Journal des débats de la Commission des institutions
Version préliminaire
42e législature, 1re session
(début : 27 novembre 2018)
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Le
jeudi 6 février 2020
-
Vol. 45 N° 68
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 39, Loi établissant un nouveau mode de scrutin
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12 h (version non révisée)
(Douze heures une minute)
Le Président (M.
Bachand) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Merci beaucoup.
Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des
institutions ouverte. Je vous souhaite la bienvenue, et, comme vous savez,
éteignez votre sonnerie d'appareils électroniques.
La commission est réunie afin de procéder
aux consultations particulières et auditions publiques du projet de loi n° 39, Loi établissant un nouveau mode de scrutin.
Avant de débuter, M. le secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire
: Oui, M.
le Président. Mme Lachance (Bellechasse) est remplacée par M. Jacques
(Mégantic); M. Martel (Nicolet-Bécancour) est remplacé par M. Poulin
(Beauce-Sud); M. Fontecilla (Laurier-Dorion) est remplacé par
M. Nadeau-Dubois (Gouin).
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Je vais avoir besoin du consentement
des membres de la commission pour que la députée de Marie-Victorin puisse
assister à la séance. Consentement? Merci.
Je vous rappelle qu'on a du retard, donc
le temps va être coupé, mais le côté gouvernemental a accepté de réduire
davantage son temps pour le répartir au niveau des trois partis d'opposition.
Donc, on fait les calculs, mais il faut absolument finir à 1 heure parce que
plusieurs d'entre vous ont des engagements très, très précis et importants.
Alors, sur ce, aujourd'hui, nous allons
entendre Solution étudiante nationale, mais on débute ce matin avec M. Cliche.
Alors, M. Cliche, la parole est à vous pour 10 minutes. Après ça, on aura une
période d'échange avec les membres de la commission. Bienvenue.
M. Cliche (Paul) : Bonjour,
Mme la ministre, M. le Président et les autres membres de la commission. Je
vous remercie de m'avoir invité, car la réforme du mode de scrutin est une des
principales questions qui m'a intéressé et tenu occupé toute ma vie active, et
aussi bien comme journaliste, notamment à l'Assemblée nationale, que comme
militant. En effet, lorsqu'étudiant en sciences politiques à l'Université Laval
en 1958, j'ai choisi comme sujet de mon mémoire de maîtrise l'analyse des
résultats des neuf dernières élections québécoises. J'étais loin de me douter
que j'aborderais une question qui me passionnerait encore 60 ans plus tard.
J'ai vite réalisé que le scrutin
majoritaire et uninominal à un tour, issu des corporations du Moyen Âge, dont
l'Angleterre a doté sa colonie canadienne en 1791, agit comme un miroir
déformant de la volonté populaire, favorisant outrageusement les partis
dominants aux dépens des tiers partis et empêchant surtout une majorité de votes
de compter dans le choix des députés. J'ai aussi constaté que le Québec se
classait en queue de liste des démocraties occidentales sous cet aspect. J'en
ai conclu que seul un scrutin à finalité proportionnelle, comme 85 % des
États industrialisés s'en sont dotés, pourrait combler ce déficit démocratique
en assurant la juste représentation de la volonté populaire.
Depuis le début des années 70, le Québec a
vécu trois processus infructueux visant à modifier en profondeur le mode de
scrutin, une véritable saga, le premier, sous le gouvernement de Robert
Bourassa, le second, sous celui de René Lévesque et le troisième, sous celui de
Jean Charest. Les processus devant mener à une réforme du mode de scrutin se
sont déroulés chaque fois à grand renfort de comité d'études, par des experts,
en 1972, de commissions consultatives qui ont fait le tour du Québec pour
consulter la population, comme en 1983, d'états généraux sur la réforme des
institutions démocratiques, en 2002-2003, de commissions parlementaires, qui ont
reçu des centaines et même des milliers de mémoires, comme en 2006, d'un livre
vert, en 1978, d'un avant-projet de loi, en 2004 et même, en 1984, d'un projet
de loi, sur le point d'être déposé à l'Assemblée nationale, mais bloqué in
extremis par le caucus péquiste, au grand dam du premier ministre Lévesque. Il
s'agit sans contredit du dossier le plus documenté de l'administration
québécoise.
Nous vivons présentement la quatrième
étape de cette saga, qui s'éternise depuis le début...
M. Cliche (Paul) : ...loi sur
le point d'être déposé à l'Assemblée nationale, mais bloqué in extremis par le
caucus péquiste, au grand dam du premier ministre Lévesque. Il s'agit sans
contredit du dossier le plus documenté de l'administration québécoise.
Nous vivons présentement la quatrième
étape de cette saga, qui s'éternise depuis le début des années 1970. En
septembre 2019, un gouvernement a pour la première fois, c'est à souligner,
présenté un projet de loi suite à une entente historique survenue en mai 2018
entre les partis d'opposition. Le dépôt de cette pièce législative n'était cependant
pas le seul engagement contenu dans l'entente. Un des attendus du document
précisait en effet que le nouveau mode de scrutin devait entrer en vigueur pour
les élections de la 43e législature. c'est-à-dire celles prévues pour octobre
2022. Le chef de la CAQ a déclaré pendant la campagne électorale que l'élection
de 2018 serait la dernière tenue selon le mode de scrutin actuel, et il l'a
répété à plusieurs reprises une fois devenu premier ministre. Ainsi, en mai
2019, il a affirmé que le DGEQ pourrait organiser un scrutin proportionnel pour
2022 si son gouvernement présentait un projet de loi avant le 1er octobre, ce
qui a été fait le 25 septembre. Cela laisserait 33 mois jusqu'en juin 2022.
Mais, soudainement, le printemps dernier,
des «spin doctors» surgis des officines gouvernementales ont susurré à
l'oreille des journalistes que le seul engagement pris par la CAQ était de
déposer un projet de loi. Comme ça se produit fréquemment en politique — je
l'ai vécu comme correspondant parlementaire — ces conseillers en
communications passés maîtres dans l'art de manipuler l'opinion publique
avaient vraisemblablement comme mandat de faire accepter par la population le
changement de cap que le premier ministre s'apprêtait à effectuer, le nouveau
mode de scrutin ne serait pas en vigueur pour les élections de 2022. Je me
demande bien pourquoi un gouvernement qui se targue de respecter tous ses
engagements fait exception sur un sujet aussi vital pour notre démocratie que
la réforme du mode de scrutin.
Une volte-face semblable s'est produite dans
le cas du référendum. Encore là, l'entente de 2018 était claire. Durant la
campagne électorale, M. Legault avait écarté l'idée d'un référendum. Le 26
février dernier, Mme la ministre, vous avez aussi affirmé qu'il n'y aurait pas
de référendum et vous avez dit: «Nous ne croyons pas à ce stade-ci que le
référendum est la façon de consulter la population.» Mais, le 4 juin, lors d'un
caucus de votre parti où plusieurs députés ont manifesté leur opposition, tout
a basculé. Pourtant, encore à la mi-mai, le premier ministre avait réitéré son
intention de ne pas tenir de référendum. Mais, suite à la tenue du caucus, il a
commencé à tergiverser jusqu'à ce qu'il fasse l'annonce finale lors du dépôt du
projet de loi à la fin de septembre. Dans l'histoire du Québec, on n'a pourtant
pas senti la nécessité de tenir de référendum lors de la nationalisation de
l'hydroélectricité, ni lors de l'adoption de la charte française ainsi que la
Charte des droits et libertés, non plus que pour déconfessionnaliser les
écoles, non plus que pour implanter l'assistance médicale à mourir et,
dernièrement, non plus pour l'adoption de la Loi sur la laïcité de l'État. Dans
le cas du dossier de la réforme du mode de scrutin, sept consultations
parlementaires ou paragouvernementales ont transmis le même message de
changement depuis 1970. De tous ces processus, il est résulté six rapports
officiels, incluant celui de 2007 du Directeur général des élections. Tous
concluent à la nécessité de remplacer le mode de scrutin actuel. Que veut-on de
plus?
Dans
ce contexte, tenir un référendum ne répondrait pas à une volonté démocratique.
Il s'agirait au contraire d'une tactique dilatoire pour mettre des bâtons dans
les roues d'une réforme visant à refléter fidèlement la volonté populaire à
l'Assemblée nationale. À noter que rares sont les pays qui ont tenu des
référendums pour changer leur mode de scrutin. D'ailleurs, on ne peut demander
aux électeurs de se prononcer dans l'abstrait sur un mode de scrutin qu'ils
n'ont jamais essayé. Pour avoir un vote éclairé, il faudrait, comme en
Nouvelle-Zélande, tenir un référendum de confirmation après quelques élections
avec le nouveau mode de scrutin. Les électeurs pourraient alors choisir en
toute connaissance de cause.
•
(12 h 10) •
De
surcroît, le gouvernement veut tenir le référendum en même temps que les
prochaines élections générales. Un tel geste équivaudrait à noyer la réforme
dans le débat électoral. Cette manoeuvre risquerait aussi de détourner les
élections de leur objectif fondamental, qui est de porter un jugement sur le
bilan du gouvernement. Une campagne où plusieurs enjeux se chevauchent ne
serait certes pas une consultation du genre, d'autant plus que les règles
référendaires proposées par le gouvernement le 5 décembre dernier favorisent le
statu quo et risquent de créer un embrouillamini. Mais, si le gouvernement
tient mordicus à tenir un référendum, qu'il le fasse avant les élections...
M. Cliche (Paul) : ...certes
pas une consultation du genre, d'autant plus que les règles référendaires
proposées par le gouvernement le 5 décembre dernier favorisent le statu
quo et risquent de créer un embrouillamini.
Mais si le gouvernement tient mordicus à
tenir un référendum, qu'il le fasse avant les élections dans l'année qui suivra
l'adoption du projet de loi.
Le projet de loi n° 39 réduit les
distorsions produites par le mode de scrutin actuel, mais de façon
insuffisante. C'est ce qui était... dans une évaluation faite en fonction du
critère développé pour mesurer le degré de disproportionnalité de tous les
modes de scrutin existants, soit l'indice mis au point par le politicologue
Michael Gallagher.
Avec le mode de scrutin actuel, le
majoritaire uninominal à un tour, le Québec a depuis toujours un niveau moyen
de distorsion très élevé près de 18. Cela en fait une des démocraties
représentatives des moins performantes sur le plan de l'équité démocratique.
Or, le projet de loi n° 39 ne
corrigerait que partiellement cette anomalie démocratique en permettant de
baisser l'indice à 9,9 selon la simulation gouvernementale là où... Le Québec
aurait ainsi le taux de distorsion le plus élevé parmi les états dotés d'un
scrutin de type proportionnel. Par comparaison, ce taux est de 2,8 % en Nouvelle-Zélande.
Quelles sont les modalités du projet de
loi n° 39 qui causeraient cette piètre performance? D'abord, une méthode
de compensation régionale plutôt que nationale, qui rendrait impossible la
chance d'une grande proportionnalité. Deuxièmement, la création de
17 régions électorales plutôt que 14 ou neuf, comme recommandé dans le
rapport du DGE de 2007, une région électorale ne compterait même pas le député
des compensations. Quatre n'en compteraient que deux, et six, seulement trois.
Les électeurs des régions peu populeuses
ne seraient pas traités équitablement puisque leurs votes auraient moins de
poids que ceux des habitants des grands centres, en créant ainsi une
proportionnalité à deux vitesses et deux... électeurs. Le poids politique des
régions périphériques — ça, c'est important — serait aussi
affecté puisqu'elles auraient moins de leviers... le système de représentation
parlementaire.
Au minimum, on devrait garantir
deux sièges de compensation par région. Cet objectif pourrait être atteint
de deux façons : Soit réduire le nombre de régions à 14 si le nombre de
députés est maintenu à 125, soit augmenter le nombre de députés à 129 si l'on
conserve 17 régions.
C'est à l'article 156 du projet de
loi que se trouve un des éléments qui fait augmenter le plus l'indice de
distorsion. Il s'agit en quelque sorte d'une prime aux vainqueurs qui n'existe
dans aucun autre système compensatoire. La particularité de cette méthode est
de ne pas tenir compte pour la distribution des sièges complémentaires de la
totalité mais seulement de la moitié des sièges remportés par les partis
vainqueurs au niveau des circonscriptions locales.
Cette formule...
Le Président (M.
Bachand) : M. Cliche, je vais vous demander de conclure
parce qu'on a déjà dépassé le temps, s'il vous plaît. Merci.
M. Cliche (Paul) : Oui, je
fais seulement une phrase. Cette formule, qui semble sortie d'un chapeau de
magicien permettrait à un gouvernement... de former gouvernement majoritaire en
n'ayant obtenu que 40% des votes.
Maintenant, j'ai d'autres sujets que je
n'ai pas le temps de traiter, comme la parité hommes femmes, la double
candidature, la stabilité gouvernementale, la qualité du service des députés.
Si jamais vous voulez me poser des questions là-dessus, ça me fera plaisir de
vous répondre.
Le Président (M.
Bachand) : Exactement. Merci, M. Cliche. Mme la ministre,
pour cinq minutes.
Mme LeBel : Cinq minutes?
Merci, M. le Président. Donc, je vais faire un usage judicieux de mon temps.
Merci, M. Cliche d'être présent. Désolée d'avoir à compresser cette
conversation, mais je dois vous dire que pour ce qui est de vos recommandations
concernant les modalités particulières du projet de loi, elles sont bien
étoffées dans votre mémoire, elles sont bien comprises. Vous faites
12 recommandations, une dizaine qui sont particulièrement sur... à titre
d'exemple, le seuil, la double candidature, la méthode de calcul, le nombre de
sièges, le nombre de régions. Donc, je veux juste vous rassurer, on en a pris
connaissance et je comprends également que dans vos recommandations, ce qui
motive les choix et les recommandations que vous faites, c'est de mettre de
l'avant l'objectif principal, c'est-à-dire d'obtenir une plus grande
proportionnalité.
Parfait. Donc, j'aurai l'occasion de le
réitérer, mais j'ai des choix à faire, naturellement, envers certains
principes. Mais je ne me trompe pas en traduisant que votre... que le principe
que vous mettez de l'avant, derrière toutes vos recommandations, c'est celui de
la proportionnalité, c'est exact?
M. Cliche (Paul) : Oui, c'est
ça.
Mme LeBel : Parfait. Mais je
vais vous amener sur sujet qui est extrêmement intéressant, que vous abordez
dans votre mémoire puis qu'on n'a pas eu la chance de discuter avec beaucoup de
groupes et qui sera discuté un peu plus avant cet après-midi, à la page 13
de votre mémoire. Vous prétendez, et c'est la question de la stabilité des
gouvernements et du poids du Québec face au gouvernement fédéral dans ses
négociations ou son autonomie. Et vous dites, à la page 13 : «On
prétend...
Mme LeBel : …de discuter avec
beaucoup de groupes et qui sera discuté un peu plus avant cet après-midi, à la
page 13 de votre mémoire. Vous prétendez, et c'est la question de la
stabilité des gouvernements et du poids du Québec face au gouvernement fédéral
dans ses négociations ou son autonomie. Et vous dites, à la page 13 :
«On prétend souvent que des coalitions gouvernementales créent de l'instabilité
politique. L'effet prouve le contraire. Dans des pays où on utilise des
scrutins proportionnels, comme l'Allemagne, la Norvège, l'Irlande, la
législature dure entre 3,5 et quatre ans en moyenne. Au Québec, selon le mode
actuel, naturellement, les trois législatures minoritaires ont duré en moyenne
deux ans, alors que les 39 gouvernements majoritaires ont duré en moyenne
3,5 ans.» Très intéressée parce que je sais que M. Dufour va venir
témoigner cet après-midi. Et M. Dufour, dans son objection au mode de
scrutin, met de l'avant cet argument principal. On aura l'occasion d'en
discuter avec lui, mais j'aimerais que vous nous étoffiez cette position-là,
parce que moi, je ne pense pas qu'on crée de l'instabilité supplémentaire par
un mode de scrutin différent, mais j'aimerais avoir votre opinion là-dessus.
M. Cliche (Paul) : Bien
entendu, ça demande un changement de culture politique parce que là, on va
faire affaire quasiment chaque fois à des gouvernements de coalition. Mais
l'expérience… les gouvernements de coalition, là, ça permet aux partis
d'interagir, de mieux se comprendre, de collaborer. Ce n'est pas nécessairement
que… ça ne fait pas nécessairement des gouvernements faibles, hein? On l'a vu
en Allemagne, on le voit dans les pays scandinaves, on le voit à bien d'autres
endroits. Et moi, je suis certain que, si on l'instaure au Québec, on pourrait…
et là, ce qui arrive avec les gouvernements minoritaires qui sont de plus en
plus nombreux, bien, c'est que c'est automatique, on va le voir à Ottawa, d'ici
dans 18 mois, on va retourner en élection. C'est ce que je veux dire, là,
je ne sais pas si vous voulez en savoir davantage.
Mme LeBel : Bien, je vais vous
amener sur une deuxième affirmation que M. Dufour va avoir l'occasion de
débattre avec nous cet après-midi, puis il aura cette occasion. Donc,
l'objectif d'un mode de scrutin proportionnel est de mieux rendre compte de la
volonté populaire, d'où la proportionnalité, c'est ce qui se cache derrière ça.
Donc, outre l'argument de la tendance à produire des gouvernements minoritaires
ou de coalition et de l'affaiblissement… d'une certaine instabilité
gouvernementale, M. Dufour dit également, et là je pense que c'est un peu
plus au niveau démocratique, il dit : «Un mode de scrutin proportionnel
fera en sorte que les partis politiques obtiendraient plus de pouvoirs puisque
ce sont eux qui négocient pour former les gouvernements minoritaires.»
Honnêtement, là, je vais m'inscrire parce que je vois mal comment on peut
affirmer ça quand que, maintenant, les gouvernements majoritaires n'ont pas la
majorité de l'appui… populaire. Donc, je trouve ça un peu contradictoire, mais
je voudrais vous permettre de vous exprimer là-dessus.
M. Cliche (Paul) : Bien, je
suis absolument d'accord avec ce que vous venez de me dire. D'ailleurs,
M. Dufour, là, il fait beaucoup d'avancées qui ne sont pas prouvées, et on
dirait des fois qu'il est devant une boule de cristal et qu'il prédit l'avenir.
Bien là, moi, je suis d'accord avec ce que vous avez dit. Je ne peux pas faire
d'autre chose que vous corroborer.
Mme LeBel : Bien, c'est déjà
satisfaisant.
M. Cliche (Paul) : On est
d'accord.
Mme LeBel : Bien, merci, M.
Dufour.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Bourassa-Sauvé,
pour 7 min 45 s.
Mme Robitaille : Merci, M. le
Président. Merci, M. Cliche, pour votre mémoire bien étoffé, bien
organisé. Merci beaucoup, j'ai vraiment apprécié la lecture. Mme la ministre
parlait de stabilité, vous en parliez dans votre mémoire, mais vous ajoutez une
chose, vous dites que, ce qu'il n'y a pas dans le projet de loi, c'est des
mesures encadrant les motions de censure pour s'assurer de la stabilité. Selon
vous, c'est nécessaire d'amender le projet de loi, et puis mettre ces mesures
encadrant les motions de censure?
M. Cliche (Paul) : Oui, c'est
nécessaire. D'ailleurs, c'était dans l'entente de mai 2018. Et je pense, sauf
erreur, il n'y a rien dans le projet de loi là-dessus. Dans l'entente, on
disait : Il faut favoriser la stabilité du gouvernement par des mesures
encadrant les motions de censure, alors, pour ne pas qu'il y ait d'élections
générales à répétition.
Bon, moi, je ne suis pas un spécialiste
sur ces questions-là, mais comme dans d'autres pays, notamment en Allemagne, l'Assemblée
nationale devrait, quant à moi, se doter de règles encadrant l'exercice de vote
de non-confiance constructif. Bon, ça, c'est l'expression qui est adoptée par
les spécialistes : les règles encadrant l'exercice de vote de
non-confiance constructif. Qu'est-ce que… Bon. Mais ce que je constate, là, si
je ne suis pas en mesure de peut-être vous suggérer une règle précise, mais il
en faut, puis d'ailleurs ça avait été prévu dans l'entente.
Mme Robitaille : Donc, c'est
nécessaire pour la stabilité.
• (12 h 20) •
M. Cliche (Paul) : Oui, ou
autrement, à chaque motion de confiance, le gouvernement, il... ça, c'est une
mesure préventive pour éviter justement…
M. Cliche (Paul) : ...une
règle précise, mais il en faut, puis d'ailleurs ça avait été prévu dans
l'entente.
Mme Robitaille : Donc,
c'est nécessaire pour la stabilité.
M. Cliche (Paul) : Oui,
ou autrement, à chaque motion de confiance, le gouvernement, il... ça, c'est
une mesure préventive pour éviter justement, alors ça peut vouloir dire, par
exemple... mais là je n'ose pas trop m'embarquer parce que je ne suis pas un
spécialiste de la question. Ça pourrait vouloir dire que, si un parti présente
une motion de confiance, il doit... pour défaire un gouvernement, il doit
prévoir quel autre gouvernement, qui sera le chef de l'autre gouvernement. Mais
là, je ne peux pas me... et je ne veux pas m'embarquer là-dessus.
Mme Robitaille : Je
comprends très bien. Je vais vous amener sur autre chose. Vous dites que, justement
dans la fameuse entente, on s'était engagé... le premier ministre s'était
engagé à ne pas faire de référendum, et d'adopter la loi pour qu'en 2022 on ait
un nouveau mode de scrutin. Bon. Maintenant, le gouvernement de la CAQ change
un peu de cap, change de cap, et puis, bon, à votre grande déception, on adopte...
il va y avoir un référendum, et puis en plus le référendum, il ne va pas se
faire avant ou après, il va se faire pendant la période électorale.
M. Cliche (Paul) : Puis
ça va être désastreux.
Mme Robitaille : Pourquoi
ça va être désastreux?
M. Cliche (Paul) : Bien,
voyons! on va pour élire un gouvernement, on est en train de... bon, on veut
faire le bilan du gouvernement qu'on a, puis là on arrive avec une question que
le mode de scrutin qui n'est pas la plus passionnante, hein, pour le commun des
mortels. Aïe! le référendum, y va-tu passer en arrière, lui, hein?
Mme Robitaille : Oui,
c'est ça. Alors, vous dites : Ça va noyer le débat.
M. Cliche (Paul) : Ça va
noyer. Ça va noyer tout. Ça va faire un genre d'embrouillamini, d'autant plus
que, les règles référendaires, elles ne sont pas claires tellement, hein, puis
elles risquent de... et elles favorisent plutôt statu quo.
Mme Robitaille : Oui. Et
justement vous dites : Ça favorise le statu quo. Il y a eu des
amendements, là, au mois de décembre, qui font en sorte que, ce qu'on comprend,
là, du projet de loi, c'est que le chef du gouvernement, les chefs de partis ne
pourront pas diriger le camp du Oui ou le camp du Non. Ça, parlez-moi donc de
ça, vous...
M. Cliche (Paul) : Bien,
oui, mais, M. Legault, il y croit-u à sa loi ou il n'y croit pas, là? Il
va s'abstenir, là, et il va devenir au-dessus de la mêlée, là, quoi? Il va
avoir fait adopter une loi. Le gouvernement, puis, bon... et d'autre part, je
veux bien croire, moi, qu'un référendum en dehors des élections, ça coûte très
cher. Ça coûterait je ne sais pas combien de millions, quelques millions, mais
ça vaut la peine. Hein, on en met des millions et des millions, mais, quand
vient le temps de notre vie démocratique, de revitaliser notre vie
démocratique, ça coûte toujours trop cher, ça coûte toujours trop cher. Les
derniers changements importants qui ont été faits, là, ils datent de René
Lévesque. On va-tu se réveiller, à un moment donné, le Québec?
Mme Robitaille : Donc,
vous souhaitez que le chef du gouvernement sortant s'embarque puis s'embarque
pour de vrai.
M. Cliche (Paul) : Bien,
il s'est embarqué à moitié, j'aimerais qu'il s'embarque à 100 %, mais
peut-être à 60 %, 75 %, ça serait une amélioration.
Mme Robitaille : Alors
donc, dans ce référendum-là, on souhaite qu'il ne soit pas pendant une campagne
électorale, puis on souhaite évidemment que les élus y participent, prennent
position. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Cliche (Paul) : Oui,
oui, oui, que les élus y participent.
Mme Robitaille : Et vous
mettriez plus d'argent là-dedans? Vous le...
M. Cliche (Paul) : Bien,
c'est-à-dire que, si on fait ça en dehors d'une campagne électorale, bien
entendu, ça va coûter de l'argent. Un référendum tenu seul, ça va coûter un
certain montant. Bon, bien, là, on semble hésiter à payer ce montant-là. Mais,
moi, idéalement, c'est qu'il n'y en aurait pas. Il y en aurait un, mais
quelques années l'adoption. Une fois que les gens sauraient à quel genre de
mode de scrutin ils ont affaire parce qu'ils l'ont expérimenté, pas voter à
l'aveuglette surtout sur un sujet comme ça qui est aussi technique.
Mme Robitaille : Bien,
oui. Le temps passe, le temps file. Vous parlez de la correction des
distorsions qui est insuffisante. 10 %, vous dites, c'est un problème.
M. Cliche (Paul) : Le gouvernement
dit 9 %, d'autres disent 11 %.
Mme Robitaille : Donc,
tant qu'à faire les choses, faisons-les bien. C'est ce que je comprends. Vous
parlez d'une vision tronquée d'un véritable système mixte compensatoire. C'est
sévère, ça.
M. Cliche (Paul) : Bon,
mais là, oui, ça revient à ça. Là, je ne veux pas mettre plus d'accent qu'il
faut là-dessus, là. Peut-être que l'expression, c'est une expression que
j'ai... oui, c'est un système tronqué mais parce que finalement le résultat... on
regarde le résultat et, si ça donne le résultat d'un système majoritaire, bien,
le système est tronqué. Et ça ne donnera pas... ça serait le système
proportionnel le moins...
Mme Robitaille : Le moins
proportionnel.
M. Cliche (Paul) : Le
moins proportionnel de partout...
M. Cliche (Paul) : ... finalement,
le résultat... On regarde le résultat. Et, si ça donne le résultat d'un système
majoritaire, bien, le système est tronqué. Et ça ne donnera pas... Ça sera le système
proportionnel le moins...
Mme Robitaille : Le moins
proportionnel.
M. Cliche (Paul) : ...le
moins proportionnel de partout. Donc là, ça se rapproche d'un système
majoritaire, là.
Mme Robitaille : Et vous,
idéalement, vous pensez à... un peu comme la Nouvelle-Zélande, 2,8 %,
c'est ça?
M. Cliche (Paul) : Bien,
dans un système majoritaire... Dans un système proportionnel, c'est entre
2 % et 3 %, normalement. Nouvelle-Zélande, c'est 2,8 %. En
Scandinavie, tu as des 2,5 % ou... Bon.
Mme Robitaille : Alors,
si on reste à 10, est-ce que l'exercice en vaut la peine? Est-ce que...
M. Cliche (Paul) :
Bien... Toute amélioration est la bienvenue, hein? On n'est pas pour voter
contre ce projet de loi là puis recommencer tout à zéro, hein? Depuis 1970,
c'est la quatrième fois qu'on le fait, ça dure 10 ans chaque fois. Non. Ça
vaut la... Il n'est pas question de voter contre ce projet de loi. Il n'en est
pas question, quant à moi. Sauf que ceux... les partis qui vont voter pour,
mais qui ne seront pas satisfaits peuvent dire : Élisez-nous puis, dès
notre élection, on va le rendre acceptable. Mais moi, quant à moi...
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. Cliche. Je dois céder la
parole au député de Gouin. Désolé. M. le député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois :
Bonjour, M. Cliche. Je n'ai même pas deux minutes pour m'entretenir avec
vous. Je vais quand même commencer par dire à quel point je suis content de
vous avoir ici aujourd'hui. Vous avez publié une thèse de doctorat sur la
question de la démocratie...
Une voix
: ...
M. Nadeau-Dubois : Un
mémoire de maîtrise, il y a 62 ans, si je compte bien, et vous êtes ici
60 ans plus tard avec la même verve et la même énergie qu'à l'époque.
M. Cliche (Paul) : Oui,
j'ai eu la piqûre.
M. Nadeau-Dubois : Alors,
je trouve ça admirable, et ça me fait dire que Michel Chartrand avait bien
raison lorsqu'il a dit que vous à l'époque que vous ne lâcheriez jamais. C'est
une évidence, vous n'avez pas lâché. J'en suis très content.
Je vais vous poser une question toute
simple puis je vais reprendre le modus operandi de la ministre. Un argument
qu'on entendu souvent, on va nous le faire cet après-midi, et c'est un argument
qu'on entend chez les souverainistes comme chez les fédéralistes, l'argument
selon lequel une démocratie qui représente davantage le pluralisme politique
serait un affaiblissement de la nation québécoise...
M. Cliche (Paul) : Bien
voyons donc!
M. Nadeau-Dubois : ...un
pas en arrière dans l'affirmation du Québec.
M. Cliche (Paul) : René
Lévesque se serait-u lancé là-dedans?
M. Nadeau-Dubois :
Pardon?
M. Cliche (Paul) :
Est-ce que René Lévesque se serait lancé là-dedans? Il aurait proposé un
système, puis qui affaiblit le Québec? Il y a quelque chose, là.
Là, deuxièmement, pourquoi un organisme...
cette année, là, présentement, un organisme comme le OUI Québec, la Société
Saint‑Jean‑Baptiste, l'UPA appuient ce genre de... appuient le projet de loi?
Ce n'est pas... Tu sais, on ne peut pas accuser le OUI Québec puis la Société
Saint-Jean-Baptiste de lancer le Québec dans des aventures dangereuses de ce
point de vue là.
Moi, je dis que c'est une légende urbaine,
ce genre de prétention là, que c'est quelqu'un qui lit dans... Bon, en tout
cas... Bon, je ne le méprise pas, M. Dufour, c'est un intellectuel qui est
respectable, mais je ne suis pas du tout d'accord avec lui.
M. Nadeau-Dubois : Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Merci, M. le député de Gouin. M. le député de
Rimouski.
M. LeBel : Merci, M. le
Président. Bonjour, M. Cliche.
M. Cliche (Paul) :
Bonjour.
M. LeBel : Très jeune, je
me souviens d'avoir vu M. Lévesque défendre un projet de proportionnelle.
Et je suis comme vous, j'ai... il n'aurait jamais fait ça si c'était pour
affaiblir le Québec.
Le problème, où on s'est affrontés toutes
ces années-là, par exemple, c'est le poids des régions, le poids politique des
régions. C'est là des fois que ça arrêtait. Le gouvernement propose
17 régions. Le MDN dit : On pourrait rajouter des députés de la liste
dans certaines régions où il y en avait juste un. Ce qui ferait, peut-être, si
on arrivait à ça, quand, sur la Côte-Nord, il y aurait trois... Actuellement,
il y a deux députés, là, il y en aurait trois... mais pour l'ensemble du
territoire.
Et là il y a un changement de culture. Là,
les élus municipaux, là, on nous dit que ça ne fonctionne pas. Les députés
seraient trop loin de... Là, c'est ce changement de culture là qu'il faut que
je trouve une réponse à leur donner. C'est qu'est-ce que vous me suggérez comme
réponse?
M. Cliche (Paul) : Là,
quand la Fédération québécoise des municipalités vient amener ce genre
d'argument, ils parlent des relations entre les dirigeants municipaux puis...
Mais il faut penser à l'électeur, au peuple qui, dans le système, quand il n'y
a pas de proportionnalité, c'est eux autres dont le poids ne pèse pas. C'est...
Et c'est pour ça qu'idéalement je comprends que ça...
• (12 h 30) •
Puis, à part de ça, sur le plan, là, de...
Quand tu as un député régional... ça serait une bonne chose d'avoir un député
régional pour, disons, la Gaspésie, Îles-de-la-Madeleine, même pour
Bas-Saint-Laurent, ça crée un sentiment d'appartenance régionale, ça facilite
la collaboration entre les élus de différents partis et ça...
12 h 30 (version non révisée)
M. Cliche (Paul) : ...ça
serait une bonne chose d'avoir un député régional pour le... disons, la Gaspésie,
Îles-de-la-Madeleine, même pour le Bas-Saint-Laurent. Ça crée un sentiment
d'appartenance régional, ça facilite la collaboration entre les élus de
différents partis et ça assure à la population un meilleur poids à leur vote.
Bien moi, là, je veux bien croire que ça peut, pour certaines élites, là,
locales, ça peut être fatigant, et ça peut être fatigant pour les partis qui
ont le monopole dans une région d'avoir des députés qui ne sont pas de leur
parti, mais la population serait gagnante.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Marie-Victorin, s'il
vous plaît.
Mme Fournier
: Merci
beaucoup d'être là avec nous aujourd'hui, M. Cliche, pour nous partager
votre grande expérience et sagesse. Vous avez parlé de la fameuse prime au
vainqueur. Vous savez que le gouvernement a introduit cette mesure-là,
notamment en prétextant que c'était pour une question de stabilité du gouvernement.
Mais la collègue de Bourassa-Sauvé a elle-même évoqué la question de
l'encadrement des motions de censure. Alors, je vous pose cette question :
Croyez-vous que l'encadrement des motions de censure serait une bonne solution
de rechange à l'utilisation de la prime au vainqueur?
M. Cliche (Paul) : Ça ne
serait pas une... ça serait une bonne chose, mais ça ne pourrait pas... il n'y
a pas de correspondance entre les deux, là. La prime...
Mme Fournier
: Non,
mais je veux dire, le gouvernement prétend que c'est pour garantir plus de
stabilité.
M. Cliche (Paul) : Bon, bien,
s'ils prétendent ça, moi, je ne suis pas d'accord. Alors, la prime au vainqueur,
là, c'est une... bien, je ne le sais pas, peut-être Mme la ministre va me
corriger, c'est une invention. Ça arrive de... Ça existe dans aucun système,
hein? Et on aurait des gouvernements, là, majoritaires à 40 % des votes,
là, on en a un à 37 quelque chose, l'amélioration n'est pas grosse.
Mme Fournier
: Bien,
merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : M. Cliche, merci infiniment de votre
participation.
On suspend les travaux pour quelques
instants. Merci infiniment.
(Suspension de la séance à 12 h 32)
(Reprise à 12 h 33)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. La commission
reprend ses travaux. Alors, je souhaite maintenant... S'il vous plaît! S'il
vous plaît! Merci.
Donc, je souhaite maintenant la bienvenue
aux représentants de Solution étudiante nationale pour un scrutin équitable.
Alors, vous avez la parole pour 10 minutes. Et encore une fois, bienvenue
à la commission.
M. Fecteau (Charles-Émile) : Merci
beaucoup. Donc, merci, M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés,
tout le monde qui nous écoute. C'est un véritable honneur d'être ici aujourd'hui,
là, pour vous présenter les travaux de la Solution étudiante nationale pour un
scrutin équitable, le SENSE, dont je suis coordonnateur et fondateur. On oeuvre
depuis deux ans à travers le Québec, dans les associations étudiantes et auprès
de la population étudiante afin, d'une part, de promouvoir la réforme du mode
de scrutin, et d'autre part, de collecter les points de vue, les priorités, les
inquiétudes de la population étudiante sur cet enjeu afin de pouvoir avoir une
vision claire de ce qu'est... de ce que devrait être un mode scrutin équitable
aux yeux des étudiants et des étudiantes du Québec.
C'est avec cette information-là,
l'expérience d'avoir parcouru le Québec dans des dizaines d'associations
étudiantes, d'avoir parlé aux étudiants et aux étudiantes de partout, d'avoir
récolté l'appui maintenant de 40 associations étudiantes qui représentent plus
de 230 000 membres au Québec qu'on vous présente donc aujourd'hui nos
recommandations qui sont basées sur cette vision étudiante de la réforme.
La première priorité, le premier principe
qu'on a observé dans nos discussions avec les étudiants, les étudiantes, et qui
est la raison principale pour laquelle les gens embarquent dans le projet quand
on leur présente, c'est la volonté vraiment que chaque vote compte, donc
d'avoir un scrutin réellement proportionnel. En tant qu'étudiants et
étudiantes, on réalise vraiment que le mode de scrutin actuel échoue à tenir
compte de la volonté populaire qu'on exprime à l'urne. Et on a observé, donc,
vraiment une grande volonté de réduire autant que possible les distorsions
qu'on observe dans nos élections.
C'est cette priorité-là qui nous guide, entre
autres, dans nos trois premières recommandations dans notre mémoire. Donc, de
un, l'abolition de la prime au vainqueur qui, au final, fait artificiellement
perdurer des distorsions qu'on serait capables de corriger. De deux, utiliser
une compensation nationale à redistribution régionale...
M. Fecteau (Charles-Émile) :
…les distorsions qu'on observe dans nos élections. C'est cette priorité-là qui
nous guide, entre autres, dans nos trois premières recommandations, dans notre
mémoire. Donc, de un, l'abolition de la prime au vainqueur qui, au final, fait
artificiellement perdurer des distorsions qu'on serait capables de corriger; de
deux, utiliser une compensation nationale à redistribution régionale plutôt
qu'une compensation régionale, puis ça améliore la proportionnalité en
calculant la compensation sur un plus grand nombre de sièges; et, de trois, un
seuil plus bas entre 2 % et 5 %, ce qui permet de favoriser le
pluralisme politique et de mieux respecter la volonté qui est exprimée pour les
plus petits partis.
Ensemble, ces trois recommandations-là,
selon nos simulations, nous permettent de réduire l'indice de distorsion de
Gallagher de 11,5 à 1,7, ce qui représente vraiment une amélioration très
significative du mode de scrutin d'un point de vue de la proportionnalité.
C'est donc vraiment la première priorité qu'on a observée partout dans les
associations étudiantes, avec les étudiants, étudiantes avec lesquels on en a
parlé. Cela dit, il y a vraiment d'autres principes qui sont importants aux
yeux des étudiants, des étudiantes puis qui ont guidé aussi nos réflexions. Et,
entre autres, avec beaucoup d'importance, c'était aussi la représentation des
régions, de garder le poids politique des régions, d'une part, et de s'assurer
que les votes comptent pour autant, peu importe où ils sont exprimés au Québec,
que ce soit en région ou dans les grands centres.
C'est ce principe-là qui nous confirme, au
final, notre volonté d'instaurer une compensation nationale à redistribution
régionale. En effet, la compensation régionale qui est présentement inscrite au
projet de loi enclave le vote région par région, ce qui est, au final, ce
phénomène d'enclavement là, le même problème qu'on observe en ce moment avec le
mode de scrutin, mais à une plus petite échelle, circonscription par
circonscription et qui fait en sorte qu'il y a plusieurs votes qui sont perdus
et qui sont gaspillés, puisque si le vote ne réussit pas à être efficace au
sein de sa circonscription, il n'y a pas d'efficacité du tout, au final, on
aurait le même problème, mais à une échelle un peu plus grande, celle des
régions.
Mais, encore pire, avec les 17 régions qui
sont présentées, on a une grande inégalité dans le nombre de sièges d'une
région à l'autre, et donc les votes de Montréal auraient beaucoup plus
d'efficacité dans leur élection que les votes, par exemple, sur la Côte-Nord,
dans le Bas-Saint-Laurent, Gaspésie—Îles-de-la-Madeleine, Abitibi-Témiscamingue
ou, encore pire, dans le Nord-du-Québec, où aucun siège de compensation n'est
prévu, et donc les électeurs, les électrices de cette région-là ne verraient
aucune amélioration à la situation actuelle.
Si on y va dans les chiffres, à Montréal,
avec les 26 sièges, si je ne me trompe pas, qui sont prévus, c'est un
arrondissement à 4 % près qui serait utilisé, alors que sur la Côte-Nord,
avec deux sièges, ce serait une représentation à 50 % près de la volonté
populaire, et donc il y aurait une grande inégalité entre l'efficacité d'un
vote montréalais et l'efficacité d'un vote de la Côte-Nord. L'alternative qu'on
propose, en faisant le calcul du nombre de sièges à l'échelle nationale, c'est
qu'on met tous les votes dans un même bassin commun pour faire ce calcul-là, et
donc tous les votes partent sur un même pied d'égalité, tous les votes comptent
pour autant, que ce soit un vote de Havre-Saint-Pierre ou un vote de Montréal.
Ensuite, en plus, en distribuant les sièges région par région, on peut quand
même s'assurer de garder le même nombre de sièges par région, de garder le même
poids politique de chaque région, de garder des listes régionales avec des élus
qui représentent la région et donc de garder vraiment le poids politique propre
aux régions qui est évidemment très important.
L'autre avantage aussi de la compensation
nationale en redistribution régionale, c'est que ça vient permettre de débattre
du nombre de régions puis du nombre de sièges par région d'un point de vue vraiment
purement philosophique et, au final, de comment on veut représenter les régions.
Au final, une fois la compensation nationale, la redistribution régionale est
mise en place, la question reste juste de savoir : Combien de régions il
faut pour qu'elle soit, d'une part, assez petite pour que les députés régionaux
puissent bien faire leur travail de représentation, mais aussi assez grande
pour qu'il y ait assez de sièges par région pour bien représenter la pluralité politique
de chaque région? On laisse ces débats-là à d'autres, on n'a pas pris de
position spécifique sur un nombre de régions, mais, avec la compensation
nationale, la redistribution régionale, ce débat-là n'a plus d'impact sur la proportionnalité
du système et ce débat-là n'a plus non plus d'impact sur l'efficacité du vote
d'une région à l'autre.
Un autre principe qui a vraiment émergé de
nos discussions, c'est l'importance d'éviter de créer deux classes de député
distinctes et surtout de s'assurer que les candidats et les candidates de liste
fassent vraiment une campagne sur le terrain, ne soient pas juste élus avec la popularité
de leur parti. Une façon que ça se résolve, c'est de permettre, pour ceux qui
le veulent, la double candidature, mais en allant encore plus loin puis avec
une idée qui nous a été suggérée à plusieurs reprises dans les discussions,
c'est d'obliger la double candidature pour vraiment, au final, créer les listes
régionales à partir des candidats et candidates de circonscription. On s'assure
donc que tous les candidats et toutes les candidates font campagne exactement
de la même façon, tout le monde n'a pas deux types de candidat, il n'y a pas
deux types de candidate et donc il n'y a pas deux types de campagne différente.
Et donc ça évite justement de créer ce phénomène de deux classes de candidat et
candidate et donc potentiellement deux classes de député.
• (12 h 40) •
Ça permet aussi ensuite, l'autre aspect de
ça, c'est d'ordonner les listes selon la performance des candidats et des
candidates dans leur circonscription. Au lieu d'avoir un ordre de liste qui est
établi par les partis avec des processus internes qui peuvent être plus ou
moins démocratiques, on donne vraiment ce choix-là à l'électeur et on s'assure
vraiment que ce soit la volonté des électeurs, des électrices qui choisissent,
sur toute la ligne, qui sont leurs représentants et leurs représentantes à
l'Assemblée nationale…
M. Fecteau (Charles-Émile) :
...dans leur circonscription. Au lieu d'avoir un ordre de liste qui est établi
par les partis avec des processus internes qui peuvent être plus ou moins démocratiques,
on donne vraiment ce choix-là à l'électeur et on s'assure vraiment que ça soit
la volonté des électeurs et des électrices qui choisissent sur toute la ligne
qui sont leurs représentants et leurs représentantes à l'Assemblée nationale.
Un... L'autre... Dernier principe qui a
vraiment émergé de façon importante, là, dans nos discussions, c'est... et qui
va un peu de pair avec la représentation des régions au final, c'est juste de
s'assurer que la démographie du Québec dans son ensemble soit bien représentée
à l'Assemblée nationale. Donc, c'est déjà quelque chose qu'on fait au final
pour s'assurer que le poids démographique d'une région soit équivalent à son
poids politique, mais on pense que la réforme, c'est la meilleure occasion
possible pour appliquer ce principe-là aussi à d'autres groupes démographiques,
notamment pour atteindre la parité hommes-femmes, pour améliorer la
représentation des jeunes, des immigrants et immigrantes, des minorités
visibles et aussi pour consulter les peuples autochtones, leur donner une place
digne de leur importance culturelle et historique au Québec dans notre
démocratie et aussi pour valoriser, là, la participation des
personnes LGBTQIA2+ au processus démocratique.
Le SENSE n'a pas pris de position stricte
sur la meilleure façon de faire. On en a discuté, et c'est clair qu'il y a une
volonté d'améliorer la représentation de la démocratie du Québec à l'Assemblée
nationale, mais il n'y a pas de consensus clair qui émerge des discussions avec
les étudiants et les étudiantes sur quelle est la meilleure modalité, la
meilleure façon de faire spécifique. Et il y a des groupes qui sont bien plus
experts et expertes que nous sur ces questions-là qui vont avoir... qui ont ou
vont témoigner devant cette commission-ci, mais on donne clairement notre à ces
mesures-là qui pourraient améliorer la représentation de la diversité du Québec
à l'Assemblée nationale.
Et finalement on quitte un peu les
modalités du mode de scrutin pour parler de référendum. Donc, tout d'abord, ce
qu'on a constaté très fortement, c'est qu'il y a un appui massif de la
population étudiante à changer le mode de scrutin et à le changer rapidement.
Donc, à nos yeux, attendre le résultat d'un référendum et ne pas le changer
avant 2022, c'est... ce n'est pas la bonne voie à prendre. Cela dit, l'idée de
consulter la population n'est évidemment pas du tout quelque chose qu'on
rejette. Et c'est pourquoi on appuie l'idée d'un référendum de validation,
donc, après au moins deux élections avec le nouveau mode de scrutin, permettre
aux gens de s'exprimer en toute connaissance de cause, ayant expérimenté avec
les deux modes de scrutin, lequel ils préfèrent, qu'est-ce qu'ils veulent
utiliser pour les élections pour la suite.
L'autre chose à mentionner aussi pour le
référendum, c'est qu'on considère... En fait, on a fait un énorme travail de
vulgarisation dans les dernières années. Puis ce que ce travail de
vulgarisation là nous a appris, c'est que, clairement, c'est un enjeu complexe
puis c'est un enjeu qui demande beaucoup de temps, beaucoup d'éducation
populaire. Et faire un référendum en même temps que les élections générales, ce
n'est clairement pas un contexte propice à faire justement cette éducation
populaire là pour que le référendum soit vraiment une expression informée de la
volonté des gens à l'urne. On pense donc vraiment que de faire le référendum à
un moment distinct des élections, que ce soit un référendum avant l'adoption
ou, comme on le préférerait, un référendum de validation, est vraiment la
meilleure façon de faire pour vraiment s'assurer que toute l'information puisse
circuler, qu'il n'y ait pas de confusion entre les enjeux référendaires et les
enjeux électoraux, que l'enjeu référendaire ne soit pas noyé dans l'attention
médiatique des élections générales.
Ça fait donc le tour de nos huit
recommandations. Je vous remercie énormément de votre écoute. Et ça va me faire
plaisir de répondre à vos questions.
Le Président (M.
Bachand) : Merci infiniment. Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Merci. Merci,
M. le Président. Merci de votre présence. On avait déjà eu l'occasion d'en
discuter d'ailleurs, mais c'est bien que vous soyez ici en plus pour en
témoigner. Votre mémoire est bien étoffé, puis je vous remercie. J'ai peu de
temps compte tenu des délais, là. Ça fait que je vais vous amener sur quelque
chose de peut-être... Vous avez amené un angle nouveau sur un aspect, la double
candidature, la double candidature obligatoire. Naturellement, présentement,
dans ce qui est en jeu dans le projet de loi, c'est qu'on interdit la double
candidature pour des raisons qui sont invoquées, des arguments que vous
invoquez dans votre mémoire puis que vous... auxquels vous répondez. Mais
beaucoup ont discuté, ici, du fait de la permettre, la double candidature, ce
qui est différent de l'obliger. Et j'avoue que je comprends un petit peu mal
votre notion d'être obligé d'aller juste... d'être obligé d'obliger parce que,
les listes, ça veut dire que chaque candidat qui se retrouve sur une liste
devrait aussi se retrouver dans une circonscription. Qu'est-ce qu'on fait quand
on a... s'ils sont tous élus dans des circonscriptions, nos candidats? Bien,
vous allez dire que c'est utopique, mais la majorité, disons, la majorité, et
qu'après ça on n'a plus de candidats sur la liste, parce que ce sont des listes
fermées. Comment cette mécanique-là... Et pourquoi obliger? Permettre, ça a été
débattu, mais pourquoi aller jusqu'à obliger?
M. Fecteau (Charles-Émile) :
Bien, en fait, pourquoi on met cette recommandation-là dans notre mémoire,
c'est vraiment parce que c'est quelque chose qui a vraiment émergé très
organiquement, en fait, des discussions qu'on a eues avec les étudiants et les
étudiantes. En fait, la première fois que cette idée-là m'a été... que j'en ai
entendu parler, c'est quelqu'un qui m'a posé une question dans une assemblée générale
ou un conseil d'administration, là, je ne me rappelle plus quel type
d'instance, et qui me... Et je ne comprenais pas qu'est-ce qu'il essayait de
comprendre sur les listes. Puis, en fait, c'est que la personne assumait que
c'était comme ça que les listes allaient fonctionner. Puis on a vu cette
idée-là émerger à gauche et à droite dans les associations étudiantes,
vraiment, naturellement, puis c'est pour ça qu'on l'amène dans notre mémoire.
C'est sûr que double candidature permise nous semble tout à fait intéressante
aussi. Cela dit, en l'obligeant... Puis on ne le voit pas comme étant le fait
que les personnes sur les listes doivent être dans les circonscriptions, mais
plutôt qu'on fait la liste...
M. Fecteau (Charles-Émile) :
...comprendre sur les listes, puis, en fait, c'est que la personne assumait que
c'était comme ça que les listes allaient fonctionner. Puis on a vu cette
idée-là émerger à gauche, à droite dans les associations étudiantes vraiment naturellement,
puis c'est pour ça qu'on l'amène dans notre mémoire. C'est sûr qu'une double
candidature permise nous semble tout à fait intéressante aussi.
Cela dit, en l'obligeant... Puis on ne le
voit pas comme étant le fait que les personnes sur les listes doivent être dans
les circonscriptions, mais plutôt qu'on fait la liste à partir des candidatures
de circonscription. Ça revient pas mal au même, mais il faut quand même... il y
a quand même une vision un peu différente.
Pour répondre à la question de qu'est-ce
qu'on fait si tout le monde a été élu, bien, d'abord, les chances que ça arrive
sont probablement très minces, mais ensuite... Puis ce qu'on dit dans notre
mémoire, c'est de mettre en priorité les candidatures de circonscription sur la
liste, avec la possibilité, donc, de mettre d'autres noms après.
Si jamais on arrivait dans un scénario où
un parti obtient 70 % du vote dans une région puis il a besoin vraiment
d'aller faire élire toutes les personnes de circonscription et en plus d'autres
personnes, il y aurait moyen d'arrimer les modalités, mais l'idée vraiment de
l'obliger, c'est de s'assurer qu'il y ait vraiment un seul type de candidat, un
seul type de candidate au final, que tout le monde fasse campagne exactement
selon les mêmes modalités, selon les mêmes principes, en partant sur la même
base.
Ensuite, on est très conscients que c'est
une idée un peu nouvelle puis un peu différente du courant de pensée
majoritaire, disons, puis c'est pour ça qu'on tient à mentionner, là, que la
double candidature permise nous semblait très intéressante aussi, mais ça reste
que c'est une idée qui a vraiment émergé des discussions qu'on a eues avec les
étudiants et les étudiantes, puis qu'on se devait, donc, d'en faire... d'être
le porte-voix de cette idée-là.
Mme LeBel : Je vais vous
amener un petit peu ailleurs. Vous faites des recommandations sur la parité
hommes-femmes, qui sont beaucoup plus précises que vos recommandations... À
part de dénoncer le principe que vous voulez avoir des mesures structurantes,
dans le cas de la parité hommes-femmes, vous êtes plus précis au niveau des
seuils, au niveau des... peut-être de mettre des incitatifs financiers, alors
que pour l'autre type d'inclusion vous êtes plus vagues.
Pourquoi est-ce qu'il n'y a pas eu de
consensus, et qu'est-ce qui ressortait qui faisait que les gens disaient :
Oui, non, pas trop loin, pas assez loin? Parce qu'on a... Il va falloir qu'on
tranche, nous, qu'on choisisse. Donc, à un moment donné, vous êtes dans la même
position que moi. Alimentez-moi, là.
M. Fecteau (Charles-Émile) :
Bien là, je ne sais pas, il y a peut-être eu des choses qui étaient peut-être
moins claires dans le mémoire, mais on a mis, dans la section aussi sur la
représentation des minorités, des idées aussi, là, ici et là, de suggestions de
façons de faire.
Veux veux pas, quand on venait présenter
en assemblée générale, quand on avait 10 minutes, 15 minutes, c'est
sûr qu'on parlait des grandes modalités du mode de scrutin, de comment la
compensation allait marcher, puis tout ça. On abordait le sujet de la parité,
on abordait le sujet de la représentation des minorités, mais on n'avait pas le
temps d'aller en profondeur sur quelle façon exactement les meilleures
modalités étaient les bonnes.
On a recensé, dans notre mémoire, là, on a
essayé, du moins, de faire une liste qui ne se veut pas exhaustive, mettre
celles qu'on a entendues puis qui revenaient le plus souvent. Ça se veut des
suggestions puis des pistes d'idée.
Ensuite, je sais qu'il y a des groupes de
femmes qui ont témoigné devant la commission. Je ne sais pas s'il y a des
groupes de personnes des minorités visibles ou immigrantes qui ont témoigné,
mais je pense qu'il y a d'autres groupes que le SENSE qui sont mieux placés pour
émettre des recommandations sur ce sujet-là. À notre avis, écoutez ces
personnes-là, au final. C'est ce qu'on veut dire.
Au final, ce qu'on a vu dans la population
étudiante, c'est une volonté de mettre en place des mesures, mais il n'y avait
pas l'expertise nécessaire pour dire quelle était la meilleure façon...
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Bourassa-Sauvé,
s'il vous plaît.
Mme Robitaille : Merci, M. le
Président. Bonjour. Merci de votre présence, de votre participation. C'est
important.
Donc, vous dites : Pour ce qui est de
la représentation, la diversité de la population, on devrait être... on
devrait, dans cet exercice-là, être capables de mettre des mesures beaucoup
plus structurantes pour finalement que tout le monde soit représenté.
Mais j'aimerais vous entendre là-dessus.
Est-ce que, finalement, les gens... bien, c'est essentiel d'avoir ces
mesures-là? Est-ce que... Pour ce qui est des femmes, c'est 50 % de la
population, bon, et, vous êtes d'accord, il doit y avoir une parité, il doit y
avoir... Mais, pour ce qui est des autres catégories, est-ce que ce n'est pas,
finalement, à la population de juger d'un parti s'il n'est pas représentatif de
la population? Pourquoi on a absolument besoin d'avoir des règles strictes
là-dessus?
M. Fecteau (Charles-Émile) :
Le parallèle qu'on aime faire là-dessus puis qui... Au final, bien, de un,
pourquoi c'est dans notre mémoire? C'est parce que les étudiants et les
étudiantes voulaient ça, là, je veux dire... être clair. De base, c'est quelque
chose qui..., en particulier les jeunes.
Je pense que ça peut se comprendre très
bien que les étudiants et les étudiantes constatent la sous-représentation des
jeunes, là. Le graphique qu'il y a dans notre mémoire tient compte des moins de
18 ans dans le poids démographique total de la population. Donc, on est
sous-représentés, même en tenant compte qu'il y a un groupe... Il y a un groupe
de 20, 30 personnes qui n'est même pas du tout représenté à l'Assemblée
nationale. Donc, c'est quand même très... Il y a un grand déficit là.
• (12 h 50) •
Et donc, de un, c'est important pour les
jeunes... les étudiants et les étudiantes, pardon, mais, de deux, pourquoi le
mettre en place? C'est parce qu'on... mettre en place des mesures
structurantes? C'est parce que, de toute évidence, ces sous-représentations-là
perdurent année après année, la représentation des jeunes, la représentation
des minorités visibles, des immigrants et immigrantes. Ce n'est pas quelque
chose d'anecdotique, ce n'est pas quelque chose d'éphémère...
M. Fecteau (Charles-Émile) :
…pardon. Mais, de deux, pourquoi le mettre en place? C'est parce qu'on… mettre
en place des mesures structurantes? C'est parce que de toute évidence ces
sous-représentations-là perdurent année après année… la représentation des
jeunes, la représentation des minorités visibles, des immigrants et
immigrantes. Ce n'est pas quelque chose d'anecdotique, ce n'est pas quelque
chose d'éphémère.
Et au final, si on se dote d'un mode de
scrutin qui veut être représentatif de la population, bien je pense que c'est
le moment de mettre en… c'est le moment justement de parler de mettre en place
des mesures pour représenter pas juste les opinions de la population, mais
aussi les expériences de vie, le vécu de la population, avec donc une Assemblée
nationale à l'image du Québec au final.
Mme Robitaille : Oui, oui.
Puis des pistes de solution… quelques pistes de solution qui vous ont été
amenées, est-ce que vous pourriez nous en parler?
M. Fecteau (Charles-Émile) :
Oui, bien…
Mme Robitaille : Pour ce qui
est des jeunes, pour la représentativité, déjà, parce que ce n'est pas évident,
parce qu'on vieillit tous, là, alors à un moment donné, ça change.
M. Fecteau (Charles-Émile) :
Oui, oui, non, c'est sûr. Ensuite, les jeunes puis les immigrants, immigrantes
et les minorités visibles, c'est… on les met en lumière, là, dans notre mémoire
comme étant des groupes où on a des statistiques précises sur la proportion de
la population qu'ils représentent. Ça fait qu'avec une… on peut évidemment
mettre une marge, comme la zone paritaire, on parle souvent de souvent de
45 %, 55 % des personnes, ou 40 %, 60 % des personnes. Mais
on peut faire le même genre de zone… ce n'est plus paritaire, mais une zone de
représentation pour ces groupes-là où on a des statistiques démographiques,
puis ensuite moduler le financement des partis soit à la hausse, soit à la
baisse, selon s'ils atteignent ces objectifs-là, mettre des objectifs sur les
listes d'avoir des propositions qui sont équitables.
Il y a plein de façons de faire possibles.
Je pense que ce qui revenait le plus souvent, je pense, c'est celle qui module
le financement, je pense que c'est celles qui sont, comme, le plus souvent
abordées puis les plus faciles aussi à mettre en place probablement. Mais
ensuite, on… comme je disais, on ne nie pas l'expertise pour dire quelle est la
meilleure façon, la façon la plus efficace d'atteindre ces objectifs-là. Ce
qu'on sait, c'est qu'il y a des façons de faire qui sont possibles, qui sont
documentées, et il y a une volonté étudiante d'atteindre cet objectif-là. Donc,
combinons les deux puis allons de l'avant.
Mme Robitaille : Je vous
entends. Vous dites : Bon, un référendum, ce serait bien d'en faire un
peut-être, mais avant les prochaines élections.
M. Fecteau (Charles-Émile) :
Mais idéalement après deux élections avec le nouveau mode de scrutin.
Mme Robitaille : Ou après deux
élections. C'est ça, oui, pardon, c'est vrai. Là, maintenant, on va avoir…
bien, ce qu'on propose dans le projet de loi, c'est d'avoir un référendum en
même temps qu'une campagne électorale. Donc, votre monde, ils sont… donc, vous
dites : On n'est pas d'accord avec ça. C'est quoi vos craintes?
M. Fecteau (Charles-Émile) :
Bien, la crainte principale, c'est la désinformation. On l'a vécu à travers les
associations étudiantes où on est allés. La grande majorité des personnes qui
ont des réticences ou qui s'opposent à la réforme le font par mauvaise
compréhension des principes, par l'impression que ça va affaiblir les régions,
par l'impression que ça va déstabiliser le gouvernement, qui sont des choses
qu'on est capables de démentir dans notre argumentaire, puis qui sont des
enjeux complexes, nuancés, qui demandent beaucoup de discussion, alors que
c'est très facile de semer la peur dans la population… juste disant : Oui,
mais vous allez perdre votre poids régional, oui mais les gouvernements vont
être minoritaires, on va être en élection à toutes les années.
Ça prend une phrase pour semer le doute.
Ça prend 10, 15 minutes d'explications pour expliquer les faits puis rétablir
la situation. Puis en faisant ça en même temps que les élections avec… on sait
toute l'attention médiatique qui va être sur les sondages électoraux, sur les
plateformes électorales des partis, leurs grandes promesses, qui est-ce qui va
gagner, tout ça. On ne pense pas du tout que c'est même possible d'en parler
assez pour que la population soit vraiment éduquée puis renseignée sur le sujet
puis fasse un choix éclairé.
Mme Robitaille : Votre… le
taux de participation des jeunes aux élections est… c'est un problème. On
aimerait que les jeunes participent beaucoup plus et tout ça. Pour un
référendum, sur un référendum comme ça justement, si le référendum a lieu en
même temps qu'une période électorale, ça noie toute l'affaire pour la
population de… pour les jeunes, par exemple, ce n'est pas la meilleure
solution… ce que vous dites?
M. Fecteau (Charles-Émile) :
Oui, bien, cette recommandation-là vient vraiment surtout de notre expérience à
essayer de vulgariser l'enjeu puis à réaliser à quel point ça demande du temps,
ça demande de l'attention. Puis cette attention est juste impossible en même
temps qu'une élection générale.
Mme Robitaille : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Gouin, s'il vous
plaît.
M. Nadeau-Dubois : Bonjour.
Merci d'être ici. C'est toujours agréable de recevoir des représentants des
étudiants, des étudiantes du Québec. Je n'ai même pas deux minutes. Je vais
vous poser une question simple, parce que vous faites beaucoup de
revendications. Certaines vont dans la mécanique du projet de loi, mais…
question plus élémentaire. Pour vous, quand vous êtes allé sur le terrain
rencontrer les étudiants, les étudiantes du Québec, c'était quoi leur
motivation principale à appuyer une réforme du mode de scrutin, qu'est-ce qui
les indignait le plus dans la réforme… dans le mode de scrutin actuel puis
qu'est-ce qu'ils souhaitaient le plus dans éventuel un nouveau mode de scrutin?
M. Fecteau (Charles-Émile) :
Ça revient toujours au principe de chaque vote compte. C'est le sentiment
qu'aller voter ne sert à rien, en ce moment, qui extrêmement lourd, qui est
extrêmement présent. On mentionne, dans notre mémoire, là, le phénomène
d'étudiants, étudiantes, qui choisissent leur circonscription selon où est-ce
que leur vote sera le plus efficace. Ça démontre en soi le mode de scrutin…
M. Fecteau (Charles-Émile) :
...ça revient toujours au principe de chaque vote compte. C'est le sentiment
qu'aller voter ne sert à rien, en ce moment, qui extrêmement lourd, qui est extrêmement
présent. On mentionne, dans notre mémoire, là, le phénomène d'étudiants,
étudiantes, qui choisissent leurs circonscriptions selon où est-ce que leur
vote sera le plus efficace. Ça démontre en soi que le mode de scrutin en ce
moment n'est pas efficace. Ça ne devrait pas être une stratégie électorale de
choisir sa circonscription selon l'adresse, chez ses parents ou proche de son
lieu d'études, qui est la meilleure pour bien voter. À nos yeux, ça ne fait absolument
aucun sens. Donc, vraiment, l'idée de s'assurer que chaque vote compte.
Puis ça soulève vraiment les passions, là.
Il y a quand même... Dans mon expérience, les associations où moi, j'ai été
témoigné, il y a deux instances où j'ai été invité en tant que... dans une
assemblée générale, pour présenter, dans un point non décisionnel, qui était
supposé être juste une présentation et où, après avoir quitté, j'ai appris que
l'association a décidé de voter un mandat d'appui au SENSE. Donc, il y a vraiment
un mouvement très positif, là, envers la réforme pour, justement, aller
chercher, au final... s'assurer que chaque vote compte. Vraiment, ça revient tout
le temps à chaque vote doit compter.
M. Nadeau-Dubois : Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :M. le député de Rimouski, s'il
vous plaît.
M. LeBel : Merci. Bonjour.
Vous savez, le référendum qui est proposé actuellement dans la loi, il y aurait
une partie qui serait juste référendaire, mai, juin, juillet, août. Je veux
dire, les étudiants ne sont pas très sur leurs campus pendant ces mois-là. Ça
fait que ça plaide encore pour le fait qu'on devrait faire le référendum pas
dans ce moment-là, un référendum que pour la réforme à un autre moment. Ça n'a
pas de sens, ces quatre mois, les étudiants ne sont pas là. Ça fait que, ça...
Là, c'est plus un commentaire.
Mais l'autre élément, vous ne parlez pas
du nombre de régions dans votre mémoire. Vous visez quel nombre de régions qui
devrait être retenu?
M. Fecteau (Charles-Émile) :
On n'a spécifiquement pas visé le nombre de régions parce que... Bien, dans nos
présentations, on présentait ce qui... Souvent, comme possibilité, ce qui était
discuté surtout dans le rapport de la tournée Chaque voix compte du... donc
huit à neuf régions, c'est sûr que ça, ça passait très bien, puis il n'y avait
pas d'opposition à ça. Mais, en même temps, l'idée d'avoir plus de régions, au
final, à nos yeux, si on a une compensation nationale, la redistribution
régionale, ça a plus ou moins d'importance. Ça a une importance pour
représenter les régions, puis ça a une importance pour avoir une proximité
entre les élus puis leurs électeurs, électrices, mais ça n'a pas d'impact
significatif sur la valeur du mode de scrutin en tant que tel, en termes de
représentation des votes, en termes de chaque voix compte, encore une fois, là,
comme on dit. Donc, autant, quand on faisait nos discussions, quand on faisait
nos présentations, on parlait plus souvent d'un plus petit nombre de régions,
parce que c'était ce qui était discuté à l'époque, autant, si on a une
compensation nationale à la redistribution régionale, si tous les votes de
chaque région peuvent compter pour autant, peu importe si c'est une région à
deux sièges ou une région à 26 sièges, à nos yeux, on peut avoir
17 régions, puis ça peut fonctionner, tout comme on pourrait en avoir
moins si c'est ce qui est décidé comme étant plus représentatif.
M. LeBel : Vous ne pensez pas
qu'il y aurait une distorsion si la proportionnalité nationale est redistribuée
en région? Est-ce que ça va respecter la proportionnelle régionale?
M. Fecteau (Charles-Émile) :
Est-ce que... Je vous invite à aller à la page 16 de notre mémoire, si
vous l'avez. Ce qu'on observe, c'est que la distorsion régionale que ça cause
est vraiment minime comparativement à la distorsion nationale que ça enlève.
M. LeBel : 17 régions,
c'est...
M. Fecteau (Charles-Émile) : Et,
en plus, ce qu'on observe, c'est que les... Puis, dans nos simulations, si on
va en détail dans les résultats, la distorsion supplémentaire, elle ne se
rajoutera pas sur la Côte-Nord ou la Gaspésie. C'est Montréal qui va avoir,
peut-être, un député caquiste de plus puis un député péquiste de moins, au
final, ou...
M. LeBel : Gros problème
Des voix
: Ha, ha, ha!
M. Fecteau (Charles-Émile) :
...ou la Montérégie qui va voir un député libéral de plus ou un député
solidaire de moins. C'est les régions qui ont beaucoup de sièges où finalement
il va y avoir une petite distorsion de plus, mais où ça varie... ça fait varier
de 4 %, 5 % la proportionnalité finale. Ce ne sera pas les régions où
ça varie de 33 % ou de 50 % près. Donc, l'idée que la compensation
nationale de la redistribution régionale donnerait, je ne sais pas, moi, avec
les résultats des dernières élections, un député du Parti vert sur la
Côte-Nord, ce n'est pas un scénario du tout réaliste selon la façon que la
méthode fonctionne.
M. LeBel : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Je voudrais vous remercier pour
votre présentation puis bravo pour votre implication.
Cela dit, la commission suspend ses
travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 59)
14 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 15 heures)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! Bon
après-midi.
La Commission des institutions reprend ses
travaux. Bien sûr, je demande, comme d'habitude, à toutes les personnes dans la
salle de bien éteindre la petite sonnerie de leurs appareils électroniques.
La commission est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le
projet de loi n° 39, Loi établissant un nouveau mode de scrutin.
Cet après-midi, nous allons entendre M.
Jean-Pierre Derriennic, M. Louis Sormany, M. Brian Tanguay, mais d'abord, nous
allons commencer avec M. Christian Dufour. Bienvenue à la commission. Comme vous
le savez, vous avez 10 minutes de présentation. Après ça, on aura un échange
avec les membres.
Alors, M. Dufour, bonne présentation.
M. Dufour (Christian) :
Merci. C'est un privilège de comparaître devant votre commission. Même si c'est
la deuxième fois, on ne s'habitue jamais. Donc, j'ai...
15 h (version non révisée)
Le Président (M.
Bachand) : ...cet après-midi, nous allons entendre M.
Jean-Pierre Derriennic, M. Louis Sormany, M. Brian Tanguay, mais d'abord, nous
allons commencer avec M. Christian Dufour. Bienvenue à la commission. Comme
vous le savez, vous avez 10 minutes de présentation. Après ça, on aura un
échange avec les membres. Alors, M. Dufour, bonne présentation.
M. Dufour (Christian) :
Merci. C'est un privilège de comparaître devant votre commission, même si c'est
la deuxième fois, on ne s'habitue jamais. Donc, j'ai juste 10 minutes, je
voudrais juste commencer par mettre la table. Je vais lire un paragraphe, mais
je ne lirai pas le reste du temps, je ne veux pas vous ennuyer. Mais juste pour
que vous me situiez bien, la fin de mon mémoire, le dernier paragraphe,
c'est : «Le projet de loi sur la réforme du mode de scrutin ne doit pas
être adopté. Il n'est pas dans l'intérêt supérieur du Québec de se lancer dans
une campagne référendaire dont on ne saurait prévoir l'issue, un exercice
divisif présentant le risque de nouveaux reculs historiques pour le pouvoir québécois,
un recul que notre nation ne peut se permettre.» C'est là où je me situe. Je
trouve que le projet de loi, il n'est pas bon, fondamentalement, et il ne doit
pas être adopté, et qu'on ne devrait pas se lancer dans une campagne
référendaire.
Je vais essayer de vous expliquer un peu
pourquoi. Bon, j'ai écrit un livre qui s'appelle Le pouvoir québécois
menacé : non à la proportionnelle, c'est mon thème fondamental, quant
à moi. Le mémoire s'appelle Pour ne pas reperdre le veto. Alors, je fais
une analogie très nette entre le mode de scrutin actuel qui favorise de facto
la majorité francophone et le veto, l'ancien veto québécois au sein du Canada,
qui donnait au Québec une position privilégiée qu'on a perdue.
Mon point de référence, au départ, c'est
le pouvoir québécois contrôlé par une majorité francophone. Moi, je ne me
définis pas comme fédéraliste ou souverainiste. Bon, je respecte les gens qui
s'engagent, là, ce n'est pas ça, mon problème. Ma boussole, moi, ça a toujours
été ça, c'est le concept de pouvoir, qui me semble quelque chose de très
fondamental. Si on compare le Québec à une maison, le pouvoir québécois, c'est
le soubassement, c'est le sous-sol de la maison, à partir duquel on peut
construire ou non un Québec indépendant, une société distincte québécoise, un
fédéralisme qui marche. Mais c'est vraiment la base. Et une chose qui m'a quand
même beaucoup frappé, c'est que les militants de la proportionnelle ont
commencé à parler du pouvoir québécois tout récemment, hein? Jusqu'à tout
récemment, ils ne parlaient pas de ça, ils ne se préoccupaient pas beaucoup de
ça. Et c'est quand même troublant, parce que c'est quelque chose de fondamental
dans notre société. Et c'est beau de parler de l'Écosse, de la
Nouvelle-Zélande, de l'Allemagne, mais il y a le contexte québécois et il y a
le contexte canadien qui est très important quand on s'intéresse au pouvoir québécois.
Moi, je crois que ce projet de loi là, il
est fondamentalement mauvais. Je crois d'ailleurs que, si on le bonifie, on va
l'empirer, parce qu'en fait il diminue le pouvoir québécois à deux niveaux,
deux concepts différents, mais liés, le pouvoir québécois au sein du Canada.
Ça, ça vaudrait aussi pour l'Ontario. Si l'Ontario adoptait un système véritablement
proportionnel, ça affaiblirait aussi l'Ontario. Mais un contexte spécifiquement
québécois, je pense que ça va diminuer le poids politique de la majorité
francophone. Quand on regarde, donc, ces différends, et ce sont des choses qui
sont majeures, hein, en admettant même que je dramatise... je ne crois pas que
je dramatise, mais je pense qu'à tout le moins il faut s'en préoccuper, il y a
un principe de précaution là-dedans. Et autant... Le projet de loi qu'on a
devant nous peut devenir très complexe, très technique, et ça, c'est un
problème. Je pense que c'est M. Tanguay, qui a dit : Ah! mon Dieu, c'est
très compliqué. Et M. Legault, dans une déclaration assez candide, parce qu'il
a une façon d'être, M. Legault, avait dit : Ah! C'est compliqué, tout ça.
Ce n'est pas de la démagogie, que de dire que c'est compliqué, c'est vrai que
c'est compliqué, hein? Quelqu'un comme Henri Brun, le constitutionnaliste
émérite, Henri Brun, m'a appelé, il y a une semaine, m'a dit : Christian,
c'est quoi qui découle de ce projet de loi? Je ne suis pas capable de le
comprendre. Moi-même, j'ai écrit un livre là-dessus, je ne prétends pas être un
technicien. Louis Sormany, un ancien haut fonctionnaire du Conseil exécutif qui
va comparaître dans une heure, qui a plus pioché sur les détails du projet de
loi, a trouvé aussi que c'était assez complexe.
Mais heureusement la dynamique générale
n'est pas compliquée. La dynamique générale est très simple en fait, c'est que
le mode de scrutin actuel favorise les gouvernements forts, favorise la
majorité francophone et les régions. On sait que, dans notre système, il y a
une prime au vainqueur qui fait qu'en général les gouvernements sont
majoritaires. Un gouvernement majoritaire comme celui de François Legault,
actuellement, dans un régime parlementaire, il n'y a rien de plus fort que ça.
Un gouvernement de coalition, ça peut avoir des bons côtés, on met l'accent sur
l'aspect représentation, des opinions plus diversifiées, mais il faut
transiger, il faut marchander, il faut troquer, il y a des délais. C'est autre
chose.
Par ailleurs, le mode de scrutin actuel
favorise de facto la majorité francophone. Parce qu'on le sait, les
non-francophones sont concentrés dans un nombre limité de circonscriptions dans
la région de Montréal, ce qui fait que leur poids est moins important. C'est
sûr que, si on adopte un système proportionnel, plus c'est
proportionnel — puis ça, on pourra en débattre — plus on va
avoir des gouvernements de coalition, des gouvernements minoritaires. C'est
statistique. Plus c'est proportionnel, plus on va avoir tendance à revaloriser
le poids des non-francophones.
Moi, pourquoi je défends le mode de
scrutin actuel? Ce n'est pas parce que je veux discriminer à l'égard des
non-francophones, d'aucune façon. Ce n'est pas moi qui veux changer le système.
Et j'ai des problèmes d'ailleurs avec le projet qui est sur la table même...
M. Dufour (Christian) :
...plus c'est proportionnel, plus on va avoir tendance à revaloriser le poids
des non-francophones.
Moi, pourquoi je défends le mode de
scrutin actuel? Ce n'est pas parce que je veux ne discriminer à l'égard des
non-francophones d'aucune façon. Ce n'est pas moi qui veux changer le système.
Et j'ai des problèmes d'ailleurs avec le projet qui est sur la table même à l'égard
des non-francophones. C'est que je trouve que les Québécois, il faut quand même
être réalistes, là. On a perdu deux référendums, un en 80 puis un en 95, deux
échecs structurants. Celui de 80 a donné lieu à l'adoption d'une constitution
de 82 qui nous considère, la majorité francophone, comme un groupe ethnique a beaucoup
d'égard. On le voit dans les débats sur... Il y a une charte de droits, hein?
On le voit dans le débat sur la Loi sur la laïcité. Le référendum de 95 a fait
en sorte que le nationalisme québécois est systématiquement démonisé au sein du
Canada. On a échoué à devenir indépendants, on n'est pas reconnu comme société
distincte. Mais au moins on a une institution héritée des Britanniques, c'est
un paradoxe, qui favorise de facto les francophones et, de nous-mêmes, on va
renoncer à ça? On va être les seuls au Canada à renoncer à ça? C'est
masochiste. C'est se tirer dans le pied, c'est très dangereux.
Moi, je suis profondément inquiet. Je vois
une dynamique autodestructrice de la nation québécoise là-dedans, qu'on renonce
à ça pour des considérations complaisantes de représentation de tout un chacun.
Il n'y a pas une... là. Je veux dire, si on met plus l'accent sur la
représentation de façon exagérée, on affecte la gouvernance. Donc, ces
principes-là sont très simples. Je suis étonné, d'ailleurs, qu'on fasse juste
commencer à en parler. Si le Québec était indépendant, si on était reconnu
comme une société distincte, s'il n'y avait pas eu les deux référendums, je
serais peut-être moins contre. Je défendrais encore le système actuel parce que
moi, j'y crois au système actuel, mais je serais moins contre. Mais dans le
contexte québécois, je trouve que c'est une folie. C'est vraiment une folie. Ça
m'inquiète qu'on soit en train dans l'Assemblée nationale, qu'il y a eu des
ententes tâtées par-ci. Je suis content d'y être, je comprends que vous faites
votre travail. Mais c'est pour ça que moi, je me dis : J'espère que ça ne
sera pas adopté, là. Parce qu'on n'a pas les moyens de se permettre ça.
Une autre question. Jusqu'à quel point le projet
de loi est-il proportionnel? Parce qu'on peut se poser cette question-là. Moi,
au départ, il y a des gens qui sont venus me voir, qui m'ont dit : M.
Dufour, vous exagérez, ça va être un projet très légèrement proportionnel, on
est conscients de vos arguments sur le pouvoir québécois, puis bon... On va
insuffler juste une petite dose de proportionnel. Vous savez, les Québécois,
hein, on aime les compromis puis on aime la modération, bon. Par contre, j'ai
entendu la ministre Sonia LeBel, pour qui j'ai beaucoup de respect, d'ailleurs,
je lui disais tout à l'heure que je trouve ça dommage qu'elle soit responsable
de ce dossier-là parce que, par ailleurs, je trouve que c'est une des
meilleures ministres du gouvernement puis je ne lui dis pas ça par flagornerie,
mais je l'ai quand même entendue, il y a deux semaines, nous dire : Bien,
dans l'avenir, il va falloir, pour qu'un parti soit majoritaire, qu'il ait 44 %,
45 % des voix. Moi, ça m'a beaucoup étonné parce que je me suis dit :
Bien, avec 44 % ou 45 % des voix, en pratique, il n'en aura plus de
gouvernement majoritaire, ça va être très, très, très rare en définitive. Parce
que même la CAQ actuellement qui triomphe dans les sondages n'aurait pas ce...
Donc, c'est quoi que ça va donner au juste, je ne le sais pas.
Mais moi, ce que je prétends, c'est que le
vrai débat, le vrai enjeu, ce n'est pas de savoir si on va être plus ou moins
proportionnel, c'est de savoir est-ce qu'on passe du système actuel, qui n'est
pas parfait mais qui est très défendable à mon avis, à une culture proportionnelle.
Michel David, le chroniqueur du Devoir, il y a deux semaines, a écrit un
article très brillant où il recommandait aux gens, en fait, qui sont frustrés,
les gens qui sont pour la proportionnelle... Vous en avez reçu beaucoup, hein,
ils sont tous pour la proportionnelle, mais ils en veulent plus. Ils en veulent
plus, ils en veulent plus. Il leur recommandait de contenir leur frustration,
l'important, c'est de passer au système proportionnel. Puis il avait raison.
Parce que, quand on est dans une culture proportionnelle, les changements sont
beaucoup plus faciles, ça fait partie de la culture... Les réajustements. Parce
que déjà il y a des pressions pour que ça soit plus proportionnel, hein? On
veut la parité hommes-femmes, on veut des mesures... Bon. C'est le début d'une
réingénierie, en fait, supposément progressiste de notre société.
Aussi, si le projet de loi qui est là
n'est pas assez juste pour les non-francophones, on m'a dit que l'île de
Montréal perdrait trois comtés. Moi, je ne comprends pas trop pourquoi l'île de
Montréal va perdre trois comtés, il me semble que l'île de Montréal est déjà
sous représentée dans le système actuel, ce qui ne me choque pas totalement,
mais là en plus... Bien, moi, je pense qu'il faut s'attendre, à un moment
donné, si on...
Dans la mesure où on est dans la
réingénierie démocratique, qu'on crée quelque chose d'autre, là, il y a la
Charte canadienne des droits, là, et la Cour suprême, là. Le mode de scrutin
qui est le nôtre, on dit toujours : Il est hérité du concurrent britannique,
c'est bien épouvantable. Ce n'est pas bien, bien épouvantable, il a servi
historiquement à la majorité francophone. Il est solide comme le roc. Ça fait
200 ans qu'il est là. Il est en place partout dans le Canada. On ne peut pas se
faire accuser de discriminer à l'égard des non-francophones.
Mais si on se lance dans la réingénierie
démocratique pour qu'on crée autre chose, moi, j'ai soumis ça à un ancien
premier ministre du Québec dont je ne donnerai pas le nom, qui a une formation
juridique. Je lui avais dit : Oui, mais est-ce que c'est possible qu'il y
ait des représentants des non-francophones qui disent : Bon, vous
prétendez faire un système proportionnel, mais ce ne l'est pas vraiment, parce
que nous, on est privés des avantages de la proportionnelle. Il m'a dit :
Ça serait très plaidable, ce truc-là.
Donc, c'est pour ça que je trouve que
c'est dangereux, je trouve que c'est complaisant, c'est inquiétant qu'on en
soit rendus là. L'analogie avec le veto... Moi, j'y crois beaucoup, à l'analogie
avec le veto. Bien, ça trahit mon âge, parce que, moi, je me souviens, j'étais
au ministère des Affaires intergouvernementales, à l'époque de Claude Morin, où
Claude Morin... bon, je ne veux pas trop le...
Le Président (M.
Bachand) : En conclusion.
• (15 h 10) •
M. Dufour (Christian) : Oui,
bien, ma conclusion, c'est que...
M. Dufour (Christian) :
...c'est inquiétant qu'on en soit rendus là. L'analogie avec le veto... Moi,
j'y crois beaucoup, à l'analogie avec le veto. Bien, ça trahit mon âge, parce
que, moi, je me souviens, j'étais au ministère des Affaires
intergouvernementales, à l'époque de Claude Morin, où Claude Morin... bon, je
ne veux pas trop le...
Le Président (M.
Bachand) : En conclusion.
M. Dufour (Christian) : Oui,
bien, ma conclusion, c'est que le projet de loi sur la réforme du mode de
scrutin ne doit pas être adopté, et qu'il n'est pas dans l'intérêt supérieur du
Québec de se lancer dans une campagne référendaire dont on ne saurait prévoir
l'issue, un exercice divisif présentant le risque d'un nouveau recul pour le
pouvoir québécois, que notre nation ne peut se permettre. C'est ça, ma
conclusion.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. En passant, une petite... Juste de
s'appeler par notre titre, hein? On ne dit pas le nom de famille du premier
ministre. On l'appelle «M. le premier ministre». Même chose pour la ministre,
qui, maintenant, va avoir la parole. Mme la ministre.
Mme LeBel : Oui, absolument.
Merci, M. le Président. Merci, M. Dufour. Je suis convaincue qu'on pourrait
discuter, vous et moi, passionnément pendant des heures, mais, comme on a peu
de temps, je vais peut-être y aller sur certains éléments de ce que vous avez
mis dans votre mémoire que vous avez peut-être pas eu le temps d'expliciter,
là, dans votre présentation de 10 minutes. Ça fait qu'on va prendre le 15
minutes qui m'est imparti, peut-être, pour vous permettre de développer sur
certains aspects.
Mais, première chose, bon, je pense que je
peux conclure, de votre propos et de ce que j'en sais, que tout mode de scrutin
qui insuffle une forme de proportionnalité, de façon générale, vous êtes contre
ça et vous êtes pour celui qu'on a présentement. Est-ce que je me trompe?
M. Dufour (Christian) : Oui,
ça, c'est deux cultures différentes, deux dynamiques qui sont différentes, et
il y a beaucoup le concept de la main dans le tordeur. Je pense que, quand tu
passes à un système proportionnel, même très, très, très modéré, ça ne reste
pas comme ça. Ça évolue, et ça, regardons dans les autres pays, c'est toujours
ça qui arrive. Autant c'est difficile de modifier notre mode de scrutin, parce
qu'il est enraciné dans l'histoire, les citoyens y sont habitués, mais, une
fois que tu es passé dans la culture proportionnelle, par définition, il va y
avoir des changements. Mon collègue Louis Sormany, avec lequel j'ai travaillé
et qui a beaucoup fouillé l'aspect, plus, des effets sur les régions, parce que
moi, je ne maîtrise pas ça autant que lui, va vous parler des régions, et lui
aussi va vous parler, va souligner à quel point c'est facile, par des
amendements qui semblent techniques, ensuite, d'augmenter les niveaux de
proportionnalité.
Donc, pour répondre à votre question, ce
sont deux... On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. C'est ça que
je prétends, moi. Et dans le contexte québécois, franchement, je trouve que ce
n'est pas sage, mettons que je veux être modéré. C'est vraiment un manque de
sagesse, beaucoup, de ce que c'est là-dedans. Et le système actuel n'est pas
parfait. Il n'y en a pas, de système parfait. La proportionnelle a beaucoup
d'effets pervers.
Juste pour résumer ma vision, le système
actuel, il produit des gouvernements forts, mais congédiables, hein? Quand
on... Le gouvernement du premier ministre Legault, je ne sais pas si je peux
dire ça, bon, c'est un gouvernement fort, mais on peut le mettre dehors à un
moment donné, et ça, c'est l'essence de la démocratie. Je trouve que la
proportionnelle produit des gouvernements faibles, mais a tendance à faire en
sorte que la même classe politique se prolonge très, très longtemps. Je veux
dire que mon opposition, elle est très profonde, je vais dire, Mme LeBel, à ça.
Mais donc je réponds à votre question. Je trouve que même une petite dose
proportionnelle, c'est un piège, c'est dangereux, je trouve, dans le contexte
québécois.
Mme LeBel : ...je comprends
parfaitement toute la profondeur de votre opposition, soyez sans crainte. Mais
donc je veux dire, ce n'est pas le fait d'avoir un projet de loi modéré ou non.
C'est le fait d'introduire cette notion de proportionnalité, et ce que vous
craignez, c'est que ce soit... bien que ce soit potentiellement un premier pas,
vous craignez justement que ça nous amène à plus, de plus en plus de
proportionnalité, toujours de plus en plus. C'est ce que vous craignez, là.
M. Dufour (Christian) : Et
vous avez raison, et ça, je le crains. C'est qu'on troque quelque chose de
solide, le mode de scrutin actuel, qui n'est pas contestable... Je crains, moi,
les contestations devant les tribunaux des gens qui ne se sentent pas
représentés par là. Parce qu'on crée quelque chose de nouveau, vous comprenez.
C'est que c'est quelque chose de nouveau. Donc, moi, je crains la charte des
droits, je crois, à la Cour suprême, parce qu'à ce moment-là... Moi, être un
anglophone... puis on va voir ce que ça donne, là, le projet... l'effet du
projet de loi, mais, si je concluais que les anglophones sont les seuls à ne
pas bénéficier des effets du projet de loi parce qu'on n'a pas voulu diminuer
le poids de la majorité francophone... Au fond, c'est ça. C'est ce qu'on
m'avait dit à un moment donné. «T'en fais pas, Christian — je
m'excuse si je suis familier — on est conscients de ce danger-là,
donc le projet de loi va être modéré.» Mais je trouve que ce projet de loi, il
est très fragile, parce qu'il va être contesté.
Déjà, les gens qui ont comparu devant
vous... Je veux dire, je ne veux pas être cynique, mais le projet de loi, les
gens veulent toujours... veulent plus, ils ne sont pas satisfaits. C'est dans la
dynamique de la proportionnelle d'en vouloir plus. Et le projet, quand même,
est frustrant pour bien des gens. Je sais que les gens du ministère ont bien
travaillé. Ils ont essayé de trouver une balance des inconvénients. Mais mon
opposition au projet de loi, si elle est profonde, c'est qu'honnêtement je ne
vois pas comment on peut sortir de cette dynamique-là. C'est une «no-win
situation», si vous voulez.
Mme LeBel : J'avoue qu'il y a
une autre... Bon, peut-être que vous n'avez pas eu le temps de l'expliciter de
façon très, très adéquate dans votre commentaire, mais j'avoue que... vous avez
dit quelque chose que je ne comprends pas ou, à tout le moins, que je trouve difficile
à comprendre. C'est la chose suivante. C'est que vous craignez que, par
l'apparition d'un mode proportionnel, on revalorise le poids des
non-francophones et qu'on diminue le poids des francophones. Mais ces
non-francophones là, comme vous les nommez, font partie de notre société. On a
parlé des femmes, on a parlé d'autres types de diversité. Si ces gens-là font
partie de notre société québécoise, pourquoi n'auraient-ils pas un poids dans
cette société québécoise là?
M. Dufour (Christian) : Je
vais en parler parce que... J'entendais M. Milner, Henry Milner parler de ce
thème-là hier, où M. Milner, en fait, semblait admettre que ça allait augmenter
le poids des non-francophones, que ça favoriserait le Parti libéral. Et
d'ailleurs, il avait dit à Philip Authier, dans le quotidien la Gazette,
en juin dernier, qu'avec son système proportionnel, en tout cas c'est qu'on
n'aurait pas pu adopter la loi de la laïcité comme elle a été adoptée.
Moi, comprenez-moi bien, je ne veux pas
discriminer contre les non-francophones. Ce n'est pas moi qui veux changer le
système. Moi, je veux juste qu'on garde le système actuel...
M. Dufour (Christian) : ...des
non francophones, que ça favorisera le Parti libéral. Alors, il avait dit,
Philip Authier, dans le quotidien la Gazette, en juin dernier, qu'avec
son système proportionnel, en tout cas, qu'on n'aurait pas pu adopter la loi de
la laïcité comme elle a été adoptée.
Moi, comprenez-moi bien, je ne veux pas
discriminer contre les non francophones, ce n'est pas moi qui veux changer le
système. Moi, je veux juste qu'on garde le système actuel. Puis le système
actuel, de facto, c'est de facto. C'est toute la différence. Vous êtes... Mme
la ministre, vous êtes juriste, c'est toute la différence, c'est quelque chose
qui existe. Dans les faits, c'est un système qui existe en Ontario, en
Saskatchewan, partout. Dans les faits, c'est vrai qu'il y a un avantage aux
régions à la majorité francophone, mais moi, je suis Québécois puis je pense à
nos échecs référendaires, je pense qu'on n'est pas indépendants, je pense qu'on
n'est pas société distincte. Moi, je m'intéresse au rapport de force, à la
géopolitique. Je trouve que c'est beau l'angélisme, là, mais de renoncer nous-mêmes
à ça, je trouve ça masochiste. Et, là-dessus, moi, une chose qui m'a quand même
un peu frappée, comment ça se fait que l'île de Montréal va avoir trois députés
de moins si... d'après ce qu'on nous dit? Si on est...
Donc, moi, je trouve qu'on se drabe
beaucoup, vous savez, dans le proportionnel. C'est moins noble que ça, ce
dossier-là, là. Actuellement, je trouve qu'il y a beaucoup de gens qui avalent
des couleuvres, qui refoulent, comme le dit Michel David, parce qu'ils veulent
qu'on passe à un système proportionnel et qu'ils sont prêts à adopter un projet
de loi, que je n'ai pas étudié en détail puis que j'ai de la difficulté à
comprendre dans le détail, et ça, c'est important. Parce que le problème, entre
autres, du mode proportionnel, c'est qu'on transfère du pouvoir des experts.
C'est compliqué à comprendre, ces choses-là. Henri Brun, ce n'est pas un deux
de pique, là. Pourtant, Henri Brun m'appelle en disant : Christian, est-ce
que tu peux m'aider? Moi, je lui dis : Écoute, là, j'en comprends un peu.
Puis ça, ce n'est pas juste de la démagogie, ce n'est pas vrai, ça. C'est vrai
qu'il y a une dépossession des citoyens parce que le système est plus complexe.
Aussi, Louis Sormany va vous parler, il y a un transfert du pouvoir au parti,
donc...
Mais pour revenir à votre point de base,
je comprends que les... je suis totalement d'accord, moi, j'ai écrit des livres
là-dessus, que les anglo-québécois, c'est des citoyens à part entière, j'en
conviens, mais ce que je dis, c'est que la réalité actuelle leur donne des
avantages. Ils ont des comtés protégés où ils sont majoritaires, mais c'est
vrai que, globalement, parce qu'ils sont concentrés dans des comtés, puis ça,
c'est une loi de la politique québécoise, à pourcentage égal, les libéraux ont
toujours moins de comtés de... je m'exprime mal, à pourcentage égal, il faut
toujours plus de votes aux libéraux pour l'emporter parce qu'une partie de leur
appui est concentré dans certains comtés. C'est un avantage, c'est le droit de
veto. Le droit de veto, c'est un privilège que le Québec avait au sein du
Canada, on y a seulement renoncé. Là, ce qu'il nous reste, c'est qu'au sein du
Québec, on a un mode un scrutin qui est là puis qui nous...
Moi, si on n'avait pas eu le mode de
scrutin, moi, je trouve qu'on serait passé beaucoup plus au cash, je m'excuse
de la vulgarité, là, si... à la suite de nos deux échecs référendaires. Ça nous
a protégés jusqu'à un certain point parce que ça a protégé notre Assemblée
nationale puis ça fait en sorte que la majorité francophone est restée la
majorité francophone.
Et l'histoire est là, là. Je le dis à
chaque fois, je sais que plus personne ne veut en parler, là, mais ça a eu des
effets, ça a encore des effets. On n'est pas indépendants, on n'est pas société
distincte, on est vulnérables, puis on a une institution qui nous protège puis
on va y renoncer de nous-mêmes. Moi, je trouve ça masochiste.
Mme LeBel : Avec beaucoup de
respect, M. Dufour, pour votre opinion, j'ai l'opinion contraire. Je ne
pense pas qu'on renonce à nos institutions, puis, d'ailleurs, vous faites des
affirmations dans votre mémoire, dans votre livre aussi, mais dans votre
mémoire particulièrement, peut-être que vous les ramenées, vous faites des
affirmations, et je ne comprends pas sur quoi vous vous basez. Puis je vais
vous donner l'occasion de vous expliquer parce qu'il me reste peu de temps.
Un mode de scrutin proportionnel,
effectivement, a tendance à produire plus de gouvernements minoritaires ou de
gouvernements de coalition, c'est factuel. Là-dessus, on va s'entendre.
Maintenant, je ne comprends pas en quoi cela crée une instabilité
gouvernementale et un gouvernement plus faible. D'ailleurs, dans le passé, on a
eu des gouvernements minoritaires avec le mode de scrutin actuel, et moi, je
suis intimement convaincue que, dans le futur, compte tenu du contexte
politique actuel, c'est-à-dire de l'émergence d'au moins, pour l'instant,
quatre partis politiques qui ont trouvé leur place à l'Assemblée
nationale — on a trois oppositions maintenant — je suis
convaincue qu'on va avoir de plus en plus de gouvernements minoritaires, même
dans le mode de scrutin actuel. Mais ni vous ni moi n'avons boule de cristal,
c'est ma conviction. Mais je pense un peu que, un, vous l'avez dit, je crains
la nouveauté, c'est de la nouveauté, mais je ne comprends pas en quoi un
gouvernement minoritaire affaiblit nécessairement s'il est légitimement élu,
s'il est légitimement constitué. Même maintenant, dans le mode actuel, on remet
souvent, moi, je pense à tort, en cause, des décisions... je vais prendre a CAQ
parce que c'est elle qui est au pouvoir, parce qu'on a été élu avec 37 %
des voix, on nous dit : Vous avez la majorité des sièges, mais vous n'avez
pas la majorité de l'appui. Je l'ai encore entendu ce matin.
Donc, je n'achète pas ça, mais ça fait
partie aussi de l'argumentaire dans le mode actuel, avec respect pour mes
collègues qui l'ont prononcé, mais ça fait aussi partie de l'argumentaire dans
le mode de scrutin actuel. Alors, je ne comprends pas. À part une crainte et
une peur de la nouveauté, honnêtement, M. Dufour, je ne comprends pas.
M. Dufour (Christian) : Bien
moi, je suis... en termes d'institution politique, je peux être un
conservateur, je l'admets et je l'assume, puis je trouve que, pour les
Québécois, il faut l'être un peu, il faut être réaliste.
• (15 h 20) •
Pour répondre à votre question, bon, moi,
je pourrais avoir quand même une pensée politique un peu nuancée, là. Je ne
suis pas en train de vous dire que les gouvernements minoritaires, c'est toujours
l'horreur puis que même les gouvernements de coalition, ça ne pourrait jamais
marcher. Je ne parle pas du tout de la légitimité. Je voyais que
M. Milner, hier, me faisait dire que je contestais la légitimité des gouvernements
minoritaires. Pas du tout. Je trouve qu'un gouvernement minoritaire québécois
est totalement légitime, je parle de force...
M. Dufour (Christian) :
...nuancer, là. Je ne suis pas en train de vous dire que les gouvernements
minoritaires, c'est toujours l'horreur puis que même les gouvernements de
coalition, ça ne pourrait jamais marcher.
Je ne parle pas du tout de la légitimité.
Je voyais que M. Milner, hier, me faisait dire que je contestais la
légitimité des gouvernements minoritaires. Pas du tout. Je trouve qu'un gouvernement
minoritaire québécois est totalement légitime, je parle de force, tout
simplement. Je parle de... un gouvernement de coalition, par définition, hein,
ça implique des marchandages, des négociations, des compromis, des plus petits
communs dénominateurs.
Regardez ce qui s'est passé en Allemagne,
des exemples à l'étranger. Je ne parle pas d'Israël, où c'est la
proportionnelle intégrale, qui est une aberration. Je parle d'autres pays et
depuis un an, depuis que je me suis lancé dans le livre, les exemples se sont
multipliés en Espagne, en Italie, en Allemagne, on nous parle toujours de
l'Allemagne. Angela Merkel, la chancelière... Allemagne, qui n'était quand
même pas un deux de pique, elle a manoeuvré pendant des mois, pendant des mois
pour essayer de se constituer un gouvernement un tant soit peu stable et puis
elle a baissé pavillon puis elle a annoncé son retrait à cause de ça.
Je veux rester nuancé. On n'est pas entre
l'horreur absolue et... s'il n'y avait pas l'affaiblissement de la majorité
francophone québécoise... puis ça, je vous le rappelle parce que je trouve
qu'on l'oublie un peu trop au Québec puis les jeunes ne sont peut-être pas
conscients de ça. Ma position serait peut-être moins tranchée. Mais moi, on ne
m'enlèvera pas de l'idée qu'en termes de force —je ne parle pas de
légitimité, là — en termes de force, il n'y a rien de plus fort qu'un
gouvernement majoritaire dans le régime britannique.
Et pour terminer, notre système, si
critiqué, a quand même permis l'émergence de deux nouveaux partis : la
CAQ, dont vous faites partie, Mme la ministre, et Québec solidaire. Les deux
gagnants de la dernière élection, ce sont deux nouveaux partis, ce qui montre
que notre mode de scrutin n'est pas réfractaire à l'apparition de nouvelles
forces. Et pour terminer, justement parce qu'on entre dans une époque... on vit
une rupture, bon, il y a une tendance à l'effritement du pouvoir, je suis...
d'accord avec vous. Mais je trouve qu'au Québec, le pouvoir québécois, je
pense, il ne faut pas encourager cet effritement du pouvoir là, ce n'est pas...
puis on va être les seuls au Canada à faire ça, madame. Il n'y a personne
d'autre qui va faire ça, on va être les seuls à faire ça. Il y a juste nous qui
faisons ça. Je trouve ça imprudent. Mettons que je veux être très, très, très
modéré, je trouve que le moins qu'on puisse dire, ce n'est pas très prudent.
Mme LeBel : Alors, merci pour
votre modération de fin de course, M. Dufour. Je n'ai pas d'autre
question.
Une voix
: ...
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de LaFontaine, s'il
vous plaît.
M. Tanguay
: Oui, merci
beaucoup, M. le Président. Bonjour, M. Dufour, heureux de vous accueillir.
J'ai une réponse, moi, pour Mme la ministre, qui vient de dire — je
la paraphrase, mais en substance, c'est ce qu'elle a dit — : En quoi
les gouvernements minoritaires sont plus faibles? En quoi les gouvernements
minoritaires sont plus faibles?
Bien, les gouvernements minoritaires sont
plus faibles, ils ne pourraient pas passer quatre bâillons en moins de
huit mois, puis ça, c'est un fait. Et le premier ministre et la CAQ, qui
nous dit : Vous serez sous une gouverne de coalition, d'écoute, de
consensus, de considération, le premier ministre n'arrête pas matin, midi,
soir. Puis on va en faire les frais demain à partir de 8 heures jusqu'à
tard aux petites heures, demain, d'un quatrième bâillon en moins de
huit mois.
Le premier ministre dit : Moi,
37 % de la population m'a élu pour faire ce que je veux faire, je le fais,
j'ai un mandat suffisamment fort. Donc déjà là, il y a une contradiction
énorme. Le premier ministre ne pourrait pas faire quatre bâillons en moins
de huit mois sous un tel système proportionnel et il dit qu'il a besoin de
ça, que c'est son mandat et qu'il doit le remplir. Alors, déjà là, à la
ministre, très clairement, question toute simple de la ministre : En toute
bonne foi, en quoi un gouvernement minoritaire est plus faible? Bien, en ça. J'ai
beaucoup de petits points, M. Dufour, à discuter avec vous alors je vais
essayer de garder mes questions courtes pour qu'on puisse aborder différents
éléments. Vous avez... et j'ai lu votre livre attentivement, une perspective
historique et sociologique quant au Québec. Québec, société distincte, Québec
qui vit dans un univers où, tout autour, il y a des gouvernements qui ont des
mandats forts, des gouvernements qui sont sur des systèmes qui permettent
d'élire des mandats forts. On nous a beaucoup cité, ici, la citation de
René Lévesque au début des années 1970, à l'effet que le système actuel
était démocratiquement infect. Mais démocratiquement infect, lorsque ça a été
prononcé dans le contexte des années 1970 et 1973, où à peu près 23 %
et 30 % des votes lui donnaient six, sept députés... en 1976,
41 % des voix, gouvernement majoritaire, et en 1981, 49 % des
voix, gouvernement majoritaire. Ça, ce n'était plus le système démocratiquement
infect et qui a permis au premier mandat de René Lévesque de passer de
grandes lois québécoises. La loi 101, la Loi sur les consultations
populaires, le financement des partis politiques et ainsi de suite.
Alors, ça, c'est réellement important
aussi puis j'aimerais vous entendre là-dessus, de ne pas faire la dichotomie,
là, être binaire, de dire : Bien, il y a le grand pas qu'on pourrait faire
faire au Québec avec le mode de scrutin et le statu quo. Je suis avec vous à
100 % quand vous dites que nous devrions analyser ce que l'on considère le
statu quo comme étant — puis j'aimerais vous entendre
là-dessus — un outil formidable qui a fait du Québec, aujourd'hui,
une société forte, une société ouverte, confiante en elle-même puis qui a tous
les moyens de son développement. J'aimerais vous entendre là-dessus, sur la
réhabilitation ou la prise de conscience que finalement, le système actuel a
bien servi les Québécois.
M. Dufour (Christian) :
Merci. Je suis d'accord avec ça, j'ai écrit un livre pour essayer de démontrer
ça. Le système actuel, d'abord, les Québécois se le sont approprié. On n'en a
pas connu d'autres. Et je trouve que toute la démagogie sur le fait que c'est
un héritage du colonialisme britannique, je trouve d'une superficialité
incroyable. C'est vraiment ne pas connaître l'histoire que de ne pas voir
que...
M. Dufour (Christian) :
...merci. Je suis d'accord avec ça, j'ai écrit un livre pour essayer de
démontrer ça. Le système actuel, d'abord, les Québécois se le sont approprié.
On n'en a pas connu d'autres. Et je trouve que toute la démagogie sur le fait
que c'est un héritage du colonialisme britannique, je trouve d'une
superficialité incroyable. C'est vraiment ne pas connaître l'histoire que de ne
pas voir que la France de l'ancien régime n'était pas démocratique. Toutes les
institutions démocratiques, désolé, là, c'est d'origine britannique. Puis, le
Québec serait-il indépendant, qu'il n'y a rien qui serait changé à ça. Et ça a
joué... J'ai une analyse de la Conquête qui est nuancée. Il y a eu un aspect
destructeur dans la Conquête, mais il y a un aspect en partie fécondation. Et moi,
je défends les institutions britanniques.
Le mode de scrutin actuel, il n'est pas
parfait, mais il tient très bien la route. Et les résultats de la dernière
élection l'ont démontré de façon éclatante parce qu'il permet la formation de gouvernements
forts. On n'est pas indépendants, puis il y a bien des gens qui ont du chagrin
pour ça, mais au moins, on a un système qui nous donne des vrais premiers
ministres puis des vrais gouvernements. Puis je ne vois pas pourquoi on
renoncerait à ça. Est-ce qu'on veut finir comme une tribu les Québécois? Bon.
Donc ça, je trouve que c'est très, très important.
Et l'autre point, excusez, là, votre autre
point, mais...
M. Tanguay
: ...pu
permettre aussi, j'allais là-dessus, l'émergence, vous l'avez mentionné, de
nouveaux partis. La CAQ et Québec solidaire ont pu émerger lors des dernières
élections. Et que le système en place, il ne faut pas le voir comme étant
nécessairement une machine à bipartisme.
M. Dufour (Christian) : Ah
oui! Non, non, excusez, je reviens. René Lévesque, ça, c'est important René
Lévesque. Parce que moi, je suis née en 1950, j'avais 20 ans en 1970. Je m'en
souviens, moi. Puis, j'ai voté pour le Parti québécois en 1970 puis en 1973.
Puis je me souviens du contexte. Je trouve, c'est honteux ce qu'on fait dire à
René Lévesque. C'est honteux, hein?
Parce qu'en 1970, là, rappelons
l'histoire, là, le Parti québécois c'était la force émergente, comme Québec
solidaire aujourd'hui jusqu'à un certain point, avec plus d'enthousiasme, si
vous me permettez. Et en 1970, donc, le PQ réussit à avoir 23 % des voix,
puis on a sept députés. Ça nous a rendus malade. On se disait : Ark! le
système, ça ne marche pas, ça ne marche pas. Trois ans après, le PQ monte à
30 % des voix, puis on a six députés. On baisse d'un député. Et c'est là
que là, René Lévesque a dit ce qu'on pensait tous, ce que moi je pensais, tous
aussi, on disait : Ça n'a pas d'allure ce système de fou là, hein?
Puis comme vous l'avez dit, trois ans
après, bien, le PQ prend le pouvoir avec 41 % des voix puis fait la
Révolution tranquille, bien, il complète la Révolution tranquille que les
libéraux avaient commencé avec la Charte de la langue française, tout ça. Et
M. Lévesque n'a pas beaucoup fait d'efforts après pour le réformer le mode
de scrutin. Je ne sais pas si vous avez noté, là. Il a eu deux gouvernements
majoritaires puis ça n'a pas été sa priorité.
Moi, je suis convaincu qu'avec un mode de
scrutin proportionnel, on n'aurait pas eu de Charte de la langue française,
hein? On n'aurait pas eu la Loi sur la laïcité, ça me semble assez évident. On
n'aurait pas eu de mesures controversées. On aurait des mesures mollassonnes,
consensuelles, parce qu'on discuterait, on placoterait, on serait dans les
compromis, les... mais des mesures fermes... Vous savez, la Loi sur la laïcité,
qu'on soit pour ou contre, il fallait l'imposer, hein? Et je trouve que ce
n'est pas dans une dynamique proportionnelle qu'on veut ça. Parce qu'une
dynamique proportionnelle, c'est une dynamique qui se veut gentillette,
intellectuelle, c'est la vertu. Les sondages le montrent, hein, quand il y a
des sondages, les gens sont pour la proportionnelle. Alors, comment être contre
la vertu, hein, c'est...
Donc, René Lévesque, je trouve... Que Dieu
ait son âme, là, mais je trouve que c'est dans un contexte très spécifique
qu'il a dit ça. Et moi, j'aimerais peut-être que ceux qui... les militants pour
la proportionnelle ont des arguments qui peuvent se défendre, mais franchement,
l'argument de René Lévesque et du colonialisme, c'est tellement superficiel cet
argument-là.
M. Tanguay
: ...en
quatre minutes qu'il me reste. On pourrait en parler très longuement avec
des... effectivement, des exemples à l'appui. Vous avez parlé de Jean Lesage,
Révolution tranquille, les premiers mandats de René Lévesque, et ainsi de
suite, et aujourd'hui, le premier ministre de se dire : Bien, je peux
faire quatre baillons en huit mois, puis ça, je fais avancer le Québec, chose
qu'il ne ferait pas et qu'à l'époque les autres n'auraient pas pu faire.
Trois points de façon efficace en moins de
quatre minutes. Vous effleurez dans votre livre, pas vous l'effleurez, vous
l'aborder, sur les deux classes de députés, éloignement, surtout en région, des
députés et des citoyens. J'aimerais vous entendre là-dessus parce qu'on semble
nier, puis je ne vise pas personne, là, dans le débat, où ne semble pas
mettre — je vais dire ça positivement — suffisamment
l'emphase sur le fait que de facto, un député de liste, la manière dont il est
élu, la manière dont il sera désigné par son parti politique à portes closes
versus les députés de circonscription qui, aussi, devront aller sur le terrain
pour se faire élire, dans les faits, on a deux classes, deux types de députés.
Et ça, ce n'est pas anodin.
En Abitibi, on va dire : Bien, vous
avez le même nombre de députés, vous en avez trois. Mais on va faire deux
grands comtés que les élus de circonscription devront parcourir et courir, puis
il y en aura un régional qui devra couvrir l'entièreté de la région. Donc, on
passe de trois députés qui ont chacun leur tiers à trois députés qui ont une
part énorme territoire-population. Et ça, ce n'est pas anodin.
M. Dufour (Christian) : Je
suis d'accord avec vous. Mon collègue, Louis Sormany, avec lequel j'ai
travaillé de concert beaucoup dans ce dossier-là, a focalisé sur cet aspect-là,
régional, les deux types de députés. Il comparaît dans une heure, donc il va
pouvoir vous parler de ça encore plus que moi.
• (15 h 30) •
Mais je voudrais quand même répondre un
peu. C'est vrai que notre... le système actuel, il a un côté groundé, si vous
me permettez l'expression, enraciné dans le territoire, hein? Un député, là,
c'est un personnage local important. Les régimes proportionnels, c'est plus
intellectuel, c'est plus des constructions de l'esprit. Donc, c'est pour ça que
ça peut satisfaire les gens qui trouvent qu'il faut que ça soit juste, il faut
que ça soit esthétique ou que ça soit beau. Mais, en pratique, il y a un
éloignement, c'est clair, en fait, des représentants par rapport à leurs
commettants. Les comtés vont être plus grands. Suite à la...
15 h 30 (version non révisée)
M. Dufour (Christian) : …un
député, là, c'est un personnage local important. Les régimes proportionnels,
c'est plus intellectuel, c'est plus des constructions de l'esprit. Donc, c'est
pour ça que ça peut satisfaire les gens qui trouvent qu'il faut que ça soit
juste, il faut que ça soit esthétique ou que ça soit beau. Mais, en pratique,
il y a un éloignement assez clair, en fait, des représentants par rapport à
leurs commettants. Les comtés vont être plus grands. Ceux dans la publication
de mon livre, j'ai eu quand même plusieurs députés qui sont entrés en contact
avec moi, de régions, puis qu'ils… c'était «off the record», puis que, souvent,
c'était des députés péquistes ou caquistes, là, puis la discipline de parti,
qui étaient très préoccupés par ça, en disant : Ce n'est pas réaliste, ce
n'est pas concret.
Moi, je crois que… et aussi, à un moment
donné, il va vous en parler plus, parce que je ne veux pas parler de ce que je
ne maîtrise pas assez, mais je crois que le problème d'un système
proportionnel, c'est que ce n'est pas plus démocratique que le mode actuel, ce
l'est moins parce que ça transfère du pouvoir qui est détenu actuellement par
les citoyens, ça le donne, d'une part, à des experts et, d'autre part, à des
appareils de parti.
M. Tanguay
: Deux
points rapides. L'avant-dernier point. Vous dites, dans votre livre, à la
page 110 : «Ce qu'il faut retenir, c'est que ça rendrait l'ensemble
des députés encore plus dépendants des partis qu'ils ne le sont actuellement.»
Et vous ciblez, bien évidemment, les 45 députés qui seront désignés par
les bonzes du parti, à porte-clause, sur la liste, ça va les rendre encore plus
dépendants des partis, et ça, vous le notez, ce n'est pas anodin.
M. Dufour (Christian) : Ils
le sont déjà beaucoup, les députés. Actuellement, dans mon livre, j'ai écrit
une section sur les députés parce que moi, je valorise beaucoup les députés, ça
m'émeut même d'être ici, parce que vous avez un statut particulier, vous êtes
les gardiens du pouvoir québécois, je trouve, les députés.
Et, dans ce sens-là, c'est vrai que, si on
veut les rendre plus dépendants, forcément, surtout les députés de région, là,
c'est évident qu'ils vont être plus dépendants des… C'est la dynamique, et
c'est une dynamique qui est très profonde. Il faut résister à ça. Dans ce sens-là,
c'est vrai que je peux être conservateur, Mme la ministre le soulignait, mais
c'est un conservatisme de bon aloi, hein? Je trouve que c'est bien beau le
progressisme puis le progressisme puis la parité puis la réingénierie de la
société, là, mais il y a des choses, vous savez, qui sont issues du passé qui
sont bonnes, qui ont fait leurs preuves, et nos bons vieux députés, vous en
êtes, des bons vieux députés, dans le bon sens, bien, je trouve que ça tient la
route, quelque part, il y a une humanité, il y a un côté concret. La
proportionnelle, c'est une construction de l'esprit, en partie, hein?
M. Tanguay
: Dernier
point, dans les quelques secondes qui me restent, que vous n'aurez pas le temps
de commenter, mais j'ai souligné, page 134-135 de votre livre, que vous
faites une distinction. Parce qu'on nous dit beaucoup : Ah! ça, c'est
attendu par le peuple, c'est demandé par le peuple. Puis, dans le fond, vous…
pressez-vous à l'adopter ce projet de loi là, c'est voulu, c'est attendu, ne vous
cassez pas la tête. Vous dites : Attention, il faut faire une distinction
entre trois choses : l'élection du gouvernement le 1er octobre, sous
cette entente-là, et les partis, les sondages et les résultats d'un référendum.
C'est trois choses que l'on ne peut pas amalgamer.
M. Dufour (Christian) : Oui,
parce que les gens ont autre chose à vivre que la proportionnelle, hein, le
monde ordinaire, puis pas dans un sens péjoratif, là. Jusqu'à présent, moi, je
trouve que… vous allez trouver ça peut-être dur, mais je trouve qu'il y a une
tentative de coup de force dans ce dossier-là, par des élites, par des
sondages, et ça, ça m'inquiète un peu.
Mais je trouve que, quand on dit que les
gens veulent la proportionnelle… Je sais qu'il y a une coalition, là, pour la proportionnelle,
maintenant, qui prétendait représenter 2 millions de personnes. Aie!
Soyons sérieux, là. Est-ce que vous pensez que les Québécois veulent la
proportionnelle comme ça? Ce n'est pas sérieux.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Gouin, s'il vous
plaît.
M. Nadeau-Dubois : Bonjour,
M. Dufour. Vous l'avez reconnu vous-mêmes, votre discours n'est pas
modéré, mais il a le mérite d'être clair. Et ça, c'est le moins qu'on puisse
dire.
Vous parlez beaucoup de force du pouvoir
québécois, mais, en fait, puis, par moment, vous le reconnaissez vous-mêmes,
vous parlez moins, si je vous comprends bien, de la force du pouvoir québécois
que de la force du gouvernement québécois, c'est-à-dire du pouvoir exécutif
québécois. Et je vais vous dire, en toute sincérité, ça me surprend pour un
nationaliste, parce que je pense que vous vous définissez comme nationaliste,
puisque la Société Saint-Jean-Baptiste, quand elle est venue nous voir, nous a
fait précisément l'argument inverse. La Société Saint-Jean-Baptiste nous a dit,
et j'étais d'accord avec elle, qu'en fait une représentation plus
proportionnelle, ça ne rend pas le gouvernement plus faible, ça le rend plus
redevable. À l'égard de qui? À l'égard de l'Assemblée nationale et des députés,
dont vous venez tout juste de faire l'éloge. Un gouvernement où il y a plus de
redevabilité envers l'Assemblée nationale, c'est un gouvernement qui est plus
redevable envers l'institution, qui est au coeur de notre culture politique,
l'Assemblée nationale du Québec. Et ça aussi, ça nous distingue du reste du
Canada.
Alors, je me surprends, comme
nationaliste, de vous entendre vouloir valoriser tant le pouvoir exécutif qui
est un pouvoir — puis, là-dessus, mon collègue de l'opposition
officielle a raison de le dire — qui a autant une capacité d'écraser
le pouvoir législatif, qui est le pouvoir des députés, qui est le pouvoir de
l'Assemblée nationale du Québec.
Donc, j'aimerais ça que vous m'expliquiez
pourquoi vous êtes en désaccord avec cet argument qui, si vous le voulez, pour
les bienfaits de notre exercice, n'est pas le mien, mais celui de la Société
Saint-Jean-Baptiste, qui nous disait : Un des grands bienfaits d'une
réforme du mode de scrutin, c'est de revaloriser et de redonner du pouvoir à
l'Assemblée nationale du Québec, qui est le coeur battant, en fait, de la
majorité francophone québécoise.
M. Dufour (Christian) :
Oui, je suis censé rencontrer M. Laporte mardi parce ce n'est pas les...
Les gens de la Société Saint-Jean-Baptiste ne sont pas à l'unisson dans ce
dossier-là. La position de M. Laporte n'est pas partagée par tout le
monde.
M. Nadeau-Dubois : ...
M. Dufour (Christian) :
Mais je ne suis pas sûr de comprendre les subtilités de votre argument.
Moi, c'est assez simple, mon affaire, là.
C'est qu'il y a un équilibre entre l'aspect...
M. Nadeau-Dubois : ...de
la majorité francophone québécoise.
M. Dufour (Christian) :
Oui, je suis censé rencontrer M. Laporte mardi parce ce n'est pas les...
les gens de la Société Saint-Jean-Baptiste ne sont pas à l'unisson dans ce
dossier-là. La position de M. Laporte n'est pas partagée par tout le monde.
M. Nadeau-Dubois : ...
M. Dufour (Christian) :
Mais je ne suis pas sûr de comprendre les subtilités de votre argument.
Moi, c'est assez simple, mon affaire, là.
C'est qu'il y a un équilibre entre l'aspect représentation, hein, le pouvoir législatif,
puis l'aspect gouvernance, le pouvoir exécutif et, si tu vas trop loin dans un
sens, tu affaiblis l'autre. C'est aussi simple que ça. Et, moi, ce que je
défends, ce n'est pas le pouvoir exécutif, c'est le pouvoir québécois au sens
le plus large, hein? C'est le pouvoir du seul gouvernement contrôlé par une
majorité francophone en Amérique. C'est ça que je défends.
Il y a un équilibre dans nos institutions,
c'est vrai. Moi, je trouve que cet équilibre-là me va. On pourrait le
sophistiquer, le raffiner. Mais là, les gens qui sont pour la proportionnelle,
ce qu'ils proposent à quelque part, c'est une... vous allez trouver que je ne
suis pas modéré, mais je le pense, c'est comme une révolution un peu. Hein,
c'est un changement de culture très, très profond, là. On ne demande pas une
amélioration du système par la bande, là, parce que c'est vrai qu'il faut
l'améliorer. Il y a un tas de mauvais côtés à la proportionnelle. On aurait
plus de mauvais côtés. Mais là on nous propose vraiment un saut dans l'inconnu
puis on veut vraiment un changement de culture complet. Donc, moi, ça ne
m'intéresse pas, un changement de culture complet parce que je trouve que notre
gouvernement tient bien la route.
Le gouvernement Legault tient bien... Vous
savez, les libéraux, les gens étaient tannés. Bon, on les a mis dehors. Puis
là, on a un gouvernement Legault qui n'est peut-être pas parfait, mais qui nous
satisfait pendant un certain temps puis dans quatre ans, s'il y a une trop
grosse usure, une alternance. Peut-être que Québec solidaire qui sait, un jour.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, M. Dufour. M. le député de Rimouski,
s'il vous plaît.
M. LeBel : Merci, M. le
Président. Bonjour, M. Dufour. Les années 70, là, je ne me souviens
pas vraiment, là. Mais je me rappelle 84, j'étais avec M. Lévesque à
l'exécutif national, puis il y croyait toujours. Il y avait toujours un projet
qui était déposé. Il y croyait toujours, à la proportionnelle en 84.
Vous parlez de folies, je vais dire :
Depuis une semaine, on a rencontré beaucoup de monde fou parce qu'il y en a
plusieurs qui y croient encore, qui y croient à la proportionnelle, qui veulent
arriver à un projet qui va faire en sorte que chaque vote compte.
Je partage, par exemple, votre sentiment
que, le Québec, là, on est un peu... on a des choses à défendre, on est un
peu... mais c'est un peu sur la défensive, je trouve. C'est comme si c'était un
prix de consolation de garder notre Parlement comme il est là parce que... pour
se protéger. Est-ce qu'on peut se projeter plus loin?
Des gouvernements forts, ça ne nous a pas
empêchés... là, il y a un gouvernement fort, puis le fédéral va nous contester
sur la loi n° 21. On a des motions unanimes à tout
bout de champ avec un gouvernement fort, mais ce n'est pas plus écouté par le
fédéral. Ça fait que ça ne change rien à mon avis.
Puis, le pouvoir franco, moi, ce que j'ai
vu, les francophones surtout des régions, il n'y a pas si longtemps, il y avait
cinq comtés dans le Bas-du-Fleuve puis là il y en a trois. On a perdu beaucoup
de pouvoir, les francophones des régions, depuis années, avec le système
actuel. Ce qu'on est en train de proposer là va protéger notre pouvoir en
région. On est en train de... c'est un projet qui est fait un peu pour ça.
Moi, je pense qu'on est rendu à faire ce
changement de culture. Vous parlez de la culture, mais, dans le Parlement, je
le vois, il y a un changement culturel. L'arrivée des plus jeunes, ça a amené
des changements de culture, des façons de faire de la politique, et je pense qu'on
est mûrs pour cette réflexion-là.
M. Dufour (Christian) :
Moi, en tout respect, je suis désolé que le PQ se soit embarqué là-dedans, là,
pour être franc.
M. LeBel : Je savais que
vous alliez me dire ça.
M. Dufour (Christian) :
Parce que ça s'appelle le Parti québécois, en principe, hein, puis, moi, je
crois que ça va diluer le pouvoir québécois puis le pouvoir de la majorité
francophone.
Quand vous parlez de «chaque vote compte»,
c'est une aberration, ça, de dire chaque vote compte. Il n'y a aucun système
qui va permettre que chaque vote compte. On est dans l'idéalisme, on est dans
la morale. On n'est pas dans la politique comme telle.
Pour les effets sur les régions qui sont
fondamentaux, vous êtes un député des régions, beaucoup... je vous réfère
encore à mon collègue Louis Sormany qui va vous en parler des effets
là-dessus, que ce n'est pas vrai que ça va améliorer la situation des régions.
Ça va la rendre...
Et quand vous dites... en tout respect,
M. LeBel, je vous trouve résigné. Vous dites : Au fond, on est rendu
là, on n'a pas le choix. Bon, c'est sûr que ce n'est pas un miracle.
M. LeBel : ...que j'ai
dit.
M. Dufour (Christian) :
Pardon?
M. LeBel : Ce n'est pas
ce que j'ai dit.
M. Dufour (Christian) : En
tout cas, je m'excuse. De toute façon, je ne veux pas...
M. LeBel : C'est un changement
culturel. Et il y a quelque chose qui est en train de se passer puis je trouve
ça positif.
M. Dufour (Christian) : Mais
je trouve que des fois, il faut résister un peu au changement, hein, parce que
ce n'est pas tous les changements qui sont bons aussi. Et je ne prétends pas
que le mode de scrutin actuel, c'est merveilleux et puis que ça règle tous les
problèmes. Mais ce que je dis, c'est que si on le perd, on va le regretter
parce qu'on va voir qu'il y a des problèmes qu'on n'avait pas, qu'on va se
mettre à avoir. Il faut être très... On est une minorité. La majorité
francophone québécoise, elle est majoritaire au Québec, mais faut-il rappeler
qu'elle est très minoritaire partout dans le reste — je m'excuse de
radoter — qu'elle a perdu deux référendums, qu'il y a une loi
constitutionnelle de 1982, qu'il y a une Cour suprême, qu'il y a une Charte des
droits, qu'on n'est pas société distincte, qu'on n'est pas indépendant. Je sais
que ça peut faire lourd, mais ça, c'est...
Le Président (M.
Bachand) : Merci.
M. Dufour (Christian) :
...donc il y a de quoi être un peu conservateur, vous ne trouvez pas?
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup.
M. Dufour (Christian) : Vous
ne trouvez pas qu'il y a de quoi être un peu conservateur...
Le Président (M.
Bachand) : O.K. s'il vous plaît!
M. Dufour (Christian) : ...de
garder ce qu'on a au moins.
Le Président (M.
Bachand) : S'il vous plaît, M. Dufour, Mme la députée de
Marie-Victorin a la parole, s'il vous plaît. Merci.
Mme Fournier
: Merci,
M. Dufour. J'ai lu votre livre. Je vous lis aussi assidument dans tous les
articles d'opinion que vous rédigez et que vous publiez. Je considère que vous
soulevez des éléments légitimes, cependant je suis en profond désaccord avec
votre argumentaire, puis je vous explique pourquoi.
• (15 h 40) •
En fait, je nous ramène dans le temps,
2013, le Parti québécois est au pouvoir, minoritaire, mais il n'a pas cette
culture des gouvernements minoritaires, de la culture de collaboration. Et le
gouvernement décide de proposer la charte des valeurs québécoises. Il y a des
mains qui sont tendues, par exemple de la Coalition avenir Québec, pour
modifier certains éléments du projet de loi et le rendre plus consensuel, si on
veut. Mais le gouvernement décide de s'en tenir à sa position, déclenche des
élections, notamment sur cette question-là, et finalement perd les élections...
Mme Fournier
: ...des
valeurs québécoises. Il y a des mains qui sont tendues, par exemple de la Coalition
avenir Québec, pour modifier certains éléments du projet de loi et le rendre
plus consensuel, si on veut. Mais le gouvernement décide de s'en tenir à sa
position, déclenche des élections notamment sur cette question-là et finalement
perd les élections, et le projet se retrouve aux calendes grecques. Finalement,
il faut attendre 2019, avec l'élection de la Coalition avenir Québec, pour
qu'un nouveau projet de loi sur la laïcité soit soumis à l'Assemblée nationale,
un projet de loi qui correspond à toutes fins pratiques au projet de loi qui
aurait été consensuel en 2013. Alors, bien respectueusement, je soumets que, s'il
y avait eu un gouvernement minoritaire avec une culture de collaboration en
2013, bien, le Québec aurait pu avoir une loi sur la laïcité beaucoup plus tôt,
six ans plus tôt, en fait. Avec un système de la sorte, donc, je considère que
ça permet en fait d'avoir des grandes lois, et de façon peut-être encore beaucoup
plus efficace, avec une plus grande collaboration des membres de l'Assemblée
nationale.
M. Dufour (Christian) : Bien,
vous avez raison que ça a été une grosse erreur, je trouve, pour le Parti québécois
à l'époque de ne pas accepter la main tendue de la CAQ, j'en conviens là-dessus,
mais il a fallu quand même un gouvernement majoritaire caquiste pour aboutir.
Ce que je vous répondrais, c'est que... Bon. Que vous préfériez plus de
collaboration, bon, c'est difficile de s'opposer à ça. Mais, moi, je trouve que
la politique, c'est quand même un combat depuis la Grèce antique, depuis
l'homme des cavernes, je pense. La politique, c'est un combat, c'est une
confrontation, et il y a des limites à l'angélisme puis, vous savez, les
discussions. On peut peut-être... Je ne suis pas en train de vous dire que les
gouvernements minoritaires, ça ne marche jamais, puis j'aurais préféré, moi,
que le PQ ait la sagesse d'accepter la main tendue et tout ça. Mais il reste
que ça ne s'est pas fait, puis ce n'est pas parce que Mme Marois était
méchante, la première ministre de l'époque, c'est que ce n'est pas dans notre
culture, c'est très enraciné, et ça ne changera pas comme ça, et c'est...
Mme Fournier
: Mais,
justement avec un changement du mode de scrutin, je vous soumets que la culture
politique va changer. On le voit un peu partout où est-ce que c'est implanté,
il y a des ententes ponctuelles qui sont faites sur les projets de loi. Mais
reconnaissez-vous que, s'il y avait eu ce genre d'entente en 2013, on aurait eu
une loi sur la laïcité?
M. Dufour (Christian) : Ça,
je le reconnais aisément. Et je pense que la culture politique changerait, mais
pas nécessairement dans le bon sens. Et aussi, ne soyons pas angéliques. Ça
fait... Les Québécois... Là, nous, on est des intellectuels, vous êtes des
députés, vous êtes... Mais le Québécois, puis pas dans un sens péjoratif,
populiste, là, enraciné, là, ça fait 200 ans qu'il est dans ce système-là, là,
hein, qu'il est dans une dynamique politique ancienne de type britannique, même
si ça déplaît à quelqu'un. Ça ne se change pas de même, ça ne se change pas de
même.
Le Président (M.
Bachand) : Sur ce, M. Dufour, merci beaucoup de votre
participation...
M. Dufour (Christian) : Ça
m'a fait plaisir. Merci de m'avoir écouté.
Le Président (M.
Bachand) : ...et, sur ce, la commission suspend ses travaux
quelques instants. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 15 h 42)
(Reprise à 15 h 45)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît!
Merci. La commission continue ses travaux. Alors, je souhaite la bienvenue à M.
Brian Tanguay, professeur au Département de science politique de l'Université
Wilfrid Laurier. Alors, M. Tanguay, vous avez 10 minutes de présentation, et
après ça on aura une période d'échange.
M. Tanguay (Brian) : C'est à
moi?
Le Président (M.
Bachand) : Alors, à vous la parole.
M. Tanguay (Brian) : C'est
bon?
Le Président (M.
Bachand) : Oui, c'est bon.
M. Tanguay (Brian) : Vous
m'écoutez? Bon. Merci bien pour m'avoir invité de paraître ici...
Le Président (M.
Bachand) : ...M. Brian Tanguay, professeur au Département
de science politique de l'Université Wilfrid Laurier. Alors, M. Tanguay,
vous avez 10 minutes de présentation, et, après ça... période d'échange.
M. Tanguay (Brian) :
C'est à moi?
Le Président (M.
Bachand) : Alors, à vous la parole.
M. Tanguay (Brian) :
C'est bon?
Le Président (M.
Bachand) : Oui, c'est bon.
M. Tanguay (Brian) :
Vous m'écoutez? Bon. Merci bien pour m'avoir invité de paraître ici. Je dois
dire qu'en 2003 j'ai été embauché par la Commission du droit du Canada pour
écrire la première ébauche du rapport Un vote qui compte : la réforme
électorale pour le Canada, qui représentait la culmination d'un long
processus de consultation publique et de recherche scientifique. Le rapport qui
a été soumis au gouvernement canadien en avril 2004 a recommandé un système électoral
mixte compensatoire, un peu semblable à celui utilisé en Écosse, Allemagne et
la Nouvelle-Zélande actuellement.
Je ne vais pas reproduire ici les raisons
pour lesquelles la Commission du droit est arrivée à ces recommandations, pour
crainte de gaspiller le temps de tout le monde, et je n'ai que 10 minutes
pour faire mes remarques.
Donc, en lisant le projet de loi n° 39,
je me suis dit que, si moi, Brian Tanguay, avait eu la chance s'esquisser un
modèle de réforme électorale, un système alternatif au statu quo, ça
ressemblerait beaucoup à celui décrit dans le projet de loi. Il ressemble, dans
ses grands traits les plus importants, à celui recommandé par la Commission du
droit il y a 16 ans. Et donc je dis : Bon travail. Excellent.
Même si je soutiens le système électoral
mixte compensatoire décrit dans le projet de loi, j'ai deux réservations assez
importantes. Premièrement, premièrement, les 17 régions utilisées pour les
listes et sièges compensatoires sont vraiment très, très diverses, surtout du point
de vue de la population. Avoir deux régions qui sont trois ou quatre fois plus
grandes que les autres pourrait, en fin de compte, et certainement après deux
ou trois cycles électoraux, soulever des questions parmi les électeurs
eux-mêmes en ce qui concerne l'équité de leur vote. Il vaut mieux, à mon avis,
chercher de créer des régions plus proches l'une de l'autre en termes de la population.
Il y a deux façons ou options pour
procéder : soit on réduit le nombre de régions pour créer à peu près 10 régions
plus grandes, dans ce cas, les résultats électoraux seront plus proportionnels puisque,
toutes choses égales, ..., plus grande la région compensatoire, plus
proportionnels les résultats, soit, en contraste, on pourrait diviser les
grandes régions telles Montréal pour créer plus de régions plus petites. Dans
ce cas-ci, les résultats seront moins proportionnels, mais les régions seront
plus proches aux électeurs du point de vue psychique, ce qui, dans mon expérience
personnelle, lors de la campagne référendaire en Ontario en 2017, compte pour beaucoup.
Deuxième réservation, et plus importante
que la précédente, le projet de loi stipule qu'un parti, pour obtenir des
sièges compensatoires, doit obtenir au moins 10 % des voix de liste à
travers la province. Je comprends très bien que ce seuil est le produit d'un
désir de faire des obstacles aux partis extrémistes, mais ce seuil est beaucoup
trop élevé, pourrait produire des effets pervers tels que je signalais dans la
version écrite en anglais de mes remarques.
Et le plus important, c'est que ce n'est
pas nécessaire. Ça représente une solution à un problème qui n'existe presque
pas, car ce n'est pas le système électoral qui, lui-même, produit l'extrémisme
ex nihilo, c'est beaucoup plus la société elle-même et les divisions au sein de
cette société qui comptent. Si on regarde les expériences de la
Nouvelle-Zélande, ou l'Écosse, ou même l'Allemagne, avec un système semblable à
celui recommandé par ce projet de loi mais avec un seuil formel beaucoup moins élevé,
on ne voit pas l'ingérence ou la prolifération des partis extrémistes ni la
paralysie qui est produite par ces petits partis et leurs demandes irréalistes,
qui fait peur à beaucoup de ceux qui opposent la réforme électorale.
• (15 h 50) •
Un seuil formel de 5 %, donc, du vote
de liste à travers la province serait...
M. Tanguay (Brian) : ...ni la
paralysie qui est produite par ces petits partis et leurs demandes irréalistes,
qui fait peur à beaucoup de ceux qui opposent la réforme électorale. Un seuil
formel de 5 %, donc, du vote de liste à travers la province serait
suffisant d'obtenir les résultats désirés.
En guise de conclusion, j'ai été très
bref, je voudrais souligner mon approbation pour la réforme esquissée dans le
projet de loi n° 39, à part les deux réservations que je viens de noter.
Et j'aimerais souligner aussi qu'il ne faut pas être obsédé par la recherche de
la proportionnalité parfaite, comme je pense est devenu le cas avec certains
tenants de la réforme électorale ailleurs au Canada. Et c'est surtout le cas, à
mon avis, avec Fair Vote Canada, avec laquelle j'ai travaillé depuis longtemps.
Les objectifs primordiaux sont d'abord de
renouveler le discours politique public en facilitant la représentation de
nouveaux courants d'opinions, de nouveaux partis dans la législature ici, au
Québec, et deuxièmement de donner plus d'opportunités aux candidats venant des
secteurs non traditionnels de la société, c'est-à-dire les femmes, les
minorités, les peuples autochtones. Et c'est cette sorte de réforme qui
pourrait faciliter cela. Le statu quo ne suffit pas.
La réforme contenue dans le présent projet
de loi, avec les deux modifications que j'ai indiqué, peut accomplir ces tâches
avec facilité. Et je dis : Bonne chance. Surtout, de mon point de vue, au
Canada anglais, où les tentatives d'introduire la réforme électorale ont toutes
échoué de façon assez désastreuse.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Merci, M. le
Président. Merci, M. Tanguay, de votre présentation. Je vais peut-être en
profiter pour en parler un peu, de votre expérience personnelle, parce que vous
avez fait quelques recommandations. Donc, je comprends que vous êtes pour une
réforme d'un mode de scrutin, tel qu'on le propose avec améliorations,
naturellement, mais à la base vous pensez qu'on s'en va vers un bon système,
là, pour les voteurs.
M. Tanguay (Brian) :
Exactement, oui.
Mme LeBel : Parfait. Je
comprends... Vous avez fait référence à l'Ontario qui a essayé également
d'introduire un tel système. On voit que ça a échoué pour d'autres raisons.
Mais ma question est la suivante, puis peut-être vous allez... Et vous avez
travaillé également au niveau canadien pour la réflexion sur un tel...
d'introduire un mode de scrutin proportionnel mixte. C'est exact?
M. Tanguay (Brian) : Oui.
Mme LeBel : Parfait. On a eu
une discussion précédemment avec la personne qui vous précédait sur le fait que
le Québec est une province, n'est pas un pays, et qu'on fait partie d'une
fédération. Est-ce que l'Ontario avait cette préoccupation-là également
d'affaiblir sa position au sein de la fédération? Parce qu'un mode de scrutin
proportionnel mixte donne nécessairement, de facto, des gouvernements plus
minoritaires ou des gouvernements de coalition. C'est un fait. Est-ce que cette
préoccupation-là existait? Puis qu'est-ce que vous en pensez, vous? Est-ce que
vous pensez que le Québec, s'il passait à un tel mode de scrutin, affaiblirait
sa position au sein de la fédération?
M. Tanguay (Brian) : Je suis
complètement en désaccord avec M. Dufour. Je ne pense pas que ça soit le
système électoral ni même le fait qu'il y a des gouvernements de coalition qui
affaibliraient le Québec. Si on regarde Angela Merkel, par exemple, est-ce
qu'elle est moins puissante, moins efficace puisqu'elle est en tête d'un
gouvernement de coalition? Non. C'est une question de leadership. Et je trouve
cela, la recommandation de Christian Dufour dans son livre, peu convaincant. Je
ne pense pas que le Québec se trouve dans une situation affaiblie s'il y a dans
l'avenir des gouvernements de coalition. C'est une question de leadership en
fin de compte.
Mme LeBel : Dans les
discussions qui ont lieu... qui ont eu cours en Ontario à l'époque, je pense
que c'est autour de 2007, si je ne me trompe pas...
M. Tanguay (Brian) : Oui.
Mme LeBel : ...est-ce que
cette notion-là... je comprends qu'il y a eu plusieurs débats, des pour et des
contre la réforme, mais dans le camp des contre, est-ce que cette idée
d'affaiblissement de l'Ontario face au fédéral était quelque chose qui
circulait?
M. Tanguay (Brian) : Non, pas
du tout. Les problèmes en Ontario étaient grands. D'abord, il n'y avait pas
assez de temps pour réfléchir, c'était une sorte de cédule assez compressée...
M. Tanguay (Brian) : …pas du
tout. Les problèmes en Ontario étaient grands, d'abord, il n'y avait pas assez
de temps pour réfléchir. C'était une sorte de cédule assez compressée. Deuxièmement,
il y avait une campagne assez efficace, campagne populiste. Donc, les critiques
soulevées contre la réforme étaient plutôt… d'abord, il y avait une
recommandation d'élargir la législation d'Ontario, et ça, c'est venu après le
gouvernement de Mike Harris, le gouvernement progressiste conservateur qui a
passé une loi qui était «Fewer Politicians Act».
Une voix
: Moins de
politiciens.
M. Tanguay (Brian) : O.K.
Donc, ça aurait pris le nombre de représentants en Ontario pour faire l'équité
entre le niveau fédéral et le niveau provincial. Et on peut devenir, à cause du
titre de la loi «Fewer Politicians», c'était… il y avait toutes sortes d'images
associées avec la classe politique, images assez malsaines. Et donc, lors de la
campagne, j'ai reconnu que beaucoup de monde n'aimait pas le fait que la
législature ontarienne serait grandie par une trentaine de sièges. Il y avait
une opposition à cela.
Il y avait aussi beaucoup de confusion à
propos de la réforme proposée. Ça, à mon avis, était un produit du fait que le
gouvernement lui-même était à contrecœur. Dalton McGuinty, le premier ministre
en Ontario à l'époque n'aimait pas l'idée d'un nouveau système électoral. Il y
avait peu de membres du cabinet qui soutenaient la réforme. Il y avait une
sorte de confusion parmi beaucoup de partis politiques. Même le parti
néodémocratique, qui devrait être en faveur de la proportionnalité, n'était pas
très public avec ses pensées. Donc, pour ces raisons, la réforme a échoué, de
façon assez spectaculaire d'ailleurs.
Mme LeBel : O.K. Et il n'y
avait pas de projet de loi concret qui était sur la table? C'était l'idée de
savoir si on voulait faire une réforme, mais il n'y avait pas de projet de loi
concret tel qu'on le présente, nous, ici au Québec, là?
M. Tanguay (Brian) : Exactement.
Il y avait le rapport de l'assemblée des citoyens, mais je sais de ma propre
expérience que c'était difficile de trouver ce rapport. Il n'y avait pas
suffisamment de rapport. Lors de l'été, il y avait beaucoup de monde qui me
demandait : Où est-ce que c'est, ce rapport, comment est-ce que je
pourrais le lire? Donc, du point de vue de l'éducation du citoyen, de
l'électeur, c'était une faillite en Ontario.
Mme LeBel : O.K. Vous faites
deux recommandations principales pour bonifier la proposition gouvernementale
présentement sur la table. Une de ces recommandations-là est de soit regrouper
certaines régions pour en diminuer le nombre, soit les fractionner pour en
augmenter le nombre.
M. Tanguay (Brian) : Oui.
Mme LeBel : J'imagine que
l'objectif principal de cette recommandation-là et le motif principal est
d'obtenir une plus grande proportionnalité?
M. Tanguay (Brian) : À mon
avis, oui. Mais je comprendrais très bien si on voudrait aller en sens inverse
pour agrandir le nombre des régions. Et c'est la raison pour laquelle que j'ai
indiqué que, pour moi, maintenant, à l'époque, ce n'est pas la proportionnalité
en elle-même qui compte le plus. C'est le fait même de réformer le système
électoral. Je pense qu'au Canada ce débat est devenu la victime d'un processus
de fétichisation, si je pourrais le dire. Le système est tellement important
pour les tenants du statu quo que même essayer de réformer ce système est vu,
est perçu comme étant assez extrême.
• (16 heures) •
Donc, le débat au Canada anglais est
devenu pour moi assez frustrant, et j'aimerais simplement qu'ici au Québec on
réforme le système, qu'on indique, on démontre aux gens que c'est… ce sont les
citoyens qui comptent le plus, qu'ils peuvent changer leurs institutions sans
que le résultat soit un cauchemar. Au Canada anglais, c'est présenté en des
termes assez malsains comme ça, que réformer le…
16 h (version non révisée)
M. Tanguay (Brian) :
...peuvent changer leurs institutions sans que le résultat soit un cauchemar.
Au Canada anglais, c'est présenté en des termes assez malsains comme ça, que
réformer le système, ajouter un élément de proportionnalité produirait un
cauchemar politique, avec des partis extrémistes, ce serait un peu semblable à
la république Weimar aux années 30, ou à l'Israël, ou à l'Italie de
l'après-guerre. Ce sont tous des exemples utilisés communément par les opposants
à la réforme.
Mme LeBel : Ce qui n'est
pas le cas, finalement.
M. Tanguay (Brian) :
Non, exactement. Il faut regarder l'expérience surtout de la Nouvelle-Zélande
et l'Écosse, aussi l'Allemagne, mais c'est un système assez différent. Je pense
que c'est l'Écosse, la Nouvelle-Zélande. Et, si on regarde ces deux cas, ça n'a
pas produit un cauchemar, pas du tout. Mais d'ailleurs, de l'autre côté, ce
n'est pas une panacée, ce n'est pas... ça ne représente pas le paradis
électoral politique. Mais ça pourrait réduire certaines pathologies dans notre système
actuel. Et donc, pour ça, je regarde le fait même d'essayer de réformer le système
électoral un pas en avant ici, au Québec, et pour les autres juridictions au
Canada.
Mme LeBel : ...très
certainement demander un changement de culture politique, un changement de
mentalité, un changement de nos façons de faire, là.
M. Tanguay (Brian) :
Oui, oui. Tout changement des règles de jeu produirait un changement de
mentalité, de culture, de comportement. Les partis politiques devraient, dans
l'avenir, apprendre à collaborer au lieu d'avoir notre système
"adversarial". Ce serait un changement assez majeur, mais pas la fin
du monde. C'est simplement ce que j'aimerais dire.
Mme LeBel : Merci
beaucoup, merci. Je n'ai pas d'autres questions.
M. Tanguay (Brian) :
Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme Robitaille : Merci,
M. le Président. Bonjour, monsieur, bonjour, M. Tanguay. Oui, je vous
écoutais, vous parliez de l'Allemagne. Bon, Mme Merkel a pris huit mois
avant de former son gouvernement de coalition la dernière fois. Mais
l'Allemagne a quelque chose que ce projet de loi là ne semble pas avoir, bien,
n'a pas, c'est, justement pour garantir une certaine stabilité, un encadrement
des motions de censure. Est-ce que vous pensez que, dans ce projet de loi là,
pour le bonifier, ça serait quelque chose d'important, ces... un encadrement
des motions de censure?
M. Tanguay (Brian) : Je
n'ai pas vraiment réfléchi à cela. Et, si je pourrais esquiver un peu, je ne
pense pas qu'il y a... il y ait des raisons pour ne pas avoir ce que vous
voudriez, même si on réforme le système électoral. Donc, c'est une... encore
une fois, un simple amendement à la loi actuelle ou au projet de loi actuel.
Mme Robitaille : Mais...
pourrait bonifier, qui pourrait... Vous n'avez pas de position là-dessus?
M. Tanguay (Brian) :
Non.
Mme Robitaille : Vous
parliez tout à l'heure de la population, vous parliez tout à l'heure de la
population en Ontario, rébarbative au changement et tout ça. Le fait que
c'était quand même un... comme disait mon collègue, votre cousin lointain,
M. Tanguay, député de LaFontaine, un bouleversement de... c'est un gros
changement de culture pour nous et tout ça, donc c'est des changements
fondamentaux importants. L'idée d'un référendum, vous êtes d'accord avec un...
vous pensez que c'est important, un référendum?
M. Tanguay (Brian) :
Moi... Si, encore une fois, c'était moi pour faire la réforme, j'introduirais
un nouveau système et donnerais deux cycles d'élection et après avoir un
référendum "confirmatoire". La raison pour laquelle je dis cela,
c'est qu'une campagne référendaire jusqu'ici... Donc, il y avait trois
campagnes en Colombie-Britannique, trois dans l'Île-Prince-Édouard et une en
Ontario. Et toutes ces campagnes ne produisaient pas l'éducation nécessaire
pour le citoyen, pour l'électeur de faire une décision informée...
M. Tanguay (Brian) : …trois
dans l'Île Prince-Édouard et une en Ontario. Et toutes ces campagnes ne
produisaient pas l'éducation nécessaire pour le citoyen, pour l'électeur de
faire une décision informée, à mon avis. Et il y avait toutes sortes de… il y a
beaucoup raisons pour rejeter n'importe quel changement. Et les opposants de la
réforme électorale avaient toutes sortes de critiques qui n'étaient pas liées,
qui étaient fantastiques parfois. Et moi, j'ai trouvé les campagnes
électorales… pardon, référendaires peu satisfaisantes du point de vue de la
démocratie, du point de vue du rôle qu'un référendum devrait faire dans un
système politique. C'était… ce n'était pas le cas, ce n'était pas un moment où
la majorité des citoyens pouvait faire des décisions informées sur la réforme
proposée.
Et il y a un livre rédigé par Ken Carty et
d'autres qui regarde les expériences des assemblées citoyennes en
Colombie-Britannique et en Ontario. Ça, c'étaient des moments de réflexion
démocratique assez avancés dans un système semblable au nôtre. Mais après la
campagne référendaire en quelque sorte a échoué… ce moment démocratique où il y
avait une éducation réelle.
Mme Robitaille : Donc, des
moments démocratiques importants, où il faut quand même une pédagogie qui soit
bien faite. Alors, je vous entends.
M. Tanguay (Brian) :
Exactement. Mais ici, dans ce cas-ci, on a deux ans avant l'élection, avant le référendum.
Ça, c'est beaucoup plus que c'était le cas en Ontario. Il n'y avait qu'un an à
peu près.
Mme Robitaille : O.K. Non,
mais je vous entends : bien renseigner les gens, les informer, parce que de
toute évidence c'est compliqué, c'est quelque chose de nouveau et ça va changer
profondément la façon dont ils vivent leur démocratie.
M. Tanguay (Brian) : Oui.
Mme Robitaille : Donc, a
fortiori, le faire ou faire un référendum en même temps qu'une campagne
électorale…
M. Tanguay (Brian) : C'est…
Mme Robitaille : Ce n'est pas
idéal. C'est ce que je comprends.
M. Tanguay (Brian) : Ce n'est
pas idéal. C'est ça. Exactement, exactement. Mais ici au Québec, on a une
chance de faire des choses meilleures, de façon meilleure, plus efficace qu'il
ne l'était le cas ailleurs au Canada. Avec deux ans, avec une expérience dans
la culture politique avec des référendums dans le passé, avec un comité de oui
et de non qui seraient bien structurés, je pense qu'il y a l'opportunité
d'avoir un débat assez approfondi où l'éducation, la pédagogie pourrait se
faire.
Mme Robitaille : Donc, un camp
du oui et du non où, j'imagine, les élus ont une participation active.
M. Tanguay (Brian) : Oui.
Mme Robitaille : Le chef du
gouvernement, le chef du parti au pouvoir qui propose le projet de loi devrait,
selon vous, se mouiller, prendre…?
M. Tanguay (Brian) : Oui,
oui.
Mme Robitaille : C'est
important pour quoi?
M. Tanguay (Brian) : Oui.
Puisque les électeurs regardent leur chef politique, leur parti politique, le
parti qu'ils soutiennent pour avoir des signes, des signaux. Et ça, c'était le
cas en Ontario. Il y avait tellement de confusion parmi les partis politiques
eux-mêmes que c'était difficile pour le citoyen dit ordinaire de savoir ce que
la position de leur parti était. Et il y avait cette tendance de dire :
Bon, on va laisser cette question à la volonté des citoyens. Et ça, c'était,
comme on dit en anglais, «cop-out».
Mme Robitaille : Donc, le
message que vous envoyez au gouvernement actuel, c'est : Prenez un camp ou
assumez-vous.
M. Tanguay (Brian) : Exactement.
Mme Robitaille : Vous
présentez le projet de loi, sautez dans l'arène, plongez, puis…
M. Tanguay (Brian) :
Exactement. C'est… l'idée qu'on va laisser la décision simplement aux citoyens,
aux électeurs, c'est une fausse route. Ce n'est pas bon pour la démocratie,
pour l'éducation, pour le référendum, pour la réforme.
• (16 h 10) •
Mme Robitaille : Oui, c'est
presque… je vous entends, c'est presque un exercice vain, en fait. C'est comme
promouvoir le statu quo ou dire : Ah! Peut-être qu'on aime mieux le…
M. Tanguay (Brian) :
...simplement aux citoyens, aux électeurs, c'est une fausse route. Ce n'est pas
bon pour la démocratie, pour l'éducation, pour le référendum, pour la réforme.
Mme Robitaille : Oui, c'est
presque... je vous entends, c'est presque un exercice vain, en fait, c'est
comme promouvoir le statu quo ou dire : Ah! Peut-être qu'on aime mieux le
statu quo, oui.
M. Tanguay (Brian) : Exact.
Mme Robitaille : Vous dites, dans votre mémoire, puis vous en avez parlé brièvement... vous dites, dans vote mémoire,
puis je vais lire en anglais, mais vous en avez parlé brièvement: «Designers of the proposed MMP system might want to think about
either collapsing some of the regions to make fewer in total or, alternatively,
to split a couple of the larger regions, which might be too large for many
voters to think of as neutral.» Alors, soit, justement pour un souci de proportionnalité,
tant qu'à faire l'exercice, moins de régions, pour que ce soit plus
proportionnel, pour que le compte se fasse mieux, ou aller carrément plus
petit. C'est ce que vous dites.
M. Tanguay (Brian) : Oui.
Oui. Et, si la proportionnalité compte beaucoup comme objectif politique, il
faut avoir des régions plus grandes...
Mme Robitaille : ...pour... et
on en a parlé beaucoup, là, ici, pour le député, pour les députés, qu'ils
soient de liste ou de circonscription, c'est... et le député de Rimouski le
rappelle aussi, c'est immense, c'est des territoires immenses, c'est
extrêmement difficile pour les citoyens, et puis pour le député de représenter
son monde. Est-ce qu'il n'y a pas une diminution... Comment on fait justement
pour aller à l'encontre, pour guérir ce problème-là, si je puis dire?
M. Tanguay (Brian) : Oui.
Sans doute, il faudra avoir une division de travail entre les députés de région
et les députés élus dans les circonscriptions. Et les députés de région
pourraient agir au sein de ces circonscriptions plus grandes. Il n'y a aucune
raison, à mon avis, pour laquelle le citoyen... pardon, le député élu avec
37 % des voix aura 100 %, un monopole de la représentation de
quiconque circonscription. Et donc il pourrait partager le travail avec les
députés de liste. Mais il faut avoir, dans ce cas-là, une division de travail
écrite, négociée entre les deux types de députés.
Mme Robitaille : Mais ça, ce
serait ad hoc ou vous verriez une division claire?
M. Tanguay (Brian) : On
pourrait... Il y a des choses semblables en Écosse, il y a des formes de
partage, et donc il faut regarder ailleurs, en Écosse, en Nouvelle-Zélande, qui
sont beaucoup plus petites que le Québec, oui.
Mme Robitaille : Ce n'est pas
du tout la même chose.
M. Tanguay (Brian) : Mais ça
pourrait donner une idée de comment procéder. Il faut avoir...
Le Président (M.
Bachand) : Je vais céder la parole au député de Rimouski. M. le
député de Rimouski, s'il vous plaît.
M. LeBel : Bonjour. Je vais
continuer là-dessus. La... Parce que, quand je parle de changement de culture,
c'est un peu ça, puis on a de la difficulté à se le mettre dans la tête. Une
circonscription comme la Côte-Nord, toute la région de la Côte-Nord, avec ce
qui nous est proposé, il y aurait deux députés. Un député de circonscription
pour la Côte-Nord, puis un député de liste pour la Côte-Nord. Ça fait que ça
fait deux députés pour une grande région. C'est sûr que, là, actuellement, on
travaille avec deux circonscriptions. Ça fait qu'il y en a une qui est à
Sept-Îles, l'autre est à Baie-Comeau et elles se partagent chacune leur région.
Là, il faudrait arriver à faire en sorte que les deux... de temps en temps, un
est à Sept-Îles ou les deux ensemble sont à Sept-Îles, des fois les deux
ensemble sont à Baie-Comeau. Ils se partagent, ils pourraient même se partager
les bureaux de circonscription et... C'est une culture qu'on ne connaît pas,
là... changé, mais est-ce que c'est faisable?
M. Tanguay (Brian) : Je pense
que c'est faisable, oui, mais ce n'est pas facile, mais c'est faisable avec la
volonté politique. Il n'y a aucune raison pour laquelle ça ne pourrait pas se
produire. C'est simplement une question... ce n'est pas simple, là, mais c'est
une question de volonté politique.
M. LeBel : ...c'est aussi une
question de ressources. Est-ce que l'État devra... l'Assemblée nationale devra
donner des ressources à ces députés-là?
M. Tanguay (Brian) : Oui.
M. LeBel : Moi, ma circonscription
de Rimouski, si on la calque au fédéral... Là, actuellement, j'ai Rimouski, là,
au pays de la Neigette, là, j'aurais la partie de... tu as les Basques,
Trois-Pistoles, je gérerais tout le Témiscouata. C'est sûr qu'avec les
ressources que j'ai là, impossible que je livre la marchandise.
M. Tanguay (Brian) :
Oui.
M. LeBel : Ça fait qu'il
faut... Si on va vers une réforme du genre, il faut que ça soit accompagné par
des ressources nouvelles pour les députés pour qu'ils puissent arriver à faire
ça.
M. Tanguay (Brian) :
Tout à fait.
M. LeBel : Oui, pour
permettre qu'il y ait encore de la proximité avec les citoyens.
M. Tanguay (Brian) :
Exactement, ce qui compte beaucoup dans notre système électoral...
M. LeBel : ...ce que j'ai
là, impossible que je livre la marchandise.
M. Tanguay (Brian) :
Oui.
M. LeBel : Ça fait qu'il
faut... Si on va vers une réforme du genre, il faut que ça soit accompagné par
des ressources nouvelles pour les députés pour qu'ils puissent arriver à faire
ça.
M. Tanguay (Brian) :
Tout à fait.
M. LeBel : Oui, pour
permettre qu'il y ait encore de la proximité avec les citoyens.
M. Tanguay (Brian) :
Exactement, ce qui compte beaucoup dans notre système électoral. Ce n'est pas
la seule base de représentation, ce n'est plus la seule base, mais le
territoire, c'est de toute évidence, là, très important, primordial dans notre
système Westminster.
M. LeBel : Parce que le
député provincial, c'est un député de proximité. Contrairement au député
fédéral, le provincial, c'est la santé, les affaires municipales, ça fait qu'il
a besoin d'outils pour rester proche de son monde. Mais vous dites que c'est
faisable, ça s'est fait ailleurs.
M. Tanguay (Brian) :
Oui, c'est faisable, mais pas facile.
M. LeBel : Merci
beaucoup.
M. Tanguay (Brian) :
Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous
plaît.
Mme Fournier : Merci
beaucoup pour votre présence ainsi que pour votre présentation. Je trouve ça
très intéressant, en fait, que vous ameniez des exemples concrets de ce que
vous avez vécu durant la campagne référendaire en Ontario, je pense que ça peut
nous servir d'enseignement ici au Québec. Vous avez notamment mentionné qu'il y
avait eu une campagne que vous avez qualifiée de populiste, je crois, pour
l'option du statu quo. Je...
M. Tanguay (Brian) :
Oui.
Mme Fournier : Oui.
Voilà. C'est évidemment une crainte qu'on peut avoir, hein, la désinformation
de manière générale, puis de la part d'un camp ou d'un autre. Et hier on a
entendu le directeur des élections du Québec, qui nous a en fait avoué qu'il ne
comptait pas intervenir durant la campagne référendaire pour rectifier des
faits, et il y a d'autres intervenants qui nous ont dit que ce serait bien
qu'on puisse avoir une commission indépendante, qu'elle soit menée par le DGEQ
ou par peut-être une autre instance de spécialistes, qui pourrait justement
agir un peu en tant que vérificatrice pendant la campagne électorale.
Croyez-vous que ce serait une bonne idée qu'au Québec on se dote de ce genre de
mécanisme pour contrer la désinformation pendant la campagne référendaire?
M. Tanguay (Brian) : Ce
serait génial, à mon avis, ce serait un pas excellent, intelligent et je dirais
même nécessaire, puisque pour moi, encore une fois avec mon expérience
personnelle, c'était très difficile de contrer les peurs des citoyens, et ces
peurs étaient — «to...» en anglais — étaient renchéries par
les médias, par les entrepreneurs politiques populistes, et il faut avoir un
tel mécanisme que vous décrivez, ce serait un pas en avant.
Mme Fournier
: Très
bien. Merci beaucoup.
M. Tanguay (Brian) : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Sur ce, merci beaucoup de votre participation à la
commission. La commission suspend ses travaux quelques instants. Merci
beaucoup, M. Tanguay.
M. Tanguay (Brian) : Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 18)
(Reprise à 16 h 19)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Il me fait plaisir d'accueillir M. Louis
Sormany. Comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation, et après ça
nous allons avoir un échange avec les membres de la commission. Donc, bienvenue,
et la parole est à vous.
M. Sormany (Louis) : Oui,
bonjour. Alors, je me présente: Louis Sormany. Alors, j'ai été... j'ai
travaillé... j'ai fait une carrière dans la fonction publique de 1975 à 2013, principalement
en éthique et en législation, et j'ai été secrétaire adjoint à l'éthique et à
la législation de 2001 à 2013 au ministère du Conseil exécutif. Compte tenu du
temps imparti, évidemment, je ne reprendrai pas tout ce qui est dans mon
mémoire, mais je pourrais en discuter avec vous si vous le voulez.
• (15 h 20) •
Au départ, je pense que M. Dufour l'a
expliqué tantôt, on a travaillé, on a collaboré ensemble et on a donc la même
position, on est...
M. Sormany (Louis) : ...de
2001 à 2013, au ministère du Conseil exécutif.
Compte tenu du temps imparti, évidemment,
je ne reprendrai pas tout ce qui est dans mon mémoire, mais je pourrai en
discuter avec vous si vous le voulez. Au départ, je pense que M. Dufour
l'a expliqué tantôt, on a travaillé, on a collaboré ensemble et on a donc la
même position. On est, je dirais, entre guillemets, résolument contre la
réforme. Bon.
Pour les fins de mon exposé, je vais
m'arrêter sur le fait qu'avec ce projet de loi les régions, à mon avis, sont
mal desservies, et je vais faire ressortir aussi que la culture qui va se
dégager de la réforme du scrutin va en être une essentiellement axée sur les
partis, un thème que j'ai abordé à quelques endroits dans mon mémoire, mais que
là j'ai décidé de regrouper pour les fins de ma présentation.
Alors, sur les régions mal desservies par
le nouveau mode de scrutin, alors, le fait que la compensation prévue par le projet
de loi soit régionale puis que le poids relatif de chacune des régions soit
conservé en ce qui a trait au nombre global de députés ne signifie en aucune
façon que les régions vont en sortir gagnantes pour autant, à mon avis. Le
projet oublie en effet certaines réalités propres au Québec, qui le
distinguent, entre autres, des fameux exemples qu'on nous cite toujours,
l'Écosse, la Nouvelle-Zélande et l'Allemagne, alors, les réalités propres au Québec,
qui sont l'immensité de son territoire et la faible densité de sa population
dès qu'on s'éloigne des grands centres urbains.
Si l'on considère qu'en régions éloignées
les moyens de communication sont beaucoup plus limités et beaucoup moins
organisés qu'en milieu urbain, qu'il s'agisse des voies physiques, comme les
routes, le réseau ferroviaire, les ponts et les fameuses traverses navales,
dont on parle tant dans l'actualité de ce temps-ci, ou virtuelles,
vidéoconférences, Internet, les députés de ces régions, qu'ils soient de
circonscription ou de région, se trouveront devant une tâche pratiquement
impossible à réaliser s'ils veulent continuer à rendre à leurs commettants des
services de proximité de qualité, qui exigent un contact direct avec eux.
Pensons, par exemple, au député de région
qui va être appelé à desservir des territoires aussi vastes que l'ensemble de
l'Abitibi-Témiscamingue, de la Côte-Nord ou de la
Gaspésie—Îles-de-la-Madeleine. Outre les difficultés de communication déjà
évoquées, ce député-là va être confronté à l'intérieur même de sa région à des
intérêts contradictoires, voire même à des oppositions d'une sous-région à
l'autre et, en plus, à la concurrence d'un ou de deux députés, selon les
régions, provenant d'une autre formation.
Il y a une autre réalité qui va se...
risque de se produire, particulièrement dans les régions éloignées, c'est les
sous-régions... ce que j'ai appelé les sous-régions orphelines. Alors, dans les
grands centres à faible densité où le nombre de députés apparaissait déjà
minimal, la diminution drastique du nombre de circonscriptions locales au
profit de sièges région va rendre orphelines certaines sous-régions.
Par exemple, il pourrait arriver que le
port d'attache du député local de la Côte-Nord soit le même que pour le député
régional, par exemple, Baie-Comeau, au détriment de Sept-Îles et de tout le
secteur couvert par le comté de Duplessis.
En Gaspésie, il n'y a rien qui va empêcher
que le député local et le député régional proviennent du même secteur, par
exemple, le nord de la Gaspésie, donc le comté actuel de Gaspé, par
opposition... détriment du sud de la péninsule, qui est le comté actuel de
Bonaventure.
Même dans les régions plus populeuses,
cette problématique-là des sous-régions orphelines va peut-être se poser.
Pensons au Saguenay—Lac-Saint-Jean, où les électeurs du Lac vont peut-être se
sentir sous-représentés si les deux députés de région vont provenir du
Saguenay. Des problématiques analogues ont été aussi soulignées dans d'autres
régions, notamment celle des Laurentides, où on a dit qu'on craignait que les
députés de région proviennent surtout des Basses‑Laurentides par rapport au
reste de la région, qui est peut-être moins densément peuplée.
Par ailleurs, dans le Bas-Saint-Laurent,
les trois comtés actuels devront être fusionnés pour en former deux, les trois
comtés locaux. La Commission de la représentation, pour y parvenir, ne pourra
pas se contenter d'adjoindre au comté de Rimouski, composé des MRC Rimouski‑Neigette
et La Mitis, une des municipalités régionales limitrophes de comté, comme les
Basques, par exemple, parce que cela aurait pour effet de couper en deux la
région et puis de couper en deux l'autre comté qui resterait.
Alors, la commission n'aura pas le choix
finalement de fusionner deux comtés, deux des trois comtés actuels,
c'est-à-dire probablement Rimouski avec Matane-Matapédia parce que, compte tenu
de la population, le comté de Rivière-du-Loup—Témiscouata étant un peu plus
populeux, surtout qu'il y a la partie Kamouraska, qui était dans
Rivière-du-Sud, qui va revenir dans le comté, donc il va être plus populeux.
Alors, on va probablement prendre, à ce moment-là, les deux comtés parce que,
si on ne veut pas jouer non plus dans les limites des MRC, et on va être
obligés de fusionner Rimouski avec Matane-Matapédia.
Pour ce qui est de la Côte-Nord, celle-ci
va avoir droit en vertu du projet de loi à deux députés, comme actuellement,
mais dont l'un va être un député de circonscription puis l'autre, de région.
Ça, ça signifie que ces deux députés-là vont être appelés à desservir
exactement le même territoire, soit l'ensemble de l'immense territoire de la
région de la Côte-Nord. Dans ce contexte, penser que la Côte-Nord va être mieux
desservie par ce nouveau mode de scrutin constitue à mon avis une aberration.
Pas surprenant...
M. Sormany (Louis) : ...député
de circonscription puis l'autre de région. Ça, ça signifie que ces deux députés-là
vont être appelés à desservir exactement le même territoire, soit l'ensemble de
l'immense territoire de la région de la Côte-Nord. Dans ce contexte, penser que
la Côte-Nord va être mieux desservie par ce nouveau mode de scrutin constitue,
à mon avis, une aberration. Pas surprenant que les députés actuels de
René-Lévesque et de Duplessis aient émis de sérieuses réserves et aient parlé
d'une situation inimaginable et inacceptable rejoignant en cela des inquiétudes
déjà formulées par bien du monde dans ces régions-là.
J'en arrive au deuxième point de mon
mémoire qui est une culture axée sur les partis politiques mais qui est en lien
aussi avec la problématique des régions en bonne partie. Alors, penser que les
problèmes que va poser la réforme en région vont se régler par l'apparition
d'une nouvelle culture dans les régions est, à mon avis, une illusion. On a
évoqué à cet égard un partage des tâches et des responsabilités entre les
députés sur une approche transpartisane. Au contraire, le fait que des députés
de formations différentes se retrouvent directement en concurrence sur un même
territoire risque plutôt d'accentuer des antagonismes, chacun tirant la
couverte de son côté en vue de mieux se positionner pour enlever les prochaines
élections. Eric Montigny d'ailleurs a parlé dans son mémoire hier a parlé du
phénomène de «shadowing», quelque chose du genre, en tout cas, où le député de
région avait tendance à avoir son bureau tout près du député de circonscription
de façon à pouvoir, je ne dirais pas le contrôler, mais de voir ce qui se
passe, etc.
Il ne faut pas oublier non plus que les
partisans de la proportionnelle mettent l'accent sur la force respective des
partis. Pour eux, les élections générales ne sont pas, avant tout, l'élection
d'un représentant local dans chaque circonscription, mais davantage un
référendum sur la portée d'un parti par rapport à un autre. Cet accent mis sur
la force des partis ne risque donc pas de favoriser la collaboration entre
députés. Il ne va pas non plus améliorer le contrôle des électeurs sur leurs
institutions démocratiques, au contraire, avec ces règles complexes, avec ces
marchandages entre partis en vase clos et postélectoraux, avec la
hiérarchisation entre eux des députés d'un même parti, décidés par le parti
lors de la confection des listes, tout ça va plutôt entraîner une mainmise des
partis sur tout le système électoral. On va se retrouver avec des coalitions où
un parti plus institutionnel va se maintenir au pouvoir, alors que dans le
système actuel, un parti si fort soit-il, peut être balayé l'élection suivante.
On va se retrouver aussi avec des coalitions où un plus petit parti, souvent
plus radical, va pouvoir imposer ses vues alors que celles-ci ne rencontrent
pas les voeux de la majorité. C'est ça, les changements de culture, à mon avis,
qui sont s'opérer avec la réforme du mode de scrutin.
Donc, raisonner ainsi avant tout, en
termes de parti, vient donc dévaloriser le statut du député comme représentant
local de l'ensemble de sa collectivité lui substituant celui de représentant
d'un parti. Raisonner ainsi vient aussi enlever aux gens le pouvoir de contrôle
qu'ils ont sur leur système politique et ne peut que générer, à terme, des
sentiments d'aliénation et désabusement chez une bonne partie de la population
à l'égard de la politique. Avec un système proportionnel, on met donc en place
une culture axée sur les partis au détriment des députés et des électeurs.
Alors, c'est ce que je voulais vous
mentionner aujourd'hui et je suis prêt à répondre à vos questions.
Le Président (M.
Bachand) : Merci infiniment. Merci, c'est très apprécié. Mme la
ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Merci, M. le
Président. Merci beaucoup, M. Sormany, pour votre témoignage. Alors, on va
peut-être commencer par la fin, c'est-à-dire… parce que vous venez de dire, là,
vous dites que l'important… bon, je suis de votre avis de l'importance du
député, mais, et corrigez-moi si je me trompe, mais je semble comprendre que
vous me dites que, dans le système actuel, le député est beaucoup plus mis de
l'avant et les gens élisent un député qui les représente donc à l'Assemblée
nationale et non pas des partis. C'est ce que vous mettez de l'avant.
M. Sormany (Louis) : En fait,
ce que je dis, je ne nie pas que des gens votent aussi, parce qu'ils voient les
chefs, ils voient les partis, ils voient les programmes, il y a de tout
là-dedans. Mais le député une fois qu'il est élu, il devient le député de
l'ensemble de ses commettants, de l'ensemble de la population de son comté, et
je dirais que le député, dans son comté, dans son travail de comté, c'est là
qu'il y a peut-être le plus de pouvoirs jusqu'à un certain point. Parce que,
souvent, à l'Assemblée nationale, il va être pris dans une ligne de parti,
etc., tandis que, dans son comté, c'est là qu'il peut faire des actions pour
ses commettants, et je trouve que c'est un rôle extrêmement important, alors
que, là, on va… avec la réforme, on va voir ce député-là qui va essayer de
faire ça, mais là il va se faire dire par, mettons, par quelqu'un d'un autre
parti : Bien, moi, non, je l'ai mon député, c'est le député régional de
liste qui a été élu, c'est lui que je vais voir, là. Alors là, ça va... un
mélange de culture et deux types de député. Et comment tout ça va s'arrimer?
Ça, personne ne le sais puis personne n'est capable de le dire. Et, à mon avis,
le député, comme représentant de l'ensemble de sa collectivité, on va avoir une
perte là-dessus.
• (16 h 30) •
Mme LeBel : Le rôle du député,
quand on prend le rôle du député, parce qu'on parlera tantôt un peu de votre
position, le positionnement que vous partagez avec M. Dufour sur
l'affaiblissement, là, mais sur le rôle du député lui-même, là, je pense que là
on peut faire des comparaisons avec les autres endroits dans le monde où ça se
fait. Et ce rôle-là, oui…
16 h 30 (version non révisée)
M. Sormany (Louis) : ...représentant
de l'ensemble de sa collectivité, on va avoir une perte là-dessus.
Mme LeBel : Mais le rôle du
député, quand on prend le rôle du député, parce que... on parlera plutôt tantôt
un peu de votre position, positionnement que vous partagez avec M. Dufour sur
l'affaiblissement, là, mais sur le rôle du député lui-même, là, je pense que,
là, on peut faire des comparaisons avec les autres endroits dans le monde où ça
se fait. Et ce rôle-là, oui, on nous l'a dit, d'ailleurs, on a quelqu'un qui
est venu nous témoigner de l'expérience de la Nouvelle-Zélande... et là je
parle du rôle du député, et non pas de la force du gouvernement ou de
l'affaiblissement, là. Mais sur le rôle du député, oui, il y aura besoin
d'adaptation, c'est sûr, entre un député régional et un député de circonscription,
pour les nommer de cette façon-ci, mais le rôle de député peut être amené à se
transformer. Mais il ne devient pas moins important, puis une fois qu'il est
élu, qu'il soit élu par la circonscription, par le voie de la liste, il devient
un député à l'Assemblée nationale avec... à part entière. Donc, oui, changement
de culture, j'en suis, mais, dans le fond, ce que je comprends de vos propos...
c'est un peu l'inconnu que vous craignez. Mais ça se fait ailleurs, là, cette
cohabitation-là.
M. Sormany (Louis) : Ça se
fait ailleurs, je ne sais pas si ça se fait heureusement et je ne sais pas qu'est-ce
qui se faisait avant. Parce qu'il faudrait voir aussi, là, je n'ai pas fait des
études, je n'ai pas été sur le terrain ailleurs, bon, mais ici, on sait ce qui
se passe au Québec, présentement. Et moi ce que je pense, c'est qu'avec les
députés régionaux qui vont arriver et qui vont faire une concurrence, alors on
va se retrouver avec des députés qui vont être en concurrence, il va y avoir un
événement, et là ça va être chacun des députés tient à aller à l'événement
parce que, sans ça, si lui est absent puis l'autre est présent, j'ai un
problème, et ça va être des députés, en plus, qui vont être en concurrence.
Présentement, les députés d'un comté à l'autre, qu'ils soient de partis
différents, peuvent collaborer ensemble parce qu'il peut y avoir des projets
régionaux puis globaux communs. Là, ils vont arriver et là ils vont dire :
Oui, mais, là, est-ce que je collabore avec mon ennemi qui, à la prochaine
élection, va être devant moi, là, directement? Alors, moi, je pense qu'il y a
un problème là-dessus puis je pense que c'est une... le rôle du député est
affecté, et je dirais d'une façon négative, à mon avis.
Mme LeBel : ...probablement
raison si on pense en termes du mode de scrutin actuel, du fonctionnement
politique actuel, je vais parler en termes d'adversaire. Et c'est vrai que,
présentement, quand on est dans un système d'opposition, la personne d'un parti
opposé au nôtre est un adversaire. Dans un système de réforme tel qu'on
l'entend, où on parle de gouvernement de coalition, ce n'est plus un ennemi,
c'est un partenaire qui représente une autre position, avec lequel il va
falloir travailler et s'entendre, d'où le changement de culture.
Puis j'aurais trouvé intéressant, M.
Sormany, avant que vous avanciez que ça va être difficile de se faire, de voir
effectivement ce qui se fait ailleurs sur le rôle du député. Parce qu'on a des
échantillons, on a l'Écosse, on a la Nouvelle-Zélande, où, oui, c'est vrai, on
nous l'a dit, ça prend un cycle ou deux avant que les gens s'adaptent, c'est
normal, surtout pour les députés qui auront à vivre les deux systèmes ou passer
d'un système à l'autre. Je ne suis pas irréaliste et je ne vis pas dans un
monde de licornes, comme on peut sembler le prétendre, mais je sais qu'il va y
avoir des difficultés d'adaptation, puis ce n'est pas vous qui le prétendez,
là, mais il va y avoir des difficultés d'adaptation, j'en suis. Mais pour le
citoyen... et beaucoup d'acteurs de la société civile sont venus nous dire que
justement — je vais reprendre vos termes — cette
compétition, moi, je pense qu'elle est saine, et pas malsaine, mais cette
compétition, justement, est un des avantages du mode de scrutin, permettant
justement au citoyen, parce qu'on va se positionner du point de vue du citoyen...
peut lui donner accès à plus. C'est une richesse pour le citoyen. Et je ne
pense pas que ces acteurs de la société civile soient non plus complètement
déconnectés de la réalité. Et là on n'est pas dans l'histoire de
l'affaiblissement des gouvernements, là, on est dans le rôle du député, là.
M. Sormany (Louis) : Mais
quand vous dites qu'on a accès à plus de services, pour les régions éloignées,
je suis moins d'accord, d'une part, pour les motifs que j'ai exprimés. Et
d'autre part, il reste que la politique, c'est un combat. Et quand on a deux
députés qui sont en concurrence, et puis là ils se sont retrouvés, par le jeu
de liste, par le jeu, un contre l'autre, et la prochaine élection, ils vont
peut-être se retrouver un face à l'autre, ce n'est pas sûr que ça va marcher si
bien que ça.
Moi, j'ai entendu beaucoup les gens
partisans de la proportionnelle dire : C'est fantastique, parce que le
député, mettons, de l'ouest de Montréal qui est péquiste va pouvoir aller voir
son député péquiste. Alors, on voit ici un peu le glissement qui se fait. Le
député n'est plus le représentant des citoyens, il devient un peu le
représentant... on va le voir parce qu'il est député péquiste, par hypothèse,
et non parce qu'il est le député de la place. Et c'est ce glissement-là, moi,
que je pense qui risque d'être fort négatif. En tout cas, ceux qui parlent
d'une nouvelle culture puis, etc., là, je ne dirai pas que c'est des licornes,
là, quand même, mais je pense que c'est un gros pari sur l'inconnu qu'ils font.
Mme LeBel : O.K. Donc, vous
dites, dans votre mémoire, bon... vous croyez que le projet de loi va à la fois
trop loin. Pour les opposants du projet de loi, naturellement, ça va trop loin
parce que, quand on est contre toute forme de proportionnalité, à partir du moment
où on en injecte un tant soit peu, on va trop loin, ça, je le comprends très
bien. Mais vous dites qu'il ne va également pas assez loin pour les partisans
de la réforme : «Ce serait un piège d'accepter une réforme qui
affaiblirait le pouvoir québécois sans les avantages d'un mode de scrutin
proportionnel.» Donc, pensez-vous qu'on devrait peut-être aller plus loin et
aller «all the way» à ce moment-là, en bon français.
M. Sormany (Louis) : ...on
s'entend là-dessus. Mais il reste quand même que les... Ce que je voulais
signaler, c'est que les représentants de la proportionnelle, quand je dis que
c'est une réforme qui ne satisfait personne, à moins de, comme M. David
leur a dit : Acceptez la réforme, puis après ça...
Mme LeBel : ...qu'on
devrait peut-être aller plus loin et aller «all the way» à ce moment-là, en bon
français.
M. Sormany (Louis) : On
s'entend là-dessus, mais il reste quand même que les... Ce que je voulais
signaler, c'est que les représentants de la proportionnelle, quand je dis que
c'est une réforme qui ne satisfait personne, à moins de, comme M. David
leur a dit, acceptez à réforme puis après ça on va s'en occuper, je veux dire,
si on aurait... on accepte la réforme telle quelle, pour les partisans de la
réforme, je suis loin d'être sûr que c'est qu'ils veulent avoir. D'ailleurs, les
réactions lors du dépôt du projet de loi, ça a été : Bien, s'il n'y a pas
de changements au projet de loi, ce n'est pas sûr qu'on va accepter ça comme
ça. Moi, j'ai même vu au début des... J'ai même vu... Bien là, il n'est pas
ici, mais le député de Québec solidaire qui était ici tantôt, le dire... le
dire au début des consultations : Il va falloir qu'il y ait des
changements. Alors, je pense que, pour les députés... Pour les gens qui sont en
faveur d'une réforme, le projet de loi, pour eux autres, ils vont... S'il y
avait un référendum, ils vont voter pour parce qu'ils vont se dire : On
va... Au fil des années, on va l'améliorer, entre guillemets, dans mon esprit,
le rempirer.
Mme LeBel : Mais vous
avez...
M. Sormany (Louis) : Mais
c'est sûr, il n'est sûrement pas satisfaisant pour eux autres.
Mme LeBel : Mais vous
avez raison, M. Sormany, on pourrait toujours l'améliorer. On pourrait toujours
même le réduire. On pourrait toujours le modifier. Et vous accordez un très
grand respect au rôle de député, et je le comprends, et je suis d'accord avec
vous, mais vous semblez penser que, dans le futur, les députés du futur, si on
applique cette réforme-là, perdraient toute notion, toute logique et ne
feraient qu'augmenter et qu'augmenter. Et si effectivement on considère, et on
avance, et on voit... Parce que le fait d'arriver aujourd'hui à cette
discussion-là... Et à un moment donné, moi aussi, je suis un peu... Je suis un
peu une personne qui est un peu allergique à se faire dire : Ça s'est toujours
fait comme ça. Continuons, là. Et à ce moment-là je trouve qu'on ne s'ouvre jamais
l'esprit à voir d'autres alternatives. Peut-être qu'elles sont bonnes, peut-être
qu'elles sont mauvaises, mais il faut en discuter. Minimalement il faut en
discuter. Et toujours bien, c'est ce qu'on fait. Déjà, pour moi, c'est un bon
pas. Intellectuellement, je trouve ça extrêmement intéressant qu'on se donne la
peine d'en discuter.
Ceci étant dit, quand vous parlez de la
théorie de l'engrenage, d'ailleurs ça me rappelle un titre d'une chronique de
ce matin, Le bras dans l'engrenage, c'est comme si vous... Ça me donne à
penser ou ça me fait l'impression que vous nous dites : Bien là, si vous
acceptez ça, vous êtes les derniers gardiens de notre système et de la
démocratie parce que, si vous acceptez ça, les futurs députés n'auront plus de
logique, plus de sauvegarde et ne feront qu'améliorer selon les points de vue
du tenant de la réforme ou d'empirer, selon votre point de vue, la situation
alors que, peut-être, au fur et à mesure, on se rendra compte que c'est une
bonne chose, justement, qu'on l'améliorera ou on se rendra compte qu'on en a
suffisamment puis on restera de même. Mais je ne pense pas que les futurs
députés seront dénudés de toute sensibilité, là. Mais je ne veux pas vous
prêter des mots. Alors, détrompez-moi.
M. Sormany (Louis) : C'est
qu'il faut bien voir qu'au départ je suis contre la réforme parce que je pense
que c'est un affaiblissement du pouvoir québécois. Je n'ai pas voulu quand même
reprendre tout l'argumentaire que M. Dufour vous a fait tantôt puis qu'il
a fait dans son livre, et c'est pour ça que j'ai été assez succinct dans mon
mémoire, il y a à peu près deux pages là-dessus, j'aurais pu tout, tout, tout
reprendre, mais on aurait fait un deuxième livre, ça aurait été une copie.
Alors, moi, au départ, il y a cet
aspect-là qui est fondamental pour moi. Alors, après ça, c'est sûr que, moi, je
me dis, si on ouvre la porte, bien, on met évidemment la main dans l'engrenage
ou la main dans le tordeur, appelons ça comme un veut, puis on s'en va vers
quelque chose qui, à mon avis, n'est pas bon. Parce qu'il ne faut pas
s'imaginer que le projet de loi serait adopté tel quel, que les partisans de la
proportionnelle vont se tenir bien propres, vont dire : Alléluia, on a eu
ce qu'on voulait puis c'est fini! Ils vont rebondir puis ils vont revenir, puis
ils vont revenir, puis ils vont toujours revenir.
Vous allez me dire, c'est normal qu'on
revienne, parce que tout système est perfectible, je suis d'accord, mais, eux
autres, ils vont revenir parce qu'ils vont se dire au départ : On est bien
contents d'avoir ça, parce que ça nous permet justement d'ouvrir la porte, mais
ce n'est pas ça qu'on veut, on veut plus. Alors, nettement, à mon avis, ils
veulent plus.
Mme LeBel : Donc, à la base,
votre opposition à la base est vraiment sur l'argumentaire de votre collègue M.
Dufour…
M. Sormany (Louis) : Oui,
oui, sur la base.
Mme LeBel : …c'est-à-dire par
rapport à l'affaiblissement de la position du Québec dans la fédération ou
l'affaiblissement de notre gouvernement potentiellement, c'est ça?
M. Sormany (Louis) : Oui,
c'est ça, oui, oui, sur la base.
Mme LeBel : O.K. Donc, vous
partagez sa thèse, selon laquelle qu'un mode de scrutin proportionnel va
diminuer le pouvoir des francophones du Québec.
M. Sormany (Louis) : Oui.
Mme LeBel : O.K. Vous dites
qu'«une élection sert avant tout à élire un gouvernement et non à former un
Parlement représentatif du pluralisme de la société, donc représentatif de la
société». Moi, je pense que le gouvernement doit être représentatif de la
société. Le gouvernement est formé à travers les parlementaires qui sont élus,
à travers les députés qui sont élus. Donc, pour avoir un gouvernement
représentatif de la société, encore faut-il que les députés qui sont élus
représentent cette société-là, est-ce que je me trompe? Parce que ce n'est pas
juste élire un gouvernement, là, le gouvernement doit aussi représenter la
société et, pour qu'il représente la société, ses élus doivent représenter la
société.
• (16 h 40) •
M. Sormany (Louis) : Oui,
mais je trouve que les députés actuels et le gouvernement actuel représentent
la société, représentent, en général, très bien la société québécoise, mais ce
que les partisans de la réforme, à mon avis, veulent, c'est un système où c'est
la représentation des partis. Moi, c'est le glissement que je n'aime pas dans
la proportionnelle, entre autres, là, je veux dire, il y a l'argument vraiment
à la base du pouvoir québécois, mais le glissement qui se fait où ça devient…
où tout est axé sur le parti, c'est…
M. Sormany (Louis) : ...la société...
représente en général très bien la société québécoise. Mais ce que les
partisans de la réforme, à mon avis, veulent, c'est un système où c'est la représentation
des partis. Moi, c'est le glissement que je n'aime pas dans la proportionnelle,
entre autres, là. Je veux dire, il y a des arguments, évidemment, à la base du
pouvoir québécois, mais le glissement qui se fait, où ça devient : tout
est axé sur le parti, c'est le parti qui prend le contrôle, les partis forment
des coalitions, ils décident en vase clos, avant... après les élections, comment
on va organiser ça. Et on peut avoir des partis institutionnels qui vont piger
à gauche, à droite, puis qui se maintiennent au pouvoir, comme on a vu la
démocratie italienne en Italie, ou, comme en Allemagne, un petit parti qui,
finalement, décide lequel des deux gros partis va prendre le pouvoir. Ça, ce
sont des réalités.
Moi, je trouve qu'on a un glissement avec
le système de la proportionnelle, au-delà de l'argument du pouvoir québécois,
là, qui est l'argument fondamental. Je trouve qu'on a un glissement vers les
partis. Et je trouve qu'actuellement notre gouvernement et nos députés
représentent très bien notre société. Je pense que le Québec est quand même une
société démocratique. Ça, je pense, personne ne va le nier.
Mme LeBel : O.K. Donc, vous
craignez que la réforme du mode de scrutin ou le mode de scrutin soit détourné
par les partis. Mais que pensez-vous de l'argument ou de la notion qui dit
qu'il y aura une meilleure représentation des femmes, une meilleure
représentation de la diversité, parce qu'il y aura une meilleure
représentation, justement, des voix et du pluralisme qu'est notre société?
Est-ce que vous êtes contre cette meilleure représentation-là de la diversité,
des femmes au Parlement, qui ne sont pas nécessairement, non plus, des
francophones? Ça peut être autre... Ça peut être des non-francophones.
M. Sormany (Louis) : Je ne
suis aucunement contre ces mesures-là. Et j'ai vu les rapports qui ont été
faits par le Conseil du statut de la femme et d'autres organismes féminins, qui
ont d'ailleurs dit : Ces questions-là devraient être exclues d'un éventuel
référendum. En d'autres mots, c'est des questions qui pourraient être réglées
ou améliorées, là — je veux dire, la situation
améliorée — dans le cadre du... de notre système actuel. Et on n'a
pas besoin de faire une réforme proportionnelle pour faire ces
améliorations-là. Parce que je ne suis pas certain... Bon, peut-être qu'on peut
faire un système de listes, là, avec homme, femme, homme, femme, etc., là,
comme certains l'ont proposé. Puis là, oui, ça assurerait peut-être une plus
grande, en tout cas, qu'on atteigne la parité. On ne parlera pas d'égalité,
mais de parité. Et... Mais par contre je ne suis pas sûr que, si on commence à
faire des listes, là, il faut avoir un représentant... un Chinois, un Japonais,
etc., je ne suis pas sûr que, là, on va arriver à... Il vient un moment où il
faut être capable aussi de... D'ailleurs, je remarque que le projet de loi a
été très prudent là-dessus. Je veux dire, les mesures visent essentiellement la
parité homme-femme. Et ce ne sont pas des mesures contraignantes, en tout cas
trop contraignantes à première vue.
Mme LeBel : O.K. Bien, merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de LaFontaine, s'il vous
plaît.
M. Tanguay
: Oui.
Bonjour, M. Sormany.
M. Sormany (Louis) : Bonjour.
M. Tanguay
: Merci
d'être ici, de nous... de répondre à nos questions et de... Par où commencer?
Première des choses, j'ai peut-être six points que j'aimerais rapidement passer
avec vous dans mon petit 10 minutes. Vous dites à la page 10 de votre
mémoire : «Il est d'ailleurs révélateur »... Parce qu'il faut
désamorcer plusieurs idées reçues, ou plusieurs rumeurs, ou plusieurs
présomptions qui, lorsque l'on fait des analyses empiriques, ne tiennent pas
tout à fait la route. «Il est d'ailleurs révélateur — je vous
cite — que, d'après les études faites sur le sujet, l'adoption d'un
mode de scrutin proportionnel n'a généralement pas pour effet d'augmenter la
participation électorale.» J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Sormany (Louis) : Oui.
Bien, là-dessus, il y a le professeur André Blais de l'Université de Montréal,
que vous avez entendu d'ailleurs, qui est favorable à la réforme du mode de
scrutin, mais qui ne vous a jamais dit que ça entraînerait une meilleure
participation électorale. Et il a produit des études qu'on peut retrouver sur
Internet. Oui, il dit que l'effet est minime, il y a un certain effet, qui est
minime, et c'est un effet surtout au début. Alors, c'est sûr qu'au début, la
première élection qui va se faire sous un nouveau régime proportionnel, tout
nouveau, tout beau, ça se peut que les gens embarquent là-dedans puis qu'il y
ait une certaine hausse de la proportion électorale. Mais, par la suite, quand
les gens vont voir comment ça marche, ils vont sentir toute cette espèce de
contrôle de la part des partis. C'est ce dont je parle, là, quand je parle de
partitocratie, là. Alors, le contrôle des partis sur... que les partis vont
prendre sur le système, bien, moi, je pense qu'à moyen terme, les gens se
sentent... vont se sentir moins concernés puis ils vont se dire :
Finalement, c'est toute la classe politique, c'est toute la petite gang en haut
qui décide ça.
M. Tanguay
: Vous
parlez... Ce qui est déductible de votre approche, également, c'est, dans
l'introduction de votre présentation, il faut avoir la politique de sa
géographie.
M. Sormany (Louis) : Oui.
M. Tanguay
: On parle
beaucoup de l'Écosse. L'Écosse, 4 millions moins de citoyens en Écosse
qu'au Québec. Puis l'Écosse rentre 20 fois dans le Québec.
M. Sormany (Louis) : Oui.
M. Tanguay
: L'Écosse a
129 députés, on en a 125.
M. Sormany (Louis) : Oui.
M. Tanguay
: Une fois
que j'ai dit ça, là, faire de la proportionnelle avec 45 députés puis
faire 80 comtés des 125, une fois que j'ai dit ça, j'aimerais ça vous
entendre. Puis de là découle bien des éléments. Autrement dit, la
proportionnalité ne serait qu'en apparence. En Abitibi, on va être
proportionnel avec un député.
M. Sormany (Louis) : Oui.
M. Tanguay
: Et les
trois jadis seraient deux, puis on éloigne le citoyen de son élu, parce que
l'élu va avoir la moitié désormais du territoire plutôt qu'un tiers, plus de
monde, plus de territoire. Moi, je veux le voir, mon élu, là, c'est mon élu...
M. Tanguay
: ...en
apparence. En Abitibi, on va être proportionnel avec un député.
M. Sormany (Louis) :
Oui.
M. Tanguay
: Et
les trois jadis seraient deux, puis on est loin, le citoyen, de son élu parce
que l'élu va avoir la moitié désormais du territoire plutôt qu'un tiers, plus
de monde, plus de territoire. Moi, je veux le voir, mon élu, là. C'est mon élu.
J'aimerais vous entendre sur le fait que ce faisant, pour les
80 circonscriptions, en les augmentant très substantiellement...
Moi, Rivière-des-Prairies, là, j'ai
56 000 de population 42 000 électeurs, 56 000 de
population, puis j'ai beaucoup de résidents qui ne sont pas inscrits sur la
liste électorale puis qui ne sont pas dans les statistiques. Ça veut dire que
moi... et je veux rencontrer et je rencontre... je me fais un point d'honneur,
depuis 2012, à rencontrer tous les citoyens qui veulent voir leur député. Moi,
ça voudrait dire : l'île de Montréal, on passerait de 18... de
27 comtés à 16. Puis, juste en passant, il y a 18 comtés fédéraux à
Montréal. Mais là, on serait 16 avec les dossiers québécois : santé,
éducation, transport, affaires municipales, sécurité publique, famille, aînés
et j'en passe. Donc, pour moi, ça serait Rivière-des-Prairies,
Pointe-aux-Trembles, Montréal-Nord puis peut-être... bien, Montréal-Nord, c'est
toi, là. Alors, on irait voir notre parti pour savoir qui serait le premier sur
la liste ou le deuxième.
C'est un peu tout ça, là. Je vous donne ça
en vrac parce qu'on pourrait en discuter. Ce n'est pas anodin, c'est majeur, et
j'aimerais peut-être vous laisser le temps de commenter sur ça.
M. Sormany (Louis) :
Mais vous m'enlevez les mots de la bouche. Je veux dire, je suis tout à fait
d'accord avec tout ce que vous avez dit. Je veux dire, j'ai parlé beaucoup des
régions, mais Montréal, je veux dire, se retrouve globalement avec trois comtés
en moins, mais se retrouve aussi avec un problème où présentement il y a
27 comtés qui vont devenir 16 comtés locaux, et ça va faire un
moyen... au point de vue de la carte électorale, ça va être un moyen jeu à
faire, et ça va faire des comtés très populeux, c'est le moins qu'on puisse
dire, pour les services de proximité, et même là ils risquent d'en souffrir. Et
j'ai insisté, moi, plus sur les régions, mais je suis conscient de la situation
à Montréal aussi.
On a juste à se rappeler d'ailleurs de ce
qu'il avait été question à un moment de fusionner les deux comtés de Québec
solidaire, tout le brouhaha que ça avait causé, eh bien, là, le brouhaha, on
est en train de le multiplier par, je ne sais pas, par 16, là, je n'ai pas fait
le chiffre, ou par huit, disons.
M. Tanguay
: Et
ça, je trouve ça fascinant, on en a discuté, nous, puis c'est correct, puis je
le dis en tout respect pour mes collègues de Québec solidaire, mais la
coporte-parole de Québec solidaire avait déchiré sa chemise. C'était
impensable, ça ne se pouvait pas qu'on lui enlève une partie de son quartier,
puis je faisais écho de ses représentations, puis elle avait de bons arguments
pour dire : Ce n'est pas vrai que vous allez enlever et ajouter une
partie, modifier une partie de mon quartier, c'est fondamental.
Là, on passerait de 27...
M. Sormany (Louis) : 27
à 16.
M. Tanguay
: ...à
16.
M. Sormany (Louis) : 16
comtés locaux.
M. Tanguay
: Là,
ce n'est pas que des parties de quartiers, c'est des comtés.
M. Sormany (Louis) :
Non. C'est des comtés fusionnés, là, un peu comme les autres comtés.
M. Tanguay
: C'est
des fusions, c'est des fusions, comtés fusionnés.
Autre élément important, vous parlez
d'égalité du vote. Il y a un principe fondamental, dans notre grande démocratie
québécoise, parce qu'on a une grande démocratie. Il faudrait peut-être se le
dire aussi, hein?
M. Sormany (Louis) :
Oui.
M. Tanguay
: On se
flagelle beaucoup en disant : Aïe! on fait dur. Non, non, on a une grande
démocratie au Québec. On fait des référendums, on est capable de trancher des
questions nationales, on débat, et ça, c'est une stabilité qui nous permet
d'avancer. Ce n'est pas une stabilité qui se résume au statu quo.
Vous parlez donc de l'égalité du vote. Il
y a un... dans la Charte québécoise des droits et libertés, charte canadienne
également, il y a le droit de vote qui se traduit par la représentativité
effective. Ça veut dire quoi? Et j'ai la définition ici :
«Le système qui dilue indûment le vote
d'un citoyen comparativement à celui d'un autre court le risque d'offrir une
représentation inadéquate au citoyen dont le vote a été affaibli. Le pouvoir
législatif de ce dernier sera réduit comme pourra l'être l'accès qu'il aura
auprès de son député et l'aide qu'il peut en obtenir. La conséquence sera une
représentation inégale et non équitable.» Ça, c'est le jugement de la cour en
matière de représentativité et respect du vote.
Le 25 %, autrement dit, on prend la
moyenne pour les 125 comtés, on divise le nombre total d'électeurs, on le
divise par 125 comtés, ça nous donne à peu près 42 000. J'arrondis.
Et là on ne peut pas avoir un comté qui a un écart supérieur ou inférieur de
25 %. Ça, on le régionalise dans les 17 régions. Je pense que les
gens à la maison, là, nous suivent quand je dis ça. Autrement dit, les écarts
ne seront pas évalués pour dire : Bien, il n'y aura pas deux comtés avec
un écart de plus ou moins de... plus ou moins 25 % dans tout le Québec.
Là, on va juste regarder la région. Mais la moyenne de l'Abitibi puis la
moyenne de la Montérégie va nous donner le résultat final que vous pourriez
techniquement et théoriquement avoir un comté en Abitibi avec 43 000 électeurs
et, en Montérégie, 105 000 électeurs. Ça, le droit de vote et le
poids, la représentativité effective, c'est la base, le b.a.-ba de notre
système démocratique. J'aimerais vous entendre là-dessus.
• (16 h 50) •
M. Sormany (Louis) :
Oui. Bien, j'ai... on remarque avec le projet de loi que de fait la représentativité...
l'effectivité du droit de vote, au lieu d'être globale pour l'ensemble du
Québec devient, évidemment avec le système qui est là, on y va par région
administrative, et ce qui suscite justement ces écarts-là que vous mentionnez
où, au-delà du nombre de députés, bien, dans chaque comté d'une région...
M. Sormany (Louis) : …la
représentativité… l'affectivité du droit de vote, au lieu d'être globale pour
l'ensemble du Québec, devient évidemment, avec le système qui est là… on y va
par région administrative, là, ce qui suscite justement ces écarts-là que vous
mentionnez, ou au-delà du nombre de députés, bien, dans chaque comté d'une
région… On parle de Montréal, là, qui va perdre trois comtés globalement... les
comtés régionaux, mais il reste quand même que les comtés vont être extrêmement
populeux, alors que dans d'autres régions, comme vous le dites, ça va être
minime, le nombre de comtés. Et même à l'intérieur d'une région, tantôt j'ai
parlé de la région du Bas-Saint-Laurent, j'ai dit : lls vont être obligés
de fusionner deux comtés, et j'espère qu'ils vont être capables de respecter le
critère du 25 % en fusionnant les deux comtés. Sans ça, ils vont peut-être
être obligés de rogner dans une MRC, et là ça va soulever un tollé général.
M. Tanguay
: Vous
parlez de la… vous en avez parlé avec votre échange, entre autres, vous avez
effleuré le sujet avec votre échange avec la ministre. Vous dites, dans votre
mémoire, de la partitocratie, autrement dit plus de pouvoirs aux partis.
M. Sormany (Louis) : C'est
ça.
M. Tanguay
: Vous en
avez fait… vous avez étayé un peu quant à… en aval, le résultat, on fait des
coalitions, les partis vont négocier pour savoir qui va être au pouvoir. Si
c'est une coalition, on va se partager les postes de ministres. Vous, vous
allez prendre ça. Moi, je vais prendre ça. Et c'est les partis, à porte-clause,
qui vont le faire. Mais, en amont, la partitocratie… Moi, ma collègue, là, si
on tombe, là, on est voisins de comté, là, Bourassa-Sauvé, LaFontaine, on est
voisins de comté. Qui va être sur la liste? Qui va décider ça? Elle, est-ce qu'elle
passe avant moi, hein? Et l'allégeance, si d'aventure c'est elle qui passe
avant moi, c'est elle qui est élue, l'allégeance versus son comté, là, elle,
là, quand ses citoyens l'appellent, puis moi, quand mes citoyens m'appellent,
là, je me dois à mes citoyens. Moi, si je suis député déterminé par mon parti,
le premier de la liste, et je suis élu, là, mes commettants risquent d'être
probablement celles et ceux qui m'ont mis en… le top de la liste, si vous me
permettez l'expression.
M. Sormany (Louis) : C'est
ça, mais moi, j'ai bien hâte de voir comment les partis vont déterminer l'ordre
de la liste de leurs députés. Ça va être très intéressant à suivre comme
exercice au point de vue politique. Mais je ne suis pas sûr que la démocratie
va y gagner, ça fait partie de la partitocratie, là, comme vous le mentionnez.
M. Tanguay
: On est… et
si d'aventure ma collègue a son comté, donc, et on passe de 27 à
16 comtés, nous serions huit députés de région. Si, par chance, je suis
ami avec les bonnes personnes dans mon parti puis je suis premier de liste puis
je suis élu à Montréal, je devrais représenter la région de Montréal qui est
1,3 million d'électeurs et 1,7 million de citoyens. Je ne sais pas où
est-ce que vous restez, M. Sormany, à Montréal, mais le jour où vous allez
pouvoir me voir la face dans mon bureau de comté, là, ça va être excessivement
difficile. Ça, c'est un fait de la vie, là.
M. Sormany (Louis) : Oui,
c'est un fait de la vie, puis je suis tout à fait d'accord avec vous, puis
c'est ça que ça entraîne, je veux dire… on est au Québec, hein, on a un
territoire immense, on a des populations très inégales, on a des régions qui
sont sous-peuplées, si on veut, alors qu'il y a un gros peuplement à
l'intérieur même de Montréal, et c'est tous les problèmes qui se posent avec
ça.
M. Tanguay
: Et là, je
terminerai là-dessus, un dernier point, on va nous objecter : Non, non,
non, il n'y a pas deux catégories de députés, il y a un seul député. C'est plus
facile à dire ici quand on est à l'Assemblée nationale, on est législateurs.
Mais de dire qu'il n'y aurait pas deux catégories de députés, en disant :
Bien, s'il ne te voit pas toi, il pourra essayer de voir les autres, mais s'il
essaie de voir les autres, et, de facto, on prend pour acquis que ce sera
beaucoup plus difficile pour le citoyen de me voir moi, nécessairement, moi, au
jour le jour, ma fonction de député ne sera pas la même que celle de l'autre.
Des cas d'Hydro-Québec, on en a tous ici,
autour de la table, sur nos comtés, des cas de Revenu Québec, la Régie des
rentes, et ainsi de suite, on se fait donner des procurations pour essayer
d'aller négocier avec Hydro-Québec, des ententes de paiement. Si je suis député
de région, là, ça sera fini. Mon rôle sera de facto différent, puis peut-être
que ce serait bon de le définir, de le reconnaître, puis de le définir dans la
loi.
M. Sormany (Louis) : S'ils
sont capables de le définir. C'est un gros exercice, quant à moi, là, je ne
sais pas comment ils vont s'y prendre. En tout cas, je sais que les légistes
ont bien de l'imagination.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le député de Rivière-du-Loup…. Rimouski.
Rimouski, pardon.
M. LeBel : Oui, en train de
diviser mon comté déjà.
M. Sormany (Louis) : Bien
oui! Ils vous ont fusionnés.
M. LeBel : Je suis déjà
fusionné avec Rivière-du-Loup. Bonjour.
M. Sormany (Louis) : Bonjour.
M. LeBel : Si on est ici comme
parlementaires, c'est pour aussi participer à faire des changements au projet
de loi, tu sais, à essayer de l'améliorer, ça fait qu'on… puis moi, comme
député de région, c'est sûr que je veux protéger le pouvoir des régions. C'est
pour ça que je suis là, puis je pose des questions en ce sens-là. Et le projet
de loi parle de 17 régions. Moi, ça fait mon affaire, qu'on… les
17 régions. Certains sont venus nous parler de huit ou 9 régions, là,
je faisais des boutons, mais maintenant, bon, 17 régions, c'est bien. L'arrivée
d'un député de liste, ça fait en sorte qu'on ne perd pas le nombre de députés
par région. Les comtés, bien, vous avez une idée du comté de Rimouski. C'est
intéressant, mais il y a d'autres propositions. On pourra voir ce qu'on fera
comme carte électorale.
Mais l'arrivée d'un député de région, ça
fait en sorte qu'il y a un député qui couvre la…
M. LeBel : ...régions, c'est
bien. L'arrivée d'un député de liste, ça fait en sorte qu'on ne perd pas le
nombre de députés par région. Les comtés, bien, vous avez une idée du comté de Rimouski,
c'est intéressant, mais l y a d'autres propositions. On pourra voir ce qu'on
fera comme carte électorale.
Mais l'arrivée d'un député de région, ça
fait en sorte qu'il y a un député qui couvre la région. Actuellement, ça existe
déjà. Le ministre régional, là... Je vais vous dire, là, moi, je suis dans
l'opposition depuis deux mandats. Souvent, là, mon maire, là, il dit :
Moi... Il est dans l'opposition. Ça fait qu'il appelle la ministre régionale
qui est en Côte-du-Sud pour essayer de régler ses affaires en passant par-dessus
moi. Des fois, la ministre régionale, elle vient dans mon comté, puis elle ne
le dit pas, puis elle fait des annonces dans mon comté.
Cette formule-là existe déjà un petit peu,
et peut-être que ça viendrait corriger cette situation-là. Sur la Côte-Nord, le
ministre régional, il ne vient même pas de la Côte-Nord. Il vient de
Charlesbourg. Ça fait que des fois il y va puis il ne parle pas au monde. Ça
fait que peut-être que ça viendrait corriger ce côté-là. M. Parizeau avait
essayé de le régler avec les délégués régionaux en 1994, mais les ministres
sont revenus par-dessus puis ils ont tout pris la place.
Mais, bon, moi, je pense que ça pourrait
corriger ça et je me dis : Il y a des conditions là-dedans. Il faut que
les députés et les... leurs circonscriptions de région aient des moyens pour
être proches de leur monde, rester proches, puis l'idée de rajouter quatre
députés dans ces régions-là, comme Bas-Saint-Laurent, Gaspésie, la Côte-Nord,
l'Abitibi, ça pourrait renforcer notre pouvoir des régions, le poids politique
des régions et ça fait plus de monde sur le terrain.
Mais c'est sûr qu'il y a un changement
culturel à apporter, puis on n'est pas... Ce n'est pas facile... mais pourquoi
ne pas l'essayer? Moi, je me dis : C'est une proposition progressiste, et
on devrait l'essayer.
M. Sormany (Louis) : Bon,
moi, évidemment, il y a mon opposition de base sur le pouvoir québécois qui
fait que je n'ai pas le goût de l'essayer.
Deuxièmement, je pense qu'au point de vue
régional on y perd. Vous parlez des ministres régionaux, mais ce sont des
ministres régionaux, ce ne sont pas... C'est sûr qu'ils sont aussi députés,
mais ils ne sont pas députés régionaux, ils sont ministres régionaux. Alors,
c'est déjà un autre aspect, là.
M. LeBel : Mais vous savez
comment ça marche. Le maire, il décide... Il est dans l'opposition, il n'a pas
de pouvoir, je vais appeler le ministre régional. Tu sais, c'est comme ça que
ça marche.
M. Sormany (Louis) : Oui,
oui, c'est sûr que ça peut marcher comme ça. Ils peuvent appeler le premier
ministre aussi s'ils ont un bon contact. Bon, la proposition qui a été faite...
M. LeBel : Ça fait que la
bataille se fait.
M. Sormany (Louis) : Il y a
une proposition qui a été faite, j'ai vu ça, d'ajouter quatre députés régionaux
pour les quatre régions, et, moi, les bras me sont tombés parce que de la façon
dont ça a été fait par le MDN et par d'autres organismes, je dirais,
satellites, ça a été fait... d'assurer une meilleure proportionnalité du
système dans ces régions. Pas pour régler les problèmes d'accès qu'ils ont fait
la proposition, c'est pour assurer que la proportionnalité puisse marcher de
façon à ce que, dans le Bas-Saint-Laurent, si on a un libéral et deux
péquistes, mettons, ou un adéquiste, deux péquistes comme actuellement, bien
là, on aurait peut-être une chance d'avoir un libéral, etc. Ça a été fait dans
un but... toujours dans l'idée de la proportionnelle des partis. Il faut que
les partis soient justement représentés, etc. Ça n'a pas été fait dans un but
d'accessibilité du tout.
M. LeBel : Mais ça vient aider
à l'accessibilité.
M. Sormany (Louis) : S'ils
avaient voulu le faire dans un but d'accessibilité, ils auraient proposé
d'ajouter... les quatre députés, de les ajouter au niveau local et non au point
de vue régional. Et là évidemment ils vont dire : Non, non, non, ça en
prend un régional. Alors là, on va en mettre quatre locaux, quatre régionaux
pour assurer une meilleure proportionnelle. Là, Montréal évidemment va crier,
va dire : Bien, nous autres, ça nous en prend 10 autres, puis là on
est partis pour la gloire.
M. LeBel : Mais, dans cette
proposition-là, le résultat ferait qu'il y aurait un député de plus. C'est sûr
que ça améliore l'accessibilité des citoyens.
M. Sormany (Louis) : Oui,
mais ça améliore l'accessibilité en termes de quantité. Mais, en termes de
qualité, de proximité de services, je vais vous dire, c'est zéro. Vous allez
peut-être me dire 10, 10 %. Je vais vous dire, c'est zéro.
M. LeBel : Il faut élire des
bons députés. C'est ça que ça veut dire.
M. Sormany (Louis) : Ça,
c'est sûr. On s'entend là-dessus.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, M. le député de Rimouski. Mme la députée de
Marie-Victorin, s'il vous plaît.
Mme Fournier
: Merci
beaucoup pour votre présence, votre présentation. Je pense que vous ne serez
pas surpris de m'entendre dire que je suis plutôt en désaccord, en fait, avec
les prémisses de votre argumentaire.
Cela dit, vos arguments sur la mainmise
des partis politiques, quand même, je suis sensible à ça. En même temps,
j'entendais le collègue de LaFontaine dire : Bon, les partis vont avoir
beaucoup de pouvoir. Ils vont pouvoir choisir qui est premier sur la liste,
etc. Mais, bon, je vous soumets quand même qu'il y a des partis politiques
représentés ici, à l'Assemblée nationale, dont par exemple le Parti libéral en
partie mais aussi le gouvernement, la Coalition avenir Québec qui, en fait, on
des processus de nomination des candidats dans les circonscriptions où c'est
aussi le parti qui décide déjà... d'ores et déjà. Donc, ce serait... Donc, cet
argument-là est plus ou moins valable dans ce contexte.
Bien, vous pourrez répondre. Je n'ai pas
beaucoup de temps, je veux juste terminer mon deuxième point. En fait, vous
avez parlé de la cohabitation sur le territoire, comme quoi ça allait créer,
dans les grandes régions, de la concurrence. Bien, je soumets que ça existe
déjà, la concurrence puis la cohabitation, si on veut, dans les régions
urbaines.
Je regarde mon collègue de Vachon en face.
En fait, on partage, lui et moi ainsi que d'autres collègues, la même
municipalité qui est la ville de Longueuil. Donc, on collabore avec les mêmes
acteurs, tout ça. On a des bureaux de circonscription qui sont situés assez
proches quand même. Je pense qu'il y a juste à peu près une douzaine de
kilomètres qui nous séparent. Mais pourtant on collabore très bien ensemble.
• (17 heures) •
Puis je pense que c'est à l'avantage des
citoyens de Longueuil de pouvoir justement se référer à plusieurs députés qui
peuvent mettre de côté justement leurs allégeances pour faire avancer des
dossiers puis avoir des députés qui font partie autant du gouvernement que des
oppositions. C'est quelque chose qui est bénéfique. Puis il y a même les
groupes communautaires qui sont venus nous voir pour nous dire que, pour eux,
c'était un avantage...
17 h (version non révisée)
Mme Fournier
: ...les
citoyens de Longueuil de pouvoir justement se référer à plusieurs députés qui
peuvent mettre de côté justement leurs allégeances pour faire avancer des
dossiers. Puis avoir des députés qui font partie autant du gouvernement que des
oppositions, c'est quelque chose qui est bénéfique. Puis il y a même les
groupes communautaires qui sont venus nous voir pour nous dire que, pour eux,
c'était un avantage. Donc, je pense qu'on peut le voir de l'autre côté aussi.
M. Sormany (Louis) : Bon,
alors, pour le premier point, les partis choisissent déjà leurs candidats, là,
leurs futurs députés s'ils sont élus. Ça, c'est sûr. Mais là, les partis, ce
qu'ils vont faire, ils vont établir que lui, c'est le numéro un, lui, c'est le
numéro deux, ou elle, c'est le numéro trois, elle, c'est le numéro quatre, etc.
Mme Fournier
: Ils
choisissent les meilleurs côtés aussi pour les candidats en liste en ce moment.
M. Sormany (Louis) : Oui,
mais actuellement, je veux dire, on ne met pas en... on met en concurrence des
éventuels candidats qui se présentent à une investiture, mais il y a un
candidat qui sort de là. Et par rapport à ses autres collègues députés, ils ont
tous sur le même pied. Alors que là on va avoir des députés élus : Ah!
bien, lui, c'est le numéro un du parti, puis lui, c'est le numéro 10 du parti.
Alors, il y a quand même cette nuance-là à faire.
Pour ce qui est de la concurrence ou de la
cohabitation, je l'ai dit tantôt, la cohabitation, à mon avis, est peut-être
plus facile dans le système actuel dans des députés de partis opposés, voisins,
parce que justement ils ne se font pas concurrence lors de l'élection suivante
directement, ils ne seront pas opposés un à l'autre. Tandis que le député
régional et le député local qui vont desservir le même territoire, eux autres
vont se retrouver à la prochaine élection en concurrence l'un contre l'autre,
et ça, je pense que c'est...
Mme Fournier
: Ils ne
seront pas en concurrence directe du moment où il y en a qui se présente sur la
liste et d'autres se présentent dans la circonscription, ce n'est pas le même.
Puis, au contraire, c'est un outil supplémentaire pour les citoyens de
dire : Eille, je vais voter pour le candidat qui me représente le plus
dans ma circonscription puis en plus j'ai l'occasion de voter pour le parti qui
représente le mieux mes allégeances politiques, mes idéaux. Donc, c'est un
outil qui va être intéressant pour les gens.
M. Sormany (Louis) : Il va
falloir voir si la double candidature, il va y avoir des modifications
là-dessus ou tout ça. Pour l'instant...
Mme Fournier
: ...les
gens ne s'affrontent pas directement.
M. Sormany (Louis) : Ils ne
s'affrontent pas directement mais ils s'affrontent indirectement. Et, à un
moment, on peut avoir un député qui est député régional, qui a peut-être le
goût de tomber au local après, puis etc. Alors, c'est... Il y a plus de
concurrence à l'intérieur... sur le même territoire à mon avis. La concurrence
va être là, puis une concurrence qui ne favorisera pas la collaboration.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Merci beaucoup. Cela dit, merci de votre
participation à la commission.
Je suspends les travaux quelques instants.
Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 2)
(Reprise à 17 h 5)
Le Président (M.
Bachand) :Alors, à l'ordre, s'il vous
plaît! Je vous demanderais de prendre le siège. La commission reprend ses
travaux. Alors, nous souhaitons à M. Jean-Pierre Derriennic, professeur associé
au Département de science politique de l'Université Laval. Alors, d'emblée, je
vous demande de débuter votre exposé de 10 minutes et, après ça, d'avoir
un échange avec les membres de la commission. Et merci beaucoup d'être ici
aujourd'hui. La parole est à vous.
M. Derriennic (Jean-Pierre) :
Merci de votre invitation. Certains des points qui sont dans le mémoire que je
vous ai envoyé ont été dits la semaine dernière par...
Le Président (M.
Bachand) : ...Université Laval. Alors, d'emblée, je vous
demande de débuter votre exposé de 10 minutes, après ça, on aura un
échange avec les membres de la commission. Et merci beaucoup d'être ici aujourd'hui.
La parole est à vous.
M. Derriennic (Jean-Pierre) :
Merci de votre invitation. Certains des points qui sont dans le mémoire que je
vous ai envoyé ont été dits la semaine dernière par André Blais. Il n'est pas
inutile que je répète certains d'entre eux dans cet exposé. Je pense comme lui
que le projet de loi pourrait représenter un progrès par rapport au statu quo
si certaines corrections lui sont apportées. Mais il est possible de faire
mieux et beaucoup plus simple en faisant une représentation proportionnelle
modérée plutôt qu'un système mixte qui est un mode de scrutin inutilement
compliqué. Je vais d'abord rappeler les corrections dont je... que je pense
qu'il faut faire à votre projet. Et ensuite, je développerai un tout petit peu
le deuxième point.
Il faut faire cinq corrections à votre
projet pour qu'il soit rendu acceptable. La première correction, c'est qu'il
faut diviser les régions administratives les plus peuplées en plusieurs régions
électorales pour que toutes les régions électorales aient des nombres de
députés moins inégaux. Il faut le faire pour des raisons d'équité entre les
partis. C'est ce qu'André Blais vous a expliqué en parlant de l'Espagne, peut-être
vous vous en souvenez. Et il faut le faire surtout pour des raisons d'égalité
entre les citoyens, hein? Dans les régions à trois sièges, on va proposer aux
citoyens un choix de parti beaucoup plus limité que dans les régions qui ont
plus que 20 sièges. Cette inégalité-là entre les citoyens face à
l'élection n'a aucune justification. C'est le... un des problèmes graves de
votre projet.
J'ajoute en passant que si les régions
électorales ne font pas plus que six sièges, toute la discussion sur le seuil
d'éligibilité devient inutile. Vous avez passé beaucoup de temps à discuter, 10 %,
5 %, 3 %, etc., oubliez ça, vous n'en avez plus besoin si vous
fonctionnez dans des régions électorales peu inégales et n'ayant pas plus que
six sièges.
Deuxième correction qu'il faut faire, il
ne faut pas diviser par deux le nombre de sièges de circonscriptions gagnés par
un parti pour calculer son droit à obtenir un ou des sièges de région. Ça vous
a été dit par beaucoup d'intervenants à cette commission. Il ne faut surtout
pas, et ça, je crois, ça ne vous a pas été dit, arrondir le diviseur à l'unité
supérieure. Dans mon mémoire, j'explique avec un exemple numérique très, très
simple pourquoi ça donne un résultat complètement absurde, hein? Ça équivaut à
favoriser les partis qui ont deux élus par rapport à ceux qui en on qu'un et
ceux qui ont quatre élus par rapport à ceux qui en ont trois. Ce favoritisme
des nombres pairs par rapport aux nombres impairs n'a aucune justification,
hein? Et donc si on supprime cette règle de diviser par deux le nombre de
sièges de circonscription, on fait disparaître cette difficulté.
Troisièmement, il ne faut pas autoriser
les candidats indépendants. Le projet de loi comporte une incohérence étrange.
Pour pouvoir être élu comme député de région, il faudra être le candidat d'un
parti qui obtient au moins 10 % dans l'ensemble du Québec, mais on
pourrait être élu comme candidat indépendant, et là, la règle ne peut plus
s'appliquer, évidemment, hein? Il y a quelque chose d'incompréhensible
là-dedans, hein? Et évidemment les candidats indépendants seront utilisés par
les petits partis politiques pour présenter des candidats en échappant à la
règle des 10 %. Et ça pourra être utilisé aussi par les grands partis
politiques pour faire toute une série de manoeuvres frauduleuses qui sont
possibles dans un système compensatoire, hein?
Dans un système compensatoire, la compensation
vise les partis. Elle se fait entre les partis selon les résultats qu'ont
obtenus les partis. Les candidats indépendants n'ont rien à faire là-dedans.
Ils sont la porte grande ouverte à toute une série de manoeuvres frauduleuses.
Si, pour des raisons de principe, vous croyez... raison de principe que je ne
comprends pas, si vous pensez qu'il faut autoriser les candidats indépendants,
il ne faut pas faire un système compensatoire. Les deux institutions sont
incompatibles. Vous ne pouvez pas faire les deux en même temps.
• (17 h 10) •
Quatrième correction qu'il faut faire, il
faut donner aux électeurs deux votes sur le même bulletin et non pas deux
bulletins de vote. Le projet de loi parle tout le temps de deux bulletins de
vote. Il faut évidemment avoir deux votes sur un seul bulletin de vote. J'ai
une copie de bulletin de vote allemand ici pour vous montrer à quoi ça
rassemble deux votes sur un seul bulletin. Je vous le laisserai si vous voulez.
Évidemment, ça diminue beaucoup les possibilités de fraude...
M. Derriennic (Jean-Pierre) :
...de deux bulletins de vote, il faut évidemment avoir deux votes sur un seul
bulletin. J'ai une copie de bulletin de vote allemand, ici, pour vous montrer à
quoi ça ressemble, deux votes sur un seul bulletin. Je vous le laisserai, si
vous voulez.
Évidemment, ça diminue beaucoup les possibilités
de fraude parce que, si les deux votes sont sur le même bulletin, les
manoeuvres frauduleuses peuvent être dénoncées après coup, alors que, si les
votes sont sur les bulletins différents, il y a toute une série de manoeuvres
frauduleuses qui sont beaucoup plus difficiles à détecter. Et je ne vois pas
l'utilité de faire deux bulletins de vote. Il faut faire deux votes sur le même
bulletin.
Enfin, il faut modifier la méthode
d'attribution des sièges de région vacants. L'idée qu'il va y avoir des députés
nommés par des partis politiques sans passer par aucune élection est quelque
chose qui sera, de toute façon, inacceptable. C'est facile de savoir comment faire
les choses autrement.
Donc, si ces corrections sont faites, ce
projet deviendra une bonne réforme, un progrès important par rapport au statu
quo, mais ça sera seulement mon deuxième choix, comme André Blais vous a dit
que c'était son deuxième choix et que son premier choix, c'est quelque chose,
comme pour moi, de quelque chose de beaucoup plus simple, c'est une représentation
proportionnelle modérée, c'est-à-dire appliquée dans des circonscriptions
élisant de trois à cinq députés.
Et, comme il me reste quelques minutes, je
pense que je développe très rapidement cette solution qui, je pense, serait
bien plus commode, bien plus facile à mettre en place et bien meilleure que ce
que vous voulez faire. Ça aurait trois avantages immédiats.
La première, c'est que regrouper les
circonscriptions qui existent aujourd'hui sans modifier leurs limites pour
faire des circonscriptions plurinominales à trois élus, ou à cinq élus, ou éventuellement
à quatre élus, ça peut être nécessaire si on doit respecter les limites des
régions administratives, c'est un travail beaucoup plus facilement que de faire
78 nouvelles circonscriptions. Les délais d'entrée en vigueur de la réforme,
c'est essentiellement ça, d'avoir à refaire 78 circonscriptions. Ça, c'est un
travail énorme qui va soulever des contestations, des discussions, etc., hein?
Deuxième avantage, le fonctionnement du
système électoral sera plus facile à comprendre par les citoyens et évitera
toute une série de questions comme la différence de statut entre les deux types
de députés, etc. Vous faites l'économie de toute une partie des discussions et
des objections qui vous sont faites aujourd'hui.
Et enfin, si vous faites une
représentation proportionnelle dans des circonscriptions qui élisent très peu
de députés, tout le discours sur les dangers de la représentation
proportionnelle qui déstabilise tout ne tiennent plus parce qu'avec des
circonscriptions à trois sièges le seuil d'éligibilité, c'est 25 %. À
trois sièges. Avec des circonscriptions à cinq sièges, le seuil d'éligibilité,
c'est 17 % à peu près, ça dépend du nombre de candidats, etc., mais enfin
c'est un ordre de grandeur. Donc, là non plus, vous n'avez plus besoin de seuil
d'éligibilité et le risque que l'Assemblée soit envahie par toute une série de petits
partis politiques et sera... tout ça n'existe plus. Vous pouvez faire un
système proportionnel simple, facile à comprendre, facile à mettre en place,
facile à appliquer et qui ne présente pas les dangers qui sont attribués
d'habitude à la représentation proportionnelle.
L'intérêt de beaucoup d'entre vous pour un
système mixte repose sur quelque chose qui est, je crois, une illusion. C'est
l'idée que, pour qu'il y ait une relation significative entre les élus et les
électeurs, il faut absolument des circonscriptions uninominales. Alors, vous
voulez garder des circonscriptions uninominales, que vous agrandissez, donc le
lien va être affaibli, puis vous créez 45 députés qui, eux, n'ont pas de
circonscription uninominale. Si vraiment les circonscriptions uninominales,
c'est indispensable, qu'est-ce qu'ils deviennent, ces gens-là dans toutes vos
discussions? Est-ce que le lien serait rompu si on faisait des circonscriptions
à trois sièges?
Alors, j'ai réfléchi une seconde sur
Abitibi-Témiscamingue. Aujourd'hui, il y a trois députés. Avec votre système,
il y en aurait aussi trois, deux dans des circonscriptions et un député de
région. Avec une représentation proportionnelle simple, il y aurait trois
députés, qui se présenteraient sur des listes de trois candidats, et il y
aurait trois députés élus. Ils ne seraient pas moins nombreux. Il ne serait pas
plus difficile de les atteindre, pour les citoyens. Chacun des trois aurait un
domaine... un territoire trois fois plus grand, mais ils y seraient trois, dans
ce territoire trois fois plus grand. Je ne vois pas qu'est-ce que... en quoi ça
nuirait.
Et ça aurait un avantage important, que
vous évoquez à propos des candidats de région, c'est que, s'il y a trois élus
dans une région, il n'y aura jamais trois élus du même parti. Donc, les
citoyens auront toujours le choix de s'adresser à au moins un député du
gouvernement, au moins député de l'opposition. Et je crois que, si les citoyens
avaient ce choix-là partout...
M. Derriennic (Jean-Pierre) :
…de régions. C'est que, s'il y a trois élus dans une région, il n'y aura jamais
trois élus du même parti. Donc, les citoyens auront toujours le choix de
s'adresser à au moins un député du gouvernement, au moins un député de
l'opposition. Et je crois que, si les citoyens avaient ce choix-là partout, ils
aimeraient ça beaucoup, et que ça ne dégraderait pas la qualité des relations
entre les députés et les élus… entre les députés et les électeurs, ça
l'améliorerait. Et ça aurait un avantage énorme pour la composition de
l'Assemblée.
En 2018, les trois députés
d'Abitibi-Témiscamingue, je reste dans le même exemple, ont été élus avec, au
total, à eux trois, un peu moins de 36 % des votes de tous les électeurs
de la région. Si on reprend les chiffres de 2018 et qu'on les applique de manière
proportionnelle dans la même région, on obtient trois députés, qui ne sont pas
les mêmes évidemment, mais qui sont élus, à eux trois, avec 80 % des votes
exprimés dans la région. C'est dire… les votes perdus qui sont aujourd'hui
60 % dans cette région sont divisés par trois, tombent à 20 %.
Vous savez que l'Assemblée nationale
actuelle a été élue par 46,4 % des gens qui ont voté. Plus de la moitié
des gens qui ont voté ont perdu leur vote. C'est un des problèmes les plus
graves de notre système électoral, et on peut améliorer beaucoup cette
situation avec un système proportionnel, même aussi modéré qu'appliqué dans des
circonscriptions à trois sièges. Je suis obligé d'arrêter?
Le Président (M.
Bachand) : Oui, parce que, bien, c'est la période d'échange…
les gens ont hâte de poser des questions.
M. Derriennic (Jean-Pierre) :
Bon, O.K., O.K. J'ai une autre… une chose ou deux de plus à dire, mais je le
dirai en répondant aux questions.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Bien, je vais vous
donner l'occasion justement de compléter, puis je pourrai peut-être vous poser
des questions par la suite. Donc, complétez avec ce que vous vouliez ajouter.
M. Derriennic (Jean-Pierre) :
Donc, la dernière chose. L'autre avantage, n'est-ce pas, les gens qui veulent
une représentation proportionnelle veulent une représentation proportionnelle
dans des grandes régions. Vous avez ce débat : Est-ce qu'il faut faire des
plus grandes régions ou est-ce qu'il faut faire des plus petites régions en
divisant les grandes régions? Je crois qu'il faut faire des régions égales, et
qu'il vaut mieux faire des régions plus petites en divisant les grandes, que de
faire des régions plus grandes en regroupant les petites, parce qu'il vaut
mieux faire une représentation proportionnelle modérée. Le but ne doit pas être
de permettre à un grand nombre de partis politiques d'avoir un ou deux élus. Ce
n'est pas du tout ça la preuve qu'on a un bon système électoral.
Et le problème du rôle des petits partis
politiques dans la société… il y a des petits partis politiques qui défendent
des choses très importantes. C'est le cas des verts, par exemple, dans notre
société… il y a peut-être d'autres exemples… ils défendent quelque chose qui
est important. Et le fait qu'ils ne puissent pas avoir de vote aux élections,
parce que les gens savent que c'est un vote gaspillé… ils ont moins de
2 %, c'est une catastrophe complète. Il y a une solution à ça, qui n'est
pas de faire un système très propositionnel, qui est de faire un vote
préférentiel ou transférable ou à préférence ordonnée. André Blais vous a parlé
de cela aussi. Mais André Blais semblait croire qu'il faut choisir entre le
vote préférentiel ou le vote proportionnel. On peut faire les deux ensemble. Si
on fait un vote proportionnel dans des circonscriptions et là, en élisant un
petit nombre de députés, on peut très bien donner aux électeurs le choix
d'indiquer un ordre de préférence, non pas entre les candidats individuels,
mais entre les listes de partis. Si vous votez pour un parti qui a trop peu de
votes, votre deuxième choix va être utilisé, ou votre troisième choix va être
utilisé. D'un seul coup, les verts auront plus de premières préférences qu'ils
ont de votes aujourd'hui, parce que ça ne sera plus un vote gaspillé. Premier
avantage.
Deuxième avantage, beaucoup de députés
élus des autres partis sauront qu'ils ont été élus grâce au deuxième choix des
verts… des électeurs des verts, et ils en tiendront compte évidemment, n'est-ce
pas? Et donc, pour la place de l'environnement dans notre société, donner un
vote préférentiel à tous les électeurs pour permettre au Parti vert de
connaître sa force réelle et que les électeurs des verts exercent une influence
sur les élections des autres… des députés des autres partis, c'est la méthode
la plus efficace, plutôt que d'essayer de faire un système proportionnel qui va
permettre au Parti vert d'avoir deux élus, n'est-ce pas? Ça, c'est un petit peu
ce que les porte-parole du Parti vert vous ont expliqué. Ils veulent absolument
avoir un élu ou deux. Et ce n'est pas du tout la bonne stratégie, ni pour le
développement de leur parti, ni pour l'importance de l'environnement dans nos
préoccupations politiques, ni pour respecter l'opinion des électeurs pour qui
c'est le premier choix. Et c'est un premier choix sérieux, qui doit être pris
en compte.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la ministre.
• (17 h 20) •
Mme LeBel : Sur les modalités
peut-être du projet de loi comme tel, qui nous occupe présentement, le projet
de loi qui est sur la table, celui qu'on discute, vous êtes… vous le soulignez
à juste titre dans votre mémoire et vous êtes, je pense sans me tromper, un des
seuls partisans de cette…
Mme LeBel : Sur les modalités, peut-être,
du projet de loi comme tel qui nous occupe présentement, le projet de loi qui
est sur la table, celui qu'on discute, vous êtes... vous le soulignez à juste
titre dans votre mémoire et vous êtes, je pense, sans me tromper, un des seuls
partisans de cette modalité-là, vous dites: «Un des points les plus critiqués
du projet de loi sera la règle qui réserve les sièges de région aux partis
ayant obtenu au moins 10 % des votes dans tout le Québec.» Vous dites:
«C'est pourtant une bonne règle. Elle corrige un peu un des défauts du projet,
celui de créer une inégalité entre les citoyens selon le lieu où ils habitent.»
Pouvez-vous l'expliquer un peu plus? Parce qu'on a parlé du fait que cette
règle était trop élevée, qu'elle permettait... qu'elle mettait un frein trop
élevé à l'accessibilité, mais, au niveau de corriger l'inégalité, j'avoue que
j'aimerais mieux comprendre.
M. Derriennic (Jean-Pierre) :
La règle de 10 %, de toute façon, ne s'appliquera qu'à Montréal et en
Montérégie. Partout ailleurs, elle ne sert à rien. Partout ailleurs... Bon,
c'est vrai que c'est un calcul à l'échelle de tout le Québec et non pas dans la
circonscription, mais, dans presque toutes les circonscriptions, pour avoir
des... Bon. À Québec, il va falloir 9 %, 10 % des votes dans la
région, et partout ailleurs, bon, dans les circonscriptions à... dans les
régions à six sièges, il va falloir avoir 15 % ou 16 % des votes dans
la région. Donc, si on a 15 % ou 16 % des votes dans la région, ce
n'est pas difficile d'être un parti qui a 10 % des votes dans l'ensemble
de la province. La règle de 10 % n'aura d'effet réel qu'à Montréal et en
Montérégie. S'il n'y avait pas de règle de 10 % ou seulement une règle de
3 %, qu'est-ce que ça donnerait? Bien, ça donnerait qu'un électeur en
Abitibi-Témiscamingue, n'est-ce pas, il sait que tous les partis politiques qui
ont moins de 20 % des votes n'ont pas de chances, ce n'est pas la peine de
voter pour eux, c'est du vote gaspillé, alors qu'à Montréal, s'il n'y a pas de
règle de 10 %, un parti qui a la possibilité d'avoir 4 % des votes
pourra avoir un élu. Alors, la règle de 10 % diminue cette inégalité,
parce qu'elle établit un seuil de 10 % à Montréal et en Montérégie, qui
continuent à avoir un choix plus ouvert qu'en Abitibi, mais ça diminue
l'inégalité de choix entre l'Abitibi et Montréal ou la Gaspésie et la
Montérégie.
Mme LeBel : O.K. Bon. Au
niveau du principe même d'avoir un système, peu importe... parce que vous nous
proposez un autre type de système, mais, peu importe celui auquel on pourrait
adhérer, le principe même, là, d'avoir de la proportionnalité, une
proportionnalité plus élevée dans un système électoral, vous trouvez que c'est
une bonne chose?
M. Derriennic (Jean-Pierre) :
Ça dépend. C'est bien d'avoir un système proportionnel, parce que, comme le
montre mon exemple numérique pour l'Abitibi, n'est-ce pas, les gens d'Abitibi,
36 % d'entre eux ont élu les trois députés. S'ils avaient voté à la
proportionnelle de la même façon, 80 % d'entre eux auraient voté pour
quelqu'un qui est élu. Il me semble que ça fait une différence énorme pour la
satisfaction des gens qui ont voté et pour l'obligation pour les élus de tenir
compte de tout le monde, hein, et ça va être vrai à l'échelle de l'ensemble...
Je n'ai pas fait le calcul pour toute la province, n'est-ce pas, c'est un
travail trop long, mais, évidemment, ça, ça fait un progrès très important, et
ce progrès important, il peut être obtenu même avec une proportionnalité
faible, parce que des circonscriptions à trois sièges, c'est une
proportionnalité faible.
Il faut faire un système proportionnel,
mais ça ne veut pas dire que le système le plus proportionnel est le meilleur.
Pas beaucoup des gens qui sont venus vous parler pensent que plus c'est
proportionnel, plus c'est bien. Non. Il faut que ce soit proportionnel, mais il
ne faut pas que ça le soit beaucoup, et il suffit que ça le soit un peu pour
que ça améliore beaucoup la représentativité de l'Assemblée. J'ai fait le même
calcul pour la région Mégantic-Est du Québec, là, où il y a cinq élus, hein? En
les faisant élire à la proportionnelle au lieu d'être élus dans des
circonscriptions uninominales, les députés, en 2018, auraient été élus par 95 %
des gens qui ont voté. Il y aurait eu 5 % de votes perdus au lieu de
50 % de votes perdus. C'est ça, le progrès que permet le système
proportionnel, ce n'est pas de permettre la multiplication des petits partis.
Les petits partis revendiquent la proportionnelle parce qu'ils croient que
c'est indispensable pour leur existence. Il faut expliquer aux petits partis
que ce qui est bon pour eux, c'est le vote préférentiel, c'est le vote avec un
ordre de préférence. Comme ça, on va connaître vraiment leur soutien dans la
population; comme ça, les partis... les petits partis sérieux auront une
représentation des votes sérieux, même s'ils n'ont pas beaucoup de députés, et
puis les petits partis rigolos non significatifs, eh bien, ils resteront
quelque chose de négligeable.
Il faut faire un système proportionnel, il
faut faire un système proportionnel modéré. C'est ce que nous a enseigné
Vincent Lemieux, c'est ce qu'il m'a enseigné à moi, c'est ce qu'il a enseigné à
Louis Massicotte...
M. Derriennic (Jean-Pierre) :
...sérieux même s'ils n'ont pas beaucoup de députés, et puis les petits partis
rigolos, non significatifs, bien, ils resteront quelque chose de négligeable.
Il faut faire un système proportionnel, il faut faire un système proportionnel
modéré. C'est ce que nous a enseigné Vincent Lemieux, c'est ce qu'il m'a
enseigné à moi, c'est ce qu'il a enseigné à Louis Massicotte, c'est ce qu'il a
enseigné à André Blais, c'est ce qu'il a enseigné aux meilleurs spécialistes
des modes de scrutin de la province de Québec. Je ne me compte pas parmi eux
mais je parle des deux autres, André Blais et Louis Massicotte. Moi, je ne suis
pas un expert de ce genre de chose, mes sujets de recherche sont assez
différents.
Mme LeBel : Vous mentionnez peut-être
un autre point, entre autres celui d'interdire les candidats indépendants. Vous
l'avez expliqué. J'ai beaucoup de mal à voir comment je pourrais, dans notre
système constitutionnel et démocratique, interdire à quelqu'un de se présenter
en politique parce qu'aucun parti politique ne l'accueille ou parce qu'il ne
veut pas se joindre à aucun parti politique. Les deux sont les mêmes, mais, je
veux dire, on pourrait penser que quelqu'un pourrait soit être exclu ou ne pas
désirer le faire. Mais, de toute façon, étant indépendant, comment je peux
justifier ça dans notre système démocratique et constitutionnel?
M. Derriennic (Jean-Pierre) :
Dans les circonscriptions uninominales, bon, vous dites à un candidat qui veut
se présenter de dire qu'il a un parti politique, il peut être un parti
politique à lui tout seul. Et pour les sièges de région, que les sièges de
région soient attribués plus facilement à des candidats indépendants qu'à des
candidats de parti, il me semble que ça, c'est l'ouverture à toute une série de
manoeuvres. Bien, au bout de deux élections, les partis vont comprendre ça et
vous allez avoir toute une quantité de candidats indépendants qui vont être
élus aux sièges de région, à Montréal et en Montérégie, qui seront en fait des
candidats camouflés de certains partis pour qu'ils obtiennent ces sièges sans
qu'on déduise les sièges obtenus par le parti dans les circonscriptions
uninominales. C'est un moyen facile de fausser complètement le jeu.
Je ne vois pas pourquoi les candidats
indépendants, ça serait une liberté fondamentale dans notre société, il n'y a
quasiment jamais de candidats indépendants élus, hein? Ça ne change rien au
fonctionnement du système. Et, dans ce cas-là, ça le perturbe gravement. Vous
pouvez faire un système uninominal en utilisant... en autorisant les candidats
indépendants, ils ne seront pas élus mais ils ne faussent pas le jeu. Vous
pouvez faire un système proportionnel simple. Si vous faites le système
proportionnel que je vous propose avec les circonscriptions à trois, quatre ou
cinq sièges, là, vous pouvez autoriser les indépendants, ils ne seront pas
élus, mais ils ne fausseront pas le système, ils ne pourront pas être utilisés
pour fausser le système. Vous pouvez même faire un système parallèle à système
mixte parallèle. Vous savez sans doute ce que c'est. Bien, c'est moins bien
qu'un système compensatoire. Il ne faut pas faire un système mixte parallèle.
Mais si vous faisiez un système mixte parallèle, je ne vous critiquerais pas
les candidats indépendants, ça n'a aucun effet. S'il y a compensation, les
candidats indépendants viennent fausser complètement le jeu de la compensation.
Ils peuvent servir à ça, les partis politiques vont le comprendre, hein?
Vous savez quelle est l'histoire des lois
sur le financement des partis au Québec. On fait des belles lois sur le
financement des partis, et immédiatement il y a, dans les partis politiques,
des gens qui étudient comment jouer sur la loi, comment exploiter la loi,
comment trouver les failles de la loi. Si vous faites un mode de scrutin où il
y a des failles, évidemment il y aura des gens dans les organisateurs de partis
politiques qui viseront comment exploiter la faille pour gagner un siège ou
deux ici ou là, hein? Ne faites pas des candidats indépendants dans un système
compensatoire, il faut choisir, faire l'un ou l'autre.
Si vous voulez faire un système
compensatoire, ça peut être un bon système, et ne faites pas de candidat
indépendant. Si vous exigez de faire des candidats indépendants, vous allez
être obligés de prendre ma solution du système proportionnel sans système
mixte. Et là je serais tout à fait content parce que je pense que ce serait un
peu mieux que ce que vous voulez faire. Vous voulez faire quelque chose qui
peut être pas mal si vous évitez certaines erreurs. Mais ne mettez pas des
candidats indépendants dans votre projet, ça va tourner mal.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Mme la ministre.
Je me tourne maintenant vers le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup, M. le Président. Bonjour, M. Derriennic. Heureux, je dirais, de vous
retrouver. Je dois faire l'aveu, j'ai déjà été un de vos élèves en science politique.
Alors, vous pourrez avertir vos élèves : Faites attention parce que mes
cours peuvent vous mener à l'Assemblée nationale, vous les préviendrez s'ils
abusent de la science politique. Très heureux de vous retrouver.
• (17 h 30) •
Vous dites dans votre mémoire... Évidemment,
j'ai lu votre livre, parce que vous aviez participé à une réflexion plus
globale, 13, 14, 15, avec l'élection du gouvernement fédéral à l'époque de M.
Trudeau, Un meilleur système électoral pour le Canada. Je
trouvais ça inspirant également. Vous faites une excellente, je pense,
démonstration, entre autres, de ce qu'implique le système préférentiel, par
vote préférentiel. Et, comme vous le dites bien, c'est toujours une option à
analyser, oui, dans le contexte du projet de loi n° 39,
mais dans un système uninominal, également, à un tour, c'est toujours une
option sur laquelle les partis politiques peuvent avoir une réflexion. Vous...
17 h 30 (version non révisée)
M. Tanguay
: ...entre
autres, de ce qu'implique le système préférentiel, par vote préférentiel. Et,
comme vous le dites bien, c'est toujours une option à analyser, oui, dans le
contexte du projet de loi n° 39, mais dans un système
uninominal, également, à un tour, c'est toujours une option sur laquelle les partis
politiques peuvent avoir une réflexion.
Vous dites dans votre mémoire... donc, il
y a le livre, il y a le mémoire, que j'ai lu, bien évidemment... en premier
paragraphe, vous parlez du projet de loi comme étant inutilement complexe et
vous soulevez des erreurs de conception. Et je pense que, si, sur l'approche,
vous êtes pour, je crois, puis je ne veux pas être réducteur dans la façon dont
je résume votre position... vous êtes ouvert évidemment à un nouveau mode de
scrutin, mais vous soulevez des écueils qui, pour vous, sont fondamentaux. Et
ce que vous proposez n'est pas cosmétique ou anodin, est fondamental pour que
le système fonctionne.
Ce faisant, vous soulevez l'importance
d'avoir des régions... et dans votre livre également, ça y participe : «La
proportionnalité des résultats est meilleure si le nombre de députés par
circonscription est plus grand.» Donc, vous, ce que vous dites, puis j'aimerais
vous entendre là-dessus... puis les gens qui nous écoutent à la maison peuvent
également comprendre les explications que vous apportez... vous dites :
Bien, plutôt que de faire le... diviser le Québec par ce qui est déjà ses
régions administratives, soit 17... Certaines régions sont immenses comparées à
d'autres, en termes de territoire, mais peu peuplées. Donc, l'Abitibi aurait
trois députés. Vous dites : Bien, regroupez, gardez les 125 comtés. Ne
refaites pas complètement la carte électorale, qui est un processus
excessivement douloureux dans notre démocratie, là. Faire une carte électorale
aux huit ans, à toutes les fois, c'est excessivement douloureux, et on touche,
bon an, mal an, une quinzaine de comtés. Parfois, on a monté à 35. Mais de
refaire complètement la carte, les 125 comtés, de dire : Vous refaites 80
comtés? Vous dites : Non, non, non, gardez les mêmes. Donc, en termes de
complexité, et de délais, et de divisions sociales, vous diminuez les écueils.
Et vous dites... donc, j'aimerais vous
entendre là-dessus... Prenez les 125 comtés et regroupez-les en régions de
trois à cinq, regroupements de trois à cinq députés, et là vous pourriez faire
une véritable redistribution proportionnelle basée sur le vote constaté dans la
région. Et également, un élément sur lequel j'aimerais vous entendre, vous
dites : «Le système, tel que proposé, est complexe, difficile à
comprendre, et l'un des défis serait d'expliquer aux gens pourquoi il y aurait
deux statuts de député.» J'aimerais vous entendre là-dessus, sur cette réalité
que le projet de loi ferait naître deux statuts de député.
M. Derriennic (Jean-Pierre) :
Oui, ça va faire naître deux statuts de député. Je ne suis pas sûr que ce soit
un problème grave, mais ça va être un débat grave parce que ça va être utilisé
perpétuellement contre la réforme. Et d'une certaine façon, ce n'est pas utile
d'en discuter ici parce qu'on ne peut pas fixer dans la loi comment va se
diviser le travail entre un député de région et un député de circonscription.
Et puis dans les petites régions, le député de région ne sera jamais du même
parti que les députés de circonscription. C'est la logique même de la
compensation, hein? On ne pourra jamais avoir trois élus du même parti. Dans
les grandes régions, il pourra y avoir des députés de région qui sont du même
parti que des députés de circonscription. Comment fait-on des règles pour
déterminer comment ils doivent travailler ensemble? Dans certains cas, ils sont
du même parti; dans certains cas, ils ne le sont pas, etc. Je crois qu'on ne
peut pas mettre ça dans une loi. Ce n'est pas nécessaire de discuter ça ici.
Les partis et les députés le régleront eux-mêmes. Je crois qu'ils sauront le
régler.
Et je ne crois pas que ce sera un problème
très grave. Ce ne sera pas un problème très grave pour vivre avec la réforme,
si vous la faites. Ce sera un problème grave pour faire adopter la réforme
parce que la discussion va porter là-dessus tout le temps. Les gens vont vouloir
qu'on leur dise à l'avance comment ce travail va se répartir. Je pense que les
candidats indépendants ou la méthode de calcul en divisant par deux, que ça,
c'est des problèmes plus graves pour la réforme elle-même. Et je crois que
l'inégalité de peuplement des régions, le fait d'avoir des régions à trois
sièges, même deux, dans un cas, et des régions à 25 ou 23, etc., sièges, que
ça, c'est un problème grave dans la conception d'un système électoral.
M. Tanguay
: Oui, et
j'aimerais, donc, sur cette lancée-là, vous demander de commenter ou de
détailler... Plus tôt, page 5 de votre mémoire, vous dites... et vous parlez du
lien électeurs-élus, et vous dites, je vous cite : «L'argument que les
circonscriptions uninominales sont nécessaires pour maintenir un lien
significatif entre les électeurs et les élus a, dans le cas d'un système mixte,
des effets paradoxaux. Il conduit à la création de 80 circonscriptions
uninominales, qui seront 50 % plus peuplées qu'aujourd'hui, et où ce lien
serait donc affaibli, et de 45 sièges de députés, pour lesquels il serait
rompu...
M. Tanguay
: ...élus a,
dans le cas d'un système mixte, des effets paradoxaux. Il conduit à la création
de 80 circonscriptions uninominales qui seront 50 % plus peuplées
qu'aujourd'hui, et où ce lien serait donc affaibli, et de 45 sièges de députés
pour lesquels il serait rompu.»
J'aimerais une explication, s'il vous
plaît, sur ce lien rompu ou affaibli électeurs-élus.
M. Derriennic (Jean-Pierre) :
Il serait beaucoup plus faible. Si les... Bien, il y a un postulat, que je ne
partage pas, que les circonscriptions uninominales sont indispensables pour...
Et c'est à cause de ce postulat que vous voulez faire un système mixte et non
pas un système proportionnel beaucoup plus simple, c'est uniquement pour garder
des circonscriptions uninominales. Sans ça, vous n'avez pas besoin de faire un système
mixte. Donc, au nom du postulat de l'importance des circonscriptions
uninominales, vous aboutissez à agrandir les circonscriptions uninominales,
donc affaiblir leur efficacité pour le lien entre les électeurs et les élus, et
à créer des députés qui n'ont pas de circonscription uninominale.
Moi, je crois que, si vous faites un
système mixte, les députés de région seront des députés élus tout à fait
légitimes qui feront leur boulot de député comme les autres, et je crois que ça
peut marcher très bien. Dans un pays comme l'Allemagne, ça marche très bien
depuis longtemps. Mais c'est contradictoire avec le postulat de départ. Maintenant,
moi, je pense que les députés de région, ça va se passer bien, parce que je ne
crois pas au postulat que les circonscriptions uninominales sont indispensables
au lien entre les électeurs et les élus.
Et je pense que mon exemple de
l'Abitibi-Témiscamingue et des trois élus à la proportionnelle dans une... eux,
ils n'auront pas de lien avec leurs électeurs, alors que les trois
circonscriptions voisines, là, les députés ont un lien avec leurs électeurs.
C'est une affirmation qui est indémontrable. Je ne vois pas pourquoi trois
députés élus ensemble à la proportionnelle dans un territoire trois fois plus
grand, pourquoi ça serait plus difficile pour eux de faire leur travail. Il y
aurait peut-être un problème pratique. On vous a dit une chose très utile, je
crois, André Blais et beaucoup d'autres : il faut donner plus de moyens
aux députés des régions éloignées. C'est vrai même maintenant sans doute.
Maintenant, que la solution aux régions
éloignées, ça n'est pas de donner trois fois plus de pouvoirs politiques aux
habitants de ces régions par rapport aux habitants de Montréal, ou de la
Montérégie, ou de Québec. C'est très injuste envers la majorité de la
population qui est désavantagée par ça. Ce qui est légitime, tout à fait, c'est
d'augmenter les moyens matériels des députés pour faire leur boulot. Faites un
sondage dans la population, demandez aux habitants de Montréal et de
Québec : Est-ce que vous êtes d'accord pour donner trois fois plus de
pouvoirs aux habitants de la Gaspésie qu'à vous? Ils ne vont pas être d'accord.
Si vous leur demandez : Êtes-vous prêts à payer un peu plus d'impôt pour
financer les députés qui travaillent en Gaspésie parce que leur travail est
plus difficile que pour les gens qui sont à Québec?, je pense que la grande
majorité de mes concitoyens accepteront ça comme la bien meilleure solution au
problème des régions éloignées.
M. Tanguay
: Nous, on
discute beaucoup de systèmes électoraux, qu'est-ce qui serait le mieux, quel
système serait le meilleur pour le Québec, et tout ça. On est toujours sur une
base théorique, mais vous êtes tout à fait conscient que vous avez effleuré la
situation, entre autres lorsque vous parliez des difficultés, des écueils pour
faire adopter une telle réforme. On vit avec l'être humain, c'est... et chacun
va dire, que ce soit le camp du Oui ou le camp du Non, va tirer la couverture
de son côté et va faire... va soulever les arguments qu'ils voudront bien
soulever.
Un élément central, et là je le vois comme
un écueil et j'aimerais vous entendre là-dessus, parce qu'on fait de la
politique dans le réel et il faut évaluer aussi ses chances à ce que ça passe
ou ça ne passe pas, un élément presque sacro-saint, et c'est excessivement
important, c'est les régions au Québec. Et on dit... et mon collègue de
Rimouski, que j'apprécie beaucoup, a dit : Écoutez, moi, les 17 régions...
puis c'est un élément fort et important pour lui, mais il tient à la
proportionnelle. Mais comment pourrions-nous rendre possible cela dans la
situation que vous soulevez, là, je me mets dans vos chaussures, en
disant : Bien, ça ne sera pas les 17 régions, on va éclater ça? Et comment
le débat ne pourrait pas facilement bifurquer sur : bien, qu'est-ce qu'une
région cohérente, si on les regroupe en trois, cinq ou dix comtés?
M. Derriennic (Jean-Pierre) :
On ne regroupe pas les régions, on regroupe les circonscriptions dans les
régions.
M. Tanguay
: Pas les
régions, pardon, les...
M. Derriennic (Jean-Pierre) :
Et les régions qui ont aujourd'hui trois députés deviennent une circonscription
à trois sièges. Celles qui en ont quatre deviennent une circonscription à
quatre sièges. Celles qui en ont cinq deviennent une circonscription à cinq
sièges. Celles qui en ont six, ça se discute, on peut les diviser en deux qui
en ont trois ou les garder à six. À Québec, on fait trois circonscriptions
plurinominales, quatre, quatre et trois ou trois, trois et cinq, ça se discute.
À Montréal, je pense, si on fait des circonscriptions à trois sièges partout,
il faut en faire neuf. Voilà. Et donc...
• (17 h 40) •
M. Tanguay
:
...cohésion régionale. La cohésion régionale qu'on peut avoir dans les 17 régions
administratives, versus une cohésion... C'est-à-dire une division régionale,
oui, regrouper — il fallait me lire comme ça — regrouper
des comtés en régions artificielles, entre guillemets, versus l'appartenance du
territoire que les...
M. Derriennic (Jean-Pierre) :
...pense, si on fait des circonscriptions à trois sièges partout, on doit... il
faut en faire neuf. Voilà. Et donc...
M. Tanguay
:
...cohésion régionale. La cohésion régionale qu'on peut avoir dans les 17
régions administratives, versus une cohésion... C'est-à-dire une division
régionale, oui, regrouper — il fallait me lire comme
ça — regrouper des comtés en régions artificielles, entre guillemets,
versus l'appartenance du territoire que les partis, les députés élus vont
représenter.
M. Derriennic (Jean-Pierre) :
Je ne vois pas ce que ça changerait pour la région de Québec, qui aujourd'hui a
11 circonscriptions électorales, de garder 11 députés qui seraient élus dans
trois régions électorales. Si vous voulez qu'il n'y ait pas de concurrence à
cause du mot région, on peut appeler ça autre chose qu'une région, on peut
appeler ça je ne sais pas quoi, circonscription plurinominale. En quoi ça
nuirait à l'administration de la région administrative de Québec et aux relations
de la région administrative de Québec avec les élus élus dans Québec?
Si on me dit que regrouper les régions
périphériques pour les mettre ensemble, que ça, ça poserait un problème,
peut-être. J'habite à Québec, je n'ai pas l'expérience des régions périphériques,
mais dans le cas des grandes régions administratives qu'il faudrait diviser en
plusieurs régions électorales — j'utilise l'expression région
électorale parce qu'elle est utilisée dans le projet de loi au début, pas sur
les régions électorales qui vont correspondre aux régions
administratives — je ne vois pas en quoi ça nuirait au fonctionnement
de la région administrative de Québec, ni aux relations des électeurs avec
leurs régions administratives, ni aux relations des députés avec la région administrative
des électeurs qui les ont élus. Je crois qu'il y a là un complètement faux
problème et que l'égalité des citoyens, qui est beaucoup mieux respectée si on
fait des régions électorales plus petites dans les trois grandes régions,
l'égalité des citoyens, c'est beaucoup plus important que la question de savoir
si les régions correspondent exactement aux régions administratives.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le député de Rimouski, s'il vous plaît.
M. LeBel : Merci, M. le Président.
Bonjour. Tantôt... Vous savez, moi, par rapport aux régions, ça m'intéresse
beaucoup, c'est... mais tantôt, M. Sormany, là, avant vous, dans son mémoire,
avait amené une problématique, je pense qu'il faut essayer de trouver une
solution pour répondre à ça, c'est... entre autres la Côte-Nord, puis je
reviens avec ce que vous venez de dire, que la Côte-Nord, là, il y aurait deux
députés sur la Côte-Nord. Et là ce qu'il disait, ce qui pourrait arriver, c'est
que les deux députés proviennent tous de Baie-Comeau, les deux. Et là le comté
de Duplessis perdrait... et là comment... C'est la même chose pour la Gaspésie,
il dit : Ça pourrait arriver que les députés qui soient élus viennent tous
du côté nord de la Gaspésie, et là la Baie-des-Chaleurs serait comme
désavantagée. C'était un peu ce qu'il nous... il nous mettait en garde contre
ça. Qu'est-ce qu'on... comment vous pensez qu'on pourrait s'assurer que ça
n'arrive pas comme ça ou que ça ne crée pas de problème?
M. Derriennic (Jean-Pierre) :
Les députés habiteront... qui seront candidats, on n e peut pas déterminer à
l'avance où ils ont le droit d'habiter, où ils ont le droit de travailler. Le
projet que vous avez va créer dans la région...
M. LeBel : Parce que vous avez
parlé de l'Abitibi, tantôt, trois députés qui auraient la grande région. Et si
les trois viennent d'une même sous-région de l'Abitibi, il y a des gens... une
partie de l'Abitibi va se dire moins représentée, vous ne pensez pas?
M. Derriennic (Jean-Pierre) :
Si c'est une erreur de faire ça et si les partis politiques font cette erreur,
ils le paieront. Un parti politique qui présenterait trois candidats qui
viennent exactement du même endroit ou trois candidats qui ont exactement les
mêmes caractères, c'est... Bon, je n'ai pas abordé dans mon mémoire la question
des quotas de femmes, choses comme ça, n'est-ce pas. Mais, même si on ne fait
pas de quota pour les femmes, de quota pour des groupes particuliers, le seul
fait que les candidatures soient présentées sur des listes augmente la
probabilité qu'il y ait des femmes candidates. Si un parti politique présente
trois candidats dans une circonscription sur une liste, il ne va pas présenter
trois avocats mâles de 45 ans. Il va présenter des gens différents, et ça va
jouer en faveur des femmes, ça va jouer en faveur des minorités, etc. C'est
pour ça qu'il y a plus de femmes statistiquement dans les Parlements dans les
pays où il y a une représentation proportionnelle, ce n'est pas à cause du
calcul proportionnel, c'est parce que c'est des listes. C'est la formation des
listes qui favorise la représentation des femmes. Donc, évidemment, un parti
politique peut faire l'erreur que vous dites. Tant pis pour lui, les gens ne
vont pas aimer ça et le lui feront payer.
La Côte-Nord pose un problème particulier
parce qu'il n'y en a que deux. Bon, alors il va y avoir un truc un peu bizarre,
si vous appliquez votre projet, c'est qu'il va y avoir deux députés, un député
de circonscription et un député de région qui sont élus par les mêmes personnes
dans le même territoire, dans ce cas-là. Et ça sera plus difficile d'être
député de région que député de circonscription, parce que député de région, si
on appartient à un parti, il faut appartenir à un parti qui a au moins 10 %
dans l'ensemble de la province, alors que, pour le député de circonscription,
cette règle-là ne s'appliquera pas. Ça va être un petit peu curieux. Comment
ils vont travailler ensemble? Je ne sais pas, mais ils s'arrangeront. Si on
fait une représentation proportionnelle et qu'on veut garder la même région
commune, on peut faire une représentation proportionnelle avec seulement deux
députés. Ce n'est pas recommandé, mais ça a été fait dans de nombreux endroits.
Si toutes les circonscriptions...
M. Derriennic (Jean-Pierre) :
...ne s'appliquera pas, ça va être un petit peu curieux. Comment ils vont
travailler ensemble? Je ne sais pas, mais ils s'arrangeront. Si on fait une représentation
proportionnelle et qu'on veut garder la même région commune, on peut faire une
représentation proportionnelle avec seulement deux députés. Ce n'est pas
recommandé, mais ça a été fait dans de nombreux endroits. Si toutes les
circonscriptions font deux députés, c'est une catastrophe, la représentation
proportionnelle. Mais avoir une circonscription où il y a deux députés
seulement, hein, normalement c'est trois le minimum pour faire une
représentation proportionnelle qui commence à être raisonnable, mais on pourra
avoir, tout simplement, une élection à la représentation proportionnelle avec,
effectivement, une probabilité très grande que les deux députés ne soient pas
du même parti. Est-ce qu'ils viendront tous les deux du même patelin? Ça, c'est
leur affaire. On ne peut pas codifier ça à l'avance.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Marie-Victorin,
s'il vous plaît.
Mme Fournier
: Merci
beaucoup pour votre présentation. Vous êtes notre dernier intervenant pour les
auditions publiques, donc c'était très, très intéressant de vous entendre, je pense
que vous nous amenez une autre perspective. Puis, par exemple, sur la question
de la prime au vainqueur, je trouvais ça vraiment intéressant que vous
souleviez le fait que, dans le cas d'un nombre impair, par exemple, ça devient
un peu inapplicable, en fait, ça fait que c'est un autre argument pour qu'on
enlève ça du projet de loi.
Je crois que mes collègues ont bien résumé
les différentes questions, mais je dois vous avouer, là, par ma situation,
c'est sûr que la question des députés ou des candidats indépendants, ça m'a un
peu titillé ce que vous avez dit parce que j'y vois une certaine contradiction.
Vous dites que les partis pourraient faire des stratagèmes, puis là, présenter
des indépendants sur les listes, tout ça, mais, en même temps, vous avez dit
aussi qu'il y avait un seuil implicite à l'heure actuelle avec le projet de loi
proposé, que même si on débat, là, sur les questions de 2 %, 3 %,
10 %, moi, je vous rejoins, je trouve que cette question-là est un peu
secondaire, parce qu'effectivement, c'est déjà à peu près 25 %, le seuil
implicite avec le projet de loi qu'on a dans les mains sauf à Montréal et dans
la Montérégie. Mais donc ça revient au même pour les indépendants, à part à
Montréal puis en Montérégie. Il n'y aurait pratiquement aucune chance qu'un
candidat indépendant puisse se faire élire sur une liste. Puis, même encore là,
à Montréal puis en Montérégie, on parlerait de peut-être un au maximum.
M. Derriennic (Jean-Pierre) :
Le candidat indépendant n'est pas sur une liste, par définition, il est un
candidat indépendant. O.K.?
Mme Fournier
: Je veux
dire pour le bulletin de vote, pour le vote.
M. Derriennic (Jean-Pierre) :
Un candidat indépendant sur le siège de région...
Mme Fournier
: Tout à
fait.
M. Derriennic (Jean-Pierre) :
...c'est ça qui pose le problème, mais il ne sera pas sur une liste, justement.
Les autres candidats, ceux des partis, seront sur des listes.
Mme Fournier
: C'est ce
que je voulais dire.
M. Derriennic (Jean-Pierre) :
Le candidat indépendant, il ne peut pas être sur une liste, puisqu'il est
indépendant. Excusez-moi de vous...
Mme Fournier
: Non,
non, mais c'est ce que je voulais dire.
M. Derriennic (Jean-Pierre) :
O.K.
Mme Fournier
: Je
faisais référence au vote sur la région.
M. Derriennic (Jean-Pierre) :
Non, mais je voulais être sûr de comprendre.
Mme Fournier
: Oui.
Mais donc je faisais référence au vote sur la région, au fait qu'au final, vous
dites qu'il pourrait y avoir des gros stratagèmes. Mais ce que je vois avec le projet
de loi qui est proposé, il pourrait y avoir au maximum deux députés
indépendants élus, un à Montréal, un en Montérégie, puis ça prendrait
minimalement un bon 10 %, là, pour être élu avec ce système, là, quand on
regarde les calculs puis vraiment qu'on...
M. Derriennic (Jean-Pierre) :
Si vous... Mais la règle de 10 % ne peut pas s'appliquer aux indépendants.
Un indépendant ne peut pas avoir 10 % des votes dans l'ensemble de la
province.
Mme Fournier
: Je suis
d'accord avec vous, je fais juste réfuter le fait qu'il ne peut pas y avoir de
stratagèmes des partis politiques de placer des indépendants partout au Québec.
C'est un peu ce que vous nous avez dit.
M. Derriennic (Jean-Pierre) :
Non. Ils peuvent très bien, les partis, savoir qu'à Montréal ou en
Montérégie... D'abord, les petits partis idéologiques présenteront des
candidats indépendants à Montréal ou en Montérégie. C'est les deux seuls
endroits où ils ont une chance. Parce qu'avec 4 %, peut-être qu'un parti
extrémiste peut avoir des élus, un élu à Montréal. Et les partis politiques
pourront savoir qu'il y a un candidat indépendant qui se présente à tel
endroit. Et donc on s'arrange pour ne pas présenter un candidat contre lui ou
pour avoir un candidat qui se retire à la dernière minute pour le laisser être
élu et, comme ça, cet élu-là ne se déduira pas du calcul de la compensation
pour le parti. Et même dans les circonscriptions à trois sièges, on peut faire
ça. On connaît bien les gens, on sait qu'il y a tel indépendant qui se présente
à tel endroit, on va le laisser être élu. Évidemment, il y aura une liste, il y
aura un candidat de parti, une liste de... un nom, n'est-ce pas, pour le siège
de région et, comme ça, le parti obtiendra le siège de région sans que se
déduise le siège obtenu par l'indépendant dans la circonscription en question.
Évidemment, cette manoeuvre-là est possible. Ça a été fait en Italie dans les
années 90 par le parti de Berlusconi, mais il ne faut pas faire des règles
qui permettent de faire ce genre de manoeuvre.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, ça conclut la présentation. Avant de
conclure les auditions...
Des voix
: ...
Le Président (M.
Bachand) :S'il vous plaît! Ce n'est pas
terminé, ce n'est pas terminé. Je sais que vous voulez rester avec moi encore quelques
instants. Je procède au dépôt des mémoires des personnes et organismes qui
n'ont pas été entendus lors des auditions publiques. De plus, je dépose un
texte signé par 166 personnes et organisations concernant le projet de loi
n° 39, Loi établissant un nouveau mode de scrutin.
Cela dit, la...
Le Président (M.
Bachand) : ...conclure les auditions, s'il vous plaît. Ce n'est
pas terminé, ce n'est pas terminé. Je sais que vous voulez rester avec moi
encore quelques instants.
Je procède au dépôt des mémoires des
personnes et organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions
publiques. De plus, je dépose au texte signé par 166 personnes et organisations
concernant le projet de loi n° 39, Loi établissant un nouveau mode de
scrutin.
Cela dit, la commission ajourne ses
travaux sine die. Merci beaucoup, donc.
(Fin de la séance à 17 h 50)