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Point de presse de M. Jean Boulet, ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale

Version finale

Le mardi 12 février 2019, 15 h 45

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Quinze heures quarante-sept minutes)

M. Boulet : Alors, salutations d'abord aux représentants des médias. Ça me fait plaisir de vous rencontrer. Donc, j'ai déposé aujourd'hui à l'Assemblée nationale un projet de loi qui amende la Loi sur l'équité salariale. Comme vous savez, les objectifs de cette loi-là, c'est de corriger les écarts de salaire qui découlent de la discrimination systémique envers les emplois à prépondérance féminine. Plus simplement dit, c'est : à travail de valeur équivalente, salaire égal.

Dans la loi, il y a un mécanisme à deux volets. D'abord, les employeurs qui sont visés par cette loi-là, donc 10 employés et plus — évidemment, les entreprises de juridiction fédérale ne sont pas visées — doivent faire un exercice initial d'évaluation des emplois à prépondérance féminine et les emplois à prépondérance masculine et s'assurer de l'adéquation entre les deux, puis, s'il y a des écarts salariaux, il faut les corriger. Par la suite, à tous les cinq ans, il y a un exercice du maintien de l'équité salariale qui doit être fait.

Cette loi-là a été adoptée initialement en 1996 et le volet maintien de l'équité salariale devait se faire de manière continue, donc à chaque cinq ans. Quand un employeur évaluait pour maintenir l'équité salariale, s'il y avait des écarts salariaux, il devait les corriger à la date de l'événement qui avait créé l'iniquité. En 2009, le législateur a amendé cette loi-là et a maintenu l'exercice de maintien sur une base quinquennale, mais a prévu dans la loi que le maintien n'imposait à l'employeur de corriger les écarts salariaux que pour le futur, pas de façon rétroactive. Donc, il affiche les résultats de son exercice de maintien d'équité salariale et, s'il y a des écarts qui ont été créés dans la période précédente des cinq ans, il corrige ces écarts-là, mais simplement pour l'avenir.

Alors, suite à ça, il y a eu des recours intentés par les syndicats, d'abord à la Cour supérieure, qui a jugé invalides, comme étant inconstitutionnels, trois articles de la Loi sur l'équité salariale, principalement les articles qui mentionnaient que le maintien ne devait pas s'opérer de façon rétroactive, mais simplement pour l'avenir. Il y a eu un appel à la Cour d'appel. La Cour d'appel a maintenu le jugement de la Cour supérieure. Et enfin la Cour suprême du Canada a rejeté l'appel du Procureur général du Québec et a rendu un jugement le 10 mai 2018, et ce que la Cour suprême a décidé, c'est de déclarer invalides ces trois dispositions-là de la Loi sur l'équité salariale, mais a suspendu sa déclaration d'invalidité à une année suivant son jugement.

Donc, on a jusqu'au 10 mai 2019 pour adopter une loi remédiatrice, et c'est ce projet de loi là que j'ai déposé aujourd'hui, et, essentiellement, ce projet de loi là s'intéresse à l'aspect rétroactif. Donc, les employeurs, dans l'avenir, suite à l'adoption de cette loi-là, quand ils vont faire l'exercice de maintien de l'équité salariale, ils vont devoir bien préciser dans leur affichage la date et la nature de l'événement qui a créé l'iniquité et s'assurer de corriger pour l'avenir et de payer, par la voie d'un montant forfaitaire, donc cinq montants forfaitaires étalés sur une période de quatre ans, les écarts qui ont été créés dans la période de cinq ans précédente.

Donc, on définit, dans le projet de loi, bien ce qu'est le maintien de l'équité salariale. On précise le contenu obligatoire de l'affichage. On prévoit la possibilité de corriger les écarts par la voie d'un paiement forfaitaire. Ça, je viens d'en parler.

Il y a aussi un processus de participation qu'on met en place. Dorénavant, avec ce projet de loi là, quand l'employeur va afficher, il va devoir permettre aux salariés, particulièrement en contexte non syndiqué, de participer au processus, donc de faire des observations et de demander des renseignements. Et ce qu'on prévoit, c'est que l'employeur va aussi devoir donner un suivi à ces demandes de renseignements là en donnant des réponses et en commentant les observations des salariés.

Enfin, il y a aussi une obligation dorénavant pour un plaignant. Que ce soit une association accréditée ou une personne prise individuellement, quand elle fera une plainte en raison d'une insatisfaction ou d'un désaccord en ce qui concerne l'exercice de maintien d'équité salariale, elle devra utiliser un formulaire prescrit par la commission des normes, équité, santé, sécurité du travail, et il y a une section dans ce formulaire-là où la personne ou l'association accréditée va devoir motiver sa plainte. Là, actuellement, il y a un inventaire important de plaintes souvent non motivées. Comme c'est le cas, Isabelle et Mathieu, pour les plaintes en vertu de 32 à LATMP, les plaintes en vertu de la loi santé, sécurité ou 124 de la Loi sur les normes du travail, il y a des formulaires prescrits par la CNESST. Il n'y en avait pas en matière d'équité salariale, et là je viens bien l'encadrer dans le projet de loi.

Enfin, dernier point qui est important, c'est qu'on aura la possibilité de regrouper des plaintes, de les soumettre à un processus de conciliation et que, si, par exemple, il y a une ou plusieurs associations accréditées qui regroupent une majorité de salariés visés par une catégorie d'emploi, par exemple, à prépondérance féminine, ils vont pouvoir faire un accord en tenant compte de l'assentiment de la majorité de ces salariés-là. Mais il y aura aussi la possibilité pour une personne, un salarié qui est en désaccord, même si elle est couverte par une association accréditée, de soumettre son désaccord et de dire : Moi, je ne veux pas participer à l'accord. Donc, dans le processus d'entérinement de l'accord, cette personne-là va être soustraite.

Donc, essentiellement, c'est le projet de loi. On a fait des consultations, et c'est un suivi approprié à la décision de la Cour suprême du Canada qui a été rendue l'année passée.

M. Dion (Mathieu) : Mais, juste pour qu'on comprenne bien, ça vise quel type d'employeur?  Quels employeurs sont visés, dans le fond?

M. Boulet : Toutes les entreprises du Québec, sauf celles qui ont moins de 10 employés, un; deux, les entreprises de juridiction fédérale ne sont pas visées; et enfin les travailleurs autonomes.

Mme Porter (Isabelle) : Mais, pour nous situer, là, le syndicat qui est intervenu, qui a porté la cause devant les tribunaux, c'était quel syndicat puis il représentait des employés dans quels secteurs?

M. Boulet : Dans tous les secteurs. Bien, les plaintes, là, Isabelle, il y a beaucoup de plaintes dans le secteur de la santé, services sociaux, dans le secteur de l'éducation, dans le secteur privé. Moi, j'estime, là, à mon ministère, qu'il y a 35 294 entreprises qui sont assujetties à la Loi sur l'équité salariale puis il y en a 34 555 de ces entreprises-là qui sont privées puis 739 sont des organismes publics, donc incluant la fonction publique et le secteur parapublic.

Mme Porter (Isabelle) : Dans quelle mesure l'impact de ce projet de loi là va être important, l'impact financier sur les entreprises?

M. Boulet : Bien, on a fait un sondage à la CNESST — c'est une bonne question, Isabelle — puis on a fait une estimation en tenant compte des coûts associés à un exercice de maintien, par exemple pour l'année 2017, et on évalue que, par exemple, une année spécifique, mettons l'année 2020, il y aurait des coûts pour les entreprises visées d'à peu près 565,6 millions. C'est à peu près 0,35 % de la masse salariale des entreprises visées, et ça, c'est un chiffre qui est estimatif global.

Mme Porter (Isabelle) : C'est essentiellement à cause de l'aspect rétroactif?

M. Boulet : Tout à fait, tout à fait.

M. Dion (Mathieu) : Vous qualifiez ce montant-là de quelle façon?

M. Boulet : Mathieu, tu sais, l'objectif de la loi, c'est de corriger les écarts salariaux qui découlent de la discrimination systémique, et je pense que je ne peux pas le qualifier. Je pense que les objectifs qui sous-tendent cette loi-là sont totalement légitimes, totalement justifiés. Et ce que la Cour suprême a décidé, puis la Cour supérieure et la Cour d'appel auparavant, c'est que ces articles-là qui ne prévoyaient pas les ajustements continus perpétuaient la discrimination systémique et étaient contraires à l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés de la personne, qui prévoit l'égalité des sexes, là, l'égalité entre les hommes et les femmes. Donc, Mathieu, oui, c'est un montant important, mais en même temps c'est le montant qui doit être assumé pour respecter des obligations qui m'apparaissent fondamentales.

M. Dion (Mathieu) : Jugez-vous que ça pourrait mettre certaines entreprises dans une situation problématique sur le plan financier en n'ayant pas à rembourser, mais en ayant à payer cette rétroaction-là?

M. Boulet : On a considéré ça, l'impact financier. C'est la raison pour laquelle on permet que les ajustements ou les écarts salariaux à corriger soient payés par le biais d'une indemnité forfaitaire, puis ça, ça peut être versé en cinq versements pendant les quatre années qui suivent l'affichage qui confirme l'exercice de maintien d'équité salariale.

Mme Porter (Isabelle) : Dans les cas les plus extrêmes, ça représenterait quoi pour une employée, le fait d'ajouter la rétroactivité?

M. Boulet : Ça dépend. C'est variable, là, Isabelle. Tu sais, si je donne un exemple, tu sais, si tu as une assistante de bureau puis un ouvrier, puis qu'on a considéré que c'étaient des emplois de valeur équivalente, puis que, par exemple, dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre, l'employeur donne une prime de rétention à ses ouvriers de 3 $ de l'heure, tu sais, ou 4 $ de l'heure, ou peu importe, bien, c'est sûr que ça crée un écart qui va devoir être comblé au moment de l'exercice du maintien de l'équité salariale. Ça fait que l'impact est tellement variable d'une entreprise à l'autre.

Mme Porter (Isabelle) : Mais sur plusieurs années, théoriquement, pour une même personne, en rétablissant la rétroactivité, ça peut représenter, pour une seule personne, jusqu'à des milliers de dollars, non?

M. Boulet : C'est purement théorique. Je ne suis pas en mesure de donner de chiffres, Isabelle, là. Mais toutes les situations hypothétiques peuvent être imaginées, puis ça peut représenter un montant d'argent qui est significatif pour les personnes visées.

Mme Porter (Isabelle) : Est-ce qu'on a une idée du nombre de personnes qui vont être affectées par ça, le nombre d'employées?

M. Boulet : Non, je n'ai pas d'idée. J'ai le nombre d'entreprises, mais je n'ai pas le nombre de salariées visées.

M. Dion (Mathieu) : Alors, comment vous parvenez à arriver au montant de 565 millions de dollars si vous n'avez pas le nombre d'employées? Comment vous arrivez à ce montant-là?

M. Boulet : Bien, c'est le sondage qui a été fait par la CNESST, combiné à l'exercice de maintien qui a été fait dans une année précise, en 2017, et ça a permis de faire une estimation des coûts pour un exercice de maintien en tenant compte de l'application de la nouvelle loi, de ce projet de loi là.

Mme Porter (Isabelle) : Est-ce que vous vous attendez à ce qu'il y ait des résistances de la part du secteur privé ou ils sont résignés à cause de la décision de la Cour suprême?

M. Boulet : Il va y avoir des réactions variables, Isabelle. J'imagine que certains employeurs vont considérer que, bon, il y a eu une vaste réforme de la Loi sur les normes du travail puis il y a eu ajout d'obligations légales qui ont eu des incidences financières. Ça fait qu'ils vont considérer que ça, ça s'ajoute à leurs obligations financières. Mais, je le répète, nous, on prend pour acquis que cette décision-là est bien fondée. Moi, je l'ai lue en totalité, puis c'est une décision qui m'apparaît, tu sais... Puis on donne quand même un délai, là. La déclaration d'invalidité est suspendue pour une période d'une année pour nous permettre de bien faire les choses de manière ordonnée, là.

Mme Porter (Isabelle) : Le gouvernement n'a pas le choix, finalement, de s'ajuster à la suite de la décision de la cour.

M. Boulet : Isabelle, ça prend une loi remédiatrice avant le 10 mai 2019.

M. Dion (Mathieu) : Qu'est-ce qui arrive à une entreprise qui ne fait pas la rétroaction?

M. Boulet : Là, il y a contravention à la loi. Il y a des plaintes. Il y a un processus de plainte. Il y a un processus de conciliation. Si ce n'est pas réglé en conciliation, la commission des normes va prendre en charge le dossier, et il y a des dispositions pénales, il y a des amendes dans la loi.

M. Dion (Mathieu) : Ça va prendre une plainte, donc, pour savoir que l'entreprise n'a pas payé?

M. Boulet : Ça prend une plainte, mais là tu vas dans les technicalités, là. Mais il y a la possibilité pour la CNESST... Même quand l'exercice de maintien est fait, puis qu'il est fait correctement, puis qu'il n'y a pas de plainte, il pourrait y avoir des choses qui n'ont pas été totalement respectueuses de certaines dispositions de la loi. La CNESST peut faire enquête de sa propre initiative. Ça, elle a ce pouvoir-là.

La Modératrice : On va vous remercier.

(Fin à 16 h 2)

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