(Dix heures deux minutes)
M. Fontecilla : Bonjour,
mesdames messieurs. Merci d'être ici. Depuis jeudi dernier, depuis le dépôt,
par le ministre Jolin-Barrette, de son projet de loi n° 9, j'ai reçu, nos
bureaux de circonscription ont reçu des témoignages, des centaines de
témoignages exprimant la colère, la détresse, la peur, de milliers de
personnes. En tout cas, nous, on a reçu des témoignages de centaines de
personnes, là, touchées par le projet de loi n° 9, là.
M. Jolin-Barrette voit 18 000
dossiers à déchiqueter, à envoyer à la poubelle. Nous, on voit des dizaines de
milliers de personnes dont la vie bascule du jour au lendemain. Ils ont passé
la fin de semaine à nous écrire, à partir du Québec, à partir de l'étranger, de
partout à travers le monde, à nous appeler aussi.
Je veux vous raconter quelques-unes de
leurs histoires, mais avant, j'aimerais faire un appel au ministre
Jolin-Barrette. Reculez. Votre réforme ne tient pas la route, elle est inhumaine,
elle est cruelle. Reculez. S'il vous plaît, pensez à ces dizaines de milliers
de personnes dont l'avenir a brusquement changé depuis votre dépôt du projet de
loi n° 9.
Issa et Évelyne, un couple qui raconte le
formidable accueil qu'ils ont reçu dans Jean-Lesage, ici, à Québec. Il est
arrivé en 2012; elle, en 2015. Il décroche un doctorat en droit de l'Université
Laval. Son baccalauréat en soins infirmiers européen est finalement reconnu par
le MIDI. En attendant que l'ordre lui donne l'autorisation d'exercer, elle
travaille comme PAB. Elle attend un bébé. Leur dossier a été déposé en 2017,
trop tard pour leur permettre de faire leur vie au Québec.
Hatem, un Tunisien, qui connaît très bien
les Québécoises et les Québécois parce qu'il a travaillé pendant des années au
service à la clientèle de Bell Canada. Quand on a des problèmes avec notre
facturation, Hatem est au bout du téléphone. Les valeurs québécoises, il les
applique au quotidien.
Jean-Philippe, dont le conjoint est
Iranien, un pays où l'homosexualité, comme vous le savez, n'existe soi-disant pas.
Il s'est installé ici pour ses études et il travaille actuellement en
informatique, tout en prenant des cours de français. Jean-Philippe nous raconte
que son conjoint est tellement passionné par le Québec qu'il lui fait découvrir
son propre pays.
Caroline a aussi un conjoint. Il vient
d'Angleterre et travaille au Québec depuis trois ans et demi. Son dossier aussi
va passer à la déchiqueteuse. Ils sont en train de considérer de quitter le Québec
tous les deux pour s'installer à Londres. Le projet de loi n° 9 pourrait
donc nous faire perdre deux jeunes professionnels d'un coup.
Comme le dit Ferat : Nous ne vous
demandons pas des faveurs, nous vous demandons d'être justes. J'ai reçu aussi
par Messenger un message d'un monsieur que ça fait cinq ans qu'il fait des
démarches à l'étranger. Parmi les tribulations de sa demande, à un moment
donné — ils avaient deux enfants — sa conjointe était
tombée enceinte. Choix crucial, que fait-on? Est-ce qu'avoir un enfant pendant
le processus de demande va-t-il affecter notre demande? Ils ont finalement
décidé d'avorter. C'est le genre de décision que les gens doivent prendre
pendant le processus de sélection au Québec.
Maintenant, le ministre Barrette a mis une
fin à tout cela. Je ne m'attends à ce que ces histoires-là attendrissent
M. Legault, mais il devrait comprendre, s'il a un minimum de sens de
l'humanité, que son ministre fait fausse route. Le premier ministre veut des
immigrants mieux qualifiés, mieux intégrables, et, pendant ce temps-là,
M. Jolin-Barrette est en train de déchiqueter leurs dossiers. On
n'accueille pas les travailleurs qualifiés par charité, mais parce qu'ils sont
conformes aux exigences du gouvernement du Québec en matière de formation et de
compétence linguistique, et la barre est très haute, laissez-moi vous le dire.
Tous les témoignages qu'on a reçus
racontent les sacrifices énormes que ces gens-là ont faits pour répondre aux
exigences du marché de la main-d'oeuvre québécoise. Ils ont obtenu des diplômes
en informatique, en administration, en soins infirmiers. Ils ont pris des cours
de français et obtenu des certifications à leurs frais, et ça coûte assez cher,
hein, je peux vous le confirmer. Un cours de français, ça coûte... un test de
cours de français, ça coûte 700 $. Certains ont mis de côté leur famille
et leur carrière pour pouvoir présenter les meilleurs dossiers possible au
ministère.
Un dossier sur cinq a été envoyé du
Québec, des gens qui sont ici. On parle de gens qui paient leurs taxes et leurs
impôts à Revenu Québec, qui sont francophones ou en voie d'apprendre le
français, qui n'en sont pas à leur premier hiver au Québec. Ils ne veulent pas
d'un chèque de remboursement, ils veulent être traités avec dignité et respect.
Pour moi, le respect et la dignité, ça fait partie aussi des valeurs
québécoises.
Je suis d'accord avec le ministre, il faut
réduire la pile de dossiers accumulés par les libéraux au ministère de
l'Immigration du Québec. Il y a une solution simple : au lieu de mettre
19 millions à rembourser ces gens-là pour toutes les dépenses qu'ils ont
faites, et ça, c'est un minimum, M. Jolette est invité à investir cet
argent-là pour embaucher les ressources nécessaires et traiter les 18 000
dossiers selon les programmes dans lesquels ils ont été déposés. On ne peut pas
traiter ces dossiers-là dans d'autres programmes, avec d'autres critères. C'est
de la justice fondamentale. M. Jolin-Barrette, reculez et traitez ces dossiers
avec justice. Merci.
M. Dion (Mathieu) : M.
Fontecilla, en quoi il y a péril en la demeure, considérant que ces personnes-là
que vous mentionnez auraient peut-être pu attendre cinq, peut-être même 10 ans
au programme sans jamais avoir de réponse, alors que là, aujourd'hui, ceux qui
sont déjà sur le territoire québécois, M. Legault a dit hier qu'il y aurait un
«fast-track».
Alors, en quoi il y a panique en la
demeure?
M. Fontecilla : Il y a panique
dans la demeure parce que ces gens vivent dans l'incertitude. Ils ont attendu
depuis plusieurs années.
M. Dion (Mathieu) : Ils
vivaient déjà dans l'incertitude.
M. Fontecilla : Ils vivaient déjà
dans l'incertitude, et ce qu'on leur dit...
M. Dion (Mathieu) : Puis là le
gouvernement veut régler ça.
M. Fontecilla : On leur dit :
Bien, quand on va vous... Ils ne croient plus le gouvernement. On leur dit :
Postulez dans un nouveau programme et, oui, on va regarder votre cas attentivement,
là, mais attendez encore. J'ai reçu dans mon bureau hier une madame d'origine
française, là, elle attend depuis 2014. Depuis 2014 qu'elle vit dans l'incertitude.
On lui dit : Bien, attendez encore, dans un nouveau programme. Cette
madame-là n'a plus confiance dans le système québécois.
M. Dion (Mathieu) : ...le voir
comme une correction du problème qu'il y avait plus qu'autre chose? En fait, peut-être
que ces gens-là vont être acceptés plus rapidement que s'ils étaient demeurés sur
le programme de travailleurs...
M. Fontecilla : Peut-être.
Vous l'avez vous-même dit, peut-être. Ou peut-être pas, on ne le sait pas.
M. Dion (Mathieu) : Mais parce
que vous utilisez des mots forts : «détresse», «peur», «le dossier à la
déchiqueteuse»...
M. Fontecilla : Mais je vous
dis ce que ces gens-là ressentent. Ils vivent de la colère, de la détresse et
de la peur.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Le
nouveau programme, est-ce que vous y croyez? Pensez-vous que la réforme... Si
on oublie les 18 000 dossiers, là, la réforme que le ministre
Jolin-Barrette veut effectuer, est-ce que c'est une réforme qui va améliorer le
processus d'immigration au Québec?
M. Fontecilla : C'est une
réforme qui est très, très axée sur l'aspect économique, là, qui fait fi, selon
moi, des aspects d'intégration et socioculturels au Québec, là. La seule
préoccupation de la réforme qui a été implantée, c'est les préoccupations
économiques. Mais on pourrait faire.... On va donner une chance à ce
programme-là. De toute façon, il existe, il va être implanté. On va juger à ses
résultats, mais on vient d'apprendre qu'il y a un arriéré de 18 000
dossiers et qu'est-ce qu'on fait avec? Mais il faut traiter ces dossiers-là en
urgence avant de démarrer l'autre programme ou, à tout le moins, entreprendre
les deux. Pourquoi pas?
M. Laforest (Alain) : Dans le
programme actuel, est-ce que vos parents auraient pu immigrer ici, selon la
formule que propose la CAQ?
M. Fontecilla : Selon la
formule que propose la CAQ... Écoutez, moi, ça fait... Les choses ont beaucoup
évolué depuis le temps où je suis arrivé. Moi, je suis arrivé en vertu d'un
programme de réunification familiale. Oui, oui, mes parents ont appris le
français dans un temps record. Ils se sont mis à travailler, etc., et, vous
savez, on lit, entre les lignes, dans le projet de loi n° 9, là, qu'il va
y avoir des tests linguistiques, des tests de valeurs et des tests
d'intégration économique, donc est en emploi ou pas après un certain temps.
Le parcours d'un immigrant est très
irrégulier. Des gens, ça prend trois ans; des gens, ça prend cinq ans, etc. Si
mon père, par exemple, avait connu une phase de chômage pendant qu'on lui
faisait subir un test d'intégration économique, peut-être qu'il aurait été
refusé et moi avec.
M. Laforest (Alain) : Est-ce
que, justement, le fait que le gouvernement a avoué, dit que maintenant il n'y
a plus de diplômés qui vont venir ici, vivre au Québec, et se retrouver dans la
restauration ou dans l'industrie du taxi, est-ce que ça ne règle pas un
problème qu'on sélectionne les gens en fonction des besoins de main-d'oeuvre? Parce
que, vous le dites, c'est économique, c'est essentiellement économique. Vous
semblez dire : On oublie le volet humain. Est-ce que ce n'est pas ça que
le Québec a besoin, de la main-d'oeuvre?
M. Fontecilla : Le Québec a
besoin de la main-d'oeuvre, tout à fait, là, et il faut une bonne adéquation
des profils d'immigration admis au Québec et le besoin de la main-d'oeuvre,
mais il n'y a pas que ça. Il y a le processus une fois qu'ils sont arrivés ici.
Il y a beaucoup de gens qui arrivent ici
avec les bons profils, mais qui n'arrivent pas à s'intégrer au marché du
travail par des barrières qui sont placées... qui existent ici, au Québec,
parce que le curriculum n'est pas compréhensible pour les employeurs québécois,
parce que leur nom est un peu exotique, en fait, toutes sortes de barrières
souvent inconscientes, qui fait en sorte que...
M. Laforest (Alain) : ...la
reconnaissance, là, entre autres...
M. Fontecilla : La
reconnaissance des diplômes...
M. Laforest (Alain) : ...la
reconnaissance des diplômes, c'est un problème. Est-ce qu'on ne devrait pas
s'attaquer à ça avant, là?
M. Fontecilla : Bien, évidemment
que c'est un problème, et ça fait longtemps qu'on le dit, là Il y a un problème
dans la reconnaissance des diplômes, là, il n'y a aucun gouvernement qui a
affronté de façon... qui a pris le taureau par les cornes pour régler ce problème-là
de reconnaissance des diplômes.
M. Lacroix (Louis) : M.
Fontecilla, est-ce que vous croyez que ce projet de loi là, dans sa
philosophie, dans la façon dont il est monté, vise à protéger le tissu québécois,
si on veut, l'espèce de Québécois moyen, là, c'est-à-dire blanc, francophone?
Est-ce que vous pensez, là, que c'est une espèce de projet de loi de fermeture
qui vise à exclure certains immigrants pour protéger le tissu québécois?
M. Fontecilla : Je ne veux pas
prêter ce genre d'intention au gouvernement de M. François Legault. Ce qui est
certain, c'est que c'est qu'on prend une approche migratoire très dure, très
dure, pleine d'embûches, pleine de tests, etc., qui vise à prouver la supposée
intégration des gens issus de l'immigration au Québec, là, et ça rend l'immigration
beaucoup plus compliquée par ces gens-là. Et, encore une fois, l'immigration
n'est pas un processus linéaire, c'est un processus qui prend différents
détours. Et l'intégration, par exemple, aux valeurs québécoises, là, ça prend
des années à bien intégrer les subtilités de ce qu'est c'est, la vie, en société
ici, au Québec.
Donc, pour moi, c'est un projet très dur
qui est... à la limite, qui pénalise les immigrants et qui est exclusivement
fondé sur des critères économiques.
M. Lacroix (Louis) : Je vais
juste compléter, s'il te plaît, si tu me permets. Je vous pose cette question-là
parce qu'en fait on veut aussi réduire les seuils d'immigration à 40 000,
donc moins d'immigrants au Québec, puis on peut mettre, avec ça aussi,
l'intention du gouvernement aussi de changer, si on veut... en fait, de déposer
une loi sur la laïcité. Vous-même disiez, la semaine dernière... bien, en fait,
c'est M. Gabriel Nadeau-Dubois qui disait que c'était davantage un projet de
loi ou une intention qui visait une seule religion. Alors, j'ai l'impression
qu'il y a une espèce de protection...
M. Fontecilla : Écoutez, c'est
un... tout à fait, si on commence à mettre les morceaux ensemble, il y a un
tableau qui commence à se former, qui n'est pas très favorable, disons, aux
gens qui viennent d'ailleurs. C'est quoi, les intentions? C'est au gouvernement
de répondre.
Mais seulement, là, la réduction du volume
d'immigration admis au Québec envoie un très mauvais message. Ça envoie le
message comme quoi il y a un problème, il y a un problème d'immigration au Québec,
là, alors que selon moi, selon Québec solidaire, il n'y a pas véritablement des
problèmes concernant l'immigration. Oui, il y a des problèmes d'intégration, de
taux de chômage plus élevé et des discriminations, etc., mais un problème grave
qui exige toute l'attention d'un gouvernement, là, et ce genre de mesure là,
moi, je mets un... j'ai un doute là-dessus.
Mme Porter (Isabelle) : M.
Fontecilla, il s'agit d'un projet de loi qui n'a pas encore été adopté. Comme
parti à l'Assemblée, vous avez possibilité d'intervenir. Quelles sont vos intentions
sur le plan parlementaire, amendements, tout ça, là?
M. Fontecilla : Bien, en fait,
on va étudier attentivement le projet de loi. Tout d'abord, grosso modo, il y a
deux sections : un projet de loi et un article à la fin, là, qui jette à
la poubelle 18 000 dossiers. Pour l'instant, on s'attaque aux 18 000
dossiers, là, parce qu'il y a des gens qui vivent des histoires dramatiques
derrière cette décision-là et il faut s'occuper de façon urgente de ces
dossiers-là.
Ensuite, il va y avoir une commission
parlementaire sur l'ensemble du projet, et évidemment on va apporter nos
critiques, on va vouloir éclaircir certains aspects assez obscurs du projet de
loi, comme, par exemple, la conditionnalité du droit de résidence au Québec et,
jusqu'à preuve du contraire, au Canada, et jusqu'où veut aller le gouvernement,
selon quels critères et quel test de français veut-il imposer. Le test des
valeurs, de quoi s'agit-il? On n'en fait presque pas mention dans le projet de
loi, mais on veut éclaircir.
On dirait que le gouvernement veut... il
met les bases, le ministre Jolin-Barrette l'a dit lui-même, met les bases de
toute une réforme très importante du système d'immigration qui va être décrétée
par règlement, là où les parlementaires, les personnes qui incarnent la
démocratie au Québec n'auront aucun mot à dire...
Mme Porter (Isabelle) : Puis
sur un plan peut-être plus technique, là, bon, vous avez dit que vous avez reçu
des centaines de témoignages. Hier encore, le ministre a dit : Ces gens-là
n'ont pas à s'inquiéter parce que, s'ils ont un permis de travail, ils peuvent
le renouveler, ceux qui parlent français et travaillent depuis un an peuvent
postuler dans le Programme d'expérience québécoise. Bref, il a laissé entendre
que toutes ces personnes-là, finalement, avaient une place dans le nouveau
système.
Est-ce que, parmi les gens que vous avez
rencontrés, dont vous avez reçu les témoignages, il y a des gens qui ne
rentrent pas dans ces cases-là ou est-ce qu'ils rentrent toutes, tous dans ces
cases-là?
M. Fontecilla : Écoutez, ils
ne le savent pas, parce qu'il y a très peu de personnes au Québec qui
connaissent... qui ont une vision d'ensemble de tous les programmes et là... ou
des critères d'admission à un programme en immigration. Donc, ces gens-là ne
savent pas et ces gens-là ne croient pas le ministre Jolin-Barrette, là. Le
ministre Jolin-Barrette tente de se faire rassurant, mais ces personnes-là ne
sont pas rassurées.
Ces personnes-là veulent une réponse.
J'étais hier avec une madame dont le permis de travail arrivait à échéance — on
est le 12 — aujourd'hui. On lui dit que, bien, déposez, déposez,
votre dossier va être traité rapidement. Oui, mais à partir de demain matin, je
n'aurai plus le droit de travailler, là. Puis elle a un travail en ce moment,
cette personne-là.
Mme Porter (Isabelle) : Oui,
mais cette personne-là n'aurait pas dû tout simplement faire une demande de
renouvellement avant?
M. Fontecilla : Bien, parce
qu'on lui disait en même temps : Attendez, attendez, vous allez avoir
votre certificat de CSQ, là, vous allez l'avoir de façon imminente, et
peut-être dans les dernières heures, et... Mais, écoutez, il y a une
multiplication de cas où des gens ont fait confiance au système, puis, à la
dernière minute, on leur dit : Non, finalement, ça s'arrête là. On va
passer à un autre système, puis déposez, faites-nous confiance, ça va être
traité. Ces gens-là sont inquiets, ils sont en détresse, ils ont peur.
M. Croteau (Martin) : M.
Fontecilla, qu'est-ce que vous avez retenu de la journée de réflexion
qu'organisait votre parti en fin de semaine sur la laïcité et sur le port des
signes religieux? Êtes-vous toujours à l'aise avec la position de votre parti
qui consiste à appliquer essentiellement les recommandations du rapport
Bouchard-Taylor?
M. Fontecilla : Je me sens
toujours à l'aise avec la position adoptée jusqu'à présent, donc de permettre
le port des signes religieux, sauf pour les professions, pour les fonctions
ayant un pouvoir coercitif. C'était une journée avec un débat de très haut
niveau. On avait d'excellents conférenciers et conférencières, et surtout je
retiens l'ambiance de dialogue qui a prévalu tout au long de la journée. Les
membres discutent, et ça va mener à une décision, et on va vivre avec.
M. Croteau (Martin) : Vous
reprochez au gouvernement de faire de l'immigration un problème, en quelque
sorte, mais est-ce que votre parti ne fait pas la même chose en voulant
empêcher une jeune musulmane qui porte un voile de devenir policière au SPVM?
M. Fontecilla : C'est un
débat. C'est un débat qui agite la société québécoise, et, jusqu'à preuve du
contraire, nous faisons partie de la société québécoise. Nos membres sont
concernés par ces questions-là. Il y a des membres qui disent qu'on ne devrait
pas interdire à une jeune policière de faire partie de la police avec son
hidjab, d'autres qui disent que oui, pour des raisons qui sont très
justifiables. Il y a un débat, un débat sain au sein de...
M. Croteau (Martin) : Vous,
vous pensez que oui? Vous, vous pensez qu'il faut empêcher à cette jeune
étudiante de devenir policière?
M. Fontecilla : Moi, je pense
qu'il y a certaines fonctions de l'État qui exigent un devoir de réserve absolu
en apparence, et donc, oui, je me sens à l'aise avec cette position-là.
M. Croteau (Martin) : Et vous
êtes confiant que ça n'envoie pas un message négatif aux immigrants,
finalement?
M. Fontecilla : Ça peut
envoyer un message négatif, oui, parce qu'il y a quelque chose... objectivement,
il y a une limitation d'un droit individuel. Oui, il faut en prendre... et c'est
là que ça joue, là, le fond du débat, là. Il y a une limitation d'un droit
individuel, et est-ce qu'on le droit, en tant que société, de mettre une limite
à ce droit individuel ou pas. Et, dans certains cas, oui, dans certains cas,
non. Et, dans ce cas-ci, dans le cas qui nous concerne en ce moment, est-ce que
c'est justifié ou non? C'est le débat qu'on est en train de faire.
M. Croteau (Martin) :
Vous êtes à l'aise avec votre position même si vous avez conscience que ça
envoie un message négatif aux immigrants. C'est ce que vous êtes en train de
nous dire, là.
M. Fontecilla : Ça peut
envoyer un message négatif, mais il y a beaucoup d'immigrants qui comprennent
aussi que les droits individuels ont aussi une limitation. Donc, je ne vais pas
être absolutiste dans cette... certains peuvent le percevoir de façon négative,
mais d'autres peuvent le percevoir de façon plutôt positive.
M. Laforest (Alain) :
M. Taylor vous a demandé, en fin de semaine, de rejeter le compromis
Bouchard-Taylor, bref, de prendre votre position, de la mettre à la poubelle et
de défendre le fait que les gens ne portent pas de signes. Je comprends que ce
n'est pas vers ça qu'on se dirige, là.
M. Fontecilla : Je ne
sais pas. Je ne sais pas les...
M. Laforest (Alain) :
Non, mais vous, personnellement, vous venez de dire que vous êtes à l'aise avec
la position. Donc, vous n'allez pas d'emblée vers ce que vous a demandé
M. Taylor en fin de semaine, là.
M. Fontecilla : Moi, je
laisse les membres, avant tout, discuter, débattre et décider. En ce moment,
là... pendant la journée de samedi, il y avait plusieurs dizaines de réunions
de militants et militantes un peu partout à travers le Québec qui ont entendu
le débat et ensuite on fait la même chose que nous à Trois-Rivières, ont discuté.
Ces gens-là doivent débattre de façon éclairée et sans que les députés et le
caucus soient venus les... vienne les sermonner, leur dire : Bien, voilà
la ligne que vous devez suivre, etc. Je laisse la liberté à ces gens-là de
décider.
M. Laforest (Alain) :
Donc, Québec solidaire est pris dans ses contradictions aussi dans ce
dossier-là.
M. Fontecilla : Il y a un
débat. Un débat, en soi, c'est une contradiction. Oui, nous vivons cette
situation-là comme tous les autres partis qui se posent des questions. Il y a
des partis qui ne se posent même pas de questions. Nous, on se pose des
questions.
M. Croteau (Martin) : Est-ce
que c'est... à quel point c'est un test pour l'unité de votre parti? Je veux
dire, vous venez de nous dire que votre position envoie un message négatif à
certains immigrants. M. Marissal, votre collègue, a dit qu'il ne serait
pas à l'aise qu'une jeune immigrante se voit empêchée de devenir policier. À
quel point est-ce que ce débat teste l'unité de Québec solidaire en ce moment?
M. Fontecilla : Tous les
débats testent l'unité. Les débats importants, on s'entend, testent
l'unité de tous les partis.
En ce qui nous concerne, à Québec
solidaire, nous avons eu des débats très, très émotifs et déchirants. Je n'en
mentionne que deux : la question nationale : Québec solidaire est-il
un parti souverainiste, indépendantiste ou pas? Et ça a été déchirant. Il y a...
oui, mais voilà, on l'a fait, et il y a eu des pertes. Pas beaucoup, mais
l'unité du parti, fondamentalement, a été maintenue. Les débats sur la
prostitution — vous savez que le mouvement des femmes, le mouvement
féministe est très présent à Québec solidaire — ça a été un débat
déchirant aussi, et nous avons réussi à trouver une voie qui a testé notre
unité. Nous avons voté, et Québec solidaire est resté uni. C'est la même chose
avec cette décision-là, et je ne peux pas prédire l'avenir, mais je suis
convaincu... À voir la qualité des débats et le ton des débats de samedi
dernier, je suis convaincu que nous allons réussir à passer cette épreuve-là
avec du succès, et nous allons sortir consolidés de cette décision-là.
Mme Senay (Cathy) : Moi, j'ai
une dernière question, si je peux me permettre de revenir, au sujet de l'immigration.
Le courriel qu'ont reçu les gens qui font partie des 18 000 dossiers du programme
de travailleurs qualifiés, c'était très sec, comme ton, peu d'orientations. On
disait aux gens : Vous ne devez rien faire. Après ça, on vous propose
d'ouvrir un compte avec Arrima. Arrima ne fonctionne pas en ce moment, le
nouveau système n'est pas développé. On n'a pas parlé d'expérience québécoise.
En quoi cela vous apparaît être un échec
de communication du gouvernement Legault?
M. Fontecilla : Bien, c'est un
échec monumental. On joue avec la vie de quelques dizaines de milliers de personnes...
enfin, à tout le moins, et le gouvernement, d'une part, envoie des messages particulièrement
dépourvus d'humanité, et, dans les faits, les alternatives qu'on donne, bien,
elles n'existent pas aujourd'hui. Peut-être demain, peut-être après-demain,
mais les gens ont besoin de réponses aujourd'hui.
Donc, non seulement on les traite comme
des numéros, mais ensuite on leur donne des alternatives qui ne fonctionnent
pas. Ça ne fait qu'augmenter la colère, la détresse et la peur de ces gens-là.
Des voix
: Merci.
(Fin à 10 h 26)