(Treize heures sept minutes)
Mme Anglade : Alors, bonjour.
Bonjour à tous. Je suis prête à répondre à vos questions.
Peut-être un commentaire en entrée de jeu.
On a brisé la glace ce matin. Donc, après... Je suis entrée dans mes fonctions il
y a environ 48 heures, un peu moins, probablement. Et donc on a posé des
questions qu'on avait à soumettre au gouvernement par rapport à la situation de
la pandémie. Et on va préparer la transition au fil des prochains jours. Alors,
voilà.
M. Lavallée (Hugo) : Quelle
va être votre grande priorité en tant que cheffe du Parti libéral? Est-ce que
ça va être les travaux parlementaires, réformer la structure du parti, revoir
le programme? Vous voulez mettre l'accent sur quoi de façon prioritaire dès maintenant?
Mme Anglade : Alors, vous
posez la question par rapport au... Comme cheffe du Parti libéral, pour moi, il
y a vraiment deux rôles. Il y a le chef du Parti libéral puis il y a le chef de
l'opposition, et je les distingue.
Le chef du Parti libéral, il a un énorme
travail à faire en termes de reconstruction, présence sur le terrain, aller
chercher les militants, les ramener, avoir une implication de la part de nos
militants en termes de contenu et en termes de prise de parole, dans un premier
temps.
Au niveau de l'aile parlementaire, ça va
être toute l'organisation. La priorité va être certainement, dans le cadre de
la pandémie, de revoir comment est-ce qu'on va relancer les choses. On va
passer à travers la crise. Mais il faut tout de suite commencer à réfléchir à
de quoi va avoir l'air la relance, et sur plusieurs aspects, que ce soit
l'aspect santé, que ce soit l'aspect éducation, que ce soit l'aspect économique.
Et c'est là-dessus qu'on va travailler dans les prochaines semaines.
M. Lavallée (Hugo) : Vous prévoyez de
grands chambardements dans l'organisation de l'aile parlementaire, les postes
d'officiers, les dossiers que chacun des députés ont?
Mme Anglade : Alors, on va
attendre. On va prendre le temps de faire les choses dans l'ordre. À court
terme, à très court terme, donc, pour les prochaines trois semaines où on va
être ensemble, il n'y aura pas de changement au niveau ni des porte-parole ni
des officiers. Par la suite, évidemment, je vais m'asseoir avec chacune des
personnes, et on peut s'attendre à ce qu'il y ait des changements, c'est
certain.
M. Bellerose (Patrick) : Une
course au leadership, c'est une belle façon justement de reconstruire un parti,
reconstruire le membership. Comment vous allez faire pour reconstruire le parti
et le membership, alors qu'il n'y aura pas de course et pas de débat?
Mme Anglade : Vous savez,
lorsqu'on est arrivés… Au moment de... Lundi, ça faisait presque un an que
j'étais sur le terrain à faire le tour du Québec, aller rencontrer des milliers
de militants. Alors, je vous dirais qu'il y a un travail qui a déjà été
effectué. J'aurais aimé qu'il y ait des débats. Ça, c'est clair. J'aurais aimé
pouvoir échanger. On va devoir trouver de nouvelles manières de le faire, et ça
va être de manière numérique, pour aller rejoindre le plus de personnes. Dans les
derniers deux mois, on a initié plusieurs projets pour aller rejoindre les gens
en Beauce, au Lac-Saint-Jean, dans l'Est du Québec, dans l'Ouest, et c'est des
manières numériques qui ont fonctionné. Je pense qu'il va falloir qu'on
multiplie… bien, décupler, en fait, qu'on décuple le nombre d'initiatives comme
celles-là qu'on va devoir mettre de l'avant.
M. Bellerose (Patrick) : Il
faut s'attendre à vous voir justement dans des vidéos interpeler les
internautes?
Mme Anglade : Absolument. Il
n'y a aucun doute là-dedans. On aura l'opportunité de faire des vidéos, mais
des rencontres. Jusqu'à présent, on a fait des rencontres. Parfois, il y avait
100, 150 personnes. Je pense qu'on est capables d'utiliser le numérique
pour le faire jusqu'à tant qu'on soit capables d'aller physiquement rencontrer
nos militants et nos futurs militants.
M. Bellerose (Patrick) : La
pandémie cause un déficit important à la province, 12 à 15 milliards,
selon les estimations. Quels projets le gouvernement Legault devrait laisser
tomber pour, justement, endiguer un petit peu le déficit et aider à la balance?
Mme Anglade : Écoutez, je
pense qu'il va falloir qu'on mise sur... Le gouvernement Legault avait des
priorités. On pense, par exemple, aux maternelles quatre ans. On pense, par
exemple, à la maison des aînés. Je pense qu'il va falloir qu'il prenne du recul
par rapport à ça et vraiment miser sur ce qui va réellement faire une
différence. Est-ce que ce sont les maisons pour les aînés ou c'est toute la
relation… ce que l'on va faire avec les soins à domicile, qui vont être
importants? Je pense que la réponse, c'est la deuxième partie de ce que je
viens de dire. Les maternelles quatre ans… En matière d'éducation, moi, j'ai
trois enfants à l'école. Je peux vous dire qu'il y a un énorme travail à faire
dans notre système pour, bien, qu'il soit beaucoup plus agile, que nos enfants
puissent apprendre même à distance. Il y a un énorme travail en matière
d'éducation. Alors, je pense que les priorités vont devoir être revues.
M. Bellerose (Patrick) : Il
faudrait annuler le projet des maisons des aînés? Est-ce qu'on annule aussi...
Mme Anglade : Ce n'est pas...
Ce que je dis quand... Dans les maisons pour les aînés, au lieu d'investir dans
le béton, je pense qu'on doit investir dans les relations et dans tout ce que
l'on doit bâtir de long terme avec les aînés.
M. Bellerose (Patrick) : Pour
le troisième lien, est-ce qu'on doit reculer sur le projet?
Mme Anglade : Il est certain
qu'il va falloir qu'on revoie toute la question du troisième lien en fonction
aussi des données, de ce que la science va nous dire. Combien de personnes vont
traverser? Les gens vont travailler davantage à distance. Tout ça doit être
réévalué. Je pense que tous les projets du gouvernement doivent être réévalués
en fonction des conséquences de la crise, conséquences qu'on connaît
partiellement aujourd'hui.
M. Bellerose (Patrick) : Ça
signifie abandonner le projet du troisième lien?
Mme Anglade : Ça signifie
revoir les projets. Ça ne veut pas dire abandonner tous les projets. Ça veut
dire les revoir puis évaluer les impacts en fonction de la crise.
M. Lavallée (Hugo) : C'est
dommage qu'il n'y ait pas eu de débat. Le fait qu'il n'y ait pas eu vraiment
une course comme celle à laquelle on s'y attendait, est-ce que vous pensez que
ça peut complexifier votre travail, par exemple, en ce qui concerne le fait
d'asseoir votre légitimité comme cheffe, le fait qu'il n'y ait pas eu un vote
comme tel, qu'on n'ait pas eu le temps nécessairement de faire le débat d'idées
qu'on aurait souhaité faire?
Mme Anglade : Je vous dirais, tout
est complexifié. Alors, à la question, oui, tout est complexifié. Mais, par
rapport à la légitimité, je vous dirais que, s'il y avait eu une course qui
avait duré un mois ou deux mois puis qui s'était terminée de la même manière
que ça s'est terminé lundi, peut-être, mais là on parle d'une course qui a duré
presque un an, où on est allés chercher des appuis partout, dans toutes les
régions du Québec. Lorsque j'ai déposé mon bulletin de candidature, il y avait
des gens de chaque comté, de chacun des 125 comtés, qui avaient signé mon
bulletin de candidature. Donc, je pense que le travail de fond, il a été fait. Maintenant,
il reste toute la question des débats. C'est ce qui restait, d'ailleurs, dans
la course à la chefferie. C'est justement trois débats qui n'auront pas lieu.
Il va falloir qu'on les fasse différemment.
M. Lavallée (Hugo) : Et le
Parti libéral, sous votre règne, va-t-il être très différent de celui qu'on a
vu sous M. Couillard?
Mme Anglade : Je pense qu'on a
des personnalités très différentes. Je pense que chaque leader amène sa manière
de faire les choses. Je suis une personne qui est d'abord et avant tout... Je
suis une militante qui rassemble les militants. Je veux pouvoir aller m'asseoir
avec les militants. Je veux qu'ils puissent prendre place au sein de notre
institution. Puis je pense que le parti doit reconnecter davantage avec toutes
les questions d'économie, liées à l'environnement, liées à la justice sociale.
Je pense que cet élément-là va être essentiel.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Maintenant,
le rôle de cheffe de l'opposition officielle, c'est un rôle qui a été décrit
comme étant ingrat par des personnes qui l'ont assumé et qui ont par la suite
assumé la fonction de premier ministre. Vous arrivez aussi dans une période où il
y a un certain sentiment d'unité nationale derrière le gouvernement parce qu'on
est en crise sanitaire. Est-ce que vous estimez aujourd'hui que vous pouvez
critiquer, questionner l'action gouvernementale, sans en payer un prix
politique?
Mme Anglade : Je crois qu'il y
a une manière d'être constructif. Je crois qu'il y a une manière d'amener des
propositions dans le rôle d'opposition officielle que l'on a. Et je l'ai dit
dès le départ, mon ton ne sera pas différent du ton que vous avez vu par le
passé, dans la manière de me comporter. Il faut qu'on soit capables de
reconnaître les bons coups puis il faut qu'on soit capables de dire : Bien,
il y a des choses qui ne fonctionnent vraiment pas. Puis il y a des manières de
faire qui vont devoir être revues de la part du gouvernement. Donc, je nous
sens parfaitement légitimes de critiquer en autant qu'on amène des propositions
également.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Est-ce que vous travaillez dans une perspective uniquement de gagner les
élections générales de 2022? Est-ce que c'est votre objectif premier ou vous
êtes ici… Là, vous êtes prête à rester comme cheffe puis, même, à être élue seulement
en 2026?
Mme Anglade : Bien, je
pense que l'objectif, effectivement, ce sont les élections de 2022. Puis je
pense que toutes les étapes qui nous amènent vers cette échéance-là font en
sorte que ça accélère le travail que l'on doit faire de reconstruction au sein
du parti. Mais l'objectif, bien sûr, c'est 2022, c'est évident.
Mme Lévesque (Fanny) :
Mme Anglade, j'aimerais vous entendre sur les CHSLD. Les partis d'opposition,
avant vous, ont questionné un peu le rôle et le pouvoir de la ministre
responsable, Marguerite Blais, à savoir est-ce que c'est vraiment un rôle
accessoire ou est-ce qu'elle a vraiment un pouvoir décisionnel. Est-ce que vous
partagez cette opinion-là? Est-ce qu'à votre avis la ministre responsable des
Aînés a suffisamment de pouvoir actuellement?
Mme Anglade : Bien,
clairement, elle n'a pas l'influence nécessaire ou elle n'a pas agi de manière
suffisamment rapide. Je faisais allusion à ça dans la période de questions
lorsque je disais qu'il y a 11 comités qui ont été mis en place pour aider
le gouvernement à préparer la pandémie et que, de ces 11 comités là, il
n'y en avait pas un qui était sur les CHSLD. Alors, c'est correct de dire qu'on
est sensibles, les aînés nous tiennent à cœur, parce que c'est le cas de nous
tous. On a tous des gens qui sont touchés par ça. Mais, concrètement parlant,
quand tu es ministre, tu as aussi une responsabilité par rapport à ça. Et
honnêtement, aujourd'hui, on a eu très peu de réponses de la part de la
ministre Blais. Et donc, si elle a un rôle à jouer, il faut qu'elle le joue.
Mais, jusqu'à présent, on n'a pas vu ce rôle donner des résultats concrets.
Mme Lévesque (Fanny) :
Est-ce que vous pensez qu'elle a suffisamment le pouvoir d'agir au sein du
cabinet?
Mme Anglade : Je veux
dire, tout ministre, dans un gouvernement, a le pouvoir d'agir. Puis, s'il ne
l'a pas puis s'il le veut, il peut aller s'asseoir avec son premier ministre et
le demander. La réalité, aujourd'hui, c'est que la ministre Blais n'a pas
fourni les explications nécessaires. On est encore en attente de plusieurs
réponses. Et, comme je dis, il n'y a pas... Si elle veut jouer le rôle, qu'elle
le joue. Mais présentement ce n'est pas ce qu'on voit sur le terrain.
Mme Lévesque (Fanny) :
C'est ça. Mais elle est ministre responsable, donc elle relève aussi du
ministère de la Santé. C'était le cas aussi sous l'ère Couillard. Est-ce que...
Mme Anglade : Absolument,
mais je peux vous dire qu'il y a des ministres, comme Lucie Charlebois, qui ont
eu les pleins pouvoirs quand il s'agissait de prendre des décisions, notamment
dans ce qui s'appelle toute la question du cannabis. Donc, il y a des manières
de fonctionner qui ont fait leurs preuves. Il n'y a pas de raison pour laquelle
ça devrait être différent.
Mme Crête (Mylène) :
Qu'est-ce que vous pensez de l'argumentaire du premier ministre sur le port du
masque obligatoire?
Mme Anglade : Est-ce que
le port du masque… Il faut absolument obtenir les équipements le plus rapidement
possible parce que, de ce que j'ai compris de la part du premier ministre, c'était
qu'on ne le rendait pas obligatoire parce qu'il n'y avait pas assez de masques.
Qu'est-ce que ça envoie comme message à la population? Ça envoie à la
population le message qu'il devrait être obligatoire, mais, comme on n'a pas
assez d'équipement, on ne le rend pas obligatoire. Je pense qu'on doit
accélérer rapidement la distribution et la production de masques. Et ça fait
plusieurs semaines… La question du masque est là depuis un certain temps. On avait
soulevé la question avant il y a plusieurs semaines, à savoir si ça ne devrait
pas être quelque chose que l'on devrait mettre de l'avant. On a attendu pendant
plusieurs semaines pour voir si c'était vraiment important, si c'était vraiment
recommandé. On se rend compte que, dans plusieurs juridictions dans le monde,
un peu tard, c'est recommandé, puis maintenant il nous manque de masques. Je
pense qu'il fait vraiment accélérer...
Mme Crête (Mylène) :
Donc, êtes-vous en train de suggérer qu'on distribue des masques à l'ensemble
de la population du Québec?
Mme Anglade : Je suis en train
de suggérer que, dans certains cas, notamment dans les transports en commun,
premièrement, ça, ça a été la proposition qu'on avait faite, qu'il soit rendu
obligatoire et qu'on ait les équipements nécessaires pour le faire là où la
distanciation sociale n'est pas possible, dans des endroits où on a encore des
taux de contamination qui sont importants.
M. Bellerose (Patrick) :
Est-ce qu'on met des gens en danger en attendant pour le rendre obligatoire?
Mme Anglade : Pardon?
M. Bellerose (Patrick) : Est-ce
qu'on met des gens en danger en attendant pour le rendre obligatoire?
Mme Anglade : Bien, écoutez, c'est
sûr que les gens sont plus en sécurité. S'il n'y a pas de distanciation
sociale, c'est sûr, tu es plus en sécurité s'il y a un port de masque que s'il
n'y a pas de port de masque. Et c'est la raison pour laquelle on a demandé
qu'il y ait un port de masque obligatoire, notamment dans les transports en
commun. Et chaque jour qui passe est un jour de trop.
M. Lavallée (Hugo) :
Pouvez-vous répéter en anglais tout ce que vous avez dit sur le port du masque?
Mme Anglade : So what did I say about masks? So, first of all, the question was
whether the position of Mr. Legault was consistent, and I said : If it's
mandatory… Obviously, they don't make it mandatory because there are not enough
masks that are available. And, if they are, it should be mandatory. We should
be doing everything we can to get as many masks as we can. The issue is… We've
been discussing this issue for a number of weeks. And, now that we're realizing
that other jurisdictions are saying it's really important, perhaps we should be
going in this direction. Now, we're realizing we don't have enough masks. So
we've taken enough time in order to make that decision. Now, it's time to
produce and make them available to the population.
Le Modérateur
:
Merci, Mme la cheffe de l'opposition officielle.
Mme Anglade : Merci beaucoup.
Merci, tout le monde.
(Fin à 13 h 20)