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Conférence de presse de M. François Legault, premier ministre

Version finale

Le mardi 5 octobre 2021, 13 h 15

Salle Evelyn-Dumas (1.30), édifice Pamphile-Le May

(Treize heures quinze minutes)

M. Legault : Bonjour, tout le monde. Ce matin, la coroner a déposé son rapport d'enquête sur le décès de Joyce Echaquan. J'ai lu le rapport, et la conclusion est très claire. Il y a eu des préjugés, de la discrimination, du racisme à l'égard de Mme Echaquan. C'est inacceptable, et il faut s'assurer qu'on fasse tout dans notre possible pour que ça ne se reproduise jamais.

Maintenant, on a commencé, entre autres à Joliette, à l'hôpital de Lanaudière, à prendre des mesures. D'abord, les deux employées qui ont eu des propos racistes ont été congédiées. Ensuite, on a nommé un représentant de la communauté de Manawan au conseil d'administration du CISSS de Lanaudière. On a nommé un adjoint à la présidente, à la P.D.G. du CISSS, qui vient de la communauté.

On a aussi, avec la communauté, embauché des agents de liaison qui s'assurent que les personnes qui viennent de la communauté sont accompagnées tout au long du processus lorsqu'ils reçoivent des soins. Puis on a commencé à former… à donner une formation à tous les employés sur les réalités autochtones. J'en parlais ce matin avec le ministre Christian Dubé, qui prend ça très au sérieux, et il me disait que, déjà, 12 000 employés du CISSS de Lanaudière ont reçu au moins trois heures de formation. Puis ça va se continuer le plus rapidement possible.

Maintenant, la coroner fait une recommandation que le gouvernement reconnaisse qu'il y a au Québec du racisme systémique. Bon, d'abord, la première chose que je voudrais faire, c'est de m'adresser à la communauté autochtone, en particulier à toutes les personnes qui ont été victimes de préjugés, discrimination, de racisme. Je veux vous dire que personnellement, je trouve ça inacceptable. Je trouve ça choquant que ça se passe actuellement au Québec. Puis je vais m'assurer… j'ai déjà commencé à le faire, je vais continuer de m'assurer qu'on fasse tout en notre possible pour que ça arrête, ces façons de faire.

Je veux dire aussi, parce qu'on a beaucoup parlé des débats la semaine dernière… Je veux revenir sur ce qui est arrivé dans les pensionnats autochtones. Je suis moi-même père de deux gars. C'est épouvantable de penser que des enfants ont été enlevés à leurs parents, puis je peux tout à fait comprendre la colère de ces parents-là. Puis ça ne s'est pas arrêté à ces parents-là. Ça s'est transmis de génération en génération puis il reste encore aujourd'hui des séquelles, des blessures. Et je veux être très clair, là, quand on parle de comment ça fonctionnait dans les pensionnats autochtones, c'était du racisme systémique qui était toléré par les autorités. C'était vraiment une période noire de notre histoire.

Maintenant, la question qui se pose suite à la recommandation de la coroner, c'est de savoir est-ce qu'aujourd'hui, au Québec, il y a du racisme systémique. Bon, puis, vous le savez, il y a beaucoup de définitions des deux mots, le «racisme systémique», mais prenons le mot «systémique». Si on va dans Le petit Robert, «systémique», on dit que ça veut dire : «Relatif à un système dans son ensemble.» Donc, «systémique», ça veut dire : «Relatif à un système dans son ensemble.»

Pour moi, un système, c'est quelque chose qui part d'en haut. Prenons, par exemple, le réseau de la santé. Est-ce qu'il y a quelque chose qui part d'en haut puis qui est communiqué partout dans le réseau de la santé en disant : Soyez discriminatoires dans votre traitement auprès des autochtones? Moi, c'est évident que, pour moi, la réponse, c'est non.

Par contre, je comprends qu'à certains endroits il y a des employés, je dirais même, dans certains cas, des groupes d'employés puis même des dirigeants, qui ont des approches discriminatoires. Puis je me mets à la place des autochtones qui ont été victimes de préjugés, de discrimination puis de racisme, je peux comprendre, quand ça arrive souvent, qu'on puisse se dire : Bien, voyons donc, il doit y avoir un système organisé par en haut, qui fait qu'on traite de façon différente les autochtones.

Donc, je comprends qu'il y a des autochtones qui ont été victimes, qui se disent ça, actuellement, puis je ne veux pas minimiser leur souffrance, leur colère. Mais ce qui est important, c'est que ça arrête. Puis, au Québec, bien, il y a deux groupes de citoyens. Il y a des Québécois qui pensent qu'il y a du racisme systémique puis il y a des Québécois qui pensent qu'il n'y a pas de racisme systémique. Et le but, ce n'est pas de savoir lequel des deux groupes a raison. Le but, c'est qu'on travaille tous ensemble, tous les Québécois, pour combattre les préjugés, la discrimination, le racisme.

Donc, je dirais, en conclusion : Oui, au Québec, il y a des préjugés, oui, au Québec, il y a de la discrimination, oui, au Québec, il y a du racisme, puis on doit, tous les Québécois, travailler ensemble pour combattre les préjugés, combattre la discrimination, combattre le racisme. Merci.

Journaliste : Quand vous dites : Je comprends qu'il y a des gens qui pensent qu'ils ont… que des gens ont vécu des choses et que ça fait sorte qu'ils pensent qu'il y a du racisme systémique, est-ce que c'est de dire que c'est une lubie de la part des Premières Nations que de penser qu'il y a du racisme systémique au Québec? Parce que c'est un peu ce qu'on comprend.

M. Legault : Bien, ce que je dis, dans le fond, c'est qu'il y a plusieurs définitions de «racisme systémique». Si je me fie au Petit Robert, c'est de dire : C'est relatif à un système dans son ensemble. Bien, écoutez, là, j'ai été ministre de l'Éducation, j'ai été ministre de la Santé, je n'ai jamais vu un système qui part d'en haut puis qui demande à tous les employés de faire de la discrimination. Donc, il peut y avoir d'autres définitions. Puis là, bien, les gens sont rendus… c'est rendu lourd, il y a des gens qui pensent que, si on n'est pas d'accord pour dire qu'il y a un système raciste, on est racistes. Bien, voyons, on peut être contre le racisme puis penser qu'il n'y a pas un système qui part d'en haut.

Journaliste : M. Legault, vous dites vouloir faire tout en votre possible pour que ça arrête, ces façons de faire. C'est de cette façon-là que vous l'avez dit. Il y en a un, outil… en votre possible, qui vous a été recommandé par la commission Viens, puis c'est de documenter les plaintes des autochtones dans le réseau de la santé. Vous ne le faites pas puis vous refusez de le faire. Est-ce que ce n'est pas un peu facile de dire qu'il n'y a pas de discrimination quand on ne la documente pas?

M. Legault : Bien, moi, je ne suis pas fermé à cette idée-là d'avoir une documentation des plaintes puis de suivre aussi l'évolution pour voir si la situation s'améliore. Je suis ouvert à cette suggestion-là.

Journaliste : M. Legault, juste pour être clair, là, parce que vous avez dit tout à l'heure, là… Bon, vous avez dit que, bon, à une certaine époque, il y a eu du racisme systémique. Ça, ce bout-là, vous l'admettez. Le système qui avait amené ça, là, c'était lié, entre autres, à la Loi sur les Indiens, qui existe encore de nos jours, donc. Puis là vous dites, après ça, dans la phrase suivante : Il y a des dirigeants qui ont une approche discriminatoire. Ça, ça part d'en haut, les dirigeants, généralement, qui ont une approche discriminatoire. Est-ce que ça veut dire que maintenant vous croyez qu'il n'y a plus de racisme systémique ou si votre définition du racisme systémique est différente de celle qui est véhiculée par à peu près tout le monde?

M. Legault : Bien, je reviens à la définition du dictionnaire Le petit Robert, «systémique», c'est relatif à un système dans son ensemble. Est-ce que l'ensemble du système de l'éducation, du système de la santé est raciste? Moi, je pense que la réponse, c'est non. Mais c'est possible qu'à certains endroits il y a des employés, des groupes d'employés, peut-être certains cadres qui aient des approches discriminatoires. Mais, de dire que le système, dans son ensemble, est raciste, bien, je ne peux pas accepter ça.

Journaliste : Est-ce que la coroner, Mme Kamel, a outrepassé son mandat en venant inscrire dans les conclusions de son rapport le racisme systémique? Puis vous ne vous entendez pas avec elle sur la définition de ça…

M. Legault : Bien, c'est ça, c'est qu'il y a plusieurs définitions. Donc, moi, pour moi, «systémique», c'est relatif à un système dans son ensemble. Peut-être que, pour la coroner, «systémique», ça veut dire d'autre chose. Puis je le sais… Si on regarde, par exemple, la définition de la Commission des droits de la personne, qui est mentionnée dans le rapport, bien, c'est une autre définition qui n'est pas simple à comprendre, là, qui fait au moins deux lignes, là. Mais, pour moi, «racisme systémique», c'est un système raciste.

Journaliste : …outrepassé son mandat?

M. Legault : Bien, écoutez, elle n'a pas pris la même définition que nous. Puis, même, je pense qu'elle dit en quelque part : Au-delà du débat sur les mots, l'important, c'est que ces pratiques-là cessent. Elle le dit dans le rapport.

Journaliste : …de Mme Echaquan, dans le rapport, aussi, on s'aperçoit que… en fait, la coroner l'explique, qu'à chaque étape, que ce soit le gastroentérologue, le médecin traitant, il y a eu des biais qui ont teinté la façon dont elle a reçu ses traitements. Ce n'est pas là la preuve que les biais sont systémiques, en fait, qu'on sort de l'anecdote de deux personnes racistes au bout de la chose, là, quand, à toutes les étapes, il y a un biais qui est apporté aux Premières Nations?

M. Legault : Oui, mais, bon, d'abord, on parle d'une situation à l'hôpital de Joliette. On pourrait, demain matin… Je parlais, avec certains médecins puis infirmières, de la situation, disons, à l'hôpital de Sainte-Justine, bon, eux n'ont pas vu ça. Là, on voit effectivement dans le rapport qu'il y a peut-être un groupe d'employés qui avaient des approches discriminatoires.

Donc, c'est pour ça que je dis : Il faut agir, il faut former, il faut... Puis ça, je pense qu'on a beaucoup agi, à l'hôpital de Joliette. J'ose espérer qu'actuellement la situation s'est beaucoup améliorée. Il y a eu aussi un suivi qui a mal été fait. On aurait dû avoir un suivi de plus près. Il y a eu comme des préjugés qui ont fait qu'on a pris pour acquis que la patiente souffrait d'un problème qui n'était pas nécessairement le problème réel.

Donc, effectivement, je ne nie pas, là… moi, je dis : C'est clair qu'il y a eu... que Mme Echaquan a été victime de préjugés, discrimination, de racisme, à l'hôpital de Joliette, là. Pardon?

Journaliste : ...

M. Legault : Bien, avec plusieurs employés, effectivement.

Journaliste : La première recommandation, pour vous, est-ce qu'elle jette du discrédit sur le reste du rapport du coroner?

M. Legault : Je ne pense pas, parce qu'en quelque part la coroner dit : Au-delà des discussions sur les mots, ce qui est important, c'est que les pratiques changent. Puis c'est ça que moi, je veux. Je veux qu'on travaille tous ensemble. Au lieu de diviser les Québécois, essayons de les rassembler pour lutter ensemble contre les préjugés, la discrimination, le racisme.

Journaliste : ...faites dans ce dossier-là, de toute façon, à cause de ce débat sur le mot «systémique», bien, on ne le voit pas, ce que vous faites.

M. Legault : Je ne pense pas. Je pense que... On parle de l'hôpital de Joliette. Je pense que la situation a changé. Moi, je pense que là où on va identifier qu'il y a des problèmes on va changer la situation. Puis là on envoie un message très fort de la part du premier ministre : On n'en veut plus, de traitement discriminatoire dans notre réseau de la santé, entre autres, mais on n'en veut plus nulle part.

Journaliste : …ça revient constamment, là, cette question du racisme systémique. Est-ce que vous êtes ouvert, de quelque façon que ce soit, à un compromis sur la terminologie pour permettre d'avancer et justement d'arrêter de se diviser sur l'utilisation de quelle définition est la bonne? Est-ce que vous êtes ouvert à quelque sorte de compromis sur le racisme?

M. Legault : Bien, écoutez, il y a trois mots qui sont forts, là. Il y a des préjugés, puis on veut lutter contre les préjugés, il y a de la discrimination puis des traitements discriminatoires, on l'a vu à l'hôpital de Joliette, il faut lutter contre ça, puis il y a du racisme. Vous savez, du racisme, c'est de la haine. Bon, eh bien, on n'accepte pas ça, là. C'est un mot fort. Est-ce qu'on est obligés d'ajouter un mot pour dire que c'est tout le système dans son ensemble? Je pense...

M. Lacroix (Louis) : Qu'est-ce que ça ferait, M. Legault, d'admettre ça? Il me semble qu'il y a énormément de décideurs, de gens qui ont réfléchi à la question, qui disent : Il y a du racisme systémique. Alors, qu'est-ce que ça vous coûterait à vous de le reconnaître? C'est quoi, la conséquence de dire, comme gouvernement : Parfait, on reconnaît qu'il y a du racisme systémique? Pourquoi vous ne reconnaissez pas ça? C'est quoi, la conséquence que ça amènerait?

M. Legault : Bien, d'abord, je vous corrige, M. Lacroix. Il y a beaucoup de personnes qui ont réfléchi puis qui arrivent à la conclusion qu'il n'y a pas de racisme systémique. Ça dépend de la définition qu'on prend. De dire que tout le système tolère du racisme, en éducation, en santé, bien, écoutez, d'abord, selon ma définition, ce n'est pas exact. Puis l'essentiel, c'est de lutter contre le racisme, ce n'est pas de se chicaner sur le mot «systémique».

M. Lacroix (Louis) : Donc, je répète ma question. Qu'est-ce que ça vous coûterait à vous de reconnaître ça? Ce serait quoi, la conséquence si le gouvernement disait : On reconnaît le racisme systémique?

M. Legault : Bien là, pourquoi je reconnaîtrais une situation qui n'est pas, selon moi, exacte? Je ne comprends pas.

Journaliste : Est-ce qu'il y a des avis juridiques sur cet enjeu-là, au gouvernement, qui ont été demandés concernant la reconnaissance d'un racisme systémique?

M. Legault : Je ne suis pas au courant de ça. Je ne pense pas.

Journaliste : Est-ce que le système à l'hôpital de Joliette était raciste?

M. Legault : Bien, il y avait un groupe d'employés qui ont eu des façons de faire, je dirais, discriminatoires.

Journaliste : …dans le mode de fonctionnement de l'hôpital de Joliette?

M. Legault : Je ne peux pas vous dire. Là, les personnes qui sont nommées, on voit qu'il y en a un certain nombre, là, qui avaient une approche discriminatoire.

Journaliste : …où il y avait du racisme systémique. Vous le savez, la Loi sur les Indiens existe toujours, et les services en éducation et en santé sont sous-financés, pour les autochtones, par rapport aux autres enfants. Il y a même eu des poursuites récemment là-dessus. Qu'est-ce qu'il y a de... En fait, c'est quoi, les éléments dans les pensionnats qui relevaient du racisme systémique puis qui n'existent plus aujourd'hui?

M. Legault : Bien, j'espère qu'il n'y a plus de pensionnats aujourd'hui où on arrache les enfants des parents autochtones pour les mettre dans les pensionnats, là. Je ne pense pas que ça existe. Puis, dans les réseaux qui relèvent de moi, comme la santé puis l'éducation, je ne pense pas qu'il y a un système qui part d'en haut puis qui fait de la discrimination à la demande des hauts dirigeants.

Journaliste : Tantôt, vous ne vouliez pas dire qu'est-ce qu'il vous en coûterait, là, mais c'est quoi, la crainte? C'est quoi, votre peur fondamentale à reconnaître le racisme systémique? Est-ce que c'est aussi émotif que le débat?

M. Legault : C'est une question factuelle, c'est qu'on ne peut pas prétendre que le système, dans son ensemble, est raciste. Ça voudrait dire, là, que tous les dirigeants de tous les ministères ont une approche discriminatoire qui est propagée dans tous les réseaux.

Journaliste :

M. Legault : Bien, écoutez, la lutte au racisme, je pense que c'est un sujet important au Québec, en particulier auprès des autochtones. Bon, évidemment, ça sera un sujet. Il y en aura d'autres aussi, évidemment.

Journaliste : …sur les médias sociaux, il y a eu une pause de sept heures où personne ne l'a vue, là, mais, outre ça, vous avez admis votre part de responsabilité dans les débats acrimonieux qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale. Quelle est-elle, cette responsabilité?

M. Legault : Bien, regardez, on va commencer par mardi. Mardi, juste avant la période de questions, les gens qui me préparent me font part de la vidéo de Greg Kelley, Greg Kelley qui est debout sur une boîte puis qui dit… qui mélange Joyce Echaquan, la loi n° 21, le français au Québec qu'on veut défendre. Il met tout ça ensemble, là, fait un amalgame, là, terrible, O.K.? Bon, moi, j'arrive en période de questions et je vois le même Greg Kelley qui se lève, puis après Dominique Anglade, puis ça a été plus fort que moi. Je n'aurais pas dû faire ça, tu sais, compte tenu que ça faisait un an, le décès de Joyce Echaquan. Même si j'étais choqué de ce que Greg Kelley avait dit, totalement inacceptable, j'aurais dû garder ça pour moi.

Bon, ensuite, jeudi, la question du jour férié, on me pose une question rapide dans le corridor, et je réponds rapidement en anglais, un mot, et pas de contexte, tu sais, alors que moi, je suis pour la journée de commémoration puis je suis d'accord que c'est terrible puis c'est épouvantable, ce qui est arrivé dans les pensionnats. Maintenant, avant d'ajouter des jours fériés, il faut bien prendre le temps d'évaluer c'est quoi, les impacts, bon. Donc, de la façon que ça a sorti, là, j'avais l'air d'un sans-coeur, là. Je ne pense pas que je suis un sans-coeur.

Journaliste : …responsabilité est sur l'attitude que vous avez et non pas sur les propos que vous avez tenus.

M. Legault : Bien oui, et je me suis choqué mardi, alors que c'était une journée de commémoration, puis, jeudi, j'ai fait un scrum ou j'ai répondu trop rapidement sans un préambule. Je vais essayer d'être meilleur à l'avenir.

Journaliste : Mais vous êtes à fleur de peau? Pourquoi?

M. Legault : Non, pas du tout. J'avoue que, des fois, je suis émotif. Quand je vois la vidéo de Greg Kelley, là, qui mélange racisme systémique, la supposée réduction du nombre de réfugiés — je ne sais pas où est-ce qu'il a pogné ça — la loi no° 21, pour interdire les signes religieux à toutes les communautés, puis la loi no° 96, pour renforcer le français, puis qui mêle tout ça ensemble, là, bien, moi, je trouve ça insultant pour les Québécois puis ça me choque. Donc, je sais que, comme premier ministre, il faut que je reste calme, mais je ne veux pas non plus complètement me dénaturer. Quand je suis choqué, bien, je suis choqué, mais il faudrait que je sois plus calme.

Journaliste : Allez-vous proroger la session, M. Legault, vendredi?

M. Legault : On n'a pas décidé encore. C'est une possibilité qu'on regarde parce qu'on aimerait bien ça. Puis là on voit que la situation s'améliore du côté de la pandémie. Donc, on aimerait bien ça tourner la page après 19 mois puis revenir sur d'autres enjeux qui sont très importants au Québec comme l'éducation, comme l'économie, comme la bonne gestion, comme la fierté, comme… bon. Donc, c'est une possibilité qu'on regarde.

Journaliste : …dangereux d'ouvrir la porte au privé en éducation, c'est-à-dire en allant… parce qu'il n'y a pas assez d'orthopédagogues, pas assez de psychologues pour les enfants, d'aller… se tourner vers le privé pour donner des services aux enfants?

M. Legault : Il n'y a aucune intention, là, d'ouvrir la porte davantage au privé en éducation. Ce qu'on se rend compte actuellement, c'est qu'il manque, entre autres, d'orthophonistes. Ça prend un certain temps avant de former les orthophonistes. Bon, puis il y en a un peu au privé, mais je ne vois pas pourquoi les enfants qui sont au public ne profiteraient pas de ces services-là. Mais soyons réalistes, là, c'est vraiment en dernier recours, puis la plupart des orthophonistes au privé sont occupés.

Journaliste : Mais est-ce que ça n'encourage pas les orthophonistes, qui sont très peu nombreux déjà dans le réseau public, à s'en aller vers le privé?

M. Legault : Non. Puis, même, je vais regarder toutes les façons possibles de les amener, un peu comme on fait avec les infirmières, au public. Tu sais, notre système, c'est un système public.

Journaliste : Est-ce que, si vous êtes réélu dans un prochain mandat, M. Legault, vous avez pris votre décision à savoir si vous allez rester l'ensemble du mandat ou si… Parce que vous aviez… Je pense, vous avez déjà songé à dire : Bien, peut-être qu'à un moment donné je pourrais me retirer en cours de mandat.

M. Legault : Non, j'ai décidé, je vais rester au moins un autre mandat.

Journaliste : Vous allez faire complètement les quatre ans d'un autre mandat? C'est coulé dans le béton…

M. Legault : Oui, puis peut-être même un autre après, peut-être un autre après.

Journaliste : Ah oui?

M. Legault : Oui.

Journaliste : Qu'est-ce qui vous motiverait?

M. Legault : Bien, ça va dépendre de ma santé. Pour l'instant, je suis en forme. Je ne suis pas fatigué du tout, je suis en forme.

Journaliste : Mais, sur le plan idéologique, qu'est-ce que vous voudriez faire dans un… à long terme? Ce serait quoi, le legs que vous voudriez laisser aux Québécois, M. Legault, là? Si jamais, comme vous dites, vous faites trois mandats, c'est parce que vous avez une vision que vous voulez mener à bon port.

M. Legault : Oui, bien, je l'ai souvent dit, là, un Québec plus fier et, entre autres, un Québec aussi prospère que ses voisins. Donc, un Québec plus fier, ça veut dire aussi défendre notre langue, défendre ce qu'on est, mais ça veut dire aussi avoir les moyens de nos ambitions. Moi, je n'accepte pas que le Québec soit moins riche que l'Ontario, moins riche que le reste de l'Amérique du Nord. Puis on fait des pas avec Pierre Fitzgibbon et moi, et puis… mais j'aimerais que ce soit un de mes legs. Puis j'aimerais que les Québécois soient encore plus fiers d'être Québécois. C'est pour ça qu'on fait les Espaces bleus. C'est pour ça qu'on a déposé la loi n° 21, la loi n° 96.

Journaliste : C'est large. Est-ce qu'il n'y a pas un aspect dans lequel vous aimeriez qu'on dise, là, quand vous allez vous retirer de la politique : Ça, là, c'est François Legault qui a fait ça?

M. Legault : Je ne trouve pas que c'est si large que ça, là, la fierté puis l'économie, là. Je pense que c'est quand même assez précis.

Journaliste : …en politique pour 10 ans, si je me souviens bien. J'étais là à ce moment-là, quand vous avez annoncé ça. Là, finalement, ça va être un peu petit peu plus long. Est-ce que c'est à cause de la pandémie que vous décidez de prolonger un peu votre retour en politique?

M. Legault : Bien, vous étiez là à ce moment-là. Vous avez décidé de continuer. Donc, moi aussi, j'ai décidé de continuer. Puis, quand on dit 10 ans, bien, évidemment, à l'époque, je pensais que je serais tout de suite premier ministre puis je ferais 10 ans comme premier ministre, là. Pour l'instant, j'en ai juste trois de faits.

M. Lacroix (Louis) : Est-ce que vous voulez éviter justement d'être le premier ministre de la pandémie…

M. Legault : D'être le premier ministre…

M. Lacroix (Louis) : …ne pas l'être justement pour que… allonger votre mandat pour être autre chose que la COVID?

M. Legault : Bien, vous pouvez vous imaginer, quand je me suis présenté en 2018, là, ce n'était pas pour gérer la pandémie. Donc, j'ai d'autres objectifs.

M. Lacroix (Louis) : …un petit peu la semaine dernière quand vous avez dit ça devant la FQM, parce que vous avez dit… les mots que vous avez utilisés, c'est : Je n'avais pas signé pour ça. Or, quand on devient premier ministre, on n'est pas premier ministre juste pour ce qu'on s'est donné comme mandat. On est premier ministre pour faire face à toutes les situations qui peuvent arriver. Quand Lucien Bouchard a été nommé premier ministre, il n'était pas premier ministre pour gérer, je ne sais pas, moi, la crise du verglas.

M. Legault : Effectivement.

M. Lacroix (Louis) : Mais il a dit : Bien, c'est ma job puis je la fais.

M. Legault : Oui, oui, mais là est-ce qu'on peut convenir, M. Lacroix, que 19 mois de pandémie, c'est exceptionnel?

M. Lacroix (Louis) : Oui, mais cette expression-là, est-ce qu'elle était mal choisie?

M. Legault : Mais non, mais, effectivement, quand on est premier ministre, on est là pour s'occuper des Québécois. Donc, ça veut dire les protéger, mais aussi moi, je suis là pour faire des changements. Donc, on a fait des changements, puis il y a encore des changements à faire au Québec. Mais il faut aussi, dans une période comme celle qu'on a vécue avec la pandémie, s'assurer que les Québécois sont en sécurité.

Le Modérateur : …avant de passer en anglais et dernière en français?

Journaliste : Dans quelques minutes la famille de Joyce va s'adresser aux médias. Quel message vous avez pour Carol Dubé à ce moment-ci, après avoir lu le rapport, après les commémorations de la semaine dernière?

M. Legault : Bien, le message que j'ai pour M. Dubé puis la famille de Mme Echaquan, c'est qu'on a la preuve maintenant que Mme Echaquan a été victime de préjugés, de discrimination, de racisme. C'est inacceptable. Ça n'a pas de bon sens, là. Et, quand on lit le rapport, bien, il y a eu un certain nombre d'employés à l'hôpital de Joliette qui n'ont pas fait leur job. Non seulement ils ont eu des propos racistes, mais ils ont aussi supposé que Mme Echaquan souffrait d'un mal différent de la réalité.

Donc, écoutez, on a commencé à agir à l'hôpital de Joliette. Puis moi, je veux assurer M. Dubé, là, que je vais tout faire en mon possible pour qu'il n'y en ait plus, de discrimination auprès des autochtones, puis que, quand un autochtone rentre dans un hôpital, bien, il soit traité de la même façon que n'importe quel être humain.

Journaliste : Est-ce que la famille de Mme Echaquan, M. Dubé, entre autres, mériterait une compensation pour ce qui s'est passé? Je comprends que l'argent n'achète pas tout, mais c'est comme ça qu'on répare, dans notre société, quand les gens ont des torts.

M. Legault : Je ne suis pas spécialiste là-dessus, là. On pourrait regarder, effectivement…

Journaliste : Mais seriez-vous ouvert, M. Legault, à faire ça?

M. Legault : Bien, écoutez, on va regarder, là, ce qui est fait habituellement dans des cas comme ça.

Journaliste : Pendant qu'on est ici, là, il y a l'APNQL qui a publié un communiqué, là. Bon, il y a M. Picard qui dit que vous êtes dans l'erreur en refusant d'admettre le racisme systémique et il vous demande : Pourquoi le Québec serait-il épargné, alors qu'aucune société n'est à l'abri de ce fléau?

M. Legault : Bien, écoutez, on ne s'entend pas sur la définition de «racisme systémique». Si M. Picard parlait de racisme, on serait d'accord. Puis je ne vois pas pourquoi on diviserait les Québécois plutôt que les rassembler pour lutter ensemble contre le racisme. Je ne vois pas c'est quoi, l'intérêt d'avoir ce débat autour du mot «systémique».

Le Modérateur : On passe à l'anglais.

Mme Senay (Cathy) : Mr. Legault, the presentation of the report of Ms. Kamel was broadcasted all across Canada. And now you're coming back today and you have this definition, in Le Petit Robert, of what systemic racism or the word «systemic» means. Are you humanly capable of recognizing there is systemic racism in Québec with this specific story and other stories?

M. Legault : I'm capable to say that what happened to Ms. Echaquan is terrible. And a few employees, not only one, a few employees didn't deliver the right services to her. It's unacceptable, and we already made some changes. We now have somebody on the board in Joliette. We have somebody as the assistant of the president. We have some people also that are making sure that each patient is followed in the system.

So I do agree. The only thing… The only place where I don't agree is when we say that there's a system, because, for me, a system is coming from out... upstairs, coming from the top people, and I don't see this in the health care network, for example. So what I say is instead... And, we know, in Québec, we have a certain percentage of Quebeckers saying that there is systemic racism and a part of the population saying there's no systemic racism. But almost all Quebeckers, they say : There is some racism in Québec, and we have to fight all together, stop dividing Quebeckers, all work together.And I think also we have to admit that, yes, there is some racism in Québec, but less than many other places.

Journaliste : Why do you say so?

M. Legault : Because we are a progressist society in Québec, and I think that the situation is not perfect, but it's not as worse as it is in some parts of United States, for example.

Journaliste : What are you going to do with actions now? Like, you have to prove that you're on top of things. If you recognize racism, prejudice, discrimination, now what are the actions you'll put in place to make sure that you are on top of things, even though you don't recognize that the system is racist?

M. Legault : So we send a clear message to all top management people in our different systems not to tolerate that and correct that if it happens. Second, we started already to train all our employees. For example, in Lanaudière, we already trained 12,000 employees, telling them exactly the context and what the Indigenous people lived in the past. So I think that right now there's a clear message. We will not tolerate that some services be different to First Nations than they are to other people in Québec.

Journaliste : Is there a concern that, by acknowledging systemic racism, the Government could open itself up to certain lawsuits? Is that a concern on your part?

M. Legault : I think that I only take the definition of «system» and I say : We don't have a system, top to bottom… and it's a question of fact, that's it, that's all.

Journaliste : You mentioned there's two groups in the province.

M. Legault : Right.

Journaliste : The group that says there is systemic racism, are they wrong in your mind?

M. Legault : I think they don't use the same definition. I think that they use a kind of definition saying that, for example, in Joliette, they were more than one individual, so they were a group, and because they were a group, they call that a system. But, for me, a system, it's all the system, and, for me, it doesn't apply to the situation in Québec.

Journaliste : But, if you're using two different definitions, do you worry that you won't be able to come together as a province and improve the situation?

M. Legault : At the opposite, I think that, if we use the word «racism», we are all together, we put all Quebeckers… we all believe that there is racism and we all want to fight against racism.

Mme Senay (Cathy) : Do you agree, when you read Ms. Kamel's report… like, you agree with her, most of her points, except the first recommendation?

M. Legault : Exactly, and even Ms. Kamel, she's saying that we have not to put all the emphasis only on words. We have to put emphasis on actions to change the situation. And, on that, I fully agree.

Le Modérateur : Je vous remercie, M. le premier ministre.

M. Legault : Merci beaucoup, tout le monde.

Le Modérateur : Bonne fin de journée.

(Fin à 13 h 50)

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