(Huit heures quarante-six minutes)
La Modératrice
:
Bonjour. Bienvenue à ce point de presse de Québec solidaire et du Parti
québécois sur le lock-out de l'ABI. Prendront la parole le député d'Hochelaga-Maisonneuve
et responsable pour Québec solidaire en matière de travail, Alexandre Leduc, le
député de Rimouski et porte-parole du Parti québécois en matière d'emploi, Harold
LeBel, M. Daniel Boyer, président de la FTQ, M. Clément Masse, président
de la section locale 9700 des métallos, et M. Alain Croteau, directeur des
métallos. Ensuite, on va y aller pour la période de questions sur le sujet. Si
vous avez des questions sur l'actualité, merci de vous référer aux attachés
respectifs.
M. Leduc?
M. Leduc : Merci beaucoup. Ça
fait extrêmement plaisir de recevoir aujourd'hui une délégation des
travailleurs, travailleuses des métallos et leurs représentants syndicaux. Vous
savez, dès mon élection le 1er octobre dernier, une des premières choses que
j'ai voulu faire, c'est aller rencontrer les lockoutés sur la ligne de
piquetage. Et, dès le mois de novembre, ça a été fait, je suis allé faire un
tour. Je suis allé les saluer, les encourager dans leur combat qui est un
combat qui perdure depuis très longtemps, depuis trop longtemps, j'oserais
dire. Et, tout de suite, on a dévisé d'un plan d'action.
J'ai également continué, donc, à faire de
la pression envers le ministre. Dans une rencontre privée que j'ai eue avec le ministre
Jean Boulet, je lui ai mis de la pression par rapport à ce conflit-là, qu'il
fallait que le gouvernement se mouille. Et, dès lors, on était au courant d'un
des principaux problèmes de ce conflit-là, c'est-à-dire les tarifs
d'électricité. La clause de force majeure qui est dans le contrat entre Hydro-Québec
et ABI, ça cause problème parce que le rapport de force est débalancé dans ce
conflit-là.
Et, dès qu'on a su le chiffre... On avait
des doutes, hein, du montant qui était impliqué dans ce débalancement-là par
rapport à Hydro-Québec. Mais, dès que le rapport est rendu public, le
lendemain, on a posé une question en Chambre ici, à l'Assemblée nationale. On a
demandé pourquoi le gouvernement acceptait que 165 millions soient
investis, en fait, collectivement dans ce lock-out-là et pourquoi on nous
rendait complices, nous, l'ensemble des payeurs de taxes, l'ensemble des
contributeurs à Hydro-Québec. On n'a pas vraiment eu de réponse malheureusement
à ce moment-là. On a questionné cette fausse neutralité dans laquelle se
drapent le ministre Jean Boulet et l'ensemble de son gouvernement. Et il va
falloir absolument qu'ils entendent raison parce que, c'est ce qu'on va voir
aujourd'hui, il y a la marche de l'énergie qui va se terminer en face, ici, à l'Assemblée
nationale.
On aura l'occasion de poser davantage de
questions au gouvernement sur leur position par rapport à ça. Mais il y a deux
choses qui sont claires. La première, c'est qu'il va falloir que le gouvernement,
réellement, sorte de sa fausse neutralité et renégocie ces clauses-là dans le
contrat d'énergie avec ABI. Et, deuxièmement, il faut absolument que le premier
ministre, M. Legault, se mouille personnellement dans le dossier pour le
faire débloquer au plus haut niveau possible. Et vous pouvez être assurés d'une
chose, Québec solidaire est en soutien avec les lockoutés depuis le début du
conflit et va continuer à l'être tant que ça ne sera pas réglé. Merci.
M. LeBel : Bonjour, tout le
monde. Au nom du Parti québécois, je suis… Je dirais, c'est difficile de dire
je suis heureux d'être ici parce que j'aimerais autant que cette situation
n'existe pas, mais je veux démontrer ma solidarité envers les travailleurs. La
marche, c'est un geste fort. Il y en a souvent, des marches ici. Mais je
voudrais qu'on comprenne qu'est-ce qu'il y a derrière cette marche-là : il
y a du monde, il y a des hommes, il y a des femmes, il y a des familles, il y a
des couples. Tu sais, c'est 14 mois, là, c'est 14 mois intenses de
vivre ça, de vivre ce lock-out-là, de ne pas savoir où tu t'en vas puis de
sentir cette injustice sur tes épaules. J'aimerais ça qu'on pense à ces
gens-là, à ces familles-là qui sont touchées par ce qui arrive. C'est une
situation qui est difficile pour eux autres, difficile aussi pour l'économie du
Centre-du-Québec, qui est affectée.
Ce qu'on veut, c'est la reprise des activités
de l'aluminerie. On pense… En tout cas, on est d'accord, là, vous avez… Le
premier ministre Legault est prêt à vous rencontrer, je pense, c'est lundi. C'est
un bout de fait. Il l'avait promis en campagne électorale. Il avait dit qu'il
allait faire ça rapidement. Bon, mieux vaut tard que jamais. Maintenant, en
plus de rencontrer les travailleurs, il faut que François Legault rencontre la
haute direction de la compagnie pour que les décisions se prennent, puis qu'on
arrête, puis qu'on arrive à une conclusion à ce lock-out. Et, comme Alexandre
le disait par rapport au contrat avec Hydro-Québec, là, là, tu sais, on dit que
c'est un «Act of God», mais c'est une décision de la compagnie. Et les
Québécois, on est rendus qu'on paie ce conflit-là puis qu'on débalance effectivement
le rapport de force... payé par les Québécois, il y a quelque chose là qui est
complètement fou raide, et ça, il faut que ça change aussi.
Bref, on parle de plus de
1 000 travailleurs. On parle de familles, on parle d'enfants. On
parle de travailleurs d'une région au complet. Il faut être avec vous autres,
puis on sera là tantôt, devant le parlement, avec vous autres. Merci.
M. Boyer (Daniel) :
Merci. Bien, écoutez, je tiens à souligner l'appui de Québec solidaire et du
Parti québécois. Merci. Je résumerais ça en deux mots : Plus jamais. Plus
jamais le gouvernement actuel et les gouvernements qui vont lui succéder ne
devraient convenir de clauses semblables, devraient permettre des clauses
semblables entre Hydro-Québec et des compagnies privées, pour la bonne et
simple raison qu'on vient défaire les règles qu'on s'est données en vertu du
Code du travail, c'est-à-dire négocier le plus possible d'égal à égal. Là, on
vient, de façon indirecte, tripoter notre Code du travail par des clauses entre
une société publique, qui est Hydro-Québec, et une société privée, qui est
Alcoa, qui est ABI dans le contexte actuel.
165 millions de manque à gagner pour Hydro-Québec
en 2018, qu'est-ce que ça veut dire? Bien, ça veut dire qu'on vient piger dans
nos poches à nous tous, consommateurs d'électricité au Québec, ce montant-là.
C'est donc un montant supplémentaire qu'on devra payer sur nos factures d'électricité
pour payer ce conflit-là, pour payer la décision que l'employeur a prise de
mettre des travailleurs et des travailleuses à la rue. Et ça, je vous avoue que
ça nous fait suer, à la FTQ, ça nous fait beaucoup suer. Qu'on cautionne, qu'on
paie un lock-out, ça nous fait beaucoup suer. Et, je l'ai dit, ce n'est pas
entre deux compagnies privées, ce contrat-là, c'est entre une compagnie
publique qui nous appartient, Hydro-Québec... et ça ne doit plus se produire.
M. Legault, on salue sa disponibilité. On
va le rencontrer, bien sûr, lundi prochain. Ça ne doit pas être qu'une seule
rencontre comme ça, là. M. Legault doit poursuivre son périple et aller
rencontrer les dirigeants d'Alcoa à Pittsburgh, aux États-Unis, parce que c'est
une multinationale américaine qui nous rentre dedans. Il faut que M. Legault
convainque ces dirigeants-là de négocier de bonne foi pour qu'enfin ce
conflit-là se règle, qu'on trouve une solution acceptable, qu'on trouve des
conditions de travail acceptables pour les travailleurs puis les travailleuses
de la région. Et, en même temps, bien, c'est l'économie de la région à laquelle
on va redonner un souffle si on convient d'une convention collective. Bien sûr
que la FTQ est solidaire avec le Syndicat des métallos, avec la section locale
d'ABI, bien sûr, puis on va continuer à l'être. On va continuer à l'être tout
au long de ce conflit-là. Mais, avant tout, ce qu'on souhaite, c'est un règlement
de bonne foi de ce conflit.
M. Masse (Clément) : Donc, merci
beaucoup à tous ceux qui nous appuient. On est dans un lock-out depuis bientôt
15 mois, puis ce n'est pas normal. Ce n'est pas normal qu'on soit obligés,
comme travailleurs, de faire des compromis pour essayer de régler ce
conflit-là. Puis, dans les compromis qu'on doit faire, on va même diminuer le
nombre d'emplois de qualité qu'il y a au Québec, qu'il y a dans notre région,
en raison du conflit puis en raison de la clause qu'Hydro-Québec a négociée
avec notre employeur, Alcoa. Ce n'est pas normal qu'on doit faire des
concessions. Ce n'est pas normal que le premier ministre, qui nous dit qu'il
veut créer des emplois de qualité... qu'on soit obligés de faire des
concessions au niveau de l'emploi dans notre région en raison d'une clause que
le gouvernement a négocié. Quel était le but du gouvernement quand il a négocié
cette clause-là? Ça n'apporte aucune valeur économique au contrat. Ce n'est
rien, à part que de mettre un déséquilibre du rapport des forces puis de donner
un avantage à notre employeur. Puis, on le voit, c'est cet avantage-là qui fait
que, 15 mois après le début du conflit, on est encore à discuter puis
qu'il n'y a pas de règlement.
Ça fait que je demande à M. Legault... Il
m'a parlé personnellement, M. Legault, dans son autobus de campagne. Il a dit
qu'il agirait. Bien, aujourd'hui, M. Legault, agissez.
M. Croteau (Alain) : Bonjour,
tout le monde. Vous savez, Alcoa, ils ont 12 alumineries dans le monde, dont
trois sont au Québec. Donc, trois alumineries au Québec, ça, ça veut dire que
c'est des contrats d'énergie pour ces trois alumineries-là, c'est des montants
d'argent très importants que les Québécois puis les Québécoises accordent à une
multinationale américaine pour qu'eux autres, en contrepartie, donnent des bons
emplois au Québec. Donc, c'est des milliers d'emplois au Québec qui sont, en
contrepartie, liés à ces contrats d'énergie là. Donc là, moi, je pense qu'étant
donné qu'on a trois alumineries au Québec, des gros contrats d'énergie, lorsque
le premier ministre va aller à Pittsburgh rencontrer M. Harvey, lorsque le
premier ministre va leur parler, à M. Harvey puis à ces gens-là d'Alcoa, ils
vont avoir une bonne oreille parce que c'est avec lui qu'il va falloir qu'ils
négocient dans le futur pour ces contrats d'énergie. Puis moi, je demande à M.
Legault de mettre son pied à terre dans ce dossier-là. Il faut que ça cesse
immédiatement que les citoyennes puis les citoyens du Québec paient pour ce
conflit-là. Il faut casser ce contrat-là puis enlever la clause d'«Act of God»
concernant le lock-out. Il faut que ça cesse. Merci.
La Modératrice
: Est-ce
qu'il y a des questions sur le sujet en français? Non? Oui?
M. Lecavalier (Charles) :
Bonjour. Charles Lecavalier du Journal de Québec.
Qu'est-ce que vous demandez exactement à
M. Legault, d'être un... Bon, il s'est déjà dit qu'il était un «dealmaker».
Est-ce qu'il faudrait qu'il fasse un deal pour enlever ça du contrat parce que
c'est signé, c'est difficile de l'enlever du contrat qui est en cours?
Qu'est-ce que vous demandez exactement?
M. Leduc : Bien, M. Legault
l'a dit lui-même pendant la campagne électorale lorsqu'il recevait des
lockoutés dans son autobus. Il a dit : Des contrats, ça se brise, des
contrats, ça se renégocie. Donc, dans sa propre lecture de la situation, il est
possible selon lui de rouvrir ce contrat-là. Et d'ailleurs ça s'est vu dans un
autre conflit il n'y a pas si longtemps, à Alma, où il y avait une clause
similaire qui a fait en sorte que le conflit s'est prolongé de manière
similaire également. Donc, pour éviter que ce conflit-là perdure, pour
commencer à essayer de brasser les affaires, parce que, visiblement, le rapport
de force est du côté de l'employeur, hein, il peut essayer d'imposer ce qu'il
veut, bien, il faut qu'il rétablisse ça. Et, s'il ne le fait pas, il se place
lui-même et son gouvernement du côté de l'employeur, il prend parti. Ne rien
faire en ce moment, c'est prendre parti du côté de l'employeur. Alors, nous,
c'est ce qu'on dénonce.
M. LeBel : Ce que je comprends
aussi, ce que vous venez de nous dire, c'est que M. Legault mette dans la
balance l'ensemble de l'industrie du Québec, mette dans la balance tout ça.
C'est lui qui va aller négocier à Pittsburgh. Il va dire : Regarde, au
Québec, on vous aide, les compagnies. Bien là, c'est tout ça qui sera dans la
balance, c'est notre pouvoir de force pour régler à ABI Bécancour. C'est ça
qu'on demande, prendre un leadership de premier ministre du Québec.
La Modératrice
: Est-ce
qu'il y a d'autres questions en français?
M. Bélair-Cirino (Marco) : Oui.
J'aimerais que vous m'expliquiez un peu les conditions de vie des travailleurs
en lock-out présentement. Est-ce qu'ils touchent une certaine allocation de
grève ou de lock-out encore aujourd'hui?
M. Masse (Clément) : Oui. Là,
nous, les gens ont une allocation de grève. Naturellement, c'est moins que la
moitié du salaire qu'ils gagnaient pendant qu'on travaillait. Ça permet aux
travailleurs, là, de rencontrer leurs obligations financières.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Ça
peut durer encore combien de temps comme ça?
M. Masse (Clément) : Bien,
nous, on a un appui de tous les syndicats. On a au-dessus de 400 sections
locales au Québec qui appuient notre syndicat moralement, mais financièrement
aussi. Donc, le but, de toute façon, c'est de régler le plus rapidement
possible, là.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Donc,
la région a voté pour la Coalition avenir Québec, là. Bon, pas à Jonquière,
mais est-ce que vous sentez qu'il y a quand même une attention particulière,
pas nécessairement du bureau du premier ministre, mais des députés?
M. Masse (Clément) : Dans la
région, nous, c'est Donald Martel qui est député, qui a été élu, là, dans la région
Bécancour-Nicolet. M. Martel, au moment où il était dans l'opposition, là,
parlait beaucoup de notre conflit. Maintenant, ils sont au pouvoir. Nous, ce
qu'on s'attend, c'est que maintenant qu'ils sont au pouvoir, qu'ils agissent.
Bon, ils ont parlé beaucoup, pendant qu'ils étaient dans l'opposition, que
c'était un conflit important puis que c'était dommageable pour toute la région.
Aujourd'hui, ils sont au pouvoir. Là, on a fait huit mois, pendant notre lock-out,
sous le règne des libéraux, où il ne s'est pas passé grand-chose. Là, ça fait
six mois maintenant qu'on est sous le règne de la CAQ. Ça fait que je pense
qu'il leur reste... Je vous dirais qu'il leur reste deux mois pour démontrer
qu'ils vont agir plus que les libéraux.
La Modératrice
: Est-ce
qu'il y a d'autres questions en français? On va passer en anglais.
Mme Senay (Cathy) : Hi. Good
morning. I would like to know the statement you want to make with
this walk from… yesterday to the National Assembly. What do you want the
population to hear today?
M. Croteau (Alain) : I will try to do my best with my English. So, we want to explain to
the population that the contract, the energy contract that we have with Hydro-Québec and Alcoa, a multinational company,
it's not fair for the citizens in Québec because they have clauses of Act of God in the contract, and the Act
of God, it includes the lockout decreed by the employer. It's the decision of
the employer to decree the lockout, and all the citizens pay for that in Québec. And Hydro-Québec told us, told the
population, in the last financial report, that they lost, last year,
$165 million. So, this loss of the money for Hydro-Québec is that it's… All the citizens all
around Québec pay for that. So,
we need to stop that and cancel these clauses in the
contract.
Mme Senay (Cathy) : There is a lot of despair among the workers. I mean, 14 months of a
lockout, it's very long. You have families. You have probably cases of
depression. So, what do you say to Mr. Legault because you're going to meet
Premier Legault next week? What are your hopes?
M. Croteau (Alain) : Our hope is that Mr. Legault has to call Alcoa at Pittsburgh and
ask them to going back to the bargaining table. And, if they don't want, they
have to break the contract and say the lockout in the Act of God clauses is
finished for them like they did… The last government,
they did that with Rio Tinto, Alma. They had the same clauses because they had
to buy the energy that the dam produced while they were in lockout. So, they
broke this contract. We ask him to break it too, this contract.
Mme Senay (Cathy) : At the same time, you rejected an offer a few days ago.
M. Croteau (Alain) :
The offer that we rejected a few days ago, it was the first offer from the
employer since the last 14 months. We had an offer in December 2017 and we had
an offer this year, in March 2019. And it was not us in request at the
bargaining table, it's the employer's request. They asked to change our pension
plan. We accepted to change our pension plan. We made it in our counterproposal
last week. And they want to talk about moving workers inside the mills, and we
accept to cut 100 workers inside the mills in our counterproposal… counteroffer.
Sorry. And I think this is an honest counteroffer that we made to the employer
last week.
Mme Senay (Cathy) : The fact that you'll be in front of the National
Assembly… It's been more than a year that you go
through a lockout. What is the mood right now?
M. Croteau (Alain) : What is the mood right now? We want to ask the employer to go back
to the bargaining table. We gave it to him last week, the counteroffer, and we
wait for his answer. So, it's radio silence now. We don't have any news from
him.
Mme Senay (Cathy) : And the workers, how far are they ready to go?
M. Croteau (Alain) : How far? You know, last week… two weeks ago, sorry, we had the
general meeting… reject for 82% the last proposal of the employer. So, the
message is very clear.
La Modératrice
: Merci
beaucoup.
M. Croteau (Alain) : My
English is enough?
La Modératrice
: Bonne
journée.
(Fin à 9 h 3)