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Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Wednesday, November 6, 2019 - Vol. 45 N° 36

Order of initiative – The alarming increase in the use of psychostimulants in children and young people in connection with attention deficit hyperactivity disorder (ADHD)


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Table des matières

Auditions

Centre de psychoéducation du Québec (CPEQ)

Chaire UQAC-Cégep de Jonquière sur les conditions de vie, la santé, l'adaptation et les
aspirations des jeunes (VISAJ)

Clinique FOCUS

M. Benoît Hammarrenger

Autres intervenants

M. Luc Provençal, président

Mme Suzanne Blais

Mme Marilyne Picard

Mme Monique Sauvé

M. Sol Zanetti

M. Sylvain Gaudreault

Mme Nancy Guillemette

M. François Tremblay

Mme Marie-Claude Nichols

M. André Bachand

*          Mme Geneviève Woods, CPEQ

*          Mme Marie-Christine Brault, VISAJ

*          Mme Annick Vincent, Clinique FOCUS

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures vingt-neuf minutes)

Le Président (M. Provençal)  : Bonjour à tous. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques dans le cadre du mandat d'initiative concernant l'augmentation préoccupante de la consommation de psychostimulants chez les jeunes et les enfants en lien avec le trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

• (11 h 30) •

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Lafrenière (Vachon) est remplacé par M. Bachand (Richmond); M. Benjamin (Viau), par Mme Nichols (Vaudreuil); Mme David (Marguerite-Bourgeoys), par Mme Sauvé (Fabre); M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), par M. Gaudreault (Jonquière).

Auditions

Le Président (M. Provençal)  : Merci, Mme la Présidente... Mme la secrétaire, excusez. Nous entendrons, ce matin, les organismes suivants : le Centre de psychoéducation du Québec et la Chaire de l'Université du Québec à Chicoutimi-Cégep de Jonquière sur les conditions de vie, la santé, l'adaptation et les aspirations des jeunes.

La première présentation se fera par visioconférence, et on me signale que la personne ne peut nous voir, mais elle nous entend très bien. Donc, comme spécifié précédemment, la première présentation se fera par visioconférence. Je souhaite la bienvenue à la représentante du Centre de psychoéducation du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé. À vous la parole, madame.

(Visioconférence)

Centre de psychoéducation du Québec (CPEQ)

Mme Woods (Geneviève) : Merci, M. le Président. Bonjour à tous. Est-ce que vous m'entendez bien?

Le Président (M. Provençal)  : Oui, on vous entend très bien.

Mme Woods (Geneviève) : Alors, je suis heureuse d'être avec vous ce matin, merci. Alors, Geneviève Woods, du Centre de psychoéducation du Québec. Je vous remercie tout d'abord de m'accueillir à distance ce matin, le contexte étant que nous attendons l'arrivée d'un petit bébé d'un moment à l'autre.

Alors, le Centre de psychoéducation du Québec, notre rôle est de soutenir l'intervention auprès des enfants âgés entre zéro et six ans. Donc, on soutient les professionnels, tant en milieu de garde qu'en milieu scolaire, et, en fait, on s'inspire des meilleures pratiques de recherche, qu'on vulgarise en personne, notamment via le groupe de recherche en adaptation psychosociale. Et puis tout ce qui est vulgarisé en personne est aussi accessible en ligne par le Centre d'excellence pour le développement des jeunes enfants, via une plateforme Web, à laquelle vous avez accès dès maintenant, qui s'appelle l'Encyclopédie. Alors, tout le contenu dont on va discuter aujourd'hui... il y a un super beau chapitre sur le TDAH sur l'Encyclopédie déjà.

Je suis heureuse, et c'est un privilège, de faire le point en petite enfance quant à la question du TDAH et la médication au Québec. Je crois que vous avez reçu un document, je vous invite à le consulter. Si vous allez à la page 2, où on parle du développement des tout-petits, qui est un cerveau en explosion... en fait, c'est que je veux faire le pont, tout d'abord, dans un premier temps, sur le développement normal du cerveau. Alors, si vous aviez une animation complète, là, on verrait que le cerveau qui se développe normalement va doubler de volume dans les trois premières années de vie de l'enfant, jusqu'à se développer... jusqu'à l'âge de 25 ans. On se rend compte qu'en contexte de TDAH, au niveau des structures, du volume, de la chimie, il y a des différences déjà qui apparaissent à la petite enfance et qui se maintiennent dans le temps, tout comme l'organisation des synapses et puis des réseaux qu'on travaillerait à la petite enfance, mais aussi des différences en contexte de TDAH.

Si on va au PowerPoint suivant, où est-ce qu'on voit des courbes... en fait, c'est qu'on dit qu'il y a des fenêtres de continuité dans le développement normal où il est pertinent de travailler une certaine sphère. On se rend compte que la raison, c'est une faculté qui se développe beaucoup plus tard que les émotions, et c'est d'autant plus marqué en contexte de trouble du déficit d'attention avec ou sans hyperactivité. Alors, c'est important de s'adapter à ce contexte-là dans l'intervention qu'on va prendre, avec ou sans médication.

À la prochaine diapo, je mets ici l'emphase sur amener notre attention sur l'inattention. À rebours, quand le diagnostic a été émis de déficit d'attention avec hyperactivité, hein, c'est souvent à l'âge scolaire, bien, on se rend compte qu'il y a des traits qui étaient déjà présents et observés à l'âge de deux, trois ans. Les éducatrices en milieu de garde et éducateurs notent souvent les comportements d'agressivité, des enfants qui mordent, de l'hyperagitation, des enfants qui sont éparpillés. Puis, ici, je mets l'emphase, parce qu'on se rend compte avec le temps que... Est-ce que notre angle est bon de s'attarder tant au développement des comportements prosociaux puis de diminuer l'agressivité? Parce que ce que la littérature nous dit, c'est que l'inattention est une variable de prédiction qui est très, très importante au niveau de la réussite, la réussite dans la vie globale. Et puis, en fait, c'est très clair qu'au niveau de déficit d'attention avec hyperactivité, il y a un enjeu préoccupant au niveau de la réussite académique, mais on se rend compte que ce n'est pas tant l'hyperactivité puis l'agressivité que l'inattention qui a un impact plus tard.

Au mois de juin, l'année passée, si vous allez à la diapo suivante, La Presse a fait état des données de notre collègue Sylvana Côté. On dit que, pendant 30 ans, les chercheurs montréalais ont suivi un échantillon représentatif de la maternelle, que l'inattention est le problème qui a le plus d'impact 30 ans plus tard, que, contrairement à des troubles de comportement comme l'agressivité, l'inattention mine autant les filles que les garçons... les enfants les plus attentifs, les moins attentifs à la maternelle, mais on se rend compte qu'il y a des impacts sur le conditionnement, dont sur les revenus, c'est moindre de 20 %, soit de 6 000 $ chez les gens qui ont un diagnostic versus ceux qui n'en ont pas.

À la diapo suivante, il y a une persistance, hein? Donc, les faits qu'on observe sur la petite enfance, il y a une persistance qui continue à l'adolescence et puis à l'âge adulte, avec d'autres problématiques qui sont très bien répertoriées : consommation de substances et dépendances, comportements sexuels à risque, des grossesses indésirables, des visites à l'urgence plus fréquentes, des infractions de la route et éventuellement la criminalité, qui représentent tous de coûts pour la population.

À la diapo suivante, quand on se retrouve avec des enfants avec un TDAH à l'école, il y a un enjeu pour suivre le groupe. Nos études nous démontrent que le trois quarts des enfants qui ont un TDAH, surtout dans une classe qui est régulière, ils ont besoin de performer sans nécessairement avoir la maturité affective ni les ressources disponibles, notamment au niveau des ratios d'intervention. On se rappelle que toutes les transitions, c'est des moments qui sont extrêmement perturbants pour les enfants, qu'ils aient un TDAH ou qu'ils n'aient pas de TDAH et, chez ceux qui ont un TDAH, ça exacerbe aussi ces symptômes-là.

Donc, ça peut amener des difficultés d'adaptation qui sont plus importantes pour les enfants qui sont en contexte de diagnostic puis qui perturbent plus la classe, et donc amènent aussi des méthodes d'intervention qui sont préoccupantes. Pour les enfants qui ont des symptômes qui persistent de TDAH, il y a souvent l'enjeu que les parents ont peut-être compensé à la maison sans le savoir, puis là on se rend compte que l'enfant, on a un réel besoin sur le plan de l'autonomie, la responsabilisation, la maturité affective, etc.

Donc, qu'est-ce qu'on fait avec tout ça? C'est sûr que la médication demeure une première ligne de traitement — donc là, on est rendus à la diapo la médication, le TDAH — c'est une première ligne de traitement. Elle est parfois essentielle, on connaît bien son efficacité. Elle s'inscrit dans les meilleures pratiques, en combinaison avec une approche qui est psychosociale, idéalement. Malheureusement, il n'y a pas de recette magique, hein, quant à la médication, tant chez les petits que chez les grands. Il y a une complexité des cas et des variabilités, selon l'âge, le sexe, le tempérament qui devient la personnalité, le contexte de vie peut changer.

À la diapo suivante, je pose la question suivante : Est-ce qu'on attend que l'enfant soit plus mature ou est-ce qu'on peut déjà agir tôt en prévention? Je le répète : Lorsque le diagnostic qui est mis, souvent à l'âge scolaire, hé bien, à rebours, on se rend compte que des traits étaient présents à la petite enfance. Ces traits-là sont souvent associés à des difficultés sur le plan des fonctions exécutives, notamment la mémoire de travail, l'audition, la flexibilité cognitive. Je vais vous donner des exemples dans les prochaines minutes. On connaît déjà les outils en prévention. Donc, d'agir en amont, à des fenêtres de temps, hein, des fenêtres d'opportunité du développement du cerveau qu'on a vues en début de présentation, sont très claires et où est-ce qu'elles sont... dans un contexte de présence de symptômes, soit de doute ou de diagnostic d'un déficit d'attention avec hyperactivité chez nos tout-petits.

• (11 h 40) •

Concrètement, qu'est-ce qu'on peut faire? Au niveau des stratégies, toujours en ramenant le jeu au coeur de nos activités, hein, parce que c'est le mobile et le canal de développement chez les enfants, puis d'apprentissage. Ce qu'on va travailler chez nos tout-petits, c'est la même chose qu'on va travailler chez nos plus vieux à l'âge scolaire : les habiletés de communication, développement de leur confiance en soi, capacité à se faire des amis, entrer en relation, persévérer, avoir le goût d'apprendre, bref, offrir une expérience qui est positive.

Nos recommandations, concrètement, sont en trois axes. D'abord et avant tout, continuer de former les enseignants puis les intervenants. Concrètement, ce qu'on veut dire... faire une formation, c'est d'assurer une continuité entre la garderie et l'école au niveau de la sensibilité, au niveau du soutien des jeunes dans leur ensemble et particulièrement ceux qui sont en contexte de dépistage ou de diagnostic de TDAH. Faire attention aux plus jeunes, qui, sans même avoir un TDAH, peuvent avoir une maturité affective plus marquée que les autres et amener des symptômes qui sont similaires à ceux du déficit d'attention et hyperactivité.

On se rend compte que, parmi les outils, toutes les techniques de relaxation, de retour au calme, savoir s'arrêter, pour tous les enfants, c'est bénéfique, et c'est d'autant plus marqué chez les jeunes qui ont un TDAH. La littérature, elle demeure mince, sauf qu'on a beaucoup espoir d'avoir des alternatives qui sont externes, notamment en passant par l'activité physique aussi pour un bien-être global chez les enfants, particulièrement ceux qui ont un déficit d'attention et hyperactivité.

Notre deuxième axe de recommandation, c'est de communiquer à grande échelle des lignes directrices, qui sont très claires...

Le Président (M. Provençal)  : Mme Woods...

Mme Woods (Geneviève) : ...et d'agir tôt.

Le Président (M. Provençal)  : Mme Woods, votre temps est écoulé. On va passer à la période d'échange. Merci beaucoup. Nous allons maintenant commencer la période d'échange. Mme la députée d'Abitibi-Ouest, s'il vous plaît.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci, M. le Président. Mme Woods, merci pour la présentation. Est-ce que vous m'entendez bien?

Mme Woods (Geneviève) : Oui, bonjour.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Bonjour. Alors, on parle de TDAH, on sait qu'il y a eu, depuis 20 ans, une augmentation énorme diagnostiquée au niveau du TDAH. Est-ce que, selon vous, il y a des facteurs de société, des irritants, l'alimentation... tout ça mis ensemble fait que nos enfants... on va au plus court, on va voir le médecin, l'enfant est agité, et on donne une médication. Selon moi... Avez-vous une solution?

Mme Woods (Geneviève) : Je vois que votre question, elle est double. Dans un premier temps, vous vous questionnez à l'égard des questions de société. Vous vous questionnez aussi à l'égard de : Est-ce qu'il y a quelque chose qui a changé depuis 20 ans qui fait qu'on a plus de cas?

Donc, dans un premier temps, effectivement, on a une plus grande prévalence, on a une plus grande incidence. Et puis on a aussi une meilleure connaissance, donc on plus d'outils, hein, pour mieux comprendre les enjeux qui sont liés avec un diagnostic de déficit d'attention avec hyperactivité. Donc, il y a comme une roue logique qui se crée qu'on comprend mieux, on est mieux outillé, donc on est capable de dire : Bon, bien, il y a peut-être plus de cas, O.K., alors que ces cas-là ont peut-être été plus présents, même dans le passé, c'est juste qu'on était moins outillé pour comprendre, donc on... moins bien, dans un premier temps.

D'autre part, à votre réflexion, est-ce qu'il y a des enjeux de la société, vous avez même nommé des irritants, hein, peut-être l'alimentation, etc. Bien, c'est sûr qu'il y a des enjeux qu'on dit environnementaux qui peuvent interférer avec l'apparition et surtout l'exacerbation des symptômes. Donc, ce que je veux dire concrètement, c'est qu'on sait très bien que, par exemple, un enfant qui est issu d'une famille où est-ce qu'il y a un cadre chaleureux affectif, où est-ce qu'il y a réponse aux besoins dès les premiers instants de vie, même dès les premiers instants de la conception, de quel milieu est issue la maman, son statut socioéconomique, déjà là, on peut avoir une interaction... environnement, c'est-à-dire savoir un petit peu si l'enfant, il va être protégé ou plus à risque d'être dans cet environnement-là et être à risque de développer, à plus ou moins grande intensité, des symptômes de TDAH.

Donc, on connaît que, par exemple, s'il y a un enfant à naître, papa et/ou maman a un diagnostic de déficit d'attention avec hyperactivité, les traits que cet enfant-là a, les chances sont plus élevées que cet enfant-là ait aussi un diagnostic ou, du moins, des traits. Selon l'environnement dans lequel il va être, est-ce qu'il va être protégé ou est-ce qu'encore il va arriver des situations de vie qui peuvent faire naître ces symptômes-là ou encore les exacerber? Bien sûr.

C'est sûr qu'il y a des enjeux environnementaux puis des questions, vous nommez l'alimentation, on parle beaucoup des écrans dans les derniers mois, les dernières années, parce qu'on est très, très préoccupés chez tous les enfants au niveau du développement du cerveau à l'usage des écrans. Et, en contexte de TDAH, il y a des spécialistes auxquels il est intéressant de se pencher sur leurs ouvrages, qui se demandent même est-ce que parfois il peut y avoir des faux cas de TDAH qui sont créés dû à une surutilisation des écrans. Alors, nous, particulièrement dans un contexte de développement du cerveau chez les tout-petits, on y va avec parcimonie, parce qu'effectivement on voit des liens, notamment avec l'impulsivité puis le développement des fonctions cognitives chez les enfants.

Une voix : Merci beaucoup, je laisse la parole à ma collègue.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la députée de Soulanges. À vous la parole.

Mme Picard : Bonjour, j'espère que vous m'entendez bien aussi. Moi, c'est un sujet qui me touche particulièrement, parce qu'on a un enfant à la maison que, à la garderie, il était turbulent, on disait que... Il changeait souvent de garderie, il n'était vraiment pas comme les autres, puis là, plus les temps ont avancé, plus les gens nous disaient d'aller le faire diagnostiquer, que ça n'avait pas de bon sens, et tout, et tout. Arrivé à l'école, il a commencé à avoir des difficultés, puis on s'est aperçu, justement, qu'il avait bel et bien un TDA, pas un TDAH. Mais, à la suite de ça, on s'est aperçu dans quel dédale du système on embarquait.

Et moi, je voudrais vous amener particulièrement sur ce... en fait, toute la trajectoire qu'on a avec une personne, avec un enfant qui a un TDAH. À partir du moment où la garderie, où les parents pensent, suspectent qu'il y a quelque chose de pas correct, je parle d'évaluation, je parle de thérapeute, dans notre programme Agir tôt. Je veux bien cibler tout qu'est-ce qu'on peut faire pour aider les parents, les enfants et les éducateurs. Donc, j'aimerais vous entendre vraiment sur cette trajectoire-là de diagnostic.

• (11 h 50) •

Mme Woods (Geneviève) : Merci pour votre témoignage et votre authenticité, là, c'est très touchant. Je suis perplexe et votre voix est celle de combien de milliers de parents. Vous avez nommé... pour reprendre vos mots, il y avait quelque chose de pas correct. Puis, pour moi, ça devient paradoxal avec votre enfant avec des forces, votre enfant chantonnait, votre enfant était dans le jeu, dans un contexte de trajectoire de prise en charge, je pense que, dès la constatation, les premières manifestations, hein, dans l'Agir tôt, c'est de reconnaître les forces et les intérêts de ces enfants à grandir.

On est dans un contexte de société où les exigences sont très, très élevées. On parle beaucoup d'anxiété, hein, dans les manchettes dans les dernières semaines et dans les derniers mois, et tant mieux. Puis on se rend compte que l'anxiété amène aussi des symptômes d'inattention ou parfois peuvent mimer ou peuvent s'associer... puis chez les enfants qui ont un TDA particulièrement, souvent il y a une association, par ailleurs, bon, curieusement, avec l'anxiété.

Alors, dans la prise en charge, dans le continuum de soins, j'ai nommé les intérêts de l'enfant... dans les meilleures pratiques, toujours une approche qui est multidisciplinaire, donc, comment transmettre l'information en milieu de garde aux parents de manière à ce que le parent puisse ne pas agir seul en silo, mais en accompagnement avec d'autres acteurs. En petite enfance et à l'école, on se retrouve, et je me fais la voix aussi, ce matin, de nos chers intervenants, qui ont toute la bonne volonté, les bonnes intentions du monde et se retrouvent avec souvent, trop souvent en fait, le discours de dire: Bien, il n'y en a pas, d'outil, ou il n'y en a pas, de ressource, alors que les outils, en termes de lignes directrices, sont si clairs. Pourquoi est-ce qu'ils ne sont pas connus? Et, nous, notre réseau de la santé, là, il y en a, des ressources, hein, il y en a, dans la première ligne, des médecins, hein, c'est un processus, c'est un long processus à faire. C'est important de faire connaître que ce processus-là aussi, ça prend du temps, ça nécessite de prendre du temps pour le dépistage, l'évaluation, des semaines, voire des mois, pour bien comprendre, ne pas se tromper, tellement c'est complexe le TDAH. Et l'évaluation médicale ou finale par un médecin soit en première ligne, donc omnipraticiens, ou encore en deuxième, troisième ligne, au besoin, d'aller voir des spécialistes, toujours en combinaison avec une évaluation qui est clinique, donc psychologues, neuropsychologues, tout ce qu'on peut prendre pour étoffer la compréhension...

Et, à la lumière de ce qu'on aura recueilli comme information, eh bien là, on va être plus en mesure de comprendre comment fonctionne le cerveau de cet individu-là, de ce petit être, qu'il soit petit ou grand, et donc de prendre une approche qui est la plus personnalisée possible. Et c'est ça, la réussite au niveau des meilleures pratiques, la littérature, elle est très claire. Donc, je suis beaucoup dans le faire connaître. Est-ce que ça répond à votre question?

Mme Picard : Oui, bien oui. Merci beaucoup. Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Je redonne la parole à la députée d'Abitibi-Ouest.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Nous parlons souvent de TDAH comme un problème, comme un handicap, comme une maladie, mais ce n'est pas tout à fait le cas. Un enfant qui a un TDAH se sent très mal, trouve que ça va vite dans sa tête. Comment pouvons-nous canaliser toute cette énergie qui déborde de nos jeunes afin d'en faire une force et non une faiblesse? Et, vous savez, lorsqu'on donne certaines médications, on voit l'enfant qui devient très calme, qui devient amaigri, qui devient même triste, ses yeux sont tristes. Alors, que devons-nous faire?

Mme Woods (Geneviève) : Dans un premier temps, le diagnostic d'un trouble déficitaire d'attention avec ou sans hyperactivité est émis parce qu'il altère avec le fonctionnement global de l'individu. O.K.? Les symptômes sont persistants, ils ne sont pas expliqués par autre condition physique ou d'ordre mental ou contextuel. Donc, c'est une condition qui est neurodéveloppementale. Donc, il ne faut pas minimiser qu'il s'agit d'un trouble, O.K., qui se retrouve dans plus qu'une sphère de développement. Donc, l'enfant a des difficultés à savourer la vie, à apprendre en contexte social, parce que son cerveau est tellement en pleine ébullition, beaucoup plus que les autres, qu'il fait des crises, par exemple, de colère, puis il n'est pas capable d'entrer en contact avec les autres ou les autres ont peur de lui parce qu'ils pensent que c'est un méchant. Mais ce n'est pas parce que c'est un méchant, c'est parce qu'il n'est pas capable de reconnaître ses propres émotions puis de s'arrêter, alors qu'un enfant qui n'aura pas de déficit d'attention avec hyperactivité, il va être capable de le faire parce que son cerveau lui permet d'avoir ces outils-là. Alors, on dit que c'est incapacitant de par cet exemple-là, mais plein d'autres exemples, ça va être à l'épicerie, ça va être chez grand-maman, ça va être à l'école. O.K. Donc, ça, c'est important de bien comprendre qu'un diagnostic qui est émis, c'est parce qu'il y a une altération du fonctionnement dans plus que deux sphères de vie du jeune.

Ceci étant dit, vous faites référence au fait que, bon, ça peut être perçu négativement, une maladie, et puis vous faites référence évidemment à l'usage thérapeutique, l'usage pharmacologique, en fait, qui peut changer l'enfant. Bien sûr, la médication, puis j'ai nommé dans la présentation, demeure la première ligne de traitement, et puis, idéalement, elle est employée en combinaison avec une approche qui est psychosociale, parce que la médication, puis je vais laisser mes collègues dans le monde médical parler un peu plus tard, la médication va venir altérer le fonctionnement chimique du cerveau, sauf qu'il ne va pas travailler tout seul. C'est comme si je vous dis : Bien, prenez une pilule, vous êtes toujours en retard le matin, la pilule ne va pas mettre le cadran à votre place pour vous lever plus tôt. Ça prend un peu d'aide autour pour commencer à se pratiquer et à faire le geste de mettre l'heure plus tôt du cadran. O.K.? Ce n'est pas magique.

Quant à votre préoccupation des enfants qui vont être amaigris, effectivement, l'usage des psychostimulants parfois est reconnu pour couper la faim. De là l'importance d'avoir une approche multidisciplinaire. Quand il y a un diagnostic qui a été émis, ce n'est pas juste : Bien, ah! diagnostic de TDAH, vas-y mon loup, tu as un TDAH, on va te donner une médication, puis on va te donner plus de temps pour tes examens ou quoi que ce soit à l'école. Non, non, c'est important d'avoir un suivi qui est continu dans les prochaines semaines, les prochains mois, qui seront déterminants pour trouver, toi, c'est quoi, ta fenêtre de confort optimal au niveau de ta prise en charge, dans un premier temps.

Puis, pour les jeunes, puis les adultes, même, qui prennent une médication, moi, de manière vulgarisée, ce que je leur dis, c'est : Tu ne devrais pas te sentir différent, de prendre une médication. La médication est là pour t'aider à ouvrir les fenêtres de ta maison, qui est renfermée depuis super longtemps, puis ça va arrêter ta petite patte qui va trembler tout le temps. Ça va arrêter ton cerveau, qui est comme une machine à popcorn à tout moment, mais ça va te permettre d'être toi-même. Donc, si ça altère la personnalité que tu es, on se pose des questions. Tout de suite, c'est important d'avoir le contact avec l'équipe médicale qui te suit. La même chose, si les effets secondaires se maintiennent au point d'altérer ton poids, bien, c'est de là qu'il est aussi pertinent d'avoir ton équipe médicale qui te suit pour ne pas qu'il y ait des effets autres qui se maintiennent dans le temps qui soient négatifs et risqués.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci beaucoup. Ma dernière question, c'est : Quels sont les accommodements mis en place dans les écoles afin d'aider les jeunes atteints de TDAH?

Le Président (M. Provençal)  : 30 secondes pour répondre.

Mme Woods (Geneviève) : C'est une bonne question. Alors, c'est très variable d'une école à l'autre et même d'une garderie à l'autre. On va proposer, selon le cas, des écouteurs pour bloquer le son, parfois, on va isoler les enfants, malheureusement, du temps de plus pour faire les travaux. Donc, il y a une panoplie d'outils, mais, de plus en plus, et puis mes collègues, par exemple, de la Clinique FOCUS ont des super trousses, je pense, qui gagneraient à être mieux connues pour les accommodements à être introduits dans le milieu scolaire.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Fabre.

Mme Sauvé : Merci beaucoup, M. le Président. Mme Woods, c'est un plaisir de vous entendre. D'entrée de jeu, je voulais aussi dire que j'ai été sensible au témoignage de ma collègue, qui est une maman, donc je voulais lui dire ma sensibilité par rapport à sa situation, sa réalité.

M. le Président, j'ai beaucoup de questions, alors je vais essayer d'être concise, malgré tout, pour le temps que j'ai. J'ai une préoccupation liée à l'étape entre... puis je vais parler des plus jeunes, des enfants d'âge scolaire... J'ai une préoccupation importante par rapport à ce que peuvent vivre, justement, les parents entre l'évaluation, parce qu'on ne parle pas de diagnostic par les enseignants, on parle d'évaluation, d'observation, et le diagnostic qui vient ou qui ne vient pas, et, s'il vient, par le médecin, le neuropsychologue ou le psychologue, il vient avec, souvent, un grand délai, parce que, bon, évidemment ce n'est pas... l'accès n'est pas toujours facile.

Alors, moi, je me préoccupe beaucoup de la réalité, M. le Président, par rapport à ce que peut vivre le parent entre l'observation, qui, parfois, malgré la bonne volonté de l'enseignant, peut-être parce qu'il manque de formation, peut-être parce qu'il est dans ce qu'on appelle, en psychologie, une généralisation hâtive, il va conclure que, probablement, les comportements de l'enfant sont liés à un TDAH. Alors, le diagnostic n'est pas encore posé de façon médicale, mais tout ce temps-là d'attente entre l'observation et le diagnostic, bien, le parent se retrouve un peu dans un «no man's land» — excusez l'expression anglaise, mais... — et se retrouve dans une situation où, finalement, le regard est déjà porté par rapport à l'enfant, alors que, finalement, bien, on est dans une, peut-être, une interprétation, peut-être dans une surévaluation, et donc le diagnostic de TDAH n'arrivera pas.

Alors, je me préoccupe beaucoup de cette réalité-là, que dénoncent beaucoup, beaucoup de parents. Alors, je voulais entendre Mme Woods là-dessus.

• (12 heures) •

Mme Woods (Geneviève) : Merci pour votre partage. Je partage personnellement et professionnellement votre préoccupation. Je la vis, je la côtoie, et ma vision, tant personnelle que professionnelle, hein, je suis maman aussi d'un coco qui vient d'entrer à la l'école, qui a cinq ans, et j'assiste à tous les défis des parents qui impliquent une transition vers l'école, mais aussi ceux qui ont des manifestations en trouble de déficit d'attention avec ou sans hyperactivité, alors je suis aussi sensible de les accompagner là-dedans.

Parce qu'effectivement c'est une réalité, que le temps est une denrée rare, par contre, une nécessité pour, justement, prendre le temps de bien observer, de bien comprendre le tableau, d'impliquer différents professionnels à différents égards pour vraiment avoir un tableau qui est le plus précis possible, le plus proche de la réalité. Puis ce que vous nommez, hein, pendant ce temps-là, bien, l'enfant, bien, comment lui se sent, comment est-il valorisé pas ses pairs, comment est-ce que les parents arrivent à gérer un peu tout ça puis surmonter les défis qui sont associés au comportement de leurs enfants ou aux défis...

Dans le processus de dépistage, hein, que vous nommez, de la peur des enseignants, d'évaluations tant médicales que professionnelles, cliniques, je pense que c'est vraiment important d'outiller les parents. Notamment, on... Bon, il y a la psychoéducation, hein, qui est une approche psychosociale qui est de plus en plus incluse dans la prise en charge du TDAH, et on se rend compte qu'assez rapidement ça donne des outils tant aux parents qu'aux enfants. Donc, ça donne aussi l'impression, hein, dans la perception, aux parents, de se sentir en pouvoir, de contrôler certains aspects de leur relation avec leur enfant, mais aussi, dans leurs interventions, d'être plus efficaces. Donc, vous nommez, parfois, au niveau des enseignants, on pourrait peut-être avoir une meilleure compréhension de la situation, avoir plus d'outils, bien, c'est aussi vrai pour les parents. Puis je pense que c'est important de ne pas sous-estimer la consultation et/ou l'intégration d'un professionnel, tu sais, en psychoéducation pendant tout ce processus de prise en charge là pour l'évaluation puis le dépistage, qui est fixé, ce professionnel-là, qui sera dans ce processus-là d'évaluation. Pourrait-il continuer après l'émission ou non du diagnostic... mais aura un portrait clair de la réalité de partout, des acteurs qui auront regardé, observé, bien compris l'état de la situation, pourra continuer, après, avec l'enfant puis la famille, pour cibler ses interventions puis continuer dans l'efficacité, au profit du bien-être, là, de la famille et puis de leur enfant.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la députée.

Mme Sauvé : Merci, M. le Président. Merci pour votre réponse. Vous avez nommé, puis il y a plusieurs, entre autres, le portrait et l'analyse de l'INESSS, mais beaucoup d'autres documentations mentionnent effectivement que de jumeler la médication avec l'intervention psychosociale, ça augmente, bien sûr, l'accompagnement qui est gagnant pour l'enfant qui a le TDAH.

Il y a très peu d'études par rapport à l'intervention psychosociale seule, sans être jumelée à la médication. Est-ce que vous jugez que ce serait une alternative qui mériterait d'être poussée, autant pour le développement des compétences sociales, pour, aussi, l'adaptation au parcours scolaire? Est-ce que vous jugez que cette alternative de l'intervention psychosociale prise à part mériterait d'être davantage documentée, que la recherche devrait s'y intéresser davantage?

Mme Woods (Geneviève) : Merci pour votre question. Alors, il est certain qu'on connaît les bienfaits des approches psychosociales. Oui, vous nommez que la littérature, elle est mince, notamment en ce qui a trait spécifiquement au TDAH et au développement des fonctions exécutives, notamment quand on parlait de développement des compétences sociales, compétences émotionnelles, bon, ça fait partie d'un tout, au niveau des fonctions exécutives à développer. Et puis la littérature est mince. Puis je pense que, oui, c'est pertinent de s'y attarder, sauf...

La littérature qu'on a est tellement claire sur la combinaison, dans un cas de TDAH sévère, la combinaison avec la médication et l'approche psychosociale, c'est vraiment ça qui bonifie. Aux États-Unis, tu sais, les études du MTA, à Montréal, ici... qui travaille aussi dans différentes tranches d'âge... on se rend compte que c'est vraiment une combinaison qui est gagnante.

Alors, moi, je me retrouve, sur le plan éthique, un petit peu mal à l'aise de dire: Bien, on devrait accorder plus de temps à uniquement se plonger sur une alternative psychosociale, alors que peut-être que ça serait au risque... ou ça augmenterait les risques chez un enfant qui en a réellement besoin, de la médication. Donc, il demeure que c'est vraiment important, je pense, d'y aller cas par cas, de là l'exploration qui est multidisciplinaire, pour avoir une vision éclairée.

Parce qu'effectivement ce n'est pas tous les... puis vous avez nommé les travaux de l'INESSS, puis il y en a d'autres aussi, que ce n'est pas tous les cas de TDAH qui nécessitent une médication, il y en a qui vont faire le choix, de manière éclairée, de ne pas prendre de médicaments. Il y a même des centres hospitaliers de la grande région de Montréal, près de nous, qui décident, de manière consensuelle, d'essayer sans médication un certain temps, puis de voir comment ça se passe, et d'essayer avec une médication un certain temps, voir comment ça se passe, et, après ça, de faire un choix éclairé, est-ce qu'on la prend, est-ce qu'on ne la prend pas.

Donc, le cas par cas est d'autant plus justifié dans ce contexte de TDAH et gagnerait, je pense, à être davantage exploré plutôt que d'essayer d'explorer chacune des alternatives en silo.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la députée.

Mme Sauvé : Merci, M. le Président. Je vais poursuivre un peu dans ce que vous venez de dire par rapport à l'intervention psychosociale, et je vous entends bien. À défaut de développer — puis l'intention, ce n'est pas de documenter ou de faire de la recherche, seulement mettre de côté la notion de la médication, mais c'est d'explorer un peu plus cette alternative-là, simplement — est-ce que vous ne pensez pas que, dans le développement des compétences sociales, dans les différents aspects qui pourraient être inclus dans une approche psychosociale, on ne doit pas mieux outiller les parents? Parce que je sais que les enseignants sont formés, pourraient être mieux formés, mais ils ont des outils à leur disposition. Est-ce que les outils sont suffisamment disponibles pour les parents?

Mme Woods (Geneviève) : ...la question, en fait, est-ce qu'ils sont suffisamment disponibles, j'oserais dire qu'ils pourraient l'être davantage. Il y en a, des outils, pour les parents, il y a des programmes au Québec, si on prend l'exemple de Brindami, sur le développement des habiletés sociales, dont nous sommes diffuseur, où est-ce que c'est une modalité... c'est multimodal, comme programme, donc l'éducatrice en milieu de garde fait l'animation, l'intervention auprès de l'enfant, ensuite de ça, il y a une modalité pour les parents, puis on... Brindami et d'autres programmes de développement des habiletés sociales démontrent leur efficacité quand il y a l'implication des parents. Donc, il y en a, des programmes, qui sont déjà disponibles à cet effet-là, qui gagneraient à être mieux connus et à être utilisés dans leur ensemble.

L'enjeu, et pour être sur le terrain toutes les semaines à accompagner et à soutenir ces intervenants-là au développement des habiletés sociales chez les enfants, dès qu'ils commencent à se sentir parfois sous la pression, ça devient un inhibiteur, donc ça arrête un peu l'élan puis la motivation à essayer de faire le travail. Donc, ce qu'on leur dit, c'est : Prenez le matériel qui est à votre disposition puis assurez une continuité de l'information auprès des parents, mais prenez ce qui fonctionne, parce que souvent ça crée des déceptions, puis les éducatrices puis les professeurs voudraient avoir plus d'effet auprès des parents, puis de la réponse, bien, ils n'en ont pas de la part des parents, donc...

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Donc, je vais être obligé de vous interrompre pour céder la parole au député de Jean-Lesage, qui est le responsable du deuxième groupe d'opposition. M. le député.

• (12 h 10) •

M. Zanetti : Merci, M. le Président. Merci beaucoup, Mme Woods, pour votre présentation. Selon vous, quelle est la cause du TDAH?

Mme Woods (Geneviève) : Selon moi? C'est une bonne question. Écoutez, je vais me fier à la littérature, hein, pour répondre le plus adéquatement possible à votre question. Je l'ai évoqué, un peu plus tôt en présentation, il y a des marqueurs génétiques et des marqueurs environnementaux qui sont très clairs.

Donc, sur le plan génétique, notamment, on a des allèles dans l'ADN à certains endroits qui auraient une différence. Ensuite de ça, il y aurait des débalancements, peut-être, hormonaux, notamment au niveau des systèmes de... hein, la fameuse drogue du plaisir. Il y aurait des différences au niveau de la structure du cerveau quant au volume de la partie frontale.

Est-ce que c'est expliqué par ce qu'on mange? Est-ce que c'est expliqué par l'usage des écrans qu'on fait? Est-ce que c'est expliqué par une molécule dans l'air qu'on respire qu'on ne connaît pas encore?

Donc, il y a beaucoup de questionnements, toujours, à savoir d'où ça vient, le TDAH. Il y a toujours des études qui sont en cours, puis malheureusement on n'a pas mis le doigt encore... quand je dis «on», là, tous mes collègues de ce monde, chercheurs qui passent leur vie à essayer de se questionner, bien, justement, ça vient d'où puis c'est expliqué par quoi, on se rend compte, dans l'ensemble, que c'est multifactoriel.

Puis je pense que ça serait tellement génial, hein, de trouver d'où ça vient pour pouvoir trouver peut-être la pilule magique. Mais, malheureusement, actuellement, c'est encore difficile.

M. Zanetti : Donc, dans les facteurs environnementaux, il y a l'usage des écrans. Il n'y a que des hypothèses, là, si je comprends bien. Mettons, il y aurait peut-être l'usage des écrans, peut-être l'alimentation.

Est-ce qu'il a d'autres facteurs, mettons, psychologiques dans, je ne sais pas, la famille ou l'environnement social qui peuvent... qui sont considérés comme des hypothèses dans la littérature scientifique?

Mme Woods (Geneviève) : Donc, ce qui est clair, au niveau de la littérature scientifique, c'est, par exemple, in utero, la nicotine, lors de la grossesse, va augmenter les chances de symptômes d'hyperactivité de l'enfant à naître, les complications lors de la grossesse, par exemple, un manque d'oxygène ou l'utilisation de certaines interventions médicales... sont liés à, hein, donc ce n'est jamais de cause à effet, mais il y a un plus grand niveau de risque à l'apparition des symptômes plus tard dans la vie de l'enfant, avec ou sans composante génétique.

Bien sûr, s'il y a la présence de TDAH dans la famille, donc, premier niveau, donc, au moins un parent, bien, ça augmente les traits d'irritabilité chez l'enfant à naître aussi.

Au niveau social, ce qui est très clair aussi, c'est d'être issu d'une famille de milieu défavorisé...

Le Président (M. Provençal)  : Mme Woods, je suis obligé de vous interrompre encore une fois parce que je suis le gardien du temps. Alors, je cède maintenant la parole au député de Jonquière, du troisième groupe d'opposition.

M. Gaudreault : Oui. Merci beaucoup, Mme Woods. Je vous souhaite bonne chance pour l'accouchement à venir.

Mme Woods (Geneviève) : ...

M. Gaudreault : Maintenant, moi, je veux savoir... Quelle explication vous donnez quant aux différences marquées dans la prévalence au Québec versus le reste du Canada? Il y avait quand même des chiffres assez impressionnants là-dessus qui avaient été, entre autres... sur lesquels le groupe de pédiatres a mis un focus, là, très important en début d'année.

Moi, je comprends, là, les raisons que vous nous donnez, ou les causes, là, plutôt, du TDAH, les gènes, l'environnement. Je suis très, très préoccupé, entre autres, par les revenus familiaux, qui sont différents. Mais, quand même, quand on voit les chiffres, si on prend les six... non, chez les 13 à 17 ans, là, au Québec, on est plus que le double de la moyenne canadienne. Je veux dire, on n'est pas un pays beaucoup plus pauvre que le reste du Canada, là. Donc, ce n'est pas juste la question des revenus familiaux. Bon. Alors, avez-vous une explication pour ça?

Mme Woods (Geneviève) : Merci pour votre question, M. Gaudreault. En fait, ce sont des réflexions, des hypothèses de... Pour être dans le réseau du TDAH depuis maintenant plus de 10 ans, les experts, même en termes de ratios dans le Canada, sont très concentrés au Québec. Donc, ça fait aussi du sens que... il y a plus d'experts, il y a peut-être plus une meilleure connaissance, donc un plus grand intérêt. Ils accordent plus d'attention, pour ne pas faire de jeu de mots, mais il y a une réalité qu'il y a un très gros bassin d'experts hyperqualifiés au Québec, si on compare aux autres provinces canadiennes. Donc, dans un premier temps, je pense qu'il peut y avoir un effet. Est-ce qu'il peut y avoir un effet de l'industrie aussi qui voit ça comme une opportunité aussi, qui peut créer un biais? Autre hypothèse.

En termes de facteurs socioéconomiques, votre réflexion, je la partage également, hein, il y a des réalités similaires dans les autres provinces. Donc, pour moi, ce n'est peut-être pas suffisant pour expliquer cette prévalence élevée. Donc, j'abonderais plus dans le sens de la connaissance et de la popularité du diagnostic, à un moment donné, qui a été comme un effet de société, où est-ce qu'on gagnerait en prévention à venir adoucir, à calmer cet intérêt-là par une meilleure connaissance de ce que c'est et que c'est un trouble à ne pas minimiser. Ce n'est pas... mode, là.

Le Président (M. Provençal)  : Mme Woods, je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je vais devoir suspendre les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place. Merci énormément.

(Suspension de la séance à 12 h 17)

(Reprise à 12 h 18)

Le Président (M. Provençal)  : Je souhaite maintenant la bienvenue à la représentante de la Chaire de l'Université du Québec à Chicoutimi, cégep de Jonquière, sur les conditions de vie, la santé, l'adaptation et les aspirations des jeunes. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter puis à commencer.

Chaire UQAC-Cégep de Jonquière sur les conditions de vie, la santé,
l'adaptation et les aspirations des jeunes (VISAJ)

Mme Brault (Marie-Christine) : Bonjour. Je m'appelle Marie-Christine Brault. Je suis professeure de sociologie à l'Université du Québec à Chicoutimi et cotitulaire, donc, de la chaire VISAJ sur les conditions de vie, la santé, l'adaptation et les aspirations des jeunes.

Donc, chers élus, membres de la Commission de la santé et des services sociaux, je tiens à vous remercier sincèrement de vous préoccuper de la situation de l'accroissement de la commission de psychostimulants chez les jeunes Québécois. Je vous remercie aussi de m'avoir invitée aujourd'hui à présenter mon point de vue sur le problème. Comme vous le savez, j'ai déposé un mémoire. Donc, ici, je vais prendre le temps qui m'est accordé pour vous parler des éléments centraux, qui incluent le problème tel que je le conçois, des constats tirés d'une recherche que je mène actuellement puis quelques pistes de réflexion pour guider les actions qui suivront.

D'abord, vous avez raison d'affirmer que l'augmentation de la consommation de psychostimulants associés au diagnostic de TDAH pose problème. La consommation de psychostimulants n'est pas sans conséquence pour les jeunes, car plusieurs effets secondaires y sont associés, par exemple: de l'insomnie, de la perte d'appétit, perte de poids, irritabilité, etc. Alors, il faut, à tout prix, s'assurer que seuls ceux qui en ont vraiment besoin y recourent.

Par contre, je ne voudrais pas que l'énoncé du problème s'arrête là, car le vrai problème est le diagnostic médical qui justifie que l'on ait recours à ces médicaments. Donc, le vrai problème est plutôt l'accroissement du nombre d'enfants et de jeunes qui reçoivent un diagnostic de TDAH et, je précise, en fait, qui reçoivent ce diagnostic-là pour les mauvaises raisons.

• (12 h 20) •

Donc, ce sont des jeunes qui reçoivent le diagnostic mais qui ne devraient pas le recevoir, soit parce qu'ils ont un autre trouble qui prendra plus de temps à être identifié, parce qu'ils vivent des épreuves individuelles qui se traduisent par des comportements qui ressemblent aux symptômes du TDAH, parce que leur niveau de maturité n'est pas au même niveau que celui des autres enfants, parce qu'ils ne cadrent pas dans les normes sociales attendues, etc.

Il est difficile d'évaluer le nombre de mauvais diagnostics qui sont associés au TDAH, parce que poser le diagnostic reste un processus qui est très subjectif. La tâche est d'autant plus complexe qu'il n'y a ni test sanguin ni test biologique qui confirme le diagnostic de TDAH, ce qui ouvre davantage la porte aux mauvais diagnostics. C'est l'évaluation clinique des comportements et des conséquences qu'ils ont qui détermine la présence du diagnostic, puis on sait que les pratiques en ce sens sont très hétérogènes.

Les comportements d'hyperactivité, d'impulsivité et d'inattention sont communs chez les enfants, mais leur intensité et leur fréquence sont variables. À prime abord, la présence de ces comportements chez les enfants n'est pas pathologique, même chez ceux qui démontrent une activité plus forte que la moyenne, il ne s'agit que de différences individuelles. D'un point de vue sociologique, c'est le contexte social et normatif qui transforme ces comportements en maladie et qui les désigne sous un registre de diagnostic pathologique.

Le processus qui mène au diagnostic implique, dans le cas du TDAH, des normes sociales qu'il nous faut comprendre. Qu'est-ce qui est de l'hyperactivité, de l'inattention normales? De l'hyperactivité, de l'inattention pathologiques? Les enfants qui transgressent ces normes ont-ils des caractéristiques particulières? Il semble que oui, parce que ce sont principalement les garçons, les jeunes issus d'un milieu défavorisé et les jeunes qui sont les plus jeunes de leur classe qui sont davantage identifiés TDAH. On peut aussi se questionner sur qui juge la transgression comme déviante, dans quel contexte aussi c'est fait puis comment s'effectue le processus diagnostic.

Le processus qui mène au diagnostic de TDAH est complexe, mais fait toujours appel au jugement d'un adulte ou d'un groupe d'adultes à l'égard d'un enfant. Ces adultes, qu'ils soient un parent, un enseignant, éducateur, intervenant, peu importe, identifie des comportements qui posent problème puis apposent l'étiquette hyperactif, inattentif, TDAH, qui devient, par la suite, un diagnostic quand il est validé officiellement par un professionnel de la santé.

Il y a certains éléments, néanmoins, qui permettent de faire l'hypothèse d'un nombre trop élevé de diagnostics chez certaines sous-populations. D'abord, quand on constate qu'il y a un accroissement de la prévalence ainsi que des distributions inégales de prévalences basées sur le territoire, on peut se poser des questions. Par exemple, on sait que la prévalence de la consommation de psychostimulants est plus élevée au Québec qu'ailleurs dans le Canada. On sait aussi qu'à l'intérieur du Québec, il y a des différences entre les régions. Entre autres, la région de Montréal a des taux très faibles, en deçà de la moyenne québécoise, alors que la région où j'habite, le Saguenay—Lac-Saint-Jean, figure parmi les régions québécoises où il y a le plus de diagnostics de TDAH.

Et, même à l'intérieur d'un même territoire, donc au Saguenay—Lac-Saint-Jean, on constate des différences entre les différentes villes au sein de notre territoire. Par exemple, la ville de La Baie a des taux moindres que la moyenne québécoise, alors que Jonquière et d'autres villes au Lac-Saint-Jean ont des taux plus élevés. Donc, on peut se questionner à savoir qu'est-ce qui se passe. Pour l'instant, les facteurs sont encore méconnus.

Une autre manière de se rendre compte qu'il y a des mauvais diagnostics, c'est de s'intéresser à la probabilité d'avoir un diagnostic de TDAH selon le mois de naissance, comparé à la date d'entrée à l'école. Au Québec, puis ces études-là, sont prouvées, en fait, sont... ces constats-là sont faits partout dans le monde. Au Québec, on constate que les plus jeunes, ceux qui sont nés entre les mois de juillet et septembre, ont 1,5 fois plus de chances d'avoir un diagnostic de TDAH et de consommer des psychostimulants, comparé aux élèves qui sont nés entre octobre et décembre et qui sont les plus vieux de la classe. Donc, il y a des questions à se poser puis il faut savoir si on donne des pilules pour contrer l'immaturité développementale.

Ça fait longtemps que les études parlent du rôle de l'école dans le phénomène du TDAH. Par contre, peu l'ont documenté, et aucune étude québécoise ne s'était penchée sur le sujet avant la mienne. Depuis 2017, je collecte des données au Québec et en Flandres, en Belgique, auprès des écoles et des acteurs scolaires, pour mieux comprendre le rôle du milieu scolaire dans l'étiquetage des élèves sous la catégorie TDAH. J'ai bien expliqué l'étude dans le mémoire que j'ai déposé, je vais reprendre ici des constats qui me paraissent les plus importants.

Donc, mon premier constat, c'est de confirmer que l'école, en tant qu'institution, contribue au problème de l'accroissement de consommation de psychostimulants pour le TDAH et contribue aussi à l'augmentation du nombre de diagnostics. Puis cela s'effectue de plusieurs manières, entre autres, les difficultés scolaires, peu importe qu'elles soient retard scolaire, faibles notes ou ne pas atteindre son plein potentiel, constitue souvent un déclencheur du processus diagnostique. C'est le cas au Québec, mais pas en Belgique. Je tiens à préciser aussi qu'il y a des énormes différences dans les taux de prévalence. En Belgique, le TDAH est presque inexistant dans mon échantillon, alors qu'au Québec il est de 17,5 %.

Les enseignantes québécoises, bien, belges aussi, là, mais les enseignantes québécoises participent, puis quand je dis «enseignantes», c'est parce que c'est principalement des femmes, c'était au primaire, donc je l'utilise à titre épicène. Donc les enseignantes participent à plusieurs étapes du processus diagnostique. Certaines étapes relèvent de leurs champs de compétence, par exemple faire des observations, identifier des comportements qui posent problème, mettre en place des stratégies dans la classe. Par contre, il y en a d'autres, tâches, qui ne relèvent pas de leurs fonctions, par exemple de discuter de l'avantage des médicaments avec les parents ou suggérer, même, le diagnostic aux parents.

Les enseignantes, par contre, le font dans un but de bienveillance. Ils aiment les enfants, ils veulent les aider et ils sont convaincus de faire ce qu'il faut pour le bien des enfants. Entre autres, on le constate... les enseignantes le savent, que c'est très long, avoir un diagnostic, c'est très long, avoir des services. Pour avoir des services, il faut souvent un diagnostic, alors leur objectif, c'est de contrer ce délai-là en essayant de dépister le plus tôt possible les problèmes chez les enfants. Mais ça fait en sorte qu'il y a peut-être des enfants qui reçoivent des diagnostics trop tôt pour ces raisons-là, parce que c'est important, pour les enseignants, qu'il n'y ait pas de retard ou qu'il n'y ait pas un écart qui se creuse entre les élèves et le restant de la classe, en ce qui a trait... en fait, par rapport aux apprentissages qui sont attendus pour leur âge et leur cheminement.

Le deuxième grand constat que je peux tirer de mes données, c'est le fait que le problème du TDAH n'est pas seulement créé par l'école. C'est plutôt un problème qui se situe à l'intersection de la sphère scolaire, médicale et familiale. J'ai interviewé aussi, en plus des enseignants, j'ai interviewé aussi des professionnels de la santé, puis ce qu'il ressort, c'est que les professionnels de la santé sont conscients de contribuer au problème de l'accroissement de la consommation de médicaments, mais il leur arrive de baisser les bras et de diagnostiquer et de prescrire quand même parce qu'ils trouvent que la pression des parents et de l'école est trop forte.

On peut aussi penser que les alternatives aux médicaments sont rares, coûteuses et peu disponibles.

Les pratiques parentales sont également très souvent montrées du doigt par l'école et les professionnels de la santé, puis il est évident que les pratiques parentales ont évolué puis elles ne sont plus ce qu'elles étaient, notamment en termes de respect de l'autorité, des attentes aussi qui sont faites à l'égard des enfants, de la discipline aussi. Donc, tout cela a évolué pour le meilleur et pour le pire, mais je pense qu'il ne faut pas... Oui, il me reste une minute. Je pense qu'il ne faut pas écarter cette option de la solution.

Bon, pour conclure, j'aimerais que vous considériez l'importance de décloisonner le problème, c'est-à-dire d'y réfléchir en incluant des acteurs de la santé, de l'éducation et de la famille. Il faut aussi renverser la vapeur en ce qui concerne la médicalisation des difficultés scolaires et, pour cela, il faut mieux circonscrire le rôle de l'école et des enseignants dans le problème, mettre moins l'accent sur les résultats scolaires dans le cheminement scolaire et mieux former les enseignants, mais aussi les directions d'école aux conséquences d'une médicalisation et surtout offrir un soutien adéquat en contexte d'inclusion scolaire. Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Merci pour votre exposé. Nous débutons les échanges avec la députée de Roberval?

Mme Guillemette : Bien, tu veux y aller?

Le Président (M. Provençal)  : Oui? Alors, le député de Dubuc.

M. Tremblay : Merci, M. le Président. Merci, bravo! Je tiens à le rappeler, vous êtes un modèle fort, unique au Québec au niveau mariage universitaire-collégial...

Mme Brault (Marie-Christine) : Oui. Merci.

M. Tremblay : ...puis votre travail est vraiment remarquable. Je le dis comme je le sens, on comprend qu'il fut un temps où l'apprenant, l'élève, dans sa classe, qui perturbait la norme pouvait se retrouver dans le coin ou...

Bon, la société a évolué, puis j'ose imaginer qu'à un moment donné il y a quelqu'un qui... puis vous évoquez, dans le mémoire, des symptômes, vous présentez des symptômes... donc un premier élève bougeait les mains, avaient certaines gestuelles qui perturbaient la norme dans la classe. Puis, à un moment donné, on a créé un échantillon à partir de plusieurs cas comme celui-là, et puis, finalement, il y a quelqu'un qui a callé une shot, à savoir qu'on a étiqueté ça comme étant un trouble, un TDAH. Et puis, finalement, il y a une médication, puis, bon, tout ce qu'on est train de comprendre à travers tout ça.

Maintenant, vous évoquez le fait qu'effectivement c'est plus large qu'une réalité de santé, que d'identifier un élève dans la classe puis dire : Toi, tu ne cadres pas sur la norme qui nous permet de fonctionner de façon efficiente, on te catégorise, on va te médicamenter, on va t'évaluer puis on te sort un peu du groupe, finalement, on te marginalise, ou peu importe. À l'heure actuelle, au Québec, en 2019, moi, je pense qu'effectivement c'est une réalité qui implique la famille, la santé, l'éducation. Est-ce que vous croyez qu'on est outillés? Est-ce qu'on est... est-ce qu'on fait fausse route, par rapport à tout ça, dans le fond, comme société québécoise? Comment vous le voyez?

• (12 h 30) •

Mme Brault (Marie-Christine) : Bien, je pense qu'à partir du moment où il y a autant d'enfants qui consomment des médicaments, je pense qu'on fait fausse route, puis ça concerne le TDAH, mais ça concerne aussi l'anxiété, plein d'autres troubles, là. La santé et le bien-être de nos enfants est en jeu, en ce moment, parce que je pense qu'il n'y a jamais eu des taux aussi élevés que ça de problèmes de détresse psychologique et d'autres problèmes de santé mentale chez les jeunes. Donc, oui, il se passe quelque chose, puis je ne pense pas que ce soient les médicaments qui règlent la question, parce que les médicaments, ça reste une solution individuelle, mais là on a un problème collectif, donc il faut trouver des solutions à d'autres niveaux.

M. Tremblay : J'aurais une autre question, M. le Président.

Le Président (M. Provençal)  : Allez-y, M. le député.

M. Tremblay : Dites-moi, et mon collègue de Jonquière, ma collègue de Roberval... Vous évoquiez une disparité entre La Baie, la communauté d'origine, et puis Jonquière, finalement, on est des voisins, comment on peut arriver à des réalités aussi différentes? Le premier réflexe qui me vient: Est-ce que c'est la réalité d'exposition industrielle ou, peu importe, comment on peut expliquer ça?

Mme Brault (Marie-Christine) : En fait, c'est encore nébuleux. Je vous dirais, les chiffres que je présente, c'est ceux de la santé publique, entre autres, du CIUSSS du Saguenay—Lac-Saint-Jean, et on se questionne encore, parce qu'habituellement il y a une corrélation avec le statut socioéconomique, mais là, dans les chiffres qu'on observe, il ne ressort pas nécessairement... ce n'est pas les communautés avec le plus faible niveau socioéconomique qui ressortent avec le plus de TDAH. En tout cas, la corrélation n'est pas parfaite, donc on a encore de la misère à s'expliquer ça. Mon étude, là, c'est des résultats préliminaires, je vais continuer de pousser mon analyse, mais il y a peut-être quelque chose aussi avec les services au niveau des commissions scolaires, peut-être, ou les services qui sont mis en place dans les écoles, parce que... en tout cas, je sais qu'il y a des cliniques dans la région, des cliniques TDAH qui sont peut-être plus présentes dans certaines parties du territoire, en fait, comparativement à d'autres. Donc, j'ai des collègues qui diraient qu'à La Baie ils sont peut-être sous-diagnostiqués, bon, peut-être, il faut voir. Mais ça reste qu'il y a des très grandes disparités entre les... bien, dans notre territoire, puis on ne s'explique pas encore les raisons tout à fait, donc on continue à chercher.

M. Tremblay : Merci. Merci d'être là.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la députée de Roberval.

Mme Guillemette : Merci. Donc, oui, merci d'être ici. On est très fiers de vous et de la chaire VISAJ. Donc, moi, dans Roberval, j'ai une pédiatre, Jessica Ricard, qui a développé un beau modèle, qui est très... en tout cas, jusqu'à maintenant, là, qui est très porteur, c'est un modèle collectif, elle rencontre les familles, les enfants, il y a une infirmière, une éducatrice spécialisée. En tout cas, c'est vraiment un beau modèle, là, pour chez nous.

J'aimerais vous entendre parler un peu du dépistage. Est-ce que ça peut être là aussi la différence des diagnostics? Parce qu'à certains égards on m'a dit qu'un dépistage pouvait prendre plusieurs heures, mais, des fois, on se rend compte que c'est vite fait dans le bureau du médecin. Donc, j'aimerais comprendre un peu, là, cette dynamique-là.

Mme Brault (Marie-Christine) : En effet. Bon, il faut dire que je ne me suis pas attardée à cet aspect-là dans mon étude, mais, de ce que j'ai lu dans la littérature, ce qu'on constate, c'est qu'il y a effectivement une hétérogénéité des pratiques des professionnels de la santé à l'égard du TDAH. On dit qu'une bonne évaluation du TDAH devrait avoir, entre autres, une évaluation faite par un neuropsychologue, ça pourrait être une évaluation aussi où on prend en compte différents points de vue. Parce que, quand on pose le diagnostic de TDAH, il faut que les symptômes soient présents dans au moins deux environnements. Donc, chez des jeunes, on peut penser que c'est l'école et la famille, ou l'école et les activités parascolaires ou, bon, etc. Donc, effectivement, moi, j'ai... Ma prochaine étape sera d'aller sonder les parents, là, mais j'ai quand même beaucoup d'échos de parents, de manière non officielle, qui viennent me voir, et il y en a plusieurs qui me racontent des épisodes de 15 minutes dans le bureau du médecin, qui ressortent avec un diagnostic. Tu sais, je ne pense pas que ça soit nécessairement la norme.

Je pense qu'il faut faire attention, là, il y a plusieurs études, aussi, qui indiquent... Bien, en fait, ce qu'il faut savoir, c'est que, longtemps, le diagnostic de TDAH était réservé, par exemple, aux pédopsychiatres, était réservé aux pédiatres, puis, maintenant, c'est de plus en plus les omnipraticiens qui posent ce diagnostic-là. Donc, peut-être qu'on pourrait... Peut-être que ça contribue au problème, là. Je ne le sais pas, mais, très certainement, les pratiques diagnostiques sont très hétérogènes à ce niveau-là.

Mme Guillemette : Parfait. Dernière question, M. le Président.

Le Président (M. Provençal)  : Oui.

Mme Guillemette : Vers quel âge on pourrait porter un premier diagnostic?

Mme Brault (Marie-Christine) : C'est une question intéressante. Dans mon étude, on voit qu'il y a des enfants, dès deux ans, qui ont reçu un diagnostic puis qui consomment des médicaments. En termes de consommation de médicaments, les guides de pratique, au niveau des pharmaciens, disent qu'en deçà de six ans, on ne devrait pas prescrire des médicaments à un enfant, parce que ces médicaments-là n'ont pas été testés sur une clientèle, sur une population pédiatrique.

Au niveau du diagnostic de TDAH, bon, moi, je ne suis pas médecin, hein, je reste sociologue, mais, avec tout ce qu'on constate, la méprise qu'il y a entre l'immaturité puis les symptômes de TDAH, personnellement, je ne suis pas nécessairement pour une catégorisation médicale des enfants, parce que ça fait en sorte que ça les fige rapidement dans une certaine catégorie. Ça fait en sorte qu'on se restreint, peut-être, ou qu'on les voit en termes de déficits, aussi, on voit leurs déficits au lieu de voir leurs forces. Un enfant, ça se développe très rapidement, on le sait, là, ils évoluent rapidement. À l'intérieur d'un an, il peut y avoir des bonds incroyables qui sont faits.

Donc, moi, personnellement, je ne valoriserais pas une approche diagnostique très tôt. Mais, en même temps, il faut faire quand même une certaine prévention, parce que, oui, il y a des enfants à qui ça bénéficie d'être pris en charge le plus tôt possible.

Mme Guillemette : Merci.

Mme Brault (Marie-Christine) : De rien.

Mme Guillemette : Merci, M. le Président.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la députée d'Abitibi-Ouest.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci, madame. Ma question est : Au niveau du Québec, vous avez fait un sondage où il y a le plus de taux de TDAH élevés. C'est la première question : Quels sont les endroits où ce que c'est le plus élevé? Et est-ce que vous avez étudié aussi, au niveau du Québec, les communautés autochtones?

Mme Brault (Marie-Christine) : Merci. D'abord, mon étude au Québec portait sur la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean uniquement, puis je n'ai pas encore regardé les taux, là, je n'ai pas isolé les taux par secteurs au Saguenay—Lac-Saint-Jean. Par contre, j'ai fait l'étude comparative avec la Flandre, puis on constate, comme je l'ai dit tantôt, en Flandre, je pense que c'est 2,5 % de diagnostics de TDAH dans mon échantillon, là, ce n'est pas représentatif, nécessairement, de la population flamande ou québécoise, puis, au Québec, c'était 17,5 % de jeunes, dans mon échantillon, qui déclarent avoir un diagnostic de TDAH. Est-ce que j'avais des populations autochtones? Pas de manière spécifique, mais il y a effectivement des autochtones qui ont répondu au sondage et qui se sont déclarés comme autochtones dans la déclaration, en fait, du groupe ethnique, puis j'ai regardé très rapidement, mais ils ressortaient avec une prévalence plus élevée de TDAH que les autres élèves québécois.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Ma dernière question, c'est que, au niveau de votre travail de recherche, quelle a été votre plus belle réalisation à date?

Mme Brault (Marie-Christine) : Bien, ma plus belle réalisation, je vous dirais que c'est vraiment d'avoir pu m'entretenir avec les enseignants. J'ai fait cinq groupes de discussion qui ont duré au moins 3 heures par groupe de discussion, puis là j'ai fait une vingtaine d'entretiens, là, avec des enseignants, des professionnels de la santé en individuel, puis ça m'a vraiment donné, je pense, un beau portrait. Puis ce que je constate le plus, c'est : oui, l'école contribue au problème, mais les enseignants le font vraiment de bonne foi. Les enseignantes se donnent à fond, mais elles sont en train de déchanter, actuellement, je pense, au niveau de leurs conditions de travail et au niveau aussi du fait qu'elles pensaient être enseignantes, donc transmettre du savoir, puis elles se rendent compte qu'elles sont de plus en plus en train de faire de l'adaptation scolaire, puis ça, ça les dérange.

Donc, ma plus belle réalisation, c'est de mettre un bémol aussi au fait de dire : Bien, tu sais, ce n'est pas... en fait, oui... Donc, ce que je veux qu'on retienne, c'est que, oui, l'école contribue au problème, mais les enseignantes, il ne faut pas les accuser à tort, tu sais, il ne faut pas... En fait, elles font ce qu'elles peuvent avec les moyens qu'elles ont, là, aussi, à l'heure actuelle.

• (12 h 40) •

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal)  : M. le député de Dubuc.

M. Tremblay : Oui, merci, M. le Président. Dites-moi, on est au Saguenay—Lac-Saint-Jean... Par rapport au Québec, peu importe, si on considère qu'il y a des diagnostics qui sont donnés en 15 minutes, puis qu'on pourrait croire que c'est rapide, est-ce que vous pensez que la Santé de la société du Québec devrait renforcer les protocoles ou les mécanismes de diagnostic, par rapport... Je donne un exemple : s'il y a un diagnostic qui est donné en 15 minutes, ce qui est quand même grave, en tout cas, dans la perspective où ça peut être un mauvais diagnostic, est-ce qu'on ne devrait pas obliger un deuxième diagnostic ou un resserrement du protocole de diagnostic pour s'assurer finalement de...

Mme Brault (Marie-Christine) : La validité, oui.

M. Tremblay : Oui, puis donner de la sécurité à nos enfants aussi par rapport à ça.

Mme Brault (Marie-Christine) : Bien, c'est intéressant, votre question, parce que je pense que oui, puis les médecins qui vont venir, que vous allez entendre, je pense qu'ils vont très certainement vous parler de ça. Je sais que les pédiatres, entre autres, ils ont soulevé la question, là, d'avoir vraiment des tests de diagnostic peut-être plus fiables et qui s'appliquent peut-être plus au Québec.

Mais moi, j'ai le goût de vous dire : Avant d'arriver au diagnostic, il y a plusieurs affaires qu'on peut faire aussi, hein, s'assurer que tout le monde, là, ait accès à des services. Puis on essaie de mettre en place une approche inclusive dans les écoles au Québec, mais faisons-la pour vrai. Donc, je pense qu'en faisant ça on va aider à la fois les enfants qui ont peut-être des problèmes au niveau du TDAH, on va aider tout le monde. Donc, j'aurais le goût d'essayer de dire... Oui, c'est ça, donc, de ne pas attendre d'être arrivé au niveau du diagnostic pour agir, donc de mettre en place des ressources dès le départ, puis peut-être avoir un milieu scolaire aussi plus flexible.

Je faisais état, dans mon mémoire, du rapport qui a été publié par... de l'avis, en fait, qui a été fait par le Conseil supérieur de l'éducation en 2017. Puis ils ont un chapitre complet sur la médicalisation des difficultés scolaires, et ce chapitre-là est fantastique. Il donne plusieurs pistes de solution, et je pense qu'on pourrait essayer ça aussi, et pas juste faire des actions dans le milieu médical au niveau des pratiques, qui, bien sûr, doivent être renforcées, mais... C'est ça.

M. Tremblay : Merci.

Le Président (M. Provençal)  : ...

Mme Picard : Moi, j'aimerais vous entendre sur l'activité physique, comment ça peut aider les jeunes par rapport à un TDAH. Est-ce que vous avez fait cette évaluation-là?

Mme Brault (Marie-Christine) : Bien, non. Je n'ai pas étudié ça. Mais, quand même, je pense que l'activité physique est bénéfique pour tous les jeunes, hein? Qu'ils aient un TDAH, qu'ils aient, en tout cas, des comportements d'hyperactivité et d'inattention. Moi, j'ai deux garçons, puis je sais que, quand ils ne bougent pas assez dans leur journée, ça paraît. Donc, je pense que l'éducation physique, très certainement, c'est un facteur important, surtout, c'est un facteur important, mais c'est un facteur aussi qui... Quand on donne le goût aux jeunes de faire du sport, bien, c'est quelque chose qui continue même à l'âge adulte, puis c'est bon, là, à tous les niveaux de leur développement, personnel, professionnel, etc. Donc, je pense qu'il faut effectivement augmenter, bien, l'offre, le temps, la possibilité aux jeunes de bouger et faire de l'exercice.

En lien avec le TDAH, je pense que ça a été démontré que ça aidait, que ça pouvait être une solution aussi pour, justement diminuer la consommation de médicaments. De les faire bouger, je pense, que c'était associé à une augmentation de... une amélioration de leur niveau de concentration, entre autres.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. La parole est maintenant à la députée de Fabre.

Mme Sauvé : Oui, merci, M. le Président. Alors, Mme Brault, c'est un plaisir de vous entendre. Merci pour les constats éloquents qui viennent de votre recherche très documentée et très précieuse. J'ai lu, avec beaucoup d'intérêt, votre mémoire et je suis... Dans le fond, à lire vos constats, et... Bien humblement, je vous dirais que ça fait écho un peu à ce que j'entends, ce que je vois et ce que je peux comprendre, avec, bien, sûr toute votre science à vous.

Moi, j'ai entendu des propos que vous avez nommés, puis qui... au-delà de ce que je retrouve dans le mémoire, qui me jettent un peu par terre. Quand j'entends que des professionnels de la santé ont baissé les bras parce que la pression de l'école et des parents est tellement grande pour aller vers la médication, alors ça me perturbe beaucoup. Et je voudrais savoir, dans le fond, dans un premier temps, est-ce que... puis vous avez nommé, bien sûr, que les médecins de famille sont les principaux professionnels qui font les diagnostics... Auparavant, il y a plusieurs années, c'étaient davantage les neuropsychiatres, qui ont une formation, évidemment. Parce qu'on s'entend que le TDAH, il n'y a pas de test médical et il y a une interprétation clinique, mais il y a un aspect subjectif, tel que vous l'avez nommée dans votre mémoire.

Alors, par rapport à la pression qui se vit des professionnels de la santé, est-ce qu'on n'est pas aussi dans une compétence qui n'est plus la même dans l'appréciation et la démarche vers le diagnostic? La démarche vers le TDAH avec un neuropsychiatre, on n'est pas dans le 15 minutes. Et là, quand on sait que la majorité des diagnostics sont faits par les médecins de famille, puis, sans faire le procès de personne, mais, dans les constats, est-ce qu'on ne peut pas se questionner véritablement si la formation pour le diagnostic du TDAH par rapport aux médecins qui le font... est-ce que la compétence est au rendez-vous?

Mme Brault (Marie-Christine) : Oui, vous soulevez un bon... bien, vous soulevez un bon point. Mais je pense que les médecins, des fois, ils se disent : Essayons les médicaments. Si ça fonctionne, bien, le parent va être content, le parent va être soulagé, l'élève va réussir à l'école, l'école va arrêter de mettre de la pression. Ils voient ça peut-être comme un moindre mal, je vous dirais.

Ceci dit, je pense qu'il faut se questionner... puis je reviens en amont, là, des professionnels de la santé, il faut se questionner aussi pourquoi... Pourquoi on recherche ce diagnostic-là? La question de la performance scolaire, elle est à la base de ce diagnostic-là. Quand on dit qu'il y a une pression, bien, les parents sentent de la... les parents veulent que leur enfant réussisse aussi. L'école veut que les enfants réussissent. On sait que le fait d'avoir un diagnostic peut amener des services, amène de la médication qui... En passant, la médication pour le TDAH fait des effets sur tout le monde, qu'on ait les symptômes d'hyperactivité ou d'inattention... on va tous être plus concentrés en prenant ces médicaments-là. Donc, il y a très certainement un bénéfice à prendre ces médicaments-là.

Donc, je pense que les médecins, ils... comment dire, ils doivent... Tu sais, ils voient ça comme une solution qui peut être un moindre mal, qui peut être de dire : Bien, écoutez, on va donner une médication puis après on va essayer de trouver la vraie cause, aussi. Parce que j'ai vu ça aussi, j'ai eu ce discours-là, dans le sens qu'on utilise souvent le TDAH aussi comme une première porte d'entrée dans le système, comme une première... Bon, on règle le TDAH puis, après ça, on va aller creuser davantage pour voir si ce n'est pas un trouble d'apprentissage, pour voir s'il n'y a pas quelque chose d'autre en dessous de ça. Donc, je ne sais pas si je réponds à votre question, mais...

Mme Sauvé : Oui.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la députée.

Mme Sauvé : Merci, M. le Président. Écoutez, dans les autres constats... puis vous avez nommé, et j'en suis, quand vous dites qu'il y a des suggestions, il y a des recommandations qui pourraient permettre, entre autres, d'être plus dans une approche globale, multiprofessionnelle dans les milieux scolaires... En même temps, quand je lis votre mémoire et qu'on compare la situation en Flandre et au Québec, on voit qu'en Flandre les professionnels de la santé ne sont pas dans les écoles, alors qu'au Québec ils le sont. Alors, finalement, il y a déjà une présence, il y a déjà cette multidisciplinarité-là qui existe au Québec. Alors, pourquoi on n'y arrive pas, alors qu'on devrait avoir une longueur d'avance?

Mme Brault (Marie-Christine) : Bien, je pense qu'il y a des très grandes différences entre le Québec et la Flandre, notamment au niveau des croyances à l'égard du TDAH. J'ai fait passer un questionnaire aux enseignants qui détermine, justement, s'ils pensent que le TDAH est dû à l'environnement, à un problème plutôt d'ordre politique, moral, ou si c'est vraiment lié à des déficits cognitifs, des déficits neurologiques, etc.

Puis ce qu'on constate, c'est qu'au Québec il n'y a pas une très grande variabilité dans les croyances des enseignants à l'égard du TDAH. C'est principalement la vision biomédicale qui domine. Donc, les enseignants pensent que le TDAH, ça relève vraiment d'un problème individuel, biologique, donc immuable, presque, alors qu'en Belgique ce modèle-là ne ressort pas en priorité. C'est vraiment l'environnement, c'est vraiment des stratégies d'apprentissage, des stratégies dans l'environnement scolaire qui viendraient expliquer, selon eux, les comportements associés au TDAH. Donc, c'est très intéressant, je pense, de constater ça, d'une part.

D'autre part, en Belgique, les psychologues ne peuvent pas diagnostiquer un TDAH, alors qu'au Québec ils le peuvent, et d'autant plus qu'il n'y a pas de psychologue scolaire en Belgique. Ils sont vraiment dans une approche d'inclusion scolaire, où ils essaient vraiment de faire tout en leur pouvoir pour faire des stratégies dans la classe, et c'est juste une fois que les enseignants ont démontré qu'ils ont tout fait qu'ils contactent une instance qui est comme affiliée au ministère de l'Éducation. Cette instance-là va même venir dans leur classe vérifier qu'ils ont mis en place toutes les stratégies possibles et impossibles, et, ensuite de ça, ils vont faire une recommandation pour que les parents... en fait, ils vont faire une recommandation aux parents d'aller consulter au médical pour voir pour le problème.

• (12 h 50) •

Le Président (M. Provençal)  : Mme la députée de Vaudreuil.

Mme Nichols : Bien, je trouve ça intéressant, la comparaison, puis évidemment on ne connaît pas ça, là, on vous écoute, on vous entend. Votre avis, par rapport à la comparaison, est-ce que vous trouvez que c'est plus avantageux peut-être de la façon qu'ils fonctionnent en Belgique?

Mme Brault (Marie-Christine) : Bien, je pense qu'il y a des pour et des contre, puis il y a, sans doute, des collègues qui diraient que c'est sous-diagnostiqué en Belgique, très certainement, là, parce qu'il y a toujours des gens qui ont cette approche-là aussi.

Je ne pense pas que ce soit nécessairement mauvais au Québec qu'il y ait des psychologues dans les écoles, je pense que ça peut aider plusieurs enfants, ça devrait, en principe, même accélérer, tu sais, bien, l'aide, de donner les ressources aux enfants, en fait, quand ils en ont besoin.

Là où je me questionne, c'est qu'au Québec on est vraiment dans une approche médicale, puis ça, je pense que c'est problématique, parce que, comme j'ai dit tantôt, ce n'est pas la solution de donner un diagnostic trop tôt, je pense que ça fige l'élève, ça fige qui il est, ça peut avoir beaucoup d'impacts aussi d'avoir un diagnostic inapproprié ou même un diagnostic approprié, mais de l'avoir, ça peut amener une stigmatisation, ça peut amener des effets sur l'estime de soi, la consommation de médicaments aussi, ça a des effets secondaires.

Donc, tu sais, je pense qu'il y aurait un peu des deux. Il faut apprendre de la Belgique, il ne faut pas nécessairement jeter le bébé avec l'eau du bain, hein, on a un modèle ici qui peut être intéressant, mais il faut quand même faire attention, je pense.

Le Président (M. Provençal)  : Il reste deux minutes.

Mme Sauvé : Merci, M. le Président. Je voulais revenir un peu sur la disparité régionale, parce qu'on essaie de comprendre, hein, on essaie, avec vous, de comprendre davantage ce qu'il se passe. Et, quand j'entends effectivement la réalité de la prévalence d'une région à l'autre, c'est quand même assez troublant, parce qu'on regarde la moyenne par rapport aux autres provinces du Canada et ailleurs, mais, en même temps, de région en région, ça vient teinter la moyenne. Alors, est-ce qu'on peut... vous avez nommé un peu ce qui peut être sous-jacent, ce qui peut expliquer, mais est-ce que ça ne mériterait pas qu'on puisse s'attarder davantage à mieux comprendre pourquoi, d'une région à l'autre, il y a cette disparité-là aussi grande?

Mme Brault (Marie-Christine) : Ah! tout à fait, il faut essayer de comprendre qu'est-ce qui se passe, mais je pense que ça demande quand même plus de recherche. Moi, mon étude que je fais actuellement, c'est un début, mais je pense qu'il faut mieux comprendre aussi comment l'école contribue au diagnostic, comment les politiques scolaires, en fait... parce qu'il y a des politiques scolaires, mais, après, il faut voir comment elles sont aussi mises sur le terrain, tu sais, comment est-ce qu'elles sont utilisées sur le terrain, ces politiques-là. Est-ce que certaines écoles, dans une certaine région, ont des façons de faire qui expliqueraient qu'ils ont moins de TDAH ou qu'ils en ont plus aussi?

Donc, j'espère que mes analyses, quand elles vont être poussées davantage, permettront de répondre peut-être à ces questions-là. Pour l'instant, je ne peux pas vraiment m'avancer parce que je me questionne quand même, là, à savoir qu'est-ce qui se passe.

Le Président (M. Provençal)  : Je céderais la parole au député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Merci, M. le Président. Merci beaucoup, Mme Brault, pour votre exposé, c'est vraiment éclairant. Quand j'enseignais au collégial, quand il y avait des étudiantes ou étudiants qui avaient des diagnostics de TDAH, avec des mesures adaptées, on m'envoyait une lettre qui expliquait c'est quoi, le TDAH. Puis, dans cette lettre-là, essentiellement, on disait que c'est une condition... un problème neurologique. Est-ce qu'à votre connaissance cette façon-là de fonctionner est largement répandue dans les institutions scolaires, autant présecondaires que postsecondaires et puis secondaires, primaires, tout ça? Est-ce qu'à votre connaissance, là, c'est répandu comme façon de faire?

Mme Brault (Marie-Christine) : Vous voulez dire si c'est répandu, le fait de penser que le TDAH est neurologique, ou d'avoir des mesures d'adaptation?

M. Zanetti : De le présenter au corps enseignant comme étant la vérité.

Mme Brault (Marie-Christine) : Ah! oui. Oui, tout à fait. Tout à fait, là, dans mes entretiens avec les enseignants... Tu sais, les enseignants, ils me le disent, là, bien, le TDAH, c'est génétique. Puis, ils me disent... hein, parce que c'est des petits milieux au Saguenay—Lac-Saint-Jean, souvent, les enseignants connaissent très, très bien les parents, connaissent très bien la famille, parce qu'ils les ont comme voisins ou parce qu'ils leur ont enseigné... puis ce qu'ils me disent souvent, c'est : Bien, on le sait, le parent, il a un diagnostic de TDAH, donc l'enfant, oui, il en a un. Hein, les chats... Ils m'ont dit : Les chats ne font pas des chiens ou les chiens ne font pas des chats, là, quelque chose comme ça. Donc, oui, là, pour eux, c'est vraiment médical.

M. Zanetti : Quel avantage une société a à dire que ces comportements-là originent d'un problème neurologique?

Mme Brault (Marie-Christine) : Bon, moi, je suis sociologue, alors ça m'inquiète beaucoup. Puis, en même temps, tu sais, je ne veux pas stigmatiser les gens qui ont le diagnostic, là, bon, ou qui pensent autrement que moi, mais, moi, personnellement, les étiquettes, je n'aime pas ça, parce que ça oblige, on dirait, d'abord, l'individu à se conformer à cette étiquette-là. Donc, ça fait en sorte aussi qu'on recherche une certaine homogénéité dans les comportements. L'individualité, l'unicité, elle est un peu mise à l'écart, elle n'est pas valorisée.

Puis aussi je voulais dire... qu'est-ce que je voulais dire? Ça m'échappe. Mais... oui, mon idée m'a échappé. Mais, bon, tout ça pour dire que je ne trouve pas que c'est... en tout cas, je ne trouve pas que c'est une façon de faire. Je ne nie pas qu'il y a des enfants qui ont besoin d'aide, là, puis pour lesquels ça ne va pas bien, mais je pense qu'il faut essayer de trouver la cause, en fait, de qu'est-ce qui ne va pas bien. Puis je voulais juste porter votre attention, ce matin, dans Le Devoir, hein, c'est la commission Laurent, actuellement, puis ils ont interviewé ma collègue Delphine Collin-Vézina, qui dit vraiment que le mauvais comportement est un symptôme plutôt qu'un problème, puis qu'on doit être capable, comme adulte, d'aller voir qu'est-ce qui se cache derrière ce symptôme-là, puis je pense que ça s'applique totalement aux symptômes d'hyperactivité et d'inattention, là. Donc...

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Alors, on complète avec le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui, merci. Je suis très fier d'avoir le représentant de la seule chaire cégep, université, c'est le cégep de Jonquière, donc, côté chauvin très exacerbé ici.

Moi, ça me fait littéralement halluciner, là, de penser que parce que t'es un garçon né en septembre, dans la MRC Lac-Saint-Jean-Est, tu as bien plus de chances d'avoir une prévalence TDAH qu'ailleurs au Québec, ou ailleurs au Canada, ou en Flandre. Je veux dire, il y a quelque chose de fou là-dedans. Puis, en même temps, pour moi, le point fort de votre mémoire, c'est que, d'un point de vue sociologique, c'est le «contexte social et normatif qui transforme ces comportements en maladies et qui les désigne sous un registre de diagnostics pathologiques». Alors, c'est une belle façon... bien, belle, en tout cas, c'est une façon très bien exprimée de dire que d'un comportement sociologique, avec le temps... puis je sais que notre président est un ancien prof de longue date, directeur d'école... avec le temps, ça s'est transformé en maladie ou, en tout cas, on l'a perçu comme maladie. Beaucoup d'enseignements dans ce que vous nous dites.

Là, vous avez la chance unique de pouvoir vous adresser à des parlementaires en commission sur le TDAH. Il faut qu'on pense déjà, nous, à nos recommandations à la fin de cette commission parlementaire. Vous nous recommandez quoi de recommander? Si vous aviez, là, si vous étiez assise à notre place et vous teniez le crayon, là, ou le clavier de notre commission, ce serait quoi la première recommandation que vous nous suggériez?

• (13 heures) •

Mme Brault (Marie-Christine) : C'est vraiment difficile comme question, O.K., parce que je me suis vraiment questionnée, je me questionne encore, et je vais sans doute me questionner longtemps à savoir c'est qu'est-ce qu'il faut faire. Je pense que la première action, c'est de décloisonner, là, le problème, comme je l'ai dit, c'est-à-dire d'inclure la Santé, et l'Éducation, puis la Famille dans l'équation. Donc, quand vous allez réfléchir aux solutions, il faut que ces trois acteurs-là soient à la table.

Ensuite de ça, je dirais, je dirais qu'il faut... Je pense qu'on n'a pas le choix, comme société, de réfléchir à l'importance de la performance dans notre société. Parce que, quand je dis qu'on a une médicalisation des difficultés scolaires, ça veut dire que, quand il y a des faibles résultats scolaires, on s'inquiète, puis on lève le drapeau, puis on pense que ça peut être dû à un problème médical.

Donc, je pense que la première étape serait de faire des actions dans le milieu scolaire. Il faut faire attention, au Québec, on a un système à trois vitesses, on a un système scolaire inégalitaire. Je pense que les résultats scolaires doivent arrêter de limiter les chances des enfants, puis je m'explique, là, dans le sens qu'au primaire, puis les enseignants, ils me le disent, c'est important, au primaire, d'avoir des bonnes notes, parce que les jeunes, ils choisissent, au secondaire, un certain profil. Puis ce n'est pas tout le monde qui ont les mêmes chances d'accéder à ces profils-là. Donc, tu sais, si le public régulier était aussi stimulant que le public enrichi ou que le privé, bien, peut-être qu'on ne serait pas à la course au diagnostic puis à la course à la médication.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Merci, Mme Brault, pour votre contribution à nos travaux.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures. Merci beaucoup de votre contribution.

(Suspension de la séance à 13 h 01)

(Reprise à 15 h 06)

Le Président (M. Provençal)  : La Commission de la santé et des services sociaux reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques dans le cadre du mandat d'initiative concernant l'augmentation préoccupante de la consommation de psychostimulants chez les enfants et les jeunes en lien avec le trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité.

Cet après-midi, nous entendons les organismes suivants : la Clinique FOCUS, représentée par la Dre Annick Vincent, et le Dr Benoît Hammarrenger. Alors, madame... Excusez.

Avant, étant donné que, comme la séance commence à 15 h 06, y a-t-il consentement pour poursuivre nos travaux au-delà de l'heure prévue, c'est-à-dire jusqu'à 16 h 36?

Des voix : Consentement.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Je souhaite maintenant la bienvenue à Dre Annick Vincent, représentant la Clinique FOCUS. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé. À vous la parole, madame.

Clinique FOCUS

Mme Vincent (Annick) : Bonjour. Merci de m'avoir invitée. Donc, je suis médecin psychiatre spécialisée en TDAH. Je travaille à Québec au sein d'une clinique multidisciplinaire. Dr Michel Sirois, qui est médecin de famille, qui est cofondateur de la clinique, excuse son absence, il est actuellement à l'extérieur du pays.

Alors, ce qu'on a fait, c'est qu'on s'est dit : Bon, qu'est-ce qu'on voudrait vous dire, ne sachant pas vos questions? Alors, dans ce contexte-là, on s'est dit: En premier, ce qu'on pourrait peut-être faire, c'est mettre la table sur qu'est-ce que le TDAH. Pour vraiment cibler sur pourquoi c'est si important de le traiter, il faut savoir qu'est-ce que le TDAH.

Donc, le TDAH, c'est un trouble qui est neurodéveloppemental, qui entraîne une difficulté de la modulation de l'autogestion au niveau des idées, au niveau des mouvements, donc la bougeotte, des comportements, ce qui donne de l'impulsivité, et parfois des émotions, de l'hyperréactivité émotionnelle.

Pourquoi on en parle? Dans TDAH, il y a un T pour «trouble», et c'est, justement, à cause des impacts fonctionnels qu'il est si important d'être capable de faire un dépistage au moment opportun, le plus précoce possible, pour bien outiller la personne à mieux vivre avec son TDAH.

Première chose, le TDAH entraîne des difficultés importantes au niveau des rythmes de vie, au niveau, ne serait-ce que mettre des routines en place, d'être capable d'autogérer son temps, son espace, son organisation. Il y a 75 % des gens qui ont un TDAH qui ont de la difficulté au niveau de leur sommeil, donc ils retrouvent à être en déprivation de sommeil. On a aussi des troubles alimentaires associés au TDAH. Le TDAH est un facteur de risque au niveau de l'obésité, je ne sais pas si vous le saviez.

On a, du côté de l'activité physique, deux volets, soit qu'on en fait trop, donc on se blesse et on continue au niveau de l'hyperactivité physique, si je peux dire, ou on a l'autre volet... de sédentarité. On peut avoir un problème dans l'autogestion de la consommation, que ce soit au niveau des boissons énergisantes, du café, du tabac. Le tabagisme, entre autres, avant l'âge de 12 ans est un facteur de risque chez ceux qui ont un TDAH de s'en aller vers des problèmes de consommation plus sévères au niveau de consommation de drogues, consommation d'alcool aussi.

On a de plus en plus de littérature au niveau du fait que le TDAH est un facteur de risque au niveau de la difficulté à gérer le temps d'écran. On sait que c'est difficile, gérer le temps d'écran sans TDAH, mais c'est vraiment plus difficile chez les jeunes et les moins jeunes qui ont un TDAH. Donc, on a plus de problématiques au niveau de la gestion des réseaux sociaux, l'utilisation d'Internet, le gaming et puis même le... addict aux séries. Donc, de la difficulté, donc, à décrocher des écrans. On a aussi des difficultés financières associées aux dépenses impulsives.

• (15 h 10) •

Si on regarde des autres impacts, on a, pour la plupart des gens qui ont un TDAH, ces gens-là performent en dessous de leur potentiel, et ça, ça a un impact majeur autant pour la personne, ses proches, et sur le plan sociétal. Souvent, on pense TDAH, on pense école, mais il faut aussi sortir le TDAH de l'école, penser aussi aux difficultés relationnelles, aux difficultés familiales. L'impact que ça peut avoir, la dépense énergétique, pour compenser les symptômes du TDAH est importante. On a souvent un épuisement au niveau de la personne elle-même, au niveau de ses proches et au niveau, donc, du milieu. L'estime de soi, c'est souvent le premier impact sur lequel, je dirais, il y a un drapeau qui lève et pour lequel on va décider, on s'en va vers un traitement.

Le TDAH est un facteur de risque au niveau de développer des troubles anxieux, des maladies de l'humeur, dépression, et c'est même un facteur de risque associé avec la maladie bipolaire. On ne connaît pas encore le risque, si c'est génétique ou si c'est un qui impacte l'autre. On a parlé des problèmes de consommation, la consommation amène aussi de la délinquance. Si on regarde au niveau de nos prisons, on a un estimé qu'à peu près 25 % des personnes incarcérées ont un TDAH et autre chose, mais on sait aussi qu'arriver à traiter le TDAH réduit le risque de délinquance. J'ai parlé de l'obésité.

Au niveau des accidents, on peut penser au niveau des accidents de la route comme conducteur, mais c'est aussi comme piéton. Donc, on a trois fois plus d'accidents chez les gens qui ont un TDAH que dans la population générale. On a plus de risques d'avoir des traumatismes crâniens ou cérébraux. D'autres types d'accidents, qui se passent peut-être plus sur le siège arrière de la voiture, c'est les grossesses non planifiées. Alors, on a aussi plus de maladies transmissibles sexuellement dans la population TDAH non traitée. Et pourquoi j'insiste pour le non traité, c'est qu'on a des études qui nous montrent que, si le TDAH est traité, on réduit ces risques-là. L'autre chose qui émerge actuellement au niveau de la littérature, avoir un TDAH et une maladie chronique fait en sorte que la maladie chronique est moins bien prise en charge. Alors, on a, entre autres, une littérature au niveau du diabète et au niveau de l'asthme.

Ce que j'aimerais que vous reteniez par rapport au TDAH : un, c'est un trouble neurodéveloppemental. La fréquence du TDAH au niveau des statistiques de la prévalence, c'est autour de 5 % à 8 %, peut-être même 10 % chez les enfants, et au moins la moitié conservent des symptômes assez significatifs à l'âge adulte. On a des impacts, on vient d'en parler.

Le diagnostic, c'est compliqué, faire un diagnostic de TDAH. On n'a pas de test médical, comme par exemple un test de grossesse ou une glycémie pour le diabète. On se base sur des entrevues, sur des questionnaires, ça demande de l'expertise de la part du clinicien et ça demande beaucoup de temps. Il y a beaucoup de choses qui ressemblent au TDAH, il y a beaucoup de choses qui peuvent compliquer le TDAH. Donc, ça aussi, ça complique la démarche diagnostique. Et pourquoi on traite? C'est justement pour réduire les impacts associés au TDAH et permettre à la personne d'atteindre son plein potentiel.

Ceci étant dit, la question qu'on se pose, c'est : Comment ça se fait qu'on a des augmentations de prescriptions au niveau des ordonnances pour traiter le TDAH? On ose penser qu'une partie de ça, c'est qu'on fait un meilleur dépistage de nos jeunes qui ont un TDAH. On a aussi des meilleures approches thérapeutiques aujourd'hui qu'on avait il y a 20 ans, avec des traitements qui sont mieux tolérés et plus efficaces, ce qui fait que les gens atteints choisissent de continuer leur traitement par rapport à avant. On a aussi parfois une combinaison de deux traitements, par exemple, un longue action pris le matin et un courte action au besoin en fin de journée pour compléter la journée.

Je crois que ce qui préoccupe les gens ici, ce n'est pas cette partie-là, c'est : Est-ce qu'on fait un surdiagnostic et qu'est-ce qui se passe dans certaines régions du Québec où on a un pattern de prescription qui est différent? Par rapport au surdiagnostic, une des interrogations c'est : Est-ce qu'on passe à côté de problématiques qui miment ou qui aggravent le TDAH? Et on pourrait se poser la question sociétale sur est-ce que notre rythme de vie actuellement aggrave les symptômes de TDAH. Et aussi, dans notre milieu scolaire, est-ce qu'on n'aurait pas un milieu scolaire qui induit de l'anxiété chez nos enfants, qui challenge nos enfants peut-être au-delà de ce qu'un enfant dit normal peut atteindre au niveau performance?

Maintenant, une question qui est importante, et ça ne touche pas que le TDAH : À quoi ça sert, un diagnostic? Le diagnostic, il n'égale pas médication. Le diagnostic est pour identifier le problème, engager la personne et ses proches dans le traitement et intervenir avec des stratégies spécifiques, démontrées, efficaces, et j'insiste sur le «spécifiques, démontrées, efficaces».

Parce qu'il y a des choses qu'on peut faire en amont. En amont d'un diagnostic, quelqu'un qui se plaint de fragilité attentionnelle ou de problèmes de comportement, il y a des interventions non spécifiques qui peuvent être faites et qui ne devraient pas avoir besoin d'avoir un diagnostic pour être accessibles à la population québécoise.

Au niveau de la démarche diagnostique, je vous rappelle que ça prend des gens qui sont qualifiés pour le faire. On a souvent besoin d'une approche interdisciplinaire pour faire la collecte d'informations, et un questionnaire dit positif ne veut pas dire TDAH. Donc, il faut aussi qu'on ait, donc, une démarche diagnostique et d'avoir un regard au niveau de l'évaluation.

Une fois le diagnostic fait, la première étape du traitement, c'est que la personne puisse s'éduquer par rapport à son TDAH, que ses proches et lui-même puissent avoir de la guidance par rapport aux stratégies parentales, par exemple, par rapport à tous les impacts qu'on parlait tout à l'heure sur les rythmes de vie, les habitudes de vie, et avoir des stratégies d'autogestion du temps, de l'espace et des émotions. Il y a des stratégies spécifiques en psychothérapie qui peuvent être très intéressantes pour les personnes atteintes et il y a des mesures adaptatives qui peuvent être mises en place au niveau du système scolaire et aussi en milieu de travail. La place de la médication dans tout ça, c'est quand ces stratégies-là ne sont pas suffisantes ou encore coûtent trop cher, non pas en argent, mais en temps et en énergie pour arriver à compenser.

Et c'est là où, du côté médical, on peut proposer ce que j'appellerais une paire de lunettes biologiques pour aider à traiter le TDAH. Mes lunettes que j'ai dans les yeux me permettent de voir les lettres, elles ne me font pas lire. La médication, quand quelqu'un est TDAH, lui permet d'avoir la stimulation, sur le plan neurobiologique, de zones cérébrales qui ont une difficulté à s'activer quand on a un TDAH. Ça ne donne pas les stratégies organisationnelles, ça ne te permet pas de travailler le côté relationnel, ça ne donne pas des meilleures capacités parentales, O.K.? Donc, la médication doit être complémentaire. Et j'aime bien, excusez, c'est en anglais, mais l'expression des anglophones, «pills don't build skills». Donc, la médication a une place, et les approches non pharmacos ont une place aussi, et elles ne devraient pas être mises en opposition l'une avec l'autre.

Les stratégies, maintenant, rapido, c'est vraiment de mettre le jeune au coeur de nos actions, d'adopter un modèle qui est inclusif, avec un accès précoce au service, une approche qui est collaborative. Et on se pose la question : Qui va faire quoi et avec quelles ressources?

Juste vous parler de quelques pistes de solution, on parle d'un programme qui serait universel, en amont d'un diagnostic pour le côté information, guidance et soutien, un dépistage qui est précoce. On évite l'approche en silo, O.K., parce qu'il y a tellement de choses qui sont concomitantes, on travaille en équipe. Vous allez avoir la présentation du groupe CIRENE, je crois que c'est quelque chose que... vous devriez porter une bonne attention. L'INESSS va venir présenter, je suis sur le comité de rédaction pour le CADDRA, donc, si vous avez des questions là-dessus.

Et je voulais prendre les dernières secondes pour vous donner les outils qu'on a montés pour la Clinique FOCUS, qui sont disponibles sur le Web. Si ça vous intéresse, je vous invite à aller les visiter. Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup, Dre Vincent. Nous allons débuter l'échange avec la députée de...

Une voix : ...

Le Président (M. Provençal)  : Non, c'est... Chicanez-vous pas, là. La députée de Soulanges.

Mme Picard : Merci beaucoup pour toute votre expertise dans le dossier, qui va nous être vraiment profitable. Moi, à la lumière de ce que vous avez dit aujourd'hui, j'avais une question par rapport à l'estime de soi. Vous avez dit que c'était majeur, qu'il fallait s'occuper de l'estime de soi. J'aimerais que vous m'en disiez plus à propos, vraiment, de l'estime de soi des enfants.

Mme Vincent (Annick) : Alors, au niveau de l'estime de soi, vous savez, le sentiment de compétence, il y a plein d'éléments qui vont venir affecter notre sentiment de compétence. Alors, imaginez-vous que vous sentez que vous avez les ressources, mais vous n'avez pas les outils, vous n'y arrivez pas. Vous vous sentez un peu comme un imposteur, ou encore on vous reflète : vous n'êtes pas à la hauteur. Alors, quand quelqu'un sait qu'il a un TDAH, quand ses proches savent qu'il a un TDAH, ils savent que son cerveau est tricoté différemment. Et ils vont l'accompagner différemment. Plutôt de dire qu'il est paresseux, qu'il n'écoute pas, qu'il est... Si vous saviez, là... J'ai une collègue qui est allée observer en classe. Il y a un jeune, en dedans d'une heure, son nom avait été mentionné plus de 50 fois. O.K.? Imaginez-vous ce que ça fait sur l'estime de quelqu'un. Et, en général, les 50 fois, ce n'était pas pour dire : Wow! Tu es champion. O.K.? Alors, quelqu'un qui vit comme ça au quotidien, avec le message qu'il n'est pas à la hauteur, ou qui sent qu'il n'est pas à la hauteur, ça a un impact majeur. Et le traitement pour un manque d'estime de soi, c'est quoi? C'est le succès. C'est de permettre à la personne d'avoir les outils pour atteindre son potentiel.

Mme Picard : ...je peux laisser... Je vais avoir une...

Le Président (M. Provençal)  : M. le député de Dubuc.

• (15 h 20) •

M. Tremblay : Merci, M. le Président. Bonjour. Merci d'être là. Dites-moi, on parle de TDAH. Croyez-vous qu'on est dans une réalité optimale de diagnostic? Vous nous décrivez des réalités de diagnostics très précis, où on aurait tendance à se dire : O.K., c'est plutôt clair dans des cas comme ceux-là. Maintenant, on a entendu ma collègue de Roberval, qui questionnait un autre groupe, où il était question de diagnostics qui avaient été donnés en 15 minutes, suite à une rencontre chez le médecin. Je ne sais pas si ça a déjà été porté à votre attention, ce type de réalité là. Maintenant, il y a des cas précis. Est-ce que, quand je parle d'optimal, est-ce qu'on diagnostique... vous avez dit : C'est compliqué, de... si quelqu'un a un cancer ou une maladie x, il n'y a pas de nuance, c'est clair. Maintenant, c'est compliqué. Ça veut dire qu'on n'a peut-être pas atteint l'objectif d'être en mesure de vraiment encadrer tout ce phénomène, puis là on amène la réalité, en se disant qu'en amont, on devrait travailler avec les familles, le milieu scolaire pour mieux l'aborder. Est-ce que vous croyez que le TDAH a le dos large? Est-ce qu'on donne de faux diagnostics, alors qu'on devrait être beaucoup plus spécifiques? Je ne sais pas si vous comprenez.

Mme Vincent (Annick) : Bien, en fait, au niveau de la démarche diagnostique, si on regarde dans la démarche diagnostique en tant que telle, quand la personne se présente dans le bureau d'un professionnel, il arrive avec des plaintes x, qui amènent le professionnel à évoquer un diagnostic, que ce soit le TDAH ou autre chose. Pour faire un diagnostic de TDAH, j'aimerais ça, rencontrer quelqu'un qui est capable de le faire en 15 minutes, je vais lui demander des trucs, mais c'est peut-être aussi quelqu'un qui connaissait l'individu puis qu'on en arrive à la conclusion en 15 minutes, mais après l'avoir vu plusieurs fois et avoir... Tu sais, un médecin de famille qui suit cette famille-là a beaucoup d'informations en cours de route, et peut-être que, dans ce 15 minutes là, à un moment donné, on arrive à, oui. Par contre, moi, si quelqu'un arrive dans mon bureau, je ne l'ai jamais vu de ma vie, je peux vous dire que ça ne me prend pas 15 minutes, puis je ne fais que ça, moi, dans mon travail.

Maintenant, il y a des fois où le tableau est relativement clair, on appelle ça le TDAH simple. Et, la plupart du temps, le TDAH est complexe parce qu'il est complexifié par d'autres choses qui se sont ajoutées, par exemple, une problématique, soit de consommation, une problématique d'anxiété ou d'autres problématiques, et, dans ce temps-là, c'est encore plus complexe à faire l'évaluation. Ce qui est très complexe actuellement, c'est tout ce qui est dans le registre du trouble d'apprentissage. Donc, un jeune, par exemple, qui a des difficultés en classe, qui peut-être ou pas un TDAH mais qui a vraiment des difficultés académiques, le TDAH peut entraîner des difficultés académiques, mais, si on a de la difficulté à comprendre le sens de ce qui nous est donné, ça aussi, ça donne la difficulté à suivre, et là l'interface est très difficile. Et, en ce moment, les ressources pour être capable de faire un diagnostic à ce niveau-là, il y a une carence et dans le public, et dans le privé, c'est majeur.

M. Tremblay : J'ai une autre question, M. le Président. Vous avez parlé de la médication versus les zones neuro... vous pouvez m'aider à compléter le terme, mais qui ont été identifiées comme étant mal stimulées ou sous stimulées.

Mme Vincent (Annick) : ...

M. Tremblay : Bien, dans le fond, oui, et je me demande : Est-ce qu'il y a une culture scientifique ou il y a des études qui font en sorte de comprendre ce pourquoi ces zones-là ne sont pas stimulées puis pourquoi on doit maintenant intervenir pour les stimuler?

Mme Vincent (Annick) : En fait, ce n'est pas que la zone n'est pas stimulée, là, mais la zone... bien, en fait, les zones... Il y a certaines zones dans notre cerveau qui sont un petit peu comme un agent de circulation ou comme un chef d'orchestre. Ces zones-là, normalement, s'activent de façon spontanée dans un contexte où, là, par exemple, on entend plusieurs sons, on a nos propres idées, il y a le ventre qui nous brasse, ah! il ne faut pas que j'oublie mon idée. Et donc, tout ça, il y a une espèce de coordination qui se fait de façon presque spontanée par l'activation de ce circuit-là.

Maintenant, celui qui a un TDAH, ce circuit-là s'active moins facilement, et ça, on a des démonstrations scientifiques là-dessus au niveau de groupes de patients. Donc, je ne peux pas en faire un test diagnostique. Je ne peux pas prendre une personne puis lui faire passer un scan cérébral. Mais, quand on prend plusieurs personnes qui ont un TDAH et plusieurs personnes qui n'en ont pas et qu'on compare comment leur cerveau s'active pendant une tâche attentionnelle, là, on voit des différences. Et ce qui est intéressant, c'est que, quand on va traiter, avec un psychostimulant, la personne, et si le psychostimulant fonctionne, on voit que les zones vont s'activer comme pour la population générale.

M. Tremblay : Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Mme la députée d'Abitibi-Ouest.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci, Mme Vincent, pour votre présentation. Dans un premier temps, deux questions. Vos études démontrent... Vous avez fait sûrement des études au niveau du Québec. Est-ce qu'il y a des endroits qui sont plus stratégiques à avoir des enfants de TDAH? Est-ce que vous avez fait des consultations au niveau des autochtones?

Mme Vincent (Annick) : En fait, il ne faudrait pas me mettre sur le... Je cite des études. Je ne suis pas celle qui a fait la recherche. Or donc, au niveau des statistiques, je vous inviterais à poser des questions spécifiques à ceux de l'équipe de l'INESSS, qui vont venir vous voir. Moi, j'étais consultante pour l'INESSS, mais je ne suis pas celle qui est derrière ces études-là. Donc, je ne peux pas vous parler d'une prévalence particulière dans une région ou dans une autre.

Je peux vous dire que le fait d'avoir un TDAH peut attirer quelqu'un dans un certain type de travail, puis certaines régions ont peut-être, justement, ce type de travail là. Une chose qui a été remarquée, pas juste ici mais dans d'autres pays, par exemple si on regarde nos militaires, si vous regardez une approche non pharmacologique, pour bien traiter le TDAH, c'est un cadre avec une structure, des activités stimulantes, variées, où est-ce que tu sais ce que tu vas faire, mais tu ne t'ennuies pas. Je vous décris les Forces armées canadiennes. Donc, dans un contexte comme ça, on va retrouver une prévalence plus élevée de TDAH léger à modéré, peut-être pas sévère, dans cette population-là. Et, si moi, j'étais, mettons, pédiatre à côté d'une base militaire, bien, je verrais probablement plus de jeunes que dans la population générale, vu que leurs parents, hein, sont dans ce coin-là et qu'il y a un côté génétique très élevé. Donc, il y a certains types d'industries qui attirent plus aussi les gens qui ont un TDAH, ou encore, si on regarde... si on travaille en usine, ceux qui ont un trouble d'apprentissage et/ou TDAH, des fois, il y a des corps de métier où on va en retrouver plus.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Bien, merci. Est-ce qu'on peut découvrir à l'âge de 30, 40 ans un TDAH?

Mme Vincent (Annick) : 80, si vous voulez.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : 80?

Mme Vincent (Annick) : Le cas rapporté qui m'a été... La plus vieille personne dont j'aie entendu parler qui a consulté pour la première fois, elle avait 85 ans. C'était l'arrière-grand-mère d'un petit garçon qui venait d'être diagnostiqué puis qui a dit : Moi, là, les années qu'il me reste, là, j'aimerais ça, être capable d'avoir un autocontrôle, d'être capable de jouer au bridge avec mes amis, j'aimerais ça, être capable de... Et ce n'était pas de la démence, là, c'était vraiment un TDAH. Donc, il n'y a pas d'âge en tant que tel.

Donc, la question, c'est toujours... quand on fait notre démarche diagnostique, c'est de voir : Comment avez-vous fait, à date, pour vivre avec votre TDAH? En quoi ça vous a bien servi? Qu'est-ce qu'il manque? Et c'est là où est-ce qu'on va toujours avoir la réflexion, à toutes les étapes de la vie, si c'est pertinent ou pas de faire un traitement pharmacologique.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Très bien. Et les gens qui vous consultent, sûrement, y vont avec une perte de mémoire. C'est quoi, les diagnostics d'une personne d'un certain âge? On dit: 30 ans et plus. Quel est leur symptôme pour aller vous consulter?

Mme Vincent (Annick) : Je vous dirais que c'est les mêmes que chez les jeunes, mais c'est le contexte qui est différent. Souvent, ceux qui n'ont jamais été diagnostiqués avant ont un TDAH moins sévère, donc de degré léger à modéré, et ont souvent pallié par toutes sortes de stratégies, dont, entre autres, mettre plus de temps, se réviser davantage, se donner toutes sortes de stratégies qui demandent du temps et de l'énergie. Et, tant qu'ils n'avaient qu'eux, eux-mêmes, à s'occuper ou leurs études, ils vont compenser. Après ça, on va avoir un pic de consultation quand on arrive à la combinaison travail-famille. On a aussi le passage de l'école vers le milieu du travail. Pour certains, ça va être aussi la retraite, quand tu n'as pas... je m'excuse, messieurs, mais... la secrétaire qui va t'aider à t'organiser, puis madame dit : Non, il n'en est pas question, ce ne sera pas moi qui vais le faire. Donc, je vois des gens aussi, des jeunes retraités qui disent : Moi, je voudrais vivre une retraite beaucoup plus agréable.

Donc, vous voyez, la raison de consultation va varier. Mais on est toujours en fonction d'où est l'impact. J'ai vu des chefs d'entreprise qui ont un TDAH, où est-ce qu'à un moment donné ils ont dit : Dans le contexte où est-ce que... là, je n'arrive plus à compenser, ce n'est plus suffisant. Donc, ce qu'on appelle le fardeau compensatoire, dans notre jargon, est très, très important quand on fait l'évaluation, de voir où ils en sont, comment ils se sont rendus là et qu'est-ce qu'il manque.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la députée de Soulanges.

Mme Picard : Oui, rebonjour. Je crois qu'il y a tout un lien à faire avec l'anxiété des jeunes, avec le système scolaire, qui demande beaucoup pour nos jeunes, avec beaucoup de pression. Je voulais savoir... J'aimerais que vous m'en disiez plus sur la trajectoire de services qui serait idéale pour nos enfants.

• (15 h 30) •

Mme Vincent (Annick) : J'aime cette question. Quand j'ai participé avec les travaux d'INESSS... J'adhère complètement à ce qui a été produit, là, par INESSS, c'est-à-dire qu'on devrait avoir, en amont d'un diagnostic, des interventions non spécifiques pour l'ensemble de notre jeunesse. Je crois qu'actuellement nos jeunes sont mal outillés dans la gestion des émotions en général, que ça vaudrait la peine d'aider nos jeunes et nos moins jeunes aussi dans la gestion de l'anxiété, reconnaître c'est quoi, une émotion, comment, quand la vague d'émotions est trop forte, on peut jeter l'ancre et se déposer. Et, quand l'émotion est trop forte, on n'arrive pas à se concentrer, hein? Donc, ça, c'est la base.

Après ça, des stratégies, je dirais, d'autogestion au niveau de la fragilité attentionnelle en soi, sur le plan sociétal, tout ce qui est s'occuper de son cerveau, prendre soin de son cerveau... Donc, on parle, à ce moment-là, de bien s'alimenter, de politiques globales au niveau de l'activité physique, par exemple, le sommeil, des stratégies au niveau, là, d'avoir une bonne gestion du sommeil. D'avoir des services qui nous permettraient de donner de la guidance parentale aux parents qui en ont besoin, au moment où ils en ont besoin, et qu'ils ne se retrouvent pas sur une liste d'attente de six mois à un an. Il y a des approches comme, par exemple, le programme Équipe, qui est un programme très intéressant, vous pourriez demander au Dre Leila Ben Amor, de Sainte-Justine. C'est un programme qui ne coûte pas cher, qu'on peut installer dans plusieurs milieux, qui ne demande pas un Ph. D. pour l'administrer et qui... il a été démontré scientifiquement efficace pour aider des parents en amont d'un diagnostic. Donc, il y a plein de choses qui peuvent être faites en amont du diagnostic, incluant des approches en classe.

Quelqu'un qui a une fragilité attentionnelle, pourquoi j'aurais besoin d'un diagnostic pour mettre en place des stratégies? Donc, ça, c'est quelque chose... si jamais il y a un élément qui pourrait changer à ce niveau-là... La place du diagnostic, elle devrait être là quand on a besoin de mettre en place des stratégies spécifiques puis, peut-être, pour mieux engager la personne dans son traitement. Mais il y a plein de choses qui pourraient être faites en amont d'un diagnostic. Et je pense qu'avoir une réflexion plus universelle sur qu'est-ce qu'on peut faire pour notre société, nos jeunes... Parce que c'est important, hein, nos jeunes, c'est notre avenir.

Mme Picard : Il y a beaucoup de stigmatisation, surtout... En fait, on colle l'étiquette d'une maladie TDAH avec des médicaments. À propos, justement, de la molécule, là, du médicament comme tel, croyez-vous, selon vous, qu'il y en a trop qui sont prescrits? Ou...

Mme Vincent (Annick) : Je suis embêtée. La bonne question serait : Est-ce que les gens qui en ont besoin ont accès au bon traitement au bon moment dans leur vie? Je pense que c'est plus ça, la question, que : Est-ce qu'on en prescrit trop? Parce qu'on n'a pas nos chiffres de... on n'a pas des vrais chiffres de prévalence au Québec. Ça coûterait une fortune, faire ce genre d'étude là. Mais, quand quelqu'un a réellement un TDAH, ça lui prend combien de temps dans la trajectoire de service, en ce moment, pour avoir accès à un diagnostic adéquat et avoir accès à un traitement adéquat?

La RAMQ a fait, je dirais, un bel exercice dans la dernière année et a accepté maintenant le traitement avec un psychostimulant de longue action, plutôt que passer par une longue action en étape préalable. Et ça, c'est vraiment un gros plus, parce qu'on avait beaucoup de jeunes qui étaient exposés à du courte action. Dans un contexte comme ça, ça c'est quand même quelque chose qui est un plus par rapport à d'autres provinces. Alors, si on se compare... Parce que, souvent, c'est une question qui revient : Comment ça se fait qu'au Québec on en prescrit plus qu'ailleurs? Ce n'est pas qu'on en prescrit plus qu'ailleurs, c'est qu'ailleurs ils ne sont pas remboursés.

Donc, ah! donc, on est la seule province où, dans notre programme, d'une façon ou d'une autre, via le programme régulier, médicaments d'exception ou patients d'exception, nos patients ont accès à tous les traitements pharmacologiques au Québec. Ce n'est pas le cas du reste des Canadiens ni le cas des Amérindiens qui sont au Québec, parce qu'ils sont couverts par un autre programme d'assurance.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : C'est intéressant. Il reste-tu du temps, monsieur?

Le Président (M. Provençal)  : Oui, il reste encore une minute, là. Oui. Monsieur... Oui, le député de Richmond.

M. Bachand : Je trouve ça très intéressant, ce que vous dites. Donc, vous êtes en désaccord avec le titre du mandat de la commission, qui est l'augmentation préoccupante de la consommation de psychostimulants. Vous êtes en désaccord avec le fait que le Québec a une situation particulière au niveau de son système de santé puis que l'augmentation n'est pas préoccupante : c'est parce qu'on a un système de santé qui est différent. Donc, vous êtes en désaccord avec le pourquoi de la commission aujourd'hui.

Mme Vincent (Annick) : Non, je ne suis pas en désaccord. Je suis très contente que la commission se préoccupe du TDAH. Et je ne voudrais pas juste qu'on se préoccupe de la médication. Je voudrais qu'on se préoccupe de l'ensemble de la trajectoire de service, en prédiagnostic, les approches pharmacos et non pharmacos.

M. Bachand : Mais le mandat de la commission, c'est l'augmentation préoccupante, donc on se base sur des études, etc., des articles... Donc vous, a priori, vous mettez, sans, disons, le nier, vous mettez un bémol.

Mme Vincent (Annick) : En fait, je dirais, je... Ça reste préoccupant, O.K.. Le mot «préoccupant» est correct, il est adéquat dans la situation, mais je rajoute la préoccupation à pas juste la médication.

Le Président (M. Provençal)  : Ça va. Alors, je vais maintenant céder la parole à la députée de Fabre, s'il vous plaît.

Mme Sauvé : Merci beaucoup, bon après-midi, M. le Président. Alors, Dre Vincent, c'est un plaisir de vous entendre et de pouvoir vous poser des questions pour mieux comprendre ce qu'il se passe. Et je vais me permettre de faire un peu du pouce sur ce que le collègue mentionnait avant. Dans le fond, on doit, bien sûr, être préoccupé par la situation de la hausse importante de la médication auprès des jeunes particulièrement au Québec, mais, en même temps, ce que vous dites, c'est : Ne pas se préoccuper uniquement du médicament, mais du traitement dans une approche plus globale. J'entends ça, puis ça me réjouit.

Moi, je vous dirais que j'ai effectivement des préoccupations quant à la trajectoire jusqu'au diagnostic. On sait très bien que la majorité des diagnostics sont rendus par des médecins de famille au Québec. Et vous êtes, bien sûr, psychiatre, et, tantôt, vous avez nommé... et c'est un premier élément que je veux souligner, vous avez nommé... Quand vous recevez des clients qui, possiblement, auront le diagnostic du TDAH, vous recevez une plainte. Vous avez utilisé le mot «plainte» tantôt, et ça m'a marquée.

Alors, je voulais revenir là-dessus pour bien comprendre. Quand vous parlez de plainte, vous parlez d'une plainte qui provient soit de l'école soit des parents, mais... puis je fais le lien avec, évidemment, tantôt, quand vous parliez de l'estime de soi. On parle non pas d'une demande de diagnostic sur la base d'observations, c'est véritablement une plainte liée au comportement du jeune.

Mme Vincent (Annick) : Si je peux me permettre, le mot «plainte» est utilisé dans le sens : Il y a une souffrance, hein? Quand on se plaint, c'est qu'on a mal ou qu'on a une souffrance. Donc, la souffrance, elle peut être au niveau de l'individu, elle peut être au niveau de ses proches, elle peut être au niveau du système. Mais donc on a quelqu'un qui arrive dans notre bureau avec un... je dirais, un drapeau en l'air en disant : Il y a quelque chose qui ne va pas bien.

Des fois, c'est le clinicien qui va reconnaître, derrière ce qui nous est dit dans le bureau, des symptômes possibles de TDAH, puis, d'autres fois, ça nous arrive sur un plateau d'argent, puis ce n'est même pas du TDAH, O.K., et c'est là le travail de détective du médecin.

Et, moi, ça ne m'inquiète pas, qu'il y ait des médecins de famille qui fassent un diagnostic. Nos médecins de famille, au Québec, sont formés, en général, pour faire le diagnostic du TDAH. Ils font beaucoup, beaucoup de santé mentale, nos médecins de famille, hein? Ça fait des années qu'on a travaillé en équipe, et que les médecins de famille travaillent aussi au niveau de la dépression, au niveau de l'anxiété.

Moi, ce qui m'inquiète, c'est qu'ils travaillent tout seuls. Ils devraient travailler avec des équipes, ils devraient une approche multidisciplinaire, on devrait mieux appuyer le travail de nos médecins de famille, et puis, dans un contexte comme ça, le médecin spécialiste devrait être en appui, mais aussi on devrait avoir accès à des psychologues, neuropsychologues, quand on en a besoin, je dirais, valoriser le rôle de l'infirmière dans le rôle de coordination, valoriser le rôle du pharmacien dans le rôle des conseils et de l'administration de la médication. Ces gens-là sont là. On pourrait mieux travailler, avoir une approche collaborative. Ça serait vraiment quelque chose d'intéressant.

Mme Sauvé : M. le Président, merci pour ces précisions, parce que vous m'avez rassurée.

Dans le fond, je veux juste aussi ramener... parce que c'est la notion du diagnostic qui me préoccupe encore, et vous parlez d'une approche très collaborative, et je trouve ça fort intéressant, parce que, dans les faits, on entend et on a même entendu ce matin... Il y a des médecins de famille... puis, encore là, ils ont la formation, ils ont l'expertise, mais il y a des situations que les parents nous nomment, on l'entend aussi, où la consultation pour l'élaboration du diagnostic, c'est entre 15 minutes et une demi-heure, alors que, souvent, quand on parle de démarches par rapport... de démarches qui sont faites auprès d'un neuropsychiatre ou d'un psychologue... Bien, d'abord, le psychologue ne peut pas émettre un traitement, il n'est pas médecin, mais tout ça pour dire qu'on entend, bien sûr, des réalités qui font que bien que l'expertise est au rendez-vous avec les médecins, qui sont formés, il n'en reste pas moins qu'il y a certaines démarches qui me préoccupent. Ça, c'est la première chose. Et vous avez parlé aussi de favoriser l'avant-diagnostic, donc l'avant-diagnostic, qui peut passer, évidemment, encore là, dans une approche collaborative, soit multidisciplinaire entre professionnels, mais aussi de l'école vers le professionnel.

Moi, je vous dirais, puis je ne sais pas, j'ai... Vous avez parlé qu'il y a des outils qui existent pour les enseignants, pour les parents. Moi, j'ai mis la main sur un test, entre autres, un test qui s'appelle le questionnaire Conners. Moi, quand je regarde la définition du TDAH — puis je vous entends tantôt, puis c'est effectivement avec toute votre expertise, puis avec beaucoup de respect — quand je regarde la définition à ce qui est un peu la bible de la définition des troubles liés à la santé mentale, le DSM, le DSM-5, il y a tous les symptômes qui sont liés au TDAH, mais il y a la notion d'intensité et de persistance.

Alors, un enseignant, par exemple, qui verrait qu'un enfant a tel, tel, tel symptôme, bien, ce n'est pas deux ou trois symptômes de temps en temps qui font que cet enfant-là a le TDAH. Alors, moi, quand je relie cette définition-là au DSM puis que je vois que, par exemple, pour le volet de l'inattention, bien, ça prend une persistance, une intensité de six ou plus symptômes qui sont nommés là, la même chose pour l'hyperactivité...

Alors, je regarde ça, je regarde la rigueur de la définition, je regarde l'expertise qui pourrait bénéficier d'une certaine formation de plus, entre autres, peut-être avec certains médecins. Mais je regarde aussi l'avant-diagnostic, je regarde les outils qui sont en main, je regarde le questionnaire de Conners, entre autres, qui va avec une liste de symptômes, c'est à la portée des parents et c'est à la portée des enseignants. On répond «pas vrai du tout», «un peu vrai», «assez vrai», «très vrai». Et là je suis un peu inquiète dans l'aspect un peu arbitraire de l'observation qui peut se faire, alors que c'est tellement important d'être dans cette rigueur qui va mener au bon diagnostic, comme vous l'avez dit, au bon diagnostic, le bon médicament ou le bon traitement global.

• (15 h 40) •

Mme Vincent (Annick) : ...le doigt sur la problématique qu'on a en santé physique aussi. Je ne sais pas s'il y en a d'entre vous qui avez déjà étudié, un peu, au niveau, par exemple, des douleurs au niveau du dos, au niveau de... Donc, on a, des fois, dans... il y a certaines problématiques en santé mentale et en santé physique pour lesquelles on n'a pas ce qu'on appelle des marqueurs biologiques. Et, dans un contexte comme ça, on va faire une démarche clinique la plus rigoureuse possible, où est-ce qu'on va collecter de l'information. Un questionnaire, c'est l'équivalent de prendre la température quand quelqu'un nous dit : Je pense, je fais de la fièvre. O.K.? Donc, ça nous donne une intensité de symptômes, ça ne nous donne pas un diagnostic. C'est notre rôle de clinicien d'aller voir qu'est-ce qui se cache derrière le symptôme. Quelqu'un, par exemple, qui a une difficulté à se concentrer pourrait avoir un problème de sommeil, puis il n'y a une vigilance en cours de journée, pourrait être anxieux, puis ses idées s'en vont dans une boucle anxieuse, pourrait avoir un TDAH et ses idées se promènent tout partout et se perdent dans les sentiers, et c'est notre rôle de faire cette évaluation-là.

Plus on a d'information colligée de façon structurée auprès de différentes personnes, plus on peut avoir de l'observation par rapport à ça, plus ça va être facilitant. Il n'y a pas un test en neuropsy, O.K., qui nous permet de faire un diagnostic seul de TDAH. Si je ne pose pas de question à mon patient et je lui passe la meilleure batterie de tests neuropsy, dans 20 % des cas, je ne trompe. Dans 20 % des cas, ceux qui ont un TDAH ont tout à fait une performance normale aux tests neuropsys, et, dans 20 % des cas, quelqu'un qui n'a pas de TDAH va avoir l'air d'en avoir un dans un test neuropsy. Alors, les neuropsys vont aussi faire cette évaluation clinique là, et, quand on fait un test neuropsy, c'est dans un contexte où je veux raffiner ma démarche pour éliminer, dans mon diagnostic différentiel, d'autres problématiques comme les troubles d'apprentissage, dont je parlais tout à l'heure.

Le Président (M. Provençal)  : ...poser une autre question, Mme la députée.

Mme Sauvé : Oui, merci, M. le Président. Merci pour les précisions. En fait, effectivement, l'expertise clinique, elle est au rendez-vous, et la volonté et la bienveillance des enseignants aussi, et surtout celle, bien sûr, des parents. Mais il n'en reste pas moins que l'observation, si elle est faite en milieu scolaire, et malgré la bienveillance de tous, si le regard est posé, et on a nommé le mot «étiquetage», mais, si l'observation est peu balisée et elle amène déjà à un presque diagnostic entre le milieu scolaire, et l'enfant, et les parents et qu'on n'est pas encore dans l'expertise clinique, moi, ça me préoccupe beaucoup. Et j'entends aussi les parents pour qui c'est une grande source de préoccupation. Alors donc, oui, l'observation, oui, des outils, mais, sans encadrement, on peut être dans une surobservation. On n'est pas encore dans le surdiagnostic, on est sans la surobservation, mais c'est le regard qui est posé sur l'enfant déjà, et ça m'inquiète beaucoup.

Mme Vincent (Annick) : ...qui est préconisée pas l'INESSS, c'est qu'il y a aussi tout un plan éducatif par rapport à la population en général, au corps enseignant, au personnel, aussi, de l'école, aux parents et sur le plan médical, pour, justement, aller appuyer ça. C'est un peu ce qu'on a essayé de faire avec nos moyens quand on a fait nos programmes de formation comme TDAH VIP et VIP+. Moi, je rêve du moment où est-ce qu'un parent qui est à la maison pourrait, au bout de ses doigts, sur le Web, aller chercher de l'information qui est pertinente, adéquate et en temps opportun, que la même chose puisse arriver à un enseignant, mais qu'il y ait aussi, éventuellement, pas juste une interface Web avec un site, mais un endroit où tu peux aussi avoir de la formation.

Et c'est dans ce contexte-là qu'on a décidé de faire le colloque l'année prochaine. On reçoit le colloque international en TDAH ici, à Québec, et on a choisi de l'ouvrir à tous. Il est ouvert au grand public, il est ouvert au monde de l'enseignement et il est ouvert au monde de la santé.

Et je pense que c'est par l'éducation, pas dans le sens éducation-école, mais dans le sens enseignement, d'aider les gens à faire la part des choses entre, justement, la fragilité attentionnelle de quand je suis fatigué versus est-ce que c'est un vrai TDAH...

On a eu toute cette dynamique-là, il y a plusieurs années, par rapport à la dépression majeure. Je ne sais pas si vous avez assisté, un peu, à ce même genre de débat là. On peut avoir une humeur triste sans être déprimé, hein? On peut avoir une difficulté d'attention sans avoir un TDAH. Donc, on peut prendre cette analogie-là puis voir où est-ce qu'on était en dépression il y a 20 ans et souhaiter qu'on prenne un petit peu moins de temps pour se rendre là pour le TDAH.

Une voix : Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Je vais maintenant céder la parole au député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Merci, M. le Président, merci beaucoup, bonjour. Le fait qu'il y ait plus de diagnostics de TDAH au Québec par rapport à d'autres régions du monde, par rapport au Canada aussi, est-ce que ça s'explique, selon vous, par des facteurs génétiques, environnementaux ou sociaux, ou toutes ces réponses?

Mme Vincent (Annick) : Bonne question. En fait, est-ce qu'on a plus de diagnostics ou on a plus de gens qui sont diagnostiqués et traités? Parce que, là, actuellement, pour... quand on fait nos travaux, la façon qu'on fait nos études statistiques, et là l'INESSS serait... M. Lesage vient présenter, hein, Dr Lesage, je crois? Il pourrait mieux vous expliquer, là, le détail au niveau... Quand on fait une étude épidémiologique, il faut qu'on essaie de se baser sur des données. Donc là, actuellement, on n'a pas les données par rapport au diagnostic, on a accès aux gens traités. Alors, il y a une nuance par rapport à ça. Donc, on peut se poser la question, sur le plan global, quand on va aux congrès internationaux en TDAH, ce qu'on voit, c'est qu'il y a des disparités régionales sur le globe. On a à peu près la même prévalence, c'est-à-dire que le nombre de personnes atteintes du TDAH, qu'on soit ici, en Asie, en Afrique, en Amérique du Sud, c'est à peu près le même nombre de personnes.

Maintenant, quel genre de services ces gens-là ont accès? Comment la société les accompagne, qu'est-ce qu'ils ont comme traitement disponible, comme ressources diagnostiques, ça, ça varie régionalement. Il y a même des régions où les gens sont très prêts à aller chercher les services, mais les services ne sont pas disponibles et d'autres régions du globe où les services sont disponibles puis les gens ne sont pas disposés à aller les chercher.

Alors, ici, au Québec, il y a quand même un gros travail qui a été fait, je crois. Encore, on peut s'améliorer, ça, c'est clair. Je pense que les gens ont entendu un petit peu mieux parler du TDAH, il y a eu des émissions de télé comme TDAH mon amour, il y a quelques années, qui ont eu un gros boum pour essayer de démystifier. Il pourrait y en avoir d'autres. Au niveau, je dirais, des médias, les médias traitent mieux maintenant du TDAH qu'avant, je pense qu'on est moins dans les mythes puis plus qu'est-ce que c'est. Donc, est-ce que ça fait en sorte que des gens se reconnaissent plus facilement et vont consulter? Peut-être.

Je dirais, là où il y a une grosse difficulté au Québec actuellement, c'est l'accès aux ressources, l'accès aux services, autant sur le plan prédiagnostic, diagnostic que post-diagnostic. C'est dommage, mais à peu près la seule chose qui est disponible, c'est la médication. Et je ne veux pas dire que la médication n'a pas sa place, la médication a sa place. Mais la médication ne fait pas tout, et je dirais qu'actuellement, là où on devrait avoir un gros débat, c'est : Comment ça se fait qu'on n'offre pas le reste?

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup.

M. Zanetti : Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Je vais céder la parole au député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui, merci, Dre Vincent. Êtes-vous d'accord avec l'affirmation de notre invitée précédente, qui disait : C'est le contexte social et normatif qui transforme ces comportements en maladie et qui les désigne sous un registre de diagnostic pathologique?

Mme Vincent (Annick) : Je ne sais pas, parce que je n'ai pas le contexte de toute la phrase, là, mais ce qu'on peut voir, c'est... Est-ce qu'on peut penser qu'il y a une médicalisation de comportements normaux? Si c'est ça qu'elle pense, je crois que, dans certains cas, oui. Si on regarde... Mais, quand on parle de vrai TDAH, la réponse, c'est non, O.K.? Mais donc, ce qu'il faut voir aussi, c'est : Est-ce qu'on laisse, par exemple... Qu'est-ce que la bougeotte significative? Qu'est-ce qui est une impulsivité hors normes, hein? Qu'est-ce que je m'attends du comportement dit «normal» d'un enfant? Est-ce qu'un enfant devrait être assis sur sa chaise, aussi immobile que la chaise? La réponse, c'est non, hein? Alors, ça, c'est clair.

Alors, est-ce qu'on a des attentes irréalistes? Est-ce que, par exemple, actuellement, on demande à nos jeunes une capacité attentionnelle qui est hors normes, ce qui fait qu'on a nos jeunes qui ont un TDAH, qui en arrachent, mais bien d'autres aussi? Ça, c'est une question qu'on peut se poser, à laquelle je n'ai pas la réponse. Mais ce qu'on voit, par contre, c'est qu'il y a une médicalisation puis une déresponsabilisation dans d'autres problématiques. Moi, je le vois, par exemple, en santé mentale adulte, au niveau des comportements impulsifs, au niveau des... Beaucoup de gens se ramassent à l'urgence psychiatrique, alors que ce n'est pas une maladie en tant que telle. Donc, je pense qu'il y a un côté sociétal de ce côté-là.

• (15 h 50) •

M. Gaudreault : Quand on regarde l'ensemble, disons, de pays qui nous ressemblent, là, en Occident, êtes-vous capable de nous dire ça serait quoi, le taux de vrai TDAH ou le taux normal de vrai TDAH... ça a l'air drôle de le poser comme ça, là, mais, quand on regarde dans les autres législatures... les autres législations, plutôt, à travers le monde, les autres pays, ça serait quoi, le taux normal moyen?

Mme Vincent (Annick) : Bien, en fait, si on regarde la prévalence, c'est entre 5 % à 10 % chez les enfants et, pour parler d'une persistance des symptômes à l'âge adulte, ça dépend de notre définition de la persistance. Donc, si on va jusqu'à avoir assez de critères pour répondre encore complètement au DSM-5, qui est passé de six à cinq symptômes dans chaque catégorie, on est, selon les études, entre 50 % et 75 % de persistance des symptômes.

M. Gaudreault : ...combien?

Mme Vincent (Annick) : 4 % à 5 % des adultes qui ont un TDAH. Maintenant, moi, ce que j'aimerais vous souligner, c'est peut-être aussi penser à la personne au... Le jeune qui a un TDAH aujourd'hui, O.K., avec les facteurs de risque dont je vous ai parlé, si on peut l'aider à ne pas avoir de traumas crâniens, à avoir une estime de lui qui est solide, à être capable de faire son cursus académique comme tout le monde, pas mieux, pas pire, mais comme comme tout le monde, à avoir moins de problèmes de consommation, à avoir peut-être moins d'anxiété, moins de problématiques relationnelles, bien, ça va faire un adulte qui va être plus épanoui plus tard, et, même si son TDAH s'atténue plus tard, il n'aura pas eu les dommages collatéraux en chemin. Et ça, c'est une chose importante, et c'est une chose qui, vraiment, transcende quand on va aux congrès internationaux, c'est l'importance d'agir au moment où la personne a son TDAH et a des impacts pour son TDAH ici, maintenant, en pensant à demain.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup, Dre Vincent, pour votre contribution aux travaux de notre commission. Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 52)

(Reprise à 15 h 54)

Le Président (M. Provençal)  : Je souhaite la bienvenue au Dr Benoît Hammarrenger. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé. Je vous cède la parole.

M. Benoît Hammarrenger

M. Hammarrenger (Benoît) : Bonjour. Merci de l'invitation aujourd'hui. Mon nom est Benoît Hammarrenger, je suis neuropsychologue. Je pratique auprès d'enfants depuis une quinzaine d'années, directeur d'une clinique, dans les... bien, en fait, de deux cliniques, Laval et Montréal. J'ai écrit également deux livres, un livre, 10 questions sur le TDAH, et un livre sur le trouble d'opposition chez les enfants, qui est souvent associé au TDAH.

Donc, je débute ma présentation aujourd'hui, où on se rend compte, là, concernant le surdiagnostic ou les taux élevés, en tout cas, de médications de TDAH au Québec. Peut-être commencer par revoir les chiffres, là. On a effectivement... il est sorti un taux de médication chez les adolescents autour de 14 %, vous connaissez ces chiffres-là. Il est sorti également... l'année précédente, ça a été un petit peu moins médiatisé, là, mais l'Institut de la statistique du Québec a produit un document où 23 % des adolescents, là, donc on est près d'un sur quatre, disait avoir été diagnostiqué, par un professionnel de la santé, du TDAH. Donc, si on se fie à ces chiffres-là, là, donc, près d'un sur quatre adolescents au Québec aurait été diagnostiqué du TDAH, et autour de 14 % serait médicamenté pour le TDAH. Donc, ce sont des chiffres qui sont excessivement élevés.

Il y a eu beaucoup de comparaisons, dans les médias, sur le reste du Canada, hein, on est plus élevés que le reste du Canada. Je suis un peu Dre Vincent, qui a été avant moi, et... sur le fait de la prévalence, en fait, on ne devrait pas juste la comparer au Canada, mais à travers le monde. À travers le monde, on a des chiffres, on a des méta-analyses, dont une qui assez récente, 2017, là, si je ne me trompe pas, qui va nous donner un chiffre, là, de 7,2 % de prévalence à travers le monde, là, Asie, Europe, Océanie, un petit peu partout, on est à 7,2 % de TDAH. 7,2 %, en comparaison, donc, ça, c'est le taux de diagnostic qu'on devrait avoir un peu partout dans le monde.

Également, ces analyses-là nous montrent que c'est assez stable partout dans le monde. Il n'y a pas tellement de variation d'un pays à l'autre. On ne peut pas se dire : O.K., bien, on serait dans les pays, là, qui en ont le plus, comme d'autres, et d'autres en ont moins, ce qui donne une moyenne à 7,2 %. On est à peu près partout autour de ça, 7,2 %, à part chez nous, où il y a des chiffres qui commencent à déborder ça. Si on compare le 7,2 % attendu au 23 % de jeunes qui se disent diagnostiqués, on est comme trois fois, là, au-dessus de ce qui devrait être attendu.

Je veux donc lancer, aujourd'hui, des pistes de réflexion sur le rôle de ceux qui posent des diagnostics, en fait. Donc, il faut conclure que des faux diagnostics, en fait, si le taux devrait être à 7 % mais qu'on est à 23 %, il faut comprendre qu'il y a plus de faux diagnostics que de vrais diagnostics de TDAH, et ça, c'est inquiétant. Il y a plus de faux diagnostics, en ce moment, il y a plus de jeunes qui ont une étiquette de TDAH et que ce n'est pas vrai, là, c'est un faux diagnostic, que ceux qui la portent, cette étiquette-là, et que c'est vrai qu'ils l'ont, ce diagnostic-là. Alors, il faut quand même se questionner. Il faut se questionner sur, donc, qui pose ces diagnostics-là et quelles erreurs pouvons-nous commettre? Ça implique un regard sur nous-mêmes, ça m'implique, moi, et ma profession, les neuropsychologues, ça implique également les psychologues, psychologues scolaires et les médecins, qui sont les trois grandes professions, là, pouvant poser ce diagnostic au Québec.

Je commence avec la partie, donc, au niveau des médecins. Le diagnostic posé par le médecin est souvent basé sur une liste de symptômes, la liste de symptômes que vous avez dans mon document, page cinq. On a des symptômes d'inattention, des symptômes d'hyperactivité. Si on en a six sur neuf, alors on remplit les critères soit d'inattention, soit d'hyperactivité, soit des deux. Ce qui est bien connu de cette liste de critères là, c'est qu'il s'agit de critères non spécifiques. Alors, le fait... je vous en lis un, par exemple, là : ne parvient pas — le premier, là, de... Ne parvient pas à prêter attention aux détails ou fait des fautes d'inattention. Ce n'est pas obligatoirement quelqu'un qui a un TDAH qui fait ça, là. Vous pouvez tous ici, moi-même, avoir des moments, là, où on ne parvient pas à porter attention aux détails, où on fait des fautes d'inattention. On peut avoir également... Donc là, je parle de normalité. On peut avoir également des troubles où ça survient fréquemment. Quelqu'un qui est dépressif, par exemple, va avoir de la difficulté à porter attention aux détails puis à soutenir son attention. Il va faire des fautes, des étourderies. Hein, quelqu'un de dépressif va dire qu'il va avoir de la difficulté à soutenir son attention sur une lecture, par exemple, qui oublie, au fur et à mesure, qu'est-ce qu'il lit, qui s'en va à l'épicerie et qui oublie qu'est-ce qu'il allait chercher. Alors, ces critères-là, qui sont, en fait, des symptômes visibles... donc, je n'arrive pas à porter attention... ces symptômes visibles, là, ne sont pas seulement attribuables au TDAH. Alors, ce qu'il se passe, comme difficulté, c'est, quand on se base sur six sur neuf critères, on risque d'avoir d'autres problèmes qui ressemblent ou qui imitent très bien un TDAH sans en être un.

Dans le bureau du médecin, bien, les médecins vont dire eux-mêmes, ils n'ont pas d'outil pour évaluer l'attention chez l'enfant. Ce qu'ils doivent faire, c'est de baser sur le rapport d'une tierce personne, qui est le parent, ou d'une autre tierce personne, qui est l'enseignant qui a parlé au parent, et le parent qui le rapporte au médecin, pour poser ces diagnostics-là. Il n'y a pas de mesure possible, dans le bureau d'un médecin, de l'attention d'un enfant. Il y a une liste de symptômes où on pose des questions aux parents, et où nous sont rapportés des symptômes de l'école. Alors, des fois, on va avoir également des listes de symptômes qui sont à cocher, dans des questionnaires, où les professeurs vont donner leur avis sur ça, où des parents vont pouvoir donner leur avis et cocher cette liste de symptômes, mais on est dans une tierce personne qui rapporte les symptômes de la personne qu'on diagnostique, qui est l'enfant, dans ce cas-ci.

• (16 heures) •

J'argumente, ici, qu'il faudrait, pour avoir un diagnostic qui est précis, non seulement avoir ça qui me paraît pertinent, mais avoir également une mesure, comme on voudrait pour n'importe quelle autre maladie, avoir une prise de sang, avoir une radiographie pour... On voudrait une mesure chez le patient, ce que fait l'évaluation en psy ou en neuropsy.

Ce qu'on va rencontrer également comme difficulté... il y a eu une grande médiatisation du TDAH dans les dernières années, ce qui fait que le... pardonnez-moi l'anglicisme, mais le «spotlight», dans notre société, a été posé sur ce trouble-là, parmi tous les troubles qui peuvent exister chez les jeunes. Il y a en beaucoup, des difficultés qui peuvent exister qui sont autres que le TDAH et qui peuvent imiter ce qu'est le TDAH. Le «spotlight» étant tellement posé sur ce trouble-là, ça va faire qu'au moment où un enfant ne porte pas attention à l'école ou au moment où un enfant ne réussit pas en classe, ou est agité, ou pousse un camarade dans la cour d'école, la première chose qu'on pense, c'est là où est le «spotlight». On le voit, c'est illuminé, alors on va penser TDAH. Le professeur va penser TDAH, le surveillant dans la cour d'école va penser TDAH, les parents, en regardant les devoirs, vont penser TDAH, vont se rendre dans le bureau du médecin avec ce feeling biaisé, parce que c'est ça qu'ils connaissent et qu'ils voient, ils vont dire: Je pense que mon enfant a un TDAH, donc déjà enligne vers... et ne rapportent seulement que les symptômes qui fittent dans leur tête et qui ont été exposés par les médias du TDAH. Le médecin, qui ne dispose que de cette information-là, dispose, en partant, d'une information biaisée, qui est une information d'un parent ou d'un professeur qui a le «spotlight», je le répète, sur le TDAH, d'où l'importance, encore là, pour moi, d'aller faire une histoire assez complète ce que qui pourrait être autre chose que le TDAH.

Je parle maintenant des psychologues. Les psychologues scolaires vont faire une évaluation assez complète et qui se compte maintenant plutôt en heures, donc un peu plus de temps à poser sur ce diagnostic-là. Mais les ressources dans nos écoles font qu'ils doivent aller relativement vite et s'en tenir souvent au diagnostic que du TDAH. Et je pense que ce n'est pas une bonne pratique de dire: Je reçois dans mon bureau un enfant ou même un adulte et ce que je vais évaluer, c'est que le TDAH. Ça, ça veut dire souvent ce qu'on va avoir, c'est une évaluation qui est faite avec l'évaluation du QI et des tests d'attention. C'est déjà bien, on a une prise de mesure, notre espèce de radiographie ou notre prise de sang, là, qui est faite sur l'enfant, donc ce sont des tests qui sont passés à l'enfant, de son attention.

Par contre, il y a moins de temps pour aller voir, à l'extérieur de ces troubles-là, ce que l'enfant pourrait avoir comme difficultés. Est-ce qu'il rencontre un trouble d'apprentissage? Pensons-y. L'enfant qui a de la difficulté à lire en classe parce qu'il présente une dyslexie et non pas un TDAH, présente une dyslexie... Le nombre de fois qu'un enfant doit lire en classe, lire ce que le professeur écrit au tableau, lire dans son cahier, lire des questions d'examen, le nombre de fois où il doit lire, pour lui, c'est une tâche qui est non automatisée par rapport à ses pairs, ce qui fait que ça lui draine beaucoup plus d'attention, beaucoup plus difficile. Cet enfant-là vient vidé de son attention beaucoup plus rapidement qu'un autre et a l'air de présenter un déficit d'attention. Il ressemble, en tous points, au jeune qui a un TDAH sans en avoir un. Donc, voilà l'importance d'aller vers un diagnostic différentiel.

Je termine avec les neuropsychologues, bien, peut-être deux dernières choses, les neuropsys qui, eux, de leur côté, ont une certaine pression dans la pratique privée, souvent un neuropsy va pratiquer en pratique privée, il y a une pression du client payeur, que je remarque — alors, il y a peut-être quelque chose à réfléchir ici — que le client qui a payé, ça ressemble à 1 500 $ à 2 000 $, une évaluation en neuropsy, et qui vient se chercher un diagnostic de TDAH pourra mettre de la pression et dire : Je le veux, ce diagnostic-là, j'ai payé pour. Et le professionnel qui se fait payer reçoit une pression à le poser, le diagnostic. Donc, il y a aussi également des enjeux liés au neuropsy.

Et, en terminant, il y a une certaine banalisation, pour moi, de ce qu'est le TDAH en ce moment. Quand on parle que c'est seulement une différence individuelle entre les gens, que ça serait... Bon, c'est sûr que le TDAH est accompagné de belles forces et que c'est plutôt un... il y a de la créativité liée au TDAH, à un moment donné, ça devient presque cool, d'avoir ce diagnostic-là. C'est presque un diagnostic qu'on recherche, et il y a une certaine banalisation qui fait que, si on s'en tenait à un trouble, peut-être qu'on réussirait plutôt à s'approcher du 5 % à 7 % de prévalence.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons procéder maintenant à la période d'échange, alors la députée de Soulanges.

Mme Picard : Merci beaucoup pour votre exposé. J'ai complètement été sous le choc, parce que nous... Vous avez parlé d'histoires complètes du patient que vous rencontrez. Nous, on a un petit garçon à la maison qui était très turbulent à la garderie, et tout ça. Rendu à l'école, on s'est aperçus qu'il avait des gros problèmes et, avant même de creuser à savoir pourquoi il y a... on a tout de suite mis l'étiquette : Il doit être TDAH, c'est sûr qu'il a quelque chose ce petit garçon là, il n'est pas attentif, et tout ça. Mais, nous, de notre côté parent, on le savait, qu'il a une petite soeur qui est supermalade, il y avait eu une séparation de ses parents, puis là on disait : Bien, pas sûr que c'est un médicament que ça lui prend. Et puis là, finalement, on a succombé à la pression de tous, et on est allés faire une évaluation en neuropsy, et puis on a payé le neuropsy pour avoir exactement le papier qui dit, enfin : Votre enfant est TDA et non pas est TDAH. Donc là, je suis vraiment interpelée par votre exposé.

J'aimerais savoir, selon vous, la trajectoire de service idéale. Qu'est-ce qu'il faut améliorer, qu'est-ce qu'il faut enlever, dans un portrait global de ce qu'il se passe en ce moment?

M. Hammarrenger (Benoît) : Bien, je pense qu'on devrait avoir plus systématiquement un travail d'équipe fait avec le médecin et peut-être le psychologue ou le neuropsychologue, un peu comme le médecin qui va faire appel à un spécialiste, justement, pour obtenir des informations pour son diagnostic, aller chercher une radiographie pour savoir s'il y a fracture. Donc, on envoie, on va chercher une information, et le patient revient ensuite aller chercher une échographie, voir ce qu'il se passe au ventre, pour un enfant qui a mal au ventre. Alors, on envoie en psy ou en neuropsy, passer des tests, donc passer une épreuve sur l'enfant, pour savoir qu'est-ce qui se passe et outiller ensuite le médecin pour son traitement ou pour la suite des choses.

Donc, on devrait avoir un peu plus une espèce de façon de faire, de norme de pratique, qui implique un travail comme ça, fait avec l'enfant, et également une histoire complète, une évaluation exhaustive, en fait, qui va faire une histoire de l'enfant, une histoire de son développement, où les parents sont consultés. Il faut savoir, là, d'où ça part. Vous m'avez parlé de... il y a une séparation à la maison, il y a des difficultés avec les frères et les soeurs, de la maladie dans la famille. Il faut le savoir, parce que ça peut très bien imiter, ça aussi, un TDAH, un enfant qui préoccupé par : mes parents sont en train de se séparer, il n'écoute pas en classe. Il a l'air d'être inattentif. Il a l'air, mais il ne l'est pas.

Alors, on veut avoir une histoire complète. Et on veut avoir un diagnostic qui n'est pas seulement celui du TDAH, mais un diagnostic différentiel. On veut, je voudrais qu'à chaque diagnostic qui est posé de TDAH, on me dise, à côté : C'est un TDAH, mais ce n'est pas de l'anxiété, mais ce n'est pas une dyslexie, mais ce n'est pas... ou ça vient avec, parce que ça peut aussi venir avec : c'est un TDAH, et il y a également de l'anxiété. Je veux savoir qu'on l'a évalué, je veux savoir qu'on l'a regardé, qu'on s'en est préoccupé, et qu'on s'est positionné. Est-ce que ça l'est, est-ce que ça ne l'est pas?

Mme Picard : Et, concernant les suivis, est-ce que vous pouvez m'en dire plus? Parce que, souvent, on a des diagnostics, on a des médicaments qui viennent avec, et puis je ne sais pas si, au niveau des suivis, si la trajectoire, la procédure est correcte aussi. Est-ce que vous savez s'il y aurait une amélioration à apporter?

M. Hammarrenger (Benoît) : Bien, tout à fait. Je pense que, rapidement, une solution rapide et facile est celle de la médication. Et, parfois, elle est la bonne solution. Par contre, dans les bonnes lignes de pratique, souvent pour les enfants plus jeunes, avant six ans, même avant huit ans, un coaching parental peut être une façon très efficace de faire.

Un coaching parental, ce que ça vise à faire, c'est, en quelques séances, «quelques» voulant dire deux, trois, quatre, cinq séances avec les parents, outiller le parent dans sa gestion d'un enfant qui a des comportements plus difficiles. C'est ça, un enfant qui a un TDAH. Souvent, à la maison, dans ces âges-là, deux, trois, quatre, cinq ans, c'est difficile qu'il respecte les routines, c'est difficile de lui faire faire les devoirs, il va s'opposer à l'heure des repas, il va être impulsif. Comment on gère bien, on cadre bien cet enfant-là pour essayer de ramener à l'intérieur de balises disciplinaires, si on veut, là, tout en préservant un bon lien parent-enfant, qui est important, qui est primordial, mais avoir de bonnes balises disciplinaires qui guident notre enfant puis à l'intérieur duquel l'enfant peut fonctionner? Puis j'ai l'impression qu'on a une certaine quantité de jeunes soit qui sont TDAH ou qu'on aurait pensé qui sont TDAH pour qui cela sera suffisant.

Le Président (M. Provençal)  : Député de Richmond.

M. Bachand : Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, docteur, d'être ici. Je vais faire un lien avec celle qui vous a précédé, sur le titre du mandat, et donc : augmentation préoccupante de la consommation. Et ce n'est pas qu'on est antimédicaments. C'est loin de là. Mais il reste que, si je... Et, avoir lu votre mémoire, vous écouter, il y a une augmentation qui est plus que préoccupante.

M. Hammarrenger (Benoît) : ...commencer à dire alarmante.

M. Bachand : Bien, alarmante. Et c'est nos enfants.

M. Hammarrenger (Benoît) : Effectivement. C'est...

M. Bachand : Non, mais, c'est nos enfants.

M. Hammarrenger (Benoît) : Oui.

• (16 h 10) •

M. Bachand : Et puis, pour nous, c'est important. Le mandat de cette commission-là, c'est de parler de nos enfants, l'avenir de nos enfants, qui sont surmédicamentés pour la mauvaise chose, à hauteur d'à peu près 6 %, 7 % des cas. C'est énorme. Qu'est-ce qu'on fait? Il faut... On a un maudit problème, là.

M. Hammarrenger (Benoît) : Exact, et ça commence, je pense, avec la bonne façon de faire le diagnostic, parce que c'est suite au diagnostic qu'on trouvera une solution et qu'on passera à de la médication. Je pense que ça commence par... Il y a trop de diagnostics en ce moment. Il y a également l'espèce de diagnostic à l'envers, qui est fait également dans le bureau du médecin, du type : Je ne sais pas ce que cet enfant-là a, il ne va pas bien à l'école, il a des comportements difficiles. On va essayer un médicament. Si ça marche, c'était, donc, un TDAH. Donc, l'espèce de diagnostic qui est fait, on donne le traitement puis on regarde. Si ça correspond, on vient de faire notre diagnostic. En faisant ça, on va avoir souvent des parents... Une fois que le médecin a prescrit ou ordonné une médication, on a des parents qui partent avec ça puis qui partent pour les 10 prochaines années, là, avec le médicament.

Donc, on veut avoir, au départ, un diagnostic qui est fiable, qui est rigoureux, et qui est complet, et qui est long. C'est long, faire un diagnostic de TDAH. C'est comme ça, Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Il n'y a pas de raccourci, de «shortcuts».

M. Bachand : Docteur, je suis d'accord avec vous que c'est long, mais, lorsqu'on parle de la vie d'un individu qui est enfant aujourd'hui, qui... on le sait, ça a été dit par les professionnels qui vous ont précédé, qu'il y a des conséquences très graves au niveau de la consommation d'alcool, de drogues et même d'implication dans des groupes... Exemple, les cadets de l'Air. On va voir souvent, dans les cadets de l'Air, qu'il y a des jeunes qui ont besoin d'une structure, qui sont là et qui seront, après ça, dans les Forces armées canadiennes. Mais le coût du diagnostic par rapport aux coûts liés, coûts humains et financiers liés aux enfants qui sont mal diagnostiqués, c'est ça aussi, le but de cette commission, là.

M. Hammarrenger (Benoît) : Bien, je suis d'accord avec vous. Le coût qu'on va investir, au départ, pour un bon diagnostic, visant un bon traitement, on va le récupérer. On le prend à droite, on le récupère à gauche.

M. Bachand : ...juste pour terminer, M. le Président. Je ne dis pas que la maladie n'existe pas. Elle existe.

M. Hammarrenger (Benoît) : Tout à fait.

M. Bachand : Et les gens qui souffrent de cette maladie-là doivent être suivis, bien médicamentés pour très, très, très longtemps. Mais ceux qui n'ont pas cette maladie-là, qui sont mal diagnostiqués, on leur fait mal, et ça, ça n'a pas de bon sens, ça.

M. Hammarrenger (Benoît) : Tout à fait. Je vais ajouter une chose, hein, et ceux qui sont diagnostiqués, on le dit pour longtemps. Une chose qu'on ne fait pas au Québec, ou pas suffisamment, c'est de la réévaluation. On sait maintenant qu'on a environ 50 %... vous allez voir les références dans mon mémoire... un sur deux de jeunes qui ont un TDAH dans l'enfance qui ne l'auront plus rendus à l'âge adulte. Ce qu'on sait, en fait, sur ces jeunes-là, c'est que c'est un retard de maturation du cerveau. Au moment où est-ce qu'ils ont huit ans... pas du cerveau au complet, de la partie qui s'occupe de l'attention... au moment où est-ce qu'ils ont huit ans, leur partie qui s'occupe de l'attention équivaut à celle d'un enfant de six ans, et ainsi de suite. On a un retard qui progresse.

Mais, au moment où le cerveau atteint sa maturation plus finale, eux également arrivent un peu en retard à cette maturation finale, et qui fait que le TDAH disparaît. Il disparaît neurologiquement, dans les scans qu'on fait, et il disparaît sur le plan de la symptomatologie, donc les symptômes disparaissent, un sur deux, donc 50 %. Donc, le jeune qui a huit ans, démarre une médication pour le TDAH, il faudrait le réévaluer à l'adolescence et à l'âge adulte pour savoir : Est-ce qu'on continue ou est-ce que la maturation nous a aidés puis a réglé le problème? Un autre point important.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Mme la députée d'Abitibi-Ouest.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci beaucoup. Vous avez parlé de scans. Vous pouvez voir, par rapport à un scan, s'il est diagnostiqué... s'il a une pathologie du TDAH, par rapport à un scanner?

M. Hammarrenger (Benoît) : Pas vraiment. Ça se fait par groupes d'enfants. Si je prends un groupe d'enfants qui ont un TDAH et que je moyenne le fonctionnement de leur cerveau, il sera différent d'un groupe d'enfants qui n'a pas le TDAH. Alors, je peux le faire de cette façon-là. Je peux... bien, je peux... ou on peut le faire en science, là. Ça a été fait de cette façon-là. Par contre, un individu donné, on n'est pas encore rendus à pouvoir démontrer le TDAH par le scan dans son cerveau. Il y a trop de variabilités.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Et, lorsqu'on parle de médication, on sait que, bon, beaucoup d'enfants prennent les médications. On sait qu'une médication peut engendrer des effets secondaires. Qu'arrive-t-il avec ces effets secondaires là? Parce qu'on sait qu'il y a des enfants qui n'ont pas le choix, ils doivent être médicamentés et ils ont des très grands effets secondaires. Alors, que faites-vous à ce moment-là?

M. Hammarrenger (Benoît) : Bien, encore là, ça devrait être géré avec le médecin. Mon avis sur ça, c'est qu'un traitement qu'on va donner pour quelque chose doit régler plus de problèmes qu'il n'en génère. Alors, si on règle une partie de l'attention, mais qu'on génère un paquet d'autres problèmes... Par exemple, on a un enfant qui est assommé, un peu zombie, ou qui devient un peu plus tendu, irritable, colérique, un enfant qui ne dort plus le soir ou un enfant qui ne mange plus et qui ne gagne plus en poids et en croissance, on a quand même des effets secondaires significatifs. Et il faut se poser la question : Est-ce que notre effet positif, qui est d'améliorer l'attention, en vaut le coup négatif? Et là il y a un jugement à faire, qui est à chaque enfant, mais, pour moi, il y a une certaine quantité d'effets négatifs qu'on ne devrait jamais tolérer.

Le Président (M. Provençal)  : M. le député de Dubuc.

M. Tremblay : Oui, bonjour. Merci beaucoup, M. le Président. Dans le fond, j'entends et puis je me dis... on argumente sur des diagnostics périphériques qui... mais, finalement, vous évoquez le fait d'avoir banalisé, presquement folklorique. On a eu un état de stupéfaction sur ces quatre lettres-là puis on en a fait presquement une affaire... Est-ce qu'on pourrait dire qu'à l'heure actuelle on est en retard puis qu'on manque de sérieux par rapport à la réalité du TDAH? Est-ce que les structures organisationnelles scolaires, la famille, dans le pattern, tu sais, de l'enfant qui est turbulent, on reçoit un feed-back de l'école. On appelle à l'école, on va voir le médecin, ça s'enchaîne. Est-ce qu'on est vraiment outillés pour faire face à cette réalité-là, à l'heure actuelle, par rapport au constat?

M. Hammarrenger (Benoît) : C'est une bonne question, est-ce qu'on est outillés. C'est certain qu'il y a un manque de ressources dans le réseau en général, d'où, d'ailleurs, la présence du privé, qui coûte cher aux parents. Il y a un manque de ressources... il y a un manque de ressources.

M. Tremblay : Bien...

Le Président (M. Provençal)  : ...allez-y.

M. Tremblay : J'allais dire, par rapport au privé, si je consulte dans le privé, est-ce qu'on est en mesure de signifier, au niveau des suivis, que ceux qui auront eu le privilège d'aller dans le privé pour aller chercher davantage de profondeur au niveau des diagnostics, ou d'exactitude, est-ce que ça démontre que ces gens-là ont un avantage par rapport à ce qui est implanté au Québec?

M. Hammarrenger (Benoît) : Je dirais certainement ça, effectivement. Le fait de pouvoir aller avoir... chercher une évaluation au privé, auquel des coûts importants sont associés, offre certainement un avantage : un diagnostic qui me paraît plus précis, plus fiable, plus complet, plus détaillé, avec plus de temps passé avec l'enfant et la famille pour le poser, ce diagnostic-là, plus d'investissement en temps et peut-être plus de recommandations dirigées dans le bon sens pour aider le jeune.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la députée d'Abitibi-Ouest.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci, M. le Président. Est-ce possible qu'un jeune ayant un TDAH ait également un autre trouble, ce qui fait parfois... peut mener à la confusion lors d'un diagnostic? Est-ce que ça vous est arrivé souvent, cette pathologie-là?

M. Hammarrenger (Benoît) : Ah! c'est fréquent que des troubles se mélangent ou que l'un a l'air de l'autre. Je vous dis que certains troubles ont l'air du TDAH, un TDAH a l'air aussi de certains troubles, et, parfois, les troubles viennent ensemble. Alors, on peut avoir de la dyslexie, qui... les troubles d'apprentissage qui se mélangent au TDAH, qui se mélangent à de l'anxiété chez l'enfant, à des difficultés sociales, à des difficultés familiales qui sont présentes dans la vie de l'enfant. Je parle pour ma part, en neuropsychologie, pour moi, là, notre travail, mon travail à moi et à mon équipe, c'est d'aller départager tout ça. C'est ça, notre job. C'est ça qu'on devrait faire, c'est ça qu'on doit faire.

On doit départager qu'est-ce qui est quoi et à quel niveau; qu'est-ce qui n'est pas là, qui a l'air, mais qui n'est pas là; qu'est-ce qui est là; et qu'est-ce qui prédomine. Si je dis : J'ai de l'anxiété et un TDAH, par exemple, qu'est-ce qui prédomine et qu'est-ce que je devrais traiter en priorité? J'ai plutôt un enfant anxieux et, secondairement, TDAH, je devrais travailler sur l'anxiété, inversement. Alors, c'est notre travail d'aller départager ça.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : ...de départager tout ça, prend combien de temps?

M. Hammarrenger (Benoît) : C'est six heures dans notre cas, là, six heures d'évaluation avec l'enfant. Je vous dirais que ça ressemble à ça, d'un neuropsychologue à l'autre, là. Six heures d'évaluation avec l'enfant, incluant une heure avec les parents, là, où on établit le décours de vie de cet enfant-là, on établit son histoire et on fait le tour de son profil complet, là. Et ensuite c'est un bon 10 heures de travail, d'analyse de dossier, là, d'analyse de correction des tests, analyse du dossier, rédaction de rapport. Nous, on investit environ 17 heures et demie, en tout et partout : l'évaluation, le temps qu'on la réexplique, on explique les résultats aux parents, hein, par la suite. On les reçoit, on leur parle, on leur présente qu'est-ce qu'il faut faire avec l'enfant, les pistes de solution. On évalue ça à 17 heures et demie par semaine.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : ...est-ce que... Les gens veulent vous rencontrer, est-ce que c'est une clinique privée? Comment ça fonctionne?

• (16 h 20) •

M. Hammarrenger (Benoît) : Tout à fait. Nous, on est dans une clinique privée. Les gens peuvent accéder par eux-mêmes ou par référence d'un médecin. Donc, voilà. Évidemment, déboursent de leur poche ou c'est couvert par les assurances, s'ils ont des assurances privées, et le processus se déroule, là, dans nos bureaux. C'est un six heures d'évaluation; le temps, ensuite, de rédaction est à l'extérieur et on revoit les parents une autre heure, heure et demie pour expliquer les résultats, les coacher sur quoi faire avec le TDAH.

Une voix : ...

Le Président (M. Provençal)  : Merci. C'est terminé. Merci beaucoup. Je vais maintenant céder la parole à l'opposition officielle, et c'est Mme la députée de Fabre qui va avoir des échanges avec vous.

Mme Sauvé : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue, Dr Hammarrenger, un plaisir de vous entendre. Et, comme mon collègue l'a fait cet avant-midi, je vais me permettre un petit élan de chauvinisme puisque vous travaillez dans la merveilleuse région de Laval. Alors donc, magnifique, voilà. Alors, c'est dit.

Moi, écoutez, je vous entends, puis la première question que j'ai, parce que vous avez des constats assez bien affirmés, qui reprennent certains constats qu'on a entendus lors de présentations précédentes, en lien avec le faux diagnostic, le faux diagnostic important, et vous le liez, bien sûr, aux différentes réalités des professionnels qui ont ce rôle-là, du diagnostic, que ce soient les psychologues scolaires, que ce soient les médecins... Moi, je voulais voir, un petit peu, est-ce que c'est votre grande expertise professionnelle... Sur quelle base, parce que vous êtes plus que dans une hypothèse de travail, là, vous êtes dans une affirmation, sur quelle base vous arrivez à ce constat-là très affirmé?

M. Hammarrenger (Benoît) : Oui. Ce sont des pistes de réflexions, je vous dirais, basées sur l'expérience. J'ai 15 ans d'expérience en pratique avec les enfants, des rapports que j'ai reçus de d'autres cliniques, de différentes... des gens qui m'ont consulté avec un diagnostic de TDAH déjà posé, et qui remettaient le diagnostic en question. Donc, j'ai vu une grande quantité de jeunes passer, de professionnels travailler. Et, comme je l'ai écrit, d'ailleurs, dans mon rapport... et là j'ai dû précipiter ma présentation dans le temps limite que j'avais... le but n'est pas, ici, de critiquer ou de blâmer l'un ou l'autre des professionnels, le but est de s'arrêter, et je le fais avec les neuropsychologues également, de s'arrêter sur notre pratique et de se dire : Nécessairement, c'est nous qui les faisons, ces diagnostics-là, là. C'est nous qui les faisons, il y en a trop, on fait une erreur. Quelle est-elle?

Le Président (M. Provençal)  : ...

Mme Sauvé : M. le Président, merci. Moi, je voulais revenir aussi... parce que, dans le fond, dans le traitement, il n'y a pas de multiple choix. Il y a, bien sûr, le médicament, qui est vu, peut-être, puis je pense que vous serez d'accord, qui veut un peu comme la panacée universelle, bien que le traitement soit efficace à 60 %, 80 % des... en tout cas, c'est ce que les statistiques démontrent. Alors, il y a le médicament, il y a le médicament avec des interventions psychosociales, puis c'est à peu près tout.

Moi, j'ai beaucoup aimé votre notion du coaching parental, je vous l'avoue, et là je me permets de vous adresser la question : Est-ce que, face aux possibles faux diagnostics, tel que vous l'avez expliqué, est-ce qu'on pourrait penser qu'un coaching parental pourrait peut-être faire un certain grand travail de départager la situation de l'enfant, et d'orienter, dans le fond, l'évaluation, la première évaluation de l'enfant, vers un vrai diagnostic? Est-ce qu'il y a un travail en amont avec le coaching parental qui pourrait être envisagé?

M. Hammarrenger (Benoît) : Tout à fait. Ça clarifie la suite des choses. On le fait également à notre clinique, ce coaching-là, et, une fois qu'on a fait quelques séances de coaching, qu'on a outillé les parents et qu'on a eu ce suivi-là de comment ça se passe et qu'est-ce que ça donne, finalement, ce coaching-là, on a une meilleure perception. Et, évidemment, la personne qui a fait le coaching, si elle peut transmettre ses informations à l'évaluateur en neuropsy, par exemple, qui serait fait après, ou à un médecin, on a une information pertinente qui est là.

Mme Sauvé : Je peux continuer? Merci, M. le Président. Vous avez parlé des différents professionnels qui font le diagnostic, vous avez peu, bien... à vrai dire, vous n'avez pas parlé des conseillers d'orientation, qui, depuis quelques années, ont un rôle, un acte protégé élargi avec la possibilité d'évaluer la santé mentale. Est-ce que'il y a un rôle que pourraient jouer... parce qu'ils sont présents, entre autres, dans les milieux scolaires... est-ce que vous considérez qu'ils peuvent s'ajouter à l'expertise professionnelle en santé?

M. Hammarrenger (Benoît) : Oui, tout à fait. Les conseillers en orientation et les... on pourrait ajouter les infirmiers, infirmières, qui, dans certains cas, peuvent obtenir l'autorisation de poser ce diagnostic-là. Ce n'est jamais arrivé, dans mes 15 ans de pratique, que j'ai vu un diagnostic posé par... donc, c'est pour ça que je n'en ai pas parlé. Est-ce qu'ils pourraient avoir un rôle à jouer? J'ai l'impression que ces professionnels-là ont d'importants rôles à jouer dans leurs domaines. Est-ce qu'ils sont les meilleurs pour ce rôle-là? Je n'en suis pas certain.

Mme Sauvé : Vous avez mis l'accent sur l'importance du suivi, qui ne se fait pas. Comment on peut changer cette culture-là? Comment on peut faire en sorte que... Parce que, si le suivi n'est pas fait, et que le diagnostic est là, et que le traitement est en place avec le médicament, bien, on... alors, l'enfant grandit, l'adolescence, et puis, finalement, il n'a plus le TDAH.

C'est une culture à changer aussi, là. Dans la prévalence, là, il y a un élément assez clé qu'il faut peut-être regarder. Alors, comment on y arrive pour inciter, dans l'évaluation, l'importance et l'obligation d'avoir un suivi peut-être aux cinq ans, ou peu importe, là, l'espace-temps qu'on considère?

M. Hammarrenger (Benoît) : Bien, chacun des professionnels devrait effectivement le véhiculer. Après une évaluation, il y a un diagnostic. Cette idée-là d'avoir une réévaluation, qu'on ne part pas avec ce diagnostic-là pour la vie, quand on l'a donné à six, huit ans, là, même à 10, 12 ans, là, qu'il doit y avoir une réévaluation qui est faite...

Je dirais, même au niveau des professionnels, il y a encore beaucoup de professionnels pratiquant autour du TDAH qui gardent l'idée... et c'est ce qui m'a été enseigné dans mes études il y a 15 ans, là, on disait : Un TDAH, c'est un trouble neurodéveloppemental qu'on a pour la vie. Une fois qu'on l'a, c'est pour la vie. Et cette idée-là est encore assez persistante chez les professionnels de la santé, alors que nos nouvelles données nous disent plutôt que, dans un cas sur deux, là, 50 %, bien, ça disparaît, ça s'estompe avec la maturation. Donc, aussi, une transmission des connaissances... ces connaissances-là auprès des professionnels seraient nécessaires.

Mme Sauvé : Pour poursuivre dans votre idée auprès des professionnels mais aussi auprès des parents, est-ce que ça pourrait être une avenue aussi d'inciter les parents? On se dit : On va chez le médecin à tous les deux ans ou à tous les ans, peu importe, on... Il y a vraiment récurrence qui est déjà prévue dans la culture, et d'y aller de façon régulière. Est-ce qu'on ne pourrait pas aussi inciter les parents à exercer cette vigie-là au niveau du suivi?

M. Hammarrenger (Benoît) : Absolument.

Le Président (M. Provençal)  : Vous pouvez y aller.

Mme Sauvé : Je peux continuer?

Le Président (M. Provençal)  : Il vous reste quatre minutes.

Mme Sauvé : Quatre minutes. Merveilleux. J'ai beaucoup retenu, dans votre mémoire... et puis vous en avez parlé tantôt, docteur, de cette réalité-là, qui est de trouver la bonne mesure. Parce qu'on n'est pas dans une réalité... Il y a un traitement médical, qui est vraiment mis de l'avant et qui fonctionne quand même bien, même s'il est peut-être lié à un surdiagnostic. Au niveau de la psychologie, est-ce qu'il y a des tests psychométriques reconnus qui vous permettent vraiment de faire le lien direct, une corrélation directe entre le résultat du test et le diagnostic du TDAH?

M. Hammarrenger (Benoît) : Aucun test unique n'a cette prétention-là, aucun test unique ne peut le faire, aucun test unique n'est documenté pour ça, surtout pas les questionnaires, là. On a parlé des Conners, on a parlé de ces questionnaires-là. C'est insuffisant pour poser le diagnostic.

Pour moi, ça prend un ensemble de données, et c'est pour ça que l'évaluation prend du temps, qu'on y met six heures, c'est parce que ça nous prend beaucoup de données, les données étant des résultats de tests, les données étant également nos observations de l'enfant — c'est une donnée subjective, mais c'est une donnée quand même — les données étant ce que les parents nous rapportent de l'évolution de cet enfant-là, de ce qu'il se passe à la maison — c'est aussi une donnée subjective mais une donnée — les données étant un feed-back du professeur, qui peut être une lettre écrite, qui peut être un questionnaire rempli — c'est, encore là, une donnée.

Et ce qu'on veut avoir, c'est une espèce de nuage de points, un ensemble de données, un nuage de points qui pointent tous dans la même direction, et, de temps en temps, on va avoir des points disparates. On va avoir des tests qui vont nous dire : Ah! pas de TDAH, ou un test qui va nous dire : Oui, gros TDAH, mais qui va être disparate du reste des données. Et ce qu'on veut, c'est un ensemble de données, un nuage de points qui pointent dans la même direction, et là on est plus fiable dans notre diagnostic.

Une voix : ...

Mme Sauvé : Oui, j'en aurais une. J'en aurais plusieurs, mais... Je voulais savoir, dans le fond... Si on suit toute votre réflexion et votre présentation, votre discours, dans le fond, par rapport à la préoccupation et le mandat qu'on a en cette commission, si on arrivait à diminuer le faux diagnostic, on serait probablement dans une médication globale qui diminuerait.

Alors, comment on y arrive, là? Parce que vous avez fait les constats par rapport aux professionnels, mais comment on y arrive? Quelles sont des pistes de solution pour diminuer ce faux diagnostic?

• (16 h 30) •

M. Hammarrenger (Benoît) : Alors, il faudrait probablement s'asseoir pour y réfléchir, peut-être former... Je pense qu'il faudrait peut-être former un groupe de réflexion sur des lignes directrices. Ça s'est fait en psychologie, notamment, avec l'Ordre des psychologues. Je pense... peut-être en association avec le Collège des médecins, là, pour certains diagnostics, dont les troubles d'apprentissage, la déficience intellectuelle, le TSA, le trouble de spectre de l'autisme. On a des lignes directrices pour la bonne pratique de ça.

J'ai l'impression que, si on construisait des lignes directrices ou... qui seraient suivies et qui devraient inclure une pratique concertée des médecins et des psychologues, neuropsychologues, une pratique ensemble... pour des lignes de bonne pratique, finalement, j'ai l'impression qu'on pourrait s'approcher d'une solution intéressante.

Mme Sauvé : Très intéressant, merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Je cède maintenant la parole au député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour votre présence et votre présentation. Quelle forme prend la promotion auprès des professionnels de la santé des compagnies qui produisent les médicaments utilisés pour le TDAH?

M. Hammarrenger (Benoît) : Dans le cas des psychologues et des neuropsychologues, ils ne nous parlent pas parce qu'on ne prescrit pas. Donc, on n'en a pas, de ce genre de pression là. Il faudrait vous informer auprès de médecins pour ça.

M. Zanetti : Et, même si vous faites des diagnostics, par exemple, ça ne se passe pas?

M. Hammarrenger (Benoît) : Ça ne se passe pas... Je mettrais peut-être une nuance à ce que je viens de dire. Dans les congrès où on va assister à des conférences, on va avoir des présentations faites par des compagnies pharmacologiques ou pharmaceutiques sur le TDAH, sur l'efficacité des médicaments. Donc, évidemment, là, il y a un biais chez le présentateur. Souvent, ce sont des professionnels avec des doctorats qui nous présentent de façon non biaisée, là, mais... Voilà.

M. Zanetti : Et vous avez parlé de la pression client payeur. Est-ce que vous pouvez nous décrire le phénomène davantage?

M. Hammarrenger (Benoît) : Bien oui, tout à fait. Alors, oui, il y a de gros frais associés à une évaluation en neuropsychologie. Je disais, tantôt, 1 500 $ à peut-être 2 500 $, les plus chères. C'est beaucoup d'argent. Certains parents font de vrais sacrifices pour débourser ce montant-là.

Et certains arrivent avec une idée très claire et préconçue de ce qu'a ou devrait avoir leur enfant, et donc de ce que leur donnera cette évaluation-là en neuropsy. Ils viennent avec l'idée un petit peu, là, je ne sais pas si le terme est juste, mais de s'acheter un diagnostic, donc, de venir avec un certain montant et de dire : Bon, bien je vais l'avoir enfin, mon papier. Je vais l'avoir, mon diagnostic. Je vais partir avec ça et, grâce à ça, j'aurai soit accès à un médicament ou accès à des accommodations à l'école. Parce que notre rapport permet ça aussi, on va permettre, par exemple, d'avoir plus de temps pour faire les examens, d'avoir... D'ailleurs, dans les... On disait tantôt : Il n'y a pas beaucoup de solutions au TDAH, là... Il y a ces autres choses-là aussi, là, d'accommoder le milieu scolaire, de faire bouger un peu l'enfant. Il y a un paquet de choses qu'on peut faire. Donc, il y aura des accommodations qu'on peut mettre en place. Et les parents, donc, viennent chercher ça.

Si, au terme de ça... Les situations les plus difficiles, c'est si, au terme de ça, notre conclusion est plutôt que, bien, l'encadrement familial devrait être travaillé... ce n'est pas une réponse que le parent payeur aime nécessairement entendre. C'est moins facile qu'un médicament. Si on a, bon, juste un trouble d'apprentissage et que, là, il faut investir sur de l'orthopédagogie ou de l'orthophonie pour travailler le trouble d'apprentissage, on a d'autre argent à investir. Là, le parent vient déjà de payer, il pensait, lui, avoir sa solution, là, hein, à partir de là. Les autres services sont également payants.

Alors, on a des parents qui... ils ont dit : Il n'y a pas de TDAH, là. On a des parents, parfois, on l'a vu, là, à notre clinique, moi ou de mes collègues, où le parent va mettre une pression et dire : Bien, comment ça se fait? Vous ne l'avez pas trouvé. Ou on entend, des fois : Vous êtes incompétent, on va vous... on va aller faire une plainte au syndic de l'Ordre des psychologues. C'est une menace. Ce n'est pas le fun, comme psychologue, avoir une plainte sur notre tête, hein? Il y a une pression à recevoir ça.

J'ai eu des parents qui ont été... qui sont partis pas contents du bureau parce que j'ai dit, il n'y avait pas de TDAH, ont été dans une autre clinique, réévaluer. L'autre... psychologue, neuropsychologue, peu importe, là, a dit : Oui, il y a un TDAH. Ils m'ont rappelé puis ils ont dit : Vous êtes incompétent, l'autre l'a trouvé, lui, le TDAH. Alors, il y a un de nous deux qui a raison, je ne sais pas lequel, là, mais...

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup.

M. Hammarrenger (Benoît) : Voilà.

Le Président (M. Provençal)  : La parole est maintenant au député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui, merci. Merci beaucoup. J'aimerais savoir, le dépistage et le diagnostic ailleurs dans le monde, en quoi on pourrait s'en inspirer? Parce que, si nous, on a le double des taux normaux, disons, de TDAH, ça veut dire qu'il y a quelque chose ailleurs qui se fait de mieux ou de différent.

M. Hammarrenger (Benoît) : Oui, ça, c'est une bonne question, puis je pense qu'il y aurait une piste intéressante de solution à aller voir qu'est-ce qui se fait ailleurs puis qu'est-ce qui fonctionne ailleurs, aller voir également ce qu'il se fait dans les écoles pour s'adapter à ces jeunes-là. Est-ce que j'ai une réponse pour vous aujourd'hui? Pas vraiment. Qu'est-ce qu'il se fait de mieux ailleurs, de plus efficace, je n'ai pas fait cette recherche-là.

M. Gaudreault : On pourrait la faire, par exemple. Je veux dire, il y a... puis il y a peut-être d'autres invités qui vont venir dans les prochains jours, qui vont nous permettre d'aller plus loin là-dessus.

M. Hammarrenger (Benoît) : Oui, ça vaudrait la peine.

M. Gaudreault : Oui. Vous parlez, dans votre mémoire, vers la fin, là, à la fin, en fait, de la banalisation du diagnostic de TDAH. Parlez-nous de ça, puis il y a un lien à faire, je pense, avec la question de mon collègue, là, sur la pression du client payeur.

M. Hammarrenger (Benoît) : Oui. Alors, on a également — et je trouve peut-être davantage chez l'adulte, mais c'est vrai aussi chez l'enfant — une espèce de banalisation, où le TDAH n'est véhiculé, en ce moment, plus tellement comme un trouble — et rappelons-nous que ça s'appelle trouble de déficit de l'attention, le TDAH, là — plus tellement comme un trouble, mais des fois on entend plutôt : C'est une différence individuelle, c'est une différence entre des enfants. Puis c'est presque rendu... j'avais cette discussion-là avec des médecins et psychologues il n'y a pas tellement longtemps, c'est perçu comme une différence, comme il y en a qui ont les cheveux blonds, d'autres qui ont les cheveux bruns, il y en a qui ont les yeux bleus, d'autres qui ont les yeux bruns, il y a en qui ont des difficultés d'attention puis d'autres qui n'en ont pas. On est dans une différence individuelle et non plus dans un trouble. On est aussi dans... Ces jeunes-là ont un ensemble de belles qualités et de belles... de forces au niveau du TDAH, et c'est des créatifs, etc., et on valorise un petit peu ce que c'est que le TDAH. Et je me faisais la réflexion que c'est probablement le seul trouble sur terre, la seule maladie sur terre qui vient avec de belles forces et de belles qualités et qui vient avec des aspects positifs et qu'on cherche presque à obtenir comme diagnostic.

Quand on s'arrête à ce que moi, je pense qu'est un TDAH, je pense que c'est un trouble qui correspond à un handicap. Un handicap, c'est une situation, là, quand... La ligne de conduite qu'on a à notre clinique, c'est qu'un TDAH, c'est un trouble qui nécessite des accommodations tout comme un enfant paralysé des jambes devrait avoir droit à une rampe pour rentrer à son école. C'est une accommodation qui est nécessaire en raison du handicap. Sans rampe, si on a juste des escaliers, ce jeune-là ne peut pas être scolarisé. Alors, notre jeune TDAH a droit à des accommodations, parce que, sans ces accommodations-là, il ne peut pas être scolarisé. C'est ça, ma perception de ce qu'est un TDAH. Il ne peut pas être scolarisé ou ne peut pas faire de liens avec ses... de liens sociaux avec des amis. On a un réel boulet, de réelles situations de handicap où le jeune vit une réelle détresse et on n'est pas dans... Puis les parents qui vivent avec un jeune qui a un vrai TDAH vous diront : Ce n'est pas le fun, ce n'est pas des belles forces, ce n'est pas quelque chose de positif. Le TDAH, c'est dur, c'est difficile. Et le fait de banaliser l'espèce d'image du TDAH comme ça et de le voir simplement comme une différence individuelle, on banalise et on enlève une crédibilité au vrai TDAH.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup pour votre contribution à nos travaux.

La commission ajourne ses travaux jusqu'au jeudi 7 novembre 2019, à 8 h 30, où elle accomplira un autre mandat. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 16 h 38)

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