(Huit heures trente-trois minutes)
M. Gaudreault : Alors, bonjour
à tous et à toutes. Écoutez, on est ici et on ne voudrait pas l'être. Parce
qu'il y a quelque chose qui s'est passé au Québec, là, qu'on ne comprend pas
trop ou qu'on comprend peut-être trop. C'est qu'on est passé d'une promesse de
rembourser 1,5 milliard de trop-perçus d'Hydro-Québec aux Québécois et aux
Québécoises à, finalement, des augmentations prévues de tarifs de
600 millions pour les cinq prochaines années.
Alors, il faut retenir une chose, là, on
est en train de vivre de la «bullshit» de la part du gouvernement caquiste, qui
avait fait des sparages, des effets de toge avec la députée de Saint-Hyacinthe
qui avait déposé une pétition, qui avait été au bureau du ministre des
Ressources naturelles. Le ministre Julien et le premier ministre nous ont
brandi un projet de loi pour remplir soi-disant cette promesse, et on se
retrouve avec exactement le contraire, en plus, «by the way», avec un
affaiblissement historique du rôle de la régie, ce qui est unique au monde, et
ça donne plus de place à l'État dans l'État, à un monopole qui s'appelle Hydro-Québec.
Et vous le savez, historiquement, on en a parlé souvent ici, à l'Assemblée
nationale, il faut contrôler ce monopole d'Hydro-Québec, il faut être capable
de garder un oeil et des outils pour contrôler ses tentations monopolistiques
de plus en plus grandes.
Donc, on a un gouvernement qui fait
exactement le contraire de ce qu'il a dit. C'est juste de la «bullshit», quand
il a dit aux Québécois : On va vous rembourser 1,5 milliard, puis
qu'en bout de ligne il rehausse les tarifs, et qu'il en profite pour modifier
de façon substantielle une institution indépendante. Merci.
M. Ouellet : Juste pour
ajouter sur le bâillon, c'est le troisième. Et ce qui commence à m'inquiéter,
c'est que M. Legault commence à compter le nombre de minutes et le nombre
d'heures que nous passons en commission parlementaire. À ses yeux,
100 heures en commission parlementaire sur un projet de loi que personne
ne veut, c'est trop. À ce que je sache, le premier ministre Legault a été élu
avec seulement 37 % des voix. Alors, quand toutes les oppositions, quand
le Conseil du patronat, quand l'Association des consommateurs, quand tout le
monde...
M. Gaudreault : La FADOQ.
M. Ouellet : ...la FADOQ,
quand tout le monde dit que ce n'est pas un bon projet de loi, notre rôle, dans
l'opposition, c'est de lui faire comprendre que sa pièce législative doit être
revue.
Et ce qui me fait craindre, c'est que j'ai
lu dans une entrevue hier que M. Legault veut que son ministre Simon
Jolin-Barrette dépose une réforme des travaux parlementaires, et ce qui pointe
à l'horizon, c'est la durée maximale des débats. Et ça, pour nous, c'est
fondamental, il n'est pas question qu'on transige, aujourd'hui et dans les
prochaines années, avec le gouvernement caquiste pour réduire le temps de
discussion en commission. Quand la pièce législative ne répond pas aux besoins
du bien commun, les débats parlementaires sont nécessaires. Et si, en bout de
course, le gouvernement veut faire passer sa pièce, ça existe, un bâillon, et
c'est pour ça qu'aujourd'hui on est ici, samedi matin, pour dire au
gouvernement qu'il aurait dû retourner faire ses devoirs.
On a proposé une scission : Remboursez
les Québécois et faisons un débat correctement, à l'Assemblée nationale, sur
l'affaiblissement de la Régie. Mais la promesse de rembourser n'est pas dans le
projet de loi, il n'y a pas 1,5 milliard dans le projet de loi. C'est une
supposée baisse de 1,5 milliard qui n'existe pas dans les faits. Mon
collègue Sylvain l'a expliqué, au final, c'est une facture de 600 millions
supplémentaires dans les prochaines années.
M. Laforest (Alain) : Est-ce
que c'est un déni de démocratie?
M. Ouellet : Bien, un déni de
démocratie... Je veux juste vous... souvenez-vous le projet de loi sur le
discours...
M. Laforest (Alain) :
Comprenez-vous le sens de ma question?
M. Ouellet : Absolument.
M. Laforest (Alain) : Limiter
les travaux parlementaires, revoir la réforme, limiter les travaux des
oppositions : Est-ce que, pour vous, vous considérez que la CAQ se dirige
vers un déni de démocratie?
M. Ouellet : Absolument. La
majorité imposée par la CAQ n'est pas la majorité des Québécois exprimée lors
du dernier suffrage. Les oppositions, on représente plus du deux tiers de la
population, et je pense qu'on a le droit de parole, et on a le droit de
représenter les groupes qui viennent nous voir puis nous disent : Ça, ça
n'a pas de bon sens, ça, le gouvernement va trop loin.
Et pourquoi je vais plus loin là-dessus,
M. Laforest? Je n'ai pas vu, dans les engagements de la CAQ en campagne
électorale, «affaiblir la régie». Ça, je n'ai pas vu ça. Alors, pourquoi cette
pièce législative là, qui est si importante aux yeux du gouvernement, est
imposée par bâillon? Moi, je n'ai pas vu ça dans les plans et les promesses de
la CAQ.
M. Gaudreault : Puis
j'ajouterais, si vous permettez, que c'est un gouvernement qui fait du bâillon
une règle au lieu d'être une exception. Normalement, un bâillon, là, on a un
motif d'urgence. Mais là, c'est arrangé avec le gars des vues. Quand le
gouvernement met dans son projet de loi qu'il faut que ça soit à partir du
1er janvier 2020, on sait bien qu'après ça il dit que c'est de l'urgence,
alors que les tarifs d'hydroélectricité sont fixés pour rentrer en vigueur le
1er avril. Alors, on n'est pas dans une situation d'urgence. Donc, déni de
démocratie, moi, je réponds oui.
M. Lavallée (Hugo) : Mais
pourquoi vous dites que ça renforce les pouvoirs d'Hydro-Québec? Parce que les
hausses vont être prévues à même le projet de loi, là, ce n'est pas Hydro qui
va décider. Ça va être un gel puis l'inflation...
M. Gaudreault : Bien, ça
renforce le pouvoir d'Hydro-Québec parce que ça affaiblit la régie, et la régie
est là pour avoir un bras de distance par rapport à Hydro-Québec, pour être
capable d'entendre les représentants. À chaque année, annuellement, à la
fixation des tarifs d'hydroélectricité, il y a des groupes qui vont plaider, il
y a des associations de consommateurs, il y a des associations industrielles
qui vont plaider. Et l'objectif de la Régie de l'énergie, c'est quoi? C'est de
jeter un regard sur les propositions d'Hydro-Québec pour fixer le juste prix.
Ça, je pense que tout le monde comprend ça.
Quand M. Legault nous dit, en Chambre :
Les Québécois, ce qu'ils veulent, c'est de la prévisibilité, voyons donc! Moi, il
n'y a aucun, aucun Québécois qui m'arrête sur la rue pour dire : Je veux
de la prévisibilité. Ce qu'ils veulent, par exemple, c'est le juste prix par
rapport au coût de l'hydroélectricité. Ça fait que, là, en éloignant le pouvoir
de la régie par rapport à Hydro-Québec, bien, Hydro-Québec va faire ce qu'ils
veulent.
Puis regardez, là, juste les quatre ou
cinq dernières années, chaque demande tarifaire d'Hydro-Québec était beaucoup
plus élevée. Et qu'est-ce que la régie a fait, en analysant tout ça de façon
indépendante avec les auditions de différents partenaires, différents acteurs
de l'industrie, des consommateurs? Ils ont accordé beaucoup plus bas que
l'appétit gargantuesque d'Hydro-Québec.
Donc, on est en train d'affaiblir une institution,
puis ça, en plus, là, c'est unique dans le monde, particulièrement en Amérique
du Nord, où les Américains, qui sont la clientèle visée par les projets de
vente d'hydroélectricité par M. Legault, ont des institutions
indépendantes. Partout à travers le monde, pour fixer les coûts de l'énergie, il
y a des institutions indépendantes. Donc, le Québec, avec M Legault, est
en train de prendre le chemin contrairement inverse du reste du monde, qui se
donne des institutions indépendantes pour fixer les coûts de l'énergie. Donc,
il est à l'envers dans le trafic sur l'autoroute, là, puis il pense que c'est
tout le monde qui se trompe.
M. Lecavalier (Charles) : Il
y a quatre ministres de l'Énergie, bon, anciens... ex-ministres qui ont signé
une lettre, entre autres, qui s'inquiétaient justement de ça en disant que les
Américains pourraient saisir ce projet de loi là et l'utiliser pour porter
plainte, là... le commerce international, en disant qu'Hydro-Québec,
finalement, c'est le bras de l'État...
M. Gaudreault : ...fait du
dumping ou...
M. Lecavalier (Charles) :
Exactement.
M. Gaudreault : C'est ça, tout
à fait. C'est un risque...
M. Lecavalier (Charles) : Bon,
le gouvernement dit : Non, non, non, nos avocats disent que ce n'est pas
du tout le cas. Vous, est-ce que vous croyez que c'est une crainte? Est-ce que
c'est une crainte?
M. Gaudreault : Oui, c'est une
crainte qui est fondée. Moi, je pense que c'est une crainte qui est fondée.
Regardez, là...
M. Lecavalier (Charles) :
Puis, ce serait quoi, les conséquences?
M. Gaudreault : Bien, les
conséquences, c'est d'être contesté devant les tribunaux internationaux en
vertu des ententes de libre-échange. Pensez-vous que le gouvernement
américain... Regardez aller M. Trump, là, qui a augmenté... il a mis des
tarifs préférentiels, par exemple, pour protéger son industrie de l'acier puis
de l'aluminium. Il a fallu qu'on se batte. Pensez-vous qu'il va laisser faire
ça, lui? Pensez-vous qu'il va laisser faire ça, là? Il va prendre tous les
moyens à sa disposition pour être capable de contester les décisions pour faire
en sorte d'avoir le plus d'avantages de son bord. Je veux dire, c'est
inacceptable et c'est clair que c'est une menace réelle.
M. Ouellet : Et d'autant plus
qu'un des marchés qu'Hydro-Québec veut développer c'est l'Est américain. Donc,
on s'en va vendre l'électricité sur un territoire qui en a besoin, et là ils
nous regardent, puis ils voient le projet de loi, puis on va affaiblir le rôle
de la régie. Donc, on se tire dans le pied. Et moi, je suis un Américain, je
regarde ça, de l'autre côté, j'attends juste que la pièce législative, elle
passe, puis merci, bonsoir. Bingo!
Mme Plante (Caroline) :
En ce qui a trait aux amendements, comme on sait qu'il va y avoir le dépôt d'une
série d'amendements aujourd'hui, là, par le ministre, à quoi vous vous
attendez?
M. Gaudreault : Bien,
moi, si ce n'était rien que de moi, je m'attendrais que ce soit un amendement
pour abolir le projet de loi, là, mais on sait bien que ça ne sera pas ça. On
aimerait ça savoir c'est quoi, mais le ministre ne nous les a pas déposés
encore, alors moi, je ne peux pas présumer. D'après moi, ça va être plus à la
marge que fondamental.
Moi, ce que j'aimerais, au moins, c'est
d'essayer de sauver les meubles en gardant un pouvoir un peu plus grand de la
régie. Au lieu que ça soit aux cinq ans, que ça soit peut-être aux trois ans ou
aux deux ans. Mais le ministre ne veut rien savoir de ça.
Puis il ne peut pas dire, là, qu'on n'a
pas tendu la main. Martin l'a rappelé tantôt, quand on a proposé de faire une
scission du projet de loi, là, c'était exactement ce qu'il fallait faire. Ça
permettait de rembourser immédiatement un 500 millions puis après ça
d'aller modifier le rôle de la régie plus tard puis se donner du temps pour
bien analyser ça. On a même demandé d'entendre en commission parlementaire la
régie. Ils ont refusé. Alors là, je veux dire...
Puis n'oubliez pas, là, que, la dernière semaine
de travaux intensifs, ils n'ont pas convoqué une fois le projet de loi n° 34.
En fait, ils l'ont convoqué puis ils l'ont déconvoqué, ils ont tiré sur la
plogue — c'est le cas de le dire, en énergie — ils ont tiré
sur sur la plogue pour ne pas que la commission siège. Après ça, ils viennent
nous dire : On a passé trop de temps en commission. Aïe! Vous ne nous avez
même pas convoqués. Donc, c'est un exemple d'un gouvernement qui est heureux d'avoir
du pouvoir puis qui a perdu le contact avec la réalité.
M. Lecavalier (Charles) :
Est-ce que c'est du jamais-vu? Bon, vous avez fait une petite liste tantôt, là,
des organismes qui sont contre le projet de loi n° 34. Est-ce que c'est du
jamais-vu, pour vous, un projet de loi qui suscite autant de... en fait, qu'un gouvernement
ait aussi peu d'alliés?
M. Gaudreault : Oui. Moi,
dans mon expérience parlementaire, j'ai eu l'occasion de le dire en commission
parlementaire et dans l'adoption du principe, etc., c'est la première fois que
je vois ça. Aussi massif, là? Oui. Sauf Hydro-Québec. Donc là, c'est cousu de
fil blanc. Je veux dire, on le sait c'est qui, qui a tenu le crayon, là, on le
sait c'est qui, qui a tenu le crayon du projet de loi. Ce n'est pas Jonatan
Julien, ce n'est pas l'équipe du gouvernement, c'est Hydro-Québec. C'est Hydro-Québec
qui a tenu le crayon de ce projet de loi là.
Ça fait des années qu'on le sait qu'Hydro-Québec
se réveille la nuit pour haïr la Régie de l'énergie... je ne sais pas si ça se
peut, là, mais, en tout cas, que le P.D.G. se réveille la nuit pour haïr la Régie
de l'énergie. C'est carrément une commande d'Hydro-Québec. Et ce gouvernement,
par manque d'expérience, Jonatan Julien, par manque d'expérience, s'est laissé
embobiner comme un pauvre type dans la farine par une puissante machine qui
s'appelle Hydro-Québec.
Moi, je me souviendrai toujours, puis probablement
que M. Authier était là parce que c'est un des douaniers maintenant de la
Tribune de la presse, en 2010, souvenez-vous de ce qu'on avait été obligés de
faire pour obtenir les contrats d'Hydro-Québec. Moi, c'est là que c'est devenu
comme une apparition, à quel point Hydro-Québec est un État dans l'État.
Puis moi, j'aime Hydro-Québec, mais, parce
que je l'aime, je veux qu'on soit capables de le contrôler parce que ça nous
appartient, puis il faut qu'on garde ce contrôle-là. Mais il a fallu un ordre
de l'Assemblée nationale pour qu'Hydro-Québec fasse reculer ses camions dans la
cour intérieure, ici, pour débarquer ses piles de contrats. Puis c'est sûr que
M. Julien n'a pas cette connaissance-là. Ça fait qu'il s'est fait
embobiner...
Mme Plante (Caroline) : Puis
en même temps, M. Legault semble très fier du projet de loi aussi, là.
M. Gaudreault : Oui. Mais moi,
là, c'est drôle, hein, parce que j'ai siégé avec M. Legault, dans un même
parti, puis je me souviens d'avoir entendu M. Legault se lever souvent
pour dire : Ah! il faudrait dégeler les tarifs d'Hydro pour augmenter,
pour aller chercher de l'argent pour financer l'éducation, pour financer la santé.
Je me souviens de ça. Allez remonter la filière historique quand il y a...
Avant de créer la Coalition avenir Québec, quand il avait créé son espèce de
mouvement, là, qui a conduit à créer la Coalition avenir Québec, il parlait de
jouer dans les tarifs. Bien, moi, là, voulez-vous que je vous dise, je pense
que, dans le fond de lui-même, là, il est en train de réaliser un vieux rêve :
de pouvoir remettre les deux mains dans la fixation des tarifs
d'hydroélectricité pour en faire une taxe déguisée pour financer l'éducation,
puis la santé, puis d'autres services. Moi, je pense qu'il y a de ça. Alors,
là, là, il faut qu'on s'oppose bec et ongles à ce projet de loi, puis on va
aller jusqu'au bout aujourd'hui.
Mme Senay (Cathy) : So you say that the fact that we're here today, that's bullshit
from the CAQ Government. Why
are you saying this?
M. Gaudreault : It's bullshit because, remember, the Coalition
avenir Québec said to the people of Québec : We will reimburse, we will pay
back... we will refund 1.5 billion dollars. And today, we see that it's exactly
the opposite. And we will pay 600 million dollars more and Hydro... So it's
bullshit.
M. Authier (Philip)
: How do you establish the 600 billion dollar figure to...
M. Gaudreault : 600 billion dollars, because...
Des voix
: Million.
M. Gaudreault : Million! Not billion, million, yes. My God! 600 million dollars
more because this is the tariff in the same level of...
Une voix
: Inflation.
M. Gaudreault : ...inflation, yes. 2 % a year on five
years, it's almost 600 million dollars.
Mme Senay (Cathy) : So why citizens should listen to you, Saturday, right now? Why should they be worried about
what is happening?
M. Gaudreault : Yes. Because, finally, the costumers will pay more than they think
previously. And second, in the second time, it's a very large modification of
the role of Régie de l'énergie,
and the Régie de l'énergie will
lose a lot of independence in front of Hydro-Québec.
Mme Senay (Cathy) : That's not a deal?
M. Gaudreault : No. It's a very bad deal. Thank you.
Une voix
: O.K. Merci.
(Fin à 8 h 49)