(Huit heures cinquante-quatre minutes)
M. Leitão : Très bien.
Alors, merci. Bonjour, tout le monde. Je serais bref.
Hier, en période de questions, j'avais
soulevé certains enjeux en ce qui concerne l'état de l'économie du Québec et la
réponse du gouvernement à cette situation-là, alors, rapidement, pour rappeler
un peu à tout le monde que l'économie se détériore au Québec. Même s'il y avait
eu une espèce d'embellie cet été, on remarque qu'il y a à nouveau une
décélération. Probablement qu'au quatrième trimestre on va retomber en
récession. L'année 2021, de l'avis même du ministre des Finances, sera une
année extrêmement lente et difficile.
Donc, dans cette situation-là, il y a
encore un grand nombre de secteurs de l'économie, et mon collègue va en parler,
qui sont en situation d'urgence. Il y a encore nécessité de mieux positionner,
de mieux raffiner les programmes que le gouvernement du Québec met en place
pour soutenir de très grands pans de l'économie, qui emploient des dizaines de
milliers de Québécois, et pour qui l'avenir est de plus en plus sombre, de plus
en plus compliqué.
Comme je l'avais dit déjà ici, je pense, la
semaine dernière, si on veut trouver une lettre de l'alphabet pour décrire la situation
économique dans laquelle nous sommes plongés maintenant, c'est la lettre k, c'est-à-dire
une petite partie de l'économie qui est, elle… oui, qui monte vers le haut,
mais une très grande partie de l'économie qui, elle, baisse, diminue, c'est l'économie
de proximité, ce sont les commerces de proximité. Ce sont le coeur de nos
villes et villages, et pour lesquels le gouvernement, jusqu'à maintenant, n'a
pas vraiment de réponse et ne semble pas intéressé à fournir une réponse.
Voilà, j'arrête ici. Merci.
M. Derraji : Merci, mon collègue
Carlos. Dans la même logique, je vais être très bref.
Moi, je pense qu'il y a un manque de leadership
au niveau économique au Québec présentement, des programmes qui ne marchent
pas, des attentes toujours à ce que le fédéral vienne en aide… et non pas le Québec.
Je tiens juste à rappeler la série de plusieurs secteurs économiques en
détresse : les cabanes à sucre, les camps de jour, les compagnies d'événementiel,
les écoles de danse, les restaurants et les bars, les gyms, les hôtels, les
auberges. La liste, elle est longue. On rajoute sur ça les problèmes d'Internet
que nous avons eu hier. Comment on peut favoriser une politique du télétravail
si plusieurs régions souffrent encore de l'absence d'Internet?
J'ajoute un autre point. Même pour le
loyer commercial, en date d'aujourd'hui, des entreprises dans des zones rouges
n'ont pas encore reçu de remboursement. C'est inacceptable. Le gouvernement
était au courant que la deuxièmement vague s'en venait. Il n'a pas mis des programmes
pour venir en aide à nos PME. Donc, il y a une paperasse énorme. Vous avez vu
ça sur toutes les tribunes hier, de longues listes, des rapports à ne pas en
finir. Et malheureusement le loyer commercial…
En fait, le seul programme que le ministre
de l'Économie disait qu'il va être responsable sur sa mise en place depuis le
mois de juin ne marche pas. Deuxième programme, le PACME, le fameux PACME,
qu'on nous dit souvent que c'était pour venir en aide en termes de liquidités,
le programme… la caisse a été utilisée au bout de pas même une semaine, le
programme était dû pour trois mois.
Donc, quand je vous dis qu'il y a un manque
de leadership, ça se résume par des programmes qui ne répondent pas aux besoins
de nos PME, de plus en plus, une détresse psychologique au niveau des nos
entrepreneurs. Merci.
M. Fortin :
Merci. Bien, vous le savez, là, on est rendus au huitième mois de cette
pandémie. Le gouvernement a eu plusieurs mois, plusieurs opportunités pour
mettre en place l'aide nécessaire pour les entreprises du Québec. Il y a plusieurs
entreprises, mon collègue, M. Derraji, y a fait référence, des entreprises
de proximité, qui ont très peu de revenus en ce moment, et, pour toutes ces
entreprises-là, le gouvernement a choisi de déléguer ses responsabilités au
gouvernement fédéral.
Ils ont aussi eu plusieurs mois… Le
gouvernement a également eu plusieurs mois pour considérer l'aspect plus
stratégique de la relance économique, les pans de l'économie… les pans
industriels qui sont plus importants encore… qui seront plus importants lors de
la relance économique, les secteurs stratégiques au Québec.
Et ce qu'on a entendu hier de la part du
premier ministre, c'était une conférence de presse organisée sur un coin de
table, qui reprenait essentiellement les priorités qui avaient été établies par
le gouvernement libéral en 2016. Tout ce qui a été mis sur la table, c'étaient
des enjeux qui étaient déjà considérés comme stratégiques, et on n'a entendu
aucune référence à ses propres priorités : le Projet Saint-Laurent, les
nouveaux barrages, la vente d'électricité à l'Ontario. Alors, si le
gouvernement veut s'inspirer des idées du Parti libéral, j'espère qu'il pourra
le faire également dans les idées qu'on a mises de l'avant lors de la pandémie,
la vingtaine d'initiatives, d'idées qui ont été mises de l'avant.
Et, puisqu'on s'apprête à entendre une
annonce en matière de santé mentale, nous, on n'acceptera rien de moins qu'un
programme d'accès universel à la psychothérapie. Il y a tellement de Québécois
en ce moment qui ont besoin… qui ont des besoins en matière de santé mentale. À
chaque jour, la liste s'allonge. On entend parler des jeunes, des personnes
aînées, des gens qui sont seuls, des policiers, des travailleurs de la santé,
des agriculteurs, des entrepreneurs. Le programme doit être universel. Un programme
à deux vitesses ne peut pas fonctionner aujourd'hui pour les besoins actuels
des Québécois.
La Modératrice
: On est
prêts à prendre vos questions rapidement.
M. Laforest (Alain) :
M. Fortin, votre collègue Harold LeBel et votre collègue Arseneau ont dit
que c'est du grand n'importe quoi, là, le code de couleurs. Entre autres, dans
le Bas-Saint-Laurent, là, il y a des entreprises qui sont... des restaurateurs
qui sont ouverts, sauf que le message, c'est : Restez chez vous. Ils n'ont
pas de clients. Ils sont sur le bord de la fermeture. Est-ce que vous trouvez,
vous aussi, que c'est un peu n'importe quoi au niveau du message?
M. Fortin :
Bien, c'est le message du gouvernement qui est vraiment inadéquat, qui est
vraiment n'importe quoi en ce moment. Le premier ministre se présente ici
devant vous à tous les jours et le message qu'il dit aux Québécois c'est :
Allez travailler puis retournez chez vous, allez travailler, allez à l'école et
retournez chez vous. Mais, en même temps, tous les commerces sont ouverts. On
peut aller se faire masser, on peut aller... on peut avoir accès à toutes
sortes de loisirs, d'activités. Alors, le message, il n'est pas cohérent à ce
niveau-là. Si le message du gouvernement, c'est : Allez à l'école, allez
au travail et retournez chez vous, bien, il me semble que ça devrait être plus
simple, disons, à suivre pour tout le monde.
Mme Prince (Véronique) :
M. Fortin, j'aimerais vous entendre sur la santé mentale. C'est quoi, vos
attentes pour ce qui peut être annoncé aujourd'hui en matière de santé mentale?
M. Fortin :
Bien, on a besoin d'un programme de psychothérapie à accès universel pour tout
le monde. Les besoins sont trop grands en ce moment pour les simples mesures à
gauche et à droite, là. On est rendus au huitième mois de la pandémie. L'impact
sur la santé mentale, il est de plus en plus grand. On demande des efforts
supplémentaires aux gens. On leur demande un effort et, lorsque cette
période-là est terminée, on leur demande de recommencer. Ça pèse lourd sur
l'aspect mental des gens. Alors, pour ça, d'avoir des listes d'attente, là,
qui, en ce moment, sont six mois, un an, deux ans, dans certains cas, avant de
commencer à avoir des services, la seule façon d'en arriver à réduire ces services-là,
et de réduire ces délais-là, et de rendre les services accessibles pour tous, c'est
d'avoir un programme universel remboursé par la Régie de l'assurance maladie du
Québec, accessible à tous.
M. Bergeron (Patrice) :
M. Leitão, concernant, là, ce que vous avez dit tout à l'heure sur la
récession, est-ce que vous pourriez expliquer davantage les indices qui vous
permettent de croire que, là, on va retomber en récession, comme vous l'avez
dit?
M. Leitão : Merci.
Écoutez, quand on regarde les indicateurs avancés, surtout en termes
d'investissements privés, investissements des entreprises, il n'y a pas de
reprise d'investissements. Quand on regarde aussi les indicateurs pour le
commerce international, les exportations, on voit que, là aussi, il n'y a rien
qui se passe, en dehors des matières premières ou certaines matières premières.
Le cuivre, etc., ça va encore relativement bien, mais le reste des
exportations, les marchés sont aussi en difficulté.
Donc, avec ces choses-là, et, troisièmement,
les indicateurs avancés pour la confiance des consommateurs, autant pour la
demande intérieure, on voit qu'elle est en train de s'essouffler… Quand on fait
des projections pour les chiffres à venir pour le marché du travail, pour
l'emploi, la semaine prochaine, par exemple, le vendredi, pour l'emploi pour le
mois d'octobre, on voit, tant au Canada qu'aux États-Unis, au Québec aussi,
bien sûr, que le sommet de la création d'emplois, la reprise de la croissance
suite au confinement du printemps, ce sommet-là commence à diminuer. Donc, à
chaque mois qui passe, la question de l'emploi se décélère. Et là, pour
octobre, on s'attend carrément à très peu.
Donc, tout ça nous fait dire que l'économie
mondiale est en train de s'essouffler, et ce qui se répercute au Québec aussi.
M. Lavallée (Hugo) : Juste
là-dessus, est-ce que c'est le bon moment, là, d'investir? Est-ce que ce serait
le bon moment maintenant d'investir massivement dans la relance, alors que la deuxième
vague n'est pas terminée, ou est-ce qu'il ne faut pas attendre un petit peu,
là, que la vague s'essouffle pour mieux investir par la suite? C'est quoi, la
meilleure stratégie?
M. Leitão : Il faut faire les
deux. C'est-à-dire, on est encore en situation d'urgence pour un certain nombre
de... un grand nombre de secteurs, comme mon collègue a mentionné. Tout ce qui
est économie de proximité, on est encore dans l'urgence. Donc, il faut encore
les soutenir. Ça coûte cher, j'en suis conscient. Mais le coût de refaire tout
ça si on le laisse tomber, c'est encore plus… Il faut faire ça, c'est
important. Mais en même temps il faut aussi penser à des mesures plus
structurantes à moyen et à long terme pour l'économie, les secteurs
stratégiques. Mais, au-delà des secteurs stratégiques, à mon avis, il faut
aussi, d'ores et déjà, commencer à penser à un nouveau mode, un nouveau type de
relance, une relance plus verte, une relance plus durable, et qui constituerait
les bases de l'économie de l'avenir. Donc, il faut faire les deux.
M. Carabin (François) : Il y
a des élections, M. Leitão, chez nos voisins du Sud dans moins de sept
jours. Quels impacts pourraient avoir les différents résultats, une victoire de
M. Trump ou une victoire de M. Biden, sur l'économie du Québec?
M. Leitão : Bon, écoutez, on
aurait des heures et des heures de plaisir. Ça me ferait grand plaisir de
discuter avec vous après ça. Ici, rapidement, c'est difficile, mais je vous
dirais tout simplement que, quel que soit le résultat, il nous faudrait que
quelqu'un gagne de façon claire. Je pense, ça, c'est le plus important, un ou
l'autre, je préférerais l'autre, mais que quelqu'un gagne de façon claire pour
qu'on puisse passer à autre chose, qu'on puisse commencer à mettre en place des
mesures structurantes. Évidemment, aux États-Unis, ce qui est le plus
important, c'est des mesures fédérales conséquentes pour maîtriser le virus
parce que tout passe par là. Et, évidemment, jusqu'à maintenant, l'État fédéral
américain, c'est un désastre total.
M. Laforest (Alain) : Est-ce
que cette élection déstabilise l'économie actuellement?
M. Leitão : Est-ce que
l'élection déstabilise l'économie?
M. Laforest (Alain) :
...
M. Leitão : Je ne pense
pas que ça les rend nerveux, mais ça les met dans un mode d'attente. Je pense
qu'il n'y a personne... Écoutez, on est à une semaine de l'élection. Donc, il
n'y a pas grande décision qui va être prise cette semaine. Mais, après le
3 novembre, si, en effet, il y a quelqu'un qui gagne de façon claire et
nette, là, je pense que ça peut mener à un changement de paradigme. Mais
encore, aux États-Unis surtout, parce qu'on parle des États-Unis, le virus est
loin d'être contrôlé. Et tant que le virus est dans l'état où il est aux
États-Unis, moi, je ne vois pas comment ils peuvent avoir une reprise
économique forte. Non, il faut d'abord maîtriser le virus, et ils sont très
loin de ça.
M. Bellerose (Patrick) :
Le programme d'accès universel à la psychothérapie, est-ce que ça signifie
subventionner l'accès au privé? Et pouvez-vous donner un petit ordre de
grandeur de combien il faudrait investir en nombre de thérapies ou en sommes
totales?
M. Fortin :
Bien, en ce moment, il y a clairement un système à deux vitesses au Québec, là.
Il y a un système où, si on a une assurance, on peut avoir accès à un
psychologue et à des services de psychothérapie plutôt rapidement. Et, si on
doit faire accès aux services publics, la liste d'attente, elle est plutôt
longue. Ce qu'on veut, c'est un système à une vitesse où tous les Québécois
peuvent avoir accès, à la même rapidité, aux services dont ils ont besoin.
Alors, nous, notre estimation d'un système comme celui-là, où tous les
services, c'est-à-dire jusqu'à une quinzaine de rendez-vous par année, peuvent
être remboursés par la RAMQ, notre estimation, c'est que c'est un coût
d'environ 300 millions de dollars.
M. Bellerose (Patrick) :
Donc, on subventionnerait les gens qui iraient au privé. Ils seront
accélérés...
M. Fortin :
Les services seraient remboursés par la Régie de l'assurance maladie du Québec.
Mme Senay
(Cathy) : It's the same question that I have
for you in English… that you're asking for a universal psychotherapy program.
Why are you repeating this today, that it's urgent to put that in place?
M. Fortin :
We're asking more and more of Quebeckers every day, and it's weighing more and
more on them. Every day, you hear of different categories of Quebeckers who are
feeling the weight of the pandemic. We know that seniors, people who are living
alone have felt alone for a long time and it's weighing on their mental health.
We know it affects youths disproportionally. We're hearing about entrepreneurs
who are facing the risk of losing their business. We're hearing about it from
people in the agricultural industry. You heard, yesterday, reports about
policemen and women who are struggling with it right now.
So the list goes on and
on. And every day that goes by adds to the mental health issues that Quebeckers
may face during the pandemic. So, a few weeks ago… and actually we asked for it
months ago, but we reiterated it a few weeks ago that we wanted a publicly
funded access to a psychotherapy program for all Quebeckers. So, right now, we have a two-tier system where, if you have an
insurance, you can have access fairly quickly to a health care professional,
and, if you're applying to the public system, it's going to take a while to get
an appointment, if you can get one, before... even within six months, a year or
two years.
So what we want to do is
make sure that every Quebecker
who needs services can have up to 15 sessions a year, that it can be reimbursed
by the Régie de l'assurance maladie du Québec, and people have access to it fairly quickly.
Mme Greig (Kelly) : Yesterday, Mr. Nadeau-Dubois said there's a mental health crisis.
Do you agree with that assessment right now?
M. Fortin : There's absolutely a mental health crisis. There has been a mental
health crisis for some time now. The number of Quebeckers who are facing... who consider that they have mental health issues
right now is on the rise. And you can't underestimate the amount of Quebeckers who, once this pandemic is all
behind us, once they've managed to save their businesses, once they've managed
to live through this, will realize just the impact and the weight that it had
on them. So there's a mental health crisis now, but there's an even bigger one
coming.
Mme Fletcher (Raquel) : Can I ask you just about the climate in the House? How do you
categorize or qualify the types of exchanges that you're having with the Government when you ask your questions?
M. Fortin : I think it depends on who answers the questions. To be honest with
you, I think there are some people on both sides of the House who take a very
constructive approach, who want to talk about how to move things forward in Government, how to do the best they can for Quebeckers who are struggling right now.
Unfortunately, yesterday,
we had a bit of a run-in with the Premier. He adopted some expressions, he
adopted a tone that was completely inappropriate. He's the only Minister who
answered questions yesterday, who was put in his place by the Speaker of the
Assembly not once but twice. The Premier is the longest tenured member of this
House. He knows exactly where the limits are, and yesterday he chose
deliberately to go well over them. Honestly, I think we expect more from a
Premier. And, if you look at the long list of Premiers who've come before him,
whether it's Bernard Landry, whether it's Lucien Bouchard, whether it's
Philippe Couillard, the tone was never quite like it was yesterday.
La Modératrice
:
Merci.
M. Fortin : Thank you.
(Fin à 9 h 12)