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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le mardi 13 août 2019 - Vol. 45 N° 31

Consultation générale et auditions publiques sur le cahier de consultation intitulé « La planification de l'immigration au Québec pour la période 2020-2022 »


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Table des matières

Auditions (suite)

Association du Barreau canadien, division Québec (ABC-Québec)

Association Restauration Québec (ARQ)

Financière Banque Nationale inc. (FBN), Auray Capital inc., Capital Sherbrooke Street
(SSC) Inc., Industrielle Alliance Valeurs mobilières inc., Renaissance Capital Inc.

Service d'aide aux néo-Canadiens (Sherbrooke) inc. (SANC)

Association canadienne des conseillers professionnels en immigration (ACCPI)

Ligue d'action nationale

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

Mouvement Québec indépendant

Intervenants

Mme MarieChantal Chassé, présidente

M. Sylvain Lévesque, président suppléant

M. Samuel Poulin, président suppléant

M. Simon Jolin-Barrette

M. Monsef Derraji

Mme Paule Robitaille

M. Andrés Fontecilla

Mme Méganne Perry Mélançon

Mme Lucie Lecours

M. François Jacques

Mme Stéphanie Lachance

*          Mme Lisa Middlemiss, ABC-Québec

*          Mme Nadine Landry, idem

*          M. Vincent Arsenault, ARQ

*          M. Hugues Philippin, idem

*          M. François Meunier, idem

*          M. Louis Leblanc, FBN

*          M. Jean-Pierre Lessard, Aviseo Conseil inc.

*          M. Marc Audet, Auray Capital inc.

*          Mme Lucie Letendre, SANC

*          Mme Mercedes Orellana, idem

*          M. Dory Jade, ACCPI

*          Mme Sylvie Gonin, idem

*          Mme Kathy Pellerin, idem

*          M. Robert Laplante, Ligue d'action nationale

*          Mme Anne-Michèle Meggs, idem

*          M. Yves-Thomas Dorval, CPQ

*          M. Denis Hamel, idem

*          Mme Martine Ouellet, Mouvement Québec indépendant

*          M. Denis Monière, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures dix-sept minutes)

La Présidente (Mme Chassé) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour, tout le monde. J'espère que vous vous êtes bien remis de notre première journée, hier, de retour de nos activités en comté. Je trouve qu'on a eu un bon départ hier.

Je constate le quorum et je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de tous leurs appareils électroniques ainsi que le mode de vibration.

La commission est réunie aujourd'hui afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le cahier de consultation intitulé La planification de l'immigration au Québec pour la période 2020‑2022.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Skeete (Sainte-Rose) est remplacé par M. Allaire (Maskinongé).

La Présidente (Mme Chassé) : Oui?

Le Secrétaire : C'est bien le cas.

La Présidente (Mme Chassé) : M. Skeete n'est pas remplacé, il est là.

Le Secrétaire : Oh! excusez-moi.

Des voix : ...

Le Secrétaire : Non, il n'est pas là.

Des voix : ...

Le Secrétaire : Je vais poursuivre. M. Birnbaum (D'Arcy-McGee) est remplacé par M. Derraji (Nelligan); Mme Dorion (Taschereau) est remplacée par M. Fontecilla (Laurier-Dorion); et M. LeBel (Rimouski) est remplacé par Mme Perry Mélançon (Gaspé).

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Chassé) : Alors, ça, c'est l'effet des vacances qui se poursuit. Seigneur! Merci, M. le secrétaire.

Alors, ce matin, nous entendrons les organismes suivants : l'Association du Barreau canadien, l'Association Restauration Québec et, en audition conjointe, les représentants de la Financière Banque Nationale, Auray Capital, Capital Sherbrooke Street, Industrielle Alliance Valeurs mobilières et Renaissance Capital.

Je souhaite donc la bienvenue aux représentants de l'Association du Barreau canadien, division du Québec. Et je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. À une minute de la fin, je vais vous faire un signe. Comme ça, ça va vous donner une indication qu'on arrive à la fin de l'exposé. Je vous invite tout d'abord à vous présenter. Allez-y. Merci.

Association du Barreau canadien, division Québec (ABC-Québec)

Mme Middlemiss (Lisa) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. L'Association du Barreau canadien est un organisme qui regroupe environ un peu plus que 36 000 juristes à travers le Canada. Je suis Lisa Middlemiss. Je suis présidente de la section immigration et citoyenneté de l'Association du Barreau canadien, division du Québec. Aujourd'hui, je suis accompagnée par Nadine Landry, à ma gauche, qui est la présidente sortante de notre section.

• (10 h 20) •

La première orientation est très importante pour l'ABC-Québec. Concernant les seuils d'immigration 2020 à 2022, nous comprenons que le ministre et le gouvernement veulent augmenter progressivement le nombre d'immigrants admis à atteindre 49 500 à 52 000 personnes en 2022.

Pourtant, nous sommes préoccupés que ces cibles sont nettement inférieures aux seuils que nous avons observés auparavant et qu'avec ces cibles le Québec sera loin de respecter notre engagement en vertu de l'Accord Canada-Québec relatif à l'immigration et à l'admission temporaire des aubains, qui date de 1991. Cet accord prévoit, à l'article 7, que le Québec s'engage à poursuivre une politique d'immigration dont l'objectif est de lui permettre de recevoir un pourcentage du total des immigrants reçus au Canada égal au pourcentage de sa population par rapport à la population totale du Canada.

En fait, avec la diminution, dans l'ensemble, des personnes immigrantes admises à 40 000 personnes en 2019, les seuils qu'on voit en 2022, sans parler de 2020 et 2021, nous ramèneraient vers les niveaux d'immigration qu'on a vus en 2017 et 2018. Si nous faisons référence à la table en annexe de notre mémoire, la compilation des données publiques du MIDI et de Statistique Canada, nous observons que la part du Québec du nombre total des immigrants admis diminuera significativement en 2019. On parle d'une part du Québec d'environ 12 %, alors que le Québec représente environ 23 % de la population du Canada. Et, malgré le fait qu'on voit, dans nos tables, que le Québec n'a pas atteint le taux anticipé de personnes immigrantes à travers les années, nous étions vraiment plus proches que nous trouvons à l'heure actuelle.

«So», nous rappelons le ministère de l'importance de cet accord dans le niveau et aussi dans la répartition des compétences. Nous rappelons que le Québec a la compétence exclusive, bien sûr, sur la sélection des immigrants économiques, et, au même temps, le Canada a la compétence... la responsabilité pour les immigrants dans la classe familiale et que le Canada détermine les conditions d'admission pour la classe de motifs humanitaires, l'application de la Convention des Nations unies relative au statut des réfugiés.

Dans le deuxième objectif... deuxième orientation du gouvernement est d'atteindre en fin de période une proportion des personnes admises dans la catégorie de l'immigration économique de 65 %. Pourtant, afin d'atteindre ce seuil, considérant que le Québec n'a pas la compétence sur l'ensemble des immigrants admis au Québec, et on ne peut pas contrôler les chiffres vraiment pour la mission familiale ni pour le traitement des demandes d'asile au Canada, il serait nécessaire d'augmenter le nombre de personnes immigrantes accueillies, en termes de chiffres, en ce qui concerne la classe économique.

Mme Landry (Nadine) : Merci, Lisa. Je vais continuer sur l'aspect de l'immigration économique, puisque c'est effectivement la seule compétence du Québec et là vraiment où on a un pouvoir de faire des changements.

Alors, il n'y a pas si longtemps, le Québec représentait 25 % de la population canadienne. On faisait l'envie de tous avec nos programmes, on était la seule province qui pouvait sélectionner ses immigrants économiques. Ce n'est plus le cas. Toutes les provinces ont un programme de nominations provinciales, et le programme est plus agile, il est plus rapide, et nous sommes envieux des autres provinces. Je vais vous donner un exemple concret. En Colombie-Britannique, pour avoir une invitation, ça prend une semaine si on est un... on fait partie de 28 professions identifiées. Suite au dépôt de notre demande qu'on a faite dans les 30 jours, on peut avoir notre nomination provinciale en deux jours ouvrables. Avec cette nomination provinciale là, on peut se présenter au point d'entrée et obtenir un permis de travail. Ça, c'est ce qu'on appelle répondre à court terme aux besoins des employeurs. Ça, c'est être agile.

Le programme qu'on nous propose ici n'est pas agile. Avec les seuils proposés et les sélections qui ont déjà été faites — donc, il y a déjà plusieurs dizaines de milliers de personnes qui ont été sélectionnées — les seuils proposés ne permettront pas de faire entrer des gens invités sous Arrima avant 2022, donc à la fin du plan qui est proposé. Donc, les orientations sont un peu contradictoires. Quand on dit qu'on veut... Arrima va être le Tinder de l'immigration pour faire un match entre les employeurs et les candidats... Un match, quand je fais une offre d'emploi aujourd'hui, qui demande trois mois à être traitée, que mon candidat a une invitation sous Arrima qui est traitée, son CSQ, dans six mois et que le fédéral prend deux ans pour traiter la demande de résidence permanente, ce n'est pas du court terme, ça ne répond pas aux besoins des employeurs. Donc, c'est pour ça qu'on pense qu'une augmentation significative des seuils, conformément à l'Accord Canada-Québec sur l'immigration est le seul moyen d'atteindre les objectifs et de pouvoir se servir de cette plateforme qui est Arrima.

Au niveau de faciliter la rétention du temporaire vers le permanent, on dénonce le manque de critères transparents et prévisibles. Donc, quand on conseille nos clients qui veulent embaucher des gens à l'étranger, la personne, avant de déménager avec sa famille, avant d'inscrire les enfants à l'école en français... parce que, sous permis de travail temporaire, ils peuvent aller à l'école en anglais, quand ils ont leur CSQ, ils doivent aller en français. Quand le plan est à long terme de s'établir ici pour la résidence permanente, ils vont tout de suite mettre les enfants à l'école en français. Quand on ne sait pas si on va pouvoir rester et quand on ne peut même pas leur dire, de façon prévisible, s'ils vont avoir une chance de rester, bien, les décisions sont autres. Donc, quand on essaie de former notre équipe, on ne se donne pas les moyens d'aller chercher les meilleurs choix.

Mme Middlemiss (Lisa) : En fait, nous considérons que le Québec est à risque de perdre le talent à cause de ce manque de critères clairs et définis pour encadrer la transition vers la résidence permanente, tant que pour les candidats à l'immigration que pour les employeurs au Québec qui veulent non seulement attirer le talent, mais le retenir au Québec. Et, franchement, les membres de notre section en immigration et citoyenneté de l'Association du Barreau du Québec trouvent qu'il est de plus en plus difficile de fournir un conseil juridique à nos clients à cause d'un manque de transparence et imprévisibilité dans nos programmes d'immigration au Québec. Par exemple, nous pouvons conseiller nos clients ailleurs au Canada de leurs chances de recevoir une invitation du ministère fédéral à faire leur demande de résidence permanente. On peut calculer le pointage à l'entrée expresse, on sait à peu près c'est quel pointage les tirages se passent. Alors, c'est vraiment plus facile de fournir un conseil juridique, alors qu'au Québec il est impossible en ce moment de savoir quels sont les critères d'invitation en Arrima, quelles sont les fréquences. Je pense, parfois, nos clients ont l'impression qu'ils sont avec un «blind date» d'Arrima où le... d'être un match parfait entre leurs compétences qu'ils puissent offrir et le marché du travail de la société québécoise.

Et, pour vraiment faire un meilleur arrimage aussi entre les besoins du Québec et les talents qu'on a accueillis, le MIDI doit travailler étroitement avec nos partenaires... les partenaires fédéraux à l'Immigration Canada pour s'assurer aussi un traitement plus rapide une fois que les personnes sélectionnées du Québec puisqu'on voit un délai d'environ 22 mois en ce moment pour les demandes de résident permanent d'être traitées par Immigration Canada, une fois qu'ils sont déjà sélectionnés.

La Présidente (Mme Chassé) : ...une quinzaine de secondes.

Mme Landry (Nadine) : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Ça va? Ça conclut votre exposé. Merci beaucoup. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous pour un bloc d'échange de 16 min 30 s.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Me Middlemiss. Me Landry, merci pour votre présence, ici, en commission parlementaire.

J'aimerais que vous me rappeliez comment ça fonctionne, l'Association du Barreau canadien. Au niveau de l'association, bon, c'est des avocats, c'est des juristes, c'est des étudiants en droit qui sont membres. Les étudiants en droit sont membres d'office de l'Association du Barreau canadien. Le membership est gratuit. Mais comment ça fonctionne, les prises de position de l'Association du Barreau canadien, section Québec? C'est quoi, le processus décisionnel pour amener un mémoire à l'Assemblée nationale?

• (10 h 30) •

Mme Middlemiss (Lisa) : Si je peux me permettre, merci, on a un conseil d'administration qui approuve nos démarches. Alors, notre section, notre exécutif en immigration et citoyenneté, on a rédigé un mémoire. Ça a été partagé avec notre conseil d'administration, qui est également des juristes, afin d'assurer que toute la position est conforme à la position de l'ABC au Québec et à... et ça comprend... La plupart de nos membres sont des avocats, mais il y a aussi des notaires, des professeurs en droit, également des étudiants en droit.

M. Jolin-Barrette : C'est ça. Donc, c'est des juristes. Et, sur le comité immigration de l'Association du Barreau canadien, section Québec, il y a combien d'avocats qui font du droit de l'immigration, qui ont des intérêts avec des clients qu'ils représentent?

Mme Middlemiss (Lisa) : Je n'ai pas les chiffres en face de moi. Je sais...

Mme Landry (Nadine) : Il y a 10 membres de l'exécutif, qui représentent toutes les sections, c'est-à-dire que... c'est ça, selon les spécificités. Donc, on a des gens qui représentent le milieu scolaire, des gens qui représentent l'immigration économique, des gens qui représentent les individus, des gens qui représentent les demandeurs d'asile et les réfugiés, donc, et tout ça est soumis à l'ABC-Québec générale, où là on a des juristes plus larges aux niveaux constitutionnel, administratif, qui vont réviser les positions.

M. Jolin-Barrette : Mais, ce que je veux dire sur le conseil... bien, en fait, sur le comité, ce sont des juristes qui ont une pratique généralement en droit de l'immigration avec différents volets.

Mme Landry (Nadine) : ...conseil d'administration qui approuve les positions...

M. Jolin-Barrette : Non, non, sur le comité de l'immigration. Par la suite, vous êtes... votre conseil d'administration.

Vous dites... Bon, au niveau des seuils, vous dites : Écoutez, dans l'Accord Canada-Québec, il y a certains seuils. Ce que dit l'Accord Canada-Québec, c'est qu'on peut aller jusqu'à un pourcentage de notre population plus 5 %. On n'est pas lié à cette obligation-là dans le cadre de l'Accord Canada-Québec. Êtes-vous d'accord avec moi?

Mme Middlemiss (Lisa) : Non. Je suis d'accord qu'on n'est pas lié, mais c'est selon l'esprit de l'accord. Je pense que le Québec va accueillir un pourcentage du nombre de personnes admises égal à notre population. Quand l'accord a été conclu, en 1991, je pense que c'était l'esprit que les deux parties ont eu et je pense que cet esprit continue jusqu'à aujourd'hui.

Mme Landry (Nadine) : Au-delà de ça, si je me peux me permettre d'ajouter, l'esprit de l'accord, à notre avis, c'est que le Québec garde sa place à l'intérieur du Canada en sélectionnant ses immigrants, privilégiant l'immigration francophone.

Ce qu'il arrive présentement, c'est que c'est plus facile pour l'immigration francophone de s'installer hors Québec. C'est plus facile d'avoir un permis de travail. Quelqu'un qui parle français peut... avec une offre d'emploi, peut se présenter à la frontière, s'il n'a pas besoin de visa, obtenir un permis de travail. Ce n'est pas le cas au Québec. Il y a des programmes spécifiques. On donne des points additionnels hors Québec pour les gens qui parlent le français. Donc, on veut les attirer et on le fait plus rapidement.

Donc, quand nous, on ferme les portes, on diminue les seuils, et, en plus c'est plus facile pour les francophones de s'installer hors Québec, bien, on perd notre place. Je veux dire, l'effet ne peut pas être autre que le Québec va perdre sa place, là.

M. Jolin-Barrette : Est-ce que vous pensez que le rôle du gouvernement du Québec, c'est de mieux intégrer les personnes immigrantes? Parmi vos clients, là, quand vous regardez ça, là, quand les taux de chômage des personnes immigrantes depuis moins de cinq ans sont plus du double, quand les taux de surqualification sont de 59 % pour les immigrants de moins de cinq ans, est-ce que vous considérez que le gouvernement du Québec a fait son travail au niveau de l'intégration?

Parce que vous dites : C'est plus facile pour des francophones aller dans d'autres provinces canadiennes, alors qu'avec les seuils qu'on avait auparavant avec le Parti libéral on sera dans une situation où les gens n'étaient pas accompagnés. Est-ce que vous pensez que c'est mieux de hausser les seuils puis de ne pas avoir d'accompagnement, comme c'était le cas sous les libéraux, ou c'est préférable d'avoir un parcours d'accompagnement personnalisé?

Mme Landry (Nadine) : Non. On est d'accord avec le... une certaine forme d'accompagnement. Ceci dit, les statistiques que vous citez sur l'immigration dans les cinq dernières années, il y a eu énormément de changements, dans les programmes, qui ont été faits, et ces personnes-là n'ont pas encore été admises, donc ne font pas partie des statistiques.

Donc, on est confiants que le PEQ, par exemple, qui a pu... permis de sélectionner plus de 10 000 personnes dans les dernières années, qui ne sont pas admises au Québec encore, qui ne font pas partie de ces statistiques-là, vont améliorer les données définitivement.

M. Jolin-Barrette : Les gens qui sont sur le PEQ... Vous, vous faites référence aux gens qui sont dans l'inventaire fédéral.

Mme Landry (Nadine) : Oui. ...partie des statistiques de sans-emploi.

M. Jolin-Barrette : Mais ça, c'est une autre réalité. Au niveau de l'inventaire fédéral, il y a eu une accumulation de dossiers au cours des années. Les cibles... On a sélectionné plus de personnes que la capacité d'accueil du Québec au niveau des cibles d'admission annuellement. Ça, vous êtes d'accord avec ça?

Mme Middlemiss (Lisa) : Oui. Et, avec les cibles d'admission diminuées, on peut juste anticiper que les délais pour nos clients de devenir résidents permanents au Québec vont continuer à augmenter. Alors, à l'ABC-Québec, on trouve, il y a une inéquité dans nos provinces quand on compare avec les clients dans d'autres provinces. Alors, nous aimerions qu'on puisse accélérer le traitement des demandes de CSQ, bien sûr, et également le traitement conjointement avec les partenaires au fédéral.

M. Jolin-Barrette : Mais, quand vous présentez votre mémoire, vous dites : Nos clients, la perception, c'est par rapport à nos clients. Mais nous, on prend ça de l'autre côté, on prend ça que l'immigration, c'est important pour l'ensemble de la société québécoise. Puis, comme société, on a le devoir de bien accueillir, de bien intégrer les personnes immigrantes. Je comprends que vous me parlez des délais de vos clients, mais, lorsqu'on choisit les cibles en matière d'immigration pour une société, surtout la société québécoise, qui est une société distincte en Amérique du Nord, qui a une responsabilité, pour le gouvernement du Québec, de s'assurer que les personnes apprennent le français, qu'ils puissent l'exercer, qu'ils puissent travailler avec la langue d'usage au Québec, soit le français, bien, ce n'est pas uniquement basé sur l'intérêt de vos clients. Il faut faire en sorte de développer, au Québec, un système d'immigration, mais surtout d'intégration qui donne les ressources aux personnes immigrantes pour faire en sorte qu'elles puissent bien intégrer le marché du travail, qu'elles puissent apprendre le français aussi.

Alors, je comprends ce que vous me dites sur le fait que vous souhaiteriez en fonction des intérêts de vos clients dans un certain sens, mais le gouvernement du Québec doit prendre en considération l'ensemble des, je vous dirais, des variables associées à l'immigration.

Mme Landry (Nadine) : Je pense que c'est dans l'intérêt de personne de retarder la résidence permanente des gens qui sont déjà ici et déjà intégrés, déjà sélectionnés. Le portrait a changé dans les dernières années, le pourcentage de gens qui sont déjà ici intégrés en emploi est différent qu'il ne l'était il y a quelques années, alors qu'on faisait surtout entrer des gens directement de l'extérieur.

M. Jolin-Barrette : Je vous remercie pour votre présentation. Je sais que j'ai des collègues qui veulent poser des questions.

La Présidente (Mme Chassé) : Alors, M. le député de Beauce-Sud désire prendre la parole?

M. Poulin : Merci beaucoup, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Chassé) : La parole est à vous.

M. Poulin : ...très content de vous retrouver, content de retrouver mes collègues également du gouvernement. M. le ministre, c'est un plaisir, vous paraissez en grande forme. Alors, très content de vous retrouver, également, les collègues de l'opposition. Bien évidemment, content de tous et toutes vous voir.

Différents éléments qui me viennent à l'idée en entendant votre présentation, j'aimerais qu'on parle un peu plus du domaine qui est le droit en immigration que vous représentez aujourd'hui. Est-ce qu'il y a eu une augmentation, au cours des dernières années, d'avocats se spécialisant en droit de l'immigration?

Mme Middlemiss (Lisa) : Je n'ai pas étudié les chiffres en termes de nombre d'avocats, mais c'est sûr que les procédures sont complexes. Il y a une certaine complexité qui est difficile pour des personnes immigrantes parfois de naviguer. Alors, parfois, ils ont besoin d'un conseiller juridique.

M. Poulin : Vous représentez, bon, 37 000 juristes, vous n'avez pas la portion qui se spécialise particulièrement en droit d'immigration sur les 37 000 juristes.

Mme Landry (Nadine) : Non, ce qu'on peut affirmer, c'est que l'immigration est un domaine en développement, alors que le domaine juridique en général est un marché assez stable. Il y a de plus en plus de demandes à cause de la pénurie de main-d'oeuvre, à cause qu'on se tourne, comme société, au Canada en général, parce que le 36 000, c'est au Canada partout, puis on se tourne de plus en plus vers l'immigration, donc ça crée un besoin.

M. Poulin : Bien, effectivement, et c'est là je voulais vous amener, que, s'il y a une éventuelle augmentation d'avocats qui pratiquent davantage dans le domaine de l'immigration, c'est certainement parce qu'il y a des défis assez importants que vous nous avez exposés, que vous venez d'élaborer et qu'il y a des défis qui ne datent pas d'hier non plus depuis les 15 dernières années, bien évidemment. Et, justement, quels sont, très concrètement, des dossiers — vous m'avez parlé de complexité, là — qui sont le plus récurrent auprès des avocats en droit de l'immigration, même au niveau fédéral, je suis intéressé à vous entendre à ce niveau-là, et qui durent depuis fort longtemps, là?

• (10 h 40) •

Mme Middlemiss (Lisa) : Mais je pense qu'on peut dire qu'en termes d'immigration économique la plupart des clients de nos membres sont déjà ici, au Québec, ils sont déjà intégrés. Ils sont ici sur un permis de travail, ils sont intégrés à combler les besoins de main-d'oeuvre ou parfois des étudiants internationaux qui étaient attirés, côtoyés même par le Québec à venir ici. Alors, c'est sûr que beaucoup de monde est déjà très... le niveau de langue en français est très bien.

Il peut faire une demande sous le programme PEQ, qui, en général, est un très bon programme. Mais, même, parfois, avec le PEQ, il y a certains enjeux difficiles. Par exemple, pour un employé qui détient un pourcentage d'actions dans la compagnie, la société qui l'emploie au Québec, il est exclu de faire une demande du PEQ. «So», il y a certaines choses qui fonctionnent bien et d'autres qui sont quand même complexes à l'intérieur du système de base en immigration. Au Québec, il y a le PEQ. Parce qu'en termes de chiffres, si on regarde le plan de sélection en 2019, on voit que la plupart... avec les chiffres qu'on a... et la popularité du programme PEQ. La plupart des personnes qui seraient sélectionnées au Québec seraient sélectionnées par voie du PEQ, et non pas le nouveau système d'Arrima.

Mme Landry (Nadine) : Je pense aussi qu'il faut parler de la complexité au niveau des employeurs. Il y a eu tout un régime mis en place sur la conformité des employeurs qui faisaient des offres d'emploi pour faire l'émission des permis de travail, donc, c'est ça, donc, on a maintenant, là, des pénalités importantes.

Puis, là-dessus, on peut peut-être souligner le fait qu'au Québec la validation d'offre d'emploi permanente, là, le délai entre cette validation-là puis que la personne devienne résident permanent, c'est totalement irréaliste. Ça nous met dans une position très difficile pour conseiller nos clients, parce qu'ils nous demandent : À quoi je m'engage? Bien, dans les faits, tu t'engages, aujourd'hui, en août 2019, à offrir un emploi à quelqu'un dans tel titre, dans telle position, à tel salaire, en 2022, quand il deviendra résident permanent, alors que ce n'est pas ça, la réalité, si la personne est déjà ici. Donc, comment on conseille nos clients là-dedans? C'est de plus en plus complexe. C'est une réalité à laquelle ils n'avaient pas à faire face auparavant.

M. Poulin : Bien évidemment, là, vous me parlez des entreprises que vous conseillez. Ça vous amène à être en lien, justement, avec les gens qui souhaitent, donc, avoir leur certificat de sélection et immigrer au Québec.

Qu'en est-il, tout de même, de ces délais-là? Est-ce que vous, vous pensez que le fait que, justement, on a accueilli un nombre d'immigrants au Québec, qui a apporté des délais assez importants compte tenu du fait qu'on n'avait pas le Arrima, qu'on n'était pas capable de lier le marché du travail avec les besoins en immigration... Est-ce que vous ressentez, peut-être, auprès de vos clients, un certain découragement, dans les dernières années, à se tourner vers l'immigration et qu'Arrima et l'adoption de la loi que nous venons de faire n'amènent pas un certain espoir auprès des employeurs, et même des immigrants? Moi, depuis que j'ai voté pour cette loi-là avec les membres de mon gouvernement, les gens, dans mon comté, sont très contents et voient qu'on s'en va dans la très bonne direction.

Alors, vous ne le ressentez pas, vous, chez vos clients, chez vos entreprises, chez vos gens que vous représentez, cette nouvelle façon de faire, comme étant extrêmement positive?

Mme Middlemiss (Lisa) : Bien, je pense que l'Arrima a causé beaucoup de confusion auprès des individus et les employeurs au Québec parce que ça ajoute un autre niveau. Maintenant, il faut être invité du ministre. Encore là, on ne sait pas si, mettons, une offre d'emploi validée va donner naissance nécessairement à une invitation à faire la demande de CSQ. Il y a beaucoup d'incertitude.

Alors, quand le MIDI aimerait traiter une demande de CSQ à l'intérieur d'une période de six mois... ce serait bien, mais est-ce que ça compte le processus de trois mois afin d'obtenir une offre d'emploi validée? Quelques mois afin de recevoir une invitation? Là, le dépôt en ligne de la demande de CSQ, ensuite l'attente de la liste personnalisée, des documents à l'appui à soumettre et, finalement, une fois que les documents seront soumis, le dossier débute l'exercice, «like», la... je vais dire, l'analyse débute. Alors, est-ce que six mois va vraiment commencer... À quel moment est-ce que le six mois de traitement de CSQ va commencer? Nous avons l'impression qu'Arrima va juste prolonger, retarder le processus. Et, malheureusement, c'est les préoccupations qui étaient apportées par nos membres.

M. Poulin : Je peux vous rassurer très rapidement, je pense qu'au contraire, si on réussissait à bien allier les besoins du marché du travail avec les souhaits des personnes issues de l'immigration — il faut en parler aussi, hein, les souhaits des gens qui souhaitent venir vivre au Québec et qui souhaitent avoir des emplois ici — avec les besoins en termes de marché du travail, avec le fait que, justement, et c'est ce que nous discutons au cours de la semaine... d'un seuil d'immigration qui va nous permettre que chaque immigrant puisse atteindre son rêve et qu'il puisse atteindre son plein potentiel au Québec, avec une plateforme qui pourra les lier plus rapidement à l'emploi qui est disponible, donc, quand on le lie à un emploi, c'est qu'on le lie à un employeur, alors vos clients à vous, qu'ils pourront plus rapidement avoir des réponses sur qui vient, parce ce que ce qu'ils souhaitent, nos entrepreneurs, c'est d'avoir des noms, c'est de préparer ces gens-là à leur venue au Québec. Alors, ce lien-là, il est très bien accueilli auprès des entreprises au Québec. Alors, je suis un... Je suis un...

Mme Landry (Nadine) : Le principe est très bien accueilli. C'est dans l'application que les problèmes se trouvent. Donc, si le ministère fait ses devoirs et applique ça à son plein potentiel, ça va être génial. Ce qu'on dénonce, c'est que, présentement, nous, ce n'est pas ce qu'on voit dans les programmes, dans la législation, dans ce qui est mis en place.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Ça conclut le bloc. Nous sommes rendus au bloc d'échange avec le parti formant l'opposition officielle. M. le député de Nelligan, la parole est à vous.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Premièrement, je vous remercie pour votre présence et d'avoir pris le temps de venir nous éclairer. Vous avez soulevé pas mal de points, mais aussi d'incohérences dans la nouvelle planification. J'aimerais bien vous entendre sur une question qui m'est venue lors de votre échange avec M. le ministre. Et ma question est la suivante : Est-ce que vous pensez que la réalité vécue par vos clients est différente de l'expérience vécue par les autres immigrants? Parce que ce que je sais... C'est comme, j'ai eu l'impression qu'il y a deux catégories. Il y a vos clients et il y a les autres immigrants qui appliquent. Mais, selon votre expérience, est-ce qu'il y a une énorme différence entre vos clients et les autres immigrants, ou bien il y a des points de ressemblance? Pouvez-vous nous éclairer?

Mme Middlemiss (Lisa) : Mais, à titre d'avocats en immigration, nous représentons les clients, les individus, des entreprises à travers le Canada, y compris au Québec. Alors, si on compare, mettons, l'expérience du parcours de l'immigration, le parcours envers la résidence permanente, des clients de nos membres au Québec, comparés avec d'autres provinces, souvent, l'expérience est très différente. Les clients, les personnes et leurs employeurs au Québec deviennent parfois découragés par les longs délais et, encore là, l'incertitude dans nos programmes.

M. Derraji : O.K. Donc, si je résume, pour vous, la planification, le gouvernement, avec sa politique d'immigration, lance un message d'incertitude et que ce n'est pas incohérent. Est-ce que c'est ça que vous voulez nous dire aujourd'hui par rapport à votre message?

Mme Middlemiss (Lisa) : Dans l'application des programmes, il y a un certain manque de critères certains et définis pour les acteurs dans... au terrain, oui.

M. Derraji : Parlons d'incohérence, parce que c'est le mot qui revient dans pas mal d'autres interventions. J'aimerais vous entendre sur la décision du gouvernement, en plein mois d'été, de mettre un moratoire sur le PEQ. Pour vous, en quoi c'est dangereux? En quoi c'est une mauvaise décision?

Mme Middlemiss (Lisa) : Bien, c'est sûr que le PEQ est très connu, reconnu comme programme au Québec. Ça amène une certaine incertitude de suspendre temporairement, mais on se pose des questions à quel moment... Est-ce que ça va être temporaire? Est-ce que ça va être enlevé, cette suspension? Les gens ont des difficultés à planifier leur vie. En venant au Québec à faire leurs études, leur parcours scolaire au Québec, ils ont amené leurs talents, ils ont amené leur vouloir de s'intégrer au Québec. Ils sont déjà... Ils font déjà partie de la société ici. Alors, ce suspens temporaire est préoccupant et, encore là, ça amène un autre niveau d'incertitude.

M. Derraji : Merci. Ma dernière question, après, c'est ma collègue qui va vous poser d'autres questions, c'est concernant le Arrima. J'ai lu et j'ai relu plusieurs fois le paragraphe où vous parlez d'Arrima. Vous, vous pensez quoi maintenant? Parce que vous avez dit quelque part qu'il n'y a aucune invitation qui a été encore envoyée depuis l'inauguration de l'Arrima.

Mme Landry (Nadine) : Notre mémoire n'est pas à jour. Donc, il y a eu des invitations depuis, effectivement. De ce qu'on a vu, il y a eu des invitations de personnes avec des offres d'emplois validées qui étaient déjà dans le système. Donc... Mais il n'y a aucune transparence, c'est-à-dire qu'il n'y a pas... On n'a pas de chiffre, on ne sait pas comment les gens ont été priorisés, qui, pourquoi untel en a une et l'autre n'en a pas. Donc, on est incapable de conseiller nos clients et de leur donner une perspective, de dire : Bien, d'ici un an, on devrait avoir un CSQ. Comment on va renouveler ce permis de travail là? On ne sait pas.

• (10 h 50) •

M. Derraji : Et donc, vous avez soulevé l'incohérence, vous avez soulevé le manque de transparence. Comment vous pensez que le gouvernement doit être beaucoup plus transparent par rapport à l'utilisation de la plateforme Arrima? C'est quoi, votre proposition pour qu'on augmente cette transparence?

Mme Middlemiss (Lisa) : Bien, premièrement, je pense, ce serait intéressant de savoir combien de personnes le gouvernement aimerait sélectionner par voie d'Arrima pour les... «you know», chaque année et combien de personnes... travailleurs qualifiés ça va sélectionner du programme de base du PEQ, parce que je pense qu'en ce moment Arrima reste un programme marginal. En termes de diminution dans le chiffre, le nombre de personnes sélectionnées au Québec en 2019, on parle d'un système, je pense, marginal. «So», ça, c'est une chose.

Et une autre chose, ce serait... on aimerait savoir les critères qui... importants dans le processus d'invitation en Arrima. C'est très obscur en ce moment. Au fédéral, il y a un système de pointage. En Colombie-Britannique également, il y a un système de pointage, ou un peu comme donner une idée à quelqu'un s'il serait éligible ou non à faire une demande de résidence permanente. Alors, ce serait vraiment utile d'avoir quelque chose d'un peu plus concret au niveau du processus d'invitation. Qu'est-ce que ça prend?

M. Derraji : Je vais laisser la parole à ma collègue.

La Présidente (Mme Chassé) : Oui. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, la parole est à vous.

Mme Robitaille : Bonjour, mesdames. Eh bien, je vous écoute et puis je... bien, je trouve ça inquiétant. En fait, vous dites que 12 %, ça fait en sorte que le Québec est en train de perdre sa place au sein du Canada, et, si on continue comme ça, bien, évidemment, ce n'est pas à notre avantage. Vous dites aussi qu'Arrima, tel qu'amené par le présent gouvernement, fait en sorte que ça ne sera pas nécessairement plus efficace. Vous dites : «Le Québec est à risque de perdre des talents.» Pourriez-vous élaborer là-dessus?

Mme Landry (Nadine) : Je vais parler de la rétention. Donc, pour pouvoir garder des talents... Je vais donner un exemple concret, là. À Montréal, on mise beaucoup sur l'intelligence artificielle. Pour faire venir ces gens-là, il faut être capable de leur donner une planification à long terme, ce qu'on n'est pas capable de faire présentement. Parce qu'on revient à l'obscurité des critères d'invitation sous Arrima, on ne peut pas prévoir combien de temps ça va prendre à quelqu'un pour qu'il atteigne le niveau de français. Donc, même si les gens s'y mettent, il y en a qui y arrivent en un an puis il y en a qui n'y arrivent pas après quatre ans. Ce n'est pas par manque d'efforts, certains ont plus de talent. Donc, quand on parle rétention de talents, ces gens-là peuvent devenir résidents permanents au Canada en moins de six mois. Donc, s'ils se font offrir quelque chose à Vancouver, s'ils se font offrir quelque chose à Toronto avec une stabilité, avec une certitude, on les perd. C'est ça, la réalité.

Mme Robitaille : Donc, c'est ça. Donc, on perd notre...

Mme Landry (Nadine) : On perd notre place, on perd les meilleurs joueurs, on perd...

Mme Robitaille : Dites-moi, alors... Puis on dit... Vous disiez aussi — c'est intéressant : En abaissant les seuils, finalement, les arriérés qu'on a... Il y a des attentes avant d'avoir une résidence permanente, on le sait, on en a parlé. Mais là, si on baisse les seuils à 40 000, ça devient pire que jamais. C'est bien ça? Pouvez-vous, encore une, fois élaborer là-dessus?

Mme Middlemiss (Lisa) : L'inventaire, en ce moment, est considérable, c'est sûr, au niveau fédéral à Immigration Canada et en termes de nombre de personnes sélectionnées par le Québec qui est en traitement au fédéral. Maintenant, avec des niveaux moins élevés de 40 000 personnes admises en 2019, on risque de voir ces dossiers même plus retardés. Et un délai de 22 mois en ce moment n'est pas très équitable par rapport à d'autres personnes qui sont destinées à d'autres provinces. On veut rester concurrent dans... «you know», comparé à d'autres provinces.

Mme Robitaille : Oui, parce que, là, en ce moment, c'est deux ans, mais ça pourrait être encore plus. Vu que c'est 40 000, vous prévoyez peut-être même...

Mme Landry (Nadine) : Exactement. Donc, avant tout ça, là, en février de cette année, les délais de traitement étaient de 18 mois; on est au mois d'août, on est six mois plus tard, ils sont à 22 mois. Donc... Et là, on...

Mme Robitaille : O.K. Et donc ça ne va pas s'améliorer, c'est ce que vous dites.

Mme Landry (Nadine) : Ça ne va pas s'améliorer, à moins qu'il y ait un changement en quelque part.

Mme Robitaille : O.K. Bon. Relativement à l'immigration humanitaire, tout ce qui est engagement humanitaire du Québec, là aussi, il semble qu'on change un peu... qu'on réoriente le tir. Mais est-ce que c'est réaliste? Par exemple, les demandeurs d'asile, on ne peut pas... Comme vous le disiez tout à l'heure, il n'y a pas de contrôle que le Québec peut avoir là-dessus. Est-ce que je me trompe?

Mme Middlemiss (Lisa) : C'est ça. C'est une responsabilité fédérale en ce qui concerne le traitement des demandes d'asile faites au Canada.

Mme Landry (Nadine) : Donc, il y a eu énormément de demandeurs, là, on se rappelle, à l'été 2017, qui sont arrivés au sud du Québec en provenance des États-Unis, donc 2017‑2018. Le fédéral vient de fermer la porte. Donc, tous ces gens-là vont... leur demande d'asile va être traitée. Après ça, ils vont faire leur demande de résidence permanente. On comprend mal comment on peut prévoir que les chiffres vont baisser.

Mme Robitaille : Oui. Donc, parce qu'il y a ces gens-là qui demandent l'asile, puis ensuite les dossiers sont traités par la Commission de l'immigration, puis eux décident, puis le Québec n'a aucune prise là-dessus.

Mme Landry (Nadine) : ...compétence fédérale.

Mme Robitaille : Et en...

La Présidente (Mme Chassé) : ...

Mme Robitaille : Pardon?

La Présidente (Mme Chassé) : Il reste une minute au bloc.

Mme Robitaille : Une minute. Et en contrepartie il y a aussi... il y a tous ces réfugiés-là qu'on choisit et qu'on amène chez nous. Donc, c'est... Est-ce que je me trompe, mais c'est finalement... si on décide de geler les seuils des gens, des réfugiés qu'on veut faire venir chez nous, c'est ces gens-là qui vont être pénalisés. On va avoir moins de ces gens-là. On... Notre engagement humanitaire va être moindre.

Mme Middlemiss (Lisa) : Oui. «I mean»... On le voit dans le plan pour les trois prochaines années. Malgré l'orientation que... «You know», l'engagement humanitaire du Québec est important. Si on regarde les admissions projetées 2020 à 2022, on voit une diminution prévue non seulement pour les réfugiés sélectionnés à l'étranger, qui est la compétence du Québec, mais les réfugiés reconnus sur place au Canada. C'est très difficile à prévoir parce qu'on ne sait pas combien de monde va faire une demande d'asile au Canada et...

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je suis désolée. Ça termine le bloc d'échange avec le parti formant l'opposition officielle. Nous sommes rendus maintenant à la deuxième opposition. M. le député de Laurier-Dorion, vous avez un bloc de 2 min 45 s. La parole est à vous.

M. Fontecilla : Merci. Bonjour, mesdames. Très simplement, est-ce que vous pensez que le seuil proposé en ce moment respecte l'Accord Canada-Québec?

Mme Middlemiss (Lisa) : Je ne pense pas que les seuils en ce moment respectent l'esprit de l'accord. Et l'accord... Ma compréhension de l'accord, c'est s'il y a... un instrument quasi constitutionnel.

M. Fontecilla : ...pourrait amener différentes parties, soit le gouvernement fédéral ou le gouvernement du Québec, à reconsidérer cet accord-là?

Mme Middlemiss (Lisa) : Est-ce que vous pouvez répéter votre question? Je...

M. Fontecilla : Est-ce que cette situation pourrait amener une des parties à vouloir reconsidérer l'Accord Canada-Québec?

Mme Landry (Nadine) : Bien, disons...

M. Fontecilla : Est-ce que ça donne une raison pour...

Mme Landry (Nadine) : Certaines orientations du gouvernement nécessitent une négociation avec le fédéral. Disons que ça... à notre avis, ça ne nous place pas dans une super position pour négocier.

Mme Middlemiss (Lisa) : Et vu la place importante dans le plan juridique constitutionnel, je pense, ce serait... d'ouvrir l'accord, ce serait vraiment une affaire significative pour les deux parties.

M. Fontecilla : Et, dites-moi, vous avez mentionné quelques éléments qui rendent plus difficile l'immigration au Québec par rapport à d'autres provinces. Concernant la réunification familiale, il y a une baisse de cible qui est prévue. Est-ce que cela peut aussi diminuer l'attrait du Québec, là, par rapport à un certain type d'immigration qui voudrait amener des parents, etc.?

Mme Middlemiss (Lisa) : Bien, c'est sûr que la réunification familiale est importante pour les gens qui souhaitent voir leur famille accueillie bras ouverts dans n'importe quelle province, et, «you know», je pense que certains clients posent des questions. Si les seuils sont prévus d'être moins bas... moins élevés, est-ce que leur demande d'engagement vers... sur la classe familiale au Québec va être traitée plus longtemps, un peu plus longue? Est-ce que le traitement va être plus long au fédéral aussi vu ces cibles d'admission moins élevées?

C'est préoccupant, mais, en même temps, l'accord prévoit que le Québec n'a pas la compétence sur réunification familiale. Alors, c'est un enjeu particulier.

La Présidente (Mme Chassé) : Ceci met fin au bloc avec la deuxième opposition. Maintenant, on est rendu à la troisième opposition. Mme la députée de Gaspé, la parole est à vous.

Mme Perry Mélançon : Merci. Bonjour, mesdames. Vous disiez, je crois que c'est dans la recommandation... le point 7, que vous êtes en opposition contre toute condition, y compris favoriser l'intégration linguistique, quand il s'agit de la résidence permanente. Donc, je voulais savoir simplement, pour vous, parce que vous parliez qu'on a des gens compétents, qu'après quatre, six ans, parce qu'ils n'ont pas cette compétence-là linguistique on les perd, bien, c'est quoi, votre... ce serait quoi, la solution pour améliorer la francisation, et tout? Et pourquoi vous êtes en désaccord à ce qu'il y ait des conditions d'imposées?

• (11 heures) •

Mme Landry (Nadine) : Parce qu'on est des juristes, donc on est pour la charte qui prévoit la mobilité à travers le Canada. Puis, quand vous dites qu'un candidat n'apprend pas dans les quatre à six ans, il est souvent intégré en emploi...

Mme Perry Mélançon : ...

Mme Landry (Nadine) : ...oui, c'était votre propos. Les enfants sont francisés. Les enfants, avec la loi 101, vont à l'école en français. Donc, à long terme, ce sera une famille intégrée. On salue, par contre, l'initiative du gouvernement d'ouvrir les cours de français aux résidents temporaires, ce qui n'était pas le cas avant. Donc, ça, on pense que ça va effectivement grandement aider.

Mme Perry Mélançon : Puis, pour maximiser, par exemple, la régionalisation, vous en avez parlé un peu pour qu'on puisse avoir les immigrants partout au Québec, selon vous, de quelle manière est-ce qu'on pourrait améliorer la grille de sélection? Vous êtes en faveur d'avoir plus de jeunes, sans qu'il y ait un impact pour les résidents les plus âgés avec des compétences, et tout, donc qu'est-ce qui serait à améliorer dans la grille de sélection, selon vous?

Mme Landry (Nadine) : ...on peut se positionner là-dessus, on n'a pas discuté de ça avec nos membres.

Mme Perry Mélançon : O.K. Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Alors, ceci met fin à votre exposé, au bloc d'échange. Merci beaucoup pour votre contribution.

Je suspends temporairement la commission pour permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 2)

(Reprise à 11 h 3)

La Présidente (Mme Chassé) : Oui, je vous invite à prendre place. Et je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de l'Association Restauration Québec, et je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. À une minute de la fin, je vais vous faire un signe, comme ça, ça vous donnera l'allée pour pouvoir bien conclure. Et ensuite nous aurons une période d'échange. Je vous invite, tout d'abord, à vous présenter puis à débuter votre exposé. Allez-y.

Association Restauration Québec (ARQ)

M. Arsenault (Vincent) : Merci. Mme la présidente de la commission, M. le ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion, Mmes, MM. les députés, bonjour. Je me présente, je suis Vincent Arsenault. Je suis propriétaire du restaurant Tomate Basilic, situé dans la circonscription de Pointe-aux-Trembles, dans l'est de Montréal. J'emploie présentement 50 employés, dont 30 sont à temps plein. Je suis également le président du conseil d'administration de l'Association des restaurateurs du Québec, qui était auparavant appelée Association des restaurateurs du Québec — vous voyez, je l'ai dit deux fois — mais qui a conservé l'acronyme ARQ.

Je suis accompagné, à ma gauche, de M. Hugues Philippin, propriétaire du restaurant Chic Alors!, situé dans la circonscription de Louis-Hébert à Québec, et administrateur au conseil d'administration de l'ARQ. M. Philippin emploie 45 employés, dont 14 à temps plein. Aussi, à ma droite, le vice-président aux affaires publiques et gouvernementales de l'ARQ, M. François Meunier. Font aussi partie de notre délégation, à titre de participants silencieux, derrière nous, le président-directeur général de notre association, M. Alain Mailhot et l'analyste-recherchiste, Mme Julie Couture.

Évidemment, nous voulons commencer notre intervention en remerciant la Commission des relations avec les citoyens de nous recevoir aujourd'hui pour discuter d'un dossier devenu crucial pour notre industrie, soit l'immigration.

L'Association Restauration Québec, avec ses 5 600 membres, est la plus importante association de gestionnaires de restaurants au Québec et elle est aussi la plus ancienne au Canada. L'industrie de la restauration au Québec est composée d'environ 20 000 entreprises, essentiellement des petites et des moyennes, employant globalement près de 220 000 personnes dans toutes les régions du Québec. D'ailleurs, l'ARQ se plaît à dire que, dans chaque ville et village au Québec, il y a une église, une caisse populaire et un restaurant, même si, depuis quelque temps, il ne reste plus, bien souvent, que le restaurant capable d'accueillir la clientèle locale, mais pour combien de temps?

En effet, une ombre importante plane sur l'industrie. La pénurie actuelle de travailleurs, qui sévit depuis quelques années déjà, risque de limiter grandement la croissance, voire mettre en danger le maintien de nos activités. Il n'est pas rare de voir plusieurs de mes collègues limiter leurs journées ou heures d'ouverture et réduire leur capacité d'accueil ou, plus tristement, fermer leurs portes pour ces raisons. Selon une estimation de Raymond Chabot Grant Thornton, environ 5 500 postes d'aide de cuisine, de plongeur, de préposé au comptoir, 2 700 postes de cuisinier et 1 800 postes de serveur seront à pourvoir dans la restauration au Québec en 2025. Dans les faits, ça ne sera probablement plus cela puisque déjà, au plus fort de la saison touristique 2018, près de 14 000 postes étaient à pourvoir au total dans la restauration au Québec.

Ce manque de travailleur en restauration n'est pas quelque chose de conjoncturel, mais bien un problème démographique. Depuis longtemps, l'industrie recrute principalement sa main-d'oeuvre dans le bassin des jeunes travailleurs âgés entre 14 et 24 ans. Ces travailleurs occupent près de la moitié des emplois en restauration. Or, ce groupe d'âge a connu une décroissance de 8 % depuis 2012. Il faudra au moins 10 ans avant de revenir au même niveau que 2012, soit pour retrouver, sur le marché du travail, un peu plus de 1 million de jeunes âgés entre 18 et 24 ans. Pour compenser cet effet, même si ce n'est pas l'unique solution, l'immigration est un outil indéniable pouvant atténuer la pénurie actuelle de main-d'oeuvre. Recourir aux travailleurs étrangers, autant temporaires que permanents, est essentiel pour maintenir nos activités, notamment dans les régions. C'est pourquoi l'ARQ lance aujourd'hui un véritable cri d'alarme afin que des mesures concrètes soient mises en place pour alléger notre fardeau et celui de milliers de PME du Québec. Je laisse mon collègue Hugues Philippin vous en identifier quelques-unes.

M. Philippin (Hugues) : Merci, Vincent. En lisant le document de consultation, notamment à la lumière de l'orientation 3, on note que le gouvernement souhaite privilégier la transition de personnes ayant un statut temporaire vers un statut d'immigrant permanent. L'ARQ n'est pas contre une telle direction, mais bien au contraire. Mais, pour que cela fonctionne, de nombreuses choses devront être corrigées.

La première, les procédures pour faire venir des travailleurs dans le cadre du Programme de travailleurs étrangers temporaires sont trop lourdes et coûteuses pour les gestionnaires de PME, entre autres. Nous devons afficher le poste pendant au moins quatre semaines, l'affichage doit être fait dans au moins trois publications ou sites différents, dont un doit être le guichet emploi d'Emploi et Développement social Canada. On doit aussi fournir un plan de transition afin de réduire la dépendance de l'entreprise à l'embauche de travailleurs étrangers temporaires, remplir deux formulaires, dont un de 18 pages, débourser 1 392 $ par travailleur en frais de traitement non remboursables en cas de refus, et, pour des postes à bas salaire, l'employeur doit prendre en charge le transport aérien aller-retour, l'assurance maladie et un service d'assistance pour le logement.

Alors, malgré ces nombreuses exigences, sachez qu'il faudra attendre environ six mois avant l'arrivée du travailleur. Et c'est sans compter le fait que les postes comme plongeur ou aide de cuisine sont refusés d'office dans certaines régions. Pourtant, ce sont des métiers dont les besoins sont les plus criants. Et, évidemment, un programme gouvernemental exclut certaines fonctions de travail et, par conséquent, force des exploitants qui manquent de ressources à réduire considérablement les journées, ou les heures d'exploitation, ou, pire encore, à fermer leur entreprise carrément. Je tiens à rappeler que, avec les coûts associés à la venue de travailleurs étrangers et les efforts devant être consentis pour ce faire, les employeurs de la restauration ne se tournent vers le recrutement international qu'en dernier recours, et c'est parce qu'on n'a pas d'autre choix.

Comme l'industrie de la restauration, comme celle du tourisme est ancrée dans toutes les régions du Québec, à l'instar de l'agriculture, pourquoi ne pas s'inspirer, justement, des programmes de travailleurs agricoles, qui sont nettement plus flexibles? On ne demande aucuns frais, aucune obligation de concevoir un plan de transition, et l'affichage du poste n'est de seulement 14 jours. Il est aussi possible de partager le même travailleur entre plusieurs employeurs, une option qui serait intéressante pour les entreprises saisonnières de notre secteur. Il est vrai que tous ces éléments relèvent du gouvernement fédéral.

L'ARQ croit donc que le gouvernement du Québec a peut-être la solution à sa portée en négociant une nouvelle entente permettant, à tout le moins pour le Québec, d'autoriser les employeurs voulant embaucher les travailleurs peu qualifiés à pouvoir le faire, et d'assouplir les modalités du programme en calquant celles-ci sur celles des volets agricoles. Un rapatriement complet de la gestion du programme de travailleurs étrangers temporaires par le gouvernement du Québec pourrait être aussi à considérer. L'immigration permanente et l'accompagnement des entreprises sont aussi deux enjeux cruciaux, dont nous entretiendra mon collègue François Meunier.

• (11 h 10) •

M. Meunier (François) : Alors, merci beaucoup, Hughes, et merci de votre accueil, MM., Mmes les députés.

L'objectif de favoriser un meilleur arrimage entre les besoins du marché du travail et la sélection des candidats à l'immigration en est un que nous appuyons fortement. Reste maintenant à définir ce que l'on entend, notamment à l'orientation 4, par travailleur qualifié. Rappelons que notre industrie, et dans bien d'autres secteurs d'ailleurs, que ce sont surtout les postes non qualifiés que l'on retrouve et que l'on retrouvera en situation de pénurie le plus fortement dans les prochaines années. Il est donc essentiel que l'immigration économique permanente soit ouverte aussi aux travailleurs peu qualifiés, qu'il soit possible pour ces personnes, dont le profil répond aux besoins des entreprises du Québec, de créer un compte dans la plateforme Arrima et de déposer une déclaration d'intérêt.

Aussi, nous avons noté, avec un grand enthousiasme, l'orientation du gouvernement d'appuyer les entreprises dans leurs démarches de recrutement à l'international. Outre les irritants dont vous a fait part Hughes, et touchant principalement le gouvernement fédéral, nous espérons que les actions prises dans cette orientation vont permettre une amélioration et un assouplissement du traitement. Et, dans la gestion des dossiers d'immigration, nos membres nous ont partagés certaines de leurs préoccupations, notamment que le traitement des demandes pour plusieurs postes par le même employeur soit fait par un seul conseiller unique du MIDI plutôt que par autant de conseillers différents, qu'il y ait autant de dossiers à traiter, qu'on prenne davantage en compte l'expérience du travailleur candidat... du candidat à l'immigration plutôt qu'uniquement la formation.

Évidemment, il y a un autre facteur qui doit être aussi considéré par le gouvernement, c'est de faciliter... outre faciliter les démarches de recrutement, ce sont les coûts importants qu'elle occasionne... que le recrutement étranger occasionne. Rares sont, en effet, les entreprises de restauration qui peuvent profiter d'une personne attitrée à la fonction ressources humaines, c'est, bien souvent, le propriétaire qui s'en occupe.

Devant un processus complexe où personne ne veut faire d'erreurs qui risquent de retarder l'étude du dossier, les gestionnaires n'ont habituellement pas le choix d'aller vers des consultants externes, qui facturent en moyenne, outre les frais exigés par le gouvernement, des coûts au-delà... qui peuvent... qui dépassent souvent, là, 4 000 $ par travailleur recruté. Et, disons-le, alors, il s'agit d'un coût important qui est un frein pour plusieurs pour aller recruter à l'international.

La solution est simple. Selon nous, il faut que l'accompagnement proposé par le ministère...

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste moins d'une minute.

M. Meunier (François) : ... — c'est bien noté — se traduise par un soutien personnalisé. Je vais laisser notre président conclure.

M. Arsenault (Vincent) : Donc, la restauration est l'une des industries qui a pu compter le plus et qui compte encore beaucoup sur l'immigration pour assurer son développement. Aux restaurants de cuisine canadienne proposés aux plus âgés d'entre nous se sont ajoutés, au fil des décennies, les mets chinois, vietnamiens, français, grecs, et j'en passe, c'est ce qui donne aujourd'hui à la restauration du Québec un goût si international. Nous espérons que nos propos permettront aux membres de la commission de mieux comprendre les besoins des employeurs de la restauration par rapport au sujet crucial qu'est l'immigration.

La Présidente (Mme Chassé) : En terminant.

M. Arsenault (Vincent) : Je souhaite à nouveau remercier le ministre et les parlementaires de nous avoir reçus aujourd'hui. Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous pour un bloc d'échange de 15 min 45 s.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. M. Arsenault, M.Philippin, M. Meunier, bonjour. Merci d'être à l'Assemblée et d'avoir présenté votre mémoire.

Écoutez, d'entrée de jeu, je veux vous dire que je suis très sensible à ce que vous exposez relativement aux difficultés de votre industrie à recruter des travailleurs. Et, vous le dites bien, dans chacune des régions, dans chaque village, au Québec, il y a souvent un restaurant où... ça assure la vitalité aussi de nos régions et il faut s'assurer que, supposons, quand on a une communauté, bien, les gens puissent se restaurer, alors je suis très sensible à cette réalité-là, surtout aux retombées économiques que ça amène aussi dans les différentes collectivités.

Sur la question du Programme des travailleurs étrangers temporaires, le gouvernement du Québec est en discussion avec le gouvernement fédéral depuis plusieurs mois, et, vous l'avez bien dit, ça prend un assouplissement de la part du gouvernement fédéral. Et c'est les demandes que je porte au nom du gouvernement du Québec depuis plusieurs mois déjà. Et c'est important que le gouvernement fédéral comprenne l'importance du marché du travail québécois, notamment au niveau des assouplissements qui doivent être apportés au Programme des travailleurs étrangers temporaires en ce qui concerne, justement, l'affichage. Ce que nous proposons au gouvernement fédéral, c'est que le Québec ait la seule juridiction au niveau de l'étude d'impact du marché du travail, notamment pour réduire les délais associés à ça au niveau de la période de l'affichage, pour faire en sorte aussi que le plafond de 10 % ne soit plus présent et pour faire en sorte aussi qu'on puisse étendre la durée du permis de travail. Je pense que ça pourrait donner un bon coup de main aux différentes entreprises comme la vôtre pour répondre à ces besoins-là.

Ce que je voulais vous demander, c'est... Au niveau du pourcentage de travailleurs temporaires versus au niveau des immigrants permanents, quand vous dites : On veut aller de l'avant avec l'immigration notamment parce qu'on a des emplois à combler en matière de restauration, vous dites : Ça peut être une avenue, le recours aux travailleurs temporaires. Dans quelle proportion?

M. Meunier (François) : Écoutez, c'est extrêmement difficile de répondre à cette question-là. Je pense qu'au niveau des programmes de travailleurs étrangers temporaires, actuellement, dans le volet vente et services, où notre industrie se retrouve, je pense, c'est à peine 500 travailleurs par année présentement. Or, une des raisons principales, c'est parce que c'est bien trop compliqué. Sachez que, par contre, que notre association a conclu une entente avec une firme de consultants externes dans les derniers mois et que, déjà depuis le mois d'avril, on a une forme d'accompagnement via une entreprise privée pour permettre aux entreprises de recruter. D'ailleurs, M. Philippin, si vous le souhaitez, pourra vous faire état, il y a déjà deux travailleurs qui sont arrivés, il y en a un autre qui s'en vient à l'automne.

Donc, ce n'est pas que l'immigration est impossible, c'est que... sachez que c'est extrêmement lourd à supporter pour les petites entreprises non seulement en termes de coûts, mais également en termes de bureaucratie, et le gouvernement peut faire beaucoup, allant dans ce sens-là.

Et, pour nous, que ce soit le fédéral ou le provincial, ce n'est pas ça qui nous importe, c'est que finalement... c'est que ça soit plus simple et qu'on puisse venir... les travailleurs dont on a besoin, ce qui est évidemment... demeure quand même un enjeu de taille, parce que, présentement, nous n'avons que deux fonctions, chef et cuisinier diplômé, qui bénéficient du programme simplifié, hein, au niveau du Programme des travailleurs étrangers temporaires. Et qui dit traitement simplifié, là, je veux tous vous le dire, ce n'est pas parce que c'est plus simple, c'est juste parce que c'est moins compliqué puis que ça peut aller un petit peu plus vite que les autres, mais ça demeure quand même quelque chose qui est trop lourd.

Alors, on sent très bien la volonté du gouvernement actuellement d'accompagner puis de supporter les entreprises. Mais, à la fin, si on ne fait venir que des ingénieurs puis des informaticiens quand 50 % des besoins de main-d'oeuvre des entreprises du Québec, c'est travailleurs peu ou non qualifiés, on ne réglera pas notre problème.

M. Jolin-Barrette : Et, ultimement, lorsque vous dites : Écoutez, on pourrait aller vers les travailleurs temporaires, votre objectif pour les entreprises, c'est de s'assurer qu'ils puissent demeurer en poste et immigrer de façon permanente?

M. Meunier (François) : Je pense qu'Hugues peut peut-être témoigner de ça, il travaille déjà à s'assurer que ses travailleurs vont rester après le deux ans de contrat, là.

M. Philippin (Hugues) : ...fait le processus d'embauche, surtout pour une petite entreprise comme la mienne, on espère les garder. Alors, on va tout faire ce qu'il est possible pour intégrer ces employés-là à la société, pour les franciser s'ils ont besoin d'être francisés. Alors, en effet, là, ce serait au moins d'avoir... un baume, un peu, sur le problème, c'est d'avoir un employé pour remplir le poste, puis, après ça, on peut s'activer à l'intégrer le plus possible puis l'inciter à s'établir au Québec.

M. Jolin-Barrette : O.K. Puis, lorsque vous dites : Bien, on veut participer à l'intégration, à la francisation, c'est quoi, les mesures que, supposons, dans votre secteur, les employeurs peuvent mettre de l'avant ou qu'ils souhaitent mettre de l'avant justement pour participer à cet effort-là? Parce que l'immigration, ce n'est pas juste unidirectionnel, là, c'est la société d'accueil aussi. Alors, comment les employeurs peuvent participer à la francisation et à l'intégration?

M. Philippin (Hugues) : ...quand tu travailles dans une entreprise comme un restaurant, c'est un... Il y a beaucoup d'employés dans les restaurants. C'est une entreprise qui embauche beaucoup de gens au pied carré par rapport à peut-être d'autres industries. Alors, tout de suite en partant, ils sont immergés dans un bassin de gens locaux. C'est des gens aussi qui proviennent de tous les milieux, parce que l'industrie de la restauration, je ne pense pas qu'il y a une industrie plus inclusive que la nôtre. Alors, ils sont plongés dans un bassin, ils sont... ils communiquent sans cesse avec d'autres travailleurs et puis ils sont... ils font partie d'un milieu local aussi. Donc, nous, pour les deux... en tout cas, les deux qui sont déjà en poste et les prochains qui viennent, on fait tout dans notre possible pour leur montrer elle est où, l'épicerie, la caisse populaire, on leur fait goûter de la poutine. Alors donc, ils sont vraiment intégrés dans l'équipe, puis on demande aussi aux autres équipiers, même si c'est naturel, de les inclure dans leurs sorties, dans leurs activités. Alors, ces gens-là s'intègrent très rapidement puis ils sont enchantés de l'accueil que le Québec a fait envers eux autres.

• (11 h 20) •

M. Arsenault (Vincent) : Peut-être rajouter, par rapport à ça, on est quand même un milieu qui est très intégrateur. Donc, notre industrie, sur une prestation, il n'y a pas beaucoup de travail individuel à l'intérieur de ça, donc ça facilite aussi l'intégration. On n'a pas le choix de faire en sorte que les gens vont pouvoir contribuer assez rapidement. Donc, il y a un français qui va venir opérationnel assez rapidement puis qui pourra être, par la suite, perfectionné, là, bien entendu.

M. Jolin-Barrette : Puis, au niveau du salaire moyen dans l'industrie, ça se chiffre à combien environ pour les employés?

M. Meunier (François) : Bien, en fait, c'est surtout dépendant des postes de travail. C'est certain qu'au niveau de la cuisine, là, qui est l'essentiel du besoin, on parle de peut-être de 15 $ à 20 $ de l'heure pour la cuisine, mais sachez qu'il y a une pression à la hausse sur les salaires depuis déjà un certain temps. On a des témoignages de gens qui vont chercher des gens en offrant un salaire qui peut être de 25 $ de l'heure, et ils n'en trouvent pas. Alors, il y a... il est clair que c'est un... ce n'est plus nécessairement là l'enjeu, c'est...

Pour les régions, notamment, c'est la saisonnalité qui est le problème. C'est que comment on peut attirer un travailleur pour seulement lui offrir un emploi pendant trois mois? Ça risque d'être beaucoup plus... un défi important, d'où l'utilisation aussi du Programme des travailleurs étrangers temporaires, qui pourrait nous permettre pendant... avoir vraiment des travailleurs temporaires qui répondent à un besoin temporaire et un besoin de courte durée, comme à l'image de ce qu'on retrouve dans l'agriculture. Je pense que tout le monde convient aujourd'hui que, si on n'avait pas les travailleurs étrangers temporaires dans la production maraîchère, notamment, bien, finalement, on ne mangerait que des fraises venant de Californie. C'est certain.

Alors, on ne peut pas nier qu'on a des besoins pour répondre à des besoins qui sont ponctuels. Et, oui, on souhaite tous garder les futurs travailleurs temporaires de manière permanente, mais, dans certains cas, il va peut-être falloir avoir recours au programme pour répondre à des besoins d'entreprise. Je pense, entre autres, aux entreprises du secteur touristique, qui sont encore en haute saison au moment où on se parle, qui vont l'être probablement jusqu'au mois d'octobre, mais, je pense, vous êtes tous à même de constater, allez sur la Côte-Nord, là, après la fête du Travail, tout est fermé parce qu'il n'y a plus de travailleur.

M. Jolin-Barrette : Puis vous diriez, là, face à ce manque de travailleurs là, combien de vos entreprises, de vos membres sont à risque au niveau de la pérennité des entreprises, tu sais, les défis auxquels vous faites face, là, pour assurer, là, la pérennité des entreprises? Il y en a combien qui sont en difficulté?

M. Meunier (François) : Je pense qu'on se ferait accuser de sensationnalisme si on disait que tous les restaurants vont fermer demain matin, mais il est clair que, si on n'a pas la part de l'immigration, soit permanente soit temporaire, on met à risque... c'est vrai qu'on met à risque des emplois de Québécois parce que, dans...

Moi, je me suis promené un peu partout au Québec cet été. J'ai vu des restaurants fermés lundi, mardi, mercredi, donc c'est trois jours de revenus auxquels on renonce. Bien, la rentabilité en est affectée à long terme, et le petit village va très certainement, finalement, en pâtir parce que l'offre non seulement offerte à la population locale, mais également aux touristes, soit étrangers ou même d'ici, va en pâtir. Ça, c'est certain.

On n'est pas là pour vous dire qu'on va tous fermer demain matin, mais c'est certain que les gens aujourd'hui doivent réduire, d'une manière importante, leur potentiel de développement. Vous savez, on est en pleine croissance, là. L'industrie a connu... et, même en 2019, je pense qu'on va connaître une excellente année. On a des années records. On a dépassé 13,5 milliards de ventes dans la restauration au Québec l'an dernier. On n'a jamais atteint des niveaux comme ceux-là. On dépasse l'Ontario. On n'a jamais été à ce niveau-là.

Et ce qui est sur toutes les lèvres, c'est : J'ai les clients, mais je ne suis pas capable de servir tout le monde. Et on risque, à la fin, très certainement, de voir une offre de restauration qui va être de bien moins bonne qualité, et où on retrouve essentiellement une cuisine qui va être industrialisée, standardisée, et on va certainement y perdre sur le plan de la gastronomie et de la qualité du service.

M. Jolin-Barrette : Je vous remercie. Je sais que j'ai des collègues qui veulent poser des questions, mais je retiens de notre échange que vous souhaitez une amélioration au niveau du Programme des travailleurs étrangers temporaires, et, sur ce, il faut que le gouvernement fédéral entende votre message notamment pour faire en sorte de comprendre la réalité des employeurs. Alors, je vous remercie pour votre...

La Présidente (Mme Chassé) : Je crois que c'est la députée de Les Plaines qui prend la parole. Allez-y.

Mme Lecours (Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci, M. le ministre. Merci, messieurs, de ce mémoire, qui est fort intéressant, plusieurs recommandations. M. Arsenault, Tomate Basilic, j'en témoigne, est une très belle table dans l'est de Montréal.

Écoutez, vous avez... dans votre mémoire — je vais aller un petit peu plus pointu — vous parlez d'un contenu didactique qui a été développé par l'ITHQ. La francisation est la clé du succès aussi de l'intégration des nouveaux arrivants. J'aimerais que vous parliez un petit peu du contenu exactement, de quelle façon il serait applicable. Et vous dites qu'il faudrait que ce soit développé dans une prestation informelle. Vous entendez quoi par une prestation informelle?

M. Meunier (François) : En fait, ce qu'on veut vous dire, c'est qu'un restaurant, ça ne deviendra pas un lieu d'enseignement officiel, on n'aura pas de salle de classe. Par contre, un restaurant, comme n'importe quelle entreprise, peut devenir un lieu d'apprentissage et un lieu d'intégration. L'outil dont on vous parle à l'ITHQ, c'est... on possède tous la... non seulement l'infrastructure, mais également tout un vocabulaire pour assurer, finalement, une utilisation de termes français dans l'exploitation de nos établissements.

On a ce qu'il faut pour que les gens utilisent les termes qui sont français, et le fait de côtoyer les autres collègues va avoir évidemment un effet extrêmement positif sur l'apprentissage du français des futurs immigrants, qui en ont besoin, parce que, sachez-le, ce n'est pas nécessairement vrai que ces gens-là vont devoir apprendre la langue.

Il y a beaucoup de nos travailleurs qui proviennent déjà de l'Europe francophone ou même d'autres pays de la Francophonie, qui ne demanderaient que de pouvoir profiter de notre société pour élever leurs enfants, de système d'éducation. Et notre industrie a toujours été traditionnellement... vous savez, il y a un paquet de nouveaux arrivants qui sont arrivés dans les années 60, les années 50, qui ont, finalement, commencé à gagner leur vie en ayant un restaurant pour, par la suite, évidemment, retourner à l'école, s'assurer d'avoir la réciprocité de leur diplôme, puis, s'ils étaient ingénieurs, bien, ils ont pu exercer leur métier d'ingénieur. Mais, pour gagner leur vie en commençant ici, bien, tout ce qu'il leur restait, c'était de pouvoir accueillir des gens pour faire découvrir leur cuisine. Alors, on s'aperçoit que, finalement, il y a un succès naturel qui se fait.

Mais, oui, c'est vrai que l'industrie est en mesure... pourrait, par exemple, participer à des programmes de francisation, d'une certaine manière, pour s'assurer que ces travailleurs apprennent la langue. Mais je veux juste vous préciser qu'on ne parle jamais de 20 travailleurs d'un coup, là, on n'est pas Olymel, qui peut faire venir 200 travailleurs, qu'on est capable d'asseoir dans une même salle pour leur faire apprendre le français. Non, c'est un, ou deux, ou peut-être trois. Donc, à ce moment-là, d'avoir un professeur de français, en entreprise, qui... ça demeure quelque chose qui est un petit peu irréaliste et peu pertinent.

La Présidente (Mme Chassé) : Il reste une minute au bloc d'échange.

Mme Lecours (Les Plaines) : ...parce que vous parlez aussi du milieu agricole, qui partage les ressources, et vous parlez du partage des ressources. Est-ce que c'est réalisable et pensable que dire, dans votre milieu, ça pourrait être fait, ça?

M. Meunier (François) : Regardez, présentement, on ne peut pas le faire, mais je pense à des entreprises en région, en Gaspésie ou ailleurs, un travailleur... par exemple, dans le milieu de l'hôtellerie, les préposés à l'entretien ménager ne sont pas admissibles à aucun programme de travailleurs étrangers. Or, très certainement que des préposés à l'entretien ménager pourraient être partagés entre plusieurs établissements hôteliers pour finalement s'assurer que les chambres soient propres et accueillir adéquatement la clientèle.

Vous savez, on est extrêmement créatifs et imaginatifs pour être capable d'aménager les horaires, puis on pourrait le faire très certainement pour s'assurer que, finalement, si on n'a pas accès à une main-d'oeuvre permanente, minimum 30 heures-semaine...

La Présidente (Mme Chassé) : En terminant.

M. Meunier (François) : ...bien, qu'on puisse avoir accès à 20 heures-semaines, mais le même employé dans deux entreprises.

La Présidente (Mme Chassé) : Je vous remercie. Ça termine le bloc d'échange avec la partie formant le gouvernement. Nous sommes maintenant rendus à l'opposition officielle. M. le député de Nelligan, vous prenez la parole.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Messieurs, merci. Bienvenue à la commission.

Écoutez, ma première question... La situation ne date pas d'aujourd'hui et je partage, avec vous, votre cri d'alarme, un cri d'alarme qui est partagé par plusieurs autres partenaires, notamment le Conseil du patronat, et je cite monsieur... le P.D.G. du Conseil du patronat, M. Yves-Thomas Dorval : «Je pense que la situation est alarmante un peu partout au Québec.» Et c'est là ma première question : Avez-vous déjà eu une invitation de la part du ministère de l'Emploi pour parler de votre situation, ou le MIDI?

• (11 h 30) •

M. Meunier (François) : Oui, et plusieurs fois. Vous savez, moi, j'ai participé, je pense, au moins à une dizaine de forums, de colloques...

M. Derraji : Je ne parle pas de forums. La situation est alarmante, on parle de restaurants qui ferment, vous avez énuméré toute une liste. Moi, devant une situation pareille, ce n'est pas les forums avec qui... où on va traiter, on va trouver les solutions, vraiment une rencontre avec le ministre responsable pour trouver des solutions concrètes rapidement.

M. Meunier (François) : Pas avec le gouvernement actuel, mais, oui, avec les gouvernements précédents, on a eu des... on a quand même eu des rencontres pas plus tard qu'au printemps avec toute une série de sous-ministres au gouvernement, où on a pu échanger de ces problématiques-là.

M. Derraji : Merci. Merci. Au fait, ce que vous avez soulevé, je ne pense pas... et corrigez-moi si je me trompe, je ne veux pas qu'on parte d'ici et on comprend que la seule solution que vous avez sur la table, c'est le Programme des travailleurs étrangers. Est-ce que vous pouvez juste clarifier? Parce que j'ai l'impression qu'on a compris qu'on veut parler avec le fédéral pour travailler, encore une fois, le Programme travailleurs étrangers. Et la seule solution que vous avez sur la table maintenant, c'est ce programme, oui ou non?

M. Meunier (François) : Non, non, parce que l'immigration permanente aussi, pour nous, est importante, et il y a un besoin, et on se retrouve avec les mêmes problématiques. Pour nous, bien, c'est... regardez, il est clair que, par exemple, prenons les seuils d'immigration. On est membres du Conseil du patronat, M. le député, alors c'est certain qu'on appuie la position d'augmenter les seuils, mais, pour nous, ce n'est pas tant le seuil qui est important, c'est le profil des travailleurs. C'est que, demain matin, là, si on fait venir 60 000 diplômés avec des maîtrises universitaires, là, qui ne pourront pas travailler dans les restaurants, je n'aurai rien gagné, l'industrie n'aura rien gagné.

M. Derraji : Justement. Justement, c'est dans ce sens...

M. Meunier (François) : Alors, c'est là qu'il faut...

M. Derraji : Justement, dans ce sens, j'aimerais bien vous entendre par rapport à la grille de sélection, parce que, là, vous touchez le coeur même du problème. Vous avez dit : Les travailleurs non qualifiés, vous avez mentionné le Programme des travailleurs temporaires étrangers, mais là je suis là pour vous aider, vous accompagner à trouver des solutions. C'est ça, mon but, aujourd'hui. Et j'aimerais bien que l'équipe du gouvernement et le ministre vous écoutent aussi. Je ne veux pas qu'on parte d'ici et on pitche le problème au fédéral et que le seul problème... la seule solution, c'est le Programme des travailleurs étrangers. Là, vous rajoutez une autre solution, c'est l'immigration permanente, vous ajoutez que vous n'êtes pas d'accord avec les seuils et, un peu plus loin, revoir la grille de sélection. Est-ce que c'est ça?

M. Meunier (François) : Regardez, on n'est pas des spécialistes, hein, de l'immigration puis des politiques d'immigration. Tout ce qu'on est venus vous témoigner aujourd'hui, c'est que, présentement, le modèle ne fait pas le travail, il ne fait pas le travail pour des entreprises qui ont des besoins importants en termes de main-d'oeuvre, mais même, dans certains cas, des travailleurs qu'on dit qualifiés, c'est extrêmement complexe. On fait une analyse, par exemple, de la formation académique, on regarde le cursus, on regarde non seulement le cursus du cours, mais on regarde même le contenu de chacun des cours et on va arriver à la fin, dire : Ah! ce travailleur-là, il lui manque 50 heures.

Vous savez, la situation actuelle est tellement, quand même, sensible que ça mérite peut-être des solutions puis une adaptation à des politiques qui sont quand même... doivent être agressives. Parce que je comprends que, par le passé, que ce soit avec le Programme des travailleurs étrangers temporaires, tout ça était mis en place pour régler des problèmes ponctuels, des problèmes qui étaient temporaires dans le temps. Or, le temporaire, là, la pénurie de main-d'oeuvre, là, c'est pour la prochaine décennie. Alors, à problème sur 10 ans, on doit peut-être apporter des correctifs.

Et vous savez qu'au fédéral, puis le provincial pourrait le faire, mais on a toutes sortes de projets pilotes. Dans les Maritimes, on accorde des contrats de travail à des gens qui... uniquement basé sur leur expérience de travail soit ici soit ailleurs. Alors, il va falloir, à un moment donné, qu'on soit beaucoup plus souples par rapport à ce qu'on est aujourd'hui pour permettre aux...

Mais on comprend qu'il faut encadrer tout ça, on ne peut pas faire n'importe quoi non plus, mais c'est vrai que, présentement, c'est extrêmement compliqué. Et parlez-en au maire Labeaume, qui a promis à une boulangère un emploi au Québec lors d'une visite à Bordeaux il y a quelques années, puis ça lui a pris 10 ans... deux ans avant d'être capable de la faire venir. Donc, c'est ça, notre réalité.

M. Derraji : Très d'accord avec vous, M. Meunier. Et, je l'ai dit d'entrée de jeu, mon but, aujourd'hui, c'est faire comprendre votre situation. Vous êtes à la bonne place pour faire avancer vos idées, et nous sommes là pour trouver des solutions. Le ministère, avec cette démarche, entend déposer, au mois de novembre, sa stratégie pour les deux prochaines années. C'est très important, ce que vous êtes en train de dire.

Donc, moi, d'ici novembre, si je n'ai pas, sur la table, une solution qui va répondre à l'ensemble de vos besoins, parce que ça part de nos régions, de la vitalité de nos régions et une industrie très importante, je vais être très déçu.

Donc, aujourd'hui, je vous relance une deuxième fois. Oubliez les anciens forums. Aujourd'hui, vous êtes sur une table avec M. le ministre. Vous avez trois ou quatre propositions pour répondre maintenant à cette situation, pour répondre maintenant à ce cri d'alarme que vous êtes venus nous lancer aujourd'hui. C'est un cri d'alarme. On doit vous écouter, messieurs. Ça serait quoi, vos trois propositions, ou quatre, ou cinq? Qu'est-ce qu'on doit faire aujourd'hui pour bouger?

M. Meunier (François) : Bien, c'est clair qu'il faut être en mesure d'aller... de pouvoir recruter des travailleurs peu ou moins qualifiés, c'est certain, puis qu'on aide les entreprises. On peut aider les entreprises de deux manières, et ça peut se faire de manière parallèle en ayant un agent, un conseiller du MIDI ou d'un autre organisme qui puisse accompagner les entreprises dans leurs démarches d'immigration à l'étranger.

Et, considérant les coûts et la nécessité de faire appel à des firmes extérieures pour atténuer les importants coûts... M. Philippin a fait venir un travailleur à bas salaire, là. C'est 8 000 $, sa facture. Alors, on souhaite qu'il soit là à vie, hein? Parce que la rentabilisation de tout ça ne sera pas facile.

Bien, il est clair que, pour nous, on recommande au gouvernement d'accorder aux entreprises qui doivent obligatoirement utiliser des consultants externes pour recruter à l'étranger, de profiter d'un crédit d'impôt remboursable afin d'atténuer les impacts financiers sur l'entreprise.

M. Derraji : ...proposition, revoir la grille de sélection, parce que, comme vous le savez, il y avait le projet de loi n° 9, que vous avez sûrement suivi, qui... Le ministre et le ministère pensent révolutionner le système de l'immigration. Donc, nous sommes toujours en train de suivre comment ce système va vous aider. Donc, on parle de la grille de sélection, premier point. Deuxième point, vous demandez de l'accompagnement. Troisième point, les coûts de recrutement. Donc, si j'ai bien compris, une sorte de reçu ou un truc fiscal par rapport à ces coûts que vous supportez et de l'aide par rapport à des firmes spécialisées en recrutement. Est-ce que j'ai bien résumé un peu...

M. Meunier (François) : Peut-être, si on doit faire appel à une firme, de pouvoir profiter d'une réduction fiscale provenant du gouvernement, bien sûr.

M. Derraji : Un avantage fiscal par rapport aux frais?

M. Meunier (François) : Aux coûts...

M. Derraji : Aux coûts que vous payez pour aller chercher de la main-d'oeuvre extérieure.

M. Meunier (François) : Tout à fait.

M. Derraji : Une toute dernière question. Je ne veux pas dramatiser, hein? Parce qu'on le voit dans le... Le rapport, il est très clair. Donc, si on a très bien lu le rapport, aujourd'hui, on doit tous essayer d'être en mode collaboration avec vous. Est-ce que vous pensez... parce que, là, on le voit dans plusieurs régions, est-ce que vous pensez que l'avenir de la restauration, au Québec, est très menacé?

M. Meunier (François) : Notre industrie est fragilisée par la pénurie de main-d'oeuvre. C'est un des enjeux principaux. Quand on parle avec d'autres restaurateurs, ce n'est jamais un problème de clientèle, c'est toujours un problème de main-d'oeuvre. Ils sont toujours dans l'incertitude. Est-ce qu'il y aura des travailleurs demain pour le groupe que j'ai accepté de recevoir? Est-ce que je vais avoir un cuisinier lundi? Est-ce que... Alors, on ne sait jamais. Alors, c'est ça, le gros, gros... le gros stress actuellement qui guette les propriétaires, les restaurateurs, et, d'ailleurs, les autres équipes, parce que les autres... Quand il manque un travailleur dans l'équipe, toute l'équipe est fragilisée, toute l'équipe est démotivée. Ça se répercute partout. Donc, c'est majeur.

La Présidente (Mme Chassé) : il reste une minute au bloc.

M. Arsenault (Vincent) : Peut-être pour rajouter, présentement, on le sait, on a de la difficulté à recruter même chez nous, là. Donc, ce n'est pas un... Présentement, la restauration, ce n'est pas quelque chose qui est très, très en demande. Donc, il faut travailler fort déjà pour aller chercher des gens. Si on les met dans un contexte de restauration où ils travaillent beaucoup plus qu'ils en avaient l'impression de toute façon parce qu'il manque du personnel, etc., bien, on se crée des problèmes. Puis un élément qui est important, c'est que l'immigration aussi vient, en quelque sorte, protéger des emplois de gens d'ici aussi, là. Donc, ce n'est pas juste une question de deux ou trois postes, là.

La Présidente (Mme Chassé) : En conclusion. Très bien. 15 secondes.

M. Derraji : Merci. Merci. Écoutez, nous sommes là pour vous accompagner, parce que ça touche vraiment notre avenir économique et l'avenir de nos régions. Merci d'être venu.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Maintenant, je cède la parole au député de Laurier-Dorion, le représentant de la deuxième opposition. Allez-y.

• (11 h 40) •

M. Fontecilla : Merci. Bonjour, messieurs. Je lis, dans votre mémoire, la question d'une instruction ministérielle, que je lis, et je vous cite : «...refuse systématiquement toute demande d'entreprises provenant de régions ayant un taux de chômage au-dessus de la moyenne nationale et qui désirent embaucher des postes peu qualifiés.» Et j'aimerais vous entendre...

Évidemment, vous avez un problème de pénurie de main-d'oeuvre. On sait également que les salaires dans la restauration, ce n'est pas parmi les salaires les plus élevés au Québec, là. Comment ça joue, là, la question salariale dans... en termes d'attrait de la main-d'oeuvre et l'utilisation de main-d'oeuvre étrangère, là?

M. Arsenault (Vincent) : Bien, en fait, si je comprends bien, vous voulez savoir un peu comment se comporte le salaire présentement dans l'industrie de la restauration, puis est-ce que ça peut être assez attrayant pour pouvoir permettre à quelqu'un d'immigrer et de venir travailler pour nous.

M. Fontecilla : Oui.

M. Arsenault (Vincent) : Bien, je vous dirais que peut-être que la pénurie de main-d'oeuvre a fait son oeuvre un peu, là. On le voit qu'il y a des... Présentement, les salaires sont en croissance de façon quand même assez importante. Moi, comme restaurateur, je le vois, là. On n'a pas le choix de s'ajuster si on veut avoir des gens.

Pour vous donner un exemple, on a des gens qui font de la vaisselle, qui vont gagner 16 $, 17 $ de l'heure, là. Donc, on n'était pas là il y a trois ou quatre ans. Donc, je comprends qu'on n'est pas dans un contexte de salaire... des meilleurs salaires dans l'industrie au Québec, mais on commence à être loin de ce que l'on peut s'imaginer aussi. Donc, il y a moyen d'intégrer... de s'intégrer quand même avec ces salaires-là, là.

Puis ce qu'il faut savoir, c'est que, présentement, ce que l'on a de besoin, c'est des gens pour venir remplir des postes qui sont souvent un peu boudés présentement, là. Donc, c'est ça.

M. Fontecilla : Vous mentionnez également qu'un bassin traditionnel de recrutement, c'est les jeunes. Moi-même, ma première job, ça a été plongeur, effectivement, dans ma vie, là. Mais est-ce que, malgré cette augmentation salariale pour les postes comme plongeurs, là, vous avez de la difficulté à attirer de la main-d'oeuvre, des jeunes, par exemple?

M. Arsenault (Vincent) : Oui, définitivement, parce que, démographiquement, de toute façon, on se bat... notre industrie se bat avec toutes les autres industries également, là. Donc, on a de la difficulté à recruter, c'est clair, là.

M. Meunier (François) : Je peux me permettre d'ajouter peut-être, sachez que la situation présentement, elle n'est pas propre à la restauration, là. On cherche des pilotes d'avion, on cherche des chauffeurs d'autobus à la STM, payés 50 000 $, 60 000 $ par année, on cherche des enseignants, on cherche des préposés aux bénéficiaires...

La Présidente (Mme Chassé) : Ça conclut.

M. Meunier (François) : ...l'enjeu de pénurie, là, c'est un enjeu d'accessibilité...

La Présidente (Mme Chassé) : Merci.

M. Meunier (François) : ...de personnes, et c'est ce qu'il manque au Québec présentement.

La Présidente (Mme Chassé) : Je cède maintenant la parole à la députée de Gaspé.

Mme Perry Mélançon : Merci. Merci, Mme la Présidente. Donc, c'est très clair, hein, comme exposé. On s'était déjà, d'ailleurs, parlé de cette réalité-là dans le domaine de la restauration, et, comme vous le dites, ça touche d'autres secteurs d'activité également.

Juste chez nous, à titre d'exemple, bon, l'industrie touristique est très présente, mais il y a aussi le domaine éolien, qui cherche beaucoup de main-d'oeuvre, il y a la pêche, et puis la pêche, bien, ça tombe un peu en début... en fin de saison du printemps et en début d'été, donc c'est de la main-d'oeuvre qui pourrait être ensuite réembauchée dans votre industrie, et puis qu'on ait plus de semaines de travail à leur offrir, dans le fond. Donc, c'est ce qu'ils souhaitent et c'est ce que nous souhaitons aussi. Donc, je comprends que d'assouplir les conditions, bien, ça passe par ça.

Alors, je vois que vous êtes en faveur de rapatrier tous les pouvoirs, le plus de pouvoirs en termes d'immigration. Donc, qu'on aille le chercher du fédéral, ce que mon collègue de Nelligan n'a pas l'air de croire, parce qu'il nous parlait que c'était de compétence fédérale, mais je pense qu'il faut vraiment en avoir le maximum.

Donc, ce n'est pas... c'est des commentaires, comme vous voyez, là. Je connais vraiment votre réalité. Et puis je me demandais simplement : Le domaine agricole, est-ce que vous savez de quelle manière ils ont été chercher ce droit-là? Est-ce que vous avez déjà été en contact avec eux pour comprendre un peu mieux la réalité?

M. Meunier (François) : ...sans nécessairement connaître parfaitement tous les enjeux de l'agriculture, mais sachez que les programmes de travailleurs étrangers temporaires ont été mis sur pied essentiellement pour répondre aux besoins du milieu agricole, au... du milieu maraîcher, et les services offerts aux gens de l'agriculture, là, existent depuis au-delà de 30 ans, et ont extrêmement structuré...

Et ce qu'on n'est pas... On n'est pas venus ici vous dire que ces gens-là n'avaient pas de contrainte ou ne devaient pas répondre à certaines exigences, mais on accorde des assouplissements au milieu agricole, qui aujourd'hui sont très certainement... sont légitimement... pourraient être légitimement accordés à d'autres entreprises, notamment les entreprises du secteur touristique, dont la restauration.

La Présidente (Mme Chassé) : ...

Mme Perry Mélançon : ...et je conclurais en disant que, oui, ça passe par l'immigration pour résoudre les problèmes de main-d'oeuvre, mais il y a aussi des mesures qu'on attendait, parce que vous dites : 14 000 postes à pourvoir en pleine saison touristique. Donc, il y a aussi d'autres ministères qui auraient peut-être dû mettre un peu plus d'efforts avant ce début de saison là. Donc, le travail continue à ce niveau-là. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Ça termine l'exposé. Merci pour votre contribution à la commission.

Je suspends temporairement la commission pour permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 45)

(Reprise à 11 h 47)

La Présidente (Mme Chassé) : Alors, nous sommes de retour. Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Financière Banque Nationale, Auray Capital, Capital Sherbrooke Street, Industrielle Alliance Valeurs mobilières et Rennaissance Capital. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour l'exposé et que nous procéderons ensuite à une période d'échange. Et je comprends que nous avons aussi une présentation qui va accompagner votre exposé. Je vous invite à tout d'abord vous présenter.

Financière Banque Nationale inc. (FBN), Auray Capital inc.,
Capital Sherbrooke Street (SSC) Inc., Industrielle Alliance
Valeurs mobilières inc., Renaissance Capital Inc.

M. Leblanc (Louis) : Bonjour. Bonjour, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Chassé) : Bonjour.

M. Leblanc (Louis) : ...M. le ministre, membres de la commission. C'est un réel plaisir, pour nous, d'être ici aujourd'hui, et j'aimerais me permettre de présenter mes collègues à la table. À mon extrême droite est Marc Audet, qui est président et chef de la direction d'Auray Capital, membre du groupe Raymond Chabot Grant Thornton, et j'ai Jean-Pierre Lessard, qui est associé fondateur d'Aviseo Conseil, et ainsi que moi-même, Louis Leblanc, premier vice-président à la Financière Banque Nationale.

Ce qu'on aimerait faire, en considération du temps qui nous est imparti, c'est inviter tout de suite Jean-Pierre à faire une présentation sur les impacts financiers du programme investisseurs immigrants, qui a été, je le rappelle, financé par cinq institutions financières, qui représentent approximativement un petit peu plus de 50 % de toute activité dans le dossier investisseurs immigrants. Donc, il y a Auray Capital, il y a Industrielle Alliance Valeurs mobilières, il y a Rennaissance Capital, il y a Sherbrooke Street Capital ainsi que nous, la Financière Banque Nationale. Alors, à la suite de la présentation de Jean-Pierre, naturellement, ce sera un grand plaisir de répondre à vos questions. Jean-Pierre.

M. Lessard (Jean-Pierre) : À mon tour de vous saluer, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les députés. Donc, l'objectif de la présentation, c'est vraiment de faire une base de faits sur la contribution économique du Programme des immigrants investisseurs. Vous allez m'accuser d'être un mauvais scénariste, mais je commence avec la conclusion.

Donc, nos travaux vont montrer que le programme représente un support manifeste pour les PME en région et à dominantes manufacturières. On parle de retombées économiques de 1,5 milliard de dollars, et on souligne également que ça représente des revenus significatifs pour le gouvernement. Donc, on a fait, entre février et mai dernier, une étude exhaustive et indépendante des impacts économiques du programme. Alors, on s'est intéressé aux 10 dernières années, donc de 2009 à 2018. Bien sûr, on s'est concentré sur les retombées économiques, les revenus des gouvernements et les effets structurants. Ce n'est pas une analyse bénéfice-coût, ce n'est pas une analyse de programme, on ne regarde pas l'efficacité d'efficience, mais c'est certainement un élément important d'une analyse bénéfice-coût, donc on ne pourrait pas lui reprocher, à cette étude-là, ce qu'elle prétend ne pas être.

• (11 h 50) •

Si je prends un 30 secondes, même pas, là, parce qu'il n'y a pas beaucoup de temps, dans le fond, le Programme des immigrants investisseurs prévoit que l'immigrant va prêter 1,2 million de dollars sans intérêt pendant cinq ans à Investissement Québec et Investissement Québec va faire fructifier cet argent-là. Alors, essentiellement, si on a 1,2 million de dollars, on va parler de 165 000 $ en intérêts, qui s'en va comme argent neuf au gouvernement. Donc, c'est cet impact-là que nous, qui nous intéresse. Ensuite, il y a une redistribution entre différents acteurs du programme, comme vous voyez là, mais la part du lion, ça va dans les entreprises, et c'est vraiment ces aspects-là qui vont nous intéresser pour l'impact économique.

Donc, on parle de 17 000 prêts qui ont été faits à Investissement Québec dans les 10 dernières années. Ces prêts-là, qu'est-ce qu'ils ont permis d'avoir en rendements? On parle de 1 milliard de dollars sur 10 ans. Donc, c'est de l'argent neuf. Il n'y a pas d'autres façons de le présenter, c'est 100 millions par année d'argent à la disposition, dans le fond, du Québec. De cet argent-là, on parle de 477 millions qui sont allés aux entreprises directement. Je sais que ça intéresse plusieurs, parmi vous, on va parler de 85 % des montants qui sont allés en région, donc hors Montréal, et 80 % dans le secteur manufacturier. Ici, on va convenir que c'est un billet de sélection, parce que c'est une des dispositions du programme, donc il répond aux cibles qu'il avait, et c'est vraiment les entreprises manufacturières en majorité.

Quand on parle de PME, bien, vous voyez qu'on a 70 % des entreprises qui ont moins de 10 millions de chiffre d'affaires. Alors, on ne parle pas de multinationales à coups de milliards de dollars, ce sont vraiment de petites entreprises. Vous voyez la répartition ici, on a même le quart des entreprises qui ont moins de 5 millions de chiffre d'affaires, donc ce sont vraiment des PME.

Qu'est-ce que ça a donné comme support aux entreprises? On parle de 3 750 projets d'investissement sur 10 ans, donc presque 400 par année, ce qui est fort intéressant. Les effets des investissements au total sur 10 ans : 8 milliards de dollars, donc ce n'est pas à négliger. Il y a une sagesse aussi, dans ces contributions-là : en moyenne, on parle d'un peu moins de 6 %. Donc, la subvention qui est accordée dans l'ensemble du projet, c'est 6 %. En termes absolus, en termes monétaires, c'est 130 000 $. Alors, on voit encore, ce n'est pas des milliards qu'on prête, là, ou qu'on va donner en subvention, c'est 130 000 $ sur des projets moyens de 2,1 millions de dollars en termes d'investissement.

Donc, on comprend que ça peut être important d'avoir cette subvention-là de 130 000 $. Si on est une entreprise qui a 8 millions, 10 millions de chiffre d'affaires, mais on a un projet d'investissement de 2 millions, donc ça peut être un déclencheur important pour passer en action sur le projet d'investissement.

Pour calculer les retombées économiques, on avait trois grandes composantes. Les contributions aux entreprises, là, essentiellement, notre 477 millions de dollars, sans le programme, bien, on n'aurait pas cette injection d'argent là, je vais y revenir tantôt. On parle des activités de fonctionnement supplémentaires et aussi des dépenses des intermédiaires financiers qui, dans l'ensemble des contributions, des dépenses qu'on a calculées, représentent 18 %.

Je passe rapidement, mais c'est un élément important de l'étude, on a fait une enquête auprès de 200 entreprises qui ont bénéficié du programme, O.K.? On en était vraiment contents, alors on les a questionnés, à savoir, bien : Ça va durer combien de temps, votre remboursement? Puis qu'est-ce que ça a permis comme activités supplémentaires? Donc, on sait... on a attribué au programme cette composante-là d'activités supplémentaires, mais on l'a plafonnée dans la durée, durée de remboursement du projet.

Également, bien, on n'était pas... on appelle ça, dans les études d'impact économique, de centrer les dépenses. Bien, on a demandé : Est-ce que vous auriez fait le projet s'il n'y avait pas eu de programme? Bien humblement, bien, les entreprises ont dit : À 60 %, on l'aurait fait quand même. Mais il reste que 40 %, que, eux, ils ne l'auraient pas fait. Donc, on a gardé ce 40 % là des dépenses supplémentaires, on l'a attribué aux retombées économiques.

Qu'est-ce que ça donne, donc, 1,5 milliard de retombées économiques? Vous voyez, presque un peu moins du deux tiers en direct, donc c'est dans les PME, et les autres, c'est l'écosystème de fournisseurs qui aussi en bénéficie. On parle que 88 % des effets directs sont en région, 17 000 emplois sur 10 ans de programme qui sont supportés par le programme, et des salaires moyens de 50 000 $. Je vous rappelle, ce sont des PME, principalement dans le secteur privé, donc des salaires à 30 $ de l'heure, ce n'est pas rien.

Les revenus des gouvernements maintenant. On a calculé que, sur la période de 10 ans, on parle de 300 millions de dollars, donc un peu moins de 31 millions de dollars. Vous voyez une portion qui vient de l'impôt sur le revenu des travailleurs dont on a parlé tout à l'heure, une autre portion de 34 millions et de 47 millions qui vont respectivement au ministère de l'Immigration et d'Emploi-Québec, issues de la redistribution prévue au programme.

Je vais revenir sur l'excédent ici, qu'on voit, le 112 millions pour le ministère de l'Immigration et 240 millions qu'on a mis à part, d'Investissement Québec, parce qu'on ne pense pas que c'est quelque chose qui va être récurrent nécessairement. Mais comment il s'explique? C'est que, quand une subvention est autorisée, bien, ça prend quatre ans avant qu'elle soit déboursée et, sur cette période de temps là, Investissement Québec va faire aussi fructifier l'argent. Donc, elle a eu une bonne performance, dans les 10 dernières années, là, de la période de notre analyse et, bon, ça a monté à 276 millions, donc, sur notre période, 240 millions au total. Ce qu'il est intéressant de savoir aussi, c'est qu'en 2018 Investissement Québec s'est versé le 200 millions en dividendes sur des revenus nets dégagés, là, d'à peu près 265 millions.

La mécanique des excédents du ministère est intéressante, c'est que, quand un immigrant investisseur soumet sa candidature, ils doivent défrayer 15 000 $. Les coûts à peu près moyens calculés de traitement pour le ministère, c'est 4 000 $. Donc, pour chaque traitement, il y a 11 000 $ en excédent qui s'en va au ministère. Or, ce ne sont pas toutes les candidatures qui sont acceptées, on a un taux d'acceptation de 60 %. Et, sur l'ensemble de la période, on a calculé 112 millions d'excédent. Mais, avant de faire une moyenne annuelle, on voit que, dans les dernières années, on est plus entre 15 et 20 millions de dollars qui s'en vont comme revenus au ministère.

Alors, en conclusion, Mme la Présidente, on a souligné, dans notre rapport, quatre grandes catégories d'effets qu'on dit un peu plus structurants. Quand on parle d'effet de levier, bien, ça augmente la probabilité de réalisation des projets d'investissement, ça réduit les contraintes d'accès au crédit de PME, c'est une réalité. Il y a plusieurs études qui ont documenté cet aspect-là. En région, il y a vraiment une cohérence avec les stratégies de développement régional du gouvernement, notamment avec la démarche ACCORD. Ça contribue à une base manufacturière, là, puis il y a plusieurs effets bénéfiques qui suivent ça, notamment en recherche et développement, en innovation et même en stabilité économique pour ces régions-là.

Et on, voudrait en conclusion, là, souligner le caractère redistributif du programme dans le sens qu'on demande à des immigrants mieux nantis qui indirectement vont financer des programmes pour des immigrants qui le sont moins. Merci de votre attention.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci à vous. Ça conclut votre exposé, et on débute la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous pour un bloc d'échange pour le parti formant le gouvernement de 15 min 45 s.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. M. Leblanc, M. Audet, M. Lessard, bonjour. Merci d'être à l'Assemblée nationale pour la présentation de votre mémoire.

Je pense que vous avez assisté, hier, aux présentations d'autres groupes qui sont des intermédiaires financiers. Je voulais savoir, là, dès le départ, comment ça se déroule, le recrutement des candidats comme immigrants investisseurs à l'étranger, là, pour les cinq firmes que vous représentez qui font des dossiers d'immigrants investisseurs? Comment est-ce qu'on les recrute de l'étranger?

M. Audet (Marc) : Il faut comprendre qu'on est, en premier, dans une compétition internationale, O.K., donc on n'est pas la seule juridiction à offrir ce programme-là, il y en a une quarantaine à travers le monde. Donc, il faut se démarquer.

Donc, en premier, on est des ambassadeurs du Canada, après ça, on est des ambassadeurs du Québec, c'est qu'est-ce qu'on fait comme travail. Donc, notre rôle, c'est d'aller convaincre les gens que la meilleure place à s'établir éventuellement, c'est le Canada et le Québec.

Donc, ceci étant dit, après ça, c'est tous les attributs qui vont avec le programme par lui-même, donc l'effet qu'on peut... au niveau de l'option de financement, les délais en tant que tels. Donc, le démarchage se fait par... on a développé, au cours des 30 dernières années, un réseau à travers le monde, chez nous, dans plus de 100 pays en tant que tels, des gens qui nous aident, parce qu'on ne peut pas être partout en même temps, même si nous, on fait partie d'un groupe international qui est Grant Thornton, on a un réseau dans 135 pays, donc on utilise ce réseau-là notamment pour aller chercher la clientèle. Donc, chacun des recruteurs, des intermédiaires financiers ont développé un réseau comme ça qui font du démarchage avec nous et qui nous aident à nous approvisionner en dossiers, et nous, on fait tout le filtrage, par la suite, des dossiers qui sont demandés selon les règles du MIDI.

M. Jolin-Barrette : Et donc, à l'étranger, est-ce que vous faites de l'achat de dossiers? Dans le fond, là, comment ça fonctionne, vous faites affaire avec des consultants là-bas qui, eux, ciblent déjà des gens qui pourraient vouloir investir dans... qui voudraient être sélectionnés dans le cadre d'immigrants investisseurs, puis là il y a de l'achat de dossiers là-bas?

M. Leblanc (Louis) : ...pas vraiment de l'achat de dossier, on a, à la Banque Nationale, on a des mandataires avec lesquels on travaille, qui sont soit des consultants en immigration à l'étranger, des avocats qui, quand on donne des mandats, qui sont partenaires d'affaires pour nous au niveau local, puis on va nécessairement, sur le revenu qu'on génère, on va leur verser une partie de notre revenu en termes de démarchage qu'ils vont faire pour nous à l'étranger. Alors, Marc et moi, et tout le monde, on voyage sur une base régulière, près de cinq mois par année, mais c'est ce réseau de démarcheurs avec lesquels on travaille qui vont identifier les clients comme tels et qui vont nous référer pour le... investisseurs immigrants.

M. Jolin-Barrette : O.K. Revenons aux revenus. Dans vos pratiques, là, avec vos contingents que vous avez, là, il y en a combien en pourcentage à peu près qui investissent véritablement le 1,2 million, là, que l'immigrant investisseur décaisse vers Investissement le 1,2million? Est-ce qu'ils vont davantage vers les facilités bancaires ou ils investissent le 1,2 million?

• (12 heures) •

M. Leblanc (Louis) : Je vous dirais que la grande majorité des clients vont aller vers le financement qu'on offre à l'investisseur comme tel sauf... naturellement, l'option initiale, c'est 1,2 million d'investissement. Il y a peut-être, je dirais, à peine 5 % des clients qui vont aller sur l'option de 1,2 million, l'autre, ils vont choisir l'option de financement.

Ce qu'on doit comprendre, par exemple, parce que je sais que la question est venue hier, le commentaire que j'aime tout le temps faire, c'est un petit peu comme le domaine immobilier, ce n'est pas parce que les gens doivent acheter une maison au comptant que ça a une valeur économique comme telle au niveau... comme s'ils prennent une hypothèque. Alors, dans le dossier investisseurs, c'est vrai que la grande majorité des gens d'affaires, c'est des gens qui sont très riches en termes d'actifs, mais souvent que l'actif est immobilisé auprès des différentes entreprises qu'ils ont. Alors, ils vont vouloir choisir l'option de financement que les institutions financières vont offrir. Et le confort qu'on a, nous, les institutions financières d'offrir des financements, c'est à cause de la qualité de la dette qu'on souscrit. ...d'Investissement Québec qui est souscrit, de par la qualité de la dette, on s'arroge de la dette de l'investisseur et on fait un prêt à l'immigrant à raison de son placement.

M. Jolin-Barrette : Et, hier, on nous a dit que le coût associé à ça était d'environ... entre 300 000 $, 350 000 $ pour l'immigrant investisseur, est-ce que c'est exact?

M. Leblanc (Louis) : Oui, pour le nouveau programme, on parle de 1,2 million.

M. Jolin-Barrette : À 1,2 million.

M. Leblanc (Louis) : C'est ça, 1,2 million. Comme on a mentionné hier, à 800 000 $, c'est environ 200 000 $ de coûts... l'option de financement qu'on offre à l'investisseur.

M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, l'immigrant investisseur, lui, toute sa démarche lui coûte environ 350 000 $, et puis l'intermédiaire financier, par le biais d'un prêteur, va faire le placement de 1,2 million à Investissement Québec.

M. Leblanc (Louis) : C'est ça. En fait, le client, ce qu'on dit, il a deux choix. Le client peut dire si... il pourrait dire : Moi, je mets 1,2 million, je n'ai aucun rendement d'intérêts pendant cinq ans, donc tu vas avoir un coût de capital sur cinq ans, dépose 1,2, récupère 1,2 au bout de cinq ans, ou choisit l'option de financement immédiat. Et la grande... on l'offre aux investisseurs, tous les clients. Et pourquoi ils choisissent? C'est parce que les gens préfèrent savoir quel est leur coût immédiat et de ne pas immobiliser le capital. Parce que la règle d'or à l'international, c'est le capital de l'investisseur. Le gars va dire : Écoute, mettre 1,2 million sans rendement pendant cinq ans pour récupérer mon 1,2, je préfère mettre 350 000 $, que la banque me finance le reste, et donc la contribution financière qui se fait chez Investissement Québec est de 1,2 million.

M. Jolin-Barrette : O.K. Dans la présentation, tout à l'heure, de M. Lessard, vous disiez : C'est de l'argent neuf. C'est un flux monétaire qui est généré, mais 95 % des gens vont prendre l'option de se financer avec des institutions financières. Quand vous dites : C'est de l'argent neuf, dans le fond, ça crée une disponibilité d'argent, il y a des banques qui achètent... bien, en fait, qui fournissent à Investissement Québec 1,2 million, qui, par la suite, achètent des obligations. Alors, est-ce que vous êtes d'accord avec moi que c'est plus un flux monétaire que de l'argent neuf qui provient de l'étranger?

M. Lessard (Jean-Pierre) : En fait, c'est l'effet de richesse. S'ils n'avaient pas cet argent-là, le capital, bien, on n'aurait pas la possibilité de faire les rendements dessus. Alors, c'est dans ce sens-là que c'est vraiment de l'argent qui est nouveau dans l'économie. Il n'y a pas d'autre façon vraiment de le présenter. S'ils n'étaient pas là, s'il n'y avait pas ce capital-là, peu importe de la façon qu'ils vont articuler le financement, là, bien, on n'aurait pas la capacité d'avoir ces nouveaux rendements-là.

M. Jolin-Barrette : O.K., mais ce que je veux dire, là, l'argent, elle ne provient pas de l'étranger, c'est de l'argent qui est au Québec qui est placé chez Investissement Québec.

M. Lessard (Jean-Pierre) : Exact. Mais si c'était... c'était quand même une garantie qui vient de l'étranger, donc il y a une source qui vient vraiment de l'extérieur. Si ce n'était pas là, on n'aurait pas 100 millions de rendement pour les 10 dernières années du programme.

M. Jolin-Barrette : O.K.

M. Audet (Marc) : Si vous permettez, j'aimerais peut-être renchérir là-dessus. Le 350 000 $, plus ou moins, qu'on parle aujourd'hui, oui, il vient de l'étranger en tant que tel, l'autre portion est financée techniquement par les institutions du Québec. Comme Louis mentionnait, on transfère le 1,2 million, mais, de l'autre côté, ces gens-là pourraient financer de l'étranger. Donc, les gens qui ont une propriété... qui valent 3 millions, ils pourraient aller à la Bank of China et prendre un prêt de 1,2 million et nous envoyer le 1,2. Nous, on a développé, comme industrie, cette facilité-là, compte tenu des billets, la garantie qu'on avait à donner. Donc, techniquement, ces gens ont la flexibilité, quand même, d'emprunter dans leur pays, sur leurs propres actifs.

M. Leblanc (Louis) : Si je peux me permettre, juste en complément aussi, par exemple, la Banque Nationale, pour... votre argument, bien, ce n'est pas de l'argent neuf comme tel, on prête au niveau de Montréal. Si jamais on disait : Bien, écoute, il n'y a plus de prêt qui se fait comme tel, on doit aller «full cash», de par, encore une fois, la qualité de la dette, bien, je vais moi-même mon bureau de Londres ou le bureau de Hong Kong faire un prêt à l'investisseur, parce qu'encore une fois on souscrit en rapport à la qualité de la dette. La qualité de la dette québécoise est telle que toute institution financière, HSBC, Standard, Charter, Barclays seraient prêts à faire des prêts et là ce qu'on ferait, c'est : on verrait l'écosystème de financement à l'international, plutôt de faire bénéficier les firmes montréalaises de ce financement-là.

M. Jolin-Barrette : Au niveau des subventions, dans le fond, là, l'argent est placé, il y a des revenus d'intérêts annuellement, et ces intérêts-là sont donnés sous forme de subventions non remboursables aux différentes entreprises. Les intermédiaires financiers sur les revenus, depuis la dernière entente, ont... tirent 22 % des revenus d'intérêts sur ces placements-là. Donc, dans la séquence, là, l'intermédiaire financier fait un revenu sur le 350 000 $, paie les courtiers à l'international ou les consultants, les avocats avec qui il a fait affaire et également se retrouve avec une cote sur le 1,2 million, en termes de revenus, au niveau du 22 %. Et, hier, les gens nous disaient également : Bien, nous, on a un levier pour décider quelles entreprises bénéficieront de la subvention. Donc, les intermédiaires financiers décident quels dossiers vont bénéficier de la subvention.

Je voudrais juste avoir votre vision par rapport à ça. En quoi les intermédiaires financiers doivent décider quels dossiers doivent être priorisés pour obtenir une subvention d'un programme de subventions d'Investissement Québec?

M. Leblanc (Louis) : ...qu'en fait l'intérêt principal de la banque de participer au dossier investisseurs immigrants, c'est justement d'avoir accès à la subvention. Si on nous disait, nous : Vous ne faites plus les subventions comme telles, vous participez seulement à la portion de financement, on s'interrogerait sur la pertinence de notre participation dans le dossier investisseurs immigrants. Si je remonte... j'ai commencé, moi, à faire la création du programme en 1986. Le rôle de... On est des banquiers, le rôle important, pour nous, c'est au niveau de l'investissement.

Alors, ce qu'on veut faire, le plus important, c'est de pouvoir servir nos clients corporatifs en termes de subventions. Et la façon dont on travaille à la banque, c'est via le service aux entreprises. Moi, j'ai ma ligne d'affaires, qui est... international. Ce n'est pas moi qui décide des subventions comme telles. Nous, on verse l'argent au service aux entreprises, et c'est le service aux entreprises qui va donner les subventions dans les différentes régions du Québec, dépendant des relations qu'ils ont avec les clients corporatifs puis des différentes approches qui sont faites par les clients comme tels.

M. Jolin-Barrette : ...signifie que, pour les intermédiaires financiers, là, qui sont des institutions financières, ça donne un avantage comparatif sur la concurrence, sur une autre banque qui ne participe pas. Parce que, exemple, à la Nationale, bien, puisque vous participez au programme, vous avez accès à ce financement-là. Donc, quand vient le temps... que quelqu'un veut emprunter chez vous, il arrive avec son dossier d'affaires, il va voir la Nationale, il va voir, supposons, la Banque Simon-Jolin-Barrette, puis moi, je ne suis pas un intermédiaire financier, je n'ai pas accès à ce financement-là. C'est attrayant pour le client qui va faire affaire chez vous parce qu'il va avoir une partie de subvention qui va être non remboursable.

M. Leblanc (Louis) : ...et je trouve tout à fait normal que la Banque Nationale, qui est la plus importante banque canadienne, siège social effectif à Montréal... qu'elle ait un avantage comparatif, effectivement, dans un programme québécois. Je trouve ça tout à fait en symbiose. Alors, qu'on compétitionne la Banque Royale ou la Banque de Montréal, qui n'ont pas le réseau que nous avons au Québec, c'est d'encourager une institution québécoise, et, pour moi, je suis tout à fait en accord avec ça.

M. Audet (Marc) : Si vous me permettez également, si, demain matin, je ne sais pas, Investissement Québec prenait ce rôle-là directement, on reviendrait peut-être à la même case de départ, parce que, comme Louis vient de mentionner, le portefeuille commercial de prêts au Québec, Nationale a sa portion, Desjardins a sa portion, et tout ça. Donc, les projets qu'ils vont soumettre, les banquiers, ça va être Nationale, ça va être Desjardins, BMO en tant que tels, et la distribution va se refaire en tant que telle, qui serait peut-être même plus avantageux pour certaines institutions que d'autres. Donc, il faut garder ça en considération aussi.

M. Jolin-Barrette : Mais ce que vous nous dites, vous dites : Bien, écoutez, pour nous, parce qu'on a notre siège effectif à Montréal, c'est avantageux parce que ça amène des retombées pour une banque qui a son siège à Montréal. Mais, dans le Programme des immigrants investisseurs, il y a des institutions financières qui ne sont pas basées avec leur siège social à Montréal ou, comment je pourrais dire, que les décisions sont principalement prises à partir du siège dans une autre province canadienne et qui font partie du Programme des immigrants investisseurs.

M. Audet (Marc) : ...l'an dernier, le MIDI a mis un nouveau critère d'avoir de siège au Québec, qu'on salue. Donc, je pense, c'est une première démarche dans le bon sens en tant que tel. C'est un programme québécois, et, je pense, vous voulez avoir les acteurs québécois autour de la table. Donc, je pense...

M. Jolin-Barrette : Mais ce que je veux dire, au niveau du financement, le financement peut être fait par une institution financière qui a sa principale place d'affaires dans le reste du Canada.

M. Audet (Marc) : Oui, pourrait, oui.

M. Jolin-Barrette : O.K. Au niveau des revenus d'intérêts de 22 %, expliquez-moi pourquoi les intermédiaires financiers doivent avoir accès à des revenus aussi importants sur les 1,2 million qui sont placés.

• (12 h 10) •

M. Audet (Marc) : ...chez nous, notre équipe, chez Auray Capital, on est 25 personnes. On a une équipe avec... gens de 12 nationalités en tant que telles. On a des bureaux partout, on a... on travaille avec... on a développé un réseau d'agents. Il faut les... comme Louis mentionnait, il faut... ces agents-là, il faut les chouchouter parce qu'ils sont sollicités par d'autres programmes, que ce soit le Portugal, que ce soit les États-Unis, que ce soit Malte et Antigua, «name it», il y en a 40. Et donc il faut s'assurer de préserver la relation. Donc, il y a des coûts de développement d'affaires avec ces gens-là.

Par la suite, toute l'infrastructure de l'équipe comme on a chez nous en tant que tel, ce n'est pas nécessairement des salaires à 20 000 $ par année. On a des juriscomptables, on a des chefs de conformité, on a un chef de finance. Il ne faut pas oublier qu'on est réglementé par l'OCRCVM qui est le plus gros «regulator» au Canada. On est 150 firmes au Canada qui sont réglementées. On doit soumettre nos états financiers à chaque mois en tant que tel. Donc, on a des coûts élevés. On est...

Sans compter que tous les coups d'épée dans l'eau qu'on donne... parce que les dossiers qu'on va chercher à l'étranger, on ne les prend pas tous. Je vous donne un exemple. Actuellement, dans le... On est en train de déposer des dossiers. On regarde au moins trois dossiers avant d'en prendre un. Donc, il faut faire le travail. Puis celui qu'on prend, comme Jean-Pierre a mentionné, il y a six ou sept chances sur 10 d'être accepté. Puis je ne suis pas payé quand ce n'est pas accepté. Donc, notre coût est élevé en tant que tel par dossier accepté.

M. Jolin-Barrette : Donc, ce que je comprends de votre structure financière, c'est que, pour... À l'entrée, là, dans votre relation avec l'immigrant investisseur, c'est que le 300 000 $, 350 000 $, il est peut-être plus bas, mais vous vous reprenez sur les revenus d'intérêt rattachés au placement, parce que vous savez que, s'il est accepté, vous allez avoir des revenus de placement de l'ordre de 22 %.

M. Leblanc (Louis) : ...sont importants pour nous. Comme mentionné, on compétitionne vraiment à l'échelle internationale. On est compétitif. Ici, je vous dis, moi, depuis 33 ans, dans le business, ce qui a vraiment changé, ce qui s'est amplifié, c'est la compétition internationale. En 1986, la seule compétition qui existait à peu près, c'était l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Aujourd'hui, tu as environ 35 pays, que ce soit en Europe, que ça soit au niveau des Caraïbes, qui offrent des produits d'immigration. Et, de là, j'argumenterais la valeur encore plus importante des partenaires financiers d'expérience dans la quête de bons clients.

La Présidente (Mme Chassé) : Il reste une vingtaine de secondes, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, je vous remercie pour votre présentation.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Ça termine le bloc d'échange avec le parti formant le gouvernement. Maintenant, on passe à l'opposition officielle. M. le député de Nelligan, la parole est à vous.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Merci, monsieur, pour votre présence et la qualité de la présentation.

Ma première question, parce qu'on l'a eue hier aussi, j'aimerais bien comprendre l'impact réel du Programme immigrants investisseurs sur les PME. Hier, lors d'un échange, on voulait savoir concrètement c'est quoi, l'impact sur l'économie régionale, PME, manufacturier dans une région X au Québec. Si vous avez un cas, mais concret, mais non nominatif. Vraiment, là, on parle dans le fictif, un programme, mais avez-vous un exemple?

M. Lessard (Jean-Pierre) : Bon, on a souligné, tantôt, qu'il y a l'aspect des subventions, qui vont à 85 % dans les régions hors Montréal. On a 88 % des effets directs qui sont aussi dans les régions hors Montréal. Donc, la structure du programme ferait en sorte... surtout les secteurs qui sont visés, notamment le secteur manufacturier, mais les activités sont souvent en région. Il y a... Par exemple, si on prenait la Montérégie, bien, cette région-là va avoir essentiellement sa part économique en termes de contribution. Si on en prenait une autre comme la Gaspésie, bien, elle va avoir deux fois son poids économique en termes de contribution économique. Alors, ça illustre vraiment la puissance, si on veut, des effets dans les régions. Dans notre rapport, on fait état de deux projets, là. Il y a vraiment des entrepreneurs qui ont décidé, à visière levée, d'exposer leur projet. On en avait un dans la région de Saguenay—Lac-Saint-Jean et on en avait un autre qui était plus dans le secteur manufacturier. Et les impacts sont très importants parce qu'ils disent : Bien, probablement que mon projet d'investissement aurait été retardé si je n'avais pas eu les sommes d'argent.

M. Derraji : Si je peux résumer, l'impact, il est réel sur plusieurs régions, surtout le manufacturier.

M. Audet (Marc) : Tout à fait. Tout à fait.

M. Derraji : Excellent. Une deuxième question, c'est par rapport à l'inventaire. On sait que la catégorie immigrant investisseur, on parle de plus ou moins 18 000 en attente de la résidence permanente et des objectifs proposés par le gouvernement à l'effet d'accueillir annuellement entre... de 3 300 à 4 300 personnes. Si on vous pose la question, vous proposez quoi pour tempérer la situation? Ça serait quoi, votre solution ou votre proposition?

M. Audet (Marc) : Effectivement, je dirais : C'est une décision quand même un peu difficile au niveau global parce qu'il y a trois éléments à regarder au niveau du ministère. Tu as le volet recrutement, tu as le volet sélection puis tu as le volet admission. Donc, c'est un peu avec la géométrie que le ministère doit jauger.

Actuellement, comme vous dites, il y a 5 000 dossiers en attente en admission, il y a plus ou moins 2 500 dossiers en attente de sélection, et là on va avoir une décision, parce que là il va y avoir un moratoire sur le programme à la fin du mois, et donc le gouvernement va avoir une décision à prendre : Est-ce qu'on recrute de nouveau de nouveaux immigrants investisseurs pour en remettre sur l'inventaire pour le bénéfice de nos entreprises?

C'est sûr que, comme Louis a mentionné aussi plus tôt, si on décide de mettre un moratoire plus long, ça peut avoir des impacts par la suite pour essayer de revendre le programme en tant que tel, parce que les gens vont nous avoir oubliés en tant que tels. On est compétition contre d'autres pays. Donc, il faut s'assurer d'avoir un recrutement sur une base continue.

Mais, pour essayer d'accélérer, c'est sûr qu'actuellement, je pense, la question à très haut niveau, là, à 3 000 pieds d'altitude, le problème, c'est, justement, le total d'admissions que le gouvernement actuel regarde. Le problème part de là en tant que tel, parce que tout découle, par la suite, dans les sous-catégories en tant que telles. Le niveau est trop bas pour les admissions soulignées, pour les impacts économiques en tant que tels.

M. Derraji : Vous avez soulevé un point important, parce qu'on l'a vu pendant l'été, le ministère a mis un moratoire par rapport au PEQ. Là, la situation que nous avons devant nous, l'inventaire au Québec de 2 500, au fédéral, à peu près 5 000, si je vous dis aujourd'hui : Le ministère et le ministre vont faire un moratoire, ça serait quoi, les impacts? On s'en va dans le mur?

M. Audet (Marc) : ...on donne juste les impacts. Actuellement, là, juste la décision de cette année de moins traiter de dossiers versus l'impact économique... L'an dernier, Investissement Québec a accordé 94 millions de dollars aux PME du Québec en 2018. Cette année, on s'enligne pour moins de 50 millions, compte tenu qu'on a décidé de faire de... moins de sélection.

Donc, ce 40 millions d'écart là, c'est moins d'argent, peu importe si c'est le programme actuellement d'aide aux entreprises, de support à PRIIME ou d'aider tout autre programme. Parce qu'on peut moderniser le programme aussi, actuellement, le programme de subvention, comment qu'il est fait. On a vu les présentateurs avant, au niveau de la restauration, qui cherchaient des crédits d'impôt ou autres, peut-être avec nos immigrés investisseurs aussi, on pourrait peut-être profiter de leur argent pour aider au recrutement international ou autre. Il faut être imaginatif, on a une chance d'aller chercher, comme Jean-Pierre mentionnait, 100 millions récurrents par année.

Donc, je pense qu'il faut... il va falloir livrer le service, parce que ces gens qui sont en attente d'admission ont déjà payé leurs frais, ont déjà contribué à l'économie du Québec, on ne peut pas les faire attendre aussi longtemps que ça.

M. Derraji : Même question que j'ai posée aux restaurateurs où vous faites référence, est-ce que, déjà, vous avez eu des discussions avec le MIDI par rapport à ce ralentissement et l'impact que ça cause sur l'économie québécoise? Est-ce qu'on vous a déjà invité ou consulté, du moment que vous êtes parmi les firmes les plus importantes au Québec?

M. Audet (Marc) : Je vous dirais, le ministère a mis en place un comité-conseil, au niveau de la catégorie des gens d'affaires, en place. C'est sûr qu'on a eu un changement de gouvernement, là, à l'automne, donc on a eu un premier comité sous le nouveau gouvernement, il y a plus ou moins deux mois, le but étant, justement, d'améliorer... notamment le premier comité était sur les francophones, comment attirer davantage de francophones en tant que tels au niveau de la clientèle gens d'affaires. C'est sûr qu'à notre niveau on n'est pas impliqués au niveau de la main-d'oeuvre en tant que telle, temporaire, parce que, nous, on est au niveau de la résidence permanente, mais c'est sûr qu'entre nous on a des idées pour améliorer le programme.

M. Derraji : ...ma question, c'est que, si vous avez des idées sur la table, moi, aujourd'hui, notre rôle, c'est comment on peut bénéficier de ce que vous avez, votre expertise. Hier, un des intervenants a dit que même les États-Unis veulent copier le modèle québécois. Moi, j'irais, à la place du ministère, j'irais lancer un comité, profiter de votre expertise du moment qu'il y ait des besoins, en créant, notamment, on l'a entendu tout à l'heure, au niveau des restaurateurs... Et à votre place, je lance l'invitation au ministère et à M. le ministre de probablement évaluer la possibilité de vous écouter au-delà de la commission, parce que vous pouvez ramener des solutions à notre économie québécoise.

Je sais que ma collègue a d'autres questions, je vais, si ça ne vous dérange pas, M. le Président, lui céder la parole.

Le Président (M. Lévesque, Chauveau) : Merci beaucoup, M. le député de Nelligan. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, la parole est à vous.

Mme Robitaille : Dites-moi, M. le Président, combien de minutes?

Le Président (M. Lévesque, Chauveau) : Il vous reste 3 min 34 s.

Mme Robitaille : Merci. Écoutez, je voudrais simplement que vous nous expliquiez... j'aimerais comprendre, messieurs, la différence entre la sélection et l'admission de ces investisseurs étrangers.

• (12 h 20) •

M. Leblanc (Louis) : ...vraiment importante, c'est à l'entrée versus la sortie, c'est-à-dire qu'aux deux niveaux, c'est le... du Québec qui intime sur la sélection, la sélection, c'est combien d'individus nous devons sélectionner en début de piste comme tel, et ensuite l'admission, c'est Québec qui intime le fédéral en disant quels sont les degrés d'admission qu'elle amènerait avoir en termes d'émission de visas canadiens. Alors, c'est vraiment l'entrée et la sortie.

Et, si on regarde, au fil des dernières années, il y a eu une dichotomie entre le nombre de candidats sélectionnés et le nombre de candidats admis, qui fait en sorte qu'il y a des délais qui sont dans... Pour rejoindre ce que Marc disait tantôt, je pense que le but de notre présence ici... On est des gens qui avons énormément d'expérience... c'était, premièrement, d'asseoir, parce qu'il y a beaucoup de qu'en dira-t-on, beaucoup de rumeurs quant au dossier investisseurs immigrants. C'est important, pour nous, comme institution, d'asseoir, je pense, le mérite du dossier investisseurs immigrants.

Une fois qu'on convient du mérite du programme comme tel, ensuite, regardons les problèmes que nous avons, nous, en termes de démarchage. Et le problème numéro 1... Je dis... temps qu'en immigration, il y a trois grands problèmes de base : les délais, premièrement, deuxièmement, les délais, et, troisièmement, les délais. C'est essentiel. Et là on est dans un univers compétitif à l'échelle internationale et on se retrouve dans des situations où des gens ont fait des placements, mais ils attendent trois, quatre, cinq ans pour pouvoir avoir le visa fédéral pour rentrer au Canada, et ça devient très, très difficile au niveau compétitif sur la scène internationale.

Mme Robitaille : Et, pendant ce temps-là, bon, il faut comprendre qu'en attente comme ça ils ont déjà payé leurs frais, donc le Québec en profite malgré tout, malgré l'attente de ces gens-là, il y a quand même les retombées économiques.

M. Leblanc (Louis) : Non seulement les frais, mais les retombées économiques, c'est-à-dire, quand les clients sont acceptés, lors de l'émission du CSQ, c'est à ce moment-là qu'on demande de faire le placement comme tel, donc c'est là que tout... nous profitons, la société québécoise, le gouvernement, les institutions financières, mais, le plus important, les PME québécoises, les placements se font à ce moment-là, et le client est en attente. Et vous avez compris, hier, un petit peu, la situation qui devient très difficile, c'est qu'il y a des situations... lesquelles les clients vont jusqu'au terme de leurs placements de cinq ans et, au terme du cinq ans, ils n'ont pas encore reçu de visa d'entrée au Canada. Donc, les gens ont fait une contribution complète à ce qu'on avait demandé sans avoir le résultat, qui est le visa canadien.

Mme Robitaille : Encore là, c'est une erreur, parce que, souvent, on pense : Ah oui! Mais ces immigrants investisseurs là, ils ont un «fast-track». Mais, en fait, ils n'ont pas de «fast track» du tout, là, ils attendent.

M. Leblanc (Louis) : Mais, au contraire, je vous dirais qu'à l'heure actuelle, en fait, sur l'échelle internationale, c'est sans doute les dossiers québécois dans un contexte d'immigration économique de gens fortunés où les délais sont les plus longs à l'heure actuelle.

La Présidente (Mme Chassé) : Il reste moins d'une minute.

Mme Robitaille : Je ne suis pas une experte là-dedans, du tout, du tout, mais je vous écoute puis j'ai écouté les groupes hier. Si je comprends bien, là, s'il y avait un moratoire là-dessus, il y aurait... Ce serait une grave erreur de mettre un moratoire là-dessus, il y a trop de retombées pour le Québec.

M. Leblanc (Louis) : Le marché a horreur du vide. Alors, ce qu'il se produit, il y a vraiment une compétition, actuellement, sur la scène internationale, si le Québec se retirait, ne serait-ce que pour quelques mois, ça aurait un impact en termes de régénérer de l'intérêt en termes... Ce qu'on recommande toujours, c'est une stabilité en termes de pouvoir vendre le produit sur la scène internationale.

Mme Robitaille : Et vous êtes... C'est la crédibilité, la cote du Québec, j'imagine, qui est remise en cause, là. Si on suspend tout ça, c'est tout à recommencer après.

M. Leblanc (Louis) : Je pense que, collectivement, on doit vraiment réfléchir. On a un problème de base, qui est celui des délais, à l'heure actuelle, l'absence d'arrimage entre la sélection et l'admission. Il faut vraiment qu'on adresse cette situation-là. Mais aussi, ce qu'on demande, c'est d'être très prudent, de faire un arrêt substantiel... dossier investisseurs immigrants sur la scène internationale.

Mme Robitaille : Sans faire de moratoire.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci, ça termine le bloc d'échange. Maintenant, je cède la parole au député de Laurier-Dorion pour son bloc d'échange d'une durée de 2 min 30 s.

M. Fontecilla : Bonjour, messieurs. Très rapidement, question de compréhension, est-ce que les volumes d'admission sont corrélés avec les volumes... les seuils d'immigration du Québec?

M. Audet (Marc) : Si on regarde le Québec, actuellement, si on regarde les cibles proposées pour 2020‑2022, on parle de plus ou moins... je pense, de 13 % du poids au niveau des gens d'affaires sur la totalité au niveau des admissions. On parle d'une quarantaine de mille, versus 300 à 400. Il faut donc... Dans les gens d'affaires, on a les immigrants entrepreneurs, les immigrants investisseurs. Donc, si on regarde aussi la progression, au lieu d'augmenter, elle descend, donc, si on regarde l'estimé de 2020‑2022, on tombe sous la barre des 13 % en tant que tel, sur le poids juste du Québec. Si on va de... Je pense, les gens de l'ABC l'ont souligné avant, le problème de base, c'est l'ensemble du poids du Québec, démographique versus l'immigration, qui a un décalage trop important, qui a un genre de «collapse» sur tout le reste par la suite.

M. Fontecilla : O.K. Je reviens avec une question : Puisque le programme est si rentable, si utile économiquement, il y a une forte compétition internationale, etc., alors quelles sont les raisons, d'après vous, là, j'aimerais vous entendre, là, les raisons qui ont poussé le gouvernement fédéral à abandonner ce programme-là?

M. Leblanc (Louis) : Je pense que c'est l'exemple classique d'une gestion de secteur privé versus une section de secteur public. Au fédéral, les institutions financières n'avaient aucun rôle quant au placement des fonds. Et ce qui s'est produit... au niveau fédéral, c'est qu'il y a des sommes importantes qui ont été ramassées par les institutions financières, déposées au fédéral. Mais ces fonds-là n'ont jamais été placés auprès de PME. Le gouvernement, passez-moi l'expression, s'assoyait sur l'argent. L'Ontario particulièrement a reçu plus de 1 milliard de dollars puisqu'il y avait une garantie obligatoire, l'échéance de cinq ans, les fonds étaient versés au fonds consolidé de la province et n'a jamais été donné en subventions ou à différentes PME en Ontario.

Donc, Jason Kenney à cet égard-là, passez-moi... avait une question qui disait : «Where is the beef?» Mais quel est l'avantage du dossier fédéral? Je vous dis qu'à cet égard-là, il avait raison parce que c'était très difficile de démontrer la pertinence économique en termes de retombées de placement pour les PME parce qu'il n'y en avait pas, alors qu'au Québec, c'est l'inverse : 100 sous dans les dollars octroyés sont donnés aux PME.

La Présidente (Mme Chassé) : Très bien. Il reste 15 secondes. Merci. Prochain bloc d'échange avec la députée de Gaspé pour 2 min 30 s.

Mme Perry Mélançon : Merci. Bonjour à tous. On sait que la réforme de l'immigration du gouvernement actuel, c'est vraiment dans le but de mieux arrimer les besoins... bien, les nouveaux arrivants avec les besoins de main-d'oeuvre et surtout de régler la question d'intégration et de rétention qui est problématique en ce moment au Québec.

Donc, vous dites, d'ailleurs, dans votre document qu'à l'orientation 2 l'objectif de 65 % de personnes admises dans la catégorie de l'immigration économique, vous en faites partie. Les immigrants investisseurs en font partie, de cette catégorie-là.

Alors, je voulais vous entendre. Vous dites, vous êtes prêt à ce qu'on priorise en fonction de différents facteurs, par exemple, les compétences linguistiques, la connaissance du français. Pour vous, qu'est-ce qu'il est fait présentement pour attirer ces gens-là qui ont déjà une connaissance en français et qu'est-ce qu'on pourrait faire pour mieux les sélectionner?

M. Audet (Marc) : Je dirais, d'un premier point, je prendrais un des slogans de la CAQ : C'est d'en prendre moins mais d'en prendre soin. Les immigrants investisseurs, on n'a pas besoin d'en prendre nécessairement soin versus face à l'intégration en tant que telle. C'est du monde d'une qualité internationale, qui voyage. M. le ministre mentionnait hier : Oui, que les gens sont principalement dans la région de Montréal comme la majorité des immigrants quand ils arrivent au Québec. 70 %, je pense, de l'immigration passe par Montréal. Ces gens-là veulent être prêts.

Il faut, dans ces gens-là, les immigrants investisseurs, je pense, il faut ouvrir un peu nos oeillères, de les regarder d'une autre façon. Il faut regarder la deuxième génération. C'est là qu'il faut travailler. Ces gens-là, c'est les enfants qui vont rapatrier le tout. Vous allez dans le quartier chinois à Montréal. Vous mangez, vous pensez puis vous regardez, c'est un Chinois qui parle à la québécoise. C'est la réalité. Vous allez dans nos écoles maintenant. Avant, on voyait une ethnie dans le gymnase. Là, il y en a cinq par classe. Donc, c'est la réalité. Ils sont là, ces gens-là.

Mais je pense que c'est pour ça qu'on pense qu'on privilégie d'accélérer le traitement au niveau des investisseurs parce qu'ils sont capables de faire leur propre intégration en bonne partie.

Mme Perry Mélançon : Donc, est-ce qu'on augmenterait les seuils pour cette catégorie-là au détriment d'autres catégories? Pour vous, c'est...

M. Audet (Marc) : Je ne voudrais pas dire au détriment. Je voudrais qu'on augmente puis dans l'ensemble. Donc, le total, quand le gouvernement regardera, je pense qu'il faut considérer que cette catégorie-là en tant que telle est dans un monde particulier en tant que tel et considérer les impacts économiques qu'ils peuvent faire sur toutes les autres catégories par la suite pour nos...

Mme Perry Mélançon : Et vous dites, en conclusion...

La Présidente (Mme Chassé) : En conclusion.

Mme Perry Mélançon : Oui. Vous dites que... Je vais essayer de faire ça vite. Combien de temps?

La Présidente (Mme Chassé) : Zéro.

Mme Perry Mélançon : Bon, d'accord. Merci. Merci à vous.

La Présidente (Mme Chassé) : M. Audet, M. Lessard, M. Leblanc, merci pour votre contribution aux travaux de la commission.

J'ajourne les travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 28)

(Reprise à 14 h 7)

La Présidente (Mme Chassé) : Alors, nous sommes de retour. Nous reprenons nos travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie et la vibration de leurs appareils électroniques.

Nous sommes réunis en commission pour poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le cahier de consultation intitulé La planification de l'immigration au Québec pour la période 2020-2022.

Je vais juste vérifier... Bon, c'est bon. Cet après-midi, nous entendrons les organismes suivants : le Service d'aide aux néo-Canadiens, l'Association canadienne des conseillers professionnels en immigration, la ligue nationale... non, la Ligue d'action nationale, le Conseil du patronat du Québec et le Mouvement Québec indépendant.

Comme la séance a débuté à 14 h 07, est-ce qu'il y a consentement pour poursuivre nos travaux au-delà de l'heure prévue, soit à 17 h 52? Consentement.

Je souhaite donc la bienvenue aux représentants du Service d'aide aux néo-Canadiens et je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. À une minute de la fin, je vais vous faire un signe, qui va vous permettre de pouvoir conclure en douceur. Et, ensuite, nous procéderons à une période d'échange avec les différents membres de la commission. Je vous invite tout d'abord à vous présenter puis à débuter votre exposé. Allez-y.

Service d'aide aux néo-Canadiens (Sherbrooke) inc. (SANC)

Mme Letendre (Lucie) : Alors, bonjour. Bonjour, Mme la Présidente, M. le ministre et distingués invités. Je tiens à remercier la commission de nous accorder ces quelques minutes afin de vous faire part du point de vue du Service d'aide aux néo-Canadiens quant aux orientations du MIDI.

Tout d'abord, je me présente. Mon nom est Lucie Letendre et je suis présidente du conseil d'administration du SANC depuis 2017 et sur le conseil depuis 2014. J'ai, avec moi, Mme Mercedes Orellana, qui oeuvre au SANC depuis plus de 26 ans, elle en est la directrice générale et elle a elle-même bénéficié des services de l'organisation lorsqu'elle est arrivée comme immigrante au Québec, et Mme Claire Denis, administratrice, également sociologue de formation, professeure retraitée du cégep de Sherbrooke et qui a formé plusieurs cohortes d'étudiants en matière de communication interculturelle et d'enjeux liés à l'immigration.

Quant à lui, le SANC — c'est l'acronyme que je vais utiliser pour le reste de la présentation — est un OBNL qui a été fondé en 1954. On a plus de 65 ans d'existence dans le domaine de l'intégration des immigrants au Québec. Nous sommes une organisation apolitique et areligieuse, dont la mission est de servir d'organisme de référence en Estrie pour l'accueil des personnes immigrantes et faciliter leur intégration à la vie de notre région, et non seulement au plan économique, mais aux plans social et culturel également. Le SANC est composé de 32 employés, plus de 150 bénévoles et a notamment le soutien du MIDI et de Services Québec.

M. le ministre, nous sommes généralement en accord avec les orientations proposées par le MIDI. Rassurez-vous, on ne viendra pas trop vous parler de pénurie de main-d'oeuvre aujourd'hui, parce que beaucoup d'autres l'ont fait avant nous. Mais on vient vous dire que le Québec a la capacité d'accueillir et d'intégrer plus de personnes immigrantes. Nous venons vous dire que nos ressources, au centre, dans les dernières années, ont été même un peu sous-utilisées et les ressources de la région également.

Vous venez d'ouvrir la porte, et c'est merveilleux, aux travailleurs temporaires et aux étudiants étrangers, et, s'il y a une ville au Québec qui peut se réjouir d'avoir une belle réputation en tant que ville étudiante, c'est bien Sherbrooke, et on espère être un peu plus occupés. De manière plus précise, et dans un souci de collaboration et de coopération, on vient renforcir les orientations 1 à 6 et 8 à 10 avec quelques suggestions et commentaires. Par ailleurs, nous sommes en complet désaccord avec l'orientation 7 et nous y reviendrons dans quelques instants.

Quant à l'orientation n° 1, qui est le nombre de personnes immigrantes, nous sommes d'avis que le Québec a la capacité et les moyens d'accueillir 52 500 personnes, tel que vous le suggérez, mais dès le début de la période de référence et non pas d'attendre en 2022 pour ce faire. Le nombre est important, non seulement pour répondre aux besoins actuels de main-d'oeuvre, mais aussi pour contrer le vieillissement de la population, conserver le poids démographique du Québec dans le Canada et garder le fait français bien vivant en Amérique du Nord.

Ceci dit, il ne faut pas non plus que ce chiffre se fasse au détriment des personnes réfugiées. On vit sur la planète Terre, il y a des bouleversements importants. Les réfugiés, il faut arrêter de penser qu'ils sont un fardeau pour l'État. Certains ont déjà une formation. Ce sont des gens... des immigrants dits économiques, et, les autres, on peut les former, on peut les former à nos besoins et avec nos formations à nous.

Sur ce, je vais passer la parole à Mme Orellana, qui va vous entretenir sur les autres orientations, et je reviendrai sur l'orientation n° 7.

• (14 h 10) •

Mme Orellana (Mercedes) : Parfait. On va enchaîner avec les orientations 2, 3, 4, 5 et 6, celles qui touchent à l'immigration économique, aux travailleurs étrangers au Québec, aux étudiants diplômés aussi, et à l'arrimage avec le marché du travail. En fait, nous sommes d'accord avec une immigration majoritairement économique, mais il faut porter une attention particulière à notre capacité à les retenir au Québec. Dans les documents qui ont été soumis à la consultation, on est capable de voir effectivement que la partie de l'immigration économique, c'est celle qui a le pourcentage le moins élevé par rapport à la rétention.

Le contexte actuel, c'est-à-dire où le travail est disponible, va aider évidemment à la rétention. Mais on ne peut pas se fier qu'à cela. Il faut aussi penser à l'intégration sociale parce que l'immigration économique va de pair, et elle est indissociable à l'intégration et culturelle. Il y a des mécanismes qui existent déjà aussi pour faciliter cette intégration.

Entre autres, la personne immigrante va s'enraciner dans son milieu parce qu'il y a aussi des membres de la famille qui sont ici ou parce qu'il y a un noyau important déjà de la communauté qui est présent au Québec. Sans vouloir ghettoïser l'immigration, ça aide aussi le fait d'avoir aussi des membres de la communauté déjà dans une période de transition, surtout à l'arrivée aussi, afin de faciliter, justement, ce passage et cette intégration au début qui est importante. Nous croyons important de pouvoir suggérer d'inclure une question sur la présence de membres de la famille au Québec dans la déclaration d'intérêt et d'en tenir compte dans l'évaluation de la candidature dans la nouvelle plateforme d'Arrima.

Autre mécanisme qui existe déjà aussi, au Service d'aide aux néo-Canadiens, c'est la formation en entreprise en gestion de la diversité culturelle et en communication interculturelle ou dans le profil interculturel aussi des différents pays. Il faut donner les moyens aux entreprises de bien intégrer ces personnes, puis de pouvoir préparer leur milieu de travail aussi au côtoiement de travailleurs d'origine immigrante, puis pouvoir, justement, permettre que ça se passe bien en emploi.

Nous sommes heureux de constater que le ministère a déjà annoncé des mesures afin de prendre en charge ces personnes dès leur arrivée et même avant à leur ajustement des services de francisation et à donner des moyens pour que ça puisse les attirer en région en parlant des différentes régions du Québec en dehors de Montréal. Donc, il faut tenir justement en compte de pouvoir accélérer les efforts pour améliorer la régionalisation de l'immigration.

Nous encourageons aussi le gouvernement à continuer à faire des efforts afin de soutenir les immigrants à passer de leur statut de résident temporaire à résident permanent pour tous les avantages qui ont déjà été identifiés dans les différentes recherches. Ce sont des catégories de personnes ou de statuts d'immigrants qui représentent une opportunité privilégiée pour le Québec. Ensuite, évidemment, le Québec compte un certain nombre de travailleurs temporaires qui veulent s'installer ici. Leur expérience de travail au Québec peut aider déjà aussi à leur faciliter la vie, l'expérience de vie chez nous.

En ce qui a trait à l'orientation 8 à 10, nous désirons vous féliciter pour l'accès aux cours de français autant pour les conjoints des travailleurs temporaires et les étudiants internationaux.

Toutefois, on vous demande un petit effort supplémentaire en ce qui a trait aux demandeurs d'asile. Je sais que c'est une catégorie bien particulière, mais c'est important parce que ce sont des personnes qui sont déjà sur le territoire en train de régulariser leur situation. Nous savons aussi que ça ne relève pas de la décision du ministère de l'Immigration, mais c'est des personnes qui... avec un permis de travail, c'est une main-d'oeuvre aussi qui est disponible pour les entreprises, et que ce soit pour une période transitoire de deux, trois, quatre ans, le temps qu'ils puissent obtenir leur décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, c'est une main-d'oeuvre qui est disponible et ça peut favoriser autant sur le plan du français, sur le plan démographique, sur le plan culturel aussi.

La même chose pour les travailleurs de 45 ans et plus. Ce sont des personnes qui ont encore une vie active au travail, et, si on ne change pas la grille de sélection pour donner des points supplémentaires à des gens qui ont plus de 40 ans au moment de faire la demande d'immigration, mais on se prive probablement de candidats qui sont encore aussi capables de donner quelques années de vie économique à la société québécoise. Je vais encore redonner la parole à Mme Lucie Letendre.

Mme Letendre (Lucie) : Oui. Pour faire du pouce sur ce que Mercedes venait de dire, c'est aussi des gens qui, à 45 ans, ont encore de jeunes enfants, alors c'est des futurs citoyens du Québec, ça, et ils s'intègrent très facilement, on le sait.

Alors, tel qu'annoncé au tout début de notre exposé, nous sommes en désaccord avec l'orientation n° 7, M. le ministre, qui est de favoriser la sélection des personnes qui connaissent les valeurs démocratiques et autres valeurs québécoises. Je le sais, vous allez me demander : Comment être contre la tarte aux pommes? Bon.

Nous sommes en désaccord avec cette orientation-là parce que, dans un premier temps, elle est ambiguë, elle est mal définie. Tu sais, on peut bien parler que la liberté, c'est une valeur québécoise, mais, moi, quand je dis à mon enfant plus jeune de ne pas sortir le soir, bien... elle est où, la liberté, là? Elle est où, la ligne? Alors, c'est ambigu. Il manque, ici, de contexte, si on peut dire. Et c'est très difficile aussi. Comment on va les évaluer, ces valeurs-là? Puis quand est-ce qu'on va les évaluer? Puis, tu sais, c'est... Une valeur, c'est quelque chose qu'on a à l'intérieur de nous. On peut évaluer des comportements, mais évaluer des valeurs, c'est quand même quelque chose de très difficile. La valeur, c'est comme la partie submergée du iceberg, si on veut. Le comportement, lui, est la partie qui sort de l'eau. Donc, évaluons des comportements, mais des valeurs, ça nous semble assez difficile.

Dans un deuxième temps et par-dessus tout, l'immigration est actuellement un sujet très sensible à l'échelle de la planète, et nous craignons que cette orientation-là perpétue, si on veut...

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste moins d'une minute.

Mme Letendre (Lucie) : ...le discours nocif sur l'immigration et les immigrants, que ça perpétue les amalgames, l'entretien de paradigmes et d'idées préconçues.

M. le ministre, en conclusion, on se permet de vous sensibiliser au fait qu'il y a une course à l'immigration parmi plusieurs pays industrialisés actuellement. La Commission européenne parle d'une pénurie de 19 millions de personnes de 2023 à 2060. C'est demain matin. Il ne faut pas laisser passer notre chance, ce qui pourrait être le cas si on met des conditions trop difficiles ou trop ambiguës à rencontrer. Et aussi il ne faut pas se priver des personnes réfugiées, qui, comme je le disais, sont une main-d'oeuvre aussi accessible.

La Présidente (Mme Chassé) : En conclusion.

Mme Letendre (Lucie) : Je vous remercie.

La Présidente (Mme Chassé) : Très bien. Merci à vous. Nous allons débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous pour un bloc pour le parti formant le gouvernement de 16 min 30 s.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames, Mme Rémi, Mme Orella, Mme Letendre. Merci pour votre présence à l'Assemblée nationale pour présenter votre mémoire.

D'entrée de jeu, je vous voudrais savoir, vous me dites : À Sherbrooke, on a de la disponibilité, on peut en faire plus. Pouvez-vous détailler là-dessus quand vous dites : On a... on pourrait accueillir davantage de personnes... Qu'est-ce qui n'est pas maximisé, là, à Sherbrooke, là?

Mme Orellana (Mercedes) : Bien, en fait, on voit les statistiques des personnes qu'on a reçues la dernière année, on a une baisse par rapport à l'année précédente, et donc, si on en avait déjà reçu beaucoup plus dans les années d'avant puis qu'on est capable de les aider à trouver un logement, les enfants sont inscrits à l'école au niveau primaire, secondaire dans des délais raisonnables, la santé est capable de faire son exercice aussi en ce qui concerne le bilan de santé pour certaines catégories de personnes, donc on a la capacité de pouvoir, comme milieu, favoriser leur installation. Par la suite aussi, c'est l'intégration des personnes qui peuvent être déjà en contact avec des réseaux existants. Donc, c'est simplement de dire qu'on est en mesure de pouvoir en accueillir, d'autres personnes, aussi. On est mode, je dirais, rattrapage par rapport aux années précédentes.

M. Jolin-Barrette : Là, lorsque vous dites ça, vous visez toutes les catégories d'immigrants, là, à la fois économiques, regroupement familial et réfugiés, là.

• (14 h 20) •

Mme Orellana (Mercedes) : Tout à fait. Nous autres, on reçoit toutes les catégories de personnes immigrantes. Et, quand Mme Letendre mentionnait le fait qu'on salue l'ouverture du ministère par rapport à l'accessibilité des services pour les travailleurs temporaires, on sait qu'il y a de plus en plus d'entreprises qui se tournent vers l'embauche de travailleurs de l'étranger. Mais, ces personnes-là, l'entreprise n'est pas nécessairement toujours prête ou préparée à assumer l'intégration sociale. L'intégration en emploi, ça va être une chose. Par la bande, elle va peut-être se faire avec les collègues de travail, mais ça va prendre plus de temps. Il n'y a pas un rôle de l'entreprise d'intégration sociale nécessairement de ces travailleurs. Mais, en complémentarité avec les ressources qui existent, nous, justement, nos services peuvent compléter cette offre de l'entreprise, ou ce rôle, ou cette responsabilité.

Ensuite, du côté des étudiants internationaux, vous connaissez bien qu'à l'Université de Sherbrooke puis à Bishop, on reçoit beaucoup d'étudiants étrangers. Et le fait de pouvoir accéder à certains de vos services, mais ça va nous aider parce qu'on travaille déjà en collaboration avec ces institutions aussi. Donc, on souhaite puis on espère qu'ils vont solliciter nos services davantage aussi.

M. Jolin-Barrette : Bien...Oh! allez-y, allez-y.

Mme Letendre (Lucie) : Excusez-moi. Si je peux juste me permettre d'ajouter, M. le ministre, c'est ça qu'on veut aussi accentuer, c'est qu'il y a de la place en région. Il y a de la place en région pour accueillir des immigrants. Puis il y a 14 villes au Québec qui ont des organisations semblables à la nôtre, alors il faut s'en servir. Et puis, oui, chez nous, comme Mercedes le disait, il y a du logement, les écoles ne débordent pas comme à Montréal. Alors, il faut... ayez ça en tête, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Bien, je suis très d'accord avec ce que vous dites parce que c'est un des objectifs aussi du gouvernement du Québec, depuis qu'on a été élus, de mettre l'accent sur la régionalisation de l'immigration. Et, vous savez, la majorité de l'immigration se concentre à Montréal, mais il y a des besoins dans toutes les régions du Québec, notamment pour les entreprises. Et là je ne vise pas uniquement les travailleurs qualifiés supposons, mais, comme vous le dites, effectivement, les demandeurs d'asile, pendant le temps qu'ils sont sur le territoire québécois, peuvent intégrer un emploi, les personnes réfugiées aussi, et le regroupement familial. Quoique le regroupement familial, ça dépend parce qu'on vient rejoindre souvent quelqu'un de sa famille. Cela étant dit, effectivement, pour assurer la vitalité de toutes nos régions, bien, il faut s'assurer d'une régionalisation de l'immigration.

Au niveau des travailleurs qualifiés, c'est pour ça que j'ai dit qu'on allait donner priorité aux personnes immigrantes qui avaient une offre d'emploi validée en région. On allait les prioriser. Mais une chose aussi, il y a des efforts à faire du côté du gouvernement, d'offrir des services en région. C'est pour ça que, la semaine dernière, quand j'ai annoncé le parcours d'accompagnement personnalisé, bien, les agents d'aide à l'intégration vont être principalement en région justement pour qu'on puisse faire le lien avec les organismes comme le vôtre et que le ministère soit là à toutes les étapes aussi pour assurer une présence terrain aussi. Puis, je pense, c'est un des éléments qui a manqué au ministère de l'Immigration, le fait d'être... d'avoir tout rapatrié à Montréal et de ne pas avoir été présent sur le terrain. Parce que l'idée, là, du ministère, ce n'est pas de venir enlever ce que vous faites de bien sur le terrain avec les personnes immigrantes. Vous êtes les plus spécialisés. Mais c'est d'être là en support, puis vraiment aussi d'amener un support pour la personne immigrante, une personne à qui elle peut se référer au ministère de l'Immigration. Ça fait qu'on veut vraiment travailler en collaboration avec vous à ce niveau-là, au niveau de la régionalisation. Puis je pense que c'est tout le Québec qui va gagner, notamment aussi en ce qui concerne l'intégration. Puis, vous le disiez, les entreprises aussi, parfois, elles ne sont pas outillées, alors c'est toute la collectivité, là, qui doit être présente pour l'intégration.

Parlons un peu de l'orientation 7 sur les valeurs québécoises exprimées par la Charte des droits et libertés de la personne. Nous, notre objectif, c'est de faire en sorte que les gens adhèrent à ces valeurs. Et, lorsque vous dites : C'est un peu flou, bien, on a discuté abondamment, en commission parlementaire, dans le cadre du projet de loi n° 9 sur ce qui constitue les valeurs québécoises, et c'est celles qui sont exprimées dans la charte. Je vous donne un exemple : la non-discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, l'égalité entre les hommes et les femmes, la laïcité. Ça, c'est des concepts, pour la société québécoise, qui sont importants. Alors, on est dans cette logique-là, de dire : Bien, écoutez, l'immigration, c'est une responsabilité partagée, mais, nécessairement, lorsqu'on vient dans une société d'accueil, on doit s'engager à respecter les codes qui régissent la société. C'est un peu dans ce sens-là qu'on le présente. Je ne sais pas si ça vous éclaire aussi sur l'orientation du gouvernement à ce niveau-là.

Mme Letendre (Lucie) : Bien, les orientations dont vous parlez ou les valeurs, ou les normes dont vous parlez, évidemment, on a suivi effectivement la commission aussi sur le projet de loi auquel vous avez fait référence. Puis, comme je vous dis, on ne peut pas être contre la tarte aux pommes. Je pense qu'il faut simplement clarifier le message. Ici, si on parle d'égalité hommes-femmes, bien, disons-le, qu'on parle d'égalité hommes-femmes.

Puis il faut être juste conscients qu'aussi il ne faut pas penser que les immigrants ne les connaissent pas nécessairement, ces valeurs-là, puis, parfois, ces discours-là, ces discussions-là autour de ces thèmes-là, bien, ça renforce un peu le message que les immigrants sont très différents des gens qui habitent le Québec. C'est dans ce sens-là que je veux vous dire : Faites attention quand on va sur ce terrain-là, parce qu'il est un peu miné. C'est notre point de vue à cet effet-là.

Mais soyons plus clairs sur ce qu'on s'attend, à ce moment-là, des personnes qui viennent habiter au Québec quant à leurs valeurs. De la démocratie, on peut bien penser que c'est le droit de vote, là. Ça, c'est...

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, ce n'est pas uniquement ça, la démocratie, et...

Mme Letendre (Lucie) : Non. C'est un exemple que je donnais, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Non, mais ce que je veux dire, je pense qu'au cours des derniers mois je l'ai répété abondamment sur ce que constituent les valeurs québécoises, et on peut les appeler comme on le souhaite. Exemple, le Parti libéral les appelle les valeurs communes, notamment. Il y a certaines valeurs qui font partie de la société québécoise, qui n'étaient pas nécessairement dans la charte. Je donne un exemple : la laïcité ne l'était pas. Le Parti libéral était contre le fait d'inscrire ça dans la charte.

Mais il faut s'assurer que, lorsqu'on accueille des gens, on a un cadre qui établit quels sont les paramètres de la société québécoise, puis je pense que ce n'est pas mauvais de dire clairement ce à quoi la société québécoise, elle tient. Puis ce n'est pas une question d'opposition, de dire : Les personnes immigrantes ne connaissent pas les valeurs. Il y a un effort qui doit être fait de la société québécoise pour diffuser ces valeurs-là, renseigner et dire que... ce sur quoi est bâtie, et ce sur quoi on veut bâtir la société québécoise un peu. C'est la vision que le gouvernement a, parce que je pense que c'est ça qui cimente notre société, puis qu'on établit clairement, dès le départ, ce sur quoi est fondée notre société puis notre vivre-ensemble collectif à ce niveau-là.

Peut-être, Mme la Présidente, je céderais la parole à des collègues. Je sais que j'ai des collègues qui veulent poser des questions.

Mme Orellana (Mercedes) : ...je voudrais juste peut-être, M. le ministre, faire référence à notre mémoire. Dans le document, à la page 20, concernant cette orientation, on disait pourquoi... on expliquait un petit peu pourquoi on était en désaccord, mais c'est parce que le libellé de l'orientation, il dit : «Favoriser la sélection des personnes immigrantes connaissant les valeurs démocratiques et les valeurs québécoises exprimées par la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.»

Or, ce qu'on dit, c'est que, de faire le lien entre la sélection, la grille de sélection versus la connaissance des valeurs démocratiques, le Québec n'a pas toute la responsabilité de la sélection quand on parle de certaines catégories de personnes immigrantes, dont les personnes réfugiées, par exemple, où le gouvernement fédéral a sa part des choses à faire.

C'était plutôt, justement, ce lien entre faire... le lien entre la sélection, choisir les personnes qui connaissent les valeurs québécoises, qui était un petit peu... pas vague... ou difficile à dire : Oui, on adhère à cette orientation complètement, parce qu'on sait pertinemment qu'il y a une partie de la sélection qui faite par le gouvernement fédéral. Donc, ça impliquerait d'autres démarches. Ça impliquerait de changer la grille de sélection, ça impliquerait probablement d'autres travaux au niveau administratif, qui prendront sûrement une période, un délai, et ça prendrait des discussions aussi avec l'autre palier gouvernemental aussi. C'était plus tout ça que je voulais ajouter.

Mme Letendre (Lucie) : ...je crois que justement... C'est vraiment la façon dont l'orientation est libellée, là. Ce n'est pas d'avoir des discussions sur la tarte aux pommes.

M. Jolin-Barrette : Je comprends.

Mme Letendre (Lucie) : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Je crois que c'est le député de Mégantic qui désire prendre la parole pour poursuivre les discussions. Il reste six minutes au bloc.

M. Jacques : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames. Ça va bien?

Une voix : Oui, merci.

M. Jacques : Vous avez parlé que vous aviez des ressources disponibles, là, étant donné qu'il y avait eu une baisse de recours à vos services. De quelle façon que vous expliquez cette baisse-là?

Mme Orellana (Mercedes) : En fait, si vous permettez, il y a deux groupes de personnes qu'on a reçus en moins. Un, c'est les travailleurs qualifiés permanents, parce que c'est des personnes qui choisissent eux-mêmes où ils vont aller s'installer une fois qu'ils obtiennent les visas à l'étranger. Donc, si je suis à Paris, par exemple, en France, je peux décider, à ce moment-là, à partir du moment du visa, que je viens m'installer au Saguenay—Lac-Saint-Jean plutôt... ou en Outaouais, ou en Estrie.

Et il n'y a pas de... nécessairement... il n'y en avait pas, je pense qu'il va y avoir des changements bientôt, il n'y en avait pas nécessairement, des contrôles, pour dire : On prend un premier contact avec la personne puis on sait où est-ce qu'elle va s'installer, etc., puis on va l'orienter aux ressources qui existent. Donc, comme la décision de s'installer, ça appartient à la personne, on a eu moins, tout simplement, on a été moins populaire comme région.

L'autre catégorie, c'étaient les réfugiés pris en charge par l'État, qui, eux, sont dirigés par le gouvernement du Québec, par le ministère de l'Immigration, Diversité et Inclusion, à la région où ils vont devoir s'installer. Globalement, dans toutes les régions du Québec, l'année dernière, il y en a eu, une baisse de toutes les personnes réfugiées prises en charge prises par l'État, et on sait très bien aussi qu'il y a des questions de contexte aussi avec l'arrivée des demandeurs d'asile au-delà de 24 000 personnes qui sont passées par le chemin Roxham, qui peut expliquer, en partie, cette situation-là. Je ne sais pas si ça répond. Globalement, c'est ça, le... Ça peut expliquer, parce que cette année, on est en remontée. Cette année, on a des accueils beaucoup plus près de qu'est-ce qu'on avait l'habitude d'en accueillir.

• (14 h 30) •

M. Jacques : Et c'est dû à quoi cette année? Les travailleurs étrangers qui viennent dans l'entreprise qui sont recrutés, ou à l'étranger, ou des...

Mme Orellana (Mercedes) : Non. Pour ce qui est des travailleurs qualifiés permanents, on est encore en baisse, parce que, l'année d'avant, on en a eu 100. Cette année, qui s'est finie le 30 juin 2019, on en a eu 93, donc on a sept familles de moins, tandis que, pour les réfugiés pris en charge par l'État, c'est une décision que le gouvernement fait, et il a des consultations avec le gouvernement fédéral à chaque année puis il décide de statuer quel nombre de personnes réfugiées prises en charge par l'État il serait prêt à accueillir. Il y a eu probablement une régulation qui s'est faite à ce niveau-là, donc on a reçu plus de personnes.

M. Jacques : O.K. Vous couvrez une partie de l'Estrie, là, ce n'est pas juste Sherbrooke, donc vous... il y a des... à Mégantic, et à Cookshire, et un peu partout. Vous avez 150 employés, bénévoles en plus.

Mme Letendre (Lucie) : Non, 32 employés, 150...

M. Jacques : 102?

Mme Letendre (Lucie) : 32. 150 bénévoles.

M. Jacques : O.K., 32. J'avais compris 150...

Mme Orellana (Mercedes) : Bénévoles.

M. Jacques : Bénévoles, O.K., c'est bon. Puis les bénévoles, ils parcourent tout le territoire puis ils vont voir les gens, là, qu'ils s'occupent depuis plusieurs années, d'ailleurs, là.

Mme Orellana (Mercedes) : Non. En fait, comment qu'on est organisé par rapport à nos services, c'est que nos employés peuvent se déployer sur le territoire si c'est nécessaire. Nos services sont accessibles soit par téléphone, par Skype, en personne. Et les bénévoles vont aller, si c'est nécessaire, effectivement... vont se déplacer avec un employé, mais, en général, ça se passe majoritairement à Sherbrooke, je vous dirais.

Avec la MRC du Granit, on a... Depuis 2015 que la MRC du Granit a mis sur pied un projet qui s'appelle Défi Carrière Mégantic, qui est à la deuxième phase, dans lequel plusieurs municipalités de la région y participent. Jeudi, je vais à Saint-Sébastien, c'est peut-être une ville que vous connaissez. Et c'est une région qui s'est mobilisée beaucoup, depuis les trois dernières années, pour être plus accueillante. Il y a beaucoup de travailleurs aussi qui existent dans différentes usines. Et, s'il y a des besoins de ces personnes-là qui sont installées dans le territoire de la MRC du Granit, il y a des liens qu'on fait déjà avec... par le biais de la Société de développement économique du Granit et d'autres organismes partenaires, et on a déjà eu à se déplacer dans certaines occasions aussi, mais il faut juste, comme, faire appel à nous.

M. Jacques : ...là, qui est la ressource dans la MRC.

Mme Orellana (Mercedes) : Oui.

M. Jacques : Vous avez parlé tantôt, là, l'intégration, là, pour les 40 ans et plus, qu'il y avait une perte de points. Comment vous voyez ça? Comment vous voyez... pour corriger ça, ce tir-là, pour qu'il y ait une... favoriser ces gens-là de 40 ans et plus, là?

Mme Orellana (Mercedes) : Bien, premièrement, c'est de modifier la grille de sélection, parce que vous savez que, pour venir au Québec, peu importe la catégorie d'immigration à laquelle on sollicite, il y a des points, des pointages qui se donnent selon différents critères, l'âge, la scolarité, la capacité d'intégration, etc.

Mais, par rapport à l'âge, si vous en avez 43, ans, mettons, 45 ans, vous avez zéro point, tandis que peut-être qu'à 45 ans on a encore 20, 25 ans de vie active devant nous. À ce moment-là, ça serait de dire : Bien, on donne un pointage différent au critère de l'âge pour favoriser l'arrivée des personnes qui sont encore, mettons, à 45 ans, mais qui peuvent être économiquement actives encore pendant des années. Et, comme Mme Letendre le disait, en plus, ils ramènent des enfants, ils ramènent des gens qui vont être aussi beaucoup plus longtemps sur le marché du travail. C'est vraiment en favorisant... en modifiant la grille de sélection puis en donnant plus de points sur le critère de l'âge. Une fois rendus ici, il y a toute la panoplie des services qui existent aussi pour favoriser l'aide à la recherche d'emploi des travailleurs expérimentés.

M. Jacques : Et est-ce que ces gens-là vont être susceptibles à rester plus au Québec ou...

Mme Orellana (Mercedes) : Je n'ai pas compris la...

M. Jacques : Les gens de 40 ans, de... mettons, 40, 45, vont-ils avoir un intérêt à rester plus au Québec que ceux de 30 ans, mettons?

Mme Orellana (Mercedes) : Moi, je pense qu'il y a une question de... Ça, c'est toujours relatif, c'est... On ne peut pas comme aller mettre juste sur le critère de l'âge de la personne parce qu'il y a d'autres critères qui peuvent rentrer en considération aussi, par exemple, la présence de membres de la famille dans une autre province, ça en fait un facteur d'attraction. Qu'on soit jeune ou qu'on soit moins jeune, ils vont avoir un facteur d'attraction pour nous ramener ailleurs. Puis l'inverse est vrai aussi, si on est déjà ici puis qu'il y a des personnes qui viennent, plus âgées...

La Présidente (Mme Chassé) : ...conclusion.

Mme Orellana (Mercedes) : ...par contre, on peut dire que la personne, elle va être plus stable puis va vouloir s'enraciner aussi à l'endroit où est-ce qu'elle arrivera.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Ça termine le bloc avec le parti formant le gouvernement. Maintenant, je cède la parole au député de Nelligan, porte-parole pour l'opposition officielle. 11 minutes.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Mesdames, merci pour votre présence. Et vous savez quoi? Vous m'avez donné le goût de venir vous visiter, et je suis impressionné par la qualité de ce que vous faites pour toute l'Estrie. 150 bénévoles, j'ai déjà eu l'occasion de gérer des bénévoles dans la vie, une dizaine, pas une 150, et je vous salue. Bravo pour tout ce que vous faites! Et ça démontre, ça démontre que le Québec et ses régions ont la capacité d'accueil, et vous l'avez démontré.

Ma question est la suivante : Pensez-vous que le gouvernement fait fausse route avec ces seuils et que le slogan En prendre moins, en prendre soin ne tient plus la route vu qu'on a la capacité d'accueil en région?

Mme Orellana (Mercedes) : Moi, j'ai toujours pensé, puis ce n'est pas la première planification triennale à laquelle on participe, ce n'est pas la première consultation, on a toujours tenu ce discours qu'on a la capacité d'intégrer puis d'accueillir plus de personnes immigrantes sans regard au statut d'immigration. Ce qui va être différent d'un exercice à l'autre, c'est la question de jouer avec les catégories, les différents statuts, etc. Donc, je pense que c'est important de garder en tête que, si on veut... pas seulement pour la question du marché du travail, mais aussi pour contrer l'effet démographique pour la pérennité du français dans notre province, c'est important de continuer à recevoir des personnes.

M. Derraji : Vous avez très bien soulevé les enjeux : la pérennité du français et le fait de parler le français, le poids démographique du Québec au Canada, c'est aussi très important, vous l'avez soulevé, et je comprends vraiment vos préoccupations. Mais, aujourd'hui, vous avez, en face de vous, un gouvernement qui, lors de la dernière élection, a décidé de diminuer les seuils à 40 000, et là, maintenant, on va aller progressivement à 52 000. Et, vous, vous dites le contraire au gouvernement : Ça n'a pas de bon sens, on a la capacité d'accueil. Comment contrer ce discours que, d'un côté, on dit qu'on n'a pas la capacité et, de l'autre côté, vous dites... Vous êtes les acteurs du milieu, normalement, le MIDI doit vous écouter parce que vous êtes en contact et vous êtes sur le terrain. Comment vous leur dites aujourd'hui que vous avez la capacité d'accueil et ce n'est pas bon de diminuer les seuils, il faut aller à 52 000 aujourd'hui?

Mme Letendre (Lucie) : Bien, je crois qu'on a dit ce qu'on avait à dire qu'effectivement on a la capacité d'accueil. On a dit au ministre aussi qu'on pense qu'on peut accueillir ces 52 500 personnes dès le début de la période triennale. Le ministre tient cette consultation pour nous écouter, alors là, voilà.

M. Derraji : Et le ministre a confirmé qu'il est là en mode écoute, donc j'espère que ce que vous avez dit par rapport à la capacité d'accueil va sonner dans l'oreille du ministre et que le Québec est prêt à accueillir plus de ce qu'on accueille maintenant.

Je vais... je suis curieux à vous entendre par rapport à l'orientation 7. J'ai entendu que vous êtes contre. J'ai entendu vos explications, les explications et vos arguments à la question du ministre. Si je vous repose une autre question et je vous dis : Cette orientation, c'est à réécrire, comment vous allez la libeller? Si vous avez une façon de voir, de revoir, à la lumière des explications que vous avez évoquées, comment réécrire cette orientation?

Mme Letendre (Lucie) : Veux-tu que je réponde?

Mme Orellana (Mercedes) : Oui. Bien, en fait, je pensais que tu... désolée, on ne s'est pas vues, mais on peut répondre toutes les deux, si vous voulez. Mais, en fait, je...

Mme Letendre (Lucie) : On se complémentarise très bien, Mercedes et moi.

Mme Orellana (Mercedes) : ...je vais amorcer la réponse, si vous voulez, puis Mme Letendre pourra compléter.

Est-ce qu'on a besoin de la réécrire? Premièrement, je sais que c'est mal élevé de répondre à une question par une question. Mais, mon premier réflexe, ça serait dire : Est-ce qu'on a besoin de la réécrire? Parce que, dans notre texte de mémoire, on explique très clairement que, dans notre travail quotidien, on applique les valeurs démocratiques avec les nouveaux arrivants qu'on accueille dans nos services. On applique chacun des éléments qui sont importants pour la vie, le bon vivre-ensemble entre tous les Québécois, et que c'est par les comportements qu'on a dans la vie de tous les jours, par le côtoiement face à notre voisin, à notre collègue qu'on est capable de comprendre l'importance de l'égalité, par exemple, entre les hommes et les femmes, l'égalité entre les personnes, l'importance du français, etc. Donc, je pense que c'est plutôt de donner l'opportunité à ce que les personnes arrivent sur le terrain, sur le territoire et apprivoisent...

Vous savez, l'intégration, on dit que, dans la courbe de l'intégration, quand la personne est à l'étranger du Québec, qu'elle n'a pas encore mis les pieds, on peut idéaliser, à partir d'une photo, voir la neige dans un paysage. Mais voir la neige puis la toucher, ce n'est pas pareil. Ce n'est pas la même sensation. Voir une image d'un vent puis sentir la bourrasque qui vous rentre le froid dans vos os, ce n'est pas la même chose. Donc, il faut être en mesure de...

Des voix : ...

• (14 h 40) •

Mme Orellana (Mercedes) : ...c'est vrai, de se donner l'occasion de vivre ensemble puis de comprendre un peu nos habitudes, nos traditions, et là on va aimer, on va apprendre les valeurs, comment elles sont vécues ici, au Québec.

Parce que, moi, mes valeurs... Je ne suis pas originaire du Québec, mais j'avais quand même une valeur d'égalité entre les hommes et les femmes quand j'habitais au Salvador, mon pays d'origine, et je la chérissais, cette valeur-là, mais j'ai appris aussi à voir comment elle se vivait ici, au Québec, qui était différente d'El Salvador.

Donc, je pense qu'il faut donner la chance, à mon avis, plus...

M. Derraji : Je vous remercie et je... probablement, je suis dans la même situation que vous parce qu'avant de venir j'ai vécu une tempête de sable mais pas une tempête de neige. C'est toute une différence.

Je comprends ce que vous venez de dire. Donc, selon vous, l'orientation 7 ne sert absolument à rien.

Mme Letendre (Lucie) : Bien, en fait, elle ne sert à rien... Ce qu'on veut dire, c'est que c'est important de les vivre, ces valeurs-là, ici, mais, en tout cas, de la façon dont elle est libellée, elle n'est pas libellée, selon nous, de façon très adroite. Et, comme Mercedes le dit, on pense que c'est en vivant ici qu'on va apprendre à vivre ces valeurs-ci et...

M. Derraji : Oui. Votre expérience avec les nouveaux arrivants au niveau de la région de l'Estrie depuis plusieurs années, avez-vous senti une inquiétude par rapport à ces valeurs démocratiques? Je ne parle pas uniquement de l'égalité hommes-femmes mais l'ensemble des valeurs québécoises. Est-ce que vous senti une inquiétude que...

Mme Letendre (Lucie) : ...en général?

M. Derraji : Les gens avec qui vous travaillez, est-ce que vous avez senti une menace ou une inquiétude par rapport au respect des valeurs démocratiques depuis le temps que vous travaillez avec les nouveaux arrivants?

Mme Orellana (Mercedes) : Moi, j'ai senti plus une inquiétude de la part de certaines collègues qui portent le voile, par exemple, et qui se sentent regardées de façon différente depuis un certain temps, qui font face peut-être à des commentaires qui sont moins respectueux, mais, pour le reste des personnes, je n'ai pas senti d'inquiétude. Si on parle de la communauté africaine, latino-américaine, européenne, non.

M. Derraji : Mais, quand je parle d'inquiétude, c'est que les gens avec qui vous travaillez ne respectent pas les valeurs québécoises... Je vais revenir au cas du voile, mais je parle des gens avec qui vous travaillez, et vous sentez qu'il n'y a pas, genre... par exemple, le principe de l'égalité hommes-femmes. Est-ce que vous avez senti ça, un besoin de consolider à ces gens : Écoutez, là, au Québec, là, l'égalité hommes-femmes, c'est non négociable. Est-ce que vous avez été témoins de ça?

Mme Orellana (Mercedes) : Oui, on a été témoins dans différentes situations, mais je veux vous dire : Honnêtement, à chaque fois qu'il y a eu une situation problématique à ce niveau-là, il y a une intervention très rapide qui s'est faite par les personnes concernées aussi où, par exemple, disons, dans le milieu de travail, on va sentir un inconfort d'une personne qui...

L'inquiétude est des deux côtés, je vous dirais, autant une personne qui travaille dans un endroit et qui n'était pas habituée à recevoir des ordres d'une femme qui est en position d'autorité. La personne ressentait... Évidemment, il y a un choc, il y a une adaptation qu'il faut faire, puis c'est ça que j'ai expliqué quand je disais qu'il faut donner le temps puis l'éducation pour pouvoir expliquer à la personne comment ça se vit ici.

M. Derraji : C'est là où je comprends que vous ne pouvez pas mesurer ça par des tests mais plutôt le vivre sur le terrain.

Mme Orellana (Mercedes) : Et d'expliquer à la personne pourquoi. Et l'inverse, l'autre côté de l'inquiétude aussi, ça s'est dit, un directeur, une directrice des ressources humaines, par exemple, femme, qui est en train d'embaucher quelqu'un mais qui dit : Moi, j'ai une crainte parce que j'ai peur que cette personne-là, il ne voudra pas recevoir des ordres de ma part. Mais là il faut expliquer à la personne, justement, qu'il y a un exercice à faire des deux côtés pour que la personne comprenne comment ça se fait ici, au Québec.

M. Derraji : Merci. Ma collègue... Oui.

Mme Robitaille : Oui. Il me reste deux minutes, oui...

La Présidente (Mme Chassé) : O.K. En deux minutes, Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Robitaille : O.K. Oui, brièvement. Vous avez parlé, tout à l'heure, des réfugiés. Vous avez parlé de cette perception des réfugiés comme un fardeau et vous dites : Ce n'est pas ça du tout. Et j'aimerais que vous nous parliez, justement, de cette capacité d'intégration, cette capacité de travail des réfugiés, essayer de défaire ce mythe-là que certains peuvent avoir.

Mme Orellana (Mercedes) : ...pense... Dans notre mémoire, on donne une proposition à la fin, en disant au gouvernement : Est-ce que c'est possible de faire une recherche pour mesurer l'impact, et là on parle de mesures, pour mesurer l'impact de l'apport de l'immigration humanitaire, les réfugiés, au Québec, à travers différentes villes au Québec?

Nous, on est dans une région où est-ce qu'on a deux tiers des personnes réfugiées, si on prend les réfugiés pris en charge par l'État et les réfugiés parrainés par le privé, et un tiers de l'immigration économique. Mais je suis convaincue qu'on serait capable de démontrer que les réfugiés qu'on reçoit, une fois la période de transition faite au niveau de l'installation les premières années, la personne, elle devient économiquement active. Elle va payer des impôts comme tout le monde, elle va apprendre la langue, elle va s'intégrer, elle va faire des enfants, elle va grandir sa famille.

Donc, il y a un impact économique quand même intéressant aussi à regarder, et, même s'il y a un investissement social au début, à la longue, on est gagnant.

Mme Letendre (Lucie) : Mais moi, juste pour rajouter, j'inviterais même le gouvernement à faire une campagne de sensibilisation sur la question des personnes immigrantes au Québec et des réfugiés, tout comme on le fait en matière de sécurité automobile. Il faut vraiment aller au coeur, au noeud de cette perception que les gens ont que les personnes réfugiées sont ici puis qu'elles ne sont pas utiles à la société. Ces personnes-là, ce n'est pas notre expérience, elles sont ici pour travailler, puis elles veulent participer au succès de la société québécoise puis elles veulent participer au succès des entreprises d'ici.

La Présidente (Mme Chassé) : En conclusion.

Mme Letendre (Lucie) : Alors, il faut vraiment aller au coeur de ce mythe.

Mme Robitaille : Donc, il y a de la place pour les réfugiés dans la région de Sherbrooke.

Mme Letendre (Lucie) : Oui.

Mme Orellana (Mercedes) : Beaucoup.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. J'invite maintenant le député de Laurier-Dorion, du deuxième groupe d'opposition, à prendre la parole pour 2 min 45 s.

M. Fontecilla : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Allez-y.

M. Fontecilla : Bonjour, Madame. La TCRI, hier, nous disait que... nous parlait d'une sorte de privatisation détournée du système de sélection au Québec, là, parce qu'on donnait de plus en plus de place aux employeurs dans la sélection des immigrants et ils craignaient une certaine forme d'homogénéisation parce qu'on sait qu'il y a des milliers qui rentrent dans la sélection et qui sont souvent inconscients mais qui rentrent quand même et qui fait en sorte qu'on va choisir de plus en plus de francophones, de blancs, des Européens. Est-ce que vous partagez cet avis?

Mme Orellana (Mercedes) : Oui. Mais en fait, c'est... je n'ai pas eu l'occasion nécessairement d'entendre la TCRI dans les commentaires, mais je pense que c'est... non, les entreprises, les témoignages que j'ai du travail qu'on fait avec les entreprises de la région de l'Estrie, c'est qu'ils vont aller participer à des Journées Québec, oui, des Journées Québec que le gouvernement fait en France, par exemple, mais qui donnent accès au bassin d'Afrique du Nord, par exemple, donc dans des pays comme la Tunisie, le Maroc, etc., l'Algérie. Et il y a aussi d'autres actions qui se font, les entreprises, dans d'autres pays comme le Mexique, Nicaragua. Donc, on est dans un autre continent au niveau de l'Amérique latine. Je pense qu'on est dans une région assez diversifiée en temps d'immigration, on a au-delà de 133 communautés qui sont présentes dans de petits noyaux, mais, quand même, ensemble, ça fait une belle mosaïque, je vous dirais. Donc, je pense que c'est important de continuer dans cette diversité aussi pour consolider le noyau déjà existant.

M. Fontecilla : Et, dites-moi, la planification prévoit un certain plafond pour les personnes réfugiées et le programme de réunification familiale qui est de compétence fédérale, mais, pratico-pratique, ça fait en sorte que, les gens qui veulent regrouper la famille, ça va prendre plus longtemps, et des réfugiés, il va y en avoir moins, etc. Ça envoie le message que ce n'est pas des gens très utiles à l'économie du Québec. Est-ce que vous partagez ce point de vue là?

Mme Orellana (Mercedes) : Non, puis c'est pour ça qu'on vient de vous dire, justement, qu'on souhaiterait qu'on puisse avoir des recherches, des analyses, des sondages qui vont nous dire exactement : Est-ce que nos perceptions sont vraies, ou sont fausses, ou sont partiellement vraies? Nous, on n'en partage pas, parce que notre travail au quotidien avec les personnes réfugiées nous font dire que c'est des personnes qui participent à la société aussi.

M. Fontecilla : Est-ce que ça pourrait vouloir dire que le gouvernement fonde ses politiques sur des perceptions?

Mme Orellana (Mercedes) : Je ne vais pas sur ce plan-là, mais j'irais plutôt pour vous dire que ce qu'on peut constater au niveau des chiffres, c'est que le niveau des personnes réfugiées prises en charge par l'État que le gouvernement du Québec avait en 2010, environ, qui était autour de 1 900 personnes, on est rendu à 1 200 aujourd'hui, donc, je pense que c'est important de revenir puis de trouver un équilibre, parce que c'est une immigration qui peut apporter quand même beaucoup au Québec aussi.

M. Fontecilla : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Gaspé, du troisième groupe d'opposition, 2 min 45 s.

Mme Perry Mélançon : Merci. Bonjour, mesdames, merci de votre venue et surtout de tout ce que vous faites pour contribuer à l'aide... au soutien de nos nouveaux arrivants en région. Je suis une députée de région également, donc je sais qu'on peut recevoir plus d'immigrants en région, ça, c'est sûr. Vous dites que vos ressources ont même été sous-utilisées dans les dernières années. Donc, comment voyez-vous l'annonce des nouveaux agents d'intégration qui vont accompagner les nouveaux arrivants, là, même au niveau de la sélection et de l'intégration? Est-ce que vous avez des craintes par rapport à votre place dans tout ce système-là et services? Ce sera...

• (14 h 50) •

Mme Orellana (Mercedes) : Oui. Non, on n'a pas de crainte. En fait, j'ai une des ressources qui a travaillé avec le comité qui a regardé le parcours d'accompagnement dans son élaboration. Je pense que c'est plutôt le travail de concertation puis de collaboration très étroites avec le gouvernement qu'il va falloir surveiller pour que ça ne se traduise pas dans un travail de contrôle ou de supervision juste pour remplir des petites cases, mais pour s'assurer effectivement qu'on ait un suivi rigoureux du parcours des personnes. Je pense que le gouvernement reconnaît l'expertise qu'il y a dans son réseau de partenaires, dont le Service d'aide aux néo-Canadiens fait partie. Et ce qui est important aussi, c'est probablement toute la question... Cette mesure est venue répondre à une lacune qui avait été identifiée par le Vérificateur général de 2017, donc, je pense que justement a fait... a pris en charge la mesure pour corriger cette situation qui avait été identifiée.

Mme Perry Mélançon : En terminant, justement, vous avez parlé aussi de l'accompagnement des employeurs, parce que c'est aussi une démarche, c'est une charge de travail, une lourdeur, et puis souvent ils se retournent vers des firmes pour avoir de l'aide, et tout, ça coûte des sous. Alors, comment est-ce que le gouvernement pourrait mieux soutenir les employeurs? Quel type d'accompagnement pourrait se faire?

Mme Letendre (Lucie) : Non, mais on sent qu'on a déjà mis en place des services de formation aux entreprises pour les aider dans leurs communications interculturelles. Puis, là-dessus, il ne faut pas juste penser qu'il faut aider l'immigrant puis l'employeur, il faut aider aussi les travailleurs qui sont déjà sur place. Alors, effectivement qu'un financement accru du gouvernement pour permettre la mise en place de tels programmes serait également bienvenu. Mercedes, je ne sais pas si tu veux ajouter.

La Présidente (Mme Chassé) : En conclusion.

Mme Orellana (Mercedes) : Bien, en fait, je pourrais juste vous dire qu'à travers le service aux entreprises de Services Québec il y a déjà probablement une porte aussi qu'on pourrait exploiter davantage. Le gouvernement pourrait vérifier l'assouplissement de certaines mesures ou l'ajout de certaines mesures pour que les entreprises puissent y avoir accès et faire la promotion surtout des services qui existent déjà dans des organismes comme le nôtre pour la formation en gestion de la diversité culturelle.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Ça termine votre exposé et le bloc d'échange.

Je suspends momentanément les travaux pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci encore pour votre contribution.

(Suspension de la séance à 14 h 52)

(Reprise à 14 h 54)

La Présidente (Mme Chassé) : Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de l'Association canadienne des conseillers professionnels en immigration. Vous avez 10 minutes pour votre exposé. À une minute de la fin, je vous ferai un signe. Je vous invite tout d'abord à débuter en vous présentant. Bon exposé.

Association canadienne des conseillers
professionnels en immigration (ACCPI)

M. Jade (Dory) : Merci. Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, bonjour. Mon nom, c'est Dory Jade, je suis le directeur général de l'Association canadienne des conseillers professionnels en immigration. Je veux remercier la commission de nous avoir invités à présenter un mémoire, ainsi que... sur la planification des niveaux d'immigration 2020‑2022. M'accompagnent aujourd'hui Mme Kathy Pellerin, qui est membre du conseil d'administration de l'association, et Mme Sylvie Gonin, qui est à ma droite, membre du comité de la section Québec.

L'ACCPI est l'association professionnelle pancanadienne des consultants en immigration. Elle les représente, elle leur fournit des services d'information et de perfectionnement. Elle agit distinctement, mais en concert avec le CRCIC, qui est l'ordre professionnel ou l'organisme de réglementation.

Notre section du Québec compte la grande majorité de consultants inscrits au registre des consultants en immigration du Québec. Nos points de vue sur les orientations sont les suivants. Je vais être bref et juste prendre quelques-uns des points qui seront les plus importants.

L'orientation 1, concernant les niveaux d'admission, sur ce point-là, l'ACCPI est persuadée que l'immigration influence la croissance démographique, contribue ainsi à la croissance économique et à la prospérité du Québec. Comme le démontrent les plus récentes perspectives démographiques de l'ISQ, qui est l'Institut statistique Québec, pour la période 2016 à 2066, il faut atteindre annuellement 55 000 immigrants pour maintenir une croissance raisonnable et ralentir le vieillissement de la population. De plus, afin d'éviter une chute importante du poids démographique du Québec et ses répercussions politiques et économiques, il sera nécessaire d'augmenter le nombre d'immigrants admis chaque année au Québec.

Le Canada veut recevoir, comme vous le savez, 350 000 immigrants par année en 2021. Si le Québec exerçait son pouvoir sous l'Accord Canada-Québec, ce nombre aurait atteint 79 000 personnes. Certains affirment que ce nombre dépasse la capacité d'accueil du Québec; nous pensons qu'à l'intérieur de paramètres raisonnables cette capacité d'accueil est, avant tout, une question de leadership politique. Et, vu les récentes mesures annoncées, que ce soit au niveau de la francisation ou de l'intégration, nous croyons que cette capacité d'accueil est grandissante. Voilà pourquoi l'ACCPI recommande de s'inspirer du scénario de l'ISQ, d'augmenter jusqu'à 55 000 personnes immigrantes par période qui est un an.

L'orientation 2, la part de l'immigration économique. Nous sommes d'accord avec cette orientation. Toutefois, le maintien d'un pourcentage pour les catégories dans le total des admissions ne devrait pas servir comme motif pour réduire les membres d'admission dans, par exemple, les membres de la famille ou le parrainage des enfants, de personnes... de Québécois ou de Québécoises qui sont à l'extérieur du pays. Si plus de Québécois, par contre... par exemple, désirent parrainer leur conjoint ou leurs enfants, ce barème ou ce plafond de 65 % ne devrait pas s'appliquer.

• (15 heures) •

Il faudrait aussi augmenter les nombres pour les gens d'affaires pour le déclin démographique et l'enjeu de la relève entrepreneuriale nous inquiète, un besoin important et immédiat. Avons-nous suffisamment d'hommes d'affaires au Québec? Si des gens intéressés à créer des entreprises au Québec répondent aux exigences, selon quelle logique devons-nous limiter le nombre d'entrepreneurs à 60 et de travailleurs autonomes à 50, tel qu'il était l'année passée? Pour les investisseurs, nous proposons de, progressivement, hausser les quotas et d'améliorer la rétention en relevant le seuil de passage pour favoriser ceux qui obtiennent... ou ceux qui obtiennent davantage de points. Nous croyons que l'ACCPI devait être associée à la mise en place des nouveaux programmes pour les gens d'affaires, vu que la grande majorité est... selon le ministère, plus que 95 % de ces gens-là ont recours aux services de consultants en immigration.

Orientation 3 : augmenter la part du PEQ. Nous soutenons cette orientation, nous constatons avec plaisir que plusieurs des recommandations que nous avons faites en 2018 ont été retenues concernant le PEQ. Par contre, pour les travailleurs temporaires, nous continuons à demander de revenir à la définition initiale d'emploi admissible au PEQ, qui accepterait le travail autonome et celui pour une entreprise qui est au Canada et dont le propriétaire est en situation temporaire.

En ce qui concerne le volet étudiants étrangers, nous voudrions voir assouplir les exigences du diplôme admissible.

Par ailleurs, un passage du cahier de consultation nous a laissés perplexes. À la page 8, on écrit qu'Arrima sera étendu pour les années prochaines aux autres programmes d'immigration, en commençant par le PEQ. Or, le PEQ ne fonctionne pas selon une grille de sélection ou des points, alors on aimerait savoir probablement comment Arrima et le PEQ fonctionneraient ensemble. Par conséquent, nous n'appuyons pas cette intention.

Finalement, nous ne comprenons pas la cohérence avec cette orientation et la décision de suspendre, le 10 juillet 2019 jusqu'au 1er novembre 2019, la réception des demandes du volet Diplômés du Québec. La raison invoquée de donner la priorité à la sélection de personnes qui occupaient un emploi au Québec au cours de cette période ne nous apparaît pas convaincante.

La Présidente (Mme Chassé) : ...à votre exposé.

M. Jade (Dory) : D'accord. Je vais donner la parole à ma collègue Sylvie pour la conclusion et le point 6.

Mme Gonin (Sylvie) : Oui. Alors, je vais aller avec l'orientation 6 : appuyer les employeurs pour la sélection temporaire. Nous appuyons le MIDI dans sa démarche de mettre en place une nouvelle offre intégrée de services aux entreprises. Nous recommandons que le MIDI puisse s'assurer de bien identifier les différents partenaires publics et intégrer également des entreprises privées dûment agréées et spécialisées. L'offre de services actuelle n'est pas suffisante et pas suffisamment adaptée aux besoins des employeurs devant faire face aux défis du recrutement international, autant dans la phase de sélection selon le bassin géographique visé qu'au niveau de l'administration...

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste 30 secondes.

Mme Gonin (Sylvie) : ...des procédures d'immigration à court et moyen terme. Donc, nous accueillons, par contre, positivement les premiers efforts du MIDI en matière d'accompagnement des employeurs; on le sent très bien déjà, que les entreprises acceptent ce nouveau service.

Donc, j'y vais avec la conclusion, en terminant, que nous vous référons à notre mémoire pour d'autres considérations, recommandations pour donner suite à notre analyse du cahier de consultation. Donc, vous retrouverez les autres recommandations dans le mémoire. Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci à vous. Nous allons débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous pour un bloc de 16 min 30 s.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. M. Jade, Mme Pellerin, Mme Gonin, bonjour, merci d'être présents en commission parlementaire aujourd'hui pour présenter votre mémoire sur la planification pluriannuelle.

D'entrée de jeu, je veux qu'on aborde la question d'Arrima avec l'utilisation du Programme d'expérience québécoise par Arrima. Lorsqu'on dit qu'on va utiliser Arrima, c'est la plateforme qu'on utilise. Parce que, je vous donne un exemple, quelqu'un qui... ce qu'on souhaite faire, c'est que le Programme d'expérience québécoise passe par la plateforme informatique Arrima de façon à faire en sorte de s'assurer que la personne, elle est admissible. Je vous donne un exemple, quelqu'un qui appliquerait dans le PEQ, dans le Programme d'expérience québécoise, et qu'elle n'est pas admissible, supposons, elle n'a pas son niveau 7 de français, ou ça ne fait pas un an qu'elle travaille sur une période de deux ans, mais, déjà, cette personne-là, si elle répond aux besoins du marché du travail, on ne voudrait pas qu'elle soit oubliée et qu'elle ne puisse pas faire partie de la banque de personnes potentiellement immigrantes, donc on pourrait la diriger vers le Programme régulier des travailleurs qualifiés. C'est dans ce sens-là qu'on veut utiliser notamment la plateforme Arrima.

Et il faut comprendre qu'à l'intérieur de la plateforme Arrima, c'est un véhicule qui peut gérer plusieurs programmes d'immigration, à la fois le Programme régulier des travailleurs qualifiés, à la fois celui du PEQ. Éventuellement, si jamais on avait le rapatriement de la compétence en matière de regroupement familial aussi, on pourrait l'utiliser. C'est vraiment l'outil de base que le ministère va se servir. Alors, je souhaite juste diminuer vos craintes relativement à l'utilisation. Le programme, en soi, est distinct de celui du Programme régulier des travailleurs qualifiés, mais c'est la plateforme qu'on utilise comme véhicule informatique à ce niveau-là.

Au niveau des travailleurs temporaires, comment vous percevez ça, le fait que le Québec souhaite aller de l'avant avec davantage de travailleurs temporaires dans l'objectif de permanentiser ces travailleurs-là pour répondre à la pénurie de main-d'oeuvre?

Mme Gonin (Sylvie) : Oui, bien, tout à fait. En fait, on croit que c'est une belle avenue, parce que, comme vous le dites, ils rentrent ici de façon temporaire, qui est beaucoup plus rapide que d'aller vers le grand processus de la résidence permanente, pour ensuite s'adapter ici et pouvoir aller plus loin dans leurs démarches et de s'intégrer graduellement dans la société québécoise.

M. Jolin-Barrette : O.K. Et, lorsqu'on parle d'intégration, là, de la société québécoise, la semaine dernière, on a annoncé le Parcours d'accompagnement personnalisé, qu'est-ce que vous pensez du parcours qu'on va déployer, là, est-ce que vous voyez ça d'un bon oeil pour l'intégration des personnes immigrantes?

Mme Gonin (Sylvie) : Oui. Bon, disons que ça vient, si je le comprends bien, là, en complément de ce qui est... les autres services qui sont déjà offerts par les organismes d'intégration. En fait, ce qu'on soulignait, tout à l'heure, dans l'orientation 6, était de pouvoir aller plus loin avec les services, concrètement, là, d'accompagner les employeurs au niveau des procédures légales à court terme et à long terme. Donc, qu'est-ce qu'on se rend compte sur le terrain actuellement, c'est qu'à titre de consultants on est peut-être moins sollicité qu'on pourrait l'être et... c'est ça, en fait, la... Je voulais juste revenir sur le point qu'on a peut-être coupé un peu. C'est ça, en fait... Dory, tu veux-tu le terminer...

M. Jade (Dory) : O.K., je vais continuer. C'est que les consultants en immigration font partie déjà du système qui existe déjà, et il y a des cas qui commencent à arriver. Et, peut-être, M. le ministre, vous pouvez nous clarifier comment l'accompagnement va fonctionner, parce qu'on est sous l'impression et sous quelques échos qui disent que certains de ces centres-là ne reçoivent plus de subvention parce que le nouveau système rentre en fonction, et ces personnes-là se convertissent un peu... (panne de son) ...cadre de l'accompagnement à aller plus dans un cadre légal de la loi. Alors, j'espère que je me trompe et j'espère que ces échos ne sont pas corrects.

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, peut-être juste pour me renseigner, je ne suis pas sûr de saisir votre question quand vous dites qu'ils vont plus être dans le cadre de la loi. À quel centre vous faites référence?

M. Jade (Dory) : Vu que c'est ça qu'on a entendu, je n'ai pas de preuve à l'appui malheureusement présentement, que, vu qu'il n'y a plus de subvention, au lieu d'envoyer des employés, les employés travaillent en termes d'aider les personnes à remplir des documents ainsi qu'à être conseillées, comment la loi en immigration fonctionne au Québec, ce qui est techniquement illégal selon la loi du Québec.

• (15 h 10) •

M. Jolin-Barrette : Vous voulez dire dans les organismes communautaires?

M. Jade (Dory) : Oui.

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, si vous faites référence au Parcours d'accompagnement personnalisé, l'objectif, c'est de faire en sorte de déployer un accompagnement pour les personnes immigrantes de la part du ministère de l'Immigration, des agents d'aide à l'immigration dès l'étranger, s'ils ont des questions, notamment de favoriser l'apprentissage du français en ligne dès l'étranger, s'il y a des difficultés avec les ordres professionnels ou même de faire reconnaître les compétences dès l'étranger...

M. Jade (Dory) : Et ça, c'est parfait.

M. Jolin-Barrette : ...d'avoir le permis d'exercice aussi, tout ça en amont, avant d'arriver, et que, lorsque les personnes arrivent à Dorval, à l'aéroport, eh bien, elles puissent avoir rendez-vous avec un agent d'aide à l'intégration dans les cinq jours ouvrables. Alors, on va vraiment faire en sorte, là, de déployer les ressources au sein du ministère de l'Immigration dans les régions pour faire en sorte qu'il y ait un accompagnement, parce qu'il y a des difficultés. On ne vient pas se substituer au travail que les partenaires du ministère font, que ça soit les organismes communautaires ou les différents groupes, on est vraiment là en soutien, mais il faut que le ministère retrouve son rôle, qui, on peut dire, au cours des dernières années, avait été un peu diminué, si je peux dire, parce que la responsabilité de l'intégration, c'est principalement une responsabilité des communautés, mais de l'État lui-même. Alors, c'est pour ça qu'on a décidé de déployer le parcours.

Puis, vraiment aussi, ça faite suite aux constats de la Vérificatrice générale, qui disait : Écoutez, il n'y a pas de suivi, il n'y a pas d'accompagnement. Vous n'en faites pas suffisamment, et donc on corrige cette situation-là puis on s'assure vraiment que, dans toutes les étapes, dans toutes les démarches du processus d'intégration d'une personne, en fonction de sa réalité, en fonction du profil de la personne, parce que ce n'est pas vrai qu'il n'y a qu'une seule réalité au niveau... En fait, chaque personne a sa propre réalité lorsqu'on immigre dans le pays, alors ce n'est pas tout le temps les mêmes besoins. Donc, l'agent d'aide à l'intégration va être là pour ça. Donc, peut-être, ça vous renseigne un peu sur c'est quoi, la vision du ministère.

M. Jade (Dory) : Très apprécié.

Mme Gonin (Sylvie) : Si je peux poursuivre sur ça, en fait, ce qu'on voulait tout à l'heure, ce que je voulais apporter, en fait, c'est que, oui, ces agents d'immigration là, c'est vraiment très bien ce que vous faites, à ce niveau-là, on sent qu'il y a un besoin. Puis je pense que, justement, les attraper tout de suite à l'aéroport, qu'ils sentent qu'ils vont avoir un suivi dans les jours suivants, ça va vraiment sécuriser ces gens-là. Parce que même les travailleurs temporaires qui arrivent, même si c'est un employeur qui veut bien faire, et tout ça, c'est quand même une relation d'emploi, employé-employeur, d'avoir quelqu'un, un spécialiste qui va pouvoir donner les bons conseils et renseignements au niveau de leur intégration. C'est vraiment une très bonne nouvelle.

Par contre, ce qu'on voit, c'est pour ça que, tout à l'heure, j'ai ramené un petit peu au niveau des associations, il ne faudrait pas que ça se répète à ce niveau-là, c'est que les gens sont... vos personnes qui vont entrer en poste sont en première ligne, ils sont directement en contact avec le besoin de cette personne-là. Et, parfois, bien, c'est le besoin d'un service qui touche la loi de l'immigration, que ce soit provincial ou fédéral. Et c'est là qu'on sent que les conseils viennent par habitude ou c'est ça un peu qu'on voulait apporter, de venir vers nous, qui est déjà réglementé et que vous nous donnez un droit de pratique ici, au Québec, pour qu'on puisse venir en appui à ces gens-là.

M. Jolin-Barrette : Je comprends. Je vous remercie pour la présentation, je sais que j'ai des collègues qui veulent poser des questions. Alors...

La Présidente (Mme Chassé) : ...prend la parole.

Mme Lachance : Merci, Mme la Présidente, est-ce que vous pouvez m'identifier combien de temps il me reste?

La Présidente (Mme Chassé) : Sept minutes.

Mme Lachance : Sept minutes. Merci, Mme la Présidente.

Mesdames messieurs... monsieur, pardon... merci d'être là. Merci de participer à cet échange, qui est très enrichissant, ma foi!

Je veux revenir, madame, parce que vous étiez en fin d'exposé, et ça a déboulé très rapidement, concernant l'orientation 6, justement, dont on parlait. Vous avez dit que vous étiez en faveur de l'accompagnement des employeurs de toutes les régions dans la démarche de recrutement et puis que vous souhaitiez une collaboration avec les partenaires publics et privés agréés. De ce fait, on vient de parler, au niveau de la loi, entre autres choses. J'aimerais ça si on pouvait en discuter pour approfondir. Selon vous, parce que vous avez mentionné, dans votre mémoire, que l'offre actuelle n'était pas suffisante et pas suffisamment adaptée aux besoins des employeurs... J'aimerais ça vous entendre parler de ce que serait une offre adaptée aux besoins des employeurs, un peu comment elle se déclinerait, quelle procédure, quelles étapes sont importantes.

Mme Gonin (Sylvie) : 7 minutes, là, pour tout ça?

La Présidente (Mme Chassé) : ...30 s.

Mme Gonin (Sylvie) : O.K. Bien, écoutez, moi, je suis une personne de terrain, là, je veux dire, de créer votre offre en détail serait difficile un petit peu pour moi, là. Par contre, je me rends compte qu'il y a beaucoup de donneurs de services qui s'improvisent. C'était un peu notre aspect, là, d'apporter le point ici, là, de service qui n'est pas suffisant ou suffisamment adapté. On parle, là, de recruteur international. Je pense que le ministre du Travail et de... de l'Emploi et du Travail, Solidarité sociale travaille aussi sur un dossier qu'on a déposé, nos recommandations pour réglementer tout ça un petit peu pour éviter, là, des situations qu'on se voit reprendre la balle en entreprise pour des situations dommages, là, de dossiers mal préparés ou laissés tomber. Donc, il y a quelque chose à faire sur ça, mais de dire, là, que je vous propose clairement des points à apporter, c'est une situation qu'on voit en région régulièrement, là.

Mme Lachance : Bien, en fait, c'est parce que vous avez parlé de manque au niveau de l'adaptation, c'est peut-être davantage à ce niveau-là pour les employeurs, quelle...

M. Jade (Dory) : Permettez que je vous réponde? Oui?

Mme Lachance : Merci.

M. Jade (Dory) : O.K. Ce que nous voulons mentionner, je vais essayer de le vulgariser, comme ça, peut-être, c'est plus simple. Vous avez toutes sortes d'employeurs, vous avez toutes sortes d'industries, et, dans chaque industrie, il y a aussi des catégories. Souvent, on sait ça, et ce n'est pas quelque chose de négatif, mais c'est la réalité. Le gouvernement, souvent, dans tous les services, incluant l'immigration maintenant, dans tout ce qui est service à la population, c'est souvent un service... je le nommerai, pour des fins de vulgarisation, générique. Donc, il ne s'adapterait pas aux entreprises qui ont besoin de quelque chose en particulier. Je vais prendre un seul exemple, sans nommer aucune entreprise, mais l'industrie de vidéo et de logiciels à Montréal, c'est une industrie qui est grande, que le gouvernement pourrait, par exemple, allouer les ressources nécessaires, l'argent et les personnes qui pourraient aider ces gens-là. Par contre, une autre petite industrie que peut-être ne vous passerait même pas par la tête, mais tout ce qui est relié au domaine dentaire, qui est toujours en pénurie depuis 1980 ou 1990, tout ce qui est relié aux prothèses, tout ça, ça, c'est tellement minime que je douterais, par exemple, que le ministère pourrait donner un service en particulier pour ça. C'est un peu... j'ai essayé de vulgariser l'idée pour vous... pour mettre en contexte les nuances de plusieurs industries, plusieurs besoins.

Mme Lachance : Est-ce qu'il me reste quelques secondes? Deux minutes?

La Présidente (Mme Chassé) : Oui.

Mme Lachance : Merci. En fait, ce que je voulais savoir, c'est : En quoi les entreprises agréées étaient les mieux placées pour établir un processus de recrutement?

Mme Gonin (Sylvie) : Bien, en fait, si je veux transposer la situation dans une entreprise privée, j'ai rarement vu un dirigeant d'entreprise dire : Ce matin, je vais faire faire mes états financiers par le département des ventes. Tu sais, je veux dire, quand on a besoin de conseils légaux, je veux dire, on va se tourner vers un avocat. On a besoin de renfort au niveau des démarches légales pour l'immigration, on va aller vers un consultant en immigration, un avocat, un notaire, bon, ceux qui sont réglementés pour le faire. Vous n'êtes pas sans savoir que les lois changent rapidement et qu'on doit s'adapter, on est constamment en formation pour offrir le meilleur des conseils à nos clients, et puis c'est ce qu'on voit quand même assez régulièrement, là, que les conseils viennent d'un peu de toutes sortes de façons et puis que ça peut causer, quand même, des situations problèmes en entreprise. Donc, en ayant le support de gens qui sont agréés et spécialisés dans leur domaine, bien, je pense que ça vient renforcir, là, vos...

Mme Lachance : ...processus d'immigration, mais vous êtes d'accord que, pour le processus de recrutement, il faut aller en amont avec des spécialistes en recrutement.

Mme Gonin (Sylvie) : Exactement, des gens qui vont avoir... c'est ça, la formation et les connaissances pour le faire.

Mme Lachance : Oui, monsieur.

M. Jade (Dory) : Non, je voulais dire que le recrutement, avant qu'une personne devienne résidente permanente au Québec, exige tous les services d'immigration fédérale et/ou provinciale, dépendamment de la situation.

Mme Lachance : Merci beaucoup.

• (15 h 20) •

M. Jade (Dory) : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je cède maintenant la parole au député de Nelligan pour un bloc d'échange de 11 minutes.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Mesdames, messieurs, bonjour, bienvenue. Merci pour votre rapport.

J'ai juste une interrogation par rapport au... Vous avez dit «droit de pratique au Québec». Pouvez-vous juste nous clarifier l'échange que vous avez eu avec le ministre? Qu'est-ce que vous voulez dire par «le droit de pratique»?

Mme Gonin (Sylvie) : Oui. En fait, pour être consultant réglementé en immigration canadienne, pour pouvoir offrir des services, autant aux entreprises qu'aux gens de l'étranger, on doit être réglementés par le conseil de réglementation en immigration du Canada. Ensuite, pour pratiquer ici, au Québec, pouvoir donner des conseils et représenter des gens au MIDI, on doit faire l'examen et avoir un droit de pratique ici, faire partie de la liste des consultants...

M. Derraji : Merci. J'ai compris maintenant ce que vous voulez dire. Est-ce que vous avez une inquiétude par rapport à ce qui s'en vient au niveau de l'accompagnement, ou le profil personnalisé, ou bien la stratégie qui a été annoncée par le MIDI, que ça rentre en conflit avec ce qui existe déjà?

Mme Gonin (Sylvie) : Je vois quand même ça très positif, ce qu'il nous annonce. Par contre, le vivant... Il y a quand même des services qui existent déjà. Je ne sais pas comment ça va s'arrimer à tout ça. Par contre, ce qu'on voit, nous, c'est que les gens en première ligne, qui font de l'intégration des immigrants, ne sont pas sans avoir ces petites situations-là, légales, à régler avec les travailleurs ou les employeurs. Et ça cause des réels conflits. Parce que, moi, sur le terrain, je veux dire, on le voit, que, je veux dire... Vous avez peut-être entendu parler que les régions ont beaucoup fait de l'immigration vers Montréal, apporter des autobus en Chaudière-Appalaches, rentrer ces gens-là en entreprise. Donc, oui, c'était une belle initiative. Les gens viennent, ils travaillent, mais, après deux ans, on ne fait pas de suivi avec eux. Ça fait que, moi ça m'arrive de faire des diagnostics en entreprise et de me rendre compte que, finalement, ces gens-là n'ont même plus de permis valide. Ça fait que je suis obligée de dire aux entreprises : Non. Il faut qu'ils cessent de travailler. Et puis, là, bon...

Vous comprenez, ça prend des gens spécialisés, tels que nous sommes, l'association, ici, pour les supporter, ces employeurs-là. Et les gens qui sont en emploi, ce n'est pas seulement de les rendre ici en emploi, c'est de les suivre et les amener légalement vers la résidence permanente ou, du moins, les maintenir sur des permis de travail temporaire ou autres permis pour ne pas qu'ils perdent leur statut ici, là.

M. Derraji : Je comprends l'enjeu. Ma dernière question, parce qu'après ma collègue va poursuivre: À la lumière de ce que vous venez de dire et à l'explication que vous avez évoquée, avez-vous une crainte d'une sorte compétition avec le MIDI? Avez-vous des craintes qu'il va y avoir de plus en plus de décentralisation? Sentez-vous que votre organisme est partenaire dans la nouvelle démarche du MIDI dans ce qu'il compte déployer avec le projet de loi n° 9? Est-ce que vous êtes rassurés, hein, pour être beaucoup plus clair?

Mme Gonin (Sylvie) : On n'a pas beaucoup d'information non plus encore.

M. Jade (Dory) : C'est un projet qui n'est pas encore avec tous les détails. Donc, on ne peut pas se prononcer à ce sujet-là. Il faut que, vraiment, on ait plus de détails pour pouvoir se prononcer.

M. Derraji : Vu votre rôle, vu ce que vous jouez sur le terrain, aimeriez-vous que le ministre vous invite et le ministère vous invite et vous inclue? Vous soulevez des problématiques. Il me semble que c'est des problématiques... C'est du vécu. Vous êtes sur le terrain. Vous accompagnez, vous voyez des cas au niveau de certaines entreprises. Aimeriez-vous que le MIDI vous invite pour être sur la table? Notre but, que ce soit l'opposition officielle ou le gouvernement, c'est vraiment accompagner et non pas créer des problèmes. Est-ce que c'est ça que vous aimeriez?

M. Jade (Dory) : Absolument.

M. Derraji : O.K. Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, il reste un peu moins de sept minutes au bloc.

Mme Robitaille : Je veux juste bien comprendre. Donc, toute cette question des seuils à 40 000, selon vous, c'est une bonne ou une mauvaise idée? Baisser les seuils à 40 000, vous pensez que c'est une bonne ou une mauvaise idée dans le contexte actuel?

M. Jade (Dory) : O.K. C'est...

Mme Robitaille : Dans le contexte actuel, parce que je sais que vous parlez de flexibilité.

M. Jade (Dory) : C'est une décision que le ministère a prise, ou va prendre, ou le Parlement va voter pour, peu importe. Mais...

Mme Robitaille : Mais là on est, justement, en consultations. Le ministre réfléchit. Alors, qu'est-ce que vous... De la façon dont voyez ça, est-ce que c'est nécessaire de faire ça ou si on devrait y aller avec 55 000 par année, comme vous semblez dire dans votre rapport? J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Jade (Dory) : Nous, nous préférons les 55 000 par année pour plusieurs raisons qu'on a évoquées, incluant le poids démographique du Québec au Canada, parce que le Canada accélère plus vite que nous. Ils ne nous attendront pas.

Par contre, j'aimerais donner une opinion dans ce cadre. L'immigration temporaire est une immigration illimitée qui ne rentre pas dans ces seuils-là, pour ceux parmi vous qui peut-être ne sont pas au courant de ce détail. Le Québec pourrait, s'il choisit, de remplir la différence du seuil par une immigration temporaire qui pourrait, à ce moment-là, s'intégrer au cours des deux prochaines années, le temps que les seuils montent, et convertir, si le terme est acceptable, ces personnes-là en personnes permanentes pour combler le retard. C'est la situation et c'est une proposition ou solution.

Mme Robitaille : Donc, admettre plus d'immigrants... de travailleurs temporaires pour combler...

M. Jade (Dory) : Parce que ça va être la situation. Tous les employeurs... et ça, ce n'est pas juste nous qui le disons, nous ne sommes pas des employeurs, pour être en conflit, mais toutes les statistiques démontrent que les employeurs sont en pénurie presque dans toutes les industries, en particulier ceux à l'extérieur de la grande région de Montréal.

Mme Robitaille : Est-ce qu'on s'en va vers une situation où ça sera plus facile de passer du temporaire au permanent ou le contraire, à la lumière de ce que vous voyez?

M. Jade (Dory) : Ça, c'est le... O.K. Pour l'instant, on ne peut pas se prononcer là-dessus parce que c'est une, si je peux me permettre de dire, c'est une façon tactique pour le MIDI d'agir au moment opportun. Ça veut dire, il n'a pas besoin en principe du gouvernement, pour pouvoir décider comme ministère, si le ministère voudrait accélérer le processus ou le régresser en termes de conversions rapides. Par contre, le Québec restera, pour très longtemps et, avec respect, peu importe le gouvernement, dans une situation précaire, vu que tous les dossiers passent par le gouvernement fédéral avant d'avoir le visa, d'où les retards qui dépassent pour maintenant les 24 mois. Donc, même si le Québec accélère son processus de conversion, que j'ai appelé conversion, disons, d'un mois, il resterait un autre 24 mois d'attente.

Mme Robitaille : ...qu'on disait ce matin avec d'autres gens qui étaient là et... en consultation. On disait que baisser ces seuils à 40 000, en fait, ça étire le délai d'attente pour les résidences permanentes parce que ça crée un «backlog» encore plus grand. Donc, ça va un peu à contre-courant de ce qu'on voudrait, si je comprends bien.

M. Jade (Dory) : Ça, c'est des ententes internes entre le MIDI et le IRCC, qui est le... Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. C'est des ententes qui se font continuellement pour voir combien de visas ils veulent cette année pour quelle catégorie et de quel pays.

Mme Robitaille : Mais, si c'était juste de vous, on devrait y aller avec 55 000 par année. Ça serait la logique dans le contexte actuel.

M. Jade (Dory) : C'est ça notre opinion.

Mme Robitaille : Et ce poids-là du Québec au sein du Canada, qui diminue, ça vous inquiète?

M. Jade (Dory) : Absolument. Parce que, selon les calculs, ce que nous ne pouvons pas faire, mais selon les calculs, c'est 79 000, si on veut exercer tout notre pouvoir en termes de démographie en immigration selon l'accord signé en 1991. Mais 79 000, ce n'est pas possible.

Mme Robitaille : C'est beaucoup.

M. Jade (Dory) : Puis ce n'est pas équitable, puis ça ne fonctionnera pas.

Mme Robitaille : Mais 55 000, ça vous...

M. Jade (Dory) : En principe, ça devrait.

Mme Robitaille : Oui. La suspension. Vous parliez, tout à l'heure, de la suspension du passage à...

M. Jade (Dory) : ...à travers le PEQ.

Mme Robitaille : Un visa pour les étudiants diplômés. Ça vous dérange beaucoup, ça? Est-ce que vous pensez que c'est une erreur sérieuse?

• (15 h 30) •

M. Jade (Dory) : Bien, on ne trouve pas la raison pourquoi. Parce que ces étudiants-là ont étudié ici. Ils ont planifié comme quoi ils ont ce droit de présenter cette demande, qui ne prend pas que quelques semaines pour être soit approuvée ou non, pour avoir une décision. Basé sur cette décision, ils vont aller en résidence permanente, qui... à ce moment-là, on retourne au délai que nous avons mentionné, des mois et des mois, pour ne pas dire même des années. Donc, ce qu'il se passe, c'est qu'arrêter ces personnes-là de prendre une décision dans leur avenir futur... Et, à mon avis, peut-être, on pourrait les laisser présenter des demandes, et, même si la demande va prendre un peu plus de temps, faute de ressources, ce qu'il pourrait arriver, au lieu que dire : Bon, on fait un moratoire...

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste moins d'une minute au bloc.

M. Jade (Dory) : ...pour une certaine période.

Mme Robitaille : Est-ce que des suspensions comme celle-là, le fait que, dans les 18 000 dossiers, il y avait ces gens-là au Québec dont a mis les dossiers à la poubelle, est-ce que ça peut... et ces délais-là qui s'étirent, vu qu'on descend à 40 000, pour ce qui est des résidences permanentes, est-ce que ça peut jouer sur l'attractivité du Québec, ça?

M. Jade (Dory) : Pouvez-vous répéter? Je m'excuse.

Mme Robitaille : Est-ce que ça peut jouer sur l'attractivité du Québec? Parce qu'on voit la suspension de ce programme-là pour les étudiants diplômés, et tout ça. Est-ce que ça peut avoir des incidences, vu qu'on est en concurrence?

M. Jade (Dory) : Ma collègue voudrait répondre à cette question.

La Présidente (Mme Chassé) : En terminant.

Mme Pellerin (Kathy) : Oui. Dans le fond, le problème, c'est qu'en disant ça on envoie un message très négatif, étant donné qu'il y a un plan de vie déjà fait de toute personne qui vient ici, et la majorité des gens qui viennent ici avec un permis de travail temporaire ont un permis de... ils désirent rester au Québec, au Canada. Et, si on dit : On va suspendre ce type de programme, ça envoie une alarme, et ils deviennent...

La Présidente (Mme Chassé) : Ça termine...

Mme Pellerin (Kathy) : ...très inquiets avec leur futur, donc ils pourraient partir pour une autre province.

La Présidente (Mme Chassé) : C'est terminé. Merci. Je passe maintenant la parole au député de Laurier-Dorion, 2 min 45 s.

M. Fontecilla : Oui, merci, madame. Monsieur, mesdames. Écoutez, on sait que la question de la volonté de rendre permanents les travailleurs temporaires est, pour l'instant, hypothétique, là, parce que c'est une compétence du gouvernement fédéral et, en ce moment, ce n'est pas le cas. Mais vous, là, si vous deviez vous prononcer, est-ce que vous préférez, pour le Québec, un travailleur permanent ou temporaire?

M. Jade (Dory) : Il faut faire attention, c'est beaucoup plus complexe peut-être que... c'est beaucoup plus complexe que ce que vous proposez, parce que, pour devenir un résident permanent ou travailleur permanent, si on veut les nommer comme ça, ça prend des mois et des années alors qu'une personne temporaire peut arriver ici, voire moins que 30 jours, dans certains cas, donc ce n'est vraiment pas la même comparaison. Par contre, je vous donne un exemple, pour les personnes qui sont ici et qui ont reçu leur certificat de sélection, il y a déjà une entente avec le fédéral et ils font ce qu'on appelle un permis... bon, permis de travail qui permet... jusqu'au moment où vous recevez votre résidence permanente, il y a une étude. Vu que le Québec vous a sélectionné, vous pouvez continuer à travailler, donc vous maintenez un statut.

M. Fontecilla : Et, dites-moi, dans votre mémoire, vous avez mentionné la question de la diversité, comme quoi ça avait déjà été une orientation et que ça a disparu de la consultation actuelle comme une orientation du gouvernement. Et qu'est-ce que, pour vous, ça veut dire, là? C'est que le gouvernement n'est plus intéressé par la question de la diversité de la provenance des immigrants qui viennent s'établir au Québec?

M. Jade (Dory) : En fait, j'espère que c'est un point que le gouvernement n'a pas encore vu et, avec les consultations, le gouvernement va relire la formule. Si la formule est copiée du Canada, le Canada a un bassin énorme, qui est le monde entier, incluant les pays francophones. Donc, de ce fait, vous allez avoir, selon le... les meilleurs, qui ont le meilleur score en chiffres, vont passer, chaque fois, ils vont prendre 1 500, 2 000, 3 000 dossiers, peu importe. Le Québec a un bassin restreint, qui est, en grande majorité...

La Présidente (Mme Chassé) : ...conclusion.

M. Jade (Dory) : ...pays francophones, et, de ce fait, si on fait ceci, il y a quelques pays qui vont dominer.

La Présidente (Mme Chassé) : C'est terminé. Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Gaspé.

Mme Perry Mélançon : Merci. Bonjour. Vous évoquez, à deux endroits, dans votre document, que certaines professions ou certaines régions devraient avoir une catégorie de français... qu'on demande une catégorie de français plus basse. Moi, je trouve que c'est un sujet qui est assez sensible, même si je comprends que l'intégration professionnelle se ferait plus facilement. Mais qu'en est-il de l'intégration sociale? Pourquoi ne pas miser sur d'autres solutions pour attirer plus de gens en région?

M. Jade (Dory) : Je vais vous répondre. Ce qui est requis présentement, c'est un B2. Un B2, en principe, c'est une personne qui est capable de communiquer très aisément, écrire et communiquer en français. Par contre, on doit tous savoir qu'une personne dont le CNP est au C ou D n'est pas nécessairement aussi éduquée dans son pays d'origine pour pouvoir absorber une langue troisième ou seconde, dépendamment de si elle a deux langues déjà, additionnelle. Alors que la capacité d'une personne qui a un poste zéro, A, B, qui sont soit des universitaires ou des professionnels sont plus capables, dans un court laps de temps, de maîtriser la langue française.

Mme Perry Mélançon : ...d'autres solutions, par exemple d'essayer de favoriser la francisation de l'étranger, ça ne serait pas mieux que de recommander une baisse du niveau du français?

M. Jade (Dory) : On a demandé ça parce que c'est un des critères principaux pour pouvoir accéder au programme, et non que nous n'avons pas d'autres solutions. Mais les autres solutions peuvent être annexes à celle-là. Si celle-là n'existe pas, elle ne permettra pas à la personne d'avoir un CSQ ou de déposer une demande au PEQ, par exemple.

Mme Perry Mélançon : O.K. Merci. En fait, rapidement, vous avez dit que vous avez aidé à l'évolution des programmes de travailleurs qualifiés, les listes d'emplois admissibles, par exemple, dans différents programmes. Est-ce que vous pensez qu'on devrait... À quelle fréquence vous pensez qu'on devrait faire une mise à jour des besoins du marché du travail et comment s'y prendre?

M. Jade (Dory) : Ça, c'est les statistiques qui vont aller au ministère. Et je pense qu'ils les ont au mois. Mais aux trois mois serait intéressant, parce que je ne penserais pas qu'au mois serait raisonnable.

La Présidente (Mme Chassé) : Excellent. Merci. Ça termine le bloc d'échange. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends momentanément les travaux, ici, pour permettre au prochain groupe de prendre la place. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 37)

(Reprise à 15 h 39)

La Présidente (Mme Chassé) : On reprend les travaux. Et je souhaite maintenant la bienvenue...

Des voix : ...

La Présidente (Mme Chassé) : Je vous invite à l'ordre, s'il vous plaît! Merci. Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Ligue d'action nationale. Vous avez 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, il y aura une période d'échange. Vous avez tout d'abord à vous présenter. Allez-y.

Ligue d'action nationale

M. Laplante (Robert) : Alors, bonjour, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Chassé) : Bonjour.

• (15 h 40) •

M. Laplante (Robert) : ...madame et messieurs. Robert Laplante. Je suis le directeur de la revue L'Action nationale, accompagné d'Anne-Michèle Meggs qui est membre du conseil d'administration de la Ligue d'action nationale et du comité de rédaction de la revue que nous dirigeons.

Alors, nous voulons saluer l'initiative du gouvernement, un effort, en effet, s'impose pour traiter avec plus de rigueur les questions relatives à l'immigration. Il existe, dans le débat public, une confusion certaine autour de ces questions, sans compter, bien sûr, des affrontements idéologiques qui ne font pas de quartier. Mais il est très important, pour l'État, de conserver les concepts dans leur plus stricte rigueur et, à cet égard, il est important — et nous trouvons que le document aurait pu faire davantage à cet égard — de rappeler que la marge de manoeuvre du gouvernement du Québec est extrêmement mince et qu'elle ne tient, dans les faits, qu'à des arrangements administratifs. Malgré les ententes signées, c'est Ottawa qui fixe les paramètres de la politique d'immigration, y compris la politique d'immigration du Québec. Le Québec peut composer avec certaines de ces modalités, mais sans plus, et il bouge dans un espace qu'il ne contrôle pas. Il est condamné à s'ajuster et à courir derrière un chimérique poids relatif qui, depuis que la Confédération existe, ne cesse de s'éroder.

Il existe également une grande confusion autour de ce que doit être le rôle de l'immigration dans le développement non seulement du marché du travail, mais de la nation. À cet égard, l'action des lobbies d'affaires est particulièrement efficace. À en croire, l'immigration serait une véritable panacée au problème de main-d'oeuvre renversant, dans le discours, ce qui est pourtant l'ordre logique des choses. Les pénuries de main-d'oeuvre, ça se gère d'abord avec une politique de main-d'oeuvre, et cette politique de main-d'oeuvre comporte un volet qui est celui du recours au travailleur immigré. Alors, déjà, de rétablir les choses et de mettre des perspectives au bon endroit contribuerait à assainir et à rendre plus fructueux le débat public.

Le document de consultation propose des objectifs, et, à cet égard, ils ne sont pas nouveaux, ils sont pertinents, c'est un fait, mais nous ne les considérons que comme un premier pas. Des énoncés généraux et des intentions, ça ne suffit pas.

Il y a, dans le document, un véritable vice de méthode, en fait, une lacune, en ce qui concerne les objectifs, qui ne sont malheureusement que très rarement et très peu chiffrés. On ne comprend pas quels sont les indicateurs sur lesquels ces objectifs peuvent se vérifier, se déployer, quels sont les indicateurs qui pourraient donner les guides d'action. Dans quelle mesure est-ce qu'on peut, à ce moment-là, établir, de façon rigoureuse, des seuils, on est dans l'arbitraire à peu près le plus complet, 40 000, 50 000, 60 000. Ce qu'on voudrait comprendre, c'est à quoi mesure-t-on l'efficacité d'un seuil? Est-ce que nous avons des indicateurs qui nous permettent de comprendre comment on peut mesurer l'intégration, comment on peut saisir son efficacité dans le marché du travail, dans le fonctionnement des institutions? Ces indicateurs-là ne sont nulle part présents dans le document, et il va falloir les mettre en place et les mettre en place avec un suivi rigoureux. Et nous pensons que l'Institut de la statistique du Québec pourrait être l'institution qui pourrait faire ce suivi et contribuer à développer un modèle rigoureux qui nous permettrait ensuite de mesurer le résultat de l'action gouvernementale en commission parlementaire de façon à ce que des données soient partagées par tout le monde avec une méthodologie explicite et avec, bien entendu, une crédibilité scientifique sans faille. Donc, ces lacunes en matière de gestion sont corrigeables, et nous espérons vivement que le gouvernement va donner à l'Institut de la statistique les moyens de le faire convenablement.

Mais une politique d'immigration, ce n'est pas autoportant, c'est aussi une pièce dans un ensemble, et cet ensemble, ce n'est pas le marché du travail, cet ensemble, c'est l'intérêt national tel qu'il est défini comme essentiel à la vie de la nation. Et, là-dessus, le document devrait l'établir encore plus clairement que jamais. Le grand objectif d'une politique d'immigration, c'est de contribuer à renforcer le caractère français du Québec. C'est un des grands sauts historiques qu'a réalisé notre peuple avec l'adoption de la loi 101 et ça doit être maintenu. Pour que cet objectif puisse servir, il faut bien comprendre qu'accueillir plus que la capacité de franciser c'est éroder le socle de la nation, c'est une vérité élémentaire de la sociologie. Ça fait plus de 150 ans que les sociologues ont fait cette démonstration.

Alors, il nous semble primordial que, dans ce scénario, l'immigration économique, qui est à peu près le seul volet sur lequel le gouvernement du Québec a une poignée, que cette immigration économique exige la connaissance du français pour obtenir le statut à la fois de résident permanent ou de citoyen. Il est essentiel que nous envoyions un message clair : la société d'accueil pour l'immigrant, c'est le Québec français. C'est la langue française qui est notre ciment et notre instrument de délibération publique. Et, à cet égard, c'est aussi, comprenons-nous — il faut le comprendre — le gage de succès pour une intégration réussie, donc pour une réussite du projet migratoire lui-même. Mettre des gens qu'on invite, dans notre société, au beau milieu d'un conflit de légitimité entre deux modèles linguistiques, ce n'est pas leur rendre service, ce n'est pas nous rendre service, c'est pourtant, malheureusement, encore le cas. On ne parviendra certainement pas à convaincre le gouvernement fédéral de respecter la loi 101, y compris à l'aéroport.

Alors, dans le même esprit, on pense aussi qu'il faut envoyer un message de cohérence, donc enlever ce privilège de séjours temporaires dans les écoles anglaises. On ne peut pas être un peu enceinte, alors on ne peut pas non plus être un peu une société française, on l'est ou on ne l'est pas. Et il faut clairement établir qu'on immigre dans une société française, on séjourne dans une société française, et ce sont des institutions qui sont chargées d'assurer ce consensus social.

Il faut réaliser également que les objectifs généreux et généraux concernant la régionalisation, qui servent souvent d'arguments de légitimation, sont des objectifs qui ne soutiennent pas les connaissances scientifiques. Ce que nous savons de l'immigration, c'est que, partout dans le monde, c'est un phénomène de grande agglomération, c'est un phénomène métropolitain d'abord. Alors, s'imaginer que hausser les seuils pour combler les besoins dans les régions, ce n'est rien d'autre qu'un voeu pieux, qui n'est pas soutenu par les évidences scientifiques, et le sens commun nous l'établit également : les immigrants n'ont pas plus de raisons et de motifs d'aller dans les régions que les natifs n'en ont de s'y cramponner.

Les problèmes relatifs à la difficulté de recruter des travailleurs dans les régions tiennent à une multitude de facteurs et pas seulement à une difficulté ou à un effort à accroître pour les convaincre, les immigrants, d'aller dans les régions, c'est la structure du peuplement qui est, à ce moment-là, à restaurer, et ça, c'est une politique de population qui peut faire ça...

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une minute.

M. Laplante (Robert) : ...ce n'est pas une politique d'immigration.

Voilà, Mme la Présidente, pourquoi on pense qu'essentiellement il faut mettre de l'ordre dans les concepts et attribuer à l'immigration les vertus qui sont les siennes, créer des conditions pour que les progrès et les projets migratoires réussissent, mais, en même temps, s'assurer qu'on ne se berce pas d'illusions et que nous allons avoir une administration publique rigoureuse, qui va placer les concepts aux bons endroits et qui va permettre une reddition de comptes qui va donner un débat public serein et surtout rigoureux. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci à vous pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. J'invite le ministre à prendre la parole pour un bloc de 16 minutes.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Mme Meggs, M. Laplante, bonjour, merci d'être présents à l'Assemblée. Écoutez, d'entrée de jeu, sur la première orientation, la recommandation que vous nous formulez, c'est qu'on devrait faire l'indépendance du Québec. Pour assurer le contrôle de l'immigration, j'imagine?

• (15 h 50) •

M. Laplante (Robert) : Absolument, c'est la seule manière d'avoir une politique cohérente. La plupart des intervenants qui vont venir ici vont vous dire que toutes les mesures que nous pouvons prendre dépendent, en grande partie, soit que les compétences fédérales ont priorité, soit que l'administration fédérale les impose, etc. Alors, dans les circonstances, une politique québécoise d'immigration, sans l'indépendance, c'est une politique qui cherche à limiter les incohérences que nous inflige la situation canadienne. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas essayer de les limiter, bien entendu, mais il ne faut surtout pas se conter des histoires, ça va rester incohérent. Que nous fixions le seuil à 40 000, à 60 000, à 100 000, de toute façon, c'est le fédéral qui va avoir le contrôle sur le processus qui va faire qu'on va mener l'attribution d'un permis de séjour ou d'un statut de résidence permanente au Québec.

M. Jolin-Barrette : Et comment vous voyez ça, la volonté du gouvernement du Québec de rapatrier la sélection du regroupement familial?

Mme Meggs (Anne-Michèle) : Bien, c'est... Notre recommandation, c'est qu'on entreprend toutes les démarches possibles pour récupérer tous les pouvoirs possibles. Mais notre position, c'est que ça va être très difficile, de un, et, de deux, il faut vraiment aussi, surtout quand on est encore une province, de bien comprendre pourquoi on le fait. Parce que, pour le faire, il faudrait ouvrir l'Accord Canada-Québec, et cet accord-là, pour le moment, est très avantageux financièrement au gouvernement. Donc, avant de l'ouvrir, puis peut-être perdre financièrement, il faudrait savoir pourquoi on l'ouvre et comment on va sortir plus gagnant après l'avoir ouvert.

M. Jolin-Barrette : Mais, en fait, là, vous êtes dans les modalités, là, puis je ne partage pas nécessairement ce que vous dites au point de vue de votre opinion sur l'Accord Canada-Québec. Cela étant dit, sur le fondement même de dire que le Québec devrait avoir la compétence en matière de regroupement familial, qu'est-ce que vous en pensez?

M. Plante (Robert) : Puisque nous pensons que le Québec doit posséder tous les pouvoirs, chaque fois qu'il peut en ajouter un, c'est un pas dans la bonne direction. Cependant, quand on sait comment fonctionne le Canada, on a beaucoup de difficulté à imaginer, à moins d'être un jovialiste terrible, ce qui est assez fréquent des fédéralistes, de penser que le Canada va tolérer un régime à deux vitesses, un programme de réunification familiale pour le Québec et un autre pour le Canada. Ça, vraiment, l'histoire nous enseigne qu'il faut être singulièrement optimiste.

M. Jolin-Barrette : Vous avez dit tout à l'heure : Écoutez, les seuils sont déterminés par le gouvernement fédéral. Je donne un exemple, cette année, pour l'année 2019, le Québec va accueillir 40 000 personnes immigrantes. C'est la volonté du gouvernement du Québec qui a été mise en application en respectant le plan annuel du gouvernement du Québec, même chose au niveau du plan d'immigration pluriannuel que je vais déposer avant le 1er novembre, suite aux consultations, suite à ce qu'on va avoir entendu ici. C'est une discussion qu'il y a avec le gouvernement fédéral, mais la volonté de l'Assemblée nationale, du gouvernement, est respectée par le fédéral. Et, ça, à l'intérieur de la fédération canadienne, c'est ce que nous faisons. Nous dialoguons, mais nous assurons aussi que les compétences du Québec et que les spécificités de la nation québécoise soient respectées par le gouvernement fédéral. Alors, l'expérience que j'en ai depuis que je suis ministre de l'Immigration, c'est qu'on a diminué les seuils à 40 000, et c'était la volonté des... et le résultat de la dernière élection.

M. Plante (Robert) : Ce que nous aimerions savoir, c'est : Sur quels critères est-ce qu'on pourra évaluer le succès de ce choix de fixer le seuil à 40 000? Quels sont les indicateurs qu'on va utiliser? Et comment on va pouvoir, l'an prochain, dans deux ans, mesurer que l'action du ministère a effectivement porté ses fruits, et, si ce n'est pas le cas, comment on pourra se corriger pour s'améliorer? L'idée d'expliciter ces indicateurs, de recourir à la plus grande explicitation possible, des motifs qui étaient une... qui soutiennent, si vous voulez, une décision, c'est une contribution démocratique essentielle. Et, de ce point de vue là, de partager les orientations, c'est déjà un premier pas et un pas significatif; le deuxième, c'est de partager maintenant la méthode pour les atteindre.

M. Jolin-Barrette : Mais moi, j'en étais davantage sur le mécanisme de comment est-ce que, avec le gouvernement fédéral, il y a une discussion, pour dire : Bien, écoutez, même si on sélectionne les réfugiés et l'immigration économique, bien, on réussit à atteindre nos cibles en fonction du plan annuel d'immigration.

Je voudrais qu'on discute sur la question du Programme des travailleurs étrangers temporaires. Vous proposez, dans votre mémoire, qu'on contrôle ce programme-là, j'en suis également. On a demandé au gouvernement fédéral que l'étude d'impact sur le marché du travail soit uniquement faite par le gouvernement du Québec, et, là-dessus, je suis content de savoir que vous nous appuyez, à savoir que, pour les employeurs du Québec, c'est important, ce programme-là, et que, justement, il faut avoir le plus de pouvoirs possible sur l'immigration temporaire.

Mme Meggs (Anne-Michèle) : Bien, soyons clairs, là. Comme avec regroupement familial et comme tous les autres volets d'une politique d'immigration, on croit que ce serait bien que le Québec le contrôle, ça, c'est clair. Mais... Donc, ça... mais la question de l'immigration temporaire versus l'immigration permanente, le titre de cette section, c'est : Un choix à débattre, parce qu'il y a beaucoup de questions par rapport à l'utilisation des temporaires, des effets que ça peut avoir, démographiques ou autres, là. Donc, oui, ce serait bien que le Québec contrôle ses frontières, que le Québec contrôle ses politiques internationales, que le Québec contrôle les entrées puis les sorties, puis... et l'immigration temporaire et permanente, mais c'est... À ce moment-ci, il y a beaucoup d'éléments de la politique canadienne qui chevauchent et mettent de la pression politique ou autre sur les décisions et les choix du Québec.

M. Jolin-Barrette : O.K. Sur la question de la francisation en entreprise, vous dites : Les entreprises devraient jouer un plus un grand rôle en matière de francisation. C'est quoi, votre vision?

M. Laplante (Robert) : Clairement, d'abord, la francisation doit nous permettre de régler les problèmes que nous avons accumulés dans la mollesse et la négligence d'appliquer les choix de la loi 101, premièrement.

Deuxièmement, il faut travailler avec l'imposition de la connaissance préalable du français pour l'immigration économique. On vient, à ce moment-là, de faire une saine décision de gestion des ressources publiques, autrement, on importe des dépenses, ce qui est absurde, nous pouvons... et le bassin d'immigrants capables de parler ou d'apprendre le français est suffisamment grand pour combler tous les besoins. En entreprise...

M. Jolin-Barrette : Ce que vous diriez, là, juste au niveau de la sélection, là, vous dites : Bien, écoutez, on devrait sélectionner uniquement des gens qui ont une connaissance du français, donc...

M. Laplante (Robert) : Ceux-là sont fonctionnels tout de suite. Les autres, ceux qui sont déjà là, on le sait, et particulièrement dans la région de Montréal, le français est en mauvaise posture dans les milieux du travail, il faut précisément prendre les ressources que nous consacrions autrement à cette francisation-là de gens qu'on sélectionne, même si on sait qu'ils ne parlent pas français... on pourrait utiliser ces ressources-là pour mieux encadrer et mieux organiser la francisation dans les milieux de travail, ce qui supposerait évidemment aussi une contribution plus grande de la part des employeurs et surtout un engagement plus senti à l'endroit de cet objectif de société.

M. Jolin-Barrette : Et je reviens à ma question, pour votre organisation, vous voudriez uniquement que le Québec sélectionne ces personnes immigrantes dans des bassins francophones.

M. Plante (Robert) : Pas seulement dans les bassins francophones, pas du tout. Ce que nous disons, c'est : Connaissances préalables du français pour l'immigration économique. Alors, ça, qu'ils viennent du Pakistan ou de Ouagadougou, ça n'a pas d'importance.

M. Jolin-Barrette : Avec une barrière à l'entrée, exemple, une connaissance de niveau 7.

M. Laplante (Robert) : Les niveaux, ça se discute sur le plan technique, mais l'idée, c'est que, si on veut que cette immigration économique soit la plus féconde possible, il faut qu'elle soit immédiatement fonctionnelle et la meilleure manière de le faire, c'est d'arriver en maîtrisant déjà la langue.

• (16 heures) •

Mme Meggs (Anne-Michèle) : J'ajouterais juste que, surtout quand on parle de régionalisation, c'est beaucoup plus simple pour quelqu'un qui parle déjà le français de s'intégrer en région. C'est plus facile de s'arranger dans une autre langue, même, des fois, la langue maternelle, mais en anglais, dans la région métropolitaine. Mais, si on cherche l'immigration qui va être... et c'est beaucoup plus facile par rapport aux adultes parce qu'au point de vue des enfants ils vont aller dans les écoles françaises, mais la francisation des adultes est plus lourde, plus difficile, plus longue, et donc ce serait nettement plus avantageux, là, de prendre les gens qui le connaissent déjà. On propose niveau intermédiaire justement pour qu'ils aient une connaissance et puissent s'intégrer plus facilement.

M. Jolin-Barrette : Je vous remercie. M. le Président, j'ai des collègues qui souhaitent poser des questions.

Le Président (M. Poulin) : Merci infiniment, M. le ministre. Je suis prêt à reconnaître, pour un temps de parole de cinq minutes, M. le député de Chauveau.

M. Lévesque (Chauveau) : Merci beaucoup, M. le Président. M. Laplante, Mme Lévesque... Je crois que c'est Mme Lévesque, j'ai bien compris?

Mme Meggs (Anne-Michèle) : M-e-g-g-s. Meggs.

M. Lévesque (Chauveau) : Merci beaucoup. Alors, écoutez, c'est un privilège de vous accueillir, puis merci.

Je voudrais poursuivre un peu sur la francisation, parce que, M. Laplante, tout à l'heure, vous avez parlé de l'intérêt national et de ne pas accueillir davantage que notre capacité, justement, à franciser les gens. Moi, je trouve ça intéressant, puis c'est peut-être le bout où je suis un peu en désaccord avec vous.

Bien que souhaitable, d'accueillir le maximum de personnes parlant déjà français, on ne se prive pas, selon vous, de talents qui ont le désir... C'est important, je pense, d'imposer l'apprentissage rapide du français, d'y consacrer les sommes d'argent nécessaires, et que ce soit fait rapidement, toujours dans un cadre professionnel. Mais, justement, des gens qui peuvent nous venir d'autres communautés, là, des gens d'Amérique latine, d'Asie, d'Afrique, et d'autres langues, mais qui ont le désir et cette force-là d'apprendre le français au Québec, vous ne trouvez pas que ce bout-là doit être mis en lumière, qu'on doit pousser vers ça pour le favoriser, justement? Parce que j'ai l'impression, c'est une perception, peut-être que je me trompe, et je suis très loin d'être un expert, mais, si on veut pousser sur le français à tout prix avant l'entrée au Québec, on risque de se priver de personnes extrêmement intéressantes.

M. Laplante (Robert) : Bien, écoutez, ça, c'est indémontrable. Ce que nous pouvons faire... en envoyant le message clair que, pour immigrer au Québec, il faut parler français, nous faisons un sérieux test de motivation pour les candidats. Et, là-dessus, les succès récents de la déclaration d'intention... il y a déjà 150 000 personnes qui ont fait une déclaration d'intention, si on leur dit clairement : Profitez donc des sept, huit, 10, 15 mois que ça va prendre pour apprendre le français, on n'aura aucun problème.

Mme Meggs (Anne-Michèle) : J'ajouterais qu'il y aura déjà, dans les catégories humanitaires et familiales, des gens qui ont besoin d'être francisés, ça fait que... et ils sont très capables de contribuer à la société québécoise, au contraire, ils ont toutes les compétences, et la francisation devrait peut-être se concentrer sur les catégories qui ne sont pas sélectionnées par le français. Mais on ne voudrait pas voir les conditions actuelles baisser encore plus, on préférerait... Et de toutes les statistiques démontrant les gains par rapport à l'immigration francophone, c'est par la sélection que ça s'est fait, il ne faut pas compter sur la francisation.

M. Lévesque (Chauveau) : Vous sembliez — sur un autre sujet — tout à l'heure, un peu sceptique sur la capacité d'évaluer les fameux seuils et le succès de l'immigration, les indicateurs. Vous parliez que les indicateurs actuels sont non vérifiables. Quels seraient, selon vous, des indicateurs qui seraient davantage vérifiables? Comment vous l'établiriez, M. Laplante?

M. Laplante (Robert) : Ah! écoutez, il y a une série d'instruments qui ont été développés, à la fois par les départements de sociologie, par les instituts de recherche, par l'OCDE, même, où on peut déployer une série de... par procédure d'enquête, par suivi statistique des candidatures. Et là, avec un profil d'accueil et d'accompagnement, on aurait l'instrument idéal pour, justement, chercher l'information utile et pertinente pour ces indicateurs-là, qui nous permettraient de voir comment l'intégration à la société se déroule, où, est-ce au travail, est-ce dans la vie communautaire, est-ce dans le système scolaire, où se font les gains, où sont les efforts à accroître, où sont les effets. C'est ça que nous pourrions faire. Actuellement, nous ne le faisons pas. Il existe des commentaires et des anecdotes, mais il n'y a pas de...

La Présidente (Mme Chassé) : Il reste une minute à l'échange.

M. Laplante (Robert) : ...cueillette systématique d'information sur ce sujet.

M. Lévesque (Chauveau) : Merci. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Une dernière question. Moi, ça m'a soulevé quand même... ça m'a surpris quand même, votre commentaire sur la régionalisation. Vous avez l'impression, vous mettez fortement en doute la capacité du Québec actuel de régionaliser son immigration, vous dites : C'est un peu utopique, c'est un phénomène urbain. J'aimerais ça que vous approfondissiez davantage, s'il vous plaît.

M. Laplante (Robert) : Essentiellement, ce n'est pas une question de capacité. C'est une des observations que nous faisons sur les mouvements migratoires. Ce sont des mouvements qui se déploient dans les grands centres urbains. Ça ne veut pas dire qu'il n'y en a pas dans les régions. Il y a de l'immigration qui s'intègre dans la région. Il y a des immigrants qui choisissent de s'établir dans les régions. Mais le gros des contingents reste dans les grandes agglomérations urbaines. C'est ce qu'on observe partout, y compris aux États-Unis.

La Présidente (Mme Chassé) : Ça conclut le bloc d'échange. Je vous remercie. Je passe maintenant la parole au député de Nelligan, du côté de l'opposition officielle.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Merci pour votre présence et pour votre mémoire. Première question, ça concerne l'immigration temporaire, parce que je n'ai pas compris la même chose tout à l'heure, lorsque vous avez répondu au ministre. Et je vais vous lire votre passage : «Ce virage vers l'immigration temporaire est d'autant plus surprenant venant d'un gouvernement qui vise la création d'emplois bien payants. Pourtant, le gouvernement propose un niveau de dépendance à l'immigration temporaire rarement vu au Québec.» À la lumière de ce paragraphe, je peux lire que vous êtes opposés au choix de l'immigration temporaire.

M. Laplante (Robert) : Pas opposés au choix. Nous souhaitons que ce choix-là soit un choix éclairé et qu'il ne serve pas de faux-fuyant. Et, à cet égard, les déclarations de nombre d'organisations patronales sont plus qu'inquiétantes. On sait que le recours à l'immigration temporaire peut être un formidable instrument pour maintenir une pression à la baisse sur les salaires. Ça, c'est un lieu commun.

Mais il y a un autre vice dans cette approche qui est encore plus pernicieux, qui est celui de retarder le moment où les entreprises, au lieu de se lamenter, devraient faire des investissements dans l'automatisation, dans la numérisation de leurs procédés, plutôt que de réclamer de la main-d'oeuvre faiblement qualifiée. Nous avons déjà, dans l'économie du Québec, un problème de retard en ces matières. Et il y aurait franchement de quoi s'inquiéter à s'imaginer que nous allons faire des gains de compétitivité en ayant recours à de la main-d'oeuvre faiblement qualifiée plutôt qu'à des robots performants opérés par des gens qualifiés.

M. Derraji : J'entends votre commentaire, mais, dans la page 11, vous faites référence... et vous interpelez même les propos d'une organisation patronale, à savoir, les Manufacturiers et exportateurs du Québec. Donc, vous citez la P.D.G. de cet organisme, qui dit : «On n'a pas besoin uniquement d'ingénieurs, mais de commis et de journaliers.» Ça, c'est une organisation patronale qui a déclaré ça. Donc, dans le respect que j'ai pour votre organisme... On respecte les organismes qui travaillent, qui maîtrisent l'enjeu surtout de la main-d'oeuvre. Donc, cette organisation patronale, qu'est-ce qu'il nous informe, qu'est-ce qu'il nous dit? Il nous dit : Écoutez, mon besoin, ce n'est pas les ingénieurs, c'est les commis et les journaliers.

Donc là, c'est un autre sujet que j'aimerais bien aborder avec vous, c'est la grille de sélection. Donc, l'enjeu de la main-d'oeuvre, là, c'est un fait. Et vous êtes un homme de science, un homme de chiffres, un homme de mesures qualitatives et quantitatives. Vous êtes même pour la reddition de comptes. Vous répondez quoi à cet entrepreneur qui a investi dans la machinerie et qui aimerait avoir des commis et des journaliers pour soutenir sa croissance économique? Si vous étiez à la place du gouvernement, ce serait quoi, votre solution?

Mme Meggs (Anne-Michèle) : Bien, je peux...

M. Laplante (Robert) : Vas-y.

Mme Meggs (Anne-Michèle) : Non, mais je... Ailleurs, à la page 10 de notre... on fait référence à une étude qui a été même citée dans le document de consultation, mais pas nécessairement complètement, qui précise que les résidents temporaires détenant un permis de travail pour les emplois non spécialisés et qui avaient obtenu le droit d'établissement obtenaient des gains initiaux beaucoup moins élevés et une croissance plus lente des gains, en comparaison avec les immigrants qui n'avaient aucune expérience de travail antérieure acquise au Canada. Ça fait qu'il y a... C'est une enquête citée même par le ministre, hein?

Ça fait que notre objectif, comme j'ai dit, notre titre, c'est un choix à débattre, et la question qui nous préoccupe, c'est que cette question n'a pas été encore vraiment débattue au Québec. Est-ce que c'est là où on veut mettre nos oeufs? Si oui, bien là il faut d'abord aller chercher le pouvoir, parce que ce n'est pas le Québec qui contrôle les conditions de permis de séjour temporaires.

• (16 h 10) •

M. Derraji : Mais en attendant le pouvoir, et je comprends que vous êtes pour la souveraineté... Mettons, pour moi, là, en tant qu'élu, je dois répondre à la pénurie de main-d'oeuvre, qui est réelle, c'est un fait. Donc, ma question, vous avez soulevé l'incohérence de l'arrêt du Programme de l'expérience québécoise, PEQ, et là j'aimerais bien vous entendre, parce que des gens qui répondent à 100 % de vos préoccupations : jeunes, parlent français, ils paient leurs études, très bien intégrés, ils ne demandent qu'à rester au Québec. Le gouvernement, qu'est-ce qu'il fait? Il met un moratoire en plein été, probablement un retour au mois de novembre. Ça, pour vous, est-ce que c'est une bonne ou une mauvaise décision?

Mme Meggs (Anne-Michèle) : C'est une question qu'on se posait aussi parce qu'effectivement, là, il y en a beaucoup qui se sont posés cette question-là. Les réponses peuvent être multiples, puis on suggère certaines. Mais il faut se rappeler aussi que le gouvernement non seulement a baissé les admissions en 2019, ils ont baissé aussi les sélections. Et le nombre de demandes qui arrivent par le PEQ, depuis les deux dernières années, ont augmenté beaucoup, peut-être qu'ils sont arrivés un peu... ils ne veulent pas dépasser les seuils de sélection pour cette année, ça va juste créer plus d'inventaire à Ottawa, donc... Mais je ne sais pas, les raisons n'ont pas été élucidées par le gouvernement encore, mais ils peuvent aussi... il y a d'autres façons, le gouvernement fédéral a une autre façon de fonctionner par rapport à des diplômés canadiens. Ils insistent qu'il y ait aussi un an de travail.

Peut-être qu'il y a des idées, là, de modifier les critères, mais on ne sait pas, on est tout à fait d'accord, comme bien des gens au Québec, là, que les étudiants, ça enlève un des obstacles majeurs, dont on parle tout le temps, c'est de la reconnaissance des acquis s'ils ont le diplôme du Québec.

M. Derraji : Le français aussi, c'est un élément très important. Ils parlent français, c'est des étudiants et le fruit de nos universités, à part qu'ils contribuent à la richesse culturelle, mais aussi ils contribuent par leur financement à l'essor de nos universités. Au fait, c'est l'élément le plus important et c'est, pour cela, j'aimerais bien... je voulais vous poser la question parce que ça va dans le sens même de ce que vous voulez, ce que vous suggérez.

J'ai une toute dernière question avant de laisser la parole à ma collègue. Vous avez beaucoup parlé de la reddition de comptes et les mesures qualitatives et quantitatives de l'intégration. Avez-vous établi des indicateurs de mesure de performance?

M. Laplante (Robert) : Ce n'était pas l'objet de ce mémoire, mais nous savons qu'il en existe et nous savons aussi que le gouvernement du Québec pourrait mandater soit l'Institut de la statistique soit un groupe spécial ad hoc pour se doter d'un instrument semblable. Effectivement, c'est, à notre avis, un instrument nécessaire pour éviter que la confusion intellectuelle guide le débat, comme c'est, hélas, beaucoup trop le cas actuellement où, finalement, des jugements péremptoires et les généralisations tiennent lieu de déclarations officielles. Alors...

M. Derraji : Je vous comprends. Je veux juste vous citer un exemple, parce que je dois absolument laisser la parole à ma collègue. On dit souvent : Les réfugiés ne s'intègrent pas, par exemple, ou il y a un taux de rétention qui n'est pas très élevé par rapport à une catégorie. Vous, vous voulez que les paramètres du gouvernement annuels ou pluriannuels, quand il annonce une politique, soient accompagnés par des mesures qualitatives et quantitatives.

M. Laplante (Robert) : Oui, je veux savoir si le budget du ministère qui est consacré à tel, tel programme donne les fruits pour lesquels les deniers publics lui sont affectés. Ça paraît essentiel.

M. Derraji : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Je passe maintenant la parole à la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Robitaille : Comment de temps il me reste?

La Présidente (Mme Chassé) : Deux minutes.

Mme Robitaille : Ah! écoutez, oui, vous parliez, et le député de Chauveau vous a amené la question aussi, de... vous disiez que la migration, c'est un phénomène urbain. Et, quand on voit la pénurie de main-d'oeuvre en région, c'est inquiétant. Qu'est-ce que vous feriez, justement... comment amener... alors, quelle est votre solution pour les régions si on est devant la fatalité que ces immigrants-là vont nécessairement s'établir en ville?

M. Laplante (Robert) : Ce n'est pas une question de fatalité eu égard à la capacité des régions, c'est un constat sociologique de base. Bon. Alors, ces problèmes de difficultés à trouver du personnel dans les régions tiennent lieu à l'effritement de la structure de peuplement. Et ça, ça tient essentiellement à l'incapacité... et ça a été terrible au cours des 15, 20 dernières années, le gouvernement du Québec a renoncé à soutenir et à structurer le développement économique des régions et il a laissé faire le marché. Bien, le marché vient de répondre. Essentiellement, ce n'est pas un problème d'immigration, c'est un problème de développement régional et d'articulation de ce développement régional là avec les leviers que pourraient conférer une politique de population et une politique d'immigration. Alors, on peut le faire, mais ça ne se fera pas par l'immigration. Ça va se faire par une politique de développement régional et par une politique de population rigoureusement conduite.

Alors, il y a un certain nombre de problèmes pour lesquels l'immigration est une réponse, mais il y en a d'autres pour lesquels ce n'est pas une bonne idée, ce n'est pas un bon moyen. Alors, les pénuries de main-d'oeuvre sont une réalité complexe. La rareté ne s'exprime pas de la même façon selon les secteurs industriels, selon les régions, selon les particularités des communautés elles-mêmes. Et ça, il faut reconnaître que ça ne se traite pas avec un remède universel, avec une réponse simple : On va en faire rentrer plus. Ça demande, justement, un monitoring, un suivi très fin. Mais évidemment n'importe lequel résultat d'analyse et de reddition de comptes ne remplacera pas la volonté.

La Présidente (Mme Chassé) : Ça termine le bloc d'échange.

M. Laplante (Robert) : Alors, ça nous prend les moyens de faire un développement régional solide.

La Présidente (Mme Chassé) : Je vous remercie. Je cède maintenant la parole au député de Laurier-Dorion, de la deuxième opposition.

M. Fontecilla : Merci. Bonjour, messieurs, mesdames. Vous avez été... Vous êtes critiques par rapport au test des valeurs et... au test des valeurs, et j'aimerais vous entendre. Quelles sont vos critiques?

M. Laplante (Robert) : Ah! écoutez, là-dessus, très rapidement, parce que c'est un vaste débat, je vous dirais que le Québec tourne en rond depuis 1968. O.K.? Parce qu'essentiellement c'est un débat qui est induit par une fausse problématique créée essentiellement par la doctrine du multiculturalisme. C'est une doctrine qui a été adoptée pour nier notre existence nationale et pour la combattre. Et, dans les mesures de riposte ou de résistance à cette doctrine d'État, il y a eu toutes sortes d'avatars, y compris l'interculturalisme, etc.

Si nous avions un pays indépendant, une approche républicaine nous poserait des moyens et des questions qui seraient autrement plus intéressants. Là, véritablement, on est dans des mesures qui sont complètement à côté de la plaque. Je crois que toute l'énergie que nous avons engloutie ces dernières années dans ces débats-là est une énergie stérile, et ses effets, par contre, sont délétères parce que ça sape la cohésion sociale, et ça, évidemment, encore une fois, il faut aller à la source... et ça sape la cohésion sociale. Pourquoi? Essentiellement, parce que nous vivons dans un régime qui finance, à même nos impôts, une lutte acharnée contre l'intégration républicaine que le Québec doit et cherche à réaliser. Alors, évidemment, ça se traduit dans tous les aspects de la vie sociale, et les immigrants sont probablement ceux qui sont le plus immédiatement frappés, pris entre deux modèles concurrents.

Écoutez, ça fait des décennies qu'on demande au gouvernement fédéral simplement de respecter la loi 101. Alors, imaginez quelqu'un qui arrive de l'étranger, qui n'est pas dans l'histoire, qui ne sait pas d'où tout ça vient et qui se fait dire : Tu vas être dans une société française bilingue. Bien, on lui donne une cassette d'un film d'Elvis Gratton, et puis bienvenue au Québec. C'est une concurrence débile.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je passe maintenant la parole à la députée de Gaspé pour 2 min 30 s

Mme Perry Mélançon : Merci. Merci beaucoup de votre présence. On a discuté et débattu sur le projet de loi de l'immigration, justement, à la fin de la session parlementaire, dont plusieurs heures sur des conditions qu'on ne connaît pas trop, sur un projet de loi qui est assez vague parce qu'on nous rappelait toujours qu'on allait aller négocier des pouvoirs au fédéral. Puis on a vu aussi un gouvernement qui a essuyé plusieurs échecs avec des négociations avec le fédéral, justement, depuis son arrivée au pouvoir.

Donc, est-ce que vous y croyez, à ce qu'on puisse les rapatrier et... Parce que, de ce que je comprends, finalement, la seule façon d'avoir une immigration réussie au Québec, c'est par l'indépendance du Québec.

• (16 h 20) •

M. Laplante (Robert) : Ça, il n'y a aucun doute. Cependant, on peut avoir une politique d'immigration plus ou moins incohérente, qui va nous permettre de gérer, le temps que ça durera, les inconvénients et les dommages que nous inflige le régime canadien. Alors, ce n'est pas inutile de chercher à limiter ces incohérences-là, mais elles vont demeurer puisque nous ne pouvons contrôler l'essentiel des leviers qui nous permettraient une réussite complète d'une politique.

Mme Perry Mélançon : Et puis pour... en attendant d'avoir l'indépendance du Québec, un désir que je partage avec vous, bien entendu, qu'est-ce qu'on fait, vos recommandations, là, en priorité, là, pour la table ici, pour qu'on puisse se consacrer?

Mme Meggs (Anne-Michèle) : Bien, je pense que ce qu'on cherche, là, notamment, et il y a un certain travail qui peut se faire là-dessus, même s'il y a des pressions par rapport à notre poids démographique, et tout ça, c'est de faire l'exercice de déterminer c'est quoi, d'être bien intégré, c'est quoi, une politique d'immigration réussie. Ça veut dire certains taux d'emploi, ça... ça veut dire ça. L'OCDE, le Conseil de l'Europe, plusieurs pays et organisations internationales...

La Présidente (Mme Chassé) : En terminant.

Mme Meggs (Anne-Michèle) : ...ont élaboré les indicateurs de cohésion sociale. On pourrait piger là-dessus. Mais l'important, c'est de trouver un consensus dans la société pour arrêter de rendre cette discussion plus partisane et plus un enjeu qui ne devrait pas être politique de cette nature-là.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Merci pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends momentanément pour laisser le prochain groupe prendre la place.

(Suspension de la séance à 16 h 22)

(Reprise à 16 h 24)

La Présidente (Mme Chassé) : À l'ordre, s'il vous plaît! Je vous invite à prendre place.

Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants du Conseil du patronat du Québec. Vous avez 10 minutes pour votre exposé — je pense que vous connaissez la formule — et je vous invite à vous présenter au début de votre exposé. Allez-y.

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

M. Dorval (Yves-Thomas) : Bonjour, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Chassé) : Bonjour, bienvenue.

M. Dorval (Yves-Thomas) : Merci aux députés de la commission de nous recevoir aujourd'hui. Mon nom est Yves-Thomas Dorval, je suis président et chef de la direction du CPQ, le Conseil du patronat du Québec, et j'ai, à ma gauche, M. Denis Hamel, qui est notre vice-président, Politiques de développement de main-d'oeuvre. Et ça me fait grand plaisir d'être avec vous aujourd'hui, en rappelant que le CPQ est une confédération qui représente des organismes ou des employeurs... des organismes d'associations d'employeurs ou des employeurs, en fait, on représente plus de 70 000 employeurs qui ont des activités au Québec.

Alors, on a une courte présentation avec nous, on va y aller, si vous voulez bien, Mme la Présidente. Essentiellement, on a voulu, dans notre mémoire, d'abord, faire, un petit peu, un résumé de la situation et répondre aux questions de la consultation. Alors, je crois que c'est important de faire le point sur certains enjeux qu'on connaît au Québec, notamment la question démographique et, à titre d'exemple, rappeler qu'au cours... d'ici 2030, donc au cours des 10 prochaines années, hein, la population en âge de travailler... évidemment, la population en âge de travailler peut être plus grande que celle-là, mais où on retrouve la majeure partie des travailleurs, donc, de 23 à 67 ans, va diminuer au cours des 10 prochaines années, de l'ordre de 140 000 personnes. Et ça, conjointement avec l'élément suivant, c'est-à-dire que ce vieillissement de la population, ce vieillissement démographique va faire en sorte qu'on va connaître, au Québec, une population de 68 ans et plus qui va grimper de 630 000 personnes, alors ça veut dire essentiellement, tout ça, qu'à la fois on va... On assiste déjà, au Québec, c'est le cas présentement, depuis quelques années, mais, pour les 10 prochaines années, à des raretés encore plus accentuées et des besoins de main-d'oeuvre extrêmement importants sur l'ensemble du territoire et dans à peu près tous les domaines. Mais, en même temps, il faut se rendre compte aussi qu'il y a une population qui va avoir besoin de services, également, donc qui va avoir besoin d'une main-d'oeuvre pour offrir ces services.

Quand on regarde les données qui sont émises par le gouvernement du Québec, les dernières données dataient de... pour une période, 2017‑2026. On peut extrapoler à peu près les mêmes données pour les 10 prochaines années. Emploi-Québec estimait qu'on avait 1,4 million de postes à pourvoir au Québec, au net. Au net, ça veut dire que ça tient compte des gains de productivité traditionnels par l'automatisation, l'informatisation, etc. Ça tient compte qu'il y a des emplois qui ferment, il y a des entreprises qui ferment, mais il y a aussi une création d'emplois, donc on estime que, pour les 10 prochaines années, ou, en tout cas, pour la période qui était là, 2017‑2026, on a 1,4 million de postes à pourvoir, dont 80 % sont dus à des départs à la retraite et 20 % à de la création d'emplois.

Ça nous amène à regarder quelles sont les pistes pour combler ces besoins. L'immigration, ce n'est pas la solution magique, mais ça fait partie de l'ensemble des pistes de solution. Premier élément, c'est pour ça qu'on l'a dit, nous, avant la dernière élection, la priorité nationale doit aller à l'éducation. Pourquoi? Parce que, pour les 1,4 million de postes à combler pour les 10 prochaines années, 54 % des personnes qui vont combler ces postes-là sont des personnes qui sont actuellement assises à l'école, dans les commissions scolaires, dans les cégeps, dans les universités, donc évidemment on parle ici d'environ 777 000 personnes pour combler 1,4 million qui vont arriver du secteur de l'éducation. On n'a pas le choix, il faut réussir notre éducation, au Québec, c'est pour ça que c'est une priorité nationale.

On peut également regarder les personnes en âge de travailler qui ne sont pas avec des contraintes sévères à l'emploi, pour les personnes en âge de travailler au Québec qui sont moins représentées sur le marché du travail. Qu'on pense aux personnes d'expérience, des gens qui sont sur le bord de la retraite ou qui viennent tout juste de prendre leur retraite, qu'on pense aux personnes en situation de handicap, qu'on pense aux personnes en réinsertion sociale, qu'on pense aux personnes autochtones ou à différentes minorités qui n'ont pas intégré le marché du travail, ça peut représenter, selon les estimations du gouvernement, environ 23 % pour combler le 1,4 million. Alors, il nous reste un écart de 22 %. On parle de plus de 300 000 personnes à trouver qui ne sont pas ici, au Québec, qui ne sont pas actuellement en train d'étudier ou déjà présentes sur le marché du travail au Québec. Ça nous prend donc 22 % environ d'immigration.

• (16 h 30) •

Quand on parle d'immigration, c'est aussi important de bien comprendre la complexité et, je dirais, la contribution à l'immigration de différents types. Alors, vous en avez parlé beaucoup; je ne veux pas vous faire, à vous, la démonstration, vous la connaissez, mais il y a beaucoup de gens qui veulent mieux comprendre. Parce qu'on parle d'immigration, souvent, on fixe un objectif, 40 000, 50 000. On dit : Ah! voici 50 000 personnes qui vont arriver, travailler. La réalité est toute autre, il y a évidemment dans cette composition-là, une composition de réfugiés, de regroupements familiaux. On a entendu, ce matin, l'importance aussi d'avoir des gens d'affaires, des immigrants investisseurs. Mais l'immigration économique, ça représente environ 59 % du total. Puis là on pense que cette immigration-là, économique, ça représente tout de suite des travailleurs qu'on peut embaucher. Même quand on regarde les statistiques sur les requérants principaux, les travailleurs qualifiés, on pense que les travailleurs qualifiés, là, ah! c'est un groupe de personnes qui arrivent ici pour travailler. Les travailleurs qualifiés, c'est une catégorie qui comprend aussi les familles, les enfants de ces gens-là. Alors, quand on décrit tout ça, on constate, à la fin, que, dans les faits, pour avoir l'immigration souhaitée, ça prend beaucoup plus, en termes d'immigration, si on veut avoir les travailleurs nécessaires aux besoins du marché du travail.

Donc, on parle, pour une période 2018 à 2026, d'environ 600 000 immigrants qu'on a besoin au Québec pour obtenir 314 000 travailleurs. Ça ne veut pas dire que les autres qui sont là ne travailleront pas un jour. Mais, quand on parle de besoins immédiats, à court terme, chaque année, hein, on parle d'immigration pour combler ces besoins-là. Les autres, que ce soient les réfugiés, que ce soient les enfants qui vont grandir, que ce soient toutes sortes de considérations, ils vont venir combler, un jour ou l'autre, une partie du marché du travail. Mais, quand on parle de situation urgente à court terme, on parle de ça.

Ça veut dire que, si on veut avoir 34 000 travailleurs sur neuf ans pour combler les besoins qu'on a au Québec, on a besoin d'une immigration d'autour de 64 000 personnes par an. C'est pour ça que, dans notre mémoire, on dit aux membres de cette commission, au gouvernement : Ça nous prend un minimum de 60 000 immigrants réguliers pour obtenir nos objectifs pour combler les besoins, encore une fois, à l'intérieur de l'ensemble des autres mesures, éducation, employabilité, intégration, etc.

C'est important pour les régions aussi. C'est important pas juste pour des régions urbaines, c'est important pour des régions. Regardez la situation au niveau démographique dans certaines régions, c'est une réduction de population. Sur la Côte-Nord, ça commence à être un peu catastrophique, puis, quand on regarde les perspectives des derniers chiffres démographiques, on parle d'un enjeu majeur pour les régions.

C'est vrai pour les régions, c'est aussi vrai pour les centres urbains. Si on regarde... Si on exclut l'immigration du portrait, la population de Montréal réduirait actuellement. En fait, dans les dernières années, la population a augmenté à peu près de 1 % par année. Puis, quand on regarde le nombre de nouveaux arrivants sur l'île de Montréal, c'est exactement le nombre qui correspond à la croissance de la population pour l'île de Montréal.

Alors, qu'on soit en région, qu'on soit à Montréal, puis je pense aux gens de Québec, qui sont dans une rareté catastrophique, en termes de main-d'oeuvre, toutes les régions sont concernées à différents moyens, puis ça va prendre des moyens adaptés à ces besoins-là.

Juste encore en matière démographique, parce qu'on a toujours tendance à penser que les employeurs s'intéressent juste à l'emploi, non, il y a des questions de société aussi là-dedans. La moyenne d'âge au Québec, c'est 42 ans; la moyenne d'âge des immigrants, c'est 29 ans. Si on veut avoir une population, si on veut avoir un Québec dynamique, prospère, qui veut réussir, on a besoin aussi de l'immigration, ne serait-ce que pour rajeunir cette population-là, en moyenne.

Bref, il y a quatre conditions pour répondre aux besoins. On a besoin d'un minimum de 60 000 personnes par année au cours des neuf prochaines années, 10 prochaines années. On a besoin de favoriser les solutions adaptées aux besoins des employeurs et des régions. On a besoin de réduire les délais et les procédures d'immigration puis on a besoin de continuer les efforts pour favoriser l'intégration des nouveaux arrivants, qu'on parle de francisation, de parcours personnalisé, d'Arrima. Et, là-dessus, je dois dire que, tous partis confondus, au cours des dernières années, il y a eu beaucoup d'efforts. Le gouvernement actuel en met beaucoup, et on les appuie dans leurs initiatives, mais le nombre, ça demeure quand même clé dans tout ça. C'est pour ça qu'on a conclu notre mémoire en disant : On a besoin d'au minimum de 60 000 immigrants par année. Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Très bien, merci à vous. On débute maintenant la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous pour un bloc de 16 minutes.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. M, Dorval, M. Hamel, bonjour. Merci d'être présents en commission parlementaire aujourd'hui.

Bon, sur la question des seuils, le Conseil du patronat souhaite voir que les seuils soient haussés à 64 000 personnes immigrantes. Vous faites une adéquation entre les besoins du marché du travail, vous dites : Bien, on devrait avoir ce niveau-là, minimalement. Déjà, le Québec est une société qui accueille, par rapport à sa population, un des plus grands nombres d'immigrants. Au niveau de l'intégration aussi, il faut faire les choses de la bonne façon. Alors, il y a l'aspect économique, mais il y a l'aspect aussi sociétal. Et là on est présentement en train de travailler là-dessus. Et, depuis qu'on est arrivés au pouvoir, on s'est concentré, justement, pour développer des ressources en matière de francisation, le parcours personnalisé que j'ai lancé la semaine dernière.

Alors, comment vous intégrez cette dynamique sociétale là à l'intérieur de l'analyse, au-delà de l'aspect uniquement économique?

M. Dorval (Yves-Thomas) : Bien, en fait, la première des choses, c'est qu'on appuie toutes les initiatives qui ont été faites dans le sens de favoriser une intégration de personnes immigrantes, d'en favoriser également la francisation, parcours personnalisé, tout ça, on l'a dit. Le gouvernement, à travers Services Québec, veut offrir aussi une panoplie de services, que ce soit via... qui provient du MIDI, ou d'Emploi-Québec, ou d'autres ministères.

La question, c'est... à la fin, ce n'est pas juste une question économique, je pense que la présentation qu'on a faite a parlé d'une question sociétale, la démographie du Québec, la démographie des régions, la démographie de la région de Montréal. Le rapport, on en parle dans notre mémoire également, du poids proportionnel du Québec dans la fédération canadienne, pas juste des questions économiques dont on a fait mention. Pour nous, c'est majeur, et c'est pour ça qu'on dit qu'il faut favoriser des solutions adaptées aux besoins, mais il faut continuer des efforts pour favoriser l'intégration. C'est tout lié ensemble.

Alors, la réponse, Mme la Présidente, à cette question-là, c'est qu'on voit justement l'ensemble, et c'était ça, le but de notre mémoire, de mettre le contexte de façon générale. Mais, en même temps, on représente 70 000 employeurs, qui, jour après jour, communiquent avec nous pour nous dire : On a des problèmes. La semaine dernière, j'étais dans une entreprise qui est dans la spécialisation de l'entretien industriel. 40 % de leurs employés sont des personnes qui proviennent de l'étranger, pas parce qu'ils ne veulent pas embaucher des personnes ici, il y a 100 emplois actuellement disponibles, ils ont quatre personnes à temps plein qui travaillent sept jours par semaine sur tous les réseaux sociaux pour attirer de la main-d'oeuvre, et ils ont de la misère.

Je parlais avec le président d'une importante entreprise québécoise ce matin, Exceldor, 2 500 emplois au Québec. Encore là, presque 50 % d'emplois, c'est des travailleurs étrangers qui sont soit immigrants ou travailleurs étrangers temporaires. Ils ont 150 postes affichés actuellement qu'ils ont de la misère à remplir. Ça, c'est la réalité des employeurs. Puis ça, c'est les employeurs dans la région de Québec, etc., puis il y en a... d'autres, c'est des emplois spécialisés à Montréal. Actuellement, pour chaque étudiant qui sort du Québec en informatique, il y a trois postes disponibles. Donc, on est en rareté de deux postes sur trois au Québec, on a besoin d'informaticiens. On a besoin de gens dans le domaine de la santé, on a besoin de manoeuvres. 50 % à 60 % des postes, actuellement, sur les 118 000 postes ouverts, c'est des postes qui ne demandent pas de qualification ou peu de qualifications. Ça ne veut pas dire que le travail ne peut pas être spécialisé, mais ça ne nécessite pas nécessairement une qualification pour le faire.

Alors, les enjeux sont importants dans toutes les régions. En Gaspésie, c'est important. On a des membres en Gaspésie qui sont dans la fabrication d'éoliennes, qui ont des enjeux majeurs dans le domaine du tourisme. On a des gens dans la région de Québec dans tous les domaines, agriculture, tourisme, à valeur ajoutée, scientifique, c'est le cas partout. C'est vrai à Montréal. Alors, les enjeux... c'est une situation de crise actuellement pour plusieurs de ces employeurs-là. Un autre employeur me disait ce matin qu'il laisse 2,5 millions de profit par année parce qu'il n'est pas capable de rencontrer les besoins, il les a envoyés en Ontario parce qu'il n'est pas capable de le faire au Québec. Ça, c'est de la croissance économique ratée pour le Québec. C'est ça, l'enjeu qu'on a. Puis on n'est pas en train de dire que le gouvernement ne fait pas des efforts. Moi, à chaque jour, la semaine dernière, on a appuyé encore les efforts que le gouvernement fait.

Le point n'est pas là, le point, c'est qu'aujourd'hui on a des emplois à combler dans toutes les régions, dans plusieurs métiers, dans plusieurs secteurs. Puis ce qu'on ne fait pas aujourd'hui, soit qu'on les donne aux autres provinces ou à des compétiteurs ou soit qu'on retarde pour le Québec, puis ça s'accumule. Exemple, l'inventaire qui s'accumule au Canada actuellement, au niveau fédéral, pour la résidence permanente, on est rendu à 41 000, on est rendu à 19 semaines... 19 mois de traitement au fédéral pour des personnes qui ont déjà leur certificat du Québec. C'est ça qu'on parle, on ne parle pas de philosophie, on ne parle pas... mais on parle de société, on parle de besoins, on parle de besoins d'employeur. Puis l'intégration des personnes immigrantes, c'est une problématique réelle aussi pour des immigrants qui sont ici puis qui ne travaillent pas. Puis, là-dessus, on veut aider beaucoup là-dessus.

• (16 h 40) •

Mais les employeurs, au Québec, sont aux prises avec des enjeux. On parlait d'employabilité, regardons le tissu des employeurs au Québec. 98 % des employeurs, il y a 250 000 employeurs au Québec, 98 %, c'est de la petite entreprise en bas de 100 employés. Ces gens-là n'ont pas des services spécialisés, là, avec des services de ressources humaines, et tout ça, pour les aider, là, on parle... ça, c'est 230 000 employeurs au Québec qui ont peu ou pas de services spécialisés. Ils ont besoin d'accompagnement.

Nous, on est prêts à en offrir, on en fait, on vient de mettre sur pied, au CPQ, cet été, notre service d'aide aux PME pour les questions de gestion des ressources humaines. C'est majeur. Il faut le faire, puis c'est toutes les parties prenantes. Puis, quand on fait nos mesures, bien, on les fait toujours avec des organismes communautaires, avec le milieu de l'éducation, avec le milieu municipal, et ainsi de suite. C'est une grande corvée à laquelle on est exposés, comme le ministre de l'Emploi le fait, actuellement, pour son domaine. C'est une grande corvée qu'on doit faire pour l'immigration aussi.

M. Jolin-Barrette : Sur la question des 41 000 qui sont à Ottawa, il faut faire un peu d'historique aussi, hein, ça, c'est important, parce qu'au niveau des seuils d'immigration, bien entendu, il peut y arriver que les délais s'allongent, mais c'est important aussi de réaliser qu'au cours des années le gouvernement du Québec émettait des CSQ et pelletait l'inventaire au fédéral. Et, d'ailleurs, c'était la même chose dans le cadre du projet de loi n° 9, où on a remboursé les dossiers, pour lequel certaines formations politiques étaient en désaccord. On se retrouve dans une situation où il faut vraiment sélectionner les gens basé sur les besoins du marché du travail, avec la formation adéquate. Et vous parliez du taux de chômage ou même du taux de surqualification, et ça, c'est important de contrer ça. Mais on vit aussi avec une situation où, comment je pourrais dire, nous vivons avec un historique qui est présent. Et effectivement il y a un inventaire au fédéral.

Ce qui m'intéresse, c'est votre opinion sur la régionalisation. Qu'est-ce que les employeurs ont de besoin en région pour réussir à retenir les personnes immigrantes ou à les attirer? Comment est-ce que le ministère de l'Immigration peut être utile aux employeurs en région?

M. Dorval (Yves-Thomas) : Merci. C'est une très bonne question, Mme la Présidente. D'abord, ce n'est pas seulement les employeurs. Chez nous, au CPQ, on a été fondé il y a 50 ans, hein? Sur le modèle et dans notre ADN, c'est le dialogue social. Donc, il faut travailler avec les acteurs du milieu. Donc, ce n'est pas quelque chose que les employeurs peuvent faire tout seuls, ce n'est pas quelque chose que le MIDI peut faire tout seul, ce n'est pas quelque chose qu'une municipalité peut faire quelque chose. C'est tous ensemble qu'on peut le faire. Les organismes qui travaillent à aider les immigrants, les services publics, que ce soit Emploi-Québec, Immigration-Québec, le MIDI, etc., que ce soient les employeurs, il faut tous travailler ensemble.

Qu'est-ce qu'on peut faire? Il y a des présentations puis il y a des projets qu'on a développés pour aider puis qu'on a présentés. Malheureusement, ils n'ont pas été nécessairement reçus avec beaucoup d'appui, parce qu'aujourd'hui on regarde les choses souvent en fonction de notre... je dirais, notre point de vue, en isolation les uns des autres. Il faut travailler ensemble. Les employeurs, ce qu'ils ont besoin... Moi, je vais vous dire qu'il y a des grands employeurs qui sont prêts à mettre la main à la pâte, par exemple, en région pour dire : Écoutez, nous autres, on offre des très bonnes conditions et on n'a pas trop de problèmes. Par contre, on sait très bien qu'on déshabille le tissu local régional parce qu'on attire toujours, hein, comme un aspirateur, vers les meilleures conditions. Puis les autres entreprises dans le milieu ont plus de misère. Ils sont prêts à aider, à contribuer à ça parce que leur survie aussi en dépend quelque part. Leurs fournisseurs en dépendent. Les services à leurs employés, les services de proximité à leurs employés en dépendent.

Ils sont prêts à collaborer, mais il faut que cet effort-là, ça ne soit pas fait de manière... juste en disant : Bon, on va aider l'employeur, on va... Toute la chaîne est importante. À partir du moment où on identifie le besoin, ça veut dire qu'on a besoin de l'aide pour faire venir des gens. Puis ces gens-là, ce n'est pas toujours des gens, comme j'ai dit tantôt, qui sont spécialisés, ou avec des qualifications universitaires. Ça peut être ça puis ça peut ne pas l'être aussi, mais il faut les aider à travailler à choisir, sélectionner et attirer les gens. Il faut que le processus soit rapide. Si ça me prend deux ans entre le moment où j'ai sélectionné quelqu'un puis le moment où je vais l'avoir... Pouf! Ou bien la personne va être partie ailleurs, ou bien moi, mon besoin va avoir changé. Aujourd'hui, le rythme économique, le rythme des affaires, le rythme de la production fait en sorte que j'ai besoin rapidement de ressources. Donc, il faut avoir aidé dans l'exploration, attirer. Il faut favoriser un processus très rapide. Le MIDI peut travailler à ce niveau-là, puis pas tout seul, avec le fédéral.

Ensuite de ça, quand ils arrivent, ça prend un écosystème local pour accueillir ces gens-là, hein? Parce que moi, je le vois tous les jours, les employeurs disent : Moi, ça me prend un milieu de vie. Parce que, même si je l'attire chez moi, il ne restera pas chez moi si le milieu de vie n'est pas intéressant, s'il n'est pas dynamique, s'il n'y a pas, par exemple, des infrastructures, s'il n'y a pas la possibilité d'avoir des services de garde, si les enfants ne peuvent pas avoir accès à des services d'éducation, à des services de santé. Alors, tous ces éléments-là, même la culture, c'est important. Il faut que les gens, en dehors du travail, puissent avoir du plaisir à vivre avec soit le milieu naturel ou soit le milieu artistique, etc.

Qu'est-ce que le MIDI peut faire? Moi, je vous dirais qu'il y a beaucoup de projets, il y a beaucoup d'organismes comme les nôtres qui veulent travailler à aider les entreprises, particulièrement les petites entreprises, parce que les grandes sont prêtes à contribuer de leur côté. Comment on peut faire ensemble? Bien, je pense qu'il faut regarder les projets qu'on fait non pas dans l'esprit où ces projets-là... ou sont proposés non pas dans l'esprit où les projets viennent en compétition les uns avec les autres, mais c'est davantage qu'ils viennent en synergie les uns avec les autres.

M. Jolin-Barrette : Je vous remercie. Mme la Présidente, je pense que j'ai des collègues qui veulent poser des questions.

La Présidente (Mme Chassé) : Je crois que la collègue de Les Plaines, la députée de Les Plaines désire prendre la parole. Allez-y, il vous reste quatre minutes.

Mme Lecours (Les Plaines) : Merci, Mme la Présidente. Merci, M. le ministre. Rapidement, parce que vous l'avez un petit peu évoqué dans votre présentation, mais, dans votre mémoire, vous en parlez aussi, de l'importance du programme d'investisseurs, aussi, étrangers. Parce que vous dites qu'on éprouve un retard ici, au Québec. Pouvez-vous m'expliquer un petit peu plus profondément, un peu plus de quel retard vous parlez, et en quoi...

M. Dorval (Yves-Thomas) : Bien, dans les faits... Veux-tu... Je vais demander à mon collègue Denis de commenter également. Mais je vous dirais essentiellement que c'est un programme qui permet de stimuler à la fois la croissance économique, particulièrement dans le secteur manufacturier, notamment auprès des petites organisations, puis ça, c'est sur tout le territoire. Ça procure aussi, le programme investisseurs... donc, si on parle de programme investisseurs immigrants, ça procure des sommes aussi... Puis les gens n'en ont peut-être pas parlé ici, mais PRIIME, qui est un programme important pour subventionner des salaires de nouveaux arrivants pour des entreprises, bien, il est financé à partir du programme immigrants investisseurs. Alors, c'est un petit exemple, à la fois sur le plan de l'embauche ou du... de l'embauche d'immigrants, de nouveaux arrivants et à la fois aussi sur le plan de l'investissement.

Et ce programme-là, il... comme je vous dis, il nous apparaît comme ayant des effets positifs. Il n'y a pas de contradiction avec ça. Puis, sur le plan mondial, il y a une concurrence, alors il vaut mieux avoir des éléments pour attirer les gens ici. Puis ça crée des investissements, ça crée de l'argent neuf. Je sais qu'il y a eu un débat sur cette question-là. C'est-u de l'argent neuf? Écoutez, de l'argent neuf, dans le fond, c'est... Cet argent-là ne serait pas investi si on ne l'avait pas. Si le programme n'existait pas, il ne serait pas investi là. Il serait investi, mais il serait investi ailleurs, peut-être dans d'autres États ou dans d'autres domaines. Mais il serait investi, à ce moment-ci, au Québec grâce à ce programme-là.

M. Hamel pourrait peut-être compléter.

M. Hamel (Denis) : Oui. Merci, Mme la Présidente. Oui, bien, certainement...

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste deux minutes.

M. Hamel (Denis) : Deux minutes? Très rapidement, bien, effectivement, pour compléter ce que M. Dorval a dit, c'est effectivement un programme... Bon, on ne peut pas négliger aucun des apports des différents volets des programmes d'immigration. Donc, c'est un programme qui est intéressant, qui est attirant. Je pense que la démonstration a été faite. Est-ce qu'il pourrait être bonifié? Probablement, probablement, parce qu'il y a, justement... Comme c'est de l'argent qui est placé au Québec et qui sert à...

D'abord, le programme PRIIME est drôlement important. Lui aussi mériterait d'être bonifié, parce que plusieurs employeurs disent : Bien, le programme PRIIME, des fois, c'est très long avant d'avoir... Les délais. Est-ce qu'on pourrait faciliter, justement, toutes les ressources qui viennent de ce programme d'investisseurs? Mais c'est surtout le fait qu'il attire chez nous des gens qui contribuent énormément au développement... ça fait que... au développement économique. Donc, on a souvent tendance à le négliger, ce programme-là. On a dit qu'on a haussé les seuils minimaux récemment et puis, justement, pour en faire un programme qui est beaucoup plus compétent, beaucoup plus malléable.

Alors, c'était simplement pour dire : On peut faire encore mieux avec un programme, déjà, qui fonctionne très bien.

M. Dorval (Yves-Thomas) : Il ne faudrait pas le réduire, à tout le moins.

La Présidente (Mme Chassé) : Pardon?

M. Dorval (Yves-Thomas) : Il ne faudrait pas le réduire, à tout le moins.

La Présidente (Mme Chassé) : D'accord, merci. Ça conclut?

Mme Lecours (Les Plaines) : Oui.

La Présidente (Mme Chassé) : Très bien. Il restait 40 secondes. Ça va? O.K. Excellent. Je prête maintenant la parole au député de Nelligan.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. M. Dorval, M. Hamel, bienvenue à la commission. Premièrement, je tiens à vous remercier pour l'excellent rapport. C'est un rapport qu'on doit relire. Je l'ai lu au moins trois ou quatre fois. C'est une vraie feuille de route pour la prospérité économique du Québec, et je tiens à vous remercier au nom de ma formation politique.

Ma première question. Vous êtes des gestionnaires. Sur la table maintenant, il y a un gap entre votre proposition et la proposition caquiste de 20 000 immigrants de moins, 20 000, sur la table... sur l'échiquier de l'économie québécoise. Vous avez parlé d'une moyenne de combien d'employés par entreprise, PME, combien d'employés?

• (16 h 50) •

M. Dorval (Yves-Thomas) : Je ne suis pas sûr d'avoir compris la question.

M. Derraji : La moyenne du nombre d'employés par PME au Québec, aux alentours de combien?

M. Dorval (Yves-Thomas) : C'est autour d'une dizaine.

M. Derraji : Une dizaine, O.K. Aujourd'hui, avec le gap, le gouvernement met en péril, je dirais, probablement 2 000 PME. C'est parce que vous avez fait votre étude que ça prend 60 000 pour pouvoir répondre d'une manière adéquate aux besoins de main-d'oeuvre. Si vous n'avez pas les 20 000 que vous réclamez aujourd'hui, ça veut dire que, si le gouvernement persiste dans les mêmes seuils, on a un gap de 20 000. Le gap qu'on a de 20 000 va affecter, d'une manière directe et frontale, un minimum de 2 000 entreprises si je prends la moyenne de cinq employés. Ça serait quoi, votre réponse à vos membres si le gouvernement, au mois de novembre, annonce sa stratégie et maintient les mêmes seuils?

M. Dorval (Yves-Thomas) : Alors, Mme la Présidente, en fait, moi, j'ai entendu le ministre, qui nous a dit, sur la place publique : On est là pour écouter puis on va prendre en considération ce qui est dit. Alors, c'est pour ça qu'on vient parler, puis qu'on vient expliquer, puis qu'on donne des faits derrière ça. On espère que le gouvernement, à travers ça, va arriver aux mêmes conclusions. Bien sûr, dans la vie, il y a toutes sortes d'opinions, il y a toutes sortes de points de vue.

Il y a un élément qui est important dans tout ce débat-là, c'est la perspective du passé, c'est qu'on disait, dans le passé : On a eu des problèmes pour intégrer les personnes immigrantes, on a eu des problèmes. C'est pour ça qu'il y a eu des... Arrima, qui a été initié par l'ancien gouvernement libéral mais qui a été mis en place par le gouvernement actuel. C'est pour ça que les autres initiatives, le parcours, etc., sont importantes. Pourquoi? Parce qu'on a eu des problèmes. Au niveau de la sélection, il nous reste un problème encore, parce qu'il faut s'assurer que la sélection soit vraiment en lien avec les besoins du marché du travail.

Cela dit, donc, les outils sont en place. Aujourd'hui, on est devant la question : Est-ce qu'on laisse aller des revenus, des profits, des situations où les entreprises ne peuvent pas répondre à la demande parce qu'ils n'ont pas les employés pour le faire ou est-ce qu'on essaie de le combler? Nous, ce qu'on dit, c'est : On arrive à la conclusion qu'en bas de 60 000 personnes on ne peut pas aller chercher le nombre de travailleurs...

M. Derraji : J'ai compris. Juste... je vous informe, j'ai juste 11 minutes, je n'ai pas le même temps que le gouvernement, parce que j'ai d'autres questions. Ma question, elle est très claire, parce que je sais votre préoccupation.

La Présidente (Mme Chassé) : On est rendus à sept.

M. Derraji : Oui. Je comprends votre préoccupation et je suis là vraiment pour démystifier, pour l'ensemble des membres, l'ampleur de ce que vous avez déclaré la semaine dernière, je ne sais pas si on l'a saisi ou pas, là, c'est un cri du coeur. Vous avez dit qu'on frappe le mur. Pour moi, aujourd'hui, entendre ça, c'est une attaque frontale à l'économie régionale et à la vitalité des régions. Vous l'avez mentionné dans votre mémoire.

Ma question, elle est très simple : Le gouvernement s'apprête à annoncer sa stratégie au mois de novembre, il vient avec une décision de maintenir les seuils, ça serait quoi, votre réaction? Moi, je vais être vraiment au mois de novembre aujourd'hui.

M. Dorval (Yves-Thomas) : C'est sûr que les employeurs vont être catastrophés si on ne réussit pas à augmenter le nombre d'immigrants au Québec, parce que les besoins sont là. Puis ce n'est pas des besoins artificiels, ce n'est pas des besoins inventés, c'est une réalité. Alors, nous, on a fait nos devoirs, on a consulté nos membres, on est arrivés avec les résultats. Les chiffres du gouvernement sur les besoins de main-d'oeuvre sont là. Alors, je veux dire : Est-ce que les chiffres sont toujours parfaits? Pas nécessairement. Qui peut prédire si on n'aura pas une récession dans les 10 prochaines années, puis là on va se dire : Ah! tout à coup, on a trop de main-d'oeuvre? La réalité, là, on regarde le vieillissement démographique, là, sur 10 ans, là, lui, il est certain, il est certain, parce qu'on ne peut pas voir, là, tout à coup, un boom de natalité qui va venir remplacer la situation, puis, même si on en avait un, avant que les gens soient sur le marché du travail, ça va prendre 23 ans. Alors, de toute façon, on est là. Ce qu'on dit au gouvernement : On n'a pas le choix, le mur est là, c'est 60 000 minimum. Si on choisit moins, bien, c'est sûr que ça va avoir un impact économique sur plusieurs employeurs.

M. Derraji : Oui. Et vous l'avez mentionné que, pour les besoins en net, c'est 1 million. Je veux revenir à un point que vous avez soulevé, juste de me clarifier, parce que j'ai l'impression, j'ai l'impression, corrigez-moi, probablement, je me trompe, une réponse que vous avez formulée à M. le ministre que vous avez dit qu'il n'y a pas d'écoute, vous avez développé des projets, mais malheureusement il n'y a pas d'écoute. Je veux juste que vous clarifiiez l'écoute, l'écoute de la part du MIDI, l'écoute de la part du ministère, l'écoute de la part de qui. Et, si vous avez des projets sur la table, ça concerne quoi, ces projets?

Et ma dernière, dans le même bloc : Est-ce qu'on vous a inclus dans l'équation de la régionalisation?

M. Dorval (Yves-Thomas) : Alors, il y a eu des consultations à l'occasion par la sous-ministre, il y a des conversations avec le cabinet, ces choses-là, sur les enjeux. Il y en a eu aussi concernant l'enjeu avec le fédéral sur l'immigration temporaire. À partir de ce qu'on nous a indiqué comme intentions, nous, on a développé des projets chez nous, qu'on a présentés au gouvernement. Quand je dis «au gouvernement», c'est d'abord aux fonctionnaires, là, c'est des programmes normés ou des programmes qui rentrent, là, dans l'analyse, etc., donc je ne parle pas au niveau politique. Mais, à tout le moins, on a eu un frein majeur à ces projets-là. Peut-être qu'ils n'étaient pas parfaits. Peut-être que... parce que, vous savez, dans la vie, on peut voir différentes choses.

L'élément certain, c'est que, au lieu de travailler à trouver tout de suite des solutions parce qu'on est en situation de crise, bien, on prend plusieurs mois à analyser ça puis, après plusieurs mois, bien, on se fait dire : Bien là, ce n'est pas correct, puis là il faut refaire nos devoirs, puis là ça prend encore un an, deux ans. Je vous répète : Le problème, c'est qu'il est actuel. Il y a déjà 118 000 postes à combler au Québec. Ce n'est pas dans... Ça, ce n'est pas dans l'année prochaine, là, c'est cette année. Alors, chaque année, ça s'accumule.

Alors, nous, ce qu'on dit là-dessus, ce n'est pas qu'on n'a pas une écoute, mais le processus décisionnel, il est long.

M. Derraji : Oui. Bien, je vous entends, M. Dorval, et la commission, elle est là. Du moment que nous sommes en consultations, le ministre, il est là, et j'en suis sûr et certain qu'il a pris bonne note de vos projets. Je sais la rigueur du Conseil du patronat.

Moi, je pense que le ministère, et le ministre, et son équipe vont prendre note, parce que c'est alarmant, c'est inquiétant quand même qu'on a des projets pour répondre à la régionalisation et aux défis de main-d'oeuvre, et que vous sentez qu'il y a des obstacles.

Ce que j'entends depuis le début, qu'on veut travailler en mode collaboration, la coordination au niveau du MIDI, le signal que vous nous envoyez aujourd'hui, que c'est... il y a du blocage à l'intérieur du MIDI. Je ne parle pas du politique, de la part des fonctionnaires. Est-ce que c'est ce que vous voulez dire par vos propos?

M. Dorval (Yves-Thomas) : C'est la lenteur du processus plus que le reste. C'est tellement long. C'est tellement long, puis, quand on arrive à des décisions, puis là il faut recommencer nos devoirs, bien, c'est une autre période qui recommence.

Moi, ce que je dis, c'est : À quelque part, il y a plein de gens de bonne volonté, de tous les niveaux, puis c'est vrai aussi au niveau de la fonction publique, au niveau de politique puis au niveau des organisations comme les nôtres. C'est juste que c'est long. C'est très long, trop long.

M. Derraji : Dans la page 9 de votre mémoire, vous parlez, d'une manière très, très claire, le poids démographique du Québec dans l'ensemble canadien. Pour le bénéfice de tout le monde, en 2017, le ratio Québec-Canada était de 18,3 %. Avec le gouvernement caquiste, en 2019‑2020, ce poids va baisser de 18 % à 13 %. C'est quoi, le signal que ça envoie, selon vous?

M. Dorval (Yves-Thomas) : Je pense que, comme politicien, comme formation politique, de part et d'autre, vous avez la même conclusion.

M. Derraji : Vous avez évoqué, dans votre mémoire, que le poids démographique du Québec dans l'ensemble...

La Présidente (Mme Chassé) : Il reste 30 secondes à l'échange. Pardon.

M. Derraji : Combien?

La Présidente (Mme Chassé) : C'est vous. Non? Il y a eu un petit bogue. Alors, poursuivez.

M. Derraji : O.K. Vous avez évoqué... Vous allez rajouter le moment d'arrêt, hein? S'il vous plaît.

La Présidente (Mme Chassé) : ...

M. Derraji : O.K. Le poids démographique. Le poids démographique est un élément important dans votre analyse. Donc, vous avez évoqué ça comme un fait, comme problématique. Ce qu'on constate, que, de 2017 à 2019, donc 2019, même 2020, le ratio Québec-Canada va passer de 18,3 % à 13 %, donc une perte de 5 %, et on sait c'est quoi, la suite, donc c'est la place du Québec par rapport au nombre de sièges à Ottawa, etc., le pouvoir. En quoi, en tant qu'association patronale, ça vous préoccupe, la place du Québec dans l'ensemble canadien.

M. Dorval (Yves-Thomas) : En fait, Mme la Présidente, notre point n'est pas nécessairement à dire que, nous, ça nous préoccupe comme organisation toute seule, c'est qu'on a saisi l'opportunité dans notre mémoire pour expliquer que l'immigration, ça dépasse seulement la question de l'emploi puis des employeurs, que c'est une problématique sociétale qui touche les régions, qui touche, je dirais, tous les Québécois, puis que, si on n'a pas les investissements requis en matière de nombre, bien, il y a des effets là-dessus, que ce soit pour les régions, que ce soit pour les employeurs, que ce soit même pour l'État québécois. C'est essentiellement ce qu'on dit, parce que les données le démontrent, je veux dire, les études démographiques. Si on n'a pas la compensation par l'immigration, bien, on perd notre rapport de force.

M. Derraji : Donc, ce qu'on peut comprendre, c'est qu'avec la décision du gouvernement caquiste de réduire le seuil à 40 000 le gouvernement de la CAQ va nous faire perdre du pouvoir à Ottawa et perdre des sièges à la Chambre des communes. C'est ce que vous êtes en train de dire avec cet argument.

M. Dorval (Yves-Thomas) : Nous, ce qu'on dit, c'est : Statistiquement, on a fait les démonstrations des faits. C'est aux politiciens maintenant à prendre acte de ça puis décider qu'est-ce qu'ils veulent faire.

M. Derraji : Oui. Vous avez parlé des projets, tout à l'heure, au niveau de ce que vous avez sur la table, M. Dorval. Ça consiste en quoi, les projets que vous avez et que vous avez développés?

• (17 heures) •

M. Dorval (Yves-Thomas) : Ah! on en a de différentes natures. On en à Montréal, dans certains secteurs, pour certains métiers qui sont en pénurie, pour travailler avec des organismes communautaires à la formation de gens qui sont déjà ici, par exemple des réfugiés, et autres, et pour les aider à développer de l'expertise pour être employables puis, en même temps, leur faire une formation en français avec le réseau de l'éducation et des organismes communautaires, etc. Bon, ça n'a pas été jugé recevable au niveau local, parce qu'on a dit, finalement, que ce n'était pas nécessairement important. Que ce soit au niveau des régions ressources... vous savez, il est possible d'amener de l'immigration dans les régions, je dirais, qui entourent la ceinture de la grande région de Montréal. C'est possible d'amener les gens en Montérégie, à Laval, à Laurentides, c'est difficile d'amener quelqu'un de Montréal qui est un immigrant à Sept-Îles ou à Baie-Comeau. Alors, qu'est-ce qu'on peut faire pour ces régions-là qui, en plus de ça, sont en...

La Présidente (Mme Chassé) : En conclusion.

M. Dorval (Yves-Thomas) : ...décroissance démographique? Alors, on propose des solutions, qui ne sont pas parfaites. L'idée ici, c'est de dire : Bien, voici une piste, comment on peut travailler ensemble puis trouvons la solution. C'est là-dessus qu'on travaille actuellement...

La Présidente (Mme Chassé) : Je vous remercie.

M. Dorval (Yves-Thomas) : ...de trouver des solutions, sauf que ça prend un an, deux ans.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Merci beaucoup. Je passe maintenant la parole au député de Laurier-Dorion, allez-y.

M. Fontecilla : Merci. Bonjour, monsieur. Écoutez, pour continuer sur la même veine, l'intervenant juste avant vous, M. Laplante, disait que la régionalisation est une utopie. Structurellement, ici, comme partout ailleurs, là, les gens s'installent dans les grands centres, c'est la tendance mondiale, sociologique, etc. Vous avez commencé et vous l'avez dit vous-même, vous avez dit : Il y a des pistes, etc. Est-ce que, pour vous, c'est une utopie?

M. Dorval (Yves-Thomas) : Non.

M. Fontecilla : O.K. J'aimerais vous entendre.

M. Dorval (Yves-Thomas) : Bien, il y a des régions qui réussissent. L'Abitibi-Témiscamingue, qui a eu, quand même, une contribution de l'immigration significative... Je suis d'accord avec les éléments suivants, c'est que ce n'est pas juste l'immigration, hein, pour développer les régions, c'est un ensemble de facteurs. Quand on nous pose la question, au CPQ, on parle, par exemple, d'apporter l'éducation plus près des gens pour ne pas que les jeunes soient obligés de quitter la région puis ils ne reviennent pas. Comment on peut amener l'éducation auprès des jeunes, ça, c'est un exemple.

Deuxième des exemples, les infrastructures. Comment on peut faire en sorte que les gens ne sont pas isolés en région. Que ce soient les infrastructures physiques comme le transport ferroviaire, et ainsi de suite, Gaspésie, par exemple, que ce soit la question des infrastructures numériques... parce qu'aujourd'hui, avec l'économie des services, l'économie du savoir, on peut s'installer à Chapais puis exporter des biens vidéo à travers le monde.

M. Fontecilla : ...

M. Dorval (Yves-Thomas) : Pas toujours, mais oui. Ça veut dire, c'est toujours ensemble, les intervenants du milieu, etc. J'ai parlé du rôle des grands employeurs qui veulent contribuer à ça parce qu'ils considèrent que l'écosystème est important pour leurs fournisseurs ou pour les services à leurs employés, etc. Donc, non, ce n'est pas une utopie, c'est possible de le faire, il y a des moyens pour le faire, ça prend, oui, des orientations, puis ce n'est pas basé seulement sur l'immigration, mais, l'immigration, c'est la seule solution lorsqu'on n'a pas assez de démographie interne pour combler les besoins, il faut aller la chercher ailleurs...

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste 30 secondes.

M. Dorval (Yves-Thomas) : ...plus la productivité, bien sûr, l'intelligence artificielle, etc. Mais ça, c'est déjà pris en compte, on a déjà pensé à ça, et ça fait partie des solutions. Mais il y a des entreprises ultramodernes qui viennent de s'établir, mais elles ont besoin quand même de manoeuvre dans cette entreprise-là, puis elles n'en ont pas.

M. Fontecilla : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Très bien, je vous remercie. Je passe maintenant la parole à la députée de Gaspé.

Mme Perry Mélançon : Merci, Mme la Présidente. Bonsoir... bonjour. Vous avez effleuré le sujet de la surqualification, qui est un problème dans la grille actuelle, là, la grille de sélection, et j'aurais aimé vous entendre sur quels seraient les critères qu'on devrait prioriser pour améliorer toute la réussite, finalement, de l'immigration au Québec.

M. Dorval (Yves-Thomas) : Oui. Bien, là, Mme la Présidente, il y a un enjeu, c'est qu'Arrima va rentrer en service. Là, Arrima n'était pas là, puis là il va y avoir un système où les gens ont déclaré leurs intérêts, puis on va offrir aux gens... en fonction des besoins du marché du travail, puis c'est dans la politique du gouvernement de s'arrimer, par exemple, aux discussions qu'il y a à la Commission des partenaires du marché du travail avec Emploi-Québec, etc., pour trouver comment combler les besoins régionaux, les métiers en rareté, etc. Donc, il y a déjà un effort qui va être fait de ce côté-là.

Je n'ai pas la réponse exacte pour la grille de sélection, on peut regarder la grille de sélection, comment elle a été appliquée dans le passé, c'est clair que ça a créé de la surqualification. Si on surpondère, par exemple, un diplôme universitaire dans un domaine qui n'est pas nécessairement en demande au Québec, on ne rencontrera pas nécessairement les autres domaines puis on ne rencontrera pas les besoins de main-d'oeuvre qui demandent moins de qualifications. Si, par exemple, on surpondère aussi la question du français, attention, nous, on croit que le français est important, mais, si on surpondère la connaissance du français par rapport au type de travail que les gens vont faire, on va avoir de la misère à être compétitifs au plan international pour amener du monde ici. Ça ne veut pas dire qu'on ne doit pas tenir compte du français, au contraire, il faut d'ailleurs travailler sur la francisation, ça fait partie, hein, des propositions qu'on a soumises ici.

Donc, la question de la grille de sélection, elle a été, je dirais, dans le passé, pas adéquate. Puis, dans le futur, avec le système Arrima, on va voir comment tout ça va pouvoir fonctionner. Mais le système Arrima va être aussi bon que la qualité des gens qui vont présenter leur candidature sur Arrima. S'il y a 95 % des gens qui appliquent sur Arrima, ils ont un diplôme universitaire, mon 50 %, 60 % de personnes... d'emplois qui représentent moins de qualifications, je vais avoir un problème.

Mme Perry Mélançon : Rapidement, selon vous, est-ce que l'accompagnement des employeurs devrait passer par des services offerts par le gouvernement ou par des organismes qu'on a déjà sur le territoire un peu partout au Québec?

La Présidente (Mme Chassé) : En moins de 30 secondes.

M. Dorval (Yves-Thomas) : Mme la Présidente, ça, c'est important, et c'est en partenariat.

La Présidente (Mme Chassé) : Allez-y.

M. Dorval (Yves-Thomas) : Je pense que... On le fait actuellement. Nous, on a développé un service, qu'on offre sur le territoire, d'accompagnement pour les petites entreprises en matière de gestion des ressources humaines puis on le fait avec le gouvernement, on le fait avec des organismes communautaires, on le fait avec des MRC et des municipalités. Ça ne peut pas se faire sans l'un ou l'autre. Ça ne peut pas se faire juste par le gouvernement, ça ne peut pas se faire juste par une organisation. C'est ensemble. Mais, si on ne le fait pas ensemble...

La Présidente (Mme Chassé) : Merci.

M. Dorval (Yves-Thomas) : ...on ne réunit pas les forces complémentaires de chacun, puis le gouvernement ne peut rien faire tout seul si les autres organisations comme la nôtre, elles ne sont pas là.

La Présidente (Mme Chassé) : M. Dorval, merci. C'est toujours un plaisir, M. Dorval, M. Hamel, de vous recevoir à notre commission. Ça conclut l'exposé et le débat.

Je suspends temporairement les travaux pour permettre au prochain et dernier groupe de la journée de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 6)

(Reprise à 17 h 9)

La Présidente (Mme Chassé) : Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants du Mouvement Québec indépendant. Vous avez 10 minutes pour votre exposé, et je vous invite tout d'abord à vous présenter. Allez-y.

Mouvement Québec indépendant

Mme Ouellet (Martine) : Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Chassé) : Ça fait plaisir.

Mme Ouellet (Martine) : Donc, je me présente, Martine Ouellet, ancienne députée de l'Assemblée nationale, ministre des Ressources naturelles et ancienne cheffe du Bloc québécois. Donc, ça me fait plaisir, d'ailleurs, de revoir plusieurs anciens collègues ici aujourd'hui.

M. Monière (Denis) : Bonjour, Mme la Présidente. Denis Monière, politologue, auteur et membre du Mouvement Québec indépendant.

• (17 h 10) •

Mme Ouellet (Martine) : Et donc nous sommes ici au nom du Mouvement Québec indépendant — peut-être plusieurs dans la salle ne le connaissaient pas, donc — et c'est un mouvement transparlementaire, transpartisan pour la promotion de l'indépendance du Québec assumée. Nous avons produit un magazine, puis je vous en parle parce que c'est lié au sujet d'aujourd'hui. Donc, le premier numéro était sur le dossier de l'immigration, et le deuxième numéro, sur le multiculturalisme — c'est quand même assez lié à l'immigration — plusieurs conférences et des positionnements aussi, mais... Ça ne fait même pas encore un an d'existence, et déjà nous avons pris position contre le projet d'Énergie Est à la commission canadienne d'évaluation environnementale, malheureusement, canadienne, et, ici, aujourd'hui, sur le dossier de l'immigration.

Et sur le dossier de l'immigration, bien, vous avez vu le titre de notre mémoire, Un pays pour une immigration réussie. Parce que, franchement vous dire, tant et aussi longtemps que les immigrants seront accueillis par le Canada, tant et aussi longtemps que les immigrants seront donc accueillis en anglais, seront donc accueillis avec la philosophie du multiculturalisme, qui est une forme insidieuse d'apartheid, et ça, c'est même dixit Neil Bissoondath, tant et aussi longtemps que les immigrants devront prêter un serment d'allégeance à la reine Elizabeth II, bien, ce sera très difficile, voire impossible, d'avoir une immigration qui soit un succès au Québec. Parce qu'ici, au Québec, ça se passe en français, parce qu'ici on n'en veut pas, du multiculturalisme. Ici, depuis l'habitation du territoire, l'intégration se fait par un partage, se fait par un métissage culturel, puis ici, bien, la monarchie... c'est clair qu'on ne veut rien savoir de la monarchie. Donc, vous comprenez la difficulté qu'il y a au niveau de l'immigration.

Et là on va se le dire bien clairement : Ce n'est pas les immigrants qui sont en cause dans les problèmes d'intégration qu'on au Québec, c'est le statut de province que nous avons, un statut de province subordonnée au gouvernement fédéral. Et, dans le dossier de l'immigration, on le voit, là, l'immigrant, il commence ses démarches dans l'ambassade canadienne, et ensuite tous les délais de personnel, c'est le Canada qui décide. Le permis de résidence permanente, on a vu tantôt les délais, c'est le Canada qui décide. La citoyenneté, c'est le Canada qui décide. Il n'y a pas grand-chose que le Québec décide dans le dossier de l'immigration. Et, tant que le Québec restera une province, il ne pourra pas concurrencer le Canada sur le terrain de la loyauté. On ne peut pas blâmer ceux qui viennent vivre au Québec d'avoir tendance à s'identifier au Canada multiculturel et anglophone, puisque le Canada est leur pays d'accueil tant que le Québec va rester une province et qu'il déploie des ressources importantes pour construire l'identité canadienne. Donc, c'est pour ça qu'on dit que, vraiment, ça prend un pays pour avoir une immigration réussie. On va aller dans le détail, un petit peu plus, du document de consultation.

M. Monière (Denis) : Donc, en continuité avec cette introduction, le document de consultation nous invite à réfléchir aux compétences partagées qu'aurait le Québec en matière d'immigration. Cela nous semble un euphémisme, puisque, s'il y a partage des compétences, il y a un très fort déséquilibre entre les capacités du Canada et celles du Québec, comme Mme Ouellet vient de l'illustrer.

Ceci est un peu surréaliste, en réalité, parce qu'on nous invite à réfléchir sur une politique de planification pluriannuelle, et, dans les capacités du Québec en matière d'immigration, on ne contrôle qu'un tiers environ des compétences, on a la maîtrise d'environ une variable sur trois. On contrôle l'immigration économique, et encore, mais on n'a rien à dire sur la politique des réfugiés, on n'a rien à dire sur la politique de réunification des familles. Alors, quand on se met à discuter de quotas, de seuils en vertu de la politique canadienne, on se dit qu'on est un peu dans l'absurde, parce qu'il suffit que le Canada décide d'augmenter ses seuils de réfugiés, d'accueil de familles, pour que nous, nos quotas et nos seuils tombent à l'eau, n'aient plus de sens.

Donc, c'est une situation paradoxale, et je pense qu'il faut clarifier les contradictions dans lesquelles le gouvernement du Québec est obligé de travailler. Donc, c'est un peu le but de notre mémoire, de mettre en évidence toutes ces embûches et ces contraintes qu'impose notre présence au Canada, pour une politique d'immigration cohérente.

J'ajouterais, là-dessus, qu'une politique d'immigration, ce n'est qu'un volet d'une politique plus globale. Une politique d'immigration doit s'inspirer d'une politique de la population. C'est un ingrédient dans une politique générale de population. Et la question que vous devrez résoudre, c'est : À qui doit servir l'immigration? Et, dans notre perspective à nous, l'immigration doit servir à construire une communauté de langue française en Amérique du Nord. Et, jusqu'à présent notre expérience canadienne nous a amenés à considérer que la politique d'immigration du Canada cherche, elle, plutôt à diminuer l'importance démographique des francophones dans l'ensemble canadien. Une seule statistique : en 2016, seulement 7 % des 290 000 immigrants accueillis par le Canada déclaraient parler le français. Pensez-vous que le Canada va devenir un pays plus francophone avec l'immigration? Poser la question, c'est y répondre.

Mme Ouellet (Martine) : Dans le document de consultation aussi, il y a un aspect qui est manquant, extrêmement important, il n'y a aucune donnée sur les investissements. Et là l'immigration, c'est clairement un dossier transparlementaire, donc il y a des investissements du gouvernement fédéral, il y a des investissements du gouvernement provincial, et on n'a aucune information.

Parler de seuil d'immigration, déjà, en tant que province, comme on est subordonnés au Canada, c'est un peu surréaliste, parce qu'au bout du compte c'est le Canada qui va décider du quota canadien, duquel découle en grande partie le seuil d'immigration du Québec. Et, lorsque mon collègue Denis Monière disait qu'on contrôle une des trois variables, l'immigration économique... Puis encore, dans l'immigration économique, tout ce qu'on contrôle, c'est les critères de sélection. On ne contrôle aucunement la citoyenneté, les délais de réponse. Il y a d'ailleurs des gens qui s'en plaignaient parce que le gouvernement canadien ne met pas les investissements nécessaires pour avoir le nombre de ressources. Et donc on n'a pas les investissements.

Et de parler de seuil d'immigration sans avoir les investissements, c'est extrêmement problématique parce qu'il faut avoir les moyens de bien accueillir les immigrants. Ce n'est pas le nombre total qui est important, c'est la capacité de les accueillir. Et, clairement, actuellement, on n'accueille pas correctement les immigrants. La Vérificatrice générale du Canada... du Québec l'a dit pour 2017, que la francisation, c'était un échec. Donc, il y a des investissements qui sont clairement manquants.

Et c'est pour ça qu'on qu'on dit : On devrait réserver les montants pour la francisation pour les catégories de réfugiés et les catégories de réunification familiale puis de s'assurer que les immigrants économiques, sur lesquels, en tant que province... quand on sera un pays, on pourra choisir, mais, en tant que province, on peut avoir un critère de sélection. Donc, ça, c'est une des recommandations.

Dans la politique de population, on doit se poser la question : Est-ce qu'on veut... Quelle population on veut du Québec dans 10 ans, dans 20 ans, dans 50 ans? Et l'immigration est un des morceaux. Et, dans cette perspective-là, ce qu'on dit, c'est qu'on devrait avoir une politique de retour pour les francophones hors Québec, donc au Canada et aux États-Unis, instaurer un statut d'étudiant immigrant pour attirer les jeunes cerveaux et aussi un système de reconnaissance des acquis souple, équitable et simplifié.

Et, en terminant, vous savez, le Canada — et ce n'est pas pour rien qu'il y a une problématique de l'immigration au Québec — le Canada... le premier père fondateur du Canada, lord Durham, ne s'en cachait pas : Il recommandait une politique vigoureuse de peuplement anglais pour mettre, comme il le disait, «la race française en minorité le plus rapidement possible». Le Canada a souvent utilisé l'immigration contre la nation québécoise. Et, malheureusement, tant qu'on va rester dans le Canada, on va avoir cette problématique-là.

Et c'est pour ça que le Québec doit devenir indépendant, pour que l'immigration devienne un facteur positif dans la construction de la nation québécoise, d'une part, et parce que l'indépendance permettra de choisir les immigrants en fonction des besoins réels du Québec, et, d'autre part, parce qu'il ne constituera plus un facteur d'affaiblissement démographique, comme c'est le cas actuellement au Canada.

La Présidente (Mme Chassé) : Très bien, merci. Ça conclut, donc, votre exposé. Et on va débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous pour un bloc d'échange avec le gouvernement de 16 minutes.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Mme Ouellet, M. Monière, bonjour.

Mme Ouellet, c'est un plaisir de vous retrouver. On a fait quelques commissions parlementaires ensemble, et c'était toujours agréable de vous voir travailler en commission parlementaire avec mes collègues du précédent gouvernement. On a eu beaucoup de plaisir lors de la 41e législature.

Cela étant dit, je comprends, de votre mémoire et de votre intervention, que c'est sûr que vous prônez la souveraineté du Québec. Puis votre mémoire est orienté sur cette question-là, mais on ne réglera pas cette question-là ici, cet après-midi, puis...

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Ah! bien, moi, je n'ai pas ce pouvoir-là, ça appartient à la nation québécoise de faire ses choix.

Cela étant dit, moi, mon objectif, c'est d'aller vers le rapatriement de la compétence en matière de regroupement familial. Je pense que, pour la planification de l'immigration mais aussi l'intégration, c'est important que le Québec ait le maximum de leviers possibles sur son immigration.

Cela étant dit, je vous écoutais parler, tantôt, vous disiez : La Vérificatrice générale a dressé des constats, notamment en matière de francisation en 2017, et il y a des problématiques au niveau de la francisation. Mais, récemment, j'ai annoncé la moitié du budget supplémentaire que j'ai été chercher, 70 millions, justement pour ouvrir les cours de français aux immigrants en situation temporaire, pour donner davantage d'allocations aussi.

Qu'est-ce que vous pensez de ce qu'on a annoncé relativement aux mesures en francisation qu'on met en place?

• (17 h 20) •

Mme Ouellet (Martine) : Malheureusement, avec les informations disponibles, à moins de faire bien, bien des recherches... Puis le Mouvement Québec indépendant est un organisme à but non lucratif, ça fait que vous avez une idée des moyens qu'on peut avoir. Il n'y avait aucune information dans votre document de consultation sur les montants en francisation, sur des indicateurs de succès. Donc, moi, à ce stade-ci, je n'ai aucune idée si le 70 millions qui a été annoncé, premièrement, est suffisant, deuxièmement, s'il est investi dans les bons secteurs. Je n'ai rien actuellement qui me permet de pouvoir pencher dans cette direction-là. C'est sûr, c'est mieux ça que pas d'investissement, on s'entend, là. Mais je n'ai pas les informations pour me permettre, étant donné qu'il n'y a pas d'information financière dans votre document de consultation, qui me permettrait de dire que le 70 millions est suffisant. Qu'est-ce qu'il y avait avant? Qu'est-ce qui est financé par le gouvernement canadien? Parce qu'il faut avoir un portrait global, là. On ne peut pas juste regarder un petit morceau, là, il faut avoir le portrait global.

Et c'est tellement un échec important, la Vérificatrice générale du Québec le disait, pour 2017 : des 40 % qui ne connaissent... des immigrants ne connaissaient pas le français; de ces 40 %-là, seulement 60 % prenaient des cours de français, et, si ma mémoire est bonne, 10 % seulement réussissaient leur cours. Je veux dire, écoutez, là, 10 % de 60 %, là, c'est...

M. Jolin-Barrette : Simplement pour vous situer, là, dans le fond, on a déposé le cahier de consultation avant la fin de la session parlementaire, et l'annonce en matière de francisation est survenue en juillet, je crois. Alors, bien entendu, ce n'est pas dans le cahier de consultation, mais ça a été dans la sphère publique cet été, puis on a annoncé les différentes mesures.

Il y a une chose qui est importante aussi, c'est : la semaine dernière, on a lancé le Parcours d'accompagnement personnalisé justement pour faire en sorte que les personnes, dès l'étranger, elles puissent avoir des cours de francisation en ligne, mais surtout que leur intégration débute dès le départ avec un agent d'aide à l'intégration qui va leur être assigné, puis ça va être une personne-ressource pour le ministère de l'Immigration.

Mais il faut comprendre que l'intégration des personnes immigrantes passe par la mobilisation de tous les acteurs de la société québécoise, mais principalement par le ministère de l'Immigration. Et ça fait en sorte qu'on a ouvert tous les services du ministère de l'Immigration aux personnes immigrantes, qu'elles soient en statut permanent ou temporaire, justement pour faire en sorte que tout le monde adhère à la société québécoise, et se francise, et aussi puisse occuper un emploi.

Cela étant, est-ce qu'au niveau de la régionalisation vous avez des propositions qui vont nous permettre d'assurer la régionalisation de l'immigration?

Mme Ouellet (Martine) : Écoutez, au niveau de la régionalisation de l'immigration, c'est sûr que c'est ce qui est souhaitable, ce qui est souhaitable pour plusieurs raisons, souhaitable parce qu'on sait que la francisation est plus facile en région, mais souhaitable aussi parce qu'il y a une démographie qui est en baisse en région et qu'il y a des besoins qui sont en région. Mais, comme l'a dit un groupe précédent, c'est clair qu'au niveau de la régionalisation, ça prend une politique plus globale de développement régional. Mais oui, nous, on le propose, qu'il faut de la régionalisation de l'immigration et, au besoin, donner des incitatifs financiers — on sait que ça fait une différence, des incitatifs financiers — et des mesures d'accompagnement. Donc, c'est très clair.

Si je reviens juste à la francisation, un peu plus tôt, nous, ce qu'on propose, c'est que... On a trois catégories d'immigrants, là : il y a les immigrants économiques, sur lesquels le Québec peut choisir les critères de sélection, pas tellement le reste, mais les critères de sélection, et ensuite la réunification familiale et les réfugiés. On peut comprendre que, du côté des réfugiés, on ne peut pas rien demander, là, c'est des gens qui sont complètement en situation de détresse, là, c'est pour ça qu'ils viennent ici. Réunification familiale, c'est très variable...

M. Jolin-Barrette : ...sur les réfugiés, c'est le Québec qui les sélectionne. Vous avez deux types de réfugiés, ceux qui sont parrainés par l'État et ceux qui sont parrainés par des groupes de deux à cinq personnes ou par des organisations aussi. Donc...

Mme Ouellet (Martine) : Vous oubliez tous ceux qui se présentent aux frontières.

M. Jolin-Barrette : Ah! là, ceux qui se présentent aux frontières, ce ne sont pas des réfugiés, ce sont des demandeurs d'asile. Donc, les...

Mme Ouellet (Martine) : Des demandeurs d'asile, mais qui, éventuellement... On fait un raccourci, là. Ce sont des demandeurs d'asile qui, éventuellement, vont devenir des réfugiés, là, si le statut de réfugié est autorisé...

M. Jolin-Barrette : Leur est accordé. Pas nécessairement.

Mme Ouellet (Martine) : ...leur est accordé, et ça, c'est le Canada qui décide. Et vous savez que, l'année passée et l'année précédente, il y en a pas mal qui se sont présentés à nos frontières, particulièrement sur les frontières américaines. Mais, si je reviens à...

M. Jolin-Barrette : Non, mais c'est quand même important, ça, par exemple, parce que, lorsque les gens, là, arrivent à la frontière, là, la personne, elle est un demandeur d'asile, ce n'est pas dans la juridiction québécoise. Mais, à partir du moment où le tribunal fédéral les reconnaît comme réfugiés, là, à ce moment-là, ils deviennent de juridiction québécoise, si je peux dire.

Mme Ouellet (Martine) : Vous avez raison. Toutefois, tout ce délai-là, qui est un délai d'ailleurs complètement indécent pour les personnes demandeuses d'asile, c'est le Canada qui décide de ce délai-là, mais, pendant tout ce délai-là, c'est le Québec qui paie, hein?

M. Jolin-Barrette : Ah! ça, je suis d'accord avec vous.

Mme Ouellet (Martine) : Donc, moi, je veux bien, là, mais on a un problème, on a un problème, parce qu'il y a des gens qui se présentent à nos frontières. On n'a pas le contrôle ni de l'émission des permis de travail, et là il y a des délais encore qui se sont allongés comme ça n'a pas de bon sens, on n'a pas le contrôle pour les émissions de statut de réfugié, et on paie, parce que ces gens-là, s'ils n'ont pas de permis de travail, c'est sûr qu'ils ont besoin de moyens pour subvenir, et c'est le gouvernement canadien qui a ces leviers-là, donc...

Mais tout ça pour arriver à mon idée de la catégorie de l'immigration économique, où on est tout à fait d'accord avec un groupe précédent qu'on devrait demander que les gens de cette catégorie-là aient une connaissance du français suffisante pour pouvoir travailler et fonctionner au Québec. Bien, on trouve que c'est extrêmement important, puis le français est quand même une langue internationale, il y a quand même plusieurs pays qui parlent français et plusieurs pays dont le français est la langue seconde. Donc, il me semble, comme je répète un peu ce que disait Robert Laplante, mais le bassin est assez grand de personnes pour avoir des gens selon les besoins qu'on a au niveau du développement économique du Québec, puisque c'est la catégorie, là, des immigrants économiques.

M. Jolin-Barrette : Vous diriez que...

Mme Ouellet (Martine) : Sauf exception, hein, on s'entend, il peut toujours avoir des exceptions, là, sur des postes particuliers, des choses, là, sauf exception.

M. Jolin-Barrette : Bien, vous diriez, à l'image de la proposition du Parti québécois, qu'il y a une barrière à l'entrée, d'avoir, supposons, un niveau 7 de français, de connaissances du français, afin de pouvoir être sélectionné par le Québec.

Mme Ouellet (Martine) : Moi, je ne suis pas dans les niveaux, là, c'est vraiment ça, plus technique, là, je ne sais pas les niveaux, ça équivaut à quoi. Mais, moi, ce que je vous dis, une connaissance pour être capable de fonctionner et pour la catégorie de l'immigration économique. Puis pourquoi on ferait ça? Parce que... pour réserver les investissements qu'on fait en francisation pour s'assurer que les deux autres catégories, c'est-à-dire réunification familiale et réfugiés, puissent avoir accès à des cours de francisation, parce qu'actuellement ce n'est clairement pas le cas.

M. Jolin-Barrette : Mais c'est quand même important, le niveau, parce qu'on se retrouve dans une situation où le gouvernement, auquel vous avez appartenu, a haussé, à travers la grille de sélection, l'ancienne grille de sélection de la façon qu'on sélectionnait avant Arrima, d'un niveau 5 à un niveau 7 pour avoir des points.

Cela nous amène sur le questionnement suivant. Il faut répondre aux besoins du marché du travail, les deux facteurs d'intégration dans une société, les principaux, c'est le fait d'occuper un emploi puis le fait de pouvoir parler la langue d'usage, en l'occurrence le français. Alors, la question qui se pose, c'est de dire, dans votre perspective : Bien, tous ceux qui n'ont pas un niveau, supposons, 7 de français, ne pourront pas venir au Québec. Là, on est plutôt dans une approche de dire : Bien, accompagnons les gens au niveau de la francisation, déployons toutes les ressources, puis c'est ça qu'on a annoncé aussi dès l'étranger parce qu'il faut répondre aux besoins du marché du travail. Donc, peu importe d'où vous venez dans le monde, vous devriez pouvoir venir au Québec. Vous n'êtes pas d'accord avec ça?

Mme Ouellet (Martine) : Premièrement, je ne pense pas que l'immigration... puis on ne pense pas que l'immigration doit être en fonction des besoins du marché du travail. L'immigration doit être en fonction d'une politique de la population, premièrement. Les besoins du marché du travail, il y a l'immigration qui peut répondre, mais il y a aussi d'autres moyens de répondre au marché du travail, il y a la formation professionnelle, il y a les salaires, hein, parce que c'est sûr que, si tu augmentes les salaires, tu vas peut-être avoir plus de gens qui vont appliquer sur un travail. Ça fait que ça, c'est une première chose.

M. Jolin-Barrette : Sauf que, là-dessus, par contre, vous savez, la façon dont on sélectionnait les personnes immigrantes, là, avec l'ancien système, c'était basé sur une grille de sélection où vous aviez des pointages. Exemple, vous aviez un doctorat, supposons, en droit, vous aviez plus de points. Combien on a besoin de professeurs de droit dans nos facultés? Présentement, on n'est pas en pénurie. Donc, je pense que la façon dont on sélectionne les personnes immigrantes maintenant, c'est préférable pour faire en sorte que, un, il n'y ait pas un taux de surqualification puis il n'y ait pas des taux de chômage non plus. Alors, êtes-vous en désaccord avec ça?

• (17 h 30) •

Mme Ouellet (Martine) : Nous, ce qu'on dit, c'est qu'au niveau de la sélection des immigrants pour le secteur économique on doit y aller en fonction, effectivement, des besoins du marché pour cette section-là, mais des emplois spécialisés. Donc, ne pas avoir une grille qui est un peu bête puis juste en fonction des diplômes, il faut y aller en fonction des besoins, où on doit combler des emplois. Donc, ça, c'est une première chose pour la sélection, mais on dit aussi, et là je vous amène aux recommandations, là, 6, 7 et 8, mais particulièrement 7 et 8, donc, «d'instaurer un statut d'étudiant immigrant afin d'attirer les jeunes cerveaux». Les gens, quand ils viennent étudier ici, s'ils veulent rester, on croit qu'il faut faciliter le fait que les gens puissent rester, parce que, déjà, d'être venu étudier, il y a déjà une certaine intégration qui s'est réalisée. Et on a tout à gagner à conserver les talents des gens qui sont développés ici, et on dit même de profiter... le même tarif que les Québécois et les Québécoises pour les frais de scolarité en échange de rester au Québec cinq ans, et la reconnaissance des diplômes.

Moi, j'ai eu plusieurs discussions comme députée avec des immigrants de plusieurs pays. Et, vous savez, j'ai travaillé le dossier des taxis. Et le dossier des taxis, on a beaucoup de gens très diplômés qui avaient des emplois professionnels dans leur pays, mais qu'il n'y a pas de reconnaissance des diplômes ici. Et ça fait longtemps qu'on parle de reconnaissance des diplômes, mais ça ne se fait pas. Et moi, je pense qu'il faut vraiment mettre un mécanisme de reconnaissance des diplômes qui soit plus souple, et équitable, et simplifié, puis, au besoin, l'imposer aux corporations professionnelles, parce qu'on sait qu'il y a beaucoup de protectionnisme de la part de plusieurs corporations professionnelles.

M. Jolin-Barrette : Je vous remercie. Je sais que j'ai des collègues qui souhaitent vous poser des questions. Ça fait que je vais leur laisser la parole.

La Présidente (Mme Chassé) : Je crois que le député de Beauce-Sud désire prendre la parole.

M. Poulin : Excusez-moi. J'étais prêt, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Ouellet.

Une voix : ...

M. Poulin : C'est ça. Exact. Content de vous retrouver. Merci. C'est très apprécié de vous retrouver. Je salue également votre attaché de presse, qui a fait un travail fort important, ici, à l'Assemblée nationale pendant plusieurs années. Et la fidélité des collaborateurs, c'est très important en politique. Je pense que votre parcours l'a démontré également. C'est important d'avoir des gens qui sont fidèles à côté de nous. Alors, je salue cet engagement-là que vous continuez à travers un autre véhicule, qui est fort important.

Vous amenez un élément fort important. On va travailler sur ce qui nous unit cet après-midi. On va travailler... Vous avez proposé un élément fort important que peu de gens nous ont abordé jusqu'à présent concernant l'objectif de peuplement désirable. Et ça, c'est assez intéressant. Vous indiquez qu'il existe des leviers autres que l'immigration à la disposition du gouvernement pour atteindre ces potentiels objectifs de peuplement, puis vous nous avez parlé également de ce qu'on souhaite au Québec dans 15 ans, dans 20 ans, dans 50 ans. Vous en avez parlé, des francophones hors Québec. Je crois qu'il y a un juste milieu à y avoir, parce qu'en même temps, lorsqu'on a des communautés francophones hors Québec, c'est aussi une excellente nouvelle, parce qu'on s'assure de parler français en dehors des frontières du Québec. Alors, ça, c'est un élément. Mais, au niveau des politiques familiales, parce que, oui, on parle beaucoup d'immigration, mais comment vous voyez, justement, ce peuplement québécois là?

Mme Ouellet (Martine) : En fait, ce qu'on dit, c'est que l'immigration doit être un élément d'une politique de la population. Et on doit se poser la question. On n'arrivera pas avec des réponses toutes faites aujourd'hui, mais on doit se poser la question : Est-ce qu'on veut maintenir la population du Québec à 8 millions, l'augmenter à 9 millions, à 10 millions, à 12 millions? La question se pose. Et, en fonction de notre objectif de population, bien là, on va regarder c'est quoi, nos différents outils. Il y a une politique familiale. Il y a une époque où la politique familiale était un peu plus vigoureuse. Et, on l'a vu, ça a créé un petit mini baby-boom. Et il y a une politique d'immigration également. Et là la politique d'immigration devrait être en lien, justement, avec la politique de population. Et ce n'est pas de l'immigration pour de l'immigration. C'est ça. Donc... Bien, tu peux ajouter...

M. Monière (Denis) : Oui. Alors, il y a des études là-dessus, là, qui...

La Présidente (Mme Chassé) : ...minutes à votre bloc d'échange.

M. Monière (Denis) : ...qui ont fait la démonstration qu'avec un seuil de 40 000 immigrants par année on maintient la population à 8 millions. Si on augmente le seuil à 50 000 immigrants par année, sur 20 ans, évidemment, là, on augmente... on a une population de 9 millions. Donc, c'est pour ça qu'on parle de seuil désirable. Si on veut une population de 9 millions, à ce moment-là, il faut aller vers un seuil de 50 000 par année. Mais, si on veut maintenir la population actuelle, selon les capacités financières de l'État, je pense que c'est toujours ça, le nerf de la guerre, à ce moment-là, on peut réduire les seuils. Mais, en même temps, on a des effets secondaires, si on peut appeler ça comme ça, puisque, si la population n'augmente pas, bien, la croissance économique n'augmente pas.

La Présidente (Mme Chassé) : En conclusion.

Mme Ouellet (Martine) : Il est clair que, si on augmente le nombre d'immigrants mais qu'on n'augmente pas les ressources financières, bien, on va avoir un problème.

La Présidente (Mme Chassé) : Très bien.

M. Poulin : ...il restait une minute.

La Présidente (Mme Chassé) : Non. Tu es rendu à 10 secondes.

M. Poulin : La pérennité du français également, les immigrants de deuxième génération, très important de s'y attarder également.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je comprends que, maintenant, la députée de Bourassa-Sauvé désire prendre la parole? Allez-y.

Mme Robitaille : Merci. Oui.

La Présidente (Mme Chassé) : Un bloc de 10 min 40 s.

Mme Robitaille : Merci. Bonjour. Bonjour à tous les deux. Il faut absolument mettre tous les efforts possibles pour franciser, pour la francisation. Alors, moi, j'aimerais avoir votre avis. J'aimerais savoir comment créer une synergie dans les régions avec les employeurs pour favoriser la francisation puis surtout être capable de retenir ces gens-là en région.

Mme Ouellet (Martine) : Écoutez, les employeurs pourraient probablement vous répondre mieux que nous, là. Vous aviez le Conseil du patronat qui était là juste avant nous, mais...

Mme Robitaille : Oui. Mais la place, par exemple, des municipalités dans tout cet exercice-là.

Mme Ouellet (Martine) : Mais, nous, ce qu'on pense, c'est qu'il faut favoriser la régionalisation de l'immigration, puis ça va prendre des investissements. Ça va prendre des investissements en termes de structures parce que ça va prendre, dans les régions, des structures d'accueil. Ça va prendre des gens pour accompagner les immigrants, donc ça prend des ressources humaines. Donc, il faut que le gouvernement mette des ressources financières disponibles pour engager des ressources humaines, pour accompagner les immigrants qui vont être en région, et éventuellement des incitatifs financiers aussi.

Parce que c'est sûr que les gens venant de l'étranger, c'est plus facile d'arriver dans la grande ville, et on connaît moins les régions. Donc, quand il y a un incitatif, bien, on vient connaître. Puis moi, je pense que, quand on va dans les régions du Québec puis qu'on y reste un peu, on y prend goût. Et c'est ça, l'idée, c'est de dire : On va donner le goût aux immigrants d'habiter en région. On a un territoire exceptionnel au Québec, des régions vraiment à découvrir, puis il faut s'assurer d'avoir de l'emploi, puis il faut s'assurer d'avoir de la francisation. Donc, ça prend des cours de francisation aussi en région pour les immigrants, par exemple, particulièrement le statut de réfugié et la réunification familiale, en prenant pour acquis que les immigrants économiques connaissent déjà le français.

Mme Robitaille : Parce que la demande... la pénurie, en région, vous le savez, c'est alarmant. Il y a des entreprises qui demandent ces gens-là à venir travailler là-bas. Quel est le rôle des municipalités là-dedans? Il faut aider les municipalités. Il faut leur donner plus d'argent pour qu'ils créent, justement, une infrastructure.

Mme Ouellet (Martine) : Bien là, écoutez, vous allez... le gouvernement aura un choix à faire, là. Est-ce qu'il délègue cette responsabilité-là aux municipalités avec les budgets conséquents ou, à travers ses bureaux régionaux, il s'en occupe? Nous, on n'est pas dans ce détail administratif là. Ça, c'est des choix qui pourraient être faits. Ça pourrait même être à géométrie variable, en fonction de ce qui est disponible dans chacune des régions.

On n'en est pas sur le détail, mais c'est clair que, si le gouvernement du Québec veut favoriser une régionalisation, bien, il va falloir que les investissements suivent. Les municipalités ont déjà des budgets serrés. Ils ne pourront pas faire ça à même les budgets actuels, là. Ça, c'est de rêver en couleurs, là. Vous ne pouvez pas déléguer une responsabilité sans que le financement suive, là.

Mme Robitaille : Moi, mon comté, c'est Bourassa-Sauvé, Montréal-Nord. Il y a 30 organismes communautaires dans Montréal-Nord. C'est très francophone. Comment... Mais... Bon, il y a beaucoup d'Haïtiens qui arrivent puis qui parlent créole, et il faut quand même franciser, et il y a des organismes qui le font, mais c'est un peu disparate.

Moi, je me demandais : Comment encadrer tous ces organismes communautaires là pour aider à la francisation? Comment vous voyez ça, vous?

Mme Ouellet (Martine) : Écoutez, je ne connais pas tout le détail de chacun des organismes. Il y a une formule qui, par le passé, a très bien fonctionné, qui sont les COFI, et moi, je suis de l'idée de remettre en place les COFI.

Une voix : ...

Mme Robitaille : Oui, expliquez-nous, oui, parce qu'il y a beaucoup de gens ici qui ne savent pas c'est quoi, les COFI...

Mme Ouellet (Martine) : Je te laisse-tu...

Mme Robitaille : ...mais je suis d'accord avec vous, les COFI ont joué un rôle primordial, mais expliquez-nous un peu c'est quoi puis l'importance de ces COFI là à l'époque.

M. Monière (Denis) : Bien, c'est d'abord... C'étaient des organismes gouvernementaux, hein, qui faisaient de l'enseignement du français mais aussi de l'enseignement de la culture québécoise, et ils ne faisaient pas simplement des cours de langue. Ils faisaient des cours de culture, de civilisation, de sociologie. C'était pour intégrer les nouveaux arrivants dans le contexte québécois.

Alors, quand on veut franciser, c'est bien, mais ça ne suffit pas à l'intégration, la maîtrise d'une langue. La maîtrise d'une langue peut être essentiellement technique, et on ne s'en sert jamais dans la vie courante. Et, d'ailleurs, toutes les études statistiques le démontrent, chez les francotropes, par exemple, ils n'utilisent pas le français dans l'espace public. Ils utilisent majoritairement l'anglais.

Sur la question de la pénurie de main-d'oeuvre, bien, peut-être que moi, je voudrais mettre un bémol là-dessus, parce que c'est sûr que des organismes comme le Conseil du patronat vont faire l'appel à crise pour justifier leurs positions. Et je me souviens très bien que, dans les années 90, il y avait une crise majeure, il fallait rajeunir la population, et c'était dramatique, parce que le Québec vieillissait, et il fallait remplacer les baby-boomers sur le marché du travail.

Or, les études ont démontré, je peux vous citer l'ouvrage en question, qu'après 20 ans ça n'a eu un effet que de 1 % sur le rajeunissement de la population, et ça n'a pas d'effet durable. Pourquoi? Parce que les immigrants vieillissent eux aussi, comme l'ensemble de la population.

Donc, on a fait appel au loup, à ce moment-là, en nous disant : Hé! c'est très grave pour la société... Aujourd'hui, on va changer d'argument, c'est la pénurie de main-d'oeuvre. Alors là, c'est dramatique, il manque de main-d'oeuvre.

La question qu'on doit se poser, surtout quand on est un gouvernement, c'est qu'il faut gouverner pour prévoir, prévoir l'avenir. Or, on sait bien qu'en économie il y a des cycles. Actuellement, c'est vrai qu'on est dans un cycle de plein emploi, mais il est évident qu'il y aura un mouvement... on ne le souhaite pas, mais qu'il y aura un mouvement de régression de l'emploi et d'accroissement du chômage.

Alors, O.K. C'est bien, pénurie maintenant, mais, dans trois ans, qui va financer les chômeurs supplémentaires qu'on aura fait entrer sur le territoire du Québec? Est-ce que le Conseil du patronat est prêt à s'engager à financer, pendant cinq ans, les nouveaux chômeurs créés par l'arrivée de nouveaux arrivants?

Donc, la pénurie de main-d'oeuvre, oui, il faut trouver des solutions, mais ce n'est pas un problème catastrophique comme on nous le laisse croire, parce que vous saurez que, chez les jeunes de 15 à 24 ans qui ne sont pas aux études, 13 % de ces gens-là sont en chômage, alors les nouveaux arrivants qu'on va faire entrer ici, surtout dans le domaine non qualifié, vont entrer directement en concurrence avec nos jeunes. Et ils sont disponibles, nos jeunes.

• (17 h 40) •

Mme Robitaille : On a toutefois des restaurateurs ce matin qui nous ont dit qu'ils avaient besoin de main-d'oeuvre et qu'ils pouvaient juste aller les chercher, en ce moment... ils avaient besoin d'immigration pour combler les postes.

Mme Ouellet (Martine) : ...faut faire attention à ces affirmations-là, elles sont un petit peu rapides. Et, en fait, ce qu'ils font, c'est qu'ils disent : On a absolument besoin d'immigration, parce qu'ils ne veulent pas hausser les salaires. Donc, il faut faire attention. Il ne faudrait pas que l'immigration serve d'outil au patronat pour maintenir des salaires bas. Ça, ça n'a pas de bon sens, là. Ce n'est pas une bonne utilisation de l'immigration. L'immigration, ça doit être positif dans une société. Mais utilisée de cette façon-là, ça ne serait pas positif.

Mme Robitaille : J'ai une question... Le temps file, je vais changer de sujet. J'aimerais avoir votre opinion sur l'immigration humanitaire.

Historiquement, le Québec a toujours fait preuve d'humanité. Il y a eu les «boat people» qui sont arrivés chez nous, les Bosniaques, les Syriens, qui ont toujours été bien accueillis au Québec. On a eu des intervenants qui sont venus ici qui nous ont dit : Au regard de cette planification-là, il y aura une baisse des seuils de cette immigration-là humanitaire là. Et l'impression que ça donne, c'est que les réfugiés sont un fardeau pour la société.

Moi, j'aimerais savoir : Quel rôle, selon vous, le Québec devrait jouer... Quel rôle humanitaire le Québec devrait jouer? Quel genre... Comment un Québec... Oui, quelle place l'humanitaire devrait jouer pour ce Québec?

Mme Ouellet (Martine) : ...Québec puisse jouer vraiment son rôle au niveau humanitaire, il faudrait qu'il soit un pays, parce que, comme province, ce ne sont pas des leviers que le Québec contrôle au niveau provincial.

Mme Robitaille : Mais comment vous le voyez? Comment vous... Est-ce que vous...

Mme Ouellet (Martine) : Bien, si le Québec était un pays? Bien, si le Québec était un pays, les gens qui se sont présentés pour demander le statut de réfugié, les demandeurs d'asile qui se sont présentés, bien, on pourrait s'organiser pour que... lever, premièrement, l'entente de tiers pays sûrs, qui fait en sorte qu'ils sont obligés de passer à côté des douanes, hein, un peu comme... Puis là les gens disent : C'est illégal. Ce n'est pas illégal, parce que ça fait partie des conventions internationales, qu'on doit accueillir les demandeurs d'asile. Mais l'entente de tiers pays sûrs avec les États-Unis — en supposant que les États-Unis est un tiers pays sûr, hein, puis on voit que ça bouge pas mal avec Donald Trump — on pourrait... Si on était un pays, il y a des clauses dans cette entente-là qui nous permettraient de suspendre cette entente-là. Mais Justin Trudeau ne veut pas la suspendre. Mais, nous, comme pays, on pourrait la suspendre.

Après ça, on pourrait s'assurer, que dès leur arrivée, une fois qu'il y a le contrôle de sécurité, qu'ils aient immédiatement leur permis de travail, qu'ils puissent, à ce moment-là, aller travailler. Et ça, ça fait une grosse différence.

Et on pourrait s'assurer que tout le délai pour les demandes du statut de réfugié, qui devrait être de quelques semaines à quelques mois, soit respecté. Actuellement, ça va jusqu'à des années. Pensez-vous ça raisonnable quand...

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une minute à votre échange.

Mme Ouellet (Martine) : Pensez-vous que c'est raisonnable, quand les gens arrivent ici, font une demande de statut de réfugié, ça fait trois, quatre, cinq ans, les enfants ont commencé à aller à l'école pendant un an, ou deux, ou trois, et après ça on leur dit : Bien non, on s'excuse, vous êtes refusés, retournez chez vous? Ça n'a pas de bon sens. Ça, ce n'est pas humain, ce n'est pas humanitaire. Et c'est ça qui arrive, parce qu'il y a plusieurs demandes de statut de réfugié qui sont refusées, je pense, c'est un taux de 50 %, là, de mémoire, là.

Donc, on ne laisserait pas des délais comme ça aller, on mettrait les ressources financières, les ressources humaines pour que les dossiers soient traités dans un délai raisonnable.

Mme Robitaille : ...une place... oui.

Mme Ouellet (Martine) : C'est ça, toute la différence d'être un pays plutôt que d'être une province, là.

Mme Robitaille : Mais le Québec peut quand même déjà accueillir, accueillir certains réfugiés.

Mme Ouellet (Martine) : Bien non, on ne peut pas...

Mme Robitaille : Bien oui, on peut. Oui... Bien, en tout cas...

Mme Ouellet (Martine) : Bien, on peut les accueillir, mais on paie pour les dépenses, là, de soins de santé, on paie une espèce d'assistance sociale en attendant qu'ils puissent travailler...

Mme Robitaille : ...oui, mais on...

La Présidente (Mme Chassé) : En conclusion.

Mme Ouellet (Martine) : ...mais on ne peut pas agir correctement. Puis on ne les accueille pas. Ce n'est pas le Québec qui accueille les immigrants, c'est le Canada. Donc, comme province...

La Présidente (Mme Chassé) : Je vous remercie.

Mme Ouellet (Martine) : ...on est extrêmement limités.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Merci beaucoup. Maintenant, je cède la parole au député de Laurier-Dorion, 2 min 40 s. Allez-y.

M. Fontecilla : Merci, madame, monsieur. Écoutez, j'aimerais vous entendre sur l'accent mis dans la politique d'immigration au Québec, là, sur l'acceptation ou l'utilisation accrue de travailleurs temporaires. Est-ce que c'est une... Même dans l'hypothèse d'un Québec indépendant — on va placer la question dans l'absolu — est-ce que vous pensez que c'est une avenue à prendre?

Mme Ouellet (Martine) : Écoutez, il y en a d'autres qui se sont prononcés avant nous. Je ne sais pas si tu as quelque chose de spécifique à ajouter là-dessus. Mais l'immigration temporaire, ça dépend pourquoi on l'utilise. Encore là, il ne faudrait pas que ça serve à faire baisser les salaires.

M. Fontecilla : Très bien. Très bien.

M. Monière (Denis) : L'immigration temporaire doit être temporaire et pas se renouveler d'année en année ou de six mois en six mois. Mais, bon, on n'a aucun contrôle là-dessus, encore une fois, hein? Vous pouvez gérer ici, à Québec, l'immigration temporaire? Personne ne répond? Non, vous n'êtes pas capables. Vous êtes impotents.

M. Fontecilla : Je vais continuer. Je change de sujet. Et vous proposez, là, à votre recommandation 9, d'instaurer un serment de loyauté au peuple du Québec et à ses institutions. Ça sonne un peu... Et j'aimerais vous entendre à savoir s'il y a une différence sur la question... sur la proposition de test des valeurs. Est-ce que pour vous c'est la... on est dans les mêmes eaux? J'aimerais vous entendre.

Mme Ouellet (Martine) : Non, pas du tout. Actuellement...

La Présidente (Mme Chassé) : À l'intérieur d'une minute.

Mme Ouellet (Martine) : ...l'immigrant qui arrive doit porter serment d'allégeance au Canada et à la reine d'Angleterre. C'est insensé. Et là ça fait un problème de double loyauté pour les immigrants, parce qu'ils arrivent au Canada, mais ils arrivent au Québec, puis, au Québec c'est différent. Donc, on se dit : Pour essayer d'équilibrer, en attendant d'être un pays, le plus rapidement possible s'il vous plaît, mais, en attendant d'être un pays, on devrait aussi avoir un serment d'allégeance au peuple québécois. Et donc c'est un serment d'allégeance comme il y a un serment d'allégeance au Canada, donc un serment d'allégeance, et ça pourrait être fait — on fait une suggestion, mais, si vous avez des meilleures idées — au moment de l'émission de la carte d'assurance maladie.

M. Fontecilla : Donc, pour vous, ce n'est pas le test de valeurs tel que proposé?

Mme Ouellet (Martine) : Non. Bien non! Non, non, ça n'a rien à voir, là.

M. Fontecilla : Êtes-vous d'accord avec le test des valeurs?

La Présidente (Mme Chassé) : ...secondes.

Mme Ouellet (Martine) : Vous savez, un test des valeurs... Ça a été dit plus tôt, là. Tout ça, c'est une aberration liée au multiculturalisme canadien, le multiculturalisme qui a été inventé par Pierre Elliott Trudeau pour...

La Présidente (Mme Chassé) : En conclusion.

Mme Ouellet (Martine) : ...noyer la nation québécoise, et le multiculturalisme, qui est pire que ça, ça crée des ghettos, ça divise et...

La Présidente (Mme Chassé) : Je vous remercie. Désolée, je dois interrompre...

Mme Ouellet (Martine) : C'est tellement un beau sujet!

La Présidente (Mme Chassé) : ...le débat pour permettre à la députée de Gaspé de conclure nos échanges d'aujourd'hui pour 2 min 40 s. Allez-y.

Mme Perry Mélançon : Merci beaucoup. Bien, merci d'être présents et de nous exposer qu'encore une fois de plus on serait beaucoup plus... mieux nantis au Québec si on avait tous nos leviers économiques, et autres. Alors, c'est un plaisir de vous voir.

J'aimerais rentrer peut-être... Bon. Sans être dans le gros détail, vous avez parlé des reconnaissances des diplômes. On sait que la discrimination à l'embauche est un facteur de frein, là, pour les nouveaux arrivants pour se trouver du travail. Qu'est-ce que vous proposez pour qu'on puisse un peu régler toute cette question-là une bonne fois pour toutes? Parce que ça fait... c'est un pan très manquant, là, dans le projet de loi et la planification du gouvernement.

Mme Ouellet (Martine) : Bien, moi, je pense que plus de francisation, ça va aider, parce que c'est certain que les gens, s'ils arrivent à l'emploi et qu'ils ont de la misère à communiquer avec leurs collègues, c'est extrêmement problématique. Et la reconnaissance des diplômes, parce qu'il y en a, des gens, qui ont des très grandes compétences et qui sont sous-utilisées. Bien, moi, j'en ai rencontré plusieurs parmi les chauffeurs de taxi qui pourraient apporter beaucoup plus à la société québécoise que de conduire un taxi, et ils sont bloqués par la reconnaissance des diplômes. Et moi, je crois qu'il faudra peut-être aussi... De plus en plus, on le voit, dans les entreprises où il y a une diversité au niveau du personnel, et ça, c'est des habitudes à prendre. Et ça, je pense qu'il peut y avoir de la formation qui soit faite dans les entreprises qui sont moins habituées, parce que c'est certain que ça fait un fonctionnement... il faut qu'au niveau du fonctionnement, qu'il y ait un ajustement, mais ça se fait de plus en plus, puis je dirais que ça se fait de plus en plus naturellement. Plusieurs entreprises ont un personnel extrêmement diversifié.

Mme Perry Mélançon : Donc, pour une immigration réussie puis préserver l'identité québécoise, ça passe par une meilleure francisation et par l'indépendance du Québec. On peut continuer là-dessus pour clore.

Mme Ouellet (Martine) : C'est clair.

Mme Perry Mélançon : Donc, il me reste encore...

La Présidente (Mme Chassé) : 30 secondes.

Mme Perry Mélançon : O.K. Bien, qui devrait fixer les seuils au Québec, selon vous, si on n'arrive pas à s'entendre sur qu'est-ce qui devrait être le seuil idéal?

• (17 h 50) •

M. Monière (Denis) : Pourquoi voulez-vous des seuils, premièrement? Pourquoi voulez-vous des seuils? Si vous avez des besoins, vous amenez des gens en fonction de vos besoins, vous n'avez pas besoin de fixer des seuils. Ça, c'est le Canada qui vous impose cette logique toxique qui fausse le débat complètement. Centrons le débat sur nos besoins comme nation.

La Présidente (Mme Chassé) : En conclusion.

Mme Ouellet (Martine) : Bien, en conclusion, nous, ce qu'on dit, c'est que, tant qu'on sera une province, on devrait décrocher de la politique des quotas canadiens et on devrait se fixer nos propres objectifs d'ici à ce qu'on soit indépendants.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci pour votre contribution aux travaux de la commission.

Nous ajournons les travaux jusqu'à demain, mercredi, 9 h 30. On se retrouve ici. Bonne soirée, tout le monde.

(Fin de la séance à 17 h 51)

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