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Point de presse de Mme Christine Labrie, porte-parole du deuxième groupe d’opposition en matière d’éducation, et Mme Véronique Hivon, porte-parole du troisième groupe d’opposition en matière d’éducation

Version finale

Le mardi 24 mai 2022, 8 h 30

Hall principal de l'hôtel du Parlement, hôtel du Parlement

(Huit heures quarante minutes)

La Modératrice : Bienvenue au point de presse. Interviendront, en ordre, Christine Labrie, responsable de la deuxième opposition en matière d'éducation, Véronique Hivon, responsable de la troisième opposition en matière d'éducation, et des jeunes impliqués dans La voix des jeunes compte, Sha'Nyce Mocombe, Kenza Chahidi, Youveline Gervil, puis Mélanie Lemay.

Mme Labrie : Bonjour, tout le monde. On est ici, aujourd'hui, parce que l'étude du projet de loi n° 9, qui réforme le protecteur de l'élève, tire à sa fin. Il ne reste que quelques articles dont on doit discuter avant que l'étude détaillée soit terminée. Et on est ici, ce matin, avec des représentantes de La voix des jeunes compte, avec ma collègue Véronique Hivon du Parti québécois, parce qu'il reste encore des luttes à mener pour l'enjeu des violences sexuelles dans nos écoles. Il y a des gains qui ont été faits par rapport au protecteur de l'élève grâce à la lutte menée de longue date par les jeunes. Notamment, le fait qu'il va y avoir un processus de traitement accéléré des plaintes qui concernent les violences sexuelles, le fait que les protecteurs de l'élève vont être formés spécifiquement pour les violences sexuelles, c'est un gain.

Mais par contre on reste très inquiètes, actuellement, que le ministre de l'Éducation veuille confier aux politiques contre les violences et l'intimidation tout l'enjeu des violences sexuelles dans nos écoles. Ce sont des politiques qui existent depuis déjà 10 ans, qui, malheureusement, n'ont jamais donné les résultats escomptés. Il suffit de se promener dans une école, de discuter avec des élèves, des membres du personnel pour savoir que ces politiques-là ne donnent pas les résultats qu'on aurait voulus, ne sont pas toujours appliquées, les violences, intimidation persistent dans nos écoles. Et donc de simplement pelleter dans la cour de ces politiques-là l'enjeu des violences sexuelles, pour nous, ça ne règle pas du tout le problème des violences sexuelles dans nos écoles, et, au contraire, ça peut même en créer d'autres, parce que ces politiques-là, elles ne sont pas adoptées en concertation avec les élèves, les membres du personnel, les parents notamment.

Autre enjeu, c'est que les moyens ne sont pas là, sur le terrain, pour appliquer les politiques contre les violences et l'intimidation. Donc, ce n'est pas vrai qu'on peut rajouter des choses dans ces politiques-là sans rajouter des moyens sur le terrain, et penser que nos élèves vont être en meilleure sécurité dans nos écoles. C'est vraiment un enjeu.

Donc, on a vu que Jean-François Roberge s'est montré sensible à l'enjeu des violences sexuelles. On a vu qu'il a fait des pas dans la direction de ce que demandaient les jeunes de La voix des jeunes compte pour améliorer le protecteur de l'élève. Mais ce qu'on veut qu'il entende, aujourd'hui, c'est que sa solution de pelleter ça dans la cour des politiques contre les violences et l'intimidation, ce n'est pas une bonne solution pour régler l'enjeu des violences sexuelles, ce n'est pas ce que les jeunes demandaient. On lui demande vraiment, encore aujourd'hui, d'appeler le projet de loi-cadre sur les violences sexuelles à l'école. C'est ça dont on a besoin pour régler l'enjeu. Je cède la parole à Véronique Hivon.

Mme Hivon : Merci beaucoup, Christine. Alors, tout simplement, pour compléter, dire qu'on est de tout cœur en appui avec le mouvement de La voix des jeunes compte. Pour aller un peu dans le même sens, le problème, en ce moment, c'est que, oui, il y a des pas qui ont été franchis, mais ce qu'on veut, ce qu'on réclame, ce que la voix des jeunes réclame, c'est vraiment une approche spécifique pour la question des violences sexuelles en milieu scolaire, pas juste au moment de la plainte, mais, bien sûr, avant, parce qu'on souhaite, d'abord et avant tout, c'est de les éliminer, ces plaintes-là, c'est de l'éliminer, cette violence sexuelle là, c'est d'agir en prévention, et aussi, après les plaintes, comment on accompagne, comment on accompagne, en fait, du début à la fin, d'une manière dédiée, spécialisée, qui est vraiment précise pour ce type de crime là.

Et évidemment on sait tous qu'on a franchi un grand pas, au Québec, avec l'adoption du Tribunal spécialisé contre les violences sexuelles et conjugales, avec toute une approche dédiée en accompagnement. Mais là il faut que cette même philosophie-là puisse exister au niveau scolaire, et donc s'adapter à la réalité des jeunes en milieu scolaire. Alors, c'est pour ça qu'on appuie à la fois le projet de loi de ma collègue et à la fois, bien sûr, la démarche de La voix des jeunes compte, à qui je cède la parole, parce que c'est les principaux intéressés et concernés aujourd'hui.

Mme Mocombe (Sha'Nyce) : Bonjour. Je m'appelle Sha'Nyce Mocombe. J'ai 17 ans. J'ai moi-même été victime de violence sexuelle à l'âge de 14 ans dans mon école secondaire. Aujourd'hui, je décide de prendre parole pour porter justice et un geste de réparation pour l'inaction du gouvernement au nom de toutes les victimes qui n'ont pas eu le soutien nécessaire, faute de protocoles adaptés et de ressources appropriées. Pourtant, dans la société québécoise, peu importe notre genre ou notre âge, nous avons le droit à la sécurité et à la dignité. Moi, je ne l'ai pas eu. Je ne l'ai pas eu. Moi, on ne m'a pas soutenue. Moi, on m'a demandé de marcher aux côtés de mes agresseurs, on m'a demandé d'adhérer à la loi du silence.

Présentement, les mesures en place dans les écoles primaires et secondaires du Québec sont discriminatoires à cet égard. Aujourd'hui, je me tiens debout devant vous, forte, pour que tous les jeunes soient protégés, parce que, dans nos écoles, il y a de la violence sexuelle et, contrairement à ce que certaines personnes pensent, ce ne sont pas des cas isolés, c'est même la norme quand on sait que 55 % des victimes sont des jeunes.

Récemment, plusieurs articles sont sortis dans les médias qui nous ont donné froid dans le dos. Chaque fois, un article public sort, on reçoit plusieurs témoignages. Par exemple : elle a vécu un viol collectif à l'âge de 17 ans; son professeur d'éducation physique a ouvert la porte du vestiaire pendant qu'elle et ses amies étaient nues, il n'a pas voulu refermer la porte. La directrice leur a dit que ce n'était pas grave car il prenait sa retraite.

Alors, que fait-on des jeunes qui sont victimes de violence sexuelle par leurs pairs ou par un membre du personnel de l'école en situation d'autorité? Je me demande, lorsqu'un jeune est obligé de faire une fellation dans le vestiaire, ou lorsqu'un jeune reçoit des commentaires sur ses seins par son professeur devant toute la classe, ou lorsqu'un jeune se fait toucher les fesses à répétition, est-ce que le protecteur de l'élève serait vraiment en mesure d'intervenir auprès de la victime et de l'agresseur pour éviter qu'il y ait une récidive.

Nous sommes épuisées de nous répéter depuis cinq ans et de faire... et de voir la situation empirer face à l'inaction du gouvernement. Les plus jeunes d'entre nous graduent au secondaire cette année. Elles n'ont jamais été protégées. Évitons le même sort à la prochaine génération. Il est encore temps. #metooscolaire.

Mme Chahidi (Kenza) : Bonjour. Moi, je m'appelle Kenza Chahidi. Tout le monde met l'accent sur le protecteur de l'élève sans prendre en considération ce qu'on demande depuis le début. Il faut arrêter de mettre la pression sur les jeunes afin qu'ils dénoncent, parce que c'est plutôt aux adultes de prendre leurs responsabilités et de faire preuve de proactivité pour endiguer le problème. On vous demande de régler le problème à la source, parce qu'en ce moment, le protecteur de l'élève renvoie à la loi sur l'intimidation, alors que les violences sexuelles sont un fléau à part entière et non une composante de l'intimidation.

Il faut arrêter de demander aux jeunes d'aller vers les ressources alors que c'est les ressources qui devraient aller vers eux. Ce n'est pas normal qu'il y ait une seule psychoéducatrice pour 1 300 élèves dans une école et qu'elle doive leur dire : Tu viendras me voir si, toi, tu as besoin d'aide, faute de temps.

Nous, ce qu'on demande, c'est de mettre de l'avant un volet de prévention obligatoire, parce que la racine du problème des violences sexuelles réside dans le manque de formation, de sensibilisation, d'éducation et de ressources sur le terrain. On demande une loi-cadre pour prendre en considération la diversité des violences sexuelles et des situations que peuvent vivre les élèves dans les écoles. Je tiens aussi à mentionner qu'il y a une différence entre demander de l'aide et porter plainte, parce que lorsqu'un jeune va vers un adulte, c'est pour être cru et soutenu. Il y a tout un processus qu'il faut prendre en considération et ne pas obliger les élèves à dénoncer sur le coup.

Mon amie a subi une violence, une agression sexuelle dans son école de la part d'un élève. Il s'est retrouvé dans le bureau de l'intervenante face à son agresseur qui lui a remis une lettre d'excuse, parce que c'est une conséquence, lors d'un premier incident, en vertu du protocole interne mis en place par la Loi sur l'intimidation. Mon amie s'est vue forcée d'accepter cette lettre, et l'intervenante lui a mentionné qu'elle devait accepter les excuses de la part de son agresseur parce qu'elle connaissait l'élève et que, à ce qu'il paraissait, c'était un bon garçon et qu'il n'allait pas recommencer.

Ça va prendre combien de scandales dans le milieu de l'éducation, dans le milieu du sport pour être écoutées enfin? On ne devrait pas attendre que les gestes comme ceci arrivent. Et c'est des gestes hautement traumatiques. Est-ce qu'on doit attendre qu'ils se produisent et qu'ils soient médiatisés avant d'agir ou est-ce qu'on va agir maintenant?

Sachez que le ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge, le ministre du Sport et de la Condition féminine, Isabelle Charest, le ministre de la Lutte contre le racisme, Benoit Charette, ainsi que tous les collègues sont conscients de ce qui se passe, parce qu'on leur a envoyé un mémoire complet ainsi qu'une vidéo de témoignages sur la situation actuelle. Donc, tout le monde est conscient des violences sexuelles qui se passent dans les écoles, et on demande d'agir. Nous, en tant que jeunes, on a fait notre part des choses, et maintenant c'est à vous de faire le reste du travail. Merci.

Mme Gervil (Youveline) : Bonjour. Mon nom est Youveline, et je fais partie du collectif La voix des jeunes compte. En tant que collectif, nous avons toujours mis de l'avant la crucialité d'une loi-cadre, et nous dénonçons comment le protecteur de l'élève est instrumentalisé pour effacer notre lutte. Nous refusons d'être complices de cette trahison à l'égard de tous les jeunes du Québec. Pour toutes les personnes qui nous voient et qui nous écoutent, sachez qu'on vous voit et qu'on vous croit. Pour les prochaines générations qui auront le malheur de porter, elles aussi, le flambeau, on vous soutiendra là où le système nous a abandonnées.

À cette petite de sept ans qui a été victime d'un viol collectif dans son école, je te crois. À la jeune fille de 15 ans qui est tombée enceinte de son professeur, je t'entends. À cette jeune fille qui se fait toucher les fesses plusieurs fois par jour, je te soutiens. Et à notre serveuse de ce matin et à tous ceux et celles qui n'ont pas eu la chance d'être entendus, on est de tout cœur avec vous.

Nous avons créé un mouvement qui est universel et qui vise à protéger tous les jeunes du Québec, et c'est pour cette raison que nous demandons à toute la communauté étudiante, primaire, secondaire, cégeps, universités, ainsi qu'à nos alliés syndicaux et communautaires de porter la voix des jeunes et de montrer qu'elle compte réellement. Nous demandons aussi un engagement de tous les partis politiques ainsi qu'au gouvernement actuel de s'engager dès maintenant à mettre en place les ressources nécessaires pour rendre nos écoles sécuritaires et exemptes de violence sexuelle.

Il ne reste plus que 11 jours avant que vous ne fermiez les travaux parlementaires, mais nous, ça fait cinq ans qu'on lutte. Aujourd'hui, on se demande : Est-ce que c'est la voix de tous les jeunes du Québec qui ne compte pas ou est-ce que c'est la nôtre seulement? À force d'être ignorés, on commence vraiment à se poser la question. Pour une énième fois, on demande de faire ce qui est juste. On demande d'être protégés, on demande d'être écoutés, on demande une loi, une loi pour cesser l'impunité et l'omerta dans les écoles. #metooscolaire.

Mme Lemay (Mélanie) : Bonjour à vous. Sincèrement, en tant que société, on doit vraiment reconnaître le grand privilège qu'on a d'avoir des jeunes aussi mobilisés et aussi prêts, en fait, à porter cette importante voix qu'est la violence vécue chez les jeunes. Ce n'est pas d'hier qu'on le sait, il y a des rapports qui datent des années 60, 80, qui recensent la problématique. Et, encore aujourd'hui, c'est une nouvelle génération de jeunes qui doivent, malheureusement, encore se lever debout aujourd'hui pour porter, finalement, une parole qui fait consensus. C'est vrai, tout le monde dit : On doit faire plus pour les jeunes. Mais quand vient le temps d'agir, ils sont où exactement?

Puis, moi, je ne nie pas, c'est vraiment intéressant, les pas qui ont été faits vers l'avant, mais il y a eu une motion qui a été adoptée à l'unanimité par tous les députés, à l'Assemblée nationale, comme quoi c'était prioritaire de veiller à ce qu'il y ait un filet de sécurité qui soit mis en place autour de tous les jeunes. Ça prend des corridors de services, ça prend des outils qui vont permettre d'aller en amont et faire en sorte qu'on n'ait plus jamais à se retrouver dans une situation où un jeune a été laissé à lui-même. Puis malheureusement c'est ça, là, c'est la norme, comme ça a été soulevé plus tôt, il y en a beaucoup qui restent en silence parce qu'ils n'en ont pas, d'adulte de confiance autour d'eux, en ce moment, vers qui se dévoiler, se confier. Il y en a qui rentrent à la maison le soir, vivent des violences, ils doivent faire semblant qu'il ne s'est rien passé la veille, parce qu'ils savent très bien que, même s'ils parlent, ça va juste s'empirer.

Donc, je pense que, clairement, il y a vraiment quelque chose à faire. Surtout avec la pandémie, il y a eu une explosion des violences en ligne, et je pense qu'on ne peut plus continuer de nier. Il est encore temps de faire une différence, et d'investir aussi, puis d'avoir des engagements clairs pour la prévention. Puis je vous remercie vraiment, les filles, d'être ici encore, aujourd'hui, ce matin. C'est vraiment exceptionnel, c'est une contribution qui est colossale. Puis, vraiment, je vous remercie aussi d'avoir été présents, aujourd'hui, prêts à écouter cette dure vérité, parce qu'imaginez, c'est difficile d'entendre et de recevoir, mais imaginez juste deux secondes ce que ça doit être d'être dans le soulier d'un jeune qui est incapable de parler. Donc, je vous remercie, puis je vous souhaite une excellente journée.

La Modératrice : Merci beaucoup.

(Fin à 8 h 54)

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