(Onze heures trois minutes)
Mme
Hivon
:
Bonjour. Alors, merci beaucoup, tout le monde. Écoutez, je me sens vraiment très
bien entourée aujourd'hui, avec une très grande spécialiste de l'adoption au Québec,
Mme Johanne Lemieux — qui, d'ailleurs, je veux juste le mentionner parce
qu'elle est membre d'un comité spécial du président de la France sur la petite
enfance, et en ce moment elle manque une réunion avec son comité de travail,
sous l'égide des ministres et du président français, pour être avec nous, donc
je l'apprécie beaucoup — ...et de parents adoptants qui sont
mobilisés très, très solidement, comme vous l'avez vu, au cours des derniers
jours, comme nous l'étions, d'ailleurs, dimanche, alors que plusieurs
organismes en matière de petite enfance, en matière d'adoption se réunissaient
pour vraiment envoyer un message au ministre que l'équité, que l'égalité de
traitement doit être au rendez-vous pour les familles adoptantes.
Donc, aujourd'hui, je vais déposer une
motion à l'Assemblée nationale pour demander au gouvernement d'honorer son engagement
et de donner la pleine égalité de traitement, le même nombre de semaines aux
familles adoptantes qu'aux familles biologiques pour que les enfants... parce
que c'est des enfants dont il s'agit, pour que les enfants adoptés, qui, vous
le savez, ont des besoins énormes, puissent bénéficier d'au moins un an de
présence de leurs parents à leurs côtés, tout comme y ont droit les enfants
biologiques. Parce que c'est assez de créer deux classes d'enfants au Québec,
selon leurs origines, biologiques ou adoptives, et, en plus, comme on l'a vu
dans le projet de loi du ministre Boulet, de créer une nouvelle classe de
discrimination entre enfants adoptés à l'international ou adoptés au Québec.
Hier, nous avons reçu avec joie les
premiers signes d'une ouverture du ministre Boulet, qui semble commencer à
entendre le message des parents et qui résonne très fort dans la population en
général. On le voit, d'ailleurs, aujourd'hui, encore ce matin, cette unanimité,
dans les journaux notamment, dans les prises de position, dans la population en
général. Et on le remercie, parce que c'est un signe de sagesse, de ne pas
s'entêter. Mais encore faut-il qu'il mette de l'avant la bonne, la bonne mesure,
et cette bonne mesure-là, des services en post-adoption, ça pourrait être
super, mais la bonne mesure, c'est vraiment de donner du temps et de donner
l'égalité des chances et de traitement aux enfants adoptés.
Alors, pour vous en parler, j'ai la
spécialiste, donc, Johanne Lemieux, qui va vous dire quelques mots.
Le Modérateur
: Mme
Lemieux.
Mme Lemieux (Johanne) :
Merci, Mme Hivon. Écoutez, je vois une opportunité extraordinaire, une espèce
de fenêtre, là, qui s'ouvre, dans un nuage qui était un petit peu gris, pour le
ministre de changer profondément le narratif quand on parle de congé parental.
Ce narratif-là doit... contrairement à ce
qu'on dit, là, on ne doit pas mettre en dichotomie les besoins tout à fait
légitimes d'une maman qui vient d'accoucher et à laquelle on donne un congé de
maternité... Pourquoi on donne un congé de maternité à une maman qui vient
d'accoucher? Parce qu'elle doit récupérer, c'est une forme de convalescence,
afin de récupérer physiologiquement, émotivement et de s'occuper de son
tout-petit. On doit arrêter de comparer ça et plutôt se centrer sur les besoins
d'un enfant par adoption, qui n'aurait pas été adoptable, si sa vie avait été
formidablement douce, confortable et si tous ses besoins avaient été répondus.
Un enfant par adoption arrive avec des
traumatismes, avec des retards de développement, avec des ruptures
d'attachement, avec des problèmes de faire confiance à ses nouveaux parents, et
il a besoin lui aussi d'une forme de récupération, de convalescence. Donc, la
proposition que nous faisons et que nous faisons depuis très longtemps, mais là
il semble que le message et ce narratif-là commencent vraiment à être écoutés
avec empathie par la société québécoise, c'est de transformer le congé de
maternité en congé d'accueil pour l'enfant. Alors, ces quelques mois là vont
permettre à l'enfant de récupérer.
Il ne faut pas oublier que l'adoption est
une mesure de protection de l'enfance, et la meilleure protection d'un enfant
en besoin d'une famille pour récupérer de ses traumatismes, c'est d'être auprès
de ses parents disponibles, sensibles et assez longtemps pour l'apaiser, lui
redonner confiance en la vie, lui permettre de redevenir un enfant alors
qu'avant il n'était qu'un survivant, dans la plupart des cas, sauf exception.
Donc, je pense que, si ce narratif-là pouvait être inscrit, enchâssé dans loi,
et qu'on parle maintenant d'un congé d'accueil et de récupération en se
centrant sur le besoin de l'enfant, il n'y aurait plus de problème de
comparaisons boiteuses, chacun de ces congés-là serait pour répondre à des
besoins différents aussi importants et équivalents.
Alors, j'en fais appel à M. le ministre.
Vous avez une occasion extraordinaire de changer ce narratif-là, de l'enchâsser
dans la loi, et je crois que vous pourriez être reconnu ici, au Québec et à
l'international. Et je souligne que, malgré tout, hein, on parle de l'adoption.
La bonification du congé est extraordinaire pour tout le monde, j'en suis. Tous
les enfants du Québec vont en profiter. Et, quand je dis «tous les enfants du
Québec», ceux adoptés à l'international et au national aussi. Alors, nous
attendons cette ouverture-là et cette façon-là de voir les choses, et, si c'est
dans la loi, tout le monde va y gagner.
Mme
Hivon
:
Merci.
Le Modérateur
: Merci
beaucoup.
Mme
Hivon
: Mme
Morel.
Le Modérateur
: Mme
Morel.
Mme Morel (Anne-Marie) :
Donc, jeudi dernier, le ministre a déposé son projet de loi n° 51.
Pour les parents adoptants, c'était une gifle au visage, c'était une promesse
brisée. On nous a dit qu'on acceptait qu'encore aujourd'hui nos enfants n'aient
pas droit à un an de congé, comme tous les autres enfants du Québec. Donc, les
enfants adoptés, ils sont, encore aujourd'hui, les enfants qui ont le droit au
moins de présence parentale, et nous ne l'acceptons pas.
Nous avons reçu depuis jeudi des messages
d'amour du public, que de l'empathie, que de la sympathie. Les gens sont
derrière nous, et, pour nous, c'est vraiment un baume sur notre coeur blessé.
Donc, je voulais prendre deux minutes pour remercier tous ces gens qui ont
compris les enjeux de l'adoption, qui sont différents, comme le disait Mme
Lemieux, mais tout aussi importants. Alors, je les remercie du fond du coeur, c'est
ce qui nous donne l'énergie de continuer à nous battre.
Vous savez, nous, les adoptants, qui sont
ici, à la fédération, nous sommes bénévoles, donc c'est au détriment de nos
familles, c'est au détriment de nos heures de sommeil, c'est au détriment de
notre travail que nous sommes là, depuis cinq jours, avec vous, les médias,
pour faire entendre notre cri du coeur.
Le ministre, hier, a montré des premiers
signes d'ouverture. Nous, c'est certain qu'on veut travailler avec lui. Il a
raison, lorsqu'il dit qu'il peut y avoir d'autres programmes qui peuvent rendre
service à nos enfants. Nous ne nous opposons pas à cela. Par contre, le besoin
de nos enfants, c'est du temps, c'est du temps à la maison à l'arrivée de
l'enfant, et puis ça, ça ne se guérit que par le Régime québécois d'assurance
parentale. Nous n'achetons pas l'argumentaire du ministre que tout ce qui a été
fait... a été fait, et nous voulons donc que le programme soit bonifié parce
que tous les enfants ont droit à l'égalité de traitement au Québec.
Le Modérateur
: Merci
beaucoup.
Mme
Hivon
: Et
en terminant, Mme Tardif.
Mme Tardif (Marielle) : Donner
l'égalité aux familles adoptantes au RQAP, c'est reconnaître que nos familles
sont des familles aussi précieuses que les autres et que nos enfants d'ici ou
d'ailleurs ont droit aux mêmes chances que les autres. N'oublions pas que le régime
d'assurance parentale a été créé dans le cadre d'une large politique de soutien
aux familles dont le but était de mettre tous les enfants au coeur de nos
priorités. Alors, nos enfants adoptés peuvent, ont l'occasion aujourd'hui
d'être reconnus comme aussi importants que les autres.
Par sa récente ouverture, le ministre a la
chance d'être le champion des enfants adoptés et de devenir le défenseur de
tous les enfants québécois.
Mme
Hivon
:
Alors, en terminant, je veux simplement dire au ministre que, s'il honore
aujourd'hui son engagement à l'égard des familles adoptantes, nous allons
toutes saluer qu'il avance, nous allons toutes saluer à quel point il va
marquer l'histoire pour mettre fin à cette discrimination-là entre les enfants
adoptés et les enfants biologiques. Donc, je suis confiante qu'il entend le cri
du coeur. Je suis confiante qu'il va bouger. Je veux lui dire que c'est le
temps maintenant de bouger. Je ne pense pas que ce soit sain d'éterniser ce
débat pendant des semaines et des mois d'ici l'étude du projet de loi. Je pense
que c'est le plus beau cadeau de Noël qu'il pourrait offrir aux familles
adoptantes du Québec. Maintenant, on peut prendre vos questions.
Le Modérateur
: Merci
beaucoup. On va prendre les questions sur le sujet en premier. Geneviève
Lajoie, Journal de Montréal... de Québec.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Bonjour. Je voudrais peut-être parler à Mme Lemieux, qui parlait plus
spécifiquement, donc, de prendre les congés de maternité pour les... Finalement,
ce que vous demandez, c'est qu'ils soient transférés en congés d'accueils.
Mme Lemieux (Johanne) : Tout
à fait, en congés d'accueil. En fait, un enfant qui arrive par adoption, il
arrive en choc. Il a été déraciné de son orphelinat ou d'une famille probablement
dysfonctionnelle. Donc, ce choc-là va rajouter à toutes les carences qu'il a déjà
eues. Comme je le disais tout à l'heure, si la vie avait été bonne, pour cet
enfant-là, il n'aurait pas de carence. Donc, l'adoption est un moyen de
réparation, pas parfait, mais de soigner, de réparer, de donner une chance à
l'enfant de rebondir.
Et toutes les études et mon expérience de
25 ans en adoption, tous les travaux que je fais en collaboration avec des
Européens, des Britinatiques, et tout, nous disent que ces premières
semaines-là sont extrêmement importantes, autant pour la récupération de la
santé physique, cognitive et émotive de l'enfant et pour donner la chance aux
parents de très doucement apprivoiser l'enfant, l'aider à s'adapter à une
nouvelle réalité, soigner ses blessures physiques aussi. C'est des enfants qui
arrivent en malnutrition, en retard de développement. Pas tous, mais la
plupart. Donc, c'est beaucoup de soins.
C'est pour ça que je parle d'un congé
d'accueil, de convalescence, un peu comme une maman qui accouche, qui a
parfois... Bon, parfois, ça se passe bien, mais parfois elle a besoin de soins
pour récupérer. Alors, au lieu de se centrer, comme je disais, sur seulement,
et j'en suis, des besoins d'une maman de récupérer, transformons ça en,
vraiment... enchâssons ça, en disant : C'est le congé de récupération et
d'accueil de l'enfant.
Mme Lajoie (Ginette) : Donc,
plus précisément, donc, transférer les 18 semaines actuelles de congé de
maternité en congé d'accueil.
Mme Lemieux (Johanne) : Oui. Tout
à fait.
Mme
Hivon
: En
fait, la proposition que Mme Lemieux fait, c'est une proposition que la
professeur Carmen Lavallée, qui est professeur de droit à l'Université de
Sherbrooke, qui a fait une étude, justement, sur la discrimination à l'égard
des enfants adoptés, fait. C'est de garder intact, évidemment, le congé de
maternité, mais pour combler l'écart. Si, par exemple, le ministre... Nous, on
pense qu'il pourrait tout simplement, évidemment, bonifier le congé d'adoption,
là.
En passant, je veux juste dire, d'ailleurs,
qu'il y a déjà une différence. Ça fait que, quand le ministre arrive avec des
arguments légalo-légalistes qu'il pourrait y avoir des poursuites, ça ne tient
pas la route, là, concrètement parlant. Parce que personne ne peut imaginer
qu'une mère biologique intenterait un recours contre le gouvernement parce que
les familles adoptantes se verraient donner des semaines équivalentes, là. Je
ne pense pas que personne ne serait malheureux que les familles adoptantes
puissent avoir autant de temps. Ça fait que, concrètement parlant, on ne voit
pas comment ça tient la route.
Mais, déjà, le congé d'adoption, il est
37 semaines, dans le régime actuel, et le congé parental, 32. Il n'y a
déjà pas une égalité parfaite. Il n'y a personne qui a soulevé des arguments de
discrimination. L'idée de Mme Lavallée et de Mme Lemieux, c'est de dire :
Pour combler l'écart, si le ministre veut créer quelque chose de distinct,
bien, qu'il appelle ça tout simplement un congé d'accueil, qui est bénéfique
autant pour les familles, pour les parents que pour les enfants. Donc, comme
famille, on s'apprivoise. C'est l'accueil du bébé dans la famille.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Est-ce que je comprends aussi que, s'il fait des bonifications, parce que je
pense qu'il cherchait aussi à trouver peut-être des solutions autour du RQAP,
pas nécessairement qui passent par le RQAP — peut-être aussi, là,
mais, bon — ...est-ce que vous n'accepterez pas ça? Ce que vous
voulez, c'est vraiment le même nombre de semaines que les parents d'enfants
biologiques?
Mme
Hivon
:
La demande et l'engagement gouvernemental, c'était vraiment de donner le même
nombre de semaines. Ce n'est pas un luxe. Ce n'est pas demander la fin du
monde. C'est 55 semaines ou, si, là, ça augmente à 59, 59 pour les parents
adoptants, la même durée, pour que les enfants puissent avoir cette année-là
avec leurs parents.
Des spécialistes de l'adoption vous
diraient que parfois les enfants adoptants devraient même avoir plus de temps parce
que les réparations sont tellement importantes, les traumatismes. Ce n'est pas
ça que les parents demandent. Les parents demandent juste l'équité de
traitement. Oui, c'est le temps qui est essentiel. Donc, si le ministre veut
ouvrir sur des services post-adoption, ce serait formidable.
Hier, il parlait, par exemple, de
l'orthophonie ou des services psychologiques. Oui. Mais le congé d'adoption
d'un an, il prévient ces troubles-là qui peuvent s'accentuer. Donc, il est là
pour l'attachement. Il est là pour combler les carences. Il est là pour les
besoins de santé. Donc, c'est ça, la base. C'est ça, la demande. C'est sûr que
c'est leur seule demande depuis des années, à la fédération. Donc, c'est ça qui
est demandé. On demande au gouvernement de s'engager là-dessus.
Une voix
: O.K. Vous
pouvez continuer.
Mme Lemieux (Johanne) :
J'aimerais rajouter. J'insiste beaucoup aussi, les mots sont importants, c'est-à-dire
que, si on donnait l'équivalent, on serait très contents, mais pourquoi ne pas
profiter de tout ce brouhaha-là, ce débat merveilleux, que je trouve vraiment
formidable, pour vraiment enchâsser le concept du congé d'accueil qui enverrait
un message à la population que c'est clair que tout le monde est d'accord que
ces enfants-là ont un besoin de protection, ont un besoin particulier? Alors,
on ferait d'une pierre deux coups, en faisant l'équivalent du même nombre de
semaines de congé de maternité en congé d'accueil. Et ça changerait la donne,
ça changerait la mentalité. Une mentalité que...
Je dois dire, au Québec, on a fait des
avancées formidables. Il y a des pays qui sont jaloux de bien, bien, bien de
nos programmes. Et, vous savez, on a une histoire pas toujours très drôle par
rapport aux enfants adoptés ou non adoptés au Québec, hein? On n'a qu'à parler
aux orphelins de Duplessis. Je trouve que d'enchâsser ça, ce serait comme une
façon de boucler la boucle, de reconnaître que ces enfants-là ont des besoins
particuliers. Et le mot «congé d'accueil», «congé de convalescence», peu
importe comment on le dira, pourra
Le Modérateur
: Merci
beaucoup. Valérie Gamache, Radio-Canada.
Mme Gamache (Valérie) :
Premièrement, vous vous êtes beaucoup battus pour les parents qui adoptent à
l'étranger, vous avez réclamé, je pense, 10 semaines. Les parents qui
adoptent au Québec...
Mme
Hivon
: Je
veux juste dire que...
Mme Gamache (Valérie) : Non,
non, mais...
Mme
Hivon
:
...ça n'a jamais été demandé par les parents adoptants. C'est vraiment
important.
Mme Gamache (Valérie) : O.K.
Mais, je veux dire, il y a quand même plus de semaines qui sont données pour.
Mme
Hivon
: Oui.
Mme Gamache (Valérie) : Est-ce
qu'on ne doit pas équilibrer aussi pour les enfants?
Mme
Hivon
:
Totalement. Ça, là, c'est vraiment important, puis la fédération pourrait le
dire... Bien, Mme Morel, elle est mère biologique et...
Mme Gamache (Valérie) :
...pourquoi on est...
Mme
Hivon
: On
ne comprend pas d'où ça sort, vraiment. M. Munger, vous pouvez peut-être le
dire. Ça n'a jamais été une demande.
M. Munger (Yannick) :
Lorsqu'on a rencontré M. Boulet et son équipe, on lui a fait comprendre la
réalité de l'adoption internationale comme étant difficile. Il faut s'absenter
du pays une semaine, deux semaines, trois semaines, voire, des fois, une fois
ou deux fois. Certains pays, il faut y aller deux à trois mois. C'était un
exemple. C'était un argument pour nous donner l'équivalent du 18 semaines.
Lorsqu'il nous présente ça, aujourd'hui,
il nous dit : Ah! c'est votre idée. Non, non, non. Vous allez créer deux
classes d'enfants adoptés : des enfants adoptés à l'international, qui ont
droit à 52 semaines de présence parentale, un 10 semaines de plus que
les enfants adoptés au local, puis 42 semaines pour les enfants adoptés au
Québec. Et, «by the way», les mères monoparentales et les pères monoparentaux
qui adoptent au Québec, dans le projet de loi de M. Boulet, ont droit
uniquement à 37 semaines.
Donc, nous, là, on réfute vraiment cet
argumentaire-là. On veut avoir vraiment un congé parental équitable entre les
enfants biologiques et les enfants adoptés, et on ne veut pas avoir d'inéquité
non plus entre les enfants adoptés... On représente vraiment... On veut avoir
une équité pour tous. Une famille, c'est une famille. On devrait avoir les
mêmes droits et les mêmes privilèges.
Mme Gamache (Valérie) : Parce
qu'on a l'impression qu'il y a trois classes d'enfants...
M. Munger (Yannick) :
Exactement, et on ne veut pas ça du tout.
Mme Gamache (Valérie) : Mme
Hivon, est-ce qu'il y a eu des pressions de la part, peut-être, de membres du
gouvernement Legault pour que M. Boulet réagisse aussi rapidement que ça et dise :
Bien, on va étudier toutes les avenues parallèles?
Mme
Hivon
:
Moi, je ne sais pas ce qui se passe au sein du caucus de la Coalition avenir
Québec. Ce que l'on sait, c'est que, dans le passé, il y avait des membres, maintenant,
qui font partie de la députation, qui étaient derrière la Fédération des
parents adoptants. On sait qu'il y avait eu, donc, même, une motion adoptée,
une résolution à un conseil général de la CAQ, en novembre 2017, pour
donner l'équité. Pendant la campagne électorale, ils s'y sont engagés...
Une voix
: L'égalité?
Mme
Hivon
:
...l'égalité, tout à fait, de traitement, ils s'y sont engagés noir sur blanc.
Donc, j'imagine que ça doit débattre fort, comme ça débat au Québec, comme on
le voit à quel point les gens... Je pense que c'est ça, la beauté dans la
difficulté, je pense, que les parents traversent en ce moment et la déception
qu'ils traversent. C'est que pour une fois, au moins, ce débat-là se fait. Et
je pense que... Hier, j'entendais une ligne ouverte, Mme Lemieux était
présente, où un papa appelait pour dire : Moi, au début de la ligne
ouverte, j'étais vraiment... je ne comprenais pas pourquoi ce serait la même
chose; en cinq minutes, vous m'avez convaincu, je comprends maintenant les
besoins des enfants. Je pense que c'est ça qu'on vit en ce moment.
Mme Gamache (Valérie) :
Et est-ce que, selon vous, quand il dit : Il y a quand même des risques
légaux, est-ce que, pour vous, il n'y a aucun risque de poursuites, et c'est
clair qu'il n'y a pas d'hypothèse qui tienne?
Mme
Hivon
:
Oui. Moi, je vous le dis, pour nous, il n'y en a pas. Tout ça reposerait sur un
jugement d'une Cour d'appel basé sur la Loi fédérale, pas la loi québécoise.
Puis, la loi fédérale est basée sur le régime d'assurance-chômage, qui n'est
pas la même chose.
Puis je veux juste vous lire, là, ça va
prendre trois secondes, dans cette fameuse étude de Carmen Lavallée, là,
elle dit : «Quant à savoir si ce traitement défavorable aux parents
adoptants et aux enfants adoptés peut être justifié par la volonté de tenir
compte des besoins particuliers de la mère biologique, la réponse a déjà été donnée
dans le cadre de la Charte canadienne et ne saurait être différente pour la
Charte québécoise : une mesure qui tient compte des besoins d'un groupe de
personnes peut légitimement commander un traitement distinct en faveur de cette
personne à condition de ne pas porter [...] préjudice à un autre groupe de
personnes vulnérables.»
Donc, l'autre groupe, c'est les enfants
adoptés qui sont des personnes vulnérables. Ça fait que ça ne tient pas la
route. Puis, concrètement parlant, est-ce qu'il y a quelqu'un au Québec pense
que les mères biologiques pourraient réalistement intenter un recours contre le
gouvernement, contre les enfants adoptés et la présence de leurs parents? Je
pense que poser la question, c'est y répondre.
Le Modérateur
: Merci.
Caroline Plante, LaPresse canadienne.
Mme Plante (Caroline) :
Bonjour. Est-ce que je comprends que le ministre vous a consultés tous et que
peut-être qu'il n'a pas soit entendu vos arguments ou qu'il a mal compris vos
arguments?
Mme Morel (Anne-Marie) :
En fait, le ministre, on ne l'a rencontré que deux fois depuis son élection. On
a rencontré, en fait, le ministre une fois, son cabinet deux fois, et ça fait
très longtemps, ça fait plusieurs mois de cela. Et, quand on a eu notre
dernière rencontre, on a quitté enchantés. C'était mon ministre qui avait
démontré le plus d'empathie, qui semblait comprendre notre réalité. Et puis on
s'est dit : Ça y est, il va respecter sa promesse. Et il nous a dit :
Le projet de loi sera déposé dans l'automne. On était au printemps.
Et on ne s'attendait donc pas du tout à un
revers comme ça. On n'a pas eu de test : Êtes-vous d'accord avec ça,
l'idée de favoriser les internationales? On n'a eu aucune tentative de nous
rejoindre par la suite pour demander si ça répondait aux besoins de nos
enfants. Puis nous, ce qu'on veut fait reconnaître, c'est l'adoption. Notre
besoin, c'est le temps pour corriger l'adoption. Parce que l'adoption, les mots
qui sont écrits en sous-titres, c'est l'abandon, c'est le déracinement, et c'est
ça qu'on veut faire reconnaître, et non pas l'avion. C'est l'adoption. Parce
que l'abandon, ça n'a pas de frontière.
Mme Plante (Caroline) : Mme
Hivon, est-ce qu'il y a des députés des autres formations politiques qui vous
ont contactée, qui vous soutiennent là-dedans?
Mme
Hivon
: Écoutez,
je sens un soutien, oui, oui, oui, mais je ne me mettrai pas à dévoiler des
conversations privées. Je vous invite à aller...
Mme Plante (Caroline) : ...
Mme
Hivon
: Oui,
il y a des collègues qui m'ont parlé, informellement, bien entendu. Écoutez, je
pense que ce n'est pas un secret pour personne, la CAQ, dans l'opposition,
s'était prononcée en faveur. Donc, c'est parce qu'il y avait des élus, des gens,
à l'intérieur de ce parti-là, qui croyaient à l'égalité, comme, nous, on le
fait depuis longtemps aussi. Puis l'idée, ce n'est pas de comparer, là. Nous,
notre formation politique l'a fait, on l'a fait en campagne électorale, et je
me réjouissais de voir qu'il y avait un autre parti qui prenait le même engagement,
bien sincèrement.
Donc, je pense que c'est à vous d'aller
les voir, mais, oui, je sens qu'il y a beaucoup d'empathie. Encore ce matin, il
y a un collègue qui m'en a parlé. Je pense que les gens comprennent la réalité,
un petit peu mieux, de l'adoption. Puis je pense que c'est un petit peu ça qui
a choqué les parents, c'est d'avoir le sentiment qu'il y avait une
méconnaissance complète de la réalité de l'adoption, quand cette gifle-là est
arrivée.
Mme Plante (Caroline) : Mais
pourtant, il vous a consultés. Qu'est-ce qui explique cette méconnaissance,
d'après vous?
Mme
Hivon
: C'est
très, très difficile à expliquer, pourquoi l'avoir échappé ainsi. Vous savez,
je le rappelle, là, mais ce serait, dans l'évaluation la plus généreuse, 4 millions
à 5 millions de dollars dans un régime qui coûte 2 milliards. Donc,
on ne comprend pas cet entêtement-là. On comprend que... Le ministre, là, en
dernier recours, la seule chose qu'il a évoquée, c'est cette idée de préserver
le congé de maternité pour la mère biologique. Il n'y a personne qui remet ça
en cause, tout le monde comprend tout à fait cette réalité-là. Mais, comme le
dit très bien Mme Lemieux : Les parents adoptants... est-ce qu'on peut changer
le regard puis partir de la réalité des enfants et des parents qui ont besoin
de s'absenter du travail pour accompagner ces enfants-là dans leur accueil,
dans leurs besoins d'attachement et de sécurité?
Mme Plante (Caroline) :
Dernière petite question : Pour les pères... est-ce que ça aurait été
moins compliqué de bonifier le congé des pères sans condition? Donc là, on voit
que, dans le projet de loi, ils mettent des conditions.
Mme
Hivon
: Je
pense que oui aussi. Je pense que le ministre a fait ça vraiment compliqué, vraiment,
là, puis il a créé des sous-groupes, puis des calculs puis entre les enfants
adoptés. Ça choque beaucoup. Je veux dire, il y a beaucoup de familles qui ont
un enfant qu'ils ont adopté à l'international, un enfant qu'ils ont adopté au
Québec. Il y a des familles, comme Mme Morel, qui ont des enfants biologiques
et adoptés. Pourquoi toutes ces catégories, ces discriminations-là, ces
distinctions-là? Ça ne tient pas la route. Ce n'est peut-être pas M. Boulet.
Peut-être qu'il a été mal conseillé. Mais là c'est le temps que, lui, prenne le
dossier vraiment en main puis qu'il dise : C'est moi, le ministre, j'y
tiens, à cette cause-là, j'ai montré de l'ouverture, on y va. Puis tout le
monde va l'applaudir, moi la première.
Mme Lemieux (Johanne) :
Est-ce que je...
Mme
Hivon
: Oui,
bien sûr.
Mme Lemieux (Johanne) :
Est-ce que je peux rajouter simplement que la réalité de l'adoption
internationale et nationale a beaucoup changé, depuis les 10 dernières
années, et que, présentement, il y a plus d'adoptions nationales, au Québec,
d'enfants placés qu'on essaie de sortir des méandres d'être de famille
d'accueil en famille d'accueil quand il n'y a pas possibilité que les parents
biologiques reprennent l'enfant à long terme et lui offrent de la sécurité?
Donc, on se retrouve que les parents qui
adoptent à l'international sont une petite minorité, à peu près un tiers, qui
auraient plus de semaines qu'on n'a jamais demandées. Et la majorité auraient
moins de semaines, alors que c'est des enfants qui sont aussi négligés, sinon
plus traumatisés parce qu'ils sortent, la plupart, pas tous, des services
sociaux et qui ont été retirés à des familles négligentes, maltraitantes ou
abusives.
Le Modérateur
: Merci
beaucoup. Raquel Fletcher.
Mme Fletcher
(Raquel) : In English. Do you speak English?
Des voix
:
Yes.
Mme Fletcher (Raquel) : Yes? Can we ask you in English?
Mme
Hivon
: ...and
Mme Lemieux.
Mme Fletcher (Raquel) : OK.
Mme
Hivon
:
Approchez-vous.
Mme Fletcher
(Raquel) : Go ahead.
Mme Lemieux (Johanne) : I don't mind.
Mme Fletcher (Raquel) : Can you just start by introducing yourself and your official title
in English?
Mme Lemieux (Johanne) : OK. My name is Johanne Lemieux. I'm a social worker and a psychotherapist.
I do write books and I give training in attachment in adoption and in
post-trauma therapy here in Québec and in Europe.
Mme Fletcher (Raquel) : The way that the law is written now, when you saw that it was
tabled, last week, what was your first impression?
Mme Lemieux (Johanne) : My first impression was that the ministre Boulet didn't really
understood what we were talking about. We were not talking about comparing
birth parents, you know, a mother giving birth and a needs to recover
physically and emotionally. We are talking about putting the child at the
center of... and the need of the child. And an adopted child has to recover,
has to physiologically and psychologically get over PTSD, neglect, failure to
thrive. So, that's what I thought. I said : Well, I thought you understood
that distinction. And he doesn't. He says he does. I
think he does a little better now, you know, it's been five days that we are
talking about it. But it was, again and again, birth parents... You know, it's
more important for a mother to recover than a child who has been neglected to
recover. And, you know, it's unjust and unjustified.
Mme Fletcher (Raquel) : You mentioned that he is going to create three different classes of
parents. What is your concern with that?
Mme Lemieux (Johanne) : Well, my concern is : A child is a child and a child has the
same needs, maybe not exactly the same history, but he has the same needs. Why
putting all those categories? It would be very simple to give the same thing to
everybody, to every child, every parents, for different reasons. And it will be
even easier to... The mathematics of this is very complex, you know? I read it
and I said : Oh my God! It's very complicated. Why is it that complicated?
It could be very simple, and everybody would win.
Mme Fletcher (Raquel) : Do you want to add a few things? What was your impression? What is
wrong with this bill?
M. Munger (Yannick) : Yes...
Mme Fletcher (Raquel) :...introduce yourself first.
M. Munger (Yannick) : I'm Yannick Munger, I'm volunteer for the Fédération des parents
adoptants du Québec and the treasurer of the federation.
So, first of all, we were
kind of shocked when we learned about the new bill. As Johanne mentioned, there
is some discrimination toward our children. Adoptive children, for Minister
Boulet, have not the same status, the same right and the same privilege as
biological children. So, we are denying that argument. So, we want to... every
child in Québec has the same right. And currently the adoptive children in
Québec are the only ones who are not allowed to spend an entire life... an
entire year with their parent at the beginning of the year. So, that's really
our concern. So, we really need to put the child at the center of the discussion
and looking forward to improve that bill.
Mme Fletcher (Raquel) : Do you have personal experience? Have you adopted a child in
Québec?
M. Munger (Yannick) : Yes. Me and my wife, we adopted two children. My oldest one, we
adopted from South Korea seven years ago, and he was 14 month-old. He has been
put in orphanage for three months, he has experienced two different foster
families, and, when we arrived, every four to five months, he has been
switching situation. And, after five to six months in Québec, we put him in
kindergarten. So, it was kind of very, very difficult. And he took my wife as a
life buoy and he was spending totally... yes, 20 hours a day, 23 hours a day on
my wife. He was sleeping on her chest. It was really, really exhausting for her.
And me, I was unable to approach him at all. So it was kind of very difficult
for me. I was crying my life for many days and weeks : Why I cannot be
loved by my kid? So it was very, very difficult. I took a couple of weeks, six
weeks off, to do the «coparentality», to bond, to try to bond, but, at that
time, the adoptive leave melted down quite quickly. So that's why we ended up...
at the end very, very quickly.
And a couple of years
ago, four years ago, we adopted Charlotte from China. She was one, at that
time, she had been put in an orphanage for an entire year, so she was in a crib
20 hours a day, not having care, not having stories, hugging, etc. So she was
underdeveloped. And she is really a survivor because when you are in an
orphanage and you want to have attention, what do you do? You smile, you are
the fun baby, you try to survive. And currently, she's really like this. She's
bonding quite quickly with everybody, but even with strangers. If there is the
mailman or a stranger, she will be in their arms, etc. So it's not normal. So
she needs to learn who are her parents.
So different story,
different needs. So every child is different and as are biological ones. So we
are a family and we want to be recognized as a normal family and have the same rights
for children.
Mme Fletcher (Raquel) : Thank you for sharing your story. Mme Hivon, can you explain the jurisprudence and why you think the minister
might be off in his analysis, that... He said he can't go forward because there
would be...
Mme
Hivon
: Yes. We really don't understand the perspective of the Minister. You know, sometimes, it happens that lawyers
are very, very, very careful. I know, I'm one, so I know that we can be a
little bit obsessive. But I think that really it's out of way with, you know, what the need is. Because the Minister
is like saying that biological mothers could sue the Government if... not we take anything away from them, but we give more weeks
to equal the system for adoptive families. So can you imagine a biological
mother going to court to say that, you know : I still have the same
rights, my husband is gaining more, or my spouse is gaining more, but I am
still unhappy because I believe that adopted children should not have their
parents for a year with them? It doesn't make any sense.
So we understand that, theoretically,
maybe some lawyer took that and said, you know : Hypothetically, one out
of a billion chances this could happen. It's never going to happen. And the
jurisprudence in itself, we looked, and looked, and searched, and we don't see
it. We don't find it. You know, there is one case that is alluding to it, it
doesn't have anything to do with the québécois regime, so we don't understand. And, like I read earlier, there is
a study by Professor of law Carmen Lavallée, who says that actually there is
discrimination but against the adopted children, not against biological mothers.
M. Munger (Yannick) : I just want to add something also.
Mme Fletcher (Raquel) : Sure, yes.
M. Munger (Yannick) : I just want to add that during the last federal election campaign,
the Liberals and the Conservatives, both parties, Justin Trudeau and Andrew
Scheer, they made the commitment to improve by 15 weeks the adoption leave.
Mme
Hivon
: To give the same.
M. Munger (Yannick) : Exactly. To give the same privilege, benefit for adoptive family to
natural family. So we don't see why the federal now is inclined to «bonify» our
adoption leave, why Québec are
not able to do so.
Mme
Hivon
: Merci.
Mme Fletcher (Raquel) : Thank you very much.
M.
Munger (Yannick) : Merci beaucoup.
(Fin à 11 h 38)