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Point de presse de Mme Véronique Hivon, porte-parole du troisième groupe d’opposition pour la famille

Version finale

Le mardi 1 juin 2021, 9 h 30

Hall principal de l'hôtel du Parlement, hôtel du Parlement

(Neuf heures trente-trois minutes)

La Modératrice : Bienvenue à ce point de presse du Parti québécois. Ce matin, Mme Véronique Hivon, notre porte-parole en matière de famille... elle sera suivie de Mme Émilie Dechamplain, instigatrice du mouvement Valorisons ma profession. La parole est à vous.

Mme Hivon : Oui. Alors, bonjour. Merci beaucoup d'être ici malgré toutes les émotions que vous avez dû vivre hier soir. Et peut-être que vous avez fêté une partie de la nuit, donc, en respect des règles sanitaires, j'imagine, mais je suis très heureuse que vous soyez là ce matin pour cet important point de presse.

Alors, je suis devant vous avec les porte-parole, quelques-unes des porte-parole, du mouvement d'éducatrices Valorisons ma profession, qui est un mouvement spontané qui s'est créé, et qui regroupe maintenant des milliers d'éducatrices, au-delà, là, de toute allégeance syndicale, de tout milieu de service de garde éducatif à l'enfance, milieu familial, installation, CPE, privé.

Donc, il y a vraiment toute une multitude d'éducatrices qui se sont réunies pour vraiment marquer le coup et montrer à quel point cette profession-là, elle est essentielle, et à quel point il est fondamental de lutter contre la pénurie actuelle, qui prend vraiment des proportions jamais vues, tout à fait alarmantes. Et donc c'est assez extraordinaire de voir la force de ce mouvement-là, là, qui s'est développé au cours des dernières semaines.

De mon côté, vous ne serez pas surpris de m'entendre à nouveau sur ce sujet-là. Ça fait des semaines, des mois, des années que j'en parle. Et, en fait, il y a plus de deux ans maintenant, j'alertais le ministre actuel de la Famille, Mathieu Lacombe, pour lui dire qu'on s'en allait directement dans le mur avec la pénurie d'éducatrices qui était déjà présente, mais qui allait en s'accroissant.

Et là, malheureusement, faute d'actions concrètes qui ont été faites, on est dans le mur. On a foncé dans le mur, et j'ai le sentiment qu'on voit les briques, donc, s'accumuler, les briques tomber du mur, et que le ministre les regarde s'accumuler sans bouger, sans rien faire pour, d'abord et avant tout, maintenir en poste les éducatrices qui sont là. C'est beau de penser à d'autres moyens d'aller recruter. Nous aussi, on en est, on souhaite trouver des moyens comme ça. Mais la base, c'est de lutter contre l'hémorragie, à l'heure actuelle, de cette perte d'éducatrices, qui ne cesse de s'accroître.

Et ce qui est très grave, c'est qu'il n'y a rien qui a été fait pour les éducatrices qui sont en place. Et, pire, il n'y a même eu aucune prime qui a été donnée aux éducatrices, alors que je vous rappelle que ce sont les seules dont les services, à la petite enfance, sont restés ouverts à travers toutes les vagues de la pandémie, dont la première vague, évidemment. Alors que même les écoles étaient fermées, les éducatrices étaient au front, mais il n'y a jamais eu de reconnaissance.

Donc, aujourd'hui, vraiment, je suis ravie d'être accompagnée des instigatrices de ce mouvement. Et je vais donc laisser la parole à Émilie Dechamplain, qui a des choses très intéressantes à vous communiquer.

Mme Dechamplain (Émilie) : Donc, bonjour à tous. Je ne suis pas très à l'aise, donc je me suis fait un petit texte pour le lire. Donc, je me présente, je m'appelle Émilie Dechamplain, comme ça a été nommé. Je suis instigatrice du mouvement Valorisons ma profession, avec mes deux merveilleuses collègues éducatrices, Élizabeth O'Farrell, qui est avec moi, et Mariève Péloquin, qui ne pouvait pas être là, malheureusement. On voulait aussi... Je voulais, au nom de mes deux collègues, remercier Mme Hivon pour l'occasion qu'elle nous donne aujourd'hui. C'est vraiment une belle occasion pour nous de faire entendre notre voix et celles de tous les éducateurs, éducatrices du Québec.

Valorisons ma profession, c'est un mouvement sans affiliation syndicale ou politique. Nous sommes juste des éducatrices qui voulons mettre en lumière l'importance de notre travail. Nous représentons près de 8 000 membres, éducateurs, éducatrices, à travers tout le Québec. Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est parce qu'on l'aime, notre profession. On l'aime, et c'est pour ça que l'on veut que les choses changent. On l'aime car, sinon, au lieu de créer un mouvement pour la valorisation de la profession qui occupe toutes nos soirées, toutes nos fins de semaine, en plus de nos journées bien remplies au CPE, et de nos petites familles, nous serions simplement partis.

Notre profession, on l'aime pour ce qu'elle nous apporte au quotidien, mais aussi pour ce qu'elle nous permet d'apporter aux enfants : des rires, du réconfort, des apprentissages, entre autres. Mais savez-vous ce qu'elle ne nous apporte pas? De la reconnaissance. Nous ne nous sentons pas particulièrement valorisés dans notre quotidien. Bien sûr, les parents de nos groupes sont très reconnaissants de ce que nous faisons, et ils nous le font sentir. Mais, dans nos conditions de travail, dans les discours du gouvernement, dans la perception de la société par rapport à ce qu'on fait, il y a un gros travail à faire.

Nous, les éducateurs, éducatrices, nous avons besoin de nous faire rassurer. Nous avons besoin que le ministère se prononce en faveur de la profession d'éducateur et d'éducatrice à l'enfance, qu'il y ait une prise de position claire, précise et concrète sur notre reconnaissance. À tous les jours, nous offrons un service de qualité. Même dans un contexte de pandémie, nous avons répondu présents, en nous adaptant à chaque changement pour accueillir enfants et familles.

À tous les jours, nous soutenons le développement des enfants, qu'il soit question de leur motricité globale et fine, leur confiance en eux, l'acquisition de leur langage, leur autonomie, leur sentiment de sécurité, leur capacité à résoudre des problèmes, à s'intégrer dans un groupe, et leur capacité d'autorégulation. À tous les jours, nous observons, colligeons, échangeons, collaborons. Nous questionnons aussi, puisque nous savons que l'enfant augmente ses chances de se développer de façon harmonieuse s'il évolue dans un milieu de qualité.

Pour accomplir ces tâches, nous pouvons compter sur le professionnalisme acquis pendant nos études collégiales, qui comptent plusieurs centaines d'heures de formation spécifique en techniques d'éducation à l'enfance, et l'expérience qui s'ensuit au long des années. Nous nous investissons dans l'éducation des enfants, en plus de les préparer à vivre dans la société. Nous formons l'avenir du Québec. Les enfants ont des droits, et nous sommes là pour parler en leur nom. Il y a deux mois, nous ne pensions pas que le mouvement allait prendre autant d'ampleur. Les nombreux témoignages que l'on reçoit chaque jour nous font réaliser qu'aux quatre coins du Québec c'est la même chose que vivent les éducateurs et les éducatrices à l'enfance. Nous voulons tous le meilleur pour notre profession et nous voulons que ça change maintenant.

Donc, c'est pourquoi nous avons décidé de sonder nos membres, et des chiffres en sont sortis, un sondage indicatif qui parle vraiment de lui-même. Nous avons un taux de participation de près de 60 %, ce qui est vraiment bon. 4 356 membres se sont mobilisés afin de répondre au sondage, 687 répondants pour les milieux familiaux et 3 669 répondants pour les installations. Nous le savons, ce sondage n'a rien de scientifique, et on ne prétend pas le contraire. Ce qui nous intéresse, c'est de connaître l'opinion des éducateurs, éducatrices et le nombre de répondants. Nous croyons que la force de ce sondage, c'est justement ça, le taux de participation. Nous sommes avant tout des éducatrices et des éducateurs de bonne foi et nous parlons avec notre coeur dans tout ce que nous faisons. Donc, voilà, les éducateurs et éducatrices du Québec ont parlé, et voici ce qui en est ressorti. Je vais vous sortir deux données assez frappantes pour commencer, puis on pourra en reparler.

Donc, entre autres, dans les milieux familiaux, il y a 58 % des éducateurs et éducatrices qui envisagent de quitter la profession dans les trois prochaines années. 12,2 % d'entre eux quitteront dans les six mois à un an. Dans les installations, 47 % des éducateurs et éducatrices en installations envisagent de quitter la profession dans les trois prochaines années, 14 % d'entre eux dans les six à 12 mois.

Comme vous pouvez voir, c'est vraiment alarmant, ces chiffres-là. C'est près de la moitié pour les installations et plus de la moitié pour les milieux familiaux. Aujourd'hui, c'est un cri du coeur qu'on lance au ministre, puis on espère qu'il va nous entendre. Donc, merci.

La Modératrice : Les questions pour Valorisons ma profession, une question, une sous-question, pour Mme Dechamplain.

M. Denis (Maxime) : …vous travaillez sur le terrain. Quand vous parlez des conditions, qu'est-ce que ça prendrait de plus rapidement pour vous aider?

Mme Dechamplain (Émilie) : Bien là, il y a des négociations, dans le fond, qui sont en cours. C'est sûr qu'il y a tout l'aspect salarial. Ça, c'est quelque chose qui est ressorti beaucoup dans nos sondages clairement, qu'on ne peut pas parler de valorisation sans parler de salaire, parce que comment nous considérer comme des professionnels si on ne nous paie pas comme tel? Donc, ça, c'est sûr que c'est le premier point.

Ensuite, c'est sûr qu'au niveau de l'aide avec les enfants à besoins particuliers… parce qu'en ce moment on n'en a pas ou presque pas. On a aussi… C'est sûr qu'au niveau juste de la reconnaissance, juste de se faire considérer comme des professionnels, de se faire prendre au sérieux… Tu sais, on a des cours dans le développement de l'enfant. On parle… Tu sais, souvent, on détecte des choses. On est capables d'aller… avoir des petits sons de cloche. Mais on n'est pas souvent pris au sérieux. C'est toutes des choses qui pourraient permettre, dans le fond, d'être mieux valorisés, entre autres.

M. Denis (Maxime) : Qui ne vous prend pas au sérieux?

Mme Dechamplain (Émilie) : Pardon?

M. Denis (Maxime) : Qui ne vous prend pas au sérieux, c'est Mathieu Lacombe, c'est le ministère?

Mme Dechamplain (Émilie) : Je pense que… Bien, comme je l'ai dit dans mon texte, il y a… Dans les discours du ministère, on ne se sent pas valorisés. On a l'impression qu'il n'y en a pas, de problème, en ce moment, puis que… ou bien que ça se passe juste dans les milieux familiaux ou que… Puis, bien, c'est au niveau de la société aussi, de l'image qui est projetée de nous, c'est comme si on était des gardiennes, ce qui n'est pas le cas. On a fait des études là-dedans. On a appris vraiment des techniques d'intervention. On a appris le développement de l'enfant 0-5 ans pendant des mois. Donc, oui, je pense, c'est généralisé, mais c'est dans l'image qui est donnée de nous aussi, là.

Mme Prince (Véronique) : …que le ministre a l'intention d'agir ou vous sentez plus ou moins d'action de son bord?

Mme Dechamplain (Émilie) : Oui, bien, comme je l'ai nommé, on a besoin qu'il se positionne, là, clairement, parce que, oui, il dit que, là, il y a… Les négociations sont en cours, et tout, mais il ne donne pas son avis. Nous, c'est son avis qu'on veut. On veut vraiment qu'il nous dise : Là, je suis derrière vous, je suis d'accord que vous méritez d'être valorisés, puis je vais travailler pour vous. C'est ça qu'on veut, parce que, là, en attendant, il y a des filles qui quittent, puis des garçons aussi, là, mais on est en majorité des femmes. Il y a des personnes qui quittent, là, tous les jours, là. Il faut qu'il se passe quelque chose. Il faut qu'il y ait une prise de position claire.

M. Bossé (Olivier) : …aucune affiliation politique. Évidemment, vous venez avec le PQ aujourd'hui. Ce n'est pas risqué que le ministre se braque, peut-être?

Mme Dechamplain (Émilie) : Oui, bien, je pense que Mme Hivon, elle nous défend depuis… elle défend notre cause depuis plusieurs années. Ça fait que, quand elle nous a proposé la tribune, on était vraiment heureuses. Puis, tu sais, on l'adore, mais on ne veut pas non plus entrer dans la game politique, là. On peut dire ça comme ça. Mais on était vraiment heureuses qu'elle nous donne l'occasion d'exprimer la voix des Québécois, et tout ça.

M. Bossé (Olivier) : Et vous êtes 8 000 membres, vous dites?

Mme Dechamplain (Émilie) : Oui.

M. Bossé (Olivier) : Au total, au Québec, des éducatrices, il y en a combien?

Mme Dechamplain (Émilie) : Bon, bien là il y en a beaucoup, là, mais c'est parce que, dans les…

Une voix :

Mme Dechamplain (Émilie) : Oui, mais, c'est ça, dans notre groupe, c'est vraiment un groupe privé. Donc, vraiment, moi, pour inviter des gens, il faut que je sois amie avec elles puis que je les invite. Donc, il n'y a vraiment pas n'importe qui, là. Tu sais, 8 000, c'est énorme, là, pour le concept de notre groupe, là, mais…

M. Bossé (Olivier) :

Mme Dechamplain (Émilie) : Oui, c'est ça.

Mme Prince (Véronique) : Qu'est-ce qu'il faudrait pour que les éducatrices restent en termes de salaire? Il faudrait l'augmenter de 25 %, de 50 %? Est-ce que vous avez une idée de ce qui pourrait faire la différence?

Mme Dechamplain (Émilie) : Bien là, je n'ai pas de pourcentage, là, parce que je ne l'ai pas calculé. Mais nous, on est vraiment d'avis qu'on devrait gagner le même salaire qu'une éducatrice spécialisée qui travaille, tu sais, peu importe, dans un CSSS ou à la commission scolaire, parce que c'est sensiblement le même travail qu'on fait. On a le même nombre d'études. On travaille avec des enfants. En plus, nous, on en a, des enfants à besoins particuliers, souvent, dans nos groupes. C'est juste que, souvent, ils n'ont pas de diagnostic ou quoi que ce soit, mais on s'occupe du groupe au complet, en plus de l'enfant. Donc, nous, il n'y a rien qui justifie pour nous qu'on n'ait pas le même salaire qu'eux, dans le fond. Ça fait que ça, ça serait comme un barème.

M. Bossé (Olivier) : …ces travailleuses-là gagnent combien?

Mme Dechamplain (Émilie) : Bien, dans les CSSS, en ce moment, les éducatrices spécialisées, elles gagnent 8 $ à 9 $ de plus de l'heure — c'est-u ça? — que nous. Ça fait que c'est considérable, là.

M. Bossé (Olivier) : Vous êtes à combien?

Mme Dechamplain (Émilie) : Bien, les éducatrices, éducateurs qui ont un D.E.C. commencent à 18,98 $ de l'heure, ceux qui ont un A.E.C. commencent à 16 $ et…

Une voix :

Mme Dechamplain (Émilie) : …16,75 $, parce que ça change, des fois, un petit peu. Puis, au top de l'échelle, on arrive toutes au même échelon, à 25 $, oui. Merci.

Une voix :

La Modératrice : Vas-y, vas-y, vas-y.

Mme Hivon : Sur la question… vraiment, je veux que ça soit très clair, parce qu'elles n'ont aucune affiliation politique, effectivement. Moi, je leur ai simplement… Elles voulaient pouvoir présenter le sondage à l'Assemblée nationale. Elles n'ont vraiment aucune affiliation politique. Elles sont soutenues par tous les partis d'opposition. Et, vraiment, elles tenaient à pouvoir, donc, s'adresser à l'Assemblée nationale, et j'y tenais aussi, parce que je pense que c'est un mouvement extrêmement fort.

Et, en ce moment, la clé de voûte, oui, c'est de créer des nouvelles places, mais c'est de valoriser les éducatrices, parce que ce joyau qu'on a, au Québec, du service, donc, des services de garde à la petite enfance, sur quoi il repose d'abord et avant tout, c'est sur un principe de qualité, et, la qualité, qui l'assure? Ce sont les éducatrices formées, qualifiées. Et, en ce moment, c'est une vraie hémorragie qu'on voit. Vous m'avez entendue en parler en Chambre à plusieurs reprises, mais, quand on est rendus qu'on voit des CPE passer des annonces pour trouver des jeunes de 15, 16, 17 ans, qui vont venir s'occuper de groupes cet été pour finir les journées, pour remplacer les éducatrices, pour des temps de pause, la situation, elle est extrêmement grave.

Et là, dans le fond, s'il n'y a rien qui se fait, bien, on est en train de laisser aller complètement ce joyau-là qui inspire plein de gens, qui inspire le Canada puis qui inspire le monde, parce que c'était au coeur du réseau d'avoir des éducatrices qualifiées, des spécialistes de la petite enfance. Et il y a une question de grande équité dans tout ça, équité en termes de traitement par rapport à des professions masculines. Là, je l'ai déjà dit, mais un manoeuvre en construction commence avec un salaire… 6 $, 7 $ de plus de l'heure qu'une éducatrice qui a fait trois ans de formation. Elles vous ont aussi donné des exemples.

Alors, je pense que c'est urgent que le ministre se réveille avant que le réseau soit complètement effondré, et c'est ce qu'on est en train de voir, malheureusement. Merci.

(Fin à 9 h 49)

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