(Onze heures trente et une minutes)
M. Gaudreault : Oui, alors
merci beaucoup. Ça me fait extrêmement plaisir d'être ici, puis c'est avec
beaucoup de fierté, au nom du Parti québécois, mais surtout au nom de la
nécessaire lutte contre la crise climatique, que j'ai déposé le projet de loi
n° 194, Loi visant à assurer le respect des obligations du Québec
relatives aux changements climatiques.
Peut-être juste une petite remise en
contexte. J'ai eu l'occasion, lors de la Conférence des parties sur les
changements climatiques de l'ONU, à Marrakech, en 2016, de proposer pour une
première fois au gouvernement libéral, à l'époque, l'adoption d'une telle loi
sur le respect des obligations climatiques. Le gouvernement libéral avait refusé
à ce moment-là. Je l'ai répétée en 2017, lors de la COP23 à Bonn, et je l'ai
répétée de nouveau... bien, on l'a dit, durant la campagne électorale en 2018.
On l'a redit également... on est arrivés avec cette proposition-là lors de la
grande marche sur le climat, à Montréal, au mois de novembre. J'ai répété
encore cette proposition lors de la COP24 en Pologne, juste avant la période
des fêtes. Et vous savez également que le groupe Le Pacte pour la transition a
proposé une idée qui va exactement dans le même sens que celle que j'ai déposée
aujourd'hui.
Donc, c'est avec beaucoup de fierté, mais
aussi de sens des responsabilités qu'on arrive avec ce projet de loi, qui vise
au fond à ce qu'en matière climatique le Québec... que les babines du Québec
suivent les bottines, ou les bottines suivent les babines en matière
climatique.
Donc, six objectifs, essentiellement, dans
le projet de loi.
D'abord, d'inscrire dans une loi
fondamentale le respect des cibles de réduction de gaz à effet de serre, notamment
en inscrivant les cibles pour lesquelles le Québec a signé des ententes
internationales, donc 20 % de réduction de gaz à effet de serre pour 2020,
37,5 % pour 2030 et 80 % pour 2050. C'est la première fois que dans
une loi on vient inscrire ces cibles comme telles.
Deuxième élément, c'est de s'assurer que
toutes les mesures, tous les projets, tous les règlements, les projets
d'orientation, les politiques, les plans d'action qui émanent du gouvernement
soient compatibles — c'est un mot-clé important — avec la
réduction des gaz à effet de serre et qu'il présente en quoi elles sont... ces
mesures ou ces programmes, ils sont compatibles avec la réduction des gaz à
effet de serre.
Troisième élément, et c'est une
donnée très importante, on introduit l'idée d'un budget carbone. On a à
chaque année le budget annuel du Québec qui est déposé, qui est un moment clé
de la vie parlementaire. Alors, on arriverait avec la notion de budget carbone,
tel que ça existe déjà au Royaume-Uni depuis 2008.
Également, on vient augmenter les pouvoirs
du Commissaire au développement durable, qui existe déjà, qui est une direction
du Vérificateur général, pour lui accorder le mandat de lutte contre les
changements climatiques. Et à chaque année, avec le budget carbone, il viendrait
faire un rapport, des recommandations, des constats, des observations sur
l'atteinte des cibles et il pourrait ainsi faire des recommandations puis dire
au gouvernement du Québec : Vous allez dans la bonne direction, ou taper
sur les doigts, sur les mains du gouvernement du Québec pour qu'il se corrige
et qu'il aille dans la bonne trajectoire.
Ensuite, cinquième élément, toutes les
autorisations environnementales devraient tenir compte de l'atteinte de la
réduction des cibles de gaz à effet de serre et également les mesures
d'adaptation pour y arriver.
Et, sixième principe, c'est que le premier
ministre lui-même serait responsable de ce projet de loi... de cette loi, en
fait. Donc, c'est pour montrer qu'au plus haut niveau de l'État, le premier
ministre doit rendre des comptes sur l'atteinte des objectifs de lutte contre
les changements climatiques.
Alors, merci.
Le Modérateur
: Merci.
On va passer aux questions. M. Dugas Bourdon, oui.
M. Dugas Bourdon (Pascal) :
Bonjour. Qu'est-ce que ça veut dire exactement, compatible avec les cibles?
M. Gaudreault : Bien,
compatible avec les cibles, c'est que tous les projets, les politiques, les plans
d'action doivent tenir compte de l'atteinte des cibles de gaz à effet de serre
que nous nous sommes données. Il pourrait arriver, à ce moment-là, qu'un projet
économique ou un projet de développement, un projet d'exploitation des ressources
naturelles puisse faire la preuve, doive faire la preuve que ces mesures...
que, par exemple, sa bouilloire, si c'est une usine, soit à la biomasse ou que
sa bouilloire soit transférée du mazout à une ressource d'énergie renouvelable.
Donc, c'est de faire cet effort de compatibilité avec la réduction des GES,
pour lesquels nous avons pris des engagements à l'échelle internationale.
M. Dugas Bourdon (Pascal) : O.K.
Donc, ça voudrait dire qu'un projet qui génère des GES, automatiquement, ne
pourrait pas exister. Ça n'a comme pas de sens, ça.
M. Gaudreault : Non, mais il
faut que ça s'inscrive dans la vision du budget carbone. Donc, le budget
carbone, qui sera déposé à chaque année par le ministre de l'Environnement,
ferait un état de l'atteinte de nos cibles de réduction de gaz à effet de serre
en termes de millions de tonnes carbone. Il faut qu'à chaque année on descende,
il faut qu'on s'en aille vers une atteinte de nos cibles.
Donc, ça amène une vision globale, et il
faut que, si on a un projet, bien, qu'à quelque part d'autre on soit capable de
réduire nos gaz à effet de serre ou qu'un projet, par exemple, qui soit
présenté, soit capable de faire la démonstration qu'il va avoir une empreinte
carbone minimale, voire nulle.
M. Dugas Bourdon (Pascal) :
Ça peut paraître un peu flou, une empreinte carbone minimale. Est-ce qu'on ne
devrait pas mettre des chiffres, justement, dans le projet de loi pour que ce
soit plus concret?
M. Gaudreault : On peut
compenser, on peut... regardez, par exemple, et sans aller sur le fond de
l'ensemble du projet, l'usine de liquéfaction de gaz naturel à Saguenay a dit
que, pour le volet de l'usine de liquéfaction, ils ont confié un mandat à la Chaire
en éco-conseil de l'UQAC pour que ce soit carboneutre. Donc, ils vont faire
l'effort de démontrer qu'ils sont carboneutres.
Donc, ça veut dire qu'il faut que les
entreprises, les projets aillent dans une direction pour montrer qu'il va y avoir
une réduction de leur empreinte carbone. Puis ça n'empêche pas non plus aussi,
au contraire, le fonctionnement du marché de carbone. Donc, la bourse du
carbone, le système d'échange de droits avec la Californie demeure.
M. Dugas Bourdon (Pascal) :
Donc, juste pour confirmer, ce projet-là de liquéfaction de gaz, là, il serait
compatible avec le projet de loi...
M. Gaudreault : Bien, il
faudrait qu'on l'analyse. Moi, je ne suis pas ici, là, pour commencer à faire
le travail de chaque projet de loi... de chaque projet industriel. C'est sûr
qu'à sa face même, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, puis il y a une motion
qui a été présentée tout à l'heure, c'est un projet qui ne fait pas de sens
avec la lutte contre les changements climatiques. Mais il faut qu'on regarde
chaque projet en soi et qu'on soit capable de les évaluer sur la base de cette
grille-là.
Le Modérateur
: M.
Croteau.
M. Croteau (Martin) :
Bonjour. Le gouvernement, vous avez demandé... votre parti a demandé un vote
par appel nominal pour confirmer le dépôt du projet de loi. Quelle lecture
faites-vous du résultat de ce vote?
M. Gaudreault : Bien, pour
moi, il y avait un côté symbolique à ça, parce que vous savez que les projets
de loi qui sont déposés par les députés de l'opposition, de façon générale, c'est
un peu une formalité, il y a un consentement. Mais je voulais avoir un geste
plus fort pour que chaque député de l'Assemblée nationale, incluant ceux des
deux autres groupes d'opposition, s'exprime, se lève pour prendre conscience et
appuyer unanimement que l'Assemblée nationale se saisisse de ce projet de loi.
D'ailleurs, je veux me saisir de l'occasion de votre question pour dire que la
prochaine étape, c'est ça.
Moi, je suis ici de façon ouverte. Je suis
ici de façon très, très transparente à la fois pour le gouvernement, mais les
deux autres partis de l'opposition aussi, et je souhaite que le gouvernement
fasse preuve d'ouverture, et qu'on soit capables de passer à l'étape suivante
qui serait une consultation sur ce projet de loi. Vous savez que Le Pacte pour la
transition, et M. Dominic Champagne entre autres, avec Me Bélanger,
avec Me Denis, avec les quelques centaines de milliers de signatures de
leur pétition et de leur projet, proposent un projet de loi semblable.
Alors, moi, ce que je demande au
gouvernement, c'est au moins d'avoir l'ouverture pour aller en commission
parlementaire pour étudier et pour le tester auprès des groupes, soit en
environnement ou des groupes économiques.
M. Croteau (Martin) :
Est-ce que ce vote nominal vous donne espoir, vous donne peut-être un indice
que le gouvernement aurait de l'intérêt pour cette pièce législative?
M. Gaudreault : Oui,
parce qu'il y a eu une motion, il y a quelques semaines, présentée par la
députée de Maurice-Richard, et le gouvernement a refusé, à
ce moment-là, la motion qui amenait l'idée du projet de loi.
Là, aujourd'hui, on a au moins une ouverture
par l'ensemble des députés, de façon unanime, incluant le premier ministre, le
ministre de l'Environnement, pour dire qu'on s'en saisisse. Alors, moi, je veux
faire du pouce, je veux construire de façon constructive, positive avec le
gouvernement, mais aussi avec les autres partis d'opposition, pour passer à une
étape supérieure.
M. Croteau (Martin) : Le
budget carbone que ce projet de loi établirait, est-ce que le Québec n'en fait
pas déjà un avec le marché du carbone, puisque c'est le gouvernement qui
contrôle, dans une certaine mesure, combien de droits de polluer sont émis
chaque année?
M. Gaudreault : Non. Pour
moi, le budget carbone est beaucoup plus large que cela, et il faut qu'il y ait
une nature aussi publique et formelle qui est déposée à l'Assemblée nationale. Présentement,
vous le savez, c'est un peu à la discrétion, au fond, du ministre de
l'Environnement qui arrive à chaque année avec ses inventaires quand ça fait
son affaire politiquement.
Moi, je vous invite à lire une note de l'Institut
de recherche et d'informations socioéconomiques, l'IRIS, de décembre 2013,
ceux qui parlent de l'idée du budget carbone du Québec, et c'est au fond cette mécanique
que l'on reprend et qui ferait en sorte qu'on serait capables de mesurer
l'atteinte, d'une année à l'autre, de nos cibles carbone avec l'oeil externe du
Commissaire au développement durable et à la lutte aux changements climatiques,
on y ajoute ce titre-là dans le projet de loi, qui viendrait nous dire si oui
on s'en va dans la bonne direction, ou non si on ne s'en va pas dans la bonne
direction.
Et je vous rappelle que, dans les autres
législations qui ont adopté ce type de loi comme la nôtre, il y a le
Royaume-Uni, l'Écosse, le Danemark, la France, la Finlande, l'Allemagne et la
Suède. Donc, je pense que le Québec est rendu là aussi, à s'inscrire dans cette
liste d'États qui adoptent une loi visant à assurer le respect des obligations
du Québec en matière climatique.
Des voix
: Merci.
(Fin à 11 h 42)