Journal des débats de la Commission des institutions
Version préliminaire
42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)
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Le
mercredi 20 janvier 2021
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Vol. 45 N° 111
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 84, Loi visant à aider les personnes victimes d’infractions criminelles et à favoriser leur rétablissement
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Intervenants par tranches d'heure
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Lecours, Lucie
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Lecours, Lucie
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Bachand, André
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Lévesque, Mathieu
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Tanguay, Marc
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Labrie, Christine
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Hivon, Véronique
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Lévesque, Mathieu
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Lecours, Lucie
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Tanguay, Marc
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Tanguay, Marc
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Bachand, André
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Labrie, Christine
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Hivon, Véronique
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Jolin-Barrette, Simon
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Lévesque, Mathieu
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Lévesque, Mathieu
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Bachand, André
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Lemieux, Louis
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Tanguay, Marc
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Labrie, Christine
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Hivon, Véronique
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Tanguay, Marc
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Lemieux, Louis
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Lecours, Lucie
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Tanguay, Marc
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Bachand, André
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Labrie, Christine
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Hivon, Véronique
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Jolin-Barrette, Simon
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Jolin-Barrette, Simon
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Bachand, André
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Lachance, Stéphanie
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Tanguay, Marc
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Labrie, Christine
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Hivon, Véronique
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Hivon, Véronique
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Lachance, Stéphanie
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Lachance, Stéphanie
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Bachand, André
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Lévesque, Mathieu
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Tanguay, Marc
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Labrie, Christine
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Hivon, Véronique
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Lévesque, Mathieu
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Lecours, Lucie
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Lemieux, Louis
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Lemieux, Louis
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Bachand, André
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Tanguay, Marc
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Labrie, Christine
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Hivon, Véronique
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Lachance, Stéphanie
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Lemieux, Louis
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Tanguay, Marc
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Tanguay, Marc
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Bachand, André
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Labrie, Christine
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Hivon, Véronique
9 h 30 (version révisée)
(Neuf heures trente-cinq minutes)
Le Président (M.
Bachand) : Bon matin, tout le monde. Ayant constaté le quorum,
je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte.
La commission est réunie virtuellement afin
de procéder aux consultations particulières des auditions publiques sur le
projet de loi n° 84, Loi visant à
aider les personnes victimes d'infractions criminelles et à favoriser leur
rétablissement.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire
:
Oui, M. le Président. M. Martel (Nicolet-Bécancour) est remplacé par
M. Provençal (Beauce-Nord) et M. Fontecilla (Laurier-Dorion)
est remplacé par Mme Labrie (Sherbrooke).
Auditions (suite)
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Ce matin, nous entendrons, par
visioconférence, les personnes et groupes suivants : Me Daniel
Gardner, professeur titulaire à l'Université Laval; Me Michaël Lessard,
doctorant en droit de l'Université de Toronto, mais, d'abord, nous allons
débuter avec Mme Deborah Trent, directrice du Centre pour les victimes
d'agression sexuelle de Montréal. Alors, Mme Trent, bienvenue à la
commission.
Mme Trent (Deborah) : Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Alors, je vous invite à prendre... à commencer votre
exposé. Vous avez 10 minutes, et, par après, on aura un échange avec les
membres de la commission. Alors, encore une fois, <bienvenue...
Le Président (M.
Bachand) :...
Michaël Lessard,
doctorant en droit de l'Université de Toronto. Mais, d'abord, nous allons
débuter avec Mme Deborah Trent, directrice du Centre pour les victimes
d'agression sexuelle de Montréal. Alors, Mme Trent, bienvenue à la
commission.
Mme Trent (Deborah) :
Merci beaucoup.
Le Président (M. Bachand) :
Alors, je vous invite à prendre... à commencer votre exposé. Vous avez
10 minutes, et, par après, on aura un échange avec les membres de la
commission. Alors, encore une fois, >bienvenue, et la parole est à vous.
Centre pour les victimes d'agression sexuelle de
Montréal (CVASM)
(Visioconférence)
Mme Trent (Deborah) : Merci
beaucoup. Alors, bonjour à tout le monde, M. le ministre Jolin-Barrette,
et tous les élus, et les parlementaires. Il me fait vraiment plaisir d'être
avec vous ce matin. Comme le président a dit, le mémoire que j'ai préparé vous
sera envoyé pas la suite. J'ai eu envie de faire une petite relecture, dernière
relecture, étant donné que ça a été fini assez tard.
Alors, je suis la directrice du Centre
pour les victimes d'agression sexuelle de Montréal, qui est un organisme
communautaire qui existe depuis fort longtemps. On a été créé en 1980. Ce fut
une initiative des professionnels de la santé qui travaillaient dans... au CLSC
Métro, et elles ont vu, à Montréal, les personnes qui étaient impliquées, à ce
moment-là, ont vu à Montréal qu'il existait peu de services pour les victimes
d'agression sexuelle. Alors, elles ont décidé de mettre en place un service.
Alors, ça a été vraiment... On a été vraiment au début, dans les... parmi les
premiers services pour les victimes d'agression sexuelle ici, au Québec.
Je vais passer un petit moment aujourd'hui
à vous parler très, très brièvement du centre. Dans le document que je vous ai
préparé, je vous en parle beaucoup plus longuement. Et ensuite je vais
m'attarder sur quelques points en lien avec le sujet de l'heure, soit le projet
de loi n° 84. Je pense qu'il est important, au point de vue historique, je
pense qu'il est important de dire tout simplement que le centre a acquis, à
travers les années, beaucoup d'expérience, au niveau de l'offre de services,
pour les victimes d'agression sexuelle. On a évolué beaucoup avec le temps. On
a commencé avec, juste pour vous donner une idée, on a commencé avec une
employée payée et aujourd'hui on a une équipe de près de... pas loin de
45 personnes.
Le centre, lui, offre différents services
dont... On est un des centres désignés, un des quatre centres désignés à Montréal
pour les victimes d'agression sexuelle. On offre également une équipe. On offre
des suivis cliniques aux personnes qui ont vécu des agressions dans la dernière
année. On gère également la Ligne-ressource provinciale pour les victimes
d'agression sexuelle, qui est la ligne d'écoute, un petit peu comme SOS
Violence conjugale, sauf qu'on est là pour les victimes d'agression sexuelle.
Et, depuis 2018, on est mandataires d'un
nouveau projet qui cherche à offrir soutien, appui et encadrement pour tout le
réseau, le grand réseau des centres désignés à travers la province du Québec.
Alors, on a des services qui sont montréalais, mais on a aussi deux mandats
provinciaux. Donc, on a une loupe et un regard vers... pour essayer quand même,
assez clairement, d'être à l'écoute des besoins à travers toute la <province
du Québec.
Mme Trent (Deborah) :
...le grand réseau des centres désignés à travers la province du Québec. Alors,
on a des services qui sont montréalais, mais on a aussi deux mandats
provinciaux. Donc, on a une loupe et un regard vers... pour essayer quand même,
assez clairement, d'être à l'écoute des besoins à travers toute la >province
du Québec.
• (9 h 40) •
Le centre, lui, a offert depuis... juste
pour vous donner une idée d'ordre de grandeur, a reçu, depuis 1997, alors
depuis quand même plusieurs années, l'équivalent de 3 591... on a effectué
3 591 interventions d'urgence médicosociale. Donc, ça veut dire que
c'est des personnes qui viennent en centre désigné. Au courant de la dernière
année, on en a reçu 249, et la Ligne-ressource provinciale reçoit annuellement
à peu près l'équivalent de 8 000 appels, donc à peu près 700... plus
de 700 appels par mois. Donc, c'est un ordre de grandeur quand même
important.
Dans le mémoire que je vais vous déposer,
on a fait un recensement des appels reçus à la ligne-ressource pour vous donner
une idée de ce que les appelants peuvent nous poser comme question ou en lien...
avec les problématiques en lien avec l'IVAC. Alors, je ne ferai pas un retour
là-dessus, parce que le temps ne le permet pas aujourd'hui, mais je voulais
quand même prendre un petit moment pour vous faire part de certains de mes
commentaires par rapport à ce nouveau projet de loi.
Alors, inutile de vous dire que moi, je
travaille dans le domaine des victimes d'actes criminels depuis, comme vous
pouvez le constater, depuis vraiment fort longtemps, et je ne peux pas me
rappeler d'un moment où on n'a pas parlé d'une réforme de la loi de l'IVAC.
Alors, c'est quelque chose qu'on attend, tous les organismes attendent depuis
vraiment, vraiment très longtemps. Je pense qu'on vous a quand même signifié...
Plusieurs organismes, entre nous, vous ont signifié qu'on était tellement
contents d'avoir ce projet de loi, mais on aurait vraiment apprécié pouvoir
avoir un peu plus de temps pour en faire un retour et un regard et beaucoup
plus en profondeur. Mais, somme toute, on a quand même été capables de vous
ramener certains points.
Il y a clairement, clairement de très bons
coups dans le projet de loi. Je pense que la première chose qui vient en tête,
c'est toute la question de l'abolition de l'annexe. Cette loi-là, elle est
maintenant... elle arrive à jour, elle arrive, en 2021, avec les crimes qui sont
beaucoup plus connexes à la réalité des personnes qui sont victimes d'actes
criminels. Vous avez aussi proposé que les victimes de 14 ans et plus
puissent signer leur demande. Alors, ça aussi, c'est une importante avancée. On
pense... On va aussi proposer que les délais soient prolongés, jusqu'à trois
ans, pour faire une demande de prestations. Vous avez aussi proposé que
les citoyens canadiens qui ont été victimes d'agression sexuelle ou victimes
d'actes criminels à l'extérieur du Québec puissent aussi en faire une demande,
ce qui était vraiment <une nouveauté...
Mme Trent (Deborah) :
...proposer que les délais soient prolongés, jusqu'à trois ans, pour faire une
demande de prestations.
Vous avez aussi proposé que les
citoyens canadiens qui ont été victimes d'agression sexuelle ou victimes
d'actes criminels à l'extérieur du Québec puissent aussi en faire une demande,
ce qui était vraiment >une nouveauté. Et le projet prévoit également, et
ça, c'est une importante avancée, quelque chose qui avait été demandé depuis vraiment
fort longtemps et qui va vraiment... témoigne vraiment de votre préoccupation
d'être à l'écoute des besoins des victimes et des personnes qui travaillent
auprès de ces personnes-là, de la création d'un programme d'aide en situation d'urgence.
Alors, ça, c'est vraiment quelque chose qui est vraiment très, très bien reçu.
Quand moi, je pense à la loi de l'IVAC et
quand... et nous, sur le terrain, on parle de ça. Vous avez apporté, proposé un
nouveau nom, une nouvelle appellation. Mais c'est clair que nous, sur le
terrain, on est vraiment dans la réalité quotidienne, et la réalité quotidienne
en lien avec l'IVAC, c'est clairement l'application de cette loi. Et j'ai
cherché dans les commentaires ou, en tout cas, dans les remarques que j'ai
formulées dans mon mémoire, de vous faire état de ce qui est vécu sur le
terrain, parce que je pense que ce qui est vécu sur le terrain et les
expériences que les victimes nous disent, ce que les intervenants et
intervenantes nous disent aussi va... nous donne de l'information sur ce qui
sera important, là, à trouver dans le nouveau projet de l'IVAC. Je comprends
très bien qu'un projet de loi, c'est des lois, c'est des choses très formelles,
mais je crois que c'est important de pouvoir faire bénéficier les différents
articles de la loi, qu'elle soit inspirée des expériences sur le terrain.
Dans le mémoire, je fais état de plusieurs,
plusieurs expériences terrain en lien avec l'application de la loi. D'ailleurs,
le Protecteur du citoyen avait fait... avait soulevé plusieurs, plusieurs
problématiques en lien avec ça. Et, encore aujourd'hui, c'est ce que les
victimes vivent, hein, les victimes vivent énormément de difficultés en lien
avec l'accès aux services, avec une compréhension des documents de l'IVAC, une
réception qui est courtoise et qui est vraiment à l'écoute des besoins des
victimes. Alors, il y a comme un écart entre ce qu'on leur propose et comment
elles le vivent. Il y a toute une préoccupation importante par rapport aux
formulaires, aux documents, aux formulaires que les victimes doivent compléter.
Et je fais état, dans mon mémoire, des expériences de beaucoup de nos
intervenantes en suivi clinique qui doivent passer énormément de temps à aider
une victime à compléter son formulaire.
Et surtout le point qui est très, très
problématique pour les victimes, c'est lorsqu'elles doivent écrire, elles
doivent décrire le récit, et ça propose... ça crée souvent des situations
d'angoisse profonde, de reviviscence avec les flash-back, et tout ça. Alors,
c'est une situation qui est <très, très anxiogène...
Mme Trent (Deborah) :
...
est très, très problématique pour les victimes, c'est lorsqu'elles
doivent écrire, elles doivent décrire le récit, et ça propose... ça crée
souvent des situations d'angoisse profonde, de reviviscence avec les
flash-back, et tout ça. Alors, c'est une situation qui est >très, très
anxiogène, et ce qui fait en sorte, bien des fois, que la victime, elle est
découragée.
On est très, très conscientes, je pense, sur
le terrain, que compléter un formulaire de l'IVAC ne peut pas se faire seul.
Alors, ça doit absolument se faire en étant accompagné par une personne. Donc,
ça veut dire que ça exige un accompagnement. Alors, c'est vraiment important,
et je pense que cette réalité-là terrain, en lien avec l'application, peut
avoir un impact sur les lois et sur les mentions qui en sont faites dans le
nouveau projet de loi.
Dans le nouveau projet de loi, vous parlez
de vouloir... Vous reprenez, hein, finalement, les droits, et ce que les
victimes d'actes criminels ont le droit d'avoir l'accès à l'information, et
tout ça. Et si on cherche à être... à correspondre à ce droit-là, bien, il faut
s'assurer que dans l'application... et je pense qu'il faut le nommer, il faut
le souligner dans le projet de loi également. Je voudrais...
Le Président (M.
Bachand) : Il reste très peu de temps, Mme Trent. Le 10 minutes
est passé, ça fait que je vais vous laisser une petite minute de plus.
Mme Trent (Deborah) : Alors,
oui, je vais juste faire... Alors, c'est ça, le dernier point que je ferais,
c'est vraiment en lien avec le travail, auquel j'ai participé sur le comité
d'experts, sur l'accompagnement des victimes d'agression sexuelle et de
violence conjugale à travers tout le système de la justice. Et un des plus gros
constats, un des constats les plus importants qui est ressorti de nos nombreux
mois de travail et de réflexion est en lien, vraiment, avec le fait que les
organismes d'aide travaillent en silo, que tout le monde est séparé, que tout
le monde se retrouve dans un ministère ou dans l'autre, dirigé. Et, dans le
nouveau projet de loi, on parle... C'est sûr que c'est le projet de loi du
ministère de la Justice. C'est clair que c'est... donc, des organismes qui
émanent du ministère de la Justice, ce sont les CAVAC, mais on doit...
Et, dans le projet de loi, on ne l'entend
pas, on n'entend pas de message en lien avec l'importance de la collaboration,
de l'échange, du partage, du travail de concertation entre les différents
organismes d'aide. Et, en bout de ligne, si cette collaboration, elle est
nommée dans le projet de loi, ce qu'on ne voit pas, il me semble que ça
permettrait, entre autres, d'apporter un meilleur service aux victimes. Oui,
voilà.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. On va passer à la période d'échange. M. le ministre, s'il vous
plaît, vous avez la parole. Merci.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Trent. Merci d'être présente avec nous
aujourd'hui, nous partager vos réflexions.
Je vais rebondir sur ce que vous avez dit,
à la fin, <d'avoir une coordination des différents acteurs...
Le Président (M.
Bachand) : On va passer à la période d'échange. M. le ministre,
s'il vous plaît, vous avez la parole. Merci.
M. Jolin-Barrette :
Oui. Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Trent. Merci d'être présente avec
nous aujourd'hui, nous partager vos réflexions.
Je vais rebondir sur ce que vous avez
dit, à la fin, >d'avoir une coordination des différents acteurs pour
aider les victimes. Je suis d'accord avec vous, et c'est sûr que ce n'est pas
nommé dans le projet de loi concrètement, mais, sur le plan de la législation,
ce n'est pas possible d'indiquer à des partenaires externes qu'ils doivent
collaborer, mais, bien entendu, c'est l'esprit même de la réforme de l'IVAC.
Nous, on contrôle au niveau du régime d'indemnisation, de l'accompagnement aux
victimes, et c'est ce qu'on souhaite faire. On souhaite s'assurer que l'IVAC
soit plus humain, et c'est pour ça qu'on a construit le projet de réforme de
façon à faire en sorte que, dès le départ, la personne victime qui a des
besoins... pourra avoir des besoins.
Puis ça, je pense qu'avec les
consultations que j'ai faites auprès des groupes de victimes, c'était une
demande, le fait de dire : Bien, il faut avoir du soutien psychologique
dès le départ, dès le moment et ne pas attendre plusieurs mois avant que le
dossier soit autorisé pour avoir de l'accompagnement puis du soutien. Je ne
pense pas me tromper à ce niveau-là.
Mme Trent (Deborah) : Moi,
j'ai moins vu ça. Je ne veux pas vos contredire, là, mais j'ai moins vu ça. En
tout cas, si c'est l'intention, pour moi, c'est moins clair dans le projet de
loi, je le vois moins bien. Mais il me semble qu'il faut nommer... Puis je
comprends, là, qu'un projet de loi, là, c'est compliqué, puis vous avez quand
même plusieurs pages, au départ, qui font l'état de la situation un peu. Mais
il me semble que, c'est ça, là, il y a comme une espèce de discordance entre ce
qu'on souhaite et ce qui se passe sur le terrain.
Alors, si l'intention, c'est ça, et je ne
vous remets pas en question, là, mais si l'intention, c'est ça, je pense qu'il
faut trouver... surtout en lien avec les victimes d'actes criminels. Et la
principale clientèle de l'IVAC, c'est clairement les victimes de violence
conjugale et les victimes d'agression sexuelle ou les victimes de violence
sexuelle. Je pense qu'il faut trouver une façon beaucoup plus claire, beaucoup
plus humaine d'annoncer cette couleur-là, parce que c'est moins évident dans le
projet de loi, de ce que j'ai vu. Mais on... Voilà, oui.
• (9 h 50) •
M. Jolin-Barrette : C'est ça,
mais, en fait, je vous le dis dès le départ, on a mis une mesure législative
qui fait en sorte que le soutien psychologique peut être offert, dès le départ,
sans autant que le dossier ait été accepté, justement, pour faire en sorte que
la victime ait des ressources tout de suite. Puis ça, c'est une critique qui
nous a été formulée.
Aussi, sur... Je suis d'accord avec vous,
là, sur la question des formulaires. Maintenant, à l'IVAC, ils vont pouvoir
aider au niveau de remplir les formulaires. Ça, je pense que c'est une demande,
puis aussi, surtout, simplifier les formulaires aussi pour que ça soit le plus accessible
possible pour les personnes victimes.
J'aimerais vous entendre, là, sur le délai
qu'on augmente, là, de deux à trois ans, pour présenter une demande et sur
l'abolition du délai de prescription, là, pour ce qui est violence conjugale,
violence sexuelle puis violence subie pendant l'enfance.
Mme Trent (Deborah) : Je
pense que c'est <une très bonne...
M. Jolin-Barrette :
...
possible
pour les personnes victimes.
J'aimerais vous entendre, là, sur le
délai qu'on augmente, là, de deux à trois ans, pour présenter une demande et
sur l'abolition du délai de prescription, là, pour ce qui est violence
conjugale, violence sexuelle puis violence subie pendant l'enfance.
Mme Trent (Deborah) :
Je pense que c'est >une très bonne idée. Je pense que... parce que vous
nommez aussi, là... Je pense que le fait de l'étendre, je pense que ça va être davantage
au service des victimes, ça correspond davantage à leurs besoins aussi. Je
pense qu'une victime d'agression sexuelle, après la commission du crime, cette
victime-là, des fois, elle cherche de l'aide, des fois, elle ne la cherche pas,
des fois, elle n'en parle pas du tout. Alors, de pouvoir vraiment avoir accès à
des services qui sont à l'écoute de cette réalité, qui est de ne pas pouvoir
toujours aller rapidement aller chercher de l'aide, je pense que c'est quelque
chose qui va être beaucoup plus aidant pour une victime d'agression sexuelle,
pour une victime de violence conjugale également.
Je pense que c'est une bonne chose
d'étendre et je pense que c'est une bonne chose aussi... Dans la loi, on entend
qu'il y a des particularités pour les personnes qui sont victimes des violences
sexuelles et des agressions sexuelles. Alors, je pense que c'est une bonne
chose.
M. Jolin-Barrette : Peut-être...
On met en place un programme d'urgence pour faire en sorte que, lorsqu'une
personne est en situation de danger, de vulnérabilité, elle puisse quitter son
milieu. Donc, on parle d'aide au logement, la nourriture, le transport vraiment
rapidement. Vous, selon votre expérience, là, je comprends que c'est quelque
chose qui manquait actuellement. Pouvez-vous nous décrire l'état des victimes,
là, lorsqu'elles décident, là, de quitter le milieu toxique, ou tout ça,
qu'est-ce que ça prend, en termes complets, là?
Mme Trent (Deborah) : Bien,
c'est parce que ça dépend... Oui, excusez-moi.
M. Jolin-Barrette : Allez-y,
allez-y. Je suis désolé.
Mme Trent (Deborah) : Non,
non, non. Je pense que ça dépend vraiment de la situation qui est vécue par la
victime. Alors, c'est sûr que les besoins d'urgence... Je sens que les besoins
d'urgence, au niveau d'une victime de violence conjugale et une femme avec... ou
une victime avec des enfants, et tout ça, je pense que ces besoins-là sont plus
pratiques, plus fonctionnels, et tout ça, peut-être qu'ils seront encore plus
grands. On a quand même, au niveau des victimes de violence sexuelle, au niveau
des victimes d'exploitation sexuelle qui sont mal prises, qui sont dans la rue,
qui n'ont pas de recours, qui n'ont pas de service, et tout ça... de pouvoir
avoir accès rapidement à un service qui va les aider, par exemple, à les
transporter d'un point A vers un point B, dans un milieu sécuritaire.
On a reçu, nous, un appel à la
Ligne-ressource provinciale pour les victimes d'agression sexuelle d'une jeune
fille qui se retrouvait... qui était dans un Tim Hortons à trois heures du
matin. C'était le seul endroit où elle pouvait aller, elle n'avait plus
d'argent. Ce n'était pas sécuritaire pour elle de quitter. Et de pouvoir avoir
accès à un service, qui lui aurait été payé plus facilement, aurait été vraiment
<très, très aidant. Alors...
Mme Trent (Deborah) :
...qui était dans un Tim Hortons à trois heures du matin. C'était le seul
endroit où elle pouvait aller, elle n'avait plus d'argent. Ce n'était pas
sécuritaire pour elle de quitter. Et de pouvoir avoir accès à un service, qui
lui aurait été payé plus facilement, aurait été
vraiment >très,
très aidant. Alors, c'est ce genre de chose là.
Une autre chose aussi qui n'est pas nommée,
au niveau des besoins d'urgence, qui n'est pas nommée dans la loi, et je le
mentionne à plusieurs reprises dans mon mémoire, c'est l'accès aux services en
centre désigné. Alors, il y a... on voit plusieurs victimes d'agression
sexuelle qui ont besoin d'avoir accès aux services en centre désigné. Alors,
c'est pour effectuer une intervention médicosociale, donc s'occuper de leur
état de santé, mais aussi compléter, si besoin et si elles le souhaitent, une
trousse médicolégale.
Et, pour les victimes qui n'ont pas de
carte RAMQ, qui n'ont pas accès, d'avoir accès à ces services-là peut présenter
des coûts quand même importants. Et de devoir discuter, de devoir essayer de
négocier tard la nuit, lorsqu'on vient de vivre une agression sexuelle, qui va
payer ce service-là? C'est complètement dérangeant, épouvantable, et tout ça, et
c'est quelque chose qui peut faire en sorte que les victimes n'iront pas dans
les services. Alors, un programme d'urgence pourrait, dans des circonstances
comme ça, offrir un soutien et permettre aux victimes d'avoir accès, sans préoccupation,
aux services qui sont... qu'elles ont le droit de recevoir, et facilement.
Alors, ça, c'est... Je dirais aussi, une
victime d'agression sexuelle qui n'a pas d'argent, qui a un besoin de transport,
qui n'a pas de place... Vous savez, il y a beaucoup moins d'hébergement pour
les victimes d'agression sexuelle. Alors, elle doit se rendre... par exemple,
elle doit aller dans un lieu sécuritaire, elle doit aller dans un hôtel, elle
n'a pas les moyens, l'agression sexuelle s'est passée chez elle, etc. Alors, il
y aurait plusieurs moyens... ou plusieurs besoins qui pourraient être compensés
par un régime... un programme d'urgence.
Ce qui est important avec le programme
d'urgence, c'est que ça soit rapide et simple. Il ne faut pas qu'on doive
compléter un formulaire. Tu sais, il faut que ça soit vraiment, vraiment un système
qui est le plus simple et le plus rapide, le plus urgent. C'est un programme
d'urgence.
M. Jolin-Barrette : Je
vous remercie, Mme Trent. J'ai des collègues qui souhaitent poser des
questions. Donc, un grand merci pour votre partage en commission parlementaire.
Mme Trent (Deborah) : Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. J'ai Mme la
députée de Les Plaines, s'il vous plaît.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Merci beaucoup, M. le Président. Merci, M. le ministre. Bonjour,
Mme Trent.
Mme Trent (Deborah) :
Bonjour.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui. On a hâte de lire votre mémoire. On
avait déjà des grandes lignes sur votre organisme, les bienfaits de votre organisme,
le type de clientèle, si on peut appeler ça la clientèle, là, je pense que je
mets des gros guillemets...
Mme Trent (Deborah) : On
se comprend.
Mme Lecours (Les Plaines) :
...des gens dans le besoin ainsi que les bienfaits sur le terrain. Donc, je
vous en... Je profite de l'occasion pour vous féliciter du travail que vous
faites. Je pense que c'est un travail qui est important, essentiel.
J'aimerais vous entendre aussi sur un pan
du projet de loi, <à l'effet...
Mme Lecours (Les Plaines) : ...dans
le besoin, ainsi que les bienfaits sur le terrain. Donc, je vous en... Je
profite de l'occasion pour vous féliciter du travail que vous faites.
Je
pense que c'est un travail qui est important, essentiel.
J'aimerais vous entendre aussi sur un
pan du
projet de loi, >à l'effet qu'il n'y aurait plus de rente
viagère, mais des montants forfaitaires, et ceci étant rendu nécessaire de par
l'élargissement aussi du nombre de victimes que nous voulons pouvoir mieux
servir, mieux desservir, donc... Et aussi tout le côté important qui est,
justement, de pouvoir faire en sorte que ces gens reviennent dans... sur le
marché du travail, donc les accompagner, un meilleur accompagnement pour
pouvoir justement reprendre une place dans la société sans ce bagage de leur
passé, qui pèse lourd, donc tout un accompagnement nécessaire. J'aimerais vous
entendre sur ces pans du projet de loi.
Mme Trent (Deborah) : O.K. Merci.
Alors, moi, je vous dirais que, quand on se questionne... les personnes, en
tout cas, là, nos petits efforts de consultation, de réflexion qu'on a pu faire
au courant de la dernière semaine, quand on se questionne sur quels sont les
besoins les plus importants des personnes qui sont victimes d'un acte criminel,
et, dans notre cas à nous, c'est les victimes de violence sexuelle, ce qui est
nommé le plus, c'est vraiment d'avoir accès aux services thérapeutiques, dans
un premier temps, deuxièmement, d'avoir un remplacement de revenu. Alors, pour
les victimes qui n'ont pas d'assurance salaire, qui n'ont pas d'autres moyens
d'avoir, facilement, accès à un remplacement de revenu, ça aussi, c'est
vraiment une des choses qui est les plus importantes et aussi les choses en
lien avec un déménagement.
Je peux moins vous parler de la question
en lien avec le montant forfaitaire, parce qu'on n'a pas eu le temps de bien,
bien approfondir notre réflexion, mais je vous dirais que ce qui plus important...
C'est sûr que ça peut être important, surtout pour les personnes qui ont des
séquelles à long terme, que, vraiment, leur jouissance au niveau de la vie, on
voit moins que les personnes vont s'en sortir. Mais ce qui me semble encore
plus important et ce qui semble être nommé encore... de façon plus importante
par les victimes, c'est de l'aide concrète, immédiate, pour pouvoir travailler
sur ce qu'elles ont vécu.
• (10 heures) •
Alors, il faut trouver des façons, et un
des problèmes qu'on vit présentement dans... pour répondre aux premiers besoins
des personnes qui ont vécu les agressions sexuelles, c'est de pouvoir
rechercher et de trouver une thérapeute. Alors, c'est sûr que les organismes
comme nous, c'est le CALACS, etc., les CAVAC. On offre, on fait du suivi, mais
nos listes d'attente sont tellement énormes qu'on doit recourir à l'IVAC.
Alors, si présentement, essayer de <chercher une thérapeute...
>
10 h (version révisée)
< Mme Trent (Deborah) :
...pouvoir
rechercher et de trouver une thérapeute. Alors,
c'est sûr que les
organismes comme nous, type CALACS, etc., les CAVAC, on offre, on fait du suivi,
mais nos listes d'attente sont
tellement énormes qu'on doit recourir à
l'IVAC. Alors, si
présentement, essayer de >chercher une
thérapeute... présentement, c'est très, très difficile, il n'y en a pas assez,
les tarifs qui sont payés par l'IVAC ne sont pas concurrentiels et compétitifs
pour les thérapeutes, les gens acceptent de moins en moins les mandats de
l'IVAC.
Alors, il me semble qu'il faut trouver un
équilibre entre, oui, des montants forfaitaires, mais il faut trouver des
façons monétaires, oui, de répondre à des besoins concrets et des besoins... et
rapidement. Alors, moi, je vous dirais que oui, montants forfaitaires, quand
c'est pertinent, et tout ça, mais je ne suis pas sûre que c'est le plus grand
besoin. Et je ne dis pas, là, qu'il faut l'enlever, là, ce n'est pas ça que je
dis du tout, là, mais je pense qu'il faut trouver un équilibre pour essayer de
trouver des moyens plus concrets pour répondre aux besoins plus criants.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Donc, si je comprends bien, le continuum de services est d'autant plus
important avec ce que vous venez de me dire, là.
Mme Trent (Deborah) : Je
dirais ça comme ça, oui. Ça mériterait qu'on creuse encore plus, mais je dirais
que ce que... Oui, j'aurais davantage l'impression que oui.
Mme Lecours (Les Plaines) : Et
une dernière question avant de laisser la parole à mes collègues, vous trouvez
que c'est une bonne chose, le programme d'aide urgente.
Mme Trent (Deborah) : Oui.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Donc, ce qu'on comprend, c'est qu'il faut que ça soit simple et rapide pour
pouvoir prendre en charge rapidement la victime et ensuite faire... selon le
continuum de service, faire en sorte qu'on l'amène justement à des services
précis, rapides aussi, pour que la personne puisse éventuellement se prendre en
charge. Est-ce que je comprends bien?
Mme Trent (Deborah) : Oui, c'est
ça, c'est un service d'urgence, il faut que ça réponde à des besoins et des
besoins en lien avec la sécurité. C'est ça qui est important, hein, surtout en violence
conjugale, quand une femme se retrouve avec ses jeunes enfants, elle a besoin
de quitter, il n'y a plus de place en maison d'hébergement, elle n'a pas les
moyens de se rendre, il faut avoir quelque chose qui va l'aider tout de suite. En
exploitation sexuelle, c'est la même chose, les victimes qui sont amenées d'un
endroit à l'autre, d'une région à l'autre, et il faut être capables de les
ramener, il faut avoir des mesures concrètes qui vont pouvoir répondre à ces
besoins-là.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup...
Mme Lecours (Les Plaines) : Merci
beaucoup, Mme Trent.
Le Président (M.
Bachand) :J'ai le député de Chapleau. Il
reste deux minutes pour la question et pour la réponse. Merci.
M. Lévesque (Chapleau) :
D'accord, merci beaucoup. Bonjour, Mme Trent.
Mme Trent (Deborah) :
Bonjour.
M. Lévesque (Chapleau) : Une
petite question. Merci beaucoup de votre témoignage. Bonjour, chers collègues, également.
Vous avez parlé de la difficulté, là, de compléter toute la question des
formulaires, également écrire et décrire la situation que les victimes ont
vécue, les grands moments d'angoisse qu'elles vivent. J'aimerais peut-être que
vous nous en parliez davantage, peut-être que vous avez des pistes de solutions
pour améliorer ces situations-là.
Mme Trent (Deborah) : Bien,
je pense que, dans un premier <temps...
M. Lévesque (Chapleau) : ...la
question des formulaires, également écrire et décrire la situation que
les victimes ont vécue, les grands moments d'angoisse qu'elles vivent. J'aimerais
peut-être que vous nous en parliez davantage, peut-être que vous avez des
pistes de solutions pour améliorer ces situations-là.
Mme Trent (Deborah) :
Bien, je pense que, dans un premier >temps, il faut que ça soit des
formulaires que les gens puissent télécharger et compléter en ligne, hein?
L'autre grande réalité, c'est que le plus grand nombre de victimes d'agressions
sexuelles, hein, c'est souvent dans la population de 18-25 ans, compléter
formulaire, mettre quelque chose à la poste, ce n'est pas du tout dans leur
vécu. Les formulaires, on ne peut même pas les télécharger, l'IVAC ne... on
peut les télécharger, il faut les compléter à la main. Alors, il faut tout
revoir tout ce processus-là.
On peut regarder certains formulaires
d'autres provinces où... qui sont beaucoup plus courts, où on demande davantage
de cocher des réponses. C'est le fait de devoir écrire longuement, faire un
récit, c'est quelque chose qui est très, très perturbant pour les victimes. Il
y a aussi une question qui est très dérangeante pour les victimes, c'est la
question qui demande de nommer si on est capable d'identifier l'agresseur, de
mettre son nom. Les victimes sont très paniquées par ça, elles ont l'impression
qu'on va les poursuivre, et tout. Voilà. J'en parle un petit peu dans mon
rapport, mais il faut trouver des façons efficaces, simples. C'est
décourageant, les victimes abandonnent quand elles voient le formulaire.
L'autre petit point, c'est aussi par
rapport au remplacement de revenu. Il y a toute une section que les victimes
doivent demander à l'employeur de compléter. Alors, de devoir aller parler à
son employeur et lui dire : J'ai été victime d'agression sexuelle, ça,
c'est...
M. Lévesque (Chapleau) : C'est
comme un frein.
Mme Trent (Deborah) : C'est
un frein énorme.
M. Lévesque (Chapleau) : D'accord.
Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le député de
Chapleau. M. le député de LaFontaine, vous avez la parole. Merci.
M. Tanguay
: Merci beaucoup,
M. le Président. Bon matin, Mme Trent.
Mme Trent (Deborah) :
Bonjour.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup d'être avec nous. Bonjour, bonjour.
Mme Trent (Deborah) : Ça fait
plaisir.
M. Tanguay
: Écoutez,
ce qui est particulièrement intéressant avec les consultations, c'est qu'on
peut mieux connaître des organismes tels que le vôtre, Centre pour les victimes
d'agression sexuelle de Montréal. J'aimerais vous entendre d'abord, de façon un
peu plus générale, puis on a abordé la question hier, depuis le mouvement
#moiaussi, est-ce que vous avez vu, sur le terrain, une augmentation
significative, là, des appels auprès de vous?
Mme Trent (Deborah) : Je vous
dirais que, quand il y a des événements comme ce qu'on a vécu cet été, le
dévoilement sur les réseaux sociaux de personnalités, et tout ça, là, tu sais,
il y a eu un moment, au mois de juillet... Alors, à chaque fois qu'il y a un
événement comme ça, quand il y a des choses médiatisées, etc., il y a une
augmentation qui est ponctuelle. Moi, je vous dirais que notre... Depuis le
mouvement, depuis #metoo, #moiaussi, il y a eu une augmentation. Qu'est-ce que
ça veut dire? Est-ce que ça veut dire qu'il y a plus d'agressions sexuelles? Je
ne pense pas qu'on peut dire ça.
Je pense qu'on peut <dire...
Mme Trent (Deborah) :
...dirais que notre... Depuis le mouvement, depuis #metoo, #moiaussi, il y a eu
une augmentation.
Qu'est-ce que ça veut dire?
Est-ce que ça veut
dire qu'il y a plus d'agressions sexuelles? Je ne pense pas qu'on peut dire ça.
Je pense qu'on peut >dire peut-être
davantage que les gens écoutent ce qui se passe. Les gens, ça les fait vivre
des choses. Quand elles entendent ça, elles vont tendre la main ou tendre... composer
pour pouvoir parler avec quelqu'un. Ça rappelle quelque chose. C'est sûr
qu'avec le dévoilement, où les gens dévoilaient davantage sur les réseaux
sociaux, les victimes avaient beaucoup, beaucoup de préoccupations par rapport
à ça, ont posé beaucoup de questions. Alors, oui, il y a une augmentation, je
vous dirais, tranquille, avec le nombre de personnes, ou les appels qu'on
reçoit. Et, quand il y a des événements comme ce qu'on a vécu cet été où, par
exemple, avec les décisions qui ont été rendues dans les procès de MM. Rozon
et... le nom m'échappe, je pense que ça aussi, ça fait bouger.
Si votre question, c'est : Est-ce
qu'il y a plus d'agressions sexuelles?, je ne peux pas vous dire ça. Je pense qu'il
y a plus de personnes qui parlent des situations d'agression sexuelle.
M. Tanguay
: Ce
matin, ce qui nous réunit, c'est la Loi visant à aider les
personnes victimes d'infractions criminelles et à favoriser leur rétablissement,
donc, évidemment, on inclut là-dedans les victimes d'agression sexuelle, puis
je crois... puis je vous demanderais peut-être d'étayer, s'il vous plaît, pour beaucoup,
votre action est dans l'urgence. Vous parliez tantôt de la jeune femme qui
était au Tim Hortons, qui appelle, qui ne savait pas où aller, qui finalement
décide de reprendre sa vie en main, décide de lever la main, puis d'alerter,
puis de dire : J'ai été victime d'agression sexuelle. L'aide qui doit
être... Puis vous nous invitez, j'imagine, comme législateurs, à tout mettre ce
qu'on peut, autrement dit, je vais le dire de même, dans le projet de loi pour faire
en sorte que, dans l'urgence, dans l'immédiat, on puisse s'assurer que, dans la
loi, ça soit déjà prévu, des moyens très tangibles, des services
thérapeutiques. Même, vous parliez, j'aimerais vous entendre là-dessus, pour ce
qui est d'une trousse médicolégale, vous disiez qu'il y avait un coût. Il y
avait un coût associé à ça? Ça, vous me l'apprenez, là.
Mme Trent (Deborah) :
O.K.Alors, lorsqu'une personne vit une agression sexuelle et puis qu'elle
consulte, il y a une intervention qui est proposée dans les ressources qui
s'appellent les centres désignés. Alors, à travers... dans toutes les régions
du Québec, il y a des endroits qui reçoivent les victimes d'agression sexuelle
24 heures par jour, sept jours par semaine et qui répondent à leurs
besoins médicaux, mais qui répondent aussi, donc... est-ce qu'elles ont été blessées?
Est-ce qu'elles ont des préoccupations par rapport à la grossesse, par rapport
aux infections, et tout ça, transmissibles sexuellement? Mais si la victime
souhaite porter une plainte légale, il y a moyen de ramasser des preuves
médicolégales.
Alors, cette intervention-là, c'est une
intervention qui est offerte à l'intérieur des centres <désignés...
Mme Trent (Deborah) :
...
la grossesse, par rapport aux infections, et tout ça, transmissibles
sexuellement? Mais si la victime souhaite porter une plainte légale, il y a
moyen de ramasser des preuves médicolégales.
Alors, cette intervention-là, c'est une
intervention qui est offerte à l'intérieur des centres >désignés. Et si
une victime qui se présente, qui n'a pas de carte RAMQ, qui vient d'ailleurs,
par exemple, qui est une victime qui est en visite à Montréal pour le congé
d'école, qui vient de l'État de New York par exemple, elle va avoir... et puis elle
voyage avec les assurances de ses parents, par exemple, elle ne veut pas
utiliser ses assurances parce que ses parents vont être alertés. Alors, il y a
différentes situations : des personnes sans statut, des personnes qui ne
sont pas dans l'attente de statut, donc qui auraient accès à différentes
assurances médicales. Alors, on se retrouve... les personnes qui n'ont juste
rien, et puis elles ont besoin d'être vues en intervention médicale, et elles
ont besoin d'avoir accès à ces services-là, alors là, il faut payer le médecin.
Alors, ça, c'est quelque chose qui réclame qu'on discute à plusieurs, hein, que
Santé et Services sociaux, que Justice, que tout le monde se parle.
Alors, c'est ça, quand j'ai dit, à la fin
de ma présentation, l'importance et ce qui a été soulevé, et de façon tellement
claire, dans les consultations qu'on a faites avec le rapport du comité
d'experts, c'est : On n'arrivera à rien si on ne met pas en place des
moyens pour tous se parler ensemble. Vous savez, les victimes d'agression
sexuelle, les victimes de violence conjugale et les autres victimes d'actes
criminels ont différents besoins et les réponses à ces besoins-là sont...
proviennent de plusieurs sources. Alors, il faut mettre tout le monde ensemble
pour qu'on réponde à leurs besoins. Si on n'arrive pas à faire ça, les victimes
sont envoyées d'un endroit à l'autre, et ce n'est pas compréhensible, et on les
mêle.
Alors, il y a un effort à faire. Je pense
que le rapport du comité d'experts a fait vraiment ressortir ça, et c'est pour
ça que j'ai voulu vous en parler ce matin, parce que c'est quelque chose qui...
cette vision-là pourrait aussi apporter, je crois, un meilleur rendement de ce
projet de loi qui est absolument important et essentiel.
• (10 h 10) •
M. Tanguay
: Et puis,
en ce sens-là, vous nous invitiez d'ailleurs de peut-être mettre, dans le
projet de loi, le principe de collaboration, concertation. Quand c'est dit
clairement, quand c'est nommé, et puis que de la loi doivent découler les
actions de la machine, entre guillemets, la concertation des intervenants
également... De façon très tangible, iriez-vous à recommander qu'il y ait une
table permanente? Comment, de façon plus tangible, vous pourriez nous inviter à
réfléchir ce forum de concertation là?
Mme Trent (Deborah) : Bien,
dans le... parce que c'est frais à la mémoire, là, je suis certaine que Mme
Hivon pourra en faire état également, là, mais le rapport du comité d'experts a
190 recommandations ou... en tout cas, pas loin de 190 puis <propose...
M. Tanguay
: ...ce
forum de concertation là?
Mme Trent (Deborah) :
Bien, dans le... parce que c'est frais à la mémoire, là, je suis certaine que
Mme Hivon pourra en faire état également, là, mais le rapport du comité
d'experts a 190 recommandations ou... en tout cas, pas loin de 190 puis
>propose, à la fin, la création d'un secrétariat qui pourra réunir,
hein, tous les représentants des différents ministères qui sont préoccupés par
l'offre de services et les différentes législations en lien avec les victimes
d'actes criminels, pour que ça soit un tout et que ça soit un peu moins
pêle-mêle, parce qu'il y a des répétitions, hein? Vous savez, dans le processus
de consultation, on s'est promené à travers le Québec, il y a eu une
consultation en ligne où les victimes, on leur a posé des questions, elles ont
répondu, et ce que les gens nous ont dit, c'est : Je ne sais pas où aller
parce qu'on me répond : C'est comme ça ici. Ce n'est pas la même chose, ce
n'est pas cohérent. Alors, oui, il faut absolument qu'on revienne aux les
tables de concertation et qu'entre nous on se parle. On se parle, oui, mais il
faut que la main gauche sache ce que la main de droite fait.
M. Tanguay
: Et je
reprends la balle au bond. Quelqu'un est venu nous mentionner hier, dans le
début de nos consultations : Il y a la loi et il y aura plusieurs
règlements qui vont venir préciser les modalités d'application de la loi. Alors,
une telle table de la concertation, secrétariat pourrait être mise à profit également,
par des gens comme vous, qui sont sur leur terrain, pour dire : Bon, bien,
dans votre règlement, consultez-nous, puis on aura des choses à dire sur
certains aspects. Parce que la manière dont ça se vivra sur le terrain, pour
beaucoup, ça va être influencé en amont par le règlement qui va dire : Bien,
on devrait...
Mme Trent (Deborah) :
Exactement, exactement, exactement.
M. Tanguay
: Alors, ça,
ça pourrait même être fait rapidement, mis en place pour qu'il y ait un forum
de discussion, puis ça, ça fera peut-être partie de nos échanges, et vous nous
avez permis d'aborder le sujet, là, présentement, en consultation, lorsqu'on
sera en article par article sur le projet de loi.
J'aimerais que vous nous parliez... parce
que je vois là aussi peut-être une opportunité, pour vous, de nous faire part
de votre réalité puis, nous, de se casser la tête comment on pourrait s'assurer
de vous aider dans la rédaction du projet de loi, votre liste... Les listes
d'attente, pouvez-vous m'en parler davantage, nous en parler davantage? Attente
pour quels types de service, quels sont les délais et comment on pourrait mieux
faire pour diminuer cette liste d'attente?
Mme Trent (Deborah) : Bien,
les listes d'attente, en tout cas, dans notre cas précisément, c'est pour les
services de suivi clinique. Alors, pour les services en urgence, il n'y a pas
d'attente pour ça, là. Tu sais, c'est un service 24/7, et les centres
désignés, c'est ça aussi, là, à travers la province, là, toute... chaque région
se doit d'avoir des centres désignés pour recevoir les victimes, mais
généralement, les services, les listes d'attente... puis pour nous... et je me
sens assez confortable pour dire que, dans la majorité des organismes qui
offrent des services, c'est toujours en lien avec le suivi, alors... Et c'est
pour ça que c'est souvent problématique avec l'IVAC, parce que nous, on a des
listes d'attente qui peuvent être... présentement, je crois que notre liste
d'attente, il y a encore, à peu près, une <année...
Mme Trent (Deborah) :
...
des organismes qui offrent des services, c'est toujours en lien avec
le suivi, alors... Et c'est pour ça que c'est souvent problématique avec l'IVAC,
parce que nous, on a des listes d'attente qui peuvent être... présentement, je
crois que notre liste d'attente, il y a encore, à peu près, une >année
pour avoir accès à des services. Il faut toujours réduire la durée de nos
services pour qu'on soit capable de répondre de façon plus rapide aux personnes
qui ont besoin d'avoir recours à nos services.
Alors, c'est pour faire un processus
clinique, thérapeutique, et c'est pour ça que le complément avec l'IVAC est
tellement important, parce que, si nous, on peut faire un certain déblayage, on
peut commencer le travail, si on veut chercher à répondre à un plus grand
nombre de victimes, bien, il faut passer un peu la balle à l'IVAC, mais si, au
niveau de l'IVAC, ça devient très difficile pour les victimes, qu'on octroie
des services... à l'accès à des services psychothérapeutiques et qu'il n'y a
pas de thérapeute sur le terrain, bien là, ça ne marche pas. Alors là, aussi,
c'est une autre question... Oui?
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Merci beaucoup, Mme Trent. Je dois céder
la parole à la députée de Sherbrooke. Merci beaucoup.
M. Tanguay
: Merci,
Mme Trent.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, M. le député de LaFontaine. Mme la députée de
Sherbrooke, s'il vous plaît, pour 2 min 45 s, hein, le temps file rapidement.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Merci, Mme Trent, pour votre présentation. Vous avez parlé avec
raison de l'enjeu de donner des services très, très rapidement pour les
victimes, mais vous qui oeuvrez de près auprès des victimes depuis longtemps,
j'imagine que vous savez aussi également à quel point ça peut prendre du temps
se rétablir d'une agression sexuelle ou de violence conjugale.
L'objectif du projet de loi, c'est
justement de favoriser le rétablissement, mais il y a des éléments dans le
projet de loi, je pense, par exemple à... le maximum de trois ans pour une
indemnité de remplacement de revenu, j'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce
que c'est raisonnable trois ans maximum pour une indemnité de remplacement de
revenu, de penser que le rétablissement de la personne va avoir fait effet dans
ce délai-là?
Mme Trent (Deborah) : Bien,
je pense que ça dépend tellement de la situation, je pense que ça va main dans
la main avec... si on offre un service thérapeutique à quelqu'un, bien, il faut
que les services thérapeutiques soient pour la même durée que le remplacement
de revenu. Si on est avec quelqu'un qui n'a pas d'assurance salaire, qui a
perdu son emploi, et on voit ce type de situation là, il faut qu'elle puisse
avoir un moyen de subsistance en même temps qu'elle est capable de travailler,
alors... Et ça dépend aussi, là, tu sais, si on a une victime qui fait une
demande par rapport à une situation qu'elle a vécue dans la dernière année, qui
fait une demande à l'IVAC pour avoir soutien, et tout ça, et puis ça remémore,
hein, d'autres expériences qu'elle aurait vécues dans son enfance, alors c'est
sûr que le temps de rétablissement va être beaucoup plus long, il va être
beaucoup plus prenant.
Chaque personne est différente. Je
comprends que c'est dur... c'est difficile d'apporter, de dire : Est-ce
que c'est assez? Est-ce que ce n'est pas assez? Il me semble que trois ans, tu
sais, me semblent pertinents, me <semblent...
Mme Trent (Deborah) :
...
de rétablissement va être beaucoup plus long, il va être beaucoup
plus prenant.
Chaque personne est différente. Je
comprends que c'est dur... c'est difficile d'apporter, de dire : Est-ce
que c'est assez? Est-ce que ce n'est pas assez? Il me semble que trois ans, tu
sais, me semblent pertinents, me >semblent convenables, mais il faut que
l'accès à ça soit facile, que ça soit simple, que ça ne soit pas... qu'on se
décourage.
Mme Labrie : Parce qu'en ce
moment, les indemnités peuvent être à vie, en fait. Donc là, on vient plafonner
à trois ans. C'est quand même un changement majeur.
Le Président
(M. Bachand) :Rapidement,
Mme Trent, parce qu'il reste 14 secondes.
Mme Trent (Deborah) :
Oui, mais, c'est ça, là, je pense que si l'accès aux services et le remplacement
de revenu est fait le plus rapidement possible, je pense que c'est quelque
chose qui peut être, je ne dirais pas «adéquat», mais qui pourrait répondre. Si
tout est fait mieux, plus vite, plus rapidement, je pense que ça pourrait
répondre. Est-ce que c'est... mais là aussi, ça prend... J'aurais besoin de
réfléchir encore plus profondément à cette question-là, ça fait que je...
Le Président
(M. Bachand) :Merci beaucoup.
Mme Trent (Deborah) : Sous
toutes réserves.
Le Président
(M. Bachand) : Merci. Je cède maintenant la parole à la
députée de Joliette. Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme
Hivon
:
Oui. Bonjour, Mme Trent. Merci beaucoup de votre présence, puis j'en
profite pour vous remercier de tout le travail que vous avez fait pour le
comité d'experts. Les gens n'ont pas idée à quel point vous avez travaillé fort.
Et donc vous avez accouché de quelque chose de formidable qui, je pense, va
pouvoir faire une réelle différence. Ça fait que je voulais vous remercier
publiquement.
Justement, vous parlez de l'importance que
l'aide psychologique, notamment, puisse être accessible tout de suite. C'est
vraiment quelque chose de fondamental, là, qui ressort du rapport et des
travaux que, dès qu'il y a un dévoilement, qu'il y a une main tendue, qu'on
puisse avoir de l'aide.
Moi, je suis un peu comme vous, je ne le
vois pas, malgré ce que le ministre nous dit, là. Je ne remets pas en question
sa parole, mais je pense que ça va devoir ressortir clairement dans la loi
parce que je ne le vois pas en passant tous les articles. Je comprends que vous
non plus vous ne voyez pas quelque chose de clair qui dit que, même en attente
de l'approbation de la demande, l'aide psychologique va pouvoir être donnée.
Mme Trent (Deborah) :
Oui. Il faudrait que je relise, là. C'est quand même de nombreuses pages et une
lecture assez dense, là. Et ça, c'est, tu sais, même pour nous, les experts,
là, tu sais, qui travaillons là-dedans depuis longtemps, là, si, nous, on
trouve... puis c'est sûr que les victimes n'auront pas à lire les projets de
loi, mais ça... tu sais, c'est parlant quand même, là. Tu sais, c'est parlant,
tu sais, il faut trouver des choses... il faut vulgariser les choses, il faut
trouver des choses qui sont simples, et tout.
Alors, si on dit que la victime aura accès
rapidement, bien, il faut que ça soit rapide, mais, pour moi, c'est moins clair
dans le projet de loi. Il faudrait peut-être le revoir, mais je suis très prête
à revoir puis à... qu'on me dise que j'ai fait une erreur, là, mais...
• (10 h 20) •
Mme
Hivon
:
Moi aussi, j'aimerais ça qu'on me dise ça, parce que, moi aussi, je le cherche.
Donc, si le ministre veut nous dire c'est quel article, je vais lui donner cinq secondes
pour nous le dire.
Le Président
(M. Bachand) : Comme vous le savez...
Mme
Hivon
:
On ne l'entend pas, par exemple.
Le Président
(M. Bachand) : Non, il n'y a pas d'interaction durant les
consultations.
Mme
Hivon
:
O.K. bon, c'est beau. Il pourra nous le dire. Ça, c'est quelque chose qui est
drôle dans nos travaux, mais voilà.
Donc, l'autre chose que vous nous dites <beaucoup...
Mme
Hivon
:
Donc,
si le ministre veut nous dire c'est quel article, je vais lui donner
cinq secondes pour nous le dire.
Le Président
(M. Bachand) :
Comme vous le savez...
Mme
Hivon
:
On ne l'entend pas, par exemple.
Le Président
(M. Bachand) :
Non, il n'y a pas d'interaction
durant les consultations.
Mme
Hivon
:
O.K., bon, c'est beau. Il pourra nous le dire. Ça, c'est quelque chose qui est
drôle dans nos travaux, mais voilà.
Donc, l'autre chose que vous nous dites
>beaucoup, c'est la difficulté concrète de remplir la demande, toutes
les difficultés terrain. Hier, il y a un groupe aussi qui nous a dit comment
c'était difficile, même pour des professionnels, des fois, d'avoir des retours
des gens de l'IVAC. Donc, en ce moment, est-ce que les gens de l'IVAC peuvent
aider les personnes qui doivent remplir leur demande? Est-ce qu'il y a une aide
interne qui est offerte? Est-ce que ça devrait être le cas? Et qu'est-ce que
vous voyez, dans le projet de loi, qui va changer concrètement, je dirais,
toute la bureaucratie et la lourdeur de ce qu'on vit avec l'IVAC?
Le Président (M.
Bachand) : Mme Trent, je vous laisse 10 secondes
parce que le temps est déjà écoulé.
Mme Trent (Deborah) : O.K. On
ne le voit pas dans l'IVAC, c'est pour ça que j'ai tenu à vous parler de l'application,
parce que, dans le projet de loi, on ne voit pas ça. On ne le voit pas, une
intention vers la simplification, et il me semble que c'est essentiel. On a
reçu une formation d'une personne de l'IVAC, on a fait une demande, elle est
venue donner une formation. On avait prévu trois heures avec cette personne-là,
elle est restée quatre heures de temps parce que les gens ont tellement de
questions, les intervenants ont tellement de questions. Alors, oui...
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Mme Trent,
de votre participation. C'est très apprécié. Cela dit, la commission suspend
ses travaux quelques instants. Mme Trent, encore merci.
(Suspension de la séance à 10 h 23)
>
(Reprise à 10 h 25)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend
ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir M. Daniel Gardner,
professeur titulaire à l'Université Laval. M. Gardner, merci d'être avec
nous aujourd'hui. Je vous rappelle, vous avez 10 minutes de présentation.
Après, nous aurons un échange avec les membres de la commission. Alors, je vous
cède la parole. Merci beaucoup.
M. Daniel Gardner
M. Gardner (Daniel) : Merci à
vous. Bonjour, tout le monde, bon matin. Alors, cours en Zoom, conférences en
Zoom, on est rendu... ou en Teams, c'est la même chose, hein? Oui, on est rendu
aux commissions parlementaires en Teams. Alors, comment va le monde, n'est-ce
pas? Alors, on va essayer de rendre ça le plus intéressant pour vous et surtout
le plus utile, alors je vais m'en tenir, je vous le promets, aux
10 minutes pour ensuite pouvoir discuter avec vous.
Vous le savez, sinon il faut le savoir,
même le régime actuel, là, qu'on veut rénover, est déjà le meilleur régime en
Amérique du Nord. Alors, si on se compare juste avec nos provinces limitrophes,
Terre-Neuve n'en a pas, le Nouveau-Brunswick et l'Ontario ont des indemnités
minimales qui sont prévues, quand elles sont prévues, pour les victimes d'actes
criminels. Moi, je suis très fier d'être Québécois là-dessus, pour dire qu'on a
le meilleur régime, parce que nous, depuis longtemps, on tient compte de
l'aspect solidarité qu'on doit donner aux victimes de coup du sort, les
victimes d'actes criminels.
Ce régime-là, donc, qui a presque
50 ans, il a été adopté dans l'urgence, avec la crise d'Octobre, au début
des années 70. Puis il faut comprendre qu'à ce moment-là, le seul régime
qu'on avait de référence, pour pouvoir indemniser les gens correctement,
c'était l'ancienne Loi sur les accidents du travail, une loi qui remontait à
1931 et qui est toujours appliquée, là, au niveau des normes d'indemnisation,
aux victimes actuelles d'actes criminels. Et c'est, en partie, ça qui explique
pourquoi le régime a si mal vieilli, c'est ce qui explique notamment pourquoi
il y a des rentes viagères. En 1931, les hommes, les travailleurs, l'âge moyen
de décès, l'espérance de vie, c'était de 65 ans, et il n'y avait pas de
supplément de revenu garanti, il n'y avait pas de régime de pension organisé. Donc,
c'était normal de fixer une rente viagère pour un travailleur gravement blessé.
À 65 ans, il allait être décédé puis il n'y avait rien de l'État pour
venir l'aider.
On en est rendu, évidemment, aujourd'hui...
le monde a pas mal changé, hein? L'espérance de vie, tant des hommes que des
femmes, est au-dessus de 80 ans, il y a des régimes de solidarité, tant au
fédéral qu'au Québec, qui existent pour les personnes de plus de 65 ans. Alors,
c'est ça qui fait que la rente viagère est si anachronique dans le cadre du
régime actuel.
Donc, juste avant que je vous présente, en
rafale, quelques bons points et quelques moins bons points, à mon humble avis,
du projet de loi n° 84, vous rappeler simplement une chose assez
fondamentale, puis je vais y revenir en conclusion, l'État n'est pas
responsable des actes criminels qui se produisent sur son territoire. L'État a
la responsabilité <morale...
M. Gardner (Daniel) :
...avant que je vous présente, en rafale, quelques bons points et quelques
moins bons points, à mon humble avis, du
projet de loi n° 84, vous
rappeler simplement une chose assez fondamentale, puis je vais y revenir en
conclusion, l'État n'est pas responsable des actes criminels qui se produisent
sur son territoire. L'État a la responsabilité >morale, puis je suis
très fier, je le répète, qu'on ait cette responsabilité morale d'aider les
victimes d'actes criminels, mais l'État, ce n'est pas lui qui doit indemniser,
comme s'il le ferait s'il était responsable de l'acte criminel. C'est aux
criminels à le faire.
Alors, quand on comprend ça, on comprend
pourquoi on ne peut pas vouloir atteindre les indemnités qui sont données
devant les tribunaux ordinaires, on ne peut pas vouloir atteindre les
indemnités qui sont données par les compagnies d'assurance publique, les
compagnies qui ne sont pas l'État, hein, la Société de l'assurance automobile
du Québec puis la CNESST. Il y a zéro financement de la part de l'État, ce
n'est pas l'État qui finance ces régimes-là. D'ailleurs, ces régimes-là, ces
compagnies d'assurance publique là sont très payantes pour l'État parce qu'elles
remboursent les coûts de santé de tous les travailleurs puis de toutes les
victimes de la route. On parle de centaines de millions de dollars par année,
là, qui sont remboursés à la RAMQ par la SAAQ et la CNESST. Donc, il y a une
différence fondamentale entre une compagnie d'assurance publique qui est
financée par le créateur du risque, l'automobiliste, l'employeur et un régime
de solidarité qui, lui, est financé par les impôts et les taxes de tout le
monde. Quand on comprend ça, ça aide à comprendre pourquoi il faut que les
régimes soient différents.
Alors, dans le projet de loi n° 84,
moi, j'ai remarqué... j'en ai noté une douzaine de bons points. Je n'aurai pas
le temps de tous les faire, j'en signale en rafale quelques-uns.
L'élargissement de la notion de victime, c'est une très bonne chose. Je sais
que les tribunaux avaient commencé à élargir, mais ils tordaient la loi en le
faisant. Ce n'est pas ça qui était écrit dans la loi, ce n'est pas ça que le
législateur avait en tête en 1972, notamment de viser les victimes par ricochet
de manière aussi large, donc c'est très bien qu'on l'élargisse, cette
notion-là. Qu'on aligne avec les règles du Code civil sur les délais de
prescription, sur les délais pour présenter une demande, c'était quand même
extraordinaire qu'on dispose de trois ans minimum dans le Code civil puis
seulement un an ou deux dans l'IVAC. Et c'est très bien aussi qu'on ait aligné
le régime pour les victimes de violence conjugale et d'agression sexuelle,
qu'on rende les règles imprescriptibles. Si c'est imprescriptible contre un
responsable potentiel, ça devrait être imprescriptible vis-à-vis l'État
également.
L'officialisation de toutes sortes... des
mesures de réadaptation, ça existait, ces programmes-là, mais c'était des
directives internes. Là, maintenant, c'est dans la loi. Moi, j'aime beaucoup
notamment les règles sur la réinsertion professionnelle. Vous savez, depuis 20 ans,
la majorité des victimes d'actes criminels ne sont pas au travail au moment où
elles sont victimes de l'acte criminel. Alors, que le régime puisse les aider à
se réinsérer professionnellement parlant puis qu'il y ait des sommes prévues
puis de l'aide prévue pour ça, c'est une excellente chose. Puis d'ailleurs, de
manière générale, là, tout ce qui est ce qu'on appelle, nous, les
universitaires, de la réparation en nature plutôt que de la réparation en
argent, tout ça, c'est du bonbon, à mon avis.
• (10 h 30) •
Je vais... Vous savez que la loi, hein, ça
fait 30 ans qu'on essaie de la rénover. Je suis retourné dans les
rapports, vous avez peut-être lu le rapport Lemieux, tout ça, j'ai trouvé un
truc intéressant dans un rapport qui avait été commandé par le ministre de la
Justice en 2001 puis qui a été adopté, donc qui a été rendu public en <2002,
et...
>
10 h 30 (version révisée)
<
M. Gardner (Daniel) :
...argent, tout ça, c'est du bonbon, à mon avis.
Je vais... Vous savez que la loi, hein,
ça fait 30 ans qu'on essaie de la rénover. Je suis retourné dans les
rapports
, vous avez
peut-être vu le rapport Lemieux, tout ça
, j'ai
trouvé un truc intéressant dans un rapport qui avait été commandé par le
ministre de la Justice en 2001 puis qui a été adopté, donc qui a été rendu
public en >2002. Et c'était un comité... je vous lis la conclusion,
c'était : «Comité consultatif sur la révision du régime d'indemnisation
des personnes victimes d'actes criminels...», donc, les membres du comité
disaient qu'ils sont uniques en leur genre. Pourquoi? Parce que son caractère
spécifique provient du fait qu'il est principalement composé de personnes
victimes ou de proches de personnes victimes d'actes criminels, donc pas des
juristes, mais davantage des victimes.
Et qu'est-ce qu'ils disaient au deuxième
paragraphe de leur rapport, ces gens-là? Je vous lis la toute petite
phrase : «Les besoins d'aide, d'information et de considération surpassent
largement, particulièrement dans les jours qui suivent l'agression, le besoin
d'indemnisation.» Ne focalisez pas juste l'attention sur l'argent, les mesures
d'aide, d'accompagnement pour les victimes d'actes criminels, c'est extrêmement
important. Ça, moi, je salue que le projet de loi, il donne davantage de
détails sur ce que doivent être ces mesures d'aide là.
Alors, il ne me reste déjà plus beaucoup
de temps, donc je voudrais ne pas que lancer des fleurs au projet de loi. Je
voudrais quand même vous indiquer, il y a deux choses, moi, qui me chicote,
un peu, dans le projet de loi n° 84. La
première, ça part d'une bonne intention, il y a une création de ce qu'on
appelle une somme forfaitaire, hein, article 30 de la loi, somme
forfaitaire pour compenser les souffrances, douleurs, pertes de jouissance de
la vie des victimes survivantes puis pour compenser... remplacer les indemnités
de décès, là, lorsque la victime de l'acte criminel, elle décède, pour
compenser des proches.
Ma critique, bien, elle est simple, c'est
que je ne peux pas commenter. Il n'y a absolument rien dans le projet de loi,
ça nous renvoie à des règlements, alors, qui ne sont évidemment pas adoptés, alors
je ne peux pas savoir est-ce que les normes d'indemnisation vont être
correctes. Est-ce que le barème d'indemnisation de ces souffrances-là va être
un barème moderne qui va tenir compte des atteintes psychiques ou est-ce qu'au
contraire ça va être un barème très anatomique qui ne va pas tenir compte de la
réalité des victimes d'actes criminels où le préjudice est souvent plus psychique
que physique? Alors, je n'en sais rien. Quels vont être les maximums
d'indemnités? Si c'est pour offrir, comme on l'a fait jusqu'en 2013,
2 000 $ pour les parents d'un enfant décédé d'un acte criminel, aussi
bien ne rien prévoir, là. Ça puis une claque à la figure, c'est la même chose.
Alors donc, on aurait aimé avoir des détails. Désolé, je ne peux pas commenter.
L'idée n'est peut-être pas mauvaise, mais le diable est dans les détails, puis
on va attendre d'avoir les détails là-dessus.
Mon deuxième commentaire, plus
fondamental : l'attachement à l'indemnisation basé sur le revenu, à mon
humble avis, est une erreur. C'est pour ça que les gens et les organismes ont
tellement de mal à distinguer le régime de l'IVAC avec le régime de l'assurance
automobile, le régime des accidents du travail pour les travailleurs. L'État,
je le répète, n'est pas responsable de l'acte criminel. Alors, à partir de là,
moi, je ne trouve pas que ça soit juste et équitable que quelqu'un qui gagnait
plus qu'un autre, au moment où il est victime d'acte criminel, qu'il reçoive
plus d'argent de l'État. Parce que, là, on s'entend, ici, l'argent provient de
l'État. Moi, là, si je suis victime d'un acte criminel, là, on prend mon
salaire, il est topé à peu près à 80 000 $, on me donne 90 % de
mon <revenu net...
M. Gardner (Daniel) :
...à partir de là, moi, je ne trouve pas que ça soit juste et équitable que
quelqu'un qui gagnait plus qu'un autre, au moment où il est victime d'acte
criminel, qu'il reçoive plus d'argent de l'État. Parce que, là, on s'entend,
ici, l'argent provient de l'État. Moi, là, si je suis victime d'un acte
criminel, là, on prend mon salaire, il est topé à peu près à
80 000 $, on me donne 90 % de mon >revenu net. Le pire,
c'est que j'ai des assurances collectives qui me couvriraient, de toute façon,
les conséquences de mon invalidité. Mais là c'est l'État qui prend le relais
alors que, je l'ai dit, la majorité des jeunes sont sans emploi, donc c'est
90 % du salaire minimum, puis on veut continuer à compenser sur cette
base-là de perte du revenu.
Je le répète, ce n'est pas le rôle de
l'État de faire ça. L'État, il doit aider les victimes d'actes criminels à se
reprendre en main, à se remettre sur pied. Il n'est pas là pour compenser la
perte. C'est le criminel. Tant mieux s'il peut être solvable, mais on le sait
comment il ne l'est pas souvent. C'est au criminel à répondre de la perte de
revenus. Et ça, tant qu'on va continuer à fonctionner comme ça, bien, les gens
vont faire le lien avec : Oui, mais les accidentés de la route, ils ont
beaucoup plus. Bien, c'est sûr, vous voulez compenser à partir de la même
norme, 90 % du revenu net.
Puis pourtant les exemples, ils existent
au Québec. Deux exemples. Le supplément pour enfant handicapé, quel bel
exemple, ça. Vous êtes parent d'un enfant handicapé, vous avez le droit à un
montant par mois, mensuel, qui ne tient pas compte du type de handicap de
l'enfant, qui ne tient pas compte du salaire des parents. Solidarité, on veut
aider, on veut reconnaître qu'élever un enfant handicapé, ça coûte plus cher.
L'État donne un montant indépendamment du revenu. Deuxième exemple, au fédéral,
la CPU. La CPU, là, c'était quoi? Qu'on gagnait 1 500 $ par mois ou
3 500 $ par mois, c'est le même montant de 2 000 $ qui a
été versé. Pourquoi? Parce que l'idée, ce n'était pas de compenser le revenu
réel, c'était, l'idée, reconnaître solidairement que l'État doit aider les
personnes.
Alors, je m'arrête là. Il y aurait du
chemin à faire là-dessus, sur cette idée de compenser davantage en reconnaissant
une aide qui soit plus égalitaire, équitable que la compensation sur la perte
du revenu. Mais, je le répète, je veux être utile, donc je ferme mon micro pour
l'instant puis je suis tout ouïe pour vos questions.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, Pr Gardner. Nous passons à la période d'échange. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Bonjour, Pr Gardner. Merci de participer aux travaux de la
commission.
D'entrée de jeu, relativement au fait que
vous dites : Ce n'est pas la faute de l'État, un acte criminel... Et là
vous nous invitez à dire : Bien, c'est le criminel qui a commis
l'infraction, donc c'est lui qui est responsable. Là, dans le projet de loi, ce
que j'ai mis, j'ai mis une disposition qui fait en sorte que ça va nous inciter
à poursuivre... dans le fond, un coup que l'indemnisation va être donnée, je
vais pouvoir aller récupérer les sommes directement à l'endroit de la personne
fautive, puis j'ai l'intention de l'utiliser. C'était possible de le faire dans
le passé par voie subrogatoire, sauf que ce n'était pas utilisé. Donc, je vais
l'utiliser par le biais de l'article 91. Qu'est-ce que vous en pensez de
ça?
M. Gardner (Daniel) : Vous
savez, c'est depuis 1987 qu'il n'était plus utilisé, le recours
subrogatoire, tout simplement parce qu'au ministère de la Justice on avait fait
des études... bien, pas des études, une analyse assez courte, puis on perdait
plus d'argent à poursuivre qu'à ramasser l'argent des criminels. Ce qui a
changé depuis 1987, c'est que le criminel type, ce n'est plus le <braqueur
de...
M. Jolin-Barrette :
...pensez
de ça?
M. Gardner (Daniel) :
Vous savez, c'est depuis 1987 qu'il n'était plus utilisé, le recours
subrogatoire, tout simplement parce qu'au ministère de la Justice on avait fait
des études... bien, pas des études, une analyse assez courte, puis on perdait
plus d'argent à poursuivre qu'à ramasser l'argent des criminels. Ce qui a
changé depuis 1987, c'est que le criminel type, ce n'est plus le >braqueur
de banque comme dans les années 70, c'est quelqu'un qui, souvent, a un
travail, c'est un proche de la victime, c'est le conjoint, c'est le père.
Donc, moi, ça fait longtemps que je dis
qu'on devrait non pas penser, dans tous les cas, vouloir récupérer l'argent,
mais certainement ne pas se fermer la porte comme on le fait depuis 1987.
Puis, vous savez, dans tous les régimes intéressants qui existent à travers le
monde, là, en Europe, il y a ces recours subrogatoires qui sont exercés. Ça ne
donne pas... ce n'est pas avec ça que vous allez financer le régime, on
s'entend bien, là, mais que vous récupériez 10 %, 20 % des sommes
investies, ça serait déjà beaucoup. Donc, moi, je suis favorable à ça, puisque
c'est au criminel, effectivement, de payer pour les conséquences de son acte,
évidemment, lorsqu'il en a les moyens.
M. Jolin-Barrette : O.K. Tout
à l'heure, vous avez abordé le fait relativement au montant forfaitaire, que ça
va être par voie réglementaire. Effectivement, ça va être par voie
réglementaire. Pour vous renseigner, j'ai l'intention d'y aller vers les sommes
qui sont similaires au régime de la SAAQ, avec des adaptations bonifiées aussi.
C'est sûr que moi, mon souhait, c'est de déposer le projet de loi puis de
travailler en même temps sur les règlements, parce que je veux faire en sorte
d'élargir le nombre de victimes et surtout le soutien. Donc, c'est sûr qu'on y
va par étapes, mais l'idée est de faire en sorte d'avoir l'assise législative,
justement, pour faire en sorte qu'on puisse changer le régime le plus
rapidement possible, au bénéfice des victimes. Donc, c'est pour ça que ça ne se
retrouve pas dans le projet de loi actuellement.
M. Gardner (Daniel) : Juste
un commentaire là-dessus, c'est très bien que vous choisissez... que vous
choisissiez, pardon, le barème d'indemnisation des victimes d'accidents
d'automobile plutôt que celui des accidents du travail. Celui des accidents du
travail, il est beaucoup plus vieillot, il est très anatomique, il tient moins
compte des conséquences psychiques. Celui de la Loi sur l'assurance automobile
est beaucoup plus moderne, tient plus compte des conséquences psychiques. Ça va
certainement mieux répondre aux besoins des victimes.
C'est quand même... vous ne vendez pas
beaucoup votre projet avec ça, parce que c'est quand même une avancée majeure,
là. Ça n'existait pas dans le régime actuel, là, d'indemniser les souffrances,
douleurs, pertes de jouissance de la vie, là. Alors, c'est quand même une
avancée majeure puis, si vous allez chercher ce qui se fait dans la Loi sur
l'assurance automobile, c'est beaucoup d'argent, là, qui est en jeu ici.
M. Jolin-Barrette :
Effectivement, puis on a rajouté 200 millions aussi pour les cinq prochaines
années, pour mettre à niveau le régime. Puis vous le disiez aussi, c'est le
régime déjà le plus généreux au Canada, par rapport aux autres provinces
canadiennes. Et on a eu quelques critiques, là, sur la question des rentes
viagères, l'abolition des rentes viagères. Vous, vous dites : Écoutez, là,
ça n'a plus sa place, les rentes viagères, dans un régime d'indemnisation comme
celui-ci, là.
M. Gardner (Daniel) : Quand
on comprend d'où c'est venu puis on comprend pourquoi c'est le seul régime... bien,
celui des victimes d'actes de civisme également, là, c'est le même régime qui
s'applique, mais c'est pourquoi... C'est le seul régime que je connaisse, moi,
même, non pas seulement au Québec, mais au Canada, où on indemnise, on compense
une perte de revenus sur une base viagère puisqu'évidemment les victimes ne <travaillent
pas...
M. Gardner (Daniel) :
...c'est le seul régime... bien, celui des victimes d'acte de civisme
également, là, c'est le même régime qui s'applique, mais c'est pourquoi...
C'est le seul régime que je connaisse, moi, même, non pas seulement au
Québec,
mais au
Canada, où on indemnise, on compense une perte de revenus sur
une base viagère puisqu'évidemment les victimes ne >travaillent pas,
pour l'immense majorité, heureusement d'ailleurs, jusqu'à la veille de leur
décès.
• (10 h 40) •
Donc, l'idée, c'est de trouver une façon
de compenser jusqu'à une date prévisible de la retraite pour... C'est ce que
font les régimes d'accidents d'automobile, d'accidents du travail. C'est ce que
font les tribunaux ordinaires, hein? Vous êtes victime d'un accident de ski, on
ne va pas vous donner votre perte de salaire jusqu'à la fin de vos jours. On va
essayer de déterminer une date de retraite, quelque part entre 60, 65 ans
puis, pour la suite, d'avoir un équivalent de ce qui existe déjà pour ces
victimes-là avec le supplément du revenu garanti. Je vous signale, en partie,
que vous travaillez pour le fédéral, là, présentement, parce que c'est le
fédéral qui devrait payer le supplément du revenu garanti, alors que, là, c'est
le Québec qui paie ces rentes viagères là aux victimes d'actes criminels.
Alors, en logique, en logique
mathématique, moi, je ne vois pas comment on peut soutenir qu'il faille
compenser la perte de revenus jusqu'au moment du décès. On peut être en
désaccord sur le fait qu'on ne compense pas assez, ça, je veux bien, mais
jusqu'au moment du décès, là, c'est là, à mon avis, qu'il y a un problème.
Donc, c'est bien que vous vous attaquiez à la règle. Vous savez que ça fait
longtemps, hein? Tous les projets depuis 30 ans, c'est la question qui est
toujours posée, parce que c'est ce qui coûte le plus cher à l'État et c'est ce
qui va coûter, de plus en plus, le plus cher à l'État, parce que, là, toutes
les rentes continuent à s'accumuler depuis 50 ans. Alors, évidemment, le
nombre de victimes indemnisées augmente chaque année.
M. Jolin-Barrette : On a eu
une certaine critique, depuis le début des consultations, relativement au fait
qu'on vient restreindre la rente temporaire, donc, en cas d'incapacité. Donc,
maintenant, pour une victime qui subit l'infraction, il y a une possibilité de
trois ans plus deux ans. Donc, maintenant on vient la limiter à
l'intérieur de cinq ans. Qu'est-ce que vous pensez de ça? Oh! je ne vous
entends pas.
Le Président (M.
Bachand) :Woups! M. Gardner, votre
micro.
M. Gardner (Daniel) : J'ai
oublié mon micro, c'est la première fois. Quand même pas pire, hein, après
quatre fois, là? Tu sais, on le fait tous, hein, vous le savez.
Alors... et là j'en ai perdu mon idée.
Oui, ce que je voulais vous dire, c'est que, dans un monde idéal, l'État, il
compenserait adéquatement toutes les victimes d'un coup du sort. Or, ce n'est
pas le cas à l'heure actuelle. Moi, quand j'entends dire que ce serait la
justice sociale que les victimes d'actes criminels soient compensées comme les
victimes de la route, bien, j'ai envie de dire : Oui, mais, tant qu'à ça,
si on veut aller jusqu'au bout dans la justice sociale, toutes les victimes
d'un coup du sort devraient être indemnisées comme les victimes de la route.
Alors, j'ai un handicap de naissance, moi,
je suis une personne handicapée qui ne peut pas travailler, ce n'est pas ma
faute à moi, ce n'est pas la faute de l'État non plus, mais pourquoi l'État ne
me compenserait pas, moi? Handicap dû à un acte criminel ou handicap dû à la
naissance, moi, je ne vois pas la logique, en termes de justice sociale, qui
fasse que je ne doive pas... compensé. Je suis un enfant, moi, qui n'a pas eu
accès au système scolaire parce que mes enfants étaient trop... mes parents
étaient trop fous pour m'envoyer à l'école ou parce qu'ils faisaient partie
d'une secte. Donc, je n'ai pas accès à un bon revenu. Bien, la justice sociale
demanderait que l'État me compense.
Comprenez-vous où je veux en venir? C'est
qu'à un moment donné il y a une capacité de payer de l'État. Ce n'est pas moi
qui vais la déterminer. C'est à vous, les <politiciens...
M. Gardner (Daniel) :
...je suis un enfant, moi, qui n'a pas eu accès au
système scolaire
parce
que mes enfants étaient trop... mes parents étaient trop fous pour m'envoyer à
l'école ou
parce qu'ils faisaient partie d'une secte. Donc, je n'ai pas
accès à un bon revenu. Bien, la justice sociale demanderait que l'État me
compense.
Comprenez-vous où je veux en venir?
C'est
qu'à un moment donné
il y a une capacité de payer de
l'État. Ce n'est pas moi qui vais la déterminer. C'est à vous, les >politiciens,
de la déterminer. Il y a une capacité de payer de l'État puis il faut s'assurer
que le programme d'indemnisation des victimes d'actes criminels soit équitable
non seulement entre les diverses victimes d'actes criminels, puis là c'est là
que je vous ai dit que l'indemnisation basée sur la perte de revenus, à mon
avis, n'est pas équitable entre victimes d'actes criminels, mais il faut aussi
qu'elle soit équitable à l'égard des autres victimes de coup du sort au Québec.
Bien, je ne sais pas si l'Office des
personnes handicapées intervient dans le cadre de ce projet de loi là, mais
eux, ils vont certainement vous dire que c'est très bien d'indemniser les
victimes d'actes criminels, mais il y en a d'autres, des victimes laissées pour
compte, qui n'ont pas le droit à aucune indemnité pour remplacement du revenu.
Alors, il faut faire attention puis jauger de tout ça pour éviter qu'à un
moment donné vous donniez tellement à un que les autres puissent dire :
Oui, mais là, en comparaison, ça n'a plus de sens.
M. Jolin-Barrette : Donc,
vous nous invitez à avoir un certain équilibre.
M. Gardner, je vous remercie et je vais
céder la parole à des collègues qui ont des questions, mais un grand merci pour
votre présence en commission parlementaire.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le ministre. M. le député de
Chapleau, vous avez la parole.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui,
merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, Pr Gardner. Merci de votre
témoignage.
Peut-être une petite question, là, que j'aimerais
aborder avec vous, notamment en lien avec toute la question, là, de la
reconnaissance des crimes hors Québec. Donc, c'est un volet, là, dans le projet
de loi, vous ne l'avez pas nécessairement abordé, peut-être que vous avez une
opinion sur cette question-là. Qu'est-ce que vous en pensez de cet ajout-là?
M. Gardner (Daniel) : On a,
je l'ai dit, le meilleur régime en Amérique du Nord à l'heure actuelle. On a un
des meilleurs régimes au monde puis on est en train de rejoindre, avec ça, les
meilleurs régimes au monde sur cet aspect-là. Le régime français, qui est un
régime extrêmement généreux... parce que lui, il est financé pour les victimes
de terrorisme, là. C'est pour ça qu'on accepte tant de le financer. Bien, le
régime français, il couvre le Français partout dans le monde, peu importe où le
crime a été commis. Alors, il arrive...
M. Lévesque (Chapleau) : ...
M. Gardner (Daniel) : Donc,
c'est un ajout, et je pense que les paramètres qui ont été mis dans le projet
de loi, là, de s'assurer que la personne soit une résidente permanente et non
pas un touriste ou quelqu'un qui était peu à passer longtemps chez nous, bien, je
pense que ça garantit... Ça va augmenter les coûts du régime, mais mettez-vous
à la place, là... Il y avait, chaque année, quelques dizaines de demandes qui
étaient rejetées, parce que les gens, ils ne font pas la différence, eux. J'ai
été victime d'un crime, alors, que j'aie été victime d'un crime en Floride,
parce que je suis snowbird, ou au Québec, j'ai été victime d'un crime. Alors, à
partir du moment où c'est un citoyen québécois, je trouve normal de le couvrir.
M. Lévesque (Chapleau) : Ah!
O.K. Puis là vous m'avez ouvert une porte, là, vous avez fait du droit comparé.
J'ai vu que vous avez étudié certains autres régimes. Est-ce qu'il y a certains
éléments qui seraient intéressants à regarder dans d'autres régimes dont vous
aimeriez nous faire part, notamment sur les Français ou d'autres à travers le
monde?
M. Gardner (Daniel) : C'est
ça, bien, le régime néo-zélandais, qui est un modèle du genre, beaucoup d'aide
à la... de réparation en nature, beaucoup de mesures de réadaptation, d'écoute,
d'assistance. Puis ça, là, les victimes le disent, là : Quand on s'occupe
de moi dès le début, puis qu'on ne me lâche pas, puis qu'on m'assiste, puis
qu'il y a des choses qui me sont <payées...
M. Gardner (Daniel) :
...bien, le régime néo-zélandais, qui est un modèle du genre,
beaucoup
d'aide à la... de réparation en nature,
beaucoup de mesures de
réadaptation, d'écoute, d'assistance. Puis ça, là, les victimes le disent,
là : Quand on s'occupe de moi dès le début, puis qu'on ne me lâche pas,
puis qu'on m'assiste, puis qu'il y a des choses qui me sont >payées, tu
sais, que je m'en vais à la pharmacie puis que je n'ai pas à payer pour mes
médicaments, puis que je m'en vais chez le physio puis que c'est déjà prépayé,
c'est tellement vu, ça, comme étant quelque chose de positif. Alors, le régime
néo-zélandais, c'est un leader, là-dessus, mondial. Ils sont très forts. Maintenant,
il faut faire attention avec les comparaisons parce que ça dépend toujours. Le
régime français est réputé très, très généreux, oui, mais attention, le régime français,
il ne compense pas les petits actes criminels. Si vous n'avez pas une
incapacité d'au moins un mois, vous n'êtes pas indemnisé. Si vous avez
commis la moindre faute, la moindre conduite déraisonnable, vous êtes Français,
on coupe votre indemnité. Chez nous, là, c'est seulement des cas très, très
rares, la faute lourde, là.
Donc, tu sais, il faut toujours faire
attention à ne pas comparer juste l'argent avec l'argent. Il faut tenir compte
aussi, je l'ai mentionné d'entrée de jeu, le régime français, c'est un régime
qui... Pourquoi il continue à être financé de cette manière-là? C'est parce que
la population n'accepterait pas que les victimes d'actes de terrorisme ne
soient pas indemnisées. Ce n'est pas tant les victimes d'infractions
ordinaires, c'est les victimes d'actes terroristes qui font que le régime...
Vous savez que chaque Français, pour chaque contrat d'assurance qu'il a sur son
auto, sa maison, sa maison de campagne, son bateau, paie une taxe de
5,70 € par année.
M. Lévesque (Chapleau) : Pour
le terrorisme?
M. Gardner (Daniel) : Pour
financer le terrorisme.
M. Lévesque (Chapleau) : Pas
financer le terrorisme, mais du moins assurer un acte...
M. Gardner (Daniel) : Oui.
Bien, c'est ça, oui, pas favoriser les terroristes, voilà, mais pour indemniser
les victimes de terrorisme, parce qu'évidemment ça coûte très cher. Alors,
essayer de mettre ça en place ici, au Québec, je ne suis pas certain que ça
fonctionnerait.
M. Lévesque (Chapleau) : Je
comprends. Puis l'équilibre dont vous avez fait mention en lien avec la Nouvelle-Zélande,
est-ce que c'est... ils s'éloignent un peu de sommes forfaitaires pour payer davantage
de services professionnels, donc c'est 50-50 ou est-ce qu'il y a des rentes
là-bas? Comment ça se passe?
M. Gardner (Daniel) : Oui, il
y a des rentes, mais ce n'est pas 90 % du revenu, c'est 80 % du
revenu. Vous voyez, déjà, il y a une différence. Eux, ils indemnisent tous les
accidents, peu importe le type d'accident, accident de ski à la maison, acte
criminel d'automobile, du travail. C'est un régime complet de «no fault». Donc
là, bien, ils ont été obligés de réduire en partie les indemnités...
M. Lévesque (Chapleau) : Les
montants.
M. Gardner (Daniel) : C'est
ça, les montants, notamment pour les souffrances, douleurs, pertes de
jouissance de la vie. C'est à peu près deux fois et demie moins élevé que
ce qu'on donne au Québec à nos victimes de la route. Donc, tu sais, il y a plus
de... eux, ils considèrent qu'il y a plus de justice sociale, c'est plus
réparti, les montants. Nous, on est à côté des États-Unis, on est à côté des
provinces anglo-saxonnes, on est habitués aux montants plus élevés. Donc, il
faut faire attention pour ne pas avoir un régime qui est trop bas et qui, là...
où les victimes diraient : Bien, nous, on ne veut pas de ce régime-là, on
préfère aller devant les tribunaux.
M. Lévesque (Chapleau) : Ah! O.K.,
je comprends. Vous avez parlé également, là, d'entrée de jeu, en lien avec les
infractions, l'ajout... c'est un des points positifs que vous nous avez
mentionnés, l'ajout de nombreuses infractions, parce que, bon, il y avait une
liste qui était assez restrictive auparavant d'infractions admissibles. Et là
vous me dites, bon, dans certains pays, il y en a plusieurs qui sont... presque
tout peut être admissible.
Est-ce qu'il y aurait certaines
infractions, certains actes ou gestes... parce qu'hier il y avait certains
groupes qui nous disaient, là, le harcèlement en milieu de travail, le
harcèlement <sexuel...
M. Lévesque (Chapleau) :
...parce que, bon,
il y avait une liste qui était assez restrictive
auparavant
d'infractions admissibles. Et là vous me dites, bon, dans certains pays,
il
y en a
plusieurs qui sont... presque tout peut être admissible.
Est-ce qu'il y aurait certaines
infractions, certains actes ou gestes... p
arce qu'hier il y avait
certains groupes qui nous disaient, là, le harcèlement en milieu de travail, le
harcèlement >sexuel, qui ne sont pas nécessairement des infractions
criminelles, mais qui pourraient être ajoutés dans la liste d'actes. Est-ce que
c'est des éléments qui vous semblent intéressants à analyser? Et est-ce qu'il y
aurait d'autres points que vous ajouteriez?
M. Gardner (Daniel) : Déjà,
le régime, même à l'heure actuelle, il visait la plupart des... la grande majorité
des actes criminels qui entraînent un préjudice corporel, une atteinte à
l'intégrité physique et psychique. L'exception de base, puis je suis d'accord là-dessus,
le harcèlement sexuel, qui n'est pas pas un acte criminel en soi. Donc, que le
harcèlement sexuel puisse être dorénavant visé, ce serait une bonne chose.
Le harcèlement psychologique au travail, il
faut faire attention, il y a un régime d'indemnisation déjà pour ça. Si vous
êtes victime de harcèlement psychologique au travail puis que vous êtes en
arrêt de travail, c'est la CNESST qui va vous compenser. Alors, moi, je
verrais... Ce serait normal. C'est l'employeur qui a toléré le milieu de travail
toxique, ça fait que c'est à l'employeur à payer avec ses cotisations pour les
victimes du harcèlement. Moi, je ne verrais pas que l'État doive prendre le
relais là-dessus.
M. Lévesque (Chapleau) :
Parfait. Merci. Moi, ça compléterait. Je crois que la collègue de Les Plaines, M.
le Président, aurait des questions. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée, il reste deux minutes
pour questions et réponses.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Deux minutes. Merci beaucoup, M. le Président. Pr Gardner, bien
enchantée de pouvoir vous parler. Merci de vos clarifications, vos prises de
position et vos commentaires sur le projet de loi.
Rapidement, parce que j'ai peu de temps,
évidemment, l'abolition de la liste des infractions visées ouvre la porte, et
c'est bien, c'était une des voies que nous voulions, aux victimes
d'exploitation sexuelle des mineurs, en l'occurrence. Est-ce que, justement,
cet apport-là... j'imagine que vous la trouvez importante et intéressante, mais
est-ce que, dans le reste du projet de loi, on répond suffisamment à ce type de
victime là?
• (10 h 50) •
M. Gardner (Daniel) :
Moi, j'en suis à me demander s'il ne devrait pas y avoir un sous-régime pour
les victimes de violence sexuelle et conjugale, parce que c'est tellement des
victimes à part par rapport aux victimes de voies de fait puis d'autres crimes.
Ils ont tellement des besoins particuliers. Moi, en tout cas, j'aurais... je
réfléchirais en termes d'une section particulière dans la loi pour reconnaître
leurs particularismes puis le besoin qu'ils ont, notamment, là, pour l'aide,
l'écoute, tout ça. Il y a déjà des choses intéressantes, là, l'article 6
sur l'accompagnement dans le processus criminel, tout ça. Il y a des choses
intéressantes là-dedans, mais je...
C'est tellement ça qui amène... D'ailleurs,
vous allez voir, les groupes d'intervention, ce n'est pas les victimes de voies
de fait qui interviennent, là, c'est des victimes de préjudices d'ordre sexuel,
de violence conjugale à la maison. C'est sur eux autres qu'il faut focaliser
notre attention. C'est elles qui ont parfois l'impression qu'elles ne sont pas
correctement entendues, bien indemnisées, même si les choses, là, s'améliorent.
La division de la CNESST, là, tu sais, ils font mieux qu'ils le faisaient
avant.
Mais donc, c'est ça, oui, les reconnaître,
ça, tout à fait d'accord, l'exploitation sexuelle notamment. Mais c'est ça, là,
il faudrait réfléchir à un régime dans le régime, <finalement...
M. Gardner (Daniel) :
...qui ont parfois l'impression qu'elles ne sont pas correctement entendues,
bien indemnisées,
même si les choses, là, s'améliorent. La division de
la CNESST, là, tu sais, ils font mieux qu'ils le faisaient avant.
Mais donc, c'est ça, oui, les
reconnaître, ça,
tout à fait
d'accord,
l'exploitation
sexuelle
notamment. Mais c'est ça, là, il faudrait réfléchir à un régime
dans le régime, >finalement, parce que c'est des victimes à part.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Donc, une sous-section qu'on traiterait notamment de ça, là, leurs besoins
particuliers, même si on parle de programme d'urgence dans le projet de loi,
mais leurs besoins particuliers à ce type de violence là. Et est-ce qu'au
niveau...
J'imagine que mon temps est terminé. Écoutez,
merci beaucoup, M. Gardner de vos éclaircissements.
M. Gardner (Daniel) : Désolé
d'avoir été trop long.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Il n'y a pas de souci, on est parfait sur le
temps. Alors, M. le député de LaFontaine, vous avez la parole, s'il vous plaît.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup, M. le Président. Bien, bienvenue. Merci, M. Gardner, d'être avec
nous.
Et j'aimerais vous donner le temps, justement,
d'expliciter l'idée que vous étiez en train d'avancer sur le régime particulier
pour violence conjugale, violence sexuelle, régime particulier parce qu'il y a
des besoins particuliers en termes de consultation, d'aide psychologique, et
aussi, j'imagine, régime particulier en termes d'urgence de la situation,
d'aide d'urgence. Je ne sais pas si vous pouvez étayer, puis est-ce qu'il y a
des pans que je n'ai pas mentionnés aussi, là?
M. Gardner (Daniel) : Bien,
déjà là, d'enlever le délai de prescription applicable pour ces victimes-là, là,
bien, ça va faire que, dès qu'ils se présentent, tout de suite, on les prend en
charge. Là, il n'y a plus de question de commencer à faire l'analyse du dossier
pour voir : Est-ce que ça fait moins de deux ans que la victime a été
victime de ces violences-là? Donc, déjà là, l'écoute immédiate, déjà, ça va faire
un bien énorme que ces victimes-là soient reçues puis qu'elles n'aient pas à
rien démontrer pour prouver qu'elles ont bien été victimes, qu'on dise, au
départ : On vous écoute. Puis qu'il y ait de l'argent qui puisse être
déposé... dépensé non pas en indemnité immédiate, mais, au moins, en soins
immédiats, en écoute immédiate... tu sais, on ne sait pas encore c'est quoi,
ton niveau de préjudice psychique, mais soins, suivi psychologique
immédiatement, oui. Puis les victimes, c'est ça qu'elles attendent. C'est ça
qui fait le succès de notre régime d'assurance automobile. C'est pour ça que
les gens ne veulent pas retourner à l'époque des procès, c'est parce qu'ils
sont pris en charge immédiatement.
Ça fait que tout ce qui fait que, tout de
suite, ils seraient mis sur un «fast track» puis que, tout de suite, on les
prend en charge... Moi, je verrais fort bien une sous-division au niveau de la
CNESST. Ils le font d'ailleurs peut-être déjà, ils ont peut-être des agents
d'indem qui sont spécialisés pour les victimes d'infractions d'ordre sexuel
puis qui sont plus aptes à entendre puis à leur apporter de l'aide
immédiatement. De l'officialiser, je pense que ce serait de montrer que ce
n'est pas des victimes comme les autres.
Vous savez, là, c'est ça, être victime de
violence conjugale ou sexuelle. Tu sais, tu es doublement perdant, parce que,
premièrement, tu le sais que la personne, l'auteur l'a fait intentionnellement,
puis, deuxièmement, c'est quelqu'un que tu connais en plus. Alors, c'est la
pire des situations. Il faut leur reconnaître des droits particuliers ici.
M. Tanguay
: Et, dans
bien des cas aussi, par définition, ça vous impose le fait de déménager, de
quitter, de sortir de cette relation toxique là versus un acte criminel dont
vous êtes victime commis par un <tiers...
M. Gardner (Daniel) :
...
situations. Il faut leur reconnaître des droits particuliers ici.
M. Tanguay
: Et,
dans bien des cas aussi, par définition, ça vous impose le fait de déménager,
de quitter, de sortir de cette relation toxique là versus un acte criminel dont
vous êtes victime commis par un >tiers que vous ne reverrez plus jamais.
Et là il y a toute une... à récupérer, à reprendre. Ça, ça veut dire l'aide, on
en parlait avec des intervenantes, au niveau du logement, réinsertion, et ainsi
de suite. Alors, ce n'est pas la petite affaire, là, c'est reprendre en main sa
vie puis, à quelque part, de repartir à zéro, jusqu'à un certain point.
Et d'ailleurs, socialement, bien, vous
nous invitez à réfléchir pour faire un pas encore plus loin. Entre autres, au
DPCP, on salue le fait qu'il y a des procureurs qui sont spécialisés dans des
dossiers, justement, de violence à caractère sexuel. Bien, il y a peut-être là
une approche différenciée aussi qui mériterait d'être complétée.
Vous avez abordé, puis je voulais en
parler avec le peu de temps qu'on a, l'article 16, la prescription. Hier,
on a entendu les juristes progressistes qui disaient, à l'article 16 du projet
de loi... pardon, l'article 20, projet de loi, la prescription. Il y a
différents aspects... puis c'est bon parce que vous participez de la réflexion
sur la philosophie derrière les lois, là. Prescription, c'est pour essentiellement
trois choses : stabilité des patrimoines, relations juridiques le
dépérissement de la preuve puis sanctionner la négligence des créanciers. Est-ce
que, dans une telle loi, la prescription pourrait être, selon vous, selon votre
réflexion, complètement mise de côté, que ce soit imprescriptible?
M. Gardner (Daniel) : Pour
tous les actes criminels, ce serait une nouveauté mondiale. Je ne connais aucun
régime ni de droit civil ni de common law qui a rendu imprescriptibles toutes
les infractions criminelles. Ça créerait, à mon avis, des attentes démesurées
chez les victimes, parce qu'il reste qu'il faut quand même que la victime fasse
une preuve minimale qu'elle a été victime d'un acte criminel il y a 20, 30, 40 ans.
Ça va, je vais employer un mot qui semble
terrible, ça va relativement bien pour les victimes de violence sexuelle, parce
que ça paraît, on est capables d'avoir objectivement un rapport psychiatrique
qui démontre comment elles ont été atteintes. Les victimes de voies de fait à
la sortie d'un bar, il y a 20 ans, pas certain que... et ça va créer des
attentes peut-être démesurées parce que... en tout cas, à moins que vous
vouliez ouvrir une porte qui vous coûterait extrêmement cher, il ne faudrait
pas, à ce moment-là, que l'aide soit rétroactive. On ne pourrait pas
dire : L'indemnité de remplacement du revenu ou toute indemnité que vous
allez déterminer, que, ah, bien, l'acte s'est produit il y a 20 ans, bien,
voilà, on retourne 20 ans en arrière puis on vous verse l'indemnité.
Alors, si on n'agit qu'à partir du moment
où la personne dépose sa demande, ce qui serait... en toute logique, là, ce qui
devrait être fait, bien là, pour certaines victimes, ils vont considérer que...
malgré tout, même si vous avez voulu tellement les aider, ils vont se
considérer : Oui, mais vous n'avez pas reconnu que, depuis 20 ans, je
vis ça, moi. Alors...
M. Tanguay
: O.K. Je
trouve ça intéressant. Donc, la... si d'aventure on allait vers
l'imprescriptibilité, comme solution de repli... parce qu'évidemment ils ont de
la suite dans les idées, l'Association des juristes progressistes allait
chercher le <début...
M. Gardner (Daniel) :
...les aider, ils vont se considérer : Oui, mais vous n'avez pas reconnu
que, depuis 20 ans, je vis ça, moi. Alors...
M. Tanguay
:
O.K.
Je trouve ça intéressant. Donc, la... si d'aventure, on allait vers
l'imprescriptibilité, comme solution de repli... parce qu'évidemment ils ont de
la suite dans les idées, l'Association des juristes progressistes allait
chercher le >début de 2926.1, le fameux article sur la
prescription : «L'acte en réparation d'un préjudice corporel résultant
d'un acte pouvant constituer une infraction criminelle se prescrit par 10 ans.»
Donc, s'il n'y a pas la majeure imprescriptibilité, seriez-vous plus ouvert
avec la prescription «préjudice corporel», «infraction criminelle» de 10 ans?
M. Gardner (Daniel) : Il y a
une logique de base, à mon avis, qui fasse que l'État, et c'est ça qui ne
marchait pas dans le régime actuel, l'État ne pouvait pas se cacher
derrière un délai plus court pour demander une indemnité que ne le fait un
responsable devant les tribunaux ordinaires. Alors, déjà, d'égaliser, c'est le
minimum qu'on devait faire.
Si on va plus loin, et je... donc, dans ma
logique, il serait plus acceptable que ce soit l'État qui assume, comment dire,
le coût de ça, hein, le fait que ça soit imprévisible, le nombre de demandes,
que les particuliers, que les héritiers des particuliers ayant commis un acte
criminel, parce qu'un jour ça va bien arriver, ça. Avec l'imprescriptibilité en
droit commun, bien, ce n'est pas tant le criminel qui va en répondre que ses
héritiers, qui vont l'apprendre après son décès, d'ailleurs. Donc, l'État,
lui, il est capable, parce que ce n'est pas vous qui répondez personnellement,
c'est l'État. Donc, je ne jetterai pas de hauts cris si on portait la règle à
10 ans.
Dans mon ouvrage sur le préjudice
corporel, je propose d'ailleurs que... Le droit français, c'est 10 ans
pour tous les cas de préjudices corporels devant les tribunaux ordinaires, puis
c'est ce que je propose, moi, dans mon livre, pour tous les types d'accidents. Je
ne peux pas aller à l'encontre de ce que j'écris, n'est-ce pas?
M. Tanguay
: Ah! c'est
bon. Et, en plus, la nature du projet de loi no° 84 et l'analogie ou l'extension
que l'on pourrait faire est quasi parfaite, parce qu'on parle de préjudice
corporel pour un acte pouvant constituer une infraction criminelle. Alors là,
philosophiquement, là, on est en lien pas mal là-dessus.
Autre élément, le temps nous bouscule, 20
dit «l'impossibilité d'agir». Les juristes progressistes nous proposeraient «pour
motif valable». Donc, l'incapacité d'avoir soulevé ça, quel est votre
positionnement sur cela?
• (11 heures) •
M. Gardner (Daniel) : Oui. Je
suis contre, et ils ne m'aimeront pas quand je vais dire ça. Toute règle de
droit aussi imprécise que la notion de l'impossibilité d'agir, elle le devient
encore plus quand on multiplie les termes employés. Alors, retournez dans la
Loi sur l'assurance automobile, ça fait trois fois qu'on change d'idée. Ça
a commencé par être des «circonstances exceptionnelles», des «circonstances
particulières», de «l'impossibilité en fait d'agir». Puis, à chaque fois, bien,
ça crée des termes que les tribunaux doivent interpréter puis en se
disant : Le législateur n'écrivant pas pour ne rien dire, qu'est-ce qui
voulait dire, en ne parlant pas d'«impossibilité en fait d'agir»? Puis là,
bien, on se lance dans l'incertitude juridique, et ça, ça prend du temps avant
que ça soit réglé, puis je ne suis pas sûr qu'on rende tant service.
Moi, je trouve que la règle qui dit, là, «impossibilité
en fait d'agir», oui, mais le délai court à partir de la connaissance du lien
que vous faites avec <l'infraction criminelle. Dans la...
>
11 h (version révisée)
< M. Gardner (Daniel) :
...en ne parlant pas d'«impossibilité, en fait, d'agir.» Puis là, bien, on se
lance dans l'incertitude juridique, et ça, ça prend du temps avant que ça soit
réglé, puis je ne suis pas sûr qu'on rend tant service. Moi, je trouve que la
règle qui dit, là, «impossibilité, en fait, d'agir», oui, mais le délai court à
partir de la connaissance du lien que vous faites avec >l'infraction
criminelle. Bon, dans la majorité des cas, on n'a même plus besoin de cette
règle d'«impossibilité, en fait, d'agir». C'est : Je n'ai pas pu faire le
lien immédiatement entre les agressions sexuelles que j'ai subies et le fait
que, maintenant, je ne sois pas fonctionnel dans la société. Bien, c'est venu
quand j'ai consulté un psy, cinq ans après l'infraction. Bien, c'est là
que le délai commence à courir. Donc, je n'ai pas besoin d'«impossibilité, en
fait, d'agir», là, à ce moment-là. Tout est sur le point de départ.
M. Tanguay
: Merci.
Merci beaucoup. Deux questions rapides. L'article 16, qui commence
par : «Aucune personne victime n'a droit à une aide financière en vertu du
présent titre si...» et là on défile, sur une page et demie, les exceptions, donc
c'est-à-dire les éléments où on ne pourra pas avoir d'aide financière, on nous
a dit : Cet article-là est difficile de compréhension, touffu. Comment
va-t-il être interprété? Vous, quelle est votre lecture de l'article 16
sur sa rédaction globale, là, son économie? Trouvez-vous que ça tient la route
tel que rédigé?
M. Gardner (Daniel) : O.K. Alors
là, je vais faire semblant que je m'en souviens bien du texte de
l'article 16. Mais ce que je veux vous dire, c'est qu'il faut... et ce
n'est pas le cas. Alors, ce qu'il faut faire, c'est absolument qu'il y ait des
alinéas particuliers pour bien définir quand est-ce que le régime passe avant
et quand est-ce que qui passe après. Puis il y a des choses fondamentales. Il
faut qu'on envoie les victimes d'accident... d'actes criminels au travail. Il
faut qu'on les envoie à la CNESST, division accidents du travail. Il faut qu'on
envoie les victimes, victimes de ce qu'on appelle les criminels de la route, à
la Société de l'assurance automobile. Il doit y avoir une règle de premier
payeur, là, qui s'applique, là. Le régime le plus particulier, il doit
répondre.
Le régime dont on est en train de
discuter, le projet de loi n° 84, c'est un
régime de solidarité qui doit être là en repli. Ça pourrait même aller, à mon
avis, jusqu'à empêcher les assureurs privés de mettre la clause usuelle qu'ils
ont dans leur contrat d'assurance, qu'ils disent : Tu as une assurance
invalidité, tu nous paies une prime de tant par année, oui, mais, si tu touches
une indemnisation de l'IVAC, nous autres, on arrête de te payer.
M. Tanguay
: Bien, on
le voit, dans le domaine des assurances, ça se fait déjà, là...
M. Gardner (Daniel) : Ça
s'explique pour les accidents d'automobile, parce que c'est un régime
d'assurance, l'assurance automobile, mais ça ne s'explique pas pour la LIVAC,
parce que l'assureur au Québec, là, il fait plus d'argent que l'assureur
ontarien là-dessus, là.
M. Tanguay
: Dernière
question, M. Gardner, puis je vous remercie, parce que je n'aurai pas le
temps de le faire. Somme forfaitaire, des normes d'indemnisation, des barèmes, avez-vous
un exemple, à l'étranger ou ailleurs dans une autre province, où il y avait de
telles normes d'indemnisation entre des barèmes, objectifs?
Le Président (M.
Bachand) : Rapidement, Pr Gardner, parce que le temps est
écoulé.
M. Gardner (Daniel) : Bon,
pas rien qui va pouvoir vous intéresser. C'est assez rapide, hein?
M. Tanguay
: O.K. C'est
clair. Merci, M. Gardner, professeur.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de
Sherbrooke, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Merci, M. Gardner. Vous nous amenez sur plein de pistes
intéressantes, notamment, en comparant avec d'autres régimes ailleurs dans le
monde. Puis j'ai beaucoup apprécié vos propos aussi sur <la question de...
Le Président (M.
Bachand) :
Merci. Je cède maintenant la parole à la
députée de Sherbrooke, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci,
M. le Président. Merci, M. Gardner. Vous nous amenez sur plein de
pistes intéressantes, notamment, en comparant avec d'autres régimes ailleurs
dans le monde. Puis j'ai beaucoup apprécié vos propos aussi sur >la
question de l'accompagnement spécifique, là, qui est nécessaire pour les crimes
d'agression sexuelle et conjugale. C'est sûr que le projet de loi, il a été
rédigé avant le dépôt du rapport, mais maintenant qu'il est déposé, j'espère
bien qu'on va pouvoir s'en inspirer pour améliorer le projet de loi, puis vous
nous avez déjà donné des pistes.
Je pense que vous avez parlé de la
question de donner plutôt un montant qui serait égal pour tout le monde, qui ne
serait pas basé sur le revenu, parce que c'est une prestation de solidarité.
Est-ce que, sur cette question-là spécifiquement, vous avez des exemples
desquels on devrait s'inspirer?
M. Gardner (Daniel) :
Bien, je vous l'ai dit, supplément pour enfant handicapé.
Mme Labrie : Bien, de
régimes similaires ailleurs dans le monde.
M. Gardner (Daniel) :
Non, pour deux raisons. Premièrement, parce qu'au Québec, on ne s'en rend pas
compte, mais on a beaucoup de régimes d'indemnisation particuliers, beaucoup
plus que dans la moyenne des pays ailleurs dans le monde, puis ça, c'est la
première raison. Donc, il n'y a pas beaucoup d'exemples au départ. Puis la
deuxième raison, c'est que, quand on en crée un, on a tendance à toujours
vouloir aller chercher un modèle qui existe déjà, puis c'est ça qu'on a fait,
nous, par l'IVAC en 1972. Alors donc, on n'a pas tendance à penser en dehors de
la boîte, parce qu'on dit : Ah! bien, il existe déjà un régime, on va
prendre déjà ce régime-là.
Là où je veux essayer de vous amener,
c'est de dire : Oui, mais, s'il n'y a pas de financement au bout du
compte, à un moment donné, la capacité de payer de l'État n'est pas infinie, là,
tu sais. Il y a 20 ans, le régime, il coûtait 47 millions; voilà
10 ans, il en coûtait 92, puis là il est rendu au-dessus de
150 millions par année. Bien, à un moment donné, il va falloir faire des
choix, puis moi, je voudrais que ces choix-là, ils soient équitables. Je ne
voudrais pas à en arriver, un jour où on dise : Le régime coûte trop cher,
il faut l'abolir. Il y a quelque chose de significatif comme économie qu'on
peut faire là. Non, j'aimerais mieux avoir un régime qui soit vendable aux
Québécois en disant : Trouvez-vous que c'est logique, équitable qu'on
aide, mais qu'on n'aide pas nécessairement les plus riches par rapport aux plus
pauvres?
Puis la PCU, là-dessus, là, vous ne
trouvez pas qu'elle nous a aidés? Moi, je n'ai pas entendu parler des gens qui
disaient : C'est écoeurant, il gagnait juste 1 500 $, puis là on
lui donne 2 000 $. Bien oui, il y a une forme de solidarité
là-dedans. L'important, c'est que ça ne soit pas à vie, c'est temporaire, qu'il
y ait une forme d'égalisation dans le malheur. Je le répète, si je suis victime
d'un acte criminel, moi, je ne trouve pas logique d'être plus indemnisé que
l'étudiant qui, lui, n'a pas mon revenu, pour le même acte criminel.
Mme Labrie : Surtout que
là c'est prévu, dans le projet de loi, que, si la personne n'avait pas de
revenu, elle n'a pas accès à cette indemnité-là.
M. Gardner (Daniel) :
Bien, elle a accès, si j'ai bien compris, là, sur la base de ce qui existe à
l'heure actuelle, 90 % du salaire minimum.
Le Président
(M. Bachand) : Merci beaucoup. Je cède la parole à la
députée de Joliette.
Mme
Hivon
:
Oui. Merci beaucoup. Vraiment très intéressant, beaucoup de suggestions. Vous
nous amenez à réfléchir autrement.
Dites-moi, hier, une victime nous
expliquait... une victime qui a été, donc, l'objet de violence sexuelle en
milieu familial pendant de nombreuses années, ensuite de violence conjugale, puis,
en fait, le rétablissement puis les difficultés <d'intégration...
Mme
Hivon
: ...
suggestions.
Vous nous amenez à réfléchir autrement.
Dites-moi, hier, une victime nous
expliquait... une victime qui a été, donc, l'objet de violence sexuelle en
milieu familial pendant de nombreuses années, ensuite de violence conjugale, puis,
en fait, le rétablissement puis les difficultés >d'intégration, par
exemple, à l'emploi sont vraiment réels. Et donc, dans cette logique-là, l'idée
d'une rente, parce qu'il y a des gens qui vont être vraiment longtemps
incapables de travailler, apparaissait encore pertinente. Mais je veux bien
voir, avez-vous, même dans ces cas-là... vous, vous nous dites : Il faut y
aller vers le forfaitaire, mais avec un montant qui tiendrait compte de ces
plus grands risques d'avoir plus de possibilités de s'intégrer à l'emploi.
M. Gardner (Daniel) : Oui.
Bien, c'est pour ça que j'avais parlé, hein, comment les règles sur la
réinsertion professionnelle sont importantes. Et puis, pour moi, ça ne fait pas
partie des choses qui sont limitées à trois ans, ça, là. Tout ce qui est aide,
réadaptation, aide à la réinsertion, ça, ça ne devrait pas être limité qu'après
trois ans, l'État dit : On ne veut plus rien savoir de ça. Les services
devraient être permanents. L'aide financière devrait être temporaire, donner le
temps à la victime de se replacer puis de l'aider à se remettre sur pied.
Maintenant, je relance mon idée. Si on crée
une sous-catégorie pour ces victimes particulièrement affectées, victimes, là,
de violence sexuelle et conjugale, faites vos calculs, demandez au Conseil du
trésor de voir combien ça coûterait d'avoir un régime qui, lui, serait plus
généreux en termes de durée, notamment, pour les indemnisations financières.
Mais ne faites pas l'erreur qui a été faite en 1993, quand on a adopté — elle
a été adoptée en troisième lecture — la Loi sur l'aide et
l'indemnisation des victimes d'actes criminels puis que ça a bloqué au Conseil
du trésor. Pourquoi? Parce qu'entre députés, tout le monde s'entendait, des
beaux principes, c'est bien beau, mais il faut voir ensuite qu'est-ce que ça
coûte. Puis ça ne fonctionnait pas, tout simplement, parce que les indemnités
étaient beaucoup trop élevées. Alors, faites des choix stratégiques puis
allez chercher ceux et celles qu'on doit aider davantage. Mais c'est sûr, il
faut le dire, dans la loi, clairement, à ce moment-là...
Mme
Hivon
: Oui,
c'est très intéressant. Puis plusieurs nous disaient hier que, de toute façon,
c'est la grande majorité des demandes, ça provient des victimes de violence
sexuelle et conjugale. C'est pour ça qu'on... beaucoup de groupes qui les
représentent aussi.
Une dernière petite question. Hier, il y a
un groupe qui nous a dit, puis vu que vous avez l'air d'un spécialiste de tous
les régimes, qu'en fait on devrait laisser le choix aux victimes d'aller vers
l'IVAC ou vers la LATMP, donc en matière de travail, quand il y a vraiment une
question d'agression sexuelle sur les lieux du travail, par exemple, de
harcèlement sexuel. Parce que, dans la loi pour le travail, il faut se tourner
vers l'employeur pour faire un dévoilement et le dire avant de pouvoir
procéder, ce qui peut mener à des situations difficiles. Qu'est-ce que vous
pensez de ça?
Le Président (M.
Bachand) : Rapidement, Pr Garner, s'il vous plaît.
M. Gardner (Daniel) : Oui.
Financièrement parlant, le régime de la LATMP est plus intéressant. Alors, tout
tient à qu'est-ce qu'on veut faire. Est-ce que l'idée, c'est de garder les
choses secrètes, qu'il y ait une vengeance, puis tout ça? En tout cas, ça a
toujours été que les régimes assurantiels financés par le créateur du risque, c'est
au créateur du risque à payer pour. Moi, je ne serais pas très chaud <avec
l'idée...
M. Gardner (Daniel) :
...
parlant, le régime de la LATMP est plus intéressant. Alors, tout
tient à qu'est-ce qu'on veut faire. Est-ce que l'idée, c'est de garder les
choses secrètes, qu'il y ait une vengeance, puis tout ça? En tout cas, ça a
toujours été que les régimes assurantiels financés par le créateur du risque,
c'est au créateur du risque à payer pour. Moi, je ne serais pas très chaud >avec
l'idée que : Ah! bien, dorénavant, ça va être l'État.
Le Président (M.
Bachand) : Bien, sur ce, Pr Gardner, merci infiniment de votre
participation à la commission, ça a été très intéressant. Sur ce, la commission
suspend ses travaux quelques instants. Merci beaucoup.
M. Gardner (Daniel) : Merci
tout le monde. Au revoir.
(Suspension de la séance à 11 h 09)
(Reprise à 11 h 10)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît. La commission reprend
ses travaux. Ça nous fait plaisir d'accueillir Me Michaël Lessard, docteur
en droit à l'Université de Toronto. Alors, Me Lessard, merci d'être avec
nous aujourd'hui. Comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation,
et, par après, nous allons échanger avec les membres de la commission. Sur ce,
la parole est à vous. Merci.
M. Michaël Lessard
M. Lessard (Michaël) :
Bonjour. Merci beaucoup de me recevoir. Donc, Michaël Lessard, je suis avocat,
doctorant en droit de l'Université de Toronto, comme ça a été dit. Merci
beaucoup de l'invitation.
On m'a invité aujourd'hui beaucoup parce
que j'ai mené des recherches sur l'admissibilité des victimes à la LIVAC, une
recherche que j'ai mise en annexe 3 de mon mémoire. Donc, mes commentaires
sur le projet de loi n° 84 vont surtout porter sur une analyse approfondie
des décisions publiques de l'IVAC, puis comment est-ce que ça nous donne des
enseignements puis des outils pour améliorer le régime d'aide, surtout sur le
point de l'admissibilité des victimes, et surtout en ce qui a trait aux
victimes de violence sexuelle et de violence conjugale. Donc, il y a plusieurs
points, plusieurs suggestions et recommandations pour améliorer le projet de
loi dans mon mémoire. Dans mon exposé, je vais me concentrer principalement sur
les trois premières, mais évidemment je prends les questions puis demandes
d'information sur toutes les autres.
Donc, les trois points, brièvement, c'est
celui d'inclure des victimes pour lesquelles l'auteur de l'acte criminel serait
déclaré non criminellement responsable. Le deuxième point, c'est celui
d'éliminer, au sein de la faute lourde, les préjugés sexistes, et le troisième
point, qui est celui de considérer la violence sexuelle au-delà de l'agression
sexuelle, donc les trois points que je développe. Le premier point, c'est
celui, puis certains autres intervenants, intervenantes l'ont déjà un peu
abordé, c'est celui de tenter de dissocier <l'aide à la...
(Visioconférence)
M. Lessard (Michaël) :
...
sexistes, et le troisième point, qui est celui de considérer la
violence sexuelle au-delà de l'agression sexuelle, donc les trois points que je
développe. Le premier point, c'est celui, puis certains autres intervenants,
intervenantes l'ont déjà un peu abordé, c'est celui de tenter de dissocier >l'aide
à la victime de l'état d'esprit de l'agresseur.
Le problème qu'on voit, c'est qu'on a un
système d'aide civiliste qui se bâtit sur des concepts criminalistes. Et, en
droit criminel, pour avoir une infraction criminelle, il nous faut ce qu'on
appelle l'actus reus, donc le geste criminel, et la mens rea, soit l'intention
coupable. Mais le problème, c'est qu'on a vu, dans le passé, beaucoup de
dossiers où l'IVAC refusait l'aide d'indemnisation à une victime qui a subi une
atteinte importante à son intégrité physique, mais tout simplement en
disant : Oui, mais l'agresseur n'avait peut-être pas d'intention coupable.
Donc, un exemple un peu plus parlant pour
les agressions sexuelles, l'actus reus, c'est trois éléments, c'est l'attouchement,
la nature sexuelle du contact puis l'absence de consentement. Donc, une fois
qu'on remplit l'actus reus, on a une invasion corporelle importante de la
victime. Mais la mens rea, c'est celle d'avoir... c'est-à-dire que l'agresseur
ait une intention de contact sexuel sachant que la victime n'a pas consenti, ce
qui fait en sorte qu'on voit des dossiers où la victime fige durant l'agression
et donc subit l'agression sexuelle, mais l'IVAC va refuser d'indemniser en
disant : Mais peut-être que l'agresseur, hypothétiquement, dans un procès
criminel, aurait pu dire qu'il ne savait pas que la victime, elle ne consentait
pas, et donc on refuse parce que ça ne correspond pas à la définition très
stricte d'une infraction criminelle.
Un autre exemple possible, bien, ça serait
celui de personnes prostituées par leur proxénète et donc, de peur d'être
battues par le proxénète, vont consentir à des actes sexuels avec des clients
et donc vont faire semblant de consentir face aux clients, même si, au sens du
droit criminel, ce n'est pas un consentement. Eh bien, s'il faut suivre la même
logique, l'IVAC dirait : Bon, ces personnes-là, certes, elles subissent
l'actus reus d'une agression sexuelle de manière si répétée chaque jour sur
plusieurs mois, sur plusieurs années, mais comme le client ne savait pas qu'il
n'y avait pas de consentement, à ce moment-là, on refuserait l'indemnisation.
Donc, il y a vraiment un problème à
faire... à lier l'aide à des victimes qui, clairement, à mon sens, ont besoin
de l'aide de l'État, de l'état d'esprit de l'agresseur. Donc, en ce sens-là,
une des recommandations, ce serait de tout simplement faire dépendre
l'indemnisation, non pas de l'infraction criminelle au sens large, mais
simplement de l'actus reus, donc du geste criminel. Donc, ça, c'est pour le
premier point.
Pour le deuxième point, c'est celui par
rapport à la faute lourde qui est, en fait, un peu deux sous-points.
Premièrement, il semble y avoir peut-être un manquement à l'article 16. L'article 16
prévoit plusieurs exceptions. Donc, l'article 16 dit que, si une personne a
contribué à son préjudice en raison de sa faute lourde, elle ne sera pas
indemnisée. Puis, pour plusieurs acteurs et actrices, il y a une exception, si
elle agit de la sorte en raison de violence ou de menaces, mais cette
exception-là n'existe pas pour les victimes, les personnes victimes <elles-mêmes...
M. Lessard (Michaël) :
...a contribué à son préjudice en raison de sa faute lourde, elle ne sera pas
indemnisée. Puis, pour plusieurs acteurs et actrices, il y a une exception, si
elle agit de la sorte en raison de violence ou de menaces, mais cette
exception-là n'existe pas pour les victimes, les personnes victimes >elles-mêmes,
ce qui fait en sorte que le libellé est très curieux.
Puis je comprends que ce n'est sûrement
pas l'intention législative, mais le libellé suggère que, si on a, encore une
fois, une victime d'agression sexuelle qui se fait empoigner par l'agresseur,
qui se fait menacer d'un couteau et qui cesse, par exemple, de se débattre pour
conserver sa vie, bien là, on arriverait à un scénario... Le libellé semble
suggérer que l'IVAC doit refuser, parce que l'IVAC dit : Ah! bien,
l'exception pour les menaces ou l'exception pour la violence ne s'applique pas.
Donc, il faudrait étendre l'exception pour les violences et les menaces à tout
le monde et surtout aux personnes victimes.
Un deuxième point, c'est que le même type
de logique peut s'appliquer de manière un peu plus subtile et pernicieuse dans
le contexte de victimes de violence conjugale. Donc, on a vu déjà des dossiers
où l'IVAC refusait l'indemnisation en disant que la victime, choisissant de
rester avec un conjoint violent, a contribué à ses propres blessures. Et donc
on blâme la victime pour, au fond, la violence de son conjoint. Et ça, ça vient
nier toute une connaissance qu'on a développée puis une littérature de plus en
plus importante sur les mécanismes du cycle de la violence, donc la
manipulation que les victimes... dont les victimes peuvent subir. Donc,
souvent, on voit que le conjoint commet une violence, s'excuse, dit : Ah!
bien, c'est simplement... Je suis simplement esclave de mes impulsions, je ne
recommencerai pas. Il recommence, il s'excuse encore une fois. Et donc il y a
tout un cycle, un mécanisme de manipulation qui est ignoré lorsque l'IVAC blâme
la victime pour être demeurée avec leur conjoint.
Et il y a d'autres moments où ce n'est peut-être
pas une manipulation, mais une crainte réelle que quitter le conjoint
déclencherait un acte de violence encore plus grand. Puis tristement,
l'actualité des derniers mois nous a rappelé que ça peut aller jusqu'à des
meurtres. Et donc une victime qui craint pour sa sécurité ou pour celle de ses
enfants pourrait, de manière tout à fait raisonnable, rester avec son conjoint,
mais il n'y a pas lieu de la blâmer pour ça. En fin de compte, elle essaie de
protéger sa sécurité le plus qu'elle peut. Donc, la suggestion, ça serait
d'abolir la notion de faute lourde dans le contexte de violence conjugale et de
violence sexuelle, une suggestion qu'on a aussi vue dans le rapport
Corte-Desrosiers. Puis, selon le rapport, c'est aussi une suggestion que le Barreau
proposait quant à l'IVAC.
Et le troisième point, qui est un peu plus
court, c'est celui qu'on a vu que les délais de demande étaient supprimés en ce
qui a trait aux victimes d'agression à caractère sexuel. Or, quand on se limite
à l'agression, on oublie toutes sortes d'autres violences sexuelles qui ne sont
pas des agressions au sens du droit criminel, mais qui pourraient... pour
lesquelles les victimes pourraient bénéficier d'un délai de demande plus grand.
Donc, je pense à une séquestration à des fins sexuelles, mais qui ne se solde
pas par une agression, un harcèlement criminel sexuel, publication non
consentie d'images intimes, etc. Toutes ces victimes-là pourraient vivre de la
honte, un manque de soutien, une peur de représailles, et qui <feraient
en sorte...
M. Lessard (Michaël) :
...pour lesquelles les victimes pourraient bénéficier d'un délai de demande
plus grand. Donc, je pense à une séquestration à des fins sexuelles, mais qui
ne se solde pas par une agression, un harcèlement criminel sexuel, publication
non consentie d'images intimes, etc. Toutes ces victimes-là pourraient vivre de
la honte, un manque de soutien, une peur de représailles, et qui >feraient
en sorte qu'il me semble que, moralement, on devrait leur permettre aussi de
bénéficier d'un délai de demande qui soit plus long ou, dans le cas qui nous
occupe, soit supprimé. Donc, on pourrait remplacer la notion d'agression par
simplement celle de violence à caractère sexuel. Et je crois que, pour bien
aider les victimes, on pourrait aussi rapporter ce changement-là à
l'article 2926.1 du Code civil qui porte sur l'imprescriptibilité des
actions civiles dans le contexte... d'actions civiles dues à des gestes
criminels. Donc, c'est ce qui complète brièvement pour mon exposé, puis j'ai
bien hâte d'entendre vos questions et interventions.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Me Lessard. Je cède maintenant
la parole au ministre. M. le ministre, à vous.
M. Jolin-Barrette : Oui, merci,
M. le Président. Bonjour, Me Lessard. Merci de participer aux travaux de
la commission. Donc, on a entendu des groupes, hier, qui nous ont dit
sensiblement la même chose que vous relativement à la faute lourde en matière
de geste à caractère sexuel, à l'effet que, bon, on devrait venir nommément
l'indiquer, faire une exception à la loi. Donc, j'ai bien pris note de ça,
hier, comme suggestion.
Cela étant déjà, là, à l'IVAC
actuellement, il y a une directive qui fait en sorte que ce n'est pas invoqué,
dans le fond. Alors, vous, même s'il y a une directive actuellement qui est en
vigueur, puis l'IVAC ne l'invoque pas, vous souhaiteriez qu'on l'inscrive noir
sur blanc dans la loi?
• (11 h 20) •
M. Lessard (Michaël) : Exact,
mais déjà il n'est pas clair de savoir si la directive va survivre au
changement de régime. De ce que je comprends, la direction de l'IVAC va changer
de ministère, puis je ne sais pas si elle va être reformée en bureau. Donc, la
première crainte, ça serait que les directives soient effacées puis prennent un
certain temps avant d'être adoptées. Puis ensuite il me semble vraiment plus
bénéfique de, tout simplement, rassurer tout le monde et mettre directement
dans la loi l'exception aux fins des violences sexuelles. Et puis le problème
aussi, c'est que la directive ne s'étend pas aux violences conjugales qui sont
aussi des situations pour lesquelles il n'y aurait pas lieu de blâmer les
victimes.
M. Jolin-Barrette : O.K. En
réponse à votre question aussi, là, sur votre intervention, dans le fond, désormais,
la direction d'Indemnisation des victimes d'actes criminels... Bien, en fait,
le ministère de la Justice va rapatrier la gestion, service à la clientèle, que
je peux dire. Auparavant, c'était à la CNESST, donc à la direction
d'indemnisation. Et, bon, il y a certaines lacunes organisationnelles qui ont
été décrites par plusieurs bénéficiaires du régime.
Donc, moi, mon souci, c'est d'assurer un
service à la clientèle qui est beaucoup plus humain, qui est beaucoup plus
adéquat. Et c'est notamment pour cette raison-là qu'on veut s'assurer que le ministère
de la Justice soit le ministère responsable qui est <chargé donc...
M. Jolin-Barrette :
...organisationnelles
qui ont été décrites par plusieurs bénéficiaires du régime.
Donc, moi, mon souci, c'est d'assurer
un service à la clientèle qui est beaucoup plus humain, qui est beaucoup plus
adéquat. Et c'est notamment pour cette raison-là qu'on veut s'assurer que le
ministère
de la Justice soit le ministère responsable qui est >chargé... donc on
pourra avoir des discussions avec la Direction de l'indemnisation des victimes
d'actes criminels. Mais, pour nous, c'est sûr qu'on a pris acte des critiques
qu'il y avait, par de nombreuses victimes, relativement au traitement. Et il y
a certaines récriminations qui sont tout à fait justifiées, relativement à la
flexibilité et au service, surtout lorsqu'on est une personne victime. On ne
veut pas avoir, comme dans Astérix et Obélix, à faire la maison des fous à
chacun des étages avec tel ou tel formulaire. Donc, c'est pour ça aussi qu'on
veut simplifier les formulaires puis qu'on donne de l'aide aussi pour remplir
les formulaires. Alors, ça, c'est notre souhait.
Je veux revenir, là, sur votre
proposition, à 2926.1, là, relativement aux agressions à caractère sexuel. Nous,
on l'entend par les violences sexuelles, mais vous nous dites : Vous
devriez aller plus loin que ça et être plus spécifique dans les termes.
M. Lessard (Michaël) : Oui,
exact. Bien, ce qu'on voit, c'est que la notion d'agression dans les contextes
qui nous occupent est facilement assimilée par les juristes à celle d'agression
sexuelle au sens du droit criminel. Donc, ça oublie toutes sortes d'autres
violences sexuelles, puis là on parlait, par exemple, de harcèlement sexuel, de
séquestration. Un des avantages de la disposition que vous venez de nommer,
c'est qu'on inclut aussi les violences durant l'enfance. Mais sinon on pourrait
... c'est-à-dire que, si on mettait ça de côté, on voit que, dans le terme «agression
sexuelle», on oublie aussi tout ce qui est production de pornographie juvénile,
tout ce qui est leurre, incitation à contact, etc.
Donc, la notion de violence sexuelle est vraiment
plus large puis... Bon, présentement, ce qui nous sauve, c'est qu'on a aussi un
peu la même considération pour les enfants, mais, par rapport aux adultes,
encore une fois, séquestration, harcèlement sexuel ou publication non consentie
d'images intimes, c'est toutes des violences pour lesquelles il me semble que
le délai de trois ans qu'on voit, dans le projet de loi n° 84, est trop
court.
M. Jolin-Barrette : Mais ce
n'est pas «agression sexuelle», c'est «agression à caractère sexuel», d'où la
distinction aussi. Donc, pour moi, ça le couvre, là, mais je retiens votre
suggestion, puis on va réfléchir à tout ça. Sur la question des délais, là, auparavant,
on était à un an, on est passé à deux ans en 2013. Là, on amène, avec la
prescription générale, à trois ans, on abolit également la prescription. Qu'est-ce
que vous pensez de tout ça?
M. Lessard (Michaël) : Oui.
Juste pour un dernier point sur «agression», là, pour que ce soit plus clair,
bien, la notion d'agression sous-entend un contact physique. Donc, à ce moment-là, il y a d'autres... Les éléments
que je nommais, comme publication non consentie d'images intimes puis
harcèlement sexuel, je suis d'accord avec vous que c'est des termes de violence
puis que c'est agressif, mais il n'y a pas le contact. Après, je comprends que
le temps est limité, donc on peut toujours poursuivre les discussions puis
avoir les compléments d'information <là-dessus...
M. Lessard (Michaël) :
Les éléments que je nommais, comme publication non consentie d'images intimes
puis harcèlement sexuel, je suis d'accord avec vous que c'est des termes de
violence puis que c'est agressif, mais
il n'y a pas le contact. Après, je
comprends que le temps est limité, donc on peut toujours poursuivre les
discussions puis avoir les compléments d'information >là-dessus.
Pour ce qui est de l'extension du délai,
moi, je trouve ça tout à fait louable. Je crois que ce qui serait le plus intéressant,
ça serait de se coller au délai qu'on voit dans le Code civil, donc la
prescriptibilité pour les recours qu'on vient de parler puis sinon un 10 ans
pour le reste des recours. Il semble difficile de comprendre pourquoi on ferait
une distinction entre l'IVAC puis entre les actions civiles. Il me semble que,
si le raisonnement, à la base, de l'extension du délai, c'est de se dire :
Ah! mais une victime, ça a besoin de beaucoup de temps avant de passer à
l'action puis, surtout, à passer à une action qui soit bureaucratique, donc
soit au travers des tribunaux ou l'IVAC...
À ce moment-là, si on détermine que 10 ans,
c'est un temps raisonnable, il faudrait que ça soit 10 ans partout, peu
importe que ça soit une action civile, peu importe que ça soit avec l'IVAC.
M. Jolin-Barrette : O.K., parfait.
Sur la question, ici, de la reconnaissance des personnes victimes,
l'élargissement de cette notion, dans le fond, que ça ne soit pas uniquement la
victime directe, mais plutôt tout le noyau familial, l'élargissement, les aides
qu'on souhaite offrir également à l'ensemble du noyau familial, qu'est-ce que
vous en pensez?
M. Lessard (Michaël) : Bien,
je trouve que c'est souhaitable, le mettre comme vous l'avez mis dans la loi.
Il y a peut-être quelques ajustements qui pourraient être faits. Déjà, on voit
que beaucoup de victimes passent, bon, beaucoup d'argent puis de temps devant
les tribunaux pour essayer de faire élargir la définition. Donc, ce qu'on voit
présentement, c'est très souhaitable.
J'ai vu beaucoup de critiques, par
exemple, par rapport à la notion de «scène intacte» qui est, peut-être, trop
limitée, là, au sens où une victime, c'est-à-dire une personne qui serait
témoin d'un acte en arrivant sur les lieux, serait indemnisée si elle arrive avant
les premiers répondants, mais pas si elle arrive après les premiers répondants.
Donc, il y aurait lieu de savoir si... Est-ce que, vraiment, au niveau de
l'atteinte psychologique que ces personnes-là vivent, s'il y a vraiment une
distinction? Donc, peut-être quelques petits ajustements, mais pour l'ensemble,
en effet, il y a un pas dans la bonne direction.
M. Jolin-Barrette : Mais
prenons ce cas-là précisément, parce que certains ont critiqué le projet de loi
malgré le fait qu'on leur a expliqué, mais je vous donne cet élément de réponse
là. Parce que, exemple, la personne qui arrive sur les lieux va être considérée
comme une personne victime également, non pas comme la personne elle-même qui a
subi l'infraction, parce que ce n'est pas elle, la victime sur laquelle on a
commis l'infraction criminelle. Mais, avec l'élargissement que nous faisons
dans le cadre du projet de loi, la personne va être considérée comme une
personne victime également, mais en fonction d'une certaine catégorie, comme un
proche, comme une personne significative, comme un parent.
Aussi, je donne l'exemple : Auparavant,
vous n'étiez pas considéré comme une victime, si le meurtre de votre enfant
mineur survenait, parce que ce n'était pas l'autre parent qui l'avait fait <à
votre encontre...
M. Jolin-Barrette :
...également,
mais en fonction d'une certaine catégorie, comme un proche, comme une personne
significative, comme un parent.
Aussi, je donne l'exemple :
Auparavant, vous n'étiez pas considéré comme une victime, si le meurtre de
votre enfant mineur survenait, parce que ce n'était pas l'autre parent qui
l'avait fait >à votre encontre. Donc, on a fait des ajustements,
justement, pour élargir le plus possible. Alors, certains prétendent certaines
choses, mais je pense que ce n'est pas exact, ce qu'ils disent aussi. Je
voulais juste rectifier tout ça. Je ne fais pas référence à vos propos, Me
Lessard, mais à d'autres personnes qu'on entendra cet après-midi.
Écoutez, Me Lessard, merci beaucoup pour
votre témoignage en commission parlementaire. Je sais que j'ai des collègues
qui souhaitent poser des questions, alors je leur cède la parole. Merci encore.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, M. le ministre. M. le député de Chapleau,
vous avez la parole.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui,
merci, M. le Président. Bonjour, Me Lessard. Michaël, j'en profite pour te
souhaiter un joyeux anniversaire, une belle journée pour faire de la
commission.
Donc, autre chose plus sérieuse maintenant.
J'aimerais peut-être vous entendre sur la principale avancée qui est permise
dans ce projet de loi là. Qu'est-ce qui, dans ce projet de loi, vous trouvez
qui est le plus positif? On ira à l'inverse ensuite.
M. Lessard (Michaël) : Oui, bien,
le plus positif, c'est clairement l'avancée sur l'admissibilité des victimes.
On en a listé quelques-unes, là, qui sont encore exclues du régime, puis c'est
très déplorable, là, on pense, encore une fois, à la pornographie juvénile,
etc. Donc, au niveau de l'admissibilité, c'est là où il y a la plus grande
avancée, mais je pense que... Bien, je vais profiter de la question pour,
justement, souligner que ce qu'on voit dans le projet de loi, c'est vraiment
quatre volets.
Un volet qui est le premier titre sur
l'aide non financière, donc l'aide que les victimes peuvent avoir,
l'accompagnement, les compléments d'information face aux corps policiers, au
système de justice, par exemple. Un volet sur l'admissibilité, celui qui est le
plus avancé selon moi. Un volet sur le calcul, ensuite, de l'aide financière,
puis un quatrième volet que les autres intervenants, intervenantes ont beaucoup
souligné, c'est l'aspect humain, donc diminuer la lourdeur bureaucratique. Donc,
ça, je trouve que c'est intéressant aussi. Puis peut-être, sur cet aspect-là,
il pourrait aussi être intéressant d'imaginer de donner des formations aux
préposés sur les mythes relatifs à la violence conjugale, à la violence
sexuelle.
Donc, il y a ces quatre volets-là. L'admissibilité,
clairement, est le plus fort pour moi, mais il ne faut pas négliger les trois
autres volets aussi.
M. Lévesque (Chapleau) : O.K.
Puis sur l'admissibilité, justement, je sais que vous en avez parlé, là,
beaucoup, y aurait-tu d'autres éléments que vous aimeriez ajouter, que vous
n'avez pas pu nécessairement aborder, juste pour nous éclairer dans nos
travaux?
• (11 h 30) •
M. Lessard (Michaël) : Oui.
Donc, il y a quelques éléments qui relèvent plus de l'ajustement, là, dans mon
mémoire. Deux éléments que je trouve intéressants, c'est celui par rapport à
l'obligation de coordination, c'est-à-dire que les victimes doivent coopérer
avec... En fait, la loi, à cet égard-là, est plus ou moins claire, là, mais
elle doit coopérer avec les personnes qui sont chargées de l'application de la
loi. Donc, est-ce que c'est seulement la direction de l'IVAC ou est-ce que ça
doit être aussi les corps policiers et donc peut-être dénoncer à la police?
Est-ce que ça doit être avec les procureurs de la couronne? Donc, à cet <égard-là,
il pourrait être intéressant de...
>
11 h 30 (version révisée)
< M. Lessard (Michaël) :
...en fait, la loi, à cet égard-là, est plus ou moins claire, là, mais elle
doit coopérer avec les personnes qui sont chargées de l'application de la loi.
Donc, est-ce que c'est seulement la direction de l'IVAC ou est-ce que ça doit
être aussi les corps policiers et donc peut-être dénoncer à la police? Est-ce
que ça doit être avec les procureurs de la couronne? Donc, à cet >égard-là,
il pourrait être intéressant de mettre, au moins, une condition qui dise que
l'obligation de coopération ne sera pas imposée, si ça va à l'encontre du
processus de guérison de la victime.
M. Lévesque (Chapleau) : Ou de
la volonté.
M. Lessard (Michaël) : Exact,
ou ça peut être de la volonté. Donc, on peut comprendre, puis surtout dans un
projet de loi qui vise à favoriser le rétablissement des victimes, que ça
puisse être délétère pour une victime de rapidement devoir aller témoigner à la
police de ce qu'elle a vécu, surtout si on parle de proches autour d'elle. Donc,
ça, ça pourrait jouer sur l'admissibilité, une victime qui se dit : Mais
moi, je subis un grand préjudice, mais... Par exemple, on peut penser à une
victime d'inceste, mais qui dit : Mais je ne voudrais pas aller témoigner
contre mon père ou je ne veux pas aller passer devant plusieurs policiers pour
raconter cette histoire-là. Peut-être qu'elle ne va pas appliquer à
l'indemnisation ou à l'aide financière que l'IVAC pourrait lui accorder. Ça
fait que ça, c'est un problème, mais qui est facilement ajustable.
Puis un autre élément que je trouve
intéressant, c'est celle de la proposition de l'Association des juristes
progressistes d'aussi tenir en compte d'autres types de violence sexuelle et de
violence conjugale. Là, le problème qu'on a devant nous, c'est qu'on a un
projet de loi...
M. Lévesque (Chapleau) :
Iriez-vous dans ce sens-là, justement? Ils nous proposaient d'ajouter, de tenir
en compte certains actes puis certains gestes à caractère sexuel pour les
ajouter dans les... pas nécessairement les infractions, là, mais la possibilité
pour l'indemnisation, vous iriez dans le même sens que ces derniers?
M. Lessard (Michaël) : Oui,
oui, tout à fait, parce que là, ce qu'on est en train de voir, c'est que
l'Assemblée nationale adopte un projet de loi dont une partie est, en quelque
sorte, si on veut, déléguée au Parlement du Canada, parce qu'on est tributaire
de ce qui est adopté ou non comme infraction criminelle, alors qu'il y a des violences...
Dans le contexte de la violence sexuelle, je pense beaucoup au harcèlement
sexuel, mais qui n'atteint pas le niveau du harcèlement criminel, ou, dans le
contexte de la violence conjugale, on a tout ce qui est violence psychologique,
contrôle coercitif, contrôle financier.
Donc, ce sont tous des exemples qui...
puis en fait, si... l'avenir nous le dira, là, mais peut-être que d'ici
quelques dizaines d'années, ça va être adopté comme infraction criminelle. Il y
a déjà des projets de loi, à cet égard, au Parlement du Canada, mais on
pourrait, en fait, aller prendre les devants, puis aller un peu plus loin, puis
dire : Bien, regardez, les victimes de ce type de violence sexuelle là et
violence conjugale ont besoin de l'aide de l'État puis on ne va pas attendre
que le Parlement du Canada prendre une décision là-dessus.
M. Lévesque (Chapleau) :
Agisse, prenne acte. O.K. rapidement, là, une petite dernière question, là. Vous
avez parlé de lourdeur puis... administrative et bureaucratique, notamment, en
lien avec les victimes qui se présentent à l'IVAC puis les agents qui ont
quelques problématiques à ce niveau-là. Il y a plusieurs intervenants qui sont
venus nous en parler, ils ont parlé, notamment, de la question de la formation.
Y a-tu d'autres points que vous ajouteriez ou proposeriez pour améliorer,
justement, ce fameux service à la clientèle ou cette lourdeur bureaucratique?
M. Lessard (Michaël) : Donc,
je n'en vois pas d'autres que ces deux <points-là...
M. Lévesque (Chapleau) : ...qui
ont quelques problématiques à ce niveau-là. Il y a plusieurs intervenants qui
sont venus nous en parler, ils ont parlé, notamment, de la question de la
formation. Y a-tu d'autres points que vous ajouteriez ou proposeriez pour
améliorer, justement, ce fameux service à la clientèle ou cette lourdeur
bureaucratique?
M. Lessard (Michaël) :
Donc, je n'en vois pas d'autres que ces deux >points-là, mais je pense
que celui de la formation est assez important, parce que souvent, quand on veut
faire une formation, disons, à un groupe de préposés, ce qu'on va faire, c'est
une formation de trois heures à chaque deux ans ou quelque chose de beaucoup
trop minime pour que ça ait un impact réel sur le traitement des dossiers. Donc,
il faudrait penser à une formation qui permette aussi un certain suivi, puis
qui s'assure qu'on ne reproduise pas les erreurs du passé, puis qui, en fin de
compte, n'oblige pas les victimes à aller en révision ou à aller devant le
Tribunal administratif du Québec pour faire d'autres demandes, etc., ce qui,
dans le fond, impose aussi un autre coût à l'État, si les premières décisions
sont problématiques puis doivent être ensuite révisées et corrigées.
M. Lévesque (Chapleau) :
Parfait, merci beaucoup. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le député. Écoutez,
il reste 1 min 30 s, M. le député de Saint-Jean.
M. Lemieux : Oui, j'arrive. Merci
beaucoup, M. le Président. 1 min 30 s, on n'ira pas bien loin,
mais je voulais faire un peu de perspective contextuelle avec vous, Me Lessard,
parce que je vous écoutais, et c'était très précis dans un projet de loi très
touffu, qui arrive des dizaines d'années après qu'on ait installé ça. Diriez-vous
que la direction qu'on prend ou, en tout cas, que le projet de loi est en train
de nous donner, de nous en aller vers des services plutôt que vers des indemnisations,
qui était essentiellement le but de l'exercice il y a 50 années, pas juste
dans l'air du temps, mais est-ce que c'est la voie, au-delà de ce que chacun va
réclamer, là, la voie que tout le monde devrait réclamer, au bout du compte,
avec des détails puis des aménagements, bien sûr, là?
Le Président (M.
Bachand) :Rapidement, Me Lessard, s'il
vous plaît.
M. Lessard (Michaël) : Oui.
Donc, oui, je pense qu'on est sur la bonne voie. Je pense que c'est la même
critique qu'on porte aussi au système de justice criminelle, c'est-à-dire qu'il
n'y a pas réellement d'accompagnement des victimes, puis qu'on ne puisse pas,
justement, les aider à se rétablir. Ensuite, comme le disait le Pr Gardner
avant, le diable est dans les détails, donc il va falloir savoir
complètement... Ça serait déplorable si, en fait, la victime avait de bons
outils psychologiques, mais n'était pas capable de se rétablir en raison de
besoins financiers. Là, je comprends que ce n'est pas le souhait, mais il faut
aussi avancer sur les deux plans de manière égale. Mais, oui, c'est un pas dans
la bonne direction.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Me Lessard. M. le député de
LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup, M. le Président. Alors, bon matin, Me Lessard. Merci beaucoup
d'être disponible et de répondre à nos questions. Puis bravo et merci pour
votre mémoire et également le texte que vous aviez écrit, là, en 2019. Ça va
évidemment nourrir notre réflexion.
J'ai beaucoup de petits points techniques
et je vais essayer d'y aller en rafale avec vous. Premier point, la mens rea,
vous en avez parlé, ce que l'on constate, et corrigez-moi si j'ai <tort...
M. Tanguay
: ...
évidemment
nourrir notre réflexion.
J'ai beaucoup de petits points
techniques et je vais essayer d'y aller en rafale avec vous. Premier point, la
mens rea, vous en avez parlé, ce que l'on constate, et corrigez-moi si j'ai
>tort, l'importance, puis c'est comme ça que je reçois votre
commentaire, pour nous, d'exclure le facteur de mens rea de façon spécifique
viendrait nous assurer que l'IVAC et le TAQ, en le disant clairement,
empêcheraient... ne pourraient plus, selon leur interprétation, empêcher le
cheminement de dossiers sur cette notion-là. Donc, on peut se dire, comme
législateurs : Ah bien! il va sans dire. Mais, quand on le dit clairement
et qu'on l'exclut, bien là, les interprétations contradictoires seront... la
porte sera fermée. C'est ce à quoi vous nous invitez.
M. Lessard (Michaël) :
Exact. Tout à fait, puis j'imagine que, si on demandait aux parlementaires des
années 70, si, bien, ils voulaient vraiment exclure, là, les victimes de
tous les exemples que j'ai donnés, ils auraient dit : Bien, évidemment que
non, on ne voulait pas les exclure. Mais après, une fois qu'on adopte un projet
de loi, vous n'êtes pas sans savoir qu'ensuite, c'est les juristes et les
tribunaux qui vont le fouiller de manière très ciblée, parfois de manière trop
textuelle, sans nécessairement regarder l'intention législative derrière.
Donc, le mieux, évidemment, c'est de
s'assurer d'avoir un projet de loi qui soit le plus béton possible, puis je
pense qu'on a proposé des solutions assez intéressantes à cet égard-là, surtout
la proposition de retirer... en fait, de faire une exception pour tout ce qui
est un événement fortuit, donc tout ce qui est de la teneur d'un accident. Donc,
à ce moment-là, on cible complètement les gestes criminels.
M. Tanguay
: Tout
à fait. Deuxième point, faute lourde, je vous avoue que votre argument, étayé
dans la note de votre page 17, est assez clair. La raison pour laquelle,
et puis c'est un argument de texte, nous devrions retirer «faute lourde» de
l'article 16, vous faites l'analogie avec 1474 du Code civil où on définit
une faute lourde comme étant... comme participant de l'insouciance, de
l'imprudence et de la négligence grossière. Or, «faute lourde» dans un contexte
de violence sexuelle où il y a un contexte de violence et de menaces, et que
vous participez à l'acte criminel, qu'on considère que vous avez participé à
l'acte criminel en l'assimilant à de l'insouciance, imprudence et négligence
grossière, bien, quand vous êtes sous la menace puis de la violence, ça ne participe
pas de la faute lourde. Donc, déjà là, l'argument de texte est assez
dévastateur, puis je vous en remercie, puis je vous salue là-dessus. À moins
que vous n'ayez un commentaire plus spécifique là-dessus, j'aurais d'autres
points.
M. Lessard (Michaël) :
Bien, peut-être, rapidement, il y a deux éléments. Moi, je suis tout à fait
d'accord avec votre analyse de la faute lourde. La seule crainte, c'est que, si
on met des exceptions pour les violences et les menaces pour toutes les autres
personnes, est-ce que les tribunaux ne vont pas de dire : Ah bien!
l'Assemblée nationale a décidé de changer la définition de la faute lourde et
donc de considérer certains éléments comme de l'insouciance. Donc, il y a ce
danger-là, au niveau du texte. Peut-être que le plus <simple...
M. Lessard (Michaël) :
La seule crainte, c'est que, si on met des exceptions pour les violences
et les menaces pour toutes les autres personnes, est-ce que les tribunaux ne
vont pas de dire : Ah bien! l'Assemblée nationale a décidé de changer la
définition de la faute lourde et donc de considérer certains éléments comme de
l'insouciance. Donc, il y a ce danger-là, au niveau du texte. Peut-être que le
plus >simple, ça serait d'enlever la mention de menace ou de violence partout.
Ça, c'est une chose.
Puis l'autre chose, encore une fois,
rapidement, c'est que, bon, une fois qu'on a fait ça et qu'on a enlevé les
mentions de menace puis de violence, le problème c'est que, si on se réfère
juste à la notion d'insouciance, on a plusieurs exemples où les tribunaux, malheureusement,
ont considéré que des victimes de violence conjugale ou de violence sexuelle
ont commis de l'insouciance. Et donc, ici, c'est vraiment une question de blâme
moral. Selon moi, on ne peut pas les blâmer pour... enfin, pour les raisons que
j'ai expliquées, pour ces situations-là, mais on voit que les tribunaux le font.
Donc, à ce moment-là, peut-être clairement le mettre dans la loi, dire :
Bien, regardez, la faute lourde, ça ne s'applique pas comme la directive de la
direction de l'IVAC l'a fait pour la violence sexuelle et pour la violence
conjugale. Puis, à ce moment-là, on a un projet de loi, encore une fois, qui
est béton.
• (11 h 40) •
M. Tanguay
: Tout à
fait, tout à fait. J'aimerais revenir avec vous sur... et vous nous invitez à
faire cette modification législative là qui serait très substantielle, puis je
salue cette suggestion-là, on fera le débat en article par article, mais passer
de la notion d'agression à violence, tant dans le contexte du projet de loi
n° 84 que dans le contexte de l'article d'imprescriptibilité, 2926.1.
«Violence», selon l'état du droit québécois,
à l'heure où on se parle, pouvez-vous nous référer des définitions, de la
jurisprudence? À quoi pourriez-vous nous inviter... À quel document
pourriez-vous nous... porter notre attention?
M. Lessard (Michaël) : Oui.
Donc, dans le contexte de violence... Bien, en fait, puis je me permets une petite
parenthèse pour commencer, là, par rapport à la violence conjugale, il y a une
définition intéressante dans la Loi sur le divorce, la nouvelle Loi sur le
divorce qui n'est pas encore en vigueur, dans la définition de violence
familiale. Donc, ça, il y a quelque chose de bien travaillé puis intéressant
pour s'inspirer.
Pour ce qui est des violences sexuelles,
la loi la plus intéressante pour moi, c'est la loi-cadre qui vise à lutter
contre les violences sexuelles dans le contexte de l'enseignement supérieur. Et
donc, dans cette loi-là, on va vraiment parler de violence et non d'agression. Et
puis évidemment on vise à couvrir aussi des situations où on aurait, par
exemple, un professeur qui fait du harcèlement sexuel sur une étudiante, qui
peut en faire sur plusieurs années, mais qui ne passe jamais à faire un acte
physique, donc à l'attouchement. Donc, l'idée, justement.... puis, dans cette
loi-là, on le définit bien que violence s'étend plus loin que la notion
d'agression à caractère sexuel.
M. Tanguay
: Vous
faites référence à la loi... projet de loi n° 151, si ma mémoire est bonne.
M. Lessard (Michaël) : C'est
possible. Je ne l'ai pas près de moi, mais oui...
M. Tanguay
: 151. Notre
collègue Hélène David...
M. Lessard (Michaël) : Vous
avez une meilleure mémoire que moi.
M. Tanguay
: Peut-être,
parce que je l'ai lu, il y a un mois. Rapidement, obligation de <coopération...
M. Tanguay
: ...151,
si ma mémoire est bonne.
M. Lessard (Michaël) :
C'est possible. Je ne l'ai pas près de moi, mais oui...
M. Tanguay
: 151.
Notre collègue Hélène David...
M. Lessard (Michaël) :
Vous avez une meilleure mémoire que moi.
M. Tanguay
:
Peut-être, parce que je l'ai lu, il y a un mois. Rapidement, obligation de >coopération.
O.K. Obligation de coopération, j'y vais puis j'aimerais vous entendre là-dessus,
selon la même logique. Quand vous retirez ou que vous dites clairement, dans
une loi, ou que vous retirez une expression dans une loi, c'est clair, il n'y a
pas place à l'interprétation.
Vous avez des préoccupations quant à
l'article 7, l'obligation de coopération, dans un contexte où ça pourrait
aller à l'encontre du processus de guérison d'une personne, comme celui de
témoigner, entre autres, des violences subies dans le cadre... Et ça, ça
s'applique même à l'exercice de la subrogation. Alors, moi, je vois les
concepts qui se marient bien.
Je vais essayer de vous poser ma question
le plus clairement possible, vous nous invitez à baliser l'obligation de
coopération dans la mesure où ça ne va pas à l'encontre du processus de
guérison. Si on fait ça, je me fais un peu l'avocat du diable, ça va être sujet
à interprétation. Il y aura tantôt des décisions heureuses, tantôt des
décisions malheureuses : Je considère que vous avez l'obligation, madame,
de coopérer, parce que, moi, je considère que ça ne va pas à l'encontre de
votre processus de guérison. Ne devrions-nous pas, donc, pour éviter ça,
retirer carrément cette obligation de coopération? Je vous pose la question.
M. Lessard (Michaël) : Oui,
bien, vous avez raison, là. C'est sûr qu'après, la question, c'est aussi de
savoir qui est-ce qui va prendre la décision, qui qui va pouvoir interpréter.
Puis dans le cas... Souvent, en fait, il y a certaines obligations de
coopération qui sont nécessaires pour recevoir l'aide financière, là, donc ça
peut être à la discrétion de la direction, puis on pourrait, en effet, se
retrouver face à des situations fâcheuses.
Donc, je vous ai donné un peu l'idéal
comme proposition, c'est-à-dire de baliser autour du processus de guérison,
mais évidemment, le monde n'étant pas parfait, peut-être que le plus simple, ça
serait soit de dire que l'obligation est conditionnelle à la volonté de la
victime ou soit simplement d'enlever l'obligation de coopération, parce qu'en
effet on pourrait s'entraîner dans plusieurs débats, on pourrait forcer des
victimes à faire ce qu'elles ne veulent pas faire. On pourrait, plus
dangereusement, repousser des victimes qui auraient peur d'être obligées, mais
qui ont vraiment besoin de l'aide de l'État. Donc, il y a toutes sortes de
situations déplorables. Puis après, ça ajoute aussi un coût à l'État, s'il y a
une contestation qui s'en va devant le tribunal administratif, révision
judiciaire, etc. Donc là, pour les victimes qui auraient peut-être plus de
soutien juridique, il y aurait aussi un coût pour l'État, là.
M. Tanguay
: Et je vais
toucher l'autre point, mais on va... L'exercice de subrogation, effectivement,
poursuivons la réflexion, on dit : l'exercice de subrogation devrait être subsidiaire,
ne contrevient pas au processus de guérison, comme celui de témoigner des
violences subies. Alors, voyez-vous qu'on pourrait être, dans le cas du devoir
de coopération, dans la situation assez particulière où, comme victime, je
devrais aller témoigner du fait que je ne veux pas <aller...
M. Tanguay
: ...devrait
être subsidiaire, ne contrevient pas au processus de guérison, comme celui de
témoigner des violences subies. Alors, voyez-vous qu'on pourrait être, dans le
cas du devoir de coopération, dans la situation assez particulière où, comme
victime, je devrais aller témoigner du fait que je ne veux pas >aller
témoigner, je devrais témoigner du fait que, oui, ça participe de mon processus
de guérison, c'est majeur, puis que ça me stresse, puis que ça m'empêche de
guérir totalement, et que là, donc, ça ajoute des délais, ça ajoute du stress,
mais je devrais témoigner pour ne pas pouvoir aller témoigner plus tard dans un
autre contexte? Il y aurait peut-être ça aussi qui serait une incongruité.
J'aimerais... Il me reste une minute. Je
regarde M. le président, il sourit encore, alors c'est bon signe. Les crimes
perpétrés à l'extérieur du Québec, ça, c'est un point important. Vous soulevez,
recommandation 14 : faites en sorte de ne pas exclure les employés de
l'État, les étudiants, les travailleurs humanitaires parce qu'ils ne respectent
pas la fameuse règle du 183 jours. Ça, je voulais vous entendre là-dessus.
C'est parce que je trouve ça intéressant.
M. Lessard (Michaël) : Exact,
puis c'est intéressant aussi que l'exercice a déjà été fait dans, disons, le
dessein du régime d'assurance maladie. C'est qu'il y a un peu la même
exception, bien, c'est-à-dire un peu les mêmes dispositions au sens où, après
183 jours, l'assurance maladie va être retirée, mais il y a des exceptions
pour tout ce qui est étudiant qui va à l'étranger, bon, fonctionnaire, employé
de l'État, personne en mission humanitaire, et donc je crois qu'il y aurait
lieu de s'inspirer de ces exceptions-là pour le régime.
Puis on peut penser à des cas qui nous
frapperaient de voir des refus. Par exemple, si j'allais étudier... Bien, en
fait, je vais me prendre comme exemple, là.
M. Tanguay
: Vous
l'avez fait.
M. Lessard (Michaël) : J'ai
étudié à l'Université de Toronto. Bon, là, présentement, je suis revenu au
Québec, mais, s'il n'y avait pas eu la pandémie, j'aurais sûrement fait plus
que 183 jours à l'Université de Toronto. Si, à la dernière année de mon
doctorat, je subis quelque chose à Toronto, je subis des voies de fait puis que
je reviens ici, bien, je veux dire, à toutes fins pratiques, je suis quand même
un Québécois. Je reviens quand même vivre au Québec, je suis parti
temporairement aux fins des études, mais je n'ai pas l'intention d'appartenir à
une autre juridiction. Donc, je ne vois pas pourquoi, surtout dans une optique
de solidarité sociale, pourquoi il faudrait m'exclure du régime...
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup.
M. Tanguay
:
Merci, Me Lessard.
Le Président (M. Bachand) :
Merci, M. le député de LaFontaine. Mme la députée de Sherbrooke, s'il vous
plaît.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Merci, M. Lessard, pour votre présentation. J'ai apprécié la
distinction que vous avez faite, là, entre la question d'agression, de violence
sexuelle. Je pense que c'est éclairant pour certains de mes collègues autour de
la table. J'aime aussi l'invitation que vous nous faites à faire preuve
d'autonomie pour identifier les actes qui ne sont pas nécessairement criminels,
mais qui devraient être indemnisés. On n'a effectivement pas nécessairement
besoin d'être à la remorque du fédéral pour ça. C'est intéressant que vous nous
y invitiez.
Pour la question de l'obligation de
coopération, j'essaie de résumer, disons, vos propos. Est-ce que le plan A
serait de retirer complètement cette notion-là du projet de loi, de
l'obligation de coopérer, puis le plan B serait de <préciser...
Mme Labrie : ...
mais
qui devraient être indemnisés. On n'a effectivement pas nécessairement besoin
d'être à la remorque du fédéral pour ça. C'est intéressant que vous nous y
invitiez.
Pour la question de l'obligation de
coopération, j'essaie de résumer, disons, vos propos. Est-ce que le plan A
serait de retirer complètement cette notion-là du projet de loi, de
l'obligation de coopérer, puis le plan B serait de >préciser au moins
que, si ça nuit au rétablissement de la victime, elle n'y est pas tenue? Si on
faisait ça, est-ce qu'il faudrait quand même essayer de définir davantage de
quel genre de coopération on parle, avec qui, dans quel contexte?
M. Lessard (Michaël) : Oui,
bien, c'est une bonne question. Je pense que le... par rapport à l'article 7,
justement, ce serait plus intéressant de définir de qui on parle exactement.
Puis moi, j'en ai débattu avec beaucoup de collègues, à savoir est-ce que les
personnes qui sont chargées de l'application de la loi, on parle du projet de
loi qu'on étudie présentement ou est-ce qu'on parle de la loi en général, donc
les services de police, etc.? Donc, des précisions pourraient être intéressantes.
C'est sûr que le plus simple, ça serait simplement de retirer l'obligation de
coopération puis l'obligation de dénoncer dans un État étranger aussi.
Par contre, je comprends qu'il y a aussi
des obligations de coopération quand on demande à la victime d'aller passer
certains tests pour évaluer son état de santé. Donc, à ce moment-là, il serait
difficile de comprendre qu'on puisse retirer complètement ces dispositions-là, parce
que, dans ce contexte-là, on a besoin d'évaluer l'état de santé pour évaluer l'aide
financière, du moins, de ce que je comprends pour l'instant, évidemment, sous
réserve de lire les règlements.
Mais ce qui pourrait être fait dans ces articles-là,
que peut-être qui serait plus difficile à enlever, ce serait de bien baliser, justement,
une période de guérison, qui pourrait être protégée pour ne pas pousser trop rapidement
les victimes puis, en fin de compte, aller à l'encontre de l'objectif du projet
de loi, qui est de favoriser leur rétablissement puis de les aider.
Mme Labrie : Je vous remercie.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette, s'il
vous plaît.
• (11 h 50) •
Mme
Hivon
: Oui,
bonjour. Merci beaucoup. Moi, je suis exactement à la même place que vous, je
pense qu'il faudrait parler de violence sexuelle et vraiment s'éloigner de la
notion d'agression sexuelle, dans le vocabulaire et dans la réalité de ce que
c'est aussi. C'est quelque chose de fondamental.
L'autre chose que je veux bien comprendre
concrètement, quand vous nous dites de ne pas se coller juste à ce qui est
prévu au Code criminel, encore une fois, je vous suis très bien. Donc, ce que
vous proposez, c'est que la base serait les infractions, pour ne pas aller
revisiter tout ce qu'il y a dans le Code criminel, serait ce qui est prévu au
Code criminel, mais on ajouterait certaines rubriques. Est-ce que j'ai bien
compris?
M. Lessard (Michaël) : Oui,
voilà. Moi, j'adopte la proposition de l'Association des juristes
progressistes, qui est peut-être un peu plus détaillée dans leur mémoire que
dans le mien, mais essentiellement, c'est ça, c'est que le régime de base
serait sur, en fait, l'actus reus des infractions criminelles, puis ensuite, si
on ne rentre pas dans une infraction criminelle, on tomberait dans une
évaluation supplétive, qui serait ensuite sur une définition plus large de la
violence conjugale, de la violence sexuelle.
Donc, au fond, ce n'est pas... tu sais, il
ne faudrait pas l'expliquer comme étant <deux...
M. Lessard (Michaël) :
...
en fait, l'actus reus des infractions criminelles, puis ensuite, si
on ne rentre pas dans une infraction criminelle, on tomberait dans une
évaluation supplétive, qui serait ensuite sur une définition plus large de la
violence conjugale, de la violence sexuelle.
Donc, au fond, ce n'est pas... tu sais,
il ne faudrait pas l'expliquer comme étant >deux régimes, là, peut-être
que c'est un terme trop gros, mais c'est vraiment une évaluation qui se fait en
deux étapes. Maintenant, elle se fait juste en une étape. Est-ce qu'on rentre
dans une infraction au criminel? Puis là la deuxième étape, ça serait, bon,
sinon subsidiairement, est-ce qu'à ce moment-là on rentre dans une autre
définition de violence qui porte atteinte à l'intégrité physique ou
psychologique d'une personne sans être criminalisée.
Mme
Hivon
:
Parce qu'il y a quelque chose qui est ressorti beaucoup de nos travaux avec le
comité d'experts, c'est toute la notion de violence psychologique dans le
contexte de violence conjugale qui, malheureusement, n'est pas reconnue. Donc,
avec l'approche que vous proposez, ça pourrait être formellement reconnu.
M. Lessard (Michaël) :
Exact, tout à fait. Puis, si j'ai bien compris l'intention derrière le projet
de loi n° 84, c'est justement d'aider rapidement des victimes qui ont des
besoins psychologiques importants. Donc, justement, si on pouvait aller les
aider, bon, ça, ça serait bénéfique, surtout... parce que la violence
psychologique est difficile à retracer, mais il y a aussi d'autres mécanismes
qui s'enclenchent. Donc, on pourrait, par exemple, leur donner une aide pour
déménager, quitter leur conjoint. Donc, il y a de l'aide au déménagement qui
est prévue dans le projet de loi n° 84, mais présentement, l'aide au
déménagement, elle est juste donnée si on a subi, disons, une infraction
criminelle violente aussi, donc, au sens strict, mais elle n'est pas donnée à
une victime de violence psychologique alors qu'elle devrait bénéficier de la
même aide. On devrait vouloir lui permettre de quitter son conjoint puis
favoriser son rétablissement.
Mme
Hivon
:
Merci, c'est très clair. Est-ce qu'il me reste encore quelques secondes, M. le
Président?
Le Président (M.
Bachand) : Deux secondes.
Mme
Hivon
:
...
Le Président (M.
Bachand) :Allez-y.
Mme
Hivon
:
O.K. Bien, j'aurais aimé juste vous entendre, parce que tantôt vous sembliez
dire qu'il faut vraiment se concentrer sur l'actus reus. Là, je comprends, mais
vous sembliez dire que, dans l'état actuel des choses, des fois, on va essayer
de chercher est-ce qu'il y a eu consentement dans une agression sexuelle avant
d'offrir l'aide. Et je suis vraiment surprise d'entendre ça, parce que je
pensais qu'en matière d'agressions sexuelles l'IVAC avait une interprétation
large et non restrictive, mais vous donnez un son de cloche divergent
là-dessus.
Le Président (M.
Bachand) : Me Lessard, rapidement, s'il vous plaît.
M. Lessard (Michaël) :
Oui. Donc, exact, on a vu plusieurs décisions sur la question puis... En fait,
moi, j'ai étudié les décisions publiques, toutes les décisions qui sont prises
par la direction de l'IVAC et qui ne sont pas... qui ne vont pas devant les
tribunaux, elles sont confidentielles. Donc, à ce moment-là, tout ce que j'ai
vu, c'est la pointe de l'iceberg. Puis, à ce moment-là, il y a quand même eu
beaucoup trop de décisions qui entretiennent cette logique-là et qui font
dépendre l'aide de l'état d'esprit de l'agresseur.
Le Président (M.
Bachand) : Sur ce, Me Lessard, merci infiniment d'avoir
participé, en cette journée de votre anniversaire de naissance, aux travaux de
la commission.
Cela dit, la commission suspend ses
travaux jusqu'à 14 heures. Merci infiniment, tout le monde.
<(Suspension de la séance à
11 h 54)
Le Président (M.
Bachand) : ...aux travaux de la commission.
Cela dit, la commission suspend ses
travaux jusqu'à 14 heures. Merci infiniment, tout le monde.
>
(Suspension de la séance à
11 h 54)
14 h (version révisée)
(Reprise à 14 h 01)
Le Président
(M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous
plaît! Bon début d'après-midi. La commission reprend ses travaux.
Donc, nous poursuivons les consultations particulières
et auditions publiques sur le projet de loi n°84, Loi visant à
aider les personnes victimes d'infractions criminelles et à favoriser leur
rétablissement.
Cet après-midi, nous allons
entendre les personnes et groupes suivants : la Direction générale
de l'indemnisation des victimes d'actes criminels, l'association des familles assassinées
ou disparues, Me Madeleine Lemieux, l'Association
québécoise Plaidoyer-Victimes. Et nous débutons d'abord avec
Me Marc Bellemare. Me Bellemare, bienvenue dans la commission.
Alors, comme vous connaissez les règles,
donc on a 10 minutes de présentation de votre part, et après ça nous
aurons un échange avec les membres de la commission. Cela dit, merci d'être
avec nous aujourd'hui, et je vous cède la parole pour 10 minutes. Merci,
Me Bellemare.
M. Marc Bellemare
(Visioconférence)
M. Bellemare (Marc) :
Merci. Alors, j'ai déjà transmis mes observations écrites au secrétariat de la
commission. Je vais vous lire un court texte, après, on procédera aux
questions.
Alors, M. le Président, M. le ministre,
Mmes et MM. les députés, depuis plus de 50 ans... près de 50 ans
plutôt, 1972, la Loi sur l'IVAC garantit à toutes les personnes victimes
d'actes criminels au Québec, qu'elles aient ou non un emploi au moment du crime,
trois choses : premièrement, des traitements psychologiques sans limites
de temps; deuxièmement, une indemnité de remplacement de revenu jamais
inférieure au salaire minimum, sans limite de temps également tant que durera
l'incapacité à travailler sa vie durant, s'il le faut; et troisièmement, une
rente à vie correspondant aux séquelles permanentes résultant de l'agression.
Avec son projet de loi n° 84,
le ministre de la Justice poussera à la faillite et à l'aide sociale des
milliers de victimes d'actes criminels et leurs familles. En effet, le projet
de loi abolit le remplacement de revenu pour les victimes sans emploi lors de
l'agression. On parle ici des chômeurs, des femmes au foyer, des étudiants et
des retraités. Le projet de loi n° 84 limite le soutien à ces victimes,
donc les sans-emploi au moment de l'agression — ils ne l'ont pas
choisi, bien évidemment — au simple remboursement de frais de
traitement pour une somme et une durée inconnues. Il promet une somme
forfaitaire globale, dont l'importance <est également...
M. Bellemare
(Marc) :
...l
e projet de loi
n° 84 limite le soutien à ces victimes, donc les sans-emploi au moment de
l'agression — ils ne l'ont pas choisi, bien évidemment — au
simple remboursement de frais de traitement pour une somme et une durée
inconnues. Il promet une somme forfaitaire globale, dont l'importance >est
également inconnue, des années plus tard, à la fin des
traitements, une fois que la faillite sera consommée.
Les autres victimes, celles
qui ont eu la chance d'avoir un emploi au moment de l'agression, certainement
une minorité, verront 90 % de leur revenu remplacé pour une période
maximale de trois ans. C'est, à mon sens, une hérésie, un recul sans précédent
dans l'histoire du droit social québécois. En plus de jeter à la rue d'autres
milliers de victimes toujours inaptes au travail après trois ans, ce projet de
loi ignoble et régressif causera maintes disparités et injustices.
Ainsi, je prends l'exemple de cette
serveuse de restaurant, âgée de 30 ans, qui gagne 30 000 $
annuellement et qui est victime d'un acte criminel. Si notre serveuse est
agressée au travail — elle a 30 ans — elle verra son revenu
remplacé par la CNESST pendant 38 ans, si l'incapacité perdure, bien sûr,
jusqu'à l'âge de 68 ans. Si, par contre, elle est blessée par un chauffard en
retournant chez elle après le travail, c'est la Société de l'assurance
automobile qui va remplacer son revenu également, parce qu'à ce moment-là elle
sera une victime de la route, également jusqu'à l'âge de 68 ans,
potentiellement, donc, pendant 38 ans.
Si, malheureusement, elle n'est pas
agressée au travail ou sur la route, mais qu'elle est agressée chez elle, à
domicile le soir, elle n'aura droit ni à la CNESST ni à la SAAQ. Elle vivra
dans l'indigence du projet de loi no° 84, et M. le ministre de la Justice
cessera de remplacer son revenu après trois ans, même si elle est toujours
invalide à tout emploi. Quant à la notion même de victime, le projet de loi no°
84 l'élargit, au sens sémantique, certes, aux proches, aux conjoints et aux
enfants. Toutefois, pour eux, le statut de victime est une coquille vide,
puisque ces derniers n'auront pas droit au remplacement de revenu, parce qu'ils
ne figurent pas parmi les victimes admissibles à l'article 36 du projet de
loi.
J'estime qu'il vaut mieux conserver la
définition actuelle de victime, plus simple, contenue à l'article 3a de la Loi
sur l'IVAC, une définition largement et généreusement interprétée par le
Tribunal administratif du Québec et par les tribunaux civils à ce jour. Même
chose pour la notion de faute lourde qui, à mon avis, mérite d'être maintenue.
Elle fait l'objet d'une jurisprudence stable, constante, jurisprudence qui sera
écartée au profit de toutes les nouvelles définitions de faute lourde amenées
par le projet de loi no° 84, <à l'article 16...
M. Bellemare (Marc) : ...
pour
la notion de faute lourde qui, à mon avis, mérite d'être maintenue. Elle fait
l'objet d'une jurisprudence stable, constante, jurisprudence qui sera écartée
au profit de toutes les nouvelles définitions de faute lourde amenées par le
projet de loi no° 84, >à l'article 16, lesquelles prendront
cinq, 10 ans, peut-être davantage, avant d'être interprétées durablement
par les tribunaux. La loi actuelle de l'IVAC, qui est simple, une trentaine
d'articles seulement, connue, et elle est d'interprétation stable, ça a pris 50 ans
pour écrire ça.
La première chose dont les victimes
d'actes criminels ont besoin, c'est de stabilité quant à leurs droits et aux
indemnités qu'elles recevront. Ce mauvais projet de loi les projette dans
l'incertitude et dans l'inconnu par une multitude de nouvelles définitions, de
nouveaux concepts inconnus qui mériteront d'être interprétés, mais pendant
combien de temps avant qu'on sache exactement où on s'en va avec cette loi. Les
seules certitudes, dans ce projet de loi, sont dans les reculs immenses qu'il
contient, surtout quant au remplacement de leur revenu à long terme. Le ministre
de la Justice en rajoute en promettant 40 millions par année pendant cinq
ans, ce qui est, à mon sens, absolument et mathématiquement impossible, compte
tenu des reculs financiers précités. Cet argent, s'il existe, n'ira
certainement pas dans les poches des victimes. Il s'agit d'un autre leurre,
d'une autre utopie.
M. le ministre, retirez ce projet de loi
ignoble et, plutôt, améliorez les droits des victimes plutôt que de les
détruire. Pour y arriver, je vous demande de procéder à une vraie consultation
sur le projet de loi, parce que rencontrer des victimes, ce n'est pas une
consultation. Une vraie consultation, c'est une consultation sur le projet de
loi qui donne le temps aux partenaires de se préparer sur la base d'un document
précis. Je vous demande d'amender simplement la loi actuelle, encore bien
meilleure que le projet de loi n° 84. Ajoutez, bien sûr, les victimes hors
Québec, ce qui est une bonne chose, et les autres victimes qui ne sont pas
visées actuellement par la loi. Un amendement de deux lignes suffirait,
immensément plus simple que le cauchemar que vous annoncez. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :...Me Bellemare. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Bonjour, Me Bellemare. Merci d'être avec nous pour
participer aux travaux de la commission.
D'entrée de jeu, Me Bellemare, outre
les points que vous avez soulignés à la fin, qui étaient une bonne chose pour
les crimes hors Québec, est-ce qu'il y a autre chose que vous trouvez de
positif dans le projet de loi? Parce que vous semblez avoir une analyse
réductrice du projet de loi qui a été travaillé par des juristes, par des gens
au gouvernement du Québec et par beaucoup de gens qui semblent dire que ça
représente des avancées significatives, <le projet de loi...
M. Jolin-Barrette :
...Québec,
est-ce qu'il y a autre chose que vous trouvez de positif dans le
projet
de loi? Parce que vous semblez avoir une analyse réductrice du
projet de
loi qui a été travaillé par des juristes, par des gens au
gouvernement
du Québec et par beaucoup de gens qui semblent dire que ça représente des
avancées significatives, >le projet de loi n° 84. Alors, j'aimerais
vous entendre, est-ce qu'il y a d'autres éléments positifs dans le projet de
loi n° 84?
• (14 h 10) •
M. Bellemare (Marc) : Bien, je
ne sais pas de qui vous parlez par rapport aux juristes, parce qu'il y a
beaucoup de juristes, effectivement, au ministère de la Justice. Il y en a
aussi qui sont à votre service, au Procureur général, qu'on affronte
quotidiennement dans nos débats devant les tribunaux et qui contestent
systématiquement les réclamations des victimes. Alors, si c'est eux qui ont
rédigé le projet de loi, puis je le soupçonne, bien, c'est bien sûr que ça fait
leur affaire, je n'en doute pas une seconde. Sauf que, parmi tous les avocats
que je connais de longue date, parce que ça fait 42 ans que je fais ce
travail-là, sauf une courte année sur le siège que vous occupez, il n'y a
personne qui est d'accord avec le projet de loi. Alors, ceux qui vivent avec les
victimes et qui savent quelle est la portée de la loi actuelle, qui connaissent
la jurisprudence, ne sont pas satisfaits du projet de loi et ils voient des
reculs.
Maintenant, ce que je dis, c'est que la
définition de victime qui est présente à l'heure actuelle et qui fait l'objet,
surtout depuis 2013, d'une jurisprudence positive de la part du Tribunal
administratif du Québec et des tribunaux civils, la Cour supérieure notamment,
cette définition-là mérite d'être conservée, c'est-à-dire une victime est une
personne qui a été blessée directement ou à l'occasion d'un acte criminel. Ça
suffit, on a tout là-dedans. C'est une notion très précise, très large. On
n'est pas obligé d'avoir une définition de victime d'une page et demie pour
comprendre et on a de la jurisprudence aussi qui interprète favorablement cette
définition-là.
Alors, on peut amender la définition
actuelle en précisant que la victime qui aurait été victime d'un homicide,
parce que je pense que ça serait suffisant, à l'extérieur du Québec, serait
considérée comme une victime en vertu de cette définition-là, comme on peut
prévoir l'abolition de l'annexe, ce qui est déjà le cas dans votre projet de
loi, en prévoyant que tous les crimes sont admissibles. Et il y a déjà beaucoup
de crimes qui sont admissibles, hein? Il y en a quelques-uns qui vont être
ajoutés, parce que le Code criminel prévoit d'autres crimes, mais il y a déjà
beaucoup de crimes... Vous savez, les agressions sexuelles sont acceptées, les
homicides, les tentatives de meurtre, les voies de fait. Bon, il y en a
quelques autres qu'il faut ajouter, mais on n'a pas besoin d'un projet de loi
de 190 articles pour le faire.
M. Jolin-Barrette : C'est
tout de même ironique, M. le Président, parce que, savez-vous, on en a
rencontré des victimes, on a rencontré des groupes de victimes, tout le monde
demandait l'abolition de la liste des infractions pour que ce soit l'ensemble
des infractions contre la personne qui soient couvertes. C'est ce qu'on a fait.
Avec la proposition que Me Bellemare nous fait quand il dit : Ah! mais les
homicides commis à l'étranger, c'est correct ça, ça, c'est correct, par contre,
pour les victimes d'agression sexuelle à l'étranger, ça, il ne faudrait pas faire
de modification avec ça. Est-ce que c'est ça que j'entends de la part de Me
Bellemare?
M. Bellemare (Marc) : Pas
nécessairement.
M. Jolin-Barrette : Non,
mais, M. le Président, soyons honnêtes, M. le Président, on se retrouve dans
une situation où c'est une réforme qui est globale. Je comprends que ça ne fait
pas <le plaisir de...
M. Jolin-Barrette :
...mais
les homicides commis à l'étranger, c'est correct ça, ça, c'est
correct, par contre, pour les victimes d'agression sexuelle à l'étranger, ça,
il ne faudrait pas faire de modification avec ça. Est-ce que c'est ça que
j'entends de la part de Me Bellemare?
M. Bellemare (Marc) : Pas
nécessairement.
M. Jolin-Barrette :
Non, mais, M. le Président, soyons honnêtes, M. le Président, on se retrouve
dans une situation où c'est une réforme qui est globale. Je comprends que ça ne
fait pas >le plaisir de Me Bellemare...
Le Président (M.
Bachand) : Juste un instant, M. le ministre, Me Bellemare.
Je vous rappelle qu'on est en visioconférence, il y a toujours un petit délai.
Alors, pour les gens qui participent à la commission puis les gens qui nous
écoutent, je vous demanderais quand même de faire attention à vos propos, de
un, et de laisser la personne poser la question et l'autre personne y répondre.
M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Alors, M.
le Président, écoutez, de connaissance générale, je crois que Me Bellemare
a demandé à de multiples reprises de réformer la loi, même à l'époque où lui-même
était ministre de la Justice. Et on se retrouve dans des situations où il est
vrai que le projet de loi n'est peut-être pas complètement parfait. On
travaille à l'intérieur de certains paramètres. Et, lorsque Me Bellemare
nous dit : Écoutez, on doute du 200 millions, bien, je peux vous dire
que, quand je suis passé au Conseil du trésor, lorsque le Conseil des ministres
a entériné 200 millions supplémentaires... Je n'ai pas besoin d'expliquer
à Me Bellemare comment les processus de l'État québécois fonctionnent.
Alors, je trouve extrêmement malheureux, extrêmement
malheureux qu'un ancien ministre de la Justice mette en doute autant le rôle
des juristes de l'État qui travaillent, autant le rôle aussi de la fonction, parce
que je pense que tous les parlementaires sont animés par le désir de faire en
sorte d'offrir davantage de soutien aux victimes, et c'est précisément ce qu'il
a fait. Et, quand je lis des lettres ouvertes ou des lettres qui me sont
communiquées pour dire : Écoutez, j'aurai seulement 10 minutes, en commission
parlementaire, pour témoigner, alors que c'est faux, c'est 45 minutes, je
crois qu'il faut apporter certaines nuances. Et, Me Bellemare, j'aurais
cru que vous auriez apporté les nuances appropriées.
Et je comprends qu'il y a certaines
mesures, dans le projet de loi, que vous êtes en désaccord, mais vous devez tout
de même reconnaître qu'il y a des avancées significatives, notamment sur la
notion de victime pour la cellule familiale, qui fait en sorte qu'il va y avoir
du soutien psychologique, davantage de ressources qui vont être données, qu'on
met en place un programme d'urgence pour les victimes, qu'on va faire en sorte
d'amener du soutien où il n'y en avait pas actuellement. Êtes-vous en mesure de
reconnaître ce que fait le projet de loi pour les victimes d'infractions
criminelles?
M. Bellemare (Marc) : Le problème
dans le projet de loi que vous apportez... puis je ne crois pas un mot de ce
que vous dites quand vous dites que vous allez mettre 200 millions parce
que...
Le Président (M.
Bachand) : Me Bellemare, vous connaissez quand même les
règles, on ne peut pas mettre en doute ce qu'un parlementaire a dit. Alors, je
vous demanderais d'être extrêmement...
M. Bellemare (Marc) : ...
Le Président (M.
Bachand) :Me Bellemare, je vous dis:
Faites juste attention dans vos propos. On est en commission parlementaire au
Parlement de Québec, s'il vous plaît. Allez-y.
M. Bellemare (Marc) : ...alors
je vous répète que ce que le ministre dit, quand il dit qu'il va mettre
200 millions, c'est mathématiquement impossible. Alors, il peut bien dire
ce qu'il voudra aujourd'hui, il peut bien faire les communiqués de presse qu'il
voudra aujourd'hui, c'est impossible. S'il y a 40 millions qui vont être
affectés dans les budgets de l'État, ça va bien être à la baisse et non pas à
la hausse, parce que, quand tu coupes toutes les indemnités pour incapacité
totale <temporaire...
M. Bellemare (Marc) : ...
c'est
mathématiquement impossible. Alors, il peut bien dire ce qu'il voudra
aujourd'hui,
il peut bien faire les communiqués de presse qu'il voudra aujourd'hui, c'est
impossible. S'il y a 40 millions qui vont être affectés dans les budgets
de l'État, ça va bien être à la baisse et non pas à la hausse, parce que, quand
tu coupes toutes les indemnités pour incapacité totale >temporaire des
sans-emploi, ça représente des millions de dollars.
Dans le rapport annuel de 2019, M. le
ministre, que je vous invite à lire et à relire, il y a 65 millions pour
l'incapacité totale temporaire. Il y a des sans-emploi qui retirent ça. Il y a
des gens qui retirent des indemnités, qui étaient au travail au moment où ils
ont été agressés, qui sont payés bien au-delà de la troisième année. Alors,
vous les abandonnez, vous les jetez à la rue après trois ans. C'est
inacceptable, ça représente quand même des milliers de Québécois.
Et que vous avez beau payer les
traitements que vous voudrez au niveau psychologique, les traitements
psychologiques, c'est des remboursements de dépenses. Ce n'est pas ça qui paie
le beurre et le pain, ce n'est pas ça qui paie le loyer des victimes. Ce qui paie
le loyer des victimes, ce sont des indemnités aux deux semaines qui sont payées
et qui leur permettent de remplacer un revenu qu'ils ne peuvent pas avoir, pour
ceux qui travaillent. Alors, d'arrêter après trois ans, ça, ça vient du rapport
Lemieux qui est un rapport qui n'a jamais été suivi par vos prédécesseurs, qui
date de 2009. Il y a eu six ministres de la Justice depuis 2009, il n'y en a
aucun qui a mis de l'avant ce rapport-là. Vous sortez ça des boules à mites
pour justifier votre trois ans, alors que c'est tout à fait non fondé, c'est
contraire à la réalité. Toutes les lois du Québec prévoient des indemnités tant
que l'incapacité perdure.
Qu'est-ce que vous allez dire à la
serveuse, à 34 ans, qui est traumatisée crânien, stress post-traumatique,
qui ne peut pas gagner sa vie, et vous la lâchez après trois ans? Elle va faire
quoi, la serveuse, le mécanicien, le menuisier, le chômeur qui ne pourra plus
se trouver un emploi qu'il cherchait au moment de l'agression criminelle? C'est
inacceptable, vous ne pouvez pas ignorer ça. Et vous avez beau dire que vous
changez la définition de victime, que vous donnez des traitements
psychologiques, je vous le répète, ce sont des remboursements de dépenses. Tu
n'es pas obligé d'être sur IVAC pour avoir des psychologues non plus, là. Le gouvernement
a annoncé des gros budgets pour les psychologues, tu n'es pas obligé d'être sur
IVAC.
Alors, il y a des reculs financiers
immenses dans votre projet de loi, vous ne pouvez pas ignorer ça. Puis je
n'attaque pas les légistes du ministère de la Justice. Les légistes du ministère
de la Justice, là, que je connais bien d'ailleurs, ils font ce que vous leur
demandez de faire. C'est vous le ministre de la Justice, ce n'est pas eux
autres.
M. Jolin-Barrette : M. le
Président, savez-vous ce qui est dommage, c'est les nuances à apporter, que Me
Bellemare refuse d'apporter dans ses propos. Ce n'est pas uniquement trois ans,
ça peut aller jusqu'à cinq au niveau de l'indemnité de remplacement de revenu. C'est
dans le projet de loi. On oublie de mentionner qu'il y aura une somme
forfaitaire aussi, au lieu d'avoir une rente viagère. Ça, malheureusement, Me
Bellemare ne le dit pas non plus.
Alors, pour ce qui est du rapport Lemieux,
savez-vous quoi? Effectivement, je suis le premier ministre de la Justice à
apporter une réforme globale de l'IVAC, qui va faire en sorte qu'environ
4 000 personnes supplémentaires annuellement vont pouvoir bénéficier
d'aide et de soutien de l'État. Alors, ça, ça n'a pas été fait par mes
prédécesseurs, incluant par Me Bellemare, M. le Président. Et c'est drôle,
parce qu'au cours des années, quand on recense les déclarations de Me
Bellemare, il nous dit toujours : <Le régime de l'IVAC...
M. Jolin-Barrette :
...de l'IVAC, qui va faire en sorte qu'environ 4
000 personnes
supplémentaires annuellement vont pouvoir bénéficier d'aide et de soutien de
l'État. Alors, ça, ça n'a pas été fait par mes prédécesseurs, incluant par Me
Bellemare, M. le Président. Et c'est drôle, parce qu'au cours des années, quand
on recense les déclarations de Me Bellemare, il nous dit toujours : >Le
régime de l'IVAC doit être modernisé. Le régime de l'IVAC doit être plus
généreux. Le régime de l'IVAC doit penser davantage aux victimes, et c'est ce
qu'on fait dans le cadre du projet de loi.
Ce que je peux vous dire, M. le Président,
aujourd'hui, c'est que je ne pense pas qu'on va réussir à avoir une discussion
qui va faire en sorte... qui va nous permettre de dire : Bien, voici, dans
le projet de loi, vous devriez améliorer ceci, hein, de la façon dont il est
qualifié par Me Bellemare. J'en suis attristé, parce que je crois que Me
Bellemare peut nous apporter une expertise qui ferait en sorte de dire :
Bien, écoutez, vous devriez ajouter ceci, ajouter cela. Mais il choisit de
prendre une approche qui dit : Tout est mauvais, retirez le projet de loi,
puis il n'y a rien de bon là-dedans.
Alors, M. le Président, je n'aurai pas
d'autre question pour le témoin, mais j'en suis déçu d'avoir une telle
approche, malheureusement, puis je vais céder la parole à mes collègues.
M. Bellemare (Marc) : M. le
Président, est-ce que je peux répondre?
Le Président (M.
Bachand) : Oui, bien sûr, Me Bellemare.
M. Bellemare (Marc) : Alors, M.
le ministre me surprend beaucoup, parce que j'ai beaucoup travaillé avec M. le
ministre lorsqu'il était dans l'opposition. Il me connaît, il connaît mon
expertise. Il connaît mon engagement auprès des victimes depuis 42 ans et
il me dit qu'il aurait voulu profiter de mon expertise. Il est un peu tard, M.
le ministre. Ça aurait peut-être été bon que vous m'en parliez avant, de mon
expertise, parce que vous n'avez consulté aucun avocat spécialisé en matière
d'indemnisation. Je les connais tous. Vous avez rencontré certaines
associations pour leur demander leurs besoins, vous ne les avez pas consultées
sur le projet de loi comme tel.
Vous nous arrivez, en conférence de presse
le 10 décembre, à une semaine de Noël, avec un projet de loi d'une grande
densité, tout à fait nouveau. Il y a beaucoup de gens, même au sein de votre
ministère, qui ne savent même pas où ils s'en vont avec le projet de loi,
tellement il y a des notions nouvelles. Il y a beaucoup d'imprévus, et on nous
convoque en commission parlementaire le 19 janvier, en pleine pandémie, il
y a le congé des fêtes. Puis vous me dites que vous voulez avoir mon expertise?
J'en doute. Mon expertise est là depuis 1979, M. le ministre, et j'ai travaillé
avec l'IVAC depuis 1979, j'ai représenté des milliers de victimes.
• (14 h 20) •
Et je vous le dis, c'est un recul colossal
au niveau de l'aide financière. C'est un sophisme de parler d'aide financière quand
on parle simplement de remboursement de traitement psychologique. Ce n'est pas
de l'aide financière, c'est un remboursement de frais. L'aide financière, c'est
l'indemnité pour incapacité totale temporaire, même au-delà de quatre ans. Vous
ne pouvez pas nous dire, quand bien même que c'est cinq ans, que ça correspond
à la loi actuelle. La loi actuelle prévoit des indemnités à vie. La vie, ça ne
s'arrête pas à 30 ans. Et tous les autres régimes d'indemnisation au
Québec prévoient des indemnités de remplacement de revenu jusqu'à l'âge de 68 ans,
même, par exemple, pour les victimes de la route qui étaient sans emploi au
moment de l'accident.
Vous pourriez vous inspirer de la Loi de
la SAAQ, qui prévoit des indemnités pour les gens qui étaient étudiants,
chômeurs, travailleurs temporaires, retraités au moment de l'accident
d'automobile. Vous ne vous inspirez pas des autres lois, on s'en va tout
croche, on s'en va partout avec un tout nouveau régime. Ça va mêler les gens. Les
Québécois ont besoin d'être rassurés. On a <des régimes
d'indemnisation...
M. Bellemare (Marc) : ...
inspirer
de la Loi de la SAAQ, qui prévoit des indemnités pour les gens qui étaient
étudiants, chômeurs, travailleurs temporaires, retraités au moment de
l'accident d'automobile. Vous ne vous inspirez pas des autres lois, on s'en va
tout croche, on s'en va partout avec un tout nouveau régime. Ça va mêler les
gens. Les Québécois ont besoin d'être rassurés. On a >des régimes
d'indemnisation au Québec qui existent, à la CSST depuis 1909, à la SAAQ depuis
1978. Il y a des concepts qui marchent très bien au sein de ces organismes-là. Vous
devriez les emprunter et les intégrer, dans la loi de l'IVAC, pour que ce soit
plus simple, qu'on tende vers un régime qui soit plus commun au Québec puis que
les Québécois s'y retrouvent, parce que, dans des régimes multiples comme ça,
plus on s'étire, plus on s'en va dans toutes les directions, plus on crée des
régimes différents des uns des autres, plus c'est mêlant pour les victimes,
moins on sait où on s'en va, et, pour le simple citoyen, ça devient plus
compliqué que la Loi de l'impôt, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, Me Bellemare. S'il n'y a pas d'autre question
du côté ministériel, je vais céder la parole au député de LaFontaine. M. le
député, s'il vous plaît.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup...
M. Jolin-Barrette : M. le
Président, je crois qu'il y avait des questions de la part du député de
Saint-Jean.
Le Président (M.
Bachand) : O.K. J'attendais juste que la main se lève, comme on
dit. Alors, M. le député de Saint-Jean, s'il vous plaît. Il reste trois minutes.
M. Bellemare (Marc) : Il n'a
pas de micro, M. Lemieux. Je n'entends rien.
Le Président (M.
Bachand) : Louis? M. le député de Saint-Jean. O.K. Excuse.
M. Lemieux : Désolé, M. le
Président, ma camarade des Plaines aussi, à qui je vais essayer de laisser un
peu de temps.
Beau débat d'experts, mais j'aimerais
quand même vous entendre, Me Bellemare. Le ministre a essayé de vous
demander s'il y avait autre chose qui allait un peu, au moins. Moi, je
comprends qu'on va aider beaucoup plus de victimes et de parents de victimes, mais
surtout on va les aider dès le départ. On a entendu toute sorte de monde venir
depuis hier, puis ça va continuer demain, des gens qui disent que c'est une
place de fous, ça prend une éternité, on a de la misère. Et, si j'ai bien
compris, là, et puis vous avez probablement lu le même projet de loi que moi,
au lendemain du début des procédures, les gens vont avoir de l'aide, de l'aide
qui n'est pas l'argent sonnant, dont vous parlez depuis tout à l'heure, mais qui
est de l'aide à laquelle ils ont droit et qu'ils n'ont pas en ce moment. Parce
que, là, on n'est pas, au moins... On peut-tu s'entendre au moins là-dessus,
là? On commence avec ça, là, puis on continue?
M. Bellemare (Marc) : Non,
mais c'est parce que, M. Lemieux, c'est un problème de machine, c'est un
problème administratif qui fait que tu reçois ton premier chèque une semaine
après l'agression, ou six mois, ou un an après l'agression. Ça n'a rien à
voir avec la loi. La loi, c'est un cadre juridique qui crée des droits ou qui
en enlève, selon ce qu'on avait avant. Dans ce cas-ci, on en enlève beaucoup
plus qu'on en donne, à mon avis, surtout au niveau de l'aide financière, ce
qu'on appelle véritablement l'aide financière.
Le délai que ça prend, pour l'IVAC, à
s'activer, ce n'est pas dans la loi, à moins qu'on mette une disposition puis
qu'on oblige le ministre à répondre, par exemple, à une réclamation dans les
90 jours ou qu'on oblige des paiements temporaires pour les gens qui ont
été victimes d'actes criminels, spontanément, un traumatisme psychologique.
Mais autrement, ce n'est pas la loi qui va régler ça, à moins qu'on impose un
délai à l'administration.
M. Lemieux : Je ne parlais pas
des indemnisations, je parlais des services et de l'aide qu'on va donner, de
l'aide directe en psychologie et autres. Mais il y a ma camarade des Plaines
aussi, ma collègue des Plaines à qui je vais laisser le peu de temps qu'il nous
reste. Merci, Me Bellemare.
M. Bellemare (Marc) :
<Au
plaisir...
M. Bellemare (Marc) : ...ce
n'est pas la loi qui va régler ça, à moins qu'on impose un délai à
l'administration.
M. Lemieux : Je ne parlais
pas des indemnisations, je parlais des services et de l'aide qu'on va donner,
de l'aide directe en psychologie et autres. Mais il y a ma camarade des Plaines
aussi, ma collègue des Plaines à qui je vais laisser le peu de temps qu'il nous
reste. Merci, Me Bellemare.
M. Bellemare (Marc) : >Au
plaisir.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de Les Plaines, s'il vous
plaît.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Merci, M. le Président. Bonjour, Me Bellemare. Très rapidement. Il y a quand
même une grande avancée dans ce projet de loi qui est de reconnaître les
victimes d'exploitation sexuelle. J'aimerais au moins que vous puissiez
reconnaître cette grande avancée là. J'en ai rencontré beaucoup dans les
derniers mois, et ces victimes-là, et les organismes qui s'occupent de ces
victimes-là le demandaient à tout vent. Alors, j'imagine que vous reconnaissez
que c'est une très grande avancée dans ce projet de loi là.
M. Bellemare (Marc) : C'est
une avancée, puis on a besoin d'un amendement d'une dizaine de mots à la loi
actuelle pour prévoir ça. On a besoin simplement d'abolir l'annexe qui est à la
fin de la loi sur l'IVAC et de prévoir que tous les crimes prévus au Code
criminel seront inclus. On n'a pas besoin d'avoir un projet de loi
révolutionnaire, positif comme négatif, de tout changer ce qui existe depuis 50
ans au Québec, en matière d'IVAC, pour apporter ce changement-là. Ça aurait pu
se faire par un simple amendement législatif. Et c'est ça que je dis au
ministre : Vous n'avez pas besoin de réinventer la roue et de mêler tout
le monde pour la prochaine génération pour ajouter des victimes et abolir
l'annexe. C'est ça que je dis.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Par contre, toute l'aide accordée, toute la portion aussi d'aide directe
rapide, ça, c'est également une avancée qui était demandée non seulement par
les victimes pour être maintenant reconnues dans ce projet de loi là, mais
aussi par beaucoup, beaucoup d'organismes qui sont... qu'on a rencontrés sur le
terrain, qu'on a sondés.
M. Bellemare (Marc) : Mais
l'aide directe rapide, là, il y a déjà de l'aide directe rapide à IVAC, là. Ce
n'est pas inventé. Ça existe depuis 1972, l'aide directe rapide. Le problème,
c'est que les victimes doivent se trouver un psychologue, ce qui n'est pas
évident. Il y a beaucoup de psychologues sur le marché privé qui ne veulent pas
faire de traitement pour les victimes d'actes criminels parce que ce n'est pas
payant. C'est des tarifs qui sont relativement bas, c'est de la paperasse, il
faut faire des rapports, les fonctionnaires t'appellent, na, na, na. Alors, il
y a beaucoup de psychologues dans le privé qui ne veulent pas agir. J'ai
régulièrement des appels de victimes qui me disent : Ça fait 12 que
j'appelle, il n'y a personne qui veut me prendre, parce que c'est un dossier
d'IVAC, ce n'est pas juste de la thérapie, c'est de la paperasse, c'est des
téléphones, c'est des papiers, c'est des formulaires à remplir.
Alors, ça, ça ne changera pas. Ça, ça va
continuer, mais il n'y a aucun changement par rapport à la loi actuelle. Les
traitements psychologiques aux victimes d'actes criminels, on en a, ça fait
49 ans, là. Où est l'avancée là-dedans? On appelle ça de l'aide financière,
ce n'est pas de l'aide financière. Rembourser un traitement de psychologue au
privé à 86 $ la shot, je ne vois pas où est l'avancée, là. Ce n'est pas ça
qui fait que tu paies ton loyer à la fin du mois, là. Le problème, c'est que
les victimes n'auront plus de remplacement de revenu, n'auront plus
d'indemnité... C'est ça, le problème. C'est le pain puis le beurre qui
comptent, parce que suivre une thérapie puis guérir ou se remettre d'un stress
post-traumatique, quand tu as l'huissier en arrière ou le syndic qui vient
saisir tes biens parce que tu n'es pas capable de payer tes dettes, ça va assez
mal <au niveau de la thérapie.
M. Bellemare
(Marc) :
...
c'est que les victimes n'auront plus
de remplacement de revenu, n'auront plus d'indemnité... C'est ça, le problème.
C'est le pain puis le beurre qui comptent, parce que suivre une thérapie puis
guérir ou se remettre d'un stress post-traumatique, quand tu as l'huissier en
arrière ou le syndic qui vient saisir tes biens parce que tu n'es pas capable
de payer tes dettes, ça va assez mal >au niveau de la thérapie.
Tous les psychologues vont vous dire que,
pour réussir une approche thérapeutique, ça prend de la sérénité, ça prend de
la quiétude, donc ça prend un remplacement de revenu. Ça prend une indemnité
aux deux semaines qui va permettre à la victime de payer ses dépenses.
Autrement, la thérapie ne marchera pas.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, Me Bellemare. Je cède maintenant la parole au
député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay
: Oui.
Merci, M. le Président. Merci, M. Bellemare. Bonjour.
M. Bellemare (Marc) : Bonjour,
M. Tanguay.
M. Tanguay
: Il était
très important, pour nous, de vous entendre... en désaccord avec le ministre.
Alors, une fois que ceci est dit, nous partageons votre approche à l'effet que
la précipitation est mauvaise conseillère, de un. Et, de deux, le fait qu'un
pavé de 190 articles, que vous qualifiez restrictifs, laborieux et
inutilement complexes, c'est sûr que ça vient, et vous l'avez dit, c'est un... Quand
même, la loi est perfectible, puis tout le monde appelait à des modifications à
l'IVAC et à l'indemnisation des victimes.
On vient mettre de côté, puis j'aimerais
vous entendre... Puis j'ai peut-être huit, 10 points, en mon 11 minutes,
alors je vais essayer de vous permettre de pouvoir peut-être préciser votre
pensée, parce que votre analyse, là, de votre lettre, là, il y a beaucoup de
stock au pouce carré, puis c'est excessivement important de vous entendre.
Donc, vous dites : Harmoniser... On a déjà un corpus de jurisprudence et
d'application au Québec. Il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain,
autrement dit.
M. Bellemare (Marc) : Oui,
c'est ça. C'est parce que moi, je pense que l'État québécois... Vous savez, on
a beaucoup de régimes d'indemnisation au Québec. On a la Régie des rentes pour
les invalides sans raison particulière. On a la CNESST. On a la Loi sur les
accidents du travail en 1985. On a la Loi sur l'assurance automobile de 1978,
qui a été refaite en 1990. On a beaucoup de régimes d'indemnisation au Québec. À
mon avis, on en a trop.
• (14 h 30) •
Et, quand on fait des changements, plutôt que
d'essayer de revenir avec des modèles complètement nouveaux... Je comprends que
ça peut être sexy, au plan législatif, d'arriver avec quelque chose qui est
complètement nouveau, innovant. Bon, on a inventé quelque chose, de la
modernité, sauf que, pour les gens, pour les victimes sur le terrain, pour les
avocats, pour les travailleurs sociaux, pour les psychologues, ça devient
extrêmement complexe.
Et moi, je suis contre l'approche du
ministre qui consiste à réinventer la roue avec toutes sortes de nouvelles
notions au niveau de la faute lourde, la participation à une infraction ainsi
que la faute lourde. Pourquoi ce n'est pas simplement de la faute lourde? Il y
a de la jurisprudence, pour remplir mon bureau, sur la faute lourde, déjà, au
Tribunal administratif. Conserver la même notion dans la Loi sur les accidents
du travail, dans la loi sur l'IVAC... Si vous faites des changements, comme,
par exemple, pour les sans-emploi, j'insiste là-dessus... dans la Loi sur
l'assurance automobile, il y a de multiples dispositions sur les sans-emploi.
Qu'est-ce qu'on fait? On ne paie pas les six premiers mois. Et, à partir du
septième mois, on détermine un <emploi fictif qui correspond à...
>
14 h 30 (version révisée)
< M. Bellemare (Marc) :
...la
loi sur l'IVAC, si vous faites des changements, comme
par exemple, pour
les sans-emploi, j'insiste
là-dessus... dans la Loi sur l'assurance
automobile,
il y a de multiples dispositions sur les sans-emploi.
Qu'est-ce qu'on fait? On ne paie pas les six premiers mois et, à partir du
septième mois, on détermine un >emploi fictif qui correspond au bagage
académique, à l'expérience de la victime, puis on détermine un emploi fictif,
puis on dit : S'il ne peut pas faire cet emploi-là, on commence à le payer
en remplacement de revenus. C'est ça qu'on fait depuis le 1er janvier 1990
en assurance automobile. Les étudiants, les chômeurs, les retraités, les femmes
à la maison aussi... parce que ce n'est pas parce que tu n'as pas de job au
moment où l'acte criminel survient que tu n'en auras jamais eu de ta vie, tu
peux être sans emploi temporairement. Un chômeur qui honnêtement cherche de
l'emploi, il n'a pas d'emploi au moment de l'événement, on ne lui versera pas
d'aide financière de remplacement de revenu. C'est scandaleux. Il n'y a pas une
loi au Québec qui est comme ça, pas une.
M. Tanguay
: Et, si
vous me permettez, vous nous avez donné, dans votre présentation initiale, un
exemple qui parle de lui-même, là, la femme serveuse au restaurant, de
30 ans, et ça, là, je veux dire, cet exemple-là, je vais le reprendre au
cours de nos débats puis je vous en donnerai le droit d'auteur, mais ça parle
tellement sur le fait que de 38 ans d'indemnisation, on tombera à un
maximum de trois ans, même si les séquelles n'arrêteront pas par magie
trois ans après.
J'aimerais vous entendre sur un exemple
aussi très tangible d'une notion qui s'appelle de scène intacte et j'aimerais
que vous nous expliquiez, le plus rapidement possible, en quoi ça aurait eu un
impact négatif pour les victimes de la Mosquée de Québec, le 29 janvier 2017,
que cette notion-là de scène intacte qu'introduit l'article 13 du projet
de loi n° 84.
M. Bellemare (Marc) : Bon, je
vous donne l'exemple de Mme Thabti, qui est ma cliente et qui a réussi à
se faire reconnaître comme victime, qui est la femme d'Aboubaker Thabti qui a
été assassiné à la Mosquée de Québec parmi cinq, six autres personnes le
29 janvier 2017. Elle apprend que son conjoint est à la mosquée et elle
apprend qu'il y a une fusillade, la police, les ambulances, etc. Elle se
précipite avec ses enfants à la mosquée sachant que son conjoint est à
l'intérieur, ça ne va pas bien, et là c'est l'horreur. Qu'est-ce qu'elle voit?
Des badauds, des gens paniqués, des policiers, des ambulanciers, des civières,
des journalistes. Stress post-traumatique automatique, ses deux enfants aussi,
elle réclame à l'IVAC en disant : J'ai été victime d'un choc mental à
l'occasion d'un acte criminel. Même si je n'étais pas dans la mosquée, si je
n'ai pas reçu une balle de fusil, je suis quand même une victime. Alors, elle a
été refusée par IVAC en disant : Bien, vous n'étiez pas là, dans la
mosquée, quand les balles ont sorti du fusil de Bissonnette, donc vous n'êtes
pas une victime. On a contesté ça, on a gagné la cause devant le Tribunal
administratif du Québec.
Des exemples comme ça, j'en ai plaidé,
j'en ai fait reconnaître une bonne vingtaine de gens comme ça qui se sont
précipités sur la scène de crime. Alors, Mme Thabti est une conjointe, ça
va, son mari a été assassiné. Dans la définition du projet de loi, on dit que
le conjoint d'une personne... le projet de loi n° 84, le conjoint
d'une personne qui aurait été blessée à l'occasion d'un acte criminel ne sera
pas... sera considéré comme victime, dans le <projet...
M. Bellemare (Marc) :
...
est une conjointe, ça va, son mari a été assassiné. Dans la
définition du projet de loi, on dit que le conjoint d'une personne... le
projet de loi n° 84, le conjoint d'une personne qui aurait été blessée à
l'occasion d'un acte criminel ne sera pas... sera considéré comme victime, dans
le >projet de loi, sauf qu'à l'article 36, la conjointe, une
victime n'a pas droit au remplacement de revenu, n'est-ce pas?
Alors, c'est la conjointe, Mme Thabti,
elle, elle a été payée par IVAC une fois qu'elle a été reconnue comme victime. Elle
a eu un an de salaire parce qu'elle ne pouvait pas s'occuper de sa garderie. En
vertu du projet de loi, comme elle n'est pas prévue à l'article 36 du
projet de loi, elle n'aura pas d'aide financière. Donc, cette femme-là, qui a
eu de l'indemnité de remplacement de revenu pendant un an, suite à l'agression
de Bissonnette, ne serait pas indemnisée au niveau du remplacement de revenu,
même si elle avait un emploi, parce qu'elle n'est pas visée à l'article 36
du projet de loi qui restreint au témoin de la scène intacte. Ça va? Mais la
scène intacte, M. le ministre qui, de façon très claire, veut faire échec à
cette jurisprudence-là, parce que c'est manifeste, quand j'ai lu ça, la scène
intacte, je me suis dit : C'est carrément à l'encontre de ce courant
jurisprudentiel là.
On définit la scène intacte comme étant la
scène avant l'arrivée des ambulanciers puis des policiers. C'est n'importe
quoi. C'est comme si, quand on arrive sur une scène de crime et qu'on voit les
policiers puis les ambulanciers, bien là, on n'est plus traumatisé. C'est
complètement ridicule, c'est encore pire, M. Tanguay. Si tu arrives sur
une scène, tu arrives chez vous, le soir, il y a des cordons de sécurité, il y
a des polices, il y a des ambulances, tu sais, tu ne travailleras pas le
lendemain, là, alors tu es traumatisé. Et on réduit la scène intacte à la scène
avant l'arrivée des policiers. Ça veut dire que c'est une peau de chagrin, ça
veut dire qu'on va éliminer quantité de victimes qui sont admissibles
actuellement.
M. Tanguay
: J'aimerais
aussi, puis là, vu que le temps presse, il me reste à peu près... moins de
quatre minutes, je vais jumeler deux points qu'on aurait pu développer
distinctement, mais je vais les mettre ensemble, sur la multiplication du
pouvoir réglementaire et ce qui s'enligne pour être la gestion par le ministère
de la Justice. N'y voyez-vous pas là, puis c'est un peu ce qu'on déduit de
votre lettre, une capacité pour l'État, par le pouvoir réglementaire, de fermer
des portes et, dans l'application par le ministère de la Justice, de dire : Oui,
il a droit, non, elle n'a pas droit, une capacité gouvernementale aussi de
faire une gestion budgétaire qui ferait en sorte que là, bien, on va fermer les
écoutilles, là?
M. Bellemare (Marc)
:
Bien, c'est possible. L'avenir nous le dira, parce que l'avenir, on ne le
connaît pas puis on le connaît encore moins avec ce projet de loi là. Mais je
vous dirai simplement que la somme forfaitaire, d'abord, le projet de loi ne
nous dit pas quelle est l'étendue de la somme forfaitaire. Il y a des barèmes
au Québec qui existent. Le barème de la CNESST, qui est plutôt modeste au
niveau de séquelles, ne donne à peu près rien pour les séquelles permanentes. C'est
un barème qui en vigueur depuis le 1er octobre 1987. Le barème de la
SAAQ a été modifié à de multiples reprises depuis 1978, sa dernière version
date de 2000, plus généreux, mais on ne sait pas c'est quoi, le barème du
ministre. J'espère qu'il ne nous arrivera pas avec un troisième barème ou un
quatrième. On en a déjà pas mal, des barèmes, là. On peut-tu <arrêter...
M. Bellemare (Marc) : ...en
vigueur depuis le 1er octobre 1987. Le barème de la SAAQ a été
modifié à de multiples reprises depuis 1978, sa dernière version date de 2000,
plus généreux, mais on ne sait pas c'est quoi, le barème du ministre. J'espère
qu'il ne nous arrivera pas avec un troisième barème ou un quatrième. On en a
déjà pas mal, des barèmes, là. On peut-tu >arrêter, là, qu'il prenne un
des deux, là, idéalement, celui de la SAAQ?
Mais le problème de l'indemnité
forfaitaire, M. Tanguay, c'est qu'elle est versée à la fin du processus. Mais
si tu n'as pas eu de salaire pendant deux ans ou trois ans, puis qu'on te verse
une indemnité... parce que le forfaitaire, c'est pour les séquelles
permanentes, ça vient après tous les traitements, puis en psychologie c'est
long les traitements. Ce n'est pas une blessure au poignet, là, on parle de
gens qui sont en stress post-traumatique. Ça peut prendre cinq, six, sept ans,
des fois 10 ans avant d'aboutir... l'indemnité forfaitaire. Mais quant à
la façon de gérer ça, je ne sais pas... c'est sûr que l'État, par le fait que
souvent, par le biais des ministères ou par le biais des organismes publics,
l'État a à coeur de dépenser le moins possible... on ne lui reproche pas ça,
sauf qu'il faut dire la vérité aux gens.
Moi, ce que je trouve... ici, on laisse
croire que ça va être... alors que ça va l'être moins. Qu'on dise donc la
vérité aux gens, qu'on leur dise donc : On n'a pas d'argent, on est obligé
de couper dans les salaires, on est obligé de couper à trois ans parce qu'on
n'a pas d'argent. Alors, qu'on dise ça, qu'on dise aux victimes qu'ils en
auront moins, qu'on ne leur dise pas qu'ils vont en avoir plus quand ça va être
le contraire.
M. Tanguay
: Autre
exemple tangible, vous parlez de la prescription extinctive, avec
l'article 21, à une victime de 17 ans estime apte à réclamer dès
l'âge de 14 ans. Son recours serait-il prescrit avant qu'il n'atteigne
l'âge de la majorité? Donc, victime à 14 ans, 17 ans, j'aimerais ça
que vous nous expliquiez également cet autre écueil très, très potentiel, avec
le projet de loi n° 84, quant à la prescription extinctive.
Le Président (M.
Bachand) : Et en moins de... Excusez-moi, Me Bellemare, il
reste une petite minute, alors s'il vous plaît de faire en une minute, s'il vous
plaît. Merci.
M. Bellemare (Marc) : On donne
à la victime de 14 ans le droit de réclamer. On lui donne même le droit de
gérer l'argent qui va sortir de cette loi-là. L'indemnité forfaitaire, par
exemple, on va avoir des enfants de 15, 16 ans qui vont recevoir des indemnités
forfaitaires de, je ne sais pas, moi, 25 000 $, 30 000 $,
40 000 $. D'abord, c'est douteux, mais, pour ce qui est de la
prescription, on donne à la victime de 14 ans le droit de réclamer. Est-ce
que ça veut dire que, après trois ans, donc à 17 ans, s'il n'a pas
réclamé, il va être prescrit? Est-ce que le délai de trois ans ne devrait pas
courir au moins à partir de sa majorité puis être prescrit à 21 ans? Lui
laisser le temps d'agir, à 14 ans, tu n'as pas toute la maturité, tu n'as
pas toutes les connaissances. On lui donne le droit de réclamer plus jeune.
Est-ce que le délai de trois ans court aussi contre lui à partir du moment où
il a l'opportunité de réclamer puis qu'il est conscient de ses blessures, ce
qui voudrait dire qu'il serait prescrit à 17 ans? Je trouve ça risqué, il
n'y a rien dans le projet de loi là-dessus.
Le Président (M.
Bachand) : Merci.
M. Tanguay
: Merci, Me
Bellemare.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Sherbrooke, vous avez la
parole, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Merci, M. Bellemare, vous nous faites part de plusieurs lacunes
dans le projet de loi, vous n'êtes pas le seul d'ailleurs, là. Merci. Vous avez
nommé la question des délais, tantôt, puis vous avez dit : Ça, c'est
quelque chose que le projet de loi ne va pas régler, à moins d'introduire une
disposition pour imposer un délai à l'administration. Pensez-vous que ce serait
souhaitable de le faire?
M. Bellemare (Marc) :
Peut-être, parce que j'ai... écoutez, il y a beaucoup de délais, hein? Il y a
beaucoup de gens qui me disent : Ça me prend quasiment un avocat dans le
coffre à gants, quand j'ai un <accident...
Mme Labrie :
Vous
avez nommé la question des délais, tantôt, puis vous avez dit : Ça, c'est
quelque chose que le projet de loi ne va pas régler, à moins d'introduire une
disposition pour imposer un délai à l'administration. Pensez-vous que ce serait
souhaitable de le faire?
M. Bellemare (Marc) :
Peut-être, parce que j'ai... écoutez, il y a beaucoup de délais, hein? Il y a
beaucoup de gens qui me disent : Ça me prend quasiment un avocat dans le
coffre à gants, quand j'ai un >accident d'auto, ou dans la boîte à
lunch, quand j'ai un accident de travail.
C'est vrai qu'il y a beaucoup de délais.
Les délais de contestation, pour les victimes, l'IVAC, actuellement, c'est
30 jours pour l'ITT ou l'admissibilité, 90 jours pour les séquelles
permanentes, 60 jours devant le tribunal administratif; CSST, c'est
30 jours, 45 jours devant le Tribunal administratif du travail; la Régie
des rentes, c'est d'autres délais; la SAAQ, c'est 60 jours. Les délais de
réclamation varient d'une loi à l'autre. C'est pour ça que je vous dis :
Essayez donc de tendre vers l'harmonisation pour que les gens se disent :
Ah! bien, c'est tel délai pour la contestation.
Mais c'est vrai qu'il n'y a pas de délai
pour l'action gouvernementale, puis c'est toujours déplorable, on n'a pas de
poignée pour ça. On a des dossiers... je comprends qu'ils ont des enquêtes, des
fois, au niveau de l'IVAC, on enquête pour savoir si monsieur était dans le
crime organisé ou s'il ne l'était pas. Il y a des cas, des fois, ça prend deux,
trois ans avant que la décision sorte. C'est inacceptable. Je comprends qu'ils
ont des enquêtes à faire, mais ça ne serait peut-être pas mauvais d'imposer des
délais aussi à l'administration publique. À moins d'une grande complexité dans
le dossier, il me semble que, si tu es victime d'un acte criminel, à partir du
moment où tu as déposé ta réclamation, ils devraient rendre une décision dans
un délai, je ne sais pas, moi, de 60 ou 90 jours. On peut l'imposer,
quitte à ce qu'il y ait des limites, mais là il n'y en a pas et il n'y en a pas
dans aucune des lois.
Alors, les délais, c'est toujours du côté
du citoyen, puis c'est fort complexe. Puis en matière d'IVAC, là, on parle de
gens, là, qui sont traumatisés au plan psychologique, là, c'est l'enfer. Il y a
beaucoup de victimes qui n'ont pas de blessure physique qui sont blessées au
plan psychologique.
Il y a un problème aussi au niveau de la
réclamation. On dit qu'on a trois ans pour réclamer, puis, au-delà de ça,
tu es réputé, je pense... je ne sais pas quelle disposition du projet de loi
n° 84, là, tu es réputé à avoir renoncé à moins de prouver l'impossibilité
d'agir. Ça, il faut se débarrasser de ça, l'impossibilité d'agir, c'est dans le
Code civil, mais ce n'est dans aucune loi sociale. Aujourd'hui, c'est le motif
raisonnable, un concept beaucoup plus équitable, beaucoup plus simple. Si
l'accidenté est hors délai, à quelque niveau que ce soit, pour réclamer, la
victime d'acte criminel, un motif raisonnable devrait suffire à excuser son
retard et non pas l'impossibilité d'agir. Je trouve que c'est beaucoup plus
difficile, puis les tribunaux, l'impossibilité d'agir, c'est virtuellement
impossible d'atteindre ce niveau-là, c'est quasiment une preuve hors de tout
doute ...On devrait imposer des délais, à mon avis, à l'administration aussi.
• (14 h 40) •
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Mme la députée de Sherbrooke. Mme la
députée de Joliette, vous avez la parole, s'il vous plaît.
Mme
Hivon
: Oui,
bonjour. Merci beaucoup, Me Bellemare. J'aurais vraiment beaucoup de questions,
mais, voyez-vous, j'ai un gros 2 min 45 s.
Donc, je voudrais vous amener à
l'article 71, parce que c'est là où on parle que, si le ministre est
d'avis que la personne qui en fait la demande a besoin immédiatement de l'aide
financière, il va pouvoir le faire, mais dans le deuxième alinéa, on dit que ça
va être déterminé par règlement, les constats et modalités du versement
préalable. Donc, moi, ce qui m'inquiète, puis je voulais avoir votre opinion
là-dessus, c'est qu'on parle beaucoup de l'importance de pouvoir agir
rapidement avec, notamment, du soutien <psychologique...
Mme
Hivon
: ...dans
le deuxième alinéa, on dit que ça va être déterminé par règlement, les constats
et modalités du versement préalable. Donc, moi, ce qui m'inquiète, puis je
voulais avoir votre opinion là-dessus, c'est qu'on parle beaucoup de
l'importance de pouvoir agir rapidement avec, notamment, du soutien >psychologique,
et est-ce qu'on peut penser que de faire ça par règlement va vraiment pouvoir
venir déterminer toutes les circonstances où on devrait pouvoir agir
rapidement? Est-ce que ça ne devrait pas être la règle de base, que l'aide doit
être immédiate?
M. Bellemare (Marc) : Oui,
mais je peux vous rassurer, Mme Hivon, ça ne sera jamais appliqué, parce
que c'est déjà dans la Loi de l'IVAC, puis ils ne l'ont jamais appliqué. Les
paiements temporaires, quand ils sont d'avis qu'ils accorderont probablement
l'indemnité, moi, en 42 ans, je n'ai jamais vu ça, je n'ai jamais vu de
victime. Il y a une personne, il n'y a pas longtemps, là, qui m'a contacté, qui
a été victime d'une invasion de domicile, ça fait huit mois que le monsieur...
sa femme a été victime d'invasion à domicile, ses deux filles ont été blessées.
Il dit : Je n'en reviens pas, je n'ai pas une cent qui rentre, personne
n'est payé, ça fait huit mois. Alors, ce serait un beau cas, là, mais ils ne
l'appliquent pas. Alors, les paiements temporaires, ils n'en font pas.
Maintenant, c'est sûr que, plus il y a de
garanties dans la loi, mieux c'est, et tout ce qui s'appelle pouvoir
réglementaire, bien, c'est évidemment à proscrire, parce que ça donne un
pouvoir discrétionnaire illimité à l'exécutif pour réglementer puis ajouter des
conditions, puis ce n'est généralement pas nécessairement en faveur du citoyen.
Mme
Hivon
:
C'est sûr que ça inquiète beaucoup, parce que tout le coeur de l'indemnisation
puis des sommes forfaitaires, ça va tout être déterminé par règlement. Donc, en
ce moment, on n'est même pas capable de savoir la hauteur. Ça fait que c'est
sûr qu'il va y avoir un gros travail à faire là.
Mon autre élément, c'est qu'on sait à quel
point les rapports, la bureaucratie sont difficiles avec l'IVAC. Est-ce que
vous voyez des choses, dans le projet de loi, qui sont de nature à améliorer
les rapports, je dirais, administratifs entre le citoyen, la victime et l'IVAC,
des améliorations très tangibles dans la manière dont on va prendre en compte
la demande, qu'on va être efficace, diligent, que ça va être plus simple pour
lui?
M. Bellemare (Marc) : Il
faudrait peut-être mettre des dispositions. Je sais que, dans la Loi sur les
accidents du travail, les maladies professionnelles, il y a des dispositions
qui disent qu'on doit s'adresser aux citoyens dans un langage simple. La Loi
sur la justice administrative aussi dit que les fonctionnaires doivent être en
soutien aux citoyens. Oui, il y a des beaux principes, mais, en pratique, tout
ça relève de l'administration. Puis c'est un peu ce que je dis dans ma lettre,
comment ça va être géré cette affaire-là, la structure, c'est quoi, les
fonctionnaires, comment ils vont être formés, parce que c'est certain, comme je
le disais tantôt, qu'on fait affaire avec des dépressifs puis des traumatisés,
des gens qui sont sévèrement atteints au niveau psychique,.Ça touche l'humeur,
ça touche la concentration, ça touche l'anxiété, et on a besoin de... on le
sait, nous autres, les avocats, on a besoin de traiter nos victimes, nos
clients, quand c'est des victimes d'actes criminels.
Ce n'est pas n'importe quelle personne et
c'est sûr que ça fait grandement défaut, au niveau de l'IVAC, le rapport, la
façon de parler aux gens. Vous ne passerez pas votre vie là-dessus, ça fait
trois fois que vous m'appelez depuis un mois, vous n'avez pas compris, ça fait
une demi-heure que je vous l'explique. Des attitudes solides. Moi, j'ai... puis
on m'apporte des «tapes», des fois, là, des enregistrements de contestation,
c'est ahurissant. J'ai confiance que le ministre trouve une solution à ce <problème-là...
M. Bellemare (Marc) : ...
la
façon de parler aux gens. Vous ne passerez pas votre vie là-dessus, ça fait
trois fois que vous m'appelez depuis un mois, vous n'avez pas compris, ça fait
une demi-heure que je vous l'explique. Des attitudes solides. Moi, j'ai... puis
on m'apporte des «tapes», des fois, là, des enregistrements de contestation,
c'est ahurissant. J'ai confiance que le ministre trouve une solution à ce >problème-là,
même si c'est beaucoup au niveau des rapports humains, au niveau de la culture
de l'organisme que ça doit être travaillé. Mais là c'est... s'il y a un
changement législatif qui est opéré, il faudrait aussi travailler très fort sur
la structure et l'approche et convaincre les fonctionnaires, les choisir en
conséquence pour une certaine convivialité puis un certain humanisme, là. Il
faut vraiment travailler ça, mais est-ce que ça peut s'intégrer dans un cadre
législatif? Je pense que ça a toujours été compliqué.
Le Président (M.
Bachand) : Sur ce, Me Bellemare, ça conclut...
M. Bellemare (Marc) : Ça
pourrait être... si vous me permettez, M. Bachand, s'il y a une
structure... je le disais, s'il y a une structure qui est développée, qui est
mise en place, on ne la connaît pas, mais s'il y en a une, qu'on permette aux
victimes mais aux vraies victimes, là, pas des représentants, là, pas des
technocrates, là, mais des vraies victimes articulées d'être présentes sur la
structure administrative éventuelle.
Le Président (M.
Bachand) : Sur ce, Me Bellemare, encore une fois, merci
beaucoup de votre participation.
Sur ce, on suspend les travaux quelques
instants. Merci.
(Suspension de la séance à 14 h 46)
(Reprise à 14 h 48)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission
reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir d'accueillir maintenant les représentants
et représentantes de la Direction générale de l'indemnisation des victimes
d'actes criminels.
Alors, M. Rodrigue et
Mme Choquette, merci beaucoup d'être avec nous cet après-midi. C'est très
apprécié. Alors, comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation,
et, après ça, on aura un échange avec les membres de la commission. Sur ce, je
vous laisse la parole et, encore une fois, merci de participer aux travaux. À
vous.
Direction générale de l'indemnisation des victimes
d'actes criminels (DGIVAC)
M. Rodrigue (Jean) : Parfait. Merci
beaucoup. Alors, je me présente, Jean Rodrigue, directeur général de l'Indemnisation
des victimes d'actes criminels. Je suis accompagné aujourd'hui de
Mme Myriam Choquette, qui est directrice du <développement...
Le Président (M.
Bachand) : ...savez, vous avez 10 minutes de présentation,
et, après ça, on aura un échange avec les membres de la
commission. Sur
ce, je vous laisse la parole. Et,
encore une fois, merci de participer
aux travaux. À vous.
M. Rodrigue (Jean) :
Parfait.
Merci beaucoup. Alors, je me présente, Jean Rodrigue,
directeur
général de
l'Indemnisation des victimes d'actes criminels. Je suis
accompagné
aujourd'hui de Mme Myriam Choquette, qui est directrice
du >développement, du soutien et du bureau de la révision administrative.
Mme Choquette est également la gestionnaire responsable de la mise en oeuvre du
projet de réforme.
Le but de la présentation aujourd'hui,
c'est de partager avec vous certains constats opérationnels actuels et les
impacts prévus du projet de loi n° 84 sur ces
derniers. Nous ne nous présentons pas aujourd'hui en tant qu'experts du projet
de loi, je tiens à vous le dire. Comme vous le savez sûrement, la loi adoptée
en 1972 a confié un mandat de gestion administrative du régime d'indemnisation
à la direction générale de l'IVAC, et, bien que nous ne soyons pas responsables
de l'analyse, du développement et de l'évolution de ce régime, nous sommes à
même de partager avec vous certains constats.
Ces constats, nous les avons partagés
d'ailleurs avec le ministère de la Justice du Québec dans le cadre de ses
travaux, et j'aimerais souligner d'ailleurs la grande collaboration, dans ce
projet, entre le ministère et la direction générale de l'IVAC. Nous avons été à
même de discuter avec eux des problématiques auxquelles nous devons faire face
dans l'application de la loi actuelle. Nous avons mis, dès le départ, à
contribution une équipe de professionnels bien au fait de la prestation de
services, qui a pu porter la voix de nos intervenants et, par le fait même, des
personnes victimes elles-mêmes. Nous croyons que cette réforme importante
permettra de répondre à plusieurs critiques faites à l'endroit du régime
actuel.
Quelques chiffres avant de commencer, les
derniers chiffres officiels, qui datent de 2019, chiffres présentés dans le
rapport annuel d'activité qui a été déposé à l'Assemblée nationale, donc 8 856 nouvelles
demandes de prestations reçues au 31 décembre 2019. 7 223 demandes
de prestations acceptées, c'est 81,5 % des demandes qui ont été acceptées,
17 532 dossiers pour lesquels des indemnités ont été versées, pour
une somme de 136 022 991 $.
• (14 h 50) •
Les enjeux actuels concernent deux points
essentiels que le Protecteur du citoyen a soulevés dans son rapport systémique
publié en septembre 2016 et qui font d'ailleurs souvent l'objet de
plusieurs publications dans les médias. Je vous parle de l'accès au régime
ainsi que des délais de traitement. Plusieurs critiques, donc, sur le régime
actuel sont en lien avec l'admissibilité des réclamations. Ces critiques
portent essentiellement sur les critères d'admissibilité, restrictifs, il faut
le dire, qui limitent l'accès au régime à certaines victimes d'actes criminels.
Le projet de loi prévoit des modifications sur certains aspects. Les
modifications porteront essentiellement sur la territorialité, le délai pour
déposer une demande de qualification, l'imprescriptibilité pour des infractions
dans certains contextes, les crimes éligibles et la notion de victime.
Tout d'abord, le critère de
territorialité. Actuellement, pour être admissible, le crime doit avoir été
commis au Québec. Une personne étrangère en visite peut être admissible, mais
un résident québécois victime d'un crime à <l'étranger...
M. Rodrigue (Jean) :
...
pour des infractions dans certains contextes, les crimes éligibles et
la notion de victime.
Tout d'abord, le critère de
territorialité. Actuellement, pour être admissible, le crime doit avoir été
commis au Québec. Une personne étrangère en visite peut être admissible, mais
un résident québécois victime d'un crime à >l'étranger ne l'est pas. En
2019, 13 personnes ayant été victimes d'un acte criminel commis à
l'extérieur du Québec et ayant déposé une demande de prestations ont reçu une
décision de refus.
Le projet de loi prévoit qu'un résident québécois
victime d'un crime ailleurs qu'au Québec, au Canada ou à l'étranger, serait
admissible à une aide. Ce changement permettrait à tous les Québécois et Québécoises
d'obtenir de l'aide du gouvernement, s'ils sont victimes d'un acte criminel au
Québec ou ailleurs, dans la mesure, bien entendu, où ils répondent à tous les
critères d'admissibilité.
Le délai pour déposer une demande. Actuellement,
pour les crimes commis après le 23 mai 2013, le délai pour déposer
une demande de prestations est de deux ans. Pour les crimes commis avant le
23 mai, le délai est même d'un an. Passé ces délais, la personne victime
doit démontrer qu'elle avait des motifs raisonnables pour expliquer la présentation
tardive de sa demande de prestations, sans quoi elle est réputée avoir renoncé
à se prévaloir de ses droits pour bénéficier des avantages prévus à la loi.
En 2019, c'est 108 personnes qui ont
reçu une décision de refus à l'accès au régime, car elles n'ont pas présenté
leur demande de prestations à temps, sans motif raisonnable pour justifier leur
retard. Plus de la moitié d'entre elles ont été victimes d'agression sexuelle.
Le projet de loi n° 84 permet de
faire passer le délai de deux à trois ans pour le dépôt d'une demande de
qualification, ce qui laisse plus de temps aux victimes pour déposer leur
demande. De plus, il n'y aura aucun délai pour les crimes commis dans trois
contextes, à savoir la violence dans l'enfance, les agressions sexuelles et la
violence conjugale. La grande majorité des personnes victimes d'actes criminels
acceptées à l'IVAC sont concernées par ces contextes.
Ainsi, par exemple, sur l'ensemble des
demandes acceptées en 2019, 42,7 % étaient victimes d'agression sexuelle,
soit 3 096 personnes. Plusieurs d'entre elles ont probablement dû
expliquer à un agent, en tout respect de la loi actuelle et des façons de
faire, pourquoi elles ont fait leur réclamation hors du délai prescrit. Elles
devaient expliquer leur impossibilité d'agir. Nous sommes tous à même de
comprendre comment cela peut être difficile. Le projet de loi prévoit qu'elles
n'auront plus à le faire. L'imprescriptibilité permettra donc aux personnes
victimes de demander de l'aide à tout moment lorsqu'elles se sentiront prêtes à
le faire, et l'agent d'indemnisation n'aura plus à questionner à cet effet.
Les crimes éligibles. Aujourd'hui, seuls
les crimes prévus à l'annexe de l'IVAC sont couverts par le régime actuel.
Souvent critiquée, cette liste ne couvre pas certains crimes tels que les
formes d'exploitation sexuelle, proxénétisme, traite de personnes, pornographie
juvénile, le leurre informatique. En 2019, 200 personnes ont reçu une
décision de refus à l'accès au régime car le crime dont elles ont été victimes
ne figurait pas à l'annexe de la loi. Cela représente 13 % des décisions
de refus émises à l'accès au régime. Le projet de loi prévoit l'abolition de <l'annexe...
M. Rodrigue (Jean) : ...
pornographie
juvénile, le leurre informatique. En 2019, 200 personnes ont reçu une
décision de refus à l'accès au régime car le crime dont elles ont été victimes
ne figurait pas à l'annexe de la loi. Cela représente 13 % des décisions
de refus émises à l'accès au régime. Le projet de loi prévoit l'abolition de
>l'annexe et de couvrir l'ensemble des crimes contre la personne,
permettant par là même de donner l'accès au régime à toutes les personnes
victimes des crimes sur la personne et toutes les formes d'exploitation
sexuelle qui n'existaient pas en 1972. Nous croyons qu'il s'agit d'une amélioration
fort importante pour les personnes victimes.
La notion de victime. Lors de son rapport
d'intervention de 2016, le Protecteur du citoyen émettait 33 recommandations.
À ce jour, 31 sont considérées comme étant implantées à sa satisfaction. Deux
demeurent, dont une fort importante, la recommandation n° 6,
inclure, dans la notion de victime, toute personne qui subit un préjudice en
arrivant sur les lieux d'un crime venant juste d'être perpétré et qui l'affecte
ou la vise directement de manière significative.
Actuellement, il y a une définition
restrictive de cette notion de victime, ce qui amène non seulement des refus,
mais également des insatisfactions, des sentiments d'injustice et des
incompréhensions. En 2019, 193 personnes ont reçu une décision de refus
parce qu'elles ne répondaient pas à la notion de victime en vertu de la Loi
sur l'IVAC. Le projet de loi vient élargir cette notion de victime en incluant,
par exemple, le témoin qui n'est pas physiquement présent sur les lieux de
l'infraction, mais qui aurait été en communication avec la victime au moment du
crime. Il s'agit sans contredit d'une mesure phare du projet qui permettra à
plus de personnes victimes d'avoir accès à l'aide nécessaire favorisant leur
rétablissement.
Je vous parle maintenant brièvement des
délais de traitement. Actuellement, les délais de traitement à l'admissibilité
sont principalement causés par le temps additionnel nécessaire à l'analyse des
demandes de prestations plus complexes. L'analyse est plus complexe et plus
longue lorsque les demandes de prestations sont déposées hors délai ou lorsque
le crime allégué ne figure pas de prime abord à l'annexe de la loi. Plus la
demande est complexe et plus nous devons aller chercher de l'information.
Beaucoup de nos délais sont en lien avec l'attente de ces informations, qu'elles
soient policières ou qu'elles soient médicales. En 2019, les délais de
traitement pour l'ensemble des dossiers traités à l'admissibilité étaient, en
moyenne, de 117 jours. Toutefois, il me fait plaisir de vous dire que,
pour les dossiers plus simples, près de 36 % des dossiers qui ont été
traités en 2019, le délai n'était que de 2,6 jours.
L'imprescriptibilité de certains crimes
dans certains contextes va simplifier l'étude des dossiers, puisque les
personnes victimes n'auront pas à expliquer les délais ni à justifier leur
retard. L'agent de l'IVAC n'aura pas à faire une cueillette supplémentaire, au
risque de donner l'impression d'être intrusif. L'offre de services sera mieux
encadrée, permettant de rendre des décisions plus rapidement en laissant
également moins de place à toute interprétation. De plus, le projet de loi
prévoit un programme de mesures d'urgence.
En terminant, nous croyons que le projet
de loi n° 84 favorisera le rétablissement des
personnes victimes en offrant des services adaptés à leurs besoins afin de les <aider...
M. Rodrigue (Jean) : ...
rendre
des décisions plus rapidement en laissant également moins de place à toute
interprétation. De plus, le projet de loi prévoit un programme de mesures
d'urgence.
En terminant, nous croyons que le
projet de loi
n°
84 favorisera le
rétablissement des personnes victimes en offrant des services adaptés à leurs
besoins afin de les >aider à surmonter les conséquences psychiques,
physiques, sociales et professionnelles des blessures causées par l'infraction
criminelle. Il permettra d'offrir de l'aide de façon équitable, en élargissant
la notion de routine afin de tenir compte de l'impact d'une infraction
criminelle sur la personne victime, sa famille et ses proches, en rendant
admissibles tous les crimes contre la personne et en mettant davantage de
balises sur l'application de la loi.
Il rendra finalement ses services plus
accessibles et efficaces, en prolongeant le délai pour le dépôt d'une demande
de qualification, en rendant imprescriptibles certains crimes dans certains
contextes qui représentent la majeure partie des demandes à l'IVAC, en mettant
en place un programme de mesures d'urgence et en permettant, notamment, l'accès
aux victimes à davantage de professionnels pouvant porter un soutien psychique.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. Rodrigue. M. le ministre, s'il
vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. M. Rodrigue et Mme Choquette, bonjour. Merci de
participer aux travaux de la commission.
D'entrée de jeu, on a eu quelques intervenants
qui sont venus nous dire : Écoutez, il y a toujours l'impossibilité, en
fait, d'agir par rapport aux délais, parce qu'on augmente les délais de deux à
trois ans, relativement à la possibilité de faire par réclamation, donc, un
délai de prescription de trois ans. On enlève tout délai pour les infractions à
caractère sexuel de violence subie pendant l'enfance ou pour la violence
conjugale, mais on a eu des commentaires par rapport au fait qu'on reprend la
notion d'impossibilité, en fait, d'agir, qui est déjà présente dans la loi
actuelle de l'IVAC, pour dire : Bien, on vous donne également la
possibilité d'invoquer cela pour dépasser le délai de trois ans.
Comment c'est interprété, ça, à l'IVAC, cette
impossibilité, en fait, d'agir, là, concrètement, là? Parce que certains
soulevaient, disaient : On devrait peut-être mettre «motif»? Est-ce que
vous l'interprétez largement? Comment ça se déroule concrètement?
M. Rodrigue (Jean) : C'est
interprété de façon très large, là, je tiens à vous le signaler. Bien entendu,
chaque cas est particulier, hein, on le comprendra. L'intervenant à l'accès au
régime discute avec la personne victime, essaie de comprendre, là, les raisons,
là, derrière le fait qu'il n'a plus... bien, on va dire trois ans, là, bientôt,
là, si le projet de loi va de l'avant, pourquoi qu'à l'intérieur de ces trois
années-là il n'a pas été en mesure, là, de déposer sa réclamation?
Ce que je peux vous dire, c'est que c'est
étudié avec sérieux, bien entendu. C'est pour ça aussi, parfois, qu'on trouve
que les agents posent énormément de questions. Je pense que les intervenants,
ce qu'ils cherchent à faire, c'est d'aider la personne afin qu'elle devienne
admissible au régime, là. Donc, oui, chaque demande est étudiée, là, de façon
très particulière.
• (15 heures) •
M. Jolin-Barrette : O.K. Puis
vous dites, le fait de ne plus avoir de délai de prescription sur les trois
types d'infraction que je vous ai mentionné, ça va permettre de <simplifier
le processus...
>
15 h (version révisée)
< M. Rodrigue (Jean) :
...afin qu'elle devienne admissible au régime, là. Donc, oui, chaque demande
est étudiée, là, de façon très particulière.
M. Jolin-Barrette :
O.K. Puis vous dites, le fait de ne plus avoir de délai de prescription sur les
trois types d'infraction que je vous ai mentionné, ça va permettre de >simplifier
le processus au niveau de l'admissibilité.
M. Rodrigue (Jean) : Oui, parce
qu'il n'y aura plus de questionnement pour ces contextes-là. Ce sont les
contextes, je vous dirais, les plus sensibles, lorsque les gens font une
réclamation, par exemple, pour de la violence conjugale, pour une agression
sexuelle, pour un crime commis dans l'enfance. Lorsque l'intervenant doit lui
demander des précisions, faire préciser certaines choses, essayer de comprendre
pourquoi il n'a pas été en mesure de faire cette réclamation-là, il est souvent
perçu comme étant très intrusif, et c'est très difficile pour les gens, pour
les personnes victimes. Le fait que ces crimes-là deviennent imprescriptibles,
eh bien, il n'y aura plus cette enquête-là, il n'y aura plus ce
questionnement-là. Ça va vraiment simplifier le travail.
M. Jolin-Barrette : Puis, en
matière d'infraction à caractère sexuel, c'est environ 80 % de vos
réclamations. C'est ce que j'ai compris.
M. Rodrigue (Jean) : Écoutez,
vous m'embêtez un peu. Je sais que la grande majorité des réclamations, c'est
violence conjugale, crimes à caractère sexuel, crimes dans l'enfance. C'est la
très, très grande majorité. Je ne pourrais pas vous confirmer avec exactitude,
là, si ça correspond à 80 %, mais c'est sûrement la très grande majorité.
M. Jolin-Barrette : O.K. Une
des demandes... bien, en fait, je dirais, un des commentaires que nous avons
eus de la part de certains groupes est à l'effet qu'on souhaiterait de la part
des personnes qui sont bénéficiaires du régime de ne pas avoir... bien, en
fait, de toujours avoir le même agent d'indemnisation. Pouvez-vous nous
renseigner un peu pour savoir, actuellement, là, de quelle façon ça se déroule
à la Direction de l'indemnisation?
M. Rodrigue (Jean) : Oui, avec
plaisir. C'est très difficile de n'avoir qu'un seul intervenant. Je vous
explique pourquoi. Lorsqu'on reçoit une réclamation, lorsque le dossier... la
personne victime, lorsqu'on traite son dossier, là, à l'accès au régime, ce
sont des intervenants avec des compétences particulières, une maîtrise
particulière de la loi. Donc, ce n'est pas le même intervenant qui va faire
l'accès au régime, qui va faire le suivi, par la suite, du dossier.
En prévision du projet de loi, on a
modifié notre structure opérationnelle afin de l'humaniser. Et ce qu'on va
faire, là, c'est... depuis janvier, maintenant, c'est comme ça, tous les
dossiers qui ont besoin d'un accompagnement particulier, toutes les personnes
victimes, devrais-je dire, là, qui ont besoin d'un accompagnement particulier,
c'est un intervenant, la personne victime aura affaire avec un intervenant une
fois le dossier accepté. Donc, il est possible que la personne victime va
appeler à la Direction générale de l'IVAC, va parler avec un préposé aux
renseignements. Souvent, les gens peuvent confondre, ils parlent à plusieurs
personnes. Ce n'est pas nécessairement l'intervenant qui est au dossier, là,
mais ils vont parler avec le préposé. Mais normalement, il y <aura...
M. Rodrigue (Jean) : ...le
dossier accepté. Donc, il est possible que la
personne victime va
appeler à la Direction générale de l'IVAC, va parler avec un préposé aux
renseignements. Souvent, les gens peuvent confondre, ils parlent à plusieurs
personnes.
Ce
n'est pas
nécessairement
l'intervenant qui est au
dossier, là, mais ils vont parler avec le préposé. Mais normalement,
il
y >aura un intervenant, soit agent d'indemne ou conseiller en
réadaptation, qui sera responsable d'un dossier, du dossier de la personne
victime.
M. Jolin-Barrette : Bien, le
fait qu'on mette en place un programme d'urgence et le fait de pouvoir avoir
des services dès le départ, là, sans que le dossier, là, soit admis
complètement, là, est-ce que... Comment la Direction de l'indemnisation voit ça
au niveau opérationnel?
M. Rodrigue (Jean) : Vous
savez, actuellement, on a en place ce qu'on appelle des mesures temporaires.
Alors, lorsque nous recevons une réclamation et qu'il est comme mentionné que
la personne est en attente de revenus, elle a des besoins particuliers, on peut
déjà mettre en place des mesures particulières. Nous avons reçu cette
réclamation-là, elle sera traitée, on peut autoriser certaines choses à la
demande également, là, de la personne victime. Ça fait que ça, c'est déjà
quelque chose en place.
Dans le programme d'urgence dont vous me
parlez, là, qui est inclus dans le projet de réforme, je crois que la
collaboration souhaitée, là, de la Direction générale de l'IVAC va être dans le
remboursement des frais et ces choses-là. C'est quelque chose que l'on maîtrise
très, très bien, là, toute la structure est en place pour recevoir, là, un tel programme,
là. Je ne vois pas de difficulté à mettre ça en place, pas du tout.
M. Jolin-Barrette : Au début
de votre intervention, je crois que vous disiez : Il y a beaucoup de critiques
de l'IVAC, de la Direction de l'indemnisation des victimes d'actes criminels,
qui est causé par la loi que nous avons actuellement, par la rigidité de la loi
puis par, dans le fond, les modalités qui sont assez fermes, assez complexes et
qui sont assez inflexibles. Donc, est-ce qu'avec la nouvelle loi vous pensez
qu'il va y avoir davantage de marge de manoeuvre et que ça amène une plus
grande souplesse et davantage de services?
M. Rodrigue (Jean) : Je crois
que oui. Moi, de ce que je comprends du projet de loi, je reviens à ça, là,
l'imprescriptibilité, juste ce volet-là, je pense que ça va être très, très
bien reçu des personnes victimes. J'en comprends aussi que la notion de victime
est modifiée. Il y a plus de gens qui vont avoir accès aux services. J'en
comprends qu'il y aura plus de victimes qui vont être reconnues comme étant une
victime, et ce n'est pas toujours le cas. Et ce qu'on constate, c'est que, chez
les gens qui font appel à nos services, le fait de ne pas être reconnu comme
une victime, c'est extrêmement difficile. Et ce que j'entends du projet de loi,
de ce que j'en comprends, il va y en avoir plus, de gens reconnus. Je pense que
c'est une excellente chose.
M. Jolin-Barrette : Peut-être
une dernière question pour moi, M. Rodrigue, avant de céder la parole à
mes collègues. Je ne sais pas si vous avez entendu l'intervenant précédent, qui
était Me Marc Bellemare, mais il nous a dit : Écoutez, avec le <projet
de loi...
M. Rodrigue (Jean) : ...de
ce que j'en comprends, il va y en avoir plus, de gens reconnus. Je pense que
c'est une excellente chose.
M. Jolin-Barrette :
Peut-être une dernière question pour moi, M. Rodrigue, avant de céder la
parole à mes collègues. Je ne sais pas si vous avez entendu l'intervenant
précédent, qui était Me Marc Bellemare, mais il nous a dit : Écoutez,
avec le >projet de loi n° 84, ça va être difficile à appliquer et à
interpréter, la nouvelle loi, pour la Direction de l'indemnisation des victimes
d'actes criminels. Est-ce que vous pensez que vous allez avoir de la difficulté
à appliquer le nouveau projet de loi, s'il devenait une loi?
M. Rodrigue (Jean) : Non, je
ne crois pas, même, du tout. Je tiens à préciser, là, je ne suis pas le
spécialiste, là, de cette réforme-là, je ne suis pas légiste non plus, là, mais
il me semble plutôt que c'est beaucoup plus clair, il y a moins matière à
interprétation. Les services offerts selon le bénéficiaire, pour moi, c'est
beaucoup plus clair que ce que c'est présentement. Alors, je ne vois pas où
serait la difficulté, là, à mettre en oeuvre cette réforme.
D'ailleurs, là, je l'ai dit en
introduction, si vous permettez, là, je tiens à le répéter, la Direction
générale de l'IVAC a collaboré depuis le début avec le ministère de la Justice
dans cette réforme-là. On a été à même de faire nos commentaires, puis il n'y a
pas beaucoup de roches qui n'ont pas été soulevées. Puis je pense que les
intervenants de chez nous qui ont participé à cette réforme-là, à cette
discussion-là, étaient très au fait des critiques des personnes victimes. Moi,
je ne crois pas que ça va être difficile à mettre en oeuvre. Déjà, on débute
nos travaux, là, on est en train de mettre en place certaines choses pour
s'assurer que ça soit mis en oeuvre au jour J. Non, je ne crois pas ça.
M. Jolin-Barrette : Merci. Je
vais céder la parole, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le ministre. Mme la députée de
Bellechasse, s'il vous plaît.
M. Rodrigue (Jean) : Je ne
vous entends pas, désolé.
Le Président (M.
Bachand) : C'est la députée de Bellechasse qui va prendre la
parole. Mme la députée, votre micro est ouvert?
Mme Lachance : Merci, M. le
Président. Merci, M. Rodrigue, d'être présent parmi nous.
M. Rodrigue (Jean) : Ça fait
plaisir.
Mme Lachance : Peut-être,
comme première question, j'aimerais revenir sur quelque chose que vous avez
énoncé, et n'hésitez pas à me reprendre si je n'ai pas bien compris. Vous avez
mentionné qu'en 2019 108 demandes avaient été refusées pour délai...
motif de renonciation, donc délai dépassé. Est-ce que c'est exact?
M. Rodrigue (Jean) : Pour hors
délai.
Mme Lachance : Pour hors délai?
M. Rodrigue (Jean) : Oui.
Mme Lachance : Et, sur les
108, vous avez mentionné que près de la moitié étaient liées à des crimes à
caractère sexuel ou conjugal.
M. Rodrigue (Jean) : Un
instant, je veux juste m'assurer, là, que je...
Mme Lachance : C'était dans
votre présentation, au tout début.
M. Rodrigue (Jean) : Oui, 108 personnes,
c'est vrai. 108 personnes ont reçu une décision de refus à l'accès au
régime car elles n'ont pas présenté leur demande de prestations à temps, sans
motif raisonnable pour justifier leur retard.
Mme Lachance : Et donc près de
la moitié était à caractère sexuel...
M. Rodrigue (Jean) : A été <victime...
M. Rodrigue (Jean) : Un
instant, je veux juste m'assurer, là, que je...
Mme Lachance : C'était dans
votre présentation, au tout début.
M. Rodrigue (Jean) : Oui,
108 personnes, c'est vrai. 108 personnes ont reçu une décision de
refus à l'accès au régime car elles n'ont pas présenté leur demande de
prestation à temps, sans motif raisonnable pour justifier leur retard.
Mme Lachance : Et donc près
de la moitié était à caractère sexuel...
M. Rodrigue (Jean) : A été >victime
d'agression sexuelle, oui.
Mme Lachance : O.K. Donc, on
peut convenir qu'avec le projet de loi n° 84 près de la moitié de ces
victimes-là auraient obtenu des gains. Pour l'autre moitié, est-ce que vous
êtes en mesure d'identifier un peu le délai? Est-ce que ça dépassait beaucoup
trois ans? Est-ce que c'était près de trois ans? Est-ce qu'on le
sait?
M. Rodrigue (Jean) : Non,
malheureusement, je ne peux pas vous donner cette information-là. Lorsqu'on
codifie une réclamation, là, on va aller indiquer le refus hors délai, mais on
ne peut pas indiquer de combien de temps, là. Je suis désolé.
Mme Lachance : O.K. Donc, on
n'a pas cette information-là. Donc, selon votre expérience, est-ce que le délai
de trois ans est suffisant maintenant?
• (15 h 10) •
M. Rodrigue (Jean) : Vous
savez, pour certaines personnes, ce ne sera jamais suffisant. Mais oui, c'est
sûr et certain que ça va quand même donner plus de temps aux gens, surtout que
ça va être pour une catégorie, parce que, finalement, la majorité des dossiers,
là, il y aura l'imprescriptibilité. Alors, ils n'auront plus ces délais-là.
Mme Lachance : D'accord.
J'aurais aussi une petite question concernant ce que mon collègue le ministre
vous a exprimé il y a quelques minutes à ce qui a trait au nombre d'agents. Si
les victimes avaient la possibilité d'avoir un seul agent, ce serait un fait
qui serait apprécié parce qu'ils trouvent ça difficile. Est-ce qu'on peut
savoir comment ça fonctionne? Combien d'agents peuvent être en contact avec une
victime dans le cadre d'un dossier?
M. Rodrigue (Jean) : Comme je
vous l'expliquais, il est possible... Là, au tout début, il y a un intervenant
qui va faire ce qu'on appelle l'accès au régime, donc qui va communiquer avec
la personne victime pour prendre l'information et puis déterminer son
admissibilité au régime. Par la suite, ce dossier-là sera transféré,
dépendamment, là, du type de dossier, dans des services d'accompagnement, et là
il devrait y avoir un autre intervenant.
C'est vrai que, je le répète, là, parfois,
il peut y avoir une apparence, là, où il y a plusieurs intervenants qui
traitent un dossier. Il suffit que l'intervenant responsable du dossier soit en
vacances, soit absent, que ce soit une autre personne qui va prendre le dossier
et que la personne victime va penser qu'on a transféré son dossier. C'est
vraiment un souhait qui est fait et c'est quelque chose, là, sur lequel on
travaille parce qu'on est très soucieux de ça, que la personne victime n'ait
pas à répéter constamment son histoire. On comprend à quel point ça peut être
difficile de le faire.
Mais force est de constater qu'on a encore
du travail à faire, ça, c'est sûr, et qu'opérationnellement il y a des
difficultés à mettre ça en oeuvre. Mais ce que nous sommes en train de mettre
en place, notre nouvelle structure, je répète, on y travaille depuis juillet en
prévision de cette réforme-là qui s'en <vient, mais qui...
M. Rodrigue (Jean) :
...force est de constater qu'on a encore du travail à faire, ça, c'est sûr, et
qu'opérationnellement
il y a des
difficultés à mettre ça en
oeuvre. Mais ce que nous sommes en train de
mettre en place, notre
nouvelle
structure, je répète, on y travaille depuis juillet en
prévision de cette réforme-là qui s'en >vient, mais qui est en vigueur,
là, depuis le mois de janvier. C'est tout nouveau... On veut vraiment que la personne
victime qui a ces besoins-là d'accompagnement soit accompagnée par un intervenant
en indemnisation et également un intervenant en réadaptation. Parce que parfois
il peut y avoir, hein, aussi... je dirais, la personne peut penser que c'est
deux intervenants. Oui, mais ils traitent le même dossier, ils n'ont pas
les mêmes tâches.
Mme Lachance : Donc, il y aurait
un intervenant en indemnisation et un en réadaptation. Et puis ces intervenants-là,
comment ils sont formés pour répondre à une clientèle victime... à des
victimes, en fait?
M. Rodrigue (Jean) : Oui. Écoutez,
il y a la formation lorsque les gens arrivent au régime, lorsqu'ils sont
embauchés, là, il y a une formation de près de... entre six et huit semaines,
avec des stages, là, dans les filières, là, pour travailler avec les personnes
victimes. Ça, c'est ce qu'on a fait en indemnisation. Tous les conseillers en
réadaptation, ce sont des corps d'emploi de niveau professionnel, où les gens sont
bacheliers soit en psychologie, en criminologie. Il y a... ce sont des
pratiques que l'on recherche, là, les C.V. que l'on recherche, donc. Et il y a,
par la suite, la formation interne, formation continue, comment exprimer un
refus, comment communiquer des choses difficiles avec les personnes victimes, par
exemple. Donc, il y a de la formation continue tout au long de l'année.
Mme Lachance : Et ça, c'est déjà
en place, là, ça fait déjà partie de vos méthodes de travail, de votre façon de
fonctionner. Puis comment on évalue la qualité du service, dans le fond, la
qualité...
Le Président (M.
Bachand) : ...
Mme Lachance : J'ai terminé, M.
le Président?
Le Président (M.
Bachand) : Oui. Rapidement, M. Rodrigue, s'il vous plaît.
Mme Lachance : Merci, M. le
Président.
M. Rodrigue (Jean) : Oui. Je
ne sais pas si je vais être capable d'être rapide là-dessus, parce que c'est
une question très sensible, là. Ça fait que vous m'interromprez si je vais trop
loin, là.
Comment est-ce qu'on évalue la qualité du
service, là, c'est une excellente question, parce que ça me permet de vous
parler de ce qu'on a fait. Vous savez, là, le Protecteur du citoyen... je pense
que vous êtes tous au courant, lorsque le protecteur est arrivé à la Direction
générale de l'IVAC, là, en 2016, lorsqu'il a fait ses travaux, lorsqu'il a
fait son rapport, lorsqu'il a fait toutes ses recommandations, près de 33, c'est
un rapport quand même costaud, il a amené un vent de changement incroyable au
sein de la direction. Il y a beaucoup de choses qui ont été changées. Des 33 recommandations,
il y en a 31 qui sont considérées comme étant implantées. Ça fait que ça a
amené beaucoup de choses, mais...
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. Rodrigue. Je dois
malheureusement vous interrompre puis je m'en excuse.
Mme Lachance : Merci,
M. Rodrigue. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Je cède la parole au député de LaFontaine,
s'il vous plaît.
M. Tanguay
: Oui. Merci
beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour, M. Rodrigue, de vous saluer
et également de saluer Mme Choquette.
Et j'aimerais ça, d'entrée de jeu,
permettre à Mme Choquette, là, sur tout ce qui s'est dit <jusqu'à...
Le Président (M.
Bachand) :M
erci beaucoup,
M. Rodrigue. Je dois
malheureusement vous interrompre puis je m'en
excuse.
Mme Lachance : Merci,
M. Rodrigue. Merci,
M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Je cède la parole au
député de
LaFontaine,
s'il vous plaît.
M. Tanguay
: Oui.
Merci
beaucoup,
M. le Président. Alors, à mon tour, M. Rodrigue de vous
saluer, également de saluer Mme Choquette.
Et j'aimerais ça, d'entrée de jeu,
permettre à Mme Choquette, là, sur tout ce qui s'est dit >jusqu'à maintenant...
parce que souvent, dans ces consultations-là, on se rend compte qu'il nous
reste plus de temps puis on a dit : Ah! il y avait une autre personne qui
était là puis qui n'a pas pu s'inscrire, ou si peu, dans le débat, alors
j'aimerais vous donner l'occasion, Mme Choquette... Est-ce qu'il y a
d'autres éléments? Peut-être que non, sinon j'ai des questions, mais est-ce
qu'il y a des éléments autres également sur lesquels vous aimeriez porter notre
attention?
Mme Choquette (Myriam) :
Bien, peut-être juste pour terminer ce que M. Rodrigue disait tantôt, là,
à la question de Mme Lachance, là, comment on s'assure de la formation
puis de la qualité, là, c'est sûr qu'il y a des coachs intégrateurs, là, des
gens sur le terrain aussi qui s'assurent... là, qui suivent ces nouveaux-là et
qui peuvent aussi faire des interventions ponctuelles, là, quand on se fait
signifier, par exemple, là, qu'il y a des besoins de développement chez
certaines personnes, des difficultés, là, par rapport à certaines compétences.
Donc, on a ça aussi. Donc, je pourrais rajouter là-dessus. Sinon, tout ce qui a
été dit par M. Rodrigue, je partage les mêmes idées.
M. Tanguay
: Bon, bien,
c'est bon. On n'en doutait pas. M. Rodrigue et Mme Choquette, je vais
vous lancer des questions... puis je le sais que, des fois, ça participe de
l'intention du législateur, puis vous avez un rôle à jouer, puis, sur le
fondement, l'opportunité, je dirais, politique de faire une modification
législative ou pas, ce n'est pas réellement à vous de vous prononcer puis vous
n'avez pas à vous prononcer dans l'arène politique, mais sur des concepts, quand
même, c'est à ce niveau-là, bref, que je ferais appel à votre expertise.
On a entendu ce matin notamment, ce matin,
Me Lessard sur le concept de mens rea, et lui recommandait : «À
l'article 13, définir "l'infraction criminelle" comme "tout
événement dont la description correspond à un geste criminel, soit l'actus reus
d'une infraction prévue au Code criminel, survenu après le 1er mars 1972
et qui porte atteinte à l'intégrité physique ou psychologique d'une personne".»
Autrement dit, faire en sorte d'éviter que,
dans certains dossiers... Et ça aussi, ça nous a été dit, des groupes nous ont
dit que l'IVAC invoquait l'absence d'intention criminelle dans des cas, par
exemple, d'agression sexuelle, bien que la loi ne le prévoie pas.
Alors, Me Lessard, puis on a eu des
discussions en ce sens-là, nous invitait à nommément, d'une manière ou d'une
autre, dans la loi, retirer cette notion-là d'intention criminelle... dans
certains cas, semble-t-il, avait été une justification pour refuser une
demande. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, si vous le désirez, là.
M. Rodrigue (Jean) : Oui.
Écoutez, M. Tanguay, vous allez m'excuser dès le départ, je ne suis pas un
légiste, donc là, il y a des notions, là, qui, pour moi, m'échappent, là.
M. Tanguay
: C'est bien
correct.
M. Rodrigue (Jean) : Ce que je
peux vous dire, par contre, là, que, lorsqu'on étudie une demande, on ne
demande pas de preuve, là, spécifique, là, concernant l'intention de l'acte. Il
y a des directives qui existent et qui sont <suivies, là, par nos...
M. Rodrigue (Jean) : ...là,
qui, pour moi, m'échappent, là.
M. Tanguay
: C'est
bien correct.
M. Rodrigue (Jean) : Ce que
je peux vous dire, par contre, là, que, lorsqu'on étudie une demande, on ne
demande pas de preuve, là, spécifique, là, concernant l'intention de l'acte. Il
y a des directives qui existent et qui sont >suivies, là, par nos
intervenants. Bien entendu, il y a des cas très particuliers qui sont
présentés, là, à la Direction générale de l'IVAC, et ces cas-là particuliers
qui amènent des questionnements particuliers sont traités avec la gestionnaire,
avec une spécialiste de l'accès au régime. Souvent, on va faire appel aussi aux
services juridiques pour aider dans le traitement de ces dossiers.
Mais je ne pourrais pas me prononcer plus,
là, sur cette question-là. Désolé.
M. Tanguay
: Non,
pas de trouble. Autrement dit, vous, vous êtes le directeur général de l'IVAC,
mais vous n'êtes pas juriste au sein de votre organisation et vous laissez ça,
donc, à l'interprétation des services juridiques.
M. Rodrigue (Jean) : Tout
à fait, tout à fait.
M. Tanguay
: O.K.
J'imagine que ce serait également la même réponse en ce qui concerne... et ça,
c'est Me Bellemare, juste avant vous, qui en faisait état, et je le cite, autre
cas où l'harmonisation... parce que le point de Me Bellemare était :
Bien, plutôt que de chambouler par 190 nouveaux articles qui devront vivre
juridiquement...
On parle des juristes, j'en suis un, le
ministre en est un, Me Bellemare en est un également. Je veux dire,
l'interprétation législative d'un nouveau projet de loi, même si, à première
lecture, ça semble bien simple, 190 nouveaux articles, tout le monde, on a
la prétention que c'est de droit, ce n'est pas copié-collé, ce n'est pas quatre
trente-sous pour une piastre. Il y a des choses qui sont changées, il y a des
notions là-dedans qui devront être analysées et jugées. Donc, un corpus
jurisprudentiel, ça va prendre des années puis ça va prendre des victimes pour
passer devant le TAQ, pour passer devant l'IVAC pour dire : Bien, non, tu
as le droit, ou, oui, tu as le droit en vertu de la nouvelle loi.
Alors, lui, il disait : Harmonisez
donc les concepts juridiques, notamment «l'impossibilité d'agir», et dans
l'article 20 de la loi versus le «motif raisonnable» que l'on retrouve
dans des lois telles que la Loi sur les accidents de travail et les maladies
professionnelles, la Loi sur l'assurance automobile, la Loi sur la Régie des
rentes du Québec, et ainsi de suite. Est-ce que c'est la même réponse, là?
Avez-vous une analyse là-dessus, sur le fait que l'impossibilité d'agir, tel
qu'appliqué par l'article 20, va être encore plus lourd que «motif
raisonnable», qui a été développé dans les autres lois?
• (15 h 20) •
M. Rodrigue (Jean) : Je
me dois de vous faire la même réponse, M. Tanguay. Je ne peux pas me
prononcer là-dessus. Il faut comprendre aussi, hein, que notre rôle à nous, la
Direction générale de l'IVAC, c'est d'opérationnaliser, ce n'est pas de
travailler sur les orientations ou... ça appartient au ministère de la Justice.
Nous, ce que je peux vous signaler, par
contre, que, peu importe ce qui sera décidé, nous serons là pour les mettre en
oeuvre.
M. Tanguay
:
Excusez mon ignorance, mais vous avez une direction des affaires juridiques?
M. Rodrigue (Jean) : Qui
est à la CNESST. Donc, en collaboration avec la CNESST.
M. Tanguay
: O.K.
Et <avez-vous eu...
M. Rodrigue (Jean) : ...il
faut signaler,
par contre, que,
peu importe ce qui sera décidé,
nous serons là pour le
mettre en oeuvre.
M. Tanguay
: Excusez
mon ignorance, mais vous avez une direction des affaires juridiques?
M. Rodrigue (Jean) : Qui
est à la CNESST. Donc, en
collaboration avec la CNESST.
M. Tanguay
:
O.K.
Et >avez-vous eu confirmation que la direction des affaires juridiques
de la CNESST, chargée de l'application de la loi, a été consultée pour le projet
de loi n° 84?
M. Rodrigue (Jean) : Oui, elle
a travaillé en collaboration avec le ministère de la Justice.
M. Tanguay
: Vous
parliez un peu plus tôt... Hier, on a entendu des groupes nous dire qu'ils
étaient fort inquiets, notamment, pour ce qui est de l'ancienne loi, qui a beaucoup
moins que 190 articles, semblent avoir beaucoup de difficulté à la
maîtriser et à rejoindre adéquatement... et à répondre adéquatement aux questions
des victimes. Là, on va passer d'une trentaine — on me corrigera si j'ai
tort — articles à 190 articles. Comment abordez-vous le défi de
complexité et la formation nécessaire à l'interne, qui sera nécessaire, puis,
j'imagine, la rédaction du bulletin d'interprétation, et ainsi de suite?
M. Rodrigue (Jean) : Si vous
le permettez, je donnerais la parole à Mme Choquette, qui est la
gestionnaire responsable de la mise en oeuvre. Elle va pouvoir vous expliquer
qu'est-ce qu'on prévoit faire.
M. Tanguay
: Merci.
Mme Choquette (Myriam) : Oui.
Est-ce que vous... Donc...
Le Président (M.
Bachand) : Allez-y.
Mme Choquette (Myriam) : Oui,
merci. Alors, en fait, là, dans le cadre de la mise en oeuvre, là, ça fait
plusieurs mois déjà qu'on travaille en collaboration avec le ministère de la
Justice. Juste pour vous assurer, là, à chaque étape du projet, on a été
impliqués, donc on a eu le temps de voir venir... ça pourrait... d'évaluer, en
fait, qu'est-ce que ça peut être, les impacts de chaque nouvelle notion, chaque
nouveauté qui est apportée, donc... excusez-moi, donc, ça pourrait être quoi,
les impacts potentiels sur... que ce soient la structure organisationnelle, sur
les processus de travail, sur la volumétrie des demandes, sur les activités à
réaliser par les intervenants, là, tu sais, que ce soient des actions à
modifier, et à ajouter, à retirer.
Donc, à partir des informations qu'on
avait à ce moment-là, bien, on a fait des estimations, des hypothèses quant
aux... tu sais, par rapport aux ressources financières, technologiques, les
ressources humaines que ça va nous prendre. On a transmis ces informations-là
au ministère de la Justice. Donc, nous, on n'est pas responsables de la
budgétisation, donc on ne sait pas exactement où ça en est, mais, à notre
connaissance, avec...
M. Tanguay
: Mme Choquette,
combien de temps et à quel prix... à quel coût évaluez-vous la mise en application
du projet de loi n° 84, si d'aventure il était
adopté?
Mme Choquette (Myriam) :
Bien, comme je viens de vous mentionner, là, la budgétisation, ça relève du
ministère. Par contre, le temps de l'implantation, c'est un peu ça qu'on est en
train d'évaluer. On travaille vraiment, là... On a mis sur pied une structure
de projet. Donc, on a tout évalué c'est quoi qu'il faut changer, que ce soit...
Tu sais, vous parliez de formation, c'est central dans tout ça, la
documentation, les instructions de travail, les politiques, comment on va
s'assurer de bien saisir, tu sais, qu'est-ce que ça veut dire, l'application de
tel article de loi ou pas, concrètement. On va travailler avec le ministère, on
le fait toujours depuis plusieurs <années.
Donc, tout ça...
Mme Choquette (Myriam) :
...de formation, c'est central dans tout ça, la documentation, les instructions
de travail, les politiques, comment on va s'assurer de bien saisir, tu sais, qu'est-ce
que ça veut dire, l'application de tel article de loi ou pas, concrètement. On
va travailler avec le ministère, on le fait toujours depuis plusieurs >années.
Donc, tout ça, là, ça va être en train de
se mettre sur pied, puis c'est sûr que, pour l'entrée en vigueur, on va être
prêts. Il faut être prêts pour l'entrée en vigueur. Pour être capable
d'appliquer, par contre, la... tu sais, vous savez, la mise en oeuvre implique
aussi, justement, là, tu sais, du raffinement. Vous avez mentionné tantôt, là...
tu sais, par exemple, il y a des décisions qui vont se rendre au Tribunal
administratif, il y a des choses... Donc, on va s'ajuster graduellement, on va
s'assurer aussi de suivre comme il faut l'intégration des compétences auprès
des intervenants pour être capable de revenir, là, puis développer un
programme, là, donc.
Ça fait que, sur le temps, là, je vous
dirais qu'on s'est donné un trois ans aussi pour intégrer des nouvelles
ressources, de voir aller aussi ce que ça veut dire. On ne sait pas combien de
nouvelles réclamations on va avoir exactement. On a fait des hypothèses, des
estimations, mais concrètement, qu'est-ce que ça va vouloir dire? Donc, on va
s'ajuster au fur et à mesure, là. Puis donc c'est ça...
M. Tanguay
: Et est-ce
que vous pouvez communiquer au secrétariat de la commission vos évaluations
quant aux hypothèses du nombre de demandes supplémentaires que ça va engendrer
en termes de nombre, et, si d'aventure, de la nature des demandes et des coûts
également?
Mme Choquette (Myriam) : Il faudrait
que je voie. En fait, je crois que les... je n'étais pas encore arrivée à
l'IVAC, là.
M. Rodrigue (Jean) : Si tu
permets, Myriam, tous ces documents ont été transmis au ministère de la
Justice. Donc, de...
M. Tanguay
: D'accord,
mais est-ce que vous pouvez vous engager, M. Rodrigue, à les communiquer
au secrétariat de la commission?
M. Rodrigue (Jean) : Bien oui,
je pourrais le faire. Je pourrais communiquer avec le ministère de la Justice,
qu'il nous retourne... Oui.
M. Tanguay
: Bien, vous
les avez déjà. Sans demander la permission du ministère de la Justice, si vous
vous engagez à nous les communiquer, comme élu et législateur, je pense que ça
serait des éléments intéressants. Et également vos évaluations quant au délai
de mise en application, ce serait pertinent, parce que le projet de loi prévoit
cinq mois, et là vous parliez de trois ans. Alors, si vous pouvez
nous envoyer toutes vos analyses là-dessus au secrétariat de la commission, ce
sera grandement apprécié et éclairant.
M. Rodrigue (Jean) : D'accord.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le député de LaFontaine.
Mme la députée de Sherbrooke, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci. D'abord,
je voudrais vous remercier de venir... de prendre l'engagement de transmettre
ces documents-là à la commission. Je pense que ça va être très utile. On se
serait adressé à vous directement pour en faire la demande, mais, si vous
pouvez le faire, bien, la commission, je pense, l'ensemble de mes collègues va
être ravi de pouvoir lire ça.
J'entends bien que vous, vous êtes plus
dans l'opérationnalisation de tout ça. Donc, je ne vous questionnerai pas tant
sur le fond du contenu du projet de loi, mais plus sur la question des délais.
Je pense que ça relève bien de vous. Vous nous avez dit qu'il y a des
changements dans le projet de loi qui vont simplifier votre travail. Donc,
j'entends que, dans une certaine mesure, ça pourrait, j'imagine, réduire les
délais. Je pense à l'imprescriptibilité, vous en avez parlé. Ça serait... C'est
quoi, votre cible de délai de traitement d'un dossier une fois que la demande,
elle est complétée puis qu'elle vous est envoyée? C'est quoi, votre cible?
Puis, si on <inscrivait dans la...
Mme Labrie : ...des
changements dans le
projet de loi qui vont simplifier votre travail. Donc,
j'entends que, dans une certaine mesure, ça pourrait, j'imagine, réduire les
délais.
Je pense à l'imprescriptibilité, vous en avez parlé. Ça
serait... C'est quoi, votre cible de délai de traitement d'un dossier une fois
que la demande, elle est complétée puis elle vous est envoyée? C'est quoi,
votre cible? Puis, si on >inscrivait dans la loi un délai maximum de
traitement une fois que le dossier est complété, qu'est-ce qui serait
raisonnable?
M. Rodrigue (Jean) : Très
bonne question que vous me posez, puis je dois vous dire que c'est... On ne
s'est pas donné de délai cible, nous, dans les opérations, parce qu'on essaie
de traiter la réclamation lorsqu'elle est prête à être traitée, lorsqu'on a
toute l'information. Il y a des choses, je vous dirais, qui n'appartient pas à
la Direction générale de l'IVAC. Par exemple, lorsqu'on a besoin d'une preuve
de blessure, ce délai-là, lorsqu'on demande à la personne victime d'aller chercher
une preuve de blessure, là, pour nous permettre, là, d'accepter la réclamation,
bien, parfois, ça peut être difficile pour elle, puis parfois on va faire des
demandes. Nous, on va demander des dossiers médicaux, etc., mais la personne
souvent doit aller chercher de l'information.
Mme Labrie : Ça, ça vient
après que le dossier est complet ou avant?
M. Rodrigue (Jean) : Avant. C'est...
Mme Labrie : Donc, une fois
qu'il est complet, que vous avez tous ces documents-là?
M. Rodrigue (Jean) : On rend
la décision. Vous savez, c'est pratiquement automatique, c'est quand même assez
simple, là, une fois qu'on a toute l'information. Ce qui est le plus complexe, c'est
d'obtenir l'information pour...
Mme Labrie : Ça fait que, si
on disait, par exemple, une fois que le dossier, il est complet, la réponse
doit être rendue dans les 15 jours, les 30 jours, ce serait
raisonnable?
M. Rodrigue (Jean) : Tout à
fait, tout à fait.
Mme Labrie : Je vous remercie.
C'est un élément d'information très précieux. On va certainement tenter
d'inscrire ça dans le projet de loi. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de Joliette, s'il vous plaît.
Mme
Hivon
: Oui,
bonjour. Merci d'être là. Je dois vous dire que ça n'a aucun rapport avec vous personnellement,
mais c'est assez rare, inusité qu'on ait les hauts fonctionnaires responsables
d'un régime puis qui vont devoir l'appliquer venir en commission comme témoins,
parce qu'on comprend, bien sûr, que vous avez participé à l'élaboration du projet
de loi. Donc, ce n'est pas vraiment votre rôle d'avoir de la marge de manoeuvre
pour critiquer les orientations politiques ou législatives, donc...
Mais je vais plus vous amener sur des
enjeux très concrets, là, d'application, ce qui va être votre rôle, et je pense
qu'éventuellement peut-être que... j'imagine que vous allez être présents si on
se rend à l'étude détaillée dans les prochains mois, donc il y aura peut-être
d'autres questions. Mais je voulais vous entendre sur toute la question des
formulaires. On nous a dit à quel point ce qui était lourd, c'est que,
notamment, la personne qui fait la demande doit écrire ce qu'elle a vécu, et
comment ça s'est passé, et tout. Est-ce qu'il y aurait moyen et est-ce que vous
pensez qu'on devrait simplifier de beaucoup le formulaire, notamment pour
peut-être éviter d'avoir autant à en demander aux victimes?
• (15 h 30) •
Puis l'autre question, c'est sur les soins
psychologiques. On nous a dit aussi que c'était difficile de pouvoir trouver
des psychologues, des fois, il fallait faire cinq, six, sept appels, qui
prennent des dossiers de l'IVAC. Est-ce qu'on devrait <augmenter les
honoraires...
>
15 h 30 (version révisée)
<27
Mme
Hivon
: ...d'avoir autant à en demander aux victimes?
Puis l'autre
question, c'est sur
les soins psychologiques. On nous a dit aussi que c'était difficile de pouvoir
trouver des psychologues, des fois, il fallait faire cinq, six, sept appels,
qui prennent des dossiers de l'IVAC. Est-ce qu'on devrait >augmenter les
honoraires pour que ce soit plus simple?
M. Rodrigue (Jean) :
Concernant les formulaires, les formulaires pour aider les personnes, là, à
déposer leurs réclamations ont été revus, ont été revus à la demande du Protecteur
du citoyen dans son rapport d'intervention, là. Ils avaient fait des représentations
à cet effet-là. Donc, ils ont été revus complètement. C'est vrai qu'ils sont
très complets, il y a énormément de questions. Puis pourquoi on fait ça comme
ça? Pour faciliter le travail, encore là, pour pouvoir être en mesure de rendre
la décision rapidement lorsque nous avons en main le formulaire.
Ça me permet de vous dire qu'une fois que
ça a été fait, à la satisfaction du Protecteur du citoyen d'ailleurs, là, nous
avons fait un sondage auprès de notre clientèle et on a sondé 900 personnes
victimes, 900 personnes victimes qui, si vous permettez, je tiens juste à
le dire parce que, pour moi, c'est important, là, qui ont salué les services à
la clientèle offerts par la Direction générale de l'IVAC. Je veux le dire,
parce qu'on n'entend pas toujours des bonnes choses, mais les personnes
victimes nous l'ont dit. C'est pour ça que je voulais souligner. Mais ils nous
ont également dit, à près de 90 %, que les communications écrites et
orales, avec la Direction générale de l'IVAC, étaient claires.
Ça fait qu'on aura toujours du travail à
faire. On aura toujours du travail à faire parce que, souvent, c'est un langage
de fonctionnaire, on va appeler ça comme ça, puis il faut le préciser, il faut
le vulgariser, etc. Mais plus on a de l'information lorsqu'on reçoit la
réclamation, plus vite on peut traiter cette demande-là, et aussi on n'a pas
besoin d'aller requestionner la personne victime. Ce qu'on souhaite, c'est
qu'elle complète sa demande chez elle, à tête reposée, tranquillement, qu'on
n'ait pas besoin de reposer ces questions-là. C'est pour ça qu'il est très, très,
très complet.
On a également fait un guide pour les
accompagner, pour les aider. On a refait notre site Internet aussi pour que ce
soit plus clair pour eux, tu sais, pour faciliter le travail. Je comprends...
Le Président (M.
Bachand) : Merci. C'est tout le temps qu'on a. M. Rodrigue,
Mme Choquette, merci beaucoup d'avoir été avec nous cet après-midi, c'est
très apprécié.
Cela dit, la commission suspend ses
travaux quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 32)
>
(Reprise à 15 h 34)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend
ses travaux.
Alors, il nous fait plaisir d'accueillir
Me Nancy Roy et Mme Annie St-Onge de l'Association des familles de
personnes assassinées ou disparues. Merci beaucoup d'être avec nous cet
après-midi.
Alors, cela dit, vous le savez, vous avez
10 minutes de présentation, et, après ça, on aura un échange avec les
membres de la commission. Sur ce, je vous laisse la parole. Merci encore d'être
avec nous aujourd'hui.
Association des familles de personnes assassinées
ou disparues (AFPAD)
Mme St-Onge (Annie) :
Parfait. Donc, merci de nous accorder ce temps si précieux. Mon nom est Annie
St-Onge. Je suis la soeur de Christine St-Onge, qui a été assassinée au Mexique
en décembre 2018.
Si on se rappelle les événements, ma soeur
Christine a été portée disparue suite au retour précipité de son ami de coeur
un jour avant la date prévue, et qui s'est enlevé la vie plus tard. Ma soeur, c'est...
On a appris par les médias mexicains que ma soeur avait été retrouvée sans vie
au Mexique une semaine plus tard.
Donc, suite à ça, je vous dirais que ça a
été un peu infernal. Ça a été vraiment la tour de Babel, la maison des fous
pour mettre les efforts nécessaires pour rapatrier son corps ici, au Québec.
Les difficultés au niveau du rapatriement, c'était vraiment au niveau du nombre
d'intervenants, des messages contradictoires que nous avions. Nous, la famille
endeuillée, on devait faire le lien entre les différents intervenants. Donc,
c'était un processus qui était totalement inhumain.
C'est à ce moment-là que moi, j'ai fait
une sortie médiatique pour lancer un énorme cri du coeur, parce que j'avais vraiment
besoin d'aide, puis j'avais besoin de comprendre, puis j'avais besoin de la
rapatrier pour pouvoir faire notre deuil. Et c'est là que j'ai connu l'AFPAD,
donc l'Association des familles de personnes assassinées ou disparues et c'est
à ce moment-là que j'ai pu assister à des rencontres, des déjeuners pour
rencontrer d'autres familles et puis sortir de l'isolement.
Et c'est à ce moment-là aussi, en
rencontrant les familles, que j'ai vraiment décidé de m'impliquer au sein de
l'AFPAD, donc, à titre d'administratrice au niveau du <C.A. J'ai...
Mme St-Onge (Annie) :
...des rencontres, des déjeuners pour rencontrer d'autres familles et puis
sortir de l'isolement.
Et c'est à ce moment-là aussi, en
rencontrant les familles, que j'ai vraiment décidé de m'impliquer au sein de
l'AFPAD, donc, à titre d'administratrice au niveau du >C.A. J'ai décidé
de m'impliquer parce que je voulais faire changer les choses puis j'avais comme
deux missions au sein de l'AFPAD. C'était de faire reconnaître les
victimes hors Québec, les victimes d'assassinat hors Québec, et aussi d'apporter
un processus plus humain dans les cas de rapatriement des dépouilles au Québec.
Donc, durant la dernière année, il y a eu
d'autres familles qui ont vécu la même chose que nous. Donc, si on se rappelle
bien, là, dans les médias, vous avez pu peut-être constater qu'il y a eu la
famille Traboulsi( dernièrement, la famille Fraser qui ont vécu exactement les
mêmes enjeux que nous. Ça a été les mêmes difficultés. C'est carrément
inhumain. Et nous, l'AFPAD, on a été là auprès d'eux, on a apporté notre
support et notre soutien dans la mesure du possible.
Je voulais vous... je voulais saluer, en
fait, la nouvelle mouture de la Loi sur l'IVAC, de la loi n° 84, mais je
vous avoue que je suis très déçue. Je suis déçue parce qu'il n'y a rien qui est
prévu pour les victimes antérieures, dont mes neveux. Il n'y a aucune mesure
transitoire, il n'y a aucune mesure rétroactive. En fait, mes neveux, ils n'auront
droit à rien. Dans certains cas, certaines victimes n'auront droit à rien non
plus, puis, des fois, ils ont besoin d'aide, ces gens-là qui tombent un petit
peu entre les deux... ont besoin d'avoir le support, ont besoin d'avoir de l'aide
aussi pour reprendre un cours normal de leur vie.
Dans les cas hors Québec, je pourrais vous
dire que... je suis assez généreuse si je vous dis qu'il y a environ, au plus,
cinq cas d'homicides hors Québec par année. Ça serait quoi comme
différence pour vous de les reconnaître, ces gens-là? Je peux vous dire, par
contre, que, pour des familles, ça pourrait faire toute la différence. Donc, ma
soeur et ces victimes-là ont été des payeuses de taxes, ont été des payeuses d'impôt.
Je pense sincèrement qu'elles devraient être reconnues comme victimes d'actes
criminels. Je vous remercie.
Mme Roy (Nancy) : C'est mon
tour.
Le Président (M. Bachand) :
Oui.
Mme Roy (Nancy) : Merci,
Annie. Si j'avais pu être accompagnée de plusieurs autres familles, je l'aurais
fait, parce que je pense que c'est important de démontrer c'est quoi, leur
réalité, c'est quoi, les impacts qu'un drame peut avoir sur leur vie. Vous
savez, la refonte de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels
était un moment attendu avec fébrilité chez les familles et espoir de
réparation de leurs dommages qui étaient non reconnus et peu indemnisés.
<Rappelez-vous, en...
Mme Roy (Nancy) :
...les
impacts qu'un drame peut avoir sur leur vie. Vous savez, la refonte de la Loi
sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels était un moment attendu avec
fébrilité chez les familles et espoir de réparation de leurs dommages qui
étaient non reconnus et peu indemnisés.
>Rappelez-vous, en 2017, on
est allés à une délégation de familles rencontrer la ministre Vallée.
Mme Hivon était là ainsi que vous, M. le ministre. On était venus demander
à la ministre des changements législatifs pour mieux reconnaître ces
familles-là. Quand on a eu le dépôt du projet de loi, le 10 décembre, nos
attentes étaient grandes, et malheureusement il y a plusieurs vides juridiques,
il y a plusieurs vides qu'on ne comprend pas.
• (15 h 40) •
Nous avons eu un mois depuis le dépôt du projet
de loi pour réagir et participer à cette commission-là. Vous comprendrez que
notre organisme est petit et de consulter toutes les familles, de consulter nos
organismes partenaires, ce n'était pas assez de temps. Comment pouvons-nous
donner notre assentiment sans réelle consultation avec toutes nos familles?
Nous sommes donc venus à la conclusion que certains concepts nous font craindre
malheureusement une mauvaise interprétation et une exclusion de plusieurs
victimes.
M. le ministre, moi, je reçois ces
personnes-là toutes les semaines, qui ont perdu, malheureusement, ce qui était
le plus important dans leur vie, et par violence, par un drame innommable. Puis
la réalité, je peux vous en parler longtemps.
Je ne suis pas ici pour vous présenter, de
façon pointue, au niveau législatif, là, tout ce qui est dans le projet de loi.
Vous avez reçu des experts judiciaires, vous avez reçu Me Mongeon,
Me Bellemarre, vous avez reçu l'IVAC également, mais moi, ce que
j'aimerais vous présenter, c'est malheureusement nos inquiétudes face au projet
de loi.
Je dois conseiller ces familles jour après
jour, je dois les écouter, consulter l'IVAC souvent et même, je dirais plus,
supplier l'IVAC d'aider ces familles-là, parce que souvent leurs besoins
psychologiques, leurs besoins financiers pour survivre à ce drame-là... n'est
pas au rendez-vous. Les tribunaux nous ont donné raison, après plusieurs luttes
sur plusieurs années, qu'est-ce que la définition d'une blessure psychologique
attribuable au drame qu'ils vivent, mais malheureusement... Et même les
décisions, que ce soit la décision du juge Huot en 2016, la décision de la
Cour supérieure, je pense que ce serait important que vous en preniez
connaissance. Les décisions du Tribunal administratif, dernièrement, pour
plusieurs de nos familles, sont venues interpréter de façon favorable la notion
de blessure et sont venues confirmer que c'est une loi sociale, que c'est une
loi réparatrice et qu'elle doit être interprétée de façon <large...
Mme Roy (Nancy) :
...dernièrement, pour
plusieurs de nos familles, sont venues interpréter
de façon favorable la notion de blessure et sont venues confirmer que
c'est une loi sociale, que c'est une loi réparatrice et qu'elle doit être
interprétée
de façon >large afin d'inclure ces victimes-là. Le
problème, je vous dirais, ce n'est pas la définition. Le problème, c'est dans l'application
que l'IVAC va en faire jour après jour avec nos familles.
Vous nous présentez un projet de loi complètement
nouveau qui va multiplier, malheureusement, d'après nous, les recours devant le
Tribunal administratif. Vous savez, ces personnes-là n'ont malheureusement
souvent pas les moyens financiers de se défendre ou d'aller demander au
tribunal d'interpréter en leur faveur les définitions contenues dans la loi. Ça
veut dire que nos familles devront encore patienter plusieurs années avant de
pouvoir bénéficier des bénéfices de la loi, de pouvoir être réparés dans leurs
dommages.
Au Québec, vous savez, il y a trois... il
y a plusieurs régimes d'indemnisation, mais souvent nous, on est confrontés à
celui de la SAAQ ou bien de la CNESST. Mais qu'est-ce que je réponds aux
proches, M. le ministre, du signaleur routier qui a été fauché par quelqu'un en
état d'ébriété, quand ses proches ne peuvent pas bénéficier de l'aide
psychologique de l'IVAC parce qu'ils ont été indemnisés sous un autre régime?
Alors, si on crée un nouveau régime, notre peur, c'est que ça soit encore plus
complexe, que ces gens-là ne puissent jamais recevoir le soutien psychologique
parce qu'ils ont été sous un autre régime d'indemnisation. Je pense que
l'harmonisation des régimes devrait être au rendez-vous. Je pense aussi que, si
un régime n'aide pas suffisamment une victime, qu'elle pourrait avoir droit aux
bénéfices qu'une autre loi pourrait lui donner.
Moi, j'ai quelques questions également.
Pourquoi ne pas avoir assis, avec ce projet de loi là, les experts, les groupes
qui travaillent jour après jour avec les victimes? Pourquoi ne pas avoir
simplifié la définition de victime? Parce que, je vous le dis, on a lu le
projet de loi, et plus on le lit, plus on est un peu mêlés. Donc, une famille qu'on
reçoit, je ne sais pas comment elles vont interpréter cette notion-là. Pourquoi
avoir ajouté la notion de scène intacte? J'ai eu plusieurs appels de familles
qui, malheureusement, nous ont dit : Bien, nous, on n'aurait pas eu droit
à ce moment-là, parce qu'on est arrivés après les services policiers ou les
services ambulanciers. C'est une question... C'est une réponse que je ne peux
pas leur donner, malheureusement.
Le Président (M.
Bachand) : Me Roy, je m'excuse, je vais vous demander de
conclure, cependant, parce que le temps est écoulé.
Mme Roy (Nancy) : Oui?
Parfait. Bien, donc, je pourrai ajouter, là, lors des périodes de questions.
Mais, pour nous, c'est sûr qu'on salue le hors Québec. Mais, pour toutes nos <familles...
Mme Roy (Nancy) :
C'est
une réponse que je ne peux pas leur donner, malheureusement.
Le Président (M.
Bachand) : Me Roy, je m'excuse, je vais vous demander de
conclure, cependant, parce que le temps est écoulé.
Mme Roy (Nancy) :
Oui? Parfait. Bien, donc, je pourrai ajouter, là, lors des périodes de
questions. Mais, pour nous, c'est sûr qu'on salue le hors Québec. Mais, pour
toutes nos >familles, malheureusement, qui n'auront pas bénéficié de la
loi, qui ont fait leur lutte, comment on peut les aider? C'est encore un vide
qui va être comblé par la réglementation, mais on ne l'a pas. Ça fait que c'est
comme signer un chèque en blanc qui nous rend extrêmement insécures... chez ces
personnes-là.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. On va débuter la période d'échange. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci, M. le Président. Me Roy, Mme St-Onge, merci de participer aux
travaux de la commission. Je comprends que vous avez certaines inquiétudes par
rapport au projet de loi.
Un des objectifs du projet de loi, c'est
justement de faire en sorte d'élargir la notion de victime pour, justement,
faire en sorte qu'il y ait moins de contestations et qu'on puisse avoir des
gens qui soient indemnisés. Je vous donne exemple sur l'indemnisation en tant
que montant forfaitaire. On vient élargir le nombre de personnes qui vont
pouvoir être indemnisées. Donc, auparavant, on parlait de la victime qui était
directe. Et on l'a vu, la loi, à l'époque, bien, la Loi sur l'indemnisation des
victimes d'actes criminels, actuellement, c'est une loi qui... le législateur
faisait en sorte de dire : Bien, c'est la victime directe qu'on vise.
Il y a eu une évolution jurisprudentielle
parce que les gens ont contesté les décisions de l'IVAC. Et le groupe avant
vous, c'était justement la Direction de l'indemnisation des victimes d'actes
criminels, il disait : Bien, nous, les fonctionnaires, qui interprétions
la loi, bien souvent, on n'avait pas vraiment le choix parce que c'était ça, le
carcan. Il y a eu des décisions, en équité, qui ont été rendues, mais, à la
fois les différents groupes, à la fois, même, Me Bellemare, qui a réclamé,
durant des années, une réforme de la loi, on vise à élargir la notion de
victime pour que, justement, des proches, justement, la famille, parce que
c'est le noyau familial qui est affecté, qu'il y ait davantage de soutien
psychologique, que les personnes significatives aient de l'accompagnement,
qu'il y ait des indemnités aussi rattachées à ces personnes-là. Donc, c'est un
peu la démarche qu'on fait avec le projet de loi pour faire en sorte qu'il y
ait davantage de personnes qui soient couvertes.
C'est sûr que je ne peux pas refaire le
passé non plus. Vous savez, la loi, on a demandé sa réforme depuis environ
30 ans. Je suis extrêmement sensible à votre cas, Mme St-Onge,
lorsque vous me parlez de vos neveux, relativement à votre sœur. La situation,
pour l'étranger, bien entendu, elle est réglée pour le futur. Donc, pas
uniquement les homicides, pas uniquement pour... mais, en fait, ça va pour les
homicides, mais tous les autres types d'infractions, également. En termes de
prescription, pour toutes les victimes d'agression sexuelle, de violence subie
pendant l'enfance, de violence conjugale aussi, maintenant, c'est couvert.
Puis l'objectif aussi, c'est de rendre
l'IVAC... que ça ne soit plus un parcours du combattant non plus pour les
personnes que vous représentez avec l'association. Donc, ça, c'est un élément
qui est <important aussi.
Donc...
M. Jolin-Barrette :
...de prescription, pour toutes les victimes d'
agression sexuelle, de
violence subie pendant l'enfance, de
violence conjugale aussi,
maintenant,
c'est couvert.
Puis l'
objectif aussi, c'est de
rendre l'IVAC... que ce ne soit plus un parcours du combattant non plus pour
les
personnes que vous représentez avec l'
association. Donc, ça,
c'est un élément qui est >important aussi.
Donc, je l'ai dit d'entrée de jeu, le projet
de loi n'est pas parfait, mais je considère que c'est une avancée significative
sur plusieurs éléments. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?
Mme Roy (Nancy) : Moi, je
peux peut-être répondre, Annie, si tu veux compléter après. Bien, écoutez, moi,
quand vous nous parlez, là, qu'on ne peut pas régler le passé, la ministre
Vallée, en 2017, je pense, ou 2016, avait instauré une directive administrative
qui faisait en sorte de reconnaître et d'indemniser les parents d'enfants
assassinés dans un contexte de drame intrafamilial. Donc, ce qu'on vous
demande, c'est de... ceux qui se sont battus depuis des années, ceux qui n'ont
rien reçu, de pouvoir peut-être instaurer une directive administrative pour
reconnaître une partie de leurs besoins. Parce que, sinon, ces personnes-là, on
va les retrouver où? On va les retrouver dans d'autres... malheureusement,
d'autres régimes, on va les retrouver au niveau de la santé. Ça fait que je
pense qu'il faut les soutenir, il faut les aider, puis on peut le faire par
directive administrative.
Et, quand on parle qu'il y a plus de
victimes qui vont être indemnisées, permettez-moi, parce que, jour après jour,
je les reçois, ces personnes-là, permettez-moi d'en douter, permettez-moi de
penser qu'il y a beaucoup de pensée magique, parce que ce n'est pas tant votre
volonté ministérielle de vouloir changer les choses, mais c'est comment ça
atterrit dans la machine administrative. Il y a un roulement de personnel, ce
n'est jamais les mêmes personnes. Certaines personnes, même, ont de la
difficulté à s'exprimer en français ou dans la langue que la personne a besoin
d'être comprise. Souvent, ce n'est jamais le même intervenant, les délais sont
extrêmement longs, il n'y a aucune réglementation là-dessus.
• (15 h 50) •
Donc, pour nous, entre ce qui est promis
puis entre la façon que ça atterrit, ça nous insécurise beaucoup, parce que ces
gens-là, sachez qu'ils vivent le pire drame de toute leur vie. Souvent, appeler
à l'IVAC, c'est quelque chose... je vous mets au défi de faire des mises
en situation et d'appeler, c'est extrêmement pénible. Et ces gens-là sont
appauvris, autant financièrement, psychologiquement, ils sont appauvris
socialement. Donc, je pense qu'il y a beaucoup à faire, autant sur la formation
que des directives administratives qui seront faites.
M. Jolin-Barrette : Là-dessus,
Me Roy, je ne suis pas en désaccord avec vous pour le fait de rendre plus
humaine la Direction de l'indemnisation des victimes d'actes criminels. C'est
pour ça, justement, que, dans le projet de loi, je la rapatrie sous le
ministère de la <Justice...
Mme Roy (Nancy) :
...que
des directives administratives qui seront faites.
M. Jolin-Barrette :
Là-dessus, Me Roy, je ne suis pas en désaccord avec vous pour le fait de
rendre plus humaine la Direction de l'indemnisation des victimes d'actes
criminels. C'est pour ça, justement, que, dans le projet de loi, je la rapatrie
sous le ministère de la >Justice, justement, pour qu'on ait le contrôle
sur l'offre de services pour les victimes. Cela étant, je suis d'accord avec
vous sur ce que vous me dites, en termes de délai, en termes d'efficacité, en
termes de services à la clientèle, ça doit changer, puis je vous dirais que ça
va changer aussi. Mais ça, on est sur la mécanique. On se donne le pouvoir de
la rapatrier.
Lorsque vous me dites : Écoutez, il
faut toujours se battre, contester, tout ça, un des objectifs d'élargir la
notion de victime puis d'offrir du soutien, d'offrir de l'aide financière aux
personnes victimes collatérales, si je peux dire, de la personne qui subit
l'infraction criminelle elle-même, ça, c'est noir sur blanc dans la loi
maintenant, c'est ce qui change. Donc, ça va éviter le fait de faire en sorte
que la personne doive contester la décision de l'IVAC. Parce que, dès le
départ, maintenant, le régime est changé. Puis, s'il y a autant de gens qui
contestent la loi actuelle, c'est justement parce qu'il y avait un enjeu avec
la définition de personne victime puis au niveau des services qui lui étaient
offerts puis du soutien. Donc, c'est un peu ça, le sens du projet de loi.
C'est sûr que c'est un projet de loi qui
est volumineux, qui est complet. On parle de 190 articles, on parle de 30
à 190 articles, mais justement, pour avoir un régime beaucoup plus
complet, il faut s'assurer de retourner les pierres. Puis j'entends bien aussi
les critiques que vous faites par rapport au projet de loi, puis on vous entend
en commission, justement, pour prendre en compte vos recommandations. Mais un
des objectifs est vraiment d'être à l'écoute des victimes et surtout de faire
en sorte qu'un plus grand nombre pourront être indemnisées et pourront avoir,
supposons, du soutien psychologique rapidement, qu'elles n'attendent pas que
leur dossier soit autorisé avant d'en avoir, qu'on met en place un programme
d'urgence, qu'on abolit la prescription. Tout à l'heure, on nous disait que le
simple fait d'abolir la prescription pour les crimes à connotation sexuelle
faisait en sorte que ça va beaucoup simplifier aussi la réalité des victimes.
Donc, c'est un peu dans cet esprit-là
qu'on est, pour faire en sorte, vraiment, d'avancer et que ça constitue un pas
vers l'avant pour l'accompagnement des victimes.
Mme Roy (Nancy) : Mais je
vous dirais, si je peux ajouter, si je peux me permettre, que la loi était
quand même assez claire. Pour nous, ces parents-là qui avaient perdu un enfant
par violence, par homicide étaient clairement des personnes victimes au sens de
la loi. Donc, pour nous, c'était clair, c'était l'application, comme vous
parlez, de mécanique, c'était l'application qu'en faisait l'IVAC au jour le
jour avec ces personnes-là. Mais sinon, pour nous, c'était clair et limpide
qu'elles étaient des victimes, qu'elles n'avaient pas à convaincre l'État
qu'elles sont victimes. Quel est le pire drame qu'on peut avoir dans une vie? C'est
bien de perdre son enfant par violence ou par homicide. C'est d'être victime,
automatiquement.
M. Jolin-Barrette : Mais là,
là-dessus <précisément...
Mme Roy (Nancy) :
...qu'elles
étaient des victimes, qu'elles n'avaient pas à convaincre l'État qu'elles sont
victimes. Quel est le pire drame qu'on peut avoir dans une vie? C'est bien de
perdre son enfant par violence ou par homicide. C'est d'être victime,
automatiquement.
M. Jolin-Barrette :
Mais là, là-dessus >précisément, Me Roy, on vient de reconnaître le
fait que tous les parents dont leur enfant est assassiné, un enfant mineur de
moins de 18 ans qui est assassiné, non pas par un ancien conjoint, mais
par toute personne, vont bénéficier des aides pour faire en sorte de s'assurer
qu'elles soient considérées comme des personnes victimes. Donc, ça, c'est une
avancée dans la loi. On vient répondre directement à une des problématiques
qu'il y avait, parce que, quand vous perdez votre enfant mineur, notamment,
c'est assez dramatique. On va venir créer les indemnités forfaitaires, aussi,
les indemnités de décès, donc...
Écoutez, je ne veux pas prendre plus de
temps. Je vais céder la parole à mes collègues, mais je vous remercie pour
votre présence en commission parlementaire.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le ministre. Mme la députée de
Bellechasse, s'il vous plaît.
Mme Lachance : Merci, M. le
Président. Merci, mesdames, d'être là parmi nous aujourd'hui. Je salue votre
travail, parce que vous êtes le point de chute de nombreuses familles dans des
situations, ma foi, les plus critiques de leur vie, et vous êtes reconnues pour
votre écoute et pour savoir donner l'heure juste. Alors, je tiens à le
souligner.
Maintenant, vous avez parlé des besoins
des victimes d'assassinat hors Québec, Mme St-Onge, entre autres, mais je
sais que Mme Roy, vous êtes bien au fait. Au-delà, vous avez insisté
beaucoup sur le rapatriement du corps, qui est un processus extrêmement
complexe, mais, au-delà du rapatriement du corps, quels sont les besoins
spécifiques que le projet de loi va venir, si on veut, contribuer à amoindrir
les besoins d'une famille qui vit un drame hors Québec?
Mme St-Onge (Annie) : Bien,
un drame hors Québec, qu'il soit hors Québec ou qu'il soit au Québec, c'est
exactement la même chose. C'est sûr et certain que le hors Québec amène une
certaine difficulté, donc amène une certaine... Le processus de deuil est probablement
encore plus long parce qu'il faut se mettre les deux mains dedans :
il faut rapatrier le corps, il faut faire face à une bureaucratie qui est sans
fin. Je pourrais vous dire que c'est plus là... ça prend plus de temps à se
rétablir, pour l'avoir vécu, personnellement, pour avoir accompagné des
familles qui l'ont vécu, également, avec tous les déboires que ça peut
entraîner comme peine. Mais les besoins d'aide psychologique, effectivement,
sont là, sont là pour les proches, pour les gens qui sont alentour de ces
personnes-là, c'est... Tant qu'on ne le vit pas, on ne le sait pas, puis, quand
on vit ce genre de chose là, c'est... on a une vision qui est complètement
différente du besoin.
Donc, oui, effectivement, je parle de mes
neveux souvent, mes neveux se retrouvent sans leur maman. Puis, quand que le
drame est arrivé, ils étaient encore <assez...
Mme St-Onge (Annie) :
...puis, quand
qu'on vit ce genre de chose là,
c'est... on a une
vision qui est
complètement différente du besoin.
Donc, oui,
effectivement, je
parle de mes neveux souvent, mes neveux se retrouvent sans leur maman. Puis,
quand que le drame est arrivé, ils étaient encore >assez jeunes. C'est
sûr que de l'argent, ça ne vient pas combler la présence d'une maman, mais il y
a quand même une partie du revenu de ma soeur qui n'est pas comblée pour
certains besoins, ça, c'est sûr et certain. Donc, c'est pour ça que je trouve
que c'est un peu injuste.
Mme Lachance : Donc, vous
parlez... injuste, vous parlez en termes de rétroaction, là, qui ne soit pas...
Mme St-Onge (Annie) : Bien
oui, effectivement, parce qu'il y a l'ancien régime auquel ils n'avaient pas
accès. C'était très, très clair, hors Québec, ce n'était pas touché. Puis là on
arrive dans le futur où il y a vraiment une reconnaissance, puis le ministre de
la Justice, M. le ministre de la Justice, je veux dire... Tu sais, je veux
dire, oui, on élargit énormément la notion de victime, puis c'est vraiment bien,
sauf qu'il y a comme un flou là, entre les deux. Eux autres, là, ils ne sont
pas reconnus avant puis ils ne sont pas reconnus pour le futur. Ils sont
vraiment entre deux chaises, puis ça, je trouve ça très, très, très
décevant.
Mme Roy (Nancy) : Et si je
peux juste ajouter aussi qu'il y a quand même... On ne se mettrait pas pauvre,
là, comme société, là, que d'aider ces personnes-là, là. Il n'y en a pas
beaucoup, d'homicides hors Québec, mais les besoins sont immenses, parce qu'il
y a des besoins psychologiques, il y a des besoins aussi de rapatriement du
corps, il y a des besoins, juste, de déplacement pour assister aux procédures
judiciaires. Si ça arrive hors Québec, encore pire, hors Canada, bien, vous
êtes très malchanceux, parce que vous allez faire affaire avec le fonds d'aide
au fédéral et Affaires mondiales.
Ça fait que je pense que ça serait
préférable de rapatrier ces sommes-là, de s'occuper de notre monde et de
s'occuper convenablement des proches qui ont perdu quelqu'un à l'étranger. Et
je demanderais même qu'il faut absolument aider ces gens-là aussi qui se sont
battus durant plusieurs années non pas juste pour une somme forfaitaire, mais
de l'aide psychologique, de l'aide de réadaptation professionnelle aussi.
Les neveux d'Annie, bien, oui, ils vont
avoir besoin d'aide pour pallier à l'absence de leur mère, mais ça peut être
aussi un enfant qu'on a perdu dans un homicide hors province ou hors Québec.
Bien, ces gens-là se sont appauvris par quelque chose qu'ils n'ont pas demandé
et qu'ils n'étaient pas préparés à faire face. Donc, on ne se met pas de
l'argent de côté, on ne se met pas un REER de côté au cas où qu'on aurait à
vivre un drame de la sorte.
Donc, je pense qu'il faut rapatrier ces
sommes-là. Il faut s'occuper de notre monde puis il faut évaluer les besoins au
même titre que les victimes, parce qu'elles en sont.
Mme Lachance : Merci. M. le
Président, est-ce qu'il me reste une petite minute? Parce que mon collègue
voulait aussi prendre la parole.
Le Président (M.
Bachand) : Oui. Rapidement, le député de Chapleau,
1 min 55 s, s'il vous plaît.
• (16 heures) •
Mme Lachance :
<Je
vais...
>
16 h (version révisée)
< Mme Roy (Nancy) :
...donc
je pense
qu'il faut rapatrier ces sommes-là, il faut s'occuper de
notre monde puis il faut évaluer les besoins au
même titre que les
victimes, parce qu'elles en sont.
Mme Lachance : Merci.
M.
le Président, est-ce qu'il me reste une petite minute? Parce que mon collègue
voulait aussi prendre la parole.
Le Président (M.
Bachand) : Oui, je vais
rapidement... L
e député
de
Chapleau, 1 min 55 s,
s'il vous plaît.
Mme Lachance : >Je
vais laisser M. le député de Chapleau. Merci. Merci, mesdames.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le député de Chapleau.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup, M. le Président. Merci, chère collègue de Bellechasse. Bonjour, tout
le monde. Bonjour, Mme St-Onge, Me Roy.
Peut-être un peu sur la même ligne de questionnement
que ma collègue, donc, au-delà de la rétroactivité, est-ce que l'article, tel
qu'il est rédigé pour toute la question hors Québec, vous convient? Est-ce
qu'il manquerait des éléments, là, si on exclut, évidemment, la portion
rétroactivité dont vous nous avez fait mention?
Mme Roy (Nancy) : Bien, moi,
j'ai toujours suggéré qu'on conserve l'article qui était préexistant, là, l'article 3
de la loi actuelle, et qu'on y ajoute simplement une exception pour les primes,
les homicides hors Québec. Et, pour moi, ça aurait été simple, ça aurait été
efficace, ça aurait été aussi d'inclure ces personnes-là dans une exception
législative et pour... Et ça couvrirait aussi... ou on pourrait le couvrir par disposition,
directive administrative, bien, la rétroaction.
M. Lévesque (Chapleau) : Donc,
ce serait ces éléments-là. O.K. Maintenant, vous avez parlé d'exclusion. Donc,
plusieurs victimes sont exclues de la définition ou, du moins, de ce qui vous
apparaît au projet de loi. J'imagine que c'est en lien avec la définition.
Est-ce que vous pouvez peut-être nous éclairer sur ça ou qu'est-ce que vous
verriez, en termes de définition ou, du moins, d'inclusion par rapport à
certaines victimes?
Mme Roy (Nancy) : Bien,
écoutez, pour nous, on aurait conservé la définition qui a été interprétée par
les tribunaux favorablement. Et surtout, dans le dernier deux ans, là, il y a
eu beaucoup de jurisprudences qui ont été interprétées sur la notion de
blessure, sur la notion victime. On aurait conservé ça. On aurait ajouté une
exception, au niveau du Québec, pour inclure le «hors Québec», les victimes...
les proches de victimes d'homicide hors Québec, et ça aurait couvert, je pense,
à peu près la majorité des besoins. Parce qu'un parent ou un proche qui
démontre qu'il a une blessure psychologique, bien, correspond à la définition
de l'article 3 en ce moment. Ça fait que, pour nous, ça aurait été... ça
aurait répondu aux besoins...
M. Lévesque (Chapleau) : La
définition.
Mme Roy (Nancy) : ...en tout
cas, des familles qu'on rencontre.
M. Lévesque (Chapleau) :
Parfait. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Merci. M. le
député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay
: Oui, merci
beaucoup, M. le Président. Bien, d'abord, merci, Me Roy, d'être avec nous et également
Mme St-Onge. Merci beaucoup de partager votre expérience avec nous, expérience
dramatique, mais qui doit nous guider, comme législateurs, à faire justement
les bons choix. Vous êtes maintenant administratrice, Mme St-Onge, et, Mme Roy,
vous êtes directrice générale de l'Association des familles de personnes
assassinées <ou disparues...
M. Tanguay
: ...expérience
avec nous, expérience dramatique, mais qui doit nous guider, comme
législateurs, à faire
justement les bons choix. Vous êtes
maintenant
administratrice, Mme St-Onge, et, Mme Roy, vous êtes directrice générale
de l'Association des familles de personnes assassinées >ou disparues.
Moi, j'aimerais ça prendre votre point,
là, puis le revirer de bord, parce qu'on en a parlé avec Me Bellemare. Pouvez-vous
nous expliquer en quoi ça consiste, le parcours du combattant pour des
personnes qui veulent se faire indemniser et qui se voient refuser une
indemnisation, peu importe la raison, mais vous dites : Non, on va
contester, il y a des recours, ce que ça représente en termes de temps,
d'argent, d'énergie et en quoi ça vient aussi alourdir le fardeau qu'ils ont
déjà à subir, qui leur est imposé?
Mme Roy (Nancy) : Bien, écoutez,
c'est facile, hein? Vous auriez pu faire une mise en situation et appeler à
l'IVAC pour dire : vous êtes victime. Souvent, ces gens-là viennent au
bureau, nous rencontrent et nous demandent ou nous disent carrément... Il y en
a qui se sont fait dire : Bien, voilà, vous n'êtes pas une victime. Bien,
pourtant, j'ai perdu mon enfant par assassinat. Non, vous n'êtes pas une
victime, la victime est décédée. Ça fait que c'est des absurdités qu'elles se
font dire jour après jour.
Ensuite, elles rentrent dans un dédale
administratif épouvantable avec des délais. Donc, elles doivent fournir beaucoup
de papiers, souvent des retards, des délais, des changements d'intervenant à
l'IVAC, souvent se font refuser malheureusement, malgré les interprétations
favorables qu'il y a eu dans les tribunaux, doivent... arrivent à l'AFPAD et
nous demandent : Bien, comment on fait? Qu'est-ce qu'on fait? On n'a pas
les moyens d'avoir un avocat.
Donc, c'est aussi de trouver des avocats
qui vont accepter ces causes-là qui sont difficiles. Il n'y a pas... Avoir un
mandat d'aide juridique, ça devrait être automatique pour une victime. Il
devrait y avoir des liens avec l'aide juridique, l'accessibilité aux tribunaux,
parce que souvent, c'est difficile pour ces personnes-là, et elles doivent se
battre durant des années. On a des familles que ça fait trois ans, quatre ans
qu'elles se battent pour être reconnues, pas pour recevoir des millions, là,
pour recevoir de l'aide psychologique, on le rappelle, et souvent de l'aide pour
retourner en emploi. Elles doivent reprendre une vie normale. Donc, après des
années... Puis, entre ça, on se rappelle que, souvent, il y a le processus
judiciaire. Donc, ces personnes-là sont complètement démolies.
Souvent, moi, j'ai appelé à l'IVAC pour
les supplier et leur demander d'ajouter aux 30 séances de psychothérapie
des séances supplémentaires, parce que ces gens-là, avec les délais du système
judiciaire, devaient affronter tout le procès, souvent en s'appauvrissant,
souvent en payant elles-mêmes les dépenses, donc... Et l'IVAC me
répondait : <Non, malheureusement...
Mme Roy (Nancy) :
...psychothérapie
des séances supplémentaires, parce que ces gens-là, avec les délais du système
judiciaire, devaient affronter tout le procès, souvent en s'appauvrissant,
souvent en payant elles-mêmes les dépenses, donc... Et l'IVAC me
répondait : >Non, malheureusement, c'est 30 séances. Alors...
M. Tanguay
: Alors,
quand on prend tout ça, puis c'est l'angle, c'est par la porte par laquelle je
veux entrer dans la discussion, quand on prend tout ça, dans un contexte où
c'est une loi qui aura bientôt 50 ans, qui a évolué... Puis vous avez fait
référence, un peu plus tôt, là, à la décision — je pense avoir la
bonne, là — du juge François Huot, septembre 2016, qui faisait une
avancée jurisprudentielle. Autrement dit, la loi dit une chose, la façon dont
c'est appliqué et interprété, le décideur, à l'IVAC, dit oui, dit non. S'il dit
non, bien, on peut aller devant les tribunaux, c'est du temps de délai puis
tout ça.
La loi, son application, son
interprétation a un peu été comme un arbre qui a grandi et qui, aujourd'hui,
est plus clair, a des bases. Malgré cela, vous dites : Bien, des fois, il
faut aller se battre pour replaider de la jurisprudence bien établie. Dans ce
contexte-là, je comprends, puis vous pourrez le formuler différemment que moi,
que de jeter ce qui pourrait être vu comme un pavé dans la mare,
190 nouveaux articles qui ont la prétention d'apporter quelque chose de
nouveau et de différent... On ne fait pas 190 nouveaux articles pour faire
juste quatre trente-sous pour une piastre, il faut amener d'autres éléments
d'interprétation. Bien, cette interprétation-là, je vais le dire un peu
carré, ça va sortir comme ça, elle devra se faire, au cours des prochaines
années, sur le dos des personnes qui voudront prétendre : Moi, je me bats
parce que moi, je pense que la loi doit m'inclure là-dedans.
Alors, ça, c'est comme un fardeau qu'on
risque d'exiger aux justiciables. Bien, allez faire avancer le droit pour
interpréter la loi avec les 190 nouveaux articles.
Mme Roy (Nancy) : Bien,
évidemment, pour nous, on aimerait ça simplifier pour ces personnes-là, parce
qu'il faut pouvoir investir facilement dans leur réadaptation, dans leur sortie
du drame, hein, pour faciliter leur prise en charge, là, personnelle, émotive,
sociale. Et je pense que de rajouter de nouvelles définitions ne les aideront
pas. Je pense qu'on devrait plutôt s'inspirer de ce que les tribunaux ont dit,
de garder ce nouvel article là, mais y aller avec des directives
administratives à l'IVAC, qui est d'ordonner comment elles doivent être
appliquées. Il ne faut pas les appauvrir, ces gens-là.
Et, quand on entend qu'ils auront des
remplacements de revenu pour trois ans, mais seulement ceux en emploi, bien, je
m'excuse, mais la totalité ou presque... en tout cas, la majorité de mes
victimes qui sont membres à l'AFPAD, et on en a plus de 600 personnes,
bien, ce sont toutes des personnes extrêmement appauvries par le drame et qui
n'auront peut-être pas les bénéfices de la loi au-delà du trois ans ou du cinq
ans. Ça fait que c'est alarmant.
M. Tanguay
: Ce que
vous dites là est <excessivement...
Mme Roy (Nancy) :
...
et on en a plus de 600 personnes, bien, ce sont toutes des
personnes extrêmement appauvries par le drame et qui n'auront peut-être pas les
bénéfices de la loi au-delà du trois ans ou du cinq ans. Ça fait que c'est
alarmant.
M. Tanguay
: Ce que
vous dites là est >excessivement important, Me Roy. Vous parlez des
600 quelques personnes qui font appel à vos services et, après trois ans, là,
vous dites : C'est terminé, là. Alors, il y en a qui auront un impact
là-dessus. Je pense que la logique du ministre, c'est de dire : On va en donner
un peu à plus de monde, mais ça veut dire qu'il y a des gens qui auraient
mérité plus, mais qui vont se faire couper, dans les faits. Et on pourrait me
dire : Non, ça ne se passera pas de même, ça ne se passera pas de même.
Une chose est sûre, le trois ans va exister. Alors, trois fois 365 jours
va arriver un jour, puis il n'y en aura plus d'argent. Alors, des gens qui, par
ailleurs, auraient reçu, d'où un recul, une somme au-delà du trois ans, ça,
c'est important.
• (16 h 10) •
Vous invitez également aussi, ça, on va le
dire, on va le nommer, puis vous l'avez dit également, une harmonisation des
régimes, accidents de travail, des accidents de la route. Également, il y a là
un corpus, il y a là, sur place, des systèmes qui visent à l'indemnisation. Il
y aurait aussi avantage à se coordonner et à s'harmoniser plutôt que de refaire
un 190 nouveaux articles également. Puis on peut voir... Je ne sais pas si
vous en avez vu... J'aimerais vous entendre, Me Roy, puis peut-être
Mme St-Onge également, vous avez commencé un peu plus tôt à parler
d'éléments nouveaux, comme scène intacte, le concept de scène intacte. Est-ce
qu'il y a d'autres concepts comme ça qui ont fait froncer, là, des sourcils?
Mme Roy (Nancy) : Bien,
écoutez, il y a toutes des notions, là, qu'on a entendues, là, l'impossibilité
d'agir. Quand on sait ça, on le sait que c'est un fardeau qu'on demande aux
victimes, qui est vraiment alourdi. Donc, moi, je plaide plus en faveur d'une
application facile, d'une application élargie, mais il faut bien investir dans
ces personnes-là. Il ne faut pas saupoudrer l'aide. Je pense qu'il faut la
concentrer, parce que, de toute façon, sinon, ces personnes-là vont se
retrouver à l'aide sociale, vont se retrouver bénéficiaires de d'autres régimes
de dernier recours, malheureusement, parce qu'on n'aura pas investi, de façon
massive au début, sur ces personnes-là. On les aura exclues et on ne fait
qu'alourdir le fardeau, finalement, de pouvoir les aider convenablement.
Écoutez, j'ai eu une jeune fille qui... sa
mère a été assassinée devant ses yeux, et on lui payait ses cours à
l'université que si elle les coulait. Donc, pour nous, c'était d'aider quelqu'un
à l'inverse. Parce qu'on leur demandait : Pouvez-vous payer ses frais
universitaires? Ils ont dit : Non, on paie juste si, à cause du drame,
elle échoue certains cours. Donc, je pense qu'il faut repenser les notions,
aussi, qui sont de réadaptation. Je pense qu'il faut <asseoir les...
Mme Roy (Nancy) :
...c'était d'aider
quelqu'un à l'inverse. Parce qu'on leur
demandait : Pouvez-vous payer ses frais universitaires? Ils ont dit :
Non, on paie juste si, à cause du drame, elle échoue certains cours. Donc, je
pense qu'il faut repenser les notions, aussi, qui sont de réadaptation. Je
pense qu'il faut >asseoir les intervenants du milieu. Il faut leur
demander : Qu'en pensez-vous, parce que vous travaillez avec ces gens-là
de façon quotidienne? On les connaît, les besoins de nos personnes, mais on n'a
pas été suffisamment consultés à ces propos-là.
M. Tanguay
: Il me
reste combien de temps, M. le Président?
Le Président (M.
Bachand) : 1 min 15 s.
M. Tanguay
:
1 min 15 s. Donc, plus de consultations, ne pas agir dans la
précipitation. Et également comment accueillez-vous le fait qu'il y aura un
pouvoir élargi réglementaire? Donc, le diable est dans les détails, et les
règlements vont suivre. Là aussi, j'imagine que, si d'aventure, la consultation
n'a pas eu lieu sur le projet de loi n° 84, vous aimeriez minimalement
qu'il y ait une consultation, j'imagine, sur d'éventuels règlements qui vont
étayer tous ces beaux nouveaux articles là, donc.
Mme Roy (Nancy) : C'est
sûr, parce qu'on les connaît, nos familles, on les connaît, leurs besoins. Je
pense que, si une famille... Je réponds quoi, moi, à quelqu'un que son enfant a
été assassiné sur son lieu de travail? Est-ce qu'il va être indemnisé par la
CNESST ou par l'IVAC, le nouveau programme? C'est extrêmement compliqué de s'y
retrouver. Pour une victime, ça va être compliqué, pour les organismes de
terrain, ça va être compliqué. Je pense qu'il faut simplifier les choses.
Ça fait qu'il faudrait se rasseoir, tout
le monde, avec des experts terrain et dire : Comment on peut faciliter,
comment on peut investir dans ces personnes-là pour qu'enfin elles puissent
retrouver un semblant de vie qui soit plus normal?
M. Tanguay
: Merci
beaucoup, Me Roy. Merci, Mme St-Onge.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Sherbrooke, pour
2 min 45 s, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Merci, Mme Roy, Mme St-Onge, pour votre présentation. Je
pense, vous étiez très éloquentes sur les changements que vous attendez du projet
de loi.
Je ne veux pas vous mettre mal à l'aise,
Mme St-Onge, mais, si vous vous sentez à l'aise, j'aimerais ça que vous
nous parliez de vos neveux puis de la différence que ça ferait pour eux d'avoir
accès à l'IVAC. Mais je ne veux pas vous mettre mal à l'aise. Si jamais vous ne
vous sentez pas à l'aise...
Mme St-Onge (Annie) : Bien,
en fait, je pense que, tu sais, autant un parent qui perd un enfant, autant un
enfant qui perd un parent dans une situation comme ça... et la situation a été tellement,
mais tellement médiatisée. C'est très handicapant, dans un si jeune âge, de
pouvoir continuer leur parcours.
Donc, oui, ces enfants-là ont des besoins un
petit peu plus particuliers, ont besoin d'être soutenus pour réussir un peu à
vivre la vie qu'ils auraient eue — ils ne l'auront jamais — mais
s'ils avaient conservé leur maman, s'ils avaient eu leur maman auprès d'eux.
Donc, les besoins, c'est beaucoup au niveau de l'aide, de l'aide psychologique.
Puis, quand je parle d'aide psychologique, c'est sûr qu'on peut se dire : <Ah!
bien...
Mme St-Onge (Annie) :
...s'ils avaient conservé leur maman, s'ils avaient eu leur maman auprès d'eux.
Donc, les besoins, c'est
beaucoup
au niveau de l'aide, de l'aide
psychologique. Puis, quand je parle d'aide psychologique, c'est sûr qu'on peut
se dire : >Ah! bien oui, mais ils vont aller consulter un
psychologue, puis ça va être correct. Non. C'est précis. Ce n'est pas n'importe
quel psychologue généraliste qui peut adresser des situations comme ça. Ça
prend des psychologues qui sont spécialisés dans le trauma. C'est des spécialistes
qui ont étudié, qui ont fait des études. Un psychologue, c'est quelqu'un qui a
quand même un doctorat, mais il y a des spécialisations pour être en mesure de
comprendre.
Puis j'en suis aussi... Je parle en
connaissance de cause, parce que j'ai aussi... oui, malgré ce que j'ai de
l'air, bien forte, là, moi aussi, j'ai besoin d'aide puis je n'en trouve pas.
Puis là on ne parle pas d'argent, là, on parle de soins. J'ai besoin de me
remettre, j'ai besoin de retrouver une vie quasi normale, moi aussi, depuis
deux ans. Ça fait que là je parle de mes neveux, mais je parle de moi aussi,
mais les aides ne sont pas toujours là.
Donc, même pour mes neveux, puis
c'est encore pire pour eux que pour moi, eux autres aussi ont besoin
d'être accompagnés. Ils ont besoin d'avoir de l'aide très spécifique, très
spécialisée pour être en mesure d'avoir une vie presque normale, rendus plus
loin. Ma soeur, c'était quelqu'un qui avait quand même un revenu important dans
sa famille. C'était quelqu'un qui avait une belle carrière, qui avait un bon
emploi rémunérateur. Donc, tout ça, ils ne l'ont plus. Ils n'ont plus cette
partie-là, mes neveux. Ils n'ont plus cette jouissance de vie là non plus. Donc...
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Mme St-Onge. Merci infiniment.
Merci. Mme la députée de Joliette, pour 2 min 45 s, s'il vous
plaît.
Mme
Hivon
: Oui,
bonjour. Bonjour, Mme St-Onge. Merci d'avoir cette force-là d'être parmi
nous aujourd'hui. C'est très, très éloquent pour nous, ce que vous nous dites.
Puis merci, Mme Roy, toujours un plaisir de vous entendre.
Je voulais revenir, Mme Roy, sur
toute la question de la nouvelle définition de victime. Donc, vous nous dites
que, dans le fond, à l'heure actuelle, il y a des progrès substantiels qui se
sont faits par les tribunaux et qui font en sorte que, maintenant, il y a eu un
élargissement, et vous craignez, si je vous suis bien, qu'avec ce qui est prévu
dans la loi on régresse. Est-ce que vous pouvez nous spécifier si vous craignez,
dans la définition même, qu'on régresse ou dans le type d'aide ou de soutien et
d'indemnisation dont vont pouvoir bénéficier les victimes qu'on pourrait
appeler secondaires ou par ricochet, qui sont, selon moi, des vraies victimes,
là, mais on se comprend? Pouvez-vous juste me clarifier ça?
Mme Roy (Nancy) : Bien, je
pense que la définition même, là, elle a été largement, là, définie par les
tribunaux. Donc, on se demande pourquoi ces familles-là, qui perdent un enfant
par homicide, doivent aller nécessairement, trois ans après, au tribunal, pour
se faire reconnaître <comme victimes...
Mme Roy (Nancy) :
...elle a été largement, là, définie par les tribunaux. Donc, on se demande
pourquoi ces familles-là, qui perdent un enfant par homicide, doivent aller
nécessairement, trois ans après, au tribunal, pour se faire reconnaître >comme
victimes.
Donc, pour nous, la définition, elle est claire,
c'est une personne qui a subi une blessure, donc une blessure psychologique,
qui arrive, que ce soit avant ou après les premiers répondants, mais qui... ou
qui n'arrive pas non plus, là. Les tribunaux ont dit que, même si on n'était
pas sur place, on subissait une perte. Je pense qu'il faudrait s'inspirer aussi
de ce qui se fait ailleurs. En France, on indemnise les proches, les parents, beaucoup
plus facilement qu'au Québec. Donc, il faut s'inspirer, il faut travailler avec
ces personnes-là.
Je pense que la loi, elle est complexe,
parce que plus je la lisais, plus je me disais : Mon Dieu! Ça va être
compliqué pour les organismes terrain de même s'y retrouver. Ça fait que
pourquoi ne pas prendre une définition claire, d'y mettre certaines exceptions,
de peut-être enlever aussi les notions de prescription parce que ces personnes-là
sont dans un état de vulnérabilité? Souvent, ce n'est pas... ils ne savent pas...
Ils ont le processus judiciaire puis ils ne déposent pas nécessairement, dans
le trois ans, une demande à l'IVAC, puis ils n'ont pas nécessairement identifié
leurs besoins. Et après ça on leur dit que c'est prescrit, mais, si on se colle
sur les dernières décisions des tribunaux, bien, je pense qu'à ce moment-là on
serait gagnants.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. C'est tout le temps qu'on a, Me Roy,
Mme St-Onge. Merci beaucoup d'avoir été avec nous cet après-midi, c'est fort
apprécié. Merci beaucoup.
On suspend les travaux quelques instants.
Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 20)
>
16 h 30 (version révisée)
(Reprise à 16 h 37)
Le Président (M.
Bachand) : Alors, il nous fait plaisir d'accueillir
Me Madeleine Lemieux, ex-bâtonnière et auteure du rapport sur la
modernisation de l'IVAC.
Alors, Mme Lemieux, on a hâte de vous
entendre. Donc, vous avez 10 minutes de présentation. Après ça, on aura un
échange avec les membres de la commission. Donc, la parole est à vous. Merci
d'être ici avec nous.
Mme Madeleine Lemieux
Mme Lemieux (Madeleine) :
Alors, bonjour. Vous avez dit «auteure du rapport», je ne suis pas auteure du
rapport. J'ai présidé le groupe de travail qui a présenté un rapport. Nous
avons eu mandat en 2006 et notre rapport était de juin 2008. Je
présume qu'il y a des membres de la commission qui en ont pris connaissance parce
que, je dois dire, j'ai reconnu plusieurs de nos recommandations dans le projet
de loi.
Je vais rapidement revenir sur le mandat
que nous avions, dont les objectifs étaient de dégager les fondements, la
nature, les caractéristiques, les objectifs d'un régime d'indemnisation, examiner
la fameuse liste des actes criminels qu'on trouvait à l'époque en annexe, préciser
les liens à établir avec d'autres régimes sociaux et des services d'aide
existants et recommander des scénarios de modification au régime avec des
estimés de coûts et, si jugé approprié, des hypothèses de financement, le tout
dans un contexte d'une gestion rigoureuse des finances publiques, puis,
finalement, examiner les coûts du mode d'administration actuel.
Le comité était composé de sept personnes,
dont Mme Bérubé, Mme Cadrin, M. Gagné, Me Ionescu et
Me Turmel, et nos travaux ont duré à peu près deux ans, pendant
lesquels nous avons fait plusieurs consultations. Nous avons rencontré
plusieurs groupes de personnes-ressources spécialisées en réadaptation ou qui
représentent des associations soit de victimes, soit de soutien aux victimes,
et on a sorti un rapport qui faisait plusieurs recommandations.
Je ne sais pas s'il y a des sujets en
particulier, mais, si je m'en vais aux grandes lignes de ce <rapport-là...
Mme Lemieux (Madeleine) :
...représentent des
associations soit de victimes, soit de soutien aux
victimes, et on a sorti un rapport qui faisait
plusieurs
recommandations.
Je ne sais pas
s'il y a
des sujets
en particulier, mais, si je m'en vais aux grandes lignes de
ce >rapport-là, ça a été de vraiment dégager les fondements de ce
régime-là, qui est un régime qui est fondé d'abord et avant tout sur la solidarité
sociale, et le distinguer des régimes d'assurance, qui sont des régimes
autofinancés, comme l'indemnisation des accidents de travail ou de l'assurance
automobile.
• (16 h 40) •
Alors, ça a été notre premier travail, de
vraiment installer ces fondements-là et de donner un sens aux mots «solidarité
sociale». On s'est inspirés d'un rapport précédent qui disait : «...sur la
manière par laquelle les sociétés modernes trouveront des façons de réduire les
conséquences les plus graves des inégalités rattachées aux mauvais coups du
sort.» Parce que les victimes d'actes criminels, c'est ce qu'on appelle
vraiment les mauvais coups du sort.
Ce qui nous a aussi beaucoup frappés, ça a
été de constater la très grande vulnérabilité des gens qui s'adressent à ce
régime-là, vulnérabilité qui est différente, je pense, des personnes qui vont
s'adresser à d'autres régimes d'indemnisation publics, à cause des situations particulières
dans lesquelles ils se sont retrouvés.
Je voudrais vous parler aussi des
principes directeurs qui nous ont guidés, qu'on va retrouver à la page 14
du rapport. C'est qu' «une victime d'un crime peut bénéficier des services et
indemnités prévues à la loi si elle a subi un préjudice corporel ou psychique
en lien avec l'acte criminel. Elle a droit au respect, à l'empathie, à l'aide
et à l'assistance de toute personne chargée d'administrer la loi. Toute
intervention auprès d'une personne victime doit être basée sur le respect de
son autonomie et reposer sur la capacité à reprendre le contrôle de sa vie.»
«Toute intervention auprès d'une personne
victime doit être faite avec célérité», et j'insiste beaucoup là-dessus. Nous,
c'est quelque chose qui nous a frappés, comment la rapidité avec laquelle on
intervient auprès des victimes est contributive de leur rétablissement. «De
suivi, et dans l'allocation des services et indemnités prévus à la loi, la
personne victime doit notamment être informée...» et c'est un autre de nos
constats, de voir jusqu'à quel point les gens se sont plaints du manque
d'information, ont manifesté des besoins d'information, que nous avons trouvés,
rencontrés presque avec chaque groupe que nous avons consulté, «avec diligence
et dans un langage accessible, des services et indemnités prévus.»
«L'administrateur du régime doit fournir
des <services...
Mme Lemieux (Madeleine) : ...nous
avons trouvés, rencontrés presque avec chaque groupe que nous avons consulté, «avec
diligence et dans un langage accessible, les services et indemnités prévus.»
«L'administrateur du régime doit
fournir des >services adaptés aux besoins des personnes victimes,
coordonnés en complémentarité avec les services dispensés par les organismes publics»,
ça, c'est un autre des principes qui s'est dégagé de nos consultations. C'est
que le régime d'indemnisation est un régime supplétif. Il y a des services que
seul le régime d'indemnisation des actes criminels peut fournir, mais il ne
doit pas remplacer les autres régimes, publics ou privés, d'indemnisation et il
doit travailler en complémentarité avec les services dispensés par les
organismes publics, parapublics et communautaires. Et la victime peut, selon la
gravité des préjudices subis, recevoir des services médicaux et psychosociaux
nécessaires à sa réadaptation et être indemnisée selon les dispositions de la
loi. Les services visent à atténuer les préjudices subis en lien avec l'acte
criminel et favoriser son rétablissement.
Et finalement les proches de la
personne victime peuvent, dans certaines circonstances, être admissibles aux
services et indemnités prévues à la loi. Il y avait, à cette époque-là, des
difficultés particulières pour tout ce qui concernait les proches des victimes,
à ce qu'elles obtiennent des indemnisations. Nous avions recommandé, entre
autres, un changement de titre de la loi. Nous avons recommandé, entre autres,
la disparition de la liste, pour ne plus limiter l'indemnisation à des crimes
qui sont énumérés dans une liste, mais bien élargir à un plus grand nombre de
personnes, et c'est très relié, je pense, à l'évolution de la société, à
l'évolution de la criminalité aussi. Nous avons... C'était formulé, plusieurs
recommandations qui ont trait à l'information, au soutien, au devoir
d'assistance de l'organisme chargé d'indemniser les victimes. Nous avions
recommandé aussi la fin des rentes viagères et un terme aux indemnités de
remplacement de revenu.
Ça fait à peu près le tour d'un rapport
qui fait quand même 140 pages. Je pense que je préfère répondre à vos
questions sur des sujets bien précis que d'aller plus loin dans toutes les
recommandations, parce qu'il y en avait... je les ai sorties, là, il y en avait
68, recommandations. Alors, je pense que je pourrais... je vais essayer de
répondre à vos questions du mieux que je peux.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Me Lemieux. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, M. le Président. Merci, Me Lemieux, d'être avec nous et de prendre
le temps de venir en commission parlementaire. C'est apprécié.
Écoutez, je veux aborder un élément dans
votre rapport. Bien, tout d'abord, je comprends, là, que votre rapport avait
été rendu en <2008 mais...
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, Me Lemieux.
M. le ministre,
s'il
vous plaît.
M. Jolin-Barrette :
Oui. Merci,
M. le Président. Merci, Me Lemieux, d'être avec nous et
de prendre le temps de venir en
commission parlementaire. C'est
apprécié.
Écoutez, je veux aborder un
élément dans votre rapport. Bien,
tout d'abord, je comprends, là, que
votre rapport avait été rendu en >2008 mais qu'il avait été
uniquement rendu public en 2012, suite aux pressions de la députée de Joliette
à l'époque. Donc, il avait été rendu public dans la sphère publique à ce
moment-là. Dans votre rapport, et c'est important de le dire que vous aviez un
comité pour faire ce rapport-là, vous recommandiez la fin des rentes viagères.
Pourquoi est-ce que vous recommandiez la fin des rentes viagères?
Mme Lemieux (Madeleine) :
C'est basé sur deux principales raisons. Le régime, dans notre vision à
nous, était un régime... est d'abord et avant tout un régime supplétif. Alors,
le régime doit avoir comme premier objectif la réparation des conséquences
immédiates du traumatisme subi suite au crime et de diriger la personne vers
d'autres ressources à partir d'à un moment donné. Alors, la réparation vise d'abord
le remplacement du revenu.
Quand nous avons suggéré trois ans de
remplacement de revenu, nous l'avons suggéré à partir des statistiques qui
existaient, à l'époque, à l'IVAC, qui couvraient à peu près 95 % ou
97 %, si ma mémoire est bonne, des réclamations de remplacement de revenu.
C'est à peu près ça. Nous avons aussi collé le remplacement de revenu à quelqu'un
qui possède déjà du revenu ou une expectative normale de revenu. Mais c'est un
régime qui devait d'abord et avant tout être élargi à un plus grand nombre de
victimes, et, compte tenu des ressources dont on dispose, de faire en sorte que,
si une personne doit... peut recevoir une indemnité qui la compense, elle n'a
pas... elle ne devrait pas recevoir une rente viagère. Ce n'est pas l'objectif
de ce régime-là. Un régime, rappelez-vous, comme principe de base... basé sur
la solidarité et basé sur l'indemnisation rapide, immédiate et la correction
des défauts.
Les rentes viagères sont un coût énorme
pour le régime, et je pense que ça a été contributif du fait qu'on ait autant
tardé à élargir le nombre de personnes qui étaient admissibles en faisant
disparaître la fameuse liste de crimes qui rendaient admissible à l'indemnisation
du régime. En gros, là, c'est à peu près ça qui... et que le régime ne doit pas
être calqué sur les régimes d'assurance santé-sécurité au travail ou accidents d'automobile.
Ce sont des régimes dont les fondements sont complètement différents.
M. Jolin-Barrette : Sur ce
point-là, Me Lemieux, <pourquoi...
Mme Lemieux (Madeleine) :
...et que le régime ne doit pas être calqué sur les régimes d'assurance
santé-sécurité au travail ou accidents d'automobile. Ce sont des régimes dont
les fondements sont
complètement différents.
M. Jolin-Barrette :
Sur ce point-là, Me Lemieux, >pourquoi ils sont différents? Juste,
là, pour bien nous renseigner, là, pourquoi que ce n'est pas la même chose, le
régime de la SAAQ, le régime de la CNESST puis le régime de l'IVAC?
Mme Lemieux (Madeleine) : Le
régime de la CSST et de la SAAQ sont des régimes d'assurance autofinancés.
Alors, ce sont les utilisateurs... Dans un cas, ce sont les employeurs et, dans
un autre cas, ce sont les utilisateurs du réseau routier et des automobiles qui
paient ces régimes-là. Ce ne sont pas des régimes basés sur la solidarité
sociale, comme d'autres régimes existant dans le gouvernement, c'est tout à
fait autre chose. Alors, on n'est pas dans un domaine d'assurance, on...
Souvent, on s'est posé la question : Est-ce
que, si quelqu'un vous offrait... un assureur privé vous offrait une police
d'assurance contre les crimes... Bien, vous diriez : Non, moi, ça ne
m'arrivera pas à moi, ça arrive aux autres. On va assurer... Quand on en a les
moyens, le salaire, on va assurer contre la maladie. Ce n'est pas un régime
d'assurance, c'est un régime d'indemnisation étatique basé sur la solidarité.
On l'a copié sur celui de la santé et sécurité au travail, parce que le régime,
d'après ce qu'on m'en a raconté, a été adopté très rapidement, à la sauvette,
puis on l'a rapidement confié à la CSST. Et, dans la tête de tout le monde, on
l'a assimilé à un régime d'indemnisation pour des accidents de travail, et ce
n'est pas ce que c'est, de notre avis. Ce n'est pas ce que c'est, c'est tout à
fait autre chose.
M. Jolin-Barrette : O.K. Sur
la question de l'indemnité de remplacement de revenu, vous le limitiez à... l'incapacité
temporaire, à trois ans. Nous, ce qu'on fait, c'est qu'on met trois ans
plus une tranche de deux ans supplémentaire en termes de réinsertion, donc,
pour un total de cinq ans. Mais vous, à l'époque, le trois ans, ça
vous apparaissait une approche normale pour faire en sorte que la personne
puisse être rétablie et qu'elle ait un montant forfaitaire par la suite.
• (16 h 50) •
Mme Lemieux (Madeleine) : Oui,
et on s'était basés sur les statistiques de l'IVAC, on s'était basés sur quel
est le pourcentage de personnes et quelle est la durée pendant laquelle elles
ont besoin de remplacement de revenu, et on en arrivait à des statistiques...
Il faudrait que je fouille un petit peu dans mon rapport, parce que, vous
savez, je n'avais pas lu ça depuis 2008, hein? Alors, je vais être obligée
de relire. On s'était basés sur des statistiques qui nous avaient dit :
Bien, avec une limite de trois ans, c'étaient 97 % qui allaient
recevoir exactement la même indemnisation. Alors, la zone tampon peut
correspondre à des statistiques qui seraient différentes aujourd'hui. Je
l'ignore.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Qu'est-ce que vous pensez de l'élargissement de la notion de victime que nous
faisons dans le projet de loi n° 84?
Mme Lemieux (Madeleine) : Est-ce...
Vous voulez dire...
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, auparavant, on <avait la...
Mme Lemieux (Madeleine) : ...correspondre
à des statistiques qui seraient différentes aujourd'hui. Je l'ignore.
M. Jolin-Barrette :
O.K. Qu'est-ce que vous pensez de l'élargissement de la notion de victime que
nous faisons dans le projet de loi 84?
Mme Lemieux (Madeleine) :
Est-ce...
Vous voulez dire...
M. Jolin-Barrette :
Bien, en fait, auparavant, on >avait la victime directe qui avait droit
à des indemnisations. Là, ce qu'on vient faire, c'est qualifier les personnes
victimes plus largement. Donc, il y a la victime qui subit l'infraction, mais
il y a toute la cellule familiale, le noyau familial, les proches, les
personnes significatives qui vont pouvoir être indemnisées désormais et
recevoir des services.
Donc, est-ce que vous voyez ça
positivement, le fait que davantage de personnes, et on l'évalue à près de
4 000 personnes supplémentaires par année, pourront recevoir du
soutien de l'État? On élargit le régime.
Mme Lemieux (Madeleine) : Oui.
Vous savez, nous, dans nos consultations, il n'y a absolument personne,
personne, personne qui a plaidé en faveur d'une restriction. Au contraire, tout
le monde a plaidé en faveur d'un élargissement, et ça va de soi que la victime
n'est pas seulement celle qui a reçu les coups, mais que ses proches, que la
cellule familiale... et c'est ça, l'idée de la solidarité sociale, de réduire
le plus possible les effets d'un crime sur tous ceux qui en sont victimes, et
ça méritait un élargissement.
M. Jolin-Barrette : Pourquoi,
Me Lemieux, pensez-vous que, depuis la publication de votre rapport en 2008,
il n'y aucun gouvernement qui a mis en oeuvre une réforme de l'IVAC?
Mme Lemieux (Madeleine) : Je
l'ignore. Je devrais faire une pure spéculation, parce qu'on mentionne dans le
rapport que notre rapport a été précédé de deux autres rapports, hein? Ce
n'est pas le... il y en a eu deux autres qui avaient formulé des
recommandations avant le nôtre. Je pense que c'est directement relié aux coûts
et que la majorité de nos recommandations étaient des recommandations qui
favorisaient des élargissements qui auraient entraîné d'autres coûts, des coûts
supplémentaires et que ce n'était probablement pas dans l'air du temps que
d'ajouter à ce que ça coûte déjà. Parce que j'ai comparé les chiffres de 2008
et ceux d'aujourd'hui, et, malgré le fait que le régime est resté sensiblement
le même, les coûts sont beaucoup plus importants qu'ils ne l'étaient à
l'époque.
Je ne vois pas autre chose, parce que tout
le monde réclamait une modernisation de cette loi-là. Tout le monde réclamait
un élargissement de la notion de victime, tout le monde réclamait des
modifications à l'administration du régime. Il n'y a pas personne qui est venu
dire : Gardez ça comme c'est là. Et le rapport, bien, ça voulait le
reflet, hein?
M. Jolin-Barrette : Puis une
dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Me Lemieux,
tout à l'heure, Me Bellemare est venu témoigner et il a mis en doute le
fait que les mesures supplémentaires que je mettais dans la loi pour les
victimes, qui sont notamment inspirées, en autres, de votre rapport, n'allaient
pas engendrer des coûts supplémentaires pour l'État. Donc, je comprends, de ce
que vous nous avez dit, que, dans les recommandations que vous faisiez, ça
allait engendrer des coûts supplémentaires. Donc, nécessairement, le gouvernement
du <Québec...
M. Jolin-Barrette :
...et il a mis en doute le fait les mesures supplémentaires que je mettais dans
la loi pour les victimes, qui sont
notamment inspirées, entre autres, de
votre rapport, n'allaient pas engendrer des coûts supplémentaires pour l'État.
Donc,
je comprends, de ce que vous nous avez dit, que, dans les
recommandations
que vous faisiez, ça allait engendrer des coûts supplémentaires. Donc,
nécessairement,
le
gouvernement du >Québec met plus d'argent, si on suit vos recommandations.
Mme Lemieux (Madeleine) :
C'était notre constat, et nous avions de grands doutes que le rapport ne serait
probablement pas suivi rapidement, justement, parce qu'il allait entraîner des
coûts supplémentaires à l'administration du régime.
M. Jolin-Barrette : Bien, je
vous remercie, Me Lemieux, pour votre passage à la commission
parlementaire. Je vais céder la parole à mes collègues. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, M. le ministre. M. le député de Chapleau,
s'il vous plaît.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui. Merci
beaucoup, M. le Président. Bonjour, Me Lemieux. Merci de votre témoignage.
Bon, vous nous mentionniez que vous avez un peu dépoussiéré votre rapport, là.
Je vais maintenant faire appel à votre mémoire.
Donc, dans le rapport que vous aviez
présenté et soumis, j'aimerais peut-être que vous fassiez un exercice de
comparaison entre ce qui s'y trouvait et le projet de loi actuel à l'étude.
Est-ce qu'il y a des éléments qui vous apparaissent manquer ou qui sortent un
peu de l'ordinaire, qui n'étaient pas vraiment compris dans le rapport? Puis
vos interrogations ou, disons, au moins vos commentaires par rapport à ces
éléments.
Mme Lemieux (Madeleine) :
Bien, écoutez, j'ai fait l'exercice de prendre chacune des recommandations et
de chercher dans le projet de loi, là, où elles étaient reprises ou non.
Évidemment, la recommandation... Une de
nos toutes premières recommandations, qui était d'élargir le régime de façon à
y inclure tous les crimes, se retrouve dans le projet de loi, et c'était une de
nos toutes premières recommandations. Essayer de cesser d'assimiler trop le
régime aux autres régimes dont j'ai parlé tantôt, on le voit bien à
l'article 59 que, si on est couvert par d'autres régimes, ce sont les
autres régimes qui doivent d'abord couvrir...
M. Lévesque (Chapleau) : La
distinction.
Mme Lemieux (Madeleine) : Oui.
Le mot «blessure», nous suggérions qu'il soit remplacé par «préjudice corporel
ou psychique» pour éviter, vous savez, le fameux : si ça ne saigne pas, ce
n'est pas une blessure. Et «l'atteinte à l'intégrité», bien, on la retrouve
aussi.
C'est sûr que, dans le projet de loi, il y
a... Dans nos recommandations, nous avons formulé plusieurs recommandations qui
visaient à laisser de la discrétion à l'administrateur du régime. Dans le
projet de loi, il y a plusieurs sujets qui vont être traités par règlement. À
défaut de lire les règlements, bien, c'est impossible de savoir jusqu'à quel
point ils seront couverts.
Je vous dirais que, de façon générale, les
recommandations sont suivies.
M. Lévesque (Chapleau) :
D'accord. Très bien.
Mme Lemieux (Madeleine) : Je
ne vous cache pas que l'article 16...
M. Lévesque (Chapleau) : On a
eu des interrogations sur cet article-là aussi par d'autres groupes.
Mme Lemieux (Madeleine) : Les <articles...
Mme Lemieux (Madeleine) :
Je vous dirais que, de façon générale, les recommandations sont suivies.
M. Lévesque (Chapleau) :
D'accord.
Très bien.
Mme Lemieux (Madeleine) :
Je ne vous cache pas que
l'article 16...
M. Lévesque (Chapleau) :
On a eu des interrogations sur cet
article-là aussi par d'autres
groupes.
Mme Lemieux (Madeleine) :
Les >articles 16 et... Nous avons recommandé de conserver la notion
de faute lourde et nous nous basions sur la jurisprudence élaborée par le TAQ
au fil des ans. La jurisprudence d'il y a 20 ans sur la faute lourde et la
jurisprudence au moment où nous avons fait notre rapport, ce n'était pas du
tout la même chose. Et elle était peut-être tributaire de certains préjugés que
les décideurs pouvaient avoir à l'égard de certaines...
M. Lévesque (Chapleau) : Victimes.
Mme Lemieux (Madeleine) :
...situations particulières.
L'article 16. Vous savez, moi, je
suis une fervente défenseure du langage clair. J'ai promené mes valises à
travers le Québec pour le langage clair et j'en suis autant plus adepte quand
il s'agit de l'instrument législatif qui s'adresse à des personnes qui sont
dans le besoin, qui sont démunies, et 16, je ne vous cache pas, me cause des
problèmes d'interprétation, 17 aussi. Et je ne suis pas capable de m'assurer qu'il
y a adéquation entre ce texte législatif et la jurisprudence plus récente du
TAQ sur la notion de faute lourde et de contribution à ces blessures. Ça m'a un
peu intriguée, ça. Je ne sais pas si ça répond à votre question.
M. Lévesque (Chapleau) :
Oui, oui. Non, ça répond, tout à fait, excellent. Donc, l'arrimage avec la
jurisprudence actuelle, avec le TAQ, il y a peut-être quelque chose à analyser
à ce niveau-là, si je comprends bien votre commentaire.
Mme Lemieux (Madeleine) :
Oui.
M. Lévesque (Chapleau) :
Dernière petite question avant de passer la parole à mon collègue. Depuis les
12, 13 dernières années, est-ce que vous avez eu l'occasion, avec vous et
vos collègues de ce rapport-là, de voir différents changements et certains
points que vous auriez ajoutés dans les 13 années qui ont passé depuis? Y
a-tu quelque chose qui serait modifié à ce rapport-là?
Mme Lemieux (Madeleine) :
Bien, non, parce que...
M. Lévesque (Chapleau) :
Non? Parfait. Il reste d'actualité?
Mme Lemieux (Madeleine) :
Vous savez, la criminalité a changé, et le regard de la société sur la
criminalité change aussi. Et, par l'élargissement qu'on fait, on va cesser de
laisser pour compte des gens qui sont bel et bien des victimes, là.
M. Lévesque (Chapleau) :
Merci, Me Lemieux. Je pense que le député de Saint-Jean aurait...
Le Président (M.
Bachand) : Merci. J'ai la collègue de Les Plaines devant moi,
pour deux minutes.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Écoutez... Merci beaucoup, M. le Président. Je vais laisser le micro à mon collègue,
qui porte le même nom de famille, alors, peut-être, il va avoir des questions
encore plus directes. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :O.K. Très rapidement, M. le
député de Saint-Jean. Il reste 1 min 40 s.
• (17 heures) •
M. Lemieux : Oui. Désolé
pour la confusion, M. le Président. Merci beaucoup. Bonjour, Me Lemieux.
Pas de lien de parenté, on s'entend.
Je voulais... Et on a juste une minute,
alors on va faire de la philosophie rapide, là. Mais est-ce que vous avez des
raisons de penser que l'esprit, les concepts, la vision que vous aviez dans le
rapport a mal vieilli? Parce qu'entre vous et moi, on va <s'entendre, là,
vous pourriez...
>
17 h (version révisée)
<17879
M.
Lemieux : ...lien de parenté, on s'entend.
Je voulais... Et on a juste une minute,
alors on va faire de la philosophie rapide, là, mais
est-ce que vous
avez des raisons de penser que l'esprit, les concepts, la vision que vous aviez
dans le rapport a mal vieilli?
Parce que, entre vous et moi, on va >s'entendre,
là, vous pourriez réclamer des droits d'auteur, en partie, en tout cas, au
ministre de la Justice. Et donc, à quelque part, je me demandais... on peut,
comme vous l'avez fait, parler de jurisprudence qui a évolué, mais les
concepts, en gros, la philosophie, la vision, elle est encore, comme vous le
disiez à mon collègue tout à l'heure, elle est encore d'actualité, et vous y
croyez encore?
Le Président (M.
Bachand) : Rapidement, Me Lemieux, s'il vous plaît. Désolé.
Mme Lemieux (Madeleine) : Je
vous dirais que oui, sous réserve réserve d'actualiser certaines questions. Et
j'aurais besoin de mes experts pour le faire, parce que moi, je fais juste
présider, hein? Ce n'était pas moi l'experte là-dedans.
M. Lemieux : Merci, maître.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
LaFontaine, vous avez la parole.
M. Tanguay
: Oui, merci
beaucoup, M. le Président. Bienvenue, Me Lemieux. Merci de prendre le
temps de répondre à nos questions. C'est vraiment intéressant de vous avoir
avec nous.
J'ai devant moi la liste, là, des 68 propositions,
recommandations du rapport de 2008. Peut-être, avant d'aller là, j'aimerais ça
vous entendre de façon un peu plus spécifique, vous donner l'occasion de
peut-être préciser votre réponse quant aux articles 16 et 17 qui
pourraient être problématiques, quant à leur compréhension. Donc, langage
clair, l'article 16, là, fait quasiment deux pages, là, une page et deux
tiers. Vous avez parlé, donc, 16 et 17, entre autres, sous le vocable de «faute
lourde». Est-ce qu'il y a d'autres éléments de 16 et 17 qui vous ont fait
sourciller? Je ne sais pas si vous avez d'autres points.
Mme Lemieux (Madeleine) : Non,
je vous avoue que je n'ai pas vraiment compris pourquoi on faisait autant de
distinctions et on tentait de viser, en détail, autant de situations. Alors que
je pense, de ce que j'en sais, que chaque cas va rester un cas d'espèce, chaque
cas risque d'être un cas différent et que l'idée fondamentale, c'est que si
vous, comme le TAQ l'a régulièrement dit, si vous êtes entré armé dans une
banque et qu'on vous a tiré dessus, vous avez des grosses chances que vous avez
commis la faute grave et que vous avez contribué à vos blessures. Et le risque
que je vois, c'est le flottement jurisprudentiel que ces dispositions-là
peuvent entraîner dans des cas, par exemple, de violence conjugale, de violence
sexuelle. Je ne suis pas capable m'imaginer, parce que je ne suis pas saisie
d'un dossier particulier, là, quelle interprétation en feront les juges du TAQV.
C'est ça, c'est un peu ça ma pensée.
M. Tanguay
: Oui, tout
à fait. Puis on a justement eu des groupes qui sont venus nous dire
qu'effectivement, en matière de proxénétisme, entre autres, où la victime peut,
sous la manipulation, peut participer à un acte criminel, bien, pourrait être
refusée. Donc, c'est un des cas d'espèce qui a fait partie de notre réflexion.
Dans vos recommandations, <je vais
vous...
M. Tanguay
: O
ui,
tout à fait. Puis on a justement eu des groupes qui sont venus nous dire
qu'effectivement, en matière de proxénétisme, entre autres, où la victime peut,
sous la manipulation, peut participer à un acte criminel, bien, pourrait être
refusée. Donc, c'est un des cas d'espèce qui a fait partie de notre réflexion.
Dans vos recommandations, >je
vais vous la nommer, des fois, ça peut... La recommandation 9 : «Que
l'administrateur du régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels soit
tenu à un devoir d'assistance à l'égard des réclamants.» Est-ce qu'on doit le
lire... Puis je n'ai pas le bénéfice, là, de l'entièreté de l'explication, mais,
en vos propres mots, moi... Est-ce qu'on doit le lire comme étant une sorte de
principe, établir le principe que, là, on est là pour servir une population
vulnérable, les membres de la population, et là on a un devoir quasiment
proactif d'assistance. C'est un peu ça, la philosophie?
Mme Lemieux (Madeleine) : Oui.
Pendant notre consultation, vous savez, on a entendu plusieurs critiques sur le
traitement qui était donné aux demandes par le personnel de l'IVAC et on a
rencontré aussi le personnel de l'IVAC, des gens qui étaient en poste à l'IVAC.
Mon opinion bien personnelle, c'est que les employés de l'IVAC ne sont pas
moins empathiques, plus froids et moins compétents que la moyenne des ours. Par
contre, ils font affaire avec une clientèle qui présente des vulnérabilités
extrêmes dans certains cas, des attentes qui sont liées à leur condition que...
Vous savez, une jambe cassée, ça fait mal. Quand on s'est cassé une jambe en
auto ou... ça fait mal, ça dérange la vie, mais je ne pense pas que ça cause le
même type de traumatisme que d'être victime d'un crime. Et les besoins de cette
clientèle-là sont différents, d'où une de nos recommandations que de la
formation soit donnée.
Et j'ai lu rapidement les propos de la
Protectrice du citoyen de 2016, et on voit que c'est encore d'actualité. Nous,
on l'avait constaté en 2008 et on le reconstate à nouveau en 2016, il y a des
ajustements à faire en raison d'une vulnérabilité exceptionnelle de la
clientèle qui a recours à ces services-là. Vous savez, dans la Loi sur la
justice administrative, le TAQ a un devoir d'assistance à l'égard des parties
qui se présentent devant lui. C'est le législateur qui l'inscrit dans la loi.
Nous étions d'avis que de l'inscrire dans la loi serait probablement un message
fort que ce n'est pas un service comme n'importe quel autre service.
M. Tanguay
: C'est bien
la façon dont vous le... Je pense que c'est la première fois que ça a été...
que c'est verbalisé de cette façon-là à cette commission. Vous faites bien de
le dire, effectivement, que c'est la clientèle spécifique et sa vulnérabilité
qui fait naître l'approche différenciée d'intervenants de l'État qui, au
départ, sont tous de bonne foi puis ils sont prêts à offrir un bon service,
mais effectivement ils ont une clientèle qui est très, très particulière. Et
merci de le dire comme ça, ça nous éclaire.
La recommandation 14, je vous ferais
un lien avec l'article 7 <du projet de loi.
M. Tanguay
: ...
qui
fait naître l'approche différenciée d'intervenants de l'État qui, au départ,
sont tous de bonne foi puis ils sont prêts à offrir un bon service, mais
effectivement ils ont une clientèle qui est très, très particulière. Et merci
de le dire comme ça, ça nous éclaire.
La recommandation 14, je vous
ferais un lien avec l'article 7 >du projet de loi. L'article 7,
là, c'est l'article où il y a un devoir de coopération. Alors, l'article 7
de la loi, bon, là, vous, vous... Puis ça, je prends l'article 14, mais il
y a d'autres propositions aussi qui allaient un peu dans le sens de dire :
Bien, il ne faut pas que ça soit du donnant-donnant, là. «Que l'admissibilité
au régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels ne soit pas assujettie
aux obligations de signaler le crime aux autorités policières.» J'imagine que
vous devez recevoir l'article 7, là, avec certains bémols, j'imagine...
«devoir de coopération».
Mme Lemieux (Madeleine) :
Bien, vous savez, ça, c'est un sujet sur lequel nous avons reçu des
commentaires très contradictoires. Il y avait des tenants de dire : Non,
non, non, il faut qu'on dénonce le crime, puis il faut qu'on accepte d'aller
témoigner, puis il faut que... et d'autres tenants qui, surtout dans des cas de
violence conjugale, dans des cas d'agression sexuelle, ne voulaient pas imposer
ce fardeau-là aux victimes ou de rendre conditionnels leur admissibilité et
leur droit à des indemnisations et à de la réadaptation.
Et moi, 7 ne m'a pas fait trop sourciller
à cause des mots «dans la mesure du possible». Mais là, vous savez, on appelle
ça du droit mou. Du droit mou, moi, j'aime ça, parce que ça permet d'exercer
son jugement, mais ça peut amener aussi des décisions regrettables. Alors,
comment seront interprétés les mots «dans la mesure du possible» avec le mot
«doit»? Là, c'est l'avocat qui parle, là. Je ne le sais pas non plus.
M. Tanguay
: On a eu
une discussion, ce matin, avec Me Lessard qui, lui, disait : Bien, on
pourrait garder ça de même, mais ajouter quelque chose, là, puis je paraphrase,
«dans la mesure où ceci ne contrevient pas au processus de guérison de la
personne victime».
Alors, y verriez-vous... ça peut-être une
porte d'analyse supplémentaire au «doit», dans la mesure où, effectivement, ça
ne va pas venir mettre en péril le processus de guérison? Puis là on couvrirait
peut-être l'exemple que vous mentionniez.
Mme Lemieux (Madeleine) : Les
commentaires que nous avions eus, à ce sujet-là, étaient très variés. Il y
avait... Ce n'était pas uniquement relié au processus de guérison. Évidemment,
le premier objectif de la loi, c'est la guérison, c'est la réadaptation. Ce
serait un ajout qui va dans l'objectif premier de la loi. Mais il y a d'autres
facteurs qui peuvent ne pas être liés à la guérison, qui peuvent faire en sorte
que ce devoir de coopération là devient une embûche et un empêchement d'avoir
accès aux services. Quand c'est le père de nos enfants, par exemple, que le
père, on n'a rien à lui reprocher dans son rôle <avec les...
Mme Lemieux (Madeleine) : ...
qui
peuvent faire en sorte que ce devoir de coopération là devient une embûche et
un empêchement d'avoir accès aux services. Quand c'est le père de nos enfants,
par exemple, que le père, on n'a rien à lui reprocher dans son rôle >avec
les enfants, mais que la violence conjugale fait en sorte que... On a entendu tellement
de cas d'espèce, là, que...
• (17 h 10) •
M. Tanguay
: Je
comprends, je comprends. Dans le peu de temps qu'il me reste, il y a deux
derniers aspects qu'on n'a pas encore ensemble, là, vous et la commission,
discuté : les moins de 18 ans et les régions éloignées. Alors, je
prends la recommandation 25 : «Que des mesures de soutien et des
incitatifs à la réinsertion scolaire soient prévus pour les personnes victimes
d'actes criminels âgées de moins de 18 ans.»
Je prends cet exemple-là pour tester un
peu jusqu'à quel point vous aviez mis de l'avant une approche différenciée ou,
je dirais, un peu plus complète dans un cas d'une personne mineure dans un
contexte de réinsertion puis de réintégration.
Mme Lemieux (Madeleine) : Dans
le régime actuel, il y a une espèce d'automatisme du fameux 35 $ de
l'heure et du revenu possible, mais pour favoriser, d'abord et avant tout, la
réadaptation, pour favoriser le retour à la vie normale, pour favoriser l'accès
à... Et on sait que, par exemple, les enfants qui sont victimes de crime
sexuel, ça peut entraîner de très grands retards dans leur capacité de prendre
leur vie en charge, de prendre leur vie en main. Alors, la barrière du 18 ans,
dans notre esprit, ne devrait pas être vue surtout pour des raisons financières
ou des questions financières, mais vue comme des moyens d'accéder à
l'instruction, d'accéder à un métier, d'accéder à un retour à une vie normale.
C'était ça qui était l'objectif de cette recommandation-là.
M. Tanguay
: Je
comprends. Est-ce que vous nous inviteriez à la plus grande prudence, en
agitant peut-être un drapeau jaune ou rouge, quant au très, très large pouvoir
réglementaire? On dit que le diable est dans les détails. Le ministre aurait...
et le ministre actuel ou n'importe quel autre ministre, on s'entend, là, je
veux dire, des ministres, là, ça change... alors que le pouvoir discrétionnaire
réglementaire trop large serait-il un drapeau rouge ou jaune?
Le Président (M.
Bachand) : En quelques secondes, Me Lemieux.
Mme Lemieux (Madeleine) :
Peut-être pas un drapeau dans le sens que les règlements doivent être
prépubliés, les règlements ne feront pas l'objet d'un débat de la même manière,
mais les règlements doivent être prépubliés. Les règlements peuvent faire
l'objet d'un débat, ça, c'est prévu dans la loi sur les règlements. Nous
n'avons pas envisagé un pouvoir réglementaire de cette nature-là, mais c'est
comme ça que la Société de l'assurance automobile fonctionne. C'est dans des
règlements et c'est dans des chartes qu'on détermine les indemnités et les
mesures.
Alors, je dirais, peut-être, un drapeau
jaune. Ça veut dire qu'il va falloir les lire attentivement, <qu'ils
soient lisibles...
Mme Lemieux (Madeleine) : N
ous
n'avons pas envisagé un pouvoir réglementaire de cette nature-là, mais c'est
comme ça que la Société de l'assurance automobile fonctionne. C'est dans des
règlements et c'est dans des chartes qu'on détermine les indemnités et les
mesures.
Alors, je dirais, peut-être, un drapeau
jaune. Ça veut dire qu'il va falloir les lire attentivement, >qu'ils
soient lisibles et qu'ils ne soient pas trop complexes à appliquer.
M. Tanguay
: Merci,
Me Lemieux.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Je cède la parole à la députée de Sherbrooke,
s'il vous plaît, pour 2 min 45 s.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Merci, Mme Lemieux. J'aimerais ça vous entendre sur une
suggestion qui a été faite par un précédent intervenant, M. Gardner, qui
nous disait que, de son point de vue, c'était une erreur d'indemniser sur la
base du revenu et que, comme c'était plutôt une mesure de solidarité, ce
n'était pas équitable de le faire comme ça et qu'il fallait plutôt, peut-être,
envisager d'avoir un montant fixe peu importe le revenu de la personne
concernée. Donc, j'aimerais ça vous entendre sur cette proposition-là.
Mme Lemieux (Madeleine) :
Alors, M. Gardner fait partie des gens que nous avons consultés à l'époque,
et je ne me souviens pas de nos discussions à ce sujet-là. Nous avons été, je
vous dirais, assez conformistes et assez traditionalistes en travaillant avec
la base de revenu. Le montant fixe, pour nous, présentait certains risques de
surindemniser ou de sous-indemniser, par opposition à une indemnisation qui est
plus liée sur le revenu réel quand on parle de remplacement de revenu.
Je sais que le mauvais côté de cette
approche-là, c'est de perpétuer des situations de pauvreté. Et c'est une
matière à réflexion importante, parce que si on a peu de revenus, qu'on est
victime, alors on va être indemnisé avec peu de revenus. C'est ça, l'adéquation
qu'on doit faire, et ça revient... ça nous ramène à la base de ce régime-là qui
est un régime de solidarité sociale. Et je pose la même question que j'ai
souvent posée : Jusqu'où va aller cette solidarité-là? Et à partir de
quand on se demande si ça devient une injustice réglementée ou sinon, au
contraire, on a ouvert plus?
C'est des questions assez profondes, puis
je ne me sens pas vraiment capable de dire... trancher ça, là, noir ou blanc,
là.
Mme Labrie : Je vous remercie.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette, vous
avez la parole.
Mme
Hivon
: Oui,
bonjour, Me Lemieux. Merci beaucoup.
Mme Lemieux (Madeleine) :
Bonjour.
Mme
Hivon
: Oui,
c'est ça, en fait, je pense que le défi, c'est de trouver l'équilibre, parce
qu'en fait, du fait que c'est un régime de solidarité sociale, votre comité a
proposé, donc, de s'éloigner de la réalité des rentes, donc, des paiements en
continu comme on voit dans les autres régimes d'assurance. Mais par ailleurs la
base est la même que celle des autres régimes, c'est-à-dire le salaire, le
revenu. <Et donc ça crée...
Mme
Hivon
: ...
de
solidarité sociale, votre comité a proposé, donc, de s'éloigner de la réalité
des rentes, donc, des paiements en continu comme on voit dans les autres
régimes d'assurance. Mais par ailleurs la base est la même que celle des autres
régimes,
c'est-à-dire le salaire, le revenu. >Et donc ça crée, effectivement,
une disproportion, notamment pour les personnes qui n'en ont aucun, revenu,
pour toutes sortes de raisons, au moment où le crime se commet. Donc, je pense
qu'effectivement il y a une bonne réflexion à faire par rapport à ça.
Mais, je voulais vous entendre, parce que,
tantôt, vous avez dit, quand vous avez fait vos travaux, que 97 % des
dossiers, si on annulait les rentes viagères puis qu'on donnait un montant
forfaitaire, on viendrait à avoir le même niveau financier d'indemnisation. Je
ne sais pas si je vous ai bien comprise.
Mme Lemieux (Madeleine) : Non,
ce n'est pas tout à fait ça.
Mme
Hivon
: O.K.
C'est beau.
Mme Lemieux (Madeleine) :
C'est l'indemnité de remplacement de revenu. Vous savez, dans le jargon, là, on
va parler de l'incapacité totale temporaire, de l'incapacité totale permanente
et puis de la somme qui vient compenser à long terme. Quand on s'est penché sur
la question de l'indemnité de remplacement de revenu... et, si je retrouve le
numéro de ma recommandation, je vais pouvoir vous donner la statistique précise
à laquelle je faisais référence. Alors, c'est à la page 62.
Mme
Hivon
: O.K.
J'ai votre rapport ici.
Mme Lemieux (Madeleine) : O.K.
L'indemnité de remplacement de revenu, alors, c'est celle-là que nous avons
recommandée qu'elle cesse après trois ans, et c'est relié à deux choses. C'est
relié au fait que... Ah! voilà, j'ai la statistique, elle est à la page 67.
«En ce qui concerne la durée du versement de l'indemnité de remplacement de
revenu, les membres du groupe de travail recommandent de fixer une limite de
trois ans. Le régime proposé aurait comme objectif de soutenir
temporairement la personne victime à surmonter les difficultés financières
immédiates auxquelles elle est confrontée. «L'introduction d'une telle
limite permettrait, tout de même, de répondre aux besoins financiers
temporaires de la presque totalité des victimes puisque 96 % d'entre elles
ont une durée d'incapacité inférieure à trois ans.» Et ça, c'étaient les
statistiques de l'époque.
Mme
Hivon
:
Parfait. C'est bon. C'est plus clair. Est-ce qu'il me reste du temps, M. le
Président?
Le Président (M.
Bachand) :Allez-y rapidement, 30 secondes.
Mme
Hivon
: O.K.
Il y a des intervenants qui nous ont dit qu'il y avait un monde de différence
entre, évidemment, être victime, par exemple, d'un vol, de voie de fait, versus
d'agression sexuelle, de violence sexuelle ou conjugale et qu'on devrait
prévoir comme un sous-régime spécifique pour les cas de violence sexuelle et
conjugale. Je voulais savoir si c'est quelque chose que vous aviez analysé.
Mme Lemieux (Madeleine) : Non,
on ne l'a pas analysé, mais on a constaté, par les commentaires des gens que
nous avons consultés, qu'il y avait effectivement un univers de différence.
Mme
Hivon
: O.K.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) :
<Sur ce, Me Lemieux,
merci infiniment d'avoir été avec nous cet après-midi. C'est très, très, très
apprécié.
Je vous souhaite une bonne fin de
journée et je suspends les travaux pour quelques instants. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 17 h 18)
Mme Lemieux (Madeleine) :
...par les commentaires des gens que nous avons consultés, qu'il y avait,
effectivement, un univers de différence.
Mme
Hivon
:
O.K. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :>Sur ce,
Me Lemieux, merci infiniment d'avoir été avec nous cet après-midi. C'est
très, très, très apprécié.
Je vous souhaite une bonne fin de journée
et je suspends les travaux pour quelques instants. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 17 h 18)
>
(Reprise à 17 h 24)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission
reprend ses travaux. Alors, nous sommes fiers d'accueillir Mme Arlène
Gaudreault, présidente de l'Association québécoise Plaidoyer-Victimes.
Alors, Mme Gaudreault, merci d'être
avec nous. Comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation. Après,
nous aurons un échange avec les membres de la commission. Et je vous cède
immédiatement la parole.
Mme Gaudreault (Arlène) :
J'entends une musique. Est-ce que c'est normal?
Le Président (M.
Bachand) : Je ne suis pas musicien, donc ça ne vient pas de
moi, là. Alors, allez-y, on va tenter de voir, s'il n'y a pas...
Mme Gaudreault (Arlène) :
Attendez un peu. Je pense qu'il y a un petit problème que je vais régler,
peut-être. Attendez. Ne bougez pas. O.K. Je pense que c'est bon. C'est bon?
Alors, très bien.
(Interruption)
Le Président (M.
Bachand) : O.K. On va suspendre juste quelques instants.
(Suspension de la séance à 17 h 25)
(Reprise à 17 h 26)
Le Président (M.
Bachand) : Alors, on y va. Deuxième prise. Mme Gaudreault,
la parole est à vous.
Association québécoise Plaidoyer-Victimes (AQPV)
(Visioconférence)
Mme Gaudreault (Arlène) :
Oui. Alors, bonsoir, M. le Président. M. le ministre, membres de la commission
parlementaire, je vous remercie d'abord pour cette invitation, nous permettre
de participer à cette consultation. Je suis présidente de l'Association
québécoise Plaidoyer-Victimes et je suis un membre fondateur depuis... et je
participe aux activités de l'association depuis 1984.
Plaidoyer-Victimes est un organisme qui
milite pour la défense des droits des victimes. Nous sommes un organisme
pionnier au Québec et nous avons amené de nombreuses initiatives pour favoriser
l'accès à la justice, l'accès au droit, la reconnaissance de leurs besoins dans
toutes sortes d'initiatives. On a participé à toutes les consultations, y
compris celles sur la loi... l'adoption de la Loi sur l'aide aux victimes
d'actes criminels en 1987 et à toutes les consultations qui ont eu lieu depuis
sur l'aide et l'indemnisation.
Alors, le 10 décembre dernier, quand
nous avons... le dépôt de loi a été annoncé, nous avons salué la détermination
du ministre de la Justice. Et on peut dire que c'est une réforme qui était très
attendue, et ce n'était pas la première fois... En fait, <le ministre...
Mme Gaudreault (Arlène) :
...le 10 décembre dernier, quand nous avons... le dépôt de loi a été
annoncé, nous avons salué la détermination du
ministre de la Justice. Et
on peut dire que
c'est une réforme qui était très attendue, et ce
n'était pas la première fois... En fait, >le ministre de la Justice est
passé à l'action. Ça faisait plusieurs fois qu'il y avait des promesses en ce
sens.
J'ai suivi les débats hier et aujourd'hui
et je pense qu'il y a un consensus assez clair, au niveau des avancées et des
réponses à des demandes qu'on a formulées depuis plusieurs années, d'enlever
l'annexe, d'allonger la période pour faire une demande, d'élargir la notion de
victime, de considérer la situation des proches. Il y a des mesures qui sont
intéressantes aussi, j'en reparlerai. Je vais commenter, par exemple, toute la
question de l'aide aux victimes hors Québec, la mise en place d'un fonds
d'urgence.
Alors, c'est un... Je ne suis pas la seule
à le dire, on l'a dit, ça fait deux jours qu'on le dit, en fait, c'est un
projet de loi qui est complexe, qui est très dense, qui est difficile à
interpréter, qui va devoir être clarifié, vulgarisé pour les victimes, pour les
intervenants de première ligne qui travaillent auprès des victimes. Et j'étais
contente de voir que même les juristes eux-mêmes trouvent que c'est un projet
qui est quand même complexe, à cause de la structure, à cause du nombre
d'articles, à cause du libellé, à cause de la portée.
Alors, quand on a reçu ce projet de loi,
c'est sûr qu'on était contents, mais, en même temps, on était un peu, je
dirais, paniqués par les difficultés d'analyser ce projet de loi en une période
aussi brève. On a demandé au ministre, le 4 janvier, de reporter peut-être
les consultations. Alors, ce n'est pas le cas, on est dans l'étude. On prend le
train aussi. On a décidé de ne pas se défiler à nos obligations puis d'être
présents pour faire part de nos interrogations.
Je vais vous amener, je dirais,
particulièrement dans une section de la loi dont on a peu parlé... en fait, on
n'a pas parlé beaucoup depuis le début des consultations, c'est toute la
question de l'aide aux victimes et des droits des victimes, qui sont reconnus
dans la section I et II. Alors, on s'attendait du régime... à une réforme du
régime d'indemnisation. Ce qu'on reçoit, c'est une fusion de l'actuelle loi sur
l'aide aux victimes et de la loi sur l'indemnisation. On démantèle, dans ce
projet de loi, la loi sur l'aide qui, auparavant, quand même, avait trois
composantes principales, des énoncés de principe pour les droits des victimes,
l'existence d'un bureau d'aide aux victimes et un fonds d'aide.
Alors, on retrouve le fonds d'aide et le
bureau d'aide aux victimes dans les articles 100 à 105 et on a gardé la
portion, je peux dire, ou la section qui concernait les droits des victimes au
tout début.
• (17 h 30) •
Alors, il y avait une <logique
dans...
>
17 h 30 (version révisée)
< Mme Gaudreault (Arlène) :
...aux victimes et un fonds d'aide. Alors, on retrouve le fonds d'aide et le bureau
d'aide aux victimes dans les
articles 100 à 105 et on a gardé la
portion, je peux dire, ou la section qui concernait le droit des victimes au
tout début.
Alors,
il y avait une >logique
dans la loi sur l'aide qu'on ne retrouve plus dans cette loi-là, il y avait un
fil conducteur. Et c'est un peu un amalgame où il n'y a pas toujours... les
distinctions ne sont pas claires. La notion même d'indemnisation n'apparaît
plus à nulle part ni dans le titre, ni dans le libellé des articles, ni dans
les droits, et pourtant, toute la journée, on a parlé de l'indemnisation, et ce
dont on parle, en fait, des articles, en fait, 10 à 97, en substance, c'est l'indemnisation.
C'est un régime dont on doit être fiers. M. Gardner l'a dit aujourd'hui, c'est
un régime qui est unique et qui est beaucoup plus généreux que toutes les provinces
au Canada. Et je pense qu'on ne doit pas avoir peur de parler de l'indemnisation.
Alors, la section I et II nous donne
une définition de victime qui est différente de celle de l'article 10, parce
que c'est une définition de victime en général, et elle introduit les droits
des victimes. Alors, on se serait attendu... parce que la première phrase de ce
projet de loi là, en fait, c'est «vise à reconnaître les droits des
victimes». C'est la première phrase, donc, ça donne le ton à la loi, et on se serait
attendu à une loi qui est assez rigoureuse, qui a été révisée, qui a été
actualisée, qui correspond à l'évolution des législations, et on se retrouve
avec un projet de loi... avec une section qui est très mince, dans le fond, qui
tient en quatre articles. On a ajouté quelques dispositions qui touchent
principalement les droits des victimes dans le système de justice. C'est des
droits qui sont généraux, qui ne sont pas précis. Il y a des droits qui sont
absents, il y a des droits qui sont incomplets. On ne fait pas de distinction
entre l'aide, l'indemnisation, la participation des victimes dans le système de
justice. Et, quand on parle des obligations, on parle des obligations des
victimes. On ne parle pas du tout des obligations des instances, des différentes
instances qui ont des responsabilités à leur endroit.
Alors, pour l'essentiel, la section II,
c'est une section qui fait un réaménagement qui est assez superficiel, qui ne
va pas au fond des choses et qui ne répond pas à des demandes qu'on a formulées
depuis plusieurs années, à l'effet de réviser la loi sur l'aide de façon
substantielle et à faire en sorte, aussi, qu'on ajoute des recours. Et si vous
lisiez, par exemple, ce qu'on a écrit en 1993, quand il y a eu la Loi sur
l'aide et l'indemnisation, qui ressemble aussi un peu comme principe... et ce
qu'on demandait, c'est d'ajouter des recours. On n'est pas le seul groupe, mais
beaucoup d'organismes demandaient à ce qu'on ajoute des recours pour permettre
aux victimes de mieux exercer leurs droits.
Et je vous donnerais deux exemples de
la faiblesse des recours actuels. On a une charte canadienne... parce que
l'article 6 touche les victimes qui participent dans le système de justice,
alors donc, c'est très vaste, <hein? C'est très... ça...
Mme Gaudreault (Arlène) :
...permettre aux victimes de mieux exercer leurs droits.
Et je vous donnerai deux
exemples
de la faiblesse des recours actuels. On a une charte canadienne... parce que
l'article 6 touche les victimes qui participent dans le système de justice,
alors donc, c'est très vaste, >hein? C'est très... ça entraîne une
certaine confusion. On a adopté une charte canadienne des droits des victimes
en 1995. Cette charte-là prévoit, pour les provinces, qu'il devra y avoir
des mécanismes précis pour que les victimes, quand leurs droits sont lésés,
puissent porter plainte, qu'on traite ces plaintes-là, et puis qu'il y ait des
correctifs qui soient apportés. Ça fait cinq ans que la loi a été adoptée
et ça n'a eu aucune résonnance sur le terrain. Il n'y a eu aucune discussion
réelle là-dessus, et on n'a pas avancé du tout sur cette question-là, malgré
toutes les demandes qu'on a fournies. Alors, c'est assez gênant qu'on ne soit
pas acquitté de nos obligations en vertu de la Charte canadienne des droits des
victimes.
Si on regarde l'indemnisation, je pense
qu'il y a des... aussi, il y a des recours, mais il y a des améliorations à
apporter aux recours actuels. Les victimes qu'on rencontre à
Plaidoyer-Victimes, ce sont des personnes qui sont en bout de ligne. Alors, ce
sont des personnes qui vont au Tribunal administratif du Québec, ce sont des
personnes qui ont des problèmes avec la révision. Et qu'est-ce qu'ils nous
disent? Bien, ils ne se sentent pas préparés, ils ne sont pas accompagnés, ils
ne sont pas représentés ou encore ils sont mal représentés par des droits...
par des avocats qui ne connaissent pas bien le droit de l'IVAC, qui n'aiment
pas particulièrement travailler avec ces dossiers-là et ils ne se sentent pas
bien représentés. Et ça, on l'a entendu souvent à Plaidoyer-Victimes.
Donc, tout le problème d'accompagnement
des victimes puis d'avoir un soutien juridique, d'avoir de l'aide dans la représentation
lorsqu'on exerce des recours est très important, au niveau de l'IVAC aussi. Et
ça fait plusieurs années que notre association demande, par exemple, on l'a
demandé en 2006 à la Commission des services juridiques du Québec, que les
victimes puissent avoir accès à un plus grand nombre d'experts, d'avocats de
l'aide juridique qui sont dédiés aux victimes, qui connaissent ce type de droit
là, qui veulent travailler avec les victimes et qui nous aident à faire avancer
le droit. On a demandé aussi que la Loi sur l'aide aux victimes d'actes
criminels soit révisée en profondeur. Elle a été adoptée en 1988, il n'y a
rien qui a été fait depuis, les pratiques sur le terrain ont changé, les lois
ont changé. Et d'avoir des recours aussi dans la Charte canadienne des droits
des victimes... C'est gênant. Moi, je suis gênée.
Bientôt, au mois de février, je vais
représenter le Québec avec une autre intervenante, une directrice de CAVAC. On
va aller parler dans tout... C'est dans l'ensemble du Canada sur le... des
recours, et j'aurais aimé pouvoir dire qu'au Québec on a une loi qui vient
d'être déposée, puis on va travailler sur ces questions-là, et qu'on va avancer,
et ce n'est pas ça qu'on nous propose dans ce projet-là.
Le Président (M.
Bachand) : Mme Gaudreault, excusez-moi de vous
interrompre. Le 10 minutes est déjà passé. On est rendus à la période...
Mme Gaudreault (Arlène) :
Eh Seigneur!
Le Président (M.
Bachand) : Ça va vite, la vie, hein? Alors, M. le ministre.
Mme Gaudreault (Arlène) :
...je vais juste terminer sur la question de...
Le Président (M.
Bachand) : Très, très rapidement, parce qu'on a du retard.
Mme Gaudreault (Arlène) :
Oui, sur cette question-là, en fait, nous, ce qu'on... Il y a eu beaucoup de
représentations qui ont été <faites...
Mme Gaudreault (Arlène) :
...et ce n'est pas ça qu'on propose dans ce projet-là.
Le Président (M.
Bachand) : Mme Gaudreault, excusez-moi de vous interrompre.
Le 10 minutes est
déjà passé. On est rendus à la période...
Mme Gaudreault (Arlène) :
Eh Seigneur!
Le Président (M.
Bachand) : Ça va vite, la vie, hein? Alors,
M. le
ministre.
Mme Gaudreault (Arlène) :
...je vais juste terminer sur la
question de...
Le Président (M.
Bachand) :
Très, très
rapidement,
parce qu'on a du retard.
Mme Gaudreault (Arlène) :
Oui, sur cette
question-là, en fait, nous, ce qu'on...
Il y a eu
beaucoup
de
représentations qui ont été >faites dans le comité d'experts,
on pourra revenir là-dessus. Ce qu'on demanderait par rapport à cette
section-là, c'est qu'on la retire...
Le Président (M.
Bachand) : Parfait. O.K. Je vais... Je dois céder la parole au ministre.
Désolé. Le ministre pourra vous laisser du temps sur son temps.
Mme Gaudreault (Arlène) :
D'accord. Oui, je pourrai répondre.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Gaudreault. Merci de venir en commission
parlementaire. Merci également pour votre travail puis votre implication auprès
des victimes.
D'entrée de jeu, là, lorsqu'on parle de la
loi sur l'aide, là, dans le fond, on vient la fusionner avec la loi sur l'indemnisation.
Donc, on prend ce qu'il y avait et on vient l'intégrer ici. Donc, on ne diminue
en rien ce qu'il y avait déjà, qui était offert, là, pour les victimes au niveau
de l'aide, puis on voulait avoir un tout qui est cohérent.
Je serais curieux de vous entendre, parce
que je crois que vous avez participé au rapport Lemieux à l'époque, sur les
recommandations du rapport...
Mme Gaudreault (Arlène) :
...
M. Jolin-Barrette : ...sur
votre organisme. Donc, il y avait une série de recommandations, qui sont dans
le rapport Lemieux, qui se retrouvent également dans le projet de loi, là,
qu'on a présenté.
Mme Gaudreault (Arlène) :
Ah! c'est sûr qu'on a évoqué la question de la loi sur l'aide à ce moment-là
puis la question des droits. Là, on est rendus quand même quelques années plus
tard. Il est étonnant de voir qu'on ne soit pas capables d'aller vers une
réforme avec des droits beaucoup plus précis, avec des recours qui sont
existants, avec des obligations qui sont précisées de la part des... pour, je
dirais, préciser le travail puis les responsabilités des différents acteurs. Alors,
on est au même point. En fait, quand on regarde le rapport, le mémoire qu'on a déposé
en 1993, on peut redire exactement la même chose que ce qu'on dit maintenant.
On n'a pas avancé sur ces questions-là.
Et j'ai fait partie du Comité d'experts
sur l'accompagnement pour les victimes d'agressions sexuelles et de violence
conjugale, et c'est une question qui a été abordée longuement, la question de
la reconnaissance des droits des victimes et la question des recours. Et il y a
plusieurs recommandations qui émanent de ce rapport-là à l'effet que, par
exemple, le ministère de la Justice exerce un leadership, qu'on mette en place
ces recours-là, même, qu'on nomme un ombudsman provincial pour les victimes
d'actes criminels.
Je pense que ça serait important...
Tantôt, je n'ai pas eu le temps de terminer, mais notre position, c'est : il
faut retirer cette section-là. Il faut vraiment travailler sur les droits, il
faut tenir compte des recommandations qu'il y a dans le rapport du comité
d'experts. Et tous les partis politiques qui sont présents autour de cette commission-là...
Je vois Mme Labrie, Mme Hivon, qui ont travaillé aussi avec nous. Je
pense que tous les partis politiques ont... ils se sont engagés à faire en
sorte que le travail qu'on a fait pendant 18 mois n'a pas été un travail
vain et qu'on mettrait en place des mesures. <Alors...
Mme Gaudreault (Arlène) :
...de cette commission-là... Je vois Mme Labrie, Mme Hivon, qui ont
travaillé aussi avec nous. Je pense que tous les partis politiques ont... ils se
sont engagés à faire en sorte que le travail qu'on a fait pendant 18 mois
n'a pas été un travail vain et qu'on mettra en place des mesures. >Alors,
c'est le cas pour les mesures... c'est le cas pour la question des droits des
victimes, c'est le cas pour la question... tout ce qui touche la Charte
canadienne des droits des victimes et la Loi sur l'aide aux victimes.
• (17 h 40) •
Alors, c'est un travail qui doit être
approfondi. C'est un autre chantier qu'il faut mener, et ça vaut la peine de
bien le faire. Il faut avancer sur ces questions-là, il faut les préciser.
Quand on parle, par exemple, d'indemnisation, le droit à l'assistance,
qu'est-ce que ça veut dire? Qu'est-ce que ça veut dire, le droit d'être
entendu? Qu'est-ce que ça veut dire, que notre dossier soit traité dans des
délais raisonnables? C'est tout ça qu'il faut... Il faut que les droits soient
précis, il faut que les victimes sachent à quoi s'attendre et il faut aussi que
les organismes prennent des engagements. Le meilleur exemple qu'on a, je pense
que c'est la charte des droits des victimes au Royaume-Uni. On pourrait
s'inspirer de cette charte-là. Regardez la charte du Manitoba aussi ou celle de
l'Ontario, qui sont beaucoup plus précises que ce qu'on a, nous, au Québec,
actuellement.
M. Jolin-Barrette : Je vous
entends bien. Sur la question, là, des... parce que ça fait plusieurs années
que vous êtes dans le milieu puis vous avez cette expertise-là. Sur les
demandes historiques, là, pour la réforme de l'IVAC, là, parce que ça fait...
ça a été tenté en 1993, il y avait un projet de loi qui avait été déposé
mais, même avant, il y a plusieurs années... Est-ce qu'on répond à certaines
demandes historiques par rapport au régime d'indemnisation avec le projet de
loi qu'on dépose?
Mme Gaudreault (Arlène) :
Bien sûr. Bien sûr qu'on répond à des demandes. La question, par exemple,
d'allonger la période à trois ans, d'assouplir le délai de prescription,
de prendre en considération, pour les victimes de violence sexuelle et
conjugale... on reconnaît mieux aussi les proches. Alors, c'est beaucoup plus
englobant. Bien sûr qu'on répond.
Mais, je veux dire, il reste quand même,
quand vous regardez la proposition qui est sur la table, qu'il y a des
problèmes importants qui ont été soulignés. Par exemple, hier et aujourd'hui,
c'est venu à maintes reprises, et c'est sûr que vous allez travailler
là-dessus, la question du salaire qui est retiré, de la base de salaire qui est
retirée pour les victimes sans emploi. Je pense que ça a été... Tous les
organismes qui travaillent auprès des victimes, qui sont venus devant la
commission vous ont dit, Mme Rochon vous l'a dit aussi à partir de son
expérience : On ne peut pas travailler à son rétablissement si on n'a pas
une sécurité de base, si on s'appauvrit, si on n'a pas ce qu'il faut pour vivre
dans le quotidien. Ça fait partie du rétablissement.
La question du trois ans aussi, bon,
je sais qu'il y a des... bon, il y a d'autres modalités, mais la question du
trois ans est une question qui est très importante aussi. <Mme Hivon...
Mme Gaudreault (Arlène) :
...on s'appauvrit, si on n'a pas ce qu'il faut pour vivre dans le quotidien. Ça
fait partie du rétablissement.
La question du trois ans aussi,
bon, je sais qu'il y a des... bon, il y a d'autres modalités, mais la question
du trois ans est une question qui est très importante aussi. >Mme Hivon,
hier, a amené une avenue qui pourrait être intéressante là-dessus, parce que tout
le monde s'entend qu'il y a des personnes... il y a beaucoup de personnes, et
on n'a pas de portrait juste, je dirais, à l'IVAC, sur la composition des
personnes ou le profil des personnes sans emploi. On devrait avoir un portrait beaucoup
plus détaillé. Et aussi je pense que ça serait important... je pense que tout
le monde reconnaît que les personnes qui ont subi de multiples victimisations,
de la victimisation dans l'enfance, il y a une partie importante de ces
personnes-là qui vont avoir des conséquences à long terme. Ça, c'est ce qu'on
voit sur le terrain puis c'est très bien documenté dans la littérature aussi.
Alors, une des voies... je reviens à ce
que Mme Hivon proposait hier. Une des voies qui pourraient être examinées,
c'est : est-ce qu'il n'y a pas, par exemple, un profil de personnes qui
pourrait... par exemple, correspond plus au profil des personnes qui pourraient
avoir un service pendant trois ans, parce qu'à cause de la gravité du
crime, à cause des conséquences du crime... parce qu'ils ont plus de soutien
social et qu'on pense que ces personnes-là vont se rétablir plus rapidement,
mais qu'en même temps qu'on accepte, et qu'on considère, et qu'on soit
bienfaisants par rapport à des personnes qui auront des séquelles à long terme
parce qu'elles ont été... elles ont subi de multiples victimisations puis elles
ont été très éprouvées. Alors, ça peut être une avenue à envisager.
Ce n'est pas simple parce que viennent
devant vous des personnes, des organismes qui travaillent avec certains
groupes, qui font des revendications pour les proches. D'autres, c'est par rapport
à d'autres... à des problématiques en violence sexuelle et conjugale. Alors,
c'est difficile aussi de trouver un équilibre, l'équité, avoir une solidarité
pour tout le monde, tenir compte de la situation et des besoins de toutes les
victimes aussi.
M. Jolin-Barrette :
Là-dessus, Mme Gaudreault, je vous donne tout à fait raison, c'est un
difficile équilibre à faire. Et aussi ça prend beaucoup d'argent, et c'est pour
ça qu'on a été chercher 200 millions supplémentaires dans le régime, pour
faire en sorte notamment d'abolir la prescription, où est-ce que ça touche près
de 80 % des demandes, pour faire en sorte que les gens qui se sont fait
dire non juste à cause de l'écoulement de temps puissent être indemnisés aussi.
Donc, c'est sûr que c'est un difficile
équilibre à faire, et ce qu'on tente de faire, c'est de couvrir, entre autres,
le plus de victimes possible. On estime à près de 4 000 le nombre de
personnes victimes qui vont pouvoir obtenir du soutien, de l'aide, des services
supplémentaires, et d'accompagner aussi des personnes victimes qui ont subi
l'infraction, au niveau psychologique, leur vie durant, tant que les besoins
sont là. Donc, là-dessus, je suis d'accord avec vous.
Vous connaissez bien les autres régimes
dans les autres <provinces...
M. Jolin-Barrette :
...près de 4 000 le nombre de
personnes victimes qui vont pouvoir
obtenir du soutien, de l'aide, des services
supplémentaires, et
d'accompagner aussi des
personnes victimes qui ont subi une infraction,
au
niveau psychologique, leur vie durant, tant que les besoins sont là. Donc,
là-dessus, je suis
d'accord avec vous.
Vous connaissez bien les autres régimes
dans les autres >provinces. On est les plus généreux, on rajoute de
l'argent. Et l'objectif du gouvernement du Québec est vraiment de mieux
accompagner, mieux répondre aux besoins, puis surtout d'élargir la notion de
victime pour éviter qu'il y ait toujours des contestations, et que, de base, à
l'IVAC, ce soit plus humain et qu'on accompagne davantage. C'est pour ça qu'on
met le programme d'urgence également et qu'on veut offrir des services dès le
départ, dès le moment que la personne appelle. Mais je suis d'accord avec vous,
ce n'est pas simple, tout ça.
Écoutez, je vais vous remercier, je vais
céder la parole à mes collègues pour qu'ils puissent échanger avec vous, mais
un grand merci pour votre présence en commission parlementaire.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, M. le ministre. Mme la députée de
Bellechasse, s'il vous plaît.
Mme Lachance : Merci, M. le
Président. Bien, merci, Mme Gaudreault, d'être présente parmi nous.
J'aimerais revenir sur deux points que vous avez abordés. D'abord, vous
avez parlé de la reconnaissance du droit des victimes, et principalement de la
Charte canadienne du droit des victimes, en disant qu'elle n'avait pas été
appliquée, utilisée. Pourquoi, selon vous?
Mme Gaudreault (Arlène) :
Bien, non, ce que... D'abord, elle est peu connue, hein? Elle est très peu
connue, elle n'a pas attiré beaucoup l'attention aussi. Écoutez, pour un projet
de loi qui était aussi important, il y a eu, dans tout le Canada, neuf mémoires,
et, pour le Québec, nous étions le seul organisme qui avons fait des représentations
lors des consultations devant le Comité permanent de la justice et des droits
de la personne.
À Plaidoyer-Victimes, notre organisme, on
donne des sessions de formation aux intervenants pour leur faire connaître la
charte, pour aussi alimenter une réflexion sur la question des droits des
victimes. Et on se rend compte aussi que beaucoup, la plupart des intervenants,
en fait, n'avaient pas entendu parler de la charte, n'avaient pas été formés,
d'autres n'avaient jamais lu le projet. En fait, il y a un énorme travail et...
bien, c'est sûr que, si les intervenants eux-mêmes ne connaissent pas beaucoup
cet outil-là... mais bien comprendre que les victimes elles-mêmes ne la
connaissent pas.
Écoutez, on parle beaucoup des services
aux victimes. C'est quelque chose qui est très important, mais je pense qu'on a
un peu relégué dans l'ombre la question des droits des victimes. On prend pour
acquis que les victimes ont des droits qui sont reconnus, mais on se rend
compte qu'il y a énormément encore de travail à faire pour renforcer les
droits, pour que, quand les victimes estiment que leurs droits sont lésés,
elles puissent s'adresser à quelque part. Et ça veut dire avoir des mécanismes,
des choses aussi simples qu'avoir un mécanisme, des formulaires pour traiter
les plaintes, quelqu'un qui les traite, quelqu'un qui donne suite aux plaintes.
Mais plus que ça aussi, il faut analyser
les enjeux, les problèmes que rencontrent les victimes d'une façon, je dirais,
systémique, les problèmes les plus importants et il faut être responsable, il <faut...
Mme Gaudreault (Arlène) :
...quelqu'un qui les traite, quelqu'un qui donne suite aux plaintes.
Mais plus que ça aussi, il faut
analyser
les enjeux, les problèmes que rencontrent les victimes d'une façon, je dirais,
systémique, les problèmes les plus importants et il faut être responsable, il >faut
en répondre.
Mme Lachance : Merci. Mais
peut-être aussi... parce que, là, je sais qu'il y a des collègues qui veulent
aussi prendre la parole. M. le Président, il me reste suffisamment...
Le Président (M.
Bachand) :4 min 30 s.
Mme Lachance : Excellent.
Merci, M. le Président. Au-delà de la question, vous avez aussi mentionné le
délai de trois ans, l'importance d'un délai de trois ans. Pourquoi
trois ans, pourquoi pas deux, ou quatre, ou cinq?
Mme Gaudreault (Arlène) :
Écoutez, je n'ai pas de réponse à vous donner là-dessus. Je pense que dans... Idéalement,
je pense qu'il faudrait offrir... Il faudrait être très souple, il faut être
très souple par rapport à... je pense à... parce que les problématiques sont
complexes, parce qu'aussi on est avec des personnes qui peuvent avoir des
aggravations aussi par rapport à leur situation, qui vont être bien pendant une
certaine période donnée. Il va arriver, par exemple, des procédures
judiciaires, il va arriver des événements dans leur vie. C'est...
Il y a une question de coût aussi dans le
régime, parce qu'on est préoccupés par les questions de coût. Il y a une
question de coût dans le régime, dans le sens qu'il faut l'ouvrir le plus
possible, mais il faut l'ouvrir aussi aux personnes qui sont plus vulnérables,
peut-être, et qui en ont le plus besoin. On élargit. Par exemple, la question
des... Je voudrais parler de la question des victimes hors Québec. C'est
intéressant, mais vous allez avoir des chiffres. Je ne sais pas comment on a
évalué le nombre de victimes qui vont venir dans le système, parce qu'il y a
beaucoup de monde qui voyage, beaucoup de personnes qui voyagent actuellement.
Alors, qu'est-ce que ça représente? Qu'est-ce que ça représente aussi,
4 000 personnes de plus dans le régime d'indemnisation? On a entendu M.
Rodrigue aujourd'hui, il nous dit : Bon, tout va être en place, on a
travaillé avec le gouvernement. Mais, vous savez, quand on voit que l'Ontario,
qui est une province... on ne peut pas dire que c'est une province pauvre, mais
l'Ontario a coupé complètement son régime d'indemnisation au cours des derniers
mois. Et tout ce qu'il y a en Ontario actuellement, c'est un fonds d'urgence. Regardez,
on regarde les chiffres ailleurs, aussi, dans d'autres provinces. Alors, on se
dit : C'est des régimes qui peuvent être coupés aussi, s'il n'y a pas de
contrôle sur les dépenses, s'ils ne sont pas bien réglés.
Alors, on peut admettre plus de victimes,
mais, si on fait du saupoudrage, ils sont réduits, les services. Ça, ça nous
inquiète beaucoup parce que les chiffres, on ne les a pas vus. Tout comme on ne
sait pas comment elle va être exercée, cette loi-là, parce qu'il y a tellement
de pouvoirs discrétionnaires puis le pouvoir réglementaire est tellement
important... bon, c'est sûr qu'on pourra regarder la réglementation, mais...
• (17 h 50) •
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup.
Mme Gaudreault (Arlène) : ...j'ai
le droit d'avoir tort aussi.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup,
Mme Gaudreault. Il reste tellement peu de temps. M. le député de Saint-Jean,
1 min 49 s, question, réponse.
M. Lemieux : Oui. Merci
beaucoup, M. le Président. Mme Gaudreault, je ne suis pas sûr d'avoir <bien...
Mme Gaudreault (Arlène) :
...est
tellement
important... bon, c'est sûr qu'on pourra
regarder la réglementation, mais...
Le Président (M.
Bachand) :
Merci beaucoup.
Mme Gaudreault (Arlène) :
...j'ai le droit d'avoir tort, aussi.
Le Président (M.
Bachand) :
Merci beaucoup,
Mme Gaudreault. Il reste
tellement peu de temps.
M. le
député de
Saint-Jean, 1 min 49 s, q
uestion réponse.
M. Lemieux : Oui. M
erci
beaucoup,
M. le Président. Mme Gaudreault, je ne suis pas sûr
d'avoir >bien saisi votre réponse plus tôt, quand il a été question du
rapport Lemieux. Étiez-vous d'emblée favorable à la philosophie et à la vision
du rapport Lemieux à l'époque, même si on n'en a jamais rien fait depuis, là?
Mme Gaudreault (Arlène) :
Bien, nous, on est favorables à une philosophie où la réadaptation ou on va
appeler ça la... bon, des fois, on va dire le processus de rétablissement. C'est
au coeur de la réforme Et c'est ça, le message qu'on devrait donner.
Et la loi, actuellement, la façon dont
elle est rédigée, par exemple, on parle toujours des aides financières. Alors,
ça donne le sentiment que c'est une loi pour aider financièrement. Et les personnes
qui travaillent dans le régime vont vous dire : Nous, là, il faut même
déconstruire cette image-là avec la clientèle qui pense qu'ils vont venir
chercher de l'argent. Non, on donne des services pour se rétablir. Et regardez
les notes introductives, il y a deux pages et, sur les deux pages, il y a
une page d'énumération d'aides financières. Alors, c'est un drôle de message qu'on
donne.
M. Lemieux : Oui, mais dans le
titre, ça le dit bien. Ça, moi, ça me réjouit aussi et les explications du ministre
tout à l'heure. Merci, Mme Gaudreault. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Avant d'aller plus loin, on avait pris un
petit peu de retard, j'aurais besoin d'un consentement virtuel pour ajouter
cinq minutes à la consultation, à la séance. Consentement. Merci beaucoup.
M. le député de LaFontaine, vous avez la parole.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup, M. le Président. Alors, merci, Mme Gaudreault, de prendre le
temps de venir discuter avec nous, basée sur votre expertise, votre expérience.
Savez-vous quoi, Mme Gaudreault? Vous
m'avez fait réaliser une chose que je n'avais pas encore réalisée jusqu'à maintenant.
Il y a, dans le choix des mots du projet de loi n° 84, des mots «aide»...
Le projet de loi a pour titre... a comme deux volets : aider les personnes
victimes et favoriser leur rétablissement.
Au niveau de l'aide, puis j'ai fait une
recherche dans le projet de loi sur l'expression «indemnisation», «indemnité»,
ce que vous me faites réaliser, Mme Gaudreault, ce qu'«aide», tel que... Désormais,
si d'aventure, le projet de loi était adopté tel que conçu, versus
«indemnisation», «aide», selon moi, et la manière dont je vois ça... On parlait
du trois ans, on parlait du... vous n'avez pas de salaire, vous n'avez pas
d'indemnité. C'est comme si l'aide était beaucoup plus ségrégée, beaucoup plus
limitée, beaucoup plus ponctuelle puis c'était comme : Bien, on va vous
donner de façon ponctuelle. Oui, il y a tout l'aspect — là, j'en
suis sur l'aide financière — il y a tout l'aspect de soutien et tout
ça, là... J'en suis sur l'aide financière versus l'indemnisation.
Quand on est dans une philosophie d'aide
ponctuelle financière versus indemnisation qui, nécessairement, entraîne une
analyse beaucoup plus à long terme et une analyse beaucoup plus in concreto de
votre situation qui... après trois ans, 10 ans, 20 ans, pour le
reste de vos jours, vous avez besoin d'une indemnisation, je pense qu'il y a
là... ce n'est pas anodin, et on a là la véritable <philosophie...
M. Tanguay
: ...indemnisation
qui, nécessairement, entraîne une analyse beaucoup plus à long terme et une
analyse beaucoup plus in concreto de votre situation qui... après trois ans,
10 ans, 20 ans, pour le reste de vos jours, vous avez besoin d'une
indemnisation, je pense qu'il y a là... ce n'est pas anodin, et on a là la
véritable >philosophie du projet de loi n° 84.
Mme Gaudreault (Arlène) : Oui,
et je pense qu'il faut vraiment mettre l'accent là-dessus. C'est le message
qu'on va donner, c'est qu'on va mettre autour de vous, autour de la personne,
tout ce dont vous avez besoin le plus possible pour vous rétablir. Et on n'est
plus en 1970, on est 50 ans plus tard.
Alors, quand cette loi-là a été adoptée,
il n'y avait presque rien : quatre, cinq maisons d'hébergement, deux,
trois CALACS. On est rendu beaucoup plus loin, il y a une expertise au Québec,
on l'a vue aussi. Alors, il faut qu'il y ait une complémentarité entre les
organismes de première ligne qui travaillent sur le terrain, dans les CALACS,
les CAVAC, etc., et le régime d'indemnisation, qui est très spécifique et qui
donne des services qu'on n'a pas dans les services courants.
Et, quand on parle de l'aide, on parle
beaucoup des psychologues, mais, écoutez, il y a autre chose que ça qu'on peut
faire aussi pour aider les personnes : travailler avec les programmes... Emploi-Québec,
travailler avec les organismes existants, par exemple, les CALACS, qui ont
développé des programmes, faire des ententes de services, les accréditer, les
reconnaître. Il faut sortir aussi de la vision où, par exemple, le BAVAC ne... Son
rôle, c'est de subventionner et de soutenir les centres d'aide. Il doit
soutenir aussi tous les organismes, soutenir les organismes ou les programmes
qui peuvent offrir des services aux victimes.
Alors, c'est ça aussi qu'il faut repenser.
C'est pour ça... la section I et II, elle doit être retirée.
Et on doit faire un travail autour de l'aide, profiter aussi, je dirais, de
tout ce qui ressort des rapports — il va y avoir
le rapport Laurent, la commission aussi sur l'exploitation sexuelle — et
reprendre ce travail-là, réexaminer la question des droits, la question des
recours, et ça, vous pouvez le faire. Et ce que vous pouvez faire aussi, c'est...
Tout le monde vous a dit : On n'a pas le temps. On n'a pas le temps pour
examiner, pour faire une étude approfondie. On se sent tellement pressés, je le
vois même, moi, quand je parle, on veut tout vous dire puis, bon, finalement,
on ne sait pas comment ça sort.
Et, en même temps, vous allez avoir ce
problème-là, vous aussi, quand vous allez examiner le projet de loi parce qu'il
est complexe. C'est vous qui l'avez maintenant, le problème. Mais ce que vous
pouvez faire, par exemple, c'est que, par rapport à des questions qui sont
difficiles, comme les questions concernant le sans-emploi, les questions
concernant le trois ans, la définition des victimes, ce que vous pouvez
faire, c'est que, quand les questions... vous pouvez prendre votre temps aussi.
Puis ça se fait aussi, dire : On va sur des choses qui font un consensus,
on travaille là-dessus, et il y a des choses que c'est trop compliqué, on n'a
pas toute l'analyse, on a besoin... et on le reporte. Ça se modifie, des lois.
Donc, on n'est pas obligés de tout faire en une fois ce qu'on n'a pas fait
pendant <40 ans...
Mme Gaudreault (Arlène) :
...dire : On va sur des choses qui font un consensus, on travaille
là-dessus, et il y a des choses que c'est trop compliqué, on n'a pas toute
l'analyse, on a besoin... et on le reporte. Ça se modifie, des lois. Donc, on
n'est pas obligés de faire en une fois ce qu'on n'a pas fait pendant >40 ans.
M. Tanguay
: Tout à
fait, tout à fait.
Mme Gaudreault (Arlène) : Et,
à ce moment-là, vous pourriez déposer d'autres modifications à l'automne, nous
donner le temps d'être consultés comme il faut, nous donner le temps
d'approfondir, vous donner le temps aussi de regarder d'autres régimes. Et ça,
ça serait sage. Et, si on modifie la Loi sur le système correctionnel canadien,
là, presque à chaque année, je ne vois pas pourquoi on ne modifierait pas la
Loi sur l'aide aux victimes et pourquoi on ne modifierait pas non plus la loi
sur l'indemnisation, s'il le faut, à deux puis trois reprises pour la
bonifier puis en faire un bon régime. Et c'est ça que le ministre nous a dit
hier, quand il nous a parlé hier matin.
M. Tanguay
: Et ça, Mme Gaudreault,
c'est une préoccupation quasi unanime de celles et ceux qu'on a entendus
jusqu'à maintenant, autrement dit, que ça va vite, vite, vite, et la
précipitation est mauvaise conseillère, que la loi que l'on ouvrirait,
semble-t-il, bien, bien vite durant cette session parlementaire, on la
refermerait dans un délai très court... et qui est majeur, majeur, majeur.
Alors, là-dessus, ça, soyez-en assurée, c'est notre quotidien depuis le 1er octobre
2018, de travailler vite, vite, vite. Mais est-ce qu'on fait de la bonne
législation? Ça, c'est préoccupant. Je referme la parenthèse.
Puis, pour ma gouverne, quand vous
dites section I, section II, vous faites référence à quels
articles de la loi?
Mme Gaudreault (Arlène) : Ça
réfère, attendez un peu... devant moi. En fait, c'est l'article 1 jusqu'à...
Ah! écoutez, ce n'est pas beaucoup, là. L'article 1 à l'article 9, en
fait. Alors, on essaie, je dirais, de compresser la notion. On a compressé, en
fait, la notion d'aide et de droits en quelques articles. Alors, ce n'est pas...
et c'est une section qui ne fait pas de lien et de sens avec le reste. Elle n'a
pas attiré l'attention non plus. C'est comme si on lit ça puis on dit :
O.K., c'est bon, mais... alors que c'est quelque chose d'important parce que
c'est toute la vision qu'on a de l'aide aux victimes, comment on doit la
donner.
Et il y a eu des questions très
pertinentes aujourd'hui et hier là-dessus : Qui va donner les services?
Est-ce qu'on va être capables de les donner rapidement? Ce n'est pas une
réponse qui est aussi simple que ça, parce que, par exemple, en région, les services
sont très différents. Puis c'est vrai que trouver un psychologue, ce n'est pas
facile, pas juste à cause des tarifs, mais aussi la formation. On peut se
réjouir qu'il y a un élargissement au niveau des professionnels et qu'il y ait
d'autres professionnels que les psychologues qui vont intervenir, mais il faut
avoir une vision plus large de ce qu'est aide et l'indemnisation, une
discussion.
• (18 heures) •
M. Tanguay
: Et ce à
quoi vous faisiez référence aussi, quand on arrive avec un pavé de
190 articles, vous faisiez référence à la complexité, la densité... est
difficile à vulgariser. Alors, ça va être un nouveau corpus législatif, une
nouvelle loi <costaude, complexe, qui devra vivre sur...
>
18 h (version révisée)
< Mme Gaudreault (Arlène) :
...plus large de ce qu'est aide et l'indemnisation, une discussion.
M. Tanguay
: Et ce à
quoi vous faisiez référence aussi, quand on arrive avec un pavé de 190
articles,
vous faisiez référence à la complexité, la densité est difficile à vulgariser.
Alors,
ça va être un nouveau
corpus législatif, une nouvelle loi >costaude, complexe qui devra vivre
sur le terrain, puis, veux veux pas, il y aura des interprétations différentes,
puis ça, bien, ce sont les victimes qui demandent à être indemnisées qui
devront faire avancer le droit. Et ça, ça risque de prendre, pour ravoir un
rééquilibrage, là, une interprétation juste et raisonnable ou large et
libérale, comme il se doit, bien... ça va prendre des années et probablement
sur le dos de plusieurs victimes en termes de temps, de délai, d'anxiété et de
coût, là. Alors...
Mme Gaudreault (Arlène) : ...
M. Tanguay
: Tout à
fait. Vous avez parlé... Vous avez fait un pas par rapport à l'aide juridique.
Donc, seriez-vous d'avis que nous devrions nous assurer, via l'aide juridique,
que de telles demandes, de tels cheminements, en vertu de la loi, soient
couverts par l'aide juridique plus largement?
Mme Gaudreault (Arlène) :
Oui, absolument. Et il y a des propositions intéressantes aussi dans le rapport
du comité d'experts, à l'effet qu'il y ait des avocats d'aide juridique, par
exemple, là, qu'ils soient dans les organismes... travailler avec les
intervenants psychosociaux, qu'il y ait des cliniques itinérantes. Alors, ce
sont vraiment des aspects qu'il faut examiner aussi, et c'est une façon de
renforcer les droits, c'est une façon de mieux les accompagner. En 2021, on ne
devrait pas se retrouver avec des victimes qui se rendent toutes seules au
tribunal, qui ne sont pas représentées, qui ne savent pas comment ça va se
passer. Il y a des initiatives, comme le Jeune Barreau de Montréal, qui sont
intéressantes. Ça devrait se faire à l'échelle du Québec.
On travaille actuellement, à
Plaidoyer-Victimes, à un guide d'accompagnement pour les victimes qui vont au
TAQ. Il faut aider les victimes aussi au moment de la révision, parce que, trop
souvent, les victimes ont de l'aide pour remplir le formulaire, mais après ça,
dans le cheminement, il faudrait avoir des partenariats aussi entre les agents
de l'IVAC, ceux qui sont responsables du dossier et ceux qui travaillent dans
la communauté, dans les organismes de première ligne, pour qu'il y ait un
accompagnement, une collaboration.
Et on a avantage, je pense, à faire
connaître plus le travail de l'IVAC, de faire comprendre quels sont leurs
programmes, les limites de leurs programmes. Et je pense qu'on devrait avoir
d'autres choses que le rapport annuel, parce que le rapport annuel nous
présente toujours les mêmes données. Il y a toute une expertise au niveau de
l'IVAC. Il y a une réflexion qu'ils devraient nous livrer aussi, dont on devrait
profiter. Il faudrait mieux comprendre qu'est-ce qu'ils font exactement et...
pour être capables de le traduire avec les victimes avec lesquelles on
travaille. Et la formation est importante. Il y a du roulement à l'IVAC. Il y a
du roulement à la direction aussi à l'IVAC au cours des dernières années.
M. Tanguay
: Bon, il y
a beaucoup de choses à faire, hein, beaucoup de choses à faire qui vont
au-delà...
Mme Gaudreault (Arlène) :
C'est pour ça qu'on est là.
M. Tanguay
: ...oui,
oui, qui vont au-delà d'une loi.
Dernière question, dernière question. Vous
avez, et j'aimerais vous entendre pour les quelque 30 secondes qui restent... ombudsman,
victimes d'actes criminels, donc ce serait quelque chose à mettre sur pied?
Mme Gaudreault (Arlène) :
Bien, il y a un ombudsman fédéral...
Le Président (M.
Bachand) : Très rapidement, Mme Gaudreault, s'il vous plaît.
Mme Gaudreault (Arlène) :
Oui. Il y a un ombudsman...
M. Tanguay
: Fédéral?
Mme Gaudreault (Arlène) :
...fédéral, mais il n'y en a pas au plan provincial. Et je pense que le Québec,
<vraiment, là...
M. Tanguay
: D
ernière
question, dernière question. Vous avez, et j'aimerais vous entendre pour les
quelque 30 secondes qui restent... ombudsman, victimes d'actes criminels, donc
ce serait quelque chose à mettre sur pied?
Mme Gaudreault (Arlène) :
Bien, il y a un ombudsman fédéral...
Le Président (M.
Bachand) :
Très rapidement, Mme Gaudreault, s'il vous
plaît.
Mme Gaudreault (Arlène) :
Oui. Il y a un ombudsman...
M. Tanguay
:
Fédéral?
Mme Gaudreault (Arlène) :
...fédéral, mais il n'y en a pas au plan provincial. Et je pense que le Québec,
>vraiment, là, serait un chef de file, s'il y avait un ombudsman
provincial pour les victimes. Je pense que ça serait un grand pas en avant et
je vous invite à lire le chapitre 13 de notre rapport.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup, Mme Gaudreault.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Je cède la parole à la députée de
Sherbrooke pour 2 min 45 s et je rappelle, on est fin de
rencontre, question et réponse. Mme la députée de Sherbrooke, s'il vous
plaît.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Merci, Mme Gaudreault. Donc, ce que j'entends de votre part,
c'est qu'il y a des éléments du projet de loi qui sont suffisamment
problématiques ou des choses qui sont absentes, au point où on ne parviendrait
pas à corriger le problème simplement en faisant des amendements. Vous nous
recommandez vraiment peut-être de scinder des bouts de... en fait, sur certains
éléments puis d'attendre même l'automne, après le dépôt du rapport Laurent. Vous
me corrigerez si je me trompe.
Sur quoi on devrait se concentrer? Qu'est-ce
qui doit être fait à très court terme? Qu'est-ce qu'on doit faire maintenant?
Mme Gaudreault (Arlène) :
Bien, peut-être sur les choses qui font consensus. Il y a quand même beaucoup
de choses qui font consensus dans la loi et ont été énumérées. Je pense que,
là-dessus, ce serait déjà quelque chose d'important. Et sur les éléments qui
sont problématiques, et sur lesquels il y a eu beaucoup d'interventions, puis
qui touchent, par exemple, des questions financières, qui touchent l'accès aux
services, ça vaut la peine de prendre le temps de bien faire les choses.
C'est ce qu'on a demandé dès le départ. Il
faut prendre le temps de bien faire les choses. Il faut prendre le temps de
réfléchir, de regarder qu'est-ce qu'on a vu, par exemple, dans le rapport, sur
la continuité des services, la question du référencement, des questions de...
aussi, comment éviter le travail en silo, de telle sorte... On a beaucoup
travaillé sur l'accompagnement dans notre rapport. Il faut que cette notion
d'accompagnement, elle soit présente partout, dans le régime d'indemnisation,
dans l'aide, dans le système de justice.
Alors, je pense qu'il n'y a personne qui
va être... Je ne pense pas qu'on va vous faire des reproches, si vous disiez,
par exemple, certaines modifications, on va prendre le temps de le faire, puis
on va les reporter, puis cet automne ou, je ne sais pas, un peu plus tard, on
va revenir avec des propositions, on va prendre le temps de vous consulter. Et
nous, ça va être rassurant, puis on va se sentir beaucoup plus confortables
aussi d'avoir le temps de regarder la loi. Puis peut-être que vous allez nous
soumettre aussi des dispositions qui sont plus faciles à comprendre aussi pour
des non-juristes, et qu'on va pouvoir aussi examiner plus attentivement.
Alors, je pense que ça, c'est peut-être
une avenue de compromis puis c'est peut-être la meilleure avenue. Mais je ne
dirais pas, à ce moment-ci, de retirer le projet, je ne serais pas de cet
avis-là. Je pense qu'il y a des choses qui font vraiment un consensus, qui sont
intéressantes, qui sont des avancées, mais il faut regarder <les
problèmes...
Mme Gaudreault (Arlène) :
...
de compromis puis c'est peut-être la meilleure avenue. Mais je ne
dirais pas, à ce moment-ci, de retirer le projet, je ne serais pas de cet
avis-là. Je pense qu'il y a des choses qui font vraiment un consensus, qui sont
intéressantes, qui sont des avancées, mais il faut regarder >les
problèmes qu'elles posent aussi.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette, pour
2 min 45 s, question, réponse.
Mme
Hivon
: Oui,
merci beaucoup. Toujours très intéressant de vous entendre. Et vraiment merci,
parce que vous amenez... vous mettez le doigt sur un enjeu qui, moi, me
dérangeait un peu, puis évidemment personne n'en a parlé jusqu'à vous, c'est le
fait que l'aide et toute la question de l'aide et de l'ancienne loi sur l'aide,
et ce qu'on dit... Et là, en fait, ce que vous nous dites, si je décortique
bien, c'est que, sur l'indemnisation, ce dont on parle presque exclusivement
depuis hier... il y a des changements, il y a des choses qui font consensus, mais,
dans le fond, on a fait une réforme de l'indemnisation, mais très peu de l'aide.
Mais on est allé greffer l'aide avec l'indemnisation puis là on parle généralement
d'aide, sauf que, dans les faits, on parle de soutien financier puis
d'indemnisation.
Donc, si je vous lis correctement, vous
nous dites : Attention. Moi, je dirais même : Attention, parce qu'en
plus, depuis le dépôt du projet, on a déposé le rapport du comité d'experts qui
a des avancées extraordinaires. Là, si on vient réformer l'aide alors que,
d'abord et avant tout, c'est un projet qui est là pour réformer
l'indemnisation, on passe la chance d'aller beaucoup plus en profondeur sur les
questions d'aide. Les recours, vous avez complètement raison, ils ne sont pas
du tout explicités, itou.
Mais je veux vous amener... Moi, plus
j'entends depuis hier, plus je me dis : Est-ce qu'on ne devrait pas — il
y a un ou deux groupes qui ont amené ça — avoir comme un régime en
soi pour les victimes de violence sexuelle et conjugale? Parce qu'autant pour
la durée des problèmes sur l'aide, est-ce qu'on devrait réfléchir à ça, d'avoir
comme un régime dans le régime? Là, je vous lance ça. Moi, avant-hier, je
n'avais pas réfléchi à ça, mais plus j'entends des choses et plus je me
dis : Est-ce que doit réfléchir à cette option-là?
Le Président (M.
Bachand) : En une minute, Mme Gaudreault, s'il vous plaît.
Mme Gaudreault (Arlène) :
Bien, je pense que ça m'apparaît difficile aussi... à premier abord, je pense
que ça m'apparaît difficile. Je ne connais pas de systèmes, non plus, de régime
ailleurs qui ont cette façon de faire là. Ça mériterait une réflexion, mais je
n'aurais pas tendance à aller dans ce sens-là. Il faut qu'il y ait des programmes
adaptés. Ça, c'est différent, et il faut avoir un régime peut-être plus large,
qui est équitable pour tous, qui tente le plus possible de prendre en
considération les besoins de tout le monde. Puis il y a quand même...
Mme
Hivon
: Oui,
oui. Parfait. Puis dites-moi, pour tout ce qui est, justement, l'aide
psychologique, la réintégration, le soutien pour des recours, vous, je
comprends que le modèle... Parce que nous, si on prend du temps puis on dit
justement : On va exclure ça, si on suivait votre recommandation, on
devrait s'inspirer de la Grande-Bretagne...
Le Président (M.
Bachand) : Mme Hivon... Mme la députée, vous devez
malheureusement terminer, je suis désolé, parce qu'on arrive à la fin de la
rencontre. Mais je veux prendre le temps <qu'il reste pour...
Mme
Hivon
:
...
le soutien pour des recours, vous, je comprends que le modèle...
Parce que nous, si on prend du temps puis on dit justement : On va exclure
ça, si on suivait votre recommandation, on devrait s'inspirer de la
Grande-Bretagne...
Le Président (M.
Bachand) :
Mme Hivon... Mme la députée, vous devez
malheureusement terminer, je suis désolé, parce qu'on arrive à la fin de la
rencontre. Mais je veux prendre le temps >qu'il reste pour remercier Mme Gaudreault
d'avoir participé à la commission. C'est très, très, très apprécié.
Sur ce, la commission ajourne ses travaux
au mercredi 20 janvier, 10 h 20, où elle va poursuivre son
mandat. Merci à tout le monde. Au revoir.
(Fin de la séance à 18 h 09)