Journal des débats (Hansard) of the Select Committee on the Sexual Exploitation of Minors
Version préliminaire
42nd Legislature, 1st Session
(début : November 27, 2018)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version finale du Journal est publiée dans un délai de 2 à 4 mois suivant la date de la séance de la commission.
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Tuesday, November 5, 2019
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Vol. 45 N° 2
Consultations particulières et auditions publiques sur l’exploitation sexuelle des mineurs
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Intervenants par tranches d'heure
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Lafrenière, Ian
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Skeete, Christopher
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St-Pierre, Christine
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Lecours, Lucie
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Benjamin, Frantz
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Lecours, Isabelle
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Ouellette, Guy
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Weil, Kathleen
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Ouellette, Guy
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Lafrenière, Ian
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Weil, Kathleen
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Lecours, Isabelle
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St-Pierre, Christine
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Lamothe, Denis
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Benjamin, Frantz
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Lamothe, Denis
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Lafrenière, Ian
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Benjamin, Frantz
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Ouellette, Guy
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Leduc, Alexandre
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Weil, Kathleen
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Lecours, Lucie
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Lafrenière, Ian
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Foster, Émilie
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St-Pierre, Christine
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Leduc, Alexandre
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Ouellette, Guy
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Perry Mélançon, Méganne
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Guillemette, Nancy
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Guillemette, Nancy
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Lafrenière, Ian
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Benjamin, Frantz
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Lecours, Lucie
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Lecours, Lucie
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Lafrenière, Ian
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St-Pierre, Christine
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Perry Mélançon, Méganne
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Ouellette, Guy
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Lafrenière, Ian
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Weil, Kathleen
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Lecours, Isabelle
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Ouellette, Guy
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St-Pierre, Christine
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Skeete, Christopher
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Benjamin, Frantz
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Benjamin, Frantz
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Lafrenière, Ian
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Lafrenière, Ian
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St-Pierre, Christine
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Foster, Émilie
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Foster, Émilie
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Lafrenière, Ian
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Perry Mélançon, Méganne
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Lecours, Lucie
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Leduc, Alexandre
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Lafrenière, Ian
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Foster, Émilie
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Perry Mélançon, Méganne
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Lecours, Isabelle
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Benjamin, Frantz
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Benjamin, Frantz
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Lafrenière, Ian
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Leduc, Alexandre
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Guillemette, Nancy
10 h (version révisée)
(Dix heures une minute)
Le Président (M. Lafrenière) :
...la séance de la Commission spéciale sur l'exploitation sexuelle des mineurs
ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les personnes
dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones. Je ne
cible personne, mais je passe en général.
La commission est réunie afin de procéder
aux consultations particulières et auditions publiques de la Commission
spéciale sur l'exploitation sexuelle des mineurs.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire
: Non, M.
le Président. Il n'y a pas de remplacement.
Le Président (M. Lafrenière) :
Parfait. Alors, ce matin, nous entendrons en audition conjointe le Service de
police de la ville de Québec et le Projet d'intervention prostitution de Québec
et Alliance Jeunesse. Je vous rappelle que vous allez avoir 15 minutes
chacun pour faire vos présentations, et, par la suite, ce sera une période
d'échange, et j'ai bien dit une période d'échange, avec les membres de la commission.
C'est une commission non partisane. On est très heureux de vous avoir aujourd'hui.
Alors, je vais laisser commencer nos gens
de la ville de Québec, faire leur présentation de 15 minutes, et, par la
suite, on aura nos deux projets pour leur présentation. Madame.
Mme Thériault (Nathalie) :
Merci, M. le Président. Mmes et MM. les députés, bonjour. Merci de nous
accueillir ici aujourd'hui. C'est avec un immense plaisir que nous venons vous
entretenir sur ce phénomène qui nous préoccupe tant depuis si longtemps. Je me
présente. Nathalie Thériault, capitaine au service de la ville de Québec et je
travaille au phénomène depuis près de 20 ans. À ma droite, une
collaboratrice, Nancy Delisle, chef de service de l'évaluation à la Direction
de la protection de la jeunesse, CIUSSS de la Capitale-Nationale. À ma gauche,
une autre collaboratrice très importante pour nous, Geneviève Quinty,
directrice Projet intervention prostitution Québec.
La particularité des gens qui
m'accompagnent, c'est que Nancy Delisle est la coordonnatrice de la Table
régionale de Québec sur l'exploitation et la prostitution juvénile, alors que
Mme Quinty et moi-même faisons partie des membres fondateurs de cette même
table il y a 15 ans.
Dans un premier temps, je vais quand même
élaborer sur ce que le service de police a fait depuis, peut-être, les débuts
des années 2000. Et, dans un deuxième temps, j'aimerais vous entretenir sur la
collaboration, la concertation qui a été mise en place depuis les années 2000,
ce qui est extrêmement important pour la région de Québec.
Rappelons-nous, à l'aube des années 2000,
le Service de police de la ville de Québec s'est retrouvé aux prises avec un
phénomène émergent : la prostitution juvénile par les gangs de rue. À
l'époque, plusieurs petits réseaux s'installaient et recrutaient dans les
écoles, dans les centres d'achats, dans les centres jeunesse, dans les
spectacles et dans les hôtels. Le proxénétisme, tout comme le crime organisé,
est un réseau structuré où les proxénètes travaillent en équipe afin de
trafiquer des jeunes filles sur qui ils exercent de la violence psychologique,
physique et sexuelle. Elles sont déprogrammées et leur façon de penser est
remodelée à l'image de ce que les proxénètes ou la traite attendent d'elles,
c'est-à-dire devenir des objets sexuels que l'on exploite selon l'offre et la
demande.
Au SPVQ, des séances d'information sont
offertes. Je vais vous expliquer, en général, qu'est-ce qui a été mis en place
depuis les années 2000 pour que nos gens soient beaucoup plus outillés à mettre
le filet de sécurité auprès de ces jeunes-là, parce que c'est une clientèle
très vulnérable, et on a développé des moyens puis des outils de façon à bien
équiper nos membres. Des séances d'information sont offertes et de la formation
est diffusée à l'ensemble des effectifs, autant patrouilles qu'enquêtes, dans
le but de les outiller afin de mieux intervenir auprès de ces jeunes
vulnérables. Des séances d'information sont également offertes aux réseaux
hôteliers, aux superviseurs de centres d'achats, aux étudiants en technique
d'intervention en délinquance et en techniques policières ainsi qu'aux
étudiants au certificat en sexologie. On s'entend que c'est notre avenir, c'est
les intervenants de demain. Donc, pour nous autres, c'est important d'aller de
l'avant dans ce sens-là.
L'unité intervention jeunesse et
prévention est extrêmement importante, chez nous. Il y a trois sergents qui
s'occupent <de...
Mme Thériault (Nathalie) :
...en techniques d'intervention en délinquance et en techniques policières
ainsi qu'aux étudiants au certificat en sexologie. On s'entend que c'est notre
avenir, c'est les intervenants de demain. Donc, pour nous autres, c'est
important
d'aller de l'avant dans ce sens-là.
L'unité intervention jeunesse et
prévention est
extrêmement
importante, chez nous. Il y a trois
sergents qui s'occupent >de cette unité-là, donc il y a six
préventionnistes, 15 policiers dans les écoles puis 10 enquêteurs
jeunesse. Nos policiers dans les écoles ont des écoles secondaires attitrées
dans lesquelles ils sont extrêmement impliqués au niveau des équipes
multidisciplinaires. Ce sont des pivots autant au niveau du phénomène de la
prostitution juvénile, que de l'exploitation sexuelle, que pour d'autres
phénomènes. Donc, ils sont partie prenante de la vie étudiante.
Ils font également des conférences. Juste
pour vous en donner une qui est quand même extrêmement importante en lien avec l'exploitation
sexuelle, c'est Nul n'est censé ignorer la loi. Elle est présentée aux jeunes
de secondaire III, IV et V afin d'aborder les sujets de pornographie
juvénile, du consentement sexuel et de l'exploitation sexuelle. Donc, il y a un
volet préventif, il y a un volet aussi répressif lorsque nos... je veux dire,
on a des sujets qui sont mineurs, bien, les policiers d'école peuvent
intervenir.
Au niveau des 10 enquêteurs jeunesse,
on en a deux dédiés à nos deux centres jeunesse de la région de Québec, donc,
qui sont Le Gouvernail et le centre L'Escale. Ces enquêteurs-là ont comme, dans
leur mandat... ça fait partie qu'ils doivent créer des liens, être à proximité.
Ils sont disponibles pour nos centres jeunesse, ils font partie également
prenante de la vie de ces centres jeunesse là. Donc, ils sont à proximité au
niveau de l'échange d'information, la rapidité d'intervention puis ils sont en
lien avec nos unités spécialisées en matière d'exploitation sexuelle. Il faut
comprendre que dans chacun... que ce soit au niveau scolaire ou au niveau
centre jeunesse, on a des bureaux dans lesquels on peut rencontrer des jeunes.
Quand je vous dis qu'on fait partie de la vie active, on est extrêmement
présents.
On a deux patrouilleurs de la surveillance
du territoire I4, donc qui ont pour mission de créer des liens avec le réseau hôtelier
ainsi que les centres d'achats. Les policiers contactent les filles ou les
femmes qui offrent des services d'escorte sur les réseaux sociaux. Par la
suite, ils se présentent en personne pour faire de la détection et de
l'intervention avec celles-ci. Les patrouilleurs font également de la
prévention en leur expliquant les dangers de ce phénomène, en plus de se rendre
disponibles si elles sont victimes de violence ou si elles sont exploitées afin
de les diriger vers les ressources adéquates, que ce soit au niveau
communautaire, que ce soit au niveau social ou que ce soit lorsqu'il y a une
dénonciation dans un processus judiciaire. Leur objectif est d'établir un lien
de confiance avec de potentielles victimes. On s'entend par contre que, s'il y
a une intervention immédiate à faire, ils vont intervenir, puis, à ce
moment-là, il y a des enquêteurs qui vont rentrer pour venir les assister.
Un groupe de patrouilleurs, unité GRIPP...
Unité GRIPP, c'est une équipe qui travaille en prévention et en intervention
dans les bars et dans les bars de danseuses. Ils sont présents dans les
endroits névralgiques du recrutement et de l'exploitation. Ils assistent
également les unités d'enquête spécialisées lors d'interventions plus
spécifiques. Pendant l'été, c'est une équipe qui peut être augmentée jusqu'à
20 personnes puis sinon, lors de l'année, bien, ils sont environ
10 personnes. Donc, pour nous, les gens qui sont aux enquêtes peuvent
aussi utiliser cette unité-là pour se faire assister puis intervenir ou lorsqu'on
a de l'information spontanée à l'effet qu'il peut y avoir une victime ou
possibilité qu'il y ait des mineurs dans un bar ou peu importe, on peut leur
demander d'intervenir rapidement.
Depuis 2017, des enquêteurs... Je
m'excuse. Un projet pilote en exploitation sexuelle sur les mineurs, unité ESM,
a été mis en place en 2015 par le SPVQ à même nos effectifs. Son mandat est de
contrer la cyberexploitation sexuelle, la pornographie juvénile, la traite et
la prostitution juvénile. Elle vise à protéger les victimes, à prévenir le
crime, à procéder à l'arrestation et à la condamnation des suspects. Pour ce
faire, les enquêteurs utilisent des outils de détection tels que l'infiltration
virtuelle et procèdent à des opérations clients qui visent la répression de
prédateurs qui tentent d'obtenir des services sexuels de personnes âgées de
moins de 18 ans. Depuis 2017, des enquêteurs de cette même unité font
partie de l'équipe intégrée à la lutte au proxénétisme.
Le deuxième volet dont je voulais vous
parler, qui est extrêmement important, on parlait de... à l'aube des
années 2000, on a <déjà... on a >eu à travailler
plusieurs projets au niveau des enquêtes en prostitution juvénile, dont celui
dont on a parlé pendant plusieurs années, dont on parle encore, le projet
Scorpion. Le projet Scorpion, c'est un projet qui, en 2002, a permis le
démantèlement d'un réseau de prostitution dans la région de Québec qui nous a
permis de constater le phénomène émergent et de l'ampleur de celui-ci.
• (10 h 10) •
Juste pour vous faire un petit rappel, des
centaines de jeunes filles, de parents, de ressources, d'intervenants ont été
rencontrés à cette époque-là. On a pu dénombrer en tout 72 victimes. On a
procédé à 35 arrestations de clients et de proxénètes, dont
34 condamnations ont eu lieu, et ce, pour un seul projet.
De ce <projet-là...
Mme Thériault (Nathalie) :
...des centaines de jeunes filles, de parents, de ressources, d'intervenants
ont été rencontrés à cette époque-là. On a pu dénombrer en tout
72 victimes. On a procédé à 35 arrestations de clients et de
proxénètes, dont 34 condamnations ont eu lieu, et ce, pour un seul projet.
De ce >projet-là, la conclusion
qui a été extrêmement importante, le constat important, c'est qu'un projet de
cette envergure-là ne peut s'accomplir par une seule organisation. L'enquête
Scorpion a permis de comprendre l'importance du travail en partenariat avec le
milieu tout en respectant les rôles et mandats de chacun. Cela a amené une
collaboration innovatrice entre le SPVQ, le DPJ, les centres jeunesse de
Québec, universitaire, le milieu scolaire et plusieurs autres organismes de la
région et de la province. Déjà, à l'époque, on a travaillé en partenariat, en
collaboration avec les différents corps de police, avec les différents
intervenants du milieu. C'est ce qui a permis de bien travailler ce dossier-là.
Constat majeur, par contre, à la suite de ce projet fut le manque d'outils et
de connaissances des intervenants pour aider les jeunes impliqués dans des
activités de prostitution. Dans les années subséquentes, différentes mesures
ont été mises en place afin de pallier ce manque.
En 2005, un premier comité de travail a
été composé de membres du Centre jeunesse de Québec, de l'organisme
communautaire Projet intervention prostitution Québec et du Centre de recherche
Giffard-Université Laval ainsi que du SPVQ.
Le but de ce premier comité là a été de
définir des zones de contribution et de collaboration entre les différents
partenaires. Quand on parle de respect, de mandat et des rôles de chacun, il a fallu
vraiment s'asseoir, se parler, puis se communiquer nos craintes, puis vraiment
élaborer là-dessus, élaborer et diffuser un contenu de formation. C'était
éminent. On ne peut pas bien répondre à nos jeunes vulnérables si nos
intervenants ne sont pas bien outillés puis ne se connaissent pas bien.
Explorer des avenues de recherche, adopter un plan d'action.
Le comité a produit une analyse des
caractéristiques de la clientèle signalée en prostitution juvénile dans la
région de Québec. À l'automne 2005, il a mis en place un projet visant à
formaliser les pratiques en matière de prostitution juvénile afin de rassembler
les notions théoriques dans le but de mieux saisir le phénomène.
À ce moment-là, on a regroupé des
spécialistes terrain qui pouvaient partager leur expérience, leur vécu avec les
victimes, ou avec les proxénètes, ou avec peu importe... On a regroupé ces
gens-là. Parallèlement à ça, on a fait un sondage Web dans les milieux de
toutes organisations confondues en février auprès des différents partenaires.
Les résultats confirmaient les besoins de formation surtout en lien avec le
savoir et le savoir-faire, mais, pour certaines organisations, le savoir-être
était important à développer davantage.
La table régionale de Québec a mis...
découlant de ces étapes et grâce à une subvention du ministère de la Sécurité
publique, un véritable groupe de concertation. La table régionale de Québec sur
l'exploitation sexuelle et la prostitution juvénile a été mise sur pied à
l'hiver 2007 afin d'élaborer le guide. Ça a été comme le premier mandat
qu'on s'est donné puis qui nous a permis d'avoir une vision commune, une façon
de se rallier tout le monde malgré nos mandats puis nos rôles qui étaient
différents.
Cette table regroupe des représentants de
divers milieux. Maintenant, on peut... juste pour vous les mentionner, on a
encore l'Université Laval, on a encore PIPQ, Centre de santé et des services
sociaux de la Vieille-Capitale... commissions scolaires des Découvreurs, de la
Capitale et des Premières-Seigneuries, Agence de la santé et des services
sociaux de la Capitale-Nationale, et chaque direction des organisations
représentées a signé une entente écrite qui assure la libération d'une personne
et son engagement. Ça, ça été vraiment un élément majeur pour nous autres de
s'assurer d'avoir une signature de chacune de nos organisations. On a beau
représenter notre organisation, mais quand on a l'appui de notre organisation
sur ce genre de comité là ou sur ce genre de table là, ça fait la différence.
Maintenant, on a aussi la Sûreté du Québec puis on a le DPCP, le Directeur des
poursuites criminelles et pénales.
Pour les objectifs, je vais laisser ma
consoeur Nancy Delisle continuer à vous entretenir.
Mme Delisle (Nancy) : Merci. L'objectif
général de la table régionale, c'est d'assurer un filet de sécurité au plan de
la région de Québec en matière d'exploitation sexuelle, prostitution juvénile.
La table y arrive, par deux principaux
moyens à assurer son objectif. Le premier, c'est la coordination d'un système
de pivots. Dans le fond, les pivots, c'est des sentinelles sur le terrain qui
font partie de chacune de nos organisations. Et le deuxième moyen, c'est par la
formation des pivots et des intervenants de nos organisations.
Le fonctionnement de la table, c'est sous
la coordination de la protection de la jeunesse au CIUSSS de la
Capitale-Nationale, et, dans chacun des organismes partenaires de la table, il
y a un coordonnateur d'identifié. Le rôle de ce coordonnateur-là... Les
coordonnateurs se rencontrent, là, quelques fois par année pour échanger et
remplir leurs <mandats...
Mme Delisle (Nancy) :
...de la table, c'est sous la coordination de la protection de la jeunesse au
CIUSS de la
Capitale-Nationale, et, dans chacun des organismes
partenaires de la table, il y a un coordonnateur d'identifié. Le rôle de ce
coordonnateur-là... Les coordonnateurs se rencontrent, là, quelques fois par
année pour échanger et remplir leurs >mandats. Parmi leurs mandats, le
premier élément, c'est d'informer ces intervenants... une organisation de
phénomènes émergents, là, dans notre région.
Ensuite de ça, c'est d'animer,
sensibiliser, informer son système de pivot à l'intérieur de son organisation.
Il doit s'assurer aussi qu'il y a des pivots présents, là, je dirais, aux
endroits stratégiques, là, de son organisation, d'identifier les besoins de
formation et de s'assurer, là, de la pérennité du système des pivots, là, à
l'intérieur même de son établissement. Il sert aussi de facilitateur. Il aide
les pivots à se réseauter. Il peut aussi des fois faciliter, là, l'accès à
certains services.
Au niveau des pivots, leur tâche, c'est de
servir de sentinelle au niveau du terrain. Donc, c'est un peu les yeux sur le
terrain et il peut informer son organisation ou le coordonnateur, si jamais il
y a des phénomènes émergents. Le pivot, aussi, c'est un référent pour ses
collègues. Donc, s'il y a un collègue qui est confronté à une situation
d'exploitation sexuelle, il ne sait pas trop quoi faire, il peut aller
consulter le pivot de son organisation. On a un bottin des pivots qui permet,
là, à toutes les organisations de savoir : Bon, bien, chez nous... surtout
dans des plus grosses organisations comme les écoles, la police, ça permet
d'identifier rapidement c'est qui les pivots, là, et de se référer à ces
gens-là au besoin.
L'autre volet qu'on a beaucoup
développé... Je disais, on y arrive par deux moyens, c'est les pivots; l'autre,
c'est la formation. Donc, on a développé trois volets de formation. Le premier,
c'est une formation de deux jours qui s'appelle le guide de prévention et
d'intervention en prostitution juvénile. Donc, c'est un peu des notions de base
au niveau de l'exploitation sexuelle. Et la deuxième journée, on parle beaucoup
de partenariats.
Le deuxième volet qu'on a développé, c'est
la cyberprédation, la cybermanipulation. C'est une formation d'une journée. Et
le troisième volet qu'on déploie, à partir de janvier, qui se nomme vulnérabilité
des garçons, exercée ou subie, aussi une formation d'une journée. Ces
formations-là, ce qui est intéressant... qui sont toujours données par des
formateurs en dyade, donc soit quelqu'un de la protection de la jeunesse avec quelqu'un
de la police, quelqu'un de la police avec quelqu'un du PIPQ. Et les groupes
aussi sont mixtes, c'est-à-dire qu'on s'assure, dans chaque groupe, qu'il y a
la présence de différents intervenants, soit des milieux policiers, des milieux
communautaires, des écoles, la protection de la jeunesse, des CSSS.
Donc, toute cette mixité-là nous permet d'avoir
une vision commune de la problématique et nous permet aussi de créer, là,
justement, le système de réseautage et ainsi notre filet de sécurité. On est
allés aussi... on a déployé, depuis à peu près un an, cette formation-là, au
niveau du provincial, là, suite à des subventions du ministère de la Sécurité
publique.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup, mesdames. J'invite maintenant la directrice générale, Mme
Geneviève Quinty, du Projet intervention prostitution Québec, à commencer son
exposé. Vous avez 15 minutes.
Mme Quinty (Geneviève) :
Merci. Je vais démarrer mon chronomètre, c'est important pour moi, le temps. Je
suis Geneviève Quinty, directrice du Projet intervention prostitution Québec.
C'est vraiment un réel plaisir pour moi d'être ici avec vous ce matin. Je tiens
à tous vous remercier. Pour moi et mon organisation, c'est vraiment une marque
de reconnaissance de la part du milieu communautaire.
Vous avez entendu, hier, plusieurs
partenaires de la recherche, d'autres corps policiers, des gens du CIUSSS
aussi, centre jeunesse, qui vous ont entretenus beaucoup sur la réalité, sur le
phénomène de l'exploitation sexuelle. Moi, ce matin, <j'ai... >en
fait, il fallait que je fasse des choix en 15 minutes. J'ai choisi de vous
parler des actions qui sont réalisées par l'ensemble de mes collègues au PIPQ.
Vous savez, nous sommes une organisation qui existe... On a fêté nos 35 ans
cette année, donc 35 ans en première ligne. À l'époque où l'organisme a été mis
au monde, plusieurs personnes trouvaient un peu que c'était une folie de
démarrer une organisation pour rejoindre les jeunes et les adultes ayant des
activités de prostitution ou victimes d'exploitation sexuelle, mais on a
persévéré.
• (10 h 20) •
On est encore là aujourd'hui. Nous sommes
20 individus dédiés complètement au phénomène, sept travailleurs de rue.
J'ai une équipe de quatre personnes en prévention et j'ai tout un... trois
intervenants, parce qu'on a un milieu de vie où on accueille les gens. En fait,
c'est une extension de la rue, des gens peuvent venir prendre un café, il y a
tous les <besoins...
Mme Quinty (Geneviève) :
...dédiés
complètement au
phénomène, sept
travailleurs de
rue. J'ai une équipe de quatre personnes en prévention et j'ai tout un... trois
intervenants, parce qu'on a un milieu de vie où on accueille les gens.
En fait, c'est une extension de la rue, des gens peuvent venir prendre un café,
il y a tous les >besoins primaires : distribution alimentaire, un
vestiaire, une douche, produits d'hygiène, donc tout le nécessaire à la survie.
Je vais commencer par vous parler du volet
prévention parce qu'on a toujours cru à la prévention. Travailler en amont, c'est
aussi une clé. On touche trois niveaux de prévention : le niveau primaire,
le niveau secondaire et le niveau tertiaire. Avec le développement... bon, oui,
le développement du nouveau programme d'éducation à la sexualité, nous avons
adapté nos ateliers, parce qu'on rencontre autour de 3 000 jeunes par
année dans l'ensemble des écoles secondaires de la région de Québec et quelques-unes
sur la rive sud aussi, parfois on va dans Charlevoix. Mais, avec ce nouveau
programme là, mes collègues ont ajusté, en fait, notre atelier de prévention
pour qu'il corresponde aux objectifs du programme, aux niveaux d'âge aussi.
Donc, on rencontre généralement les secondaires III, IV et V, bien qu'on
voudrait davantage rencontrer le secondaire II. On est en train de
travailler, en ce moment, avec certains sexos ou les porteurs de dossiers des
commissions scolaires du programme d'éducation à la sexualité pour être
capables, justement, aussi d'adapter nos ateliers en fonction des 13, 14 ans.
C'est important que ces ateliers-là soient
donnés par des personnes qui sont formées, qu'il y ait un niveau d'aisance
quand même assez élevé. Bien, on sait que c'est un sujet tabou, c'est un sujet
délicat. Il faut savoir bien utiliser les mots. Donc, les gens qui travaillent
chez nous sont formés. Il y en a qui ont une formation en sexo, d'autres sont
éducateurs spécialisés. Et c'est arrivé et ça arrivera encore que, suite à nos
ateliers, qu'il y ait des dévoilements. Donc, il faut être capable après, quand
on vit des dévoilements, d'accueillir les jeunes, les référer par la suite ou
les référer tout simplement à nos intervenants, à nos travailleurs de rue chez
nous.
On a été financés par la Sécurité publique
Canada. C'est un gros projet de cinq ans qui nous a permis de s'arrimer avec
mes partenaires qui sont ici, à ma droite, donc le service de police de Québec
ainsi que... j'appelle encore ça le centre jeunesse, c'est plus simple pour
moi, le Centre jeunesse de Québec. Et, à l'intérieur de ce projet-là, il y a un
volet dédié à la prévention, où là on a voulu développer un programme
spécifique aux jeunes qui... aux jeunes filles d'abord qui ont des facteurs de
risque plus importants. Donc, on a ciblé davantage les filles qui sont en
centre de réadaptation. Mais le constat qu'on avait aussi, c'était que la
prévention... il a fallu réfléchir à différentes stratégies, parce que prendre
l'exploitation sexuelle de front, les jeunes n'écoutent pas, ne se sentent pas
concernés, c'est loin d'eux autres. Donc, il a fallu prendre des portes d'en
arrière, de côté, arriver avec des sujets... parce que les jeunes ont besoin de
parler de sexualité puis ils ont le goût aussi d'en parler. Il faut simplement
leur ouvrir la porte.
Et peut-être, Mme Lanctôt l'a soulevé
hier, mais on travaille davantage avec les facteurs de protection. Donc, c'est
toute la construction identitaire des jeunes. C'est leur donner la possibilité
de développer leur jugement critique à travers des thèmes d'images de soi, à
travers des thèmes de comment je mets mes limites ou quelles sont mes limites.
L'idée comme adulte, ce n'est pas tant de donner les bonnes réponses aux
jeunes, mais c'est surtout de trouver les bonnes questions à leur poser pour
les amener un petit peu loin.
Donc, ce projet-là, on l'a développé en
collaboration avec les intervenants du centre jeunesse qui eux aussi détiennent
une expertise qui est différente de la nôtre. Ils ont une vision centre de
réadapt tandis que nous autres, on avait une vision comme plus communautaire
puis on a cru bon de mettre des deux visions-là ensemble pour faire autrement.
L'idée, c'est de faire autrement. Il faut être créatif. Et on est rendus à
notre troisième cohorte, donc il y a trois groupes de sept jeunes qui ont vécu
ces huit ateliers, et le nerf de la guerre, c'est toujours mesurer les impacts.
C'est difficile de mesurer les impacts en prévention.
Par contre, prochainement... en tout cas
en voie de, ce programme-là devrait possiblement être évalué par la DEAU, le département — aide-moi
donc un petit peu — des affaires universitaires. Merci. Donc, voilà
pour la prévention. Ah! il me reste encore... Ah mon Dieu! Je n'ai presque pas
fini de parler du travail de rue, et pourtant il me reste une minute. Et je ne
peux pas passer à côté du travail de rue, mes travailleurs de l'ombre que
j'appelle. La pratique du travail de rue a été mise de l'avant par le PIPQ <parce
que...
Mme Quinty (Geneviève) :
Ah mon Dieu! Je n'ai presque pas fini de parler du travail de rue, et pourtant
il me reste une minute. Et je ne peux pas passer à côté du travail de rue, mes
travailleurs
de l'ombre que j'appelle. La pratique du travail de rue a été mise de l'avant
par le PIPQ >parce que... pour répondre, en fait, aux limites des
services publics. Donc, l'idée, c'est rejoindre ces jeunes-là dans les espaces
naturels, rejoindre des jeunes qui sont en rupture, parfois avec leurs familles
d'origine, parfois avec le réseau. Donc, cette pratique-là se veut d'abord être
une pratique de relations, étant donné que ces jeunes-là <sont... >ont
développé une méfiance envers le système, envers les adultes en général. Donc,
bâtir une relation avec ces jeunes-là, c'est extrêmement long. Et la
particularité du travail de rue nous permet de rester dans la vie de ces
jeunes-là avant, en prévention, pendant leurs expériences d'exploitation
sexuelle et après, quand ils ont atteint l'âge adulte aussi ou sont prêts à
aller de l'avant, à se mobiliser pour justement sortir du milieu.
Le travail de rue, c'est d'abord une relation
volontaire, égalitaire. C'est d'abord s'inscrire dans le quotidien des jeunes,
c'est d'abord une relation établie sur une réciprocité. C'est une approche qui
est non directive, c'est une approche qui permet d'établir un certain filet de
sécurité pour nos fugueuses chroniques qui nous appellent, quand ces jeunes-là
se retrouvent à l'extérieur du centre de réadapt, en fugue. <C'est... >Puis
on est présents dans les centres de réadapt. On a une alliance avec le centre
jeunesse, à Québec, qui nous permet d'être présents dans les unités et d'offrir
aux jeunes, je vous dirais, un espace de confidence <qui... >où il
n'y a pas d'enjeu d'autorité, de relation d'autorité ou d'enjeu de gestion de
placement. Et ça, c'est important et ça nous permet aussi de maintenir avec ce
jeune-là un lien avec sa communauté.
L'approche du travail de rue, c'est
aussi... Le travailleur de rue sert de pont entre les ressources et la rue. C'est
aussi travailler dans l'entre-deux. En ce moment, l'équipe... en fait, on a
suivi des formations non pas pour devenir des spécialistes en post-trauma, mais
pour être capable de soulager les symptômes reliés aux conséquences de l'exploitation
sexuelle en attendant l'accès à des services spécialisés. Ici, <j'avais...
>j'ai une liste de recommandations, je pourrais vous la faire, mais,
dans les recommandations de mon organisation, c'est de développer ou de rendre
accessible, parce qu'il y a des professionnels, déjà, qui se sont spécialisés
en trauma sexuel, mais ça... c'est rendre ces ressources-là disponibles et
accessibles pour nos jeunes.
Je sais que c'est une commission sur
l'exploitation sexuelle des mineurs, mais je ne peux pas passer sous le silence
la transition à la vie adulte. Ces jeunes-là demeurent... On poursuit l'accompagnement
au-delà des 18 ans et on est en mesure d'observer les trous de services,
peu ou pas de services pour ces jeunes-là. On travaille aussi avec le... Vous
m'arrêtez, hein, si j'ai... Ah non! il me reste encore un petit peu de temps.
Le Président (M. Lafrenière) :
Vous avez encore cinq minutes. Tout va bien.
• (10 h 30) •
Mme Quinty (Geneviève) : O.K.
Merci. J'ai beaucoup à dire. On a développé... en fait, les travailleurs de rue
particulièrement ont développé des collaborations assez extraordinaires avec le
SPVQ. Ils sont devenus assez complémentaires.
Vous savez, quand les jeunes décident
d'aller de l'avant ou de dénoncer leur proxénète, c'est énormément d'investissement
humain, en termes d'accompagnement, et pour nous, et pour les enquêteurs, et
pour les intervenants qui les côtoient en centre jeunesse. C'est énormément de
temps. Il y a un travailleur social du centre jeunesse qui me disait : Les
jeunes signalés en protection de la jeunesse en exploitent... c'est vrai qu'ils
représentent un faible pourcentage, mais, en termes d'accompagnement, ça représente
un 70 % de nos énergies.
Donc, ces jeunes-là sont accompagnés par
nos enquêteurs, mais les travailleurs de rue sont là aussi lorsque les enquêteurs
ne sont plus là, parce qu'ils rentrent à la maison, à un moment donné. Lorsque
les heures... les services traditionnels... d'ouverture des services, mettons,
disons ça comme ça, ferment, donc... Les travailleurs de rue sont là le soir,
sont là le matin, de bonne heure, sont là lorsque les jeunes font des crises
d'angoisse suite à un témoignage pendant la cour, pendant la journée. Donc,
entre nous, j'appelle ça de la garde partagée. C'est qu'il y a des bouts qui
sont faits en centre jeunesse, des bouts qui sont faits par nos enquêteurs...
10 h 30 (version révisée)
Mme Quinty (Geneviève) :
...le matin, de bonne heure, ils sont là lorsque les jeunes font des crises
d'angoisse suite à un témoignage pendant la cour, pendant la journée.
Donc, entre nous, j'appelle ça de la garde
partagée. C'est qu'il y a des bouts qui sont faits en centre jeunesse, des
bouts qui sont faits par nos enquêteurs, des bouts qui sont faits par nous
autres. On a développé des savoir-faire, à mon avis, assez efficaces dans la
région de Québec, et cette collaboration-là s'est construite avec les années.
Nathalie le disait bien tantôt... capitaine Thériault, excusez-moi, qu'il
a fallu qu'on se connaisse, qu'on se reconnaisse, qu'on dénoue des croyances,
des mythes par rapport à nos pratiques, des préjugés — on en avait
tous — pour, après ça, faire un pas de plus pour que cette
collaboration-là puisse dépasser les individus.
Au début, notre collaboration a reposé
énormément sur nous autres, sur nos épaules. Aujourd'hui, on est capables de
s'engager dans des projets de cinq ans ensemble avec, oui, des lettres
d'engagement, mais avec des ententes aussi de toutes les organisations où ils
libèrent des gens du centre jeunesse pour participer à notre projet, où des
enquêteurs sont libérés aussi pour participer à notre projet. Et, à travers ce
projet-là... peut-être pour terminer, là, j'ai perdu le temps...
Une voix
: ...
Mme Quinty (Geneviève) :
Merci. On a mis sur pied un comité de dénonciation judiciaire, parce qu'on le
sait que ces dossiers-là sont excessivement difficiles à mener à terme pour
plein de raisons probablement qui vous ont été nommées depuis hier.
On a aussi, avec mes partenaires, évalué
le nombre d'adultes qui pouvaient passer dans la vie d'un jeune, du signalement
jusqu'à la plainte, voire jusqu'à la sentence, quand ça va jusque-là, et on a
recensé autour d'une vingtaine d'adultes qui passent dans la vie de ces
jeunes-là. Donc, c'est beaucoup de monde, beaucoup... les jeunes se racontent
énormément de fois. Il y a aussi... Ce que ça occasionne, c'est des ruptures de
lien dans leur trajectoire.
Donc, on s'est donné comme responsabilité,
à travers ce comité-là, de revoir comment... On ne changera pas le système, on
le sait, mais comment on peut adoucir le processus de dénonciation judiciaire,
comment on peut l'humaniser davantage. Donc, on a eu un colloque la semaine
passée, qu'on a organisé ici, à Québec, et il y a une volonté, il y a une
volonté régionale, mais il y a une volonté provinciale de mettre en commun les
expertises d'autres projets à travers la province. Et ça, ça fait partie aussi
de nos recommandations, c'est qu'on puisse nous donner le support nécessaire
afin qu'on puisse tous se parler.
Et ma dernière recommandation, le milieu
communautaire, 70 % de notre financement est par projets, ce qui — j'ai
inventé un mot, là, hier — précarise nos ressources humaines. Et
rendus où est-ce qu'on est rendus aujourd'hui... parce que, lorsque je suis
rentrée, voilà 25 ans, on était six employés, nous sommes rendus 20,
presque 22, on ne peut plus reculer. On ne peut plus retourner en arrière à
être obligés de couper des ressources humaines. Et le financement à la base, à
la mission, pour nous autres, c'est un incontournable pour qu'on puisse
continuer nos actions, pour nous sécuriser aussi à la base comme organisme
communautaire. Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup de votre témoignage. Alors, nous allons passer maintenant à la
période d'échange avec les membres de la commission. J'aimerais rappeler aux
députés de faire des questions très courtes. J'ai déjà huit questions
d'enregistrées. Alors, on va débuter avec le député de Sainte-Rose.
M. Skeete : Merci, M. le
Président. Mesdames, c'est touchant de vous entendre. Merci pour tout ce que
vous faites pour le Québec.
Première question pour moi, elle s'adresse
à SPVQ. Hier, on a parlé avec le service de police de Sherbrooke, et il y a eu
question du niveau 2 et qu'est-ce qu'on peut faire avec le proxénétisme
avec un niveau 2. J'aimerais ça vous entendre. Vous, vous êtes un
niveau 3, si je...
Mme Thériault (Nathalie) :
Niveau 4.
M. Skeete : Niveau 4,
pardon. Donc, est-ce que vous... Selon vous, est-ce que ça serait pertinent de
revoir un peu les niveaux 2 de certaines municipalités dans le but de leur
permettre de faire un petit peu plus localement à ce niveau-là?
Mme Thériault (Nathalie) :
Nous, déjà, en partenariat avec certains dossiers... parce qu'on s'entend, Rive-Nord,
Rive-Sud, on est appelés à travailler avec Lévis, avec... qui souvent vont se référer
à la Sûreté du Québec à ce moment-là. Je pense qu'il ne <faut...
M. Skeete : ...leur
permettre de faire
un petit peu plus localement à ce niveau-là?
Mme Thériault (Nathalie) :
Nous,
déjà, en partenariat avec certains dossiers, parce qu'on s'entend,
Rive-Nord, Rive-Sud, on est appelés à travailler avec Lévis, avec... qui
souvent vont se référer à la
Sûreté du Québec,
à ce moment-là. Je
pense qu'il ne >faut pas parler de niveaux, il faut plutôt parler de collaboration
provinciale. Je pense que l'EILP est un bel exemple. Il faut bonifier puis
consolider la capacité et la structure d'enquête de l'EILP dans notre région ou
dans les régions en général. Je pense que si on bonifie cette structure-là... C'est
une belle structure qui a été mise en place en 2017. Bien, ça fait que ça,
on... je pense que, si on renforcit ça, qu'on bonifie ça mais régionalement, je
pense que déjà on va donner de meilleurs outils à l'ensemble des services de
police de la province de Québec.
M. Skeete : Merci. Et puis ma
deuxième question, rapidement... On entend très peu parler de la prostitution
juvénile des garçons. Est-ce que, peut-être, Mme Quinty, vous pouvez
m'éclaircir un petit peu sur votre expérience à ce niveau-là et... qu'en
est-il?
Mme Quinty (Geneviève) :
Effectivement, on en entend moins parler, et ça, depuis toujours. Sachez que
depuis 25 ans... Je vais commencer par dans mon temps. Quand j'étais travailleuse
de rue, la prostitution des garçons de rue était... en fait, existait dans la
rue, donc était plus visible dans les espaces publics. Avec l'arrivée des
médias sociaux, l'arrivée du Web, d'Internet, vraiment, les gars ont migré vers
des plateformes, donc ce qui rend plus difficile pour nous autres aussi
d'entrer en contact, de les rejoindre. Première raison.
Deuxième raison, c'est sûr que les garçons
sont moins enclins à se confier ou à se livrer. Et ça, on l'a constaté aussi
avec les intervenants qui sont en centre de réadapt, les gars ne reviennent pas
de fugue en disant : Moi, hier, j'ai fait un client pour manger. Parce que
ça implique du jugement, c'est stigmatisant, et ça implique aussi que les
relations de prostitution masculine, c'est souvent d'homme à homme, donc, et
les garçons qui ont des activités de prostitution juvénile ne sont pas tous
d'orientation, non plus, homosexuelle. Ce qui fait que, pour nos hétéros, c'est
encore plus difficile de se confier parce qu'on sait qu'il y a encore beaucoup
d'homophobie. Donc, ça implique deux étiquettes, mais... Ça, on pourra
peut-être en reparler plus tard, mais on a une responsabilité d'aller sur les
réseaux sociaux aussi pour aller rejoindre ces jeunes-là.
M. Skeete : Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Députée de l'Acadie.
Mme
St-Pierre
:
Merci. Merci, M. le Président. Merci pour ce que vous nous avez présenté ce
matin. Vraiment, ça donne confiance. On voit qu'il y a des choses qui se font
depuis plusieurs années. On voit, depuis une vingtaine d'années, que vous êtes vraiment,
vraiment actifs. Je me posais la question en vous entendant... l'opération
Scorpion a eu un retentissement, ça a été un tremblement de terre dans la région.
Il y a eu du travail qui a été fait, des ressources qui ont été mises en place.
Moi, je me dis qu'il y a encore des cas de femmes, de filles et de garçons qui
font de la prostitution.
Comment on peut vraiment arrêter ce phénomène-là?
Et vous avez parlé très peu des clients. Et c'est généralisé, depuis hier, vous
n'êtes pas les seuls... Hier, là, ça a été la même chose. Bon, je pense qu'on
va avoir pas mal ce même phénomène là pendant... Et il faut qu'on trouve le
moyen de le responsabiliser et il faut qu'on trouve le moyen de le
conscientiser. Est-ce que vous avez des interventions auprès de, entre
guillemets, clients peut-être repentants ou clients qui sont potentiellement...
de gens, d'hommes qui sont potentiellement des clients ou des portraits des
clients? Et comment vous essayez d'entrer en contact... ou d'essayer de
convaincre que c'est vraiment terrible, ce qu'ils font? La question est
peut-être bien large, là, mais...
Mme Quinty (Geneviève) : En
fait, de notre côté, notre organisation, on a peu ou pas de contact avec les
clients, et c'est un choix aussi d'organisation. Il fallait faire des choix,
donc on a ciblé...
Mme
St-Pierre
:
...on doit dire «clients-abuseurs» parce que c'est le terme qu'on a choisi.
Vous auriez dû me reprendre, M. le Président.
Mme Quinty (Geneviève) :
Donc, mais je lisais, je sais qu'Edmonton... il y a eu des gens d'Edmonton qui
sont venus présenter hier un programme, puis on en parlait encore au bureau ce
matin. On se disait : Mon Dieu, ils sont en <avant... ils sont en >avant
de nous autres. Offir aux clients... en fait, les clients arrêtés, je pense
qu'ils ont accès, après ça... une obligation <d'être... >de
suivre, en tout cas, ou de rencontrer des victimes aussi d'exploitation
sexuelle, d'être présents lors d'une sensibilisation. Je me dis :
Qu'est-ce qu'on attend ici pour le faire?
• (10 h 40) •
Mme Thériault (Nathalie) : De
notre côté, c'est sûr qu'il faut poursuivre les opérations clients. On <s'entend...
Mme Quinty (Geneviève) :
...rencontrer des victimes aussi d'exploitation sexuelle, d'être présents lors
d'une
sensibilisation. Je me dis :
Qu'est-ce qu'on attend
ici pour le faire?
Mme Thériault (Nathalie) :
De notre côté, c'est sûr qu'il faut poursuivre les opérations clients. On >s'entend
que c'est ça, les... Quand on parle d'outils, ou de moyens, ou de façons de
faire, il faut continuer à le développer. On s'entend qu'aussi, lorsqu'on fait
ce genre d'opération là, bon, ça demande des stratégies particulières. Puis
très vite, dans le milieu, nous autres, on s'en est aperçu en faisant les
opérations clients, que très vite, bon, le mot se passe puis on... Tu sais, ça
se sait dans le milieu qu'on est en train de faire une opération clients. Ça
fait qu'il faut quand même... Je pense qu'il faut être mixte. Il faut être
capable de faire et de la répression, de la prévention, de l'accompagnement.
Puis l'ensemble de ces éléments-là font qu'on a une meilleure intervention dans
ce milieu-là.
Nous aussi, on s'est penché dans la région
de Québec à se dire : Bien, allons plus loin que ça. Allons auprès de nos
jeunes qui sont dans nos centres d'accueil, qui sont en réadapt... en
réadaptation, excusez le terme terrain, et qui... Allons faire de la prévention
sur les impacts, sur les conséquences. Ça fait que, d'abord, formons nos gens
sur tous ces impacts-là, formons... continuons à se développer. D'ailleurs,
n'ayant pas la prétention d'avoir la science infuse dans la région de Québec,
on s'associe à Bishop's avec un intervenant social de la région de Montréal,
qui sont davantage spécialisés peut-être dans ce domaine-là, qui ont développé
certains outils. Puis nous, on a développé un contenu de formation avec le
troisième volet sur la vulnérabilité des garçons, mais on va se chercher des
gens terrain qui travaillent déjà dans ce phénomène-là.
Ça fait qu'on va travailler déjà avec nos
plus jeunes puis, pour nos plus vieux, bien, on va développer davantage de
ressources. Puis c'est sûr que c'est un voeu. Il faut que nos clients soient
conscientisés sur les impacts puis les... Absolument.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci. Députée de Les Plaines.
Mme Lecours (Les Plaines) :
...un témoignage touchant ce matin. Ça ouvre la journée <assez... >avec
une réalité que, oui, on connaît, mais que, quand vous l'expliquez, c'est
encore plus prenant. Merci beaucoup. Merci à mesdames aussi pour le travail que
vous faites sur le terrain.
Deux questions rapides. Est-ce que vous
faites... Vous l'avez mentionné, Mme Quinty, mais est-ce que vous faites
de la veille sur les médias sociaux? Parce que vous avez, dans les dernières
années, assisté justement à des vagues de... Ce n'est plus au même endroit que
le recrutement se fait. Est-ce que vous faites des veilles de médias sociaux?
Est-ce que ça fait partie de votre, j'imagine, de votre plan de match?
Mme Quinty (Geneviève) : Oui.
Je vous disais tantôt qu'on a une responsabilité d'être présents sur les médias
sociaux. Le ministère de la Sécurité publique nous a supportés et nous supporte
encore. On a eu un premier projet, justement, de réflexion par rapport à
comment être présent dans les réseaux sociaux aussi comme intervenant. Donc, il
y a beaucoup de questions à se poser parce qu'il y a des enjeux éthiques à être
présent dans le virtuel.
Et là le financement s'est poursuivi, et
on a présentement deux intervenants qui sont en exploration sur le Web. Avant,
le travail de rue, c'est encore le cas aujourd'hui, je vous disais tantôt qu'on
rejoignait les jeunes dans les espaces publics, mais l'espace public, l'univers
Web, c'en est devenu un. Et il y a des jeunes qui ne sortent plus physiquement
dans les espaces publics, mais qui demeurent branchés.
Donc, on est à... Puis on a une
responsabilité aussi de rester à l'affût de, tu sais, c'est quoi, la culture,
les codes, les moeurs qui changent des jeunes aussi. Puis on est en mesure de
les observer via toutes sortes d'applications, que je ne serais pas capable de
vous nommer aujourd'hui, parce que ce n'est vraiment pas ma tasse de thé, mais
j'ai des collègues qui adorent ça passer des heures sur Internet. Mais il y a
des... On offre nos services via des sites où est-ce qu'il y a des jeunes
femmes qui s'annoncent.
Donc, on est en train d'investir
tranquillement, délicatement aussi, parce qu'il faut bien réfléchir aux
impacts. On ne veut pas mettre les filles en danger non plus en textant des...
Les écrits restent, hein? Il faut s'assurer que la personne à qui on texte est
bien la fille qu'on a ciblée. <Donc... >Mais on est là. On est là.
Les résultats vont venir peut-être un peu plus l'année prochaine parce qu'on
débute actuellement.
Mme Thériault (Nathalie) : La
vigie se fait également... On s'entend, bien, lorsque je parlais des projets
clients, quand je parlais du projet ...... Bon, bien, nos patrouilleurs
communiquent via les médias sociaux avec les jeunes filles. C'est la façon de
faire. On a aussi la cyberinfiltration qui nous permet de rentrer en contact
avec ces prédateurs sexuels là de façon... C'est une technique d'enquête qui
nous permet de... en tout cas, qui nous facilite la tâche de rentrer en <contact...
Mme Thériault (Nathalie) :
...nos patrouilleurs communiquent via les réseaux sociaux avec les jeunes
filles. C'est la façon de faire. On a aussi la cyberinfiltration qui nous
permet de rentrer en contact avec ces prédateurs sexuels là de façon... C'est
une technique d'enquête qui nous permet de...
en tout cas, qui nous
facilite la tâche de rentrer en >contact avec ces individus-là via...
On parlait tantôt des garçons, de la vulnérabilité
des garçons. Bien, on a eu à travailler sur des dossiers ou sur le
site Gay411, où les garçons s'en vont là pour prendre de l'information
tout simplement, puis se référer, puis être en contact avec des gens pour
converser ou peu importe, et puis, à ce moment-là, il y a un prédateur qui est
là puis qui les attend.
Donc, oui, on fait de la vigie puis, oui,
on travaille ce genre de dossier là de cette façon-là.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Rapidement, parce que j'ai beaucoup de questions. Je suis sûre que mes
questions, les collègues vont les avoir. Si je peux me permettre, M. le
Président, le guide de formation, est-ce que ce serait possible qu'il soit
déposé? Est-ce que je peux demander ça?
Mme Thériault (Nathalie) :
Ça a été transféré déjà. Il y aura une possibilité de vous le retransférer.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Parfait. Merci beaucoup.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Féputé de Viau.
M. Benjamin : Merci, M.
le Président. Bien, merci à vous. Donc, j'ai pu participer avec ma collègue la
députée de Notre-Dame-de-Grâce à votre dernier colloque, et puis ça a été un
moment très édifiant en termes de bonnes pratiques que vous avez dans la région
de Québec.
Ma première question concerne... Dans le
document déposé par le Projet intervention prostitution Québec, vous nous
parlez de trous de services et vous nous parlez de trous de services notamment
par rapport aux jeunes filles qui... le passage à l'âge adulte, donc... Et,
dans le document du Service de police de la ville de Québec, un des défis à
relever, c'est la création de lieux sécuritaires. J'aimerais vous entendre. Quels
sont les défis par rapport à la prise en charge des victimes actuellement?
Mme Thériault (Nathalie) :
Il faut penser que, dans ce milieu-là, <c'est... >on parle de
violence physique, psychologique et sexuelle. Donc, un peu... Moi, je crois
que... ou, en tout cas, on pense au service de police puis quand on en discute
avec les différents partenaires avec qui on travaille, que ce serait important
de créer des lieux où ces victimes de traite ou de prostitution là auraient un
lieu où on pourrait les accueillir, mais sans préjugés, avec des intervenants vraiment
spécialisés dans le domaine.
On s'entend que <c'est... >la
prostitution, l'étiquette de la prostitution, l'étiquette de l'escorte,
l'étiquette de la travailleuse du sexe, ce n'est pas tous les milieux <qui...
>ou tous les intervenants qui sont à l'aise de travailler avec ça. Ça
prend des gens dédiés, qui ont une formation spécifique puis qui ont un désir
particulier d'aider ces jeunes femmes là ou ces jeunes filles là. Je ne dis pas
que, dans les centres actuels pour violence conjugale, que ce n'est pas
adéquat. C'est particulier à ce phénomène-là. C'est facile pour les proxénètes
d'aller les rechercher à nouveau, ou de les recruter à nouveau, ou d'obtenir...
de continuer le contrôle sur ces jeunes femmes là, même si elles veulent s'en
sortir, puis même si elles ont dénoncé, puis même si on a des conditions à
faire respecter. Il faut être en mesure de les sortir... Je vous parlais un peu,
dans les débuts, de programmation. On les programme, on les déprogramme pour
après ça les reprogrammer.
Mais là ça prend le traitement... Dans les
défis à relever, il faut miser davantage dans l'avenir sur le traitement de ces
jeunes femmes là puis ces jeunes filles là. Il faut avoir du soutien
thérapeutique, il faut avoir des outils, des moyens qui vont nous permettre non
seulement... pas juste d'intervenir, de faire de la prévention puis de les
accompagner, mais de les traiter dans un avenir pas trop lointain pour être en
mesure de les aider à se sortir de ce milieu-là.
M. Benjamin : L'autre question
que j'aurais, c'est au sujet du travail que vous faites en amont. Vous avez
parlé tout à l'heure des interventions que vous faites notamment dans les
écoles, mais auprès des élèves de secondaire IV et de secondaire V. <Lorsque...
>Les informations qu'on reçoit ici nous disent qu'il y a des enfants de
12, 13 ans. Et pourquoi pas plus tôt, pourquoi pas des interventions plus tôt, notamment
en secondaire I, II, III?
Mme Thériault (Nathalie) :
III, IV, V. III, IV, V, c'est un peu les volets dont je vous ai parlé, mais déjà
il y a de la prévention qui se fait par nos préventionnistes dans les écoles
primaires. C'est ajusté, c'est adaptable sur les choix, sur... <Il
y a différents... >On a différentes conférences qui sont adaptées aux
âges et aux milieux. Puis, de toute façon, en étant présents, dès qu'on est en
mesure de détecter ou qu'on a des indices sur une jeune fille ou un jeune
garçon, il y a une intervention immédiate qui est capable... qui se fait, là,
de façon spontanée. Mais il y a d'autres conférences qui se font, mais pas nécessairement
<aux mêmes... >avec les mêmes titres dont je vous mentionnais un
peu plus tôt.
• (10 h 50) •
Mme Quinty (Geneviève) :
Je voudrais répondre à votre première question, d'abord, le trou de services.
Il existe des programmes de transition à la vie adulte aux centres jeunesse.
Par contre, ce n'est pas toutes les jeunes filles qui correspondent <aux...
Mme Thériault (Nathalie) :
...avec les mêmes titres dont je vous mentionnais un peu plus tôt.
Mme Quinty (Geneviève) :
Je voudrais répondre à votre première question, d'abord, le trou de services.
Il existe des
programmes de transition à la vie adulte au centre
jeunesse. Par contre, ce n'est pas toutes les jeunes filles qui correspondent >aux
critères pour faire partie de ces programmes-là, quand on pense à des jeunes
filles qui... les fugueuses chroniques, par exemple, et c'est là que souvent...
Ils atteignent l'âge adulte à 18 ans, mais
ils n'ont pas été préparés parce que trop à risque de se recommettre dans des
activités d'exploitation sexuelle ou de prostitution juvénile. Donc, souvent,
ces jeunes-là <sont... >passent par des mesures d'encadrement
intensif à répétition pendant leur trajectoire en centre jeunesse parce qu'ils
sont chronicisés.
Donc, c'est avec cette population-là qui
est chronicisée <qui... >qu'on doit être un peu plus créatif,
essayer de trouver d'autres options pour justement faciliter ce passage-là.
Parce que ce qui arrive quand ils sortent de centre jeunesse, c'est qu'ils
n'ont pas été préparés, pour plein de raisons, là, parce qu'ils n'ont pas été
disposés à le faire non plus. <Donc... >Et j'abonde dans le sens
de Nathalie aussi, avoir un lieu qui peut accueillir ces filles-là, justement, pour
développer leur autonomie, etc., ça manque.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Députée de Lotbinière-Frontenac.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Bonjour. Tout à l'heure, vous avez parlé que vous aviez un manque d'outils. Je
vois que vous avez travaillé fort puis vous avez maintenant plus de formation,
un guide, une vision commune. Qu'est-ce qui vous manque pour bien faire votre
travail?
Mme Quinty (Geneviève) : On a
une belle liste d'épicerie. Non, non, non, vas-y...
Mme Thériault (Nathalie) :
Des outils, les moyens, dans le fond... C'est un phénomène que... Tantôt, je
vous parlais de bonifier et consolider la capacité d'une structure d'enquête du
style... bien, comme une EILP, mais dans notre région, mais encore plus... C'est
complexe, ce genre de dossier là. C'est complexe, ce genre d'enquête là.
Donc, c'est sûr que, quand on <est...
on >a une bonne structure régionale avec la couleur aussi régionale,
parce que je pense que chacune... Si on regarde dans chacune de nos régions...
Tantôt, on parlait des niveaux, mais je voudrais plus dire, chacune de nos
régions a sa couleur qui lui est propre. Même si le phénomène est répandu à la
grandeur du Québec, je pense que...
Entre autres, les outils, c'est les moyens
financiers, c'est le facteur humain, le facteur logistique, tout ce qu'on peut
avoir. On parlait de cyberinfiltration, bien, c'est sûr que, quand on a la
capacité d'un, deux, trois, si on augmente cette capacité-là en cyber, bien, on
va être en mesure...
On le sait, tout ce qui est cybercriminalité
augmente de façon fulgurante, que ce soit en pornographie juvénile, en leurre
ou dans le recrutement. Donc, on le sait que le pourcentage est quand même
élevé, peu importent les statistiques qu'on regarde. Ça fait que c'est
avantageux de se développer davantage dans ces ressources-là. Donc, quand on
parle de moyens, d'outils, bien, ça, c'en fait partie.
Mme Quinty (Geneviève) : Puis
la force de la région de Québec, c'est notre concertation, notre partenariat,
mais ce qui contribue à cette collaboration-là, c'est d'avoir une coordination.
Le programme Prévention jeunesse,
actuellement, du ministère de la Sécurité publique, nous permet d'avoir un
individu qui met en lien l'ensemble des pivots scolaires, du centre jeunesse,
du communautaire, du service de police. Toutes les informations convergent vers
cette même personne là. Ça facilite, mais tellement, la mobilisation puis ça la
garde en vie en plus.
Je vous parlais tantôt de... On est
beaucoup dans la consolidation. Je vous parlais de notre financement tantôt. Il
est le temps, c'est le moment, là, de consolider nos services, de sortir du
financement par projets puis d'assurer une bonne base. On n'a pas à réinventer
la roue, à mon avis. <On a... >C'est vrai qu'on a beaucoup de
moyens. On aimerait en avoir un peu plus aussi en termes de services
spécialisés. L'accès aux services spécialisés, c'est...
Nos jeunes n'ont pas les moyens d'aller au
privé, d'aller rencontrer des sexologues, des psychologues ou, quand ils ont
les moyens, c'est le délai d'attente, par moments, qui est... des fois, c'est
un an, c'est deux ans. Mais on le sait, il faut saisir le momentum. Quand les
jeunes sont prêts à faire un pas en avant, c'est là qu'il faut y aller. On ne
peut pas attendre. Il y a un momentum qu'il faut respecter.
Mme Thériault (Nathalie) : Je
veux juste... Par rapport aux outils, quelque chose qui est très, très, très
important, c'est au niveau législatif. On s'est donné une entente
multisectorielle. <J'ai... >On a eu l'opportunité, dans les débuts
des années 2000, de travailler avec l'entente multisectorielle qui avait été
signée et entendue par les différents ministères. C'est une très belle entente.
Il faut faire la même chose en matière de
phénomènes. On le voit souvent, on est restreint avec les lois d'accès à
l'information <où...
Mme Thériault (Nathalie) :
...dans les débuts des années 2000, de travailler avec l'entente
multisectorielle qui avait été signée et entendue par les différents
ministères.
C'est une très belle entente.
Il faut faire
la même chose
en
matière de
phénomènes. On le voit souvent, on est restreint avec les
lois
d'accès à l'information >où, selon nos organisations, il
faut davantage développer en ce sens-là.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Député de Chomedey.
M. Ouellette : Merci. Il y a
beaucoup de passion ce matin, depuis 10 heures, là. Ça se sent. Et vous
avez la chance, et je parle un peu par expérience, mais vous avez la chance
d'être à Québec, qui est un modèle dans beaucoup de domaines. Et je comprends
que vous n'avez pas tous les outils puis je comprends que vous n'avez pas tout
le personnel puis tout ça, mais vous avez quelque chose d'extraordinaire que
beaucoup de régions aimeraient avoir, c'est la cohésion entre les services. Je
ne sais pas si ça s'est développé quand le service de police de Québec s'est
retrouvé Gros-Jean comme devant, avec le projet Scorpion puis être obligé de
s'organiser puis de mobiliser le milieu, mais vous avez pu bien vieillir avec
ça et vous avez cette mobilisation du milieu qui fait l'envie de beaucoup de
gens. Donc, il reste à vous donner certaines affaires.
En parlant de vous donner certaines
affaires, j'aimerais ça que vous m'expliquez une chose. Vous me parlez de
sécurité publique depuis tout à l'heure, mais vous me dites que vous êtes
financés par Ottawa, par Sécurité publique Canada. Bon, je comprends que la
formation qui est donnée est financée par Sécurité publique Québec. Bon, je
comprends aussi que Sécurité publique Canada, dans cinq ans, oups, et voilà,
donc vous allez retomber à six ou... Vous ne pouvez pas vous permettre, là,
vous avez...
Mme Thériault (Nathalie) :
Cinq personnes.
M. Ouellette : ...vous avez
pris une erre d'aller et vous devez assurer une certaine pérennité, si on ne
veut pas, tout d'un coup, se retrouver avec rien. Je ne sais pas si vous avez
fait certaines réflexions. C'est le temps d'en parler, là.
Mme Quinty (Geneviève) :
Bien, on y a réfléchi, mais, en même temps, c'est la gestion du risque, ça. De
risquer, de créer un projet d'envergure comme celui-là, de cinq ans, de
1,2 million, c'était un gros risque. On se disait, entre nous, on «think
big», on est rendu là. Ce projet-là va nous donner les moyens d'aller plus loin
dans nos collaborations avec nos partenaires aussi, parce qu'on avait une
certaine maturité de partenaire, on était rendu à une coche plus loin et on
s'est dit : Bien, ça, c'est le nerf de la guerre au communautaire. Si on
ne prend pas de risque, on n'avance pas.
Donc, on a pris ce risque-là en sachant
très bien que, dans trois ans, même deux ans et demi, on tire la plug, donc
c'est cinq personnes qui partent. Mais là c'est mon travail. C'est mon travail
après ça d'essayer de trouver d'autres sources, d'autres sources qui assureront
la pérennité, mais ce serait bien dommage de reculer, bien, bien, bien dommage.
Mais on parle de Sécurité publique Canada,
mais Sécurité publique Québec aussi. Prévention jeunesse, on ne connaît pas
l'avenir du programme aussi. Donc, on crée... tu sais, nos bailleurs de fonds
nous demandent d'être innovants, on innove, mais c'est pour ça que je vous dis,
on est rendu à une intersection où là je pense qu'il faut penser consolidation,
tu sais, mais c'est la gestion du risque. Je n'ai rien à dire de plus
intelligent que ça pour assurer la pérennité, mais on va y arriver. Je suis une
éternelle optimiste en le disant, mais, écoute, on sera entendus, puis
peut-être le fédéral, lui aussi, porte un plan d'action sur la traite des
personnes. Donc, peut-être qu'il y aura cette volonté-là de poursuivre aussi.
Donc, il faut avoir cet espoir-là aussi, sinon on n'avance pas.
M. Ouellette :
<Ce
serait important qu'on... >C'est important qu'on vous entende parce
qu'il faut la faire, cette fusion-là, nous autres, puis cet amalgame-là. Puis
je disais hier, à partir du moment où il y une volonté politique qui part d'en
haut, c'est beaucoup plus facile après ça, d'en bas, de pouvoir vous donner les
outils.
Et j'aimerais peut-être juste entendre Mme
Thériault, là, sur la cohésion, parce vous avez un modèle extraordinaire, vous
faites des jaloux. Je comprends qu'il vous manque des affaires, mais continuer de
développer cette cohésion-là, c'est quelque chose qui revient dans toutes nos
discussions. Il y a des perles dans plusieurs régions, et, dans plusieurs
régions, on réalise que ce qui manque, c'est la cohésion que vous avez à
Québec. Donc, il faudrait que ce soit un modèle exportable.
Mme Thériault (Nathalie) :
C'est ce qu'on veut.
M. Ouellette : O.K. Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Députée de Notre-Dame-de-Grâce, courte question.
• (11 heures) •
Mme Weil
: Oui, merci.
Alors, merci beaucoup de votre présence. J'étais à la formation, donc, il y a
quelques semaines. On vous a entendues...
11 h (version révisée)
M. Ouellette : ...il
faudrait que ça soit un modèle exportable.
Mme Thériault (Nathalie) :
C'est ce qu'on veut.
M. Ouellette : O.K. Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce. Courte question.
Mme Weil
: Oui.
Merci. Alors, merci beaucoup de votre présence. J'étais à la formation, donc, il
y a quelques semaines. On vous a entendus. D'ailleurs, c'est Quinty... On avait
Mme Quinn, hier, de l'Alberta.
Plusieurs questions pour vous tous. Bon, premièrement,
vous avez, lors de votre présentation il y a quelques semaines, un peu parlé de
votre parcours et votre évolution dans ce domaine. On était un peu, nous, en
formation pour bien comprendre qui sont ces filles, les profils de ces filles,
de quels milieux ils viennent, les parents, où sont les parents dans ce
portrait, relation des parents. Vous avez même évoqué des jeunes garçons qui
étaient peut-être des collègues de classe au primaire, qui soudainement sont
des abuseurs par rapport à ces mêmes filles avec qui ils sont allés à l'école,
je pense que c'était en Beauce, etc.
Donc, ça, c'est bien important parce que
nous... Oui, vous avez besoin de financement stable, on l'a bien entendu, puis
c'est bien important. Je connais bien le milieu communautaire, et c'est sûr qu'on
va faire des demandes pour tout l'argent et le financement possible pour tous
les projets parce que c'est comme ça qu'on évolue. Et on apprend, comme société,
les gouvernements apprennent aussi en même temps que vous, vous apprenez. Puis
vous êtes les premiers à alimenter les gouvernements. Donc, on a bien entendu
ce message.
Mais il y a toute cette question de
prévention, d'intervention. Et, si vous avez entendu Mme Quinn hier, elle
a parlé d'empathie et la possibilité de travailler la mentalité de l'abuseur,
donc, ce client-monstre, franchement, dans certains cas, pour utiliser un peu
les expressions de ma collègue hier en décrivant ces personnes. Mais ce qui
était intéressant, dans son intervention, c'est que, ah! il y a possibilité de
travailler eux aussi.
Est-ce que vous... Mes questions, donc. Vous
évoquez aussi accompagnement des parents, dans votre mémoire, <mais dans
une... >parce qu'ils sont ébranlés, démunis, etc., donc parler de ça. Et
votre compréhension, premièrement : D'où viennent les filles qui se
retrouvent à Québec? De quelles régions viennent-elles? Parce que, pour nous,
de comprendre le grand portrait sur le territoire du Québec... Est-ce que c'est
des filles en mouvement, qui bougent? À Montréal, c'est le cas. Vous avez
entendu qu'il y en a qui se retrouvent, évidemment, dans les provinces de
l'Ouest. Donc, vous, votre expérience, d'où viennent ces filles? Et votre point
sur comment on travaille.
Puis vous l'avez bien fait, il y a deux
semaines, ça a été évoqué par deux universitaires, hier, il faut travailler
avec cette femme, ne pas la juger, cette personne, cette victime, l'amener puis
se rendre compte qu'il y aura des entrées, et des sorties, et des rentrées, et
des sorties, et de ne pas juger et préjuger. Donc, votre expérience un peu, parce
que vous l'aviez évoqué il y a quelques semaines, mais aussi des questions
additionnelles sur d'où viennent ces filles puis <votre... >vos
constats par rapport à peut-être, aussi, l'évolution, parce qu'en 25 ans
il y a beaucoup qui a changé, cette course contre la montre, contre le «dark
web», etc., course contre ces monstres, je dirais même, aussi. Comment vous
vous adaptez? Puis voyez-vous ça comme un enjeu majeur pour les années à venir?
C'est qu'on ne peut même pas deviner comment ça va évoluer. Donc, vos besoins
de formation, d'argent pour la formation aussi.
Le Président (M. Lafrenière) :
Une minute...
Mme Weil
: Donc, c'est
un peu tout ça.
Le Président (M. Lafrenière) :
Et tout ça en moins d'une minute, comme réponse.
Mme Thériault (Nathalie) :
Si vous me donnez une heure pour répondre... C'est beaucoup de questions.
Mme Weil
: ...ça
nous permet de savoir qu'est-ce qui nous préoccupe aussi. Je pense, c'est
important de le savoir.
Mme Quinty (Geneviève) :
Écoutez, c'est beaucoup de questions avec peu de temps. Je vais répondre pour
les garçons parce qu'on m'a énormément posé de questions par rapport à notre
ambition, je dirais, d'accompagner les garçons. Le travail de rue nous amène à
rencontrer ces garçons-là, parce que, généralement, on est en lien avec les
jeunes filles, mais avec tout son réseau naturel...
Une voix
: ...
Mme Quinty (Geneviève) :
Non, non, j'y arrive. Donc, être en contact avec ces jeunes filles là nous met
inévitablement en contact avec ces gars-là qui, parfois, les abusent, ou c'est
des recruteurs, ou c'est des facilitateurs. Mais notre cible, ce qu'on cible,
avec ces gars-là, c'est les plus jeunes, les 13, 14, 15, 16 ans, qui ne
sont pas cristallisés encore dans un mode de proxénétisme. C'est des gars qui
vivent encore de l'ambivalence. C'est des gars qui, une journée, ont le goût de
faire de l'argent avec leurs blondes, puis, le lendemain, il a le goût de
s'inscrire au cégep.
Donc, on s'est dit : On a...
L'exploitation sexuelle, c'est un système. Il y a trois acteurs. On a parlé du
client, tantôt, on parlé beaucoup des jeunes filles, des garçons, mais celui
qui l'organise, qui en profite, qui le gère, il faut... Pour avoir un impact,
une plus grande portée sur nos jeunes filles, <aussi...
Mme Quinty (Geneviève) :
...
On a... L'exploitation sexuelle, c'est un système. Il y a trois
acteurs. On a parlé du client, tantôt, on parlé beaucoup des jeunes filles, des
garçons, mais celui qui l'organise, qui en profite, qui le gère, il faut...
Pour avoir un impact, une plus grande portée sur nos jeunes filles, >aussi,
il faut répondre aux besoins de ces jeunes garçons là. M. Lafrenière me fait
signe de...
Le Président (M. Lafrenière) :
J'ai la pire job, aujourd'hui, c'est de vous arrêter. On aurait voulu vous
entendre pendant des heures. Merci beaucoup, mesdames. Merci. Au nom de la commission,
je vous remercie pour votre témoignage aujourd'hui.
On suspend quelques instants, le temps de
laisser place au prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 6)
(Reprise à 11 h 8)
Le Président (M. Lafrenière) :
Je souhaite maintenant la bienvenue à Alliance Jeunesse. Je vous rappelle que
vous disposez de 20 minutes pour faire votre exposé, puis nous allons
procéder à une période d'échange de 25 minutes avec les membres de la
commission. Alors, je vous invite à vous présenter puis à commencer votre
exposé.
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) :
Donc, bonjour. Mon nom est Véronique Duchesneau, je suis travailleuse de rue
VIP pour Alliance Jeunesse, donc, le Volet Intervention Prostitution. Je vais
vous présenter aussi ma collègue, là, Lauryann, donc...
Mme Irazoqui (Lauryann) : Oui.
Donc, bonjour, tout le monde. C'est vraiment un honneur d'être là aujourd'hui
parmi vous pour vous présenter notre Volet Intervention Prostitution. Moi, rapidement,
bien, mon nom, c'est Lauryann Irazoqui. La raison pour laquelle je suis ici aujourd'hui,
c'est parce que j'ai remplacé ma collègue Véronique pendant son congé de
maternité dans les deux dernières années. Donc, je suis venue aujourd'hui, là,
pour l'accompagner puis faire un peu de pouce avec elle, là, pour vous
présenter notre beau projet.
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) :
Donc, pour commencer, Alliance Jeunesse est un organisme communautaire qui est
né en 1990, qui avait pour mission de soutenir les jeunes, là, les plus
vulnérables, là, au niveau de la rue, donc, au niveau du secteur de
Chutes-Chaudière, Saint-Romuald, dans ce coin-là. Donc, on voulait...
intervenir avec les jeunes du milieu, les accompagner pour améliorer leurs
conditions de vie puis répondre à leurs besoins.
Donc, suite à ça, il y a deux volets qui
se sont créés, le volet Hébergement, dans le fond, qui comporte 26 logements
locatifs pour les jeunes de 18 à 25 ans, ainsi qu'une flotte de
travailleurs de rue, on est six, dont quatre au niveau de la jeunesse et une
travailleuse de rue de proximité, qui travaille auprès des familles, hein, les
enfants de zéro à cinq ans, et le Volet Intervention Prostitution, qui est moi,
en fait. Donc, le travail VIP, c'est vraiment de promouvoir la santé physique,
sexuelle, et la sécurité des utilisatrices du service.
• (11 h 10) •
Les origines de VIP. Donc, de 2009 à 2010,
il y avait une augmentation au niveau des demandes d'aide, de la part des
partenaires du milieu, au niveau de la prostitution et au niveau aussi des
HARSAH, c'est les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes. Et,
au même moment, il y a eu beaucoup de plaintes de citoyens par rapport au
regroupement des HARSAH au niveau des Chutes-Chaudière. <Donc, de ça... >La
Sécurité publique avait des demandes d'éloigner, là, les HARSAH de ce
secteur-là qui était prisé par les familles aux Chutes-Chaudière. Et la santé <publique...
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) :
...
avec d'autres hommes. Et, au même moment, il y a eu beaucoup de
plaintes de citoyens par rapport au regroupement des HARSAH au niveau des
Chutes-Chaudière. Donc, de ça... La Sécurité publique avait des demandes
d'éloigner, là, les HARSAH de ce secteur-là qui était prisé par les familles
aux Chutes-Chaudière. Et la santé >publique avait une demande de
diminuer les... dans le fond, ils avaient peur au... à l'augmentation des ITSS.
Donc, cette inquiétude a mené à la
création d'une table de concertation, dont faisait partie Alliance Jeunesse,
pour vraiment agir à ce niveau-là. Alliance Jeunesse a mandaté un travailleur
de rue qui allait auprès des HARSAH pour, dans le fond, faire de la prévention
au niveau des ITSS, les affilier avec l'infirmière de rue et aussi fournir des
condoms et du matériel d'injection.
En 2011-2015, le ministère de la Sécurité
publique a financé un travailleur de rue pour répondre aux besoins de la
communauté. Donc, c'est un intervenant qui agissait au niveau de HARSAH mais
aussi au niveau de la prostitution à Lévis. Et, de 2015 à 2020, donc, le projet
sur lequel je suis présentement est financé par le ministère de la Justice, qui
a accepté de financer, dans le fond, pour les cinq ans, de 2015 à 2020.
Présentement, on est à la fin, là, du
mandat. Donc, ça se termine le 31 mars 2020. On a demandé une
reconduction du projet, mais, dans le cas où ce que ce ne serait pas fait,
bien, on travaille, là, d'arrache-pied, là, pour ramasser, dans le fond, des
sous, pour la pérennité du projet VIP. Donc, je laisse Lauryann expliquer le
projet.
Mme Irazoqui (Lauryann) :
Oui. Donc, je vais vous expliquer, en fait, c'est quoi, VIP, qu'est-ce qu'on
fait concrètement, là, dans notre semaine, comme travail. Bien, premièrement,
ce qu'il est important de savoir, pour le Volet Intervention Prostitution,
c'est qu'on travaille avec une clientèle qui est majeure et qui se veut
volontaire de recevoir nos services d'intervention.
Notre objectif prioritaire, en fait, par
rapport au Volet Intervention Prostitution, c'est vraiment de promouvoir la
santé et la sécurité sexuelle des travailleuses du sexe. Pour ce faire, on
adopte une philosophie qui se veut style, bien, travailleur de rue, parce qu'en
fait on est des travailleuses de rue. Donc, pour ce faire, on a une approche en
réduction des méfaits. Ça, qu'est-ce que ça veut dire, c'est qu'on utilise
beaucoup la sensibilisation, la prévention, on fait beaucoup d'accompagnements.
Quand je parle d'accompagnements, c'est des accompagnements dans toutes les
sphères de la vie des travailleuses du sexe, donc toutes les sphères
biopsychosociales. On peut accompagner <pour... >quand elles
passent en cour, au palais de justice, on peut accompagner pour aller chercher
de l'aide alimentaire, pour répondre aux besoins de base, on peut accompagner
pour aller prendre un café au Tim Hortons, parce qu'elles ont besoin d'écoute,
elles ont besoin de parler. Donc, on a vraiment, là, <on a vraiment >une
grande latitude, là, pour ce qui est de nos interventions.
Évidemment, cette approche-là, ça nous
amène à avoir une ouverture d'esprit incroyable et puis ça nous amène également
à n'avoir aucun jugement envers les travailleuses du sexe et les gens qui sont
victimes d'exploitation sexuelle. Évidemment, notre approche ne vise pas à
sortir, nécessairement, les jeunes femmes de ce milieu-là, mais à leur offrir
des filets de sécurité afin qu'elles puissent faire leur pratique de façon
sécuritaire et dans le respect d'elles-mêmes, et qu'elles <aillent...
qu'elles >gardent quand même une certaine dignité à travers tout ça.
Donc, nous, c'est vraiment de mettre, de bâtir des facteurs de protection
autour d'eux pour qu'ils soient en sécurité sexuelle et physique.
Évidemment, cette clientèle-là, c'est une
clientèle qui est très susceptible d'être désaffiliée du réseau de la santé.
Généralement, ils n'iront pas nécessairement consulter pour faire les tests de
dépistage, d'emblée, là, au CLSC, par peur soit du jugement... Parce
qu'évidemment, là, les questions... bien, la question qu'elle se fait souvent
poser, c'est : Combien de partenaires sexuels as-tu eu lors du dernier
mois? Si elle en a eu 96, bien, peut-être qu'elle ne le dira pas. Donc, là, ça
vient un peu biaiser les résultats, là, des tests de dépistage, et tout ça.
Donc, c'est pour ça que ça, c'est
vraiment, là, un pilier du projet Intervention Prostitution. On a une
infirmière clinicienne qui nous accompagne, chaque semaine pour aller dans les
milieux prostitutionnels. Quand je parle de milieux prostitutionnels, c'est
vraiment les milieux où est-ce qu'on intervient directement avec la clientèle,
avec les jeunes femmes en prostitution et en exploitation sexuelle. Donc, on se
déplace dans les salons de massage érotique, on se déplace dans les bars de
danseuses, on se déplace directement dans les chambres d'hôtel, entre deux
clients, rencontrer une escorte. On se déplace directement dans leurs
domiciles. En fait, le but de ce programme-là, avec l'infirmière, c'est
vraiment de les accompagner et d'essayer un peu, bien, en fait, d'améliorer
l'accessibilité aux services de santé et de services sociaux, pour les jeunes
filles, en matière de prostitution et d'exploitation sexuelle.
Évidemment, tous les services qu'Alliance
Jeunesse offre sont gratuits, donc il n'y a aucuns frais qui sont rattachés à
ça, c'est tout le temps gratuit, que ce soit l'infirmière... Bien, j'ai oublié
de mentionner, aussi, mais on donne des quantités phénoménales de condoms à
toutes les travailleuses du sexe, et tout ça, c'est gratuitement. Donc, c'est vraiment,
là, pour prioriser, là, leur santé et leur sécurité sexuelle.
Je pourrais dire également que VIP,
maintenant, depuis quelques années, on est vraiment rendus reconnus et ancrés
dans notre communauté et dans la réalité de la prostitution dans l'industrie du
sexe. Ce que je veux dire par là, c'est que, maintenant, c'est rendu un réflexe
que nos partenaires nous appellent pour nous référer, pour nous demander
conseil. Les filles, entre elles, ça se parle : Ah! <est-ce...
Mme Irazoqui (Lauryann) :
...
maintenant, depuis quelques années, on est vraiment rendus reconnus
et ancrés dans notre communauté et dans la réalité de la prostitution dans
l'industrie du sexe. Ce que je veux dire par là, c'est que, maintenant, c'est
rendu un réflexe que nos partenaires nous appellent pour nous référer, pour
nous demander conseil. Les filles, entre elles, ça se parle : Ah! >Est-ce
que tu connais Lauryann? Tu connais-tu Véronique, la travailleuse de rue?, elle
pourrait te mettre en contact avec une infirmière. Donc, on est vraiment rendus
à un stade où on est rendus la référence sur la rive sud de Québec pour ce qui
est de la prostitution et de l'exploitation sexuelle.
Pour faire un peu de pouce là-dessus,
bien, moi puis Véronique, on est bien fières de vous dire aujourd'hui, là, que
le mois dernier on a remporté le prix Coup de coeur de la catégorie
Amélioration de l'offre concertée avec la communauté, lors du Gala d'excellence
du CISSS—Chaudière-Appalaches. Donc, ça, ça a été une grande étape pour nous,
là, d'avoir remporté ce prix-là. Et puis l'hiver dernier, en fait, moi puis
Véronique, on avait également été convoquées comme conférencières, lors du
Colloque de la prévention de la criminalité, lors... bien, organisé, orchestré
par la sécurité publique. Et puis on se fait également, là, contacter pour
notre expertise, par exemple, pour... la firme Mourani-Criminologie, elle a
fait appel à notre expertise, l'année dernière, pour faire une étude en
recherche, là, par rapport au besoin des logements aux femmes qui ont quitté
l'industrie du sexe. Donc, je pourrais dire en fait que VIP a vraiment
développé une belle expertise, puis ça nous est reconnu.
Évidemment, expertise, oui, ça veut dire
qu'il y a de la prostitution à Lévis. Souvent, on se fait poser la question :
Est-ce que ça existe vraiment à Lévis? Oui, c'est une réalité qui est bien
présente à Lévis. Puis la ville de Lévis est en constant développement. Donc,
qui dit ville en développement dit demandes de la part... de services sexuels
des clients, qui sont en augmentation, et, ceci dit, dit demandes de la part
des travailleuses du sexe et des filles victimes d'exploitation sexuelle, qui
ont besoin de plus de services de la part des intervenantes VIP. Donc,
qu'est-ce que ça fait, ça? C'est qu'on est comme dans un continuum de services,
mais... bien, malheureusement, tu peux dire ça comme ça, il y a seulement une
intervenante attitrée, là, au poste VIP, donc c'est difficile de répondre à
tous les besoins qu'il y a présentement, là, sur le territoire.
Aussi... en tout cas, je vais vous dire,
là, qu'Alliance Jeunesse on a été mandatés pour distribuer des trousses de
naloxone. Ça, en fait, ça a comme objectif de réduire les risques de décès liés
aux surdoses d'opioïdes. Parce que, je ne vous le cacherai pas, c'est très
malheureux de le dire, mais évidemment, quand on parle de prostitution, on
parle de consommation, puis, bien, notre but, c'est vraiment d'y aller dans la
réduction des méfaits, donc on distribue, là, un grand nombre de trousses de
naloxone.
Dernière petite chose, en fait, là.
Tantôt, j'ai entendu qu'on a parlé un peu de la Beauce. Parce que nous, on a eu
un VIP Beauce qui a été mis en place pendant trois ans. Ça, en fait, ça a été
une demande, là, de la santé publique de Chaudière-Appalaches, qui nous a
recrutés pour offrir nos services VIP sur le territoire de la Beauce, mais
ayant comme principal objectif de faire une étude de besoins, en fait, pour
tout ce qui est matière de prostitution, de HARSAH, hommes ayant relations
sexuelles avec d'autres hommes, et tout ce qui est jeunes en difficulté. Donc,
nous, on est allés directement à la rencontre de cette clientèle visée là par
le biais de bars de danseuses, de parcs, les sites d'annonces Internet, où
est-ce que les femmes vont vendre des services sexuels. Donc, on a fait ça.
Pour conclure, qu'est-ce que VIP? Je pense
que c'est vraiment important, pour moi, de vous le mentionner, VIP, c'est un
service... bien, en fait, c'est ce qui nous différencie beaucoup de d'autres
services, on est un service qui est personnalisé, qui est fait pour travailler
avec l'humain, avec la personne. Donc, nous, on ne travaille pas avec la
travailleuse du sexe ou on ne travaille pas avec la fille qui va être victime
d'exploitation sexuelle, on va travailler avec l'humain qui est en arrière de
tout ça, l'humain qui a des besoins, qui a des sentiments, puis qui a besoin
d'avoir réponse à ceux-ci. Donc, comme ça le dit, c'est un service VIP qu'on
offre aux femmes dans l'industrie du sexe.
Donc, je vais laisser ma collègue
Véronique poursuivre.
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) :
Donc, le projet, bien sûr, a eu des retombées, des impacts sur le territoire,
là, durant les quatre dernières années — donc je vais vous en citer
quelques-unes — dont la diminution des relations sexuelles à risques
et la diminution, par le fait même, des ITSS, des grossesses non désirées et
des avortements; la diminution du partage du matériel d'injection, parce qu'on
distribue aussi le matériel, là, aux UDI; la diminution des actes de violence
et des délits aussi à ce niveau-là; l'augmentation des connaissances par
rapport à la loi C-36; l'augmentation de l'estime de soi et le respect
d'elles-mêmes, donc, des facteurs de protection de la femme; la diminution des
crises et désorganisation — donc, avant d'en arriver à commettre des
actes irréparables, bien, des femmes souvent nous appellent, on désamorce la
crise, on les réfère aux bons endroits, donc ça diminue, là, l'impact au niveau
des crises; l'augmentation de l'accessibilité en hébergement, au niveau de la
nourriture, au niveau de l'hygiène de vie, des besoins de base; et la
réalisation de leurs projets de vie. Donc, elles ont maintenant un lendemain,
ces femmes-là, elles se perçoivent, elles se projettent dans l'avenir.
• (11 h 20) •
Le projet VIP augmente les facteurs de
protection, diminue les facteurs de risque, donc on installe des filets de
sécurité. Je dis toujours qu'on est des généralistes. Donc, nous, on accueille
les besoins, souvent on en fait un bon bout parce qu'avant d'êtres capables de
déceler< vraiment...
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) :
...
leurs projets de vie. Donc, elles ont maintenant un lendemain, ces
femmes-là, elles se perçoivent, elles se projettent dans l'avenir.
Le projet VIP augmente les facteurs de
protection, diminue les facteurs de risque, donc on installe des filets de
sécurité. Je dis toujours qu'on est des généralistes. Donc, nous, on accueille
les besoins, souvent on en fait un bon bout parce qu'avant d'êtres capables de
déceler >vraiment c'est quoi, le besoin prioritaire, on a à faire, là,
un bout de chemin avec la personne. Puis, ensuite de ça, on réfère vers les
organismes du milieu. Donc, on est au début de ce que Geneviève Quintya réalisé,
là, au niveau de la Rive-Nord. On commence à s'arrimer et on s'organise, on se
mobilise, là, sur la Rive-Sud, là, au niveau de la prostitution, que ce soit
majeures comme mineures.
Au niveau des réflexions, bien, c'est sûr
que nous, on est plus en prévention qu'en intervention, parce que je suis la
seule à couvrir Chutes-Chaudières—Lévis, Desjardins, Lauzon aussi, donc c'est
un grand territoire à faire seule. On est dans la réduction des méfaits, donc
on pense aussi que... Dans le fond, on agit au niveau des adultes, mais on a
quand même une conscience mineures. On sait que, si on agit au niveau de la
prévention, au niveau mineures, bien, ça va peut-être avoir un impact, là,
aussi au niveau majeures, là, à moyen court terme. Donc, c'est pas mal ça pour
notre présentation. Je vais vous laisser...
Mme Irazoqui (Lauryann) : Moi,
j'aurais un petit quelque chose à rajouter.
Le Président (M. Lafrenière) :
Oui, allez-y.
Mme Irazoqui (Lauryann) :
Bien, en fait, là, oui, on dit qu'on travaille beaucoup, beaucoup avec les
adultes, mais je vous dirais qu'on a énormément de demandes de la part des établissements
scolaires par rapport à la prostitution juvénile et de l'exploitation sexuelle.
Que ce soit aux centres de formation des adultes, dans les centres de formation
professionnelle, les écoles secondaires, on a énormément de demandes puis
malheureusement on n'a pas les ressources humaines et budgétaires pour répondre
à ces demandes-là. Donc, on essaie de pallier du mieux qu'on peut en faisant de
la prévention. On a monté des ateliers pour essayer de répondre le mieux qu'on peut,
là, quand même, avec les ressources qu'on a, mais malheureusement c'est un
besoin qu'on n'a pas les moyens de répondre présentement, là, à l'heure
actuelle. Donc, je pense que c'était important de le mentionner.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup pour votre exposé. Avant de passer à la période de questions, je
vais avoir besoin d'un consentement pour ajouter trois minutes à cette
audition.
Des voix
: ...
Le Président (M. Lafrenière) :
Consentement? Consentement. Alors, on va commencer avec une question par la
députée de Lotbinière-Frontenac.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Moi, je voulais savoir... Bien, vous en avez parlé à la fin de votre
présentation<... Vous... Votre>, votre clientèle, c'est plus des
jeunes femmes adultes. C'est quoi, la proportion? Est-ce que vous en avez aussi
des mineures ou vous n'êtes pas du tout capables pour une raison budgétaire?
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) :
Je peux y aller. Dans le fond, c'est sûr que nous, là, <on... >le
volet VIP est vraiment plus au niveau majeures. Comme je le disais tout à
l'heure, on fait de la prévention, on fait des ateliers au niveau de toutes les
écoles secondaires du milieu, aussi au niveau des centres de formation pour
adultes. Donc, on en côtoie, mais ce n'est pas nécessairement encore un réflexe,
pour les jeunes filles, de venir demander de nos services, donc on est en train
justement de concerter le milieu, les intervenants, les différents partenaires
afin d'avoir cette courroie de transmission là entre les services du
communautaire et l'institutionnel.
Mme Irazoqui (Lauryann) :
Puis je dois dire aussi que, tu sais, quand on s'en va, là, dans un salon de
massage érotique, par exemple, bien on ne prend pas le temps de carter les
femmes non plus.
(Interruption)
Une voix
: ...comment
on fait pour arrêter ça? Aïe! attends un peu, là.
Le Président (M. Lafrenière) :
...on avait un suspect, nous autres, autour de la table, puis ce n'est pas lui
aujourd'hui, donc on est correct.
Une voix
: O.K. Excusez.
Mme Irazoqui (Lauryann) :
Donc, tu sais, peut-être qu'on en côtoie puis qu'on ne le sait pas. Parce que,
des fois, c'est sûr que... Tu sais, c'est arrivé que, moi puis Véronique, on
s'est dit : Elle a l'air jeune, mais, tu sais, en même temps, on ne la
carte pas. Elle nous dit qu'elle a 18 ans, tu sais, on n'est pas là... ce
n'est pas notre mandat d'aller valider l'âge qu'elles ont. Mais nous, on y va
vraiment dans une optique qu'elles sont adultes puis consentantes de recevoir
nos services. Je ne sais pas si ça a répondu...
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Bien, oui, là, mais... Bon. O.K. Puis je voulais savoir pourquoi avoir appelé
votre programme VIP?
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) :
Bien ça, dans le fond, c'est un nom qui a été donné par Valérie L'Italien, une
infirmière du milieu. Donc, quand on s'est posé la question, comment qu'on
allait appeler ce programme-là, on a pensé que le VIP, comme «very important
person» résonnait bien, puis ça rappelait, dans le fond, les trois mots du Volet
Intervention Prostitution<, donc on...>. Comme Lauryann le disait
tout à l'heure, on offre vraiment un service individualisé, personnalisé aux
femmes, puis elles sentent vraiment l'importance qu'elles ont dans notre
intervention. C'est-à-dire qu'une femme, là, elle a l'impression que je n'en ai
pas d'autres qu'elle à traiter, alors que j'en ai plusieurs sur le territoire.
Ça fait qu'elle se sent vraiment VIP, à ce moment-là, ça fait que les femmes se
reconnaissent bien.
Le Président (M. Lafrenière) :
Députée de l'Acadie.
Mme
St-Pierre
:
Merci, M. le Président. Merci pour votre présentation et surtout merci pour
votre énergie. Vraiment, vous êtes très inspirantes. Et je vais juste partager
une petite anecdote avec vous. J'avais, à un moment donné, couvert, j'étais aux
États-Unis, une campagne de sensibilisation pour <faire... >contrer
les maladies transmises sexuellement et surtout le sida, et on était passé par
le biais des coiffeurs et des coiffeuses pour distribuer des condoms. Alors, je
me disais peut-être que vous pourriez passer par ces réseaux-là parce qu'on
dit... La théorie, derrière ça, c'était qu'un client se confie beaucoup plus à <son...
Mme
St-Pierre
:
...
une campagne de sensibilisation pour faire... contrer les maladies
transmises sexuellement et surtout le sida, et on était passé par le biais des
coiffeurs et des coiffeuses pour distribuer des condoms. Alors, je me disais
peut-être que vous pourriez passer par ces réseaux-là parce qu'on dit... La
théorie, derrière ça, c'était qu'un client se confie beaucoup plus à >son
coiffeur, sa coiffeuse qu'à son psychologue. Alors, ça peut être intéressant de
donner votre numéro de téléphone un peu partout, puis vous allez peut-être en
avoir.
Le Président (M. Lafrenière) :
...débat, si ça ne vous dérange pas.
Mme
St-Pierre
:
Pardon?
Le Président (M. Lafrenière) :
Je vais m'exclure de cette catégorie.
Mme
St-Pierre
:
Je ne voulais pas parler de vous, M. le Président. Mais, évidemment, ce n'est
pas un sujet drôle, là, le sujet dont on parle aujourd'hui, mais je me dis :
Il faut vraiment être capable de rejoindre le plus de monde possible. J'ai deux
questions.
<Quand vous avez... est-ce>Est-ce
que vous avez aussi des interventions — je comprends que vous êtes
une petite équipe, pas beaucoup d'argent, puis ça, c'est le nerf de la guerre,
vous avez bien fait de le souligner — <interventions >auprès
des parents? Ça, je pense qu'aussi il faut l'aborder. Si vous avez des idées à
nous transmettre là-dessus.
Mais <quand... >ma curiosité,
c'est par rapport à vos présences dans les bars de danseuses puis les salons de
massage. L'idée, c'est que c'est tenu pas mal par du monde du crime organisé,
ces endroits-là. Un, est-ce que vous avez peur pour votre sécurité? Et, deux, <est-ce
que... >comment on vous accueille? On vous laisse entrer? On vous laisse
faire? On vous laisse parler aux filles?
Mme Irazoqui (Lauryann) :
Mais, bien, en fait, on n'a pas du tout peur, là, de notre sécurité. En fait,
on rentre... Puis, je vous dirais, tu sais, ce qui est vraiment beau, là, avec
le travail de rue, c'est qu'on développe tellement des liens privilégiés avec
ces personnes-là, on sent tellement, là, qu'ils ont toute notre confiance.
Donc, souvent on arrive puis, tu sais, on arrive avec plein de cafés du
Tim Hortons, ça fait que, là, les filles vont être contentes parce qu'on
leur amène des beignes, des cafés.
L'approche qu'on va avoir, en fait, là, c'est
on va être vraiment humains, humains, égalitaires. Donc, tu sais, on ne va pas
là... puis, tu sais, ça, je pense que ça se ressent beaucoup, on ne va pas là
pour les juger. On ne les juge pas. On les accepte telles qu'elles sont. Comme je
vous disais, on n'est pas là pour les sortir. À la limite, on leur apporte
juste du positif parce qu'on donne des condoms, on leur offre du soutien, on
leur offre de l'écoute. Donc, elles se sentent mieux. Ça a un impact positif
pour eux.
Mme
St-Pierre
:
Mais ceux qui les contrôlent, ils ne sont quand même pas loin, là. Ils voient
que vous êtes là.
Mme Irazoqui (Lauryann) :
Oui. Mais, pour ma part en tout cas, je n'ai jamais eu problème vis-à-vis ça
parce que, bien, on ne s'en va pas là dans une approche de sortir les filles de
ce milieu-là. On s'en va les aider à le faire de façon sécuritaire. Souvent, ce
que je m'étais déjà fait dire également, là, par des personnes qui contrôlent
ces réseaux-là, c'est que ça a du positif parce que les filles n'ont pas d'ITSS.
Parce qu'il y a comme des sites Internet où que les clients peuvent noter
toutes les filles, puis là, bien, ça fait que, mettons, un salon va dire que
toutes les filles sont... elles n'ont pas d'ITSS, elles sont propres, tout ça.
Donc, ça a des impacts positifs pour leur milieu, en fait, si je peux dire ça
comme ça.
Mme
St-Pierre
:
Leur business.
Mme Irazoqui (Lauryann) :
Donc, c'est sûr que, si on arriverait en disant : On veut que tu te sortes
de là, on ne veut plus que tu fasses ça, ce n'est pas bon pour toi, bien, ils
nous diraient : Toi, va-t'en, là. Mais on n'y va pas dans cette
approche-là. Puis c'est ce qui fait que c'est gagnant, en fait, pour nous, d'y
aller dans une approche de réduction des méfaits.
Mme
St-Pierre
:
Et les parents? Est-ce que vous avez des recommandations à nous faire?
Mme Irazoqui (Lauryann) :
Moi, je n'ai jamais... Je vais te laisser, Véronique, répondre.
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) :
On <n'a pas... On >n'est pas vraiment en lien avec les parents,
là, au niveau de la prostitution adulte. On a des mamans qui sont dans le
réseau. C'est sûr qu'on fait, tu sais, tout ce qui est, là, par rapport aux...
voyons, aux compétences parentales par rapport à leur propre enfant. Mais, tu
sais, <c'est... >les mères de ces femmes-là, nous, on ne les
côtoie pas dans notre «day-to-day», là, dans notre travail, là.
Mme
St-Pierre
:
Merci beaucoup.
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) :
Mais c'est sûr qu'il y a de l'accompagnement à faire au niveau des parents, là,
par rapport à ce qui se passe, là, les modes d'entrée dans la prostitution,
tout ce... au niveau de la prévention, là. C'est sûr que les parents doivent
être mis au courant de certains modes d'entrée dans la prostitution pour voir
venir ça chez leurs jeunes, là, oui.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci. Député d'Ungava.
M. Lamothe :
<...certain...
>Bonjour.
Mme Irazoqui (Lauryann) :
Bonjour.
M. Lamothe : Club de
danseuses, <je veux rentrer>vous rentrez là. Pas de trouble avec
le «doorman»?
Mme Irazoqui (Lauryann) :
Non. Si je peux donner l'exemple, là, en Beauce, c'est quelque chose... En
fait, on avait un mandat, c'était un cinq heures par semaine qu'on allait en
Beauce puis c'était vraiment notre activité principale, c'était d'aller dans
les bars de danseuses. Puis, tu sais, on arrive là, puis les barmans, les
barmaids nous connaissent toutes, les danseuses nous connaissent. Ça fait qu'on
rentre, puis, tu sais, on se fait accueillir : Aïe! salut, c'est les
filles de VIP, puis : Venez vous asseoir, puis, tu sais : Qu'est-ce
que je te sers aujourd'hui? Ça fait que, tu sais, c'est vraiment dans une
approche «friendly», là, si je peux dire ça comme ça.
Tu sais, elles sont contentes de nous
voir. On leur apporte du soutien, de l'écoute. On amène des condoms, on offre
des... On arrive avec une infirmière. L'infirmière peut passer les tests de
dépistage directement dans l'isoloir, dans les bars de danseuses. Donc, on a
vraiment, comme je vous dis, une approche qui fait qu'on n'est pas une menace,
si on veut, pour les «doormen» ou les gens qui contrôlent ces réseaux-là.
M. Lamothe : O.K.
Mme Irazoqui (Lauryann) : Je
ne sais pas si je réponds bien à votre question?
M. Lamothe : Oui, absolument.
C'est juste que j'essaie de voir la dynamique puis... Mais c'est spécial.
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) :
Mais l'intervenante y est pour beaucoup aussi, là.
M. Lamothe : Pardon?
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) :
L'intervenante y est pour beaucoup aussi. C'est-à-dire que, tu sais, on est
ouverts d'esprit, un petit peu excentriques, tu sais, on s'adapte très, très
facilement avec la dynamique du milieu. Ça fait que ça fait de nous, tu sais...
M. Lamothe : Oui, vous êtes
sûrement très bonnes.
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) :
...des personnes, là... c'est ça, à part entière de l'équipe, finalement, là,
oui.
M. Lamothe :
O.K. Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci. Député de Viau.
• (11 h 30) •
M. Benjamin : Merci, M. le
Président. Donc, merci pour votre présentation. 635 personnes rencontrées, <c'est...
>je trouve ça... c'est du monde, c'est beaucoup...
11 h 30 (version révisée)
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) :
...du milieu, ça fait que, ça fait de nous...
M. Lamothe : Oui, vous êtes
sûrement très bonne.
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) :
...les personnes, là... c'est ça, à part entière de l'équipe finalement, là.
Oui.
M. Lamothe : O.K. Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci. Député de Viau.
M. Benjamin : Merci, M. le
Président. Donc, merci pour votre présentation. 635 personnes rencontrées,
<c'est... >je trouve ça... c'est du monde, c'est beaucoup, mais
vous comprendrez, dans le cas du mandat de cette commission, je vais m'attarder
en particulier à deux catégories de groupe d'âge. 1 % sont d'âge mineur,
36 % sont âgées de 18 à 25 ans. <Est-ce que... >Parlez-moi
un peu de la trajectoire de ces personnes, particulièrement des personnes âgées
de 18 à 25 ans. Ce sont des personnes qui ont commencé alors qu'elles
étaient mineures majoritairement? C'est quoi le portrait de ces personnes-là?
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) :
Dans les deux dernières années, j'ai créé un formulaire, là, un questionnaire
VIP que j'appelle, sur la Rive-Sud pour avoir une espèce de portrait de...
plusieurs questions anonymes que les filles répondent. J'en ai recueilli, là, c'est
ça, une bonne cinquantaine, ça fait que j'ai quand même un bon échantillonnage,
puis la plupart des femmes rentrent dans la prostitution par manque d'argent,
des séparations, des problèmes ponctuels de la vie. Le 1 %, c'est des fois
des mineurs qu'on rencontre, qu'on se rend compte que, oui, il y a une
vulnérabilité mais pas nécessairement cristallisée. Donc, oui, on lit ça dans
nos stats mais ce n'est pas nécessairement les gens avec qui on intervient à
tous les jours.
Puis, c'est ça, le passage de mineur à
majeur, c'est sûr que les jeunes filles, pour la plupart, ont commencé à l'âge
mineur, donc c'est pour ça qu'on croit que la prévention est vraiment
importante, là, au niveau mineur pour enrayer, là, justement cette
continuité-là. Mais, c'est ça, nous, c'est vraiment au niveau adulte, là, qu'on
interagit. Je ne sais pas si ça répond...
M. Benjamin : Absolument. J'ai
bien entendu le manque de ressources exprimées et notamment lorsqu'il s'agit
d'intervenir dans les écoles, dans les centres. Mais vous avez quand même une
certaine expérience d'intervention dans les écoles, et vous intervenez à quel
niveau dans les écoles? Secondaire II, secondaire III,
secondaire IV, primaire? Et qu'est-ce que vous faites dans les écoles?
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) :
Présentement, on a un atelier de prévention. Ce n'est pas de la formation, c'est
vraiment de la prévention qu'on anime. On est vraiment au début, là, de notre
processus, donc on a eu une demande des écoles du milieu. Donc là, on commence,
là, nos présentations d'ateliers, c'est vraiment au niveau, je vous dirais, de
14-16 ans, là, la compréhension, là, de notre atelier. C'est sûr qu'il n'est
pas nécessairement adapté encore pour très bas âge, on va y venir, mais, c'est
ça, le manque de ressources, comme on l'a dit, est criant. Donc, je ne peux
pas, moi, me positionner en tant qu'intervenante adulte et intervenante
mineure. Donc, c'est sûr que, de préférence, ce serait d'avoir un intervenant
mineur et une intervenante majeure, là, pour couvrir l'entièreté des besoins du
territoire.
M. Benjamin : Et dernière
question, M. le Président. Beaucoup d'intervenants avant vous nous ont parlé de
l'importance qu'il y ait ce travail de concertation qui soit fait entre les
différents intervenants, dont la police, qui joue un rôle névralgique,
évidemment. Quelle est votre mode de collaboration avec la police?
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) :
Bien, moi, je dis toujours qu'où finit mon mandat, il y en a un autre qui
commence. Donc, moi, j'ai mon mandat de travailleuse de rue. C'est sûr qu'on
prend beaucoup de chaleur au niveau de la gestion du risque. Si une jeune
fille, exemple, qui vient solliciter nos services, là, d'intervention VIP, on
va regarder avec elle le niveau d'exploitation sexuelle, où est-ce qu'elle est
rendue, parce qu'il y a quand même un continuum, là, au niveau de
l'exploitation. Mais dans la... tu sais, il y a quand même la Loi de la
protection de la jeunesse qui nous oblige à signaler, là, en cas
d'exploitation. Donc, c'est sûr que nous, si la situation devient extrême, c'est
sûr que nous, même sans le consentement de la jeune fille, on va signaler, là.
Mais ça, ça devient une courroie de transmission entre nous, la DPJ et le
service de police. On est à mettre en place, justement, là, des courroies de
transmission à ce niveau-là, mais on est vraiment, là, au début, début, là, de
notre...
Une voix
: Puis tu as
une table aussi...
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) :
Puis on a aussi une table, là... Bien, ce n'est pas une table, dans le fond,
c'est un comité de suivi, là, avec plusieurs personnes, là, qui justement, là,
siègent : le service de police, le CISSS, plusieurs organismes du milieu
pour justement arrimer nos services puis essayer de soutenir ce beau monde là,
là, dans leurs difficultés.
M. Benjamin : Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Député de Chomedey.
M. Ouellette : Merci.
Bonjour, mesdames. Effectivement, on est dans un avant-midi d'énergie. J'ai vu
ça tantôt, et ça se continue très bien. J'ai trois petites questions. Vous avez
réglé un problème en Beauce, mais il semblerait qu'il est réglé, là, parce que
vous êtes allés trois ans avec un budget de santé publique. Et, depuis 2018,
tout est réglé en Beauce, là?
Mme Irazoqui (Lauryann) :
Non.
M. Ouellette : O.K. C'est
beau, parfait. Vous répondez effectivement à ma question.
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) :
Ce qu'on faisait, c'était une étude... Comment tu appelles ça encore?
Mme Irazoqui (Lauryann) : Une
étude de besoins. Ça fait que c'était vraiment, là, comme objectif, d'aller
recueillir des données pour voir c'est quoi les besoins actuels qui sont
présents sur le territoire de la Beauce. Donc, l'étude, elle a duré trois ans.
Maintenant le trois ans est échu, puis la balle est dans leur camp. Donc, là,
d'après moi, ils sont en évaluation, là, des rapports qu'on a rapportés par
rapport à ça.
M. Ouellette : Est-ce que je
me trompe de penser, puisque vous avez du financement de cinq ans, <que...
Mme Irazoqui (Lauryann) :
...de la Beauce. Donc, l'étude, elle a duré trois ans. Maintenant le trois ans
est échu, puis la balle est dans leur camp. Donc, là, d'après moi, ils sont en
évaluation, là, des rapports qu'on a rapportés
par rapport à ça.
M. Ouellette :
Est-ce que je me trompe de penser, puisque vous avez du
financement de
cinq ans, >que c'est Sécurité publique Canada puis Justice Canada qui
vous a financé?
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) :
Présentement, c'est Justice Canada. Il y a eu la Sécurité publique, là, dans
les années précédentes, qui se sont comme chevauchés. Donc, présentement, c'est
le ministère de la Justice.
M. Ouellette : Donc, vous
n'existez pas sur le «payroll» québécois, là. Vous faites une job
extraordinaire, mais vous ne nous coûtez pas une cenne? Si je comprends ça,
là...
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) :
Bien, on a quand même le municipal qui fournit, là. Tu sais, c'est un organisme
communautaire. Ça fait qu'on... c'est sûr qu'on relève de plusieurs
financements pour assurer la pérennité du service. Là, on est à la
reconduction, là, de VIP, là, au niveau du ministère de la Justice. On a déposé
le projet, là, à différents ministères. On est en attente, là, de réponses à ce
niveau-là.
M. Ouellette : Est-ce que
vous êtes... votre organisme, dans la région de Lévis, vous êtes tout seul à
faire ça?
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) :
Oui.
M. Ouellette : O.K. Donc, en
Beauce, il n'y en a pas. Ça fait que donc...
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) :
Il y a les infirmières de rue qui assurent un certain support, mais pas de
travailleurs de rue ni d'intervenants parce que c'est des intervenants jeunesse
au niveau de la Beauce. Donc, ça arrête à 18 ans. Puis, après ça, il n'y a
pas de suivi.
Mme Irazoqui (Lauryann) : Bien,
en fait, en Beauce, il y a une intervenante qui est là à temps partiel pour
couvrir le grand, grand, grand territoire de la Beauce, donc...
M. Ouellette : Si le
financement n'est pas reconduit en mars, avril, mai, donc dans quatre mois, ce
monde-là va tout où? C'est Québec qui s'en vient prendre la relève ou on se
retrouve avec un bris de service?
Mme Irazoqui (Lauryann) :
Bris de service.
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) :
Bris de service dans l'optique où est ce que, bon, si ce n'est pas reconduit,
oui, il pourrait y avoir un bris de service. Mais on travaille très, très, très
fort, là, à aller chercher, là, les subventions nécessaires pour reconduire le
projet. Puis on s'arrime aussi avec les partenaires du milieu pour être capable
de récupérer cette clientèle-là à différents niveaux, là, au niveau du CISSS,
au niveau du service de police, au niveau du centre jeunesse, au niveau des
différents partenaires aussi, le CAPJ, là, notamment, à Lévis. Donc, c'est sûr
que c'est des organismes qui sont déjà en place, là, qui vont répondre à cette
demande-là.
Le Président (M. Lafrenière) :
Le député d'Hochelaga-Maisonneuve, s'il vous plaît.
M. Leduc : ...M. le Président,
bonjour à vous deux. Je veux vous dire que j'ai beaucoup de respect pour le
travail des travailleuses de rue en général puis, visiblement, le vôtre aussi
ici aujourd'hui.
Trois petites questions. D'abord sur les
termes. Moi, je m'intéresse beaucoup aux mots qu'on choisit pour décrire les
réalités de la vie, puis vous avez utilisé autant le mot «travailleurs,
travailleuses du sexe, personnes en situation de prostitution». Est-ce que,
selon vous, si on est à 16 ou 17 ans, on peut être une travailleuse du
sexe?
Mme Irazoqui (Lauryann) :
Bien, moi, c'est sûr que... ça peut être vu différent d'une intervenante à
l'autre, je vais parler pour moi. Moi, je pense qu'en bas de 18 ans,
malheureusement, ce n'est pas possible d'être une travailleuse du sexe parce
qu'on rentre directement dans l'exploitation sexuelle puis la prostitution
juvénile. Donc, pour moi, en bas de 18 ans, ce n'est pas possible
d'avoir... tu sais, de consciemment... je ne sais pas comment l'expliquer. En
fait, en bas de 18 ans, on ne peut pas être une travailleuse du sexe par
choix tandis que, rendu... en tant qu'adulte, je crois qu'il y a des femmes qui
sont capables de le faire dans le respect, dans la dignité, et qui sont
capables d'être bien dans ce travail-là. Mais, par contre, mineures, non. Non,
mineures, c'est vraiment de l'exploitation sexuelle.
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) :
Il y a une notion de consentement aussi, là, qui est à prendre en compte.
M. Leduc : Parfait, c'est très
clair. Merci beaucoup. Sur donc la question des mineurs justement, puisqu'on
est là-dedans, on a parlé tantôt un peu des chiffres que vous mettez, à la
page 3, et là je réalise, avec les explications que vous donniez à ma
collègue tantôt, que c'est une autodéclaration par rapport à l'âge. Tu sais,
quand vous dites : On a rencontré 1 % d'âge mineur, 36 % de
18-25, 34 %... bon, etc., plus haut, plus haut, c'est une autodéclaration
parce que vous dites : On ne les cartait pas. C'est ça que vous m'avez dit
tantôt.
Mme Irazoqui (Lauryann) :
Oui, puis on y va aussi un peu à l'oeil : bon, O.K., elle a l'air d'être
dans la vingtaine... Tu sais, parce qu'on ne dire pas : O.K., bonjour,
toi, c'est quoi, ton nom, tu as quel âge... Il faut que je rentre tout ça dans
mes dossiers. On y va : O.K., elle, elle est dans la vingtaine, elle est dans
la trentaine, dans la quarantaine, O.K., elle a la quarantaine passée. Donc, je
dirais, c'est vraiment un approximatif, là, de ce qu'on peut évaluer.
M. Leduc : Parce que je suis
très surpris de voir ces chiffres-là, dans le sens où ce qu'on entend beaucoup,
c'est que la demande, c'est pour les plus en plus jeunes, donc les mineurs. Ça
fait que de dire qu'il y en a 1 % de tout... que vous verrez beaucoup de
personnes, là, 635 personnes que vous avez rencontrées, 1 % d'âge
mineur seulement, moi, je suis subjugué de voir ça, j'aurais pensé que ça
aurait été l'inverse. Est-ce qu'on peut imaginer que, dans le 36 % des 18
à 25, il y en a un méchant paquet, là-dedans, qui sont en réalité des mineurs.
• (11 h 40) •
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) :
Bien, vu que nos milieux où est-ce qu'on fréquente... c'est les salons de
massage, les bars, les domiciles, je veux dire, il faut quand même être adulte
pour avoir une maison ou un appartement. Donc, c'est sûr que nous, on se fait
voir dans les milieux où est-ce que la prostitution est là, et les tenanciers de
salons, exemple, n'iront pas embaucher ou prendre des jeunes filles, là, en
tout cas, pas sur la rive sud, là, moi, je n'en ai jamais vu, ils ont quand
même une conscientisation. Puis les jeunes, bien, ils ne connaissent pas
nécessairement encore le service parce qu'on ne promouvoit pas le service
nécessairement encore, là, dans les écoles et <les...
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) :
...
est là, et les tenanciers de salons, exemple, n'iront pas embaucher
ou prendre des jeunes filles, là, en tout cas, pas sur la rive sud, là, moi, je
n'en ai jamais vu, ils ont quand même une conscientisation. Puis les jeunes,
bien, ils ne connaissent pas nécessairement encore le service parce qu'on ne
promouvoit pas le service nécessairement encore, là, dans les écoles et >les...
Ils sont au courant par l'entremise des travailleurs de rue qui travaillent
avec nous, mais ce n'est pas une grande majorité qui va venir nous voir. Donc,
les chiffres que vous voyez, c'est vraiment parce que, nous, on se présente
dans des milieux adultes. Ça fait que c'est pour ça qu'on a une clientèle, là,
qui est majoritairement adulte, là, au niveau des chiffres.
M. Leduc : C'est très clair.
Dernière petite question. Je trouve ça super le fun quand vous parlez de
projets de vie positifs. On parle de la sortie, dans le fond, de la
prostitution. Moi, une de mes obsessions dans cette commission-là, c'est :
Qu'est-ce qui favorise une sortie réussie à moyen, long terme? Puis l'aspect,
souvent, socioéconomique, je trouve qu'on l'écarte. Parce qu'il y a beaucoup,
souvent, de pauvreté ou de précarité économique quand on sort de la
prostitution. Quelle est votre expérience, vous, des conditions, autant les
conditions sociales, les conditions économiques, qui favorisent une sortie
réussie?
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) :
Bien, moi, je pense qu'autant que la personne va se retrouver dans un milieu
prostitutionnel à cause d'éléments, justement, de la vie, santé mentale,
consommation, faible niveau de scolarité, tu sais, vulnérabilité, autant qu'en
travaillant sur ces aspects-là, la femme, par elle-même, va s'organiser, va
augmenter ses facteurs de protection, diminuer ses facteurs de risque puis va
elle-même émerger, là, en actualisation. Au niveau de la pyramide de Maslow,
là, les besoins de base vont être comblés, l'appartenance. On va désisoler
aussi ces femmes-là en les impliquant dans différents organismes où est-ce
qu'il y a des ateliers, des cuisines communautaires, on va créer des nouveaux
réseaux sociaux, ce qui fait que la femme va finir par émerger d'elle-même, là,
de ce milieu-là. Puis d'ailleurs on a 37 femmes depuis les quatre
dernières années, là, qui <sont... qui >se sont retirées du
milieu, là, carrément.
M. Leduc : Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. On va y aller avec deux dernières questions très, très courtes.
Députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil
: Oui. Vous
avez déjà... Bonjour. Merci pour votre présentation, votre énergie, votre
dévouement, là, vraiment à une cause. Donc, vous avez parlé justement d'essayer
d'amener le jeune à... l'informer, essentiellement, lorsque c'est un mineur ou
dans un cas extrême, et que, de toute façon, vous êtes obligés, en vertu de la
loi, de faire le signalement. Donc, quelle est la clé du succès pour encourager
ou vraiment persuader quelqu'un de faire cette déclaration?
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) :
...travailleur de rue en soi.
Mme Weil
: Et, deuxième
question, la prévention auprès des proxénètes. Qu'est-ce que vous faites?
Comment vous agissez? Nous expliquer un peu en quelques secondes, j'imagine.
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) :
Donc, la première question. C'est sûr que par le travail de rue, les jeunes, tu
sais, ne nous perçoivent pas nécessairement comme des délateurs, parce qu'on
n'a pas ce mandat-là. On a le mandat d'accueillir le jeune, de l'accompagner,
de le soutenir, donc le jeune va vraiment avoir confiance en nous. Ça fait que
c'est pour ça qu'on n'a pas nécessairement le piton, là, très rapide, là, sur
la dénonciation. On va y aller vraiment en cas de force majeure ou quand la
chaleur est vraiment insoutenable par notre mandat et que c'est maintenant
rendu à une autre personne, là, de continuer notre travail. Donc, à ce
niveau-là, c'est... je pense que le travail de rue fait son oeuvre, là, avec le
jeune.
Puis, au niveau des proxénètes, bien,
nous, on n'est pas nécessairement en lien, on ne les voit pas. Oui, on croise
des fois les clients, mais ce n'est pas dans une optique d'intervention, on
fait seulement les croiser.< Donc...>
Mme Weil
: Mais vous
mentionnez quand même... Bon, vous dites : «Les travailleurs de rue font également
de la prévention auprès des proxénètes, des clients, des acteurs indirects de
l'exploitation. Encore une fois, notre organisme pense que, pour ces gens, plus
ces gens seront informés des dommages qu'ils causent chez leurs victimes et des
conséquences judiciaires qu'ils encourent, moins ils seront portés à commettre
ce genre de délits.» On en a parlé hier, il y a un projet, donc, en Alberta, où
justement ils travaillent cet... Donc, on dirait que, quand même, vous croisez
ces personnes ou c'est un souhait d'éventuellement aller dans cette direction?
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) :
Oui. C'est un souhait d'aller dans cette direction-là. On en croise, on discute
avec eux, mais ce n'est pas nécessairement de l'intervention ciblée de
réduction <dans... >au niveau des proxénètes, là.
Mme Weil
: Mais c'est
intéressant quand même parce que, nous, c'est quelque chose qu'on veut
regarder, les mesures de prévention, puis, après cette présentation qu'on a eue
d'un groupe en Alberta, à Edmonton, qui ont eu du succès avec ça, c'est sûr
que, je pense, cette commission est intéressée aussi par ces genres de mesures
de prévention, oui, et de dévolution, si on veut. Alors, si vous aussi, vous
trouvez que l'idée peut être intéressante, c'est intéressant.
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) :
Puis, comme le disait tout à l'heure Geneviève Quinty, c'est sûr que les milieux
criminalisés, cristallisés... Tu sais, il ne faut pas être utopique, là. Moi, c'est
ça, je n'atteindrai peut-être pas ce niveau-là, mais c'est sûr qu'en agissant
au niveau des mineurs, qui sont des fois ambivalents, c'est là, je pense, qu'on
peut avoir du succès, oui, exactement.
Le Président (M. Lafrenière) :
Dernière question rapide. Députée de Les Plaines.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Bien, écoutez, merci beaucoup, monsieur. La plupart des questions ont été
posées. C'était surtout, là, le... qu'est-ce qui se passe avec le <1 %...
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) :
...
peut-être pas ce niveau-là, mais c'est sûr qu'en agissant au niveau
des mineurs, qui sont des fois ambivalents, c'est là, je pense, qu'on peut
avoir du... succès, oui, exactement.
Le Président (M. Lafrenière) :
Dernière question rapide. Députée de Les Plaines.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Bien, écoutez, merci beaucoup, monsieur. La plupart des questions ont
été posées. C'était surtout, là, le... qu'est-ce qui se passe avec le >1 %,
étant donné l'objectif et la mission de cette commission spéciale. Par
ailleurs, je tiens à vous féliciter parce que le travail que vous faites est
important. Vous en avez mentionné les résultats. Et peut-être un petit commentaire.
Justement, dans le continuum de services, ce que vous... les questions que vous
posez, les... vous avez dit que vous aviez un questionnaire, et tout ça. Ça
peut servir, ça aussi, pour, justement, les organismes qui gravitent autour et
que vous essayez aussi de mettre en lien. Donc, je pense que ça aussi, c'est
très important. Alors, voilà. Merci beaucoup.
Le Président (M. Lafrenière) :
Mesdames, merci beaucoup. Au nom de la commission, merci pour votre
présentation.
Nous allons suspendre les travaux de la
commission. Nous serons de retour jusqu'après les affaires courantes. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 46)
15 h 30 (version révisée)
(Reprise à 15 h 35)
Le Président (M. Lafrenière) :
La Commission spéciale sur l'exploitation sexuelle des mineurs reprend ses
travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir
éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
Nous poursuivons les consultations
particulières et auditions publiques de la Commission spéciale sur
l'exploitation sexuelle des mineurs. Cet après-midi, nous entendrons, en
audition conjointe, le Regroupement québécois des centres d'aide et de la lutte
contre les agressions à caractère sexuel, les CALACS, et la Direction générale
de l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Nous entendrons également
Mme Rose Dufour et M. Daniel Loiseau.
Alors, je vais vous souhaiter la
bienvenue. Je vais vous rappeler les règles d'usage. Vous allez avoir chacun
15 minutes de présentation. Et par la suite ce sera une période d'échange
de 30 minutes avec les membres de la commission. J'ai bien dit une période
d'échange. Alors, ça se veut très agréable, ensemble. Je vais donc commencer
par les CALACS en vous disant que vous avez 15 minutes. Alors, je vous
demanderais de vous présenter et de débuter votre <exposition... >exposé.
Mme Dessureault Pelletier (Maude) :
Merci. Bonjour. Je m'appelle Maude Dessureault Pelletier. Je suis intervenante
dans un CALACS, le CALACS Saguenay, qui s'appelle La Maison ISA. Je suis
intervenante au niveau de l'exploitation sexuelle, donc, auprès des victimes.
Avant de travailler dans les CALACS, j'ai travaillé pendant une dizaine
d'années dans les maisons d'hébergement, donc, encore là, au niveau des
violences faites aux femmes et auprès des femmes en difficulté. Aujourd'hui,
dans La Maison ISA, je suis chargée de projet pour le développement des
services pour les femmes et les filles qui ont vécu en lien avec la
prostitution sur le territoire du Saguenay.
Le constat qu'on a fait, au CALACS de
Saguenay, c'est que les femmes qui ont un vécu en lien avec la prostitution
sont extrêmement marginalisées et ont des conditions de vie difficiles. Elles
vivent avec tellement de traumatismes qui sont compliqués, et parfois il est
difficile de les aider dans les dispositions actuelles.
Mme Whitlock (Marie-Michèle) :
Bonjour. Moi, c'est Marie-Michèle Whitlock. Je représente aujourd'hui le
regroupement des CALACS, mais je travaille au CALACS-Agression Estrie, donc
situé à Sherbrooke. Ça fait une dizaine d'années, en fait précisément 13 ans,
que je travaille auprès des filles et des femmes qui sont dans l'exploitation
sexuelle, dans la prostitution, soit en tant que travailleuse de rue pendant sept
ans, et sinon auprès des CALACS, donc, dans deux régions différentes.
Le constat qu'on apporte, en fait, aussi,
en fait, personnellement, dans ma pratique, autant dans le travail de rue qu'au
niveau des CALACS, c'est que, quand on a un passage dans l'exploitation
sexuelle souvent à l'adolescence, ça peut se rendre jusqu'à l'itinérance au
niveau de l'âge adulte, une des conséquences qu'on peut constater sur le
terrain.
Mme Dessureault Pelletier (Maude) :
Je me permets de vous présenter un petit peu le Regroupement québécois des
CALACS. Je vais aller très vite. Mais je veux que vous sachiez que le
Regroupement québécois des CALACS existe depuis 40 ans. Il y a des CALACS dans
presque toutes les régions du Québec. Les CALACS, c'est des organismes qui ont développé
une expertise au niveau des violences sexuelles, violences sexuelles incluant
l'exploitation sexuelle et toutes les formes d'agressions à caractère sexuel.
On agit auprès des 14 ans et plus. On agit en prévention, en intervention, mais
aussi en matière de lutte, donc, au niveau des revendications.
Le constat que les CALACS font au sujet de
l'exploitation sexuelle, c'est que <ça occasionne... >la
prostitution occasionne les mêmes conséquences chez les femmes et les filles
que d'autres formes de violences sexuelles comme les agressions sexuelles à
répétition ou l'inceste. Il y a peu de choses qui sont faites spécifiquement au
Québec pour les femmes qui souhaitent quitter la prostitution. Puis <il y
a... >une des causes de ça, c'est qu'il n'y a pas de reconnaissance
comme quoi la prostitution adulte est aussi une forme de violence sexuelle puis
qu'il y a une différence marquée entre les mineurs et les majeurs dans la
pensée populaire.
On va commencer par une petite définition
pour avoir <toute la... >une base commune. C'est une définition
qui nous vient du Secrétariat à la condition féminine : «À travers ses
multiples manifestations, l'exploitation sexuelle implique généralement une
situation, un contexte ou une relation où un individu profite de l'état de
vulnérabilité ou de dépendance d'une personne ou de l'existence d'une inégalité
des rapports de force dans le but d'utiliser le corps de cette personne à des
fins d'ordre sexuel, en vue d'en tirer un avantage. Il peut s'agir d'un
avantage pécuniaire, social ou personnel tel que la gratification sexuelle ou
toute autre forme de mise à profit.»
• (15 h 40) •
Donc, ce que je veux que vous reteniez
pour bien comprendre le reste de la présentation. Dans cette définition-là, on
retrouve les concepts d'état de vulnérabilité, donc quelqu'un qui profite de
l'état de vulnérabilité d'une autre personne. On a le concept de dépendance à
une autre <personne...
Mme Dessureault Pelletier (Maude) :
...ce que je veux que vous reteniez pour bien comprendre le reste de la
présentation. Dans cette définition-là, on retrouve les concepts d'état de
vulnérabilité, donc
quelqu'un qui profite de l'état de vulnérabilité
d'une autre personne. On a le concept de dépendance à une autre >personne.
On a le concept d'existence d'inégalités entre les rapports de force puis celui
où il y a une personne qui utilise le corps d'une autre personne pour arriver à
ses propres fins.
Mme Whitlock (Marie-Michèle) :
Dans le concret, en fait, on inclut tout ce qui est les danseuses nues, que ça
soit dans un bar ou que ça soit dans des partys privés. On inclut, en fait,
tout échange sexuel pour d'autres services, donc de l'hébergement en situation
de fugue, par exemple, mais aussi autres services en fin de mois quand une
femme adulte n'arrive pas. On inclut aussi toutes les femmes qui peuvent se
nommer escortes, qu'elles soient dans des agences ou qu'elles soient dites
autonomes, massages érotiques, pornographie, prostitution de rue. Dans toutes
ces formes d'exploitation sexuelle, on retrouve des jeunes filles mineures,
entre autres.
Mme Dessureault Pelletier (Maude) :
On est ici aujourd'hui, on va en profiter, on a votre attention pour vous
apporter un petit peu une vision sociale de l'exploitation sexuelle. Donc,
plutôt que vous parler de, spécifiquement, qu'est-ce qu'on fait auprès des
victimes, on va tenter de vous expliquer pourquoi, à notre avis,
l'exploitation sexuelle des filles mineures n'est pas un phénomène qui prend fin
le jour de leurs 18 ans. On va en profiter pour vous expliquer, vous démontrer
pourquoi on considère que la prostitution s'inscrit comme une forme de violence
commise à l'endroit des femmes et des filles. Puis on va aussi vous démontrer
quelques actions gouvernementales qui seraient nécessaires pour offrir un
projet de société qui permet aux femmes et aux filles de ne pas être happées dans
l'industrie du sexe.
Donc, on commence avec le premier point.
L'exploitation sexuelle des filles n'est pas un phénomène qui prend fin à leur
passage à la majorité. Donc, est-ce que vous étiez au courant que l'âge moyen
d'entrée dans la prostitution, au Québec, est de 14 ans? On ne connaît pas
l'âge de sortie de la prostitution, mais il se situe bien au-delà de l'âge de
la majorité. Donc, pourquoi considérer qu'il y a une différence à partir du
moment où ces filles-là sont majeures? 80 % des femmes sont rentrées dans
la prostitution en étant mineures. Puis, dans la majorité des cas, ces jeunes
filles chercheront de l'aide une fois adultes pour se sortir de l'industrie du
sexe et travailler sur les conséquences de leur passage dans l'industrie du
sexe. Présentement, nous n'avons pas le filet social pour les aider à la
majorité.
Mme Whitlock (Marie-Michèle) :
On a peu de difficultés à reconnaître socialement qu'une jeune fille mineure ou
une personne, en fait, qui est contrainte par un proxénète, soit par la force,
par des violences physiques, sexuelles, sous contrôle, fait partie de
l'exploitation sexuelle. Par contre, on a un problème lorsqu'on parle d'une
femme adulte qui serait contrainte par des contraintes sociales, soit
économiques, aussi sexistes, d'inégalité. Donc, <on peut retrouver... >les
femmes les plus vulnérables, en fait, peuvent se retrouver aussi dans ce même
milieu. On aimerait bien se faire accroire qu'il y a une ligne très claire, en
fait, entre l'exploitation sexuelle et la prostitution dite volontaire,
consentante, mais, malheureusement, sur le terrain, la zone est beaucoup plus
grise. Les jeunes filles mineures côtoient les femmes adultes. Et les mêmes
processus, en fait, de recrutement, au niveau du leurre, de l'entrée dans la
prostitution... sont les mêmes que ça soit à l'âge adulte ou à l'âge mineur.
On trouve aussi que, puisque, socialement,
on banalise la pornographie, l'hypersexualisation, l'industrie du sexe dans son
ensemble, ceci facilite, en fait, le travail, entre guillemets, des proxénètes.
Les recruteurs ont la vie de plus en plus facile puisque ce milieu est vraiment
banalisé auprès de la population générale.
Mme Dessureault Pelletier
(Maude) : On est rendus à notre deuxième point. Donc, on va tenter de <vous
montrer... >vous démontrer pourquoi on inscrit la prostitution comme une
forme de violence commise à l'endroit des femmes et des filles.
Je commence par vous dire que neuf
personnes sur 10 quitteraient la prostitution si elles le pouvaient. Ça vient
du Conseil du statut de la femme, en 2012. Dans la grande <majorité...
Mme Dessureault Pelletier
(Maude) :
...je vais vous démontrer
pourquoi on a
inscrit la prostitution comme une forme de violence commise à l'endroit des
femmes et des filles.
Je commence par vous dire que neuf
personnes sur 10 quitteraient la prostitution si elles le pouvaient. Ça vient
du Conseil du statut de la femme, en 2012. Dans la grande >majorité des
cas, la prostitution est un acte de survie. Le taux de mortalité des femmes
dans la prostitution est de 40 fois supérieur à celui des femmes dans la
population générale.
Mme Whitlock (Marie-Michèle) :
Une fois que tu as vécu de la violence sexuelle, que ça soit dans l'enfance, à
l'adolescence... On sait que les femmes adultes qui se retrouvent dans la
prostitution ont majoritairement vécu ces violences-là. C'est devenu comme plus
facile de retourner, en fait, dans ce milieu-là. Les facteurs sociaux, dont la
pauvreté, mais les violences... On voit une continuité, en fait, dans la vie de
certaines femmes, où est-ce qu'elles vivent des violences avant d'être dans ce
milieu-là, elles vivent des violences pendant dans ce milieu-là. Et parfois les
conséquences sociales peuvent être aussi très, très violentes. Donc, il y a
vraiment un continuum pour les CALACS. De la prostitution, de l'exploitation
sexuelle, ça s'inclut dans un continuum de violences faites aux femmes, autant
dans leur vie privée que publique.
Lorsqu'on fait une distinction claire,
comme, présentement, la société québécoise peut faire, entre la prostitution
adulte et la prostitution juvénile, l'exploitation sexuelle des mineures, on
pense que ça fait un frein, en fait, à la lutte contre la traite des personnes
et de l'exploitation sexuelle en général. On pense que ça peut entraver
certaines initiatives ou la proactivité de certains corps policiers ou même des
gouvernements.
Un des premiers facteurs de risque à se
retrouver dans la prostitution ou dans l'exploitation sexuelle, pour nous,
c'est tout simplement d'être une femme. Bien sûr qu'il y a plus de vulnérabilité
à l'adolescence comme pour plein d'autres problématiques, mais, pour nous, le
fait d'être une femme, on a une chance dans notre vie de peut-être être vendue.
Au Québec, on sait que c'est les femmes qui représentent une majorité de
personnes dans la prostitution. Certains chiffres peuvent parler de 90 %.
Quand on regarde du côté des clients, c'est, en fait, une grosse majorité
d'hommes. On parle de 99 % des acheteurs d'actes... voyons, de services
sexuels sont des hommes. On peut tout de suite constater, en fait, qu'il y a
une inégalité entre les sexes dans cette problématique sociale là.
Cette industrie exploite la misère, la
vulnérabilité des personnes et de certains groupes sociaux. On peut penser aux
femmes autochtones, qui sont quatre fois plus représentées dans la
prostitution. La pauvreté, la violence, les inégalités entre les sexes, je l'ai
déjà dit, constituent des préalables, en fait, à se retrouver dans ce
milieu-là. Même si parfois certaines femmes adultes pourront nommer ou diront
qu'elles ont choisi ce métier ou consenti à être dans ce milieu, lorsqu'elles
sortent, c'est à ce moment-là qu'elles nous nomment qu'elles ont eu
l'impression d'être violées à répétition et d'être brisées. C'est à ce
moment-là qu'elles réalisent que les relations sexuelles dites consentantes
étaient, en fait, des agressions sexuelles. Les relations sexuelles n'étaient
pas consentantes parce que, pour nous, pour consentir à une relation sexuelle,
il faut faire un choix libre, éclairé, enthousiaste et partagé des individus
qui pratiquent la relation sexuelle. Dans le cas de l'exploitation sexuelle ou
de la prostitution, il n'y a pas de consentement. La prostitution, les femmes
disent plutôt oui à l'argent, le service ou même sont obligées d'y être.
Les conséquences, ça a été nommé tantôt,
sont très semblables à tous les types d'agression sexuelle qu'on peut nommer.
Et une qu'on retrouve, où est-ce que les CALACS travaillent systématiquement
avec les femmes qu'on rencontre, c'est la honte et la culpabilité. Socialement,
on repose souvent la responsabilité sur les femmes, en fait, d'avoir vécu des
violences sexuelles, mais particulièrement aux femmes qui sont dans la
prostitution parce qu'elles se sont mis, entre guillemets, les deux pieds dans
le pétrin.
• (15 h 50) •
Si on regarde dans des situations de
fugue, malheureusement, il y a encore beaucoup d'interventions qui sont faites
auprès des jeunes filles au niveau de leur changement de comportement, leur
apprendre à faire des bons choix pour ne pas se retrouver en danger dans ce
milieu. C'est très <délicat...
Mme Whitlock (Marie-Michèle) :
...les deux pieds dans le pétrin.
Si on regarde dans des
situations
de fugue,
malheureusement,
il y a encore
beaucoup d'
interventions
qui sont faites auprès des jeunes filles
au niveau de leur changement de
comportement, leur apprendre à faire des bons choix pour ne pas se retrouver en
danger dans ce milieu. C'est très >délicat, la façon de travailler cette
notion, en fait, cette honte puis cette culpabilité-là. Mais, quand on parle de
la prostitution, les femmes adultes qui s'y retrouvent, qui sont là, ne voient
même pas, en fait, une possibilité de demander de l'aide parce que, dans le
fond, elles l'ont bien choisi. Les CALACS travaillent au quotidien, en fait, à
tenter de dénouer cette honte et cette culpabilité qu'elles portent en elles.
Mme Dessureault Pelletier (Maude) :
Le troisième point, on va y aller rondement...
Le Président (M. Lafrenière) :
Je suis désolé, mesdames. Il vous restait environ cinq secondes. Je crois qu'on
va être capables de revenir à vous dans la période de questions. Ça va?
Mme Dessureault Pelletier (Maude) :
D'accord.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup.
Mme Dessureault Pelletier (Maude) :
Merci pour votre écoute.
Le Président (M. Lafrenière) :
J'invite maintenant la Direction générale de l'indemnisation des victimes
d'actes criminels, l'IVAC, à se présenter puis à commencer leur exposé.
M. Rodrigue (Jean) : Bonjour.
Alors, je me présente, Jean Rodrigue. Je suis directeur général par intérim à
la Direction générale de l'IVAC. Et je suis accompagné aujourd'hui de Me
Catherine Geoffroy, de la Direction des affaires juridiques.
Je veux vous remercier de nous donner
l'opportunité de venir parler de la Direction générale de l'IVAC et de vous
parler des services qui peuvent être offerts aux personnes mineures. La
présentation va se dérouler en trois parties : d'abord, une présentation
générale, par la suite Me Geoffroy va vous entretenir du cadre dans lequel nous
évoluons, et enfin une partie propre aux victimes mineures.
Le mandat de la Direction générale de
l'IVAC consiste à indemniser les personnes victimes d'actes criminels. Il est
important ici de souligner que la Direction générale de l'IVAC applique la
notion de victime en vertu des critères prévus à la Loi sur l'IVAC ainsi que
des orientations du ministère de la Justice. Ceci n'enlève en rien, bien
entendu, le caractère victimisant des crimes qui ne sont pas couverts par cette
loi ni le caractère malheureux des circonstances que peut vivre toute personne
victime d'un événement tragique. Nous tenions à le préciser. Donc, notre mandat :
indemniser les personnes victimes d'actes criminels, leur offrir des services
de réadaptation afin d'atténuer les conséquences de l'événement traumatique et
les accompagner dans leur démarche de rétablissement.
La Direction générale de l'IVAC, en 2018,
au 31 décembre 2018, c'est 8 969 demandes reçues. 80 % des
demandes qui sont traitées sont acceptées. 16 571 dossiers dans lesquels
des prestations ont été versées, pour une somme approximative de 121 millions
de dollars. Au 30 septembre 2019, nous constations une augmentation
des demandes de 3,5 %. La Direction générale de l'IVAC a un statut
particulier. Le régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels relève du
ministère de la Justice du Québec, et celui-ci a confié à la commission des
normes, de l'équité, santé et sécurité du travail la gestion administrative de
ce régime.
Chacun a des rôles et des responsabilités
bien définis. Le ministère de la Justice est responsable de l'exécution de la
loi, également responsable de l'analyse, du développement et de l'évolution du
régime de l'IVAC. De son côté, la Direction générale de l'IVAC détient un
mandat de gestion administrative, comme je viens de vous le mentionner,
détermine l'admissibilité des demandes en vertu des critères prévus à la loi,
rend des décisions concernant les services et les indemnités, le cas échéant,
bien entendu, et répond de ses activités au ministre de la Justice et lui fait
rapport de l'application de la loi.
Avant de passer au cadre légal,
permettez-moi de vous expliquer très brièvement le cheminement et le traitement
d'une demande de prestations. Bien entendu, il faut remplir une demande de
prestations à l'aide d'un formulaire et joindre tout document utile pour
appuyer la demande de prestations. Cette demande sera analysée et pourra soit
être acceptée ou refusée. Dans l'éventualité où elle est refusée, la personne
victime pourrait toujours demander une révision de cette décision au Bureau de
la révision administrative.
Lorsque la demande de prestations est
acceptée, ce qui est le cas dans plus de 80 % des demandes traitées, alors
la personne victime est prise en charge par la Direction générale de l'IVAC. Un
plan d'intervention sera mis en place. Régulièrement, on s'assure qu'il est
toujours adapté pour favoriser le rétablissement de la personne victime.
Lorsque les blessures se stabilisent, alors il sera temps d'évaluer les
séquelles permanentes et les limitations fonctionnelles qui pourraient donner
droit à la personne victime à de la réadaptation soit sociale et/ou
professionnelle.
Je passe maintenant la parole à Me Geoffroy,
qui va vous expliquer le cadre légal sur lequel nous nous appuyons pour rendre
nos <décisions...
M. Rodrigue (Jean) : ...qui
pourraient donner droit à la
personne victime à de la réadaptation soit
sociale et/ou professionnelle.
Je passe
maintenant la parole à
Me Geoffroy, qui va vous expliquer le cadre légal sur lequel nous nous
appuyons pour rendre nos >décisions.
Mme Geoffroy (Catherine) :
Bonjour. Il me fait également plaisir d'être ici avec vous aujourd'hui, là,
pour vous parler du cadre légal dans lequel oeuvre laDirection générale de l'IVAC.
Par cadre légal, là... vous le savez, ce n'est pas toujours simple. Donc, je
vais vraiment tenter de vous résumer, en fait, là, le cadre légal le plus simplement
possible.
La Direction générale de l'IVAC applique
la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels, qui est en vigueur
depuis 1972. C'est cette loi qui va établir, là, comme je viens de vous le
mentionner, les critères qui servent à l'analyse de l'admissibilité d'une demande
de prestations. La Loi sur l'IVAC réfère à la Loi sur les accidents du travail,
qui est en vigueur depuis 1931, pour tout ce qui est des indemnités, de
l'assistance médicale et de la réadaptation qui peuvent être offertes aux
victimes.
Comme je viens de le mentionner, c'est vraiment
la Loi sur l'IVAC qui détermine les critères analysés <pour l'analyse...
c'est ça, >pour l'analyse d'une demande de prestations. Ce sont aux
articles 3 et 11 de la loi qu'on prévoit ces critères. Il y a quatre
critères essentiels qui doivent être analysés, soit la territorialité... On
doit vérifier si l'acte criminel figure à l'annexe de la loi. Il doit y avoir
une preuve objective de blessure. Et la loi prévoit également un délai dans
lequel la victime doit présenter sa demande de prestations. Donc, je vais
prendre le temps de vous expliquer un peu plus en détail chacun des critères.
Comme je viens de vous le mentionner, le
premier critère, c'est la territorialité. Donc, le crime doit avoir été commis
au Québec. Si on a une personne, touriste ou un étudiant étranger, au Québec,
qui est victime d'un crime, cette personne-là pourra bénéficier des avantages
prévus par la loi. Par contre, une Québécoise ou un Québécois victime d'un
crime à l'étranger ne pourrait bénéficier du régime prévu, là, par la Loi sur
l'IVAC.
Maintenant, je vais passer au deuxième
critère. Donc, la victime doit avoir été victime d'un crime qui se retrouve à
l'annexe de la loi. Ce sont tous des crimes contre la personne et non contre
des biens. On vous a soumis une... Notre présentation, je ne sais pas si vous
l'avez entre les mains, mais sinon je vais vous inviter... Si vous l'avez, en
fait, je vous invite à consulter la page 12, sinon vous pourrez la
consulter ultérieurement. On a reproduit, en fait, la liste des crimes qui est
prévue par la Loi sur l'IVAC. Cette liste-là a été modifiée pour la dernière
fois en 1985. Je vais faire la lecture avec vous de certains crimes qui s'y
retrouvent... dans lequel, dans un contexte, là, d'exploitation sexuelle, en
fait, un agent à l'admissibilité, là, <pourrait... >en fait,
pourrait considérer que le crime a été commis.
Donc, on a, par exemple, le crime de
rapport sexuel avec une personne de sexe féminin âgée de moins de 14 ans
ou de moins de 16 ans. Je veux vraiment prendre le temps de préciser qu'on
a reproduit l'annexe telle qu'elle est rédigée actuellement. On réfère, dans la
liste, à l'article 153 du Code criminel. Et aujourd'hui l'article 153
est... en fait, le titre, c'est «Exploitation sexuelle». Mais, dans l'annexe de
la Loi sur l'IVAC, c'est encore écrit, là : «Rapports sexuels avec une personne
de sexe féminin âgée de moins de 14 ans ou de moins de 16 ans.» Donc,
on y retrouve aussi l'inceste, tentative de meurtre, le fait de causer
intentionnellement des lésions corporelles, voies de fait, agression armée ou infliction
de lésions corporelles, voies de fait graves, toute forme d'agression sexuelle,
enlèvement et séquestration illégale.
Donc, j'attire votre attention sur le fait
que les formes d'exploitation sexuelle telles que le proxénétisme, la traite de
personnes, la pornographie juvénile et le leurre informatique ne figurent pas à
l'annexe de la loi. Par contre, je veux quand même prendre le temps de préciser
qu'un agent à l'admissibilité qui reçoit une demande de prestations va prendre
le temps d'analyser les circonstances dans lesquelles le crime a été commis.
Donc, si, par exemple, on a une personne qui a rempli une demande de prestations
qui nous dit avoir été victime de traite de personnes, mais qui aurait aussi
vécu un enlèvement, par exemple, ou des voies de fait, bien, la Direction
générale de l'IVAC pourra accepter la demande de prestations, mais devra
préciser, en fait, dans le dossier, sous quel crime, là, le dossier a été
accepté.
• (16 heures) •
Donc, je vais passer maintenant au
troisième critère, soit la preuve objective de blessure. Donc, il doit y avoir
la présence d'une preuve objective de blessure soit physique ou psychologique.
La personne victime doit fournir un document attestant de la blessure physique
ou psychologique, là, qui a été rédigé par un professionnel de la santé. Ce
qu'il faut comprendre, c'est que ce qui est indemnisé, c'est une blessure et
non un crime. C'est la raison pour laquelle on demande à ce qu'il y ait une
preuve de blessure qui soit déposée, là, dès l'admissibilité...
16 h (version révisée)
Mme Geoffroy (Catherine) :
...doit fournir un document attestant de la blessure physique ou psychologique,
là, qui a été rédigé par un professionnel de la santé. Ce qu'il faut comprendre,
c'est que ce qui est indemnisé, c'est une blessure et non un crime. C'est la
raison pour laquelle on demande à ce qu'il y ait une preuve de blessure qui
soit déposée, là, dès l'admissibilité.
Maintenant, je vais passer au dernier
critère, soit le délai pour présenter une demande de prestations, parce que,
oui, la loi prévoit un délai. Depuis le 23 mai 2013, ce délai est de deux ans
de la survenance du préjudice. Ce qu'il faut comprendre, c'est que, pour les
mineurs, on ne peut pas leur imposer le délai, ce qui fait en sorte que le
délai pour présenter leur demande va commencer à courir à compter de leur
majorité. Par contre, pour différentes raisons, il est bien évident qu'une
personne pourrait déposer sa demande dans le délai, ce qui fait en sorte que la
loi a prévu qu'une victime peut démontrer, par des motifs raisonnables, qu'elle
n'a pas renoncé à se prévaloir de la loi.
Donc, encore une fois, je vais illustrer
par un exemple. Une victime, là, qui serait sous l'emprise d'un proxénète
pendant plusieurs années et qui déposerait sa demande une fois qu'elle est
défaite de son emprise, soit, par exemple, 15 ans plus tard, et qui déposerait
une demande à la direction de l'IVAC, bien, sa demande serait considérée comme
étant hors délai. Par contre, les agents à l'admissibilité vont prendre le
temps d'examiner les circonstances et pourquoi, en fait, la personne n'a pas
déposé sa demande dans le délai, et la personne pourra à ce moment-là être
relevée de son défaut, et la demande pourra être acceptée.
M. Rodrigue (Jean) : Troisième
partie maintenant de notre présentation. Nous allons vous parler spécifiquement
des personnes victimes mineures.
Quelques statistiques. En 2018, un
pourcentage de près de 21 % des personnes indemnisées à la Direction générale
de l'IVAC avaient moins de 18 ans. 58,7 % des délits perpétrés auprès des
personnes mineures sont des crimes à caractère sexuel.
Depuis le 31 juillet 2017, et ce, suite au
dépôt du rapport du Protecteur du citoyen sur l'administration du régime, dépôt
qui a été fait en 2016, les demandes de prestations dont la personne victime
est mineure sont présentées à l'aide d'un formulaire distinct, différent de
celui des personnes victimes majeures. Un guide explicatif a également été
développé pour faciliter la compréhension de ce formulaire.
Depuis le 1er juin 2017, les personnes
mineures victimes d'agression à caractère sexuel sont également exemptées de
l'obligation de fournir une preuve objective de blessure au moment de déposer
leur demande de prestations. La présomption qu'il y a une blessure suffit. Les
personnes victimes mineures ne sont pas soumises non plus à un délai pour
déposer une demande de prestations, comme l'expliquait Me Geoffroy. La Direction
générale de l'IVAC a également mis en place une équipe particulière pour
traiter ces dossiers.
Mme Geoffroy (Catherine) :
Maintenant, pour ce qui est des prestations offertes aux victimes, comme je
vous l'ai mentionné, c'est ce qui est prévu par la Loi sur les accidents du
travail, sachez qu'une personne victime mineure bénéficie exactement des mêmes
avantages qu'une personne majeure. La particularité, c'est qu'il y aurait
certaines indemnités qui pourraient être versées aux parents qui accompagnent
leur enfant dans certains traitements. Par exemple, là, il pourrait y avoir des
frais de déplacement qui sont payés au parent qui accompagne son enfant à une
séance de consultation psychologique, par exemple.
Il y a également des mesures de
réadaptation sociale et professionnelle. Par mesures de réadaptation sociale,
je vous donne quelques exemples, là. Il peut y avoir des services de
psychothérapie ou de psychoéducation qui peuvent être offerts. Il peut y avoir
de l'accompagnement parental, de l'aide psychothérapeutique aux proches des
victimes, de l'accompagnement scolaire, comme de l'aide aux devoirs, du
tutorat, des mesures de protection. Il pourrait y avoir l'installation d'un
système d'alarme. Il pourrait y avoir le paiement de cours d'autodéfense. Et,
dans le cas de certaines blessures physiques, il pourrait y avoir des frais
d'adaptation du domicile ou du véhicule, là, qui pourraient être également
octroyés. Dans le cas où on serait face à une personne mineure en emploi, les
mesures de réadaptation professionnelle pourraient également, là, s'appliquer à
elle.
M. Rodrigue (Jean) : En résumé
et en terminant, oui, la Direction générale de l'IVAC est soumise à
l'application de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Les
formes d'exploitation sexuelle telles que le proxénétisme, la traite de
personnes, la pornographie juvénile, le leurre informatique ne figurent pas à
l'annexe de la loi. Soyez assurés que chaque demande de prestations reçue au
service de l'accès au régime fait l'objet d'une analyse approfondie pour
déterminer la possibilité d'accepter la demande en vertu des critères prévus à
la Loi sur l'IVAC. Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Je vous remercie beaucoup. Nous allons maintenant passer à la période d'échange
avec les membres de la commission pour une période de 30 minutes en commençant
par la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.
Mme Foster : Excellente
présentation. Ma question s'adressera à mesdames du Regroupement québécois des <CALACS...
Le Président (M. Lafrenière) :
Je vous remercie
beaucoup. Nous allons
maintenant passer à
la période d'échange avec les membres de la commission pour une période de 30
minutes en commençant par la
députée de
Charlevoix—Côte-de-Beaupré.
Mme Foster : Excellente
présentation. Ma question s'adressera à mesdames du Regroupement
québécois
des >CALACS. Vous êtes sur le terrain. Ce que j'entends dans votre
message, ce qui semble assez clair, c'est que là où la différence, dans la
perception populaire, elle est très marquée, entre les mineurs et les majeurs.
Donc, c'est comme si, à 18 ans, on traçait socialement une ligne sur la
perception qu'on a de l'exploitation sexuelle versus la prostitution. Ce que
j'en entends, c'est qu'au niveau de la vulnérabilité, de l'inégalité des
rapports de force, il n'y a pas vraiment de ligne marquée à l'âge de 18 ans,
c'est qu'on continue avec des problématiques qui se ressemblent. Ce qui fait
que vous nous dites : Rendus à l'âge adulte, on n'a pas... Ce que j'ai
entendu, c'est : On n'a pas les moyens autant de les aider. Qu'est-ce qui
vous manque, là, au niveau des moyens pour pouvoir dire : On améliore
considérablement l'aide qu'on peut apporter à cette transition entre les
mineurs et les majeurs?
Mme Whitlock (Marie-Michèle) :
Bien, <il y a peu... >en fait, il y a très, très peu
d'organismes qui travaillent spécifiquement auprès de ces filles-là et de ces
femmes-là. Et, dans une perspective de sortie, on peut parler d'hébergement, en
fait, que ça soit de l'hébergement d'urgence, mais aussi de l'hébergement à
plus long terme. Ça a été mentionné ce matin, là, je pense, par ma collègue
Geneviève. On peut parler aussi... Ça existe dans certains autres pays, mais on
parle beaucoup des conséquences psychologiques. Clairement, il faut s'y
attarder, reconstruire la personne, tout ça. Mais il y a des conséquences
financières aussi. Souvent, ces femmes-là vont sortir avec des dettes, vont
sortir plus pauvres qu'elles sont entrées dans ce milieu-là, et l'aide sociale
est malheureusement insuffisante, et la pauvreté fait souvent qu'elles retournent
dans le milieu.
Donc, il existe des programmes subventionnés
de sortie à la prostitution. Donc, on aide financièrement ces femmes. On leur
donne des outils et des moyens pour qu'elles puissent réellement avoir une
alternative et non y retourner lorsqu'elles sont prises à la gorge
financièrement. On peut penser à des services de toxicomanie spécialisés. Il y
a très peu, en fait, de services de toxicomanie non mixtes destinés aux femmes,
premièrement, au Québec, deuxièmement, très peu de services de toxicomanie qui
vont être à l'aise de travailler, entre autres, avec ces femmes-là, mais avec
le trauma aussi de ces femmes-là, donc des services où est-ce qu'ils seront
spécialisés, à l'aise de travailler avec des femmes qui vivent des chocs
post-traumatiques et qui ont un problème de consommation, parce qu'on sait que
c'est une réalité aussi sur le terrain. Plusieurs développent des problèmes de
consommation d'alcool ou de drogues pendant le moment qu'elles sont dans ce
milieu-là.
Il faut penser... En fait, à chaque fois
qu'on pense... Il faut réfléchir sur toutes les facettes, en fait, de la vie
d'une personne, et les besoins sont nombreux. Je pense que vous allez
rencontrer des survivantes. Elles sont mieux placées que moi pour détailler
tous ces besoins-là. Mais sachez qu'il n'y a pas... Je pense qu'il y en a cinq,
six, organismes spécialisés qui travaillent auprès de ces filles-là et de ces
femmes-là, et même ces organismes-là, certains ne sont pas financés de façon
récurrente. Donc, on en a parlé ce matin, c'est des projets, parfois des
services qui se coupent. Des fois, c'est des projets pilotes qui existent
pendant trois ans. Woups! Après, ça n'existe plus. Bien, les personnes qui en
écopent le plus, bien, c'est celles qui reçoivent des services, et ça ne les
soutient pas, en fait.
Mme Foster : Donc, si je
comprends bien, le financement à la mission n'est pas suffisant pour ces
quelques organismes-là qui s'attaquent à cette problématique-là.
Mme Whitlock (Marie-Michèle) :
Entre autres.
Mme Foster : Entre autres?
Mme Whitlock (Marie-Michèle) :
Oui.
• (16 h 10) •
Mme Dessureault Pelletier (Maude) :
Si je peux me permettre de rajouter... Il y a aussi tout ce qui vient après l'industrie
du sexe, donc qu'est-ce qu'elles vont faire, qu'est-ce qu'elles veulent faire,
ces femmes-là. Donc, il y a tous les enjeux de formation et d'employabilité,
mais, spécifiquement, pour ces femmes-là, des enjeux de sécurité et de
protection, donc comment les protéger, comment les protéger des réseaux de
proxénètes, des gangs de rue, comment les sortir de ces milieux-là, alors que
c'est leur port d'attache, leur milieu d'appartenance.
Il y a tous les services au niveau
judiciaire qui doivent être repensés pour accueillir ces personnes-là parce
qu'elles ont des besoins particuliers. Quand elles arrivent, elles demandent
parfois plus qu'une... On appelle ça les bonnes victimes ou les mauvaises
victimes, là. Mais, au niveau judiciaire, ce n'est pas particulièrement des
bonnes victimes, hein? Ce n'est pas des enquêtes faciles à mener. Ce n'est pas
des situations faciles à entendre, comprendre.
Puis il y a aussi tous les enjeux
d'indemnisation. Donc, ces femmes-là vont se présenter avec, oui, des besoins
au niveau des conséquences sur lesquelles, par exemple, les CALACS ont
travaillé : les traumas, la honte, la culpabilité. Mais il y a aussi
parfois des enjeux extrêmement <pointus...
Mme Dessureault Pelletier (Maude) :
...ce n'est pas des situations faciles à entendre, comprendre.
Puis
il y a aussi tous les
enjeux d'indemnisation. Donc, ces femmes-là vont se présenter avec, oui, des
besoins
au niveau des conséquences sur lesquelles par exemple les CALACS
vont travailler : les traumas, la honte, la culpabilité. Mais
il y
a aussi parfois des enjeux
extrêmement >pointus au niveau de la
sexualité. Donc, ils ont besoin de voir des sexologues. Ils ont besoin de voir
des psychologues. Parfois, ils sont polytraumatisés.
Donc, il y a vraiment plusieurs enjeux au
niveau de la création de services spécifiques.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Prochaine question, la députée d'Acadie.
Mme
St-Pierre
:
Merci, M. le Président. Alors, merci d'être venues nous éclairer pendant cette
commission. C'est fort intéressant.
Moi, j'aimerais qu'on fasse... Dans mes
questions, c'est surtout sur la question d'indemnisation... J'ai comme compris
qu'à l'IVAC le terme «proxénète» n'a pas l'air à être intégré dans la
possibilité d'être indemnisé, et il faut que ce soit le ou la fonctionnaire qui
regarde le dossier puis qui décide que, peut-être, il y a eu quelque chose de
criminel pour que la personne puisse être indemnisée. C'est un peu le constat.
Je ne sais pas si j'ai bien compris, mais ça semble être ça. Je vous ai écoutées
dire qu'il n'y a pas de filet social pour les aider. Donc, c'est du côté des
CALACS.
Alors, moi, ça m'amène à la question
suivante. Est-ce qu'il devrait, selon vous, y avoir un fonds spécial dédié, qui
serait peut-être administré par l'IVAC, pour accompagner ces femmes-là dans
leur sortie de l'enfer? Et j'ai l'impression... C'est beau, remplir un
formulaire, puis rencontrer un fonctionnaire, puis de décider... C'est le fonctionnaire
qui décide si ça marche ou pas avec une indemnisation. Mais ça m'apparaît, pour
une victime, assez compliqué, et ça devrait peut-être être plus simple que ça.
Puis je ne vous reproche rien, là, je regarde juste comment ça se présente, puis
avec votre expérience. Alors, je vous laisse la parole, l'une ou l'autre, puis
je vais avoir une autre question après.
Mme Dessureault Pelletier (Maude) :
Je vais commencer par la partie du financement. Le financement, actuellement...
Vous avez vu, avec Mme Quinty, ce matin, au niveau du PIPQ... vous a parlé du
financement des organismes. Donc, les organismes, présentement, sont
subventionnés en partie par du financement récurrent, qui n'est déjà pas assez
pour répondre à la mission de base, mais le reste du financement, on va le
chercher en projet. On a l'habitude de dire, dans les organismes
communautaires, qu'on passe la moitié de notre année à remplir des demandes
pour financer l'autre moitié de l'année, O.K.? Donc, on est toujours à la
recherche de financement dans les organismes.
Je vais vous parler de la situation
spécifique des CALACS. Les CALACS, on est spécialisés, comme je vous l'ai dit,
au niveau des violences sexuelles. On manque de personnel pour répondre à notre
fonctionnement de base qui est d'aider les victimes d'agressions à caractère
sexuel. Quand on parle de victimes d'exploitation sexuelle, qui sont des cas
encore plus longs, plus complexes, on est un peu démunis, O.K.? Donc, on est à
penser comment les aider mieux, plus. Mais actuellement il n'y a pas de
financement récurrent en exploitation sexuelle au Québec, et ça, ça en prend.
Mme
St-Pierre
:
Alors, c'est pour ça que ma question était sur la création d'un fonds spécial
pour... On l'entend bien, puis je ne veux pas être brutale, là, le fait que
vous manquez d'argent, puis c'est sur des projets, puis que vous passez six
mois par année à remplir des formulaires, Ça devrait être corrigé, cette
situation-là. Mais, nous, notre commission porte sur l'exploitation sexuelle
des mineurs. Puis j'ai beaucoup de respect pour ce que vous faites parce que je
vous ai suivies longtemps, mais, dans notre mandat, dans le dossier sur lequel
on travaille... Je reviens à votre phrase : <Il n'y a pas de filet
pour les aider... >Il n'y a pas de filet social pour les aider.
J'aimerais juste savoir si vous pouvez réagir à ce que je propose comme...
Mme Whitlock (Marie-Michèle) :
La façon de le gérer, je dois admettre que je ne m'y connais pas. Par contre,
il est clair que la pauvreté de ces femmes-là les ramène, en fait... Et on
parle des mineures. Les jeunes filles qui sortent du centre jeunesse à 18 ans
avec aucun moyen feront peut-être, entre guillemets, le choix pas éclairé
d'aller dans la prostitution pour payer justement leur appartement, etc. Donc,
oui, un programme de sortie — et de soutien — de ces
femmes-là de la prostitution qui soit financé, qui pense à l'aspect économique
et aussi aux autres besoins, d'hébergement, etc., c'est clair que c'est
pertinent puis que ça va aider, en fait, à avoir une réelle alternative, en
fait. Là, de la façon que ce soit géré...
Mme
St-Pierre
:
Je reviens à ce que vous avez dit sur l'indemnisation et le fait que les
proxénètes ne sont pas dans l'idée d'une indemnisation pour une victime qui est
victime d'un proxénète. C'est normal?
Mme Geoffroy (Catherine) :
Bien, c'est sûr que ça amène <un peu... >une situation un <peu...
Mme
St-Pierre
:
...
l'indemnisation et le fait que les proxénètes ne sont pas dans l'idée
d'une
indemnisation pour une victime qui est victime d'un proxénète.
C'est normal?
Mme Geoffroy (Catherine) :
Bien, c'est sûr que ça amène un peu une
situation un >peu
absurde, là, comme vous venez de le mentionner. On n'a pas abordé les
partenaires. Par contre, il faut comprendre que les CALACS... Il y a aussi les
CAVAC qui sont partout à travers le Québec, qui vont accompagner aussi les
personnes victimes, là, <dans la... >pour compléter le formulaire
de demande d'indemnisation. Donc, oui, il y a les agents qui vont prendre le
temps de communiquer, là, avec les victimes pour comprendre le contexte. Il y a
aussi les partenaires à l'extérieur qui sont outillés pour accompagner ou pour aider
ces victimes-là. Mais c'est certain qu'actuellement, comme le régime
fonctionne, on y va avec la liste des...
Mme
St-Pierre
:
Si on voulait corriger la situation, il faudrait un changement législatif ou un
changement réglementaire? Enlevons l'idée du fonds, là, spécial, là, mais
mettons que vous avez devant vous une victime de proxénète puis... Pour qu'elle
entre dans le... Pour que le carré rentre dans le rond, comme je disais souvent
dans mon ancienne fonction, là, est-ce que vous avez... ça prendrait un
changement législatif?
Mme Geoffroy (Catherine) :
Bien, c'est sûr qu'actuellement, de la façon dont la direction applique le
cadre légal, ils sont contraints de suivre la liste des crimes qui se trouvent
à l'annexe de la loi. Donc, c'est sûr que, oui, si ce que vous dites,
c'est : Comment on pourrait faire pour ajouter le crime de proxénétisme?,
bien, il faudrait effectivement, là, que l'annexe de la loi...
Une voix
: ...
Mme Geoffroy (Catherine) : C'est
ça, il faudrait que ce soit concret à l'annexe de la loi, oui.
Mme
St-Pierre
:
Très, très courte question, M. le Président, c'est la question des autochtones.
Vous avez dit qu'elles sont quatre fois plus représentées. Donc, dans tout le
portrait des mineures exploitées sexuellement, on trouve quatre fois plus
d'autochtones?
Mme Dessureault Pelletier
(Maude) : Mineures, majeures confondues. Ces chiffres-là, c'est
confondues, oui, effectivement.
Mme
St-Pierre
: O.K.
Donc, pour 100 personnes, 100 femmes ou garçons — incluons femmes
et garçons — vous allez avoir... bien, mettons 25, vous allez avoir
75 ou... enfin, 100 femmes, 100 personnes qui sont des Premières
Nations?
Mme Dessureault Pelletier
(Maude) : Oui.
Mme Whitlock (Marie-Michèle) :
Si vous regardez, bien, juste à Montréal, en fait, il y a une surreprésentation
des femmes autochtones dans la prostitution de rue. Si on regarde à Vancouver,
je pense qu'on parle de 80 % des femmes autochtones qui sont dans la
prostitution. Puis là on parle spécifiquement d'elles, mais on pourrait parler
aussi, là, des femmes réfugiées, de communautés culturelles, etc., parce que
c'est un système qui est hyperraciste, sexiste et colonialiste.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Prochaine question, le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Quelques petites
questions.
D'abord saluer le travail que vous faites.
Merci de votre présentation.
Ensuite, je suis content que vous abordiez,
mes collègues du RQCALACS, la question de la pauvreté. Moi, c'est une de mes
obsessions, dans le cadre de cette commission-là, sur la sortie réussie à
moyen, long terme. Puis on dirait que c'est toujours l'angle mort, cette
question de la pauvreté. On parlait tantôt de programmes d'aide. <Est-ce
que vous... >Pouvez-vous m'en dire davantage sur ce que vous avez comme
réflexion par rapport à ça?
Mme Whitlock (Marie-Michèle) :
Bien, en fait, ce qu'on remarque, c'est que, comme ma collègue a dit, là, la
majorité des femmes ont commencé à l'âge mineur. Elles ont été soit
recrutées... Bon, peu importe la façon d'y entrer, pour la grande majorité, ça
se passe autour de 14 ans. Parfois, il y a un arrêt, que ça soit un arrêt
d'agir par les centres jeunesse, tout ça, et, rendues à l'âge adulte, c'est
majoritairement la pauvreté qui ramène les femmes dans le milieu. C'est le
facteur de maintien des femmes dans le milieu de la prostitution, et c'est le
facteur de retour, en fait, et, malheureusement, c'est parce que l'argent est
rapide. Il n'est pas facile, il est rapide.
Donc, il y a l'illusion, puis ça, c'est
une conséquence aussi au niveau de la gestion financière, <il y a
l'illusion >d'avoir de l'argent rapidement et pouvoir s'en mettre de
côté. Mais finalement la réalité, c'est qu'elles ont différents problèmes de
consommation, puis l'argent va être rapidement dépensé, puis c'est un cercle
vicieux. Lorsqu'elles sortent du milieu, bien là elles sortent, comme je
disais, d'autant plus pauvres, donc, soit parce qu'elles ont été aussi victimes
de fraude... Souvent, on peut revoir, là, des jeunes filles, là, où est-ce
qu'il y a un proxénète autour d'elles, tout va être au nom de la jeune fille :
la voiture, les cartes de crédit.
Donc là, elle va sortir du milieu avec une
dette. Ce n'est pas rare qu'on voie des dettes à l'aide sociale aussi, où
est-ce que des femmes ont déposé de l'argent dans leur compte d'aide sociale
qui vient, en fait, de la prostitution, qui vient du fait que... excusez-moi,
j'étais pour dire pimpée, là... qui est recrutée, et là l'aide sociale va lui
couper... Moi, j'accompagne une femme présentement qui a son chèque de
700 $. En fait, elle a 450 $ parce qu'elle a une dette qu'elle doit, qui
est due, en fait, par le fait qu'elle a été recrutée et qu'elle est dans la
prostitution.
• (16 h 20) •
Donc, si on fait un programme, de un, je
pense qu'il faut <lutter...
Mme Whitlock (Marie-Michèle) :
...
qui est recrutée, et là l'aide sociale va lui couper... Moi,
j'accompagne une femme présentement qui a son chèque de 700 $. En fait,
elle a 450 $ parce qu'elle a une dette qu'elle doit, qui est due, en fait,
par le fait qu'elle a été recrutée et qu'elle est dans la prostitution.
Donc, si on fait un programme, d'un, je
pense qu'il faut >lutter contre la pauvreté des femmes en général. Et,
si on fait des programmes spécifiques qui bonifient, qui soutiennent réellement,
parce que l'aide sociale est insuffisante pour tout le monde, bien, ça va
clairement aider. Ça va être un des soutiens, un des filets, une des mailles du
filet social pour ces femmes-là.
Mme Dessureault Pelletier (Maude) :
Dans le cadre d'une recherche à laquelle j'ai participé, on avait interrogé les
femmes. Les femmes nous avaient amené toutes sortes de stratégies qui étaient quand
même intéressantes, puis je peux vous les proposer. Vous verrez si c'est
pertinent.
Elles avaient parlé de faire un fonds
spécial pour aider les femmes à la sortie de prostitution, donc leur octroyer
un montant d'argent. Elles ont parlé d'un supplément à l'aide sociale lors de
la sortie de prostitution. Et elles ont parlé aussi d'hébergement de deuxième
étape. Donc, évidemment, là, quand on parle de pauvreté, on parle aussi, au
niveau de l'itinérance, au niveau des difficultés à se trouver du logement, donc,
d'ouvrir des maisons d'hébergement spécifiquement pour ces femmes-là, pour
qu'elles puissent avoir accès à un logement, le temps de recevoir des soins
pour traiter leurs traumatismes, se sortir complètement... aller chercher des
formations, retourner à l'emploi, donc vraiment avoir quelque chose qui
stabilise la sortie de prostitution au niveau de l'hébergement et de l'argent.
M. Leduc : Vous me donnez
plein de belles idées pour aller voir notre collègue Jean Boulet, le ministre
de l'Emploi et de la Solidarité sociale. On prend des notes.
Peut-être une dernière question, si vous
permettez, M. le Président, par rapport... oui, très rapidement, toujours à mes
collègues de RQCALACS. On parle beaucoup ici de vouloir casser la demande à la
source pour qu'un jour vous n'ayez plus besoin de travailler, en fait, dans ce
domaine-là. On peut rêver. Qu'est-ce qu'on pourrait faire pour casser la
demande?
Mme Dessureault Pelletier
(Maude) : On a toutes sortes d'idées en matière de prévention. En
fait, on voulait aussi saluer, là, le gouvernement, qui a réinstauré les cours
d'éducation à la sexualité dans les écoles. Donc, évidemment, on part de
l'éducation. On parle de l'éducation, des rapports égalitaires, du
consentement, des limites, des relations saines. Mais ça va aussi beaucoup plus
loin que ça. Je vais laisser ma collègue continuer.
Mme Whitlock (Marie-Michèle) :
Il faut y aller sur tous les fronts. Donc, clairement, si on parle d'investir
dans la sortie, il faut aussi s'attaquer à la demande parce que, s'il n'y a pas
de demande, il n'y a pas de proxénètes, il n'y a pas de femmes dans la
prostitution. Je pense qu'il faut se doter de la vision commune, premièrement,
et destiner une campagne directement aux garçons et aux hommes, qui les
sensibiliseraient sur : Acheter du sexe, ce n'est pas cool, en fait, c'est
non. C'est inacceptable. C'est une relation inégalitaire. C'est une relation de
pouvoir. Ce n'est pas parce que tu as de l'argent que tu peux décider d'avoir
des relations sexuelles avec une population plus vulnérable.
Entre autres, je pense que c'est
nécessaire, au Québec, d'appliquer la loi. En fait, on a une loi, présentement,
quand même, qui criminalise l'achat de services sexuels. Elle est peu
appliquée, on va dire. C'est aussi une option. Je sais que vous avez beaucoup
discuté, entre autres, là, de l'éducation des clients. Ça peut être aussi une
avenue. En fait, toutes ces avenues sont saluées. Nous, ce qu'on dit, c'est :
Il ne faut pas simplement s'attaquer à la demande. Il faut tout faire,
malheureusement, pour que les femmes puissent sortir, mais clairement que la
demande, il faut s'y attarder dans la prévention puis aussi dans l'application
de la loi.
Le Président (M. Lafrenière) :
On a trois questions à essayer de répondre en 10 minutes. Le député de
Chomedey.
M. Ouellette : En 10... Oui,
c'est bon, <deux... >juste deux petites questions.
Rupture de service, pour moi, c'est bien
important, puis je pense que, pour tous les membres de la commission... Vous
avez du financement récurrent qui vient du provincial ou du fédéral?
Mme Dessureault Pelletier (Maude) :
On a un financement récurrent qui vient du PSOC, provincial, oui.
M. Ouellette : C'est
provincial?
Mme Dessureault Pelletier (Maude) :
Oui. Donc, les CALACS, c'est par le provincial.
M. Ouellette : Donc, c'est
parce que vous avez fait référence à Mme Quinty, qui est venue ce matin, que
son financement vient de Sécurité publique Canada. Donc, ça, c'est en projet?
Mme Dessureault Pelletier (Maude) :
Oui. Bien, Sécurité publique, je pense que ça parlait d'un financement par
projets. Comme nous, on a un financement par projets de Condition féminine
Canada. Mais c'est trois ans. Là, il reste un an. Dans un an, on n'a plus rien.
Mme Whitlock (Marie-Michèle) :
De notre côté, c'est effectivement le ministère de la Sécurité publique, qui
termine cette année, en fait.< Et ça sera le...>
M. Ouellette : Fédéral ou
provincial?
Mme Whitlock (Marie-Michèle) :
Provincial. Et ça sera le poste Exploitation sexuelle qui sera coupé si la subvention
n'est pas renouvelée.
M. Ouellette : Mon autre
question va être pour l'IVAC. Votre vision des crimes admissibles, elle date de
1985. Vous expliquez ça comment? Et, vous savez, on est des législateurs, c'est
très facile... On a un projet de loi, là, un omnibus, là, le projet de loi
n° 32, qui parle des mesures d'adaptabilité. On pourrait facilement
déposer un amendement, si tout le monde, la machine est d'accord, pour
l'actualiser parce qu'il n'y a <rien...
M. Ouellette :
...de
1985. Vous expliquez ça comment? Et, vous savez, on est des législateurs, c'est
très facile... On a un
projet de loi, là, un omnibus, là, le
projet
de loi n° 32, qui parle des mesures d'adaptabilité. On pourrait facilement
déposer un amendement, si tout le monde, la machine est d'accord, pour
l'actualiser parce qu'il n'y a >rien de plus bébête que quelque chose
qui n'est pas écrit dans une loi quand il arrive la question de dire : Tu
es admissible ou pas? Moi, je ne le sais pas, là, mais ça adonne que quelqu'un
qui a une ouverture d'esprit puis qui regarde : Oui, ce n'est pas là, mais,
c'est vrai, ça fait 20 ans que ça n'a pas été adapté... Mais l'autre, vous
ne pourrez pas lui dire qu'il ne fait pas sa job. Ce n'est pas écrit. Ça
pourrait facilement être réglé, les crimes admissibles.
Je vous le donne de même. On va en
reparler entre nous autres, c'est sûr. Mais je pense que les contacts devraient
être faits à la Justice pour qu'on puisse au moins l'adapter à la réalité
d'aujourd'hui, là, pour aider vos fonctionnaires qui ont à... Vos employés qui
ont à décider, là, mettez-leur pas tout ça sur le dos. On pourrait la prendre,
celle-là.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. La députée de Gaspé.
Mme Perry Mélançon : Merci, M.
le Président. C'est vraiment intéressant de vous recevoir puis d'entendre vos
réalités. Je connais un peu certaines réalités du CALACS qui est le plus près
de chez moi, en Gaspésie.
Donc, j'aurais aimé ça vous entendre
simplement. Vous avez brièvement parlé que vous étiez en faveur de la sensibilisation
dans les écoles. Je pense que vous aimeriez un peu prendre, je crois, en charge
ce dossier-là. Donc, est-ce que vous seriez outillés présentement? Est-ce que
c'est dans vos intérêts de le faire, donner des cours d'éducation sexuelle dans
certaines régions? Je vois déjà un peu de doutes.
Et, bien, <deuxième... >en
fait, deuxième question, je vais tout de suite vous la mentionner, c'est de
savoir... Bon, il y a les jeunes garçons aussi qui sont aux prises des fois
avec des problèmes d'exploitation sexuelle. Ça, ça pourrait mettre en péril
votre financement, si je comprends bien, si vous décidez de venir en aide à ces
jeunes garçons-là. Donc, est-ce que le gouvernement devrait se pencher sur
élargir vos services et offrir de l'aide aussi aux jeunes garçons victimes
d'exploitation sexuelle?
Mme Whitlock (Marie-Michèle) :
Bien, j'espère que ça ne mettra pas en péril notre financement.
Mme Perry Mélançon : Parce que
ça l'est, au niveau des hommes, pour certains CALACS, donc.
Mme Whitlock (Marie-Michèle) :
Mais en fait les CALACS qui... On a besoin de services non mixtes, en fait,
autant dans l'intervention, pour la sécurité des femmes, particulièrement en violence
sexuelle puis en exploitation sexuelle, mais aussi au niveau de l'organisation.
C'est une philosophie puis c'est de l'intervention féministe, tout ça. Il y a
des services aux hommes qui vont être desservis par les CAVAC, entre autres, et
autres services.
Au niveau de la prévention, on est
clairement intéressées à être des partenaires. Puis, si on parle d'exploitation
sexuelle, c'est très peu abordé, quand même, dans les écoles secondaires. Puis
nous, on aimerait qu'il y ait aussi, là, des campagnes destinées comme
directement aux garçons et aux hommes. On doit être partenaires. Puis je pense
que c'est à discuter, la façon qu'on va collaborer, parce que ça reste un cours
à l'éducation à la sexualité du ministère de l'Éducation. Je n'ai pas l'impression
que c'est aux organismes communautaires à aller donner complètement ce cours-là.
Mais par contre on sait qu'on a une expertise qui peut être partagée de
différentes façons.
Mme Dessureault Pelletier (Maude) :
Donc, <on a... >il y a différents enjeux, là. On est déjà dans les
écoles avec le programme Empreinte. Donc, partout à travers la province, <on
va... >dans trois niveaux scolaires, <on va traiter des questions...
>en secondaire II, III, IV, V, on va traiter des questions de
consentement, de relations égalitaires, relations saines, hypersexualisation, et
j'en oublie, là. Donc, on est déjà dans les écoles. Mais ce que ça demande en
matière de mobilisation de personnel, de financement... Parce qu'on n'est pas
payés par le ministère de l'Éducation. On autofinance notre propre présence
dans les écoles. Donc, <il y a... >tu sais, je veux dire, il
y a quelque chose là, O.K.? On a la compétence pour le faire, mais en ce moment
c'est difficilement admissible au déploiement partout, là.
Mme Perry Mélançon : Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. La députée de Roberval, il reste deux questions, cinq minutes.
Mme Guillemette : Merci, M. le
Président. Donc, ma question irait à Mme Dessureault Pelletier. Vous êtes à La
Maison ISA, au Saguenay. Est-ce que vous avez une clientèle autochtone, qui
vient peut-être plus de Mashteuiatsh ou Obedjiwan, ou s'il n'y en a pas?
• (16 h 30) •
Mme Dessureault Pelletier (Maude) :
Bien oui, il y a une clientèle autochtone. On a des liens très forts, nous,
avec le Centre d'amitié autochtone du Saguenay. On a aussi une intervenante
pivot là-bas, qui est une autochtone. Donc, quand on...
16 h 30 (version révisée)
Mme Guillemette : ...qui vient peut-être
plus de Mashteuiatsh ou Obedjiwan, ou s'il n'y en a pas?
Mme Dessureault Pelletier (Maude) :
<On a... >Bien, oui, il y a une clientèle autochtone. On a des
liens très forts, nous, avec le Centre d'amitié autochtone du Saguenay. On a
aussi une intervenante pivot là-bas, qui est une autochtone. Donc, quand on a
des situations particulières, on réfère vers cette intervenante-là parce qu'ils
ont vraiment des façons d'intervenir lorsqu'ils... culturellement
traditionnelles. Donc, on fait appel à l'expertise du centre d'amitié
autochtone pour... Puis on a aussi reçu des formations, tout ça. Mais on se
réfère à eux lorsqu'il y a lieu, oui.
Mme Guillemette : O.K.,
parfait. C'était ça, ma prochaine question, c'est : Est-ce que
l'intervention est adaptée à leurs besoins? Mais là oui.
Mme Dessureault Pelletier (Maude) :
Il y a du travail à faire. Je ne vous mentirai pas, il y a du travail à faire.
Mme Guillemette : Avec la
culture autochtone et...
Mme Dessureault Pelletier (Maude) :
Bien, oui. Oui, oui. C'est ça, et c'est difficile de les garder dans les
services, pour différentes raisons, que nos services ne sont peut-être pas tout
à fait adaptés.
Mme Guillemette : Adaptés à
leurs besoins puis à leurs réalités?
Mme Dessureault Pelletier (Maude) :
Puis ça, ce n'est pas juste dans La Maison ISA. C'est partout, là, oui.
Mme Guillemette : O.K. Une
dernière question. Vous avez parlé que ce serait bien d'avoir des lieux
d'hébergement, des maisons.<, des...> Comment est-ce qu'on
pourrait structurer ça pour ne pas stigmatiser davantage ces personnes-là?
Est-ce que vous avez une idée?
Mme Dessureault Pelletier (Maude) :
Bien, encore une fois, je vais faire appel à une recherche qui a questionné les
femmes à ce sujet-là. Les femmes ont le souhait d'être entre elles, O.K.? Elles
veulent être avec d'autres femmes qui ont le même vécu. Elles veulent être avec
juste des femmes, puis il y a des raisons bien simples pour ça. C'est que,
quand elles sont placées avec des hommes, des fois, elles se font demander pour
des services sexuels. Donc, elles veulent des services qui sont juste pour
elles. Des maisons d'hébergement dans lesquelles il y a des femmes, il y a des
enfants, parfois, elles ne se sentent pas bien dans ces hébergements-là.
Aussi, il y a des contraintes au niveau,
par exemple, de la consommation. Donc, quand une femme se présente dans un service,
qu'elle est en consommation, qu'elle veut recevoir de l'aide, bien, dans
certains services, elle ne sera pas admise. Donc, il faut repenser nos services
si on veut en offrir à ces femmes-là, à ces filles-là. Il faut repenser nos
services.
Mme Guillemette : Parfait,
merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Député de Viau.
M. Benjamin : Merci, M. le
Président. Donc, merci à vous, donc, pour tout ce que vous faites pour les
femmes, pour les victimes. J'avais plein de questions, mais il y en a une qui
m'interpelle. Je reviens encore, c'est... Ma collègue la députée de
l'Acadie — et le député de Chomedey — l'a abordée. Moi, je
n'ose pas le croire. Et je comprends que les victimes de traite ne sont pas
admissibles aux indemnités de l'IVAC, c'est bien ça?< Et...>
Mme Geoffroy (Catherine) :
C'est-à-dire qu'on va regarder, comme je vous disais, le contexte. C'est-à-dire
que... Évidemment qu'il y a d'autres crimes. Normalement, ils vivent de
plusieurs crimes. Il y a plusieurs événements qui se déroulent. On ne parle pas
juste de traite de personnes. Puis on va faire tout ce qui est en notre
possible pour accepter la personne victime, pour pouvoir mettre en place les
soins puis les indemnités, là. Mais c'est sûr que la loi, telle qu'elle est
rédigée actuellement, fait référence aux crimes qui sont à l'annexe de la loi.
M. Rodrigue (Jean) : Dans le
cas d'une personne qui ferait une réclamation pour la traite de personnes,
l'agent d'indemnisation va discuter avec la personne, et rarement ce crime-là
va arriver seul. Alors, s'il y a eu une agression sexuelle, alors là, nous
allons pouvoir accepter cette réclamation.
M. Benjamin : Il y a un des
aspects, M. le Président, que je trouve notamment préoccupant. Donc, par
rapport à cet aspect-là, c'est tout l'enjeu de la territorialité, lorsqu'on connaît...
et que, souvent, les victimes dont il est question dans le cadre de cette
commission-là, ce sont souvent des filles qui sont appelées à être déplacées
dans d'autres provinces. Moi, je trouve ça très préoccupant <que... >et
je pense que, vite, il faudra que nous nous penchions sur cet enjeu-là, pour
moi, qui est fondamental, donc, si on veut vraiment... et d'autant plus que,
depuis hier, donc, on a eu des présentations, on nous parle de l'importance,
entre autres, d'assurer un continuum de services, de penser à la reconstruction
de ces personnes. Moi, je pense que la reconstruction commence par cette
reconnaissance, je crois, que ce sont des véritables victimes, notamment les
personnes victimes de la traite. Merci, merci beaucoup.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Au nom de la commission... Oui, vous aviez une dernière...
Mme Dessureault Pelletier (Maude) :
Oui, une dernière petite intervention. Je voulais juste vous signaler qu'on va
remettre, là, le Regroupement québécois des CALACS, et plus particulièrement La
Maison ISA, deux mémoires. Vous en avez peut-être un déjà en main, qui est sur
le traitement des victimes d'exploitation, par l'IVAC. Le deuxième, il va venir
très bientôt. Ça va être sur les besoins en matière de services pour les femmes
qui ont un vécu en lien avec la prostitution. Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Encore une fois, merci beaucoup. Au nom de la commission, merci à vous pour
votre contribution à nos travaux.
Je suspends quelques instants, le temps de
laisser la chance à nos prochains invités de s'installer. Merci.
<(Suspension de la séance à
16 h 35)
Mme Dessureault Pelletier (Maude) :
...
il va venir très bientôt. Ça va être sur les besoins en matière de
services pour les femmes qui ont un vécu en lien avec la prostitution. Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Encore une fois, merci beaucoup. Au nom de la commission, merci à vous
pour votre contribution à nos travaux.
Je suspends quelques instants, le temps
de laisser la chance à nos prochains invités de s'installer. Merci.
>
(Suspension de la séance à
16 h 35)
(Reprise à 16 h 37)
Le Président (M. Lafrenière) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je souhaite maintenant la bienvenue à
Mme Rose Dufour. Je vous rappelle que vous disposez de 20 minutes
pour faire votre exposé, puis nous procédons à une période d'échange avec les
membres de la commission pour une durée de 25 minutes. Je vous remercie de
votre présence, et vous pouvez commencer, Mme Dufour. Merci beaucoup d'être
là.
Mme Dufour (Rose) : Bonjour,
M. le Président, Mmes, MM. les commissaires. Je suis chercheure. D'abord
infirmière, je suis devenue anthropologue suite à d'une expérience de
coopération internationale. J'ai fait toute ma carrière en santé publique. Ma
plus grande préoccupation, pendant toute cette carrière-là, c'était de
découvrir, de développer un modèle d'intervention qui donne les clés de
l'autonomie, du pouvoir aux personnes qui ont perdu le pouvoir sur leur vie.
C'est dit vite un peu, là, mais voilà. J'ai rassemblé pour vous les résultats
de mes recherches des 19 dernières années avec des femmes qui en sont
venues à se prostituer. En principe, je devrais être à la retraite depuis 1996,
mais j'ai préféré continuer. Alors, voilà.
Je vais faire ma présentation en trois
temps. D'abord, l'état des lieux. Deuxièmement, j'ai répondu aux questions...
enfin, j'ai tenté de répondre aux questions qui étaient formulées dans le
document de consultation, et puis, après, bien sûr, il y aura l'échange. Alors,
je compte mon temps.
L'état des lieux. Concernant ce que je
sais sur l'exploitation sexuelle des mineurs, première chose que j'ai à dire,
c'est, sur cet état des lieux, la prostitution est devenue industrie du sexe,
des industries — au pluriel — qui impliquent des agences
d'escorte, de la prostitution de rue, de luxe, salon de massage érotique, bar
de danseuses nues, pornographie, cybersexe, Web Women, téléphones
obscènes, tourisme sexuel, «Sugar Baby» et «Sugar Daddy», traite internationale
des femmes, etc.
• (16 h 40) •
La prostitution d'aujourd'hui est
incomparable à celle d'hier. Elle n'a rien à voir avec le passé. Et c'est une
observation d'une très grande importance parce que la prostitution existe
depuis très longtemps, c'est Solon, un législateur athénien, qui a introduit
l'argent dans les relations <sexuelles...
Mme Dufour (Rose) : ...
n'a rien à voir avec le passé. Et c'est une observation d'une très grande
importance parce que la prostitution existe depuis très longtemps, c'est Solon,
un législateur athénien qui a introduit l'argent dans les relations >sexuelles
600 ans avant Jésus-Christ. Ça veut dire que ça fait longtemps que la
prostitution existe. Elle n'avait pas la forme d'aujourd'hui, bien sûr, ce qui
fait que tout le monde pense connaître la prostitution, et c'est une erreur
très grave qui fait partie du problème dont on va discuter aujourd'hui. Il nous
faut absolument dire et faire connaître à tout le monde que le phénomène avec
lequel nous nous battons est un phénomène social nouveau que nous devons
apprendre à observer, à connaître et à documenter.
Maintenant, quelles sont ces femmes avec
qui j'ai eu à travailler, ces filles? Ces filles et femmes, femmes et filles
qui sont le personnage central de la prostitution, de l'exploitation sexuelle
parce que, quel que soit l'âge de la prostitution, il y a exploitation
sexuelle, même si la femme est consentante puisque sa raison d'être là, c'est
toujours la pauvreté. Mais je vais me concentrer sur les mineures. Tous les
réflecteurs sont orientés sur la femme alors qu'elle n'a rien à voir avec tout
ce phénomène-là, elle n'est que la marchandise. La prostitution est occasionnée
par les hommes consommateurs de prostitution. C'est eux autres, le personnage
central, et vous voyez que les réflecteurs sont détournés du côté des femmes
alors que le personnage central, celui qui produit la prostitution, c'est le
consommateur de prostitution.
En ce qui concerne les filles mineures maintenant,
bien sûr qu'elles ne sont pas le personnage central, mais elles sont victimes
d'hébéphilie lorsqu'elles sont exploitées sexuellement. Je vais vous expliquer
pourquoi je pense ça. J'estime que c'est environ 60 % des femmes avec qui
j'ai travaillé, dans les 19 dernières années, qui ont commencé à être
exploitées sexuellement et, dans certains cas, même à se prostituer alors
qu'elles étaient mineures. Le Conseil du statut de la femme avance 80 %,
je crois qu'elles sont plus proches de la vérité que moi.
En résumé, qui sont ces adolescentes? Ces
adolescentes, pour moi, sont en survie, elles sont allées dans la rue ou un
équivalent, soulignons-le à double trait, mais la rue est aussi venue à leur
rencontre. Elles sont attendues, rapidement repérées et cueillies par des
prédateurs, des proxénètes, des pimps, des gangs de rue, des criminels et, dans
le cas des mineures, ce qu'il faut dire, c'est que ces hommes consommateurs de
petites filles ou d'adolescentes sont des hébéphiles, c'est-à-dire des hommes
qui ont une attraction sexuelle pour des filles prépubères et des jeunes pubères,
qui profitent de leur détresse pour les exploiter sexuellement plutôt que leur
venir en aide, comme le réclamerait leur situation. Bien sûr, ces adolescentes
ne sont pas des prostituées. Bien sûr, la désignation de prostitution juvénile
déplace sur elles la responsabilité, qui est celle de leurs assaillants et de
leurs agresseurs. Votre commission l'a bien reconnu en évitant d'utiliser
l'expression «prostitution juvénile».
J'attire votre attention sur ce fait
d'hébéphilie pour des jeunes adolescentes entre 12, 15 et 16 ans parce que,
le DSM, qui est le Diagnostic and Statistical Manual of
Mental Disorders, le manuel psychiatrique qui fait autorité dans le domaine des
diagnostics de la santé mentale, qui reconnaît la pédophilie, qui fait autorité
pour le comportement sexuel avec des enfants, lors de sa révision, du DSM-IV,
pour accepter le DSM-V en 2013, il y a une équipe de psychiatres canadiens qui
a suggéré l'introduction d'une distinction entre pédophilie et hébéphilie, et
c'est d'une très grande importance. Donc, le terme est maintenant inclus dans
le DSM-V. Il nous faut mettre l'accent sur ce fait d'hébéphilie, qui est une
pathologie sexuelle, et, vraiment, dans le travail que je fais présentement, je
vois combien cette hébéphilie est omniprésente et il faut la dire pour la
déclarer, pour la dénoncer.
Maintenant, les filles avec qui j'ai
travaillé, qui sont-elles, ces mineures qui sont dans la rue? Ce ne sont pas
seulement des fugueuses. Contrairement à l'image qu'on en envoie dans les
vidéos ou dans les scénarios, à la télévision, dans les discours officiels,
elles ne sont pas nécessairement des <fugueuses...
Mme Dufour (Rose) : ...
avec
qui j'ai travaillé, qui sont-elles, ces mineures qui sont dans la rue? Ce ne
sont pas seulement des fugueuses. Contrairement à l'image qu'on en envoie dans
les vidéos ou dans les scénarios, à la télévision, dans les discours officiels,
elles ne sont pas nécessairement des >fugueuses, pas d'après mes
résultats de données de terrain, en tous les cas, parce qu'il n'y a pas
d'histoire heureuse qui conduit à la rue, mais il y a une histoire qui y
conduit. Alors, la recherche à laquelle, moi... que j'ai menée, il y a trois
dynamiques principales qui conduisent à la rue.
La première, et je vais peut-être vous
étonner, mais c'est vraiment la réalité — et j'ai écrit un livre
là-dessus et qui s'appelle Je vous salue Marie, je vous ai apporté les
publications que j'ai faites — <et, >la première, c'est
des parents indignes. Ça existe, des parents qui mettent leurs enfants dans la
rue, et des filles. Débrouille-toi, arrange-toi pour revenir toute seule, etc.
Ces enfants-là ne sont pas protégés. Donc, des filles qui sont mises à la rue.
La deuxième dynamique, c'est des filles
qui vont décider de partir. C'est vrai pour les garçons aussi, là. Et les
filles vont décider de partir à cause de ce qui se passe à la maison, des abus
sexuels, de la violence, de tout ce qui se passe. Elle va partir pour sauver sa
vie, sa santé mentale. Ça existe.
Il y a la catégorie de celles qui veulent
triper. Mais celle-là, après un jour, deux jours, normalement, elles reviennent
à la maison les pattes aux fesses, parce qu'elles découvrent qu'est-ce qui se
passe, en réalité, dans la rue, parce que la nuit, dans les heures tardives et
dans la nuit, la rue, c'est la place de la police et des gangs de rue et de la
criminalité.
Donc, je veux attirer l'attention sur le
fait que ce ne sont pas juste des fugueuses. «Fugeuses» veut dire qu'elles
quittent un milieu qui serait bon, alors que ce n'est absolument pas le cas.
Alors, ces jeunes filles, au plan familial, ce que j'ai observé, c'est que,
dans tous les cas pratiquement, elles fuyaient une situation qui était
insupportable, un danger qui existait à l'intérieur de la maison où, là, elles
étaient. Alors, j'ai examiné où résidaient-elles au moment où elles <ont...
elles >sont parties pour s'en aller dans la rue, et j'ai réalisé
qu'elles ne résidaient plus chez leurs parents, que la plupart fuyaient un lieu
institutionnel, comme un centre d'accueil, un foyer de groupe, un appartement
supervisé, dans un cas une résidence étudiante. Elles ne fuyaient pas un
chez-soi, elles fuyaient un lieu symbolique d'internement en période
d'adolescence.
Il y a plus à dire, hein, c'est écrit
ailleurs, mais ce qui est intéressant à retenir, ce sont que toutes avaient une
relation problématique et difficile avec leur mère. C'est fondamental. Et ce
sont les dimensions relationnelles, le manque de soutien, le manque de
sentiment d'appartenance, le manque d'émulation, qui sont en cause et qui ont
un poids suffisamment lourd pour faire changer la trajectoire de leurs vies,
alors qu'elles se retrouvent dans la rue, et qu'elles ne sont pas prêtes à
assumer les responsabilités qui incombent à un adulte. Puis elles sont
sous-scolarisées, carencées sur le plan affectif, donc, ça se manifeste par
énormément de dépendance affective, etc. Dans la majorité des cas, la pauvreté
est multiple, elle est loin d'être seulement matérielle. Elle est éducative,
elle est au plan des carences affectives. Au plan relationnel, elles ne seront
pas en relation avec personne, elles n'ont pas de réseau, etc. Toutes les
dimensions de la pauvreté sont présentes dans leur cas.
Je veux enlever cette image que toutes les
filles qui se retrouvent dans la rue... ou que le danger existe pour toutes les
filles. Alors, je vais vous expliquer mon point de vue, qui n'est pas celui-là.
Parce qu'il y a à la fois leurs histoires personnelles, qui précèdent, mais il
y a aussi les systèmes sociaux producteurs de prostitution. Et j'ai découvert
qu'il existait six systèmes sociaux producteurs, et j'en ai rajouté un dernier
qui, lui, est extrêmement parlant, vous allez voir. Je ne pourrai pas
développer, mais c'est très bien décrit dans cet ouvrage et dans un dernier qui
est sorti en 2018.
• (16 h 50) •
D'abord, le système des incestes
pédophiles, agressions sexuelles et tous les gestes de pédophilie qui existent
à l'intérieur de la famille, et c'est absolument bouleversant. C'est 85 %
des femmes avec qui j'ai travaillé dans les <dernières... >19 dernières
années. Et on savait déjà, dans la littérature, que le plus grand nombre des
femmes dans la prostitution avait été sexuellement abusé, mais on savait que
toutes les filles abusées ne vont pas nécessairement se prostituer. Et <la...
Mme Dufour (Rose) : ...
avec qui j'ai travaillé dans les dernières... 19 dernières années. Et on
savait déjà, dans la littérature, que le plus grand nombre des femmes dans la
prostitution avait été sexuellement abusé, mais on savait que toutes les filles
abusées ne vont pas nécessairement se prostituer. Et >la question à
laquelle j'ai tenté de répondre, c'est : Qu'est-ce qui joue dans un cas et
dans l'autre? Et c'est en analysant de façon très approfondie les parcours de
vie, l'histoire personnelle de ces femmes qui avaient débuté dans la
prostitution alors qu'elles étaient mineures que j'ai découvert ces systèmes
producteurs de prostitution. 85 % ont eu, donc, des incestes, agressions
sexuelles et toute forme de pédophilie. Évidemment, jeunesse, fugue, pauvreté, parce
que se retrouver dans la rue, adolescente, c'est se mettre en danger.
Le troisième, c'est avoir une mère qui
elle-même se prostituait. Toutes les femmes, on le sait, comment le modèle de
notre mère est un modèle prégnant. Et justement, hier soir, à RDI, aux nouvelles
hier soir où je vous ai entendu, il y a une jeune femme qui était là. Puis elle
raconte sa difficulté et, à un moment donné, tout de suite, elle l'a énoncé,
mais ne se rendait pas compte, mais moi j'ai tout de suite réalisé qu'est-ce
qui l'avait amenée là : sa mère s'était prostituée, puis elle avait été
abusée sexuellement. Puis il me manquait tout le reste de l'histoire, mais je
sens que j'aurais pu être capable d'identifier probablement trois, quatre, peut-être
cinq systèmes producteurs de prostitution : avoir un conjoint qui est
gigolo, ou proxénète, parce que s'il se fait vivre par elle, parce qu'elles se
mettent en relation avec des gars qui n'ont pas d'allure, qui sont
irresponsables, qui sont dangereux à cause de la carence affective; évidemment,
la toxicomanie, l'alcoolisme qui est... conduit, peut conduire directement...
ou autre forme de dépendance, et la très grande proximité de la prostitution. Je
vais y revenir. Ces systèmes ne sont pas mutuellement exclusifs, ils
s'additionnent au fur et à mesure de la durée... Ce n'est pas vrai, je ne vous
ai rien dit.
Quatre des systèmes dont je vous ai parlé
logent dans la famille, ce qui est absolument épouvantable — je viens
de les nommer, pédophile, inceste, jeunesse, fugue, pauvreté — parce
que si elles se retrouvent dans la rue alors qu'elles sont adolescentes, c'est
que ça ne va pas dans la famille. Mère prostituée, conjoint gigolo, on en a
quatre, ce qui prouve que la famille peut être non pas protectrice de ses
enfants, mais agressante pour ses propres enfants, destructrices pour ses
propres enfants. Dans mon texte, j'ai un meilleur mot que ça, mais là, il me
manque, là.
Nos valeurs sociales aussi, nos valeurs
sociales, la société dans laquelle nous vivons aujourd'hui est une société «open»,
je vais le résumer comme ça, où il n'y a plus de limite, où on est dans la
consommation de tout et où le sexe est extrêmement valorisé. Nos adolescentes
d'aujourd'hui... parce que je n'aurai pas le temps de vous parler du septième
système producteur de prostitution, qui lui est complètement nouveau, qui est
que les jeunes filles, jeunes, là, que nos adolescentes, contrairement à la
génération précédente, sont totalement différentes au plan des comportements.
Elles sont... elles apparaissent plus désensibilisées. Elles apparaissent plus
«open», plus ouvertes. On ne parle plus de prostitution. On parle de travail du
sexe. On ne sait plus ce que c'est, la prostitution. C'est le travail du sexe.
Le seul endroit où la prostitution est
reconnue, c'est dans la prostitution de rue. Mais la confusion est extrême,
parce que même la relation sexuelle, pour être reconnue comme relation
sexuelle, doit être une pénétration. On l'a vu avec les auditions XXX à
Québec, qui se sont passées sous haute surveillance policière, alors que ce qui
se passait dans la limousine blanche qui était face justement au club qui avait
organisé ça... les hommes payaient 20 $ pour se faire masturber. Mais
toutes les femmes, tous les adultes que nous sommes ici aujourd'hui, nous
savons fort bien qu'on peut avoir une relation sexuelle sans qu'il y ait
pénétration. La pornographie<, c'est non... > — puis je
ne pourrai pas vous l'expliquer — la pornographie c'est non seulement
de la prostitution filmée, mais c'est aussi du proxénétisme. Et il y a un
sociologue — je vous donne la référence dans le mémoire — qui
en fait la démonstration. Nous avons vraiment nos classes à faire pour se
mettre à jour sur ce qui est la réalité de la prostitution. Nous avons
l'impression de tout connaître, alors que c'est l'inverse qui existe.
Quelle est la situation concernant les
jeunes dans la rue? J'ai oublié de vous dire quelque chose d'extrêmement
important. Depuis un an, je <travaille...
Mme Dufour (Rose) : ...
se
mettre à jour sur ce qui est la réalité de la prostitution. Nous avons
l'impression de tout connaître, alors que c'est l'inverse qui existe.
Quelle est la situation concernant les
jeunes dans la rue? J'ai oublié de vous dire quelque chose d'extrêmement
important. Depuis un an, je >travaille avec une jeune femme qui a connu
le centre jeunesse et la prostitution juvénile. Vous l'avez vue dans le
document que j'ai déposé. Et vraiment ses connaissances de la prostitution
juvénile ont fait beaucoup, beaucoup avancer mes connaissances, et nous travaillons
très fort depuis un an. Et elle contribue à ce mémoire.
Quelle est la situation au moment où on
veut les aider? Alors, vous allez voir que la situation est extrêmement grave.
Nous voulons les aider. Nous les considérons, ces jeunes adolescentes, en situation
d'exploitation sexuelle — mais, dans ce cas-ci, je préfère dire de
prostitution parce qu'elles sont vendues. Elles sont faites prostituées par
leur proxénète. On ne peut pas exclure totalement le mot «prostitution». Il
faut aussi pouvoir convenir de son usage pour expliquer la situation. Nous
voulons les extraire, nous voulons les faire sortir. Mais quelle est la
situation quand on entre en contact avec elles? Un, mais elles sont dans le
travail du sexe, elles ne sont pas dans la prostitution. C'est une autre
culture que la nôtre, là. Là, je parle des adolescentes d'aujourd'hui. Elles ne
veulent pas sortir. Elles ont enfin une solution à toutes leurs misères, le
travail du sexe, puis en plus elles sont en amour. Elles sont carencées au plan
affectif. Je suis désolée de faire des démonstrations si courtes, mais je ne
peux pas faire toutes les démonstrations... J'ai fini, hein? Ça n'a pas de bon
sens. Alors...
Mais je vous ai, je pense, lancé des idées
que je sais qu'elles sont probablement bousculantes. Mais la recherche permet
d'avoir accès à des connaissances qu'on n'aurait pas autrement. C'est à ça
qu'elle sert, la science.
Maintenant, le président m'a fait signe. Je
ne sais pas si vous voulez continuer comme ça ou aller vers l'intervention.
J'ai pris toutes les questions qui étaient posées puis j'ai essayé de voir
comment je pouvais y répondre. Alors, je ne sais pas quoi faire. Je réponds à
vos questions? Je ne sais pas trop.
Le Président (M. Lafrenière) :
On va partir avec une période d'échange, Mme Dufour. Merci beaucoup,
beaucoup pour votre présentation. On va débuter, donc, une période d'échange de
25 minutes avec nos collègues en débutant par la députée de Les Plaines.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Merci, M. le Président. Bienvenue, Mme Dufour. Vraiment intéressant. Vos
recherches sont éclairantes à plusieurs niveaux, suscitent beaucoup, beaucoup
de questions. Vers la fin, vous avez vraiment parlé de prostitution juvénile,
notre commission s'appelle «l'exploitation sexuelle des mineurs». Est-ce que
vous êtes d'accord qu'il y a quand même une différence? Parce que le phénomène
de désensibilisation est important aussi.
Mme Dufour (Rose) : Oui,
oui. Je suis la première à dire qu'on ne doit pas parler de prostitution
juvénile. Mais on se retrouve aussi dans un paradoxe parce que la jeune fille
qui est très pauvre, qui est dans la misère, qui est taponnée par son père
depuis des années... Parce qu'il y a des situations absolument tragiques. Dans
cet ouvrage, il y a 20 histoires de femmes qui en sont venues à se
prostituer, dont presque la moitié a été abusée sexuellement. Oui, c'est clair
que je suis d'accord avec le fait qu'on parle d'exploitation sexuelle. Comme je
le disais au début, toutes les femmes dans la prostitution sont exploitées. Il
n'y en a aucune qui le fait pour le plaisir, là. C'est faux de croire ça, là.
Maintenant, en même temps, je me retrouve
dans un certain paradoxe parce qu'en même temps elles sont dans le travail du
sexe. Ça, on ne peut pas utiliser juste ça. Elles sont vendues. Être vendues,
c'est donner accès à leur corps et à leur sexe pour de l'argent. Ça fait qu'il
faut... C'est compliqué puis je ne suis pas capable de résoudre entièrement le
problème, mais je suis entièrement d'accord et très heureuse que la commission
s'appelle comme ça. Mais je veux qu'on reste l'esprit ouvert parce que si on se
met juste à parler d'exploitation sexuelle, on va niveler le problème qui doit
être dénoncé. Mais je ne suis pas sûre de bien le présenter.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Non, je comprends votre point de vue, mais vous avez dit aussi, au tout début,
que la prostitution, ça existe depuis 600 ans avant Jésus-Christ. La traite
aussi. La traite... Et c'est une forme de traite quand on parle d'adolescentes,
il y a une notion de consentement, et tout, puis de désensibilisation surtout.
Mme Dufour (Rose) : Oui,
oui. Oui.
• (17 heures) •
Mme Lecours (Les Plaines) :
J'aimerais ça... Rapidement, puis, après ça, je vais laisser la parole à mes
collègues, reparlez-nous de la pathologie de l'ébéphilie...
17 h (version révisée)
Mme Lecours (Les Plaines) : ...la traite, et c'est une forme de traite. Quand on parle d'adolescentes, il y a une notion de consentement, et tout, puis de désensibilisation, surtout.
Mme Dufour (Rose) : Oui, oui.
Mme Lecours (Les Plaines) : J'aimerais ça, rapidement, puis après ça je vais laisser la parole à mes collègues... reparlez-nous de la pathologie de l'hébéphilie.
Mme Dufour (Rose) : Ah! C'est une belle question parce que... D'abord, je vais vous dire, j'ai fait la première enquête au Québec sur les hommes consommateurs de prostitution dans les... Je pense que je vous ai entendus hier soir dire qu'il n'y avait pas beaucoup de documentation, mais j'ai fait la première enquête, et c'est la deuxième partie de cet ouvrage. Ça a été absolument passionnant.
La réaction des gens autour de moi, hein... Je travaillais au PIPQ, qui m'avait interpellée pour travailler avec eux autres. J'ai été cinq ans avec eux autres. C'est là que j'ai été initiée, etc. Mais tout le monde autour de moi me disait : Ça n'a pas de bon sens, puis c'est dangereux, puis ne fais pas ça. Puis les femmes elles-mêmes, dans la prostitution, défendaient les clients en disant : Mais, nous autres, on accepte de se sacrifier parce que, si les hommes... Parce que toute la question de la prostitution, c'est : les désirs sexuels des hommes sont irréductibles, c'est irréductible, on ne peut pas empêcher ça, il faut que ça aille au bout de la libération. Ce qui est faux.
Il y a eu des recherches absolument exceptionnelles qui ont été faites sur les hommes consommateurs de prostitution et qui ont montré que c'est la culture et l'éducation faite au garçon qui fait qu'il n'est pas un sauvage, il ne va pas sauter sur toutes les femmes. Mais pourtant il y a des hommes qui n'ont aucun scrupule. Et j'ai documenté la question à fond là-dedans.
La différence entre le consommateur de prostitution puis celui qui n'en fait pas... Parce que la très grande majorité des hommes... Au Québec, on estime que c'est environ 12 % des hommes qui consomment de la prostitution. Mais ça ne doit pas être ce taux-là. Moi, je pense qu'il a dû augmenter, dans les dernières années, à cause de l'omniprésence de la pornographie, de la sollicitation, etc. Et... J'ai perdu mon idée. La majorité des hommes n'y pensent même pas. Non seulement ils ne veulent pas consommer parce que, par dignité envers eux-mêmes puis dignité et reconnaissance de la dignité des femmes, jamais ils ne le feraient. Ils trouveraient ça absolument dégradant, de faire ça. Mais pourtant, il y a une catégorie d'hommes pour qui ça n'existe pas.
Mais qui sont ces hommes consommateurs de prostitution... dans lequel il y a une catégorie d'hommes qu'eux autres, c'est des des petites filles, qu'ils veulent? Il y a des pédophiles. Vous êtes à l'aise avec l'idée de pédophile, c'est l'attraction pour les bébés et les enfants, alors que la prépubère ou jeune pubère, c'est la fille dans sa splendeur, hein, de floraison, où elle va devenir menstruée, et elles sont immensément belles, et ces hommes ont une attraction particulière pour ces filles-là. Et je sais que c'est vrai parce que j'ai parlé avec des proxénètes, parce que... le travail avec la jeune femme dont je vous ai parlé. Elle l'énonçait très, très, très clairement.
Maintenant, quelle est la caractéristique des hommes consommateurs de prostitution? D'abord, c'est des irresponsables, puis ils ne veulent pas avoir de responsabilités, ils ne veulent surtout pas assumer de responsabilités. Ils ne connaissent absolument pas les femmes, mais ils connaissent encore moins les femmes prostituées. Ils sont absolument certains qu'elle, elle aime plus le sexe plus que les autres, elle est plus chaude que les autres. Ce qui est entièrement faux parce que les femmes dans la prostitution ne se donnent pas.
Avoir une relation sexuelle, c'est donner accès à ce qu'on a de plus privé et de plus intime et de sacré, je dirais, sacré dans le sens d'unique, extrêmement élevé au plan de sa valeur. La différence entre un objet sexuel et une personne, c'est la dignité humaine. L'être humain a une dignité. L'objet et la chose n'en a pas, il est réductible, c'est un outil, c'est un instrument, c'est technique. Et ces hommes consommateurs de prostitution, ils sont absolument ignorants puis ils ne veulent surtout pas apprendre. Mais parce que la prostitution ancienne, aussi, était complètement différente. Il y a un travail d'information, d'éducation de la population, etc. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.
Mme Lecours (Les Plaines) : Merci beaucoup.
Le Président (M. Lafrenière) : Question de la députée... Acadie.
Mme St-Pierre : Merci. Merci beaucoup. C'est absolument passionnant de vous entendre. Ce n'est pas la première fois que je vous entends dans une conférence, puis, encore aujourd'hui, je suis très impressionnée.
J'y vais très rapidement parce <que...
Mme Dufour (Rose) : ... etc. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.
Mme Lecours (Les Plaines) : Merci beaucoup.
Le Président (M. Lafrenière) : Question de la députée... Acadie.
Mme St-Pierre : Merci. Merci beaucoup. C'est absolument passionnant de vous entendre. Ce n'est pas la première fois que je vous entends dans une conférence, puis, encore aujourd'hui, je suis très impressionnée.
J'y vais très rapidement parce >que dans votre mémoire vous parlez... D'abord, je vois la phrase, là : «Il faut tuer le marché de la prostitution.» Puis vous dites que «le XIXe siècle a vu l'abolition de l'esclavage. le XXe siècle a aboli la peine de mort, notre siècle doit abolir la prostitution.» Alors, c'est une forme d'esclavage.
Mais je vous amène sur le paragraphe suivant, sur la police. Parce qu'ici c'est écrit : «La police tolère la prostitution, une tolérance qui correspond à une résistance, un refus d'appliquer la loi.» C'est gros, là, ce que vous nous dites.
Mme Dufour (Rose) : Ah oui! c'est...
Mme St-Pierre : Et vous citez un article qui m'avait d'ailleurs impressionnée, dans le journal Le Soleil, le 21 juin dernier, où on donne des statistiques concernant les arrestations, ici, à la ville de Québec. Et on a vu tout le travail qu'ils ont fait. Ce matin, ils nous ont parlé du travail qu'ils font auprès des victimes. Mais monsieur le client, là, il semble que lui, il ait bien du fun, puis il n'est pas... on ne s'en occupe pas, puis il continue sa belle petite vie qui a l'air bien normale, avec tous les paravents... le paravent. Là, il faut que vous nous en parliez, de ça, parce qu'on n'en a pas parlé, là. On va en parler peut-être plus tard, mais j'aimerais vous entendre sur cet aspect-là de votre mémoire.
Mme Dufour (Rose) : Nous, les femmes qui travaillons dans ce domaine, nous sommes désespérées du comportement de la police. Ce n'est pas nous qui les sortons, les statistiques, mais on observe qu'est-ce qui se passe. Il y a des salons de massage érotique... je vais prendre à Québec, là, il me semble que c'est 22 ou 24, là, je ne m'en rappelle plus, du chiffre. Et, lorsque vous regardez l'annonce, là, c'est évident que c'est une offre de prostitution. Il n'y a pas d'autres mots.
Mme St-Pierre : Bien, excusez-moi, vous avez tout à l'heure montré le signe 7. Alors, pour l'enregistrement... je pense que la caméra ne vous a pas captée, alors, pour l'enregistrement, je vais le citer, l'article : «Le service de police de la ville de Québec a arrêté sept clients pour obtention de services sexuels moyennant rétribution, selon une compilation du corps de police, alors que des centaines de clients achetaient des services sexuels dans les rues, les agences d'escorte et les salons de massage érotique de la capitale.» C'est l'article. Alors, je vous laisse continuer... parce que la caméra n'a pas vu votre signe 7.
Mme Dufour (Rose) : Merci. Merci de l'avoir cité. Alors, il y a ça, les clients ne sont pas arrêtés, donc ils sont protégés, quelque part. Il y a eu les auditions XXX. La semaine dernière... et ça me gêne de dire ça au micro, la semaine dernière, j'ai reçu un appel de quelqu'un qui m'a dit : Un client a été informé que la police allait faire une décente, donc il devait avertir tous ses chums. Bon, je ne l'ai pas vérifié. Je ne l'ai pas vérifié, mais je n'ai même pas été étonnée. J'ai dit : Bien oui, c'est sûr que ça fait partie de la pratique. Moi, <ce que je... D'abord>d'abord, ce que je crois, c'est que la police, sans vouloir vous offenser...
Le Président (M. Lafrenière) : On est trois, quatre, ici, ça va aller.
Mme Dufour (Rose) : Mais je crois que la police est comme l'ensemble de la population. La police ignore ce que c'est, la prostitution, la prostitution contemporaine. On a une idée, mais vous... on doit être plus informé que ça. Il doit y avoir, au plan même de l'intervention, l'intervention faite par des généralistes psychologues, sexologues.
Je vais vous donner un exemple de quelqu'un qui a été absolument brisé par son proxénète qui lui a dit : Tu ne veux pas travailler pour moi?, tu ne travailleras plus jamais pour d'autres. Je n'ai pas besoin de vous dire qu'il l'a brisée, là. Il l'a brisée. Elle est brisée à vie, là. Elle est brisée à vie. Non seulement elle est en post-trauma complexe, mais c'est... la situation est extrêmement grave. Elle a été traitée par une sexologue, puis les gens d'IVAC étaient là. C'est tannant, parler de ça. Je ne veux pas dénoncer aucune institution, mais ce que la sexologue lui a dit, c'est : Bien, fais des fellations. Bien, si une sexologue dit ça, moi, je deviens violente, ce n'est pas compliqué, là. Parce que, là, on est dans quoi, là? Qu'est-ce qu'on est en train de faire, là? On croit que la prostitution, il n'y a pas de mal, là? Bien, voyons donc!
• (17 h 10) •
Alors, la situation, elle est dramatique à cause de l'ignorance sur la réalité de la prostitution. Et je trouve que ma contribution est bien peu de chose, même si j'y ai <mis...
Mme Dufour (Rose) : ... Bien, voyons donc!
Alors, la situation, elle est dramatique à cause de l'ignorance sur la réalité de la prostitution. Et je trouve que ma contribution est bien peu de chose, même si j'y ai >mis le maximum. Je crois que c'est les femmes elles-mêmes, dans la prostitution, qui vont faire avancer les choses. La commission, certainement. Moi, j'ai tellement d'espoir en vous sur les recommandations que vous allez faire, mais la situation est vraiment absolument dramatique.
Et, dans ces 20... 19 dernières années que je viens de passer dans la prostitution, ce que je vois aujourd'hui, je suis terrorisée. Moi, je suis grand-mère d'une petite fille qui a 10 ans présentement. Je suis morte de peur. Je suis morte de peur. Il faut qu'il y ait une révolution. Puis merci de l'avoir cité. Nous devons comprendre la gravité et la réalité de la prostitution. Nous devons la comprendre jusqu'à prendre des décisions de nous tenir debout.
Et je vous ai apporté quelque chose qui est très intéressant et que vous avez peut-être noté. Puis, à côté de l'Ordre national du Québec, j'ai un petit truc, là, un morceau de peau d'orignal. Et je vous ai apporté quelque chose... des autochtones, je ne me rappelle pas dans quelle province, je pense c'est le Manitoba, qui ont décidé d'intervenir, d'intervenir... Il y en a pour chacun d'entre vous, si vous voulez les porter, avec toute l'information.
Je crois que l'une des premières choses urgentes à faire, c'est de mobiliser les hommes, les hommes, l'entièreté, tous les hommes de notre société. Depuis à peu près 100 ans, c'est nous, les femmes, qui sommes debout à vouloir lutter à mort contre ça. Parce qu'être une femme ce n'est pas comme un homme. Et la relation... c'est dans la relation sexuelle, la femme est pénétrée, et l'homme ne l'est pas. Les hommes consommateurs de prostitution n'ont aucune conséquence de la consommation de la prostitution. Je m'excuse de parler de cette façon-là, ils remontent leurs culottes, puis ils retournent chez eux, puis ils sont des bons pères, des bons maris, des bons professionnels. C'est outrageant, c'est inacceptable.
Parce que les femmes qui sont dans la prostitution, la majorité ont commencé alors qu'elles étaient mineures... qu'elles sont déjà brisées par la vie parce que la vie a été épouvantable, puis qu'elles ont été abusées sexuellement, et elles se retrouvent... C'est des femmes qui sont absolument brisées. C'est des femmes qui n'ont plus de corps, qui n'ont plus de vie, qui ont une perte totale de leur sensibilité. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.
Mme St-Pierre : Ma question était sur les services policiers, mais je pense que ce j'ai compris, c'est qu'il faut qu'on soit...
Mme Dufour (Rose) : <Il faut... >Nous devons mobiliser... Nous devons tous nous mobiliser, mais, en premier lieu, la prostitution, l'exploitation sexuelle des mineurs, c'est le fait de la sexualité masculine. Parce que, si on était juste des femmes... je le dis pour badiner, si on était juste des femmes, il n'y en aurait pas, de prostitution. <Le... >Celui qui produit la prostitution, c'est celui qui la consomme, et la demande ne fait que croître. Alors, il faut... Et c'est Ghyslain Vallières qui m'a sorti, en parlant au téléphone, qui m'a dit : Mais il faut tuer le marché prostitutionnel. J'ai dit : C'est exactement ça, je vais reprendre ta formule. Je ne l'ai pas cité dans le mémoire, mais ça lui revient. Et c'est vrai, il faut tuer le marché prostitutionnel.
Mais comment on va faire pour le tuer? Mais on n'y arrivera jamais sans vous autres, les hommes. Vous imaginez-vous qu'on a de la crédibilité, malgré le mouvement féministe? Bien, voyons donc! On a un petit peu avancé mais à peine. Ce sont... Hein, imaginez un instant, là, pourquoi ces femmes-là seraient plus prostituables que les autres? Elles sont pareilles comme vos mères, vos soeurs, vos épouses, vos soeurs, vos filles, vos enfants. Ce sont de nos filles dont il est question.
Et je veux vous dire quelque chose d'important. Je parle avec conviction. C'est pour ça que je n'ai pas été capable d'arrêter. Il fallait que je poursuive la recherche parce qu'il y avait peu de recherche qui était faite dans le domaine. Mais, quand je suis arrivée au PIPQ, j'étais... j'ai été tellement démontée. D'abord, j'avais toujours travaillé juste avec des hommes, des itinérants, des jeunes de la rue, les enfants de Duplessis, et tout à coup je me retrouve avec des femmes qui sont dans la prostitution. J'étais absolument certaine, moi, qu'elles aimaient ça plus que les autres, qu'elles étaient plus chaudes que moi puis toutes les autres femmes. Et la première femme avec laquelle j'ai discuté, à qui j'ai offert de travailler sur son récit de vie, sa généalogie, son histoire <personnelle...
Mme Dufour (Rose) : ... dans la prostitution. J'étais absolument certaine, moi, qu'elles aimaient ça plus que les autres, qu'elles étaient plus chaudes que moi puis toutes les autres femmes. Et la première femme avec laquelle j'ai discuté, à qui j'ai offert de travailler sur son récit de vie, sa généalogie, son histoire >personnelle, pour l'amener non pas à faire une collecte de données... Je n'ai jamais eu l'idée de faire des collectes de données sur les femmes. J'ai travaillé avec elles pour les amener, elles, à faire une recherche sur elles-mêmes. Ces livres-là ont été produits parce qu'il fallait bien sortir ce matériel-là pour produire un évènement social, mais je n'étais pas intéressée par ça, pas du tout. Je l'ai fait par devoir. Ma carrière était finie. Il y a vraiment un... J'étais comme les autres, mais j'ai fait mes classes. Mon rôle, aujourd'hui, c'est de vous aider à la faire.
Alors, je vous ai apporté ces deux livres qui parlent de ça. Évidemment, le premier enquête sur les hommes consommateurs de prostitution. Tout le monde voulait m'empêcher de travailler avec les hommes, mais, eux autres, ils étaient tellement heureux. Ils m'ont fait confiance puis ils avaient raison de me faire confiance. J'étais très intéressée à les entendre pour comprendre qui ils étaient. C'était passionnant. Et c'est vrai que les hommes ne sont pas pareils comme les femmes en matière de prostitution. Ils étaient intarissables.
Les hommes, les hommes québécois, généralement... je ne devrais pas parler comme ça, mais, en tout cas, je vais... les hommes québécois parlent peu, ils sont prudents. Mais là je vous dis qu'ils parlaient, et c'était passionnant. Ce sujet-là les passionnait. Mais ils ne savaient pas qui étaient ces femmes puis ils n'étaient pas intéressés. Et je me suis posé la question de leurs intérêts pour leurs propres femmes et leurs propres filles. Et c'est ça qu'on doit changer. Nous devons faire la révolution pour changer notre société, la rendre meilleure, que tout le monde ait la possibilité de s'épanouir, de s'accomplir et de se réaliser.
Et le deuxième ouvrage, c'est la pédagogie d'«empowerment». Nous ne devons pas juste intervenir au plan matériel. Je suis tannée d'entendre parler de budgets. Changeons nos pratiques. N'intervenons pas sur les personnes. Nous devons leur donner les clés de l'autonomie. On va-tu finir par y arriver? C'est ça qu'il faut faire, comme on fait avec nos propres enfants. Et je le fais avec les femmes, je le fais dans mon travail. Nous sommes à un moment historique. Oui, je crois que nous pouvons abolir la prostitution. Mais les hommes doivent se lever debout. On ne pourra pas le faire.
Je vous ai donné... S'il vous plaît, lisez ça, puis, si vous voulez être solidaires, portez-le. Et puis, demain, je dois aller faire une émission à Montréal, mais, jeudi matin, je fais une conférence où il va y avoir 130 personnes, puis je vais avoir mes petits trucs. Puis j'espère que quelqu'un dans la salle va se mobiliser ou qu'il va y avoir plusieurs personnes puis qu'on va étendre ça ou on va en créer un autre. Créons notre propre mouvement de mobilisation des hommes, d'abord et avant tout. Nous avons besoin de vous autres. Jamais on ne réussira rien toutes seules. Ça ne sert à rien.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci, Mme Dufour. Prochaine question, députée de Gaspé.
Mme Perry Mélançon : Bien, je pense que c'est assez clair finalement.
Le Président (M. Lafrenière) : C'est une première, on vit une première.
Mme Perry Mélançon : Non, mais c'est parce que... non, mais c'est vrai. Puis, écoutez, c'est vrai que c'est passionnant de vous entendre puis d'essayer de comprendre les comportements et les phénomènes sociétaux. C'est vrai qu'il faut finalement revenir à la base. Parce que vous avez parlé que c'était difficile de dépister les jeunes filles parce qu'elles ne demandent pas d'aide, elles sont victimes de l'industrie du sexe et du regard que la société pose sur ce phénomène-là. Donc, finalement, comme je vous dis, je vais laisser quelqu'un d'autre poser des questions.
Mme Dufour (Rose) : Je voudrais...
Le Président (M. Lafrenière) : ...
Mme Dufour (Rose) : Je voudrais lui répondre, même si elle n'a pas posé de question.
Le Président (M. Lafrenière) : Ah! vous allez répondre à sa non-question?
Mme Dufour (Rose) : Oui, parce que j'ai quelque chose à lui dire.
Mme Perry Mélançon : J'ai plein de notes et... oui.
• (17 h 20) •
Mme Dufour (Rose) : Au moment où nous parlons, là, moi, je connais des filles, là, elles ne peuvent même pas téléphoner, elles ne peuvent même pas sortir, elles sont... je n'ose pas dire séquestrées, mais forcées d'aller travailler. O.K., là? C'est extrêmement difficile pas juste de les dépister, de les aider. Avec la jeune femme avec qui je travaille, des fois, je lui dis : Bon, qu'est-ce qu'on pourrait faire pour l'aider? Il y en a une, façon de les aider. Nous devons aider ces <jeunes...
Mme Dufour (Rose) : ... C'est extrêmement difficile pas juste de les dépister, de les aider. Avec la jeune femme avec qui je travaille, des fois, je lui dis : Bon, qu'est-ce qu'on pourrait faire pour l'aider? Il y en a une, façon de les aider. Nous devons aider ces >jeunes, pas les contrôler, pas essayer de les casser dans leurs comportements. Non, non. Devenir solidaires avec elles, les aider à grandir, les faire devenir responsables en les rendant capables d'assurer le maximum de leurs besoins.
Et j'ai apporté ce manuel qui s'appelle Programme d'appropriation de sa sexualité, qui est un... J'y ai participé, mais c'était Ina qui était géniale pour formuler ça. C'est génial, cette affaire-là. C'est comment devenir sujet de sa sexualité, comment être capable de parler à son homme pour lui dire que ça n'a pas de bon sens puis ça ne marche pas, là. Comment être heureux, heureuse dans notre sexualité. Comment devenir sujet de sa sexualité.
J'ai entendu des hommes qui adoraient leurs femmes, qui la défendaient puis qui ne voudraient pas pour rien au monde s'en séparer. Il dormait dans son dos puis il disait : Elle n'aime pas ça. Mais je lui disais : Mais informez-vous, faites quelque chose pour la conquérir, réveillez-vous, tu sais, faites quelque chose, ça dépend de vous. Puis je m'excuse, je ne devrais pas dire ça... Comment qu'il s'appelle, Vidéotron?
M. Ouellette : ...
Mme Dufour (Rose) : Ah! vous ne voulez pas que j'en parle? C'est parce que j'oublie son nom. Le père. Le père, je ne l'ai pas connu personnellement, il aimait les femmes. Il ne les aimait pas juste dans son lit. Il les trouvait intéressantes. Il les écoutait. Et le monsieur avec qui je parlais, je lui disais en exemple... Il me disait : Oui, oui, mais il était riche. Je disais : Non, non, non, il n'a pas toujours été riche, mais il a toujours su comment approcher, il s'est intéressé à elles, il leur reconnaissait de la valeur.
Le Président (M. Lafrenière) : Mme Dufour...
Mme Dufour (Rose) : Je n'ai pas besoin d'en dire plus, hein? Oui?
Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup au nom de la commission.
Mme Dufour (Rose) : C'est déjà fini?
Le Président (M. Lafrenière) : Je vous remercie de votre contribution. Merci énormément.
Nous allons prendre une pause de quelques instants pour laisser le temps à notre prochain invité de prendre place. Merci infiniment, madame.
(Suspension de la séance à 17 h 22)
(Reprise à 17 h 25)
Le Président (M. Lafrenière) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je souhaite maintenant la bienvenue à M. Daniel Loiseau. Je vous rappelle que vous disposez de 20 minutes pour faire votre exposé, puis nous procéderons à une période <d'échange...
(Reprise à 17 h 25)
Le Président (M. Lafrenière) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je souhaite maintenant la bienvenue à M. Daniel LoiseauV. Je vous rappelle que vous disposez de 20 minutes pour faire votre exposé, puis nous procéderons à une période >d'échange de 25 minutes avec les membres de la commission.
Cependant, avant de commencer, je vais demander aux membres de la commission le consentement pour ajouter 10 minutes à cette période de consultation. Est-ce qu'il y a consentement?
Des voix : ...
Le Président (M. Lafrenière) : Consentement. Parfait. Alors, M. Loiseau, je vous laisse faire votre exposé.
M. Loiseau (Daniel) : Merci. Merci, les membres de la commission. Merci, M. le Président. Bon, alors, je suis ex-membre du SPVM à la section exploitation sexuelle, donc un enquêteur qui est récemment à la retraite depuis le mois de mai. Donc, j'ai consacré les 20 dernières années à la section exploitation sexuelle du SPVM. Ayant pris ma retraite récemment, j'ai élucidé des crimes reliés au proxénétisme et à la traite de personnes.
Mon travail d'enquêteur m'a permis d'encadrer, informer les victimes, témoins et autres intervenants concernés tout au long des procédures judiciaires, de sécuriser les victimes et leurs proches, de faire des demandes d'expertise appropriées afin de recueillir et préserver les preuves liées aux enquêtes, de diriger des dossiers lors de différentes étapes judiciaires, de perquisitionner, de saisir et d'analyser les différents éléments de preuve et d'en faire la divulgation.
J'ai développé des liens privilégiés avec les partenaires et intervenants, tels que la DPJ, les centres jeunesse, le CAVAC, Jeunesse au soleil, qui sont des atouts pour ce genre de crime, ainsi qu'avec des policiers de plusieurs provinces canadiennes. J'ai partagé avec eux mes connaissances en matière de crimes de nature sexuelle dans l'intérêt des victimes.
J'ai partagé avec... à l'élaboration du projet Les Survivantes, du SPVM, dont le mandat vise à accroître la sensibilité au phénomène d'exploitation sexuelle et la traite de personnes, tout en favorisant une meilleure prise de conscience des personnes vulnérables. J'ai participé à la tenue de plusieurs séances d'information auprès de policiers et d'organismes communautaires en lien avec ce projet.
J'ai su transmettre mon approche humaine et empathique auprès des victimes et des nouveaux enquêteurs de notre section. J'ai contribué à faire du SPVM une organisation efficace, professionnelle, innovatrice grâce à mon expertise d'enquêteur en matière de lutte contre la traite de personnes et le proxénétisme. Mon travail d'enquêteur m'a permis, de par mon acharnement, mon innovation, ma créativité et mon profond engagement, de sauver des filles de l'enfer de l'exploitation sexuelle.
Il y a plusieurs années, si je fais référence au début de ma carrière concernant des dossiers d'exploitation sexuelle, les proxénètes recrutaient leurs victimes par le biais de petites annonces de journaux ou lors d'une filature en circulant en voiture, s'arrêtant pour discuter, par exemple, à une jeune fille dans un abribus. Aujourd'hui, les proxénètes recrutent sans même avoir à se déplacer grâce aux réseaux sociaux, avec leurs cellulaires ou ordinateurs, sur Facebook, Instagram, Snapchat, sites de rencontre, etc. Ils ont accès à nos jeunes filles beaucoup plus facilement qu'auparavant, ce qui rend nos jeunes filles mineures très vulnérables en 2019.
Il y a 10 ans, le SPVM démarrait le projet Les Survivantes, dont le mandat est la prévention, la sensibilisation au phénomène de l'exploitation sexuelle et de la traite de personnes. Ce projet est divisé en trois volets, soit un premier destiné aux policiers, un second destiné aux divers intervenants ainsi qu'un volet intervention auprès des victimes, personnes vulnérables, où on fait des interventions un à un qui sont privilégiées à ce moment-là.
Ce projet innovateur et proactif a permis au SPVM de se distinguer partout au Canada en matière d'exploitation sexuelle. La formation Les Survivantes permet aux participants d'acquérir de nouvelles connaissances face aux problématiques vécues par les victimes. Selon l'analyse des formulaires d'évaluation, le programme de formation et d'intervention Les Survivantes est un puissant outil pouvant pallier à l'incompréhension des différents intervenants, policiers et victimes, tout en permettant à un plus grand nombre de personnes d'aider ces jeunes femmes vulnérables afin d'éviter qu'elles tombent dans le piège qu'on leur a tendu.
• (17 h 30) •
L'arrivée des nouvelles technologies a généré d'énormes charges de travail supplémentaire pour les enquêteurs d'exploitation sexuelle. Ces derniers doivent dorénavant saisir tout appareil électronique lors des arrestations en lien avec le proxénétisme ou la traite de personnes. Par la suite, ils doivent gérer une chaîne de possession des exhibis, fournir ceux-ci pour expertise à la section des crimes technologiques, accompagnés d'une ordonnance judiciaire. Une fois l'expertise complétée, l'enquêteur doit en faire l'analyse appropriée au dossier...
17 h 30 (version révisée)
M. Loiseau (Daniel) :
...en lien avec le proxénétisme ou la traite de personnes. Par la suite, ils
doivent gérer une chaîne de possession des «exhibits», fournir ceux-ci pour
expertise à la section des crimes technologiques, accompagnés d'une ordonnance
judiciaire. Une fois l'expertise complétée, l'inspecteur doit en faire
l'analyse appropriée au dossier et soumettre son rapport au procureur de la
couronne. L'enquêteur utilise également la section cyberenquête dans ce genre
de crimes afin de fournir des éléments de preuve supplémentaires sur DVD, qui
devra être analysée par la suite. Cette nouvelle technologie a pour effet de
rendre le processus de divulgation de nos dossiers de plus en plus lourds et
fastidieux pour les enquêteurs qui doivent assumer de nombreuses tâches
supplémentaires. Les enquêteurs doivent aussi effectuer de nombreuses tâches administratives.
L'ajout de personnel de soutien administratif leur permettrait de se consacrer
entièrement à leur travail d'enquête.
De plus, suite à la diffusion de
l'émission Fugueuse, une vague de dénonciations a déferlé sur l'équipe
d'exploitation sexuelle du SPVM. La population est de plus en plus
conscientisée à ce phénomène et réagit au moindre soupçon. Malgré la mise en
oeuvre d'une nouvelle escouade provinciale, l'Équipe intégrée de la lutte
contre le proxénétisme, EILP, en avril 2017, qui totalise, avec l'équipe
de Montréal, 25 enquêteurs, ceux-ci sont tellement surchargés que
plusieurs d'entre eux ont dû être placés en arrêt de travail. La présence des
intervenantes du CAVAC dans les bureaux de la section exploitation sexuelle est
un atout indispensable et innovateur qui démarque le SPMV des autres corps de
police canadiens et qui favorise la réussite de nos dossiers. Par contre, le
manque de ressources, seulement deux intervenantes à temps partiel, est
nettement insuffisant pour combler les besoins de 25 enquêteurs.
Les victimes mineures se retrouvent seules
et sans ressources une fois sorties du centre jeunesse. Elles vont se retrouver,
jusqu'à l'âge de 18 ans, dans des appartements supervisés et après elles
sont laissées elles-mêmes. Le système ne permet pas à ces filles d'avoir un
endroit approprié pour qu'elles puissent graduellement retrouver une vie
normale après avoir eu les interventions nécessaires à leur réhabilitation. De
plus, elles ont accès seulement à des centres destinés à des femmes victimes de
violence qui ne les acceptent que pour quelques jours, en général trois jours
seulement, et doivent quitter par la suite. Comble de malheur, les victimes de
proxénétisme se font refuser l'accès à ces centres d'aide puisque leur dossier
est relié à un proxénète et par peur de représailles... Ce manque de ressources
est une entrave qui a des graves conséquences pour les victimes qui se sentent
délaissées par le système en attendant de compléter le processus judiciaire
comme victimes d'un proxénète. Par conséquent, des centres d'hébergement
destinés à ce type de victimes seraient un atout majeur pour assurer leur
sécurité et favoriser leur réhabilitation.
De plus, les victimes de proxénétisme ne
sont toujours pas admissibles auprès de l'indemnisation des victimes d'actes
criminels, l'IVAC, et ne peuvent par conséquent avoir accès à ces ressources.
Ce refus de la part de l'IVAC a des conséquences dévastatrices sur les victimes
et les dossiers en cours. Les victimes se sentent délaissées, découragées, ce
qui a pour effet qu'elles veulent tout abandonner. Les intervenantes du CAVAC
ont ainsi une double tâche soit de faire en sorte que nos victimes
n'abandonnent pas après le premier refus. Elles doivent travailler doublement
pour garder la confiance de la jeune victime qui a été fortement ébranlée. Il
serait plus qu'urgent que l'IVAC reconnaisse les crimes reliés au proxénétisme
et la traite de personnes. Voilà.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Merci de votre présentation.
Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec les membres de la
commission. Première question, députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil
: Oui,
bonjour. Merci pour votre participation. Vous avez entendu, vous étiez dans la
salle, donc Mme Dufour. Concernant Rose Dufour, qui était ici avant
que vous étiez ici, concernant sa déception, plus que déception, par rapport à
l'intervention des policiers parce qu'on a parlé beaucoup de prostitution en
général, donc adulte, comme faisant partie d'un fléau plus large qu'évidemment
l'exploitation sexuelle des mineures qui est notre mandat. Donc, il y a deux
interventions aujourd'hui. On parle de cette question en voulant dire :
Attention, là, c'est un mal global et qu'il faut s'attaquer à ça.
Est-ce que vous, vous savez une
explication pour voir... bien, pour nous dire pourquoi est-ce que les policiers
sont débordés? Ils mettent l'accent sur ce qui... c'est-à-dire le plus urgent,
qui est peut-être les mineures <ou...
Mme Weil
:
Est-ce
que vous, vous avez une
explication pour voir... bien, pour nous dire
pourquoi
est-ce que les policiers sont débordés? Ils mettent l'accent sur ce
qui...
c'est-à-dire le plus urgent, qui est
peut-être les mineurs
>ou... Alors, les mots ont été forts, qui ont été utilisés. Je n'ose pas
me prononcer... on a eu beaucoup d'échanges avec des policiers passionnés par
l'aide et d'apporter secours à toute personne, mais il y a peut-être une autre
explication. Alors, juste voir votre commentaire là-dessus.
M. Loiseau (Daniel) : Bien,
moi, comme enquêteur, comme ex-enquêteur, je peux vous dire que le système, il
fonctionne. J'ai arrêté et j'ai traduit en justice plusieurs proxénètes dans
mes 20 années de carrière.
Il s'agit que la victime nous fasse
confiance, fasse confiance au système, de les approcher avec empathie, <avec...
>humainement et de leur dire qu'il ne leur arrivera rien, parce que ces
filles-là sont terrorisées, et de réussir à ce qu'elles fassent confiance au système.
Et puis nous, comme enquêteurs ou avec les organismes qui nous aident, surtout
le CAVAC, on va les amener jusqu'à la fin, et puis on va être capable de se
rendre jusqu'à la fin des procédures, et puis de faire en sorte que cette
fille-là, en cours de route, puisse avoir les soins nécessaires, avoir l'aide
nécessaire. Et puis, par la suite, si jamais elle a l'intention de vouloir
raconter son histoire, qui était autrement mauvaise, pour pouvoir aider d'autres
filles en faisant partie du projet des Survivantes, bien, on leur fait l'offre.
Et puis si elles veulent continuer à pouvoir raconter leur histoire pour
pouvoir aider d'autres à ne tomber dans le piège, bien, ces filles-là, sur une
base volontaire, vont pouvoir faire partie de cette...
Mme Weil
: Elle a
présenté des statistiques qui semblaient indiquer que oui, en fait, il y a peu
d'interventions au niveau <des prostitutions... >des prostituées
adultes. <Est-ce que... >Je ne sais pas si les données sont
validées, etc., ou si vous avez des données qui peuvent refléter qu'il y a
peut-être un enjeu à cet égard. Ce n'est pas notre mandat, mais je pense que
c'est relié à toute cette grande question qu'on touche depuis quelques jours,
sur comment travailler sur tout le monde, là, toute la société en général, des
interventions précoces, prévention, programmes de prévention, etc. Votre
expérience dans le domaine, et des programmes, peut-être, que vous connaissez,
que pensez-vous de cette voie-là, c'est-à-dire l'expérience à Edmonton? Je ne
sais pas si vous avez suivi l'intervention hier. Donc, ils ont un programme
pour les hommes, qui... les john school, ça s'appelle.
M. Loiseau (Daniel) : Oui, je
suis au courant de... J'ai vu, oui.
Mme Weil
: Vous étiez
au courant de ça, et qui donnent des résultats intéressants, très intéressants.
Donc, que finalement, parce qu'on... c'est tellement gros, le problème, <avec...
>surtout avec les médias sociaux, vous le soulignez, que ça devient
presque impossible. On court après cette problématique, et c'est tellement gros
et complexe, mais que si on travaille en prévention, mais aussi en
réadaptation, hein, dans un sens, dans les deux bouts, bien, on pourrait au
moins réduire, peut-être, la fréquence, éventuellement.
• (17 h 40) •
M. Loiseau (Daniel) : C'est
sûr. Je suis au courant que Montréal a fait des opérations clients. Je n'ai pas
les statistiques exactement par rapport à ça, là, mais c'est sûr que j'ai
participé à certaines opérations de clients. <Donc... >Mais c'est
sûr que les enquêteurs de Montréal, là, la priorité, c'est de faire des
dossiers d'arrestation par rapport à des proxénètes. Et, comme je vous ai
mentionné dans ma présentation, depuis <la... >Fugueuse, il
y a énormément de dossiers.
Malgré le fait qu'il y a 25 enquêteurs, à
Montréal, qui travaillent ces dossiers-là en amont, avec priorité les mineurs,
les enquêteurs ne fournissent pas. La divulgation à la cour, maintenant, est
très... ça se fait pratiquement sur DVD, maintenant. L'analyse des
cellulaires... Je vous donne un exemple, dans un des derniers dossiers que j'ai
eus, une fois que l'analyse du cellulaire... c'est-à-dire, une fois que
l'expertise du cellulaire est revenue sur mon bureau, j'avais 26 000
conversations à analyser, qui m'ont prises une semaine et demie à analyser et,
après ça, faire un rapport pour retourner ça au procureur.
C'est des charges de travail énormes, qui
pourraient être traitées avec des gens, en ayant un soutien civil ou un soutien
supplémentaire pour aider ces enquêteurs-là à traiter, parce qu'aujourd'hui, en
2019‑2020, c'est ce genre d'expertise là qu'on <a...
M. Loiseau (Daniel) :
C'est des charges de travail énormes qui pourraient être traitées avec des
gens, en ayant un soutien civil ou un soutien supplémentaire pour aider ces
enquêteurs-là à traiter,
parce qu'aujourd'hui, en 2019‑2020, c'est ce
genre d'expertise là qu'on >a de besoin à la cour.
Mme Weil
: Très bien.
C'est une bonne recommandation. Excellent. Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Députée de Lotbinière-Frontenac.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Bonjour. Il y a une loi qui criminalise
l'achat de services sexuels puis il y a deux groupes aujourd'hui qui sont venus
nous dire que la loi n'est pas appliquée. Moi, <j'aimerais savoir... >j'aimerais
connaître votre avis là-dessus puis savoir pour quelle raison ce n'est pas
appliqué.
M. Loiseau (Daniel) : Vous
parlez de laquelle des lois, exactement, là?
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Bien, c'est la loi... bien, en tout cas, tout
à l'heure, les CALACS puis Mme Rose Dufour aussi disaient que la loi
n'était pas appliquée par la police. Je n'ai pas le...
M. Loiseau (Daniel) : Le
C-36. Juste me dire, c'est quoi le...
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Bien, on nous a dit, c'est la loi qui
criminalise l'achat de services sexuels.
M. Loiseau (Daniel) : Bien,
on a porté des accusations, dans différents dossiers à Montréal, par rapport à
ça, là. Peut-être qu'à Québec c'est différent, mais, à Montréal, il y a
plusieurs dossiers qui ont été faits. L'achat de services sexuels, c'est la loi
qui a rapport avec les clients. Donc, ce qui a été fait par rapport aux clients
à Montréal, bien, c'est cette loi-là qui est appliquée, l'achat de services
sexuels. Les clients paient pour obtenir des services sexuels puis, si c'est en
rapport avec une mineure, à ce moment-là, <ils sont... >c'est
criminalisé.
Le Président (M. Lafrenière) :
...si je peux me permettre, ce qui a été mentionné tantôt par des groupes,
c'est qu'il n'y a pas beaucoup d'opérations clients puis il n'y a pas beaucoup
d'arrestations de clients. On aimerait entendre votre point de vue là-dessus, lorsqu'on
parle d'adultes majeurs.
M. Loiseau (Daniel) :
<J'ai...
>Comme ex-enquêteur, ce n'est pas moi qui décide de qui qui fait les
opérations clients ou qui qui n'en fait pas, là. Moi, comme je vous dis, il y a
énormément de dossiers par rapport à des mineurs, par rapport à des dossiers
d'enquêtes, par rapport à des proxénètes. Donc, la priorité du SPVM, c'est ça
et c'est la plupart de ces dossiers-là qui génèrent... qui grugent le temps
qu'on a pour pouvoir travailler ces dossiers-là.
Un enquêteur du SPVM <va... >peut
traiter 10, 12 dossiers par année. Des fois, c'est des dossiers qui
peuvent durer une semaine, deux semaines, un mois, trois mois, six mois. Des
fois, les enquêteurs vont gérer trois, quatre dossiers en même temps, apporter
une expertise dans un centre... aux crimes technologiques puis recevoir ces
informations-là un mois plus tard, il faut se rembarquer dans ce dossier-là.
Revenir dans un dossier, c'est... Gérer toute cette façon de faire là ou de
canaliser tous ces éléments-là dans chacun des dossiers, ça devient un beau
puzzle.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci. Député de Chomedey.
M. Ouellette : Je vous le
disais d'entrée de jeu, là, mais hors micro, tantôt, passer 20 ans dans
une équipe comme ça, mon commentaire a été : Vous avez pris votre retraite
au mois de mai, la décontamination n'est sûrement pas finie, parce que vous
êtes en commission, vous venez nous parler de votre passion, puis venir aider à
ce qu'on puisse cheminer, puis nous faire profiter de votre expérience.
Il y a deux choses sur lesquelles je me
suis attardé un peu plus. Il y a eu la formation d'une équipe intégrée de lutte
contre le proxénétisme, puis c'est sûr qu'après Fugueuse il y a eu une
augmentation de signalements puis etc. Et vous nous mentionnez que, même s'il y
a 25 enquêteurs, il n'y a pas assez de monde et que probablement la nature
du travail fait en sorte que ça tombe au combat, là, ou qu'ils sont surchargés.
On aura l'opportunité de rencontrer les gens de l'équipe intégrée, dans les
prochains jours, mais je pense que c'est important qu'on ait votre son de
cloche, parce qu'hier les gens de Sherbrooke sont venus nous indiquer aussi
que, dans leur milieu, à cause de leur niveau de service... vous n'avez pas ce
problème-là à Montréal, mais, à cause de leur niveau de service, ils ne
pouvaient pas intervenir dans tous les genres de situations, entre autres dans
le proxénétisme, et on se posait la question s'il ne fallait pas le regarder.
On a reçu tantôt les gens de l'IVAC, bon,
qui sont venus nous parler que les infractions ne correspondaient pas, mais
qu'il ne semble pas y avoir de dossier qui était <refusé.
M. Ouellette :
...entre autres, dans le proxénétisme, et on se posait la
question s'il
ne fallait pas le regarder.
On a reçu
tantôt les gens de
l'IVAC, bon, qui sont venus nous parler que les infractions ne correspondaient
pas, mais qu'il ne semble pas y avoir de dossier qui était >refusé. Je
présume que, si vous nous en parlez dans votre mémoire, c'est que c'est à votre
connaissance personnelle qu'il y a des victimes qui n'ont pas été reconnues par
l'IVAC parce que les infractions ne sont pas dans la liste des infractions
couvertes par la Loi de l'IVAC. Est-ce que je me trompe?
M. Loiseau (Daniel) : Oui,
c'est exact. En fait, au départ, ils sont refusés, sauf que, par la suite, les intervenantes
du CAVAC qui gèrent le dossier avec nous vont refaire une nouvelle demande,
vont y aller obliquement en <faisant... en >déposant une nouvelle
demande avec d'autres genres d'accusations qui sont reliées avec les
accusations de proxénétisme pour finalement que le dossier soit accepté.
Mais imaginez-vous dans la tête d'une
jeune qui a 15, 16 ans, et qui fait sa demande à l'IVAC pour essayer
d'être indemnisée, et puis qui a besoin d'avoir les services d'un psychologue
ou peu importe, et puis la première démarche qu'elle a pour se reconstruire,
elle se fait refuser déjà, tout de suite, en partant. Ça fait que, des fois, ça
a des effets dévastateurs pour l'enquêteur ou bien le dossier comme tel. La
fille, elle essaie de remonter une côte, puis la première chose qu'on lui dit,
c'est un refus. Alors, il y a ça qui est aberrant.
Il y a aussi le fait que la même fille qui
est fugueuse, exemple, et qui part de Montréal, puis qui est amenée à Toronto,
puis que finalement elle réalise, rendue à Toronto, qu'elle se fait pimper,
puis là il y a des enquêteurs de Toronto qui vont procéder à l'arrestation de
son pimp, cette fille-là de 15 ans, bien, elle va revenir à Montréal à un
moment donné, elle va avoir de l'aide immédiate à Toronto, puis finalement,
rendue à Montréal, bien, qui qui va l'aider? Personne. Personne ne va l'aider,
rendue à Montréal, parce qu'il n'y a pas de suivi qui s'est fait. Pourtant,
elle est partie d'ici puis elle est allée à Toronto, elle est allée à Ottawa,
elle est allée à Calgary, puis les proxénètes ont pris soin de la déplacer, de
la cacher, de l'éloigner de sa famille. Et une fois rendue ici, à Montréal,
bien, il n'y a pas personne qui s'en occupe de cette fille-là.
M. Ouellette : Et je
comprends aussi, et ce sera mon dernier commentaire, M. le Président, je
comprends aussi que le fait de ne pas être actualisée... puis je mentionnais au
président de l'IVAC tantôt que leur loi n'a pas été revue, c'est-à-dire que les
infractions n'ont pas été revues depuis 1985. Ça fait en sorte qu'on n'a pas le
portrait juste de la situation. Je comprends de vos explications que le
proxénétisme, ça peut finir avec des voies de faits graves ou ça peut finir
avec un autre genre de violence, là, qui va... Quand on voudra faire un état
des lieux, on n'aura pas l'heure juste.
M. Loiseau (Daniel) : C'est
sûr. Bien, en fait, nous, à Montréal, on a la chance d'avoir, suite... avec
l'escouade EILP, on a la chance d'avoir deux filles du CAVAC avec nous, qui
sont à temps partiel, malheureusement. Ça en prendrait quatre à temps plein,
mais ces filles-là... Ce qui est vraiment magique, c'est que moi, avant, quand
j'ai commencé à faire des dossiers de proxénétisme, bien, on donnait un numéro
de téléphone avec un nom puis on disait à la victime : Tu appelleras cette
fille-là, elle travaille avec nous, elle va pouvoir t'aider dans toutes les
démarches que tu vas pouvoir faire, puis il va falloir que tu te rendes au
palais de justice pour aller la rencontrer au bureau du CAVAC.
Maintenant, le fait d'avoir ces deux personnes-là
à même nos bureaux, on est en mesure de pouvoir céduler une entrevue vidéo avec
cette jeune-là et puis, avant même de faire l'entrevue vidéo, on est capable de
la présenter à une fille du CAVAC qui va la rencontrer puis qui va lui
expliquer tous les services qu'elle va pouvoir faire puis qu'elle va pouvoir
lui offrir, éventuellement, selon les besoins qu'elle va avoir et le
cheminement qu'elle veut faire. Puis après, bien, on va procéder à l'entrevue
vidéo avec la jeune, et puis les procédures vont s'ensuivre, et puis les
deux... le CAVAC va continuer à avoir le... va apporter l'aide nécessaire à la
jeune pour <pouvoir... >qu'elle puisse avancer dans ses démarches
de réhabilitation <à même... >pendant que le dossier est en train
de se corroborer ou... L'enquêteur doit valider l'information, valider la déclaration
de la jeune. Donc, pendant que nous, on fait ça, bien, il y a quelqu'un d'autre
qui s'occupe de... Ça fait que le fait d'avoir ces gens-là dans nos bureaux,
directement sur place, bien ça, c'est magique.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Députée de l'Acadie.
• (17 h 50) •
Mme
St-Pierre
:
Merci. Merci beaucoup, M. le Président. Tout d'abord, je veux vous remercier
d'être avec nous aujourd'hui. Puis comme l'a dit mon collègue, vous êtes à la
retraite, <mais...
M. Loiseau (Daniel) :
...le fait d'avoir ces gens-là dans nos bureaux,
directement sur place,
bien, ça, c'est magique.
Le Président
(M. Lafrenière) :
Merci beaucoup.
Députée de
l'Acadie.
Mme
St-Pierre
:
Merci.
Merci beaucoup,
M. le Président.
Tout d'abord, je
veux vous remercier d'être avec nous
aujourd'hui. Puis comme l'a dit mon
collègue, vous êtes à la retraite, >mais vous ne le serez pas longtemps.
Ça a été très émouvant de lire l'article à votre sujet l'autre jour dans LaPresse
et de voir que les filles sont allées vous remercier lors de cette petite
réception en votre honneur. J'ai trouvé la lecture du texte... C'était très
intéressant, puis je pense que vous avez fait un super bon travail.
J'aimerais vous entendre encore sur la question
des indemnisations. Moi, j'ai été tout à l'heure, là... Je l'avais lu puis là
je viens de le réentendre. C'est vraiment, je pense, urgent de faire en sorte
que la loi puisse permettre une indemnisation de ces... Ce n'est pas considéré
comme un acte criminel d'avoir été victime d'un proxénète. Il faut qu'il y ait
eu autre chose, s'être fait battre, violer, c'est... Et je pense que ça, c'est vraiment
important. Il y a ça sur lequel je voudrais vous entendre, mais aussi sur votre
approche. Parce que, dans l'article, vous dites : Il faut toujours être en
contact avec cette personne-là puis lui dire : Il faut que tu me fasses
confiance, de ne pas lâcher, tout ça. Puis ce n'est pas l'image qu'on a souvent
du policier, qui est un policier très humain.
Et comment vous en êtes... <Je
veux... >Je voudrais vous entendre un peu sur votre vie, comment vous en
êtes venu à vous intéresser à ces questions-là. Est-ce qu'il s'est passé quelque
chose chez vous qui a dit : Bien, moi, c'est ça que je veux faire ou...
M. Loiseau (Daniel) :
Non. En fait, bien, à un moment donné, je me suis placé dans la position de ces
filles-là puis je me suis dit : Bien, si c'étaient mes propres filles?
Alors, c'est comme ça que j'ai approché ces jeunes victimes là, que je les
ai... Je leur ai dit que leur histoire qui n'était pas bonne à raconter
pourrait éventuellement... Quelqu'un pourrait les entendre, et quelqu'un aurait
à prendre des décisions avec cette histoire-là qui était mauvaise, et que je ne
les laisserai pas tomber, et que je vais être avec eux autres jusqu'à la fin.
Alors, quand on fait une prérencontre pour
faire en sorte que ces filles-là te fassent confiance, on les rencontre
humainement. Bien, moi, je les rencontre humainement puis je les approche de
cette façon-là, puis c'est peut-être pour ça que j'ai réussi à convaincre plusieurs
filles. L'article de LaPresse, c'est une histoire parmi
tant d'autres. L'article est sorti là parce que la fille est rendue là dans son
cheminement, mais il y en a plein d'autres belles histoires comme ça. Puis le
privilège qu'on a d'avoir fait des dossiers comme ça, c'est de pouvoir voir à
travers l'équipe des Survivantes. C'est des filles qui ont été des anciennes
victimes dans mes dossiers à moi ou dans d'autres enquêteurs. Et puis de
pouvoir les revoir puis de voir qu'ils s'en sortent, alors, c'est ça, le prix à
gagner de tout ça et d'être fier de faire cette job-là.
Mme
St-Pierre
:
Puis la question du client abuseur, je pense qu'il faut qu'on s'y attarde. Est-ce
que vous auriez <des recommandations... >une recommandation
à nous faire pour faire en sorte qu'on soit encore plus agressifs vis-à-vis les
clients abuseurs? Ça n'a peut-être pas été votre champ d'expertise, mais ces
filles-là ont quand même eu des clients, là, puis les clients, c'est M. et Mme
Tout-le-monde... pas monsieur et madame, M. Tout-le-monde, là,
M. Bien-ordinaire, là.
M. Loiseau (Daniel) :
Bien, écoutez, ça demeure au service de police de décider combien d'opérations
clients ils peuvent faire par année. Encore là, une opération client, ça
nécessite une journée complète avec des préparations antérieures pour pouvoir
préparer ça. Donc, une équipe qui sort sur la route pour aller faire une
opération client, procéder à des arrestations, pendant cette journée-là, bien,
ils ne sont pas en train de travailler sur les dossiers de proxénètes, de
traite de personnes. Donc, tu sais, ça demeure au service de police de décider
combien d'opérations clients ils font par année.
Mme
St-Pierre
:
Dernière question très... Je veux laisser la place aux autres aussi. Tout à
l'heure, les CAVAC nous ont parlé, puis je ne veux pas faire de profilage, là,
mais il faut qu'on regarde ce phénomène, qu'il y a quatre fois plus de femmes
autochtones chez les victimes de proxénétisme. Est-ce que c'est ce que vous
constatez aussi, vous avez constaté <dans...
Mme
St-Pierre
:
Je veux laisser la place aux autres aussi.
Tout à l'heure, les CAVAC
nous ont parlé
, puis je ne veux pas faire de profilage, là, mais il
faut qu'on regarde ce phénomène, qu'il y a quatre fois plus de femmes
autochtones chez les victimes de proxénétisme. Est-ce que c'est ce que vous
constatez aussi, vous avez constaté >dans votre travail aussi? Et, si
vous avez travaillé avec des femmes autochtones, est-ce que votre approche
était différente ou si c'est la même : c'est un être humain, puis vous
entrez en contact de la même manière, puis vous faites le suivi de la même
manière?
M. Loiseau
(Daniel) : Moi, personnellement, j'ai eu affaire avec, une fois, une
femme autochtone, mais ça fait quand même plusieurs années. Je sais qu'elle
fait partie du programme des Survivantes aujourd'hui. Mais de là à dire qu'il y
a quatre fois plus d'autochtones présentement comme victimes, moi, de notre
côté ou, en tout cas, de <ma... >la réalité que j'ai vécue, je ne
suis prêt à dire ça, là.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Député de Sainte-Rose.
M.
Skeete : Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais vous remercier
d'être ici, M. Loiseau. J'avais également une question sur l'indemnisation.
Elle a été en partie répondue, mais, vous, vous voyez ça comment, <le... >une
indemnisation idéale? Ça serait de reconnaître d'être... une fois qu'on est
déclaré victime d'un proxénète, qu'on soit éligible avec un montant puis que ça
soit, ça, réglé d'emblée. C'est ça?
M. Loiseau
(Daniel) : Bien, je ne vois pas un montant, là. Je veux dire,
peut-être... Je sais que dans d'autres provinces j'ai déjà eu vent qu'il y a
des montants d'argent qui sont alloués à des victimes d'exploitation sexuelle.
En Ontario, j'ai déjà eu vent de ça, ça fait plusieurs années.
Moi, je pense
que c'est tout simplement, là, que la victime puisse avoir de l'aide nécessaire
ou que son dossier soit accepté d'emblée. C'est ce qui m'a... Des fois, quand
tu as une victime devant toi puis que la fille, elle a le choix <de te...
>d'être considérée comme une victime de violence conjugale ou elle a le
choix de nous dire toute son histoire au complet pour être victime, finalement,
de traite des personne, proxénétisme, séquestration, voies de fait graves, et
j'en passe, bien, si nous, comme enquêteurs, on met dans la tête de la victime
que d'avoir toutes ces accusations-là, ça va être encore beaucoup plus un
dossier étoffé, et on va pouvoir aller à la cour avec quelque chose de vraiment
très gros plutôt qu'elle soit juste rencontrée comme violence conjugale...
Alors, si je lui
dis que les gens vont l'épauler, les gens du CAVAC vont l'aider ou elle va être
éventuellement indemnisée par l'IVAC, puis finalement sa première constatation,
une fois qu'on a avancé là-dedans puis qu'elle a pris la décision dans sa tête
de nous faire confiance puis d'aller de l'avant, la première constatation,
c'est que l'IVAC n'indemnise pas la traite de personne ni le proxénétisme,
alors elle est complètement défaite. J'ai eu personnellement plusieurs dossiers
comme ça où la victime a été déboussolée, parce que moi, je venais de lui dire
que c'était beaucoup plus important de porter des accusations puis d'avoir un
tout dans toute son histoire que d'avoir juste la violence conjugale.
M.
Skeete : Je dois vous dire puis je rappelle à mes collègues qu'on a
entendu toute cette histoire-là par notre survivante, que ça l'a presque
achevée qu'elle s'est fait refuser l'indemnisation. Mais, écoutez, merci
beaucoup pour votre belle carrière, merci beaucoup pour tout ce que vous avez
fait.
M. Loiseau
(Daniel) : Merci.
Le Président
(M. Lafrenière) : Dernière question en deux minutes pour le député de
Viau.
M.
Benjamin : Merci, M. le Président. Merci beaucoup, M. Lessard, merci
pour votre présentation. Donc, vous avez été un témoin, un acteur même
privilégié de cette scène-là, de cette réalité-là. Vous avez innové dans votre
pratique. Il y a plusieurs corps policiers qu'on a reçus jusqu'à présent, donc
que ce soit Québec, Sherbrooke, Laval, qui font les choses intéressantes, qui
nous ont parlé de leurs pratiques intéressantes, et j'aimerais peut-être vous
entendre. Et dans votre mémoire, vous nous parlez notamment de cette réalité
notamment en parlant de l'escouade... l'Équipe intégrée de lutte contre le
proxénétisme, où il y a déjà une surcharge de travail, de plusieurs placés en
arrêt de travail, etc.
<Comment...
>Quelle serait votre vision pour une plus grande efficience des
différents corps policiers au niveau de la lutte, justement, contre
l'exploitation sexuelle des mineurs?
• (18 heures) •
M. Loiseau
(Daniel) : Je vous dirais que c'est sûr qu'un peu plus d'enquêteurs
pourraient aider la situation, des employés de soutien qui permettraient à ces
enquêteurs-là, justement, de pouvoir faire les expertises qui sont de plus en
plus exigeantes pour la divulgation de ces dossiers-là en 2019 et 2020...
18 h (version révisée)
M. Loiseau (Daniel) : ...la
situation, des employés de soutien qui permettraient à ces enquêteurs-là,
justement, de pouvoir faire les expertises qui sont de plus en plus exigeantes
pour la divulgation de ces dossiers-là, en 2019 et 2020.
Je vous dirais aussi... j'ai perdu mon
fil, là. La formation avec le programme des Survivantes, comme j'ai parlé... Moi,
personnellement, j'ai donné quelques formations par rapport à ça. Donc, il y a de
plus en plus de policiers, de plus en plus d'intervenants qui interagissent à
travers cette formation-là. Donc, je sais qu'il s'en est donné au SPVM, des
formations en rapport avec ce programme-là, où est-ce qu'il y a le volet des Survivantes,
il y a un volet enquête puis il y a une survivante qui vient à la fin pour
faire sa présentation. Bien, ça ouvre les idées de beaucoup de personnes, le
fait de comprendre, le fait de sensibiliser ces gens-là au phénomène.
Et puis ça fait en sorte que les policiers
sur la route, qui sont les premiers intervenants lors d'appels... des fois, ça
ne rentre pas nécessairement un appel au 9-1-1 que la fille, elle a été victime
de proxénétisme. La fille, elle a appelé le 9-1-1 parce qu'elle <a eu...
elle >vient de subir des voies de fait, elle se fait harceler, elle
reçoit des menaces. Tu sais, c'est tout le temps d'autres accusations, mais les
policiers, s'ils sont le moindrement un peu plus allumés sur comment décoder ce
genre de victime là, comment les approcher, les approcher plus humainement, les
approcher avec de l'empathie, être capables de détecter les signes, bien, ces
policiers-là vont être capable de prendre ces filles-là puis de les amener vers
les enquêteurs pour faire un dossier de proxénétisme au lieu de faire un
dossier de voie de fait, violence conjugale ou différents dossiers. Puis éventuellement
ça peut <devenir... ça peut >devenir un dossier de proxénétisme,
mais les premiers intervenants, c'est les policiers qui répondent aux appels 9-1-1,
qui sont sur les lieux.
M. Benjamin : Merci beaucoup,
inspecteur Loiseau.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Merci de votre contribution à nos travaux.
La commission suspend ses travaux jusqu'à
19 h 30. Merci.
(Suspension de la séance à 18 h 2)
19 h 30 (version révisée)
(Reprise à 19 h 32)
Le Président (M. Lafrenière) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission spéciale sur l'exploitation
sexuelle des mineurs reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes
dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
Nous poursuivons les consultations
particulières et auditions publiques de la Commission spéciale sur
l'exploitation sexuelle des mineurs. Ce soir, nous entendrons M. Michel
Dorais et la Direction de la protection de la jeunesse de la Capitale-Nationale.
Alors, M. Dorais, je vous laisse
faire votre exposé pendant 20 minutes. <Et par la suite... >Parce
que, là, je me rends compte que j'ai présenté deux groupes, mais c'est vous que
je présente seul, alors je vous laisse nous parler pendant 20 minutes. Et
par la suite il y aura une période d'échange avec les membres de la commission
pendant 25 minutes. M. Dorais, merci d'être là.
M. Dorais (Michel) :
Merci. Alors, M. le Président, Mme la vice-présidente, membres de la
commission, je suis honoré d'être parmi vous. J'avoue que j'ai écouté... Bien,
j'ai surtout lu ce matin ce que vous avez fait hier. J'ai lu, très
attentivement, et relu votre document de consultation, et c'est bien parti
parce que je pense que les enjeux sont bien cernés, et il était temps que ça se
fasse aussi. Alors, ça, c'est la bonne nouvelle dans ce sujet très dramatique
et terrible dont on va quand même parler.
Alors, ça fait 40 ans que je
travaille là-dessus. Alors, je vais vous donner un peu des idées qui me sont
venues en tête à travers le travail que j'ai fait. Moi, j'ai travaillé une
douzaine d'années, surtout en protection de la jeunesse, à partir des
années 70 — ça ne me rajeunit pas — mais ensuite comme
chercheur, comme professeur et aussi comme directeur scientifique pour des
programmes en prévention. J'ai travaillé, depuis une bonne quinzaine d'années,
beaucoup avec le Centre jeunesse de Québec pour développer des programmes de
formation en prévention pour les intervenants et les intervenantes. J'en
parlerai un petit peu plus tout à l'heure.
Alors, comme il me semble que les enjeux
sont très bien cernés déjà, je vais parler surtout de l'action à faire, surtout
de prévention, d'autant que c'est un peu ma spécialité. J'enseigne un cours,
notamment, qui s'appelle Prévention, à l'Université Laval. Alors, je
rappellerais qu'il y a trois types de prévention. Et on verra qu'en ce qui nous
concerne les trois sont très, très importants pour prévenir les dégâts que font
l'exploitation sexuelle et la prostitution chez les jeunes.
Alors, la première forme, évidemment, c'est
la prévention primaire, c'est d'agir avant que le problème n'arrive. Et ça, c'est
bien important parce que, si on peut faire en sorte qu'il y ait le moins de
jeunes filles et de jeunes hommes possible qui tombent dans ce filet-là, mieux
ça sera.
Le deuxième type de prévention, c'est la
prévention secondaire, c'est d'intervenir le plus rapidement possible avant que
la situation se détériore. C'est pour ça qu'il faut former, comme on le fait
notamment au Centre jeunesse de Québec, mais je laisserai les gens du centre
jeunesse en parler peut-être plus que moi, pour être capable de <détecter...
M. Dorais (Michel) :
...
type de prévention, c'est la prévention secondaire, c'est
d'intervenir le plus rapidement possible avant que la situation se détériore.
C'est pour ça qu'il faut former, comme on le fait notamment au Centre jeunesse
de Québec, mais je laisserai les gens du centre jeunesse en parler peut-être
plus que moi, pour être capable de >détecter les signes avant-coureurs
ou les premiers signes qu'un garçon ou qu'une fille est aux prises avec de
l'exploitation sexuelle. Dans les filles... surtout comme victimes, parfois
aussi comme complices, comme proxénètes. Et, pour les gars, ça peut être vraiment
les deux parce qu'il y a aussi des garçons mineurs, hein, qui se retrouvent
comme proxénètes. Il faut bien le dire.
Enfin, la prévention tertiaire, c'est de
faire en sorte qu'il n'y ait pas de récidive. Donc, que les victimes s'en
sortent, développent leur résilience, leur capacité d'agir sur leur propre vie,
c'est très important parce qu'il y a une perte, hein, de contrôle de leur vie,
chez les victimes. Et, d'autre part, bien, chez les auteurs d'exploitation,
mineurs ou majeurs, qu'il y ait de la désistance, c'est-à-dire arrêt d'agir, et
une certaine réhabilitation, il faut évidemment le souhaiter. On est dans une
société qui croit en la réhabilitation. Et surtout quand ce sont des jeunes qui
sont impliqués, je crois qu'il y a plus d'espoir encore.
Alors, évidemment, tous les jeunes sont à
risque. Il n'y a pas de... Je crois que des gens l'ont dit hier, et c'est vrai,
et on le verra tout à l'heure, il y a des facteurs de vulnérabilité qui sont
différents selon les classes sociales, évidemment, selon les âges, mais...
Comme l'exploitation sexuelle, c'est d'abord et avant tout un abus de pouvoir.
Tous les jeunes peuvent être victimes d'abus de pouvoir de la part d'autres
jeunes, en général un peu plus vieux, ou d'adultes. C'est la raison pour
laquelle il nous faut impérativement faire l'impossible pour renforcer tous les
facteurs de protection qui vont faire en sorte que le moins de jeunes possible,
et, idéalement, zéro jeune, tomberont dans ces filets-là et de minimiser les
facteurs de vulnérabilité, dont je parlerai à l'instant.
J'aimerais dire cependant avant... saluer
le fait que l'éducation sexuelle revient dans nos écoles cette année. C'est une
excellente nouvelle parce que plus les jeunes sont informés, moins ils sont
vulnérables. Les auteurs d'exploitation sexuelle tablent beaucoup sur
l'ignorance, sur la crédulité des jeunes, et plus on leur parlera de la
sexualité de façon positive — et parfois négative parce qu'il y a des
dangers, bien sûr, il y a les deux, on le sait, nous — bien, plus ils
seront armés et mieux armés pour affronter les gens qui essaient de les
entraîner dans des pistes, là, qui ne sont pas... qui vont leur porter
gravement préjudice. Je pense que toutes les victimes...
Vous savez, moi, <j'ai travaillé... >quand
j'étais travailleur social, mais aussi comme chercheur, j'en ai interviewé beaucoup,
beaucoup, beaucoup, de victimes. Je n'ai jamais vu une victime qui n'avait pas
de séquelles. Ça n'existe pas. Les séquelles sont variables, bien sûr, mais il
y en a toujours parce qu'être exploité sexuellement, ça s'apparente beaucoup à
du viol — c'est souvent du viol, d'ailleurs — à de
l'agression sexuelle. Et souvent c'est des agressions à répétition. Alors,
évidemment, ça laisse des traces terribles. Il faudra travailler là-dessus.
On pourra se demander comment se fait-il
qu'autant de jeunes se retrouvent piégés. Je veux dire, ça fait 40 ans que je
travaille là-dessus, ça n'a pas beaucoup changé. J'écoutais... Bon, quelqu'un a
dit hier : Le Québec, plaque tournante... bien, je disais ça il y a 40
ans. Ça n'a pas changé parce que les caractéristiques culturelles du Québec
sont encore les mêmes. Bon, c'est encore la même chose. Quand je travaillais
pour la DPJ, bon, au tout début des années 80, <on allait... >on
retrouvait des filles, là, dans les provinces de l'Ouest, et puis... Donc, ce
n'est pas nouveau, alors, mais on commence à connaître le profil.
Évidemment, qu'est-ce qui fait que des
jeunes sont plus vulnérables que d'autres? Bien, on le sait, dans certains cas,
il y a la pauvreté, le désoeuvrement des jeunes qui sont très vulnérables parce
qu'ils ne voient pas de possibilité de... Comment dirais-je? Ça va mal à
l'école. Dans la famille, parfois, il peut y avoir de la négligence, parfois
des abus aussi, soit physiques ou sexuels, alors des jeunes qui sont
désoeuvrés, on pourrait dire ça comme ça, et qui vont être plus facilement
entraînables, si j'ose dire, par des gens qui peuvent leur raconter toutes
sortes d'histoires en disant : Bien, viens, ta vie va être plus belle si
tu me suis.
• (19 h 40) •
Aussi, la faible estime de soi, ça, c'est
assez terrible à dire. Vous savez, j'ai écrit un ouvrage. J'ai fait une
recherche sur les filles dans la prostitution et j'ai fait un ouvrage aussi, à
peu près <dans...
M. Dorais (Michel) :
...
peuvent leur raconter toutes sortes d'histoires en disant :
Bien, viens, ta vie va être plus belle si tu me suis.
Aussi, la faible estime de soi,
ça, c'est assez terrible à dire. Vous savez, j'ai écrit un ouvrage... J'ai fait
une recherche sur les filles dans la prostitution et j'ai fait un ouvrage
aussi, à peu près >dans les mêmes années, sur <les garçons dans
la... >les jeunes garçons dans la prostitution, et beaucoup de filles se
prostituent par amour, aucun garçon ne se prostitue par amour. Dans un Québec
qui se veut égalitaire, c'est questionnant. C'est questionnant. Comment se
fait-il qu'encore aujourd'hui, là, en 2019, il y a des jeunes filles qui
pensent que c'est un signe d'amour si le petit ami proxénète — elle
ne l'appelle pas comme ça, mais c'est ce qu'il est en réalité — lui
dit : Bien, tu vas m'aider à gagner de l'argent, tu vas faire ça pour moi?
Comment ça se fait... autant de jeunes filles disent oui, alors qu'il n'y a jamais
de jeunes filles qui demandent ça et même d'autres garçons qui demandent ça à d'autres
garçons? Ça parle beaucoup de la condition des jeunes filles et ça veut dire qu'il
y a encore de l'éducation, notamment l'éducation sexuelle, je le répète, à
faire de ce côté-là parce qu'il y a un problème d'estime de soi. Penser que quelqu'un
peut nous demander de se prostituer par amour, c'est questionnant. <Ça ne
devrait pas... On devrait tout de suite... >Les jeunes devraient tout
de suite réagir en disant : Ça n'a pas de sens.
Évidemment, beaucoup de jeunes aussi <ont
déjà... >sont déjà poqués, comme on dit en bon québécois. Je
pense aux jeunes, bien, qu'on retrouve, oui, à la DPJ, des jeunes qui ont déjà
vécu toutes sortes de problèmes dans leur famille. Alors, c'est des jeunes qui
sont plus susceptibles d'être entraînés parce qu'effectivement présentant déjà
beaucoup de vulnérabilités. Et, même, j'irais plus loin que ça, beaucoup de
jeunes ont déjà des caractéristiques de sexualité traumatique ou
post-traumatique qu'ils ont vécue déjà dans l'enfance ou au début de
l'adolescence. Alors, ils ont déjà des scénarios de vie et certains réflexes,
je dirais, qui font en sorte que les agresseurs, les prédateurs, enfin,
appelons-les comme vous voulez, vont avoir plus de facilité à les manipuler
parce que ces jeunes-là ont déjà vécu ces choses-là, ont déjà été agressés, ont
déjà été victimes de prédation sexuelle, de manipulation à des fins d'agression
sexuelle.
Alors, évidemment, il y a plein d'autres
groupes vulnérables. Il y aura des spécialistes qui vont en parleront. Je
tenais à nommer ceux-là parce que c'est des groupes que j'ai beaucoup
rencontrés dans mon travail soit comme intervenant soit comme chercheur.
Il y a aussi une catégorie dont on ne
parle peut-être pas assez. J'en parlais dans mon ouvrage, ma recherche sur les
jeunes filles sous influence des gangs de rue, des jeunes filles qui pensent
que ça va être une belle aventure parce que les gangs de rue font beaucoup
accroire que c'est quelque chose qui peut être positif. Évidemment, on le sait,
nous, que ça ne l'est pas. Mais il y a encore des jeunes qui pensent que
d'entrer dans la prostitution, par exemple, ça peut être une aventure
intéressante, qu'ils vont rencontrer du monde, faire de l'argent, tout ça. On
sait bien qu'au bout de la ligne ce n'est n'est pas ce qui va arriver, mais il
y a encore des jeunes qui le croient.
Alors, il y a plusieurs pistes qui se
présentent à vous si on veut faire de la prévention pour ces jeunes-là,
notamment, et j'aimerais en parler de quelques-unes.
D'abord, la législation. Évidemment, il y
a des lois. Il y a des lois. On sait que beaucoup de crimes dont on parle, dont
vous avez parlé hier, dont on parle aujourd'hui, sont déjà punis par la loi. C'est
important. On n'améliorera jamais assez ces choses-là. Cela dit, il y a des
gens, il y a des auteurs d'agression, d'abus, de prédation sexuelle qui sont
plus ou moins imperméables à ça. Il y a des recherches qui
montrent — ça va plus loin — qu'il y a des gens qui vont
même érotiser l'interdit, que l'interdit par les lois, <ça rend la
chose... >ça peut rendre la chose, pour certaines personnes, hélas! plus
recherchée encore. Alors, c'est pour ça que la législation, c'est bien, mais ça
ne suffit pas pour tout le monde. Il faut aller plus loin que ça.
Il faut évidemment des changements organisationnels.
Pensez à tout le contrôle de l'accès à la pornographie, et tout ça, où il y a
des modèles qui ne sont pas toujours très plaisants là-dedans, bien, ça peut
être une bonne chose aussi. Ça, c'est l'organisation de la société, hein? On
dit : Bien, la pornographie, ça existe, oui, pour les adultes consentants,
pleinement consentants, soit comme consommateurs soit comme acteurs ou actrices
là-dedans. Alors, il faut veiller à ça parce que les messages qui sont
véhiculés dans ce matériel-là, disons que... encouragent beaucoup des choses
comme la prédation et l'exploitation sexuelle.
Alors, le partenariat, la concertation
entre les intervenants, c'est très, très, très important. J'ai eu la chance de
le <vivre...
M. Dorais (Michel) :
...là-dedans. Alors, il faut veiller à ça
parce que les messages qui
sont véhiculés dans ce matériel-là, disons que... encouragent
beaucoup
des choses comme la prédation et l'exploitation sexuelle.
Alors, le partenariat, la concertation
entre les intervenants, c'est
très, très, très important. J'ai eu la
chance de le >vivre avec les gens de la protection de la jeunesse dans
la région de Québec, les policiers autant que les gens de la DPJ, tout ça. Et
c'est important parce que, quand on se parle entre nous et qu'on surveille un
coin de la ville ou qu'on surveille certaines activités, tout ça, aussitôt
qu'il y a une petite manifestation, une petite cloche qui sonne, là, on
intervient très rapidement.
Moi, j'avoue que j'ai un respect immense
pour les gens de la table de concertation de Québec sur l'exploitation sexuelle
et la prostitution juvénile parce que c'est des gens qui se réunissent très
souvent en dehors de leurs heures de travail, quand ils n'ont pas le temps,
pour échanger de l'information, développer des meilleures interventions. Moi,
j'ai travaillé avec eux pour développer, par exemple, des meilleurs programmes
en formation. Et il y a beaucoup de choses à gagner là-dedans parce que le
crime organisé, notamment, qui exploite beaucoup les jeunes filles, table
beaucoup sur l'ignorance non seulement des filles, mais aussi des intervenants,
des intervenantes. C'est pour ça qu'aussi les intervenants, les intervenantes,
on doit être outillés, on doit être bien armés. On doit comprendre ce qui se
passe et intervenir le plus rapidement possible. Mais, pour ce faire, il faut
se parler entre nous.
Alors, il faut développer des
connaissances, des habiletés nouvelles et chez les intervenants, et chez les
jeunes, et aussi chez les prédateurs, parce que pensez bien que les prédateurs,
là, commencent leur carrière très, très tôt. Il est très rare que les auteurs
d'agression, d'exploitation sexuelle vont commencer très âgés. Ça commence à
l'adolescence. Alors, c'est pour ça qu'il faut intervenir très, très vite, au
tout début de la vie adulte. Il faut intervenir. Il faut que ces hommes-là... Je
dis les hommes, il y a des femmes, je le sais, mais c'est surtout des hommes en
très grande majorité... doivent apprendre à gérer leur sexualité et la gérer
autrement.
Vous savez, toute cette idée qu'on voit
beaucoup, c'est pour ça que l'éducation sexuelle est tellement importante, <qu'on
voit beaucoup >dans les médias sociaux, dans certains ouvrages, et tout
ça, que la sexualité, c'est plus fort que soi, là, d'abord, ce n'est pas vrai.
Chacun, chacune doit gérer sa sexualité. Et, quand je faisais de la
consultation, ça, c'est un discours que vous entendez beaucoup chez les
prédateurs, qui vont vous dire... c'était plus fort qu'eux autres, et tout ça.
La sexualité n'est jamais plus forte que soi. Chacun, chacune doit apprendre, jeune
ou adulte, et plus vite on l'apprend, mieux c'est. Mais les prédateurs, jeunes
ou moins jeunes, qui ont commencé doivent apprendre ça.
Et aussi, bien, les intervenants, je le disais
à l'instant, doivent être bien formés pour mieux agir quand des jeunes sont en
danger, pour mieux prévenir et aussi pour mieux aider les jeunes ou moins
jeunes prédateurs parce que, là aussi, il y a de l'intervention à faire. Au
centre jeunesse, on a écrit trois guides de prévention, dont vous trouverez les
titres, là, parce que le temps passe. Il me reste trois ou quatre minutes et je
veux les utiliser à bon escient en parlant aussi des campagnes de prévention. C'est
très important parce qu'on ne sait pas d'avance qui va être prédateur, ou
agresseur, ou auteur d'exploitation. Alors, il faut s'adresser à la société en
général, notamment, et en particulier, je dirais, à la population masculine
parce que c'est de ce côté-là que viennent les prédateurs... et qui nous
rappelle que l'éducation sexuelle, ça doit se faire à tous les âges de la vie parce
que c'est un processus continu. Et, si on veut que les gens apprennent à gérer
leur sexualité dans le respect d'eux-mêmes, des autres et des lois, bien, il
faut des messages qui le rappellent, notamment par des campagnes sociétales.
Alors, il y a un petit schéma qui est dans les dernières pages dans mon petit
texte de ce soir.
• (19 h 50) •
Et j'aimerais terminer <avec... >en
faisant deux constatations. La première, c'est qu'il faut développer des
alternatives. Vous savez, la nature a horreur du vide. Les jeunes qui sont
attirés par la prostitution, par toutes sortes de façons d'être exploités,
pensant qu'ils vont y trouver leur compte, on a besoin de leur proposer autre
chose. C'est qu'ils pensent trouver des solutions là, mais il n'y a pas de
solution là. Mais il y a des solutions ailleurs.
C'est la même chose pour les prédateurs.
Comment se fait-il que des jeunes ou moins jeunes se tournent vers des mineurs
pour satisfaire leur sexualité? Bien, quand je faisais de la consultation, les
gens disaient : Oui, mais les gens vont vous dire qu'ils ont droit à leur
sexualité. Ils ont droit à une sexualité qui respecte les autres. C'est
important. Oui, tout le monde a droit à sa sexualité, mais une sexualité qui
n'abuse personne, qui n'agresse personne. C'est pour ça que je parle de gestion
de la sexualité à tous les âges de la vie. C'est très important. Et c'est pour
ça qu'il faut <penser...
M. Dorais (Michel) :
...
les gens vont vous dire qu'ils ont droit à leur sexualité. Ils ont droit à une
sexualité qui respecte les autres. C'est important. Oui, tout le monde a droit
à sa sexualité, mais une sexualité qui n'abuse personne, qui n'agresse
personne. C'est pour ça que je parle de gestion de la sexualité à tous les âges
de la vie. C'est très important. Et c'est pour ça qu'il faut >penser à
donner et à redonner, surtout aux victimes qui le sont déjà, du pouvoir sur leur
vie. Ça, c'est important. Je sais qu'hier des gens l'ont dit et ont insisté
là-dessus. C'est essentiel, il faut absolument que, lorsqu'une fille ou un gars
veut sortir de la prostitution, tout de suite, on sache à qui demander de
l'aide, qu'il y ait une main tendue, et, très souvent, parce que... Vous savez,
le petit moment, là, où le déclic se fait, de dire : Woups! Là, dans quoi
je suis embarqué?, c'est le temps de demander l'aide, là. Il faut que l'aide,
là, soit là, et qu'on n'ait pas besoin de la chercher.
Il faut aussi que les prédateurs
potentiels, ou qui existent déjà, ou virtuels puissent savoir où demander de
l'aide. Il y a beaucoup de gars qui sont mal pris et qui auraient besoin d'être
aidés justement avant de tomber dans la prédation activement. Alors, il faut
penser des deux côtés parce que la prévention ne saurait reposer que sur les
frêles épaules des victimes. Les dégâts se font par les prédateurs. Alors, la
prévention, on doit penser à eux autres aussi. On doit penser qu'on aimerait
tellement avoir une société qui n'ait pas de prédation sexuelle. Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup, M. Dorais. On va maintenant passer à la période d'échange
avec les membres de la commission pour 25 minutes en débutant avec la
députée de l'Acadie.
Mme
St-Pierre
: Merci,
M. le Président. Merci beaucoup. C'est vraiment éclairant et c'est très
intéressant parce que vous m'aidez, je dois le dire, dans mon travail de
députée. J'ai une circonscription où il y a beaucoup de communautés culturelles,
et plusieurs sont très réfractaires aux cours d'éducation sexuelle, et je cherche
souvent des arguments. Et, même, dans une visite dans une école, à un moment
donné, c'est les enfants... évidemment, les parents avaient dit aux enfants :
Pose-lui la question que... pourquoi les cours d'éducation sexuelle? Et je
parlais du respect de l'autre. Mais là vous venez de me donner un argument
vraiment, vraiment important pour expliquer qu'on peut, par ces cours
d'éducation sexuelle, prévenir l'exploitation des mineures, et ça, c'est...
Merci. Merci de me donner cet outil-là parce qu'à un moment donné on n'a plus
d'arguments face à ça. Alors, merci de me donner ça.
Je voulais vous poser la question... On a
parlé de l'IVAC aujourd'hui, et je pense qu'il faut continuer à en parler parce
qu'il y a quelque chose d'absolument incroyable, de voir qu'on ne peut pas se
déclarer victime si on a affaire à un proxénète. Donc, vous nous dites que
l'IVAC n'offre pas de soutien aux victimes, vous le dites vous aussi. Est-ce
que vous nous faites la recommandation qu'il serait urgent d'avoir un
changement législatif et peut-être même ne pas attendre la fin de notre mandat?
M. Dorais (Michel) : Ah! oui,
oui, absolument.
Mme
St-Pierre
:
Parlez-nous de ça. Comment vous l'avez vécu et comment vous l'avez vu? Ça fait
40 ans que vous êtes dans ce domaine et que vous avez observé des choses.
M. Dorais (Michel) : Oui. Les
victimes souffrent. Et c'est sûr que ça coûte de l'argent, aider les victimes,
mais c'est de l'argent bien placé parce qu'on sauve des vies. Une vie n'a pas
de prix. Et parfois d'avoir quelques consultations, d'avoir ne serait-ce que...
Vous savez, quand une jeune personne se présente à l'IVAC et puis qu'on lui
ferme la porte, on est en train de lui dire que ce tu as vécu, ce n'est pas
grave, c'est banal. On s'en fiche un peu. Moi, j'en ai vu, des gens qui se sont
fait claquer la porte comme ça, là, et ça les a... C'est comme une deuxième
agression. Comme société, on devrait s'assurer que les mesures... C'est une
bonne mesure, l'IVAC, là. Je ne suis pas en train de dire ce n'est pas une
bonne... C'est une bonne mesure.
Mme
St-Pierre
:
Moi aussi, je trouve que c'est un bon programme.
M. Dorais (Michel) : Mais il
faudrait s'assurer que, quand on développe une mesure comme ça, que c'est une
mesure où on va recevoir les gens avec empathie, où on va traiter les gens
humainement et on va faire tout non pas pour leur fermer la porte parce qu'il
faut économiser de l'argent parce qu'on économise de l'argent sur le dos de la
qualité de vie minimale de gens qui ont souffert le martyre, qui ont été violés
à répétition, et tout ça. Et ça n'a pas de sens, leur envoyer le message que
c'est comme si de rien n'était : Oublie ça, on tourne la page. Je ne vous
dis pas que ça a été pensé méchamment, et tout ça, mais il faut changer ça et,
je suis d'accord avec vous, urgemment parce que le message qu'on envoie est un
message incohérent et qui manque beaucoup, beaucoup d'empathie, pour dire le
moins.
Mme
St-Pierre
:
Alors, on va retenir le message. Vous avez dit : Québec, plaque tournante...
Il y a 40 ans, au début de votre travail, au début de votre profession,
vous <constatiez...
M. Dorais (Michel) :
...qu'on envoie est un message incohérent et qui manque
beaucoup,
beaucoup d'empathie, pour dire le moins.
Mme
St-Pierre
:
Alors, on va retenir le message. Vous avez dit : Québec, plaque
tournante... Il y a 40 ans, au début de votre travail, au début de votre
profession, vous >constatiez ça aussi. C'est quoi, l'attirance d'aller
vers l'Ouest du Canada et de se dire quoi, la vie va être meilleure là-bas, je
vais être mieux payée là-bas, ou si c'est forcé par le proxénète, de les amener
là-bas?
M. Dorais (Michel) : ...parce
que, surtout, c'est pour les jeunes filles, que la fille perde ses repères sur
le plan linguistique, tout d'abord. En particulier, à Québec, hein, les filles
sont censées être moins bilingues qu'à Montréal.
Mme
St-Pierre
:
Donc, ça, c'est classique, là.
M. Dorais (Michel) : La
famille est loin. Donc, rejoindre les amis, la famille, c'est plus compliqué, plus
loin. Elles sont plus... pour demander de l'aide parce qu'à un moment donné presque
toutes les filles dans cette situation-là, à un moment donné, vont dire :
Aïe! Là, j'ai besoin d'aide, ça n'a pas de bon sens. Mais, si elles sont à
1 000, 2 000 kilomètres, c'est pas mal plus compliqué soit au
Canada anglais, ou aux États-Unis, ou même ailleurs. Alors, c'est pour ça qu'on
les envoie loin. Et effectivement la barrière linguistique accentue cette
difficulté pour elles de pouvoir s'en sortir, effectivement.
Mme
St-Pierre
:
Une dernière courte question. Vous avez parlé de la relation du garçon par
rapport... à sa relation avec son client abuseur, la relation de la fille avec
son proxénète ou le garçon avec son proxénète. Dans ce que vous avez vu dans le
passé, <est-ce que... comment... >c'est quoi, la différence entre le
garçon puis la fille? La fille, ce qu'on comprend, c'est qu'elle est en amour
par dessus la tête avec son proxénète. Le garçon, lui, c'est quoi, c'est une
relation d'affaires?
M. Dorais (Michel) :
Oui. Les garçons sont moins organisés par le crime organisé, petit ou grand,
là, par les gangs de rue, notamment. Je ne dis pas qu'il n'y en a pas, mais c'est
beaucoup moins courant. La prostitution organisée des garçons, c'est plutôt
chez les très jeunes. On parle vraiment de prostitution de nature pédophile,
là, hein? Quand je dis très jeune, là, c'est 14 ans et moins, là...
Mme
St-Pierre
:
Jeune.
M. Dorais (Michel) :
...alors qu'à partir de 14 ans les gars ont tendance à être plus ou moins
autonomes. Ils peuvent être un petit groupe de jeunes, là, qui s'échangent des
clients, tout ça, mais, traditionnellement, il y a moins de mainmise par les
gangs de rue ou le crime organisé. Ça ne veut pas dire qu'il n'y en a pas, mais
on a moins observé d'organisation systématique. Et c'est pour ça que les gars
ne peuvent pas forcément s'en sortir...
Mme
St-Pierre
:
Plus facilement.
M. Dorais (Michel) : ...plus
facilement, cela dit, parce que la dépendance peut être pas par amour, mais
peut être à la drogue, aux drogues dures, tout ça. Vous savez, la dépendance,
oui, il y a l'amour, mais il y a la drogue. Il y a des liens, toutes sortes de
liens qui peuvent être pas sexuels, mais affectifs. Il y a des gars, moi, qui
m'ont dit que le milieu de la prostitution, c'était leur deuxième famille
tellement que ça allait mal dans leur famille. Ils savaient que ce n'était pas
une bonne place pour eux autres, mais ils disaient : C'est encore mieux
que chez nous, c'était pire.
Alors donc, il y a bien des motifs. Mais
la carrière des gars, en moyenne, tend à être moins longue que celle des jeunes
filles. Mais ça tend à changer aussi parce que, justement, avec les nouvelles
technologies, et tout ça, on voit qu'il y a des gars maintenant qui
s'annoncent, et tout ça, là, parce que presque tous les jeunes commencent
mineurs, hein? C'est très rare, les gens dans la prostitution adulte qui ont
commencé adulte. Je ne dis pas que ça n'existe pas, mais ce n'est pas la
majorité. La majorité ont commencé mineurs, alors, et ça serait mieux de les en
sortir à ce moment-là, et puis même qu'ils ne tombent pas à ce moment-là.
Mais, oui, il y a des profils différents.
C'est pour ça qu'au centre jeunesse on a fait deux formations différentes, une
pour les filles et une pour les garçons, sans compter que les garçons, une
certaine proportion, pas tous, heureusement, mais une petite portion de ceux
qui ont déjà été exploités, en vieillissant, vont comme adopter comme stratégie
de sortie, là, de devenir exploiteurs à leur tour, de devenir proxénètes. Il y
a des filles qui le font aussi, pour s'en sortir, vont comme inverser la
médaille, si j'ose dire, et vont devenir proxénètes. C'est des choses qu'on
peut voir.
Mme
St-Pierre
:
Merci beaucoup.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci. La députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.
Mme Foster : Merci pour
votre présentation. C'est fort intéressant, fort instructif. J'aurai deux
questions qui concerneront les hommes, principalement. Je pense que souvent on
parle... bon, comment prévenir chez la femme, chez la jeune femme, bon, comment
faire la prévention dans les écoles, s'assurer qu'elles ne tombent pas dans les
réseaux, et tout ça. Ça, c'est une chose. Moi, ce qui m'intéresse davantage,
parce que vous êtes en criminologie, je veux...
M. Dorais (Michel) : En
travail social.
Mme Foster : Oui, travail
social, mais vous êtes aussi dans l'école de criminologie, O.K.?
M. Dorais (Michel) : Un
peu, mais plus en travail social.
• (20 heures) •
Mme Foster : Mais, quand
même, vous baignez dedans. À l'université, vous devez baigner dedans un peu.
Peu importe, service social ou...
20 h (version révisée)
Mme Foster : ...dans les
écoles, s'assurer qu'elles ne tombent pas dans les réseaux, et tout ça. Ça, c'est
une chose. Moi, ce qui m'intéresse davantage, parce que vous êtes en criminologie,
je veux...
M. Dorais (Michel) : En
travail social.
Mme Foster : Oui, travail
social. Bien, vous êtes aussi dans l'école de criminologie. O.K. Mais quand
même.
M. Dorais (Michel) : Un peu,
mais plus en travail social.
Mme Foster : C'est ça, vous
baignez dedans. À l'université, vous devez baigner dedans un peu. Peu importe,
service social ou crimino, je pense qu'on peut aussi aborder la question. Moi,
je l'aborderai sous deux angles. Premièrement, il y a des gens qui sont venus
nous dire, ici, dans cette commission : Il faut changer les mentalités
parce que, si on ne change pas les mentalités complètement, on n'y arrivera
pas, on n'y arrivera pas sans les hommes. Il faut qu'il y ait un changement de
mentalité également qui s'opère chez les hommes dans la façon de voir la
masculinité. Vous avez parlé également des cours d'éducation sexuelle, qui <est
une... >font certainement une partie, là, de la solution.
On a vu à Edmonton, entre autres, il y a
une campagne... il y avait des campagnes de publicités-chocs, là, un peu
partout dans les métros, peu importe, les aéroports, ils disaient : Et si
c'était ta fille? ou, tu sais, de dénoncer un John, là, c'est-à-dire un homme
qui a recours à des services. Est-ce que vous pensez que ça pourrait être une
voie à adopter que de faire... de ce type de campagne-choc là?
M. Dorais (Michel) : Bien
sûr. On a failli en avoir une dans la ville de Québec il y a quelques années.
Ça ne s'est pas fait parce qu'on n'a pas trouvé de financement. Mais, bien sûr,
il faut faire des choses comme ça et il faut s'adresser à tous les hommes et le
plus tôt possible. Parce que le pli, si j'oserais dire, le mauvais pli, là,
peut être pris très, très tôt, comme, j'ai dit. Les gars qui vont devenir
prédateurs ou exploiteurs, là, ils vont commencer très jeunes. Et c'est pour ça
qu'il faut s'adresser à tout le monde mais surtout aux jeunes.
Et pensez, l'éducation sexuelle, c'est
important, mais de cinq à 15 heures par années, là, vous ne changerez pas
des mentalités avec ça. C'est un point de départ, c'est une façon de commencer
à en parler, bien sûr. Mais il faut faire plus que ça. Moi, je pense que oui,
assurément, il faut des campagnes sociétales, c'est très, très important. Parce
que la campagne sociétale aussi mobilise une société dans son entièreté, donne
le message : Regardez, nous autres, comme société québécoise, là, cette
chose-là, on pense que c'est important, puis on a un message collectif, puis on
pense qu'il faut tous lancer ce message-là.
Parce qu'il y a beaucoup de complicité du
silence, hein, autour de l'exploitation sexuelle, hein? Je sais qu'il y a des
gens qui ont parlé, bon, des motels, de toutes sortes d'endroits, et tout ça.
Il faudrait être plus vigilant quand on est témoin. Il y a plein de gens qui
hésitent, ils disent : Ce n'est pas de mes affaires, et tout ça. Bien, non.
Non. C'est de tes affaires. Tous les jeunes Québécois sont nos enfants, alors
il faut les défendre et les protéger comme nos enfants. Et, oui, il faut lancer
ça, mais il faut des messages-chocs comme... Il faut toutes sortes de messages.
Je pense qu'une campagne ne changera pas à elle seule les mentalités.
Mais, vous savez, moi, j'enseigne la
prévention, et on dit toujours que, si vous avez plusieurs véhicules, plusieurs
façons d'atteindre les gens... Parce qu'il y a des choses qui vont marcher,
chez certains segments de la population, qui ne marcheront pas chez d'autres,
et puis, si vous visez les jeunes, il y a certains types de messages qui vont
marcher qui ne sont pas les mêmes avec les adultes. Mais il y a des gens qui
sont spécialisés là-dedans, mais... Et, oui, assurément, il faut aller
notamment de ce côté-là. Ce n'est pas la solution, mais c'est un morceau de la
solution. C'est pour ça que je tenais à en parler.
Mme Foster : Prochaine
question, sur les proxénètes. Je lis dans votre mémoire : «Plusieurs
jeunes quittent les gangs de rue et la prostitution lorsqu'ils se rendent
compte que ce qui semblait être une solution est devenu un problème. Que ce
soit du côté des proxénètes ou des victimes, la motivation à demander ou à
accepter de l'aide <devient... >provient presque toujours d'un
relatif constat d'échec.» Donc, un jeune qui était devenu proxénète pour se
sentir «king», bien, il se rend compte, après avoir été arrêté, qu'il est plus
contraint que jamais. J'aime beaucoup l'exemple. Mais dans vos recherches,
est-ce que vous avez exploré ça, les motivations des proxénètes...
M. Dorais (Michel) : Bien,
oui.
Mme Foster : Parce qu'on a
parlé du client abuseur, mais...
M. Dorais (Michel) : C'est
difficile rencontrer des proxénètes. Quand j'avais fait mon enquête sur les
jeunes filles, j'avais mis des messages... enfin, on cherchait surtout des
parents et des jeunes filles, mais on a trouvé deux proxénètes qui ont
accepté... repentis, je pense, qui ne l'étaient plus à ce moment-là, mais qui
avaient été proxénètes et qui ont accepté de... Je ne les ai pas vus en
personne, ça a été une fois au téléphone, une fois par... Et puis ça semblait
crédible, là, ce n'était pas des gens qui me faisaient marcher. Et puis, bien,
oui, eux autres... Bien, il y a des prises de conscience et puis, oui, les...
Personne n'est condamné à être proxénète, pas plus que victime. Alors, il y a
des prises de conscience qui doivent se prendre, et c'est pour ça qu'il faut, à
un moment donné, brasser les choses pour qu'il y ait des...
Parce qu'effectivement la prostitution,
puisqu'on parle de ça, c'est toujours vu, autant par les victimes qui vont se
laisser entraîner, comme une solution, en disant : Bien oui, je vais faire
de l'argent. Si sa petite amie est proxénète : Il va m'aimer plus, etc., je
vais vivre une belle aventure, etc. On sait que ce n'est pas ça. Mais <avant...
M. Dorais (Michel) :
...
Parce qu'effectivement la prostitution, puisqu'on parle de ça, c'est
toujours vu, autant par les victimes qui vont se laisser entraîner, comme une
solution, en disant : Bien oui, je vais faire de l'argent. Si sa petite
amie est proxénète : Il va m'aimer plus, etc., je vais vivre une belle
aventure, etc. On sait que ce n'est pas ça. Mais >avant qu'ils
s'aperçoivent que ce n'est pas ça, ça peut prendre des mois, des semaines et
parfois des années et puis d'avoir été détruit, pendant ce temps-là, alors... Mais
c'est pour ça que, quand le déclic va se faire, et il finit très souvent par se
faire, il faut qu'on sache à quelle porte cogner, il faut qu'il y ait une main
secourable. Si on a coupé tous les ponts avec sa famille, avec les
intervenants, les intervenantes, tout ça, il n'y a plus rien à faire.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Députée de Gaspé.
Mme Perry Mélançon : Merci, M.
le Président. Tout ça est très intéressant. Vous parlez beaucoup de s'attaquer
au problème en amont, de la prévention, sensibilisation. On voit que vous êtes
vraiment un expert en la matière. Bref, c'est très intéressant.
Vous avez quand même dit quelque chose,
par rapport aux jeunes filles, qui m'a marqué : Ça comble un vide. Dans le
fond, elles font ça parce qu'il faut... bien, pour s'occuper, pour certaines
d'entre elles, et vous avez dit qu'il fallait trouver des solutions ailleurs,
leur proposer autre chose. Vous avez juste effleuré rapidement le sujet.
M. Dorais (Michel) : Oui,
oui, oui. Parce que les gens qui sortent de ce milieu-là ont beaucoup souffert,
mais ils vont presque toujours vous dire qu'il y avait quelque chose qui les
retenait. Alors, cette chose-là qui les retenait, il ne faut pas que... comment
je dirais, que ce crochet-là les raccroche encore, hein? Ça peut être un
semblant d'amour, ça peut être de l'argent, de la fausse valorisation, mais
quand même. Alors, c'est pour ça qu'il faut, tu sais, un retour... il faut des
projets de vie, tu sais?
Il y a des jeunes, moi, qui m'ont dit :
Écoute, je ne sais rien faire d'autre que ça. Bien oui, mais il faut que tu les
raccroches quelque part. L'école, le travail, écoute, ça peut être, je ne sais
pas... Des fois, c'est des petites choses, hein, apprendre la musique... Quand
j'étais intervenant social, mon patron me disait : Il me semble que, dans
ton équipe, on dépense beaucoup. Bien, j'ai dit : Oui, parce que si
acheter une guitare ça peut faire qu'on peut sauver la vie de quelqu'un, ça lui
donne une raison de vivre. Vous savez, trouver quelque chose qui te rattache à
la vie, qui donne un sens à ta vie, ça peut être un projet, mais ça peut être
d'apprendre quelque chose, de découvrir quelque chose. Ça peut être, oui,
d'écrire, de faire de la peinture, de faire de la boxe, apprendre la guitare,
tout ça.
On oublie trop souvent, dans... Moi, <j'ai
travaillé, >je ne parle pas contre les centres jeunesse, loin de là, là,
j'ai travaillé là et avec eux autres, mais on oublie souvent que les jeunes qui
ont des problèmes, c'est aussi du vrai monde. Il ne faut pas seulement
travailler sur le problème, il faut travailler sur des projets positifs, des
choses qui vont permettre de développer, de construire leur résilience, leur
capacité d'agir, d'avoir du pouvoir et d'avoir le sentiment d'avoir du pouvoir
sur leur vie. Et ça, c'est très important. Alors, c'est pour ça qu'il faut
développer des alternatives positives, des projets pour les jeunes.
Et ça, je trouve qu'on l'oublie trop
souvent. On dit : Ah! ils sont poqués, on va... Oui, c'est vrai, il faut
guérir leurs blessures. Mais, guérir la blessure... Et c'est ça, le concept de
résilience, hein? C'est que, pour guérir tes blessures, il faut que tu aies des
choses, aussi, positives dans ta vie. Ce n'est pas nier le passé, au contraire,
tu es condamné à vivre avec, de toute façon. Mais c'est d'aller vers l'avant,
de dire : Bien oui, je vaux quelque chose, moi, je suis capable de faire
quelque chose, je suis capable d'être valorisé pour autre chose que du sexe,
ou... bon. C'est très important, ça, et les jeunes nous le disent. Peut-être
pas de la façon dont je vous le dis, mais ça revient pas mal à ça.
Mme Perry Mélançon : Oui, puis
il y en a même... bien, il y en plusieurs, même, qui décident de se consacrer à
cette cause-là, dont le programme Les Survivantes.
M. Dorais (Michel) :
Absolument. Absolument. Oui, oui, oui.
Mme Perry Mélançon : C'est des
gens qui ont décidé de prendre la cause puis c'est un peu comme ça qu'ils s'en sont
sortis, donc.
M. Dorais (Michel) : Qui
deviennent... Et c'est un beau modèle de résilience, ça, de réussir à s'en
sortir et d'être à ce point... d'être capable d'aider d'autres par la suite.
Mme Perry Mélançon : Donc, un
programme comme ça devrait...
M. Dorais (Michel) : Bon,
tout le monde n'est pas appelé à ça, mais l'important, c'est d'avoir des
projets, des projets. Il faut investir dans ces jeunes-là, qui ont de la
valeur. Parce qu'on a essayé de les détruire en leur disant qu'ils ne valaient
rien d'autre que du sexe, et ça n'a pas de sens. Il faut, comme société, être
capables de leur dire : Tu as de la valeur. Mais il faut <trouver...
il faut >développer leurs talents, il faut trouver leur...
Moi, je disais toujours... je raconte ça
dans un de mes ouvrages, je leur demandais : As-tu un rêve? Et il y a
plusieurs jeunes qui m'ont dit : Tu sais, quand on a vécu ce que j'ai
vécu, des rêves, on n'en a plus, on n'en a pas. Et des fois, là, ça me prenait
des semaines, des mois : Non, tu vas me trouver un rêve mais un rêve que
tu avais quand tu étais petite, quand tu étais petit. Ils finissent toujours
par vous en trouver un. Bien, ce rêve-là, là, arrangez-vous qu'il s'accroche
après.
• (20 h 10) •
J'avais un jeune homme — c'est
une histoire vraie — qui avait dit : Moi, je rêverais de faire
du cheval, tout ça. Trouver un cheval, là, quand vous êtes à la DPJ, ce n'est
pas facile. Mais savez-vous qu'on en a trouvé un et que le jeune homme, un
petit bout de temps après, il a été faire de <l'équitation...
M. Dorais (Michel) :
...
Bien, ce rêve-là, là, arrangez-vous qu'il s'accroche après.
J'avais un jeune
homme — c'est une histoire vraie — qui avait dit :
Moi, je rêverais de faire du cheval, tout ça. Trouver un cheval, là, quand vous
êtes à la DPJV, ce n'est pas facile. Mais savez-vous qu'on en a trouvé un et
que le jeune homme, un petit bout de temps après, il a été faire de >l'équitation?
Et ce petit gars-là qui ne disait pas un mot, pas un mot, qui ne voulait rien
savoir des intervenants, en revenant, il a fait quelque chose et puis il s'en
est bien sorti, je dois dire.
Il faut les raccrocher à des choses
positives pour leur montrer que cette société-là, ce n'est pas seulement des
exploiteurs. Il y a du monde, oui, qui vont croire en eux, qui vont leur donner
la possibilité, comme on veut tous faire, là, de se développer, de développer
nos talents, de réaliser nos rêves. Puis le rêve, là, ce n'est pas des affaires
démesurées. C'est des tout petits rêves. Mais il faut les aider à les réaliser.
Parce que ce qu'ils ont vécu dans la prédation sexuelle a tué leur personne et
a tué leur rêve. Il faut aider à ressusciter ça. C'est la seule façon de
ressusciter la vie en eux, hélas. Bien, hélas... Et, en même temps, c'est une
bonne nouvelle parce que c'est un beau défi pour des intervenants et des
intervenantes.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. On va tenter un défi de répondre à deux questions en six
minutes qui nous restent. Députée de Les Plaines.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Merci beaucoup, M. le Président. Je vais aller rapidement parce que de toute
façon les principales questions que j'avais en tête ont été répondues. On
parlait de plaque tournante, j'avais cette question-là. L'IVAC aussi.
Vous avez dit plusieurs vérités, plusieurs
pistes de solution aussi. J'oserais même dire que c'était rafraîchissant. Merci,
c'était rafraîchissant. Ça donne de l'espoir à tout le moins.
Je vais m'arrêter rapidement à ce
moment-là sur une des... quand vous parlez des mesures et des changements
organisationnels. Parlez-nous-en juste un petit peu plus. <Est-ce
qu'il y a... >Tu sais, on parle de pédophilie pour les jeunes, on parle
pour les adultes, à ce moment-là, plus de prostitution, et tout ça, mais, entre
les deux, on a cette partie-là qu'on veut...
M. Dorais (Michel) : Où
il y a une grande vulnérabilité.
Mme Lecours (Les Plaines) : Oui.
M. Dorais (Michel) : On
le sait qu'entre les jeunes qui sortent, là, des centres jeunesse... Tu sais,
notre système, là, il y a un système pour aider les moins de 18, les plus que
18. Mais, quand tu es proche de 18 et un peu après, là, tu es comme dans les
limbes. Et il y a beaucoup de jeunes qui tombent dans toutes sortes de
mauvaises mains à ce moment-là parce qu'ils ne savent plus trop quoi faire de
leur vie et qu'ils sont complètement désoeuvrés et désespérés. Ça ne devrait
pas arriver, ça.
Il faut s'assurer qu'il y ait une
continuité dans l'offre de services parce que, justement, il faut les
accompagner. Ces jeunes-là qui ont été amochés et parfois même, j'oserais dire,
quasi détruits dans l'exploitation sexuelle, dans la prostitution, ont besoin
de tuteurs de résilience, qu'on appelle dans notre jargon, de gens pour les
accompagner, les soutenir, tout ça. Il a besoin de continuité. Tu sais, moi,
j'ai vu des jeunes qui avaient changé d'intervenant social 30 fois. C'est
sûr que c'est difficile. Ces jeunes-là ont besoin de rencontrer des êtres
humains en qui ils ont confiance.
Puis, vous savez, là, ils ont perdu
confiance en l'humanité tout entière. Alors, qu'ils vous fassent confiance à
vous, là, ce n'est pas évident. Ça prend du temps, des semaines, voire des
mois. Si tu changes d'intervenante, d'intervenant, à ce moment-là, ça n'a pas
de sens. Ils ont et elles ont besoin impérativement d'une grande continuité
dans les services puis pas juste dans les services, parce que c'est plus qu'un
service, dans les relations humaines significatives qu'ils et qu'elles ont. Ça,
c'est très important parce que, justement, elles ont été exploitées dans un
milieu où il n'y avait aucune humanité.
Alors, on a besoin, comme alternative — je
parlais d'alternatives tantôt — d'avoir un milieu, justement, qui se
démarque par ce surplus d'humanité là. C'est un défi, mais il faut le relever. Parce
que ceux qui s'en sortent, ce qu'ils et qu'elles nous racontent, c'est que ça a
été ça, en général, c'est un intervenant, une intervenante... Ils vont dire :
Oui, cette policière-là, là, ayoye! elle m'a tellement aidé, j'avais tellement
confiance en elle, ou : Mon travailleur social, c'est... enfin, je me
sentais compris. Il y a toujours une personne qui va être un tuteur de
résilience, comme ça, qu'il va dire : Oui, cette personne-là, elle m'a
donné espoir en l'humanité. Mais encore faut-il qu'il y en ait un, qu'il y en
ait une. C'est important.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci. Ça va
être une seule question assez rapide. Merci pour votre présentation. Une
personne qui vous a précédé aujourd'hui, là, Mme Rose Dufour, que vous
connaissez peut-être, du moins de réputation, a fait un plaidoyer assez fort
contre l'utilisation du terme «travail du sexe». Elle dit qu'elle devenait
violente quand elle entendait ce terme-là. Moi, je suis assez proche du milieu
communautaire, entre autres, dans mon quartier ou ailleurs au Québec, puis je
constate de plus en plus l'utilisation de ces termes-là dans le milieu
communautaire, puis une personne me disait l'autre jour que ça venait peut-être
des écoles de travail social, des formations. Est-ce que c'est quelque chose
que vous constatez chez vos étudiantes, vos étudiants?
M. Dorais (Michel) :
«Travail du sexe» n'est pas utilisé pour les mineurs, en aucun cas, parce que
je <pense...
M. Leduc : ...
entre
autres, dans mon quartier ou ailleurs au Québec, puis je constate de plus en
plus l'utilisation de ces termes-là dans le milieu communautaire, puis une
personne me disait l'autre jour que ça venait peut-être des écoles de travail
social, des formations. Est-ce que c'est quelque chose que vous constatez chez
vos étudiantes, vos étudiants?
M. Dorais (Michel) :
«Travail du sexe» n'est pas utilisé pour les mineurs, en aucun cas, parce que
je >pense qu'il faut bannir ce terme-là, quand on parle de mineurs,
absolument.
M. Leduc : Tout le monde est
d'accord là-dessus.
M. Dorais (Michel) : En tout
cas, moi, je ne l'utilise jamais quand je parle de mineurs. Cela dit, le débat
se fait chez les gens, chez les adultes. C'est moitié-moitié, hein, il y a des
personnes, hommes et femmes, adultes, je le précise, qui revendiquent le terme «travailleur»,
«travailleuse du sexe», et puis, bien, qu'est-ce que vous voulez... et puis il
y en a qui disent non. Vous savez, quand on est chercheur... Moi, j'écoute tout
le monde et je donne crédit également à tout le monde. Si quelqu'un me dit :
Je veux que tu m'appelles travailleuse du sexe, je respecte ce qu'elle me
demande. Si quelqu'un me dit : Je veux que tu m'appelles prostituée, ou
victime, ou tout ça, je... La seule façon d'avoir le respect des gens, c'est de
les respecter, et je pense que... Qu'est-ce que vous voulez, moi, j'ai mon
opinion, mais je respecte les droits de s'autodéterminer, quand ils sont
adultes, et de porter l'étiquette qu'ils ou qu'elles veulent bien, sans porter
un jugement. J'ai le mien, mais je respecte leurs points de vue. Mais on peut
faire des débats théoriques, tout ça, mais, puisqu'on parle des jeunes, je
pense qu'on ne devrait jamais utiliser «travail du sexe» pour parler des
jeunes, en aucun cas.
M. Leduc : Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup, M. Dorais. Merci pour votre participation à notre commission. Merci
à votre aide pour nos travaux.
Je vais suspendre quelques instants, le
temps de permettre au prochain organisme de prendre place. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 20 h 17)
(Reprise à 20 h 18)
Le Président (M. Lafrenière) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je souhaite maintenant la bienvenue au
directeur de la protection de la jeunesse de la Capitale-Nationale. Je vous
rappelle que vous disposez de 20 minutes pour faire votre exposé, et par
la suite il y a une période d'échange de 25 minutes avec les membres de la
commission. Alors, je vous demande de vous présenter et de nous faire votre
exposé.
M. Corriveau (Patrick) :
Merci. Bonsoir. Je me présente, Patrick Corriveau, directeur de la protection
de la jeunesse pour la région de la Capitale-Nationale, Charlevoix et Portneuf.
Je souhaite prendre le temps de vous remercier de nous permettre de venir vous
présenter certaines réflexions et recommandations. C'est en toute humilité que
nous le faisons, et, considérant les délais alloués, nous nous concentrerons
sur certains éléments, uniquement.
Je suis accompagné, à ma droite, de Mme
Nancy Delisle, gestionnaire en protection de la jeunesse et membre de la table
régionale sur l'exploitation sexuelle, et, à ma gauche, de Mme Jessica
Gauthier, agente de liaison à l'équipe dédiée fugues et aux problématiques
concomitantes et une partenaire importante à divers travaux sur l'exploitation
sexuelle.
D'abord, je souligne l'audace et le
courage de la commission de s'adresser et de s'attaquer à la problématique de
l'exploitation sexuelle. C'est un phénomène social inquiétant aux multiples
facettes et d'une complexité, d'autant plus à l'ère des médias sociaux. C'est
aussi un message social très fort que vous envoyez, et je vous en salue.
• (20 h 20) •
Avant de devenir DPJ, <je suis... >j'ai
été éducateur auprès des jeunes en réadaptation. J'ai aussi évalué, comme intervenant
social, des signalements à l'évaluation. J'ai été gestionnaire et adjoint. J'ai
la mission de la protection tatouée, tout comme tout le personnel qui œuvre en
protection de la jeunesse ont à cœur la situation des enfants. Et, comme les
membres de la commission, nous sommes très préoccupés par la <problématique...
M. Corriveau (Patrick) :
... des
signalements à l'évaluation. J'ai été gestionnaire et adjoint.
J'ai la mission de la protection tatouée, tout comme tout le personnel qui
œuvre en protection de la jeunesse ont à cœur la situation des enfants. Et,
comme les membres de la commission, nous sommes très préoccupés par la >problématique,
par nos victimes et tout comme nous sommes préoccupés pour les adolescents, les
adolescentes qui privilégient la voie de la délinquance, de la criminalité pour
devenir, par exemple, proxénètes. Vous savez, comme DPJ de ma région et en
vertu de Loi de la protection de la jeunesse, je suis personnellement
responsable et imputable des décisions prises et du plan de protection d'un
enfant. J'ai donc dans mon rôle la responsabilité et le devoir de poser un
regard bienveillant et d'être attentif aux besoins et aux droits de chacun des
enfants de mon territoire. Je veux ce qu'il y a de mieux pour les enfants de ma
région. Malheureusement, je suis au quotidien un témoin des séquelles laissées
par l'exploitation sexuelle et des impacts humains, considérant que la
protection de la jeunesse œuvre auprès de chacun de ces jeunes filles et de ces
jeunes garçons.
Dans le contexte, j'en profite pour
rappeler l'obligation de faire un signalement dans ces situations afin qu'on
puisse tisser un filet de sécurité autour de ces enfants et de s'assurer qu'il
y aura une prise en charge à leur égard. Encore aujourd'hui, il y a une
méconnaissance de cette responsabilité individuelle d'obliger de faire un
signalement dans ce type de situation, que ce soit de la part des citoyens ou
de la part des professionnels.
Comme les différents acteurs vous l'ont mentionné
depuis hier, dans le cadre de leurs présentations, vous savez qu'une proportion
importante de nos jeunes hébergés sont victimes d'exploitation sexuelle. Nous,
à Québec, on a fait le choix de confier la gestion des centres de réadaptation
et de les mettre sous la gouverne du DPJ, considérant que ce sont les jeunes
les plus vulnérables de notre région. Ce sont des adolescents et des
adolescentes qui traînent un lourd passé, et nous avons voulu que le DPJ
demeure en proximité de ces jeunes.
Vous comprendrez que, de cette façon-là,
je m'assure personnellement d'entendre parler régulièrement de ces jeunes
filles et de ces jeunes garçons, que ce soit de la part des coordonnateurs des
centres de réadaptation, des gestionnaires ou des intervenantes. Je demeure en
tout temps en proximité. C'est donc important de permettre aux organisations
cette souplesse-là tout en tenant compte des disparités et des réalités des
différentes régions. Malheureusement, lorsque le DPJ intervient, il est
souvent tard. Je profite de la tribune pour rappeler, réitérer, surtout dans le
contexte qu'on vit actuellement en protection de la jeunesse, que la protection
des enfants, c'est une responsabilité collective.
Vous avez certainement pu constater, lors
de notre dernier bilan, une hausse importante, au plan provincial, des
signalements. Québec n'échappe pas à cette réalité. Dans la dernière année, c'est
plus de 10 000 signalements traités, 4 000 signalements
retenus pour des fins d'évaluation et 2 000 suivis d'enfants en protection
de la jeunesse au niveau de l'application des mesures. La problématique de
l'exploitation sexuelle n'échappe pas à cette tendance.
Si on veut renverser la vapeur et avoir
des impacts positifs sur la problématique, il faut intervenir davantage en amont
et collectivement. C'est important de se rappeler que la responsabilité
première incombe d'abord aux parents. Ensuite vient l'entourage, le milieu
scolaire, les différents professionnels, les citoyens, voire même l'agent, à la
réception d'un hôtel, qui observe qu'un homme de 55 ans vient louer une
chambre à l'heure avec une jeune fille de 15, 16 ans. Bref, c'est une
responsabilité collective où tout le monde a un rôle à jouer, et c'est
important de se le rappeler.
Ça met aussi à l'avant-plan toute l'importance
de la sensibilisation, la prévention et l'éducation qui doit se faire dans des
ateliers formels dans les divers milieux où les jeunes évoluent, pour permettre
de mieux les outiller. C'est important aussi de ne pas oublier nos parents, qui
ont eux aussi besoin d'être outillés.
Avant de laisser la parole à mes
collègues, je me permets de vous mentionner ma satisfaction à l'égard des
récentes modifications à la Loi de la protection de la jeunesse, qui est venue
confirmer notre pratique clinique qui avait cours en affirmant <qu'un
abus sexuel... >que l'exploitation sexuelle s'avère un abus sexuel. Et
ça, ça change toute la perspective de notre intervention et la façon dont on
doit percevoir ces jeunes filles et ces jeunes garçons. Évidemment, cette vision
doit être appliquée uniformément à tous les niveaux d'intervention, que ce soit
des intervenants jusqu'à la magistrature.
Un enjeu important demeure et vous a été
nommé, au cours des deux derniers jours, soit l'échange et le partage
d'information dans le respect des différentes lois, dans le respect <des...
M. Corriveau (Patrick) :
Évidemment, cette vision doit être appliquée uniformément à tous les
niveaux d'intervention, que ce soit des intervenants jusqu'à la magistrature.
Un enjeu important demeure et vous a
été nommé, au cours des deux derniers jours, soit l'échange et le partage
d'information dans le respect des différentes lois, dans le respect >des
droits des personnes, le respect de la confidentialité, du secret
professionnel. C'est un enjeu complexe qui mériterait d'être adapté en fonction
des nouvelles réalités. Il s'avère important d'être en mesure de pouvoir
s'échanger de l'information nécessaire et pertinente en toute légitimité, et ce,
pour assurer une meilleure protection des enfants.
Je laisse maintenant la parole à ma
collègue, Nancy Delisle.
Mme Delisle (Nancy) : Merci.
Je vais vous parler, dans les prochaines minutes, de la façon dont on a actualisé
l'intervention dans les dossiers d'exploitation sexuelle au niveau de notre
direction. J'aimerais peut-être, juste avant, attirer votre attention sur un
aspect.
On sait, hein, l'intervention dans la
problématique d'exploitation sexuelle, c'est complexe pour différentes raisons,
mais entre autres, aussi, compte tenu du nombre d'acteurs impliqués dans ces
situations-là.
Si on prend l'exemple d'une jeune fille
suivie à l'application des mesures pour tout trouble de comportement, qui
habite chez ses parents, qui aurait une problématique de toxicomanie, par
exemple, qui fugue une fin de semaine, qui est retrouvée dans un motel par les
policiers, en présence d'adultes liés à l'exploitation sexuelle, qui a vécu
peut-être, dans la fin de semaine, plusieurs agressions multiples, et qui
aurait été droguée, à partir de ce moment-là va venir s'ajouter, en plus de
l'intervenant de l'application des mesures, un intervenant à l'évaluation, un <éducateur
du centre... un >et des éducateurs du centre de réadaptation, les
policiers qui ont fait l'intervention, peut-être un enquêteur aussi au niveau
de la fugue, au niveau police de jeunesse. Probablement aussi qu'il y aura une
trousse médicolégale, donc on parle, à ce moment-là, une infirmière, un
travailleur social, un médecin. S'ajoutera aussi un enquêteur, dans le cadre de
l'entente multisectorielle, un avocat au niveau du Tribunal de la jeunesse, le
DPCP, puisque, possiblement, il va vouloir la rencontrer, voir si ça peut
donner lieu à des poursuites criminelles. Et très souvent, aussi, peut-être un
intervenant du CAVAC, on va peut-être la mettre en lien avec un travailleur de
rue. Et on rajoute à ça aussi... souvent, on le sait, la problématique est
associée à d'autres problématiques concomitantes, donc peut-être quelqu'un en
toxico, peut-être quelqu'un en santé mentale. Donc, bref, en l'espace d'à peu
près trois mois, 12, 15, 20 nouveaux intervenants à l'entour d'elle, ce
qui est énorme. Par contre, le rôle de chacune de ces personnes-là me semble un
incontournable important, aussi, pour venir en aide à la jeune.
À partir du moment où on fait ce
constat-là, on n'a pas le choix de se dire que la concertation est importante.
Pour être en mesure de se concerter, un ensemble de professionnels comme ça, il
faut développer notre vision commune. Puis je pense que la façon d'arriver à
développer notre vision commune, c'est par la formation.
On a fait l'expérience de ça à Québec,
déjà, depuis plusieurs années, et ça nous a donné le gain, aussi, de venir
positionner, chez tous ces partenaires-là, l'exploitation sexuelle comme une
agression sexuelle et non pas comme du trouble de comportement. Ça permet
aussi, de par la formation, de clarifier les rôles de chacun. Ça fait que,
quand, tout le monde, on a une vision commune, on a la même formation, on a
chacun... on connaît bien nos rôles, là, je pense que ça devient... c'est les
facteurs, là, intéressants pour être capable de faire un bon partenariat.
À Québec, j'en ai parlé un petit peu ce
matin, on a la chance d'avoir un filet de sécurité via les travaux de la table
régionale, avec plus de 1 000 intervenants de formés au cours des
dernières années, un système de pivots qui est fonctionnel. Mais on fait des
travaux, aussi, déjà, depuis un bout de temps, au sein même de notre direction,
pour se structurer de façon efficace, à la différence des autres dossiers qui
sont signalés à la protection de la jeunesse, qui sont dirigés dans les
différentes équipes évaluation en fonction du code de priorité ou du
territoire. C'est vrai pour la plupart des dossiers sauf, entre autres, au
niveau de l'exploitation sexuelle. Ces dossiers-là, peu importe le territoire
et le code de priorité, sont tous assignés au même chef de service, et, dans
chacune nos équipes évaluation, on a un ou deux intervenants qui sont ciblés
pour évaluer ces situations-là.
On a aussi nos pivots qui sont très actifs
et on a un seul coordonnateur clinique qui est identifié pour discuter
cliniquement des stratégies d'intervention et outiller les intervenants. Et,
quand vient le temps de prendre des décisions, les intervenants, qui sont dans
différentes équipes, ne se réfèrent pas à leurs chefs, mais au chef <porteur...
au chef >évaluation porteur de ces dossiers-là.
C'est assez simple, je dirais, comme
structure, mais on a fait des gains intéressants, des gains en termes d'expertise
pour les intervenants, en termes de développement professionnel, mais aussi des
gains, à savoir, est-ce qu'il y a des phénomènes émergents sur notre
territoire, puis qu'est-ce qui se passe sur notre territoire.
• (20 h 30) •
On a développé aussi ce qu'on a appelé des
cellules d'expertise, je dirais plus des cellules d'évaluation et de gestion du
risque, en lien à la problématique de l'exploitation sexuelle. On fait ces
rencontres-là entre intervenants, lorsqu'il y a des situations qui sont
signalées qui concernent trois, quatre jeunes et plus. On s'assoit, l'ensemble
des intervenants qui sont impliqués au cours de...
20 h 30 (version révisée)
Mme Delisle (Nancy) :
...d'expertise, je dirais plus des cellules d'évaluation et de gestion du
risque en lien à la problématique de l'exploitation sexuelle. On fait ces
rencontres-là entre intervenants lorsqu'il y a des situations qui sont
signalées, qui concernent trois, quatre jeunes et plus. On s'assoit, l'ensemble
des intervenants qui sont impliqués <au cours de ces... >auprès de
ces jeunes-là, on s'assoit ensemble pendant une heure, une heure et demie de
temps. Donc, on a l'intervenant de l'évaluation, l'intervenant de l'application
des mesures, l'éducateur en centre de réadaptation, le chef d'unité du centre
de réadaptation, l'intervenant du RTS, et on met en commun l'ensemble des
informations par rapport à la situation qui est signalée. Ça, c'est la première
partie de la rencontre, et la deuxième partie de la rencontre, en petites
cellules, les intervenants qui interviennent auprès d'un même jeune font un peu
le plan de match. Ce qu'on s'est rendu compte, c'est que c'était gagnant. On a
un topo beaucoup plus clair et des stratégies beaucoup plus efficaces pour
intervenir.
On a commencé à utiliser différemment, je
dirais, nos leviers, quand on prend des mesures de protection pour les enfants
au niveau de la protection de la jeunesse. Souvent, on pense à des mesures de
placement. On va utiliser aussi souvent, exemple, dans des cas de violence
conjugale où le conjoint est violent, on peut se présenter au Tribunal de la
jeunesse et demander ce qu'on appelle un interdit de contact entre le conjoint
et les enfants. On a commencé à utiliser ça aussi dans certains de nos dossiers
au niveau de l'exploitation sexuelle chez certains jeunes qui n'étaient pas
nécessairement encore très ancrés dans l'engrenage, mais qui commençaient à
s'en approcher de trop près ou même s'en était approché... plus qu'approché,
là. Et ça, ça permet, quand on va demander un interdit de contact avec le
présumé agresseur, au niveau du Tribunal de la jeunesse, bien, ça nous permet
de faire un peu une barrière temporaire, d'éloigner la jeune juste assez de son
milieu pour, nous, commencer à faire des interventions, commencer à faire de la
sensibilisation et sans, je dirais, l'aura du présumé agresseur, là, qui peut
continuer quand même à influencer, là, malgré que la jeune soit en centre de
réadaptation ou encore dans son milieu. Donc, ça a été un gain intéressant.
À Québec, on a la chance d'avoir un
partenariat fort, on a la chance d'être réseauté, d'être formé, mais je pense
qu'aussi on a deux beaux leviers dans la région pour pouvoir continuer de
réfléchir... bien, on réfléchit actuellement à comment on pourrait utiliser ces
leviers-là au niveau de l'exploitation sexuelle. Le premier levier, c'est le
SIAM, qui est ouvert depuis un an, qui sont les services intégrés en abus et
maltraitance. Dans le fond, ça s'adresse aux jeunes qui sont signalés à
direction de la protection de la jeunesse pour abus sexuel, abus physique,
négligence grave et pour lesquels on va déclencher une entente
multisectorielle. Donc, tous les services, tous les professionnels, on est au
même endroit. On parle des intervenants à l'évaluation, des intervenants à
l'application des mesures, la police, les procureurs, le médical, un médecin,
une infirmière. On a un intervenant du CLSC, un intervenant de Viol-secours, le
CAVAC et aussi des chercheurs associés. On sait que l'application de l'entente
multisectorielle dans les cas d'exploitation sexuelle, je vais utiliser le mot
«atypiques», elle s'applique différemment que nos jeunes victimes d'agression
sexuelle intrafamiliale. Donc, on est un peu actuellement à réfléchir et à voir
comment on pourrait utiliser la structure du SIAM, les services du SIAM pour
aider, dans le fond, là, ces jeunes-là.
Le deuxième levier dont on dispose, bien,
c'est au niveau de la direction de la protection de la jeunesse, c'est de faire
partie d'un grand CIUSSS. Faire partie d'un grand CIUSSS, ça veut dire qu'on a
accès à une offre de service qui est globale. Quand on regarde l'ensemble des
services qu'ils ont besoin, ces jeunes-là, on parle de service, bon, oui,
psychosociaux, mais de services de santé, de services de santé sexuelle, de
santé mentale. On a des préoccupations par rapport au passage à l'âge adulte et
aussi aux adultes et on a beaucoup de services dans un grand CIUSSS qui sont en
mesure de répondre. Donc, on est en train de réfléchir et de se questionner à
voir comment on pourrait mieux s'arrimer pour pouvoir, là, en faire bonifier
les victimes de l'exploitation sexuelle.
En terminant, suite à notre colloque en
exploitation sexuelle qui a eu lieu, là, il y a de ça une semaine et demie,
deux semaines, on a réalisé qu'on avait besoin de se concerter, pas juste au
niveau régional, mais au niveau provincial. Il y a plein de belles initiatives
à travers le Québec, il y a eu plein de beaux projets développés. Donc, je
pense qu'on doit se donner les moyens de se réseauter au niveau de la province
et de faire bénéficier à tous et chacun, là, ces belles initiatives là.
Mme Gauthier (Jessica) : Bonjour.
Vous voyez qu'on est très mobilisés à Québec, on est tous très animés par la
problématique. On prend ça vraiment au sérieux. En même temps, les causes
multifactorielles, les nombreux impacts, ça provoque des conséquences très
importantes auprès de ces victimes-là. Elles traînent souvent un lourd passé
derrière elles. Leur identité est complètement fragilisée. Souvent, le cumul de
ces situations-là qui caractérisent ces jeunes-là, ça vient rapidement à bout
des ressources qui sont disponibles autour d'elles, les conséquences <aussi...
Mme Gauthier (Jessica) :
...conséquences très importantes auprès de ces victimes-là. Elles traînent
souvent un lourd passé derrière elles. Leur identité est
complètement
fragilisée. Souvent, le cumul de ces
situations-là qui caractérisent ces
jeunes-là, ça vient
rapidement à bout des ressources qui sont
disponibles autour d'elles, les conséquences >aussi qui sont importantes
auprès d'elles génèrent quand même des importants besoins, et on voit
apparaître des traumas qui sont plus complexes que la majorité de bien des situations.
Afin d'aider les victimes à s'extirper de
l'engrenage de l'exploitation, le traitement individuel des traumas, c'est une
priorité pour nous autres à Québec. De fait, bien, le défi, c'est la mise en
place de services spécialisés intégrés comme, par exemple, la sexologie.
Prioriser la formation de ressources spécialisées en traumas complexes, mais
surtout liés à l'exploitation sexuelle, c'est nécessaire pour nous. On le voit
auprès de ces jeunes-là. En même temps, le défi aussi, c'est de pouvoir rendre
accessibles ces services-là dans le délai requis, dans le sens que, quand la
jeune ouvre sur la situation ou nomme son besoin ouvertement, elle ne peut pas
attendre pendant de nombreuses semaines. C'est là qu'elle est prête à dévoiler
puis à s'investir dans une démarche thérapeutique. Donc, d'avoir à notre disponibilité,
de façon rapide et efficace, l'ensemble des services, c'est quelque chose qu'on
continue de travailler fort pour pouvoir arrimer le tout, mais c'est encore un
enjeu qu'on vit aujourd'hui.
Après ça, aussi, le traitement visant le développement
dans sa globalité, qui est centré sur les forces, les capacités des jeunes,
c'est déjà quelque chose qu'on utilise car depuis plusieurs années, dans nos
centres de réadaptation, on a implanté l'approche motivationnelle. Mais par
ailleurs ça serait pertinent de combiner le modèle ARC — vous en avez
entendu parler avec les précédentes présentations — parce que nous,
on considère que c'est un ajustement à la pratique qui est extrêmement
prometteur dans la façon et ça s'arrime bien déjà avec notre modèle
d'intervention. Ça fait qu'on considère que c'est aussi une priorité.
En plus, que l'intervention soit
psychoéducative, psychosociale, thérapeutique, voire même juridique quand il y
a des dénonciations, on sait que ça commence souvent à l'âge... à
l'adolescence, mais ça traverse, hein, le passage à la vie adulte. Vous en avez
aussi entendu beaucoup parler. Ces enfants-là portent sur leurs épaules le
fardeau d'expériences négatives du passé. Souvent, ils ont vécu des
hébergements en centre de réadaptation, ça ajoute un poids à leurs difficultés.
Ils ont un profil complexe : toxicomanie, délits, problèmes de santé
mentale. En plus, souvent, ils ont l'absence momentanée de soutien de leurs
proches parfois aussi, ils font face souvent à un manque d'autonomie, ils ont
des défis d'insertion sociale et professionnelle. Ça les confronte et souvent ça
crée obstacle au passage à la vie adulte. Donc, souvent, ça devient synonyme
d'une précarité. Quand ils arrivent de façon autonome, ils deviennent encore
une fois des proies faciles. Donc, il n'y a pas beaucoup de choses présentement
qui les préparent à ce que cette belle transition là se fasse de façon
optimale.
Une des priorités du DPJ, grâce justement
à cette réorganisation-là des services, grâce au fait qu'on est CIUSSS, on est
à regarder, justement, l'arrimage d'une trajectoire d'intervention qui permet
aux victimes, plusieurs mois avant l'atteinte de la majorité, de créer une
alliance thérapeutique avec un intervenant qui va être en mesure d'être le
point d'ancrage, le filet de sécurité, un accompagnateur stable mais qui est
non lié par un mandat d'autorité, comme nous, en protection de la jeunesse,
pour offrir le soutien nécessaire, que ça soit pour l'accompagnement au
quotidien, pour les soins de santé, mais aussi pour le logement, l'aide
alimentaire. D'apprendre à faire son épicerie, c'est quelque chose. Donc, de
faciliter... c'est toutes des choses qui nous apparaissent très judicieuses et
importantes aussi.
On veut aussi rappeler l'importance de
bonifier et de revoir le modèle initial du programme Qualification jeunesse,
qu'on appelle PQJ, qui a été implanté il y a quelques années. De revoir les
critères d'accès, l'âge et tout ça, ce sont des choses qu'on est à regarder et
à mettre en place aussi.
Je vois que le temps passe excessivement
vite.
Le Président (M. Lafrenière) :
Oui. Je suis désolé, je vais vous demander de conclure, s'il vous plaît. Mais
on va continuer en questions, en échange avec vous.
Mme Gauthier (Jessica) : Je
vais donc, là... Je passerai sur le point, hein... Les réseaux sociaux, on sait
que c'est un fléau, on sait qu'il y a un impact. C'est, pour nous, une des
priorités. On en fait mention, là, dans le dépôt du rapport.
• (20 h 40) •
Je veux simplement finaliser, donc, par le
rôle de nos adolescents, nos possibles proxénètes en devenir. Les garçons qui
recrutent les filles, pour un gang ou non, traversent les phases d'engagement
qui peuvent être mises en parallèle à ce que vivent nos filles présentement.
Nos garçons, incluant ceux qui sont hébergés, qui sont à la recherche
d'appartenance, d'identité, de sécurité, de pouvoir, de liberté, de plaisir,
mais qui sont aussi eux-mêmes fragilisés par leur propre vulnérabilité, ce sont
de très beaux appâts pour nos proxénètes. Eux aussi sont graduellement
désensibilisés. Eux aussi, on les amène à ne voir que les avantages qui sont
liés au plaisir et à faire de l'argent. Donc, on les ancre de plus en plus dans
les délits, dans les fraudes, <dans les... >dans tous les délits,
donc, pour les plonger aussi dans le milieu, pour les amener à ne voir que le
côté positif.
Donc, c'est important pour nous de savoir
que, oui, ces garçons-là, souvent adolescents, commencent entremetteurs, mais
qu'initialement, pour nous, ils commencent victimes. Puis nous, il faut
s'attarder à cette situation-là de cette façon-là pour nous aussi. Donc, eux aussi
doivent être sensibilisés. Eux aussi, on doit détecter leur vulnérabilité,
mettre en place... À l'hiver 2020, on commencera notre <formation...
Mme Gauthier (Jessica) :
...pour nous de savoir que, oui, ces garçons-là, souvent adolescents, commencent
entremetteurs, mais qu'initialement, pour nous, ils commencent victimes. Puis
nous, il faut s'attarder à cette
situation-là de cette façon-là pour
nous aussi. Donc, eux aussi doivent être sensibilisés. Eux aussi, on doit
détecter leur vulnérabilité, mettre en place... À l'hiver 2020, on
commencera notre >formation sur la vulnérabilité des garçons pour aider
nos intervenants à mieux détecter, mais après ça pour mettre une meilleure...
de meilleure éducation pour augmenter nos facteurs de protection personnelle
sociofamiliaux. Parce qu'il faut les amener à voir le positif et à se sortir de
là pour eux aussi. Je vais m'arrêter, j'en avais d'autres à dire.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Merci de votre présentation. On va passer à la période
d'échange avec les membres de la commission. Cependant, je vais demander consentement
pour ajouter 10 minutes à notre séance afin d'entendre nos invités. Est-ce
qu'il y a consentement? Consentement. Parfait. Alors, première question, députée
de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.
Mme Foster : Merci
beaucoup pour votre présentation. Députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré, donc, le
nom le dit, je suis touchée par votre territoire, CIUSSS de la
Capitale-Nationale, également Portneuf. Vous avez...
Moi, je suis curieuse sur une chose. Vous
avez un grand territoire qui couvre à la fois du très urbain, donc Québec, et Portneuf,
et, je dirais, Charlevoix, l'autre côté, la Côte-de-Beaupré entre les deux,
mais Charlevoix de l'autre côté qui a une réalité un peu plus région un peu
plus éloignée. Je suis simplement curieuse de savoir quelles différences vous
observez en termes d'exploitation sexuelle des mineurs entre la ville et les
régions autour. Est-ce qu'il y en a, des différences? Parce que vous dites :
On a un seul chef pour tout le territoire, entre autres.
Est-ce que, je ne sais pas, moi, est-ce
que ça fait différent au niveau du recrutement? Je sais que c'est les réseaux
sociaux beaucoup aujourd'hui, mais la façon dont ça se vit, est-ce que c'est
différent en ville des régions? Parce que certains sont venus dire avant vous,
entre autres en Estrie, qu'avant c'était beaucoup concentré à Montréal, la
question... Montréal et Québec, exploitation sexuelle, mais quand on arrivait
en région, les ressources ne sont pas les mêmes et puis le rapport aux corps
policiers non plus, ce n'est pas toujours la même chose. Alors, je voudrais
vous entendre là-dessus, savoir vos observations dans votre pratique.
Mme Delisle (Nancy) : Je
vous dirais, de mon côté, je n'ai pas vu vraiment de différence entre des
situations qu'on a de Portneuf ou, justement, là, de la Côte-de-Beaupré. C'est
à peu près les mêmes façons, je vais dire, de recruter, les mêmes impacts. Il
n'y avait pas vraiment de différence, non.
Mme Gauthier (Jessica) :
Ce qu'on voit, ce qu'on observe, bien, c'est le déplacement des proxénètes
aussi. Ils ne restent pas en place nécessairement. Ça fait que, donc, lors d'une
situation qu'on aura vue dans le centre-ville de Québec, il se peut que, deux
mois après, ce soit le même individu, mais il est rendu à Beaupré, par exemple,
pour donner un exemple. Mais dans le recrutement, effectivement, à cause, en
majeure partie, des réseaux sociaux, maintenant, la facilité et donc l'accès...
ça voyage vite, là. Les déplacements ne sont plus nécessaires. Donc, on voit qu'on
a une uniformité qui s'installe davantage et on ne voit pas nécessairement de
différence marquée, effectivement.
Mme Foster : O.K. J'étais
curieuse. Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Députée de Gaspé.
Mme Perry Mélançon :
Merci, M. le Président. Bonsoir. Vous semblez être vraiment bien, en tout cas,
bien équipés en termes de ressources quand il s'agit de... bien, vous avez un
signalement ou vous avez le témoignage d'une jeune fille ou d'un jeune garçon,
que ça déclenche des ententes multisectorielles via le SIAM et tout.
Est-ce que vous avez aussi des mécanismes
pour dépister, donc pour autant chez les victimes ou... parce que vous le dites
que vos milieux sont quand même beaucoup affectés par l'exploitation sexuelle.
Est-ce que vous êtes en mesure de repérer des proxénètes? Êtes-vous proches à
ce point-là? Et est-ce que vous avez un rôle à jouer au niveau des
interventions policières? Par exemple, comment est-ce que vous vous impliquez à
ce niveau-là, dépistage et repérage, victimes et proxénètes?
Mme Gauthier (Jessica) :
Il y a plusieurs niveaux. Bien, la table régionale nous permet une
concertation, donc on se permet un partage d'informations. Par contre, quand on
voit un phénomène émergent à la table régionale, on va se parler : Woups!
ça bouge plus dans tel secteur, soyez à l'affût. On va se partager des fois des
informations qui circulent davantage. À l'intérieur même, au niveau de la
protection de la jeunesse, on travaille beaucoup avec les indicateurs, dans le
fond, auprès de nos jeunes. En ayant beaucoup de jeunes qui sont hébergés en
même temps, on voit leurs comportements, les observations, les retours de
sortie, quand ils arrivent avec des comportements différents, du linge
différent. On a des petits indicateurs qui nous <donnent... qui nous >ouvrent
des lumières, dans le fond, dans nos observations.
Notre système de pivot est aussi très
solide, hein? Aux six semaines, on s'assoit, l'ensemble des pivots, et nos
pivots sont représentés dans chacun des secteurs, le RTS, l'évaluation,
l'application des mesures, la réadaptation des garçons, des filles. On a trois
coordonnateurs au niveau pivot aussi. Donc, ça nous permet un arrimage et un
partage, donc de toujours pouvoir être à l'affût. Nos rencontres de
concertation qu'on effectue nous permettent d'être aussi très proches du terrain.
Nos spécialistes en activité clinique, nos coordonnateurs cliniques, on a des
sentinelles vraiment un peu partout. Donc, on essaie vraiment <d'être...
Mme Gauthier (Jessica) :
On a trois coordonnateurs
au niveau pivot aussi. Donc, ça nous permet un
arrimage et un partage, donc de
toujours pouvoir être à l'affût. Nos
rencontres de concertation qu'on effectue nous permettent d'être aussi très
proches du terrain. Nos spécialistes en activité clinique, nos coordonnateurs
cliniques, on a des sentinelles
vraiment un peu partout. Donc, on essaie
vraiment >d'être à l'affût le plus rapidement possible. Puis les
jeunes, ils parlent. Ils parlent, ils partagent. En même temps, hein, on dit
que c'est l'alliance qui crée beaucoup l'impact. Nos jeunes, quand même, à long
terme... bien, quand on dit qu'on travaille en approche motivationnelle, il y a
un impact là-dessus pour nous, parce qu'on sait qu'il faut respecter leur
rythme et être à l'affût, donc d'être ouverts à entendre ces jeunes-là sur ce
qu'ils vivent et non pas dans le jugement et la répression.
Donc, quand on travaille en exploitation
sexuelle, il faut aussi être prêts à avoir les oreilles qui nous frisent des
fois sur certains éléments qu'on entend, parce qu'on a besoin de cette
cueillette de données là pour, après ça, faire des interventions de prise de
conscience, de les amener à évoquer leurs malaises et de les amener à trouver
des solutions alternatives ou à créer des dissonances dans leurs perceptions.
Donc, c'est de multiples facettes, là, qu'on travaille la détection, là.
Mme Perry Mélançon : Il y a
16 pivots, c'est ça? Vous êtes... Donc, c'est partout, un peu partout...
Mme Gauthier (Jessica) : On
est une douzaine... Bien, à l'interne, au centre jeunesse, on est quand même un
représentant minimalement par secteur...
Mme Perry Mélançon : Et donc
toujours dans la Capitale-Nationale, là, on est dans ce...
Mme Gauthier (Jessica) : Oui.
Mme Perry Mélançon : Est-ce
que c'est un modèle qui pourrait être déployé? Est-ce que c'est quelque chose
que vous avez déjà discuté avec d'autres DPJ? Y aurait-u quelque chose là
d'intéressant à développer?
Mme Gauthier (Jessica) : Je
pense qu'au total dans la région, là, de Québec, il doit y avoir autour de...
bien, une fois par année, on fait une rencontre des pivots, de l'ensemble des
pivots, et, à la dernière rencontre, au mois de mai, on était 93. Ça fait que
ça, ça fait quand même beaucoup de yeux puis de gens formés et proches, là, sur
le terrain, et ces rencontres-là, bien, ça permet à tout le monde justement de
se connaître, d'échanger. On a un bottin. Si, admettons, un intervenant veut
savoir : O.K., dans telle commission scolaire, c'est qui le pivot? Il
regarde dans le bottin puis il peut l'appeler et vice et versa, là.
Est-ce que c'est un modèle qui est exportable?
Je pense que oui et probablement de plus en plus, parce que, dans les deux,
trois dernières années, avec tout ce qui s'est développé... il y avait déjà des
concertations, là, dans certaines régions. Bien là, les gens sont... je pense,
les différentes régions se sont plus organisées, se connaissent plus. On voit
tous les acteurs qui sont importants. Ça fait que je pense qu'il y a
probablement une question de timing actuellement aussi pour exporter ce
modèle-là.
Mme Perry Mélançon : Là, je ne
sais pas si je peux me permettre une dernière question, mais, en même temps, je
veux entendre mes autres collègues...
Le Président (M. Lafrenière) :
Tellement rapide. Tellement rapide.
Mme Perry Mélançon : Mais
rapidement, parce que vous êtes ceux qui hébergent, là, ces victimes-là, les
centres jeunesse. C'est quoi, votre opinion par rapport à ça? Hier, on
discutait que ça peut être un environnement qui maintient le traumatisme chez
les victimes, parce qu'il y a comme toutes sortes de... en tout cas, c'est un
environnement qui peut être difficile, lourd pour tout le processus de sortie. Donc,
en tout cas, je voulais rapidement entendre votre point de vue là-dessus.
Mme Delisle (Nancy) : Bien,
je pense que l'hébergement en centre de réadaptation, c'est une des mesures
extrêmes et un peu une mesure de derniers recours, là, si je peux utiliser ça.
Donc, quand on est rendu là, c'est parce qu'on n'a pas le choix, c'est parce
que l'adolescent ou l'adolescente a besoin de ces services-là. Et souvent,
quand on déploie l'offre de services puis qu'on regarde les objectifs, on
essaie de voir le plus rapidement possible comment on peut retourner dans son
milieu puis de maintenir aussi le milieu impliqué alentour de ces jeunes-là,
là. Souvent aussi, il peut y avoir des craintes que : Ah mon Dieu! en
centre de réadaptation, il se fait du recrutement. C'est quelque chose qu'on
entend souvent.
Mais moi, j'utiliserais un peu l'analogie
de la salle d'attente du dentiste. Si je vais chez le dentiste puis je ressors
de là en disant : Mon Dieu qu'il y a du monde qui a mal aux dents, puis je
juge de la qualité de mon dentiste à partir de ça, bien, c'est comme, à la
limite, normal. Ce que j'entends par là, c'est que c'est sûr qu'en centre de
réadaptation on a plein de jeunes qui ont de grandes difficultés et, entre
autres, qui ont été victimes d'exploitation sexuelle ou qui ont sollicité
d'autres jeunes. Ça, on en est conscients, puis il y a aussi un paquet
d'enfants qui sont là, qui sont vulnérables à plein d'affaires. Et c'est
justement... c'est la clientèle qui se retrouve dans ces endroits-là, c'est des
endroits qui sont là, je dirais, pour ça. Les intervenants sont conscients, les
gestionnaires en sont conscients, et les interventions sont faites pour essayer
de minimiser la vulnérabilité de chacun. Puis ce n'est pas juste l'exploitation
sexuelle, c'est un paquet d'éléments, là.
• (20 h 50) •
Mme Gauthier (Jessica) : J'ajouterais
que c'est pour ça qu'on travaille avec beaucoup de partenaires à Québec. C'est
pour ça que notre concertation est forte puis notre partenariat, entre autres
avec les travailleurs de rue, est fort pour s'assurer de créer des alliances
positives pour ces jeunes-là en dehors des murs des centres de réadaptation
aussi. Et il faut comprendre que les jeunes qui restent longtemps en centre de
réadaptation sont malheureusement ceux dont le soutien parental n'est pas là.
Puis on le ramène depuis deux jours aussi, il y a plein de gens qui l'ont dit,
l'implication parentale est au coeur aussi de l'intervention.
Nos jeunes dont les parents sont mobilisés,
sont impliqués et travaillent de concertation avec l'ensemble des intervenants,
c'est des jeunes qui rapidement retournent à la <maison...
Mme Delisle (Nancy) :
...restent longtemps en centre de réadaptation sont
malheureusement ceux
dont le soutien parental n'est pas là. Puis on le ramène depuis deux jours
aussi,
il y a plein de gens qui l'ont dit, l'implication parentale est au
coeur aussi de l'intervention.
Nos jeunes dont les parents sont
mobilisés, sont impliqués et travaillent de concertation avec l'ensemble des
intervenants, c'est des jeunes qui
rapidement retournent à la >maison,
malgré peut-être un ensemble de problématiques, mais souvent qui, par leur collaboration
et leur investissement, vont soutenir la sortie de leurs enfants et donc un
retour en milieu familial.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Députée de Lotbinière-Frontenac.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Vous avez parlé de beaucoup de monde. Vous avez parlé d'intervenants à
l'évaluation, des intervenants... application des mesures, des coordonnateurs
cliniques. Moi, j'avoue, là, que je suis un peu perdue dans tout ça. Puis tout
à l'heure on a parlé avec des gens qui nous disaient que la continuité, c'était
très important. Puis on nous a dit que des victimes pouvaient avoir au-dessus
de 30 personnes différentes dans leur dossier. Est-ce que c'est vrai? Puis
est-ce qu'on peut faire quelque chose pour ça? Avec combien de personnes une
jeune victime est-elle en contact?
Mme Delisle (Nancy) : De
personnes, vous voulez dire d'intervenants?
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Oui.
M. Corriveau (Patrick) :
D'abord, je vais me permettre un commentaire à ce sujet-là. Quand on parle de
30 intervenants, évidemment, c'est la minorité. Toutefois, je dois malheureusement
vous dire que dans le contexte actuel de la main-d'oeuvre... et vous savez, en
protection de la jeunesse, le personnel est, je vous dirais... je vais prendre
l'exemple de notre région, le personnel est féminin à environ 90 %.
Beaucoup, c'est des jeunes femmes qui vont avoir un, deux enfants et c'est une
bonne nouvelle, mais je vous dirais que c'est la raison principale du roulement
de personnel en protection de la jeunesse. Ce n'est certainement pas ce qu'on
souhaite, le roulement d'un intervenant dans la vie d'un jeune et d'une
famille.
On entendait M. Dorais juste avant
qui rappelait toute l'importance du lien thérapeutique, et ce, peu importe à
l'âge auquel, là, l'enfant a. Donc, il faut développer, il faut travailler sur
des stratégies pour essayer de garder et de restreindre au minimum le nombre
d'intervenants. Mais la réalité fait en sorte que je suis obligé d'admettre que
bien souvent on peut voir un, deux et parfois trois intervenants dans la vie
d'un jeune et d'une famille, malgré que ce n'est pas ce qu'on souhaite.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
O.K. Puis j'avais une autre question... Les ententes multisectorielles, tout
à l'heure, on a entendu des gens qui nous ont parlé de ça, puis moi, on m'a
dit... bien, en arrière, là, l'autre côté, on m'a dit que les ententes
sectorielles n'étaient pas assez souvent déclenchées. Ça, est-ce que c'est basé
sur le jugement d'une personne ou elle évalue la situation en équipe?
Mme Delisle (Nancy) :
D'emblée, lorsqu'un enfant est signalé à la protection de la jeunesse en abus
sexuel, automatiquement, on déclenche l'entente multisectorielle, c'est-à-dire
c'est une évaluation commune entre la protection de la jeunesse, les policiers
et le procureur. On intervient de façon concertée.
Dans les cas d'exploitation sexuelle,
nous, déjà, là, depuis longtemps, on traite la problématique comme un abus
sexuel. Ça fait que, oui, il y a un déclenchement de l'entente
multisectorielle. Par contre, ce qu'il faut se dire, c'est qu'on ne peut pas
intervenir de la même façon, avec les mêmes stratégies, au niveau de l'entente
multisectorielle pour les cas d'exploitation sexuelle versus pour les cas
d'abus sexuel intrafamilial ou extrafamilial.
Je vous donne un exemple. On évalue un
signalement pour de l'abus sexuel de la part du conjoint de la mère. C'est
plus... je ne dirais pas plus facile, mais, à ce moment-là, d'amener l'enfant
en entrevue vidéo pour faire sa déclaration où l'intervenant de la protection
de la jeunesse est présent aussi et après ça, chacun de notre côté,
l'intervenant de la protection de la jeunesse continue l'évaluation, puis le
policier termine son enquête. C'est assez simple.
Au niveau de l'exploitation sexuelle, si
je débarque à l'école puis là je déclenche tout de suite, aujourd'hui,
l'entente multisectorielle, je prends la jeune victime et je l'amène au poste
de police pour qu'elle fasse directement une entrevue vidéo, c'est clair qu'on
aura peu de résultats. Il faut d'abord faire un travail de préparation avec la
victime pour l'amener à collaborer à l'entente multisectorielle.
Souvent, puis vous avez entendu,
j'imagine, à de nombreuses reprises au cours des deux derniers jours, que les
victimes, elles ne se voient pas, dans un premier temps, victimes, elles ne
voient pas qu'elles ont été exploitées. Donc, si aujourd'hui, je pars puis
j'amène la jeune au poste de police pour faire l'entrevue vidéo, elle ne se
voit même pas comme une victime, <là...
Mme Delisle (Nancy) :
...à l'entente multisectorielle.
Souvent, puis vous avez entendu,
j'imagine, à de nombreuses reprises au cours des deux derniers jours, que les
victimes, elles ne se voient pas,
dans un premier temps, victimes, elles
ne voient pas qu'elles ont été exploitées. Donc, si
aujourd'hui, je pars
puis j'amène la jeune au poste de police pour faire l'entrevue vidéo, elle ne
se voit
même pas comme une victime, >là, elle veut protéger. C'est
ses amis, donc elle ne déclarera pas. Il faut la...
Tout à l'heure, quand je parlais qu'au
niveau de l'entente multisectorielle, dans les cas d'exploitation sexuelle, c'est
un peu un parcours atypique, bien, c'est un peu ça que j'entendais. Il faut d'abord
rencontrer les jeunes une fois, deux fois, trois fois, les amener à prendre connaissance
qu'ils sont des victimes. Et par la suite, souvent, on ne part pas directement
un vidéo avec les enquêteurs. On a développé... On a une belle collaboration
avec les policiers. Donc, ils vont venir rencontrer les jeunes, leur expliquer
un peu <comment... >c'est quoi, comment ça se passe. Ils tissent
eux aussi des liens. À un moment donné, au fil de ces rencontres-là, bien, à un
moment donné, la victime va être prête, et là on va pouvoir enclencher le
processus.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Député de Viau.
M. Benjamin : Merci, M.
le Président. Donc, merci pour votre présentation.
Ma première question, en fait, concerne un
enjeu que le directeur de la protection de la jeunesse a évoqué tout à l'heure,
c'est tout ce qui concerne l'accès à l'information, la protection des
renseignements personnels. Hier, lors des présentations, il y a des policiers
qui nous ont parlé de cela, de cet aspect-là comme d'un véritable enjeu. Est-ce
que vous, vous... iriez-vous jusqu'à suggérer qu'on rouvre la loi sur l'accès à
l'information pour permettre une meilleure, une plus grande fluidité des
informations, des échanges afin de prévenir, justement?
M. Corriveau (Patrick) :
Ah! c'est une très grande question parce que rentre en ligne de compte toute la
notion des droits des individus. C'est certain, par contre, que, si vous me
posez la question à titre de directeur de la protection de la jeunesse, je
préfère avoir accès à davantage d'informations pour être en mesure de mieux
protéger les enfants de ma région. Donc, si on a des leviers et des
possibilités pour venir clarifier et ouvrir davantage, dans un cadre très
balisé, j'en conviens, mais qui nous permettrait d'avoir davantage la
possibilité d'échanger de l'information, évidemment, je trouve que ce serait
une bonne nouvelle pour nos jeunes.
M. Benjamin : Un autre
enjeu que d'autres intervenants ont soulevé et qui concerne notamment le
passage à l'âge adulte... on parle, à ce moment-là, d'un manque de ce fameux
continuum de services. Et vous avez un projet, un programme qui s'appelle
Qualification des jeunes. Pouvez-vous nous en parler un peu? Qu'est-ce que c'est
comme programme?
M. Corriveau (Patrick) :
En fait, il y a différents enjeux, hein, au niveau du passage à la vie adulte.
Le premier, il faut comprendre et il faut se rappeler que, bien souvent, ces
jeunes-là qui ont été hébergés, par exemple, en centre de réadaptation, ils
voient le passage à la vie adulte comme enfin la liberté. Ce qui fait que,
malgré le fait que parfois on a des intervenants qui sont proches, qui ont même
des liens, ces jeunes-là ont été encadrés, ont eu des adultes bienveillants qui
ont été dans leur vie depuis deux, trois, quatre, cinq ans en protection de la
jeunesse, et il y a évidemment une phase, qui est plutôt normale, où ils vont
expérimenter, où ils vont jouer avec leur liberté.
Ce qu'on souhaite, c'est d'être en mesure
de mettre un intervenant en amont dans les mois avant l'atteinte de la majorité
qui pourra créer un lien significatif et qui sera présent lorsque notre
adolescent, notre adolescente, après trois, quatre, six, un an, un an et demi
d'expérimentation dans sa liberté, dira : Oh! là, j'ai besoin de support,
j'ai besoin de revenir, j'ai besoin d'aide, d'encadrement et là je rappelle mon
intervenant qui viendra m'aider et me supporter.
Donc, notre programme de Qualification des
jeunes, c'est ce qu'il permet, c'est de mettre un éducateur en amont pour
accompagner le jeune d'abord dans se trouver un logement, se trouver un emploi,
faire un C.V., faire un budget, faire sa première épicerie et être en mesure
d'aussi de l'accueillir une fois que l'expérience de la liberté sera passée et
que nos jeunes conviendront qu'ils ont besoin d'aide. C'est tout ce passage-là
qui est parfois délicat et qui n'est pas nécessairement parce que les
intervenants ne veulent plus intervenir. Le jeune souhaite vivre sa période de
liberté.
• (21 heures) •
Mme Gauthier (Jessica) :
Si je peux complémenter, dans le fond, c'est des éducateurs qui occupent ces
postes-là, et présentement, dans le fond, ça permet qu'au-delà du 18 ans...
jusqu'à présentement 19 ans, il y a quelqu'un dans la vie de ces
enfants-là qui est disponible, là, pour eux.
La difficulté qu'on a rencontrée dans les
dernières années, c'est qu'associée à l'exploitation vient souvent la fugue, la
toxico. C'est des jeunes qui sont peu présents. Donc, malgré la présence de ces
éducateurs-là pour développer l'autonomie, les jeunes...
21 h (version révisée)
Mme Gauthier (Jessica) :
...jusqu'à présentement 19 ans, il y a quelqu'un dans la vie de ces enfants-là,
qui est disponible pour eux. La difficulté qu'on a rencontrée dans les
dernières années, c'est qu'associé à l'exploitation vient souvent la fugue, la
toxico. C'est des jeunes qui sont peu présents. Donc, malgré la présence de ces
éducateurs-là pour développer l'autonomie, les jeunes n'y étaient pas pour
pouvoir développer leur autonomie dans cet accompagnement-là. C'est ça qui crée,
dans le fond, ce fossé-là à l'arrivée aussi des 18 ans. Et souvent on a des
jeunes, de par expérience, qui, 18 ans moins un mois, là, disent : Eh! mon
Dieu, je ne suis pas prêt. Mais où étais-tu les derniers mois? Et ça fait tout
partie de leur processus de hauts et de bas qui...
On offre le service et quand on dit qu'on
est à bonifier et regarder, c'est comment on peut, même, élargir, être là plus
en amont encore. Mais est-ce qu'on ira plus loin que 19 ans? C'est quoi, la
réalité? Ça fait qu'on est tous dans cette réorganisation-là, mais nous avons
les éducateurs. Mais, si on élargit les critères, il faut aussi peut-être
élargir les possibilités de cette équipe-là, qu'ils soient disponibles
davantage, donc puissent prendre plus de jeunes ou être plus nombreux pour
accueillir tout ce processus d'accompagnement là.
M. Benjamin : Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Bonsoir. Certains organismes qui sont passés avant vous hier ou
aujourd'hui parlaient beaucoup du fait que la sortie de la prostitution est
rarement un événement soudain, hein, que si... On peut faire des
allers-retours. <J'avais donc... >Je voulais voir si vous aviez
constaté cet état de fait là, si vous partagiez cette lecture-là. Et surtout,
selon vous, qu'est-ce qui serait les conditions idéales pour une sortie
réussie, tant en matière de services qu'en matière de façons de s'assurer qu'il
y a une sécurité économique à la sortie de la prostitution?
Mme Gauthier (Jessica) : Je
vais me lancer. Effectivement, on voit... c'est un cycle, hein? Nous, on
travaille avec les phases d'engagement. Il y a des hauts et des bas. Il y a
effectivement des chutes et des rechutes. Ça fait partie du cycle, du processus
pour de multiples raisons. Pour certaines jeunes, c'est les menaces qu'elles
subissent qui les ramènent à le vivre. Pour d'autres jeunes, elles se croient
assez solides et retournent dans les mêmes milieux. Pour d'autres jeunes, tant
qu'elles ne voient pas le... qui ne sont pas en état de crise, qu'ils n'ont pas
vécu d'événements négatifs, qu'ils sont encore... on appelle ça l'appât du
gain, qu'ils voient le gain monétaire, le plaisir, la liberté, il y a de
multiples facteurs qui les amènent soit à continuer, mais à ne pas vivre
l'ambivalence de façon... tous à la même vitesse, dans le fond. Ça fait que le
processus de changement, pour certaines, est rapide et, pour d'autres, prend
effectivement une tournure qui est plus complexe.
Une sortie réussie, pour ma part,
effectivement, ça combine un ensemble d'interventions. Depuis le début de la
commission, je crois que c'est très clair, les clients abuseurs, les
proxénétistes et ainsi que les victimes, il faut travailler de front les trois.
Aujourd'hui, on vous a parlé davantage du côté, peut-être, victimes. Le côté
clientèle, on est moins proches en termes de DPJ. Cependant, au niveau du
proxénétisme, je l'ai nommé un peu, hein, on est très, très soucieux de nos
jeunes adolescents aussi. Donc, du travail en amont face à cette clientèle-là.
Ça fait que je crois qu'il faut travailler
de front l'ensemble des situations, de mettre en place, effectivement,
l'ensemble des services. <On est... >Je crois qu'on est bon dans
la sécurisation de nos enfants. On a les éléments pour. Je crois qu'on a des
intervenants dédiés, qui sont doués pour le faire aussi... mais de poursuivre
tout l'arrimage avec le milieu communautaire. On a beaucoup d'alliances, mais
bonifier ces alliances-là aussi pour offrir plus d'opportunités. Pour certains
jeunes, un modèle est intéressant, mais <pour un autre, c'est un... >pour
une autre victime, c'est un autre modèle qui collera davantage à son besoin
puis correspondra davantage à ce qui est nécessaire. Pour certains jeunes,
c'est la précarité économique, mais pour d'autres, ce sera le côté affectif,
dont le traitement du trauma, qui va avoir un impact. Donc, c'est vraiment
l'individualisation aussi du travail auprès de ces victimes-là, auprès de ces
jeunes-là, qui amène aussi cet impact-là.
Donc, pour ma part, je ne crois pas qu'il
y a un seul modèle unique. Mais comment on peut faire un ensemble, un ensemble
d'offres de services qui permettra à chacun d'y trouver sa place pour pouvoir
évoluer et s'en sortir mais aussi de continuer à former de plus en plus de
personnes? Je pense qu'on a une super belle opportunité à Québec. On a formé
beaucoup de gens, on a commencé au niveau provincial depuis l'année passée. Les
gens ont un engouement, un intérêt, et ce langage commun là aussi facilite la
meilleure connaissance des rôles, mandats, missions de chacun, et ça, ça
facilite la concertation. Et les jeunes le voient qu'on travaille dans le même
objectif, que les organisations se parlent et s'entendent et visent le même
besoin du jeune. Ils le ressentent, les enfants, et ils l'apprécient quand ils
voient qu'on travaille tous ensemble pour le même besoin. Je ne sais pas si
vous voulez ajouter.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Ça va pour vous? Prochaine question, députée de Roberval.
Mme Guillemette : Merci, M. le
Président. Mme Gauthier, vous avez effleuré un peu l'aspect des réseaux
sociaux. Est-ce qu'il y a quelque chose que vous aimeriez... bien, qui pourrait
nous aider, là, qui n'a pas été nommé ce soir en lien avec les réseaux sociaux?
Mme Gauthier (Jessica) :
Effectivement, bien, ce que je voulais nommer, tout à <l'heure...
Mme Guillemette : ...vous
avez effleuré un peu l'aspect des réseaux sociaux. Est-ce qu'
il y a
quelque
chose que vous aimeriez... bien, qui pourrait nous aider, là, qui n'a pas été
nommé ce soir en lien avec les réseaux sociaux?
Mme Gauthier (Jessica) :
Effectivement, bien, ce que je voulais nommer,
tout à >l'heure,
un, c'est d'augmenter la sensibilisation, mais la sensibilisation des parents,
qui sont les premiers responsables, mais qui sont aussi les modèles de leurs
enfants.
Je vais vous donner un exemple qui est
très concret, qu'on peut voir, que vous pouvez voir si vous avez un Facebook de
ce monde. Est-ce que toutes vos amies sécurisent leurs informations? Est-ce que
toutes vos amies s'abstiennent de mettre des photos en bikini sur la plage à
Cuba? J'extrapole dans les exemples, mais les parents sont les exemples et les
modèles. Est-ce que les parents sont avec leurs cellulaires au souper ou sont
en discussion avec leurs enfants? Donc, je pense, une meilleure sensibilisation
des adultes, des parents.
Et dès l'âge primaire, nos jeunes sont
connectés très jeunes, une meilleure éducation numérique pour ces enfants-là
qui arrivent au secondaire déjà... qui sont déjà obnubilés par la quasi
présence au quotidien, tout le temps, dans les murs des écoles, maintenant,
aussi. Il a fallu que les instituts s'ajustent, et c'est correct, hein? Une
saine utilisation des technologies de l'information et de communication, c'est
un bel outil. Mais est-ce qu'ils sont tous prêts à bien l'utiliser? Et les
adolescents, malheureusement, ont cette insouciance, l'impression qu'un écran,
ce n'est pas dangereux, l'impression que même si c'est Ti-Bob28... Ti-Bob28 ne
peut pas être un danger, parce que je ne le vois pas, il n'est pas devant moi,
il n'a pas l'air menaçant. Donc, ça a un impact pour... cette insouciance-là,
adolescente, qui est, de prime abord, normale, hein, c'est l'âge du plaisir
et... mais ça a des impacts et donc... et sans dire... la gravité d'un abus
sexuel sans contact peut être aussi grave que l'autre enfant qui s'est fait
toucher.
La photo de la jeune fille nue qui a
circulé aux 500 autres élèves, les impacts et les séquelles traumatisantes
sont aussi importants. Donc, il faut continuer de se l'adresser. On a une belle
équipe intégrée ici, à Québec, qui nous permet de l'intervention, mais la
sensibilisation et la prévention chez les parents, la prévention et l'éducation
chez les enfants dès l'âge primaire, je crois que c'est essentiel. Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Je sais qu'il y avait d'autres questions. Malheureusement,
c'est tout le temps qu'on avait. Merci beaucoup de votre contribution à nos
travaux.
Avant de suspendre les travaux, je vais
remercier vous à la maison qui nous suivez. On vous donne rendez-vous demain et
on va suspendre cette commission quelques instants pour continuer en séance de
travail. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 21 h 8)