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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le mercredi 30 octobre 2019 - Vol. 45 N° 59

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 32, Loi visant principalement à favoriser l’efficacité de la justice pénale et à établir les modalités d’intervention de la Cour du Québec dans un pourvoi en appel


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Table des matières

Auditions (suite)

Association québécoise des avocats et avocates de la défense (AQAAD)

Clinique d'accompagnement juridique Droit de cité

Association des juristes progressistes (AJP)

Mme Marie-Eve Sylvestre

Association des greffiers de cours municipales du Québec (AGCMQ)

Clinique droits devant

Mémoires déposés

Autres intervenants

M. André Bachand, président

Mme Sonia LeBel

M. Marc Tanguay

Mme Kathleen Weil

M. Gabriel Nadeau-Dubois

Mme Véronique Hivon

M. Mathieu Lévesque

M. Denis Lamothe

Mme Lucie Lecours

M. Louis Lemieux

*          M. Michel Lebrun, AQAAD

*          M. Maxime Couillard, Clinique d'accompagnement juridique Droit de cité

*          M. Léo Fugazza, AJP

*          Mme Sylvie Savoie, AGCMQ

*          Mme Marie-Claude Perron, idem

*          Mme Véronique Fortin, Clinique droits devant

*          M. Bernard St-Jacques, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures vingt-trois minutes)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci beaucoup d'être ici ce matin. Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je vous souhaite la bienvenue.

Je demande, bien sûr, à toutes les personnes dans la salle de bien éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Rappel du mandat : la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 32, Loi visant principalement à favoriser l'efficacité de la justice pénale et à établir les modalités d'intervention de la Cour du Québec dans un pourvoi en appel.

Avant de débuter, M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Lafrenière (Vachon) est remplacé par M. Tremblay (Dubuc); M. Fontecilla (Laurier-Dorion) est remplacé par M. Nadeau-Dubois (Gouin); et M. LeBel (Rimouski) est remplacé par Mme Hivon (Joliette).

Auditions (suite)

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Ce matin, nous entendrons deux groupes, dont la clinique droit de santé, mais, d'abord, nous allons débuter avec le représentant de l'Association québécoise des avocats et avocates de la défense.

Alors, bienvenue. Je vous rappelle, vous avez 10 minutes de présentation. Par après, nous aurons un échange avec les membres de la commission. Alors, la parole est à vous.

Association québécoise des avocats et avocates de la défense (AQAAD)

M. Lebrun (Michel) : Merci, M. le Président. Alors, permettez-moi, au nom de l'association des avocates et avocats de la défense du Québec, l'AQAAD... en fait, c'est l'Association québécoise des avocats et avocates de la défense, de remercier la commission d'avoir bien voulu nous inviter à faire part de nos observations sur le projet de loi n° 32 visant à favoriser l'efficacité de la justice pénale et à établir les modalités d'intervention de la Cour du Québec dans un pourvoi en appel.

Notre association, qui célèbre, cette année, ses 25 ans d'existence, regroupe plus de 600 avocats oeuvrant à la défense d'individus provenant de toutes les sphères de la société en matière d'infractions alléguées tant en matière criminelle, ce qu'on... de juridiction fédérale, qu'en matière pénale, principalement de juridiction québécoise. Nous vivons, au quotidien, les défis que pose la répression des infractions toujours plus nombreuses et plus lourdes de conséquences. Notre action a pour but de rendre la justice, certes, plus efficace, mais aussi plus respectueuse des droits des personnes.

Ayant eu la chance de prendre connaissance du projet de loi ainsi que des commentaires de certains intervenants, je tiens d'abord, et de façon globale, à appuyer l'intervention ainsi que le mémoire produit par le Barreau du Québec. Nous tenons donc à ajouter notre voix à celle du Barreau et d'autres intervenants afin de saluer les mesures visant à faciliter les règlements et les solutions alternatives, notamment la possibilité offerte aux prévenus de renoncer à la prescription et la mise en place de programmes d'adaptabilité qui sont inspirés d'initiatives similaires déjà entreprises en matière criminelle.

Cette volonté de donner aux acteurs de première ligne du système judiciaire plus de flexibilité est une heureuse conséquence de la récente prise de conscience de la nécessité d'utiliser de façon judicieuse les ressources judiciaires, notamment suite à l'arrêt Jordan, rendu en 2016 par la Cour suprême du Canada. Il en va de même de l'augmentation prévue des effectifs des juges de la Cour du Québec et leur présence accrue dans le nord du Québec. L'AQAAD partage également l'ensemble des commentaires constructifs exprimés par le Barreau afin d'améliorer le projet à la lumière de l'expérience collective des avocats. Par exemple, notre soutien à l'adoption de mesures d'adaptabilité et d'alternatives à l'emprisonnement au moyen de travaux d'intérêt général ne peut être dissocié de notre inquiétude vis-à-vis l'absence de limite quant au nombre potentiel d'heures effectuées par un justiciable. L'AQAAD a de la difficulté à concevoir que le maximum actuel de 1 500 heures, qui représente 50 semaines de travail à 30 heures-semaine, puisse être dépassé, à titre de punition pour des infractions à caractère essentiellement réglementaire.

L'AQAAD désire ajouter à l'intervention du Barreau sur deux aspects du projet de loi qui soulèvent particulièrement l'intérêt de ses membres. Premièrement, les pouvoirs d'intervention du Procureur général, que j'appellerai PGQ, et du Directeur des poursuites criminelles et pénales, que j'appellerai DPCP.

L'AQAAD fait siennes les réserves exprimées par le Barreau dans son mémoire sur les pouvoirs d'interventions du PGQ et du DPCP dans une poursuite pénale en plus du pouvoir déjà existant de se substituer au poursuivant original. En effet, le pouvoir absolu de s'ajouter, comme partie, à toute poursuite, à tout moment de celle-ci, a pour effet de placer sur les épaules du seul justiciable d'avoir à affronter non pas une mais deux ou même trois parties, aux ressources illimitées, et d'avoir à répondre à deux ou même trois points de vue qui n'auront même pas l'obligation d'être au même effet. Ce faisant, c'est la capacité même de se défendre et la mobilisation de ressources hors de portée du justiciable qui est en cause ici.

Si de tels pouvoirs devaient être envisagés, ils devraient, à tout le moins, être encadrés par des exigences équivalentes à celles qui sont requises des organismes tels que l'AQAAD lorsqu'ils demandent exceptionnellement le statut d'intervenant, généralement devant la Cour d'appel du Québec ou la Cour suprême du Canada. L'ajout de ce pouvoir d'intervention absolu et sans limites est d'ailleurs surprenant, compte tenu de la position fréquemment plaidée par les mêmes PGQ et DPCP, notamment la semaine dernière dans l'affaire Bissonnette, actuellement pendante en Cour d'appel, à l'effet que de s'opposer à l'intervention de l'Association des avocats de la défense de Montréal, l'AADM, en invoquant, entre autres, que cette intervention mobiliserait trop de ressources. Il est important de noter que les règles actuelles en vigueur d'attribution de l'aide juridique rendent pratiquement impossible l'accès à un avocat à un inculpé dans les matières couvertes par le code de procédure pénale. Même dans le cas exceptionnel où certains services pourraient être couverts, par exemple dans les cas où les accusations présentent, pour l'accusé, un risque réel d'incarcération, l'AQAAD rappelle sa position, partagée par toutes les associations locales d'avocats, à l'effet que le mode de rémunération actuellement prévu par le tarif d'aide juridique doit être revu de façon urgente afin d'être adapté à la réalité d'aujourd'hui, aux nouvelles exigences des tribunaux et à la complexification des questions en litige. Dans ce contexte, l'AQAAD soumet que le nouveau pouvoir d'intervention ne devrait pas être accordé aux représentants de l'état de la manière proposée.

Deuxièmement, l'obligation d'avoir en sa possession une pièce d'identité. L'AQAAD désire, tout comme le Barreau, manifester son opposition à la nouvelle formulation des articles 72 à 74 du Code de procédure pénale. Sans reprendre ce qui a déjà été dit et écrit à ce sujet, nous estimons que l'obligation faite à toute personne d'avoir en sa possession en tout temps une pièce d'identité ne correspond à aucune préoccupation valable et constitue une contrainte importante à l'autonomie de la personne qui risque d'être adoptée sans le nécessaire dialogue social préalable. La seule préoccupation invoquée semble être le besoin d'identifier adéquatement la personne soupçonnée d'avoir commis une infraction.

Or, le libellé actuel des articles en question répond adéquatement à cette préoccupation en permettant aux agents de la paix de détenir toute personne à qui il veut remettre un constat jusqu'à ce qu'il soit satisfait de son identité. Le nouveau libellé, qui justifie la détention non seulement pour refus de s'identifier mais aussi pour l'omission de fournir une pièce d'identité, va trop loin. Il place en situation de détention des personnes dont l'identification ne pose pas de problème, et, à ce titre, il ouvre la porte à des situations qui vont assurément générer, sinon des abus, des perceptions d'abus chez de nombreux citoyens.

• (11 h 30) •

L'expérience des membres de l'AQAAD ne nous permet pas de constater le moindre avantage ni quelque fléau ou problème réel que permettra de résoudre cette nouvelle option offerte aux agents de la paix en plus des pouvoirs qui leur sont déjà reconnus afin d'identifier un contrevenant. Bien plus, l'évolution des moyens technologiques, notamment l'accès aux bases de données gouvernementales rend l'identification d'un individu beaucoup plus facile sans avoir besoin de produire quelque document que ce soit.

L'évolution des perceptions des actions policières, quant à elle, évolue. En mai dernier, la Cour suprême du Canada, dans la décision de R. contre Le, L-e, affirmait : «Les tribunaux doivent tenir compte du fait que les membres de certaines collectivités peuvent vivre des expériences particulières et avoir des rapports différents avec la police, qui influeront sur leur perception raisonnable quant à savoir si et quand ils font l'objet d'une détention.»

Voir également les travaux de la commission Viens, sur les rapports entre les autorités et les communautés autochtones et les études rendues publiques récemment sur les allégations de profilage au SPVM. Le nouveau pouvoir de détention prévu aux articles 72 et suivants est exactement le type d'interventions qui vont assurément générer ce genre de perception d'abus chez nos clients.

Qui dit pouvoir de détention dit pouvoir de fouille, par palpation ou de façon encore plus intrusive, source fréquente de frustration et de violence potentielle chez le sujet visé.

S'il est vrai que les infractions couvertes par le Code de procédure pénale sont en général moins graves que celles prévues par le Code criminel, nombre d'accusations criminelles ont leur origine dans des interventions pour des infractions à de multiples lois qui sont appliquées avec un zèle qui varie beaucoup d'un agent à l'autre, et d'un suspect à l'autre.

L'ajout artificiel d'un motif de détention pour obtention d'une pièce d'identité alors que les moyens de procéder à une identification positive n'ont jamais été aussi importants devrait donc être abandonné car contraire à tous les objectifs de sécurité publique et aux démarches de réflexion entreprises à tous les niveaux de l'appareil judiciaire.

Le recours généralisé à la procédure de télémandat. Cette volonté exprimée par le législateur dès le préambule du projet de loi n'a pas fait l'objet de débat ou de remarques de la part des intervenants, à notre connaissance du moins. L'article 96, tel que proposé, abolit l'exigence faite à l'agent de la paix de se présenter en personne devant le juge de paix pour obtenir un mandat de perquisition. Traditionnellement, notamment en matière criminelle, la possibilité d'obtenir une autorisation judiciaire à distance était exceptionnelle et nécessitait une certaine démonstration, peu onéreuse pour le demandeur.

L'AQAAD craint qu'en éliminant toute contrainte à l'obtention d'autorisation judiciaire par des moyens technologiques, le processus ne devienne centralisé avec des décideurs affectés à cette seule tâche confinés géographiquement dans des endroits de plus en plus éloignés des lieux visés.

L'AQAAD tient à rappeler que le processus d'autorisation d'un mandat est beaucoup plus complexe que la seule constatation, par le décideur, de l'allégation de motifs suffisants.

Notre Cour suprême rappelait, en 1993, ceci dans l'arrêt Baron c. Canada : «L'exercice d'un pouvoir discrétionnaire judiciaire de décider d'accorder ou de refuser l'autorisation d'un mandat de perquisition était essentiel au régime d'autorisation préalable qui constitue une condition indispensable du respect de l'article 8 — l'article 8, c'est l'article qui protège les citoyens contre les fouilles abusives. La décision d'accorder ou de refuser le mandat exige de soupeser deux droits : celui du particulier d'être libre de toute ingérence de l'État et celui de l'État de s'immiscer dans la vie privée du particulier en vue d'appliquer la loi.

«Les circonstances dans lesquelles ces droits opposés doivent être soupesés varient beaucoup. Des questions comme la nature de l'infraction alléguée, la nature de l'ingérence demandée y compris l'endroit devant faire l'objet de la perquisition, le moment de la perquisition et la ou les personnes visées par la perquisition influeront sur la force de ces droits. Pour tenir compte des divers facteurs qui influent sur l'appréciation des deux droits, le juge qui donne l'autorisation doit être habilité à examiner toutes les circonstances. Aucune série de critères ne sera toujours déterminante ou suffisante pour l'emporter sur le droit d'un particulier à la protection de sa vie privée.

«Il est donc impérieux que l'officier qui donne l'autorisation jouisse d'une latitude suffisante pour que justice soit rendue à l'égard des droits respectifs visés. L'exigence que l'officier qui autorise la saisie soit indépendant et ait la capacité d'agir judiciairement est incompatible avec la notion que l'État peut lui dicter les circonstances précises dans lesquelles le droit du particulier peut être ignoré.»

L'AQAAD tient donc à rappeler...

Le Président (M. Bachand) : Me Lebrun, je vous demanderais de conclure, s'il vous plaît, Me Lebrun. Merci beaucoup.

M. Lebrun (Michel) : J'étais à la conclusion, justement.

L'AQAAD tient donc à rappeler à l'état que le système judiciaire devrait avoir à l'esprit de conserver la plus grande proximité entre le décideur et la communauté locale concernée, particulièrement dans les situations d'autorisation obtenues en l'absence des personnes visées — ce qui est le cas d'un mandat de perquisition — et ayant pour objet l'intrusion par des agents de l'État dans les sphères bénéficiant de la plus haute expectative de la vie privée.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, maître. Je me tourne maintenant vers le gouvernement pour une période de 16 min 30 s, Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Merci, M. le Président. Merci de votre témoignage. Je suis désolée, je sais que vous avez déposé un document ce matin, mais je n'ai pas eu l'occasion d'en prendre connaissance, donc j'apprends, en même temps que votre témoignage, les points que vous soulevez. Mais je vais prendre soin de relire attentivement tout ça pour être sûre de bien comprendre toutes vos préoccupations. Et, je peux vous rassurer, quand on parle de respect de la jurisprudence et respect de la charte, on va s'assurer que les mesures qu'on met en place pour fournir des outils respectent bien ces balises-là qui ont été édictées, entre autres, par la Cour suprême.

Ceci étant dit, peut-être quelques petits points de précision, comme ça, pour fins de discussion, et approfondir. Je pense que je veux prendre l'occasion de bien souligner qu'il n'est pas question d'introduire dans le, Code de procédure pénale, une infraction de refus de s'identifier ou une infraction de ne pas posséder ses papiers d'identification. Donc, a contrario, si je peux le dire de façon positive, on n'introduit pas une obligation, pour le citoyen, de se promener avec ses papiers d'identité sur lui en tout temps, alors que c'est quelque chose qui existe déjà, dans le Code de la sécurité routière, à titre d'exemple, où, quand on est au volant d'un véhicule, on doit avoir nos papiers d'immatriculation et le permis de conduire, ce qui est une forme d'obligation et qui aide, d'ailleurs, beaucoup, dans ces matières-là, les policiers à identifier le citoyen pour des fins d'émission du constat. Ceci étant dit, je pense que c'est important de le clarifier, parce que je veux rassurer les gens que ce n'est pas la direction du tout dans laquelle on s'en va et ce n'est pas les conséquences qui vont découler de cette action-là.

Maintenant, dans l'état actuel des choses, le policier qui veut identifier une personne à qui il remet un constat d'infraction... autre qu'en matière de sécurité routière, naturellement, parce que la loi sur la sécurité routière commande déjà d'avoir une certaine identification sur nous, donc ça se fait d'entrée de jeu. C'est rare, en tout cas, à moins de ne pas avoir ses papiers sur soi, ce qui peut arriver, mais ça constitue une autre infraction, mais ça, c'est le Code de la sécurité routière. Mais je veux vous préciser que ce n'est pas ce genre de régime là qu'on introduit.

Maintenant, le policier qui, en matière pénale, pour une autre infraction pénale, qui veut émettre un constat, doit quand même identifier la personne. Présentement, et vous me corrigerez si je me trompe, le policier ne peut que demander le nom et l'adresse de la personne et se fier aux renseignements qu'il nous donne. C'est exact?

M. Lebrun (Michel) : Ce n'est pas ma compréhension du libellé actuel.

Mme LeBel : Non, dans la loi actuelle. Oui, c'est ça. La loi actuelle.

M. Lebrun (Michel) : La loi actuelle, l'article 72 prévoit que...

Mme LeBel : Du Code de procédure civile, c'est ça... pénale? On va parler des bonnes affaires.

M. Lebrun (Michel) : ...du Code de procédure pénale dit ceci : «L'agent qui a des motifs raisonnables de croire que cette personne ne lui a pas déclaré ses véritables nom et adresse peut, en outre, exiger qu'elle lui fournisse des renseignements permettant d'en confirmer l'exactitude.» Donc, le pouvoir de pousser l'enquête existe déjà, et puis, bon, le pouvoir légitime, en fait, ce qu'on reconnaît dans notre présentation, est déjà prévu dans un contexte où le policier a des raisons de croire que la personne n'est pas la bonne personne.

Puis je faisais référence, dans ma présentation, par exemple, aux bases de données qui existent déjà. Aujourd'hui, on voit... l'expérience qu'on en a, dans notre pratique quotidienne, c'est que, maintenant, les véhicules de police sont munis d'ordinateurs. La façon dont on identifie quelqu'un aujourd'hui, souvent, c'est par l'obtention des photos qui existent déjà, soit au permis de conduire, ou carte d'assurance sociale, ou à toutes ces choses-là, qui sont accessibles à un policier.

Donc, cet accès-là, qui est de plus en plus facile, je vous dirais, bien, par la technologie, pour les policiers, devient... nous amène dans une situation où un policier pourrait avoir la bonne information, mais le nouveau libellé de l'article 72 dit qu'il pourrait continuer de détenir la personne parce qu'elle refuse de lui fournir une pièce d'identité.

C'est un peu ce qu'on considère comme superflu dans les nouveaux pouvoirs, l'espèce de carte blanche qui semble être donnée aux policiers d'avoir cette option-là d'exiger qu'on lui produise un document.

• (11 h 40) •

Mme LeBel : O.K. Ce que nous, on se propose de faire, juste pour qu'on parle des mêmes choses quand on discute, c'est d'ajouter, à l'article 72, finalement, après les nom et adresse, qu'on puisse demander également la date de naissance et demander des papiers d'identification. C'est ce qui est proposé au projet de loi.

Présentement, la raison pour laquelle on peut le faire... on demande de le faire, c'est qu'il y a beaucoup trop de moments où des constats d'infraction ont été émis au mauvais nom, à la mauvaise adresse, où le policier n'avait pas nécessairement des motifs raisonnables et probables de croire sur place que c'était une fausse identification, mais n'avait pas non plus de façon d'identifier de façon positive parce qu'il n'avait pas le droit d'exiger ces papiers-là.

Est-ce que vous pensez que c'est déraisonnable de le faire? Parce qu'il y a eu beaucoup de constats d'infraction, moi, je l'ai vu dans ma pratique, comme procureur de la couronne, qui s'avèrent être délivrés aux mauvaises personnes, aux mauvais noms, mauvaises adresses, des mandats d'arrestation, par la suite, qui sont émis aux mauvaises personnes, parce qu'ils ne se présentent pas. Donc, il y a, a contrario, des gens qui subissent aussi le contrecoup de ça parce que l'identification de base n'était pas la bonne.

Est-ce que vous pensez que c'est déraisonnable de permettre, à tout le moins, de demander? On ne créera pas un refus, on ne crée pas... Et on évite peut-être, dans la majorité des cas, justement, de passer à l'étape suivante, c'est-à-dire d'amener en détention pour identifier de façon positive parce qu'on n'a pas les papiers. Donc, on va, potentiellement, justement, être capable d'identifier sur place plutôt que de détenir parce qu'on n'est pas capable d'identifier, parce que la personne, on a des motifs raisonnables de croire, parce qu'elle n'a pas de papiers, parce qu'on ne peut pas les demander... pas parce qu'elle n'a pas de papiers, parce qu'on ne peut pas les demander.

M. Lebrun (Michel) : Bien, il me semble... je l'ai déjà dit, mais il me semble que l'accès aux banques de données déjà réduit de beaucoup ce problème-là dans la situation qu'on vit actuellement en 2019. Et la façon dont le nouveau libellé est inscrit, on...

Mme LeBel : ...dire par l'accès banques de données? Si moi, je fournis mon nom et mon adresse, qui est un faux nom et une fausse adresse, qui existe, par ailleurs, mais qui n'est pas le mien, aux policiers, en quoi le fait d'aller au CRPQ, qui est au Centre de renseignements policiers du Québec, qui est dans les véhicules policiers, d'aller taper ledit nom et ladite adresse, si je n'ai pas d'antécédent judiciaire ou je n'ai pas de chose... de photo, va faire en sorte qu'on va s'assurer que j'ai fourni le bon nom, la bonne adresse?

M. Lebrun (Michel) : Les photos...

Mme LeBel : Si ça existe, ce que j'ai donné, naturellement. Je ne pense pas que ma photo est au CRPQ, en tout cas, j'espère que non, là, mais...

M. Lebrun (Michel) : Bien, elle est dans la banque de données de la SAAQ, ça, j'en suis convaincu, et dans celle de la RAMQ également.

Mme LeBel : Mais, à ma connaissance, les policiers n'ont pas ça dans leur véhicule, donc ça oblige de détenir la personne et de l'amener au poste de police.

M. Lebrun (Michel) : Les postes de police ont accès à ça. Je pense qu'on...

Mme LeBel : Les postes de police.

M. Lebrun (Michel) : On le fait souvent au poste de police. Aujourd'hui, les policiers ont des ordinateurs dans leur véhicule de police. Donc, ils sont en communication par e-mail, j'ai découvert ça, d'ailleurs, cette année dans certains dossiers où j'ai eu à occuper... mais cet accès-là est, de beaucoup, facilité maintenant.

Le problème que vous soulevez, il peut exister aussi par des gens qui ont la carte, qui ont, par exemple, le permis de conduire du beau-frère qui leur ressemble ou...

Mme LeBel : On n'éliminera pas tous les cas de figure, ça, c'est clair.

M. Lebrun (Michel) : On ne peut pas... Exactement, on ne peut pas éliminer tous les cas de figure.

Mme LeBel : On peut les réduire.

M. Lebrun (Michel) : On peut les réduire, mais le coût de la réduction, qui ne m'apparaît pas significative en termes de volume, actuellement, il me semble que...

L'exemple que vous avez sûrement vécu et que moi aussi, j'ai vécu régulièrement, des personnes qui conduisent un véhicule, qui sont sous le coup d'une suspension et qui se font passer pour leur beau-frère ou, bon, pour quelqu'un qui leur ressemble, donc il pourrait y avoir certaines caractéristiques, les policiers sont quand même assez, je dirais, entre guillemets, allumés pour voir que, quand le véhicule est immatriculé à un nom d'une personne qui fait l'objet d'une sanction... Quand j'ai commencé ma pratique, j'ai vu des gens passer à travers les mailles du système un peu de cette façon-là. Mais il me semble que les pratiques policières ont évolué de ce côté-là. Et on exige généralement de voir une photo de la personne et de confirmer son identité d'une façon ou d'une autre. Puis, il me semble, ça fonctionne assez bien, très bien.

Mme LeBel : Mais vous avez très raison, mais, en matière de sécurité routière, le régime est particulier, parce que la personne a des pièces d'identité. Mais, dans le fond, ce que vous faites, c'est que vous nous mettez en garde, donc, de faire en sorte de ne pas faire une mesure qui, pour des raisons positives, des raisons valables, pourrait créer des effets pervers qui sont plus grands que le bénéfice. C'est ça que vous nous dites, dans le fond.

M. Lebrun (Michel) : Exactement. Je pense que c'est sûr que les citoyens vont toujours vouloir s'identifier avec des cartes. Les policiers vont peut-être se méfier de personnes qui n'ont pas, en leur possession, des cartes. Mais la possibilité de détenir pour refus de produire une carte, la façon dont c'est écrit...

Mme LeBel : Mais ce n'est pas l'intention. Ça, je vous le dis. Puis ce n'est pas ça qui est dans le libellé.

M. Lebrun (Michel) : Exactement. Mais nous, on s'en est tenus à ça dans notre exposé.

Mme LeBel : Parfait. Donc, vous nous mettez en garde surtout de ne pas créer d'infraction pour refus, là. Ça, j'entends bien ce que vous nous dites, là.

M. Lebrun (Michel) : Plus que ça, des détentions prolongées pour le prétexte du refus. Les personnes vulnérables, les personnes qui, pour une raison... à tort ou à raison, se sentent un peu harcelées, ou, en tout cas, qui ont une opinion négative de la police, bien, ils sont très sensibles à ces situations-là. Et ça dégénère régulièrement dans des escalades, je vous dirais, de violence, qui peuvent aller jusqu'à des situations tragiques. Donc, cette... la façon dont c'est formulé là, ça mérite à être reconsidéré, à tout le moins.

Mme LeBel : Parfait, c'est bien compris. Je voulais juste comprendre, là, où étaient les aspects qui vous préoccupaient. Surtout, comme je vous disais, que je n'avais pas eu l'occasion de lire votre document au préalable, donc c'est plus...

M. Lebrun (Michel) : Je m'en excuse...

Mme LeBel : Non, non, non, mais ça...

M. Lebrun (Michel) : On n'a pas les moyens du Barreau.

Mme LeBel : Ça explique, pour lesquelles... Ça explique les raisons pour lesquelles je pousse peut-être un peu plus l'argumentaire que d'habitude, là. C'est pour être sûre de bien comprendre votre point de vue.

M. Lebrun (Michel) : J'apprécie.

Mme LeBel : Maintenant, peut-être, pour aller de façon plus macro, je m'intéresse, moi, beaucoup au programme d'adaptabilité. C'est une des portions, je dois dire, du projet de loi, qui me tiennent beaucoup à coeur. Parmi vos membres, on a eu l'occasion d'en parler avec l'Association des procureurs des cours municipales, on a eu l'occasion d'en parler avec le Service de police de la ville de Québec et la ville de Québec, qui appliquent ces programmes-là. Parmi vos membres, vous avez sûrement des gens qui ont eu à appliquer ces programmes-là pour leurs clients.

M. Lebrun (Michel) : Oui. Je vous dirais, mon expérience à moi puis dans les gens... dans mon réseau à moi, c'est plutôt en matière criminelle. Le nouveau programme de mesures de rechange, notamment en Mauricie, où je pratique, fait l'objet d'un projet pilote.

J'ai eu connaissance que nos membres, particulièrement dans la région de Montréal et Québec, ont des programmes au niveau d'infractions réglementaires couvertes par le Code de procédure pénale, et, évidemment, on est tout à fait en accord avec ces initiatives-là, qui ont pour but non seulement de désengorger les tribunaux, mais de permettre à des personnes qui se retrouvent... Et je pense que ça a été déjà mentionné. Il y a des personnes en situation d'itinérance ou des choses... qui se retrouvent avec des fortunes, là, des montants d'amende.

On a tendance à sous-estimer aussi l'ampleur des amendes qui peuvent être imposées à des citoyens. Quand on parle, par exemple, en matière de revenus, toutes les infractions en matière de cigarettes de contrebande, et tout ça, la possibilité de pouvoir, de façon positive, en faisant des travaux communautaires, de pouvoir, entre guillemets, payer sa dette à la société et, en même temps, être un membre actif de la société, on la salue, cette... évidemment.

Mme LeBel : Bien, je vous remercie de le préciser, parce que c'est sûr que la notion de droit pénal ou de constat d'infraction, pour la majorité des gens et la majorité du quotidien des gens, ça se limite au Code de sécurité routière dans la plupart des matières, mais, effectivement, il y a des infractions très sérieuses qui sont même plus sérieuses que certaines infractions hybrides de nature criminelle, de façon objective, qui sont en matière pénale. Vous avez parlé de... effectivement, en matière de déversements en environnement, entre autres, en matière de revenus. Donc, il y a des infractions pénales qui peuvent avoir un sérieux certain.

Je vous pose la question pour savoir si vous en aviez une, expérience, si vous aviez fait, peut-être, un sondage auprès de vos membres, parce que vous relevez la notion du fait... Bon, on parle du 1 500 heures de travaux communautaires. Je pense que c'est important de préciser que l'objectif n'est pas de compenser une sentence mais plutôt de faire en sorte d'avoir une réhabilitation, je vais le dire de cette façon-là, mais ce n'est pas le terme juridique que j'emploie, c'est plutôt ce terme social, c'est-à-dire de donner à ces gens-là une voie alternative au système de justice et éviter qu'ils s'enfoncent dans un tourbillon sans fin qui les écrase et qui fait qu'ils n'ont plus d'issue. Et vous craignez, donc, que, des fois, le temps du programme, le nombre d'heures d'investies pourrait être plus grand que celui, objectivement, qu'il aurait eu en travaux compensatoires.

Je veux vous entendre là-dessus, parce que... Une des raisons, c'est que, si on parle d'un programme de retourner aux études ou un programme de formation, il pourrait y arriver que le nombre d'heures à consacrer dans le programme d'adaptabilité, pour des raisons tout à fait objectives et acceptées par le contrevenant au départ, dans le contrat qu'il fait avec la société, si on veut, soit effectivement potentiellement plus grand que le nombre d'heures de travaux compensatoires qu'il aurait pu faire. Est-ce que vous pensez que c'est vraiment un problème, ou il faut juste se mettre en garde là-dessus, ou...

M. Lebrun (Michel) : Bien, écoutez, je n'avais pas pensé à l'exemple que vous venez de soumettre, à l'effet d'un retour aux études. Par contre...

Mme LeBel : C'est un exemple parmi tant d'autres, là, mais...

• (11 h 50) •

M. Lebrun (Michel) : Oui. Et, quand j'ai mentionné le 1 500 heures, je faisais à la fois référence au nouveau programme d'adaptabilité et à la façon de payer des amendes par le biais de travaux compensatoires. Et là il y a des méthodes de calcul. D'une façon comme d'une autre, il m'apparaissait, et c'est une impression, que, si on dépasse le chiffre de 1 500 heures, on parle d'années, en termes d'années de... Ça serait caricaturé de dire des travaux forcés, mais on parle de... Je disais, bon, 50 semaines à 30 heures-semaine, c'est quand même un impact important pour des infractions qui, en général, peu importe la façon dont... le nombre d'amendes qu'une personne peut avoir ou le nombre d'infractions qu'elle a pu commettre, nécessitera... justifiera rarement une sentence de plus de deux ans, une sentence de pénitencier pour le type d'infraction auquel on fait référence.

La situation actuelle permet à un juge de libérer quelqu'un, peu importe le montant, lorsqu'il aura effectué une quantité d'heures qui ne dépassera pas 1 500 heures. C'est ma compréhension de la situation actuelle. Ça m'apparaît une vision, je dirais, intelligente, qui permet à un juge d'apprécier la situation de l'accusé, le projet, et tout ça, et c'est quelque chose qui peut être importé, à mon avis, d'une certaine façon, toutes choses étant... avec les adaptations nécessaires, dans le programme d'adaptabilité dont on a encore à découvrir la façon dont il va être appliqué. Mais cette impression-là, le peu de commentaires que j'ai pu avoir de mes collègues, semblent... on semble tous partager, un peu, cette difficulté de concevoir ce qui pourrait justifier plus de 1500 heures de travaux.

Notamment, vous donner l'exemple de s'engager à faire une formation ou faire des... Évidemment, si on s'engage à faire un bac universitaire puis à faire trois ans d'école... à 30 heures-semaine, je pense que ce serait un cours assez lourd, assez intense... mais, si on s'engage pour des... Il ne faut pas être sous joug ou sous le couvert de ces programmes-là pour une période non plus trop longue.

Je ne veux pas minimiser, là, le bénéfice que ça peut générer, mais, par exemple, l'exemple du droit criminel dans lequel on ne peut pas dépasser les périodes d'approbation de trois ans, il me semble une indication du genre de... un ratio qui devrait peut-être nous guider, là, clairement.

Mme LeBel : ...ne sont pas les mêmes. On parle de punir, de donner l'exemple par rapport à aider puis... Et la personne s'engage en connaissance de cause dans ce programme-là. Est-ce que vous avez noté que ça prend le consentement quand même...

M. Lebrun (Michel) : Exactement, exactement.

Mme LeBel : Parfait.

Le Président (M. Bachand) : Merci.

Mme LeBel : Je suis désolée...

Le Président (M. Bachand) : Excusez-moi, Me Lebrun, je dois passer... Merci beaucoup, Mme la ministre. Je dois céder la parole au député de LaFontaine pour une période de 11 minutes. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Bien, Me Lebrun, merci beaucoup pour votre apport à notre réflexion, à nos débats. Merci pour vos documents. Nous avions reçu un tableau, je pense que vous aviez confectionné, au niveau des modifications de certains articles et des commentaires. Je vais y revenir. On a 11 minutes. Ma collègue de Notre-Dame-de-Grâce aura également des questions pour vous.

Hier, je crois comprendre que vous avez écouté, donc, le témoignage des gens du Barreau. Vous avez sûrement, par la suite, entendu les représentants du SPVQ, Service de police de la ville de Québec.

M. Lebrun (Michel) : Exactement.

M. Tanguay : Vous, vous représentez les prévenus, les accusés, dans les avocats, avocates de la défense. Comment recevez-vous le commentaire... Puis c'est correct, là, je veux dire, je ne pointe pas du doigt, là, puis tout le monde est de bonne foi là-dedans, mais, des fois, c'est une question d'approche et de philosophie où le SPVQ, il voyait, dans le projet de loi, une occasion d'harmoniser ce qui se fait en matière de procédures, que ce soient des infractions de nature criminelle, pénale, provinciale, droit provincial ou règlements municipaux.

Vous, cette harmonisation-là, ou ce mur-à-mur-là, comment vous le recevez, quand ça se décline, de dire : Bon, si bien on fait ça pour des occasions criminelles, on devrait le faire également pour des infractions au code municipal?

M. Lebrun (Michel) : Je ne suis pas fermé à cette vision-là des choses. L'association que je représente non plus. Notamment, vous prenez l'exemple des... je n'en ai pas parlé dans mon document ou dans mon intervention... mais les mandats d'entrée, bon, toute la notion de mandat général, et tout ça, je pense que la demande des policiers est légitime, de vouloir, s'il y a un mandat général qui existe au niveau du Code criminel, que les règles soient les mêmes ou soient sensiblement les mêmes en matière d'infractions couvertes par le Code de procédure pénale. C'est vrai pour les mandats de perquisition, ça peut être vrai pour les mesures alternatives comme le programme de mesures de rechange qui existe au niveau criminel.

Je pense que les policiers sont légitimes, sont justifiés à avoir cette demande-là. Et ce n'est pas des juristes. Ils doivent obtenir des mandats dans leur quotidien pour des infractions provinciales, pour des infractions fédérales, pour des infractions criminelles, parfois même au coeur d'une même enquête ou d'une même intervention. Et d'avoir des critères différents ou d'avoir des approches différentes pour l'obtention d'un droit d'entrée ou un droit de perquisitionner, je pense que c'est légitime de la part des policiers de vouloir qu'il y ait une certaine harmonie dans les règles ou dans la façon dont eux, ils peuvent s'y retrouver.

Là-dessus, je sais que le Barreau a fait certaines remarques concernant les mandats d'entrée, là, et faisait, justement — et on est d'accord avec le Barreau là-dessus — que les critères ne devraient jamais être... que ça ne devrait jamais être plus facile d'obtenir un mandat de perquisition ou un mandat d'entrée en vertu d'une loi provinciale qu'en vertu du Code criminel. Parce qu'on parle d'intrusions qui sont de la même nature dans la vie privée des gens pour des infractions qui sont, généralement, par définition, considérées comme étant moins graves, comme n'étant pas des crimes contre la personne, et tout ça.

Donc, il y a un gain au niveau de la clarté pour le policier, de s'y retrouver. Si on parle de motifs raisonnables et probables d'un côté et de raisons de soupçonner pour un autre type de mandat, et même un mandat identique au niveau provincial, et qu'on donne des pouvoirs plus larges aux policiers, je pense que ce n'est pas souhaitable, ni de notre point de vue ni du point de vue des policiers.

M. Tanguay : Et donc votre lecture est à l'effet que, tel que proposé dans le projet de loi n° 32, il y aurait une facilité accrue en ces matières comparativement au droit criminel.

M. Lebrun (Michel) : C'est ce que semble... C'est ce que l'intervention du Barreau semble souligner. Et je suis d'accord avec leur vision de la chose, et, dans la mesure où... je prends un peu au mot les corps de police de ce côté-là, si on constate de telles choses, où les pouvoirs sont plus larges aux policiers, puis ce que j'ai dit précédemment au niveau des pouvoirs, de demander des cartes d'identité ou des choses... des pièces d'identité, c'est un peu la même chose, je pense qu'on ne devrait pas accorder plus de pouvoirs aux policiers ou des pouvoirs sensiblement différents en vertu du Code de procédure pénale.

M. Tanguay : De façon plus précise, l'article 94.1, et vous l'avez commenté, qui serait de droit nouveau, «une arrestation dans une maison d'habitation en application d'un mandat d'amener, d'un mandat d'emprisonnement ou d'un mandat d'arrestation doit être autorisée au moyen d'un mandat ou d'un télémandat d'entrée délivré par un juge.

«Cette autorisation n'est pas nécessaire», deux points, puis là il y a trois éléments:

«1° lorsqu'une personne se réfugie dans une maison d'habitation alors qu'elle s'enfuit pour s'échapper à son arrestation;

«2° lorsque le responsable des lieux consent...»

3°, là, on parle d'un critère d'urgence de la situation difficilement réalisable.

Le commentaire que vous faites, puis j'aimerais vous entendre là-dessus, le questionnement que vous soulevez, ne devrait-on pas prévoir l'obligation des policiers d'informer qu'il n'est pas obligé de consentir? Et là vous ajoutez «nécessité d'aller se chercher un mandat». Dans quel contexte faites-vous référence ici?

M. Lebrun (Michel) : C'est le contexte de la renonciation à un droit. La jurisprudence abonde de situations de cette nature-là, où des policiers disent à quelqu'un, par exemple, pour un mandat de perquisition, là, on parle de mandat d'entrée, mais c'est un peu la même chose : Écoute, là, on va aller chercher... il faut qu'on aille voir un juge. Donc, ils vont expliquer à un citoyen : Veux-tu vraiment nous forcer à aller au poste de police ou aller au palais de justice obtenir un mandat de perquisition? Et ces situations-là, il faut les limiter, je vous dirais, au minimum... ou les limiter au maximum, qu'il y en ait le moins possible, parce que je pense que ce n'est pas non plus dans l'intérêt des policiers, parce que souvent on remet en cause le niveau d'information qui a été donné au citoyen pour que son consentement soit éclairé. Et ça génère beaucoup, beaucoup de litiges à la grandeur du Canada, pas seulement au Québec.

M. Tanguay : Vous, votre métier, c'est parfois de la faire casser, ces mandats-là, parce que, justement, il y a eu des carences. Alors, en amont, assurons-nous que la procédure soit claire et simple à appliquer.

M. Lebrun (Michel) : Oui. La notion de mandat d'entrée découle d'un arrêt de la Cour suprême qui s'appelle l'arrêt Feeney, et que Mme la ministre connaît sûrement très bien. Et il y a eu une évolution de... Il y a toute une expérience législative au fédéral suite à cette décision-là de l'arrêt Feeney. Et on semble vouloir s'en inspirer dans les nouvelles dispositions. Pour nous, je pense que la clarté est... Ça serait dans l'intérêt, je l'ai mentionné et je le répète, de tout le monde, de tous les intervenants, que les pouvoirs soient, à tout le moins, pas supérieurs ou pas différents en substance de ceux qui sont déjà prévus et qui ont déjà été traités par les tribunaux dans le cadre du Code criminel.

M. Tanguay : Et, dans ce... Je fais du... En prolongement de notre discussion sur cet aspect-là, vous dites, dans le document que vous avez remis ce matin, que votre association craint qu'en «éliminant toute contrainte à l'obtention d'autorisations judiciaires par des moyens technologiques — ça, c'est un autre aspect, mais qui découle entre autres de ce qu'on dit — le processus ne devienne centralisé avec des décideurs affectés à cette seule tâche, confinés géographiquement dans des endroits de plus en plus éloignés des lieux visés». Alors, ici, vous faites référence à quelles conséquences que l'on pourrait craindre?

• (12 heures) •

M. Lebrun (Michel) : C'est le concept du télémandat. Écoutez, cette remarque-là, on est à peu près les seuls à l'avoir faite. Je ne dis pas que le fait d'avoir à des moyens technologiques... Parce qu'un télémandat, il faut bien comprendre ce que c'est, c'est que, soit pour un mandat d'entrée ou pour un mandat de perquisition, la tradition veut que le policier se présente en personne devant un juge de paix pour expliquer ses motifs et obtenir le mandat. Donc, il y a cette présence-là, là, qu'on a permise au niveau fédéral au début et maintenant au niveau provincial également. C'était déjà prévu au Code de procédure pénale. Lorsque c'est peu commode, peu pratique pour le policier, il peut y avoir des situations d'urgence, ça peut être la nuit, ça peut être la fin de semaine, bon, il y a toutes sortes de situations qui font qu'il n'y aura pas de juge de paix disponible pour rencontrer le policier, donc, à ce moment-là, on va procéder par un moyen de télécommunication, soit par téléphone, par fax ou d'autres moyens technologiques. Nous, il y a toujours eu cette exigence-là, de ne pas y recourir de façon absolue et de justifier le recours à ces moyens-là par un certain problème pratique, et de devoir l'expliquer au juge de paix, ce problème pratique là. Aujourd'hui, on abolit cette exigence-là et on prévoit qu'on pourra soit fonctionner par télémandat soit fonctionner par mandat réel... par une rencontre réelle avec un juge de paix. Est-ce que ça va nous conduire... C'est la crainte que nous avons manifestée. Est-ce que ça va conduire à centraliser, dans certains lieux... ça pourrait être Québec, Montréal, où il y a des... actuellement des services de juges de paix qui fonctionnent de nuit et la fin de semaine et qui peuvent être en Gaspésie pour émettre un mandat de perquisition à Montréal, dépendant de quel...

Le Président (M. Bachand) : Excusez-moi, Me Lebrun. Parce qu'il ne reste pas beaucoup de temps, j'aimerais céder la parole à la députée de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît. Pour une minute, Mme la députée, désolé.

Mme Weil : Oui, oui. Eh bien, c'est pour aller directement sur cette question des pouvoirs d'intervention, donc, du procureur général, directeur, DPCP — d'autres ont fait ce commentaire — et d'aller sur votre point, votre inquiétude par rapport à ce pouvoir, mais aussi les contraintes quand même l'association, votre association, souhaite intervenir, qu'il y ait les mêmes critères. Peut-être dans les 50 secondes que vous avez.

M. Lebrun (Michel) : Bien, on a cette habitude-là, on a développé, récemment, cette habitude-là d'intervenir, de vouloir intervenir. Et les tribunaux accueillent favorablement, particulièrement la Cour suprême et la Cour d'appel, la présence des associations pour donner un certain point de vue dans des dossiers dans lesquels le justiciable se retrouve tout seul à défendre un point qui est d'importance, je dirais, nationale ou, en tout cas, suffisamment grande. C'est quand même un pouvoir qui est exercé de façon exceptionnelle, qui est soumis à une demande au tribunal, qui est souvent contestée par le DPCP ou le Procureur général du Québec, et pour les motifs... notamment les motifs d'utilisation des ressources judiciaires. Et on dit : Bien là, on va perdre notre temps, dans le fond, ou ça va générer des dépenses inutiles. Maintenant, le projet de loi propose un pouvoir absolu d'intervention à tous niveaux pour le procureur général et pour le DPCP. Nous soumettons que c'est imposé au justiciable, à ce moment-là, un fardeau qui risque d'être très lourd. Et puis il faudrait... ce type d'intervention là devrait être adapté, il devrait être soumis au même filtre celui que les tribunaux ont déjà quand nous demandons la permission d'intervention.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de Gouin pour une période de 2 min 45 s. M. le député, s'il vous plaît.

M. Nadeau-Dubois : Merci, M. le Président. Bonjour, maître, merci d'être là, avec nous, ce matin. Dans votre présentation, vous vous êtes inscrits dans la continuité de ce que les gens du Barreau nous ont dit hier concernant la question de l'identification, l'article 19 du projet de loi. Puis ce que j'ai trouvé intéressant, vous nous avez dit, et vous me reprenez, bien sûr, si je vous mets des mots dans la bouche : Mais c'est, au mieux, ambigu, mais c'est, au pire, un pouvoir supplémentaire conféré aux policiers, qui peut occasionner des dérapages, notamment en matière de profilage social et racial. Vous avez vous-même évoqué le rapport Vien puis le rapport récent au SPVM. Et c'est des commentaires similaires que nous ont faits les gens du Barreau hier. Je les trouve très intéressants.

Mais il y a quand même un écart, je pense, en fait, je pressens, entre votre interprétation de ce qui est écrit, et celle du Barreau, et celle que la ministre semble avoir. Puis j'aimerais vous entendre sur cette compréhension-là.

Ce que vous semblez nous dire, c'est qu'actuellement, puis c'est ce que dit actuellement le Code de procédure pénale, si un policier a un doute sur l'identité de quelqu'un — il est en train de donner un constat d'infraction — il y a une possibilité, à ce moment-là, de demander plus d'informations à la personne, notamment une carte, une carte d'identité. Puis, s'il y a un refus, à ce moment-là, il peut procéder à une arrestation.

Avec la nouvelle mouture, telle que proposée par le projet de loi, c'est dès le début de l'interaction que le policier a un droit d'exiger une carte d'identité contenant l'ensemble des informations écrit à l'article 19. Et, s'il y a un refus ou une impossibilité, genre : je suis en train de faire du jogging, ou : je suis un itinérant, je n'ai pas d'adresse, donc, je n'ai pas de permis de conduire avec adresse, dès le début de l'interaction, il y a une possibilité d'exiger. Et, s'il y a un refus, il y a une possibilité d'arrêter sans mandat. Est-ce qu'on partage la même compréhension de l'article?

M. Lebrun (Michel) : Oui, et, je vous dirais, si on constate, au minimum, une ambiguïté, je pense que c'est un domaine qui est tellement sensible qu'il ne devrait pas souffrir d'ambiguïté, O.K.?

Deuxièmement, ce qui m'apparaît comme étant le problème du libellé proposé, c'est qu'on dévie de la... la détention n'est justifiée, actuellement, que pour fins d'identification. Mais maintenant il y aura une détention pour fins de refus de fournir une pièce d'identité qui semble être adoptée en parallèle avec le pouvoir d'identifier une personne. Donc, il s'agit d'une nouvelle carte dans le jeu, je dirais, de l'agent de la paix qui interagit avec les citoyens dans une multitude de circonstances.

M. Nadeau-Dubois : Et seriez-vous d'accord avec moi de dire que, dans une situation comme celle-là où on vient donner un outil de plus aux forces policières, puis c'est un outil qui vient empiéter potentiellement sur les droits des citoyens, citoyennes, êtes-vous d'accord avec moi pour dire que, dans ces situations-là, c'est au législateur de démontrer que c'est nécessaire et non pas l'inverse?

M. Lebrun (Michel) : Bien, c'est un peu ce que je vous ai dit dans ma présentation. Il me semble que ce problème-là est de mieux en mieux circonscrit, là, je vous dirais, par les ressources policières. Moi, j'ai parlé de banque de données, personnellement, il me semble que j'en vois moins, de ces situations-là, de supposition de personne, et le... vu que le problème me semble, à tout le moins, sinon résolu, sinon pas un problème particulièrement important... Puis on parle, encore une fois, d'infraction. Je ne veux pas minimiser la gravité des infractions qui sont là, mais des infractions en matière de revenu ou en matière d'environnement ne posent pas beaucoup de problèmes d'identification, d'habitude, quand une entreprise fait un déversement ou...bon...

M. Nadeau-Dubois : Êtes-vous d'accord avec moi si je dis qu'une disposition comme celle-là va avoir un effet disproportionné sur les gens qui sont dans des situations de marginalité et qui sont, donc, plus à même de ne pas avoir, en tout temps, avec eux, une pièce d'identité contenant l'ensemble des informations inscrites au projet de loi?

Le Président (M. Bachand) : 10 secondes, Me Lebrun, s'il vous plaît.

M. Lebrun (Michel) : C'est exactement... ça rejoint pas mal ce que... le sens...

M. Nadeau-Dubois : ...profilage social et racial.

M. Lebrun (Michel) : Exactement, on a parlé des problèmes que...

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Merci, M. le député. Merci, Me Lebrun. Maintenant, la parole est à la députée de Joliette pour une période de 2 min 45 s, Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Hivon : Oui, merci beaucoup de votre présentation. J'aimerais vous entendre sur quelque chose sur quoi vous ne vous prononcez pas comme tel : la question des programmes d'adaptabilité. Certains groupes demandent qu'en fait il n'y ait pas une discrétion totale pour la mise en place des ces programmes-là, parce qu'il peut y avoir des communautés qui souhaitent avoir ces programmes-là, mais il y a une discrétion dans le projet de loi, de dire : On les reconnaît, mais il n'y a pas d'imposition de ces programmes-là. Est-ce que vous pensez que ces programmes-là devraient être généralisés?

M. Lebrun (Michel) : Bien, je pense qu'il faut voir chaque programme, qu'est-ce qu'il implique. Je vois mal une communauté ou un groupe d'individus se positionner d'emblée contre des programmes d'adaptabilité qui auraient pour effet de judiciariser plus de personnes, de leurs membres, peu importe le groupe auquel on peut penser. Maintenant, je fais l'effort de... Est-ce qu'on peut s'objecter à des modalités, à des façons d'implanter... Est-ce que le dialogue qui va conduire à l'implantation de ces programmes-là doit être encadré ou balisé d'une certaine façon? Je pense que c'est peut-être de là que peuvent surgir des objections à l'implantation de certains programmes, et je pense que, là, c'est au cas par cas, là. Il va falloir...

Mme Hivon : La flexibilité dans les modalités, je pense que ça va de soi selon ce qu'on vise, mais la possibilité, je dirais, de mettre en place et que ce soit moins discrétionnaire, est-ce que vous pensez que ça devrait être envisagé?

M. Lebrun (Michel) : Oui. Bien, écoutez, il va falloir commencer en quelque part. Je me prononce sur des choses hypothétiques. L'expérience que j'en ai personnellement ou que nos membres en ont personnellement vient beaucoup de ce qu'il s'est passé au niveau du Code criminel. Par exemple, il y a des interventions en matière de violence conjugale, violence domestique qui sont d'une certaine façon et qui sont très différentes de celles qu'on pourrait faire, par exemple, pour des problèmes de cleptomanie ou d'alcoolisme. Et donc je peux concevoir que les groupes visés auront des représentations à faire et pourront soulever, en tout cas, de façon spécifique, certains problèmes.

Mme Hivon : S'il me reste quelques secondes... Quand vous parlez du télémandat, là, vous dites, je pense, c'est la page 6 que j'ai numérotée moi-même, en bas, vous dites : «Il faut conserver la plus grande proximité entre le décideur et la communauté locale concernée.» Qu'est-ce que vous voulez dire par là?

• (12 h 10) •

M. Lebrun (Michel) : Vous savez, un juge de paix, là, qui émet un mandat de perquisition peut refuser de l'émettre, même si toutes les conditions sont réunies. C'est un pouvoir discrétionnaire qui est considéré... la décision que je cite dans mon document l'établissait, c'est une condition essentielle à l'exercice de ces pouvoirs-là, d'émettre des mandats de perquisition, le pouvoir de les refuser purement et simplement, même si les conditions d'émission sont réunies. Qu'est-ce qui permet d'exercer cette discrétion-là? C'est d'avoir des certaines racines dans une région donnée. Si la personne est à des centaines de kilomètres du lieu, ne connaît pas la réalité locale qui peut être vécue, selon moi, on entache ou on rend difficile l'exercice de cette discrétion-là d'émettre ou de ne pas émettre un mandat, de considérer abusive une intervention, même si, à sa face même, elle semble rencontrer les critères.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, Me Lebrun, pour votre participation à la commission, c'est très apprécié.

Cela dit, je vais suspendre quelques instants pour que le groupe prenne place. Merci infiniment. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 11)

(Reprise à 12 h 13)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Il me fait plaisir, maintenant, de souhaiter la bienvenue au représentant de la clinique Droit de cité. Alors, je vous rappelle que vous avez 10 minutes de présentation et, par après, nous aurons un échange avec les membres de la commission. Alors, M. Couillard, bienvenue, la parole est à vous.

Clinique d'accompagnement juridique Droit de cité

M. Couillard (Maxime) : Donc, bien, bonjour, M. le Président, Mme la ministre et Mmes et MM. les commissaires. Donc, je m'appelle Maxime Couillard, je suis le coordonnateur de la clinique Droit de cité à Québec. Merci de nous offrir l'occasion de vous rencontrer afin de nous permettre de commenter le projet de loi n° 32.

D'abord, la clinique Droit de cité est un organisme communautaire de Québec qui vient en aide aux personnes en situation de pauvreté ou d'exclusion sociale en leur offrant un soutien moral et un accompagnement dans l'ensemble de leurs démarches de régularisation de leur situation judiciaire, mais également dans la défense individuelle et collective de leurs droits. Depuis la fondation de l'organisme en septembre 2015, c'est 468 personnes qui ont été accompagnées par notre intervenante sociale dans une multitude de démarches, notamment au sein du programme IMPAC de la ville de Québec.

Pour la clinique Droit de cité, le projet de loi n° 32 représente une opportunité extraordinaire de contribuer à l'amélioration de notre système de justice québécois et, par le fait même, de le rendre plus juste à l'égard des personnes en situation de pauvreté ou d'exclusion sociale. Cependant, plusieurs éléments suscitent, dans notre organisation, des inquiétudes qui méritent, à notre avis, d'être soulevées. Je tiens à mentionner que l'ensemble des recommandations qu'on a apportées portent sur la section du projet de loi n° 32, qui s'intéresse aux programmes d'adaptabilité des règles relatives à la poursuite.

En premier lieu, l'absence d'une définition claire et d'un encadrement minimal des programmes d'adaptabilité des règles relatives à la poursuite ainsi que d'un déploiement de ces programmes sur l'ensemble du territoire québécois nous préoccupe grandement, d'abord parce que l'ensemble des propositions qui concernent ces programmes ne seront effectives que dans les villes où un tel programme existera. Rien n'oblige une ville à se doter d'un tel programme afin d'offrir à des personnes en situation de pauvreté des mesures alternatives aux travaux compensatoires, et ce, même si plusieurs citoyens en exprimaient le besoin. De ce fait, il est fort probable que ces propositions ne soient effectives que dans quelques villes seulement, au Québec, puisque plusieurs municipalités pourraient décider de ne pas mettre sur pied un tel programme. Ainsi, plusieurs des propositions du projet de loi n° 32 portant sur ces programmes ne seraient donc profitables qu'à une minorité de citoyens, pourtant visés par ces modifications.

Ensuite, nous considérons que la discrétion qui est accordée aux acteurs chargés de la gestion, voire de la mise sur pied de programmes visés peut être bénéfique, parce qu'ils pourront adapter leurs programmes aux réalités propres à la communauté dans la communauté dans laquelle ils opèrent. Cependant, nous nous questionnons à savoir si cette discrétion permet également l'application des propositions du projet de loi en fonction d'une philosophie propre à chaque programme. Autrement dit, qu'est-ce qui nous garantit qu'un citoyen d'une certaine ville pourra bénéficier des mêmes mesures ou adaptabilités offertes par son programme qu'un citoyen se trouvant dans la même situation mais qui réside dans une autre ville? Un programme qui vise spécifiquement à retirer la dette judiciaire d'une personne afin de favoriser son rétablissement et la soutenir dans ses démarches ne fonctionnera certainement pas de la même manière qu'un programme qui, lui, vise plutôt à recouvrer une dette judiciaire. Cette disparité de philosophie s'observe déjà à l'heure actuelle au Québec. En effet, nous accompagnons des personnes, à la clinique Droit de cité, qui ont reçu des constats d'infraction dans plusieurs villes du Québec, et force est de constater que les mesures offertes pour régulariser une dette judiciaire sont plus adaptées et plus facilement réalisables pour les personnes qui ont des contraventions à la ville de Montréal.

De plus, l'article 37 du projet de loi n° 32 stipule que la participation d'un défendeur à un programme prend fin sur décision du poursuivant lorsque les conditions du programme ne sont plus observées par le défendeur. Mentionnons que la fin de la participation d'un défendeur à un tel programme peut avoir des conséquences importantes, voire désastreuses. Dans certains cas, comme on l'a observé par le passé, une expulsion d'un programme peut mener directement à la réactivation d'un mandat d'emprisonnement pour non-paiement d'amende. Or, le projet de loi n° 32 n'identifie pas quelles sont ces conditions, mais leur accorde de conséquences importantes en cas de non-respect. Ainsi, qu'est-ce qui empêcherait un programme d'expulser une personne uniquement parce qu'elle n'a pu être présente à une des rencontres exigées, tel que pourraient le stipuler ses conditions, et ce, indépendamment du cheminement réalisé au sein dudit programme? Il en va de même avec l'obligation d'être en mesure de faire des travaux compensatoires, qui, parfois, est une chose impossible pour les personnes que nous accompagnons.

Au Québec, il existe déjà des programmes qui visent à offrir des mesures alternatives aux travaux compensatoires aux personnes en situation de pauvreté ou d'exclusion sociale. La plupart de ces programmes ont déjà été analysés et évalués, notamment par le milieu communautaire et celui de la recherche. De ce fait, nous considérons qu'il est déjà possible de tracer un portrait clair de ce que devrait faire un programme d'adaptabilité des règles relatives à la poursuite.

Nous sommes également d'avis que le projet de loi n° 32 devrait s'inspirer du Programme d'accompagnement justice itinérance à la cour, mieux connu sous son acronyme, le PAJIC, de la cour municipale de Montréal afin de définir ce que devrait être au programme et de fournir un encadrement minimal. Évidemment, je le réitère, nous considérons également que les acteurs chargés de la gestion des programmes doivent conserver un certain pouvoir discrétionnaire afin d'adapter leur programme aux réalités de la communauté dans laquelle il s'inscrit.

En deuxième lieu, nous jugeons primordial qu'une souplesse soit accordée à la définition ainsi qu'à l'application des mesures alternatives que permettra le projet de loi n° 32. Par exemple, nous croyons que les démarches d'amélioration des conditions de vie qui ont été réalisées avant l'intégration d'un programme doivent pouvoir être considérées comme étant des mesures alternatives entamées, voire complétées. L'exemple réel de Jonathan, qui est illustré dans notre mémoire, démontre en quoi cette considération est importante. En effet, Jonathan est un jeune homme dans la vingtaine qui a accumulé plus d'une centaine de contraventions à sa sortie d'un centre jeunesse suite à des périodes d'itinérance et qui détenait une dette judiciaire d'environ 26 000 $, dont plus ou moins 10 000 $ étaient reliés à différents frais. Il a finalement pu reprendre le contrôle sur sa vie et est parvenu à cesser de consommer des drogues, s'est trouvé un logement, a entamé un programme de formation professionnelle, et ce, avant l'intégration à un programme d'adaptabilité. Afin de maximiser les succès de son rétablissement et réduire les risques qu'il soit davantage judiciarisé, ces démarches auraient dû être considérées comme des mesures alternatives entamées ou complétées et donc être traitées comme des mesures réalisées au sein du programme, ce qui n'a pas été fait. D'ailleurs, aux dernières nouvelles, Jonathan terminera le programme avec une réduction de 7 826 $ de sa dette judiciaire de 26 000 $, qu'il devra quand même payer par la suite. À la clinique Droit de cité, nous sommes d'avis qu'une démarche ou un effort réalisé à l'extérieur d'un programme n'ont pas une valeur moindre que ceux réalisés au sein d'un programme.

• (12 h 20) •

En troisième lieu, nous sommes d'avis que l'utilisation de la rétractation de jugement doit être utilisée lorsque les mesures alternatives sont complétées, afin de favoriser le retrait massif des chefs d'accusation qui pèsent contre les participants des programmes. Ainsi, on actualise véritablement le processus de déjudiciarisation de ces personnes en leur retirant le fardeau que représente leur dette judiciaire et en les soutenant dans leurs démarches d'amélioration de leurs conditions de vie. Nous croyons que le projet de loi n° 32 devrait, donc, baliser cette mesure en clarifiant que les retraits massifs de chefs d'accusation doivent être fortement privilégiés.

En dernier lieu, la clinique Droit de cité tient à saluer la volonté qui transparaît, à travers le projet de loi, de vouloir s'attarder à la question de l'emprisonnement pour non-paiement d'amendes. Bien que le projet de loi n° 32 permet une avancée important en la matière, et ce, en proposant de baliser cette pratique, nous nous questionnons sur l'encadrement qui est privilégié. En effet, le projet de loi n° 32 propose d'établir une liste d'infractions ou de catégories d'infractions par règlement qui ne pourront plus mener à des mesures d'emprisonnement pour non-paiement d'amendes inscrites dans le Code de procédure pénale.

D'abord, nous nous demandons à quel point nous pouvons avoir la garantie que cette liste sera exhaustive. En effet, chaque ville adopte ses propres règlements avec ses propres formulations et il est donc difficile d'imaginer que l'ensemble des infractions pour lesquelles sont le plus souvent pénalisées les personnes en situation de pauvreté ou d'exclusion sociale au Québec puissent être toutes inscrites dans cette liste. De plus, même si, lors de son élaboration, cette liste était véritablement exhaustive, quelles garanties auront les citoyens qu'elle sera mise à jour continuellement? Également, un gouvernement futur pourrait modifier cette liste afin qu'elle concorde avec leur conception des infractions qui devraient s'y trouver. Ainsi, on augmente considérablement le risque d'exclure des infractions qui touchent significativement les personnes en situation de pauvreté.

À Québec, il y a environ un an, la ville annonçait que les personnes en situation d'itinérance ou avec problèmes de santé mentale n'iraient plus en prison pour le non-paiement de contraventions en lien avec des infractions ciblées et inscrites sur une liste. À ce jour, nous sommes confrontés à ces mêmes inquiétudes que je viens d'énumérer en plus de ne pas savoir comment s'actualise réellement cette mesure.

Donc, à la clinique Droit de cité, en fait, nous considérons qu'il est préférable de faire en sorte que l'emprisonnement pour non-paiement d'amendes, au Québec, fasse partie du passé. À cet effet, les propos du juge Grenier de la Cour supérieure du Québec vont dans le même sens lorsqu'il mentionne : «Si une société incarcère des personnes pour non-paiement d'amendes, ça ressemble quasiment au Moyen Âge quand on emprisonnait des gens pour dettes.» Nous pensons, donc, que le Code de procédure pénale devrait, donc, être modifié pour ne plus permettre cette pratique, qui est inefficace et extrêmement coûteuse pour la société.

Nous comprenons que l'objectif derrière l'élaboration d'une liste d'infractions ou de catégories d'infractions ne pouvant plus mener à un emprisonnement pour non-paiement d'amendes pourrait être de s'assurer que seules les personnes en situation de pauvreté ou d'exclusion sociale ne puissent plus se retrouver en prison par manque de moyens financiers. Or, nous tenons à rappeler que certains mécanismes sont déjà mis en place pour le recouvrement d'une dette judiciaire d'une personne qui a la capacité financière de la payer. La saisie par huissier en est un exemple.

Finalement, et je vais conclure, le projet de loi n° 32 représente un beau projet en soi mais qui soulève plusieurs inquiétudes. Il ne fait aucun doute qu'un travail important de la part d'une multitude d'acteurs devra s'amorcer à la suite de son adoption et que la portée ainsi que l'efficience de ce travail reposeront en grande partie sur la qualité de leur collaboration. Donc, merci de m'avoir accordé votre attention.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. Couillard. Je me tourne maintenant vers le parti gouvernemental. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Merci, M. le Président. Merci de votre présentation. C'est très apprécié, surtout que vous avez une expérience pratique. Je pense que vous participez au programme IMPAC, entre autres. Vous avez des participations, donc une expérience pratique sur ces programmes-là. Mais peut-être que... quelques petits points, votre mémoire est quand même assez, assez bien étoffé, merci beaucoup, sur les différents enjeux que vous avez soulevés.

Vous soulevez, entre autres, l'enjeu de la discrétion, de la souplesse et de l'uniformité, et d'avoir un certain équilibre. Présentement, naturellement, l'objectif du projet de loi n° 32 est de permettre une implantation le plus large possible à travers le Québec, à travers les municipalités, les villes, de ce type de programmes d'adaptabilité là. Ce n'est pas le cas partout présentement.

Je voudrais vous entendre : Comment vous pensez qu'on peut solutionner la problématique de ne pas imposer de tels programmes, parce que c'est difficile, il y a des communautés qui n'ont pas les moyens d'avoir ces programmes-là pour différentes raisons, je ne parle pas juste des moyens financiers, mais des ressources, de s'assurer que les programmes sont bien adaptés aux besoins d'une communauté, parce qu'on nous a aussi fait la remarque, hier, que d'établir une liste, qu'elle soit par règlement ou dans la loi, peut faire en... d'admissibilité, peut faire en sorte que, dans certaines communautés, une infraction ne soit pas couverte parce qu'elle n'est pas apparue dans l'écran radar au départ, tout en assurant, justement, une équité, de faire en sorte qu'une infraction donnée dans une municipalité donnée puisse donner ouverture à un programme, et non pas... et pas dans une... Donc, il y a des enjeux de souplesse pour permettre que les programmes soient bien adaptés aux situations particulières des gens dans des communautés particulières. Il y a le problème d'uniformité, et s'assurer qu'un contrevenant qui est dans la ville X puisse recevoir, pour une infraction y et une situation donnée, un service similaire, qu'il soit dans une ville ou dans une autre, le plus possible. Il y a le problème des moyens, c'est-à-dire que d'imposer un programme... parce que ce n'est pas ce que le projet de loi n° 32 fait, le projet de loi n° 32 permet la mise en place de programmes, mais n'impose pas.

Alors, comment on peut jongler avec toutes ces réalités-là et ces enjeux-là? Je comprends que... Une grosse partie de la solution, je pense, est dans votre conclusion de la fin, c'est-à-dire les suites du projet de loi n° 32 feraient en sorte que tous les acteurs concernés soient bien impliqués dans l'élaboration des suites, et peut-être pas dans les mesures du projet de loi n° 32 comme telles. Mais je veux juste m'assurer, là, de voir comment on peut solutionner toutes ces balises-là, finalement, entre l'équilibre, l'équité, l'adaptabilité, la souplesse. Ce sont toutes des notions très louables dans ce type de situation là, mais qui, des fois, sont... mettent une contrainte les unes envers les autres, là.

M. Couillard (Maxime) : Bien, tout d'abord, je dois spécifier que je ne suis pas juriste, donc je ne pourrai pas arriver avec des propositions pour...

Mme LeBel : Pas juridiquement, mais pratico-pratique, comment on peut...

M. Couillard (Maxime) : Pratico-pratique, bien, comme on l'explique, dans notre mémoire, je pense qu'une manière de faire serait d'élaborer une certaine base, donc certaines directives qui pourraient, donc, être déployées dans l'ensemble des régions. Comme, en ce moment, actuellement, on a quelques programmes d'adaptabilité à l'échelle du Québec, et qui, pourtant, fonctionnent de manières parfois totalement différentes. Je pense, entre autres, à celui à Québec versus celui à Montréal. Donc, de prime abord, on devrait faire en sorte que, dans le projet de loi, ça soit mieux spécifié, comment ça devrait s'actualiser.

Vous avez parlé de comment... des listes d'infractions, tu sais, qui peuvent servir comme critère d'admissibilité. Comme on le présente dans le mémoire, on considère qu'on devrait davantage se baser sur la capacité de payer que sur une liste d'infractions. Donc, déjà là, ça règle la question de savoir quand est-ce qu'une personne va être admissible ou pas en fonction de la région. À partir du moment où est-ce que que la personne est considérée en situation de pauvreté ou d'exclusion sociale, donc incapable de payer une dette judiciaire qu'elle a contractée, ça devrait être un critère suffisant, à notre avis, pour pouvoir intégrer un tel programme. Là, je ne sais plus si j'ai répondu à l'ensemble de vos questions, il y en avait plusieurs, mais essentiellement c'est ça.

Mme LeBel : Bien, est-ce qu'on devrait imposer de tels programmes par le biais du projet de loi?

M. Couillard (Maxime) : Je ne sais pas comment cette imposition devrait avoir lieu, mais on devrait s'assurer que, dans l'ensemble des régions, ce que... les citoyens ont un besoin, puissent avoir accès à un tel programme. Parce que, là, en ce moment, comme c'est parti à l'heure actuelle, il n'y en a pas tant que ça, des programmes. Pourtant, nous, on accompagne les gens qui ont des tickets, des contraventions dans d'autres villes et qui devraient bénéficier d'un tel programme. Mais, évidemment, le pouvoir discrétionnaire fait en sorte... des acteurs... qui est alloué dans le projet de loi fait en sorte que certaines cours, certaines villes pourraient décider de ne pas en avoir. Donc, en quelque sorte, nous, on considère qu'effectivement ça devrait être déployé à l'ensemble du territoire québécois, là.

Mme LeBel : Pour des raisons, puis je ne suis pas en train de... Je ne veux pas partir un argumentaire avec vous, mais je vous donne un peu ma pensée pour un peu comment vous réagissez. Pour des raisons peut-être plus juridiques, il est potentiellement nécessaire d'établir, quand même, des catégories qui donnent une admissibilité à certains programmes pour, bon... Le choix de ne pas le faire dans la loi, parce qu'une loi est plus difficile à modifier, est plus lourde à modifier qu'un règlement, et de le faire plutôt par règlement, est un choix qui est justifié, justement, par cette notion de souplesse là. Il y a quand même une certaine rigidité réglementaire, si on veut. Est-ce que vous pensez que, si on partait plutôt par catégories d'infractions, par... ou qu'on ajoutait peut-être, à même le règlement, une possibilité, selon certains critères balisés, d'introduire des... Je ne sais pas, je réfléchis à voix haute, et on pourra voir si ça se traduit bien de façon juridique, mais plutôt que de passer par la capacité de payer... qu'il pourrait y avoir certains enjeux constitutionnels, parce que certaines personnes pourraient avoir des problèmes, une capacité de payer, mais des problèmes qui sont quand même sérieux, et pouvoir quand même bénéficier d'un programme d'adaptabilité, là. Est-ce que vous pensez que ça pourrait, peut-être, résoudre cette préoccupation?

• (12 h 30) •

M. Couillard (Maxime) : Ça pourrait être possible dans la mesure où est-ce qu'on s'assure continuellement que ces listes-là sont exhaustives. Puis, tu sais, il faut faire attention, parce qu'on parle souvent d'infractions aux règlements municipaux, mais les personnes qu'on accompagne reçoivent également beaucoup de contraventions en lien avec le Code de la sécurité routière, souvent, qui découlent, bon, d'un traitement différentiel, de profilage social, et ainsi de suite. Donc, c'est de voir aussi comment ça pourrait être inclus à l'intérieur de ça.

Puis, comme je le mentionnais plus tôt, une fois que cette liste-là est élaborée, comment on fait pour s'assurer que ça concerne l'ensemble des situations? Comment on fait pour s'assurer que ça va suivre l'évolution dans le temps? Ça arrive, des fois, qu'une personne va recevoir un constat d'infraction en lien... en fait, c'est possible que cette personne-là reçoive un constat en lien avec une infraction qui ne sera pas nécessairement dans cette liste-là. Est-ce que cette infraction-là va pouvoir être prise en compte dans son cheminement au sein d'un programme? À notre avis, ça fait partie du problème puis c'est ça qui devrait mériter une attention particulière.

Mme LeBel : O.K., parfait. Donc, dans un ensemble d'infractions, il devrait y avoir une qui n'est pas admissible, et là, si on n'est pas capable de retirer celle-là pour x, y, z raison, on pourrait y avoir... Parfait. Je comprends bien votre point de vue. Merci.

Je pense que je vais vous demander, pour les dernières minutes qui nous restent, de nous parler... Parce que c'est important d'illustrer les effets positifs de ces programmes-là. C'est tout à fait normal que vous nous... tout est perfectible, de nous demander d'améliorer ce qu'on essaie... l'ouverture qu'on essaie de créer par le p.l. n° 32. Mais vous parlez de Julie dans votre mémoire. Peut-être, si vous pourriez nous parler de Julie, l'exemple de Julie, qu'est-ce... et nous illustrer qu'est-ce qu'un tel programme peut apporter, justement, à ces personnes-là de... et j'imagine... c'est un succès, là, donc, un...

M. Couillard (Maxime) : Bien, Julie, ce n'était un succès, en fait...

Mme LeBel : Non, bien, ce n'était pas tout un succès, mais c'est quelque chose qui aurait pu être...

M. Couillard (Maxime) : Qui aurait pu être un succès, en fait.

Mme LeBel : C'est ça.

M. Couillard (Maxime) : Bien, un programme, les bénéfices que ça peut apporter aux personnes que nous accompagnons, en fait, c'est d'offrir vraiment... bien, d'être adapté, en fait, à leur réalité, de répondre à leurs besoins puis de considérer les causes intrinsèques qui les ont menées à commettre ces infractions-là.

Parce que, dans la très grande majorité des cas, si ce n'est pas dans tous les cas, les personnes que nous accompagnons, leur dette judiciaire est directement reliée à leur condition sociale. Donc, un programme, c'est bénéfique, dans la mesure où est-ce que ça considère cet élément-là dans la manière que ça va traiter son dossier, et non de rester dans cette simple logique-là d'une personne contrevenante qui a commis une infraction puis qui doit payer sa dette à la société. C'est vraiment... La base de tout, c'est de considérer la condition sociale de la personne.

Dans le cas de Julie, effectivement, bien, il y a eu quand même des bénéfices dans son cheminement au sein de son programme. Ça ne s'est vraiment pas bien fini pour elle... en tout cas, en termes de son programme. Cependant, un programme comme ça qui serait, par exemple, mieux adapté, aurait des bénéfices énormes.

Donc, c'est vraiment... l'idée, c'est d'accompagner la personne à son rythme, d'accepter sa réalité et de lui offrir les moyens de se sortir de ce cercle-là qu'est la judiciarisation, en fait, de la pauvreté, là.

Mme LeBel : Mais pouvez-vous nous donner un exemple concret... parce que tout ce dont vous nous parlez, on le comprend, nous, on l'intellectualise, mais d'une personne... peut-être pas le cas de Julie, là, je l'illustrais, mais... il est dans votre mémoire, puis, effectivement, bon, ce n'est... tout n'est pas rose, mais il y a eu quand même certains bénéfices, puis elle aurait peut-être pu en avoir de plus grands dans une autre situation.

Mais nous donner un exemple d'une mère, d'une jeune mère de famille, exemple, comme elle, qui est monoparentale, puis nous expliquer, un peu peut-être, des succès ou ce qui aurait pu être... en vertu de l'ouverture qu'on fait, encore... un plus grand succès encore? Parce que, dans le fond, l'objectif est d'aider ces personnes-là.

M. Couillard (Maxime) : On a fait un suivi avec une personne qui avait des constats d'infraction avec la ville de Montréal. Donc, cette personne-là a intégré finalement le PAJIC. Et, avant de l'intégrer, elle avait réussi à stabiliser sa situation. Donc, un peu comme l'histoire de Jonathan, elle s'était trouvé un logement, elle avait commencé une thérapie de désintox, en fait, là, à la méthadone, et ainsi de suite. Et, une fois qu'elle a intégré le programme du PAJIC, ses démarches ont été reconnues, elle a été appuyée dans ses démarches. Et ça, ça a eu comme résultat, en fait, qu'on lui a retiré son fardeau judiciaire pour qu'elle puisse poursuivre, en fait, ses démarches, sans nécessairement avoir le stress d'être notamment emprisonnée pour non-paiement d'amende. Je sais qu'à Montréal, ça n'a plus vraiment lieu d'être, mais il y a quand même ce stress-là qui peut être présent.

Donc, ça, c'est un exemple, en fait, qui a permis à une personne de continuer son cheminement de rétablissement, d'amélioration de ses conditions de vie grâce à un programme d'adaptabilité qui a, bien, c'est ça, donc, considéré ces démarches-là.

Mme LeBel : ...le programme a servi, dans son cas particulier, à écarter l'épée de Damoclès, si on veut, que cette personne-là avait au-dessus de la tête et lui permettre d'avoir, peut-être, une ouverture d'esprit plus... «sereine» étant un mot que j'emploie avec beaucoup de parcimonie dans un type de situation comme ça, mais avec un esprit plus serein pour plutôt se concentrer sur ses démarches, et travailler sur soi, et travailler sur sa situation.

M. Couillard (Maxime) : Absolument. Puis, tu sais, je tiens... je pense que c'est important de le mentionner, ça favorise aussi une reprise de confiance envers le système de justice quand une personne passe à travers l'ensemble d'un processus comme ça.

Parce que, bon, ces gens-là sont judiciarisés, ils considèrent qu'ils vivent, souvent avec raison, des injustices, du profilage, bon, tout l'argumentaire a déjà été étalé, et là on leur offre une possibilité de passer à autre chose et on leur offre les moyens de passer à autre chose en prenant en compte leurs besoins et leur réalité. Donc, ça, ça fait partie d'un des avantages, de ravoir confiance envers le système de justice puis de sortir de cette judiciarisation-là.

Mme LeBel : Vous avez mentionné... Peut-être pour revenir peut-être de façon plus pointue sur vos commentaires, vous avez parlé de... ça fait référence à l'article 159.4, pas du projet de loi, l'article 37, je pense, du projet de loi, mais... ce sera l'article 159.4 du Code de procédure civile, qui dit que le retrait du consentement du défendant met fin à sa participation au programme. Naturellement, c'est une décision... où il en est de même sur décision du poursuivant, alors c'est cette discrétion-là, pardon, que vous avez mentionnée. Naturellement, c'est balisé en disant que lorsque les conditions du programme ne sont plus observées par le défendeur... Vous avez une crainte, donc, qu'il y ait peut-être un peu d'arbitraire. Ou qu'est-ce que vous suggérez? Parce qu'il faut quand même avoir une possibilité... Le poursuivant, au départ, offre un programme, il y a une espèce... je vais prendre ses termes, de contrat qui se crée entre la poursuite, c'est-à-dire le ministère public et le défendeur, d'entrer dans une voie alternative. Il doit y avoir, quand même, un moyen, si on constate que ça ne fonctionne pas, de mettre fin à tout ça et de reprendre la voie judiciaire si tel est le cas. Donc, comment vous suggérez de baliser ou d'encadrer cette possibilité-là?

M. Couillard (Maxime) : Bien, ça rejoint notre souci d'uniformité, en fait, là, d'établir certaines conditions pour l'ensemble des programmes pour qu'ils soient déployés ainsi. Je n'ai pas de liste de conditions qui devraient être considérées, mais, comme on l'explique dans le mémoire, quand une personne ne peut pas ou ne parvient plus à respecter une ou quelque condition, c'est davantage au programme de s'adapter pour voir : Est-ce qu'on peut la maintenir au sein du programme? Qu'est-ce qu'on peut faire?

Évidemment, là, si on prend un exemple extrême : la personne, elle disparaît carrément, on ne peut pas lui offrir grand-chose, elle n'est plus là. Mais, à partir du moment où est-ce que la personne vit des difficultés... parce que c'est souvent ça qu'on constate sur le terrain, hein, quand une personne qu'on accompagne sur un programme ne parvient plus à respecter une ou plusieurs conditions, c'est parce qu'il y a des enjeux dans sa vie personnelle qui font en sorte qu'elle a de la difficulté à les respecter.

Dans le mémoire, je parlais, justement, de l'obligation d'être présent à une rencontre, bien, des fois, c'est difficile, notamment quand on est une mère monoparentale, là, qui s'occupe de l'enfant toute seule, là, donc voilà. Donc, c'est toujours d'avoir une grande souplesse dans l'application des mesures et des conditions des programmes.

Dans le mémoire, entre autres, je parlais de l'idée d'offrir, quand c'est nécessaire, des ententes de paiement à cinq dollars par mois, le temps que la situation de la personne se stabilise pour être certain de maximiser ses chances et qu'on ne l'expulse pas parce que, par exemple, elle a manqué une rencontre ou elle a dû mettre sur pause ses études, là, et ainsi de suite.

Mme LeBel : ...la clé, dans le fond, de votre intervention puis la clé du succès, si je peux le prendre comme ça, est dans la façon dont les programmes vont être construits par la suite, là, dans le fond.

M. Couillard (Maxime) : Oui, dans la souplesse comment ils vont... exécuter, mais aussi comment nous, en tant que société, on va pouvoir les baliser, ces programmes-là.

Mme LeBel : Et le fait, aussi, que le procureur pourrait — puis c'est toutes des remarques qui nous ont été faites — pourrait avoir, aussi, la possibilité peut-être de mettre fin parce que les conditions le demandent, il n'y a pas de participation, peu importe, et, par contre, de prendre en compte le parcours qui est déjà... Une réduction de la peine, à titre d'exemple, ou une réduction des travaux compensatoires en fonction d'un cheminement parcouru, même s'il a pris fin avant son aboutissement.

M. Couillard (Maxime) : Oui, ça, on partage ça, là, on partage cet avis-là, là, à l'idée que, supposons que, dans une entente, la personne n'est pas en mesure de réaliser tout ce qui était inscrit, mais qu'elle en a quand même réalisé quelques-unes, oui, en effet, on considère que ça serait important qu'ils puissent être considérés puis qu'elle puisse avoir des bénéfices associés à ça, de la même manière que ceux entamés avant l'intégration à un programme devraient être considérés aussi, là.

Mme LeBel : Bien, je vous remercie de votre intervention, merci beaucoup. Je n'ai pas d'autre question, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Je me tourne maintenant vers l'opposition officielle. Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît.

Mme Weil : Merci, M. le Président. Merci de votre présence, c'est fort stimulant, puis on a l'occasion de vous poser des questions, vous êtes sur le terrain.

Donc, moi, je suis de Montréal, j'ai été ministre de la Justice, j'ai vu le tout début du programme à Montréal et je comprends qu'ils se sont inspirés de Toronto, qu'ils s'étaient inspirés de New York, donc, comme vous dites, il y a des différents projets, puis chacun développe son programme qui se ressemble, les grands principes sont là.

Et vous, vous dites, dans votre introduction : On peut aller chercher des données, on peut regarder ce qui fonctionne, on peut adapter des programmes. Pensez-vous que ce serait intéressant et utile de peut-être inscrire quelque chose dans la loi qui fait en sorte que ça soit comme en constance, ça fasse partie du système de justice, d'amélioration continue, comme on fait dans le système de santé, comme on fait dans beaucoup d'autres systèmes, pour apprendre les uns des autres, et il y a une certaine adaptation, aussi, aux réalités de chaque ville ou chaque région. Mais la ministre a déjà dit : En même temps, c'est sûr que le système de justice doit être quand même équitable envers tout le monde, les problèmes sont quand même pareils, mais les organismes communautaires qui vont émerger ou qui émergent développent des pratiques.

Donc, cette notion d'étude, de connaissance, comment vous voyez ça, qu'on puisse, en continu, connaître, apprendre, appliquer?

• (12 h 40) •

M. Couillard (Maxime) : Bien, on n'en a pas particulièrement parlé, mais, effectivement, ça pourrait être un élément très intéressant à ajouter. Par contre, on considère que ça ne devrait pas faire en sorte qu'on enlève l'idée d'une uniformité des programmes ou, du moins, de balises claires et d'un encadrement minimal. Mais ça serait intéressant, effectivement, que ça soit un complément à ces éléments-là afin de s'assurer d'un suivi, afin de s'assurer que c'est efficace, qu'ils sont efficients.

Mme Weil : Dans votre expérience... Parce qu'au coeur d'un système de justice il y a aussi, comme dans tout, de bien vivre en société, cette notion de responsabilisation. Et c'est sûr, quand on a des cas de santé mentale, c'est très, très difficile, hein, et... Donc, vous, dans votre pratique... Parce que, pour que la personne puisse bien comprendre qu'ils doivent répondre aux exigences... Je ne sais pas si vous êtes capable de le dire en pourcentage ou si vous faites la part des choses, dans le sens de certains qui ont vraiment de la misère et de la difficulté, puis que le système de justice... Comment est-ce que le système de justice répond à cette faille, si on veut?

Dans votre pratique, est-ce que vous voyez que les gens comprennent cet élément-là de responsabilisation puis sont... bien, il y a capacité d'aller jusqu'au bout — ça, c'est une chose, vous l'avez mentionné — mais compréhension de ce facteur-là?

M. Couillard (Maxime) : Sur les plus de 400 personnes qu'on a... En fait, les plus de 400 personnes qu'on a accompagnées viennent nous voir pour, justement, gérer leur dossier judiciaire, la régulariser. Donc, en partant de cette idée-là, il y a une prise de conscience de... bien, il y a une responsabilisation, parce qu'il n'y a personne qui fait les démarches à leur place. On ne fait pas les démarches à leur place, nous. On les accompagne, on facilite leurs démarches. Donc, j'aurais... Oui, ils sont conscients de ça. Par contre, il ne faut pas occulter le fait qu'ils considèrent que, dans la plupart des cas, ils ont reçu ces constats-là de manière injuste, parce que, des fois, ils n'avaient pas le choix de commettre ces infractions-là.

Mme Weil : Donc, c'est très encourageant. Donc, il se pourrait que ceux qui sont vraiment dans des situations graves sont déjà pris en charge par le réseau de la santé, à quelque part, parce qu'ils ne seraient pas autonomes. Vous, vous voyez, peut-être, des itinérants, des gens qui... bon, la drogue, etc., puis des parcours de vie difficiles, mais, comme vous dites, le jugement reste là, si je comprends bien.

Rétractation de jugement, vous dites que c'est important. Est-ce que vous pourriez, peut-être, en parler? Pourquoi vous considérez ça un élément important du programme d'adaptabilité?

M. Couillard (Maxime) : Oui. Bien, ça rejoint un peu ce que je viens de dire, à l'idée que les personnes reçoivent des constats d'infraction souvent en lien avec leur condition sociale. Les constats vont passer à travers l'ensemble du processus pénal et vont, dans la plupart des cas, être jugés par défaut. Donc, les gens vont accumuler de... judiciaire, par exemple, pour avoir mendié, sollicité, tu sais, avoir utilisé des stratégies de survie, avoir adopté des comportements qui sont souvent inévitables, par exemple, dormir à l'extérieur quand les refuges débordent, comme c'est le cas, en ce moment, à Québec.

Donc, la rétractation de jugement est importante pour pouvoir favoriser le retrait de ces constats-là, parce que ces personnes-là les ont reçus en grande partie à cause de leur condition sociale. Et la rétractation de jugement ne veut pas dire que le constat est nécessairement retiré. Donc, ça doit être suivi, justement, d'un retrait des chefs d'accusation, comme on le voit, notamment, à Montréal en ce moment, là.

Mme Weil : Si vous comparez votre expérience... Bien, vous connaissez, donc, d'autres systèmes de réadaptation... ou réadaptabilité, d'autres villes. Actuellement, vous regardez tout ça.

M. Couillard (Maxime) : Bien, notre pratique, en fait, c'est surtout sur le programme IMPAC à Québec, mais on a accompagné des gens aussi sur le PAJIC et on est évidemment en lien très étroit avec la Clinique droits devant de Montréal, avec lesquels on partage nos expériences aussi, là.

Mme Weil : Très bien. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Autres questions du côté de l'opposition? Ça va? M. le député de Gouin, s'il vous plaît.

M. Nadeau-Dubois : Merci, M. le Président. Bonjour. Merci d'être là aujourd'hui. Très intéressant de vous entendre, parce que, depuis deux jours, là, on nous a beaucoup parlé des programmes qui existent en ce moment, des programmes d'adaptabilité, comme étant superbes, magnifiques. Et là vous nous faites... vous nous permettez d'amener la réflexion plus loin pour voir peut-être aussi les limites de certains programmes existants, puis les améliorations qui doivent être apportées. Puis, jusqu'à maintenant, vous êtes probablement le seul intervenant qui nous amène à cette réflexion sur : c'est bien qu'il y en ait, mais ils ne sont pas parfaits, il faut les améliorer. Puis je trouve ça... Je pense que votre contribution, là-dessus, elle est essentielle.

Et vous nous sensibilisez à l'importance de deux choses, hein? Vous dites... Puis je partage l'avis de la ministre là-dessus. Vous nous dites qu'il faut certaine uniformité, un certain cadre général, mais il faut aussi de la souplesse, qui, quand on écrit des lois, peut être un défi, hein? Comment on met un cadre, comment on fait des balises puis comment on laisse aussi de la souplesse?

Et donc ce que je comprends de votre intervention, c'est aussi... l'enjeu, c'est moins est-ce qu'il devrait y avoir des programmes ou pas, mais c'est plutôt quels programmes, comment fonctionnent-ils, puis comment on les applique. Bref, le diable est dans les détails. Et là ça, ce n'est pas facile, quand on écrit des lois, de tenir ça en compte.

Ça fait que vous nous avez parlé... Quand vous avez parlé de balises générales puis de cadre général, vous nous avez parlé de... peut-être, au niveau des infractions, de mettre certaines balises sur quelles infractions pourraient être concernées par ces programmes-là. Pouvez-vous nous donner des pistes de réflexion sur quelles autres balises, quel autre encadrement général, quel autre cadre on pourrait écrire dans un texte de loi, et non pas dans un règlement, dans un texte de loi, pour orienter les différents programmes dans le bon sens?

M. Couillard (Maxime) : Oui, mais je ne pourrai pas le faire d'un point de vue juridique, mais ils sont quand même présentés dans notre mémoire, là, mais, instinctivement, comme ça... Oui. Bien, en fait, on suggère fortement de s'inspirer de ce qui se fait à Montréal pour, justement, proposer des balises. Donc, notamment, considérer les démarches, les mesures qui ont été faites avant l'intégration d'un programme, permettre à une personne, justement, de prendre des mesures qui sont vraiment adaptées à sa réalité, donc, de ne pas avoir une liste claire et définie de qu'est-ce que peut être une mesure alternative, mais de plutôt considérer ce que la personne fait ou peut faire comme mesure alternative. Par exemple, sans écrire dans une liste, un retour aux études est une mesure alternative, mais, si une personne intègre un programme puis qu'elle soumet son envie d'un retour aux études, bien, ça, ça peut devenir une mesure alternative. Pour certaines personnes, le simple fait de se présenter à des rendez-vous, à cause de leur condition, est un défi important. Ça pourrait être aussi considéré comme une mesure alternative. Donc, les mesures avant l'intégration devraient être considérées.

On considère aussi que la rétractation de jugement doit être fortement favorisée lorsque les mesures sont considérées comme étant complétées, notamment pour, justement, retirer les chefs d'accusation.

Je ne sais pas comment ça pourrait être écrit dans un projet de loi, mais, chose certaine, on considère que tous les programmes, au Québec, devraient maximiser cette utilisation-là, donc, de ce mécanisme-là.

M. Nadeau-Dubois : Une des discussions qu'on a eues hier, c'était sur le projet de loi. Est-ce qu'on devrait à l'article 159.5 que, lorsqu'il y a complétion du programme, lorsque le programme est complété, que le poursuivant... Est-ce que... En ce moment c'est écrit «peut retirer les chefs d'accusation». Certains intervenants nous ont dit, notamment le Barreau, ça devrait être écrit «doit retirer les chefs d'accusation». Dans ce débat-là, où vous situez-vous?

M. Couillard (Maxime) : «Doit». Absolument, absolument. Normalement, on aurait dû l'écrire dans notre mémoire, mais ça nous est échappé. Mais effectivement...

Une voix : ...

M. Couillard (Maxime) : Oui, effectivement.

Le Président (M. Bachand) : Parfait. Merci infiniment. Merci. Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.

Mme Hivon : Oui, merci beaucoup. Donc, sur la même voie de la question des programmes d'adaptabilité, donc, vous dites qu'il faudrait les généraliser. Moi, je suis d'avis que les Québécois devraient avoir les mêmes droits. Donc, évidemment, s'il y a des endroits où on les offre puis des endroits où on ne les offre pas parce qu'il n'y a pas la même sensibilité ou la même ouverture, je pense que c'est un enjeu. Ça ne veut pas dire qu'on ne garde pas de la flexibilité dans le programme en lui-même dans ses modalités. Mais, vous, je comprends que... Je veux juste être sûre parce que vous le dites. Vous dites qu'ils devraient permettre l'imposition de la mise sur pied d'un programme d'adaptabilité. Vous ne dites pas nécessairement: Ils devraient imposer les programmes d'adaptabilité. Ça fait que je veux juste comprendre, quand vous dites: On devrait pouvoir les généraliser, vous trouvez qu'il y a peut-être trop de latitude qui est laissée dans le projet de loi. Ce que vous voudriez, dans un monde idéal, c'est qu'il soit disponible partout et qu'on l'inscrive dans la loi.

M. Couillard (Maxime) : Oui, qu'il soit disponible partout puis que les personnes puissent bénéficier des mêmes mesures.

Mme Hivon : Exact. Parce que ce qui vous inquiète en ce moment, c'est que, dans une communauté donnée, s'il y a moins de sensibilité et moins d'ouverture, on ne le mettra tout simplement pas sur pied.

M. Couillard (Maxime) : Absolument. On accompagne les personnes qui ont des tickets, par exemple, des contraventions à Québec, à Montréal et à Trois-Rivières. Ils ne comprennent pas pourquoi à Québec c'est beaucoup plus difficile qu'à Montréal pour régulariser leur situation judiciaire, pourquoi le programme est à ce point-là différent. Et ils ne comprennent pas pourquoi, à Trois-Rivières, il n'y a absolument rien. Donc, c'est un peu ça, l'idée.

Mme Hivon : C'est ça. Il y a des modalités qui... Les programmes peuvent être très différents, mais il y a aussi des endroits où il n'y a juste pas de programme.

Vous avec peut-être vu que j'avais lu votre mémoire. Puis j'ai demandé à l'association des avocats de la défense avant. Puis ils semblaient nous dire : Oui. Mais là est-ce que... En tout cas, ce n'était pas clair. Mais est-ce que c'est vraiment réaliste? Puis, dans le fond, est-ce que tout le monde a les mêmes besoins? Puis il y a tellement de différences, parce qu'il peut avoir des personnes où c'est plus la santé mentale, d'autres, c'est plus la pauvreté, l'itinérance, la toxicomanie. Pour vous, est-ce que ça, c'est un argument pour dire : C'est impossible, pour nous, comme législateurs, dans le projet de loi, de mettre que ça doit être disponible partout?

M. Couillard (Maxime) : Non, pas du tout, de la même manière que ce n'est pas impossible, en ce moment d'instaurer, des nouveaux programmes ou de permettre le développement de nouveaux programmes. Le programme à Québec s'est développé plus tard après le programme de Montréal. Je ne pense pas qu'ils ont été confrontés à ces questionnements-là nécessairement et à ces enjeux-là, là.

Mme Hivon : Parfait. Puis, vous, le modèle de base, en quelque sorte, qui pourrait nous inspirer si on voulait aller plus loin dans le projet de loi puis mettre un certain cadre, c'est vraiment le PAJIC.

M. Couillard (Maxime) : Oui.

Mme Hivon : Donc, lui, il fonctionne bien. Vous, vous trouvez qu'il n'a pas de lacune énorme.

M. Couillard (Maxime) : Il y a toujours place à l'amélioration.

Mme Hivon : Il n'y a rien de parfait.

• (12 h 50) •

M. Couillard (Maxime) : Mais c'est une avancée... On considère que ce serait une avancée extraordinaire, pour la justice québécoise, de se doter de ce programme-là un peu partout, parce qu'à notre avis c'est vraiment un programme qui considère véritablement les causes intrinsèques qui ont mené la personne à commettre les infractions et qui va vraiment favoriser son rétablissement et la sortir du processus de déjudiciarisation. Et je trouve ça important de dire qu'un programme comme ça doit aller de pair avec l'absence d'un emprisonnement pour non-paiement d'amende.

Et c'est ça qui est intéressant à Montréal. En général, les personnes ont une chance pour intégrer ce programme-là. Et ils vont le faire quand ils vont être prêts à gérer leur dossier judiciaire. Ils ne sentiront pas la pression que peut créer, par exemple, l'émission d'un mandat d'emprisonnement pour non-paiement d'amende, ce qu'on a vécu par le passé à Québec. Les gens intègrent un programme le plus rapidement possible parce qu'ils ont peur d'être emprisonnés pour non-paiement d'amende, mais ils ne sont pas nécessairement prêts encore à gérer leur dossier judiciaire, parce qu'il y a des besoins de base qui peuvent être davantage prioritaires que gérer des contraventions.

Mme Hivon : Exact, O.K. Donc, là-bas, c'est plus une démarche où vous sentez que la personne est impliquée davantage, plus volontaire dans la philosophie du programme.

M. Couillard (Maxime) : Elle est vraiment au centre du programme.

Mme Hivon : Oui. O.K. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. Couillard, de votre intervention, participation, c'est très apprécié.

Cela dit, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 51)

(Reprise à 15 h 03)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Bon après-midi. La Commission des institutions repend ses travaux. Donc, je demande, bien sûr, aux personnes dans la salle de bien vouloir fermer la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Rappel du mandat : la commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et aux audiences publiques sur le projet de loi n° 32, la Loi visant principalement à favoriser l'efficacité de la justice pénale et à établir les modalités d'intervention de la Cour du Québec dans un pourvoi en appel.

Cet après-midi, nous allons entendre, entre autres, l'Association des juristes progressistes, Me Marie-Eve Sylvestre, l'Association des greffiers des cours municipales du Québec et la Clinique droits devant.

Cela dit, je souhaite, donc, la bienvenue aux représentants de l'association des juristes du Québec... juristes progressistes, pardon. Je vous rappelle, vous avez 10 minutes de présentation. Par après, nous aurons un échange avec les membres de la commission. Encore une fois, bienvenue. La parole est à vous. Merci.

Association des juristes progressistes (AJP)

M. Fugazza (Léo) : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés. Je me présente, Léo Fugazza, je suis avocat membre du conseil d'administration de l'Association des juristes progressistes. Je suis également accompagnée de Greg Sadetsky, également membre du conseil d'administration de l'AJP. Je sais que le temps de la commission est précieux, il va également m'assister, là, à sortir des références précises pour assister nos représentations aujourd'hui.

Description rapide de l'AJP pour celles et ceux qui ne nous connaissent pas : elle a été fondée en 2010, on est une association des juristes, de personnes qui s'identifient comme juristes, donc, avocat, notaire, mais également étudiants en droit, les personnes qui s'y intéressent, chercheurs, professeurs et autres, qui, essentiellement, se rejoignent sur une vision progressiste du droit, donc une transformation sociale par le droit et dans une perspective d'égalité et de bonification des droits en considérant, là, que la société et le droit qu'elle forme est un produit de rapports de forces. Donc, on a une perspective plus critique du droit que certains autres. La raison d'être de l'AJP est justement d'avoir une force un peu plus politique et juridique en appui à des revendications sociales, ce qui est la raison de notre présence ici. On a un mandat plus large et à la fois plus restreint que d'autres intervenants, qui nous permet, pour celles et ceux qui ont pu consulter le mémoire que nous avons produit, de traiter, là, de presque l'ensemble du projet de loi n° 32, qui est présenté aujourd'hui.

Bon, pour les points, rapidement, sur les lesquels l'AJP va revenir, on s'est concentrés principalement sur les premier et troisième chapitres. Nous ne traiterons pas des questions de l'appel à la Cour du Québec, uniquement sur les questions concernant le Code de procédure pénale et également l'aide juridique.

Tout d'abord, on va commencer par une remarque rapide sur la surjudiciarisation des personnes en situation d'itinérance, qui nous semble être le point manquant du projet de loi, suivant, par la suite, de critiques plus constructives, donc, tout d'abord sur le programme d'adaptabilité des règles relatives à la poursuite avec certaines recommandations d'amélioration de certaines failles que nous identifions.

Également, au niveau de l'aide juridique, une recommandation à faire, suite à cette adoption de programme, pour que l'aide juridique soit plus précise dans sa couverture de ce type de programme. Également, on va vous faire part des craintes de l'AJP face à deux modifications par rapport aux droits, donc, tout d'abord la nouvelle provision pour la vérification d'identité en cas d'arrestation en matière pénale, également pour le mandat d'entrée proposé.

Et, enfin, on aura des remarques rapides sur l'usage des moyens technologiques et sur une question linguistique au niveau de la signification et de la notification, pour terminer avec quelques remarques diverses, des points d'appui et des points de critique sur des dispositions plus diverses qui n'ont pas nécessairement été traités par d'autres intervenants, donc, qui nous semblaient importants de traiter aujourd'hui.

Pour commencer par le point principal de l'AJP, on a accueilli très favorablement le projet lorsqu'il a été annoncé. On a, par la suite, fait l'étude et on a réalisé qu'il y avait certaines lacunes. Une des premières, c'est qu'on pensait que le projet allait aller plus loin qu'il ne va effectivement, qu'il allait s'attaquer vraiment aux problèmes sous-jacents de la surjudiciarisation des personnes en situation d'itinérance.

Tout simplement, là, on se ramasse à régler les problèmes qu'on voit, donc, les amendes qui s'accumulent, le fait qu'ils doivent retourner à la cour régulièrement, les portes tournantes, plutôt que régler les problèmes sous-jacents, notamment la capacité des villes à créer des infractions qui ciblent, en général, spécifiquement les personnes en situation d'itinérance. Vous indiquez certaines infractions régulières mais, par exemple, les infractions qui sont liées, là, à des piétons, qui vont traiter des occupants de véhicules, les personnes qui utilisent les transports en commun sans payer les frais, les différentes infractions sur flânage, ce type de choses là, il n'y a pas de traitement qui est fait par rapport à: Est-ce que ces infractions-là, même, devraient exister. Est-ce qu'elles devraient être permises? Et comment, par la suite, les services policiers traitent ce genre d'infraction, notamment la lutte aux incivilités et la théorie du «broken windows». C'étaient des choses qu'on aurait aimé voir dans le projet.

Cependant, on comprend le rôle limité de la commission. Donc, après avoir fait cette remarque, on va tout de même être plus constructifs dans nos représentations et parler des points, là, qui sont dans le projet et qui, tout de même, sont bénéfiques et devraient être adoptés avec certaines modifications selon l'AJP.

Le premier et non le moindre est l'ajout par l'article 37 du projet de loi sur le programme d'adaptabilité des règles relatives à la poursuite. D'entrée de jeu, l'AJP est favorable à cette mesure. Elle permet de reconnaître officiellement les programmes qui existent déjà, notamment à la cour municipale de Montréal, à Québec, à Val-d'Or. Il est important que le code de procédure pénale puisse permettre d'autres municipalités d'emboîter le pas et de prévoir des programmes d'adaptabilité pour, justement, éviter certains des problèmes qui sont liés avec la judiciarisation des personnes en situation d'itinérance et également d'autres marginalités en santé mentale, toxicomanie notamment.

Cependant, il y a certaines améliorations qui pourraient être faites. Trois points principalement. Tout d'abord, la portée du programme. Le point a été fait également par d'autres intervenants. Je pense, notamment, au Service de police de la ville de Québec, à l'Association des procureurs de cours municipales du Québec. Le projet manque possiblement de flexibilité en prévoyant des infractions spécifiques qui pourraient être visées. L'AJP vous suggère tout simplement de ne pas prévoir d'infractions spécifiques, mais de permettre à tous les programmes de s'adapter avec souplesse à la réalité des personnes en situation d'itinérance.

Les personnes itinérantes ou qui vivent en situation de rue peuvent commettre une multitude d'infractions et pas nécessairement celles qu'on associe régulièrement à l'itinérance, peut-être pas, là, des infractions liées à l'AMF par exemple, mais on pourrait penser à des infractions liées à la faune. L'imagination est la limite. On pense que c'est vraiment aux procureurs et aux tribunaux de pouvoir établir les limites de ce programme-là pour en traiter adéquatement.

Le mécanisme de restriction, si jamais la commission allait dans ce sens, on vous soumet que le règlement n'est peut-être pas la solution optimale pour ça. Et il y a d'autres présentations qui vous ont été faites sur ce point. Possiblement, plutôt que de prévoir une liste d'inclusions de certaines infractions, prévoir une liste d'exclusions avec certaines infractions qui ne devraient pas faire l'objet de ce genre de programme pourrait être plus souhaitable.

• (15 h 10) •

Mais, dans tous les cas, ce qu'on invite la commission à faire et le gouvernement, par la suite, par réglementation est de consulter les intervenants sur le terrain et les personnes impliquées pour bien monter la réglementation, qu'elle soit faite de manière adéquate, et pour... également pour que le programme ne soit pas plus punitif que les problèmes qu'il tente d'éviter.

Et, enfin, un point qui a également été soulevé par l'Association des procureurs des cours municipales du Québec, l'exigence de reconnaître les faits qui est prévue au paragraphe 3° de l'alinéa deux du nouvel article 159.2. Essentiellement, on a une liste de conditions pour participer au programme d'adaptabilité. Une des conditions suggérées est «que le défendeur reconnaît les faits à l'origine de l'infraction et qu'il souhaite participer au programme.» On suggère à la commission de tout simplement rayer «reconnaît les faits à l'origine de l'infraction» et qu'il... donc, tout simplement, exiger une participation volontaire, essentiellement pour prévoir les cas des personnes qui soit ne se souviennent pas des faits ou qui maintiennent leur innocence mais qui pourraient tout de même bénéficier du programme. Donc, la société y gagnerait, même si la personne aurait peut-être choisi de tenir un procès... que la personne participe tout de même au programme d'adaptabilité et se sorte d'une situation d'itinérance ou de toxicomanie ou règle les problèmes en santé mentale, ait un traitement plus suivi et qu'ultimement l'intérêt public à retirer les accusations dans ce cas-là demeure tout aussi important que si la personne avait reconnu, là, sa responsabilité, et donc que c'est une limite qui n'est pas nécessaire en l'espèce. Ce sont nos représentations quant au programme d'adaptabilité.

Simplement pour dire qu'au niveau du régime d'aide juridique on inviterait également la commission à prévoir spécifiquement que ce genre de service devrait être nommément couvert, qu'il soit inclus, là, à 4.5 de la Loi sur l'aide juridique ou dans le Règlement sur l'aide juridique. De spécifiquement prévoir que, quand un tribunal ou un poursuivant prévoit un programme particulier et qu'une personne est admissible en matière criminelle ou pénale, qu'elle puisse être admissible à l'aide juridique, pour éviter certains écueils qu'on voit en pratique. Nos membres nous disent parfois que leurs clients ou leurs clientes qui tentent d'obtenir l'aide juridique avec un service qui n'est pas nommément couvert mais qui est discrétionnaire, l'intérêt de la justice... souvent on va considérer la participation au programme comme un intérêt de la justice, mais pas tout le temps. On invite la commission à considérer, là, que les règles soient claires pour les techniciennes et techniciens qui l'appliquent, pour les avocats des bureaux permanents, également, que toute personne qui est admissible à un tel programme, qui souhaite y participer, puisse bénéficier de l'aide juridique, pourrait être appuyée par un procureur. Le système est ainsi fait que les procureurs, là, sont généralement essentiels au bon fonctionnement. On voit le problème des personnes qui se représentent de plus en plus seules, ça serait une solution assez facile pour les personnes qui sont financièrement admissibles à l'aide juridique d'être au moins accompagnées dans ces processus, qui aident beaucoup, notamment, dans les cours municipales.

Dans nos points plus critiques, on soulève deux points. D'abord, les questions d'identification. Le Barreau du Québec et également l'Association québécoise des avocats et avocates de la défense a traité, en long et en large, de l'identification par carte d'identité. On partage le même genre de craintes. Simplement, mentionner également, puisque ça ne semble pas avoir été le cas, que permettre d'exiger les cartes d'identité va plus loin que simplement obtenir les informations qui sont prévues par le règlement. Les cartes d'identité prévoient une multitude d'autres informations que le nom, la date de naissance et l'adresse, ce que le projet propose. On invite la commission, là, à faire preuve de prudence par rapport à ça. Les cartes d'identité sont liées, généralement, à des programmes qui donneraient accès à plus d'informations que ce que le projet semble vouloir donner.

Mais, tout de même, on s'oppose également à l'exigence de fournir une date de naissance. Ça va à l'encontre des principes généralement reconnus depuis la création, là, au Canada, du droit pénal. L'identification s'est toujours faite par le nom et l'adresse uniquement, en common law, également, même dans les sources anglaises par... avant, là, l'adoption au Québec de mesures similaires. Le nom et l'adresse suffisent. On comprend qu'il y a des problèmes, parfois, d'identité, on estime, là, que la disposition actuelle, avec les pouvoirs de l'agent de la paix de faire des vérifications additionnelles, s'il a des motifs raisonnables de croire que les noms et adresse qui lui sont fournis sont inexacts, permettent de couvrir ce genre de choses, mais que permettre, là, la demande de l'identité causerait des problèmes, là, au niveau constitutionnel au niveau de cette disposition.

Enfin, quant à la question du mandat d'entrée, on a certaines critiques liées à l'élargissement qu'on estime être le cas du mandat d'entrée proposé, comparativement au Code criminel, qui prévoit des limites beaucoup plus strictes. On inviterait la commission à adopter des mesures similaires pour que les dispositions criminelles et pénales soient arrimées les unes aux autres, éviter qu'il y ait de l'abus qui soit fait, par exemple, en contournant le processus criminel en passant par le droit pénal. On ne voudrait pas permettre, là, des perquisitions essentiellement criminelles en raison de dispositions pénales, profiter du prétexte, là, d'une traversée sur un feu rouge ou d'une infraction mineure pour, par la suite, entrer dans le domicile de quelqu'un, constater, de pleine vue, certains éléments d'un crime ou d'une autre infraction et, à ce moment-là, là, entrer dans le processus criminel. On inviterait la commission à prendre des mesures par rapport à ça.

«17859 Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, maître. Si vous êtes d'accord, on va débuter avec la période d'échange.

M. Fugazza (Léo) : Absolument.

Le Président (M. Bachand) : Alors, Mme la ministre, vous avez la parole, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Oui, merci, M. le Président. Merci beaucoup pour votre présentation. J'aimerais peut-être, juste pour me permettre de situer le contexte, me situer un peu votre association et qui en sont les membres. Je vois que c'est des juristes, naturellement, des gens qui travaillent dans le domaine du droit. Mais, habituellement, vos membres travaillent dans quels domaines?

M. Fugazza (Léo) : Nos membres proviennent de différents domaines, généralement en droit plus social, donc, avec des personnes plus vulnérables. Je vous avouerais candidement, là, qu'on a moins de membres qui sont, par exemple, membres de grands cabinets en droit des affaires. Donc, généralement, droit du travail, droit du logement, droit criminel sont les principaux enjeux. Mais nos membres ne sont pas limités. Donc, on a une ouverture assez large. On n'a pas un recensement parfait, là, de qui, exactement, est où, mais ça pourrait également inclure des bibliothécaires juridiques, des techniciens juridiques, des assistants de recherche, ce genre de choses là, beaucoup d'étudiants également, donc, qui ont encore un potentiel ouverture sur la pratique du droit. Et donc, simplement, vraiment plus relié, au niveau plus idéologique, de croire que le droit a un rôle à jouer pour l'avancement social.

Mme LeBel : Bien, la raison de ma question est fort simple. Quand je m'adresse à l'Association des avocats de la défense, je sais dans quel domaine ils pratiquent, et c'était pour juste vous demander, à titre d'expérience, vos membres, est-ce qu'ils ont eu à traiter avec ces programmes-là, avec des contrevenants ou des clients, si je peux dire comme ça, des gens qui ont du passé à travers ces programmes-là? Donc, est-ce que vos membres ont testé ou ont... ce type de programme là, est-ce que vos membres en ont une connaissance pratique?

M. Fugazza (Léo) : Oui, Mme la ministre. Je peux peut-être parler de mon expérience personnelle. Je pratique personnellement en droit criminel, donc moins en droit pénal, mais je fréquente régulièrement la Cour municipale, et une bonne partie de ma clientèle est en situation d'itinérance. Je travaille avec un organisme communautaire, là, qui me réfère beaucoup de clients dans ce domaine-là, donc je suis assez familier avec les programmes de la Cour municipale en matière criminelle, notamment le Programme EVE, qui vise les personnes qui commettent... les personnes qui s'identifient, là, de manière, au genre féminin, qui commettent des infractions liées aux finances, donc, par exemple, des vols à l'étalage. Également, le programme Point Final, qui est plutôt, là, en matière de conduite, mais je vois régulièrement des clients qui participent également au PAJIC de la Cour municipale, un programme que d'autres intervenants vont vous décrire en plus grands détails, mais c'est quelque chose qu'on voit régulièrement dans la pratique de nos membres, effectivement.

Mme LeBel : O.K. Superbe. Alors, ça va me permettre de pouvoir vous demander des exemples, peut-être, un peu pratiques et de ce que vos clients ont vécu et qui peut être positif. D'entrée de jeu, je pense qu'il faut préciser que le projet de loi, bon, s'attaque à une réalité. C'est qu'il y aura... malheureusement, il y a effectivement des personnes en état de vulnérabilité, d'itinérance, toxicomanie. On a nommé déjà les catégories de gens qui peuvent être visés, qui vont se retrouver, malheureusement, quelques fois devant les tribunaux. Et ce qu'on veut faire, c'est créer une voie alternative. Donc, je comprends votre point de vue sur le fait qu'on devrait s'attaquer à la racine du problème. Je suis pour la prévention, je suis pour aussi le fait de voir qu'on puisse fournir d'autres alternatives. Et ces gens-là, avant même qu'on en arrive à une judiciarisation... mais même si on limite le nombre d'infractions, même si on ne pourra pas tout éliminer les infractions municipales qui s'adressent à l'ensemble du vivre-ensemble d'un citoyen, donc est-ce que... Je comprends, donc, qu'il y a un certain succès. Est-ce que vous constatez qu'il y a un certain succès, quand même, pour ces programmes-là?

M. Fugazza (Léo) : Absolument, et je ne veux pas laisser transparaître, là. Le mieux est souvent l'ennemi du bien. Ici, on parle quand même de mesures qui sont souhaitables. Et, je tiens à souligner, l'AJP est en faveur des mesures, avec les quelques modifications proposées, là. Les programmes d'adaptabilité sont largement souhaitables. Les expériences à Québec, à Montréal, démontrent leur succès, quand ils sont bien balisés, que les intervenants participent, que les personnes impliquées ont leur mot à dire, et qu'il y a de la collaboration entre la poursuite et la défense. Généralement, on arrive à éviter des problèmes et à travailler positivement dans la vie des personnes concernées. Mais il s'agit de bien le faire. Donc, c'est la raison de notre présence, notamment, c'est de s'assurer que les balises qui sont posées, pour que, par la suite, les cours municipales développent leurs programmes officiellement reconnus par le Code de procédure pénale, soit fait, là, de manière plus conforme aux droits des personnes visées et de la manière la plus efficace pour les aider par la suite.

• (15 h 20) •

Mme LeBel : O.K. Je vais vous avouer que je suis un peu perplexe sur une de vos positions, puis vais peut-être vous demander, peut-être d'élaborer, parce que vous avez une expérience différente de la mienne en matière criminelle ou en matière pénale. C'est sur le fait que vous recommandez, à la page 4 de votre mémoire, de rayer le critère de reconnaître les faits. Souvent, dans plusieurs matières...

D'ailleurs, il faut préciser que le fait de reconnaître les faits n'est pas une admission de culpabilité. Ça ne pourra pas servir d'admission de culpabilité, donc ce n'est pas un piège pour la personne qui va s'orienter vers le problème alternatif. Mais, dans beaucoup de cas, le fait de reconnaître les faits est une première étape, habituellement, vers une prise de conscience, je dirais, et vers... dans un cheminement, pour plusieurs, dans plusieurs cas. Peut-être pas tous les cas, dans plusieurs cas. Donc, je comprends mal votre réticence, et surtout si vous nous dites que la personne ne reconnaît pas avoir connu l'infraction.

Comme avocat de la défense, mon premier réflexe serait de dire à mon client : Bien, je vais te faire acquitter, et non pas je vais te mettre dans un programme alternatif où tu vas te retrouver à avoir un parcours alternatif à une sentence, où tu vas, peut-être, avoir à faire des heures, un programme de formation, ou quoi que ce soit, d'ailleurs. Plusieurs intervenants nous ont dit qu'il ne faudrait pas que le programme alternatif soit plus lourd que la sentence potentielle à laquelle il aurait fait face.

Donc, à partir du moment où la personne se dit innocente, ne reconnaît pas les faits, j'ai du mal à voir comment on peut suggérer qu'elle rentre dans un programme alternatif à la justice, pas un programme social qui va l'aider, mais un programme alternatif au système judiciaire. Et, de l'autre côté, j'ai du mal à comprendre quel est le préjudice, compte tenu que les garanties constitutionnelles sont bien établies dans le programme, c'est-à-dire que ça ne servira pas d'aveu, on ne pourra pas se servir de cette reconnaissance-là contre la personne. Et, si, un jour, malheureusement, le programme n'est pas complété, ou il arrive quoi que ce soit qui fait qu'on doit, en bon français, tirer la plug, la couronne n'a pas... ne sera pas déchargée de faire son fardeau de la preuve de la manière qu'elle aurait dû le faire dès le début si on n'avait pas pris cette voie de service là. Alors, peut-être juste élaborer sur cette question-là, parce que j'avoue que je ne comprends pas très bien votre position.

M. Fugazza (Léo) : Absolument. Il y a deux aspects principaux. Il y a les personnes qui nient les faits, qui disent s'en souvenir et qui disent que ce n'est pas arrivé, et les personnes qui ne s'en souviennent pas, notamment des personnes qui pouvaient être intoxiquées au moment des faits. Je pense, le mémoire de l'association des procureurs le rend assez clair, le cas des personnes qui ne sont pas en mesure de reconnaître parce qu'elles ne se souviennent pas devrait clairement, là, à mon avis, être modifié. Notre position va un peu plus loin, dans le sens où on va aussi aux personnes qui nieraient spécifiquement. Il faut se rappeler que les personnes en situation d'itinérance souvent viennent avec plusieurs infractions. Elles peuvent en nier certaines, en admettre d'autres. L'important, c'est surtout qu'elles reconnaissent qu'elles aient un problème. Et les personnes qui font face à des infractions font des choix pour différentes raisons, parfois, pour régler leurs problèmes différemment. Elles peuvent reconnaître que la force de la preuve est assez importante contre elles, même... si jamais elles nient l'infraction, qui, dans certains cas, là, va tout de même les motiver à faire le programme.

Et il faut se rappeler que la société a quand même un bénéfice à en tirer. Donc, autant la personne qui fait face aux infractions y gagne, si on veut, à participer au programme, en évitant le risque d'être trouvée coupable, par la suite, avec le retrait de l'accusation, mais elle en bénéficie également sur le travail sur elle, elle est accompagnée, elle a une structure en place pour retourner aux études, arrêter la consommation, travailler sur des problèmes, trouver un logement. Il y a beaucoup de raisons qui pourraient mener une personne qui ne reconnaît pas certaines parties d'une infraction ou l'ensemble de certaines infractions dont on allègue qu'elles ont commises à tout de même participer au programme. Donc, à notre avis, la condition dans la loi ne devrait pas le faire. Le pouvoir discrétionnaire des procureurs, là, va pouvoir, là, dans certains cas, éliminer les personnes qui n'ont absolument aucun début de cheminement, sans un faire une exigence législative stricte.

Mme LeBel : O.K. Cette mesure-là faisait partie du projet de loi n° 168 au départ. Au départ, on parlait, dans les conditions d'admissibilité du programme, du fait que le contrevenant devait reconnaître sa responsabilité, ce qui est très différent de reconnaître les faits. C'est-à-dire que, bon, reconnaître les faits, ça peut être très large. Vous le dites, il y a des gens qui ne s'en souviennent pas mais qui ne nieront pas l'avoir commis, compte tenu de leur degré d'intoxication, à titre d'exemple, pourraient avoir une notion vague de ce qu'il est arrivé. Donc, est-ce que vous pensez que c'est déjà un pas en avant ou est-ce que vous êtes complètement contre le fait qu'il y ait tout type de reconnaissance de la situation, ou est-ce qu'on pourrait la moduler autrement?

Parce qu'il faut quand même qu'il y ait, à mon sens, à mon humble avis, et on part de ce point de vue là pour discuter, qu'il y ait une certaine étape où on reconnaît qu'on est... Parce qu'à partir du moment où les gens ne reconnaissent pas les faits ou nient avoir même une participation à l'infraction, pour moi, je trouve ça très difficile, parce qu'à ce moment-là je les force dans un processus qui est quand même judiciaire, alors qu'ils ne devraient pas du tout y être, ils devraient être acquittés, on va le dire de cette façon-là, et ne devraient pas avoir le stigma même, ou ne devraient pas être forcés à prendre un programme s'ils n'ont rien fait. On s'entend, là? Donc, est-ce que vous pensez qu'il y aurait une façon de moduler ça encore plus? Parce qu'on a déjà assoupli le critère entre reconnaître la responsabilité... qui est bien différent, hein?

M. Fugazza (Léo) : Absolument. Et il s'agit d'un continuum entre la reconnaissance de... essentiellement, là, de la responsabilité de l'infraction, qui est peut-être à l'extrême sur lequel l'AJP s'opposerait le plus, jusqu'à ne pas prévoir d'exigence. Il y a un juste milieu, et ça va être le travail de la commission d'arriver à un équilibre entre les droits de la personne visée et également l'intérêt de la société. On vous soumet que le point milieu qui a été avancé par l'association des procureurs, d'au moins ne pas nier, qui est différent, tout de même, là, que de reconnaître, serait un nouveau pas dans la bonne direction. On vous demande d'aller un peu plus loin, mais, ultimement, ce sera aux membres de la commission de trancher, là, jusqu'où ils veulent aller dans cette direction-là.

Mme LeBel : Donc, il pourrait y avoir... selon votre point de vue, le critère pourrait être de ne pas renier les faits, déjà, c'est ce que vous suggérez.

M. Fugazza (Léo) : Si jamais la question se termine devant la commission entre entre «reconnaisse» et «ne nie pas», on favoriserait «ne nie pas», absolument.

Mme LeBel : O.K., parfait. Pour ce qui est des outils... des outils, je vais dire, les outils d'enquête à la disposition des policiers qui apparaissent déjà dans le Code criminel, que ça soit le mandat d'entrée ou le télémandat, je vais m'adresser à ces deux-là parce que vous en faites une remarque particulière.

Je comprends que vous êtes... D'entrée de jeu, vous n'êtes pas contre le fait que les policiers, en matière pénale, puissent... qu'il y ait une certaine harmonisation des outils à la portée des policiers. Parce qu'on sait qu'en matière pénale, bon, souvent on parle des infractions de flânage et de Code de la sécurité routière, c'est ce qui vient à l'esprit des gens, mais il y a des infractions qui peuvent être quand même assez sérieuses dans différentes lois qui ont une portée provinciale, qui créent des infractions, donc, ça entre dans le corpus législatif du droit pénal.

Je comprends que vous n'êtes pas contre le fait qu'on intègre les outils, mais ce que vous voulez, c'est qu'il y ait un arrimage parfait. Et, si je comprends bien votre mémoire, c'est qu'on prenne le critère le plus contraignant, si on veut, qu'on n'allège pas le critère entre le Code criminel et le Code de procédure pénale. Est-ce que je comprends bien votre point?

M. Fugazza (Léo) : Tout d'abord, on n'est pas nécessairement en faveur de l'adoption d'un mandat tel quel dans le Code de procédure pénale. On reconnaît tout à fait qu'il y a des cas qui sont justifiés. Le droit pénal couvre une multitude d'infractions, dans les cas... puis, notamment, à l'AMF, c'est le genre de cas qui serait tout à fait justifié.

Possiblement... La commission pourra se pencher sur la question, ça n'a pas été mis dans notre mémoire, possiblement que c'est peut-être le genre de disposition qui se situerait mieux dans des lois particulières plutôt que, dans le code général, qui s'appliquerait à l'ensemble des infractions de cette nature-là, ou prévoir des limites, là, à ce niveau-là. On a soulevé la question liée à certaines infractions, mais on comprend que c'est quand même un travail législatif difficile.

Donc, partant du principe, tout de même, qu'il y a une volonté de donner certains pouvoirs, qui, dans de nombreux cas, vont être justifiés, aux policiers, tout de même, il faut que ces pouvoirs-là soient adéquats et également, là, respectueux des chartes. L'arrêt Feeney, qu'on cite notamment dans le mémoire, est le point de départ au niveau de la Cour suprême. Par la suite, le législateur fédéral est intervenu, a adopté des dispositions. Nous, ce qui nous inquiète énormément, c'est: si le critère est plus bas en matière pénale, est-ce qu'un policier pourrait être tenté de passer par le pénal pour éviter les démarches en matière criminelle? C'est une énorme crainte, et ça pourrait avoir un impact majeur sur les différentes infractions qui seraient alléguées par la suite. Une fois qu'un policier est entré légalement, que ce soit en matière pénale ou criminelle, tout ce qui est trouvé est de bonne guerre.

Donc, le critère pour entrer, à ce moment-là, doit être très restreint, doit être bien défini, et c'est pour cette raison qu'on vous propose des modifications spécifiques pour reprendre notamment les limites uniquement liées aux lésions corporelles et à la mort dans les cas d'urgence plutôt que la santé, la sécurité et la vie, qui est le terme plus large qui est utilisé dans le projet. Et également prévoir, dans les deux autres exceptions qui sont proposées dans le projet, là, lorsqu'une personne se réfugie dans une maison suite à une poursuite, de la préciser un petit peu, mais que, dans tous les cas, ces éléments-là soient lorsqu'un mandat ou un télémandat n'est pas obtenable, alors que, dans la réaction actuelle de l'article, il ne semblait que s'appliquer à l'exception liée à la santé, sécurité. On inviterait, là, la commission à appliquer ce critère-là à l'ensemble des exceptions liées à l'entrée par mandat dans une maison d'habitation.

Mme LeBel : O.K. Donc, dans le fond, votre crainte, si je la résume, c'est, bon, vous n'êtes pas nécessairement pour qu'on les... mais, si on juge que c'est opportun de le faire, et que ça peut être opportun, effectivement, dans quelques cas du corpus législatif pénal, il faut, à tout le moins, s'assurer que les critères sont aussi contraignables ou aussi sérieux que ceux qu'on retrouve au Code criminel pour éviter que ça ne devienne une brèche ou une porte d'entrée.

M. Fugazza (Léo) : Pour éviter mais également pour que les pouvoirs prévus soient constitutionnels. Ultimement, il va y a voir une évaluation qui est est faite entre la proportionnalité du raisonnement de l'État de vouloir entrer dans la maison d'habitation de la personne concernée et l'objectif. Si jamais on parle d'une personne qui aurait, par exemple, eu une lumière brûlée sur sa voiture et qui se réfugie chez elle, on peut se questionner sur si jamais la balance constitutionnelle pencherait vers la validité de cette loi contrairement à des infractions pénales plus graves. Donc, à notre avis, là, des restrictions plus sévères permettraient d'assurer une meilleure constitutionnalité au niveau de ces dispositions.

Mme LeBel : Peut-être, en terminant, en ce qui concerne plus particulièrement le télémandat, on se propose de le rendre plus accessible pour des fins, bon, d'utiliser... de maximiser la technologie, si on veut, puis éviter, des fois, des déplacements inutiles. Est-ce que vous avez des craintes par rapport à ça? Il y a des craintes qui ont été exprimées par rapport par des gens qui ont précédé en disant : On pense que le fait de peut-être permettre de façon plus large le télémandat et non pas quand c'est nécessaire ou en cas d'urgence, qu'on pourrait faire en sorte qu'on va s'adresser à des juges qui sont peut-être centralisés à Montréal ou à Québec et faire en sorte que les juges qui vont, finalement, autoriser des mandats de perquisition ou tout autre type de mandat qui pourraient être faits par télémandat, finiront par être déconnectés du milieu dans lequel le mandat est exécuté, si on veut. Je ne sais pas si vous avez entendu cette intervention-là. Est-ce que vous avez une crainte, vous partagez la même crainte ou vous vous pensez qu'on peut... vous avez... ça sera toujours un juge, naturellement. Les mêmes critères vont s'appliquer. On s'entend que le télémandat n'est pas allégé au niveau des critères. C'est plutôt au niveau de la façon de l'obtenir, c'est-à-dire qu'on ne se déplace plus dans un bureau, on le fait par un moyen électronique, on envoie la demande, les motifs par moyen électronique, les échanges... se fait par téléphone, souvent, avec le juge. Donc, est-ce que vous avez une crainte similaire?

• (15 h 30) •

M. Fugazza (Léo) : Ce n'est pas un élément qui a été traité dans notre mémoire et sur lequel on s'est penché particulièrement. Le télémandat est quand même une réalité bien ancrée. Il y a d'autres intervenants qui pourront peut-être vous donner des meilleures réponses que nous. L'Association québécoise des avocats et avocates de la défense a donné une interprétation. Je ne voudrais pas m'avancer non plus sans avoir fait l'analyse complète. Mais on n'est pas opposé au télémandat par principe. Reste à bien le faire dans la suite des choses.

Mme LeBel : Bien, je vous remercie. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup pour votre temps, le temps de la réflexion — vous représentez l'Association des juristes progressistes — le temps de la réflexion, et de répondre à nos questions aujourd'hui. Je vais vouloir, évidemment, comme toujours, laisser du temps à ma collègue de Notre-Dame-de-Grâce.

J'ai peut-être quatre éléments un peu plus ponctuels sur lesquels j'aimerais vous entendre. D'abord, à la page 6 de votre mémoire, le point 4 : «Le Code de procédure pénale ne devrait pas servir d'outil de contrôle d'identité.» Vous avez abordé, avec Mme la ministre, la question. Vous dites, en substance que — toujours l'histoire du micro — vous dites, en substance — ils sont à veille de me le mettre cravate — votre association «estime que les modifications proposées vont trop loin et ne sont pas nécessaires pour réaliser la fin visée par la disposition, soit la remise d'un constat d'infraction». Et là vous avez parlé, bon, de la common law, Code civil, vous avez fait une... Et vous dites en somme, là, la sentence tombe, là, vous le dites, qu'à la fin ce serait constitutionnellement suspect : «...sans avoir de motifs raisonnables de croire que la personne a fourni de faux renseignements. Elle apparaît comme offrant simplement un outil de contrôle de l'identité, une pratique policière dénoncée et d'application discriminatoire.»

On a entendu le Barreau, qui, de mémoire, faisait référence à l'arrêt R. contre Bain, où, quand on a des pouvoirs très, très étendus, bien, sans cibler les personnes, les gens sont de bonne foi, bien, certain pourraient avoir tendance à en abuser dans certaines circonstances. J'aimerais vous entendre là-dessus. Je pense que vous partagez, en ce sens-là, là, la finalité du Barreau où vous y voyez un gros drapeau rouge quant à l'aspect intrusif de la vie privée, surtout dans le contexte d'infractions qui seraient en vertu, notamment, du droit municipal.

M. Fugazza (Léo) : Absolument. Et un élément qu'il faut tenir en compte, c'est que les infractions pénales sont multiples, facilement identifiables et, donc, donnent énormément de pouvoir aux policiers pour intervenir s'ils le souhaitent. Si jamais, par exemple une personne est d'intérêt pour un policier, qu'on souhaite contrôler son identité, la cour... les différents tribunaux et une étude récente, là, au niveau de la Nouvelle-Écosse démontrent assez clairement que, simplement approcher la personne pour contrôler son identité contrevient à la loi et aux protections constitutionnelles. Si jamais, par exemple, je trouve un prétexte et qu'il vient de commettre une mineure infraction pénale, bien, à ce moment-là, je peux en profiter pour lui demander son identité, lui remettre un constat et constituer un contrôle de l'identité de cette personne-là, avec un prétexte légal tout à fait valide. C'est une de nos inquiétudes.

À notre avis, le policier devrait exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas intervenir dans certains cas d'infractions pénales mineures, et, à notre avis, lui donner un pouvoir de contrôle d'identité aussi large serait beaucoup trop tentant. On peut s'attendre à ce qu'il y ait des abus qui soient faits particulièrement dans les cas de discrimination sociale et raciale, qui sont des réalités bien documentées. Malheureusement, on doit tenir compte de cette réalité quand on prévoit un nouveau pouvoir policier et également, là, au niveau des droits constitutionnels, on ne pense pas que l'État a une bonne justification d'obtenir ce genre d'informations dans un contexte pénal.

M. Tanguay : Exact. Et la perspective du drapeau rouge est d'autant plus marquante face au tableau qui a été brossé notamment... vous avez dit documenté pour le SPVM?

M. Fugazza (Léo) : Effectivement.

M. Tanguay : Et, pour commission Viens, les membres des nations autochtones. Alors, c'est le contexte dans lequel on est, alors c'est important de le souligner.

Autre point, la portée du mandat d'entrée. Votre association estime qu'il devrait à tout le moins avoir les mêmes restrictions qu'en matière criminelle, voire même plus. Alors, ce matin, et on commence à étayer la réflexion de dire : Bon, bien on pourrait avoir mandat d'entrée qui soit similaire à ce qu'il se fait en matière criminelle. Et vous dites, vous, «voire même plus». Vous estimez que «les dispositions en matière pénale ne devraient pas permettre l'entrée dans une maison d'habitation plus aisément qu'en matière criminelle, sous peine de créer un risque de contournement abusif des dispositions criminelles». C'est juste votre «voire même plus»... Ces trois mots, là, qu'est-ce qu'on doit en déduire de cela, comment ils se déclineraient de façon tangible?

M. Fugazza (Léo) : Il y a deux distinctions à faire. D'abord, il y a les mandats d'entrée qui seront accordés par un juge et il y a les exceptions à l'exigence du mandat d'entrée, là, qui sont prévues par la loi. À notre avis, il n'y a aucun juge qui accorder un mandat d'entrée pour des infractions très mineures.

Par contre, si on prévoit des pouvoirs d'exception à même la loi pour les entrées sans mandat, il serait très possible, là... Pour prendre un exemple d'une personne qui traverse sur une lumière rouge au coin de chez elle, le policier l'interpelle, la personne ne l'entend pas ou alors veut s'éloigner, quitte, est donc en situation de fuite et se fait pourchasser, entre chez elle, le policier la suivrait. C'est le genre de cas, où la personne connaît déjà l'adresse où la personne est réfugiée, où un mandat serait souhaitable si jamais un mandat doit avoir lieu d'être. Mais, dans certains cas, pourquoi entrer tout simplement? On parle, tout de même, d'une personne qui a traversé sur un feu rouge, qui ne justifie pas nécessairement, là, que l'État entre dans la maison d'habitation d'une personne, qui est le lieu le plus privé que la personne peut avoir et qui est le plus protégé, mis à part, là, sa personne même, par la loi.

M. Tanguay : Merci. Deux derniers points en rafale avant de céder la parole à ma collègue. On a pris bonne note de votre changement de termes, qui n'est pas anodin et qui aurait un impact à l'article premier du projet de loi, où l'on dit : «Dans l'application du présent code, il y a lieu de — tel que proposé le projet de loi — privilégier l'utilisation de tout moyen technologique...» Vous, vous dites : On devrait plutôt le considérer. Et vous dites, et j'aimerais vous entendre là-dessus, vous dites, je vous cite : «Il arrive parfois que ceux-ci — on parle des moyens technologiques — viennent nuire plus qu'aider cette fin.» Qu'est-ce qui vous a poussé à écrire cela?

M. Fugazza (Léo) : Il faut se rappeler, on est des juristes, on aime jouer sur les mots souvent. «Privilégier» est considéré un impact majeur. Ce ne sont pas toutes les personnes qui sont équipées au niveau technologique qui sont à l'aise avec les réalités technologiques. On pense, notamment, là, aux personnes plus âgées ou à des personnes qui proviennent de l'extérieur du Québec, qui viennent s'installer ici. Il faut tenir compte, tout de même, des réalités de l'ensemble des judiciables. Ce n'est pas tout le monde qui est né avec un écran et un accès Internet dans la main. Dans certains cas, la technologie en salle de cour peut poser des problèmes au niveau de la défense pleine et entière, notamment la divulgation de preuves en version électronique. Et une personne qui est habituée au papier, il serait peut-être souhaitable, plutôt que de lui remettre une copie papier des documents, plutôt que lui donner une clé USB ou un CD... C'est le genre d'exemple qu'on donnerait.

M. Tanguay : Et, dernier point, rapidement, à la page 13, certaines mauvaises langues diraient qu'à ma lecture de... ah! détail qu'il convient de critiquer, ç'aurait été de la musique à mes oreilles, mais ne vous en faites pas, on est là pour bonifier le projet de loi, pas uniquement le critiquer. Page 14, vous faites référence à l'article 41 et plus précisément à l'article 41 du projet de loi qui introduit un nouvel article 192.2, qui permet de forcer la présence d'un défendeur à son procès. Et ça, j'aimerais que vous éclairiez ma lanterne quant à cette réalité-là et ce qui est le cadre juridique actuel. Et le bien-fondé ou le non fondé, là, de cette mesure-là, votre association «ne voit aucun fondement raisonnable justifiant cette disposition considérant que la présence d'un défendeur est un droit et non un devoir». Vous l'avez mis dans les détails qu'il convient de critiquer, mais, tel que rédigé, je ne vois pas ça comme un détail à vos yeux.

M. Fugazza (Léo) : Naturellement, les mémoires sont limités. Là, on concentre sur certains éléments principaux et on met les autres pour permettre à la commission de continuer sa réflexion.

M. Tanguay : Ce n'était pas un reproche.

M. Fugazza (Léo) : Mais on rejoindrait essentiellement les propos du Barreau sur ce point-là également. À notre lecture du projet, on ne comprend pas, là, d'où provient l'article. Pourquoi, dans certains cas, on exigerait que la personne soit présente? La personne qui souhaite être présente le sera régulièrement. Les personnes qui ne souhaitent pas l'être ou alors ne peuvent pas l'être, par exemple si elles sont à l'étranger ou autrement, là, malades ou avec des contraintes, on se demande dans quelle situation un juge ordonnerait la présence. Et, si jamais il n'y a pas de situation où une telle présence serait ordonnée, pourquoi le prévoir dans la loi? C'est le genre de réflexion qu'on se fait.

M. Tanguay : Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce, il vous reste 2 min 40 s.

Mme Weil : Merci. J'aimerais revenir... Bonjour, merci pour votre présentation. L'article 159.1, vous, vous dites, il ne faudrait pas vraiment qu'on énumère les infractions, essentiellement parce que vous dites : Il y a tellement de profils différents. Il y en a, c'est des itinérants. Il y a la toxicomanie, une période de fragilité, pauvreté, itinérance, toutes sortes de possibilités. Donc, c'est ça qui détermine, finalement, l'issue d'est-ce qu'il y aura un programme ou non d'adaptivité et, peut-être même sur 10, non, non, c'était vraiment intentionnel puis tout va bien dans sa vie, etc., donc, vous, vous dites... la logique de votre recommandation, c'est plus ça. C'est que ce n'est pas la nature de l'infraction qui va vous permettre de voir si on doit avoir un parcours différent, genre de... mais, réadaptation, là, ce n'est pas ça qui est l'enjeu, si je comprends bien.

M. Fugazza (Léo) : Effectivement, et je pense...

Mme Weil : La logique, c'est ça.

• (15 h 40) •

M. Fugazza (Léo) : La logique du programme est assez bien décrite dans les nouveaux articles, de viser des personnes qui ont des difficultés et travailler sur ces difficultés-là, peu importe le type de difficulté. Peu importe le type de réalité, cet article-là permet de créer des programmes. Par la suite, les programmes seront créés de manière adéquate par les différents tribunaux, mais que ce soit une personne qui vit avec des problèmes d'itinérance, ce qui est le cas le plus fréquent, mais on pourrait penser à d'autres cas : quelqu'un qui a des problèmes d'alcoolisme et qui conduit, des personnes qui, comme à Montréal, dans le Programme EVE, ont un problème de cleptomanie et vol à l'étalage. On parle de personnes qui sont tout aussi bien nanties qu'en situation de pauvreté. Le programme devrait pouvoir, là, couvrir l'ensemble de ces situations-là, et, à ce moment-là, prévoir des infractions spécifiques vient limiter beaucoup plus. On espère que l'imagination sera la limite de ce genre de programme là. Si jamais les tribunaux et les poursuivants estiment justifié de mettre sur pied un bon programme, qu'il ne soit pas limité par une infraction.

Mme Weil : Donc, si on va dans la logique du projet de loi, tel qu'il est conçu actuellement, vous dites : Bon, pour s'assurer de bien limiter, peut-être, faire en sorte qu'il soit optimal comme programme, c'est d'avoir la participation publique la plus large possible. Peut-être aller là-dessus dans...

Je ne sais pas le temps qu'il reste. J'aurais voulu aussi vous entendre sur l'aide juridique. C'est un enjeu bien important, bien important. Et, d'ailleurs, un groupe qui est venu nous voir dit : C'est surtout les femmes qui ont besoin des recours d'aide juridique dont la restriction est plus difficile, a des conséquences plus difficiles sur les femmes. Peut-être sur cette question. Je ne sais pas s'il reste du temps.

Le Président (M. Bachand) : ...il n'y a plus de temps. Alors, je vais céder la parole au député de Gouin, s'il vous plaît. Désolé.

M. Nadeau-Dubois : Oui. Bonjour. Merci d'être ici aujourd'hui. Question, d'abord, pour reprendre la balle au bond de la collègue sur l'aide juridique, et le fait que vous souhaitez que les services offerts aux personnes qui participent à un programme d'adaptabilité... puis que ces services-là soient couverts par l'aide juridique. Vous qui avez travaillé avec ces gens-là, pouvez-vous nous expliquer brièvement qu'est-ce que ça peut changer, concrètement, pour quelqu'un, d'avoir accès à l'aide juridique quand il s'engage dans un de ces programmes-là?

M. Fugazza (Léo) : Ce qu'il faut comprendre, c'est que, souvent, une personne qui se retrouve devant les tribunaux, la seule personne qui est de son côté et qui croit en elle, c'est son avocat. Il n'y a personne d'autre qui n'a jamais pris le temps de l'écouter, qui l'assiste, qui prend son bord. Et ça coûte cher, un avocat, au privé. L'aide juridique permet, justement, d'avoir cet accompagnement-là, à travers un milieu qui n'est pas familier, qui est étranger, qui fait généralement peur, pour des personnes qui, souvent, pour les personnes qu'on souhaite viser avec ce programme, vivent déjà une situation de marginalisation et de crainte par rapport au système.

Donc, avoir quelqu'un de leur côté, où ils n'ont pas à se soucier, là, de l'argent qui va être dépensé pour eux, est un atout essentiel pour bien participer à ces programmes-là. On peut les faire seuls, mais, si jamais on peut les assister, autant le faire.

M. Nadeau-Dubois : Merci. Vous avez dit vous-même que les juristes aimaient jouer sur les mots, ça fait que je vais vous prendre au mot. Puis j'aimerais que vous me partagiez votre analyse de l'article 20 du projet de loi, qui remplace... en fait, qui instaure un nouvel article 74, où on peut lire : «L'agent de la paix peut arrêter sans mandat la personne informée de l'infraction alléguée contre elle qui, lorsqu'il l'exige, ne lui déclare pas ou refuse de lui déclarer son nom...» Je me pose une question sur ce libellé-là. Quelle est la différence entre ne pas déclarer et refuser de déclarer?

M. Fugazza (Léo) : Naturellement, on suggère de ne pas adopter cette modification si on n'adopte pas la modification principale à 72 du Code de procédure pénale. Les deux sont liées. Une des difficultés de cette rédaction-là, c'est que c'est assez flou. Ça sera aux tribunaux d'interpréter exactement ce que ça veut dire. Est-ce que c'est : une personne qui n'en a pas sur elle refuserait ou est-ce qu'il faut également démontrer que la personne a une carte d'identité?

C'est un libellé qui est suffisamment ouvert pour porter à interprétation et, en matière criminelle ou pénale, c'est toujours un élément de crainte quand un texte, là, est susceptible d'être soit très pénalisant ou peu. Si jamais la commission était en mesure de clarifier qu'on ne crée pas une infraction de ne pas avoir de carte d'identité sur soi, ça serait souhaitable, pour ne pas que ça tombe, non plus, là, dans l'infraction plus large d'entrave, que ce soit criminel ou pénal, ne pas respecter leur obligation de fournir la carte qui leur a été demandée, là. C'est une des craintes de l'AJP.

M. Nadeau-Dubois : Et, en terminant, rapidement, vous avez parlé de votre volonté de ne pas vouloir mettre un frein à la possibilité d'imagination ou d'innovation pour les programmes d'adaptabilité, en disant : Il ne faudrait pas, en amont, dans un texte législatif, dire déjà : On n'ira pas plus loin que ça. Je comprends. En même temps, est-ce que vous n'avez pas, à l'inverse, des craintes sur l'uniformité? Est-ce que l'idée de mettre, au moins, un minimum d'infractions ne pourrait pas permettre au moins... puis la collègue de Joliette le disait plus tôt, qu'il y ait au moins une base minimale d'accès à ces programmes-là qui soit partagée par l'ensemble des citoyens et citoyennes?

Le Président (M. Bachand) : Très rapidement, s'il vous plaît, maître.

M. Fugazza (Léo) : Si jamais la commission imposait le programme à l'ensemble des municipalités, oui, il faudrait des infractions minimales. Mais, tel que le projet est libellé présentement, ça donne la possibilité, ça ne force pas les municipalités. Donc, on doit dépendre de leur bonne volonté, là, des différentes villes à travers le Québec.

Le Président (M. Bachand) : Merci infiniment. Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.

Mme Hivon : Merci. Merci de votre présentation. Je vais poursuivre sur la même voie. Est-ce que vous pensez qu'on devrait faire en sorte que ces programmes soient disponibles, que ce ne soit pas discrétionnaire?

M. Fugazza (Léo) : Absolument, dans les villes qui peuvent se le permettre. Il y a tout de même des réalités particulières, certaines municipalités qui pourraient ne pas être en mesure de le faire, simplement, là, parce qu'ils n'ont pas les services, là, sociaux; un programme qui est sur papier uniquement mais qui n'a pas d'intervenant pour aider ne serait pas très utile. Mais, si jamais le gouvernement et la commission allaient plus loin et fournissaient également les services à ces municipalités-là, ça serait quelque chose, à long terme, de souhaitable. Mais on revient toujours à la question, il faut mettre les ressources adéquates pour lutter contre l'itinérance, contre les autres problèmes de marginalisation sociale.

Mme Hivon : Puis il faut agir à l'origine aussi.

M. Fugazza (Léo) : Effectivement, si on peut éviter.

Mme Hivon : Donc ça, on s'entend très bien là-dessus.

Si, ce matin, Droit de cité nous disait que, pour eux, le modèle de base du PAJIC était vraiment bon puis que, si on voulait mettre un certain cadre dans la loi, ça pourrait être un point de départ intéressant. Est-ce que vous partagez ce point de vue là, l'idée qu'on devrait ou non mettre certains éléments pour encadrer les programmes dans la loi et s'inspirer de celui-là?

M. Fugazza (Léo) : Je pense que le PAJIC, là, est un exemple d'un programme qui est absolument au plus haut niveau duquel on atteint. Cependant, je ne pense pas qu'on devrait imposer un type de programme seulement pour laisser assez de souplesse. On peut imaginer des meilleurs programmes qui ne sont pas présents présentement. Il faut vraiment laisser assez de flexibilité au niveau législatif pour qu'on puisse expérimenter. Et d'ailleurs l'AJP le note pour une autre disposition, là, la création de projets pilotes qu'on accueille favorablement. C'est le genre de mesures qui sont souhaitables, tester ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas pour s'améliorer par la suite.

Mme Hivon : O.K. Merci. Et, pour revenir à la question des mots et de l'aide juridique surtout, il y a une crainte que la modification proposée à l'article 152 restreigne l'accès à l'aide juridique en changeant le mot «néfastes» par «graves». Donc, vous avez regardé ça.

M. Fugazza (Léo) : Effectivement.

Mme Hivon : Est-ce que vous avez une position là-dessus? Est-ce qu'effectivement ça semble être plus contraignant pour y avoir accès, parce que «graves» apparaît plus grave que «néfastes»?

M. Fugazza (Léo) : L'AJP est membre de la Coalition pour l'accès à l'aide juridique. On se range totalement à leur mémoire sur ce point. Entre «néfastes» ou «graves», les deux donnent des mauvaises connotations, mais elles ne sont pas très, très claires du point de vue opérationnel. On pense qu'effectivement que modifier pour des «conditions négatives» serait souhaitable.

Mme Hivon : Mais vous êtes conscient que, quand on modifie un mot dans une loi, normalement, le législateur ne parle pas pour ne rien dire, donc il faudrait qu'il y ait une portée. Donc, si c'est juste pour garder la même portée, est-ce que ça vaudrait la peine de changer le mot?

M. Fugazza (Léo) : Entre «néfastes» et «négatifs», on pense que «négatifs» est plus large. Par contre, entre «néfastes» ou «graves», c'est un peu plus flou, là, si jamais il y a vraiment une modification. Donc, la modification au terme «négatifs» aurait un impact plus large.

Mme Hivon : O.K. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci infiniment. Merci beaucoup de votre participation, vous êtes très, très, très appréciés.

Cela dit, je suspends quelques instants pour permettre au prochain groupe de s'installer. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 15 h 48)

(Reprise à 15 h 50)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci beaucoup. La commission reprend ses travaux.

Alors, nous désirons souhaiter la bienvenue à Me Marie-Eve Sylvestre. Alors, bienvenue à cette commission. Comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation, et, par après, nous aurons un échange avec les membres de la commission. Donc, la parole est à vous, maître. Merci beaucoup.

Mme Marie-Eve Sylvestre

Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Merci. Bonjour, M. le Président, Mme la ministre, MM. et Mme les députés. Merci beaucoup de m'accueillir. C'est vraiment un plaisir, pour moi, d'être ici. C'est un moment important, ça fait, donc, plus de 15 ans que je travaille sur la judiciarisation de l'itinérance. Donc, je suis vraiment heureuse de venir appuyer le projet de loi, mais aussi proposer un certain nombre de modifications.

Alors, pour ceux qui ne me connaissent pas, je suis professeure à la faculté de droit, section droit civil, de l'Université d'Ottawa, où je suis également doyenne depuis le 1er juillet, et ça fait plus de 15 ans qu'avec la professeure Céline Bellot je documente la judiciarisation de l'itinérance et l'utilisation de l'emprisonnement pour non-paiement d'amende dans différentes villes québécoises et canadiennes, d'ailleurs. Donc, je suis, comme je vous le disais, émue d'être ici, jusqu'à un certain point.

Donc, voilà. Je propose de mettre l'accent sur un certain nombre de points. Donc, d'abord, je commence en insistant bien sur le contexte dans lequel s'inscrit ce projet de loi là. Deuxièmement, je veux revenir sur les critères d'admissibilité au programme d'adaptabilité et, ensuite, je vais vous parler des droits des défendeurs et de la nécessité de respecter leur autonomie et leur participation dans le cadre de ces programmes-là, pour terminer en vous parlant de l'emprisonnement pour non-paiement d'amende.

Donc, en ce qui concerne le contexte, je pense que c'est important de dire, d'entrée de jeu, que, même si le projet de loi est là pour favoriser l'efficacité en matière pénale, ces mesures-là en particulier, les programmes d'adaptabilité des règles à la poursuite et à l'exécution des jugements et les mesures qui visent à restreindre l'emprisonnement pour non-paiement d'amende, sont essentiellement des mesures réparatrices qui sont mises en place pour reconnaître une injustice dont sont victimes les personnes en situation d'itinérance et de pauvreté dans les villes du Québec depuis plusieurs années, des personnes victimes de profilage racial et social. Donc, ce projet de loi, à mon avis, vient atténuer les effets de cette judiciarisation, atténuer les effets d'un profilage.

Il faut bien comprendre qu'on ne leur fait pas de faveur et créant ces programmes-là. À mon sens, on est vraiment dans des mesures réparatrices, des mesures qui, par ailleurs, sont discriminatoires, et je ne reviendrai pas sur tous les faits qui découlent des différentes études qu'on a menées au cours des dernières années qui témoignent de la portée de la judiciarisation, mais certainement vous dire que je ne suis pas la seule à dire que ces mesures découlent d'un profilage social. C'était aussi l'avis, par exemple, de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. La commission Viens également, récemment, a souligné l'importance de s'attaquer à ce fléau. Donc, voilà pour le contexte. Je pense, c'est important de le voir à cette lumière-là.

Deuxièmement, au niveau de l'admissibilité au programme d'adaptabilité, le projet de loi propose de limiter l'accès à une série d'infractions, qui est une façon détournée de couvrir les personnes en situation d'itinérance, pauvreté... bon, les personnes marginalisées. On a parlé de toxicomanie et de santé mentale, mais c'est une façon, comme d'autres l'ont dit, insatisfaisante, puisqu'on ne couvre pas l'ensemble des infractions qui sont susceptibles d'être commises par ces personnes-là.

Mais, aussi, il me semble qu'il y a là une occasion ratée... et je reprends le relais du dernier intervenant... d'ouvrir une porte à l'innovation juridique au Québec. Alors, pourquoi ne pas créer, à travers ce projet de loi là, un programme général, un régime général de mesures de rechange qui pourraient être utilisées dans différents domaines, dans différents secteurs? Par exemple, pourquoi ne pas laisser aux villes et aux municipalités, disons, le fait de définir par eux-mêmes dans quel domaine ils pourraient mettre en place des programmes d'adaptabilité? Évidemment, ce n'est pas pour nier le fait qu'on doit soutenir ces programmes-là, et, d'ailleurs, il va falloir les financer, je vais y revenir en conclusion, mais, à mon sens, on devrait laisser la discrétion aux villes et aux municipalités, avec l'appui du ministère de la Justice du Québec, donc, de financer un certain nombre de programmes dans d'autres domaines qui ne sont pas nécessairement visés à l'heure actuelle.

Troisième point : respecter les droits et l'autonomie des défendeurs. À mon sens, il faut... il est essentiel, en fait, que les défendeurs soient impliqués aux différentes étapes lorsqu'il s'agit de leurs propres plans d'intervention ou des démarches qu'ils doivent ou qu'elles doivent effectuer. Donc, à plusieurs moments dans le projet de loi, on parle du poursuivant qui doit évaluer si le programme a été réussi, s'il a été complété. À mon avis, cette évaluation doit absolument être faite de consentement ou conjointement avec le défendeur ou ses représentants, puisqu'il y a... les situations sont extrêmement variables, et la mesure de succès va dépendre, vraiment, de la nature des traumatismes vécus par ces personnes et aussi de leurs points de départ.

Quatrièmement — oui, juste avant de passer à l'emprisonnement pour non-paiement d'amende, puis là je veux être certaine de ne pas manquer de temps — je pense qu'il est aussi important, lorsqu'il s'agit de parler de la durée de ces programmes d'adaptabilité, de ne pas aller au-delà de la limite qui est déjà prévue dans la loi, c'est-à-dire 1 500 heures. Ça me semble déjà extrêmement élevé et, jusqu'à un certain point, disproportionné si on considère que les infractions pour lesquelles ces programmes ont été créés, ce sont souvent des infractions mineures, dans la plupart des cas non violentes, liées à la survie dans la rue, liées, encore une fois, à des situations de discrimination systémique, là, qui amènent ces personnes en situation d'itinérance à se retrouver dans des conditions où elles sont forcées de violer la loi.

Donc, 1 500 heures, c'est déjà énorme, et il y a d'autres façons d'aider les gens que de le faire sous la contrainte judiciaire. On peut le faire, donc, à travers des programmes sociaux, évidemment. On sait qu'il y a d'autres façons d'encadrer ou d'appuyer les gens dans leur démarche.

Finalement, je veux mettre l'accent sur l'emprisonnement pour non-paiement d'amende. Le projet de loi propose de restreindre la portée. C'est une excellente idée. L'emprisonnement pour non-paiement d'amende est une mesure coûteuse. Quand on a modifié le Code de procédure pénale en 2003, on a fait beaucoup d'économies au Québec, 8,5 millions, plus précisément, en cinq ans, selon le ministère de la Sécurité publique. Donc, on ne l'a jamais regretté.

Mais c'est aussi, l'emprisonnement pour non-paiement d'amende, une mesure inefficace, dans le cas des personnes en situation d'itinérance — ça n'a aucun effet dissuasif puisque ce sont des infractions commises en contexte de survie — et aussi discriminatoire, hein, évidemment, sur la base de la condition sociale, a un effet disproportionné sur les gens qui sont en situation de pauvreté, qui n'ont pas les moyens de payer.

Je veux vous suggérer qu'on devrait plutôt, dans le projet de loi, au lieu de suspendre en vertu d'une liste d'infractions, de le faire en vertu de la capacité de payer. C'est ce qui prévaut au Canada en matière de droit criminel. C'est ce que le Code criminel prévoit. La modification, d'ailleurs, avait été faite pour répondre à une situation de discrimination en 1996. Et, récemment, un arrêt de la Cour suprême très important, en décembre 2018, l'arrêt Boudreault, qui indique que les amendes minimales obligatoires combinées à la possibilité d'un emprisonnement pour non-paiement d'amende sont susceptibles d'être inconstitutionnelles, en violation de l'article 12 de la charte. On pourra y revenir dans la période de questions.

Mais, de façon encore plus spécifique par rapport à la liste d'infractions, une liste d'infractions ne pourra jamais couvrir tout. Donc, on ne viendra peut-être pas à bout de la déjudiciarisation comme on voudrait le faire. Mais le pire dans tout ça, c'est vous dire qu'il y a déjà trois villes au Québec qui ont des moratoires sur l'emprisonnement pour non-paiement d'amende. Elles le font pour tous les types d'infractions. Si on précise des infractions par règlement, c'est un retour en arrière pour ces personnes-là, hein? Parce que, là, vous allez placer les villes et municipalités dans une situation où elles vont violer la loi plutôt qu'avoir une discrétion pour procéder à l'émission d'un mandat d'incarcération. Donc, ça, il y a un risque, vraiment, d'un retour en arrière ici, d'aller à l'encontre des acquis qui ont été obtenus de longue lutte et en concertation avec le milieu judiciaire à Montréal, à Val-d'Or et, récemment, à Québec.

En conclusion, si le projet de loi est adopté, et, vraiment, je le souhaite, particulièrement avec les modifications que je vous propose, ça va être vraiment important pour le gouvernement de financer ces programmes à travers le Québec, y compris via l'aide juridique, donc je me rallie à ce qui vient d'être dit à ce sujet-là. Mais aussi ce qu'il faut comprendre, c'est que c'est clairement un premier pas, un pas essentiel, mais seulement un premier pas vers la déjudiciarisation de l'itinérance. Clairement, il faut aussi mettre l'accent sur l'émission de constats et mettre un frein aux pratiques de profilage qui sont menées par les policiers à tous les jours. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Me Sylvestre. Mme la ministre, s'il vous plaît.

• (16 heures) •

Mme LeBel : Merci. Merci, M. le Président. Bon, Me Sylvestre, merci de votre présence. Merci surtout de cette excellente analyse, de ce document, qui sera très précieux pour la suite de nos réflexions à la fin de ces consultations-là.

J'aimerais vous parler, peut-être, de certains éléments ou vous permettre de compléter si vous pensez qu'il y a des choses... vous offrir de mon temps si vous pensez qu'il y a des choses que vous auriez pu dire dans votre présentation initiale. Mais je vous ai sentie, à un moment donné, précipitée par votre temps, puis je veux m'assurer que vous faites le tour de la question, c'est très important. On aura des décisions à prendre.

Mais je veux peut-être vous amener présentement sur le fait que les programmes devraient être admissibles pour tout type d'infraction et ne devraient pas se limiter à une série d'infractions prévues par règlement. Donc, c'est la voie présentement qui est mise au jeu, qui est proposée dans le projet de loi, effectivement, parce que... Bon, c'est sûr que, d'entrée de jeu, on est peut-être capables de faire ici, autour de la table, si on s'y met, une liste d'infractions plus communes, pour lesquelles les programmes actuellement disponibles, ça... concerne, finalement.

Mais est-ce que vous pensez qu'on ne pourrait peut-être pas procéder, peut-être, alors, à ce moment-là, puis ça a été proposé, par exclusion? Je comprends votre souci d'avoir... de laisser aux villes de la souplesse, que peut-être qu'autour de la table, ici, on penserait, avec tous les efforts et toute la bonne volonté, on pourrait faire une bonne liste d'infractions potentielles, mais qu'on pourrait peut-être avoir un cas de figure auquel on ne pense pas, qui pourrait être approprié à ce problème... programme-là, mais il y a aussi des infractions qui, d'entrée de jeu, je parlerais des infractions à l'AMF, exemple, qui est une infraction pénale, les infractions en environnement, qui pourraient être une infraction plus grave, et ce n'est pas limitatif de ce que je dis, là, j'essaie de discuter d'infractions... d'entrée de jeu, pour moi, ne devraient pas faire l'objet de ce type de programme là.

Donc, est-ce que vous pensez qu'on pourrait peut-être, à ce moment-là, pour baliser et définir le carré de sable, parce que ça prend quand même un certain carré de sable, je le pense, pour avoir une certaine uniformité aussi et comprendre, avoir certaines balises, qu'on pourrait peut-être y aller par exclusion, à ce moment-là, de type d'infractions pénales plutôt que de se limiter à une liste? Et là peut-être que la créativité, la souplesse nécessaire, l'encadrement qu'on recherche, l'uniformité qui a été aussi discutée avec les précédentes présentations, pourraient peut-être être un peu pris en compte?

Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Bien, je dirais, effectivement, c'est par exclusion qu'on procède en matière criminelle, par exemple, quand on pense au programme de mesures de rechange. Mais j'aurais tendance à... vraiment dans une perspective de déjudiciarisation des conflits sociaux, et aussi d'ouverture à l'innovation, bien, on peut aussi inclure, dans ces motifs-là, l'efficacité du système de justice pénale.

Mais vous avez soulevé la question de l'environnement. Je me demandais : Si une municipalité voit qu'elle a un problème important d'infraction à la Loi sur la qualité de l'environnement puis elle décide qu'elle pourrait mettre en place un programme d'adaptabilité dans le but de faire réparer les contrevenants au lieu de leur imposer des sanctions, est-ce que ça, ça ne serait pas quelque chose qui pourrait être innovant et intéressant en matière de justice au Québec, qui permettrait d'atteindre les objectifs de la loi sur l'environnement?

Donc, est-ce qu'il faut se limiter ou est-ce qu'il n'y a pas d'autre façon, pour le gouvernement, d'attendre ses fins? Parce qu'évidemment les programmes de mesures de rechange sont dépendants des financements puis de l'existence des programmes d'adaptabilité ou des programmes de mesures de rechange. Donc, est-ce qu'il n'y a pas, au niveau des leviers de financement, d'autres façons d'encadrer? Donc, a priori, j'avoue, on est en matière pénale, c'est sûr qu'il y a des infractions pénales plus sérieuses que d'autres. Mais j'avoue qu'a priori j'aurais tendance à créer de la place pour l'innovation.

Mme LeBel : O.K., merci. Vous parlez... Si on parle des programmes plus particulièrement, vous parlez, bon, de la durée des programmes. Votre point est bien compris, c'est assez clair.

Et vous parlez également de la reconnaissance de paiements partiels et reconnaissance de conditions partielles complétées et du fait qu'il devrait y avoir plus de flexibilité dans l'évaluation de la réussite des programmes. Dans le fond, ce que vous nous dites, c'est que, présentement, dans l'état actuel des choses, le programme se doit d'être complété pour qu'il y en ait un bénéfice, je vais le dire comme ça, ou un... qu'on... Donc, vous pensez... vous dites... vous suggérez qu'on puisse aussi tenir compte des différentes étapes franchies, même si, pour une multitude de raisons, on n'arrive pas à compléter le programme qui a été mis en place dès le départ.

Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Oui, tout à fait, parce que je pense qu'il y a des situations de... Les personnes en situation d'itinérance ou en situation de pauvreté sont multiples, les réalités sont vraiment différentes. On peut penser aux personnes autochtones, par exemple, à Val-d'Or, où on a fait un travail à ce niveau-là, notamment avec la commission d'enquête. Là, vraiment, les points de départ sont différents. Ce qui constitue une étape est différent. Juste stabiliser... bon, réduire sa consommation, ça peut être une étape pour certains. Et, dans certains cas, on peut mal évaluer ce qui est possible et éventuellement juger que d'autres étapes qui ont été franchies pourraient aussi compter, là, dans l'accomplissement des mesures et du programme.

Donc, je pense qu'il faut se garder une flexibilité. Et c'est vraiment... Ce serait vraiment décourageant de devoir dire aux personnes : Bien, vous avez fait des efforts, vous avez entrepris des démarches, vous avez réussi ou vous avez stabilisé un certain nombre de choses dans votre vie, mais, tout ça, on ne va pas le reconnaître, parce que l'objectif ultime qu'on s'était fixé ensemble, vous ne l'avez pas atteint.

Donc, je pense que c'est le mauvais message qu'on envoie, mais, en plus, je trouve que ce n'est pas respectueux des droits des personnes, là, qui se sont engagées dans un programme.

Mme LeBel : O.K., super. Mon collègue avait quelques questions, mon collègue le député de Chapleau, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Maître... maître! Excusez-moi. M. le député de Chapleau, pardon.

M. Lévesque (Chapleau) : Merci, M. le Président. Bonjour, Me Sylvestre.

Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Bonjour.

M. Lévesque (Chapleau) : C'est un plaisir de vous voir ici, à l'Assemblée nationale. On a l'occasion de se côtoyer à l'occasion en Outaouais.

Peut-être quelques petites questions, là. D'abord, sur la justice dans le nord, là. Ça, c'est quand même un sujet, là, qui vous tient à coeur également, là. Dans le projet de loi, il y a l'ajout... du moins, l'ajout envisagé de deux juges qui pourraient être appelés à siéger dans le nord. Peut-être une question, là... je sais que vous avez travaillé également avec... bon, à Val-d'Or, là, ces choses-là : Est-ce que vous pensez que les juges devraient siéger dans le nord ou en Abitibi pour représenter les gens qui sont là? Simplement pour avoir votre opinion, peut-être, sur cet enjeu-là, cette question-là.

Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Bien, c'est sûr que la proximité est essentielle. Un des problèmes principaux au niveau de la justice dans le nord, et je pense que la commission d'enquête, dans son rapport, le souligne vraiment très bien, c'est les différents déplacements, les transports très, très longs des personnes qui passent par Montréal, qui retournent vers l'Abitibi, etc., donc plusieurs jours dans certains cas. Ils sont toujours présumés innocents. Donc, le plus de justice de proximité, effectivement, c'est le mieux.

M. Lévesque (Chapleau) : Également, là, on a parlé de l'idée de l'incarcération, l'emprisonnement, bon, pour le non-paiement d'amende. Je sais que l'idée de la liste d'infraction, là, j'ai cru comprendre que c'était moins... vous favorisiez moins cette avenue-là. Peut-être nous éclairer davantage, là, pour... sur, disons, la capacité de payer, comment ça se passe dans d'autres juridictions, ces choses-là?

Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Oui, tout à fait. Bien, d'abord, juste, peut-être, préciser, mais je pense que je l'ai dit dans ma présentation, mais préciser qu'à mon avis, sur le plan juridique, il faut dire que l'emprisonnement dépend de la capacité de payer, puisque ce serait discriminatoire de ne pas en tenir compte. Donc, ça, je veux que ça soit clair qu'à mon avis, surtout avec le dernier développement dans l'affaire Boudreault, il est, pour moi, discriminatoire d'avoir de l'emprisonnement pour non-paiement d'amende qui ne tienne pas compte de la capacité de payer, peu importe la liste d'infractions.

Maintenant, comment ça fonctionne, la capacité de payer? Donc, ça, c'est évalué lors de l'audience avec le juge ou avec les percepteurs, donc, et ça, c'est un travail que les acteurs judiciaires sont habitués à faire régulièrement dans les autres provinces, notamment en matière de Code criminel, et il y a... bon, il y a différents moyens de démontrer sa situation financière, là, qui peuvent être proposés au tribunal, mais... Donc, c'est un travail qui se fait et qui se fait bien, là.

M. Lévesque (Chapleau) : O.K. Merci, c'était clair. Petite dernière question, là, dans le fond, en lien avec la rétraction du jugement. Il y avait des petites réticences, là. Certains groupes ont émis certaines réticences en lien avec la rétractation du jugement pour permettre, dans le fond, là, suite à la... suivie d'un programme d'adaptabilité. Est-ce que, donc, vous avez des réticences? Je vois quand même que vous êtes favorable, mais il y avait-tu des éléments que vous aimeriez ajouter sur ce point-là?

Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Oui, bien, d'abord, je veux appuyer le fait que c'est important de reconnaître la rétractation de jugement comme une mesure importante, de pouvoir, donc, retirer des jugements qui ont déjà été prononcés alors que la personne n'était pas en mesure d'être représentée. Mais, effectivement, pour être cohérente avec cette idée que je pense qu'il faudrait développer un régime général de mesures de rechange, moi, j'enlèverais la référence à la liste d'infractions et je laisserais, par contre, l'idée de participation à un programme d'adaptabilité. Donc, pourvu que la personne ait participé à un programme d'adaptabilité, on pourrait avoir recours aux mesures de rétractation du jugement, donc, ce qui ferait que ça limiterait quand même... La rétractation du jugement, on sait que c'est un recours... une mesure exceptionnelle, là, en procédure, mais, dans la mesure où la personne a participé à un programme d'adaptabilité, ça serait suffisant, à mon avis, de le dire puis d'éviter de tomber, encore une fois, dans cette liste d'infractions, qui ne sera jamais exhaustive, là.

Le Président (M. Bachand) : Merci.

M. Lévesque (Chapleau) : ...je passerais la parole à...

Le Président (M. Bachand) : M. le député d'Ungava, s'il vous plaît.

M. Lévesque (Chapleau) : ...d'Ungava, oui.

M. Lamothe : Bonjour. Juste pour faire suite à mon collègue de Chapleau concernant les deux juges, à savoir Val-d'Or ou dans le Nord-du-Québec, vous avez dit: Une justice de proximité, c'est mieux. Comment vous voyez ça? Les juges dans le nord ou à partir de Val-d'Or? C'est quoi qui serait l'idéal?

Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Bien, alors, si on veut revenir sur... là, je vais peut-être sortir du projet de loi, là... mais, si on veut revenir aux conclusions qui sont mises de l'avant par la commission Viens, d'abord, par justice de proximité, on veut dire une justice autochtone, hein? D'abord, on pense qu'il y a des programmes de justice communautaire qui devraient être mis en place dans le nord par les communautés, pour et par les communautés. Donc, ça, ça serait ce que moi aussi, je favoriserais d'abord et avant tout. Maintenant, dans la mesure où on a recours au système judiciaire, à mon sens, encore une fois, il faut que le système de justice se rende le plus près possible des gens pour qu'on évite le plus de déplacement puis que ça ait le plus de sens pour les communautés.

• (16 h 10) •

M. Lamothe : Entre parenthèses, ce que vous avez dit : par et pour eux, là, c'est vraiment gagnant. Mais, encore une fois, je veux dire, les juges, une fois sur place, vous ne pensez pas que le service, vous parlez de proximité, que le service sur place va être meilleur pour les Inuits, pour les Cris, surtout les Inuits, parce qu'on parle des cours itinérantes, là, à Puvirnituq puis à Kuujjuaq, puis on sait que le volume est immense.

Ça fait que vous ne pensez pas que deux juges sur place, ce serait plus gagnant que les faire déplacer de Val-d'Or, ce serait plus crédible pour la justice?

Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Oui. Oui, oui. Non, tout à fait. Moi, je pense qu'on a besoin d'avoir des juges sur place, mais, encore une fois, comme alternative à une justice autochtone qui serait favorisée. Oui.

M. Lamothe : O.K. Vous me parliez tantôt, un petit peu, vous avez sous-entendu le transfert des détenus, qui passe par Montréal, tout ça.

Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Oui.

M. Lamothe : Je sais qu'au niveau de la visioconférence aussi, il y a beaucoup de travail qui est fait au niveau de la ministre de la Justice puis de la ministre de la Sécurité publique, il y a des choses qui vont débloquer là-dessus.

Je suis content de vous entendre concernant la présence des juges dans le milieu nordique.

Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Oui, tout à fait, puis, juste pour ajouter, au niveau de l'emprisonnement pour non-paiement d'amendes, on avait un problème aussi en Abitibi, parce que les femmes détenues devaient aller purger leur peine d'emprisonnement pour non-paiement d'amendes dans les prisons pour femmes à Montréal. Donc, il y a aussi des transferts qui sont liés à ces mesures-là, là.

M. Lamothe : Parfait. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Pas d'autres questions? Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît.

Mme Weil : Oui. Merci beaucoup pour votre participation. On voit, dans les dernières présentations, il y a des mêmes recommandations qui surgissent, donc, je pense qu'il y avait les cliniques Droit de cité, ensuite, juste avant vous, l'Association des juristes progressistes, on voit les mêmes...

Donc, ce qu'on en retire, et vous, vous êtes académique, donc universitaire, c'est parce que c'est basé sur des études, une connaissance sur le terrain, avec un objectif... j'essaie de... La philosophie, là, derrière tout ça, et comment la justice peut s'adapter, donc, à cette réalité, et les meilleurs, comment dire... «outcomes», résultats, ce serait, justement, de s'inspirer, un peu, de ces constants que vous faites et ceux qui sont sur le terrain qui ont accumulé, quand même, beaucoup d'expérience.

C'est très impressionnant ce qu'on a entendu, puis je pense qu'il n'y a personne ici qui n'est pas sensible au message qu'ils nous disent, et ils disent, bon : la justice — et on comprend bien la justice traditionnelle — qui a réussi à s'adapter, puis la volonté des acteurs de la justice de répondre à ce mal social ou ces maux sociaux. Donc, peut-être juste pour... c'est un peu ça que vous dites, puis là, c'est sûr, plus on vous entend, plus c'est percutant, parce qu'il y a une logique à tout ce que vous dites. Puis vous êtes à la frontière de la justice, justement, la justice sociale et la justice tout court, justice pénale, et que l'adaptation, d'après ce que je comprends, c'est vraiment la justice qui soit adaptée... qui s'adapte.

J'aimerais vous amener, un peu, sur la vision. C'est sûr qu'on comprend bien vos interventions. Je pourrais aller sur des détails, mais, quand même, tout est logique, dans ce que vous proposez. Vous, dans votre parcours, comment vous avez vu ça et comment vous voyez l'évolution de la justice pénale et de la société pour mieux s'attaquer et aider ces personnes à s'en sortir et d'avoir une vie donc, finalement... régulariser, à tout le moins, là, sans être plus... avoir plus d'espoir, là, mais, au moins, régulariser, qu'ils puissent vivre?

Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Bien, merci pour cette question-là. Je vais d'abord revenir sur le début de votre intervention lorsque vous dites qu'il y a eu beaucoup de choses qui ont été mises en place, que le milieu s'est concerté. Je voudrais quand même rendre hommage à tout ce qui a été fait, notamment à Montréal, puis, dernièrement, à Val-d'Or, il y a des choses... C'est dommage que vous ne puissiez pas entendre le centre d'amitié autochtone de Val-d'Or, parce que leur programme PAJIC, qui, d'ailleurs, n'a pas le même acronyme que celui à Montréal, propose des choses vraiment innovatrices aussi. Et ce projet de loi là, en fait, le défi de ce projet de loi là, c'est de permettre à ces innovations de continuer à répondre aux besoins locaux et régionaux, tout en donnant l'impulsion nécessaire à ceux qui ne le font pas encore, de le mettre en place, parce qu'ils vont avoir la légitimité de la loi pour le faire. Donc, je voulais, avant de vous parler de ma vision, bien mettre ça sur la table.

Alors, au niveau de ma vision, moi, c'est clair que j'ai constaté, au cours des dernières années, une judiciarisation — je ne suis pas la seule, là, d'ailleurs — une judiciarisation croissante des problèmes sociaux, une multiplication de l'utilisation du droit criminel, mais aussi du droit pénal, c'est ce qu'on voit en matière d'itinérance, mais on l'a vu dans d'autres domaines aussi — donc, une judiciarisation des conflits sociaux. On demande au système judiciaire, qui, souvent, n'est pas équipé pour traiter ces problèmes-là, de répondre à ces problématiques. Donc, l'objectif ou la vision, c'est vraiment de pouvoir retirer, le plus possible, des outils répressifs, des outils punitifs et de mettre de l'avant des réponses sociales. Alors, certaines de ces réponses sociales là pourront se faire sous la supervision judiciaire; d'autres devront être faites en amont, en prévention et en... de d'autres façons, là, comment les communautés vont s'organiser.

Mme Weil : Et voyez-vous aussi le besoin de formation, plus de formation pour tous les acteurs de la justice, incluant les juges? On le voit, il y a une sensibilité, parce qu'on est tous des êtres humains, hein? Dans un premier temps, les juges, avec la pratique et avec ce qu'ils voient dans leurs tribunaux, on le voit, l'évolution, aussi, de leur pensée. Mais... vous entendre là-dessus, au niveau du Barreau.

Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Bien, c'est clair, vous parlez à une professeure ou à une doyenne, vous prêchez dans un... C'est clair que, pour moi, la formation, c'est au coeur de tout, c'est ce que je fais au quotidien. La formation, accompagnée de la recherche d'ailleurs, me semble vraiment une voie porteuse. Donc, à la fois les acteurs judiciaires, je pense que ça... Toutes les commissions d'enquête qui se sont penchées sur des problématiques sociales — je pense encore à la commission Viens — ont recommandé davantage de formation. Donc, ça, pour moi, c'est essentiel, mais peut-être aussi l'interdisciplinarité, donc, peut-être joindre d'autres professions, d'autres acteurs dans le milieu judiciaire. Je pense aux travailleurs sociaux. C'est la force de ces programmes-là, c'est l'accompagnement avec des travailleurs sociaux, justement. On peut penser à du personnel du milieu de la santé, dans d'autres domaines, donc, vraiment y aller, là... Il faut que la justice se décloisonne un petit peu, à mon sens, pour régler des problèmes qui sont, avant, tout sociaux.

Mme Weil : Si vous aviez un rêve d'une disposition qu'on pourrait mettre dans un projet de loi qui pourrait orienter... Parce qu'on le voit souvent, même dans des projets de loi juridiques, les SLAPP, d'ailleurs. Et ma collègue de Joliette est là. On a fait, ensemble, ce projet de loi — j'étais ministre de la Justice — et on avait mis, donc, une disposition, à la fin, que, en cinq ans, on allait revoir la jurisprudence pour voir si on avait fait des avancées. Et ça fonctionne bien, parce que, là, il y a des recommandations pour la suite des choses. Est-ce que vous verriez, peut-être, une clause de ce genre dans ce projet de loi?

Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Une clause...

Mme Weil : De révision, à tous les cinq ans, pour voir si les mesures qu'on a mises en branle ont donné les effets escomptés.

Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Oui, on... bien, je peux imaginer, en tout cas, que, là, à la suite de ce projet de loi là, qu'il va y avoir d'autres programmes d'adaptabilité qui vont se mettre en place. Et ça va être intéressant de comparer, justement, les expériences des... Est-ce qu'il faut le faire au niveau législatif ou est-ce qu'on peut le faire de d'autres façons? Ça, je ne suis pas certaine, là, mais ça pourrait être une façon de le voir.

Mme Weil : L'avantage de la loi, c'est : ça devient obligatoire.

Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Oui, c'est ça.

Mme Weil : Donc, c'est un constant, et tout le monde travaille pour ça et vers ça, et...

Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Oui, c'est une possibilité.

Des voix : ...

Mme Weil : D'autres éléments... Je ne sais pas combien de minutes...

Le Président (M. Bachand) : Quatre minutes, Mme la députée.

Mme Weil : Quatre minutes. On a du temps pour jaser, hein?

Le Président (M. Bachand) : Oui, oui, oui.

Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Jasons.

Mme Weil : Mais c'est vraiment intéressant d'avoir, évidemment, une professeure d'université qui est passionnée par le sujet.

Bon, la durée des programmes. Bon, la rétractation, on en a beaucoup parlé. Peut-être revenir là-dessus, sur l'importance de la rétractation. Encore une fois, ceux qui ont parlé avant vous l'ont dit, mais peut-être revenir sur cette question de rétractation de jugement comme essentielle.

Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Oui. Alors, la rétractation de jugement, c'est une pratique qui a d'abord débuté dans le cadre du PAJIC à Montréal, donc, où, justement, c'était une mesure qui était mise en place. Et l'effet de la rétractation de jugement est important. D'abord, c'est une reconnaissance qu'on a jugé du constat d'infraction en l'absence, hein, par défaut. Le défendeur, souvent, n'a pas été informé, il n'a jamais reçu une copie des avis de cour, on a souvent eu la mauvaise adresse ou on a envoyé le constat à un refuge, une ressource d'une personne en situation d'itinérance. Donc, c'est une reconnaissance d'une réalité du fait qu'on a fait ça par défaut, mais c'est aussi, vraiment, une reconnaissance qu'en raison des démarches qui ont été effectuées, on peut, donc, se permettre de retirer les constats d'infraction. Et ça, sur le plan, je pense, symbolique, c'est très important pour les personnes qui sont engagées dans cette démarche-là, là.

• (16 h 20) •

Mme Weil : Et, dans la même veine — je pense à l'article 52 — maximum d'heures, vous entendre encore là-dessus dans le contexte de l'argument que vous venez de donner, mais tout ça, d'après votre présentation, ça fait partie d'un tout cohérent qui vise les mêmes objectifs. Donc, peut-être vous entendre sur le maximum d'heures, là, de ne pas dépasser.

Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Oui, en fait, c'est toujours très complexe, de quantifier, en nombre d'heures, un certain nombre de démarches. On ne sait pas combien de... qu'est-ce que ça veut dire, sur quelle durée ça va s'échelonner. Mais, ma préoccupation, c'est que, pour des infractions mineures, non violentes, souvent liées à la survie dans la rue, qui découlent de la discrimination systémique, on ne maintienne pas sous supervision judiciaire une personne éternellement. Parce qu'être sous supervision judiciaire, c'est toujours être confronté à un risque d'échec. Et qu'est-ce qu'il arrive en cas d'échec? Bien, là, tu risques de ne pas avoir réussi ton programme, tout ce que tu as mis en place ne fonctionne pas. Donc, le poids, cette épée de Damoclès, là, d'avoir le système judiciaire constamment... à mon sens, il faut que ça se termine et il faut que ce soit proportionnel à la gravité des infractions, là, qui ont été commises.

Mme Weil : Et vous avez dit que vous pourriez revenir sur l'article 12 de la Charte canadienne pour l'emprisonnement pour non-paiement d'amende. Ça, ce serait intéressant, parce que, vous dites, vous n'avez pas eu le temps d'aller plus loin.

Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Oui. Alors, ça, c'est l'affaire Boudreault, qui a été entendue par la Cour suprême, donc, en 2018. Un jugement qui portait sur la suramende compensatoire en matière criminelle, qui était imposée de façon systématique à des personnes marginalisées, notamment en situation d'itinérance. Et la Cour suprême, qui conclut, donc : cette amende minimale est inconstitutionnelle, donc viole l'article 12, la protection contre les peines cruelles et inusitées, notamment parce qu'il y a une peine d'emprisonnement pour non-paiement d'amende qui était plus ou moins systématique, en particulier dans le cas des personnes marginalisées. Donc, il me semble que ça, ça rend assez précaire toute disposition sur l'emprisonnement pour non-paiement d'amende qui n'est pas lié à la capacité de payer dans une loi provinciale.

Mme Weil : Très bien, merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Gouin, s'il vous plaît.

M. Nadeau-Dubois : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour. J'ai peu de temps, j'ai deux questions pour vous. D'abord, j'aimerais vous entendre sur une proposition qui a été faite par les gens qui vont ont précédés au sujet de l'aide juridique. Est-ce que, vous qui avez bien documenté puis qui connaissez bien ces programmes-là, est-ce que donner accès à l'aide juridique, pour les gens qui s'engagent dans un programme d'adaptabilité, c'est quelque chose qui serait une avancée? Et, si oui, pourquoi?

Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Oui, bien, tout à fait. D'abord, je veux dire que, dans ces programmes d'adaptabilité, il y a plusieurs intervenants. Donc, il y a des intervenants de clinique d'accompagnement qui sont souvent des non-juristes. Donc, eux aussi, il va falloir les appuyer et bien les financer, ça, je pense que c'est important de le mentionner. Mais, clairement, lorsque la personne peut avoir aussi accès à un avocat, hein, il peut y avoir toutes sortes d'autres... à la fois pour participer au programme, mais ça pourrait aussi être pour remettre en question un certain nombre de constats qui ont été émis. Donc, à mon sens, ça aussi ça devrait être couvert par l'aide juridique. Et je pense que mon collègue qui m'a précédée a bien expliqué l'importance d'être représenté par un avocat, l'importance pour l'accompagnement des personnes.

M. Nadeau-Dubois : Merci. Deuxième enjeu sur lequel j'aurais aimé vous entendre : sur la question de l'emprisonnement, vous proposez de tourner la page, tout simplement, sur cette possibilité-là qu'il y ait un emprisonnement suite à l'accumulation d'infractions. Je trouve ça intéressant, mais je vois venir certaines objections. J'aimerais ça, d'emblée, vous permettre de les réfuter d'avance. Quelqu'un qui dirait : Oui, mais s'il n'y pas d'emprisonnement au bout, pourquoi les gens s'engageraient dans un programme si la crainte de l'emprisonnement, si la motivation d'éviter la prison n'est plus là? Qu'est-ce que vous répondriez à quelqu'un qui dirait ça?

Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Oui, bien, oui. D'abord, il y a des droits, là, qui sont en question ici, là, puis... Mais, deuxièmement, la personne qui ne va pas purger de prison, elle va demeurer avec sa dette judiciaire. Donc, la dette judiciaire, elle n'est pas effacée, tu continues d'avoir un fardeau de 10 000 $ de dettes. Tu vas vouloir appliquer un programme gouvernemental, ça va ressortir, tu vas vouloir faire quoi que ce soit, tu vas avoir ce fardeau-là. Et c'est ce qu'il se passe dans les autres provinces. En Ontario, il n'y a pas d'emprisonnement pour non-paiement d'amende, mais il y a des dettes judiciaires, et c'est un obstacle très important pour pouvoir avoir accès même à un service d'utilité publique comme Hydro Ontario, Hydro Ottawa, je pourrais dire, ou d'autres services publics, l'accès aux prêts et bourses si tu veux retourner à l'école. Donc, il y a... Malheureusement, le poids de la dette judiciaire est, en soi, déjà un fardeau.

M. Nadeau-Dubois : Donc, bref, on ne créerait pas un système de désincitation à choisir ces programmes-là en enlevant la menace éventuelle de l'emprisonnement. Est-ce que je vous comprends bien?

Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Oui, exactement.

M. Nadeau-Dubois : Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.

Mme Hivon : Oui, merci beaucoup. Je suis très heureuse qu'on ait la chance de vous entendre aujourd'hui, parce que je vous avais entendue lorsqu'on a fait le forum sur la première politique de lutte contre l'itinérance et j'avais été très impressionnée par votre expertise. Alors, je veux en profiter au maximum.

Vous avez dit, d'entrée de jeu, ce dont vous rêvez, en fait, ce serait qu'on ait un régime général de mesures de rechange, donc, que ça aille encore plus loin dans la déjudiciarisation. Expliquez-moi, quand vous nous dites ça, par rapport à ce qui se met en branle qui est en train de se généraliser, là, du programme de mesures de rechange général, qui est parti de projets pilotes puis qui est en train de s'étendre, pourquoi ou comment ça ne va pas assez loin par rapport aux objectifs que vous, vous souhaitez voir inclus, éventuellement, dans notre droit pénal?

Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Merci. Je me rappelle très bien de cette commission parlementaire, c'était... pas de cette commission, mais, disons, que de le... de la politique...

Mme Hivon : Du forum.

Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Du forum entourant la politique. Alors, au niveau... Pardon, j'ai oublié votre question.

Mme Hivon : Oui, le programme actuel pilote... le projet pilote de mesures de rechange...

Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Oui. Donc, le programme actuel de mesures de rechange porte évidemment sur les questions criminelles, les infractions criminelles, et là ce serait de créer un programme qui touche les infractions pénales. Ce qu'on a constaté, encore une fois, c'est qu'au cours des dernières années on a, dans plusieurs cas, délaissé le droit criminel au profit du droit pénal en pensant qu'on faisait un bon coup, parce qu'il n'y avait pas de casier judiciaire, parce que, des fois, les amendes étaient moins élevées. Mais nos études ont démontré qu'au contraire on rentrait dans un cycle de judiciarisation et parfois même d'emprisonnement pour non-paiement d'amende, qui était même plus grave dans certains cas que des infractions criminelles sommaires. Donc, à mon sens, on viendrait couvrir, là, des angles qu'on n'a pas... qu'on ne couvre pas avec le programme de mesures de rechange... nous permettrait d'inclure des infractions pénales, là, carrément, là.

Mme Hivon : Parfait. Et puis certains groupes sont venus nous dire, vous m'avez entendue, avec le groupe précédent, poser la question, je comprends que ce n'est pas votre position nécessairement, mais ils sont venus nous dire qu'on devrait généraliser dans la loi, voire imposer, dans, j'imagine, les villes qui pourraient avoir un bassin suffisant, là, pas dans toutes les municipalités, l'idée des programmes d'adaptabilité. Je comprends que ce n'est pas votre position. Comment on peut arriver à, donc, donner cet espace-là, ces possibilités-là d'un point de vue équitable à tout le monde? Est-ce que c'est en finançant, est-ce que c'est en créant des incitatifs pour que les municipalités embarquent? Comment on fait ça si on ne l'impose pas?

Mme Sylvestre (Marie-Eve) : Oui, bien, en fait, je pense que c'est important de ne pas l'imposer, justement, parce qu'il y a des villes pour qui ça ne convient pas, il y a aussi, peut-être, des ententes administratives qui peuvent se faire entre certaines villes, je pense à l'Abitibi, il y a peut-être des villes environnantes qui pourraient se joindre à Val-d'Or, etc. Donc, il y a toutes sortes d'autres choses qu'on peut faire sur le terrain. Il y a des villes qui pourraient vouloir privilégier d'autres catégories d'individus. Donc, comment on peut l'inciter ou l'encourager? Bien, je pense que c'est par des... si le gouvernement pouvait créer un programme de financement de ces programmes d'adaptabilité... Vous savez, les programmes de mesures de rechange existent seulement dans la mesure où ils sont financés, où ils sont appuyés. Donc, si on mettait de l'avant un programme, ou si on finançait via soit les cliniques communautaires ou encore via l'aide juridique, donc, déjà, là on créerait des incitatifs supplémentaires. Donc, je pense que c'est vraiment au levier du financement que ça va changer, là.

Mme Hivon : Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Cela dit, Me Sylvestre, merci beaucoup de votre participation à la commission, c'est très, très, très apprécié.

Je suspends les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 29)

(Reprise à 16 h 30)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. La commission reprend ses travaux.

Il nous fait plaisir d'accueillir les représentantes de l'Association des greffiers de cours municipales du Québec. Alors, bienvenue. Comme vous avez vu, 10 minutes de présentation. Après ça, on a un échange avec les membres de la commission. Alors, la parole est à vous. Merci beaucoup d'être ici.

Association des greffiers de cours municipales
du Québec (AGCMQ)

Mme Savoie (Sylvie) : Merci. Alors, bonjour à tous. Je me présente, je suis Sylvie Savoie, présidente de l'association des greffiers de cours municipaux du Québec et greffière à la cour municipale de Sainte-Adèle. Et je suis assistée de ma collègue, Me Marie-Claude Perron, greffière à la cour municipale de la ville de Sherbrooke.

Pour débuter, je tiens à vous remercier du temps accordé afin de pouvoir entendre les commentaires d'acteurs de premier plan au sein du système judiciaire québécois. C'est plus de 1 400 000 dossiers qui sont entendus dans les cours municipales par année. L'Association des greffiers de cours municipales du Québec est présente dans chacune des régions du Québec où des greffiers administrent et gèrent un tribunal accessible à toutes et à tous. Les 89 cours municipales sont toutes membres de l'association. On parle ici d'une véritable justice de proximité, telle qu'énoncée à l'article 1 sur les cours municipales. Favoriser l'accès à la justice aux citoyens est au coeur des stratégies et demeure un objectif renouvelé chaque jour par les greffiers des cours municipales. C'est un point d'honneur pour l'environnement desservi. Toujours afin de mieux répondre aux besoins des citoyens, plusieurs initiatives technologiques ont été déployées au fil des dernières années dans notre réseau. Ainsi, dans la majorité des cours municipales, nous retrouvons des services tels que constats d'infraction numériques, paiements en ligne, plaidoyers en ligne, transmission par courriel, preuves numériques en salle d'audience, transmission par courriel des enregistrements audionumériques des procès, dossiers du greffe entièrement numériques et autres, l'objectif étant de donner accès aux citoyens et une justice simple, efficace et performante, et ce, à travers le réseau.

L'AGCMQ accueille favorablement les principes énoncés au projet de loi. Toutefois, certains ajustements au texte de loi doivent être apportés afin d'en faciliter l'application dans les activités courantes des tribunaux municipaux et d'assurer le respect de la capacité de payer des contribuables. En résumé, nos commentaires porteront sur certaines dispositions relatives au Code de procédure pénale du Québec ainsi qu'aux tarifs judiciaires en matière pénale, qui représentent les principales balises légales des cours municipales au Québec.

Mme Perron (Marie-Claude) : Je vais vous amener dans le mémoire à différents endroits. Pour arriver dans notre temps, on ne passera pas tous les articles, mais, à la page 4 de 10, l'article 1, dans l'application de cette nouvelle disposition, il faut que le juge ait l'obligation de tenir compte de la technologie qui est disponible dans l'organisation, sans quoi les coûts faramineux pourraient être encourus pour les municipalités. Il est donc recommandé d'ajouter l'expression «au sein de l'organisation» après les termes «qui est disponible» au nouvel article 2.2 du Code de procédure pénale. Par la suite, à l'article 8 du projet de loi, où on traite de signification des actes de procédure, la section de l'article qui traite de la signification par avis public au troisième alinéa devrait être modifiée afin qu'on puisse reconnaître d'emblée les sites Internet des villes ou MRC qui administrent une cour municipale.

Je vous amène ensuite à la page 5. On va traiter de l'article 39 et de l'article 40 du projet de loi, qui nous amène à parler des auditions par défaut. Le nouvel article 188.1 permettra une plus grande efficacité dans la gestion des séances de cour. Mais, en plus des experts, il est souhaité que cette mesure puisse s'appliquer aux autres témoins. Il est donc recommandé d'enlever le mot «expert» pour qu'on puisse le remplacer simplement par «témoin», afin que cette mesure puisse s'appliquer au témoin ordinaire assigné lors d'instruction par défaut, et non seulement à l'expert. Puis, ici, on parlait du témoignage sur vidéo.

À l'article 41, les poursuites qui sont instituées par l'émission d'un constat d'infraction le sont au nom du poursuivant, qui, dans le cas des constats d'infraction, est la municipalité. Celle-ci est représentée par un avocat, qui oeuvre soit pour elle exclusivement ou des fois en pratique privée. Dans la majorité des municipalités où est constituée une cour municipale, les dossiers sont transmis au procureur de la poursuite par le greffe de la cour municipale. Le suivi des procédures judiciaires et la transmission des avis d'audition sont aussi assurés par le greffe du tribunal.

L'AGCMQ recommande donc de modifier l'article 192.1 afin d'y ajouter «et le greffe du tribunal» après «en avise par écrit le poursuivant». Donc, on aviserait le poursuivant et le greffe de la présence d'un avocat. De cette façon, les différents avis que le greffe pourrait avoir à transmettre se rendraient directement au procureur du défendeur.

À la page 6 du mémoire, l'article 41 du projet de loi, il faut savoir qu'une proportion importante des défendeurs qui ont enregistré un plaidoyer de non-culpabilité décide de ne pas se présenter à l'audition. Un nombre encore plus significatif néglige même d'enregistrer le plaidoyer. Le Code de procédure pénale permet l'instruction de la cause en l'absence du défendeur. Par ailleurs, il existe la rétractation de jugement — dont vous avez discuté auparavant — pour parer aux situations où le défendeur, pour différentes raisons, aurait été empêché de se présenter à son procès.

L'association considère donc superflu puis source potentielle de grandes difficultés le nouvel article 192.2. Une telle disposition risque de complexifier la gestion des audiences, d'augmenter le nombre de séances, de prolonger indûment les délais d'audition avec l'inscription d'un mandat d'amener qui pourrait être exécuté seulement très longtemps plus tard, d'accroître la charge de travail des services policiers puis des coûts pour les corps policiers. Il est donc primordial que cet article-là soit retiré du projet de loi.

On passe par la suite au programme d'adaptabilité. L'association — puis ça peut être une surprise pour plusieurs — recommande fortement qu'aucune liste d'infractions ou de catégories d'infractions visées par ce programme ne soit établie par règlement. La poursuite devrait disposer de toute la latitude nécessaire pour le traitement de ces dossiers. Par exemple, une personne admissible à ce type de programme devrait pouvoir y voir régler l'ensemble de ses dossiers. Certains individus présentent diverses difficultés puis accumulent une multitude de dossiers divers. Selon les dispositions actuelles du projet de loi, il pourrait être impossible de traiter tous les dossiers d'une même personne.

Je vous amène ensuite, pour garder le temps, à la page 7 du document, dans laquelle on traite de l'article 44 du projet de loi. Les articles 257 et 259 ont été calqués sur la pratique actuelle qui a été implantée dans certaines cours municipales. Ces municipalités ont établi divers programmes sociaux et, afin d'arriver à l'objectif poursuivi, ont adopté des pratiques créatives qui servaient les besoins, qui étaient... qui a sensiblement été reproduite dans le projet de loi. Cependant, la rétractation de jugement suivie du retrait de plainte est toutefois lourde administrativement tant pour la poursuite que pour le greffe du tribunal et pour les institutions avec lesquelles on transige, comme SAAQ ou la SOQUIJ.

Cependant, selon l'AGCMQ, il est possible de créer une méthode simple et efficace tout en respectant les objectifs des programmes sans en alourdir les procédures. Ainsi, l'AGCMQ propose de retirer l'article 44 du projet de loi et de plutôt rédiger une disposition qui créerait un nouveau recours qui pourrait s'appeler demande d'annulation de la peine monétaire, qui pourrait être présentable par le poursuivant par le biais de son procureur ou du percepteur des amendes.

On vous a rédigé à quoi pourrait ressembler la disposition. Donc, on pourrait inscrire : «Le poursuivant ou le percepteur des amendes peut également demander l'annulation de la peine monétaire à un juge lorsque le défendeur a complété un programme d'adaptabilité des règles relatives à l'exécution des jugements visé au deuxième alinéa de l'article 333.»

Il faudrait, par la suite, modifier l'article 259 pour qu'il soit cohérent avec cette disposition-là.

Une telle demande rencontrerait les besoins des défendeurs, mais simplifierait aussi le processus judiciaire, respecterait les obligations des tribunaux quant aux règles liées à la tenue des plumitifs, et ce, tout en diminuant les coûts de fonctionnement.

Je vous amène ensuite à la fin de la page 7, qui est la demande d'imposition de peine d'emprisonnement. L'article 57 du projet de loi a fait sursauter plusieurs représentants des municipalités dans lesquelles est établie une cour municipale. Cette mesure semble contradictoire avec toute la philosophie qui vient à l'arrière.

Les recours aux dispositions relatives à l'emprisonnent pour défaut de paiement des sommes dues est utilisé dans un nombre vraiment marginal de dossiers comparativement au volume des dossiers qui est traité annuellement par les percepteurs des amendes. La demande d'imposition de peines d'emprisonnement n'est pas exclusive aux personnes vulnérables. Elle est souvent présentée pour des dossiers qui impliquent un simple mauvais payeur, un défendeur négligent, un défendant récalcitrant, des personnes qui rejettent toute forme d'autorité ou de structures étatiques ou judiciaires, qui, lorsqu'elles entrevoient la possibilité d'être incarcérées, ah! là, se présentent au greffe du tribunal et acquittent entièrement les amendes ou les sommes dues.

Les intervenants du réseau de la justice pénale ont pris connaissance des rapports de la commission Viens, qui recommande de modifier le Code de procédure pénale pour un terme à l'emprisonnement des personnes vulnérables en situation d'itinérance ou à risque de le devenir pour non-paiement d'amendes en lien avec les infractions municipales. Mais, en légiférant sur la possibilité de référer ces personnes à un programme d'adaptabilité, le législateur rencontre les besoins de ce type de clientèle sans mettre en péril la possibilité, pour le percepteur des amendes, d'exécuter les jugements rendus contre les autres types de défendeurs avec lesquels on transige. Pour toutes ces raisons, l'association recommande le retrait de l'article 57 du projet de loi.

• (16 h 40) •

Le Président (M. Bachand) : Me Perron, malheureusement, le temps est écoulé. Nous allons procéder à la période d'échange, s'il vous plaît. Parfait. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Est-ce que vous aviez quelques éléments? Je peux vous offrir du temps, là. Est-ce que vous aviez quelques éléments que vous vouliez compléter à votre présentation, avant que je vous... peut-être vous amène sur des points plus particuliers?

Mme Savoie (Sylvie) : Oui. Écoutez, on avait, à la page 10, concernant le tarif judiciaire en matière pénale. On voulait porter votre attention concernant l'annulation des frais de changement de plaidoyer, qui risque de générer des dépenses importantes.

Premièrement, il y a le traitement des plaidoyers de non-culpabilité... génère des processus coûteux et importants pour les organisations tels l'ouverture de dossier, divulgation de la preuve, inscription au rôle de cour, temps de cour, etc. Les frais actuels de changement de plaidoyer couvrent une partie de ces coûts. D'autre part, les rôles de cours pourraient être encombrés par des demandes de remise à répétition pour des dossiers dans lesquels les défendeurs désirent simplement gagner du délai en finissant par payer avant procès. Finalement, des plaidoyers de non-culpabilité sans réelle intention d'aller à procès risquent d'accroître les délais pour l'ensemble du système judiciaire. Pour toutes ces raisons, l'association demande le retrait de l'article 74 du projet de loi.

Et, finalement, concernant les poursuites en vertu de l'article 366, l'association des greffiers de cours municipaux du Québec voulait apporter son appui à l'Association des procureurs des cours municipales du Québec en leur permettant, finalement, de pouvoir agir selon ledit article.

Mme LeBel : Merci. Beaucoup de choses, beaucoup de choses qui sont beaucoup plus des points techniques, je comprends, qui relèvent... que vous notez dans votre pratique de greffier de cour municipale. Donc, merci pour cet angle et votre apport à la tentative de perfectionner ce projet de loi là.

Peut-être vous amener à l'article 1 qui est l'article 2.2 du Code de procédure civile, qui est l'article 1 du projet de loi, vous parlez du fait qu'il faudrait peut-être ajouter, là, «qui est disponible». Mais, si je vous lis l'article, et je le fais pour qu'on se comprenne bien, on parle de l'environnement technologique, naturellement, et l'article se lirait comme suit :

«2.2. Dans l'application du présent code, il y a lieu de privilégier — et non pas de rendre obligatoire, naturellement, mais de privilégier — l'utilisation de tout moyen technologique approprié qui est disponible tant pour les parties que pour le tribunal en tenant compte, pour ce dernier, de l'environnement technologique qui soutient l'activité des tribunaux.»

Donc, «qui est disponible tant pour les parties que pour le tribunal», est-ce que ça ne vient pas répondre à votre préoccupation où on disait... Donc, si ce n'est pas dans la cour où on se trouve, le juge ne pourra pas privilégier un moyen technologique. Et je ne veux pas manquer de respect, mais je me demande si d'ajouter «au sein de l'organisation» n'est pas un peu superflu dans ce sens-là. Je comprends votre préoccupation, on ne veut pas qu'elle se répercute sur le terrain, mais j'ai l'impression que la rédaction actuelle y répond.

Mme Perron (Marie-Claude) : En fait, c'est que, parfois, la technologie peut être disponible au Québec, là, mais pas nécessairement installée dans la salle de cour. Et ce qu'il faut s'assurer, c'est qu'on n'aurait pas l'obligation... un juge ne pourrait pas obliger la ville à installer cette technologie qu'on peut trouver dans les magasins, là, et, encore là, encourir des frais que la municipalité n'a peut-être pas les moyens, pour l'instant, d'installer cette technologie-là. C'est pour ça qu'on demandait à ce que ce soit indiqué «disponible au sein de l'organisation».

Mme LeBel : O.K. Mais donc, je comprends votre préoccupation, mais donc ce que vous me dites, c'est que, quand on parle... disponible pour les parties... tant pour les parties, donc on répond à la préoccupation de certaines associations qui disaient : Bien, les défendeurs n'ont pas toujours, en tout cas, l'accès à des moyens technologiques, donc, si les parties, les parties incluant le défendeur... n'a pas ces moyens technologiques là, le tribunal ne pourrait pas l'imposer ou ne pourrait pas privilégier l'utilisation de ce moyen technologique là, mais que, pour le tribunal, pour vous, ce n'est pas assez précis, c'est trop large, et ça ne pourrait pas vouloir dire le tribunal qui rend l'ordonnance. Parce qu'habituellement... Et je vais vous avouer que je vois mal un juge, une cour municipale dont la technologie n'est pas disponible, dire : On va privilégier le moyen technologique qu'on n'a pas. Je ne sais pas, peut-être que je m'avance, mais...

Mme Perron (Marie-Claude) : Bien, je ne veux pas mettre des gens dans l'embarras, mais ça a déjà été fait.

Mme LeBel : O.K. Vous pensez qu'un juge pourrait forcer une municipalité en rendant une ordonnance. On va le dire, on va se parler simplement, là.

Mme Perron (Marie-Claude) : C'est ce qu'on veut éviter.

Mme LeBel : O.K. Parfait. Donc, c'est votre préoccupation. Parfait.

Dans la... oui, le 3.3 de votre mémoire, page 6, quand on parle, plus particulièrement, des programmes d'adaptabilité, est-ce que vous êtes... Je m'excuse, d'entrée de jeu, je n'ai pas entendu, est-ce que vous travaillez personnellement dans des endroits ou des municipalités où ces programmes-là existent ou...

Mme Savoie (Sylvie) : ...ma part.

Mme LeBel : Non. Mais vos membres, oui, j'imagine, beaucoup de vos membres, effectivement.

Mme Savoie (Sylvie) : Oui, on a des membres, oui.

Mme Perron (Marie-Claude) : Moi, à Sherbrooke, il y en a, un programme, qui existe, qui a été appliqué à la Cour du Québec et pour lequel on attendait l'adoption du projet de loi pour l'appliquer aussi à la cour municipale.

Mme LeBel : O.K. Parfait. Superbe. À l'instar de beaucoup de groupes, pour des raisons diverses, vous ne recommandez pas, ou vous recommandez fortement, à l'inverse, qu'aucune liste d'infractions ou de catégories d'infractions, que ce soit par règlement, que ce soit à travers la loi, ne soit établie. Pouvez-vous élaborer là-dessus? Ça m'intéresse de connaître votre point de vue de greffiers des cours municipales. On a eu le point de vue des associations de la défense, etc., mais pourquoi vous ne pensez pas qu'il est judicieux ou approprié d'établir une liste d'infractions visées qui permettraient l'entrée, finalement, la porte d'entrée dans nos programmes?

Mme Savoie (Sylvie) : On veut s'assurer que le défendeur, peu importe l'infraction qu'il aura commise, tant au Code de la sécurité routière qu'à un règlement municipal, exemple, pour paix et bon ordre, nuisance, peu importe celui-ci, qu'on puisse tout embarquer les dossiers dans le programme d'adaptabilité. Donc, si on fait des catégories d'infractions puis on exclut le Code de la sécurité routière, bien, je vais me retrouver avec un individu qui a un statut de vulnérable, qui peut avoir 10 dossiers en vertu d'un règlement ou de règlements municipaux, puis là je vais avoir mes codes de la sécurité routière, que je ne pourrai pas inclure parce qu'ils vont être catalogués. Donc, mon individu, en bout de ligne, va pouvoir faire des programmes pour certains dossiers, mais ne pourra pas pour d'autres. Alors, je ne réglerai pas le problème dans son entièreté, on va séparer la poire, peut-être pas nécessairement en deux, mais mon problème va rester entier en matière de Code de la sécurité routière. Et c'est ce qu'on veut éviter en cataloguant certains règlements ou en imposant certains règlements assujettis aux programmes.

Mme LeBel : Dans le fond, votre préoccupation se situe, puis je veux bien comprendre, beaucoup plus au niveau des contrevenants qui auraient des contraventions multiples, dont certaines lui donnent accès au programme, sa situation aussi le justifie, là...

Mme Savoie (Sylvie) : Oui, oui, tout à fait.

Mme LeBel : Je vais toujours présumer que la situation de la personne...

Mme Savoie (Sylvie) : S'y prête, oui.

Mme LeBel : ...s'y prête. En plus, certaines des infractions, des constats donnent accès aux programmes, mais, dans la multitude, il y aurait quelques constats qui flottent qui ne seraient pas admissibles, et là vous dites : On ne pourrait pas régler ces problèmes-là.

Mme Savoie (Sylvie) : C'est ça. On ne pourrait pas régler l'ensemble.

Mme LeBel : O.K. Beaucoup plus qu'une personne qui aurait juste... on parle du CSR, peut-être qu'on ne l'exclura pas, peut-être qu'on va l'inclure, mais on jase pour fins... pour illustration.

Mme Savoie (Sylvie) : Oui, tout à fait.

Mme LeBel : Plutôt qu'une personne qui aurait juste du CSR, puis on disait : Elle, elle n'est pas admissible au programme. C'est moins problématique qu'une personne qui a des infractions multiples, dont des CSR qui traîneraient, là, dans tout ça.

Mme Savoie (Sylvie) : Oui, en effet. Puis, d'un autre côté, je ne trouve pas ça correct que quelqu'un qui aurait un paquet d'infractions au Code de la sécurité routière ne puisse pas avoir accès à un programme si on reconnaît que cette personne-là est toxicomane ou... bien, itinérante, peut-être un peu moins mais...

Mme LeBel : ...pas de voiture, là.

Mme Savoie (Sylvie) : ...qu'il y a quand même une problématique, puis là on leur dit : Bien non, lui... bien, si tu avais commis des infractions en matière de nuisance ou règlement paix et bon ordre, bien oui, on pourrait, mais là on ne peut pas. Ça fait que...

Mme LeBel : O.K. Donc, ça s'adresse aussi aux gens qui pourraient avoir juste des infractions dans une catégorie unique. Le fait d'exclure une catégorie ou une infraction, vous pensez que ça ne répond pas aux besoins de ces situations-là.

Mme Savoie (Sylvie) : Exact.

• (16 h 50) •

Mme LeBel : O.K. Est-ce que vous pensez aussi que ça permettrait... Est-ce que vous le voyez aussi sous l'angle de la souplesse pour les municipalités, de créer des programmes dans certaines catégories qui ne seraient peut-être pas visées et où la problématique serait différente? Parce qu'on a des milieux différents d'une municipalité à l'autre, on se retrouve au centre-ville de Montréal ou dans une municipalité plus rurale. Je veux dire, souvent, il y a des problématiques, ce n'est pas toujours les mêmes.

Mme Savoie (Sylvie) : Non, exactement.

Mme Perron (Marie-Claude) : Ce qui est bien important, dans tous ces programmes-là qu'on veut établir, et surtout pour la justice dans les cours municipales, c'est la spécificité des milieux. C'est pour ça que le système des cours municipales fonctionne bien, parce qu'il peut s'adapter d'une région à l'autre. Alors, le programme d'adaptabilité devrait suivre le même fonctionnement et pouvoir être modulé en fonction des besoins.

Mme LeBel : O.K. Peut-être en terminant — je vais laisser quelques minutes à ma collègue — un autre point sur lequel je veux peut-être voir, un peu, votre pensée, le point 3.3.3, page 7.10 de votre mémoire, qui s'adresse à la rétractation des jugements. Je comprends tout à fait votre préoccupation au niveau de la mécanique administrative, la difficulté administrative. Mais là où j'ai peut-être un bémol, puis je veux voir ce que vous en pensez... Bon. C'est sûr qu'on est en matière pénale, en matière de constats d'infraction, mais souvent il y a un stigma, quand même... on l'a vu, des fois, en politique... il y a un stigma attribué à avoir certaines contraventions ou un nombre de contraventions. Si la personne passe à travers un programme d'adaptabilité, est-ce qu'on n'a pas un avantage aussi, pour les fins d'amende également et de fardeau financier, mais aussi pour des fins de... j'allais dire réhabilitation sociale, là, de repartir avec une page blanche, de permettre la rétractation de jugement? Parce que, là, vous l'avez bien dit, ça quitte le plumitif, ce n'est plus... ça n'existe plus, ce n'est pas un antécédent au sens large du terme. On est en matière pénale et pas criminelle, je le sais, mais, des fois, dans certaines infractions pénales, il peut y avoir une certaine stigmatisation. Est-ce que vous ne pensez pas... Je comprends les raisons administratives, là, et les difficultés techniques. Ça, je les achète, dans le sens que je les comprends. Mais vous ne pensez pas qu'il n'y a peut-être pas là une espèce de difficulté pour le contrevenant, alors que le programme d'adaptabilité est dû aussi... a comme objectif aussi de lui redonner une valeur sociale à ses yeux, là?

Mme Perron (Marie-Claude) : Oui. Maintenant, la personne qui participe au programme d'adaptabilité, si on rétracte les jugements puis qu'on repart avec une page blanche, comme vous dites, si cette personne-là — parce que ça va arriver — va revenir dans notre giron, dans le giron de la cour, il peut avoir fait son programme d'adaptabilité, l'avoir bien réussi, retourner avec sa page blanche puis, quelque temps après, recommettre certaines erreurs, là, et revenir dans le giron. Ça va faire en sorte que les procureurs ne pourront pas savoir que cette personne-là a déjà fait un processus. C'est aussi au bénéfice du défendeur, pour qu'après ça on puisse, peut-être, poursuivre la démarche avec cette personne-là si elle revient dans le système. Alors, moi, je pense que ça n'est pas nécessairement à son détriment, c'est aussi à son bénéfice d'en garder une certaine trace.

Mme LeBel : ...trace. En matière criminelle, entre autres, il y a des programmes de non-judiciarisation où on explique au contrevenant, dans certaines catégories d'infractions, que, pour cette fois-ci, la poursuite ou le DPCP ne portera pas de plainte. Mais il n'a pas trois ou quatre chances au bat, c'est-à-dire qu'à un moment donné, s'il revient, ce n'est pas, techniquement, une récidive au niveau juridique, mais on garde une trace du fait qu'il a déjà bénéficié du programme. Donc, il y aurait quand même possibilité de garder des traces à l'effet que tel type d'individu a déjà bénéficié du programme, même si moi, je ne pourrais pas aller au plumitif et aller rechercher ses infractions antérieures.

Mme Perron (Marie-Claude) : Je comprends.

Mme LeBel : Vous ne pensez pas qu'il n'y a pas moyen de combiner ces préoccupations-là?

Mme Perron (Marie-Claude) : Bien, il y a peut-être moyen de trouver une façon de faire qui serait autant au bénéfice du défendeur, avec les éléments que vous apportez, que celui de l'administration qui n'alourdirait pas le processus judiciaire.

Mme LeBel : O.K., donc essayer de voir... ménager la chèvre et le chou.

Mme Perron (Marie-Claude) : Oui.

Mme LeBel : Merci. Ma collègue de Les Plaines.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Les Plaines, s'il vous plaît.

Mme Lecours (Les Plaines) : Rapidement, j'imagine?

Le Président (M. Bachand) : Pardon? Quatre minutes, Mme la députée.

Mme Lecours (Les Plaines) : Ah! c'est bon. O.K., parfait. Bien, d'abord, merci pour votre mémoire. Il est vraiment intéressant puis très précis sur des points très précis. Puis c'est le fun d'avoir votre point de vue aussi, parce que vous êtes là tout le temps, vous... En tant que greffiers et greffières, vous êtes au coeur de l'action, disons, puis, justement, de l'application d'une loi comme celle-là. Je veux juste revenir sur la présence du défenseur, à votre point 3.2.4, lorsque vous parlez, là, de... Vous dites que le 192.2 est superflu puis qu'il faudrait le retirer ou, à tout le moins, si ce n'est pas retiré, le législateur maintient cette... on maintient cette disposition, ce recours devrait être autorisé par le juge sur demande du poursuivant seulement. Qu'est-ce que vous suggérez à ce moment-là? Avez-vous une suggestion? Avez-vous quelque chose...

Mme Perron (Marie-Claude) : Bien, moi, je vous dirais le maintien du statu quo. Parce que la personne, actuellement... je veux me référer au bon endroit dans le projet de loi, là... mais, ici, c'est celui où... je veux juste ne pas me tromper, là... Oui, c'est ça. Oui, c'est le bon article.

On permet, dans cet article-là, au juge d'exiger la présence du défendeur. Auparavant, on a traité des dossiers qui sont jugés par défaut en l'absence du défendeur. Et, ce qu'on vous dit dans le document, c'est quand un jugement est rendu en l'absence du défendeur, il existe déjà la possibilité, pour le défendeur, de revenir avec une demande en rétractation du jugement, soit la part du défendeur, soit la part de la poursuite... des fois, il y a des dossiers dans lesquels c'est la poursuite qui présente sa rétractation de jugement... et de recommencer... puis s'il avait été empêché de se présenter à son procès. Donc, il n'y a pas nécessité d'ouvrir à l'exigence de la présence du défendeur par le juge puis d'émettre, éventuellement, un mandat d'amener qui est enregistré au centre de renseignement policier, et que, si, à un moment donné... parce que je doute que les systèmes policiers se mettront à aller chercher les gens... donc, si, à un moment donné, on le rencontre, bien, on le ramène devant la cour. C'est, selon nous, inutile ou non nécessaire parce que tous les autres moyens existants... sont déjà existants de procéder dans son dossier ou de revenir s'il n'avait pas eu la possibilité de se présenter.

Mme Lecours (Les Plaines) : O.K. Donc, c'est de maintenir ce qui existe actuellement.

Mme Perron (Marie-Claude) : Le statu quo.

Mme Lecours (Les Plaines) : O.K., le statu quo. D'ordre général, qu'est-ce que vous considérez comme étant des incontournables dans le projet de loi qui a été présenté qui sont des... que les avenues sont les... intéressantes?

Mme Savoie (Sylvie) : Bien, nécessairement, là, le fait qu'il n'y ait aucune liste, là, d'infractions, pour nous, ça, c'est le gros du dossier.

Mme Lecours (Les Plaines) : Le point tournant.

Mme Savoie (Sylvie) : Oui, c'est ça, exactement, pour, justement, être en mesure, quand on a un défendeur devant nous qui rentre dans la catégorie des personnes vulnérables, qu'on ne soit pas contraints, justement, à une liste d'infractions, mais qu'on n'a pas à se soucier de ça à partir du moment où la personne est reconnue comme étant vulnérable ou à risque, ou appelez-la comme vous voulez, à ce moment-là, qu'elle puisse bénéficier du programme, si programme existe, bien entendu. Puis, je pense qu'avec ce projet de loi là tout ce que ça va faire, c'est que les gens vont enclencher le pas puis tenter, à tout le moins, d'en implanter pour ceux qui n'en ont pas. Puis, on le voit avec la cour municipale de Montréal, la cour municipale de Québec, ça fonctionne bien. Parce qu'il ne faut pas se leurrer, ces gens-là, on ne les veut pas... on ne tient pas à ce qu'ils reviennent devant nous. Ce qu'on veut, c'est réhabiliter ou, à tout le moins, faire en sorte que ces gens-là fonctionnent, parce que de les retrouver dans le système judiciaire, c'est du temps, c'est de l'argent, c'est... il n'y a rien de positif.

Mme Lecours (Les Plaines) : ...

Mme Savoie (Sylvie) : Exactement. Donc, c'est quoi le but? Bien, c'est de tenter, justement, de faire en sorte que ces gens-là puissent fonctionner puis d'éviter les tribunaux. Parce que, là, aujourd'hui, ils peuvent être à Sainte-Adèle, mais il n'est pas dit que, dans un an ou deux, ils ne se retrouveront pas à Sherbrooke, parce qu'à Sainte-Adèle on va avoir réussi, peut-être, à faire je ne sais pas quoi, puis ils vont s'en aller à Sherbrooke, puis ça ne fonctionnera pas. Ça fait que ce qu'on veut, c'est d'essayer de réhabiliter ces gens-là puis de faire en sorte que le programme puisse leur être bénéfique, mais à long terme.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

• (17 heures) •

M. Tanguay : Oui, merci beaucoup. D'abord, bienvenue, Mme Savoie et Me Perron. Merci beaucoup d'être avec nous cet après-midi. Puis je pense que vous avez... ce qui est intéressant avec les différents et différentes intervenants, intervenantes, c'est le regard différent que tout un chacun peut avoir sur le système de justice. Et vous, à titre de représentantes de l'Association des greffiers de cours municipales du Québec... puis je... la question... je devrais poser la question, mais me suis... je vais me répondre moi-même, là... en vertu de l'article 62 de la loi sur la cour municipale, vous êtes multitâches. Je veux dire, vous êtes... notamment, recevoir les serments, affirmations, solennelles, lancer les assignations de témoins, autoriser les modes spéciaux de signification, assister le juge lors des séances. Puis je suis certain que, des fois, vous assistez à des séances et vous avez votre propre jugement. Évidemment, vous ne l'exprimez pas, mais, après x nombre d'heures d'audition, je pense que vous commencez à être très, très bien informées de... Tantôt, de voir de visu, devant vous, avec, donc, dans certains cas, des heures de cour, d'expertise, d'avoir des femmes, des hommes qui sont devant la justice et qui vont tantôt, de façon heureuse ou moins heureuse, faire valoir certains aspects de la vie de tous les jours qu'on a à vivre. Et vous êtes à même de voir ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas et même, donc, de proposer des approches qui permettent non seulement que jugement soit rendu, mais que justice, également, puisse être reconnue et rendue.

Dans un élément qui est... Évidemment, l'utilisation des moyens technologiques... On a eu, hier, l'avantage, le bénéfice d'entendre L'Association des groupes d'intervention en défense de droits en santé mentale du Québec, et eux nous parlaient de la fracture numérique. Et c'est bien beau, avoir une procédure, par exemple, de jugement par défaut, et, par la suite, d'avoir une procédure de rétractation si la personne désire y aller en ce sens-là...

Et, dans ma pratique, à l'époque, en matière civile, j'avais eu l'occasion de voir... Des fois, on veut signifier... J'avais fait une signification dans l'huis de la porte, qui est la façon de fonctionner. Bien, mon jugement par défaut, je ne l'avais pas eu, parce que... et puis c'est tout à fait correct, parce que Mme la juge avait déclaré... elle voulait avoir l'assurance, avant de procéder par jugement par défaut, que la personne avait bel et bien été signifiée. Donc, en vertu de la mécanique du code, c'était échec et mat, mais... et c'est tout à fait... Et je respecte la décision qui avait été rendue. Dans les faits, Mme la juge avait décidé et voulait qu'il y ait preuve, donc, dans un cas. Et, par la suite, la personne était venue et avait pu expliquer sa situation toute particulière. Donc, quand on dit : On veut avoir plus d'efficacité... Et là je prêchais, à l'époque, par efficacité, je veux dire, cocher la case il a été signifié dans l'huis de la porte, mais, non, maître, vous n'aurez pas votre jugement par défaut. L'efficacité, oui, doit nous guider.

Et on peut, je dirais, puis ce n'est pas péjoratif, s'emballer pour les façons nouvelles de faire, entre autres en matière de moyens technologiques. Mais qu'avez-vous à dire... Puis j'aimerais avoir votre regard, je dirais, de praticienne de cour de justice, au greffe et lors des séances, lorsque l'on veut que justice soit rendue et que la personne ait été dûment signifiée et appelée. À la lumière de ce qui nous a été dit hier, là, la fracturation, la fracture technologique... Par contre, la fracture technologique... Vous, vous dites : Bien, on pourrait peut-être même permettre qu'il y ait signification non seulement par publication... par avis public, mais sur les sites Internet des municipalités, entre autres. Alors, s'il y a une fracture technologique... J'aimerais savoir votre réflexion par rapport à ça, parce que vous avez dû en voir passer, des cas où les personnes... On n'est pas tous... Nous ne sommes pas tous à la même page technologique.

Mme Perron (Marie-Claude) : Bien, tout d'abord, il faut savoir que les constats d'infraction, qui sont une grande partie de ce qui est traité dans les cours municipales et aussi une partie criminelle, mais, ici, on parle ici de la partie pénale, les constats d'infraction sont presque tous signifiés personnellement aux gens au moment de l'infraction par les policiers, si j'exclus les stationnements, là. Le reste, là, c'est presque toujours signifié personnellement en main propre au défendeur.

Les stationnements, eux, sont signifiés sur les véhicules — puis là je vous parle de la pratique, vous nous avez demandé notre avis au niveau de praticiens — donc, sont signifiés sur les véhicules. Et il existe, par après, la procédure par laquelle on doit envoyer un avis au propriétaire du véhicule si aucun plaidoyer n'a été enregistré. Donc, après un certain nombre de jours, un avis est envoyé au propriétaire du véhicule qui a été identifié pour s'assurer qu'il a bien été informé de l'existence de son constat d'infraction. Alors, ça, c'est le premier élément.

Sur les constats d'infraction, il y a un document qui s'appelle... Comment il s'appelle? Le document pour... la réponse. La réponse, à l'arrière, la réponse. La personne va enregistrer son plaidoyer de culpabilité ou de non-culpabilité. Et le projet... ou ce que les cours municipales... ce vers quoi elles s'en vont, c'est que, lorsque le défendeur enregistre, bon, admettons, son plaidoyer de non-culpabilité, il va indiquer son nom, son adresse, et tout ça, et son adresse courriel, qu'on lui demanderait, avec un élément qui lui dirait : Êtes-vous d'accord pour qu'on vous signifie le reste par moyen technologique? Donc, s'il y a d'autres... On communiquerait avec vous par courriel ou par d'autres moyens, s'il y a lieu. Et puis, à ce moment-là, on peut communiquer avec lui.

Mais l'adoption de telle ouverture dans le projet de loi va aider beaucoup à cette façon de faire là, parce que, si la signification est permise, bien, il y a un petit peu plus de procédures qui vont pouvoir lui être transmises de cette façon-là. Alors, c'est pour ça qu'on voit d'un bon oeil la modernisation du Code de procédure pénale pour en arriver à l'ère de 2019. Maintenant, quand vous me parlez des gens qui n'auraient peut-être pas accès aux moyens technologiques, bien, les comptoirs ou... le greffe du tribunal demeurera toujours ouvert. Il est donc possible aux gens, comme dans les autres tribunaux, d'obtenir son information ou de se présenter sur les lieux pour transiger, là, pour continuer son processus.

M. Tanguay : Et, dans le cas que vous souleviez, effectivement, de permettre, en janvier d'une année, d'être signifié par courriel, par exemple, ça peut changer, ça aussi, parce que, des fois, la vie des gens change. On peut être... On peut sortir de son domicile, ne plus avoir accès à ses courriels. Donc, quand on fait référence, notamment, à ces réalités-là, dans la fracture numérique, la vie des gens peut évoluer dans le positif ou dans le négatif, et cette fracture-là peut survenir. Donc, il y a cet aspect-là, également, qui est à tenir en compte.

Et il y a un autre élément sur lequel j'aimerais vous... Vous dites : «Il est primordial que l'article 41, qui introduit l'article 192.2, soit retiré. Il s'agit de l'article[...]. Un nombre encore plus significatif négligent d'enregistrer un plaidoyer. Le code permet l'instruction de causes en l'absence du défendeur. La demande de rétractation de jugement vise à parer aux situations où le défendeur, pour différentes raisons, aura été empêché de se présenter à son procès. L'association considère superflu et source potentielle de grands conflits le nouvel article 192.2.» J'aimerais vous entendre plus d'abondants sur cette disposition, s'il vous plaît.

Mme Perron (Marie-Claude) : Oui, bien, comme je vous disais tantôt, c'est l'article où — 192.2 — on indique qu'un mandat d'amener peut être émis contre quelqu'un parce que le juge aurait exigé la présence du défendeur au moment de l'audition. Ce qu'on vous dit, c'est que tout le code, auparavant, prévoit de quelle façon on doit procéder et le fait qu'on peut procéder en l'absence du défendeur. Parce que, dans la pratique, ce qu'on voit, c'est que plusieurs, plusieurs personnes enregistrent un plaidoyer de non-culpabilité. On leur envoie l'avis d'audition pour dire : C'est telle date. Vous devez vous présenter pour venir présenter votre défense au tribunal. Et cette personne-là ne se présente pas. Mais elle ne se présente pas pour toutes sortes de raisons. Elle peut ne pas se présenter parce qu'elle ne veut pas manquer une journée de travail pour venir expliquer son infraction, elle peut... Il y a toutes sortes de raisons pour lesquelles il ne se présente pas. Et puis on donnerait, par cet article-là, la possibilité au juge de dire : Bien, il n'est pas là, donc, moi, j'exige sa présence, et on va émettre un mandat d'amener pour aller chercher cette personne-là pour l'obliger à se présenter devant la cour, présenter sa défense. Mais elle a peut-être juste décidé de ne pas venir puis qu'elle va payer son constat au complet.

M. Tanguay : À ce niveau-là, puis je ne défends pas l'article 192.2, mais je veux bien comprendre votre argument, si un juge croit que c'est dans l'intérêt de la justice, vous ne trouvez pas de bon aloi de permettre ça au juge?

Mme Perron (Marie-Claude) : Bien, nous ce qu'on dit, c'est que, si le législateur tient à garder cette disposition-là, on a ajouté une phrase qui dit qu'il faudrait que ce soit sur demande du poursuivant. Donc, si le poursuivant, pour une raison quelconque, disait : Bien, ce défendeur-là, on a vraiment besoin qu'il se présente, alors, il pourrait demander au juge d'exiger sa présence — je ne vois pas dans quelle situation ça pourrait arriver, là, mais, si c'était le cas — pour éviter que toute la notion des jugements par défaut disparaisse. Comme on a écrit, ça veut dire augmenter énormément le nombre de séances, prolonger les délais. Puis là on est dans l'ère où on a un arrêt de la Cour suprême, Jordan, qui est venu nous dire qu'avec des délais, on peut mettre fin à des auditions. Donc là, on prolonge les délais, on doit enregistrer un mandat d'amener, il faut que les policiers travaillent et dépensent des ressources et des deniers publics pour aller chercher ces gens-là pour les ramener devant le tribunal. Donc, c'est pour toutes ces raisons-là qu'on avait adopté cette position.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Gouin, s'il vous plaît.

• (17 h 10) •

M. Nadeau-Dubois : Merci. Merci à vous d'être ici aujourd'hui. C'est intéressant, parce qu'on vient d'avoir une discussion sur la question de l'emprisonnement avec les deux intervenantes qui vous ont précédés, puis, dans votre mémoire, vous défendez une position différente. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que vous, vous jugez que, déjà, le projet de loi va trop loin. Les gens qui vous précédaient souhaitaient que ça aille encore plus loin. Vous jugez que, vous, déjà, identifier par règlement des infractions, ça va déjà trop loin.

Sur la question de l'emprisonnement, donc, j'aimerais... Puis j'aimerais, d'abord, vous donner l'opportunité de répondre aux arguments qui ont été invoqués par les gens qui vous ont précédées. C'est-à-dire, qu'est-ce que vous répondez à l'idée selon laquelle l'emprisonnement, en fait, n'est même pas nécessaire, parce que la dette elle-même est un incitatif puis un poids suffisant sur les épaules des gens pour rendre bien attirants les programmes d'adaptabilité? Vous, vous dites explicitement, dans votre mémoire, que, sans le levier du recours à l'emprisonnement, la clientèle vulnérable n'a plus d'intérêt de s'impliquer dans une démarche d'adaptabilité.

Mme Perron (Marie-Claude) : C'est effectivement ce qu'on a écrit dans le mémoire. Et puis, pour répondre, on n'est pas totalement sur des voies qui ne sont pas les mêmes. Parce que j'écoutais l'intervenante avant nous, et il y a beaucoup d'éléments sur lesquels on a le même point de vue quand on parle de personnes vulnérables, ou en situation d'itinérance, ou qui l'ont déjà été. Donc, ce qu'on a précisé, là-dedans, c'est que ce qu'on oublie souvent, c'est que ce n'est pas seulement et uniquement cette clientèle-là qu'on a. Malheureusement, il y a une clientèle... malheureusement ou... c'est un fait, là, il y a une clientèle, dans une bonne proportion, qui est tout simplement réfractaire, ou récalcitrante, ou peu importe comment on la nomme, qui est un mauvais payeur et qui refuse de payer.

Il y a quelques années, l'emprisonnement a été enlevé pour toutes les infractions au Code de la sécurité routière puis en matière de stationnement. Bien, en ce moment, on a, dans nos cours municipales, et probablement aux cours du Québec qui traitent des constats d'infraction aussi, certains citoyens qui ont accumulé des dizaines de milliers de dollars de constats d'infraction qui demeurent impayés, que... cette personne-là, on n'est pas capable de lui trouver un emploi, parce que... pour toutes sortes de raisons, essayer de trouver où travaille cette personne-là pour aller lui faire acquitter ses sommes, mais ça ne se produit pas, on ne le trouve pas, ou qui n'ont pas à eux-mêmes un véhicule, mais qui utilisent les véhicules des autres et qui accumulent, qui accumulent, puis on n'a pas de levier, il n'y a rien à faire avec ces gens-là. Donc, ce sont des dossiers qui s'accumulent.

Ce qu'on indique ici, c'est que, si on met une liste des catégories d'infractions qui fait en sorte qu'on ne peut plus utiliser la peine d'emprisonnement pour toute cette autre liste là additionnelle, bien, les percepteurs n'auront plus de levier pour aller chercher ces sommes-là.

M. Nadeau-Dubois : Oui, mais l'intention...

Le Président (M. Bachand) : ...déjà passé. Désolé. Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît. Désolé.

Mme Hivon : Oui. Merci beaucoup. Je vais continuer exactement dans la même veine. En fait, de votre point de vue, j'imagine que vous voulez pouvoir percevoir le maximum, donc, évidemment, l'emprisonnement fait que ça met fin à la dette, donc il n'y a pas de possibilité d'étalement ou de retrouver les sommes. Donc, quand vous arrivez à cette option-là, ultime, de votre point de vue à vous... quel est l'intérêt, pour vous, pour les municipalités?

Mme Perron (Marie-Claude) : Bien, l'objectif d'aller à la demande d'imposition de peine d'emprisonnement n'est jamais d'emprisonner la personne. C'est...

Mme Hivon : Non, je comprends, mais...

Mme Perron (Marie-Claude) : C'est de la convaincre de payer son constat d'infraction. Et je maintiens ce que je dis depuis le début, c'est que les personnes en situation de vulnérabilité, si on adapte des programmes pour ces personnes-là, ça va être bénéfique pour le système, parce que, comme on le disait tantôt, on ne veut pas avoir ces gens-là ni dans le système ni dans les prisons. Il n'y a donc pas d'avantage pécunier à envoyer ces gens-là en prison, surtout pas pour le gouvernement.

Mme Hivon : Non, ça, c'est sûr.

Mme Perron (Marie-Claude) : Alors, l'intérêt, c'est d'être une mesure dissuasive pour la catégorie de mauvais payeurs, qui est une catégorie bien précise qui n'est pas celle des personnes en vulnérabilité ou en situation d'itinérance.

Mme Savoie (Sylvie) : Parce que, voyez-vous, ce à quoi on fait face, présentement, avec toute infraction commise en matière de circulation ou stationnement... Les gens ont des constats d'infraction, les cumulent, n'ont pas de permis, comme disait ma consoeur, prennent les véhicules des autres ou carrément plaquent le véhicule au nom de quelqu'un d'autre, se promènent, se font réarrêter. C'est des contraventions, là, à 300 $ d'amende, plus 180 quelques, c'est des constats à au-dessus de 500 $ en partant, là. Je peux-tu vous dire que ça va vite. Bien, c'est gens-là n'ont pas d'incitatif à même faire des travaux compensatoires. On comprend que ces gens-là peuvent ne pas avoir d'argent pour payer. Ça, ça va, puis on a compris le principe qu'on ne sortira pas d'eau d'une roche.

Puis on a un beau système qui est en place, qui s'appelle les travaux compensatoires. Mais ces gens-là ne font même pas de travaux compensatoires. Pourquoi? Parce qu'il n'y a plus rien après. Puis les demandes d'imposition de peine d'emprisonnement en vertu de l'article 366, qui sont soumises au DPCP ou qui se doivent d'être soumises au DPCP... Le DPCP, là, il a d'autres chats à fouetter, là, je peux-tu vous dire? Ça fait que nos demandes d'imposition de peine d'emprisonnement, là, elles ne sont pas accordées. On l'a rodé, le système. On l'a essayé puis, en bout de ligne, on n'a pas de résultat.

Qui plus est, même si le DPCP en vient à émettre un constat d'infraction en vertu de 366, il faut qu'il le signifie. Il a un an, la prescription est d'un an. Essayez de trouver l'individu. Constat, en bout de ligne, il est prescrit. Qu'est-ce qu'il arrive? La dette est toujours là. La dette n'est pas éteinte. On ne s'en sort pas, on tourne en rond. Nous, ce qu'on cherche, c'est d'avoir un système qui va fonctionner, que ça soit par... pour les gens qui sont à problèmes, les personnes vulnérables, les toxicomanes, les... cette clientèle-là, de par les programmes, chapeau, on est content. On est fier de ça. Mais on a les autres aussi, ce n'est pas tous des gens qui ont des séries de constats qui rentrent dans cette catégorie-là. On a les autres qui ne veulent juste pas, qui sont des mauvais payeurs, qui sont des gens récalcitrants. Bien, faites... Si vous n'êtes pas en mesure de payer, ce n'est pas grave, on a un programme de travaux compensatoires qu'on peut vous offrir. Bien, pourquoi que je ferais des travaux? Pourquoi moi, je ferais des travaux? Il n'y a plus rien après.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, c'est tout le temps qu'on avait. Merci infiniment de votre participation.

Je suspends les travaux quelques instants. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 17 h 17)

(Reprise à 17 h 18)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir les représentants la Clinique droits devant. Alors, vous connaissez maintenant les règles. Vous avez 10 minutes de présentation, et, après ça, donc, une période d'échanges. Je vous inviterais à vous présenter tous les deux avant de débuter votre exposé. Encore une fois, bienvenue.

Clinique droits devant

Mme Fortin (Véronique) : Merci beaucoup. Bonjour, je suis Véronique Fortin, je suis membre du conseil d'administration de la Clinique droits devant. Je suis aussi professeure à la faculté de droit à l'Université de Sherbrooke, mon collègue, ici, Bernard St-Jacques, qui est directeur de la Clinique droits devant.

La Clinique droits devant, c'est un organisme communautaire qui est basé à Montréal qui propose un accompagnement social en milieu judiciaire à des personnes en situation d'itinérance, qui l'ont été ou qui sont susceptibles de l'être, afin de faciliter la régularisation de leur situation judiciaire.

Je tiens à dire que ce ne sont pas des avocats, des avocates, ce sont des intervenants sociaux qui oeuvrent dans le milieu judiciaire et qui offrent un accompagnement et de l'information juridique et non pas des opinions juridiques.

Et on est aussi, la Clinique droits devant, la porte d'entrée du Programme accompagnement justice itinérance à la cour municipale de Montréal, le PAJIC, dont on a beaucoup entendu parlé dans les derniers jours. Donc, on est l'organisme qui travaille en collaboration avec les procureurs de la poursuite de la cour municipale.

On a présenté un mémoire qui se consacre uniquement aux dispositions du projet de loi qui prévoit des mesures permettant de tenir compte de la situation sociale de certains défendeurs, évidemment, les personnes en situation d'itinérance ou à risque de l'être, dans notre cas. C'est ce à quoi on va se consacrer dans notre présentation.

Quelques remarques préliminaires que nous voulons faire avant de faire ressortir quelques points de notre mémoire ensuite, donc quatre remarques préliminaires...

Les infractions à la source de la judiciarisation, qui entraînent des dettes judiciaires pour les personnes susceptibles de participer à des programmes d'adaptabilité, sont de faible gravité. Il ne faut jamais l'oublier. Les infractions à la source de la judiciarisation sont aussi souvent le fruit de profilage, profilage racial, profilage social, il y a plusieurs recherches qui l'ont démontré, les recherches de Marie-Eve Sylvestre, Céline Belleau de la commission Viens, de la commission des droits de la personne, d'autres encore. Il ne faut pas faire en sorte que des mesures alternatives dans des programmes d'adaptabilité sont, au final, plus longues, plus punitives, plus contrôlantes que la peine qui aurait été prévue pour l'infraction à la source des mesures. Puis, finalement, dans tout programme d'adaptabilité, on s'adapte à qui? On s'adapte aux justiciables, mais il est important, il est primordial que la personne défenderesse soit au coeur du processus puis que les conditions, les mesures alternatives soient déterminées de concert avec elle et qu'elle soit impliquée dans le processus tout au long des démarches.

Pour les minutes qu'il nous reste, on va mettre l'accent sur les points suivants notre mémoire. Donc, en quelques minutes, trop brièvement sans doute, pour réellement rendre justice à la complexité des réalités, nous expliquerons d'où viennent les personnes qui sont susceptibles de participer à des programmes d'adaptabilité puis quelles sont leurs réalités, justement. Ensuite, nous expliquerons l'impact positif du retrait des dossiers de l'effacement d'une dette judiciaire ainsi que les conditions gagnantes pour qu'un programme d'adaptabilité colle à la réalité des personnes. Puis, s'il nous reste du temps, nous soulignerons quelques problèmes avec le projet de loi actuel, qu'on a déjà notés dans notre mémoire, notamment avec les mesures alternatives dans le cadre de programmes d'adaptabilité des règles relatives à l'exécution des jugements puis les dispositions sur l'emprisonnement pour non-paiement d'amendes. Donc, je passe la parole à mon collègue.

• (17 h 20) •

M. St-Jacques (Bernard) : Merci. On a entendu différentes présentations depuis hier. Je pense qu'on est plusieurs personnes à être passées devant vous qui savons de quoi on parle. Il faudrait parler peut-être un peu plus des personnes. Qui sont ces personnes de qui on parle? Pour nous, on parle de personnes en situation d'itinérance, des gens qui, d'abord, souvent, été victimes de profilage, donc subi l'injustice, qui passe principalement par une remise de contraventions — on les sanctionne en fait pour des gestes qui sont souvent commis par toutes personnes — des gens qui ne cadrent pas dans le système de façon générale puis là on va essayer de les cadrer dans un système de justice. C'est des gens qui font des gestes dans la sphère publique, gestes que nous faisons peut-être au quotidien dans la sphère privée. C'est des gens qui n'auraient probablement, pour beaucoup de cas, dû jamais être dans ce système judiciaire là.

Alors là, la personne, elle rentre dans un programme puis elle peut être de différents niveaux d'ancrage en lien avec sa sortie de rue, son ancrage dans la rue encore, et là on va voir ça va être quoi, les démarches qui vont pouvoir être établies pour viser différents aspects de son rétablissement, ce qui va être très complexe en soi, parce que je pense qu'on doit... on ne peut pas regarder ça en regardant ça juste sur l'angle du logement et de la consommation quand on pense à une personne en situation d'itinérance, il faut aller vraiment au-delà de tout ça, et c'est en ce sens-là que la présence d'intervenants et d'intervenantes sociaux et sociales va être centrale afin de bien apprécier la valeur des efforts et de pouvoir, un peu, voir d'où vient cette personne-là.

Bien honnêtement, une personne qui vient à la Clinique droits devant, qui est encore ancrée dans la rue, c'est miraculeux. Une personne que ça fait trois mois qu'elle dort dans le même lit après sept ans dans la rue, c'est miraculeux. Est-ce qu'on va en tenir compte quand on va mettre nos programmes d'adaptabilité en place et soupeser l'importance que ça requiert? Trois rechutes dans trois thérapies de suite, pour beaucoup, c'est un échec. Mais non, il y a une reconnaissance d'un problème par la personne, un problème lié, peut-être, à la toxicomanie ou à la dépendance, et on ne saura jamais à quel point la rechute fait partie du rétablissement à très long terme. On ne peut pas passer à côté de facteurs de cet ordre-là. Donc, d'où l'importance de toujours plus de souplesse. On a parlé de souplesse, de flexibilité, elle peut être possible, peut-être, dans le projet de loi aussi à l'extérieur.

Si on regarde... On a des dispositions qui concernent, entre autres, la poursuite, on en a d'autres qui relèvent plus de l'exécution des jugements, mais il faut avoir une vision d'ensemble, hein? On peut mettre des acteurs ensemble, on peut mettre un greffe et une perception des amendes qui va travailler avec des organismes communautaires, avec la poursuite. Tous ces acteurs-là peuvent se mettre ensemble, et on peut faire un vase communicant entre ces différents éléments qu'on retrouve dans l'actuel projet de loi.

Prenons un exemple : une personne, elle a 100 constats d'infraction, 25 non jugés et 75 jugés. Alors, pour commencer, plutôt que de nous imposer, si c'est possible, cet exercice difficile, voire impossible, de traduire une dette quantitative en démarche qualitative dans le cadre d'un programme, bien, on pourrait dire... on pourrait envisager la rétractation de jugement des 75 constats d'infraction qui sont dits jugés. Et là c'est bien, parce qu'on se met avant... C'est comme si on mettait l'ensemble de la situation de la personne avant que la décision ait été prise.

Et là c'est dans ce contexte-là qu'on discute. Puis là on jase. On établit, ensemble, des termes du programme que la personne va suivre. On pourrait arriver et dire : Aïe! On sait que la personne fréquente des organismes puis elle a un intervenant pas mal pivot, là, qu'elle rencontre sur une base régulière, puis elle a même commencé des démarches liées à sa consommation, peut-être de la diminution, ou, en tout cas... elle consomme encore, mais dans un cadre un peu plus sécuritaire qu'avant. On pourrait dire : Bien, j'enlève 25 % ou 30 % des constats d'infraction immédiatement avant même qu'elle commence le programme parce qu'elle a déjà fait des choses pour essayer d'améliorer sa situation. Elle continue. On y va, on est trois mois... évidemment, le programme se met en place à travers ça, on a identifié, évidemment, les objectifs. Trois mois plus tard, il y a des indices intéressants de stabilité résidentielle, elle va peut-être pouvoir rester en logement, les choses se stabilisent un peu. Elle a rebâti le lien avec des personnes de sa famille ou, dans le cas de personnes autochtones, bien, elle a commencé à développer des activités liées à ses réalités culturelles et historiques passées, il y a un lien qui se refait avec sa communauté. 25 %, 30 % de constats d'enlevés encore dans une autre audience à la cour. On est... après quatre mois, cinq mois du programme. Et on continue comme ça. Puis, après huit mois, après un an, en voyant, en soupesant avec la personne, en le faisant en lien avec elle et avec différents partenaires, bien, on en arrive avec assez de souplesse à la fin du processus.

Et là il ne faut pas penser que tout est fini. Souvent, la réalité des personnes est... La personne va être encore fragile. Sauf qu'il y a quand même la finalisation, il faut quand même la voir aussi comme un levier. Donc, des fois, ce n'est pas fini. Le travail n'est pas fini, mais il faut voir jusqu'à quel point... Et c'est là, là, le plus difficile pour nos procureurs, c'est : C'est-tu fini ou ce n'est pas fini, le programme? Mais, à un moment donné, des fois, il faut une poussée, il faut voir. Ça fait qu'une souplesse va être inébranlablement importante dans ce contexte-là.

Puis je finis avec l'exemple de Michel, qui est l'exemple que vous avez dans notre mémoire, qui, lui, a terminé le PAJIC, qui n'était... qui n'est pas si en forme, il est fragile encore, même s'il a fini le programme. Puis il nous partageait, le jour où il a fini le PAJIC : «J'allais sortir, et le juge m'a dit : "Je suis contente de vous avoir rencontré, monsieur, et vous me touchez profondément." Mais je suis mandat, hein, d'arrêt, dans deux dossiers, hein, dans une autre ville, qu'on ne nommera pas, et j'ai deux autres dossiers dans une autre ville, qu'on ne nommera pas aussi. Je remercie la vie de me laisser la chance de me reprendre du bon pied. Avec tous les jugements que je pouvais avoir de la justice, je n'aurais jamais cru qu'un avocat de la couronne ferait tant d'efforts pour aider un contrevenant comme moi, encore moins une juge, que moi, je jugeais moi-même. Les deux ont fait preuve d'un sincère humanisme, et j'ai vu, dans leurs yeux, l'espoir qu'un être humain puisse se délivrer de sa souffrance. J'en suis reconnaissant et profondément ému. Je ne m'arrêterai pas là. J'ai une histoire à raconter, la mienne, et elle rejoint, je le sais, une bonne gang de comme moi.»

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Période d'échange maintenant. Mme la ministre s'il vous plaît.

Mme LeBel : Merci. Vous avez capté notre attention, ça, c'est le cas de le dire. Merci beaucoup de votre présentation, c'est très utile.

Est-ce que vous auriez peut-être... prendre quelques minutes pour établir, là, quelques petites améliorations? Vous l'avez dit, s'il nous reste du temps à la fin. Et ça m'intéresse, parce que, sur l'expérience que vous démontrez, le cas de Michel, c'est extrêmement intéressant et pertinent pour guider notre réflexion et aussi justifier notre intervention au plan législatif. Mais si on... On parle des mesures particulières. Si vous pouviez, peut-être, nous adresser, là, ce qui serait à perfectionner, je vais le dire comme ça, ou à améliorer dans le projet de loi, ce serait bienvenu.

• (17 h 30) •

Mme Fortin (Véronique) : Oui. Donc, merci beaucoup, merci pour votre question, puis merci de m'offrir ce temps-là. Je vais répondre, puis si jamais tu veux compléter...

Donc, quelque chose qui a déjà été mentionné, surtout dans le scénario dont on vient de parler, c'est, d'abord, cette idée de quantifier des démarches vers le rétablissement, le bien-être, la réinsertion sociale, selon notre posture, on l'appelle différemment. C'est excessivement difficile de le quantifier et c'est peut-être même contre-productif considérant l'objectif de... Donc, les articles 51, 52 et ensuite 54, 55, 56 sur la question de l'impossibilité de compensation d'une réalisation d'une partie du programme nous semblent problématiques.

Donc, l'idée de plutôt s'attarder à une appréciation générale de l'ensemble des démarches, qui peuvent multiples selon réalités plurielles des personnes qui sont devant nous, comme on le disait, ça peut vouloir dire d'être plus en contact avec un organisme... ça peut vouloir dire d'aller au gym trois fois par semaine. Donc, il y a plein de différentes façons... Je ne veux pas dire que j'encourage la mesure d'aller au gym trois fois par semaine, je pense que les gens peuvent être libres de faire ce qu'ils veulent. Mais donc c'est qu'il y a plusieurs façons d'inclure des démarches... et qui compteraient, donc, première chose. Et donc la quantification est problématique. S'il faut le faire, je pense qu'on devrait maintenir les maximums qui sont déjà prévus.

Et, deuxième commentaire que je ferais, c'est sur l'emprisonnement pour non-paiement d'amende. Donc, on partage les positions de la doyenne Marie-Eve Sylvestre, donc l'idée de prendre la capacité de payer du défendeur en compte plutôt qu'une liste d'infractions. Et, à Montréal, ça fait longtemps qu'il y a un moratoire sur l'emprisonnement pour non-paiement d'amende, depuis 2004, et on ne manque pas de personnes qui veulent participer au PAJIC du tout. Et donc c'est même une... le fait qu'il y a un moratoire fait même en sorte qu'on a peut-être plus de participants dans ce genre de programmes sociaux là, justement parce qu'ils savent que, s'ils se présentent à un procureur de la poursuite, ils n'ont pas le risque d'avoir un mandat d'emprisonnement ou... Donc, ils sont moins méfiants face à la justice sachant que l'emprisonnement pour non-paiement d'amende n'est pas dans les cartes. Donc, je vais m'arrêter là puis je vais... on va pouvoir répondre aux questions.

Mme LeBel : Bien, oui, puis on va peut-être parler plus spécifiquement... puis certains de mes collègues de l'opposition pourront aborder d'autres points... mais, plus spécifiquement, justement, de l'emprisonnement pour non-paiement d'amende, on en a... et je prends la balle parce qu'on vient d'en parler. Je comprends, donc, que vous ne privilégiez pas qu'on dise : Bien, pour telle catégorie d'infraction, ça n'existera plus, mais, plutôt, de regarder de façon individuelle la capacité de payer du défendeur, quitte à avoir, peut-être, des programmes d'étalement, ou, en tout cas, peu importe, mais... ou de, à ce moment-là, de passer à travers un programme d'adaptabilité ou autre.

Je comprends que vous êtes... Ça pourrait répondre à la préoccupation qui a été émise par les greffiers des cours municipales disant qu'il y a une liste d'infractions, à la page 15, là, qui font plus souvent l'objet de ces programmes-là, mais on pourrait avoir des gens qui traversent ailleurs qu'une intersection ou émettent un bruit audible à l'extérieur... je ne ferai pas pas référence à mon voisin, mais ça pourrait... qui sont, tout simplement, des mauvais payeurs ou des mauvais citoyens, donc, ça prend, au bout du compte... et là je fais juste réitérer l'argumentaire des cours municipales... ça prend, au bout du compte, un levier incitatif pour ces gens-là. Parce que, si on a un individu qui paie ses contraventions de façon adéquate, et un même individu qui... ça n'a rien à voir avec sa capacité de payer ou ça n'a rien à voir avec des problèmes sociaux, mais ne veut juste pas payer, hein, on peut dire un mauvais citoyen, bien, ça prend un levier, au bout du compte, pour être capable de le faire payer. Donc, en éliminant... en n'y allant pas par catégorie d'infractions mais en y allant par capacité de payer, on viendrait favoriser les objectifs qu'on poursuit par les programmes ou par... pour les gens qui sont en situation de vulnérabilité, tout en conservant certains leviers pour être capable de force les simples mauvais payeurs, là, qui ne sont pas du tout dans les catégories qui sont visées par notre discussion, là. Est-ce que vous pensez que ça a de l'allure, ou...

Mme Fortin (Véronique) : Donc, l'idée de la capacité de payer versus le refus de payer, c'est une distinction qui est intéressante. Là, ce sera dans comment évaluer la capacité de payer. Et, dans la décision Boudreault, là, il y a comme toute une... puis là je ne l'ai pas devant moi, là, mais il y a toute une... dans la décision de la Cour suprême... il y a une discussion sur est-ce qu'on est vraiment... il faut faire attention de ne pas interpréter comme un refus de payer quelque chose qui est une incapacité de payer. Mais, oui, c'est effectivement ce qu'on privilégie, parce qu'une liste d'infractions ne sera jamais assez exhaustive pour couvrir l'ensemble des situations qu'une personne en situation de vulnérabilité, là, pourrait... l'ensemble des constats d'infraction, dans le fond, qu'une personne en situation...

Mme LeBel : Donc, il y a les deux cas. Il y a le fait qu'on ne pourrait pas couvrir toutes les infractions avec une liste d'infractions, qui ne serait jamais assez exhaustive, et le fait qu'il y aurait peut-être un effet pervers de permettre, justement, à certaines personnes qui ne sont pas du tout dans la catégorie des gens qu'on vise d'échapper, finalement, à la justice, d'une certaine façon, là.

Les conditions de rétractation de jugement... Je veux également connaître votre opinion. Vous dites que, bon... Par contre, vous parlez : «La rétractation du jugement permet de rétablir cette situation et ainsi d'intégrer le constat d'infraction dans l'ensemble des constats.» Bon, par contre, «se demande pourquoi le poursuivant uniquement peut demander la rétractation de jugement». Mais vous faites référence aux gens qui ne se présentent pas à la cour. Il existe déjà, comme vous le savez, une possibilité, pour le défendeur, de demander une rétractation de jugement.

Ce qu'on se propose d'ajouter, à l'article 257 du code de procédure... j'allais dire «criminelle»... du Code de procédure pénale, c'est plutôt d'ajouter la catégorie à la demande du poursuivant. C'est dans la catégorie du cas où le programme est complété.

Donc, ce que vous nous dites, c'est que vous ne laisseriez pas au poursuivant seul... Comment est-ce qu'on module ça? Parce que... Est-ce qu'on le module de façon progressive ou est-ce qu'on... À un moment donné, c'est un contrat qui se fait, dans les programmes d'adaptabilité, entre le poursuivant, le ministère public ou la municipalité et le défendeur. Donc, le défendeur ou le contrevenant peut également dire, à certain moment donné : Moi, je me sors du programme, c'est terminé, comme le poursuivant peut dire : Je me sors de notre contrat entre nous deux parce que je considère que tu n'as pas rempli les conditions pour lesquelles tu étais d'accord au préalable. Comment est-ce qu'on pourrait moduler ça pour qu'on réponde à toutes ces préoccupations-là? C'est la page 10 et 11 de votre mémoire, juste pour vous resituer.

M. St-Jacques (Bernard) : Bien, en fait, en lien avec ça, l'idée, je pense, dans tous les cas de figure, c'est... Dans toute rétractation de jugement, moi, que j'ai pu voir, c'est qu'il y avait eu un travail, déjà, de collaboration pour soupeser qu'est-ce que ça représentait. Donc, tu avais un demandeur qui était présent puis qui avait quand même des démarches à réaliser en contrepartie de la situation et il y avait aussi un ensemble d'intervenants autour, particulièrement un procureur aussi qui regardait la faisabilité de la chose.

C'est sûr qu'à Montréal la façon dont on fonctionne, la rétractation se fait à la toute fin du processus, ça fait que, souvent, le programme, il est très avancé. On dit : On sait que ces constats-là sont jugés, on les met sur le «hold». Et c'est à la fin du processus qu'on fait : Bon, bien, regarde... Reprenons l'exemple de tantôt. Les 75 à rétracter sont rétractés le même jour où on finalise le programme... ou, en tout cas, où on en finalise une bonne partie. Souvent, le juge dit : J'accepte la rétractation et j'accepte le retrait des accusations. Souvent, c'est comme ça que ça se termine.

Ça fait que l'idée, c'est d'avoir la plus grande souplesse là-dedans puis c'est de voir c'est quoi, la place du demandeur dans ça. Ça venait le questionner, justement.

Mme LeBel : O.K. Merci. Je vais laisser à mes collègues l'opportunité, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Oui. M. le député de Saint-Jean, s'il vous plaît.

M. Lemieux : ...Président. Permettez que je préface ma question en vous disant que, depuis le début de ces audiences... puis on va en parler aussi entre nous après en étude détaillée, qu'on parle beaucoup du PAJIC, en parlant de l'expérience toute nouvelle et toute fraîche de Val-d'Or. On a parlé de Québec avec le chef de police de Québec, entre autres, mais... Ce n'est pas une invention, mais disons que c'est à Montréal qu'on a réussi, à partir de l'expérience de la table de concertation jeunesse itinérance du centre-ville du réseau d'aide... c'est long, là, le RAPSIM, en 2003, qu'on a réussi à s'en aller vers sortir des prisons ceux qui n'avaient pas d'affaire là puis, à la place, les déjudiciariser. C'est comme ça que je l'ai compris. Puis je l'ai bien appris, parce que...

Je suis fier de dire que j'ai été bénévole pour la clinique, parce que j'ai animé une soirée de financement, et, pour ça, j'ai créé une vidéo, j'ai produit une capsule vidéo. Vous devriez aller voir ça sur le Web. Et je veux leur poser la question parce qu'en faisant cette vidéo je suis allé à la rencontre des clients, entre guillemets, de la clinique et je me demandais, en nous écoutant depuis deux jours, si ce projet de loi là qu'on a devant nous va rendre la démarche facile, plus facile, plus humaine, plus concrète, plus rapide pour eux. Entre nous, là, puis les spécialistes, puis tout ça, je comprends très bien qu'ils vont passer au travers. Mais eux, ils ont trouvé ça dur. Ceux à qui j'ai parlé, ils ont trouvé ça tellement dur, puis ils ont réussi. Je n'imagine même pas ceux qui n'ont pas réussi. Est-ce qu'on a du bon stock, là, nous autres, là?

• (17 h 40) •

M. St-Jacques (Bernard) : Oui, on a du bon stock. Un peu comme je disais tout à l'heure, il est un peu compartimenté dans le projet de loi, dont une nécessité d'une souplesse puis une nécessité d'acteurs ensemble qui travaillent avec la personne.

Il y a aussi des trucs symboliques, là, qui sont presque symboliques, puis qu'il faut mettre dans ça, dans l'application, dans l'approche. On parlait de créativité tout à l'heure. Une grande force du PAJIC, je vais vous le dire, puis c'est ce qui impressionne le plus les personnes, c'est que le procureur, il enlève son gros... il n'est pas habillé comme moi, il est habillé, genre... il est habillé comme son costume du dimanche normal, comme si, presque, il allait faire ménage, et il arrive à la Clinique droits devant, et il vient rencontrer, toute cette journée-là, des personnes, puis il va regarder, avec eux, leur situation, va soupeser ce qu'il se passe, va avoir tout le dossier, va essayer de trouver une façon de procéder, de faire un deal, finalement, à la personne. Mais ça se déroule dans un contexte où on n'est pas à la cour, on n'est dans un milieu très ouvert, la zone tampon, c'est un peu notre organisme, mais, en même temps, le tout se passe dans un contexte qui est beaucoup plus convivial. Ça fait que là, ah! on défait ça, on fait une première étape, puis, après ça, on peut amener la personne à la cour pour régler sa situation et la remettre en lien avec le système de justice. Donc, la personne, elle a trouvé ça dur, mais on a... c'est notre façon de faire qui est différente qui amène ça.

On a des approches en lien, mettons, avec les populations autochtones, c'est un peu ça. Est-ce qu'on peut changer le cadre formel d'une institution, comme une salle de cour, en se mettant en cercle, pour régler, par exemple des questions, et en posant... en adressant des questions qui sont très, très loin, mais... a un intérêt de l'ensemble de la personne, qui aussi n'est pas directement tout le temps lié avec l'infraction, mais en lien avec : Ça va-tu mieux? Ça se passe-tu bien? On est-tu en train de faire des... Est-ce que ça va mieux? Mais ça, en soi, va constituer des démonstrations d'amélioration de situations. Puis ça, la personne, elle va le voir automatiquement, elle va le sentir automatiquement.

Un exemple que je donnerais et qui est très particulier parce que je sais qu'on aime bien les tranches de vie : C'est deux personnes qui ont fréquenté un organisme pour jeunes sans abri et qui ont passé une partie de leur vie dans la rue, ils avaient les mêmes types de constats, et qui sont devenus un couple à travers le processus, c'est-à-dire, ils se sont rencontrés un peu, ils ont un peu, plus ou moins, embarqué dans le processus en même temps, dans le programme. Ils n'avaient pas... Ils avaient les mêmes tickets, ils avaient à peu près les mêmes réalités, pas les mêmes difficultés, là, on n'était pas dans les mêmes niveaux de difficultés. Et, à la fin du programme, ils ont fini le programme à peu près à trois mois de différence, parce qu'il y avait des petites choses à terminer dans le cas d'une des deux personnes, l'homme pour ne pas le cacher. Et, à la fin, bien, lorsque l'homme a finalisé à la fin, bien, la fille est arrivée, celle qui venait juste de finaliser, avec leur enfant. Donc, au terme du processus puis de tout ce temps-là dans la rue, et tout, il y a eu comme une construction qui s'est faite en parallèle à cette vie-là, et elle était une démonstration en soi. C'est sûr que l'enfant a impressionné, bien entendu, et c'est sûr que ça a joué dans le processus de tout ça. Mais c'est des gens qui sont partis d'excessivement loin, puis on les a pu voir.

L'autre chose qui est importante, c'est : nous, on est une porte d'entrée pour ce programme-là, ça fait qu'on fait un peu, entre guillemets, un tri, c'est-à-dire qu'on le voit un peu, les gens aussi qui vont être capables d'arriver à un certain stade puis dire : Regarde, on peut passer à une certaine étape, et tout. Et là on regarde, avec elle, qu'est-ce qu'elle veut faire. Puis souvent on leur dit : Tu peux ne rien faire. Et des fois c'est ça qui marche. C'est qu'ils peuvent ne rien faire, mais ils sont quand même venus s'informer sur leur situation judiciaire puis qu'ils reviennent six mois plus tard et là, aïe! ils sont un petit peu plus... Là, je suis prêt, là, je suis prête. On peut-tu faire de quoi? Prêt à quoi? Prêt à faire comme plus de démarches, tout ça, en parallèle? Bien, nous, on va dire... comme la doyenne, celle qui a inventé notre programme, qui se plaisait à dire : Là, là, tu t'occupes de toi, nous, on va s'occuper de ta situation judiciaire. On va régler un peu ce qui est autour, toute la paperasse qui est nécessaire, mais toi, tu t'occupes de toi. Puis c'est ça quoi veut, c'est qu'elle s'occupe d'elle.

Ça fait qu'en ayant cette perspective-là, la personne ne se voit plus comme une criminelle du tout, au contraire. Ça devient comme une démarche en parallèle avec sa réinsertion sociale globale. Et ça devient presque... en bout de ligne, je dirais, en bout de ligne, quand on achève, quand ça va, presque un levier, je dirais.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Avant d'aller plus loin, on a peut-être un petit retard de quelques minutes, alors j'aurais besoin d'un consentement pour ajouter un petit cinq minutes maximum à la séance. Consentement?

Une voix : Oui, consentement.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Oui, merci beaucoup. Merci, Mme Fortin, merci, M. St-Jacques, c'est réellement stimulant, extrêmement intéressant de vous accueillir puis de vous entendre, honnêtement. Puis vous me faites penser, vous deux, à la qualification que Michel faisait du procureur et du juge. Vous faites, vous deux, preuve d'un sincère humanisme, je pense, parce que vous faites... Et le témoignage de Michel — nom fictif, mais la personne qui l'aura vécu — est extrêmement parlant, et la façon dont vous livrez votre message aussi est extrêmement parlante.

Et je n'irai pas, donc, dans des impératifs peut-être un peu plus techniques du projet de loi. J'aimerais vous entendre sur deux volets. Et vous êtes sur le terrain des personnes, donc, qui accompagnez... Un accompagnement social à des personnes en situation d'itinérance, vous le vivez au quotidien.

Premier des deux volets, puis je veux laisser du temps à ma collègue également pour intervenir... Le premier volet, vous avez chiffré, en annexe, le résultat de pratiques de profilage. J'aimerais ça, vous, cette réalité-là... parce que vous, c'est une réalité que vous semblez voir au quotidien presque, en quoi... de quoi parlons-nous ici, de pratique de profilage que vous constatez sur une base régulière. J'aimerais ça vous entendre.

M. St-Jacques (Bernard) : C'est toujours l'éléphant dans la pièce quand on discute avec les procureurs, ça, faut le dire, hein? Quand on rentre une personne dans un programme, on n'est pas là... c'est intéressant, parce que ça nous permet d'avoir un regard qui n'est pas juste sur les infractions passées mais sur la situation présente de la personne, mais c'est souvent l'éléphant dans la pièce, ce qu'on n'aborde pas, mais elle est centrale. Il y a eu... C'est le fait vraiment de rapports dans l'espace public, hein, c'est la façon de gérer nos plaintes, c'est l'intervenant de première ligne, qui est le policier, c'est l'institution policière en elle-même qui est supposée agir comme acteur de sécurité publique et qui se retrouve prise avec un phénomène social dans la rue, et tout ça.

Ce qu'on a vu par là, quand on parle de profilage, c'est un emballement de la situation. C'est une approche qui, au tournant des années 90 et 2000, s'est traduite par une remise beaucoup plus systématique de contraventions. Donc, qui, pour les intervenants qui y ont travaillé, constitue carrément une forme de ciblage direct de ces types... des comportements spécifiques à ces populations-là. Des comportements, entre autres, que vous voyez... qui sont des infractions, les infractions qu'on a à la fin, mais qui, pour nous, sont souvent le fait de ciblage de ces populations-là.

Il y a eu beaucoup d'évolution au niveau de nos corps policiers. Ce serait difficile de le nier parce qu'effectivement il y a eu une évolution, sauf qu'on continue d'aller dans des principes de revitalisation, souvent, de nos espaces publics et de nos centres-villes. Donc, des fois, ce que le policier ne fait pas directement par le profilage, c'est la transformation de nos lieux qui sont devenus normalisés, dans certains cas, tellement faits pour M., Mme Tout-le-monde. Je pense, à Montréal, au square Cabot, au parc Émilie-Gamelin ou au square Viger où on a eu des lieux qui étaient fréquentés sur une base régulière par des populations marginalisées. C'est beau de les rendre plus accessibles à l'ensemble de la population, mais qu'est-ce qu'on fait avec les populations qu'on...

Pour moi, le profilage, c'est le ciblage des populations puis c'est les impacts qu'il peut y avoir autour, donc, c'est-à-dire, sentiment d'injustice, possibilité d'incarcération ou de déplacer ces populations-là qui n'ont plus accès à leurs ressources d'aide, tout ça. C'est un ensemble de phénomènes où judiciarisation et profilage se rejoignent.

L'avantage aussi — dernier truc que je veux dire — c'est qu'il y a des institutions, puis ça, on le dit dans notre mémoire, qui reconnaissent ça. Je sais que le ministère de la Sécurité publique, il y a un volet sur lequel il travaille, c'est sur le profilage racial et social. Il y a un service de police de la ville de Montréal qui a un plan stratégique dans la question. Donc, je pense qu'on ne peut plus nier qu'il y en a. Puis, si on fait des plans, ça doit être plus que des pommes pourries. On doit avoir un problème un peu... davantage systémique, et il est encore présent, certainement. Donc, il ne faut pas l'oublier en filigrane, ce n'est pas dans le projet de loi, mais c'est toujours essentiel dans nos discussions puis dans nos discours quand on aborde la question de la judiciarisation puis des programmes qui existent.

M. Tanguay : Et ça, je peux vous le dire, que... puis je pense que vous nous rappelez également, au-delà du projet de loi n° 32, avoir une approche concertée de tous les intervenants... Moi, dans mon comté, LaFontaine, c'est Rivière-des-Pairies. À Rivière-des-Pairies, il y a des intervenants de rue, équipe RDP, qui, à l'école secondaire Jean-Grou, où 80 % des jeunes qui sont là ont des parents ou des grands-parents d'origine haïtienne... il y avait des problématiques réellement marquées à Jean-Grou, il y en a toujours, il y a toujours des défis, jeune délinquance, et ainsi de suite. Et le fait d'avoir identifié des leaders parmi le groupe, l'approche équipe RDP, l'approche également poste de quartier 45, policiers communautaires, il ne faudra jamais le perdre, ça, parce que c'est, justement, avoir une crédibilité face aux personnes, d'avoir... de s'installer et d'intervenir en ayant une crédibilité, une réception minimale de la personne à laquelle tu t'adresses plutôt que d'arriver avec tes gros sabots en disant : Bien, moi, je suis policier — puis je ne vise personne — puis ça va être un constat d'infraction. Puis là, là, on acerbe le problème.

J'aimerais vous entendre, puis on a peu de temps, puis on n'en a pas parlé jusqu'à maintenant, puis je pense que c'est important que ça soit verbalisé, puis vous allez me dire jusqu'à quel point c'est le cas, on dit, bien : Oui, c'est important d'avoir des programmes qui vont faire en sorte que la personne n'ira pas en prison notamment pour des dettes, des amendes non payées. Quel est l'impact d'une peine de prison chez une personne qui pourrait faire l'objet d'un profilage quel est... puis de toute personne? Il n'y a pas là... Comment est la personne au sortir d'une sentence, que ce soit quelques jours, quelques semaines? J'imagine que ça, ça ne participe pas d'une réhabilitation, à moins que j'aie tort, là, mais c'est... on vient de la stigmatiser encore plus puis on vient de la renfoncer encore plus. Donc, quand on dit : Oui, il y a des coûts, puis tout ça... mais, au-delà de ça, il doit y avoir un impact humain. Aïe! Je sors de prison, là, je veux dire, je... J'aimerais vous entendre là-dessus, là, s'il vous plaît.

• (17 h 50) •

Mme Fortin (Véronique) : Les recherches de Céline Bellot, Marie-Ève Sylvestre ont documenté ça, donc, par des entrevues avec des personnes qui avaient des dossiers judiciaires importants puis qui avaient... qui faisaient face à l'emprisonnement pour non-paiement d'amendes, mais donc les effets, donc: déracinement d'un milieu par une période en prison, perte d'un appartement, si jamais il y avait eu un rétablissement, perte d'un emploi si on était... Et souvent l'emprisonnement pour non-paiement d'amendes arrive des années plus tard, après le constat d'infraction, et donc perte de plusieurs acquis. Et, même juste la menace planant d'une demande d'emprisonnement pour non-paiement d'amendes est un frein au rétablissement, parce que pourquoi je me trouverais un appartement? De toute façon, je suis mandat. Pourquoi je me trouverais une job? De toute façon, je vais le perdre, parce qu'il va falloir que j'aille en dedans pour trois... Et c'est des cycles, hein? Parce que tous les mandats n'arrivent pas en même temps. Donc, un cycle, on va deux, trois semaines, on sort, on rentre, donc... Il y a un autre mandat qui est émis à un moment donné. Donc, ça a un effet... et sans compter l'effet, sur la personne, anxiogène, de stress important, de découragement. Donc, ça a un effet extrêmement néfaste sur la personne, l'emprisonnement comme tel et la menace d'emprisonnement. Ce qui fait en sorte que nous, on est basés à Montréal, la Clinique droits devant, et, pourtant, quand il y a des constats d'infraction qui ont été reçus dans d'autres villes, on tente de s'en occuper le plus vite possible, parce que le mandat d'emprisonnement va nier toutes les démarches qu'on pourrait faire à Montréal. Et donc c'est fondamental, l'effet néfaste que l'emprisonnement pour non-paiement d'amendes a.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Oui?

M. Tanguay : Oui, ma collègue de...

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme Weil : Écoutez, votre enthousiasme, votre passion vous... je pense que vous l'avez tellement bien transmis — vous êtes le dernier groupe aussi à nous parler, donc, sur les deux jours d'audience — j'apprécie beaucoup, puis une compréhension profonde, évidemment, de l'interaction entre ces personnes vulnérables, vulnérables pour toutes sortes de raisons, et un certain jugement que la société porte sur ces personnes, une certaine intolérance à ces différences, c'est un peu ça, et incapacité d'un système... Bien, incapacité! Le système de justice fait quand même bien, là. Le système de justice n'est pas insensible. Et je pense que vous le dites bien : C'est encourageant de voir un projet de loi qui essaie vraiment que la société, le gouvernement et nous, les législateurs, on est intéressés à rendre la vie meilleure.

Alors, je vais peut-être vous amener sur les conditions de succès. Vous touchez aux conditions de succès dans votre conclusion, des éléments essentiels pour que ça fonctionne. Il y a financement, études. Vous ne parlez pas de tolérance, mais de sensibilité aussi, beaucoup, dans tous les acteurs du système. Puis il y a une évolution. Je serais très curieuse de voir qu'est-ce qu'il s'est passé à la fin des années 90 pour qu'il y ait eu cette tendance vers la judiciarisation, mais je ne pense pas qu'on aura le temps. Alors, les conditions de succès. En vous inspirant un peu de votre conclusion, vous parlez de l'implication essentielle des groupes communautaires dans l'évolution de ce type de programme... bien, programme... de cette loi et des programmes qui vont en découler. Peut-être vous entendre là-dessus.

M. St-Jacques (Bernard) : Je veux juste dire, puis ça ne va froisser personne, je suis ni intervenant...

Le Président (M. Bachand) : ...juste une minute, une petite minute.

M. St-Jacques (Bernard) : ...ni juriste. J'ai étudié en sciences politiques, donc, je peux parler dans les deux sens. Et je pense qu'il y a un manque d'expertise et de partage d'expertises. Et, même, à Montréal, il est encore très, très, très problématique. Je crois qu'un procureur ou un agent de perception ne peut pas mesurer tout seul ce qu'une personne fait, et la réalité de l'itinérance, qu'est-ce que ça peut représenter, un peu de la même manière que ma collègue a très bien exprimé, les effets et le risque d'emprisonnement, ce que ça crée chez les personnes, et tout ça, de la même manière que je me trouve toujours un peu entre l'arbre et l'écorce à devoir expliquer aussi à des intervenants les impératifs de la cour et les impératifs judiciaires. Donc, ça prend des intervenants et des gens qui sont capables de travailler aux frontières des deux ou qui ont envie de travailler, à voir, à mesurer... pas à mesurer, à vraiment... qu'on puisse vraiment voir la réalité vécue, tenir compte d'où on en est la personne, puis de quel cheminement on peut réussir à faire de façon intelligible puis de façon que ça serve un peut tout le monde et surtout pas le voir dans un principe de, je vous dirais, de... puis c'est... il ne faut plus le voir comme une peine, il faut le voir comme accompagnement dans un processus puis que la... sinon, la personne, elle va encore... ah! j'ai encore des raisons de me sentir responsable de ce que j'ai fait. Ce serait dire que c'est des facteurs criminogènes sur lesquels on s'appuie alors qu'on est sur des infractions tellement bénignes.

Le Président (M. Bachand) : Un très court commentaire, Mme la députée. Un très court commentaire.

Mme Weil : Dans votre expérience ou dans le travail que vous faites, est-ce que vos intervenants, vous l'avez... sont en interaction avec le système de justice? Est-ce qu'il y a un... ou les municipalités, etc.? Est-ce qu'elles sont en lien avec des institutions?

M. St-Jacques (Bernard) : Oui, constamment, c'est eux qui convainquent les procureurs de la validité des différentes interventions, des différentes démarches qu'ont réalisé les personnes puis quel cheminement elles ont fait là-dedans.

Le Président (M. Bachand) : Merci infiniment. M. le député de Gouin, s'il vous plaît.

M. Nadeau-Dubois : Bonjour. Merci d'être avec nous cet après-midi. Je pourrais vous poser des questions sur plusieurs éléments, mais j'ai peu de temps. Je vais me concentrer sur un aspect qui m'a semblé important, puis on n'en pas tant entendu parler que ça, donc je trouve ça pertinent de vous poser des questions là-dessus spécifiquement.

Vous avez parlé du fait qu'actuellement le projet de loi prévoit que la rétractation de jugement se fait... une des conditions, c'est lorsque le programme... est lorsqu'on a complété le programme aux conditions qui étaient fixées, et vous avez semblé — en tout cas, c'est ce que j'ai compris de vos propos — suggérer que l'on puisse assouplir ça, dans le projet de loi, pour qu'il y ait possibilité de rétracter les jugements, disons, au cours de l'accomplissement du programme. Donc, peut-être y aller avec une formulation plus générale sur dès qu'il y a une participation puis des premiers résultats, qu'on puisse, comme mesure de renforcement positif, appelons ça comme ça, d'encouragement ou d'incitation, déjà venir rétracter des jugements au cours du parcours. Pouvez-vous m'expliquer, concrètement, là, si on effectuait un changement comme ça dans le projet de loi, qu'est-ce que ça changerait sur le terrain pour vous.

M. St-Jacques (Bernard) : Mais, pour en revenir à votre question spécifique, on le fait dans le cas de petits constats. Quand une personne n'a pas un trop gros cheminement à faire, on va pouvoir le faire. Si elle a beaucoup, beaucoup de constats, on ne pourra pas annuler nécessairement une dette de 12 000 $ d'un coup. Il va falloir voir le cheminement qu'elle fait, on va déjà pouvoir faire des rétractations en cours de route. Mais, en général, on procède souvent en bout de ligne.

À Val-d'Or, on essaie de regarder les choses différemment, un peu de voir si on ne peut pas l'inclure à plusieurs étapes du processus. Peu importe quelle approche qui est prise, c'est la force de la rétractation de jugement, c'est de dire : Je reviens avant le jugement et je peux regarder et maîtriser, avoir une posture plus globale sur l'ensemble de la situation. C'est ça qui va être fort pour la personne puis qui va pouvoir lui servir en bout de ligne et lui enlever le poids de la dette potentielle qu'elle a. Mais, en même temps, on comprend aussi que le système judiciaire doit se protéger aussi, puis dire : Bien, on ne veut pas le faire dans n'importe quel cas, et tout ça. C'est pour ça aussi qu'on établit un programme, un cadre dans lequel on fonctionne, et tout. Mais ce n'est pas de donner une sentence bonbon, que d'enlever des rétractations de jugement. Non, c'est une mesure de reconnaissance des choses qu'elle a déjà effectuées ou qu'elle va effectuer tout au long de son programme, c'est une force majeure, et le déploiement de ça, de l'avoir dans un projet de loi va encourager.

À Montréal, ça se fait quand même assez déjà. À des endroits comme Val-d'Or, on l'a déjà appliqué même avec créativité. Là, ça va avoir donné une impulsion à d'autres villes de le faire et où il y a beaucoup de choses encore à faire.

Mme Fortin (Véronique) : Je dirais juste: Rétractation accompagnée du retrait. Donc, il ne s'agit pas juste d'enlever le jugement, là, puis de remettre le constat, là, c'est-à-dire rétractation et retrait.

M. St-Jacques (Bernard) : En bout de ligne, c'est pour le retirer.

Le Président (M. Bachand) : ...M. le député?

M. Nadeau-Dubois : Non, c'est beau. Merci. C'est beau pour moi.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député. Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.

Mme Hivon : Oui. Merci beaucoup. Très intéressant en effet. Donc, j'aurais plein de questions, mais je voulais juste... vous avez apporté l'idée... bien, l'expérience où vous disiez : Là, des fois, on essaie de motiver la personne, ou tout ça. Mais là il y a d'autres municipalités où il y a d'autres constats avec un risque d'emprisonnement. Donc, comment vous faites, dans des cas comme ça, concrètement, pour essayer de coordonner? Parce que j'avais comme l'impression que vous disiez : On va entrer en contact avec les autres...

Première question, vu que j'ai 2 min 40 s, je vous les pose en rafale. La deuxième, c'est : Est-ce qu'il y a des choses qu'on devrait mettre dans le projet de loi, des éléments, je dirais, fondamentaux, mettre quelque... un certain encadrement dans le projet de loi pour favoriser la réussite ou laisser une complète marge de manoeuvre aux instances, aux municipalités qui mettent les programmes en place?

• (18 heures) •

M. St-Jacques (Bernard) : C'est deux grosses questions, je vais essayer de répondre... Hein? Oui, je vais essayer de répondre très rapidement à la première. D'abord, ce qu'on fait, en général, on prend ce qui est possible : prendre une entente de paiement, prendre une entente de travaux compensatoires, atténuer. Déjà, déployer des programmes va nous permettre d'avoir, peut-être, une ouverture d'esprit. Pas qu'ils sont méchants, les percepteurs dans les autres villes, mais, tu sais, ils n'en connaissent pas toujours les réalités, de l'itinérance. Et il y a une sensibilisation à développer. On le fait au quotidien à Montréal, ça fait qu'imaginez dans d'autres villes. Le déploiement de programmes en tant que tel va changer la vision des choses des différents acteurs, puis c'est déjà commencé. Tu sais, Val-d'Or, c'est une grande réussite de partenariat, justement, avec nous, un partage d'expertises avec une réalité autochtone là-dedans aussi.

Chibougamau, actuellement, flirte avec l'idée, son conseil municipal, d'adopter une résolution dans les deux prochains mois, peut-être, si tout va bien, pour arrêter l'emprisonnement pour non-paiement d'amende. Évidemment que ça va s'accompagner de... On va essayer de développer des mesures qui sont faites ensemble, mais l'impulsion du projet de loi va aller vraiment, je pense, au-delà des très petits moyens qu'on a ailleurs.

Mais, oui, des fois, on est obligé quand même de dire : On va aller quand même t'aider à aller prendre une entente de paiement, on va peut-être même la rapatrier à Montréal, puis on va t'embarquer sur le PAJIC à Montréal. Mais, à un moment donné, c'est là qu'il va être intéressant, c'est quand on va travailler dans deux villes avec des programmes différents. Comment on va les faire cohabiter ensemble? Aïe! Ça peut être vraiment tripant.

Mme Fortin (Véronique) : ...question de la flexibilité, je pense qu'il faut — c'est dans les remarques préliminaires — mettre la personne défenderesse au coeur de tout ça, donc à chaque fois que, dans le projet de loi, on peut écrire «de concert avec la personne», ou «en partenariat avec la personne», ou «avec le consentement de la personne», donc... Bien, le consentement est toujours là, là, mais c'est fondamental que la personne soit incluse dans l'appréciation de c'est quoi les conditions du programme, c'est quoi les mesures, c'est quoi la complétion, comment on interprète la complétion. Donc, un maximum de flexibilité, parce que les situations ne sont pas les mêmes, mais, dans le projet de loi, il faut que la personne soit au coeur de ce programme-là. C'est l'adaptation du système de justice à sa situation.

M. St-Jacques (Bernard) : Puis dans le changement au niveau projet de loi, puis je finis juste là-dessus, c'est : Est-ce qu'il y a moyen de mettre qu'il faut travailler en collaboration? Parce que, tu sais, on voit : le poursuivant peut faire ça, l'exécuteur des jugements peut faire ça. Mais non. Il y a un travail au continu. Est-ce que ça peut être présent? Ça, essayez peut-être de voir jusqu'à quel point on ne peut pas l'immiscer, cette espèce de principe de collaboration entre les personnes, qui a été abordé quand même pas mal dans les deux derniers jours. Ça fait que ça puis la place réservée à la personne, ne la mettre quand même pas juste au coeur, dans le sens que c'est le laboratoire, mais qu'elle fait partie de la décision de ce qui doit être pris, puis de quelle façon on travaille en collaboration pour la mise en place de ces programmes-là. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Sur ce, encore une fois, au nom de la commission, merci de votre participation, très vivante, très intéressante. Surtout en fin de journée, c'est très apprécié.

Mémoires déposés

Alors cela dit, avant de conclure les auditions, je procède au dépôt des mémoires des organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions publiques.

Sur ce, la commission ajourne ses travaux. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 18 h 02)

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