le temps que les municipalités se coordonnent, si jamais on laisse l'application que la ministre veut, bien, ça risque de prendre plusieurs mois. Donc, durant plusieurs mois, il n'y aura pas de règles communes qui vont s'appliquer. L'application de la loi va être entravée, M. le Président. Il risque d'avoir un vide législatif. Ça, c'est une réalité concrète à laquelle on s'expose en maintenant le libellé actuel du projet de loi à l'article 15.

Et j'invite la ministre à y réfléchir parce que bien souvent l'été, les conseils municipaux, il y en a un qui est sauté, celui de juillet ou celui du mois d'août, il n'y en a pas de séance du conseil. Peut-être que vous allez me dire : Bien, ils feront une séance extraordinaire. Mais souvent les élus municipaux prennent des vacances aussi, M. le Président. Des fois, la MRC ne siège pas l'été non plus. La régie de police, il n'y a pas nécessairement de séance aussi. Les employés dans les municipalités peuvent parfois être en vacances au niveau de la coordination et de l'arrimage. Alors, s'il n'y a pas de règlements municipaux, bien, les policiers ne pourront pas faire respecter la réglementation. Et là on s'en va durant la saison estivale, M. le Président.

Je vous dirais, à la limite, si c'était l'hiver... Tu sais, le monde qui sortent, avec l'hiver qu'on a connu cette année, c'était moins tentant d'aller à l'extérieur, là, tout le monde au Québec attend qu'il fasse beau, qu'il fasse chaud enfin pour sortir, que les bancs de neige fondent éventuellement peut-être à Québec au mois de juillet. Mais, M. le Président, il faut dire que les gens vont aller plus vers l'extérieur, et là on va se retrouver à la saison où on va devoir gérer ça. On va devoir gérer le fait que maintenant le cannabis va être légal, mais les lieux où on va consommer, bien, il faut le gérer parce que c'est une question de vie en société, c'est une question de vie en communauté. Alors, il faut faire en sorte de le gérer adéquatement.

Et moi, je vous le dis, avec cette nouvelle expérience là, il serait beaucoup plus précautionneux d'avoir une interdiction dans les lieux publics notamment pour le message qu'on envoie aux jeunes. Et, là-dessus, je rejoins la ministre. Elle nous a dit, depuis les consultations : Un des objectifs qu'on a avec le projet de loi, c'est de faire en sorte de faire de la prévention, de faire en sorte de ne pas favoriser la consommation et de faire en sorte qu'il y ait une éducation au niveau des jeunes. Mais c'est sûr que, si vous avez des gens à tous les coins de rue qui fument du pot, puis qu'il n'y a pas de règles entourant ça, puis qu'il y a une accessibilité, il y a une facilité de consommation et les jeunes sont exposés fréquemment, bien, nécessairement, M. le Président, ça va favoriser la consommation, ça va banaliser la consommation et ça va être comme : bien, ce n'est pas grave, vous pouvez en consommer. Prenez votre petite marche en famille, puis vous allez voir des gens qui consomment du cannabis, qui fument du cannabis. Alors, on parle beaucoup... Ici, là, dans ce cas-ci, c'est le fait de fumer du cannabis dans des lieux publics. Alors, l'impact que ça a, c'est visuellement, mais c'est aussi au niveau de l'odeur.

Alors, moi, M. le Président, je ne suis pas en accord avec la proposition de la ministre. Ce n'est pas assez restrictif, ce n'est pas assez responsable. Il faut faire en sorte que l'approche qui est adoptée soit une interdiction dans les lieux publics. Ce n'est pas une question d'autonomie municipale, M. le Président. C'est une question de responsabilité du gouvernement provincial. C'est une question de coûts. C'est une question aussi d'écouter la population. Et c'est possible de le faire, le fait de consommer uniquement dans les lieux privés. D'ailleurs, nos deux voisins, le Nouveau-Brunswick et l'Ontario, ont été en ce sens-là.

Et moi, je me souviens très bien des premières conférences de presse de la part de la ministre et de ses collègues, qui nous disaient : Écoutez, on va s'arrimer sur nos voisins. C'est un enjeu canadien, la légalisation du cannabis. C'est un enjeu interprovincial, la légalisation du cannabis. On doit le faire ensemble, le faire avec l'Ontario, s'arrimer avec nos voisins. Et là ce qu'on constate, c'est qu'avec le plus grand partenaire commercial du Québec au Canada, bien, on fait fi de ce qui est fait, puis on n'utilise pas la sagesse de l'Ontario à ce niveau-là, au niveau d'interdire la consommation dans les lieux publics. Alors là, il y aurait la possibilité de s'inspirer. Et, vous savez, c'est un gouvernement libéral aussi en Ontario, alors pourquoi ne pas s'en inspirer pour le gouvernement libéral du Québec?

L'autre élément sur lequel je souhaite revenir, M. le Président. La ministre nous a dit : Écoutez, Québec et Montréal ont été en accord avec cette proposition législative là. Québec et Montréal, c'est très particulier, ce sont les deux plus grosses villes du Québec, mais ce sont eux aussi qui ont une juridiction criminelle et pénale au niveau de la cour municipale, avec Laval. Alors, vous ne pouvez pas assimiler ces deux municipalités-là comme toutes les autres du Québec.

Alors, moi, je vous dis, M. le Président, et la ministre le sait très bien, elle est en Montérégie aussi : Il y a de nombreux élus qui souhaitent que le gouvernement provincial encadre cette juridiction-là. D'ailleurs, au niveau du sondage aussi — la ministre en a fait état tout à l'heure — on a demandé : Êtes-vous contre le fait de permettre la consommation dans les lieux publics? Les gens ont répondu majoritairement : Oui, on est contre la consommation dans les lieux publics. Ce n'était pas en vertu des exclusions. C'est «at large», M. le Président. Êtes-vous pour ou contre la consommation dans les lieux publics? Les gens disent : On est contre la consommation dans les lieux publics.

Alors, pour toutes ces raisons, M. le Président, j'invite le gouvernement à faire preuve d'ouverture, à faire preuve d'une approche qui est responsable, et à ne pas assimiler le cannabis à de la cigarette, parce que ce n'est pas la même chose. On se bat contre le tabac pour limiter le plus possible la consommation. On devrait faire la même chose avec le cannabis. Et même, avec le libellé qu'on a actuellement, ça va être pire que l'alcool, ça va être moins encadré. Alors, j'invite la ministre à revenir sur sa position et à faire en sorte qu'il n'y ait pas de facilité de consommation, qu'il n'y ait pas de banalisation, que les citoyens soient raisonnablement informés pour savoir où ils peuvent consommer. Et ça prend une cohérence, alors ça devrait être dans la loi provinciale du projet de loi n° 157.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, M. le député de Borduas. Mme la ministre.

• (16 h 20) •

Mme Charlebois : M. le Président, on va ramener le débat là où il doit être. Qu'est-ce qu'on cherche à faire avec le projet de loi qui encadre le cannabis? Bien, c'est à trouver l'équilibre entre la permission d'utiliser un produit légal, et la prévention, et la protection de la santé.

J'ai bien dit dans la prémisse : Trouver un équilibre entre la permission d'utiliser un produit légal — il va être légal — et la prévention, et la protection de la santé. Il faut faire l'équilibre là-dedans. L'équilibre, ça veut dire quoi, là? Ça veut dire que, d'un côté, on peut être totalement contre, d'un côté, on peut être totalement pour, mais il faut trouver le point où on est en équilibre, où on va le mieux répondre à ce qu'on s'attend pour la population.

Là, ce qu'on vient faire ici, là, c'est qu'on vient dire, avant l'amendement du député de Borduas, l'article, là, qu'on a, à l'article 15, c'est stipulé un paquet d'endroits où ça sera interdit de consommer. C'est stipulé là. Moi, je l'ai entendu m'énumérer un certain nombre de groupes, là, qui aimeraient ça que le gouvernement fasse un règlement unilatéral puis que ça s'applique à tout le monde égal. C'est ce qu'il dit. Mais moi, j'entends le Réseau québécois des villes et villages en santé, ça représente 225 membres, 225 municipalités, M. le Président, là, qui représentent 85 % de la population québécoise. Eux autres, ils me disent, laissez-nous légiférer ça. Laissez-nous le réglementer. J'ai entendu l'UMQ me dire ça. J'ai entendu Montréal et Québec. J'ai entendu d'autres municipalités aussi, parce que moi aussi, je consulte, puis à chaque fois je parle à des gens, je pose des questions moi aussi, mais avec les nuances qu'il y a à l'article 15, évidemment.

On peut ne pas être d'accord sur qui doit réglementer. Moi, ce que je dis, c'est que c'est une responsabilité collective. C'est pour ça que nous, on met un certain nombre de lieux où ce sera interdit. Et c'est pour ça que je dis, étant donné que c'est une responsabilité collective, il faut que le gouvernement du Québec fasse sa liste d'exceptions où il sera interdit de consommer, mais il faut aussi que les municipalités, selon leur territoire respectif, puissent, eux autres, décider de ce qui sera le plus approprié pour leur population.

C'est ça qu'on vient dire. C'est ça, l'autonomie municipale. Ce n'est pas de l'autonomie juste pour faire de l'autonomie, là. C'est de l'autonomie pour dire : les municipalités sont capables de ne pas banaliser. Les élus municipaux sont capables de prendre ces décisions-là en ce qui concerne leur population, compte tenu qu'on a déjà une très grande liste d'exceptions. Les municipalités sont déjà au fait que s'ils veulent en ajouter ou permettre certains lieux x, bien, ils peuvent le faire. Ils pourront le faire, ils pourront réglementer puis être plus sévères. Ils le font déjà pour l'alcool, et ça va bien, M. le Président.

Ça fait que je ne vois pas pourquoi, avec le cannabis, ça serait différent. D'autant plus, M. le Président, je vais profiter du moment qui m'est donné pour dire... on ne banalise tellement pas pour les jeunes, là, qu'on a annoncé ce matin 1,5 million du gouvernement du Québec, et il y aura 1,5 million mis par la Fondation Jean-Lapointe pour faire en sorte que les Maisons Jean-Lapointe puissent aller faire de la prévention dans les écoles, puissent aussi informer c'est quoi, le cannabis et les conséquences aux parents, mais également à l'ensemble de la population. Il y aura un site Internet où vous pourrez vous renseigner, et tout ça, là.

Puis ça, ce n'est pas la finalité, là. C'est un morceau, puis il y a d'autres choses qui vont venir éventuellement en termes de prévention. Mais ce qu'on dit, M. le Président, c'est que les municipalités sont aptes, en plus de ce que nous aurons mis... Déjà là, on a mis beaucoup de superficies où ça sera interdit, là. Au moment où je vous parle, là, il y a beaucoup de superficies, il y a beaucoup d'endroits où il y a beaucoup de jeunes qui se présentent où ça va être interdit de consommer du cannabis. Je ne referai pas la lecture de tous les endroits, parce que ça serait un petit peu exagéré, mais je l'ai déjà faite et je vous ai aussi dit que, dans le dernier budget, sur deux ans, il y a 62 millions qui vont être dévolus aux municipalités justement en raison des pressions qui vont venir, justement, en regard de cette légalisation-là, qui est faite par le gouvernement fédéral.

Je veux aussi vous dire, M. le Président, qu'au-delà du fait que le Réseau québécois des villes et villages en santé... Je vous dis, là, Villes et villages en santé, ces municipalités-là, là, ils sont préoccupés par tout ce qui se dit en santé. Puis ils le disent eux autres mêmes, là : «Trop restreindre la consommation en dehors des lieux privés favoriserait une exposition plus importante de la fumée secondaire pour les autres habitants des logements et toucherait plus particulièrement les populations défavorisées qui vivent, [...]dans des logements locatifs.

«[...]afin de respecter les compétences municipales en matière de zonage et de réglementation — je vous rappelle que c'est Villes et villages en santé, là, qui nous disent — le Réseau québécois de villes et villages en santé recommande de garder les mêmes restrictions que pour l'usage du tabac dans les lieux publics...»

On est allés plus loin que ça, M. le Président. On a fait un «tabac plus» pour la consommation puis on a ajouté des emplacements. On est allés beaucoup plus loin. Pourquoi? Parce qu'ici, quand on a consulté, il y a des gens qui nous ont dit : Nous autres, là, on ne souhaite pas que vous commenciez à intervenir là-dedans, là, dans les rues, dans... On souhaite que ça soit les municipalités qui décident, leur environnement immédiat. Ça, c'est suite à la consultation.

Alors, M. le Président, pour toutes ces raisons-là, même si... puis je suis bien désolée, là, on ne sera pas en accord avec le député de Borduas. Moi, je ne banalise aucunement, mais c'est une responsabilité collective qu'ont les gouvernements, tant du Québec que les gouvernements municipaux. C'est une responsabilité collective aussi pour la population.

Parce que vous savez, M. le Président, là, pas parce que ça va être légal que moi, en tant que mère de famille, là, je n'irai pas voir mon conseil, puis dire : À cet endroit-là, j'aimerais ça qu'il n'y ait pas de cannabis. Ça se peut que j'aille à la municipalité comme citoyenne. Ça se peut que mon voisin y aille. Les citoyens, ils ont un certain pouvoir, là, M. le Président. Et comme citoyen, là, je suis convaincue, même les consommateurs de cannabis sont assez responsables pour ne pas incommoder les autres citoyens. On est rendu là, comme société, M. le Président, puis à être trop restrictif et trop punitif, à un moment donné c'est comme ne plus rien faire. C'est comme ça, la banalisation, c'est d'être trop restrictif. À un moment donné, tu n'es plus capable de faire respecter tes lois.

Alors, moi, je pense que, dans le cas qui nous occupe, on a fait des bonnes mesures, on a évidemment fait une liste de places où ça sera interdit de consommer, on a trouvé l'équilibre entre la consommation d'un produit légal et le fait qu'on veut faire de la prévention, de la protection de la santé, et on dit : S'il y a des lieux, d'aventure, que les municipalités... Les municipalités, là, ce n'est pas non plus la troisième personne du Saint-Esprit, pas plus que le gouvernement, c'est des élus de la population, qui les représentent directement, là, au premier degré, sur le terrain, qui vont pouvoir réglementer et dire : De telle rue à telle rue, ça ne sera pas possible ou, de tel coin, de tel secteur, ça sera impossible, en plus de ce que le gouvernement a décrété. Ça ne sera pas possible de consommer à ces endroits-là, puis, pour les autres endroits, on vous dit : Voici le cadre dans lequel vous pourrez consommer votre cannabis parce que ça va être un produit légal.

En ce moment, l'alcool, c'est exactement de même que c'est encadré et ça fonctionne. Alors, moi, je fais confiance, un, à l'intelligence des citoyens, deux, aux élus municipaux et, trois, à tout ce mis comme interdiction au gouvernement, qui travaille en partenariat avec les municipalités. Comme je vous dis, là, ces deux instances-là, c'est là pour représenter la population. Alors, on va entendre... La municipalité, c'est celle qui la plus proche du terrain.

Alors, il faut arrêter de présumer que les municipalités ne réglementeront pas. Au contraire, j'en ai 225 qui me demandent la liberté de pouvoir faire leurs choix. J'ai le Réseau québécois des villes et villages en santé, 227 municipalités qui disent : Moi, je suis capable. En plus de l'Union des municipalités du Québec, en plus de Montréal, en plus de Québec, on ne commencera pas à faire liste de chacune des municipalités, M. le Président, mais ce que je peux vous dire, c'est que ces gens-là sont capables de réglementer. Le message aux jeunes, je pense qu'il est clair parce que dans ce qu'on a mis comme interdiction, tous les lieux où il y a des jeunes, ça va être interdit.

Alors, c'est assez clair que ce n'est pas banal. Toute la prévention qu'on va faire dans les écoles secondaires, éventuellement à la fin du primaire et collégial et université, toute la prévention qui va être faite là, M. le Président, c'est pour dire que le cannabis ne sera pas un produit banal. Pensez-vous sincèrement que tout le monde va s'en aller au coin de la rue pour commencer à s'allumer un joint? Je ne pense pas, M. le Président. La population, là, il faut leur faire confiance aux gens, ils sont pas mal plus responsables que ça. J'allais dire un autre mot, mais responsable. Je vais utiliser le mot responsable, je pense que c'est le meilleur mot.

Alors, moi, je ne peux pas adhérer la proposition du député de Borduas et d'autant plus que je me demandais : au niveau de la grammaire, M. le Président, puis là, je le dis avec beaucoup de respect, peut-être que je me trompe : Est-ce que c'est «Tous autres lieux publics» ou si on dit «Tout autre lieu public»? Y a-t-il un t qui va là? Ce n'est comme pas clair dans ma tête.

Le Président (M. Merlini) : Peut-être que je ferai appel à l'expertise de notre député de Saint-Jérôme. M. le député de Saint-Jérôme.

M. Bourcier : C'est limite, mais c'est acceptable comme formulation, Mme la ministre, mais normalement, on devrait dire «tout autre», «tout» désignant quelque chose de pluriel comme dans «n'importe quel autre». «Tous autres lieux»... Je vais vérifier, mais c'est acceptable. Je l'ai vu en quelque... C'est limite, mais c'est bon.

• (16 h 30) •

Mme Charlebois : Merci. Bien, merci. Ça me renseigne. Merci. Alors, je vous le dis, là, notre formation politique, mes collègues et moi, nous ne voterons pas pour l'amendement du député de Borduas. Je respecte son point de vue, mais on n'est pas en accord avec ça pour les raisons que je viens d'énoncer.

Le Président (M. Merlini) : Merci, Mme la ministre. M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, j'ai une question pour la ministre : Si on un met un t, est-ce qu'elle vote pour?

Mme Charlebois : ...question grammaticale. Ma question, ce n'était pas sur le sens, M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Je comprends, mais, vous savez, peut-être que vous auriez accordé...

Mme Charlebois : Ça ne change rien à mon argumentaire.

M. Jolin-Barrette : Vous savez, Mme la ministre, j'essaie de toutes les façons possibles de vous convaincre, donc, tous les moyens sont bons. Alors, c'est un argument de plus.

Alors, M. le Président, écoutez, je maintiens ma position, je pense qu'avec les intervenants qu'on a entendus, notamment les représentants des policiers municipaux, des policiers provinciaux, au niveau des exigences aussi que ça va nécessiter au niveau des municipalités et par la voix de leurs élus, des conseillers municipaux, des maires et des mairesses, sur l'ensemble du territoire québécois, je pense que c'est assez clair que ça simplifierait beaucoup les choses, M. le Président, d'avoir un règlement de portée générale qui serait de nature provinciale, notamment pour les arguments qu'on a invoqués tout à l'heure, au niveau de l'application réglementaire, et surtout sur le fait de ne pas banaliser et de ne pas favoriser la consommation.

Et nécessairement, lorsque vous voyez un produit qui est accessible, lorsque vous voyez un produit qui est consommé, nécessairement, vous êtes davantage exposé. C'est un principe élémentaire en marketing : plus vous êtes exposé à quelque chose, plus vous allez créer un besoin, plus vous allez créer une nécessité, et je ne pense pas que c'est l'approche raisonnable à avoir.

Alors, sur ces arguments-là, M. le Président, vous conviendrez avec moi que c'est un point fondamental, dans le projet de loi, c'est un point important sur la gouvernance de la société... de l'État québécois, de la société québécoise, à savoir : Comment est-ce qu'on veut gérer le cannabis dans les lieux publics? Ça a toujours été très clair, dès le départ, pour nous. J'ai posé plusieurs questions à la ministre à ce niveau-là, depuis l'automne dernier, et malheureusement je constate encore une fois que le gouvernement refuse de bouger, refuse d'aller vers un compromis ou refuse de faire la chose qui doit être faite, soit d'interdire le fait de fumer du cannabis dans les lieux publics.

Et je vous le prédis, M. le Président, qu'il va avoir des situations qui vont être complexes et difficiles à gérer par le fait que le gouvernement ne légifère pas pour interdire la consommation de cannabis. Et ça sera la responsabilité du gouvernement libéral, à qui il en incombera.

Et je trouve ça malheureux, M. le Président, qu'on ne voie pas déjà les problèmes que ça va engendrer. Je pense qu'on regarde l'arbre puis on ne regarde pas la forêt. Alors, on va se retrouver dans une situation où ça va être difficile d'application et probablement qu'on va devoir se rasseoir tous ensemble pour faire en sorte de corriger les lacunes du projet de loi n° 157, notamment celle-là. Parce qu'on a bien l'impression que le gouvernement va voter contre notre amendement pour interdire la consommation, le fait de fumer dans les lieux publics.

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. le député... Oui?

M. Jolin-Barrette : Alors, j'invite la ministre à voter en faveur de notre amendement.

Le Président (M. Merlini) : Merci...

Mme Charlebois : ...du député de Borduas?

Le Président (M. Merlini) : Bien, tout à fait, Mme la ministre.

Mme Charlebois : Juste rappeler, pour le bénéfice des auditeurs, parce que, là, il semble qu'on va permettre ça partout. Non. Je le rappelle :

«Il est interdit de fumer du cannabis dans tous les lieux suivants :

«1° les abribus;

«2° les tentes, chapiteaux et autres installations semblables montés de façon temporaire ou permanente et qui accueillent le public;

«3° les terrains d'un établissement de santé ou de services sociaux;

«4° les terrains où sont situés les bâtiments mis à la disposition d'un établissement d'enseignement postsecondaire;

«5° les terrasses et les autres aires extérieures exploitées dans le cadre d'une activité commerciale et qui sont aménagées pour y permettre le repos, [une] détente [une] consommation de produits;

«6° les aires extérieures de jeu destinées aux enfants et qui accueillent le public, y compris les aires de jeux d'eau, les pataugeoires et les planchodromes;

«7° les terrains sportifs et les terrains de jeux, y compris les aires réservées aux spectateurs, qui sont fréquentés par des mineurs [...] qui accueillent le public;

«8° les terrains des camps de jour [...] des camps de vacances de même que les patinoires et les piscines extérieures qui sont fréquentés par des mineurs et qui accueillent le public.»

Tous ces lieux que je viens d'énumérer, M. le Président, il y aura interdiction de consommation de cannabis. Alors, il est faux de prétendre que ça va être permis partout.

Ce que je dis, c'est que ça va être interdit là, et les municipalités pourront, près de leurs terrains, près de leurs populations, choisir d'autres lieux où ce sera interdit et/ou des lieux où ce sera permis. Je pense que la population est capable d'échanger avec ses élus municipaux pour faire ce choix-là. C'est ce que je dis depuis le début. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Merlini) : Merci, Mme la ministre. M. le député de... Ah! M. le député de Borduas, oui.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, écoutez, M. le Président, je suis en désaccord avec ce que la ministre vient de dire, vous comprendrez. Mais je souhaitais apporter quand même un point d'information sur la formulation de t-o-u-s. Alors, l'Office québécois de la langue française nous renseigne et nous dit : «L'usage veut qu'on emploie tout autre au singulier — t-o-u-t. Bien que les formes plurielles tous — t-o-u-s — autres et toutes — avec un t-e-s — autres soient possibles, elles sont peu fréquentes.» Et là où ça devient intéressant, M. le Président : «On les rencontre notamment dans la langue juridique. Le pluriel peut en outre apporter une légère nuance, soit pour faire référence à la totalité des éléments d'un ensemble donné.» Alors, voyez-vous, on rédige un projet de loi, alors on adopte la langue juridique.

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. le député de Borduas, pour cette précision sur l'écriture de votre proposition d'amendement. M. le député de Labelle, vous vouliez intervenir sur la proposition d'amendement?

M. Pagé : Oui. Bien, expliquer pour quelle raison on ne peut pas accepter l'amendement du député de Borduas. En fait, c'est parce qu'on revient à la même chose que ce que nous avions discuté un peu plus tôt. D'ailleurs, dès le dépôt de l'amendement, je vous avais demandé, M. le Président, de statuer sur la recevabilité parce que souvent, quand on dépose la même chose, ce n'est pas recevable. Je comprends que ce que j'avais déposé était soumis à un sous-amendement et qu'un plus l'autre arrivaient à peu près à celui-là. Mais ce n'est pas un amendement qui est directement conforme à celui que j'avais déposé dans un premier temps. C'est ce qui a fait en sorte que vous l'aviez accepté.

Alors, pour être toujours aussi cohérent avec quand j'ai refusé le sous-amendement du député de Borduas, évidemment, nous allons voter contre cet amendement. Pas parce qu'on est contre le principe, parce qu'au départ c'est ce que nous souhaitons, c'est que ça soit interdit dans les lieux publics. Sauf qu'on veut respecter l'autonomie des municipalités et pour lesquelles on souhaiterait trouver un espace, un, quelques espaces dans la municipalité. Ça, nous sommes ouverts à ça, et ça va dans le sens de l'autonomie municipale qui est recherchée et qui est demandée par les élus municipaux. Mais, compte tenu qu'il n'y a pas ce volet dans l'amendement qui est présenté par la deuxième opposition, M. le Président, donc, nous allons voter contre cet amendement.

Et, toujours dans une recherche de compromis... En même temps, avant de parler de compromis, le député de Borduas, ce qu'il nous propose, c'est cohérent avec ce qu'il avait déjà annoncé il y a plusieurs mois. Alors, je pense qu'il ne faut pas se surprendre aujourd'hui du débat que nous faisons sur l'article 15. On savait que c'était un article «crunchy», parce que déjà c'était annoncé, c'était écrit gros dans le ciel que nous allions présenter des amendements en fonction de ce que nous avions déjà annoncé au mois de septembre dernier. Pour la CAQ et le député de Borduas, c'est exactement... c'est conforme à ce qu'il avait déjà annoncé il y a plusieurs mois. Alors, je pense qu'il ne faut pas se surprendre personne.

Cela dit, compte tenu de la majorité gouvernementale, on entend bien que cet amendement risque d'être rejeté, à moins... Il ne faut pas présumer du vote, hein, il ne faut pas présumer. Mais, selon ce que j'ai entendu comme intentions, à moins que certains députés de la partie gouvernementale décident de faire faux bond et de voter avec la CAQ... On ne peut pas présumer non plus, hein? C'est déjà arrivé dans le passé, mais très rarement, très, très, très rarement, en fait. En fait, c'est-u déjà arrivé? Bon. Moi qui prêche pour le vote libre, peut-être aujourd'hui assisterons-nous à un vote libre sur l'article.

Mais sérieusement, M. le Président, si cet amendement est rejeté, nous souhaitons déposer un autre amendement qui se veut un compromis pour qu'on puisse trouver la voie de passage pour essayer de rallier le plus de monde possible. Probablement qu'on ne pourra pas rallier à 100 % la deuxième opposition parce qu'ils ont une position qui va beaucoup plus loin que la nôtre, et je respecte ça. Mais, cela dit, je pense qu'on pourrait disposer de l'amendement pour qu'on puisse poursuivre nos travaux.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, M. le député de Labelle. M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, un simple commentaire. J'aurais souhaité recevoir l'assentiment de mes collègues du Parti québécois, mais je suis quand même heureux d'entendre le député de Labelle, du Parti québécois, reconnaître la cohérence de la position de la CAQ et des idées de la CAQ. Alors, ça me fait plaisir que vous reconnaissiez notre cohérence.

Le Président (M. Merlini) : J'imagine que vous voulez commenter, M. le député de Labelle. Je vais vous le permettre.

M. Pagé : Bien, vous êtes cohérents avec la position que vous avez prise, avec la position qui a été prise il y a plusieurs mois sur cet élément. Je n'en dirai pas plus.

• (16 h 40) •

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. le député de Labelle. Est-ce que j'ai d'autres interventions sur la proposition d'amendement de M. le député de Borduas? Je n'en vois pas, je vais donc le mettre aux voix. Est-ce que la proposition d'amendement de M. le député...

M. Jolin-Barrette : ...

Le Président (M. Merlini) : Oui...

M. Jolin-Barrette : ...un vote par appel nominal, s'il vous plaît.

Le Président (M. Merlini) : Le vote par appel nominal est demandé. Pour, contre ou abstention. Mme la secrétaire.

La Secrétaire : M. Jolin-Barrette (Borduas)?

M. Jolin-Barrette : Pour.

La Secrétaire : Mme Charlebois (Soulanges)?

Mme Charlebois : Contre.

La Secrétaire : M. Plante (Maskinongé)?

M. Plante : Contre.

La Secrétaire : Mme Ménard (Laporte)?

Mme Ménard : Contre.

La Secrétaire : M. Boucher (Ungava)?

M. Boucher : Contre.

La Secrétaire : M. Auger (Champlain)?

M. Auger : Contre.

La Secrétaire : M. Pagé (Labelle)?

M. Pagé : Contre.

La Secrétaire : M. Bourcier (Saint-Jérôme)?

M. Bourcier : Contre.

La Secrétaire : M. Merlini (La Prairie)?

Le Président (M. Merlini) : Contre. La proposition d'amendement de M. le député de Borduas est donc rejetée.

Nous revenons donc à l'article 15 tel qu'amendé. M. le député de Labelle, vous avez manifesté une intention de déposer une proposition d'amendement. À vous la parole.

M. Pagé : Oui. Alors, toujours dans la recherche de compromis, on... Je pense que tout le monde a pu exposer ses points de vue, son point de vue idéal, que chacune des formations politiques souhaitait aller... avec des positions, on le voit bien ici, là, qui sont quand même différentes d'une formation politique à l'autre. Dans une recherche de compromis et afin d'éviter ce que nous ne souhaitons pas, soit, je me dois de le dire comme je le pense, la banalisation, donc, de fumer sur la rue, alors je déposerais, M. le Président, l'amendement suivant :

Alors, modifier l'article 15 de la Loi encadrant le cannabis, édictée par l'article 12 du présent projet de loi, par l'insertion, après le huitième paragraphe du premier alinéa, du paragraphe suivant :

«9° les rues et les trottoirs.»

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. le député de Labelle. Nous allons faire les copies et la distribution aux membres pour qu'ils en prennent connaissance.

Je suspends les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 42)

(Reprise à 16 h 45)

Le Président (M. Merlini) : Nous reprenons donc nos travaux après cette brève suspension pour la distribution de la proposition d'amendement de M. le député de Labelle. Les membres en ont pris connaissance, et j'invite maintenant M. le député de Labelle à nous offrir ses explications. À vous la parole.

M. Pagé : Je pourrais expliquer longtemps, mais, avant de commencer le débat, compte tenu de ce que je viens de déposer, est-ce que la ministre souhaiterait qu'on suspende l'article 15 et qu'on suspende l'amendement afin d'analyser tout cela et qu'on puisse revenir par la suite? Je pose la question. Ou bien on va en débattre tout de suite, là.

Le Président (M. Merlini) : Mme la ministre.

Mme Charlebois : M. le Président, je pense que le député de Labelle peut très bien m'exposer son point de vue. Ça ressemble drôlement à son amendement de tantôt, mais je vais entendre son point de vue puis je vais vous dire ensuite le mien.

Le Président (M. Merlini) : Alors, à vous la parole, M. le député de Labelle.

M. Pagé : Parfait. Alors, bon, la ministre nous dit souvent, quand la population s'est prononcée sur le fameux sondage, là : Au total, 76 % des répondants se disent plutôt en désaccord ou tout à fait en désaccord avec la consommation de cannabis en lieu public. Je pense qu'on n'avait pas besoin de dire aux gens : les abribus, les terrains d'un établissement de santé et de services sociaux. Je pense que les éléments qui sont dans l'article 15, ça va de soi. Ça va de soi, là. Je pense que, quand la ministre nous dit : Ah! il y a plusieurs endroits où ce n'est pas permis, ça va de soi. Pour la population, quand on parle d'espace public, bien sûr, sur les terrains des écoles, les terrains de jeu où il y a des enfants, c'est évident, cela.

Mais pour M. et Mme Tout-le-monde, je vous pose la question, M. le Président : Est-ce que c'est permis de fumer du cannabis dans l'espace public? Avant tout, ce que vous allez penser comme espace public, bien, c'est sur la rue — en tout cas, ça m'apparaît une évidence — sur la rue, dans les parcs, tout ça. Mais on a bien pris soin de ne pas mettre «dans les parcs». Pourquoi? Par cohérence avec ce que la ministre nous a expliqué tantôt. Québec peut restreindre plus que ce que le fédéral nous propose, et les municipalités peuvent restreindre encore plus. Alors, si les municipalités voulaient restreindre encore plus que notre proposition, ils auraient encore de la possibilité pour restreindre encore plus. Mais, en apportant les rues et les trottoirs, bien, c'est l'espace public.

C'est toujours l'exemple que l'on prend. Et c'est l'exemple qui m'a été donné la semaine dernière, dans mes consultations avec les citoyens, avec mes 17 maires et mairesses, en se disant : Bien, vous et moi, on prend une marche, là, puis on s'en va, puis on échange notre joint, là. On prend une marche, là. Bon. Alors, ça, c'est très, très public. Dans un parc, même si la plupart des municipalités... Bien, même si c'est interdit de consommer de l'alcool dans un espace public, dans les parcs, il n'y a personne qui va venir vous déranger. Quand, moi, je le fais, là, avec la petite famille, on s'installe des fois dans les parcs avec un piquenique, et on ouvre une bouteille de vin, puis on prend ça très calmement, puis ça se passe bien. Et ça, il n'y a personne qui vous dérange là-dessus. Quand on s'installe dans un parc, on ne déambule pas et on n'étale pas au grand public ce que l'on consomme. Alors, c'est très différent par rapport à un parc.

Mais l'espace public, de déambuler sur la rue devant tous les gens qui nous regardent, sur les terrasses, on croise les gens, on arrive au coin d'une lumière puis il y a une petite famille derrière nous, il y a des enfants partout autour, il y a des enfants à bicyclette, à pied, là, évidemment, c'est... là, on s'expose. Et, en s'exposant d'une telle façon, malheureusement, je trouve qu'on banalise. Alors, que l'on interdise, au moins, qu'on ajoute au moins cet espace de... quand on marche sur la rue. Il me semble que c'est le minimum que l'on devrait ajouter à la loi. En le faisant de cette façon, je trouve que...

Quand la ministre nous dit : Bon, il faut trouver le point d'équilibre, là, je trouve qu'on serait en point d'équilibre parce que, justement, c'est le compromis auquel nous sommes prêts à aller. Je serais très étonné que la deuxième opposition soit contre cela parce qu'ils voulaient l'interdire partout. Alors, je pense qu'ils ne seraient pas contre qu'on interdise un endroit supplémentaire. Et je pense que, compte tenu qu'ils font preuve de cohérence, alors, j'imagine qu'ils seraient d'accord avec cet ajout parce qu'on ajouterait un endroit où c'est interdit.

• (16 h 50) •

Et je reviens encore, là, je reviens encore, parce que la ministre a dit souvent : Il y a plein d'endroits où ça va être interdit, puis là elle a énuméré la liste. Puis des fois elle disait : Bien, je l'ai tellement énumérée, la liste, que je ne vais pas l'énumérer à nouveau. Mais la liste qui est écrite, Mme la ministre, dans l'article 15, c'est tellement évident. C'est tellement évident que les aires extérieures de jeux destinées aux enfants... bien oui, tout le monde s'attend à ça. Moi, quand j'ai expliqué justement, là, aux maires, et aux mairesses, et aux citoyens, là, quand je leur ai dit : Bien, partout où il y a des jeux pour enfants, sans avoir la liste devant moi, ça se résumait à ce qui était écrit là. Ça, c'est clair parce qu'en plus c'est des endroits où on est directement en contact avec des enfants. Alors, les terrains sportifs et terrains de jeu, encore, ça va être des enfants. C'est évident qu'on allait écrire ça dans la loi. Les terrains de camp de jour et de camp de vacances, encore une fois, il peut y en avoir, des adultes, il peut y en avoir pour des personnes handicapées adultes, mais c'est essentiellement pour des enfants. Ma fille va y aller cet été, elle a 13 ans, là. Puis, bien oui, c'est des enfants. Alors, c'est des articles... c'est une définition qui est évidente.

Alors, même si on avait dit ça, quand on a proposé la question à la population, en leur disant : Êtes-vous d'accord ou en désaccord avec le fait qu'on puisse consommer sur la place publique?, je pense que c'est évident que les gens... même si on avait ajouté «sauf pour les terrains de jeu pour enfants, les camps de vacances puis les camps pour jour pour enfants, les terrains où sont situés les bâtiments mis à la disposition d'un établissement d'enseignement postsecondaire». Bien oui, parce que c'est des endroits... c'est des lieux d'enseignement, alors c'est évident, encore là. Les terrains et établissements de santé et de services sociaux, bien oui, bien oui, personne ne s'attend à ce que ça soit permis dans ces lieux-là.

Alors, c'est pour ça que je dis : Faisons attention à l'interprétation qu'on donne au 76 %. Parce que, même si on avait dit aux gens dans le sondage : N'oubliez pas, là, il y a tous ces endroits-là, là, évidemment, là, peut-être que ça aurait joué d'une couple de pour cent, mais ça n'aurait pas joué sur un grand pourcentage par rapport au 60 %... au 76 % qui nous a été donné. On a beau nous dire : Les abribus. Bien oui, sauf qu'à l'extérieur de l'abribus tu vas avoir le droit. Alors, tu sors de l'abribus, tu es sur le coin de la rue, puis c'est comme si, sur le coin de la rue, en attendant l'autobus, on trinque, on prend notre bière, on prend notre... C'est-u ça qu'on veut? Ce n'est pas ça qu'on veut. Alors, bien oui, les abribus, c'est évident, mais, sur le coin de la rue où vous attendez l'autobus, ça va, vous allez avoir le droit. Telle qu'est écrite la loi, vous allez avoir le droit parce que l'espace public, ce n'est pas l'abribus, c'est en dehors de l'abribus.

Alors, le fait d'inscrire dans la loi l'amendement que nous proposons, «les rues et les trottoirs», ça éviterait ce qui, je pense, est dans la définition de la population, «l'espace public». Évidemment, on doit y inclure certainement les parcs, mais on n'est pas allés jusque là parce qu'il faut faire une nuance, il faut faire une nuance puis il faut se laisser des endroits. Et là, en toute cohérence avec ce que la ministre nous disait, les municipalités pourront restreindre un peu plus. Alors, il resterait cet espace-là autour des parcs. Et, si les municipalités veulent restreindre juste à l'entrée des parcs, complètement le restreindre, bien, évidemment, ce seront à eux et à elles de le décider.

Alors, je pense que ce qu'on propose ici, il y a quelque chose comme un compromis qui nous apparaît respectable, raisonnable et qui va aussi tout à fait en cohérence avec ce qui est souhaité de la part de la population. Et on pourra revenir dans trois ans, on pourra revenir dans cinq ans, et, si un jour on se dit : Bien, on est capables d'ouvrir un peu plus, on ouvrira un peu plus. Mais je vous ferai remarquer par contre, M. le Président, que Colorado ont fait l'inverse. C'était permis, au début, dans l'espace public; maintenant, c'est interdit. Ils ont ouvert au début puis ils ont restreint. 23 fois, ils ont modifié leurs lois et règlements pour restreindre parce qu'ils se sont rendu compte qu'ils ouvraient beaucoup trop.

Puis je ferais aussi remarquer, M. le Président, que, quand on a légiféré en 1921, il y a 97 ans, l'alcool était énormément restrictif à l'époque. Et pourtant, même si c'est énormément restrictif, 97 ans plus tard, c'est toujours interdit de prendre de l'alcool dans les lieux publics, de déambuler sur la rue, vous et moi, et de consommer de l'alcool. Mais on pourrait le faire pour le cannabis. Alors, il me semble qu'il y a là une incohérence. Et j'en appelle, je pense, à l'ouverture de l'ensemble de mes collègues pour qu'on puisse accepter au moins ce neuvième paragraphe qui permettrait, je pense, de trouver le compromis acceptable, là, pour la population et pour les parlementaires.

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. le député de Labelle. Mme la ministre.

Mme Charlebois : Alors, M. le Président, encore une fois, je suis en désaccord avec le député de Labelle parce que, quand il dit que c'est sûr que tout le monde savait, quand ils ont répondu au questionnaire, que c'était implicite que les aires extérieures des jeux destinées aux enfants étaient incluses, les terrains sportifs, les terrains de jeu, bien, moi, pas plus tard que ce matin, là, j'ai dit ça à des personnes, lors de l'annonce du 1,5 million, qui étaient là, puis ils ne le savaient pas. Ils ne savaient pas, là, qu'il y avait cet article 15 là qui disait ces choses-là. Ils ne savaient pas non plus qu'il serait interdit de posséder du cannabis sur les lieux d'établissements scolaires.

Ça fait que, quand on pense que quand les gens répondent à un sondage, qu'ils ont toutes les nuances... On est des parlementaires aguerris, M. le Président, puis par bouts, là, on est obligés de faire intervenir les juristes...

M. Pagé : ...M. le Président.

Le Président (M. Merlini) : Oui. Un instant, Mme la ministre. M. le député de Labelle.

M. Pagé : Bien, j'ai juste une petite nuance. Je n'ai pas dit que les gens le savaient. J'ai juste dit que c'était évident que la loi allait prévoir qu'on ne pourrait pas consommer de cannabis dans des endroits comme ce qui est écrit dans la loi. C'est évident. Mais personne ne m'a dit : Je le savais. Mais, quand on pose la question aux gens, bien, c'est de toute évidence qu'ils ne s'attendent pas à ce qu'à côté d'un parc pour enfants qu'on puisse consommer.

Le Président (M. Merlini) : Mme la ministre.

Mme Charlebois : Bien, si c'est si évident que ça, comment ça se fait que les gens à qui j'ai parlé ce matin ne le savaient pas, eux? S'ils ont répondu au sondage, ils ne le savaient pas, eux. C'est assez bizarre. C'est peut-être évident pour nous qui sommes là-dedans du matin au soir, presque six jours par semaine, là. Mais, pour la population, quand tu réponds à un sondage et que la question est, sujet, verbe, complément, sans nuances : Êtes-vous favorable à la consommation de cannabis dans les lieux publics?, point, c'est non. Mais, quand on apporte les nuances : Si vous savez que, déjà, il y a des interdictions dans les lieux, ta, ta, ta, est-ce que vous voulez qu'on en rajoute une couche où on permettra aux municipalités de le faire? Ah! là, je suis sûre qu'on aurait peut-être une nuance dans la réponse, peut-être.

Alors, M. le Président, je ne suis pas en accord. Je comprends que pour nous, ça l'est, évident, là, puis pour des gens qui suivent ça, là, à toutes les minutes, là, ça peut l'être. Mais le 76 % qui ont répondu au sondage, je ne suis pas certaine qu'ils avaient tout ça en tête. Je ne suis pas certaine. Il y en a peut-être, mais je suis certaine que la majorité n'était pas là. Alors, pour toutes ces raisons-là...

C'est le débat qu'on a depuis le début de l'après-midi, M. le Président. J'ai déjà expliqué qu'il y a beaucoup d'endroits qui ont des interdictions. Il y a déjà beaucoup de choses qui se font, dans le projet de loi, pour la consommation du cannabis fumé. Je dis que c'est une responsabilité collective et que les municipalités ont déjà une autonomie, ils peuvent réglementer. Je dis qu'ils le font déjà pour la boisson et que ça fonctionne. Alors, je ne vois pas pourquoi ça ne pourrait pas fonctionner pour le cannabis. C'est d'ailleurs ce qu'ils nous ont demandé.

Alors, je m'en tiens toujours à la même position parce que, même si on le formule avec deux articles plus ou moins différents, ça revient toujours au même contenu. C'est qu'on est en train de faire quelque chose qui est large, qui ne permettra plus l'autonomie aux municipalités, et on n'est pas là, nous autres. On a donné l'autonomie aux municipalités, on est prêts à continuer à leur donner leurs responsabilités et leurs choix.

Puis ce n'est pas vrai que ça va être partout uniforme à travers tout le Québec. Chaque municipalité est différente ou, en tout cas, chaque région peut être différente. Et, même, il y a des sous-régions dans chacune des régions. Si je prends juste la Montérégie, M. le Président, là, ce qui se passe dans mon comté puis ce qui se passe dans le vôtre, ça peut être très différent. Puis il peut y avoir des agglomérations où ça peut se ressembler, puis, par contre, dans mon coin, ça va être totalement autre chose.

• (17 heures) •

Alors, moi, en respect de ce que nous ont demandé les municipalités, en respect de ce que nous a demandé le Réseau québécois de villes et villages en santé... Je vous le répète, là, M. le Président, le titre du regroupement, c'est Réseau québécois de villes et villages en santé. Ils savent très bien de quoi ils parlent, là. Quand ils parlent de ça, ils sont préoccupés par la santé de la population. Ils représentent 85 % de la population et ils nous disent : Laissez-nous notre pouvoir, on veut réglementer ça comme on l'a fait pour l'alcool.

Alors, en ce sens-là, je ne peux pas accepter la proposition du député de Labelle. Je comprends que lui voit ça autrement que moi, mais... bon, que moi et que toute notre formation politique, mais, moi, juste parce que je réponds aux villes et villages en santé, je réponds à 225 municipalités. Je réponds à l'UMQ. Je réponds à la ville de Montréal, à la ville de Québec. Je réponds à un paquet de municipalités, peut-être pas la totalité parce qu'on ne fait jamais l'unanimité dans la vie, M. le Président. Mais je leur dis : Il y a déjà toute une liste d'interdictions. Je comprends qu'il n'y a pas des abribus partout, mais, partout, il y a des jeunes où il y a des terrains sportifs, partout, il y a des jeunes où il y a des camps de vacances, des camps de jour, partout, il y a des jeunes qui fréquenteront des lieux publics, des pataugeoires, des planchodromes. Tout ça, ça va être déjà interdit.

Alors, moi, je préfère que, pour les autres lieux tels que les rues, tel qu'il le mentionne, là, et les trottoirs... soient délimités par les municipalités. Puis c'est eux autres qui sont redevables à la population au premier rang, là, les plus proches. Alors, moi, je ne démords pas de ça et je ne peux accepter l'amendement.

Le Président (M. Merlini) : Merci, Mme la ministre. M. le député de Labelle.

M. Pagé : Je suis vraiment très déçu, M. le Président, très, très, très déçu, et j'inviterais la ministre... Et je vais reprendre la proposition. Je vais reprendre la proposition de suspendre l'amendement, suspendre l'article 15, et j'invite la ministre à aller consulter son caucus. J'invite la ministre à aller consulter son caucus. S'il prenait le temps de bien réfléchir à cela, je suis vraiment convaincu qu'elle pourrait avoir de grosses surprises, très convaincu parce que je pense, M. le Président, que nous faisons une erreur. En tout cas, ça m'apparaît tellement clair que nous faisons une erreur que, justement, des États qui ont ouvert, qu'est-ce qu'ils font aujourd'hui? Ils restreignent. C'est exactement ce qu'ils font aujourd'hui. Ils se rendent compte que c'était une erreur et ils referment. Et, compte tenu de ces erreurs que l'on a vues et entendues ailleurs, bien, c'est ce qui fait que l'Ontario puis le Nouveau-Brunswick, nos deux voisins, disent non à la consommation sur la place publique.

Là, on est rendus un peu moins loin que l'ensemble de la place publique. On dit : Au moins sur la rue, quand les gens déambulent sur les trottoirs. C'est de ça dont on parle. Vous êtes tellement en contact avec les enfants, les adolescents, les familles, de vous exposer d'une telle façon, je le dis comme je le pense, on banalise. On banalise. Alors, regardez l'expérience de ce qui s'est fait ailleurs, et aujourd'hui on va restreindre plus, justement à des endroits où ils avaient trop ouvert. La ministre parle de responsabilité collective. Bien, c'est justement parce que nous avons cette responsabilité de ne pas banaliser, et c'est justement pour cela que je nous... Je vais insister pour que la ministre retourne consulter son caucus et expose la situation telle quelle en disant : Bon, O.K., le député de Labelle m'a dit, là, qu'on pouvait se promener sur la rue, là, puis consommer un joint, O.K.? Ça ne sera pas permis dans l'abribus, là, mais, à côté de l'abribus, ça serait permis. On va arriver sur le coin de la rue, il y a des enfants, ça va être permis. Est-ce que vous trouvez que c'est une bonne chose? Je suis convaincu que, si elle fait le tour de ses collègues, je pense qu'elle pourrait avoir de très, très grosses surprises.

Alors, moi, je lui demande bien amicalement de suspendre l'amendement, et de suspendre l'article 15, et d'aller consulter ses collègues parce que je suis convaincu qu'elle fait erreur. Je le dis comme je le pense. Je suis convaincu qu'on fait erreur en étant aussi permissifs. Alors, elle a beau nous dire : Oui, mais, quand je dis aux gens que... O.K., vous n'avez pas tenu compte qu'il va y avoir les abribus, les terrains. Honnêtement, ça ne change pas grand-chose. Honnêtement, ça ne change pas grand-chose parce que c'était d'une évidence tellement... Il n'y a pas plus évident qu'une évidence, là. Je ne sais pas comment le dire, mais c'était tellement évident qu'on ne permettrait pas la consommation dans les aires extérieures des jeux destinées aux enfants. C'est ça qui est écrit au paragraphe 6°. C'était tellement évident qu'on ne permettrait pas, dans les terrains sportifs et les terrains de jeux, y compris des aires réservées aux spectateurs... C'est tellement évident. C'était tellement évident qu'on ne le permettrait pas dans les camps de jour pour les enfants puis les camps de jour de vacances. C'est tellement clair. Alors, on n'avait pas besoin de dire ça dans le sondage pour que les gens se positionnent sur : Oui ou non, je suis d'accord dans l'espace public, là. Je ne sais pas comment l'exprimer pour dire que ces choses-là, ce sont des évidences.

Alors, écoutez, je ne sais plus comment le dire, mais, M. le Président, je suis convaincu que cette fois-ci... Sincèrement, là, je suis convaincu qu'on fait une erreur, et une erreur grave. Je suis convaincu qu'on fait une erreur grave. Alors, je le répète, je demande à la ministre qu'on suspende l'amendement, qu'on suspende l'article, qu'elle retourne consulter ses collègues, qu'on y réfléchisse comme il faut, parce que, je le dis comme je le pense, là, on est en train de faire une erreur.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, M. le député de Labelle. M. le député de Maskinongé.

M. Plante : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. le Président, je me devais de prendre la parole afin d'échanger avec mon collègue de Labelle sur la santé et la vitalité de notre caucus au niveau du gouvernement et je vais lui rappeler que la ministre fait un excellent travail dans ce dossier depuis le début.

Tout d'abord, elle a décidé de faire des consultations à notre niveau. Donc, on ne parlera pas des autres paliers gouvernementaux, mais notre ministre a décidé... et a fait de nombreuses consultations. D'ailleurs, j'ai vent et ouï-dire que le député de Labelle l'a accompagnée presque dans l'entièreté de ces consultations-là. Et la ministre s'est fait un devoir... Parce que, dans notre formation politique, juste pour lui rappeler, ça fonctionne comme ça. Donc, quand un ministre gère un dossier, l'entièreté d'un dossier, elle s'assure ou il s'assure d'avoir l'aval de l'ensemble du caucus. Et c'est un endroit où nous sommes tous libres de parole, de choix et de décision. Et nous rapportons tous, moi ainsi que tous mes collègues, le poids de notre population.

Et je veux juste rassurer le député de Labelle parce que... Malgré qu'on n'a pas le 50 % que quelqu'un me disait tantôt ce matin, je veux juste rappeler qu'on a quand même l'aval de plusieurs citoyens de nos circonscriptions et qu'on fait de nombreuses activités à chaque fin de semaine, à chaque journée qu'on rencontre les citoyens, et qu'effectivement elle a consulté le caucus, non seulement consulté à une fois, mais à de nombreuses reprises. Et, comme, c'est sûr, un caucus, c'est confidentiel, je ne vous dirai pas tous les propos, mais je peux vous dire que la ministre a présentement la position claire, nette et ferme du caucus du gouvernement qu'elle représente, M. le député — M. le Président, bien sûr, parce qu'il faut que je m'adresse à vous directement — qu'elle représente la position de l'entièreté des membres de notre formation politique.

Mais je remercie quand même le député de Labelle de s'inquiéter de la santé de notre équipe. Mais je veux juste lui dire que ça va très, très bien, et que notre pouls est en bonne santé, en bonne forme et en bonne marche, et que nous sommes fiers d'être ici non seulement pour sourire, mais aussi pour seconder les propos de notre ministre, qui fait un excellent travail, M. le Président.

Le Président (M. Merlini) : ...M. le député de Maskinongé. Est-ce que j'ai d'autres interventions sur la proposition d'amendement? M. le député de Labelle.

M. Pagé : Bien, je suis bien heureux que le caucus du Parti libéral soit en santé. De toute façon, ils ont une bonne whip. Ils ont aussi une bonne présidente de caucus. Alors, je pense que ça doit bien se passer. Je n'ai pas de doute là-dessus. Mais, cela dit, ce n'est pas parce qu'un caucus est en santé qu'on ne se doit pas, à l'occasion, de réfléchir à nouveau, puis je pense que c'est sain, des fois, quand on a un certain doute. Et je suis convaincu qu'autour de cette table, si elle pouvait reparler à ses collègues un par un, peut-être qu'elle aurait des surprises. Peut-être qu'elle aurait des surprises parce qu'à travers tout le plaidoyer que j'ai fait depuis tantôt, en tout cas, je sens qu'il y a peut-être des gens qui souhaiteraient retourner échanger à son caucus.

Et, oui, effectivement, dans les caucus, j'en ai vécu quelques-uns en presque 17 ans de vie parlementaire et je peux vous dire que, oui, publiquement, on essaie de s'organiser pour que tout le monde ait l'air de bonne humeur. Mais il y a des fois où ça brasse beaucoup puis il y a des fois où il y a des décisions où on aimerait retourner puis échanger. Et honnêtement, sur cette question-ci, je pense que c'en est une où, entre l'interdire complètement et l'espace où on déambule sur la rue, il me semble qu'il y a là un espace où ça mériterait de retourner et de dire : Bon, j'ai une proposition de compromis, là, qu'est-ce que vous en pensez, de la proposition de compromis? Il me semble que ça serait sage de le faire parce que ça nous permettrait, je pense, de rallier beaucoup plus l'ensemble des Québécois et de ne pas faire une erreur parce que, je le dis comme je le pense, nous sommes en train de faire une erreur. J'en suis vraiment et profondément convaincu, M. le Président.

• (17 h 10) •

Alors, oui, il y a eu des consultations. D'ailleurs, c'est nous qui les avions demandées, M. le député de Maskinongé. M. le député de Maskinongé, c'est nous qui avions demandé les consultations, le 16 avril. Quand le fédéral a déposé les... c'est la première chose que nous avons faite, de demander des consultations. On était d'ailleurs prêts à les faire avant le mois de juin. Mais donc il y a eu sept régions. J'en ai fait six sur sept, sept journées sur huit. Alors, j'ai pas mal entendu, effectivement... Et donc, oui... et on a remercié le gouvernement et j'ai remercié le gouvernement à plusieurs occasions d'avoir accepté, effectivement, cette proposition de faire des consultations, tout comme aussi... Dès le dépôt du projet de loi n° 157, le gouvernement avait dit : On va faire des consultations sur le projet de loi, 11 groupes. Mais la CAQ en voulait quatre ou six, je pense, de plus, qui étaient essentiellement des gens qui étaient pour le 21 ans. Nous, on avait proposé une soixantaine ou une centaine de plus parce qu'on se disait : C'est tellement important qu'il faut élargir. Finalement, on a accepté une soixantaine de groupes.

Alors, finalement, ces propositions de consultations, je pense qu'on a été pas mal proactifs pour qu'il y ait des consultations, et ces consultations nous mènent à l'évidence que de permettre de consommer quand on déambule sur la rue, c'est une erreur. C'est une erreur, et une erreur grave. Le député de Borduas, tantôt, a dit un peu plus tôt : Ce n'est pas un droit fondamental de consommer du cannabis, et il a raison, et il a raison. Alors, de respecter le droit des citoyens, c'est une chose, mais ce n'est pas un droit fondamental. Et effectivement notre peur de la banalisation en permettant de consommer en déambulant sur la rue, je pense qu'elle est légitime. Alors, j'invite encore la ministre à retourner consulter son caucus sur l'amendement que nous proposons aujourd'hui.

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. le député de Labelle. M. le député de Saint-Jérôme, vous voulez intervenir?

M. Bourcier : En complément de mon collègue de Labelle, si je comprends bien, M. le Président, Mme la ministre, est-ce que c'est... Donc, c'est O.K., si on adopte l'article 15 comme c'est écrit là, on permet la consommation de cannabis dans les rues des villes et sur les trottoirs, mais on l'interdit à plein d'autres endroits. Mais on le permet là parce que, pour la population, les lieux publics, c'est, entre autres, la rue et les trottoirs. Donc, il y a encore trop d'endroits.

Je retourne encore à ce document-là, c'est le Conseil québécois sur le tabac et la santé, ce n'est quand même pas rien non plus. Alors, ces gens-là disaient — et je pense encore aux jeunes — que les législateurs, et nous en sommes, des législateurs, peuvent réduire l'exposition des jeunes au cannabis et que réduire la possibilité que les jeunes perçoivent le cannabis comme socialement acceptable ou normatif, bien, c'est notre devoir. C'est notre devoir à tout le monde.

Alors, j'ai écouté attentivement Mme la ministre tantôt, qui disait que les élus municipaux sont très capables de juger, ce que je constate moi aussi. Mais par contre je suis d'accord qu'il va peut-être... d'après nous, en tout cas, qu'il leur sera possible d'en enlever, de ces endroits-là, si on inclut les rues et les trottoirs dans le projet de loi comme amendement parce qu'avec notre amendement, M. le Président, on encadre plus la consommation dans les lieux publics.

Tantôt, le collègue de Borduas m'expliquait que... parce qu'il a une expérience municipale au niveau administratif, il mentionnait que des petites villes puis des villages vont probablement payer des frais pour modifier la loi justement pour augmenter les interdictions à des coûts onéreux parce que souvent ils n'ont peut-être pas les capacités financières de le faire, là. Ils vont faire appel à des firmes pour le faire. Alors, on croit, nous, que les villes, les villages sont très majoritairement, justement, en accord avec l'amendement qu'on veut proposer.

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. le député de Saint-Jérôme. Est-ce que j'ai d'autres interventions? Mme la ministre.

Mme Charlebois : Juste pour recadrer les choses, non seulement le député de Maskinongé a dit que notre caucus était en très bonne santé, non seulement ça, mais, nous autres, on échange avant de déposer un projet de loi. Et, tout au long de l'élaboration du projet de loi, sachez, M. le Président, que j'ai reconsulté le caucus à plusieurs reprises, à chaque fois que je dépose des amendements. Sachez que le caucus a été très bien consulté. Alors, je n'ai pas besoin de retourner parce que le caucus a été très bien consulté. Alors, je n'ai pas besoin de retourner parce que le caucus a l'occasion de s'exprimer. Et ce n'est certainement pas moi qui encadre les discussions. Vous pourrez demander à mes collègues députés de notre formation politique. Puis, au Parti libéral, on échange puis on discute quand c'est le temps, et sachez, M. le Président, que c'est des bonnes discussions qu'on a eues.

Et, quand on me dit : C'est nous autres qui ont proposé les consultations, M. le Président, on va se garder une petite gêne, là. J'avais ça dans ma tête depuis le début. Eux autres, ils étaient prêts à le faire avant juin, mais moi, je voulais les faire correctement. Alors, j'ai consulté le caucus justement pour voir comment on allait le faire comme il faut. J'avais un comité interministériel pour nous assurer qu'on était pour faire les choses dans l'ordre. C'est pour ça qu'on ne s'est pas précipités. Mais, quand on est allés, par exemple, c'était très, très organisé, puis on avait une consultation publique sur le Web. Alors, je n'ai pas attendu les suggestions du Parti québécois, là. Je me suis mise en action avec un comité interministériel, mais aussi avec mon caucus.

Ceci étant dit, pour ce qui est des dépenses des municipalités, on l'a annoncé au budget, je le répète, 62 millions sur deux ans. Et tout ça, c'est justement pour voir aux frais que va engendrer cette légalisation du cannabis.

L'autre chose que je veux vous dire, M. le Président, est-ce que c'est mieux qu'il y ait une concentration de fumée à l'intérieur des résidences où que les poumons de nos jeunes enfants soient envahis par le cannabis ou bien si c'est mieux qu'elle soit à l'extérieur? Ça, je vous laisse ça à votre réflexion.

L'autre élément que je veux apporter à la réflexion, ce n'est pas qu'on dit qu'ils peuvent fumer partout, là. On a déjà une liste d'interdictions et on dit aux municipalités : Dans votre localité, vous qui connaissez votre municipalité, qui connaît votre environnement, qui connaît vos schémas d'aménagement et qui connaissez où les gens sont le plus... fréquentent les lieux le plus souvent avec des jeunes enfants, vous pourrez, comme le font les municipalités à l'heure actuelle avec la boisson, établir un règlement. Vous savez que, dans les rues de Québec, tu ne peux pas te promener avec une bière entre les mains, là. Allez essayer ça sur Grande Allée, vous allez voir, ça ne sera pas très long que vous allez vous faire interpeler. C'est la même chose déjà pour les drogues à Québec. Puis pourtant ce n'est pas légal, mais il y a un règlement qui prévoit ça. Mais il n'y a pas que Québec qui est comme ça, M. le Président, il y a plusieurs municipalités.

Alors, moi, je dis aux gens : Non, vous ne pourrez pas consommer du cannabis partout, mais ce seront vos élus municipaux, qui connaissent très bien votre municipalité, qui pourront encadrer où vous allez le plus fréquemment avec vos enfants et où vous pourrez consommer du cannabis et ne pas consommer du cannabis, dans les lieux publics autres que ceux que nous avons déjà énumérés au gouvernement du Québec, parce que, dans vos municipalités, vos élus connaissent la municipalité dans laquelle vous habitez. Ils savent très bien que chaque municipalité est différente puis ils savent très bien dans quels lieux ils pourront proposer une interdiction.

Moi, je n'ai pas d'autre chose à ajouter, M. le Président. Depuis le début de l'après-midi qu'on parle du même sujet, tout le monde s'inquiète de mon caucus. En tout cas, il semble ça. Ne soyez pas inquiets, ils sont consultés abondamment, plus que vous pourriez le penser. Puis ce n'est pas moi qui leur rentre du matériel de force dans la tête, là. Tout le monde a l'occasion de s'exprimer, avec beaucoup, beaucoup, beaucoup de temps qui est accordé à ce sujet-là. On a accordé beaucoup de temps au caucus parce qu'on considère que c'est un sujet très important. Mais ce qu'on cherche, M. le Président, c'est l'équilibre entre la permission d'utiliser un produit légal et la prévention et la protection de la santé. Et, quand je dis ça, on a mis un paquet d'interdictions, on entend respecter les municipalités pour ce qui est de leur secteur. Et, je le sais, là, quand on a fait la Loi sur le tabac, puis souvenez-vous, M. le député de Labelle, là, quand on parlait, là, des... attendez un peu, les terrains de camps de jour, il y a un camp de jour où ça ne faisait pas l'affaire. C'était tellement loin du camp de jour que les gens, ils demandaient d'avoir une dérogation. Vous vous souviendrez de ça.

Alors, je n'irai pas plus loin que ça, là. Je dis déjà «camps de jour», je dis déjà «terrains de jeux», je dis déjà «aires extérieures destinées aux enfants». Pour vous, c'est d'une évidence, mais, pour l'ensemble de la population, ce n'est pas si évident que ça. Puis, je vous le dis, ce matin, pas plus tard que ce matin, quand on a annoncé le 1,5 million puis l'autre 1,5 million qui a été accordé par la Fondation Jean-Lapointe pour faire de la prévention dans les écoles secondaires, il y avait des gens dans la salle qui ne le savaient pas, et je vous le jure, ils ne savaient pas ce que je suis en train de vous dire.

Nous, on est là-dedans tout le temps, ça fait que c'est sûr que nous autres, on est plus sensibilisés. Puis c'est sûr qu'il y a d'autres membres de la population qui sont plus sensibilisés, mais ce n'est pas l'ensemble de la population qui est sensibilisée à toutes les exceptions. Je peux vous jurer ça. Je demeure en arrière d'une cour d'école, là, puis ça m'arrive assez régulièrement de sortir de ma cour, d'aller dans la cour d'école puis de dire : Est-ce que vous saviez que, dans le terrain de jeux et dans la cour d'école, vous n'avez aucun droit de fumer du tabac? Et les gens, souvent, ne le savent pas, et je les renseigne, et je leur dis : Est-ce que vous savez... Puis là ils me disent : Tu es qui, toi? C'est comme ça que je me le fais demander. Je leur dis : Bien, je suis la ministre qui a fait la lutte au tabagisme, le projet de loi. Je leur explique comment ça fonctionne. Je dis : Je pourrais vous dénoncer, mais ce n'est pas mon but. J'aime mieux renseigner puis je leur explique pourquoi c'est interdit, de ne pas reprendre le geste de fumer. Ça va être la même chose pour le cannabis.

Et moi, je vous dis que les municipalités sont aptes à faire des choix sur des lieux précis qui vont être différents, probablement, d'une municipalité à l'autre parce qu'il y a des municipalités... parce qu'il y a déjà... Moi, je pense juste à Coteau-du-Lac, où je demeure, là, il n'y a plus grand place où tu vas pouvoir consommer du cannabis. Je vous le dis, là, ça va être assez restreint, assez restreint. Alors, les municipalités vont pouvoir... La MRC de Vaudreuil-Soulanges, là, va pouvoir faire un encadrement qui va correspondre à ce que les élus s'attendent. Puis il y a déjà 62 millions. Il y a tout ce qu'il faut. Puis moi, je suis convaincue qu'on ne fait pas une erreur. Je suis convaincue qu'on va être en mesure de mieux encadrer au lieu de faire une mesure uniforme qui va ensuite ne pas être respectée. Voilà, M. le Président.

• (17 h 20) •

Le Président (M. Merlini) : Merci, Mme la ministre. J'apporte aussi comme réflexion à ce que vous venez de dire, Mme la ministre, le quatrième alinéa de l'article 15, que vous avez déjà prévu que le gouvernement peut, par règlement, prévoir d'autres lieux où il est interdit de fumer, en plus de ce que vous dites.

Mme Charlebois : Oui, un règlement, si on sent une urgence, tout à fait.

Le Président (M. Merlini) : Effectivement. Alors, il y a encore une opportunité là pour le gouvernement d'ajouter d'autres lieux en plus de ceux que vous avez déjà dans le projet de loi, que c'est énuméré là.

Mme Charlebois : Oui, tout à fait.

Le Président (M. Merlini) : Est-ce que j'ai d'autres interventions? M. le député de Borduas...

M. Jolin-Barrette : Oui, M. le Président. Écoutez...

Le Président (M. Merlini) : ...toujours sur l'amendement de M. le député de Labelle.

M. Jolin-Barrette : Oui, certainement, l'amendement du député de Labelle. Je suis en accord avec l'amendement. Bien que ça ne couvre pas tout ce qu'on veut, c'est une partie de ce qu'on souhaite, du côté de la CAQ, donc, notamment d'interdire la consommation sur les rues et les trottoirs. Je pense que c'est une mesure appropriée parce que, vous savez, encore une fois, on va permettre aux gens — puis si on n'interdit pas les rues et les trottoirs — en se promenant, de fumer du cannabis. Je pense que ça serait un message approprié de dire : Écoutez, là, le gouvernement dit : On ne veut pas d'interdiction sur tous les lieux publics. À tout le moins, sur la voie publique, où vous marchez, où vous joggez, où il y a des voitures en circulation, où on est en déplacement, interdisons-le à ces endroits-là. Je pense que ça serait une mesure, entre autres, de compromis et de bonne foi de la part du gouvernement.

Et, lorsque le collègue de Labelle dit : Bien, peut-être qu'on pourrait suspendre l'article pour en rediscuter, pour trouver une façon... bien, je pense que ça serait l'approche appropriée pour y réfléchir. Aujourd'hui, on a débattu beaucoup de cet article-là. Je pense que le fait de suspendre, le fait que la ministre puisse consulter, pourquoi pas? Elle nous dit : J'ai déjà consulté mon caucus, on a eu des discussions. Soit, mais ça arrive souvent, souvent, souvent d'avoir des discussions en commission parlementaire et c'est le sens d'une commission parlementaire. On discute avec le gouvernement, les oppositions, puis on essaie d'arriver avec des dispositions législatives qui vont être le plus réaliste, le plus applicable, tout ça. Puis le fait d'être au gouvernement, ce n'est pas uniquement de dire : Bien, c'est ça, puis ça finit là. Il y a des idées, des bonnes idées, de partout.

Et ça me rappelle un professeur que j'ai eu. D'ailleurs, vous le connaissez peut-être. C'est un ancien ministre de la Justice libéral, député de Jean-Talon, Gil Rémillard, puis il racontait dans ses cours justement comment il travaillait quand il était ministre de la Justice. Puis il racontait comment il avait travaillé, lors de l'adoption du Code civil du Québec en 1991, avec sa vis-à-vis, qui était députée d'Hochelaga-Maisonneuve dans le temps, c'était Mme Louise Harel, puis il expliquait comment il avait travaillé pour arriver à avoir le résultat. Puis c'était volumineux, là, puis c'était beaucoup plus lourd que le projet de loi n° 157. Mais il disait : Même si j'étais ministre, bien, ça arrivait souvent, là, qu'on suspendait puis on partait les deux chaque bord dans notre caucus. Elle allait voir le caucus du Parti québécois. Il dit : Moi, j'allais voir le caucus du gouvernement, puis on revenait, puis on voyait si ça s'arrimait. Pourquoi? Pour faire avancer, pour avoir le meilleur projet de loi possible.

Alors, la proposition qui est faite par le député de Labelle, elle est appropriée. On est actuellement dans un blocage. Manifestement, là, ça ne satisfait pas les oppositions. Je pense qu'on a des positions qui sont responsables. Je comprends, la ministre, qu'elle nous dit : Écoutez, moi, c'est ça. Par contre, on le sait que, du côté du gouvernement aussi, il y a des collègues qui sont mal à l'aise avec la consommation publique. Il y a peut-être une voie de passage à avoir ici avec la proposition du collègue de Labelle. Et ce qu'il faut dire, là, c'est qu'au niveau du tabac, là, c'est la loi provinciale qui s'applique. On ne permet pas aux municipalités de réglementer sur le tabac, c'est la loi provinciale. Le gouvernement a décidé de faire une loi pour dire : Écoutez, moi, je réglemente. Exemple, supposons, le Code de sécurité routière, c'est la même chose, c'est une loi provinciale. Alors, pourquoi ne pas faire la même chose avec le cannabis? C'est important. Je pense qu'on devrait, à tout le moins, ne pas assimiler le cannabis à du tabac. Et l'alcool, c'est différent.

Alors, il y a plusieurs municipalités qui vous le demandent. On peut rester braqué sur sa position ou on peut essayer de travailler ensemble. La ministre nous dit : Je vais avoir une approche collaborative, c'est important, on veut faire avancer le projet de loi. Bien, ça serait le temps de le prouver, là, là-dessus, là.

Le Président (M. Merlini) : M. le député de Saint-Jérôme.

M. Bourcier : Je veux donner raison à Mme la ministre. J'ai déjà vécu l'épisode de cigarette sur la cour d'école. Effectivement, j'étais intervenu puis je m'étais fait demander : Tu es qui, toi? Alors, que quelqu'un traverse la cour d'école avec une cigarette allumée, ce n'est pas la chose à faire, c'est interdit de fumer sur la cour d'école. Alors, pour l'image que ça donne, pour la banalisation de la cigarette que ça donnait, on demandait aux gens de ne pas fumer sur la cour d'école. On est dans la même zone.

Je ne suis pas expert en caucus libéral, là. Je n'irai pas là, mais je vais faire des analogies avec le sport, Mme la ministre, M. le Président, comme au football, des fois, quand on fait un caucus, puis on se place pour un jeu, puis qu'on voit que ce n'est pas correct, qu'on a un doute, alors on demande un autre temps d'arrêt puis on recommence, on discute. Moi, je suis pour la discussion. Vous connaissez ma bonne humeur légendaire. Alors, on se retrouve, on en discute. Il n'y a pas de problème. C'est un peu comme les Canadiens en fin de match. Est-ce que je devrais parler des Canadiens actuellement? Je ne le sais pas. Mais, à l'occasion, en fin de partie, on demande un temps d'arrêt justement pour revoir la stratégie. C'est important de s'en parler.

Si on se parle de ça, là, si on en parle, nous, si notre amendement est important, c'est parce que c'est important. C'est important parce qu'on se doit d'être bienveillants comme législateurs. Je ne dis pas que Mme la ministre ne l'est pas. C'est important, il ne faut pas aller là. Mais je pense que, si on prenait le fameux sondage dont on parlait tout à l'heure, 76 % des gens qui sont contre la consommation dans les lieux publics, mais, si on posait la question du sondage à l'envers aujourd'hui, M. le Président, ça serait : Êtes-vous d'accord qu'on laisse la libre consommation du cannabis sur la rue et les trottoirs des villes?, je me demande quelle serait la réponse à ce sondage-là. Maintenant, pour l'instant, avec l'article 15 tel qu'il est stipulé, tel qu'il est écrit là, le gouvernement répond oui. C'est oui, là. Oui, c'est sûr que les villes vont devoir modifier ça un jour, mais la réponse, là, là, quand le projet de loi va être adopté, quand l'article va être adopté, la réponse, ça va être oui.

Alors, je reviens justement à l'exemple sur la cour. On ne serait pas bienveillants de laisser aller ça dans cet état-là. Il y a lieu, selon moi, selon notre formation politique, le Parti québécois, de prendre nos responsabilités face aux jeunes en tant que législateurs. Et je reviens à cette phrase-là. Dès qu'il y a une possibilité de consommation, une proximité, des jeunes pourraient y voir une banalisation. Moi, je trouve ça important en tant qu'ancien enseignant qui a vécu des situations exactement comme Mme la ministre tout à l'heure nous le racontait. Et je la félicite d'être intervenue, mais, moi aussi, je suis intervenu et je fais une analogie très importante avec ce qu'on est en train de faire, là, comme législateurs.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, M. le député de Saint-Jérôme. Est-ce que j'ai d'autres interventions? Mme la ministre.

Mme Charlebois : Rapide, M. le Président, pour dire au député de Saint-Jérôme que, si on est dans la même zone, mais les terrains de jeux sont déjà interdits, les cours d'école, c'est déjà interdit de consommer du cannabis, alors je suis contente de voir qu'on est d'accord là-dessus.

D'abord, aussi dire au député de Borduas que, oui, les municipalités peuvent aller plus loin et que l'approche de collaboration, je l'ai eue depuis le début parce qu'il y a beaucoup d'amendements sur lesquels nous avons travaillé, et je pense que ce n'est pas parce que... Là, je vais peser mes mots, là, mais c'est comme si je n'avais plus une approche collaborative et je pense que je collabore pas mal. On est ici depuis quelle heure exactement, cher collègue?

Une voix : ...

• (17 h 30) •

Mme Charlebois : 14 h 8. Bien là, il est 17 h 30 puis on est toujours sur le même article, M. le Président. Si je n'avais pas une approche collaborative, là... Puis quand j'ai sorti de mes gonds, tantôt, là, c'est parce que je m'étais fait dire que je n'étais pas sensible et que je n'avais pas d'écoute ou, en tout cas, je ne sais pas le mot exact qui a été utilisé, là, mais, je vais vous dire, ça a fait l'objet d'articles de journaux, puis je tiens à dire aux gens, là, que, s'il y a quelqu'un qui est préoccupé par la législation sur le cannabis, là, c'est bien moi.

Alors, l'approche collaborative, je l'ai encore. Ça fait 70 heures qu'on est en étude détaillée. On est à l'article 15, M. le Président. Je rappelle aux gens, là, à la population que, si le projet de loi n'est pas adopté d'ici juin, là... On est à l'article 12, mais c'est 15 qui... l'article 12, mais 15 dans l'article 12. En tout cas, on est au 15e article de l'article 12, voilà, je l'ai dit. Alors, si on n'a pas fini d'adopter ça d'ici la mi-juin, quand la session va terminer, je rappelle aux Québécois et aux Québécoises que ce sera la loi fédérale qui s'appliquera, et ce n'est pas tout à fait ce qu'ils nous ont demandé quand on est allés en consultation.

Ceci étant dit, moi, je suis encore bonne pour discuter longtemps. On a encore du temps, on a encore pas mal de temps, puis je ne veux pas, en aucun temps, limiter la discussion. Mais il est faux de prétendre que je n'ai pas une approche collaborative. Ça, je tiens à le rectifier, M. le Président, là, au contraire. Et de me dire que je prends ça avec un grain de sel, là, ce que je fais là, M. le Président, c'est tout à fait faux. Et je garde l'approche collaborative, mais il peut arriver que nous ayons des divergences d'opinions. Et il peut arriver non seulement qu'on ait des divergences d'opinions... Ils sont convaincus de leur point, je suis convaincue du mien, parce qu'on a entendu des choses en consultation. Peut-être, notre interprétation est très différente, mais moi, j'ai un paquet d'experts en santé publique qui m'accompagnent, et ce que je dis, là, c'est que les municipalités peuvent aller plus loin, encadrer là où le faut. Ils sont les plus près du terrain. Moi, je pense et je suis convaincue que c'est les municipalités qui sont capables d'aller chercher exactement l'équilibre qu'il faut entre la permission d'utiliser un produit légal... Le petit bout qui manque, là, c'est «à leur responsabilité», puis c'est ce qu'ils me demandent. C'est ce que les municipalités m'ont demandé, M. le Président. Ça ne me sort pas de la tête, là. Ce n'est pas des puces que j'ai au cerveau, là. Ça roule, là, assez rondement, mon affaire.

Alors, M. le Président, je ne pourrai pas voter pour l'amendement. Je suis toujours sur une approche collaborative, mais ça ne veut pas dire, parce que j'ai une divergence d'opinions, que je n'ai pas consulté mon caucus et que je le consulte une fois, puis c'est terminé. Non. On a eu plusieurs échanges, et je vous dirai, M. le Président, que je n'ai pas besoin d'attendre un caucus. Je parle régulièrement avec les députés de ma formation politique. On a ce qu'on appelle un salon des députés, et je vais échanger avec les collègues. Et, si je sentais que les collègues n'abondaient pas dans le même sens que moi, croyez-moi, croyez-moi qu'on aurait encore des discussions.

Alors, à ce niveau-là, là, je veux rassurer les collègues des oppositions, je veux les rassurer sur mon approche collaborative. Je veux vous dire qu'après 70 heures on est à l'article 12. Là, on a le 15e article de l'article 12. Je suis prête à discuter encore, mais cet article-là, je suis convaincue, après avoir parlé avec les municipalités, j'ai la certitude que ce sont les mieux placés, les élus municipaux, pour prendre les décisions au-delà de tout ce qu'on restreint déjà. Et si, d'aventure, M. le Président, il arrivait qu'on sentait qu'on a besoin de réagir, vous l'avez dit vous-même tantôt, le gouvernement peut, par règlement, prévoir d'autres lieux. Par règlement, là, ça, ça veut dire qu'on peut réagir assez rapidement.

Alors, s'il vous plaît, passons au vote. Que chacun vote en son âme et conscience. Moi, là, mon âme et conscience me dit de ne pas voter pour cet amendement-là, avec tout le respect que je dois à mes collègues des oppositions.

Le Président (M. Merlini) : Merci, Mme la ministre. Effectivement, c'est l'article 15 qui est introduit par l'article 12 du projet de loi n° 157, qui comporte 152 articles dans sa totalité. Donc, ce serait le 27e article que nous étudions présentement, si on les compte un à un, là, sans nécessairement suivre la séquence du projet de loi.

Est-ce que j'ai d'autres interventions? M. le député de Labelle.

M. Pagé : Monsieur, je ne veux pas vous reprendre, mais quand l'article 5, à lui seul, comporte 45 articles... Il faut que les gens comprennent bien, là. Chaque article, parfois, comporte plusieurs articles. Alors, il ne faut pas laisser entendre qu'on est à l'article 12 après 70 heures, ce qui est faux. Et le message qui est envoyé, à mon avis, là, il n'est pas conforme à la réalité, et ça, je n'aime pas, là, parce que là, là, on commence à...

Mme Charlebois : Question de règlement.

M. Pagé : On commence à vouloir laisser entendre que là on fait du temps puis on veut perdre du temps, ce qui n'est pas le cas. O.K.? L'article 15, là, c'est sérieux, là, puis moi, là... Là, la tournure que c'est en train de prendre, je n'aime pas ça, là. Alors, moi, là, j'aimerais, là, qu'on soit conformes à ce qu'on a fait depuis le début. On veut travailler en collaboration, mais pas de laisser entendre qu'on fait du temps pour perdre du temps. Et juste l'article 5, c'est 45 articles, mais on les a adoptés.

Le Président (M. Merlini) : L'article 5 avait effectivement 45 paragraphes, effectivement.

M. Pagé : Bon, alors faisons attention quand on dit des choses.

Le Président (M. Merlini) : Oui, Mme la ministre.

Mme Charlebois : Je veux juste rectifier les propos du député de Labelle, là. J'ai dit c'était l'article 15 dans l'article 12, hein? Alors, je n'ai pas imputé de motif au député. Si vous vous sentez attaqué, ça, ce n'est pas mon problème, là. Je m'excuse, là. Moi, je veux juste qu'on travaille en collaboration, et il y a des gens qui ont dit que je n'avais plus une approche collaborative. Et depuis le début de l'après-midi qu'on est sur le même article, c'est toujours bien l'article 15, hein, que je sache.

M. Pagé : ...on aurait fini l'article 15.

Le Président (M. Merlini) : Là, je vous rappelle à l'ordre. Je vous rappelle à l'ordre tous les deux, parce que le fait de simplement dire que nous passons un après-midi sur un article comment je peux dire, ne fait pas en sorte que le travail n'est pas un travail sérieux, n'est pas un travail de qualité, ne permet pas les débats. Au contraire, les partis expriment leur position, les députés expriment leur position. Et, quand les gens me demandent, à titre de président de la Commission de la santé : Ça fait combien de temps que vous êtes là-dessus?, je leur dis avec fierté que ça prend du temps à le faire. Pourquoi? Parce qu'on a le souci de vouloir faire le travail comme il faut. Je l'ai dit au début, je l'ai dit pendant l'étude et je le répète encore aujourd'hui, c'est un projet de loi qui est très important pour la société québécoise. On prend le temps nécessaire. Il faut le faire.

Effectivement, vous avez raison, M. le député de Labelle, des fois, on se laisse emporter un tantinet dans nos émotions, parce que les convictions sont fortes, les positions sont claires, de chacun des partis politiques. Mais ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas faire le temps et de dire factuellement que, oui, nous sommes à l'article 15 qui est dans l'article 12, et de dire, oui, à l'article 5, il y avait 45 paragraphes à l'article, et nous avons pris le temps nécessaire de les adopter, effectivement. Mais effectivement, ça fait un total de 70 heures qu'on est là-dessus, et ça ne change rien au travail qu'on doit faire et qu'on doit continuer de faire, dans l'esprit de collaboration que la ministre dit, dans l'esprit que vous avez soulevé plus tôt en termes de garder le débat là où il se doit d'être, c'est sur les articles qui sont là. Et c'est pour ça que j'en appelle à la collaboration de tous et de chacun de continuer ce travail-là.

Alors, maintenant, je pose la question comme je dois me poser : Est-ce que j'ai d'autres interventions à la proposition d'amendement? M. le député de Saint-Jérôme.

M. Bourcier : M. le Président, je vous écoute parler, vous êtes un sage. Est-ce que ça veut dire qu'à la lumière des propos de Mme la ministre qu'on se quitterait sur un message d'espoir que peut-être un jour, par règlement, les rues et les trottoirs des villes pourraient être inclus dans les endroits où il est interdit de consommer du cannabis? Alors, c'est la question qu'on se pose. Je vous laisse sur ces propos remplis d'espoir, comme pour la prochaine saison des Canadiens de Montréal, M. le Président.

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. le député de Saint-Jérôme. M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, j'espère qu'on va avoir plus d'espoir que pour la saison du Canadien prochaine parce que là disons que c'est mal parti.

Écoutez, moi, M. le Président, je vais vous dire, là, pour le reste des travaux, là, je n'adhère pas à ça, là, de dire : Je cède à chaque fois que l'opposition propose quelque chose aussi. Là, là, moi, je vous dis, ça a bien beau faire 70 heures, là, mais tout le temps qu'on prend pour étudier le projet de loi, pour faire des amendements, pour proposer, nous, on a fait notre job. Le gouvernement a fait sa job, a écrit un projet de loi. Nous, on a lu le projet de loi, on a vu des éléments dans le projet de loi qui avaient certaines lacunes, on a proposé des amendements. Si le gouvernement ne veut pas entendre nos amendements, il ne peut pas nous reprocher d'en présenter pour viser d'améliorer.

Il y a des visions différentes, d'accord. Sur la question des lieux publics, c'est quand même un des points fondamentaux du projet de loi. C'est ce qui va gouverner où est-ce qu'on va pouvoir consommer, où est-ce qu'on va pouvoir fumer du cannabis. Ça, là, ça veut dire, là, que tous les Québécois qui sortent de leur maison à tous les jours ou quand ça leur plaît, pas mal tout le monde qui sort, hein, pour aller n'importe où, là, bien, ils vont être exposés à la fumée de cannabis. Ça, c'est nouveau.

La ministre nous dit tout le temps : Écoutez, ça existe déjà, du cannabis. Oui, sauf que c'était un produit qui était illicite. Les policiers avaient un pouvoir d'intervention. Là, actuellement, on se ramasse dans une situation où ça va provoquer nécessairement des nuisances, M. le Président. Vous marchez sur la rue, sur Grande Allée, vous suivez quelqu'un qui fume du cannabis, vous, vous n'en fumez pas, là, vous allez subir les vapeurs, les effluves de cannabis. Est-ce que c'est ce que vous souhaitez? Peut-être que oui, mais peut-être que non. Vous allez souper avec vos enfants dans un restaurant familial sur Grande Allée. Vous suivez quelqu'un qui fume du cannabis avec vos enfants. Voulez-vous que vos enfants respirent de la fumée secondaire de cannabis? C'est ça qui se pose comme question.

• (17 h 40) •

Puis là la ministre nous dit : Là, là, moi, je suis tannée puis j'ai toujours été collaborative. Écoutez, là, nous, là, de notre côté, là, on veut bien. On essaie, on fait des propositions d'amendement, on travaille, on n'a pas les équipes du gouvernement, on fait ce qu'on peut. Puis je suis convaincu que c'est la même chose du côté du Parti québécois. Mais ce n'est pas parce qu'à chaque fois qu'on propose un amendement, on nous dit : Aïe! bien là, ça fait 70 heures que vous avez parlé, j'ai été collaborative.

Vous voulez que je vous dise, M. le Président, une approche collaborative, là, c'est de dire : Écoutez, mes collègues de l'opposition, là, les deux, ils me disent : Vous souhaiteriez avoir une interdiction dans les lieux publics. Pour la première opposition, c'est de laisser une discrétion à la municipalité; pour nous, c'est l'interdiction au complet. Je ne suis pas prête à aller aussi loin que vous, là, parce que mon caucus ne le souhaite pas ou la position gouvernementale, ce n'est pas ça, mais, par contre, écoutez, ce que vous dites, ça a quand même un petit peu de bon sens, de dire que, quand il y a une famille qui marche sur la rue puis qu'ils vont suivre des gens qui fument du cannabis, peut-être que ça a de l'allure que nos enfants qui sont sur la rue ne soient pas exposés aux vapeurs de cannabis. Peut-être que ça a de l'allure. Je dis ça de même, là.

Passez un sondage, là, auprès de la population québécoise, là, pour voir si ça a de l'allure, là, qu'il y a des kids, là, de quatre, cinq, six, sept, huit, jusqu'à 18 ans, M. le Président, qui soient exposés à la fumée de cannabis. Est-ce que c'est ça qu'on veut? Moi, ce n'est pas ça que je veux. Le député de Labelle, ce n'est pas ça qu'il veut. Le député de Saint-Jérôme, ce n'est pas ça qu'il veut. Je suis pas mal convaincu, M. le Président, que, si on faisait un vote par appel nominal vraiment libre, là, O.K., au salon bleu là-dessus... je ne suis pas sûr, M. le Président, que les gens se diraient : Bien oui, ça a de l'allure. Ça a de l'allure, là, que moi, mes enfants, mes ados, là, qui ont supposons 14, 15 ans, là, bien, je les fasse exposer à la fumée de cannabis. Ça a de l'allure, ça. Il n'y a pas grand parents au Québec qui vont se dire : Bien oui, il n'y a pas de problème, ça ne va pas les encourager à être en contact avec le produit.

On se bat contre la fumée secondaire de tabac depuis des années. Il y a des campagnes de publicité, il y a des millions qui ont été investis. Puis là on me dit : La fumée de cannabis, «tough luck», ça, ce n'est pas grave. Les lieux publics, M. le Président, ça revient à ça, notamment sur les rues, notamment sur les trottoirs. Voyez-vous l'incohérence, la difficulté?

La ministre peut dire : Bien, je préfère laisser aux municipalités. D'accord, mais il y a quand même une responsabilité provinciale en matière de santé là-dessus, M. le Président, en matière d'affaires municipales, en matière de sécurité publique, en matière de justice. Tout ça, là, c'est des pouvoirs provinciaux, M. le Président, puis, en tant que titulaire du projet de loi n° 157, c'est la responsabilité de la ministre de regarder ça. Ça a des conséquences pratico-pratiques dans la vie des Québécois, M. le Président.

Et là l'approche qu'on a, là, dite collaborative, là, c'est de pitcher ça dans la cour des municipalités, arrangez-vous. Puis s'il y a des municipalités qui ne réglementent pas, qu'est-ce qu'ils vont faire? Les citoyens, il va falloir qu'ils aillent à chacun de leurs conseils municipaux ou sinon d'aller à la séance du conseil de la régie intermunicipale de police pour dire : Bien là, écoutez, là, voici, là, moi, je ne suis pas tellement d'accord que mes enfants, quand ils vont marcher jusqu'au parc, bien là, ils puissent être en contact avec du cannabis fumé, puis je trouve que ce n'est peut-être pas une bonne idée.

Surtout que tout le projet de loi est supposé être bâti sur de la prévention, être bâti sur le fait d'amener les jeunes à leur indiquer est-ce qu'il y a des risques associés à prendre... la consommation. On n'a pas voulu aller à 21 ans, c'est la position du gouvernement, mais par contre, pour les jeunes en bas de 18 ans, ils vont être encore plus en contact. Écoutez, dans le projet de loi, là, on dit, là : Les mineurs, il ne faut pas qu'ils rentrent dans les magasins de la SQDC. On dit ça, là, dans le projet de loi, là : Il ne faut pas que le mineur soit en contact, il ne faut pas favoriser qu'il aille dans le magasin. Par contre, le gars qui vient de s'acheter du pot, il va pouvoir se rouler un joint à la porte du magasin de la SQDC puis le fumer à côté du jeune. Ça a-tu de l'allure, M. le Président? Elle est où, la logique? Il n'y en a pas vraiment, M. le Président.

Alors, on nous dit : Nous, on a une approche responsable, on y a pensé, dans les magasins, il n'y aura pas de mineur. Mais par contre, sur le coin de la rue, il va pouvoir avoir son sac de pot, puis se rouler son joint, puis fumer, puis fumer à côté de l'enfant sur le trottoir, lui envoyer de la boucane dans la face, M. le Président, direct, lui faire un «shotgun». Ça, là, ça serait correct, par exemple, selon le gouvernement libéral. Trouvez-vous que ça a du bon sens, M. le Président? Moi, là, je ne trouve pas que ça a du bon sens. Je ne trouve pas que ça a du bon sens.

Je vais voter contre la proposition libérale, pour l'amendement du député de Labelle, parce que je trouve, là, qu'on est face à une situation où on doit réglementer, on doit faire en sorte que, dans les lieux publics, M. le Président, il n'y ait pas de consommation de cannabis et, à tout le moins, au moins sur les rues et sur les trottoirs où vous circulez avec votre famille.

Et il ne faut pas oublier, M. le Président, que, si vous ne réglementez pas ça, là, c'est le pouvoir d'intervention... Quand il va y avoir des problématiques, là, vous allez appeler la police, une situation qui n'est pas acceptable, qui n'est pas moralement acceptable et vous n'aurez pas d'outil juridique, M. le Président, pour intervenir. C'est ce à quoi on s'expose, et on garroche ça dans les cours des municipalités. Est-ce que vous trouvez ça normal? Moi, je ne trouve pas. Je trouve qu'on devrait réglementer au niveau provincial.

J'invite la ministre à y réfléchir, au moins jusqu'à demain. Peut-être qu'on pourrait arriver avec quelque chose. Ça, ce serait une approche collaborative et ça nous permettrait d'avancer le projet de loi. Moi, je suis prêt, comme le député de Labelle, à le suspendre puis à passer à l'article 12, 16. Comme ça, on pourrait avancer, on pourrait continuer. Ça, c'est une approche collaborative.

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. le député de Borduas. Est-ce que j'ai d'autres interventions à la proposition d'amendement de M. le député de Labelle? M. le député de Saint-Jérôme.

M. Bourcier : Oui. M. le Président, je vous rappelle encore une fois à quel point c'est important. J'étais là, la majorité du temps, là, lors de l'étude du projet de loi. Je sais qu'il y a des articles qui sont beaucoup plus importants que d'autres, et celui-là, c'en est un. C'est un article pivot, sur lequel on discute abondamment, puis il y a des très bons points de vue, c'est extrêmement intéressant. Je pense, les gens qui nous écoutent, ce doit être... je ne sais pas, pas aussi passionnant que La Voix, mais sûrement à quelque part que les gens doivent écouter nos propos correctement.

Une voix : ...

M. Bourcier : Mon collègue de Labelle perd la voix, lui, mais ça, c'est une autre chose. Mais il nous faut, je le répète encore une fois, être bienveillants comme législateurs, et je vous repose la question à l'envers : Êtes-vous d'accord qu'on laisse la libre consommation du cannabis sur la rue et les trottoirs? Maintenant, avec l'article 15, tel qu'il est stipulé dans le projet de loi, le gouvernement répond oui, et ça, c'est inquiétant.

Écoutez, je vais retourner un petit peu dans une visite que j'avais faite... je reviens au Nouveau-Brunswick, parce qu'ils en ont parlé, et prendre l'exemple peut-être sur des choses qui se sont passées ailleurs peut être bénéfique pour notre commission. Écoutez, les gens au Nouveau-Brunswick disaient que la légalisation du cannabis à des fins récréatives entraîne une responsabilité quant à l'éducation des gens du Nouveau-Brunswick, surtout les enfants et les jeunes, concernant les risques que présente la consommation récréative. Je reprends les propos du député de Borduas, puis quelqu'un qui s'achète du cannabis à la SQDC, puis il sort sur la rue, puis il s'en allume un, il peut le faire, là, actuellement, selon le projet de loi, tel qu'il serait adopté, à l'article 15.

Les participants ont dit craindre que la légalisation ne mène à la banalisation du cannabis et estiment que des campagnes d'éducation, à l'intérieur comme à l'extérieur du milieu scolaire, aideraient à diminuer ces risques. Ça, je sais que Mme la ministre est très favorable à cette chose-là. Mais de nombreuses personnes croient que l'éducation pourrait réduire la consommation précoce et... Par contre, je reviens et je pense toujours aux jeunes... je ne peux pas sortir ça de moi, parce que c'est de là où je viens, j'y ai été pendant 35 ans, mais dès qu'il y a une possibilité de consommation, une proximité, des jeunes pourraient y percevoir une banalisation et une normalité.

Et je vous implore, Mme la ministre, à nous écouter, soit à retarder l'adoption de cet article afin de passer à un autre, d'être plus rapides et d'y penser, simplement par... pas par respect, mais pour nous montrer que vous aussi, vous avez une certaine ouverture à tous les propos qu'on vous dit, en tout respect, Mme la ministre et M. le Président, bien évidemment.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, M. le député de Saint-Jérôme. Est-ce que j'ai d'autres interventions à la proposition d'amendement de M. le député de Labelle? Je n'en vois pas. Je vais donc... Oui, M. le député de Borduas.

• (17 h 50) •

M. Jolin-Barrette : Écoutez, M. le Président, j'aimerais avoir une réponse de la part de la ministre sur ce qu'on a dit, tous les trois ici, là. On propose une avenue à la ministre pour trouver une solution. Alors, soit qu'on se braque puis qu'on dit : Moi, je suis marié avec mon texte puis je ne bouge pas, ou soit qu'on trouve une solution tous ensemble. Je pense que...

Écoutez, il y a différents intervenants qui sont venus dire : Ça a des impacts. Il y a différents intervenants chargés de l'application de la loi qui sont venus nous dire : Ça a des impacts. Alors, je dis à la ministre : Trouvons une solution. Est-ce qu'on va être restreint au texte uniquement proposé? Parce que la ministre, je suis convaincu, là, qu'elle trouve que ça n'a pas vraiment de bon sens non plus dans l'exemple que j'ai donné tout à l'heure, que vous êtes sur Grande Allée puis, si la municipalité ne réglemente pas, vous vous retrouvez à subir les vapeurs de cannabis. Est-ce qu'elle trouve ça normal?

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. le député de Borduas. Mme la ministre, commentaires, observations?

Mme Charlebois : Juste lui dire que, ce que je dis depuis 2 h 8, la municipalité... Québec réglemente déjà l'alcool et les drogues sur Grande Allée. Le député de Borduas, il le sait très bien, puis en plus c'est illégal, en ce moment, de consommer. Quand ça va être légal, ils vont renforcer leur règlement.

Ce que je dis, c'est qu'il y a déjà des lieux d'interdits dans l'article 15, et, sous l'alinéa 16, le gouvernement peut, par règlement, prévoir d'autres lieux où il est interdit de fumer. Si les municipalités n'y arrivent pas et nous demandent un coup de main, on sera là, M. le Président. Je pense qu'il y a toute la souplesse qu'il faut dans l'article 15. Et je suis toujours dans une approche collaborative, mais je pense que, la collaboration, ça va toujours dans les deux sens. Quand on danse le tango, on ne le danse jamais tout seul.

Le Président (M. Merlini) : Merci, Mme la ministre. Est-ce que j'ai d'autres interventions? M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Alors, M. le Président, c'est déjà illégal, les drogues. Alors, oui, la boisson, c'est réglementé par le biais d'un règlement municipal, mais les drogues, qui sont une substance illicite, c'est déjà un acte criminel, une infraction criminelle.

Alors, je veux bien danser, j'essaie de danser, j'essaie d'apprendre tous les pas, mais si, à chaque fois qu'on dépose un amendement, il n'y a pas d'ouverture, bien, alors, écoutez, là, on a une problématique, M. le Président, là. Puis le projet de loi, je l'annonce déjà à la ministre, là, on en a d'autres amendements pour plus tard aussi puisqu'on a d'autres propositions législatives aussi. Alors, on pourrait commencer par celui-là, trouver une solution. Mais si on reste campé tout le temps, ça ne marche pas, M. le Président. Puis on démontre plein d'éléments factuels qui militent en faveur d'une modification de l'article pour le bien-être des Québécois.

Le Président (M. Merlini) : Un instant, M. le député. Mme la ministre, vous avez une question de règlement?

Mme Charlebois : Oui. Juste un petit rappel, je n'ai pas été campée depuis le début. J'ai un cartable ici, plein d'amendements qu'on a adoptés, là. Moi, je comprends que les gens n'aiment pas ça quand je dis qu'on a fait 70 heures, mais on les a faites parce qu'on a travaillé ensemble. Puis là, sur cet article-là, je pense qu'honnêtement, là, j'ai démontré qu'on avait toute la souplesse possible pour aider les municipalités. On a mis l'argent, on a un règlement possible, ils peuvent faire de la réglementation. Alors, moi, je veux bien qu'on m'indique, là, que je ne suis pas de collaboration, mais je vous le dis, là, M. le Président, j'ai tout ça d'amendements, là, puis ils n'ont pas tous été rejetés, là. J'en ai un justement entre les mains, là, article 3, adopté, 14 février. Il y en a plein, là, d'adoptés, là.

Alors, ce n'est pas vrai que je suis fermée à tous les amendements, mais sur celui-ci, M. le Président, là, je regrette, je considère que nous avons tous les éléments en main pour bien faire. Si je n'avais pas ce sentiment-là, M. le Président, je ne forcerais pas le vote. Mais là ce que je vous dis, si les gens veulent utiliser leur temps, moi, je suis tout à fait disposée à les écouter, mais je pense que j'ai exposé tous mes arguments depuis le début de l'après-midi. Et je le redis, il y a une place où on dit : Le gouvernement peut, par règlement, prévoir d'autres lieux. Si les municipalités n'arrivent pas à s'entendre, on verra ce qu'on pourra faire. Mais soyez assuré, M. le Président, que je suis tout aussi bienveillante que les députés de l'opposition et que les députés du gouvernement le sont tout autant que moi.

Le Président (M. Merlini) : Merci. M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Alors, M. le Président, c'est quoi, l'approche responsable à avoir? La ministre nous dit : Si les municipalités ne réussissent pas à s'entendre, j'aurai un pouvoir d'intervention par la suite par voie réglementaire.

Entre-temps, qu'est-ce qui se passe? Qu'est-ce qui arrive, M. le Président? Bien, ça se peut qu'il y ait un vide législatif. Ça se peut qu'il y ait des situations de fait qui soient provoquées par l'absence de réglementation provinciale, actuellement, l'entrée en vigueur de la loi, qui va entraîner des conséquences, des situations qu'on ne souhaiterait pas par rapport au fait de fumer du cannabis dans les lieux publics. Et c'est ce qu'on peut réglementer, le fait de fumer du cannabis dans les lieux publics. La ministre nous l'a exposé dans les articles précédents parce qu'au niveau d'autres formes de consommation, c'est difficile à réglementer. Ce n'est pas possible vraiment au niveau de l'application. Ce qui est possible de faire, c'est le fait de fumer et c'est ce qui a des conséquences aussi sur les autres personnes de la société, notamment à cause de la fumée secondaire, à cause de l'odeur aussi.

Alors, ça, c'est ce qui est possible de réglementer. Mais là on se retrouve dans une situation où la ministre nous dit : Bien, si les municipalités ne réussissent pas à s'entendre, là, on interviendra. Mais c'est comme à l'envers, M. le Président. Ce qu'on devrait faire, là, puis c'est ce que... puis on nous l'a dit, là, durant toutes les consultations, les consultations auxquelles j'ai assisté puis les consultations, je présume, auxquelles je n'ai pas assisté, ils l'ont sûrement dit aussi, où les gens nous disaient : Vous devez être plus prudents, vous devez y aller, là, progressivement. Avant d'ouvrir, là, gardez ça bien serré, là, proche de vous, là, puis ensuite ouvrez. Voyez cette expérience-là, voyez le comportement de la société québécoise. Comment est-ce qu'on va réagir? Comment est-ce qu'on va gérer ça. C'est nouveau pour plusieurs intervenants de la société québécoise.

L'impact que ça va avoir chez les jeunes... puis ça, là, là-dessus, juste pour ça, M. le Président, juste pour ça, là, chez les jeunes, là... Puis je l'ai entendue, la ministre, le dire à quel point c'est important pour elle. J'ai entendu le collègue de Labelle, le collègue de Saint-Jérôme, pour les jeunes, à quel point c'était important de ne pas banaliser, de ne pas favoriser la consommation de cannabis. Juste pour ça, de dire que les enfants qui sont dans la rue, sur le trottoir, ne soient pas exposés au cannabis, à la fumée de cannabis, je pense que ça devrait nous faire réfléchir. Ça devrait nous faire réfléchir aussi comme parlementaires, mais aussi comme ministre de la Santé, où est-ce qu'on ne veut pas que ces enfants-là, ces adolescents-là soient exposés à cette fumée secondaire là. Et actuellement, là, avec le texte de loi que nous avons, ils vont l'être, parce que tout ce qu'on fait, c'est qu'on pitche ça dans la cour des municipalités puis on dit : Bien, vous réglementerez.

Qu'est-ce qui arrive si une municipalité ne réglemente pas les rues puis les trottoirs, mais elle réglemente juste les parcs? Retour au point de départ. Est-ce que c'est ce qui est souhaité par le gouvernement au niveau de la finalité? Peut-être pas. Mais là on va être pognés dans une situation comme ça. Moi, je trouve que l'approche responsable, là, ça serait de faire en sorte de donner un coup de main aux municipalités, puis on ne peut pas tout le temps se décharger comme gouvernement puis invoquer l'autonomie municipale puis dire : Dès que c'est municipal, c'est l'autonomie municipale. Ce n'est pas vrai. Il y a toujours un ministre des Affaires municipales au Québec puis, en plus, il est ministre de la Sécurité publique. Il est doublement concerné par le sujet. Il est responsable de cela, M. le Président.

Alors, le ministre des Affaires municipales va continuer d'exister, il va continuer d'avoir des obligations, continuer d'avoir des responsabilités. Je pense qu'il va falloir faire en sorte de vraiment, dans l'application, être réaliste puis être réaliste avec la réalité municipale aussi. Je comprends que la ministre nous invoque l'autonomie municipale comme un mantra. Par contre, M. le Président, il faut être réaliste. Il ne s'agit pas d'être contre les municipalités, il s'agit de les accompagner, mais d'accompagner la population québécoise aussi par rapport à la légalisation et de faire en sorte de gérer adéquatement la légalisation du cannabis dans nos villes, dans nos villages. Il faut faire en sorte de l'encadrer sur les endroits publics.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, M. le député de Borduas. Est-ce que j'ai d'autres interventions? M. le député de Saint-Jérôme, il nous reste une minute à nos travaux. Oui, Mme la ministre, je vous en prie.

Mme Charlebois : ...j'aimerais réagir au député de Borduas et lui dire que... M. le Président, je n'en reviens pas, là, j'écoute les députés, puis c'est comme si j'étais fermée, obtuse, etc. alors que ce n'est pas le cas. Mais, en plus, j'ai le goût de leur demander : Est-ce qu'ils font fi des demandes des municipalités? Est-ce qu'ils font fi du Réseau québécois des villes et villages en santé? Est-ce qu'ils font fi des municipalités comme les représentants de l'UMQ? Ça ne sort pas de juste ma tête, là. C'est eux qui nous demandent de pouvoir réglementer eux-mêmes leur terrain. Ils veulent le réglementer. Est-ce que vous voulez les contrôler à ce point-là?

Non, nous, on respecte leur autonomie.

Le Président (M. Merlini) : Mmes, MM. les membres de la Commission de la santé et des services sociaux, il est maintenant 18 heures, et, compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux à demain, mardi le 10 avril, à 9 h 15, où elle se réunira en séance de travail.

Bonne soirée à toutes et à tous.

(Fin de la séance à 18 heures)

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