(Dix heures cinquante-quatre minutes)
Mme Massé : Alors, bonjour,
tout le monde. La semaine dernière, le premier ministre Legault a réalisé la
première des 142 recommandations de la commission Viens. Il a reconnu les
torts de l'État québécois et il a présenté des excuses en notre nom aux peuples
autochtones. Maintenant, eh! il est temps de passer à l'action.
Aujourd'hui, je veux donner suite à la
deuxième recommandation de la commission Viens, c'est-à-dire, et je la cite, de
«procéder à l'adoption d'une motion de reconnaissance et de mise en oeuvre de
la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones au
Québec.» Alors, je vais présenter cette motion cet après-midi.
Comme l'a souligné M. Legault, dans son
discours de la semaine dernière, l'État québécois doit absolument éviter
d'imposer des solutions. Le mot-clé, c'est «respect». Alors, je suis totalement
d'accord avec lui. D'ailleurs, c'est pour cette raison-là que la mise en oeuvre
de la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est
la deuxième recommandation de la commission Viens — pas la 142e.
Alors, le respect, c'est la base du dialogue. Quand on veut dialoguer, il faut
absolument se respecter. Le dialogue, c'est la seule façon de redresser les
torts infligés à nos frères et soeurs autochtones par le passé et dans le
présent aussi.
La déclaration ne fait pas que reconnaître
les droits politiques, économiques, sociaux et culturels des Premières Nations
et Inuits du Québec. Elle nous donne un cadre de travail. Elle nous donne des
normes pour établir un espace de collaboration entre la nation québécoise et
les différentes nations autochtones. En fait, la déclaration — voyez-vous,
elle n'est pas si épeurante que ça, elle tient là-dedans — c'est
comme un coffre à outils. C'est le coffre à outils dont on a besoin pour mettre
en oeuvre le reste des recommandations du rapport de la commission Viens et, je
vous dirais du fond de mon coeur, avancer enfin sur le chemin de la
réconciliation.
Vendredi, j'ai fait parvenir une lettre à
MM. Legault, Arcand et Bérubé et je leur ai parlé aussi de vive voix concernant
ma motion. Je leur ai demandé de consentir à ma motion d'aujourd'hui dans le
même esprit que, la semaine dernière, on s'est levés pour demander des excuses
aux gens des Premières Nations et des Inuits, un esprit de consensus. Alors, il
y avait consensus aussi dans ces prises de parole là pour passer à l'action.
Alors, j'espère qu'il y aura un même consensus, lorsqu'il sera temps de mettre
à l'épreuve nos paroles, et je pense qu'aujourd'hui c'est un premier moment.
La ministre nous disait que, le 17 octobre
prochain, il y aura une première rencontre, une table de travail entre le gouvernement
et les leaders autochtones. Je suis vraiment très heureuse de voir que le gouvernement
veut bouger rapidement sur ces questions-là. Je m'attends encore à ce que
l'ordre du jour soit défini de façon... en collaboration avec les Premières
Nations, et qu'il ne soit pas encore dans notre attitude de : Nous, on va
définir les choses, puis les autochtones vont rentrer là-dedans.
Alors, il faut commencer, à mon sens, pour
arriver à cette réconciliation, à mettre la table pour un dialogue de nation à
nation, et je pense qu'aujourd'hui, avec la motion que je dépose, j'en offre
l'opportunité aux trois autres partis.
La Modératrice
:
Puisqu'un point de presse suivra je vous invite à vous en tenir à une question,
une sous-question, s'il vous plaît. Martin Croteau, LaPresse.
M. Croteau (Martin) :
Bonjour, Massé.
Mme Massé : Bonjour, M.
Croteau.
M. Croteau (Martin) : Est-ce
que des coups d'éclat comme celui de ce matin sur le pont Jacques-Cartier
servent la cause de la lutte aux changements climatiques?
Mme Massé : Bien, moi, je
pense que les gens qui s'expriment de cette façon-là, c'est parce qu'ils
commencent à en avoir plein le casque, là. Ça fait un an que ce gouvernement-là
est au pouvoir, les gouvernements précédents ont malheureusement traîné le pas,
et là l'urgence climatique met une pression énorme. Donc, il faut que les gouvernements
bougent et bougent rapidement. Je pense que c'est ça que j'entends, moi, du
message de ces jeunes-là ce matin.
M. Croteau (Martin) : Mais
est-ce que c'est de nature à susciter l'adhésion de la population? Vous avez
sans doute entendu les vox pop ce matin, à la télévision, là, les
automobilistes, ils ne sont pas très enchantés de la cause de la lutte aux changements
climatiques ce matin, là.
Mme Massé : Bien, c'est sûr
que je pense que des fois ça peut être contre-productif, ça dérange. Mais ça ne
dérange pas autant qu'une période d'inondation qui, pendant des semaines, des
mois... les gens doivent se déplacer de la maison. Ça ne dérange pas autant que
lorsque les changements climatiques, le réchauffement de la planète a des
impacts, par exemple, sur l'autoroute 132 pour se rendre en Gaspésie.
Alors, oui, ça dérange, je le comprends,
puis, si j'avais été prise là-dedans, probablement que, moi aussi, je ne serais
pas de bonne humeur. Mais il faut se rappeler ce pour quoi ils le font, et ce
pour quoi ils le font, c'est parce que nos gouvernements se traînent les pas... — les
pas! — les pieds parce qu'il y a présentement une crise climatique.
M. Croteau (Martin) : Si vous
me permettez, juste sur un autre sujet. On apprend qu'il y a beaucoup de plomb
dans certaines écoles, dans l'eau... dans les abreuvoirs de certaines écoles. À
quel point êtes-vous préoccupée par cette situation? Êtes-vous satisfaite que
le ministre Roberge ait annoncé une révision de l'état de tous les abreuvoirs
dans les écoles québécoises?
Mme Massé : Bien, c'est
fou, là. C'est fou. C'est nos enfants qui, par manque d'entretien, j'imagine,
sont soumis à un haut taux de plomb comme ça. Je trouve que ça n'a pas de bon
sens. C'est bon de faire l'état de la situation, mais j'espère qu'il va agir au
fur et à mesure et non pas attendre un rapport dans quelques mois et, éventuellement,
agir. Il faut que ça cesse, là. Si on connaît la source, on connaît la
solution.
La Modératrice
: Merci.
Alain Laforest.
M. Laforest (Alain) :
Peut-être juste une précision, là, concernant le pont. On comprend que vous ne
dénoncez pas la situation de ce qui s'est passé à Montréal ce matin.
Mme Massé : De ce qui s'est
passé où?
M. Laforest (Alain) : À Montréal,
ce matin. Vous ne dénoncez pas ça?
Mme Massé : Bien non, je
ne dénonce pas. À ma connaissance, c'est des gestes pacifiques, des gestes non
violents. Et vous le savez qu'on ne dénonce pas ces situations-là. Je réitère
que ces gens-là interpellent clairement le gouvernement d'agir rapidement.
M. Laforest (Alain) :
Concernant ce qui s'est passé au débat hier, là, sur la loi n° 21,
est-ce que vous avez l'impression qu'il y a un double discours, de la part des politiciens
fédéraux : on dit une chose au Québec, en français, on dit son contraire
en anglais?
Mme Massé : Oui. Bien, en
fait, moi, je vais le dire en français, clairement, je pense que c'est
important que tous ces gens-là se rappellent que, concernant la loi n° 21, parce que ça semble être celle-là qui l'intéresse particulièrement,
cette loi-là, c'est aux Québécois et aux Québécoises, c'est ici qu'on doit
régler cette situation-là. Et vous le savez que nous, d'une part, on ne va pas
se mêler de politique fédérale, mais, plus que ça, quand Québec solidaire
prendra le pouvoir, c'est clair qu'on ne va pas reconduire cette clause-là
de... la clause dérogatoire. On ne va pas la reconduire et on va adopter un
réel projet de loi sur la laïcité de l'État.
M. Laforest (Alain) : Il y a
une intention du gouvernement de ne plus imposer le temps supplémentaire. Vous
devez applaudir ça, cette idée-là, à Québec solidaire?
Mme Massé : Moi, je
trouve que le monde, ils sont déjà pas mal en burn-out, si vous voulez mon point
de vue. Mais, bref, je vais laisser mon collègue Alexandre Leduc, comme vous le
savez, qui est expert de cette question-là. Ça m'apparaît... Tu sais, quand je
pense aux seuils d'immigration qui ont été diminués, quand je pense au salaire
minimum, qui n'est pas encore augmenté, l'amélioration des conditions de
travail, je pense qu'il y a bien des choses qui pourraient être faites que de
mettre le monde encore en burn-out, là.
La Modératrice
:
Vincent Larin.
M. Larin (Vincent) : Sur
le rapport du SPVM, qui a été rendu public hier, à propos de la discrimination
envers les Noirs, les personnes arabes, les personnes autochtones, le chef de
police, qui dit que les policiers ne sont pas racistes, vous, Mme Massé, qu'est-ce
que vous pensez de ça?
Mme Massé : Bien, je
pense que ce que le rapport vient nous dire, et là j'insiste encore une fois,
on le voit aussi dans le rapport Viens, il y a de la discrimination systémique.
Et le SPVM, on a ce rapport-là. Moi, je pense qu'on pourrait... si on est
sérieux, la ministre pourrait tendre l'oreille un peu partout à travers les
corps policiers du Québec. Lorsqu'il y a de la discrimination de façon
systémique, je pense que ça prend des solutions importantes du système. Puis
moi, mon attente à moi, c'est que la ministre envoie un signal.
La Modératrice
:
Valérie Gamache.
Mme Gamache (Valérie) :
Concernant le «Bonjour! Hi!» , on a vu un peu un pas de danse, un pas de recul
de la part du gouvernement Legault. Qu'est-ce que vous pensez de la situation?
On disait : Bon, bien, peut-être qu'on pourrait aller jusqu'en entreprise,
en entreprise privée. Là, on dit, bon...
Mme Massé : Oui. Bien, je vous
dirais qu'il y a une chose qui est claire, moi, ce que je souhaite au Québec,
parce que je pense qu'on le reconnaît, c'est que... la langue commune, c'est le
français, alors je souhaite partout être accueillie par «bonjour». Ceci étant
dit, si M. Legault veut vraiment agir, comment se fait-il qu'il n'agit pas, par
exemple, au niveau de ses propres fonctionnaires, qui, encore aujourd'hui,
peuvent répondre en anglais au téléphone aux entreprises qui l'appellent, même
si cette entreprise-là n'en fait pas officiellement, je dirais... elle vient de
l'extérieur ou quoi que ce soit? Les entreprises au Québec, qui ont leurs sièges
au Québec, peuvent s'adresser en anglais avec les fonctionnaires du Québec. Ça,
je pense que ce serait une intervention structurante puis qui enverrait un
message clair.
Mme Gamache (Valérie) :
Concernant l'industrie des taxis, on a l'impression que, bien, les deux groupes
sont divisés. Est-ce qu'à votre avis c'est le problème actuellement, sur ce projet
de loi là, le fait que les intervenants sont divisés? Est-ce qu'ils devraient
s'entendre?
Mme Massé : Bien, écoutez,
encore là, ma collègue Ruba pourra vous en parler en long et en large, mais,
lorsqu'un gouvernement perpétue une courbette devant une multinationale en
demandant à tout le monde d'être d'accord avec lui, c'est vrai que, des fois,
ça peut créer de drôles de situations. Mais, ceci étant dit, je laisserai Ruba
vous approfondir sur cette question-là.
La Modératrice
:
Patrice Bergeron.
M. Bergeron (Patrice) :
Bonjour à vous.
Mme Massé : Bonjour à vous.
M. Bergeron (Patrice) :
J'aimerais revenir sur les autochtones. Vous savez, la semaine dernière, vous
aviez posé des questions à ce sujet, et M. Legault vous avait répondu
concernant notamment l'enjeu de l'intégrité territoriale. Selon lui, ça
soulevait des risques pour le Québec. Est-ce que vous partagez ses inquiétudes
concernant l'intégrité territoriale du Québec?
Mme Massé : Bien, justement,
dans la lettre que j'ai envoyée à mes trois collègues des autres partis, aux
trois chefs des autres partis, je leur ai expliqué — puis je vais
vous la lire, là — il y a un article, dans la déclaration, qui vient
enlever tout doute sur cette question. Permettez-moi, juste pour être...
M. Bergeron (Patrice) : ...pense
l'avoir cité, là, c'est un des articles vers la fin...
Mme Massé : 46.1.
M. Bergeron (Patrice) :
...qui dit que les États souverains sont préservés dans leur intégrité. Mais le
Québec n'étant pas souverain encore...
Mme Massé : Bien, écoutez, non.
C'est bien notre objectif. Mais, ceci étant dit, vous savez que le Canada a
appuyé la déclaration, en 2010, sous M. Harper, et ils ont même... Puisque vous
me référez à la Constitution canadienne, le Canada, qui, lui-même, a déclaré...
Et ça, c'est dans le rapport Viens, là, je ne l'invente pas, en page 235,
où on dit clairement que «le Canada "[...]peut interpréter les principes de
la Déclaration de façon conforme à sa constitution et à son cadre juridique".»
Alors, moi, je ne suis pas une constitutionnaliste, mais je vous réfère à ces
dimensions-là. C'est ce que j'ai fait aussi avec M. Legault et avec les autres
chefs de parti.
M. Bergeron (Patrice) : Et en
ce qui a trait maintenant au rapport qui est sorti sur les policiers du SPVM,
vous savez qu'il y avait eu tout un débat, il y a quelque temps de cela, déjà,
à propos d'une commission sur le racisme systémique, et vous appuyiez la mise en
place d'une commission, et le gouvernement Couillard à l'époque l'avait
refusée. Est-ce que vous revenez à la charge avec une proposition? Est-ce que
ça avalise, selon vous, cette hypothèse que cette commission-là serait utile?
Mme Massé : Écoutez, je pense
que le SPVM est conscient des enjeux qui sont les siens. Je pense que la ville
de Montréal en est aussi consciente, puisqu'un référendum, il me semble, de
mémoire, lui propose de tenir de telles consultations.
Une voix
: ...
Mme Massé : Non? Vous n'êtes
pas sûr? Peut-être que je suis en train de dire n'importe quoi. Bref, pour ce
qui est de moi, je pense qu'il y a déjà des choses qui sont en branle actuellement.
Et pour ce qui est d'une commission sur le racisme systémique, je pense que
Québec solidaire ne sera jamais contre ça. Pourquoi? Bien, parce qu'encore
aujourd'hui on le voit dans le rapport Viens, on le voit dans le rapport du
SPVM, on le voit auprès des gens qui vivent, des gens qui sont soit racisés, les
autochtones, vous les avez nommés, on voit qu'il y a encore énormément de
travail à faire. Et c'est pourquoi... et là je reviens au dossier que moi, je
porte aujourd'hui, où je demande aux trois autres partis d'appuyer la
déclaration, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples
autochtones parce que cela donnerait un cadre de discussion sur comment on
aborde ces questions-là d'égal à égal avec les gens qui vivent la situation.
M. Bergeron (Patrice) : Mini,
minicomplémentaire. Parce que M. Arcand a dit qu'il n'y avait pas de consensus
sur une commission sur le racisme systémique dans la société québécoise. Est-ce
qu'il faudrait aller de l'avant, même s'il n'y a pas de consensus, ou est-ce
que vous considérez qu'il y en a un, consensus?
Mme Massé : Je vous dirais que
ça, c'est au premier ministre de voir parce qu'il me semble qu'il y a plein de
choses sur lesquelles il n'a pas de consensus, et il avance. Ceci étant dit,
moi, je pense aux gens qui vivent le racisme systémique, aux gens qui, à chaque
fois qu'ils se cherchent un emploi, se cherchent un logement, on lui reflète
que cette personne-là n'a pas sa place ici. Moi, je pense qu'il y a quelque
chose là qui est important pour les gens qui le vivent.
La Modératrice
: Philip
Authier.
M. Authier (Philip)
:
Mais est-ce que ça prend quelque chose de plus large, sur toute la police,
suite à ce rapport? Vous avez parlé de... que le ministre envoie un signal. Mais
est-ce que ça prend une espèce d'enquête plus large sur cette question-là?
Mme Massé : Bien, je pense que
ce qui se vit au SPVM... C'est ça que vous dites, si ça prend quelque chose
plus large qu'à Montréal, mettons? Oui, c'est un peu ce que je disais d'entrée
de jeu. C'est-à-dire que, pour moi, ce qui est important, c'est... Le corps
policier est là pour la sécurité des gens. Et, si, pour x, y raisons, de
façon... Ce qu'on voit, ce qui se passe à Montréal peut se passer à
l'extérieur. Je pense que la ministre aurait avantage à rassurer tout le monde
et donc à porter son regard sur l'ensemble des corps policiers au Québec.
La Modératrice
: Merci
beaucoup.
Mme Massé : Merci beaucoup.
(Fin à 11 h 11)