(Huit heures quarante-sept minutes)
Mme Massé : Oui, bonjour, tout
le monde. Ce matin, je ne vais pas partir en guerre contre la gestion de la
pandémie. L'heure est à la souvenance. Aujourd'hui, je me souviens. Je me
souviens des moments difficiles que nous avons traversés ensemble, mais
surtout, seuls, parfois même, dans l'isolement, la peur, la perte. La perte
d'un peu de liberté, la perte d'un emploi, la perte de journées avec les amis,
en classe, la perte d'une entreprise, la perte de deux semaines de vacances. La
perte de câlins avec nos proches, nos aînés. Mais surtout, la perte de proches.
Ce matin, je me souviens et je veux
honorer les 10 503 personnes mortes du virus. Et on continue de compter.
C'est ça qui est malheureux. Toutes mes pensées bienveillantes, de moi, de ma formation,
Québec solidaire, vont pour les proches, les familles, les amis. J'ai mal en
dedans quand je me rappelle dans quelles conditions d'isolement plusieurs
d'entre eux et d'entre elles sont décédés. Ça me fait mal.
Je me souviens aussi que près de
300 000 Québécois et Québécoises ont attrapé ce virus-là, puis qu'on
estime à peu près à 30 000 qui vivront des conséquences à long terme. Je
me souviens aussi que le virus a touché particulièrement certaines personnes :
les professionnels en soins, donc des femmes, les gens des quartiers
défavorisés, les gens à statut précaire et, bien sûr, nos aînés. Cette pandémie
aura exposé comment plusieurs de nos aînés sont en situation de vulnérabilité,
et comment nous devrons faire d'autres choix de société si on veut vraiment en
prendre soin. En cette journée de commémoration, je veux qu'on se souvienne,
mais qu'on se souvienne qu'on aurait pu faire mieux.
M. Nadeau-Dubois : Merci, Manon.
Bonjour. Bien d'abord, il est important pour moi ce matin, en mon nom
personnel, mais aussi au nom de ma formation politique, de transmettre mes
sincères condoléances aux familles des milliers de Québécois et de Québécoises
qui sont décédés de la COVID-19 dans la dernière année. Pour ma part, j'ai eu
l'énorme chance de ne perdre aucun proche dans cette pandémie. Je sais que le
soulagement que j'ai ressenti il y a trois semaines, lorsque mes deux
grands-parents ont reçu leur vaccin, je sais que ce sentiment, c'est un
privilège que trop peu de Québécois et de Québécoises ont pu ressentir. Puis
aujourd'hui, je pense d'abord aux Québécois et aux Québécoises qui n'ont pas eu
cette chance et qui ont pleuré des proches. J'ai également une pensée pour les
dizaines de milliers de nos concitoyens et concitoyennes qui ont souffert de ce
virus tellement virulent et à ceux et à celles, qui sont plus nombreux qu'on le
croit, qui vont vivre encore longtemps avec les séquelles de cette terrible
maladie.
Il faut le rappeler, nous en savons encore
bien peu sur ce satané virus, et même s'il faut se réjouir que la campagne de
vaccination avance rapidement, ça ne signifie pas que nous sommes d'ores et
déjà en sécurité.
Le premier anniversaire du déclenchement
de cette pandémie au Québec est l'occasion, bien sûr, de jeter un regard vers
l'arrière, de faire des bilans, de comprendre ce que nous avons bien fait et
mal fait dans la dernière année. Il faudra prendre le temps de faire ça. Mais
ce matin, j'ai peu de temps, alors je préfère regarder vers l'avant.
Malgré toutes les tragédies, malgré toutes
les larmes et les injustices, la dernière année nous aura appris la force de la
solidarité. Nous l'avons tous et toutes réalisé, de manière plus concrète que
jamais, nos actes individuels ont des conséquences sur toute la société. Nous
dépendons les uns des autres et c'est grâce à cette solidarité-là, c'est parce
que nous avons tous fait des sacrifices individuels au nom du bien commun qu'un
an plus tard, malgré tous les ratés et les dommages collatéraux, nous sommes en
train, tranquillement, de nous en sortir.
La pandémie nous a fait la démonstration
tragique et puissante : lorsque nous nous enfermons dans l'égoïsme, nous
sommes faibles. C'est lorsque nous agissons ensemble que nous sommes forts.
Cette vérité, je pense, n'est pas valable seulement en temps de pandémie, c'est
une leçon à retenir pour la suite de notre aventure collective. C'est la marche
à suivre pour se relever ensemble. Merci.
La Modératrice
: Merci beaucoup.
On va prendre vos questions, une question et une sous-question, s'il vous plaît.
M. Bergeron (Patrice) :
Qu'est-ce que ça a révélé des Québécois, de ce qu'ils sont, cette crise-là, qui
a duré, donc... qui dure encore depuis un an? Pas ce qu'ils ont appris, ce
qu'ils sont déjà?
M. Nadeau-Dubois : Qu'est-ce
que ça nous a appris des Québécois? Bien...
M. Bergeron (Patrice) :
...pas ce que nous a appris, de ce qu'on est plutôt. Parce que vous avez dit,
ce qu'on a appris, on a appris la solidarité, etc., mais qu'est-ce que ça a
révélé de ce que sont les Québécois, de comment ils réagissent dans une crise
ou... besoin de quelques minutes ou...
M. Nadeau-Dubois : Bien, je
veux donner une réponse intelligente à une question intelligente.
Une voix
: ...
M. Nadeau-Dubois : Non, mais
c'est parce que, des fois, ce n'est pas la première idée qui est la plus
profonde. Je pense que ça a révélé que les Québécois, les Québécoises, malgré
tout, sont encore capables de faire des sacrifices pour le bien d'autrui. Je
pense aux jeunes, notamment, qui ont dû faire des sacrifices énormes sur leur
vie sociale, sur leur parcours académique, pour protéger la société d'un virus
qui, après tout, scientifiquement parlant, les menaçait moins que d'autres.
Je pense aux entrepreneurs qui ont dû fermer
leurs entreprises même s'ils savaient que ça se mesurerait en conséquences
sonnantes et trébuchantes, là. Je pense aux travailleurs, travailleuses de la
santé qui ont vu leurs conventions collectives suspendues, qui ont vu leurs
conditions de travail tirées vers le bas, leurs vacances annulées, et qui, malgré
tout, là, sont encore au poste aujourd'hui.
Moi, cette capacité-là à faire des
sacrifices, pas pour se protéger soi, seulement, mais pour protéger la société,
le bien commun, je pense que la crise a révélé ça, puis, pour moi, c'est une
belle révélation. Malgré toutes les tragédies, c'est une belle révélation que
cette capacité du peuple québécois à agir pour les autres.
M. Larin (Vincent) : Est-ce
qu'on a vraiment eu le choix? Tu sais, au Québec, de... Parce que vous parlez
des sacrifices qu'on a faits, mais, je veux dire, ça a été très coercitif, quand
même.
Mme Massé : C'est sûr... Je
veux dire, on devait se serrer les coudes devant un virus qui est assez torieux,
assez... et qui se développe et qui développe ses variants. Alors, est-ce qu'on
avait le choix? Bien, peut-être, il y en a qui ont vécu ça différemment. Moi,
je pense qu'effectivement la crise... On s'est serré les coudes, et c'est
encore difficile, et il va falloir encore continuer, parce qu'on n'a pas fini,
hein, il y a encore des gens qui meurent, il y a encore des variants qui se
promènent.
Ça fait que, donc, est-ce qu'on avait le
choix? Ça a de l'air qu'il y en a d'autres qui l'ont fait différemment. Je
pense que le peuple québécois, puis on l'a vu dans la pandémie, mais on l'a vu
dans des moments comme les inondations, ou quoi que ce soit, il y a comme un
hou! On se serre les coudes puis on affronte ensemble ce qui est devant nous,
pour le bien commun.
M. Lacroix (Louis) : Il y a
trois pays, en ce moment, là, qui ont suspendu l'utilisation du vaccin
d'AstraZeneca, le Danemark, la Norvège et l'Islande. Alors, est-ce que, par
mesure de sécurité, on devrait faire la même chose, à votre avis?
M. Nadeau-Dubois : Moi, j'ai
pleinement confiance dans les autorités scientifiques québécoises pour prendre
les bonnes décisions. ...quand même se rappeler, au Québec, on a fait un pari
audacieux, il y a quelques semaines, notamment d'espacer le délai entre les
deux doses de vaccin. Au départ, il y avait des questions, puis finalement les
experts québécois ont eu raison, et puis les experts canadiens se sont même
ralliés à la recommandation québécoise initiale. Donc, jusqu'à maintenant, là,
le milieu scientifique québécois a été à la hauteur, il a bien conseillé le gouvernement
du Québec. Donc, moi, je n'ai aucune raison de douter de leur expertise et du
fait qu'ils vont faire les bonnes recommandations au gouvernement. Ce à quoi je
m'attends, c'est que le gouvernement respecte scrupuleusement la totalité de
leurs recommandations. Et ça vaut aussi pour AstraZeneca. Si les autorités de
santé québécoises nous disent qu'il est sécuritaire et qu'on peut
l'administrer, j'ai pleinement confiance puis j'invite tous les gens à avoir pleinement
confiance.
M. Lacroix (Louis) : Donc,
vous le feriez injecter n'importe quand, tant et aussi longtemps qu'on ne vous
a pas dit la...
M. Nadeau-Dubois : Moi, je
vais me fier aux autorités scientifiques québécoises, qui nous disent que c'est
sécuritaire de le faire. Alors, à l'intérieur des paramètres qu'eux
déterminent, oui, je serais prêt, par exemple, si c'est votre question, personnellement,
à me le faire administrer si les experts de la santé québécoise nous disent que
c'est la chose à faire.
Mme Gamache (Valérie) :
Concernant ce même vaccin, il y a la Conférence des évêques, là, qui demande à
ses fidèles de ne pas recevoir ce vaccin-là. Est-ce qu'il faut faire des
accommodements religieux en termes de vaccination?
M. Nadeau-Dubois : C'est une déclaration
qui est regrettable. La vaccination, là, au Québec, c'est volontaire, et ça va
rester volontaire, et ça doit rester volontaire, tout le monde s'entend là-dessus.
Mais, à un moment donné, il y a une responsabilité sociale des gens qui ont une
autorité morale dans la société de ne pas, directement ou indirectement,
affecter la confiance envers le vaccin, et, en faisant cette sortie publique,
les évêques ont manqué à leur responsabilité morale. Moi, j'invite tous les
Québécois, toutes les Québécoises à se faire vacciner, à avoir confiance, c'est
la seule manière dont on va se sortir ensemble de cette crise-là.
M. Lacroix (Louis) : Donc,
s'ils ont manqué, ce sont des irresponsables?
M. Nadeau-Dubois : Bien, ils
ont fait une très mauvaise utilisation de leur autorité morale, parce que, bien
qu'on soit dans une société laïque, ces leaders-là sont des gens qui ont une
voix, et il y a beaucoup de gens qui les écoutent, et moi, je me serais attendu
à une meilleure utilisation de leur autorité morale. Je trouve que c'est une
très mauvaise utilisation.
M. Larin (Vincent) : Sur le projet
de loi qui va être introduit par la CAQ, vous évitez de retomber en élections
générales advenant la démission ou le triste décès de la reine. Est-ce que vous
allez faire quelque forme de blocage que ce soit pour faire passer des choses
dans votre intérêt, de ce que je comprends?
Mme Massé : Bien, écoutez, on
va le lire, le projet de loi. Comme vous, on a lu le titre, et on ne connaît
pas le contenu, on ne sait pas le nombre d'articles. On va le lire attentivement.
Mais, vous savez, pour nous à Québec solidaire, tout ce qui concerne la
monarchie n'a pas de place dans ce Parlement. D'ailleurs, on a un projet de loi
qui est en attente depuis un certain temps, ne serait-ce que d'éliminer le
serment à la reine ici, dans le Parlement du Québec. Alors, on va regarder ça
avec attention, on va réagir, mais c'est sûr que, pour nous, la monarchie, si
on peut l'évacuer le plus rapidement, mieux c'est.
M. Larin (Vincent) : Le
gouvernement semble dire que c'est urgent, là, il faut faire ça sinon les
conséquences pourraient être graves. Est-ce que vous achetez ça?
Mme Massé : Bien, écoutez, je réitère :
on va regarder le projet de loi, on va regarder de quoi il nous parle dans
l'ensemble de ses articles. Et nous, tout ce qui va nous permettre d'évacuer la
monarchie, on va être au rendez-vous.
La Modératrice
: Est-ce
qu'il y a d'autres questions en français? On va passer...
M. Lacroix (Louis) : Il y a
d'autres réponses?
La Modératrice
: On va
passer en anglais.
M. Grillo
(Matthew) : Can I just get your thoughts on
today and the memorial that's going to be held?
M.
Nadeau-Dubois : Well, first, Manon and me, we
want to give our sincere condolences to all the families that lost loved ones
in the last year. We also… our thoughts are also with everyone who was impacted
by that pandemic. Of course, elderly people in Québec, but also frontline workers, the young people whose mental health
was severely damaged by the measures of the last year. And the time will come
soon to think about what we have done right and what we have done wrong in
fighting that pandemic as a society and as a Government.
But I also think we have
to look forward. I think that we have to recognize the fact that the one of the
big lessons of the last year is the strength of solidarity. Solidarity means a
very simple thing. It means that when we are separated, we are weak, and when
we come together, we are strong, and we can achieve big things. And the only
reason now that we're beginning to see the end of that pandemic is because Quebeckers have fought together, side by
side, in solidarity against that virus. It's because we have done personal
sacrifices for the greater good that today we can begin to imagine a future
without COVID-19.
M. Grillo
(Matthew) : You see what the Auditor General
announced yesterday and all the areas that her and her team are going to look
into. Why do you think a public commission, an investigation is still necessary?
M.
Nadeau-Dubois : Well, it's normal for governments to spend when fighting such a
health, social and economic crisis. It's normal for a government
to spend money, and to spend the money fast. But it's also a good thing to look
where that money went, in which pockets it landed and if we have to spend it in
a better way next time there's a crisis. So, we are impatient to read the
Auditor General's work on that issue and we have to know where the money went.
That's important.
M. Grillo
(Matthew) : But there's going to be the Auditor General report, but you guys, I
guess, would also like to see the public commission, sort of a public investigation held. What do you think the
difference between the two are?
M.
Nadeau-Dubois : You know, the mandate of the Auditor General is to look at where the
money went, was it spent correctly, were all the rules followed, did some
people were advantaged in the spending of the State. That's one thing, and it's
a very important thing. A
public inquiry would have a very different mandate and objective. The mandate
would be to look at the way the State of Québec and its institutions
dealt with the crisis, what went wrong in our hospitals, what went wrong in our
health care system, what went wrong in CHSLDs. Those are two very different questions, and I think those two things
would be in complement to each other.
Mme Fletcher
(Raquel) : …what's going to be happening at
the…
M.
Nadeau-Dubois : Can you ask your question a little bit louder? It's the
voices in the back…
Mme Fletcher
(Raquel) : …
M.
Nadeau-Dubois : No. The last thing I would
want is to speak in the name of the families. I think their own words are… have
a lot more value than mine. But I think it's important to take a pause from
everyday debates to really take the time to realize what happened in the last
year. It went so fast. One year ago, I was just right there. We were announcing
that the National Assembly
would be suspended for a few weeks. And, from a day to another, the everyday
life of all Quebeckers changed
radically. So, now is the time to think about that last year and to begin to
change our mindset from crisis management to how can we do better. I think
today should be the turning point. Thank you. Merci.
(Fin à 9 h 7)