(Onze heures quinze minutes)
La Modératrice
: Bon
matin. Bienvenue à ce point de presse de Québec solidaire. Prendra la parole tout
d'abord Manon Massé, suivie de Christine Labrie, députée de Sherbrooke.
Mme Massé : Oui. Bonjour, tout
le monde. Contente d'être là avec vous ce matin. Il y a un an aujourd'hui, une
première personne décédait de la COVID-19 au Canada. Des milliers de familles
ont vécu ce deuil-là depuis dans des circonstances souvent extrêmement
difficiles. Ma première pensée, aujourd'hui, va bien sûr à ces personnes.
Quand on repense à la dernière année, aux
sacrifices que tous et toutes ont faits, il faut parler, on ne peut pas passer
sous silence de contributions essentielles des femmes. Le visage de la lutte à
la pandémie au Québec, il est féminin. Ce sont une majorité de femmes qui ont
attrapé le virus dans le réseau de la santé, des soignantes qui étaient mal
protégées depuis le jour un et qui, aujourd'hui, sont à bout de souffle. Ce
sont ces femmes qui ont vu le retrait de l'application de leur convention
collective et tous ses impacts. Ce sont une majorité de femmes qui ont gardé
nos écoles, nos garderies ouvertes durant tout ce temps-là. Ce sont une majorité
de femmes qui ont perdu leur emploi depuis le début de la pandémie, beaucoup de
jobs payées, d'ailleurs, au salaire minimum. Les femmes ont pris sur elles,
comme les femmes prennent toujours sur elles quand il y a une crise, quand il
faut soigner, accompagner, s'occuper des autres. Maintenant, il me semble que
c'est au tour du gouvernement de prendre soin.
Dans ses actions, M. Legault a montré
que les femmes étaient loin d'être la priorité de son gouvernement. Après ce
qu'on a vécu, il faut que ça change. Le budget s'en vient, on s'attend à un
budget féministe, rien de moins. Pas quelques millions à côté, comme ci, comme
ça, pendant que les gros sous vont du côté des secteurs d'emploi masculin, on
s'attend à ce que le premier ministre appelle le Conseil du trésor et qu'il
leur dise : Retournez à la table de négociation, là, les économies sur le
dos des femmes, c'est fini, ça.
Je pense que tout le monde s'attend à ce que
les femmes soient au coeur de la relance économique parce que c'est des jobs
partout sur le territoire québécois. Les Québécoises autant que les Québécois
s'attendent à ça. Plus personne ne peut nier le rôle essentiel joué par les
femmes au quotidien. Mais, il faut le souligner, on ne peut pas seulement le
rappeler une fois par année, il faut que ça se traduise par des actions.
Mme Labrie : Merci, Manon. Ma
collègue vous a dit à quel point les femmes nous ont aidés à passer à travers
la pandémie. C'est vrai que le visage de toutes les personnes qui nous ont
aidés à passer à travers, c'était souvent un visage féminin. La CAQ a passé son
temps, d'ailleurs, à les remercier, toutes les femmes qui ont oeuvré sur tous
les fronts, mais leur manque de considération pour toutes ces travailleuses-là
est quand même flagrant.
Je vais vous en donner quelques exemples.
Ils refusent toujours, à ce jour, de verser des bonus à toutes les personnes
qui sont au front. Ils ont attendu de se faire forcer par la CNESST pour
fournir des N95 aux soignantes. En ce moment même, il y a des enseignantes qui
sont en train de demander une injonction pour s'assurer que les tests de
qualité de l'air vont être faits décemment, parce que, non, ça a été fait tout
croche, puis, en ce moment, on n'est pas en train de mesurer pour vrai la
qualité de l'air dans nos écoles. Les offres patronales dans les négociations
du secteur public sont absolument insultantes. Elles ne nous permettent pas de
retenir, de recruter le personnel dont on a besoin pour assurer nos services
publics.
Et puis là, hier, la CAQ est arrivée avec
un pseudo-plan pour contrer les impacts de la pandémie sur les femmes, et
c'était absolument hallucinant de voir ça. Par rapport à l'ampleur qu'on
n'aurait même pas pu imaginer, de tous les impacts de la pandémie sur les
femmes, ce plan-là, c'était véritablement une insulte. Ils sont en train de
préparer un plan de relance qui va se chiffrer vraisemblablement en milliards,
et là, hier, ils nous ont annoncé mettre 23 millions sur la table pour les
femmes. C'est des grenailles. Ce n'est rien. Ce n'est rien par rapport à
l'ampleur des besoins des femmes.
Les femmes doivent être absolument au
coeur du plan de relance parce que ce plan de relance là, il doit reposer sur
un investissement massif dans nos services publics. Ça prend une amélioration significative
des conditions de travail et des salaires en santé, en soins à domicile, en
éducation, en petite enfance, dans le communautaire. C'est ça que ça nous prend
pour atteindre l'équité salariale, c'est de rémunérer les secteurs
traditionnellement féminins à la hauteur du caractère essentiel de tous ces
secteurs d'emploi là. Puis, s'il y a encore une seule personne au Québec qui
doute que ce sont des secteurs essentiels, je pense que cette personne-là n'a
pas suivi l'actualité des derniers mois.
Donc, ça nous prend un plan de relance
avec des investissements massifs pour atteindre l'équité salariale dans tous
ces secteurs-là. Ça nous prend un plan de relance avec des investissements
en logements abordables dans des maisons d'hébergement aussi pour que les
femmes puissent se loger en toute sécurité, comme les hommes le font déjà. Les
hommes ne craignent pas de se faire agresser sexuellement dans leur logement, par
exemple, en général, hein, c'est plutôt rare. Les hommes ne craignent pas de se
faire violenter dans leur foyer; c'est beaucoup plus rare, du moins, hein, on
va se le dire. Ça prend aussi un plan de relance avec des investissements en
CPE pour que les femmes puissent s'épanouir professionnellement autant que la
majorité des hommes le font déjà.
Donc, ça nous prend un plan de relance qui
va nous permettre, véritablement, d'avancer vers l'équité entre les hommes et
les femmes, et ce plan de relance là, on ne l'a pas vu du tout. Et ce n'est certainement
pas le pseudo-plan de 23 millions annoncé hier pour contrer les impacts de
la pandémie sur les femmes qui va nous permettre d'atteindre une équité entre
les hommes et les femmes.
La Modératrice
: Merci
beaucoup. On va prendre vos questions. Une question, une sous-question, s'il
vous plaît.
M. Bergeron (Patrice) : C'est
quoi, le rôle d'Isabelle Charest, d'abord, dans le Conseil des ministres?
Mme Labrie : Aux dernières
nouvelles, Isabelle Charest était toujours responsable du dossier de la
condition féminine.
M. Bergeron (Patrice) : Ça
paraît-u?
Mme Labrie : Je ne sais pas si
elle a pris la mesure de l'écart entre les hommes et les femmes, là, au niveau
de l'équité; je ne sais pas si c'est au niveau de l'engouement de ses
collègues. Moi, j'ai du plaisir à travailler avec elle sur le dossier de
l'accompagnement des victimes dans le système de justice, je la sens mobilisée
par ce dossier-là. Mais je vous dirais que ça m'a profondément insultée, là,
son annonce d'hier. Ça ne valait même pas une annonce, là, c'était absolument
ridicule.
M. Larin (Vincent) : Écoutez, est-ce
que c'est donc toujours la personne qu'il faut?
Mme Labrie : On aurait beau
mettre la plus grande féministe du Québec au poste de ministre de la Condition
féminine, si on n'a pas un gouvernement qui se soucie d'atteindre l'équité
entre les hommes et les femmes, cette personne-là n'y arrivera pas toute seule,
là.
M. Larin (Vincent) : Bien, quand
même, la ministre responsable de la Condition féminine, elle est en charge de
pousser ces dossiers-là au sein du gouvernement. C'est à se demander, peut-être,
si quelqu'un d'autre ne le ferait pas mieux que Mme Charest, non?
Mme Labrie : Elle est en
charge, assurément, de convaincre ses collègues de l'importance de travailler à
l'égalité entre les hommes et les femmes. Moi, je doute que tous les députés de
la CAQ, en ce moment, ont compris l'ampleur du fossé qui est encore persistant
entre les hommes et les femmes. Je pense qu'il y a encore du travail très
important à faire pour les sensibiliser à cette question-là et au fait qu'on ne
se contentera pas d'un plan de relance comme ça a été fait, là, dans les
siècles derniers pour relancer l'économie, là. On a besoin d'un plan de relance
qui va mettre au coeur les femmes, les services publics.
Écoutez, ce n'est pas moi qui ai choisi
ça, là, que la majorité des services essentiels soient dans des... soient
offerts par... soient des métiers traditionnellement féminins, mais c'est le
cas. Ces services-là, il faut réinvestir dans tous ces services-là; santé,
éducation, petite enfance, services à domicile, communautaire, j'en ai nommé, on
doit réinvestir là-dedans. On le sait, c'est clair, ce sont des secteurs
majoritairement féminins. Le fait qu'on traîne de la patte dans ces secteurs-là
au niveau des salaires, c'est ce qui nuit à atteindre l'équité salariale. Moi,
je m'attends à un plan de relance qui va nous permettre de l'atteindre.
M. Bergeron (Patrice) : Vous
voulez que le Conseil du trésor... que le gouvernement envoie un message au
Conseil du trésor dans les négociations actuelles. Je présume que, si vous
étiez, donc, au gouvernement, votre message au Conseil du trésor, ce serait
d'accepter tout ce qu'on vous demande ou ce serait dire oui à tout ce que les
groupes de travailleurs et travailleuses demandent?
Mme Labrie : Écoutez, moi, je
ne suis pas à la table de négociation, là, mais il y a une chose qui est très
claire, c'est que, dans nos services publics, en ce moment, on est au bord d'un
précipice immense, et c'est très inquiétant. C'étaient des centaines de
classes, là, devant lesquelles il n'y avait pas de titulaire à la dernière
rentrée. Et ça continue, là, les démissions d'enseignants. On n'est pas en
train de recruter tout le personnel que ça nous prend pour offrir les services,
en ce moment, dans nos écoles, là. L'exode, dans les services de santé, il se
continue aussi, il se continue dans les services de garde. Donc, à un moment
donné, là, il va falloir négocier de bonne foi puis il va falloir arriver avec
des offres qui sont plus intéressantes.
Je comprends qu'il y a une capacité de
payer des Québécois à respecter, mais il y a aussi, assurément, une
responsabilité de l'État de fournir des services publics, et pour ça, ça prend
des humains, et ces personnes-là, essentiellement, sont majoritairement des
femmes. Donc, à un moment donné, il va falloir investir ce qu'il faut pour les
retenir, les garder en santé dans leur travail aussi, hein, en améliorant leurs
conditions, pas juste salariales, mais aussi les conditions normatives de leurs
emplois pour ne pas qu'elles s'épuisent au travail. Et il va falloir prendre
les moyens d'en attirer, des gens, aussi parce que ce n'est pas des robots qui
vont offrir ces services-là.
Journaliste
: Mme
Massé.
Mme Massé : …ça va permettre
aussi de répondre à votre question. Le premier ministre reconnaît que les
libéraux ont laissé des services publics en état lamentable. Vous l'avez
entendu comme moi. Le premier ministre reconnaît qu'il a... dans la dernière
année, il a pu s'appuyer sur des anges gardiens, anges gardiennes. S'il
reconnaît ça, là, bien, il faut qu'il envoie un message à la table de
négociation. Il faut que ça se traduise en argent sonnant. Il faut que ça se
traduise en conditions de travail. C'est fondamental pour toutes les raisons
que ma collègue a évoquées, mais aussi pour quelque chose d'encore plus
profond. Les services publics, là, dans la dernière année, on a vu tout le rôle
fondamental que ça joue dans notre société. Quand notre filet social est troué,
bien, c'est la population qui mange la claque.
Alors, des solutions pour aller chercher
de l'argent, là, Québec solidaire en a pour plus de 12 milliards. Mais ce
gouvernement-là ne veut même pas en discuter. Alors, moi, je vous dirais qu'un
plan de relance
féministe, tel que le propose Québec solidaire,
s'appuie aussi sur de la contribution, du nouvel argent qui permet de s'offrir
les services publics, pas parce qu'on est rêveurs, mais parce que la population
du Québec, nos aînés méritent ça.
M. Pilon-Larose (Hugo) :
Mme Massé, est-ce que les juges...
Mme Labrie : …je vais vous
donner un exemple très concret pour illustrer le fait que, quand on ne les
donne pas au secteur public, les conditions de travail adéquates, là, ça se
passe autrement. Les agences en santé. Ça nous coûte beaucoup plus cher de
faire affaire avec des agences privées en santé pour avoir du personnel qui
offre nos soins en ce moment que si on offrait des meilleures conditions à
travers les conventions collectives.
Et ça, là, les agences en santé, c'est un
fléau en santé. C'est probablement la pire affaire qui pourrait se produire,
s'il se développait une industrie similaire en éducation. Pouvez-vous seulement
imaginer ce que ça ferait si on avait un roulement de personnel comme ça, là, à
cause des agences en éducation? C'est lamentable, les résultats de ce que ça
crée dans le réseau de la santé. Et ça, c'est parce qu'on n'a pas offert les
conditions adéquates dans les conventions collectives. Pour se sauver la peau,
les travailleuses quittent, s'en vont au privé par les agences.
Donc, c'est un investissement qu'on a à
faire, de passer par les conventions collectives pour offrir des conditions
décentes. Oui, ça va coûter quelque chose, mais ça nous coûte encore plus cher
quand on ne le fait pas. Puis, après ça, on a quand même besoin d'elles puis on
va les chercher au privé. Puis je vais vous laisser poser votre question.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Concernant
les juges dans le Grand Montréal, est-ce que vous jugez que les juges doivent
être bilingues?
Mme Massé : Concernant les
juges?
M. Pilon-Larose (Hugo) : À la
Cour du Québec.
Mme Massé : Écoutez,
définitivement, au Québec, ça prend des juges bilingues. Est-ce que ça prend
systématiquement des juges bilingues? Non, pas du tout. Alors, dans ce sens-là,
je pense que l'idée n'est pas d'exclure les juges bilingues, l'idée n'est
surtout pas de dire systématiquement des juges bilingues, mais définitivement,
des juges qui parlent français, c'est essentiel.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Mais,
quand la juge en chef de la Cour du Québec demande d'ouvrir un poste dans le
palais de justice du Grand Montréal et dit : Ce poste-là doit être pourvu
par un juge bilingue, est-ce qu'il est de l'autorité du ministre de la Justice
de ne pas accéder à sa demande?
Mme Massé : Bien, écoutez,
j'ai vu comme vous cet échange entre le ministre de la Justice et la
responsable au niveau de la juge en chef. Ce qui est, pour moi, fondamental,
c'est que nos concitoyens puissent avoir accès à ce qu'on dit qu'ils ont droit,
c'est-à-dire d'être desservis, qu'ils puissent avoir accès en français ou en anglais
aux services.
Ceci étant dit, quand le ministère
exécutif vient enligner ce que le juridique demande en disant : Bien, dans
le fond, je vais faire à ma tête, c'est sûr qu'on peut s'inquiéter parce que
notre démocratie a voulu, justement, distinguer le juridique du politique.
Mais, sur la question du bilinguisme, je
pense que, là, il faut être clair. Le Québec, principalement, c'est en français,
mais, oui... pas systématiquement des juges bilingues, mais, oui, il peut y en
avoir dans notre grande famille de juridiques.
La Modératrice
: Une dernière
question en français.
M. Bossé (Olivier) : Une
petite dernière. Il y a des... En fait, sur le sujet de tantôt, il y a des
infirmières qui demandent que le gouvernement paie leur cotisation à l'ordre comme
récompense ou comme reconnaissance. Est-ce que vous trouvez que c'est une bonne
idée? Est-ce que c'est juste accessoire ou c'est véritablement un vrai geste
utile que le gouvernement pourrait faire?
Mme Massé : Moi, je pense
qu'actuellement, à la table des négociations, là, ce n'est pas à la pièce qu'il
faut gérer les choses comme gouvernement, c'est de façon globale. Puis on l'a
vu avec les PAB. Quand on donne... Quand le gouvernement a donné des conditions
particulières aux PAB en CHSLD, bien, c'est d'autres PAB qui font des services
tout aussi essentiels, en maintien à domicile ou en services à domicile, etc.,
qui eux autres se sont retrouvés à dire... puis même encore aujourd'hui, je
crois, n'ont même pas encore la prime COVID.
Ça fait que, donc, il ne faut pas gérer ça
à la pièce. Ce qu'il faut... Les négociations sont là. Ça fait un an et demi
maintenant que les discussions sont en cours. En pleine crise, comment se
fait-il que ce n'est pas simple pour un gouvernement de dire : C'est vrai,
hein, les autres gouvernements avant nous autres ont fait de la chnoute. Bien,
nous autres, on va rétablir les choses parce qu'on reconnaît que les femmes qui
sont sur le plancher, c'est elles qui sont actuellement en train en sauver le
Québec, c'est elles qui sont actuellement en train d'écoper, de façon
particulière, de cette pandémie-là parce qu'elles sont au front, mal protégées,
etc. Ça fait que, dans ce sens-là, pour moi, c'est à la table de négos que ces
choses-là doivent se faire.
Et d'ailleurs il y a encore beaucoup de
travail à faire. Puis tantôt, on entend qu'il y a de la résistance, le gouvernement
ne s'assoit pas. Le gouvernement nous dit que c'est les syndiqués qui demandent
trop. Moi, j'ai l'impression de jouer dans un vieux, vieux, vieux film. Sauf
que, jusqu'à maintenant, une pandémie comme on vient de vivre, on ne l'avait
jamais vécue. Il me semble qu'on doit arriver à l'évidence.
La Modératrice
: On va
passer en anglais, s'il y a des questions? Génial. Bonne journée.
(Fin à 11 h 33)