(Neuf heures une minute)
M. Arseneau : Alors, bonjour, tout
le monde. Aujourd'hui, on est convoqués en commission parlementaire transports
et environnement pour parler du projet de loi n° 17, donc le projet de loi
qui va transformer de bout en bout l'industrie du taxi.
Je vous rappelle qu'au Parti québécois on
s'est prononcés contre le principe même du projet de loi pour une raison bien
simple, c'est que le gouvernement n'a pas fait la preuve qu'effectivement, à
travers ce projet de loi, on modernisait une industrie. Ce qu'on devine plutôt,
c'est que le gouvernement met à sac une industrie qui fonctionne, qui était
déjà en processus de modernisation, pour tout simplement ouvrir les portes aux
entreprises internationales et, au premier chef, Uber.
Donc, pour un gouvernement nationaliste,
qui prend une industrie québécoise, ancrée dans chacun de nos milieux, de
Montréal à Québec, en passant par les régions, ce sont les propriétaires,
chauffeurs pour la plupart, et finalement on les désapproprie de leurs permis.
On va tout simplement les exproprier pour donner la place grande ouverte à
Uber, une compagnie de San Francisco.
En fait, on se plaint beaucoup lorsqu'un
siège social va déménager du Québec, et là c'est le gouvernement qui fait la
promotion d'un siège social de l'extérieur du pays pour venir prendre le
contrôle de l'industrie du taxi au Québec. C'est évidemment le fondement qu'on
comprend. Toutes les analyses du gouvernement ont été gardées secrètes jusqu'à
présent, y compris les chiffres. On n'a pas encore les données précises sur la
valeur des permis. Le chiffre de 1,3 milliard de dollars circule, le
gouvernement ne veut pas aller jusque là pour compenser les chauffeurs dont on
va priver finalement plus de 7 000 propriétaires d'un revenu d'abord,
d'une propriété qu'ils avaient acquise et développée et évidemment d'un
gagne-pain, d'un fonds de retraite pour plusieurs d'entre eux.
Alors, aujourd'hui, évidemment, une fois
qu'on a parlé des grands enjeux et des principes, bien, on est là pour
travailler comme parlementaires pour bonifier le projet de loi. Il y a plusieurs
enjeux qui demeurent, outre la pleine compensation des permis à leur valeur
marchande, qui est un peu à l'extérieur du projet de loi en tant que tel. Ce
qu'on veut, c'est axer sur l'amélioration des articles du projet de loi qui
touchent, par exemple, à la sécurité des passagers et des chauffeurs, également
à la desserte dans différents secteurs urbains, également dans les régions du Québec.
Toute la question du transport adapté, qui
a complètement été omise, là, dans le projet de loi, on voudrait le faire par règlement
éventuellement. Nous, on demande que ce soit inscrit dans le projet de loi pour
s'assurer qu'une clientèle comme celle qui a recours à des services adaptés
soit desservie et qu'on nous rassure de ce côté-là.
Il y a également la question de la
tarification. La tarification dynamique, on la présente comme une panacée,
alors que plusieurs des représentations qui nous ont été faites sont à l'effet
qu'il faut prévoir des planchers et des plafonds, donc un minimum de règles. Il
n'est pas vrai que la main invisible du marché va régler tous les problèmes de
l'industrie du taxi. C'est ce qui sous-tend la logique du projet de loi. On
pense, au contraire, que ça peut provoquer le chaos dans le transport des
personnes rémunéré, et c'est sur ces principaux éléments là que l'on va
défendre l'industrie du taxi.
Il n'est pas vrai non plus que l'on change
les règles, qu'on fait venir un joueur majeur et qu'avec les conditions qu'on
donne à l'industrie du taxi actuelle, qu'on va pouvoir maintenir une part de
marché, là. Donc, le nombre de courses qui est évoqué par le ministre Bonnardel,
à savoir 50 millions de courses qui sont faites au Québec, 40 millions
par les chauffeurs de taxi traditionnel, et que ces parts-là vont demeurer,
alors qu'on change toutes les règles de l'industrie, je pense qu'à ce
moment-là, là, il y a des questions sérieuses qu'on doit poser, des réponses
auxquelles on est en droit de s'attendre dans le cadre du processus qu'on
commence aujourd'hui.
Voilà, c'est ce que j'avais à vous dire ce
matin. Est-ce qu'il y a des questions?
M. Dion (Mathieu) : Il y a des
manifestations présentement. Les chauffeurs de taxi, eux, ce qu'ils souhaitent,
c'est qu'on augmente à 1 milliard, dans le fond, la compensation. Vous,
peut-être que ça m'a échappé, mais qu'est-ce que vous exigez à cet égard-là?
M. Arseneau : Bien, en fait,
vous remarquerez que, dans la première étape, là, de discussion sur le projet
de loi n° 17, on n'a pas abordé, de notre côté, la
question des compensations parce qu'on voulait insister sur le fait... avec le
peu de temps qu'on a aussi en commission parlementaire, insister sur le fait
que le justificatif du gouvernement pour changer toutes les règles qui
régissent le transport rémunéré de personnes n'était pas valide ou n'était pas
avancé de façon claire et transparente.
Maintenant, aujourd'hui, on peut dire que,
puisque le principe du projet de loi a été adopté et que, de toute évidence, le
gouvernement, avec sa majorité, va vouloir aller de l'avant, bien là, on est
prêt effectivement à appuyer l'industrie du taxi dans sa demande d'une
compensation juste pour la valeur des permis de taxi. Et il faut avoir pour ça,
évidemment, une évaluation aussi sur laquelle on puisse se baser. Moi, les
chiffres qui sont les plus couramment utilisés sont de l'ordre de
1,3 milliard de dollars, qui datent d'avant l'arrivée d'Uber au Québec,
avant 2014, des chiffres qui pourraient être indexés parce qu'on est en 2019.
Et je pense qu'un gouvernement qui serait sérieux, qui voudrait véritablement
compenser ceux à qui on va retirer leur gagne-pain et leur patrimoine dans lequel
ils ont investi, devrait faire cette étude-là, démontrer les chiffres, chiffres
à l'appui que l'offre est juste et raisonnable, et c'est ce qui se passe dans
l'ensemble de l'industrie où, dans tous les domaines, on exproprie des gens.
Et même dans des cas où on a des permis...
Je connais très bien le domaine des pêches, et, lorsque le gouvernement veut
racheter des permis de pêche, ce sont des permis qui sont distribués par le
gouvernement, ils prennent de la valeur parce que les gens de l'industrie lui
ont donné une valeur. Et ensuite le gouvernement, s'il veut retirer des permis
et les donner à quelqu'un d'autre, dans ce cas-là Uber, bien, qu'il compense,
mais il peut compenser non seulement avec des fonds publics, mais il doit aller
chercher l'argent là où il est et chez ceux qui feront du profit sur la base du
changement législatif, c'est-à-dire les grandes compagnies.
M. Dion (Mathieu) : Doit-on comprendre
qu'au Parti québécois on serait prêt à octroyer une compensation supérieure à
1 milliard de dollars?
M. Arseneau : Tout à fait. On
est prêt à accorder la compensation aux chauffeurs de taxi, mais on n'est pas
obligé d'aller la piger dans les poches des contribuables. Au contraire, il
faut aller chercher les argents nécessaires pour compenser les détenteurs
actuels de permis à ceux qui vont faire de l'argent dans l'avenir... dans
l'industrie, c'est-à-dire, ceux qui vont s'accaparer le marché, et évidemment
on parle ici d'Uber, Lyft et compagnie.
Si on a actuellement une industrie qui a
investi dans son secteur et qui a donné de la valeur à un certain nombre de
permis puis qu'on dit : Bien, on vous retire cette capacité-là, là, à
faire évoluer votre domaine et à faire évoluer la valeur des permis pour les
ouvrir ou pour les offrir à quelqu'un d'autre, mais ce quelqu'un d'autre là,
qu'on a tous identifié, doit payer. C'est d'ailleurs ce qui a été fait, par
exemple, au Maroc. Lorsqu'Uber a voulu s'accaparer le marché, on lui a dit :
Bien, si tu veux tasser l'industrie actuelle du taxi, mais il va falloir payer,
et Uber l'a fait. Pourquoi, au Québec, on donne l'impression que le marché est
disponible gratuitement à ceux qui veulent s'y aventurer, alors qu'on a déjà
des gens qui sont détenteurs de permis, qui font généralement du bon travail?
Alors, il y a quelque chose là qui doit
être plus nuancé que le fait de donner de l'argent à des chauffeurs de taxi à
même les fonds publics. Elle n'est pas là, l'équation.
M. Bergeron (Patrice) : On
comprend que vous allez déposer des amendements. Vous avez parlé de la tarification
dynamique, qui représente un problème. Est-ce qu'il pourrait y avoir... Vous
imposeriez un genre de mécanisme de plafonnement dans la tarification
dynamique, quoi, pour empêcher que ce soit des sommes faramineuses? Est-ce
que...
M. Arseneau : Bien, on a déjà
des exemples où Uber, encore une fois, s'il doit sortir dans des conditions où
l'offre de véhicules est moindre, par exemple, dans une tempête, on peut avoir
des tarifs astronomiques pour aller de la colline Parlementaire à l'aéroport,
qui vont dépasser les 100 $. Est-ce que c'est le juste prix? En fait, ce
n'est surtout pas le prix qu'on paie actuellement, qui est de l'ordre de
35,10 $.
Plusieurs gens sont d'avis qu'il faut
plafonner, donc, les tarifs que pourrait charger une entreprise comme celle-là.
Et, de la même façon, couper les prix pour éliminer certains joueurs du marché,
c'est aussi... Bien, actuellement, c'est un peu ce qu'Uber fait déjà. Jusqu'où
est-ce qu'on peut continuer de faire ça pour éliminer la concurrence entre les entreprises
de taxis, pour éliminer complètement les gens du taxi... qui oeuvrent dans l'industrie
du taxi traditionnelle? Je pense qu'il y a un mécanisme là effectivement qui
doit...
M. Bergeron (Patrice) : Donc,
vous pourriez déposer un amendement dans ce sens-là.
M. Arseneau : Oui, oui, on va
le faire, sans aucun doute. Il faut trouver la façon de protéger les gens du
taxi qui oeuvrent aujourd'hui, en empêchant, finalement, que les plus gros
joueurs arrivent et puissent évacuer tous les plus petits.
M. Bergeron (Patrice) : On
sait que c'est un gros projet de loi, qui comprend, je crois, au-dessus de...
quasiment 300 articles, et vous voulez aussi, par exemple, ajouter, donc, des
modalités sur le transport adapté, qui est une question qui a été soulevée en commission
parlementaire.
Est-ce que vous seriez prêt, dans la
logique actuelle, donc, à vous assurer de tout faire pour que vos amendements
puissent... puisque vous n'avez pas eu le choix d'accepter le principe, de tout
faire pour que ce projet de loi là puisse ressembler le plus possible à ce que
vous souhaitez puis quitte à étirer le processus?
M. Arseneau : Ah! bien, je
pense qu'on a tout notre temps. Il ne faut surtout pas arriver ici, là, vers la
fin août, là, puis, en douce, adopter rapidement, à toute vapeur, un projet qui
va transformer fondamentalement l'industrie du taxi et la vie des gens qui en
vivent. Alors, le temps, c'est la denrée la plus précieuse qu'on a actuellement
pour s'assurer que le travail, même si le principe est vicié, que le travail à
l'intérieur du projet de loi soit fait consciencieusement, dans la protection
des gens, des travailleurs, des propriétaires de permis et aussi de la
clientèle, parce que ça, on l'oublie souvent. On donne l'impression qu'en
modernisant, ce qui est un terme, comme je l'ai dit, là, qui est un petit peu
de la fausse représentation, mais, en voulant amener une nouvelle loi, on
semble penser que la clientèle, les consommateurs vont y gagner beaucoup. Et
avec la tarification dynamique, il y a plein d'exemples qui nous prouvent que
ça peut être tout à fait le contraire également. Et avec la clientèle que vous
évoquez, du transport adapté, on a des sérieuses inquiétudes, et les organismes
qui représentent ces gens-là sont très, très inquiets aussi et particulièrement
pour ce qui est du transport en région.
M. Bergeron (Patrick) : Mais
vous comprenez que ce gouvernement-là a des précédents en matière d'adoption de
projets de loi, même pour des projets de loi assez importants. Est-ce que vous
ne redoutez pas que le gouvernement veuille presser le pas?
M. Arseneau : Bien, en
fait, nous, on pense que le gouvernement avait une échéance, qui était la fin
des travaux parlementaires de l'été, dans les dossiers auxquels vous faites
référence : l'immigration, question de la laïcité.
Pour ce qui est du transport, il y a
effectivement une échéance qui est celle du 14 octobre. C'est la fin des
projets pilotes. Ça nous donne quand même passablement de temps pour faire
l'étude du projet de loi. Mais on ne sacrifiera pas, disons, la qualité d'un
projet de loi sur une base temporelle, sur une base de quelques jours, quelques
semaines. Il y a des moyens d'arriver à un projet de loi qui soit sensiblement
amélioré dans le temps qui nous est imparti, jusqu'au 14 octobre. C'est
une question de calendrier puis de volonté gouvernementale.
M. Dion (Mathieu) : Pour
revenir aux questions de Patrice parce que... plus directement, là, pour
l'industrie du taxi, allez-vous être prêts en quelque sorte à filibuster? C'est
un peu ça, là... Allez-vous être prêts à dire : S'il faut le faire pour
défendre l'industrie du taxi, on va le faire?
M. Arseneau : Bien, oui,
on va certainement déployer tous les efforts pour défendre l'industrie du taxi.
Est-ce qu'on va faire de l'obstruction? Non. On le fait de bonne foi et on
souhaite que le gouvernement le fasse de la même façon, mais on va prendre le
temps que ça prend pour aller jusqu'au bout des modifications et des
amendements au projet de loi pour le bonifier. Mais, à l'heure actuelle, notre
approche n'est pas de faire du blocage, n'est pas de faire du filibust ou
encore de l'obstruction.
L'objectif, c'est de forcer le
gouvernement enfin à aller plus loin dans son argumentaire que de dire que ce
projet de loi est nécessaire après 40 ans, puis qu'on va tout changer les
principes qui dictent la façon de fonctionner du transport rémunéré des
personnes, et que ça ne changera rien en bout de ligne pour personne, sauf pour
les consommateurs qui vont y gagner. Tout ça, là, c'est un peu, là, une vue de
l'esprit. C'est de la pensée magique. Et moi, j'ose espérer que le gouvernement
va se mettre à table, que le ministre va arriver avec des faits, avec des
études, avec des analyses s'il veut démontrer que son projet de loi, il est
valide. Puis on va certainement lui faire toutes les suggestions pour qu'il
devienne un peu plus acceptable pour les Québécois.
Mme Senay (Cathy) : Can I ask a couple of questions in English?
M. Arseneau : Yes.
Mme Senay (Cathy) : I'm just wondering... You said that you're ready to raise the
compensations, the amount, but many Quebeckers are against compensations given to taxi drivers. They say :
Well, it's a competitive market, and, you know, we are hoping for a better service. So why are you asking today?
How are you going to start this detailed examination of Bill 17?
M. Arseneau : Yes, I think there's a misunderstanding. People feel like, you know, the Government gave some privilege to the taxi industry or as they... All of the
people involved in the industry invested time and money into an industry, to
give it more value, and that's what we do in all sorts of fields, and when we
abide by the rules, we expect the Government to do so as well.
Now, today, the Government is changing the rules and saying :
Well, the licence that you used to have is worth nothing, and we'll compensate
you maybe 50% or 60% of what it's really worth. We're
pushing you towards bankruptcy and, you know, please accept that because, you
know, that will be better for you, and for Québec, and for consumers.
The main question is :
Who is going to pay? If the Government changes the rules in order to favor
foreign companies, well, who should pay for that? I think foreign companies
should chip in and I think they should be the ones paying because they're the
one benefitting from the changes, the new law.
Mme Senay (Cathy) : So, basically, you're saying... Well, what's the amount the PQ is
ready to put on the table for taxi drivers?
M. Arseneau :
Well, we are willing to compensate the taxi industry for what they're worth,
and I think this is mathematics. I think we can, you know, have analysis of
what the industry used to be worth back in 2014. The number that we hear more
often is $1.3 billion and if it's what it's worth, and the Government really
wants to go ahead and change the rules completely, well, he's got to find the
money where the benefits will be. And where will they be is for the newcomers
in the industry, and we knew who they are : Uber and other companies,
foreign companies.
Must I say, for a
nationalist government, there's something very peculiar that you want to change
the rules in order to favor foreign companies when you have local investors,
and drivers, and families that are living, you know, and abiding by the rules
for decades. This is something that, you know, we have to put forward, and I
don't think any Quebecker would accept, no matter what industry they're
involved in, that the Government will, you know, basically change all of the rules and say :
Well, now you can compete with whoever is not competent in your field.
Let's say you're a
dentist and say : Well, anyone can be a dentist now. You know, it's
just... you know, you can offer the price you want, you know. Of course, there
is a caricature here, but when you say that, to be a taxi driver, you just need
to own a driver's licence and own a car, I mean... taxi drivers now are
professionals. And I think the Government, if they want to say that just anyone can improvise themselves as,
you know, taxi drivers, could... they should be compensated. And, as I said,
take the money where it is or where it will be. And there is an example, I
should repeat this in English, in other countries, namely Morocco. That's what
Uber wanted, take the market. Well, they had to buy it, more than a billion
dollars. Do it here, and it's done.
Mme Senay (Cathy) : Great. Merci. Thank you.
Des voix
: Merci.
(Fin à 9 h 19)