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Candidatures multiples

Terme(s) anglais :
Simultaneous candidacies

Définition

Possibilité d'être simultanément candidat dans deux circonscriptions lors d'une élection générale.

Si le candidat est doublement victorieux à la suite du scrutin, il doit choisir la circonscription qu'il représentera à l'Assemblée législative. Il ne semble pas y avoir de délai obligeant un candidat à se décider.

Au Québec, cette pratique est interdite depuis 19521.

Historique

Au Royaume-Uni

Il est difficile de déterminer à quand remontent les premiers cas de candidatures multiples au Royaume-Uni. Chose certaine, depuis le milieu du XIXe siècle, la Chambre des communes décide au début de chaque session des modalités pour que les députés élus dans plusieurs circonscriptions choisissent celle qu'ils vont représenter.

Au fil du temps, les candidatures multiples deviennent surtout le lot des partis politiques marginaux : en 1992, Screaming Lord Sutch, chef de l'Official Monster Raving Loony Party, se présente dans trois circonscriptions. En 2005, Rainbow George Weiss, du Vote for Yourself Rainbow Dream Team, se présente sans succès dans pas moins de 13 circonscriptions2.

Cette pratique est interdite par l'Electoral Administration Act, entré en vigueur le 1er janvier 20073.

Au Bas-Canada (1792-1840)

Bien que les candidatures multiples soient nombreuses au Bas-Canada, le manque de données électorales fiables nous empêche de les répertorier de façon exhaustive.

On dénombre malgré tout cinq cas de candidatures multiples à l'époque du Bas-Canada, chacune se soldant par la double victoire des candidats en lice : Ignace-Michel-Louis-Antoine d'Irumberry de Salaberry (1792), Pierre-Stanislas Bédard (1810), James Stuart (1815) et Louis-Joseph Papineau (1827, 1834). Seul d'Irumberry de Salaberry n'est pas député sortant à sa double élection, puisque le Parlement vient tout juste d'être instauré par l'Acte constitutionnel de 1791. Une fois leur double victoire proclamée, tous les autres optent pour la circonscription qu'ils ont représenté auparavant.

Il ne semble pas y avoir de délai légal pour choisir la circonscription représentée. Tous, sauf Papineau, qui prend plus de huit mois pour se décider, donnent leur réponse quelques jours après le début de la session parlementaire.

Dans la province du Canada (1841-1867)

Pour cette période, seul Augustin-Norbert Morin (1844) et Jean Chabot (1854) sont élus dans deux circonscriptions4. Ils étaient députés sortants de l'une de ces circonscriptions et, dans les deux cas, ils optent pour celle qu'ils ne représentaient pas auparavant.

Leur décision est annoncée quelques jours après le début de la session parlementaire.

Au Québec (1867-1952)

Il existe treize cas de candidatures multiples lors d'élections générales, la plupart étant le fait de personnalités d'avant-plan telles que des premiers ministres, des ministres, des chefs de parti ou des leaders nationalistes5.

Sur ces treize, onze sont députés sortants. Du total, cinq ont été élus dans une des deux circonscriptions, tandis que deux autres ont été doublement défaits6. Les six autres réussissent un doublé. Ils doivent faire un choix : deux optent pour la circonscription qu'ils représentaient précédemment, un élu choisit l'autre et le troisième démissionne de ses deux sièges après avoir été nommé juge. Les deux derniers sont de nouveaux élus.

Même s'il ne semble pas y avoir de délai légal imposant de choisir la circonscription à représenter, le député se décide généralement quelques jours avant ou après le début de la session parlementaire. Une élection partielle est ensuite tenue afin de pourvoir le siège laissé vacant.

Seul le premier ministre Lomer Gouin se présente à deux reprises dans deux circonscriptions, soit en 1908 et en 1912. C'est durant cette dernière que l'on atteint le record de candidatures multiples, soit cinq.

En 1952, l'adoption de la Loi modifiant la Loi électorale de Québec interdit les candidatures multiples. Désormais, « nul ne peut être mis en candidature dans plus d'un district électoral à une même élection »7. À cette occasion, le premier ministre Maurice Duplessis affirme que « nous sommes en faveur du principe démocratique : One man, one vote, et nous voulons que disparaisse des Statuts ce souvenir archaïque des temps anciens »8.

Au Canada (1867-1919)

On recense 29 candidatures multiples de 1867 à 1919. De ce nombre, trois candidats ont été doublement défaits, onze ont remporté une victoire sur deux et quinze ont été doublement victorieux. Un seul d'entre eux n'était pas un député fédéral sortant le jour du scrutin.

À partir de 1874, les chefs de parti ont coutume de se présenter dans deux circonscriptions électorales, ce qui leur permet notamment d'augmenter leurs chances de victoire. Wilfrid Laurier détient le record en la matière avec cinq doubles candidatures qui se soldent quatre fois par une double victoire9. Les élections de 1872, de 1911 et de 1917 ont connu le plus de candidatures multiples, soit quatre.

Il n'existe pas de règles ou de sanctions obligeant les candidats élus dans deux circonscriptions à choisir un siège. En 1884, Bourinot précise que leur choix doit être fait « quand la Chambre siège » et après seulement qu'est échu le délai permis pour contester une élection par pétition10. S'il y a contestation, le député ne peut renoncer à aucun de ses mandats tant qu'un verdict n'a pas été rendu par un tribunal11. Tel est le cas de Laurier (1911-1917) et de Rodolphe Lemieux (1904-1906 et 1917-1921), contre qui les procédures s'étirent durant des années.

En 1910, l'article 79 du Règlement de la Chambre des communes précise qu'un double mandataire doit annoncer officiellement qu'il démissionne de l'un de ses sièges au plus tard 20 jours après qu'il est établi qu'aucune de ses victoires ne sera contestée12. La plupart ont fait leur choix rapidement depuis 1867, mais l'absence de sanctions permet de notables exceptions. Rodolphe Forget, par exemple, détient le record de durée de cumul de mandats (Montmorency et Charlevoix, de 1911 à 1917) bien qu'aucun des deux ne soit contesté13.

Un double mandataire peut également faire son choix s'il accède au Cabinet. En effet, jusqu'en 1931, tout député fédéral nommé ministre doit aussitôt quitter son siège et se représenter devant ses électeurs14. C'est ce que fait Laurier en 1896 : élu le 23 juin dans les circonscriptions de Québec-Est et de Saskatchewan, il renonce aux deux mandats quand il est assermenté premier ministre du Canada. Il se présente ensuite dans une seule circonscription, Québec-Est, où il est réélu le 30 juillet.

Avantages et inconvénients

Les candidatures multiples sont avantageuses à certains égards. En plus d'accroître les chances du chef d'un parti d'être élu, elles mettent en valeur des candidats prestigieux qui augmentent les probabilités de victoire de leur parti et réduisent le nombre de candidats. Par contre, un double mandataire prive son groupe parlementaire d'une voix puisqu'il ne peut voter qu'une seule fois en Chambre15. Les électeurs représentés par un double mandataire sont quant à eux privés d'une représentation adéquate, leur député étant souvent absent de la circonscription.

Inévitablement, les candidatures multiples entraînent des dépenses liées à la tenue d'élections partielles. Sur ce plan, ce n'est qu'en 1919 qu'une loi fédérale établit qu'une élection partielle doit être tenue au plus tard six mois après la démission d'un député16. Avant, le gouvernement pouvait en retarder la tenue indéfiniment, ce qui pouvait priver les électeurs de la circonscription du droit d'être représentés.

Cette même loi fédérale établit également que, désormais, « nulle personne ne doit se présenter ni permettre sa présentation comme candidat à l'élection de la Chambre des communes dans plus d'une circonscription à la fois, et advenant la présentation de cette personne ou son consentement à cette présentation dans plus d'une circonscription électorale, toutes ces présentations sont nulles et de nul effet »17.

Enfin, malgré cette mesure, on recense ce qui peut sembler être une double candidature à l'élection générale de 1980, survenue en raison de circonstances particulières. D'abord défait dans la circonscription de Beauce le 18 février, Fabien Roy se présente ensuite dans Frontenac, où l'élection a été reportée en raison du décès d'un candidat durant la campagne électorale. Il y est battu le 24 mars, ce qui explique que son nom apparaisse dans deux circonscriptions sur la liste des résultats de la 32e élection générale fédérale.

Pour citer cet article

« Candidatures multiples », Encyclopédie du parlementarisme québécois, Assemblée nationale du Québec, 15 décembre 2014.

Faites-nous part de vos commentaires à : encyclopedie@assnat.qc.ca

Pour en savoir plus

Morin, Jacques Carl. « Une note sur les candidatures multiples au Parlement de Québec », Revue parlementaire canadienne, vol. 31, no 4, 2008, p. 20-23.

Notes

1 

Loi modifiant la Loi électorale de Québec, S.Q. 1951-52, c. 19, art. 2 et 3.

2 

Jacques Carl Morin, « Une note sur les candidatures multiples au parlement de Québec », Revue parlementaire canadienne, vol. 31, no 4, 2008.

3 

À la Chambre des lords, un projet de loi présenté en 2012 propose de rendre les sièges électifs et inclut une clause interdisant les candidatures multiples. Ce projet de loi a toutefois été retiré.

4 

Seuls les députés de l'ancien Bas-Canada ont été considérés.

5 

Pour obtenir la liste de ces candidatures multiples, écrire à encyclopedie@assnat.qc.ca.

6 

Il s'agit d'Edward Brock Carter et de Camillien Houde. Il a été impossible de retrouver tous les candidats s'étant présentés sans succès dans deux circonscriptions.

7 

Loi modifiant la Loi électorale de Québec, S.Q. 1951-52, c. 19, art. 2.

8 

Débats de l'Assemblée législative, séance du 8 janvier 1952, p. 353.

9 

Norman Ward, The Canadian House of Commons : Representation, Toronto, University of Toronto Press, 1963, p. 81.

10 

John George Bourinot, Parliamentary Procedure and Practice in the Dominion of Canada, Montréal, Dawson Brothers, 1884, p. 139-140. En 1874, par exemple, ce délai est fixé à 30 jours après publication « dans la Gazette du Canada de l'avis de réception du rapport du bref d'élection ». S.C. 1874, Vict. 37, 38, c. 10, a. 8.2.

11 

S.C. 1868, c. 25, a. 9.

12 

Règlement de la Chambre des communes du Canada avec annexe, 29 avril 1910, Ottawa, C. H. Parmelee, 1910, p. 42.

13 

Il n'a pas été possible de déterminer si un double mandataire comme Forget reçoit deux salaires.

14 

S.C., 1931, c. 52. À Québec, c'est en 1927 que prend fin cette obligation. Voir la Loi modifiant les Statuts refondus, 1925, relativement à l'indépendance de la Législature, 1927, c. 13.

15 

Ibid., p. 80, 82.

16 

Au Québec, c'est en 1979 qu'une telle mesure est adoptée, soit 27 ans après l'interdiction des candidatures multiples. L.Q. 1979, c. 56, a. 15.

17 

S.C. 1919, 10 Geo. V, c. 18. Malgré cette mesure, Rodolphe Lemieux conserve ses deux sièges jusqu'aux élections générales de 1921.