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Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Thursday, August 15, 2019 - Vol. 45 N° 33

General consultation and public hearings on the consultation document entitled “Québec Immigration Planning for the 2020-2022 Period”


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Table des matières

Auditions (suite)

Institut de recherche sur l'intégration professionnelle des immigrants (IRIPI)

Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR)

Montréal International (MI)

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration (AQAADI)

Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ)

Commission des partenaires du marché du travail (CPMT)

Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI)

Intervenants

Mme MarieChantal Chassé, présidente

M. Sylvain Lévesque, président suppléant

M. Simon Jolin-Barrette

M. Monsef Derraji

Mme Monique Sauvé

M. Andrés Fontecilla

Mme Méganne Perry Mélançon

Mme Paule Robitaille

Mme Stéphanie Lachance

Mme Lucie Lecours

Mme Marilyne Picard

*          M. Habib El-Hage, IRIPI

*          Mme Monica Schlobach, idem

*          M. Jean-Nicolas Beuze, HCR

*          Mme Emmanuelle Paciullo, idem

*          M. Hubert Bolduc, MI

*          Mme Caroline Boucher, idem

*          M. Francis Bouchard, idem

*          M. Serge Cadieux, FTQ

*          M. Gilles Grondin, idem

*          M. Guillaume Cliche-Rivard, AQAADI

*          M. Ho Sung Kim, idem

*          Mme Sylvie Tardif, idem

*          Mme Véronique Proulx, MEQ

*          M. Giany Huyghues-Despointes, idem

*          Mme Audrey Murray, CPMT

*          M. Simon Gaudreault, FCEI

*          Mme Annie Larochelle, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-deux minutes)

La Présidente (Mme Chassé) : Très bien. Bon matin, tout le monde. Je vous invite à prendre place. Je constate le quorum, et je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte, et je vous souhaite la bienvenue, et demande à tous de bien vouloir éteindre la sonnerie et le mode vibration de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie ce matin afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le cahier de consultation intitulé La planification de l'immigration au Québec pour la période 2020‑2022.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Skeete (Sainte-Rose) est remplacé par Mme Picard (Soulanges); M. Birnbaum (D'Arcy-McGee) est remplacé par M. Derraji (Nelligan); Mme Dorion (Taschereau) est remplacée par M. Fontecilla (Laurier-Dorion); M. LeBel (Rimouski) est remplacé par Mme Perry Mélançon (Gaspé).

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Chassé) : Excellent. Ce matin, nous entendrons les organismes suivants : tout d'abord, l'Institut de recherche sur l'intégration professionnelle des immigrants, ensuite, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, par la suite, Montréal International, et nous finirons ce matin avec la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Nous avons débuté à l'heure, alors nous sommes des champions, fantastique!

Je souhaite donc la bienvenue aux représentants de l'Institut de recherche sur l'intégration professionnelle des immigrants. Vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé. À une minute de la fin, je vais vous faire un signe pour vous inviter à conclure. Je vous invite à tout d'abord vous présenter puis à poursuivre avec votre exposé. Bienvenue.

Institut de recherche sur l'intégration
professionnelle des immigrants (IRIPI)

M. El-Hage (Habib) : Merci. Merci, Mme la Présidente. Mesdames et messieurs, merci. Alors, Habib El-Hage, directeur de l'Institut de recherche sur l'intégration professionnelle des immigrants, l'IRIPI. Je suis accompagné par Mme Monica Schlobach, chercheure et coordonnatrice scientifique à l'IRIPI.

Alors, lors de cette présentation, nous ferons état des activités de l'IRIPI. Ensuite, nous présenterons les grandes lignes de notre mémoire et présenterons nos recommandations. Nous serons par la suite disponibles à répondre à vos questions.

L'Institut de recherche sur l'intégration professionnelle des immigrants, l'IRIPI, créé en 2009 par le collège de Maisonneuve, est un centre collégial de transfert de technologies en pratiques sociales novatrices. Il a pour mission de contribuer au développement et au transfert de pratiques sociales novatrices en vue de favoriser l'intégration sociale et professionnelle des personnes immigrantes et issues de l'immigration. C'est un lieu interdisciplinaire de recherche appliquée. L'IRIPI travaille avec une variété d'organisations impliquées dans le processus d'intégration des immigrants au marché du travail et à la société québécoise. Ses trois principaux créneaux sont la gestion de la diversité ethnoculturelle dans les entreprises et les organisations, les pratiques et médiation interculturelle, prévention, lorsqu'on parle aussi de pédagogie interculturelle et autres, et les pratiques sociales novatrices, tout ce qui est en lien avec les solutions.

L'enjeu présenté dans cette consultation interpelle l'IRIPI. On a ressenti le besoin d'être ici pour envoyer le message suivant : L'IRIPI considère que l'arrimage entre les besoins du marché du travail, le recrutement et les compétences des personnes immigrantes n'est qu'une étape dans un processus complexe. Même si l'esprit du nouveau programme Arrima est louable, il n'en demeure pas moins que la sélection des nouveaux arrivants eu égard aux besoins des entreprises ne garantit pas une bonne intégration en emploi ou en société.

L'IRIPI croit que l'accompagnement des acteurs concernés — entreprises, écoles, villes, personnes immigrantes — dans la gestion de la diversité ethnoculturelle et l'intégration des personnes immigrantes est l'affaire de tous. C'est une responsabilité qui doit être partagée par l'ensemble des parties prenantes, des citoyens, des organismes communautaires et interpelle la responsabilité sociale des entreprises et non seulement le MIDI. Toutefois, il faut une vision, un leadership politique rassembleur. On le dit souvent, l'intégration des personnes immigrantes débute par un leadership politique. Dans ce sens, au-delà des aspects économiques présentés dans le document de consultation, le gouvernement doit soutenir davantage l'intégration des personnes immigrantes par un investissement soutenu dans la gestion de la diversité ethnoculturelle en entreprise, dans l'innovation, dans la francisation en entreprise, dans le développement de la reconnaissance des compétences et assurer un meilleur soutien aux populations vulnérables, notamment les demandeurs d'asile et les personnes ayant un statut temporaire, les travailleurs saisonniers et étudiants étrangers, par exemple.

Le document de consultation mise sur l'arrimage entre compétences et besoins des entreprises. Alors, pour que l'arrimage réussisse, il faut aller au-delà des considérations économiques et mettre des efforts sur la collaboration, la concertation, la mobilisation des différents acteurs de la société.

Malgré la bonne intention du gouvernement d'accélérer le processus de sélection des nouveaux candidats à l'immigration, plusieurs zones grises demeurent sans explication, notamment en ce qui concerne la reconnaissance des compétences à l'étranger, l'orientation 4, la favorisation des candidats ayant une connaissance des valeurs démocratiques, l'orientation 7, et les problèmes d'accès aux services des demandeurs d'asile.

À propos des barrières à l'intégration, plusieurs obstacles persistent. Il existe toujours aujourd'hui un consensus relatif sur ces derniers, par exemple le manque de pratiques de gestion de la diversité sur le milieu de travail, de la discrimination, manque de réseaux social et professionnel, difficulté d'accès à l'information, difficulté de reconnaissance des diplômes, des qualifications et de l'expérience professionnelle acquise à l'étranger de la part des divers acteurs du marché du travail, employeurs, ordres professionnels, établissements d'enseignement, par exemple. Dans le but de faciliter le partage d'expertise dans la reconnaissance des diplômes, des compétences des travailleurs immigrants, l'IRIPI recommande au MIDI la mise en oeuvre d'un système permettant la collaboration, le partage de bonnes pratiques et initiatives novatrices entre le ministère, le MIDI, les entreprises et les acteurs du marché du travail ayant développé des méthodes de reconnaissance des compétences.

À l'image de la société québécoise, la diversité ethnoculturelle est présente dans les entreprises. Si cette diversité est une source de richesse, elle ne va pas sans certains nombres de défis qui doivent être ou faire l'objet d'une certaine attention particulière de la part des gestionnaires.

Pour les personnes immigrantes intégrées en entreprise et visant des postes de responsabilité ou exigeant des compétences rédactionnelles, la maîtrise de la langue française constitue parfois une barrière menant à un effet de plafond de verre. Une étude récente de l'IRIPI a souligné l'importance de la mise en oeuvre, notamment en entreprise, d'une offre de francisation compatible avec les exigences linguistiques des postes occupés par les personnes immigrantes et aussi des postes que ces personnes envisagent dans leur plan de carrière.

La recommandation 2, c'est : «L'IRIPI recommande au MIDI de soutenir l'innovation dans les initiatives des entreprises pour une francisation en milieu de travail et dans le domaine de la gestion de la diversité par un "apprentissage mutuel" de différents acteurs impliqués dans le processus d'intégration des [personnes immigrantes, c'est-à-dire les] entreprises, [les] organismes communautaires, cégeps, centres de recherche, municipalités, etc.»

• (9 h 40) •

L'orientation 7 du document portant sur la planification de l'immigration affirme que, dans les années à venir, le gouvernement du Québec souhaite favoriser la sélection de personnes qui connaissent les valeurs démocratiques et québécoises exprimées par la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. La remarque nous semble problématique et renvoie à une longue polémique qui a fait couler beaucoup d'encre dans les milieux académiques et médiatiques depuis les années 80. En effet, procéder à une favorisation dans la sélection des personnes immigrantes qui connaissent les valeurs démocratiques peut faire l'objet de plusieurs interprétations qui promeuvent l'exclusion. À partir de quels indicateurs une personne candidate à l'immigration serait considérée conforme ou non aux valeurs québécoises? La méconnaissance des valeurs québécoises amène-t-elle une exclusion des candidats à l'immigration? Peut-on croire que les valeurs québécoises peuvent être apprises et valorisées en terre québécoise? N'y a-t-il pas un danger de créer un sous-entendu préjudiciable entre ceux qui connaissent... pardon, ceux qui nous ressemblent et les autres, c'est-à-dire ceux qui proviennent de sociétés qui n'ont pas les mêmes codes et valeurs du Québec?

Dans ce sens, l'IRIPI recommande au MIDI de continuer les efforts qui favorisent l'intégration, la pleine participation des personnes immigrantes et de miser sur le développement des formations sur l'histoire du Québec, sur l'histoire de l'immigration au Québec, les valeurs de la société ainsi que le développement des compétences interculturelles qui contribuent au développement des relations harmonieuses entre les citoyens du Québec.

Le document de consultation évoque l'importance des populations ayant un statut temporaire, comme les étudiants étrangers et les travailleurs temporaires. Cette population ou ces populations peut ou peuvent vivre une certaine fragilisation due à un statut précaire, idem pour la population de demandeurs du statut de réfugié. Il s'agit d'une population ayant souvent vécu des problèmes sociaux et économiques pouvant les fragiliser psychologiquement, ce qui demande des services adaptés à leur vécu migratoire.

Dans le cas des demandeurs du statut de réfugié, leur statut incertain peut rendre leur intégration socioprofessionnelle plus longue et imprévisible. Les données provenant de nos enquêtes de terrain portant sur la régionalisation des personnes immigrantes démontrent que nombre d'entreprises et d'autres acteurs ne sont pas assez outillés pour répondre aux besoins des demandeurs d'asile et personnes réfugiées, qui sont plus enclins à s'établir en région d'une manière plus durable que les autres catégories d'immigration. Alors, l'IRIPI recommande au MIDI de soutenir les efforts de collaboration, de partage des expériences et des compétences entre les entreprises et les acteurs montréalais et régionaux qui participent au processus d'intégration des personnes réfugiées ou en attente de la reconnaissance du statut de réfugié dans leurs démarches visant à mieux répondre à leur besoin d'intégration. L'IRIPI recommande une prise en charge et une évaluation des risques encourus par les demandeurs du statut de réfugié, notamment lors des premiers mois au Québec, soit avant l'obtention par eux d'un permis de travail et d'un emploi correspondant à leurs aspirations.

Alors, pour conclure, notre message est un message d'encadrement, de soutien, d'aide à la francisation et une évaluation de ce qui existe déjà. Le Québec a toujours innové dans ce domaine-là, il faut continuer dans ce sens. Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : M. El-Hage... c'est comme ça que je prononce?

M. El-Hage (Habib) : El-Hage.

La Présidente (Mme Chassé) : El-Hage.

M. El-Hage (Habib) : Oui.

La Présidente (Mme Chassé) : Je vous remercie pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange en débutant avec le parti formant le gouvernement. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. M. El-Hage, Mme Schlobach, bonjour. Merci d'être à l'Assemblée nationale pour présenter votre mémoire.

Écoutez, quelques questions, d'entrée de jeu. Vous avez dit : Écoutez, il faut davantage soutenir l'intégration. Récemment, on a annoncé la mise en place d'un parcours d'accompagnement personnalisé de 20 millions de dollars, le fait aussi de donner une allocation pour suivre la session Objectif intégration, qui renseigne sur les codes socioculturels de la société québécoise, qui donne les clés aussi pour l'intégration en milieu de travail, qui fait un portrait général des valeurs québécoises exprimées par la Charte des droits et libertés de la personne. En francisation, on a annoncé une bonification de l'allocation à temps plein de 141 $ à 185 $, on a également créé une nouvelle allocation à temps partiel — auparavant, c'était 0 $, maintenant c'est 15 $ par jour de formation — on va engager 80 nouveaux professeurs aussi en francisation, on crée des sessions intercalées pour que l'accès à la francisation soit plus facile en fonction de l'horaire, on va avoir éventuellement un guichet unique. Est-ce que ces mesures-là sont un pas dans la bonne direction?

M. El-Hage (Habib) : Je pense qu'elles sont dans la bonne direction. Il faut voir maintenant leur impact. Il faut voir par la suite qu'est-ce qu'on garde et qu'est-ce qu'on ne garde pas. Et, comme tous les programmes qui ont eu lieu jusqu'à maintenant depuis les années 60-70, il y a eu énormément d'innovations au Québec dans les programmes qui visent à intégrer, évidemment. Il y a certains programmes, probablement, qu'il faut les revoir ou qu'il faut les améliorer. C'est dans ce sens-là qu'on dit : Il faut continuer à soutenir. Nous, on dit : Il faut continuer à soutenir, justement, cette démarche d'intégration ici. Alors, je pense que, oui, en effet, c'est la bonne voie. Maintenant, il va falloir peut-être attendre qu'est-ce que... c'est quoi, l'impact de toutes ces mesures-là sur les objectifs visés, évidemment, mais on est sur une bonne voie. Depuis les années 70, on travaille sur ces programmes, on s'améliore. Il y a des aspects qui sont moins intéressants, des programmes qui étaient moins intéressants, on les a passés, d'autres qui sont plus intéressants, on a bonifié. Il faut continuer, c'est ce qu'on dit.

M. Jolin-Barrette : Mais est-ce que vous êtes d'accord avec moi que c'est la première fois qu'il y a autant d'argent, au ministère de l'Immigration, pour faire en sorte d'assurer l'intégration puis la francisation?

M. El-Hage (Habib) : Je pense qu'on a assez de sous, d'argent maintenant, et il faut les investir à cette bonne place, évidemment. Je suis tout à fait d'accord avec ça.

M. Jolin-Barrette : O.K. Parce que, juste pour illustrer mon propos, ça revient à un choix politique puis ça revient à un choix de société. Quand on décide de consacrer les ressources comme on l'a fait dans le dernier budget, puis de pouvoir vraiment créer un parcours d'accompagnement personnalisé, et donner davantage de ressources en francisation, notre objectif à nous, c'est vraiment d'accompagner les personnes immigrantes dès l'étranger pour faire en sorte que tout le processus d'intégration, bien, puisse être couronné de succès. Mais je comprends ce que vous nous dites, c'est que, dans le fond, avec le parcours, supposons, on va être en mesure de juger les bienfaits dans quelques mois, quelques années, puis vous nous invitez à rester vigilants pour ajuster le programme si jamais il y a des choses qui ne fonctionnent pas ou d'une façon à le bonifier.

M. El-Hage (Habib) : Tout à fait, c'est dans ce sens-là. En fait, le Québec a, depuis longtemps, créé des programmes. On n'est pas dans un désert de programmes là-dessus. C'est justement cet aspect-là, de l'évaluer, de voir qu'est-ce qu'on garde, qu'est-ce qu'on ajoute, qu'est-ce qu'on enlève, ça, c'est très important. Et, vu qu'il y a beaucoup de sous, actuellement, je pense, c'est une conjoncture intéressante de voir, d'évaluer tout ça et d'investir là-dedans, d'ajouter, d'enlever et de bonifier.

M. Jolin-Barrette : O.K. Parlons un peu des valeurs. Tout à l'heure, vous disiez : Ça peut porter à l'exclusion. Pouvez-vous expliquer davantage qu'est-ce que vous voulez dire par là? Parce qu'on a modifié, dans le projet de loi n° 9, la Loi sur l'immigration justement pour faire référence aux valeurs québécoises exprimées par la Charte des droits et libertés de la personne, les valeurs démocratiques aussi. En quoi le fait de prôner l'adhésion à ces valeurs ou, je vous dirais, aux fondations de la société québécoise, ça milite en faveur de l'exclusion?

• (9 h 50) •

M. El-Hage (Habib) : En fait, ce n'est pas tout à fait comme ça qu'on le dit, on dit... Dans le texte de consultation, ce qui a été dit, c'est : On veut favoriser la sélection des personnes qui connaissent — qui connaissent — les valeurs. Notre interprétation, et on s'est posé des questions, donc, si une personne ne connaît pas les valeurs québécoises à partir du pays d'origine, elle serait exclue. On se pose la question : Est-ce qu'elle va être exclue? Est-ce que ce candidat-là qui ne connaissait pas au préalable les valeurs québécoises, il serait tassé? Je connais plusieurs personnes qui sont arrivées au Québec... J'en suis une, de ces personnes-là. Dans les années 90, je ne connaissais pas les valeurs québécoises, donc je serais exclu, dans ce cas-là, et bien d'autres personnes, évidemment. C'est ça, notre interrogation. On est d'accord pour dire qu'il se fait énormément de choses, au Québec, d'une façon superintéressante sur le plan de l'éducation, de la formation, justement, sur la question des valeurs québécoises, et ça donne fruit. Alors, la question, on s'interroge tout simplement : Pourquoi il faut la mettre en amont avant d'arriver? Vu qu'il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de travail qui se fait ici, de l'accompagnement, justement, personnalisé, pourquoi ne pas garder ça et le bonifier? Notre recommandation va dans ce sens-là, c'est de dire : Travaillons là-dessus ici. Une fois qu'une personne est arrivée ici, on est capables de l'intégrer.

Vous savez, on le sait, sur cette question-là, il n'y a rien de mieux que de se frotter aux gens, autrement dit de connaître l'environnement social, de connaître l'environnement ambiant. Il faut rencontrer les gens, il faut, c'est comme ça qu'on apprend. Les théories sur l'apprentissage, sur le contact nous disent : C'est comme ça qu'on apprend, il faut être en contact avec les gens. Si quelqu'un veut m'apprendre quelque chose, bien, c'est par ce moyen-là. Moi, je pense, mon parcours personnel, c'est la famille Quévillon, c'est la famille Tremblay, c'est la famille Gagnon, c'est la famille Gascon. C'est elles qui m'ont montré qu'est-ce que c'est, les valeurs québécoises, et c'est comme ça que j'ai aimé les valeurs québécoises. Et, comme moi, il y a des milliers de personnes, des millions de personnes qui ont appris les valeurs québécoises comme ça. Personnellement, je ne peux pas imaginer qu'à partir de l'étranger je vais apprendre ou connaître... parce que c'est ça aussi, c'est connaître les valeurs québécoises. Oui, je peux les connaître, mais je préfère adhérer aussi. On peut faire un beau travail ici, on le fait déjà. C'est dans ce sens-là, c'est juste... c'est des interrogations. Est-ce qu'il va y avoir une exclusion si je ne connais pas les valeurs québécoises?

M. Jolin-Barrette : Vous savez qu'actuellement toute personne qui immigre au Québec doit signer une déclaration d'adhésion aux valeurs québécoises. Donc, vous dites : Ça, ce n'est pas pertinent. Parce que la question qui se pose, fondamentalement, c'est de dire : Il est possible d'être accompagné, il est possible d'être confronté à ces valeurs-là un coup au Québec, mais, dès le départ aussi, il faut savoir dans quelle société on s'en vient. Puis sur la question de l'engagement partagé, ça, c'est important, parce que, si dès le départ on dit : Moi, la démocratie, moi, l'égalité entre les femmes et les hommes, moi, la non-discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, je n'adhère pas à ça, je ne suis pas convaincu que ça va faire grandement avancer la société québécoise.

Alors, je suis d'accord avec vous que la forme d'apprentissage, c'est quand on est dans le bain, puis tout ça, mais il n'y a rien qui empêche, dès le départ, en termes de contrat moral, au niveau de l'immigration, de dire : Voici quels sont les paramètres de la société québécoise, sachez que la société québécoise est un État de droit, sachez qu'on va faire en sorte d'avoir une société qui est égalitaire, que les principes de non-discrimination sont enchâssés, qu'on va faire en sorte que l'opportunité pour tous et chacun de faire de qu'il souhaite dans la société québécoise est présente. Vous savez, un peu dans ce sens-là. Moi, je ne considère pas que c'est une forme d'exclusion, mais c'est plutôt de l'inclusion de dire : Voici les paramètres de la société québécoise, dès le départ.

M. El-Hage (Habib) : Très bien, là-dessus je vous suis. Vous avez parlé de valeurs morales, de contrat moral, on a déjà eu cette expérience-là en 1984, et ça a été évalué et remplacé par le contrat civique pour une raison simple, c'est que le contrat moral, à l'époque, engageait seulement la personne immigrante. Et, lorsque le Parti québécois est arrivé, il a dit : Non, bien, il faut réfléchir davantage, il faut engager davantage la solidarité, il faut engager davantage la participation de tout le monde, là, et c'étaient des valeurs de citoyenneté très pertinentes et intéressantes. Malheureusement, on n'en parle pas aujourd'hui, ou moins.

Mon intervention visait à dire, tout simplement... et c'est une question, de dire : Est-ce que, si une personne ne connaît pas... un jeune de 18 ans qui ne connaît pas au préalable les valeurs québécoises, est-ce qu'il va être exclu — c'est tout simplement ça — et pourquoi? Parce qu'il peut les apprendre ici, il peut les connaître ici, parce qu'il va rencontrer du monde ici, à l'école, il va avoir des cours ici, et tout ça. C'est tout simplement ça.

M. Jolin-Barrette : Mais là-dessus vous dites : Le sens civique, l'adhésion civique. Bien, j'en suis, parce que l'immigration, c'est un engagement partagé de la société d'accueil et de la personne immigrante, donc il faut s'assurer que tout le monde travaille dans la même direction. Alors, nous, c'est très clair que notre plan est justement là pour mobiliser les acteurs locaux aussi. Puis on a vu beaucoup, dans le cadre de la consultation, plusieurs entreprises qui sont venues nous dire : Écoutez, nous, là, on est partie prenante au processus d'intégration, de francisation, on veut continuer, on s'assure... Je pense, c'est Olymel qui nous disait : Écoutez, la première semaine, c'est consacré à la caisse populaire, trouver un logement, vraiment accompagner les gens. Alors, je pense que, du point de vue de la société québécoise, l'effort, il est fait, puis vraiment les efforts sont déployés.

Alors, écoutez, je vais m'arrêter ici parce que je sais que j'ai des collègues qui veulent poser des questions, mais je vous remercie pour la présentation du mémoire.

La Présidente (Mme Chassé) : Effectivement, M. le ministre, votre collègue de Chauveau désire prendre la parole. Allez-y.

M. Lévesque (Chauveau) : Merci. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Heureux de vous retrouver ainsi que tous les collègues ce matin. M. El-Hage, Mme Schlobach, merci beaucoup de votre présentation. Et, pour avoir été impliqué quand même un peu en immigration, il y a un élément que vous avez mentionné que je trouve central, c'est la concertation pour... On parle beaucoup de seuils, on parle beaucoup d'accueil, mais pour réussir, c'est un travail collectif. Mais le fait que vous avez mis l'emphase, ce matin, sur la concertation, sur cette intégration-là, tous les partenaires doivent être impliqués, est-ce que, dans votre institut de recherche, vous avez identifié des lacunes en cette matière? Parce que ma perception, dans la région de Québec, puis bien sûr, c'est peut-être différent ailleurs, mais il y avait quand même une relativement bonne concertation entre les acteurs. Mais avez-vous identifié des problèmes majeurs pour cette... à l'intérieur de la concertation, qui favorisent l'intégration de nos personnes immigrantes lorsqu'elles arrivent au Québec?

M. El-Hage (Habib) : Oui. En fait, ce qu'on a remarqué et ce qu'il manquerait, quelques aspects dans cette chaîne de concertation, notamment, par exemple, entre régions, Montréal et régions aussi... Ce que nous avons remarqué aussi, qu'on peut innover davantage aussi dans le sens de créer ce qu'on appelle des tables situationnelles. Donc, ce n'est pas juste de la concertation, mais ce sont des tables situationnelles qui sont... qui peuvent être des regroupements des professionnels, donc on est au niveau professionnel, pas des décideurs, au niveau professionnel, qu'ils peuvent travailler en concertation et partager des études de cas problématiques, mais aussi désigner un groupe ou quelqu'un qui peut travailler sur la solution et faire un suivi par la suite. Ce ne sont pas des communautés de pratique, ce sont des tables situationnelles, et on a peu de tables situationnelles au Québec. Dans l'Ouest, c'est beaucoup plus développé, ce qu'on appelle communément les hubs. Ça peut être très intéressant peut-être de voir comment des professionnels qui sont dans le même domaine peuvent se regrouper, et faire des études de cas, et désigner quelqu'un pour trouver des solutions par rapport à un problème qui existe. Voyez-vous, on est loin... bien, on est... c'est différent d'une communauté de pratique. On sait c'est quoi, une communauté de pratique, ça peut être un regroupement de professionnels qui sont là pour échanger de l'information, avoir des formations, et autres, mais ils ne travaillent pas sur l'intervention, par exemple, pour trouver des solutions pratico-pratiques rapides avec un porteur de dossier.

M. Lévesque (Chauveau) : Est-ce que cette approche-là, vous parlez, situationnelle... parce qu'un des défis qu'on a à relever, c'est la régionalisation de l'immigration. On sait que la majorité vont dans la grande région de Montréal, c'est normal, il y a plus de diversités culturelles dans la région métropolitaine qu'ailleurs au Québec. Mais est-ce que cette façon de faire là, c'est des solutions que vous proposez pour favoriser, notamment, la régionalisation?

M. El-Hage (Habib) : En fait, ça peut être une façon, il faut l'étudier avec les personnes les plus concernées. L'approche, à l'IRIPI, est de dire : On coconstruit avec les personnes présentes, évidemment, et souvent... Il ne faut pas oublier que, parmi les personnes les plus importantes, c'est la personne immigrante elle-même, là, c'est-à-dire ceux qui peuvent représenter ces groupes-là et non seulement dans un organisme ou dans un ministère, mais aussi la personne qui est là, qui peut parler au nom de ses collègues, et ça, c'est très important de l'inclure dans la solution, évidemment. Mais notre approche, c'est de travailler avec tout le monde toujours et, à partir du terrain, nous, on va présenter quelque chose, évidemment.

M. Lévesque (Chauveau) : J'aimerais poursuivre avec vous, M. El-Hage, si vous me permettez, sur la régionalisation, justement. Quelles sont les principales barrières que vous avez identifiées qui défavorisent la régionalisation? Qu'est-ce que vous percevez, au sein des personnes immigrantes, qui fait que c'est difficile de les amener à Québec, les amener au Saguenay—Lac-Saint-Jean, dans la région du Bas-Saint-Laurent, pour ne nommer que celles-là? Quelles sont les principales barrières?

M. El-Hage (Habib) : Bien, ça revient toujours, et il y a un consensus là-dessus, le réseau social, le réseau professionnel, c'est vraiment des barrières. Des fois, ça peut être la question de... la connaissance du français aussi, ça peut être une barrière. Si on parle des barrières, ça peut être ceux-là qui reviennent le plus souvent. Donc, c'est des barrières à travailler là-dessus aussi.

La Présidente (Mme Chassé) : En conclusion.

M. El-Hage (Habib) : Pardon?

La Présidente (Mme Chassé) : En conclusion.

M. El-Hage (Habib) : Oui. Alors, c'est ça, des barrières. Voilà.

La Présidente (Mme Chassé) : Très bien. Oui?

M. Lévesque (Chauveau) : Alors, je pense que je n'ai plus de temps, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Chassé) : Bien, il vous reste une dizaine de secondes.

M. Lévesque (Chauveau) : Ah! tout simplement vous remercier, à ce moment-là. J'aurais aimé parler de votre proposition au niveau de l'histoire, l'enseignement de l'histoire aux personnes immigrantes, mais, peut-être, mes collègues poseront des questions à ce niveau-là.

La Présidente (Mme Chassé) : Ah! c'est bien, la suggestion de collaboration, j'aime ça. On est en train de réinventer les règles à l'Assemblée nationale, j'adore ça.

M. Derraji : On travaille en collégialité.

La Présidente (Mme Chassé) : Et j'invite maintenant le parti formant l'opposition officielle à prendre la parole. M. le député de Nelligan.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Chassé) : Allez-y.

• (10 heures) •

M. Derraji : Vous pouvez l'inviter à Québec, hein? Il est juste à Montréal.

Mme Schlobach, M. El-Hage, bienvenue. Merci pour votre présence et pour votre rapport. J'ai entendu, lors de votre présentation, parler du leadership politique, vous l'avez dit à deux ou trois reprises. Pour vous, c'est quoi, le leadership politique?

M. El-Hage (Habib) : Bien, en fait, c'est prendre le bâton de pèlerin et aller voir, aller mobiliser les parties prenantes de plus haut au plus bas aussi, donc aller voir les personnes, aller voir les grands groupes et travailler à faire avancer d'une façon concertée le dossier de l'immigration, le dossier de la gestion de la diversité, les relations interculturelles, et autres.

M. Derraji : Et sentez-vous que ce leadership politique existe ou bien vous souhaitez qu'il existe?

M. El-Hage (Habib) : Il a toujours existé, ce leadership, au Québec, depuis Gérald Godin. Lorsqu'on ouvre les livres, on regarde l'histoire de ce pionnier, si vous voulez, dans ce domaine-là. D'ailleurs, ce n'est pas pour rien que l'interculturalisme est né avec M. Godin à l'époque. Et tous les partis politiques, par la suite, ont mis leur grain de sel aussi là-dessus avec un leadership politique, donc c'est très important. Mon intervention est de rappeler : Au-delà des impératifs économiques, au-delà de ça, là, il y a aussi et surtout le leadership politique, il ne faut pas l'oublier. Je ne suis pas en train de dire : C'est un moins ou plus, ce n'est pas ça.

M. Derraji : Oui, c'est qu'il faut l'adopter.

M. El-Hage (Habib) : Il faut le souligner.

M. Derraji : Excellent. Vous avez soulevé des inquiétudes — et corrigez-moi si je me trompe — par rapport à la façon avec laquelle... je ne pense pas que vous avez dit par rapport au test de valeurs, mais la façon avec laquelle on s'attend à voir un résultat. Et, pour vous, le résultat, c'est l'adhésion, c'est l'appartenance à cette société. Vous pensez que le ministère, avec sa façon avec laquelle il veut aller chercher ça, il se prend de la mauvaise façon ou probablement pas de la bonne manière.

M. El-Hage (Habib) : Juste comprendre, le résultat... quand vous dites le résultat, quel résultat?

M. Derraji : Bien, en fait, vous avez dit qu'il va y avoir des gens exclus et qui vont se sentir exclus, etc.

M. El-Hage (Habib) : Ah! O.K. Excusez-moi, oui.

M. Derraji : Pour moi, c'est un résultat, et vous semblez être... vous maîtrisez le sujet, vous êtes à la tête de l'Institut de recherche sur l'intégration professionnelle des immigrants. Moi, ce que j'aimerais, avec vous, aujourd'hui, c'est nous dire... parce que nous, nous avons eu le débat pendant le projet de loi n° 9 par rapport au test des valeurs, et on comprend la volonté du ministre et du ministère par rapport au test des valeurs. Moi, ma question, aujourd'hui, est très claire. Si on s'attend à voir de l'adhésion — des résultats escomptés — probante, vous, ça serait quoi, votre démarche?

M. El-Hage (Habib) : Ça serait d'aller mesurer comment ça se passe sur le terrain. On veut savoir qu'est-ce que c'est exactement lorsqu'on veut dire... si je prends l'exemple, de favoriser la sélection des candidats en amont, mais qu'est-ce que ça veut dire? Comment on peut favoriser la sélection à partir de leur connaissance ou non des valeurs? Si on parle de cet exemple-là, juste on veut savoir qu'est-ce que ça veut dire, connaissance? Donc, il faut mesurer toutes ces appellations-là et voir est-ce qu'il y a, est-ce qu'il y aura une exclusion, par exemple, c'est dans ce sens-là. Une personne qui ne connaît pas les valeurs, pour nous, elle peut les apprendre après, ce n'est pas...

M. Derraji : Mais c'est quand même intéressant, parce que le ministre vous a répondu, il vous a dit : Écoutez, là, les valeurs, pour moi, quelqu'un qui ne croit pas en l'égalité hommes-femmes, quelqu'un qui ne croit pas à telle valeur, à telle valeur, bien, il n'a pas de place à venir au Québec. Mais vous, vous allez beaucoup plus loin que ça, c'est que, oui, on peut répondre que, oui, je suis pour l'égalité hommes-femmes, mais sur les faits, sur le terrain, vous pensez que, probablement, il y aura matière à apprentissage sur le terrain. Est-ce que j'ai...

M. El-Hage (Habib) : En fait, nous, on s'appuie sur ce monde qu'on appelle les relations interculturelles, d'accord, sur les théories qui touchent cet aspect-là. On parle de théories de contact, de l'apprentissage, et ces théories-là nous apprennent que ça se construit avec l'autre, donc il y a un apprentissage à faire au contact de l'autre. Et, moi, ce que je dis : Je fais confiance à ce que le Québec a innové depuis très longtemps et je fais confiance au peuple québécois et à tout le monde qui entoure la personne qui arrive. Et on dit aussi : L'intégration, ce n'est pas juste l'affaire d'une personne ou d'un ministère, c'est tout le monde, il faut que tout le monde participe. Et je suis certain... vous avez autour de vous, autour de nous, tous ici, peut-être ici, dans la salle, des personnes qui ont eu ces expériences-là de contact, d'aller dans des familles, d'avoir eu des histoires, raconter des histoires, et ça change aussi, au fur et à mesure, les perceptions.

M. Derraji : Donc, pour vous, le Québec, s'il suit la logique de faire un test avant l'arrivée des immigrants, passe à côté des résultats escomptés, et ce que vous proposez, c'est plus laisser le temps aux gens qu'on accueille de vivre et de faire leur point de vue au niveau local en coconstruction avec la société d'accueil et probablement, s'il y a matière à accepter un test, que le test soit plus tard.

M. El-Hage (Habib) : En fait, c'est que je... oui.

M. Derraji : C'est comme un parcours universitaire, on ne te questionne pas... on ne te fait pas passer un test au début du cours, mais plutôt après 40 heures d'heures ou de... dans un cours ou un... Est-ce que c'est la même logique que vous voulez...

M. El-Hage (Habib) : En fait, dans certains programmes, il y a des tests avant le...

M. Derraji : Avant, oui.

M. El-Hage (Habib) : Mais, moi, ce n'est pas ça, ce que je dis. Ce que je dis : On questionne, on veut savoir, on veut comprendre comment ça se fait. Est-ce que ça va exclure des personnes? Si la personne ne connaît pas — je reviens encore au mot «connaître» — les valeurs, est-ce qu'elle va être exclue?

M. Derraji : O.K. J'ai une petite dernière question, après c'est ma collègue qui va poursuivre. Vous avez parlé d'une problématique, que je partage avec vous aussi, c'est les services psychosociaux et services juridiques aux immigrants temporaires. Ça serait quoi, votre proposition par rapport au MIDI? Est-ce que vous pensez qu'il faut les inclure dans le parcours personnalisé? C'est quoi, votre suggestion?

M. El-Hage (Habib) : En fait, on s'est rendu compte à plusieurs reprises, par exemple, dans le cas de certains étudiants étrangers qui ont des assurances ici, mais il nous arrive parfois que ces étudiants-là, lorsqu'ils ont des besoins particuliers, n'ont pas les moyens de payer, par exemple, le psychologue ou le médecin, pour, par la suite, réclamer les assurances, alors ça devient un peu difficile. C'est dans ce sens-là, peut-être, il faut voir, travailler sur ces difficultés-là.

M. Derraji : Et comment vous voyez la solution?

M. El-Hage (Habib) : Moi, ce que je vois, là, c'est peut-être s'entendre avec les compagnies d'assurance pour dire, peut-être, qu'ils puissent avoir accès aux services, et par la suite le travail peut se faire entre la compagnie d'assurance et le médecin ou la psychologue, par exemple.

M. Derraji : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Oui, je comprends que la députée de Fabre... Bienvenue.

Mme Sauvé : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Bon retour, Mme la vice-présidente.

Mme Sauvé : Merci. Bien heureuse d'être de retour.

La Présidente (Mme Chassé) : Oui, absolument. J'entends que vous désirez prendre la parole?

Mme Sauvé : Oui, Mme la Présidente. Combien de temps me reste-t-il?

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste trois minutes.

Mme Sauvé : Alors, je serai succincte. Alors, bienvenue à vous deux. Très contente de vous entendre. Moi, je veux revenir sur le parcours individualisé. Vous avez nommé des préoccupations, et c'est de la musique à mes oreilles quand vous dites qu'il faut rencontrer les gens, c'est comme ça qu'on apprend. Vous avez tellement raison. Pour avoir été presque 20 ans de ma vie dans l'approche globale d'accompagnement personnalisé des gens, alors, je veux vous poser une question très précise sur les préoccupations que vous avez sur le système collaboratif. Vous avez nommé que c'est l'affaire de tous et vous avez nommé, dans votre mémoire, également la place des organismes communautaires qui ont développé une expertise, qui ont développé des bilans de compétences — des bilans de compétences — par des conseils d'orientation qui sont reconnus et qui contribuent, évidemment, à l'accompagnement très qualitatif des personnes. Est-ce que vous n'avez pas la crainte, la préoccupation qu'avec l'annonce du ministre, l'ajout du 20 millions et des agents d'intégration on ne se retrouve pas dans un dédoublement très sensible entre le mandat, les quatre volets du mandat de l'agent d'intégration, qui sont très souvent des copier-coller des mandats d'organismes? Je pense entre autres au Carrefour d'intercultures, à Laval, chez nous, qui font exactement, exactement ce même premier travail de première ligne d'accompagnement personnalisé.

M. El-Hage (Habib) : C'est une très bonne question. Je ne peux pas répondre au complet à cette question-là, mais ce que je peux dire, c'est que les organismes communautaires ont travaillé depuis longtemps avec le ministère. C'est des partenaires du ministère de l'Immigration depuis toujours. C'est dans ce sens-là, je pense, que je ne peux pas savoir comment ça va s'articuler. Je ne suis pas dans cette position-là, donc je préfère ne pas répondre directement à cette... Mais je pense qu'historiquement, et on le sait, les organismes communautaires étaient des partenaires, et ils le sont toujours, je pense, partenaires du ministère de l'Immigration, de la Diversité. Et, dans ce sens-là, la collaboration doit continuer non pas d'une façon compétitive, mais collaborative.

La Présidente (Mme Chassé) : Il reste 45 secondes au bloc d'échange.

Mme Sauvé : Bien, je vais vous remercier. Bien, je vais peut-être simplement dire... Dans votre recommandation 2, vous avez parlé de valoriser des façons de faire innovantes pour la francisation. Est-ce qu'il n'y a pas un état de situation où vous envisagez des bonnes pratiques déjà existantes?

M. El-Hage (Habib) : Exactement. Oui, il y a beaucoup de bonnes pratiques existantes, il faut les faire valoir. Nous, lorsqu'on a parlé de la francisation en entreprise surtout, c'est peut-être... par exemple, comme innovation, c'est de créer un fonds pour les entreprises qui désirent créer ou innover dans ce domaine-là en entreprise. Ça peut être l'utilisation d'une approche contextualisée, par exemple, en entreprise, c'est-à-dire des pratiques de francisation très adaptées à un milieu particulier. C'est dans ce sens-là.

• (10 h 10) •

Mme Sauvé : Parfait. Merci beaucoup. Merci à vous deux.

La Présidente (Mme Chassé) : Très bien, merci. Nous sommes maintenant rendus à donner la parole au deuxième groupe d'opposition. M. le député de Laurier-Dorion, la parole est à vous. Allez-y.

M. Fontecilla : Merci, Mme la Présidente. Je vous souhaite la bienvenue à l'Assemblée nationale. Écoutez, à la page 9, vous dites que «différents [travaux] — je vous cite — ont permis de constater la présence des discriminations qui prennent diverses formes dans les milieux de travail», là, au-delà du caractère inacceptable d'une discrimination, consciente ou inconsciente, là, mais... Le but de la politique qui est mise de l'avant par le gouvernement, c'est d'utiliser le plein potentiel économique des personnes qu'on reçoit ici. Évidemment, cette discrimination, d'après ce que vous dites, empêche la société québécoise d'utiliser ce potentiel-là des personnes qui ont été sélectionnées. Est-ce que vous pensez que le document, la consultation pointe, éclaire, met en relief cette problématique-là, s'il y a des mesures qui sont prises pour trouver des solutions? Et qu'est-ce qui pourrait être fait, selon vous, pour contrer cette discrimination-là qu'on pourrait appeler systémique?

M. El-Hage (Habib) : Bien, ce que je vois, c'est que le ministère, au contraire, il investit, actuellement, là. C'est ce qu'on entend, il y a beaucoup d'investissements qui vont dans ce sens-là, ce qui est une bonne chose aussi, là. Nous, on se base aussi sur des recherches qui ont été faites sur cette question-là. Ce qu'on pense, par exemple, dans cette question... Je vous donne un exemple, il y a quelques grandes entreprises qui ont des cadres de référence à l'intérieur ou des politiques internes sur les sujets qui touchent la gestion de la diversité, contre la discrimination, et autres, d'accord? Moi, je pense, comme... un bel exercice, ça peut être d'encourager d'autres entreprises d'aller dans ce sens-là — ça peut être des PME, ça peut être un regroupement de PME — d'aller dans le sens de créer un cadre de référence interne, évidemment, d'encourager les bonnes pratiques, d'encourager des formations, et ainsi de suite. Ça peut être une bonne solution, étant donné qu'actuellement il y a une conjoncture favorable, tout le monde veut employer des personnes aussi, puis on le dit, on le nomme. Ça peut être une bonne conjoncture de dire : On va vous encourager aussi à développer des cadres de référence à l'interne, peu importe comment on va l'appeler, plan d'action, ça peut être une politique interne, ou autre.

La Présidente (Mme Chassé) : En 30 secondes.

M. Fontecilla : Les risques encourus par les personnes réfugiées, à quoi faites-vous allusion dans votre recommandation, la dernière?

M. El-Hage (Habib) : Bien, en fait, on fait allusion aux demandeurs d'asile ou aux familles, par exemple l'accès aux garderies, l'accès, par exemple, à des services d'aide en emploi. Je sais que ça se fait, mais c'est très... comment je vais dire, il faut investir, je pense, là-dedans afin de favoriser cette accessibilité de façon optimale aux personnes demandeurs d'asile. C'est dans ce sens-là.

La Présidente (Mme Chassé) : Ça conclut.

M. El-Hage (Habib) : Il y a un accès, mais c'est contingenté, là, actuellement. Il y a certains organismes communautaires qui donnent quand même accès, mais c'est contingenté, il faut investir.

La Présidente (Mme Chassé) : Ça conclut le bloc. Merci. Nous en sommes maintenant au troisième groupe formant l'opposition. Mme la députée de Gaspé, la parole est à vous.

Mme Perry Mélançon : Merci. Bonjour. On met beaucoup l'emphase sur la reconnaissance des compétences, puis c'est un volet qui est difficile, c'est difficile de mettre le doigt sur qu'est-ce qu'on doit faire, exactement. Mais vous avez mentionné des outils qui sont développés par des organismes communautaires, formation de bilans de compétences et plan d'action personnalisé, qui pourraient servir d'exemple pour un potentiel système qui serait mis en place par le gouvernement. Est-ce que vous pouvez développer davantage pour qu'on puisse peut-être, je ne sais pas, informer le ministre de solutions envisageables?

Mme Schlobach (Monica) : Oui. En fait, nous, ce qu'on a voulu exprimer comme message quand on a parlé de la question de la reconnaissance des compétences, c'est le fait que c'est quelque chose qui concerne plusieurs acteurs dans la société, et il y a certains acteurs qui ont développé certaines expertises. Donc, on peut parler des organismes communautaires qui font leur propre travail de reconnaissance de compétences...

Mme Perry Mélançon : Oui, c'est plus... tu sais, concrètement, quand on parle de formation, de bilans de compétences, en quoi ça consiste? Est-ce que vous savez... Est-ce que vous pourriez le détailler, oui?

Mme Schlobach (Monica) : C'est que, dans les organismes, les conseillers en emploi, ils font un bilan de compétences avec les personnes immigrantes pour trouver quelles sont les compétences existantes, quelles sont les compétences transférables, quelles sont les compétences à acquérir, et ils font tout un bilan pour voir comment acquérir les compétences manquantes pour les objectifs en emploi des personnes.

Mme Perry Mélançon : Donc, on parle vraiment des gens qui sont déjà ici, puis qui se cherchent encore un emploi, là, et que c'est plus difficile pour...

Mme Schlobach (Monica) : Oui, on parle des gens qui sont arrivés en tant que...

Mme Perry Mélançon : Qui sont déjà arrivés.

Mme Schlobach (Monica) : Oui. Mais ce que je voulais juste exprimer, c'est que ça, c'est juste un petit exemple de toutes les expertises qui ont été développées par plusieurs acteurs. Donc, par exemple, les ordres professionnels, ils sont en train de mettre en place des systèmes de reconnaissance de compétences. C'est des initiatives qui commencent et qui gagneraient à être partagées par les différents types d'acteurs. Les employeurs aussi, ils ont beaucoup de difficultés, mais ils ont quand même trouvé des moyens de reconnaître. Donc, nous, notre recommandation, c'est vraiment de faire dialoguer ces différents acteurs, parce que peut-être que la reconnaissance d'un acteur va aider l'autre à faire mieux son travail.

La Présidente (Mme Chassé) : En conclusion, il reste 30 secondes.

Mme Perry Mélançon : Moi, ça va. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Chassé) : Très bien. Mme Schlobach, M. El-Hage, je vous remercie pour votre collaboration à la commission.

Je suspends momentanément les travaux pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 16)

(Reprise à 10 h 18)

La Présidente (Mme Chassé) : Nous sommes de retour, et je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Vous avez 10 minutes pour votre exposé. À une minute de la fin, je vous invite à conclure. Et je vous invite à tout d'abord vous présenter. Bienvenue.

Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR)

M. Beuze (Jean-Nicolas) : Merci beaucoup, Mme la Présidente, et ravi de vous revoir. Jean-Nicolas Beuze, je suis le représentant du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le HCR, basé à Ottawa, et je suis ici avec ma collègue...

Mme Paciullo (Emmanuelle) : Emmanuelle Paciullo, je travaille donc avec Jean-Nicolas Beuze. Bonjour, tout le monde.

M. Beuze (Jean-Nicolas) : ...basée à Montréal. Et très heureux de revoir M. le ministre et de faire la connaissance de vous tous aujourd'hui sur un sujet qui est particulièrement important pour mon organisation, donc, l'agence des Nations unies mandatée pour protéger, mais aussi trouver des solutions au problème des réfugiés. Je ne vais pas vous rappeler... ou je vais vous rappeler en quelques mots les chiffres : 26 millions de réfugiés à travers le monde, plus de 85 % resteront toujours dans les pays du Sud, proche des zones de conflits au Moyen-Orient, en Afrique tropicale subsaharienne, plus près de chez nous, du côté du Mexique, de l'Amérique centrale, ou les Vénézuéliens qui quittent en grand nombre, 4 millions ont quitté leur pays depuis 2015.

Je crois que ce qui est important, c'est de reconnaître que les questions que vous vous posez et que le gouvernement vous pose sont des questions tout à fait légitimes. Il faut se poser la question de nos capacités d'accueil dans un pays comme le Canada ou dans la province du Québec en particulier, qu'est-ce qu'on peut faire pour recevoir des gens à titre humanitaire.

Là où j'espère qu'on va pouvoir apporter, ce matin, des clarifications pour votre bon jugement, c'est d'éviter cette dichotomie entre des bons arrivants qui seraient sélectionnés seulement sur des critères économiques et des moins bons ou des mauvais arrivants qui seraient déterminés sur des bases humanitaires, parce que cette dichotomie, elle n'existe pas vraiment dans les faits, et je vais baser ma présentation en grande partie sur le recensement de 2016, qui est le dernier recensement qu'on a pour le pays, sur lequel on a des informations très particulières sur comment les réfugiés, en fait, s'intègrent.

• (10 h 20) •

Mais, avant de commencer, j'aimerais juste vous féliciter tous, et les Québécoises et les Québécois, pour vos actes de générosité répétés à travers les décennies. On ne parle pas de quelque chose de nouveau, le Québec a démontré à maintes reprises sa solidarité avec les plus démunis en acceptant des réfugiés en grand nombre, en étant un leader, sur la scène internationale, de la réinstallation des réfugiés.

Mais je dois aussi vous féliciter et je viens... ça fait deux ans et demi que je suis au Canada, donc j'ai une perspective globale et j'espère pouvoir en discuter, je tiens à vous féliciter tous pour la manière dont vous intégrez les nouveaux arrivants et en particulier les réfugiés, car je crois que vous êtes un modèle en l'espèce. Et j'aimerais, à travers cette présentation, vous rassurer, tout le monde, qu'il n'y a pas de crainte quant à la manière dont les gens sont intégrés ici, y compris les réfugiés avec des vulnérabilités, car, à la fin de la journée, ils deviennent des Québécoises et des Québécois à part entière, paient des impôts, s'intègrent, participent à la vie active de vos communautés.

Ces questions sont donc légitimes, et j'ai eu l'occasion d'écouter les précédents débats avec, en particulier, la Table de concertation, qui a parlé dans les mêmes termes que moi-même, je vais parler maintenant. Il faut rappeler qu'avec le MIDI, le ministère de l'Immigration, les associations, la société civile fait un travail formidable, mais aussi tous les Québécoises et Québécois qui viennent de différents milieux montrent à maintes reprises leur attachement à cette solidarité internationale avec les plus démunis.

Quelques points. Vous serez peut-être surpris de savoir que, parmi les nouveaux arrivants, les réfugiés sont ceux qui ont le plus haut taux de citoyenneté. À 89 %, ils battent tous les records. Pourquoi? Parce qu'ils se sentent bien ici, parce qu'ils ont envie de s'intégrer, parce que c'est leur nouveau chez eux et qu'ils ont un intérêt à rester à long terme et à s'investir. Vous ne serez pas surpris, par contre, de savoir que deux sur trois achètent une maison et donc contribuent à l'économie, contribuent à payer des impôts, à la bonne santé du secteur de la construction au Québec.

Vous serez, par contre, peut-être surpris de savoir que leurs enfants font les meilleurs scores à l'école, en particulier au niveau de l'université. Et ça, c'est intéressant parce que ça veut dire que, vraiment, ces familles investissent. Et on sait, si vous parlez à des familles de réfugiés, tous les enfants vous disent : Mes parents me tannaient, me tannaient pour que je sois le meilleur à l'école ou la meilleure à l'école. Mais c'est important parce que ça veut dire que c'est des gens qui vont pouvoir redonner à la province en étant particulièrement intéressés dans les domaines scientifiques, culturels ou autres, créer des emplois. On sait que 14 % des réfugiés créent un emploi pour eux-mêmes ou pour d'autres Québécoises et Québécois, 14 %. C'est, de nouveau, le plus haut taux de tous les nouveaux arrivants. On l'explique par différents phénomènes, entre autres le fait que ce sont des gens qui ont une très grande résilience, qui viennent avec un parcours difficile de vie, qui ont envie de s'en sortir et qui vont être très innovants sur la manière de rétablir leur statut, leur niveau social qu'ils ont perdu en quittant leur pays, souvent à cause des guerres, à cause des persécutions, parce que ce sont des minorités sexuelles, parce que c'est une minorité religieuse. Donc, on a des chiffres qui nous montrent que cette dichotomie entre arrivants économiques et arrivants humanitaires, dans les faits, ne fonctionne pas entièrement.

Je voulais aussi parler un peu du secteur privé. La rétention, d'abord, elle est au niveau des régions. Les réfugiés sont ceux, parmi les nouveaux arrivants, qui restent le plus longtemps dans les régions. Ils sont distribués au Québec dans 14 villes. Les autres nouveaux arrivants ont tendance à se déplacer vers Montréal, voire même vers Toronto : opportunités économiques, d'éducation, etc. Pour les réfugiés, ce n'est pas le cas, ils restent dans les régions. Pourquoi? Parce que, de nouveau, ils ont une loyauté énorme vis-à-vis des communautés qui leur ont donné une première chance de se réintégrer et de se reconstruire. Et donc, quand on parle de la démographie et de ces régions qui se dépeuplent, avec des cégeps qui ferment, avec des centres de santé qui doivent fermer, pour les Québécoises et les Québécois, c'est intéressant de faire venir des réfugiés. C'est intéressant aussi de faire venir des réfugiés parce que, contrairement aux autres nouveaux arrivants, ils ont souvent deux ou trois enfants, alors que les autres nouveaux arrivants sont souvent célibataires, un couple et peut-être un enfant. Donc, pour un pays comme le Canada, comme toutes les sociétés occidentales, qui est en train de vieillir, pour nous tous et nos retraites, c'est important d'avoir des gens qui, un jour ou l'autre, vont pouvoir contribuer en payant des taxes à nos pensions. C'est important aussi parce que c'est eux parmi lesquels... qui ont le plus de prestataires pour les bénéficiaires, c'est eux qui s'occupent des personnes âgées, des enfants avec handicap dans les crèches. Souvent, ils se «démotent» en termes de leurs qualifications, mais pour eux, ce n'est pas si important que ça, parce qu'ils veulent recommencer à zéro et ils veulent donner une chance à leurs enfants. Donc, il faut y penser quand on pense à tous nos parents. Ici dans cette salle, on a tous des parents qui sont âgés, on le sera un jour. On ne retrouve pas beaucoup de réfugiés parmi ces gens de services sociaux à la communauté.

Ce sont eux aussi qui, souvent, parlent déjà le français. Il ne faut pas oublier que les réfugiés, une grande partie viennent d'Afrique tropicale, de la région des Grands Lacs, des Burundais, des Congolais, malheureusement maintenant des Camerounais, des Maliens. Ce sont des gens qui ont un avantage dès le départ, puisqu'ils parlent déjà français. Je vais vous donner une statistique qui m'a complètement bluffé. Vous vous rappelez qu'en 2015‑2016 le Canada a accepté à peu près 25 000 Syriens ici, un geste énorme de solidarité. À l'époque, je travaillais au Liban, donc je sais ce que ça signifiait non seulement pour les réfugiés, mais aussi pour le peuple et le gouvernement libanais, cette solidarité canadienne. À l'heure où l'on parle, donc moins de quatre ans plus tard, 60 % d'entre eux parlent déjà français. 60 %, en moins de quatre ans, se sentent à l'aise de parler français, 90 % se sentent à la maison ici, au Québec, se sentent chez eux. Ce besoin d'appartenance, c'est quelque chose de très, très important.

Juste pour finir sur pourquoi le HCR est intéressé à garder des niveaux élevés et peut-être même d'élever les niveaux de réfugiés... Je vous ai donné tous les arguments économiques, sociaux et culturels, mais, pour nous, c'est aussi important parce qu'on va faire la différence pour des femmes, des enfants pour lesquels il n'y a pas de solution en Amérique centrale, en Afrique, au Moyen-Orient ou en Asie. On parle de femmes violées qui ont besoin de se reconstruire et pour lesquelles on n'a pas les moyens de le faire sur place. On parle de minorités sexuelles LGBTQ qui risquent d'être persécutées même dans les pays où elles ont trouvé asile. On parle de gens qui ont besoin de services médicaux, mais de choses toutes simples : un appareil auditif pour un enfant...

La Présidente (Mme Chassé) : En conclusion.

M. Beuze (Jean-Nicolas) : ...quelque chose qui ne coûtera absolument rien à la communauté québécoise, mais qui permettra une nouvelle chance à une famille entière. Donc, pour toutes ces bonnes raisons, j'encourage vraiment les élus ici à considérer augmenter les niveaux de réinstallation des réfugiés au Québec. Merci bien.

La Présidente (Mme Chassé) : Je vous remercie. Merci pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. M. Beuze, Mme Paciullo, bonjour. Merci d'être présents à l'Assemblée nationale pour présenter vos observations.

Écoutez, d'entrée de jeu, j'aimerais savoir comment ça fonctionne à l'interne, chez vous, comme représentants au Canada, là, du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Comment est-ce que les prises de position sont mises de l'avant? Comment c'est véhiculé? Comment, à l'interne, ça fonctionne pour arriver à des conclusions de faire la promotion comme ça et des prises de position publiques de la part du Haut-Commissariat au Canada?

M. Beuze (Jean-Nicolas) : Donc, je représente ici le Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés, M. Filippo Grandi, qui est nommé par l'Assemblée générale, par, donc, les 193 pays membres de l'ONU. Et, à ce titre, je le représente dans toutes les fonctions, que ce soient communications publiques ou l'appui technique à la commission sur le statut des réfugiés, par exemple. Et, dans le cadre de la réinstallation, c'est une des priorités de mon organisation, de notre organisation de faire valoir les raisons pour lesquelles on demande à des pays comme le Canada ou la province de Québec à augmenter ces niveaux de réinstallation.

M. Jolin-Barrette : Et cette discussion-là, là, publique, là, elle est validée avec le Haut-Commissaire?

M. Beuze (Jean-Nicolas) : Bien sûr, je représente le Haut-Commissaire aujourd'hui même.

M. Jolin-Barrette : Non, non, mais il y a une différence, là. Je sais que vous le représentez, mais ce que je veux dire... Les prises de position publiques que le Haut-Commissaire prend au Canada, elles sont validées par le Haut-Commissaire des Nations unies?

M. Beuze (Jean-Nicolas) : Entièrement, entièrement.

M. Jolin-Barrette : Par sa personne propre?

M. Beuze (Jean-Nicolas) : Par sa personne propre.

M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, toutes les prises de position publiques que vous prenez publiquement ici, elles sont validées?

M. Beuze (Jean-Nicolas) : Oui.

M. Jolin-Barrette : Puis de quelle façon ça fonctionne?

M. Beuze (Jean-Nicolas) : C'est-à-dire que toutes les...

M. Jolin-Barrette : Vous êtes en contact quotidiennement, hebdomadairement?

• (10 h 30) •

M. Beuze (Jean-Nicolas) : Alors, toutes les semaines, il y a un rapport qui va au siège, qui est lu par plein de personnes, y compris le Haut-Commissaire, et puis, pour toutes les questions sensibles, j'ai une ligne directe avec le Haut-Commissaire.

M. Jolin-Barrette : O.K. Vous avez dit tout à l'heure : Il y a des bons arrivants et des moins bons arrivants. Moi, je ne suis vraiment pas dans cette logique-là. Je suis dans la logique de dire : Le Québec est une terre d'accueil et a toujours été une terre d'accueil. Le Québec, dans sa planification pluriannuelle, il y a différentes catégories d'immigration. À l'Assemblée nationale, ce qu'on fait présentement, c'est qu'on étudie notamment les seuils pour les prochaines années.

Et je comprends ce que vous faites, vous êtes pour une organisation qui dit : Écoutez, les réfugiés, il faut s'assurer qu'on puisse les accompagner, qu'il puisse y avoir des pays qui vont les accueillir par solidarité internationale, et, au même titre que les organisations patronales ou économiques qui sont venues nous voir, qui nous ont dit : Écoutez, nous, on souhaite vraiment davantage avoir de travailleurs économiques, et c'est légitime de part et d'autre, parce que, comme on dit, ce n'est pas le même «core business» de chacune des organisations.

Mais où je ne vous suis pas, c'est au niveau de la perception. Nous, on n'est vraiment pas dans des bons nouveaux arrivants ou des mauvais. On considère que chaque personne qui vient au Québec est capable d'enrichir la société québécoise, de participer pleinement. Sur les obligations humanitaires, le Québec fait sa part et a démontré au cours des années... et on parle, supposons des demandeurs d'asile, au-delà des réfugiés, demandeurs d'asile qui ne sont pas encore des réfugiés, au cours des dernières années, le Québec a dépensé des centaines de millions de dollars pour accueillir des demandeurs d'asile de façon irrégulière.

Alors, j'aimerais connaître votre opinion de l'effort qui est fait sur le plan international de la part du Québec. Est-ce que vous considérez que le Québec joue sa part? Est-ce que vous considérez que le Québec consacre des ressources importantes à l'accueil des demandeurs d'asile, à l'accueil des réfugiés depuis des dizaines d'années?

M. Beuze (Jean-Nicolas) : Alors, j'espère, M. le ministre, que ma langue n'a pas fourché. J'essayais justement de démontrer qu'il n'y a pas de dichotomie entre des bons et des mauvais nouveaux arrivants et que, justement, on se rejoint tout à fait. Je suis heureux d'entendre, par votre voix, que vous reconnaissez que les réfugiés sont des gens qui vont contribuer tout autant que n'importe quels nouveaux arrivants au Québec, et je suis heureux d'entendre cela de votre part, M. le ministre, parce que je crois que ça permet maintenant de s'engager sur les niveaux qu'on peut espérer voir élevés pour ces besoins humanitaires.

Le Québec fait sa part, bien sûr, comme beaucoup d'autres pays, mais ça dépend avec qui on compare. Si on compare par rapport aux pays du Sud... Le Liban a reçu 1 million de réfugiés pour une population de 4 millions, le Bangladesh a reçu 1 million de réfugiés en six semaines, donc...

M. Jolin-Barrette : ...par contre, là, au Liban, les réfugiés qu'ils reçoivent, là... c'est un pays limitrophe à des zones de conflit. Est-ce que — et selon votre expérience, et je sais que vous avez été à l'international — selon vous, les pays limitrophes à des zones de conflit reçoivent davantage de réfugiés en raison de la situation géopolitique, historiquement, là?

M. Beuze (Jean-Nicolas) : Oui, bien sûr, à n'en pas douter. Ils n'ont pas choisi cette position géographique et souvent n'ont pas choisi les éléments géopolitiques qui ont provoqué les mouvements de réfugiés.

M. Jolin-Barrette : O.K. Mais ce qui est important...

M. Beuze (Jean-Nicolas) : Mais permettez-moi juste de revenir sur les pays occidentaux.

M. Jolin-Barrette : Oui, mais je vais vous laisser, je vais vous laisser, mais ce qui est important aussi, c'est de comparer avec des comparatifs.

M. Beuze (Jean-Nicolas) : Alors, exactement, laissez-moi venir à ce niveau-là. Si on regarde sur la réinstallation, le Canada est parmi les leaders, avec les États-Unis, avec l'Australie, un certain nombre de pays européens tels que la France, l'Allemagne, la Suède. Le Canada se situe dans le top cinq ou six de ces pays par rapport aux pays de l'OCDE, par exemple, si vous voulez comparer.

En termes, par contre, d'arrivées irrégulières, le Canada reçoit très, très peu de gens. Le Canada a reçu 20 000 personnes l'année passée — les chiffres sont un petit peu bas cette année — de manière irrégulière au chemin de Roxham. Chaque mois, aux États-Unis, c'est 100 000. Si vous regardez l'Allemagne, c'est dans les centaines de milliers par année, 20 000 au Canada. Donc, si on veut comparer le Canada en termes de...

M. Jolin-Barrette : Attention, non, mais soyons précis. 20 000 au Canada, mais combien au Québec? La majorité des migrants irréguliers sont au Québec.

M. Beuze (Jean-Nicolas) : Une grande partie des 20 000 reste au Québec, une partie passe sur l'Ontario et 30 000 autres sont dans le reste du pays.

M. Jolin-Barrette : Oui, mais attention, sur les migrants irréguliers, les sommes dépensées par le gouvernement du Québec durant la situation temporaire sont énormes, énormes et...

M. Beuze (Jean-Nicolas) : Mais non, mais je suis très heureux de ces progrès. Vous le savez qu'à Montréal les...

M. Jolin-Barrette : Non, non, mais je veux qu'on soit conscients de tout ça, là, de l'effort humanitaire qui est fait par le gouvernement du Québec, que les contribuables québécois font aussi. Le Québec est généreux et il fait plus que sa part.

M. Beuze (Jean-Nicolas) : Tout à fait.

M. Jolin-Barrette : Et, à l'intérieur du Canada, au niveau de l'accueil des demandeurs d'asile, tout repose sur le gouvernement du Québec en termes d'accueil, d'installation temporaire. Les dépenses qui sont assumées par le gouvernement du Québec, ce sont des dépenses extraordinaires. Et, vous savez, quand vous regardez la population québécoise... Vous dites : Aux États-Unis, c'est 100 000 par mois, c'est un État beaucoup plus populeux que le Québec aussi, alors il faut faire attention aussi quand on compare ça. Parce que les gestes de solidarité qui sont faits par les Québécois, ils ont été démontrés au cours des années, notamment au niveau de l'accueil des réfugiés syriens au cours des années.

Vous savez, le Québec est accueillant, le Québec fait sa part. Alors, j'entends votre discours, mais il faut toujours prendre en considération la situation particulière du Québec, le fait aussi que la société québécoise offre un panier de services aux demandeurs d'asile qui est fort important. Et le gouvernement fédéral doit s'assurer de faire sa part par rapport aux migrants irréguliers en accueil humanitaire. Ce n'est pas vrai que c'est uniquement au gouvernement du Québec et aux contribuables québécois de faire leur part.

M. Beuze (Jean-Nicolas) : Comme vous le savez — je sais que vous me suivez attentivement — j'ai rappelé ces obligations aussi au gouvernement fédéral à maintes reprises. J'ai aussi félicité à maintes reprises le MIDI, votre ministère, mais aussi les associations, et les Québécoises, et les Québécois pour l'effort qu'ils ont fait en recevant ces 20 000 personnes irrégulières par le chemin de Roxham en 2017, 20 000 de nouveau en 2018 — les chiffres sont un peu plus bas, cette année, jusqu'à maintenant — comme pour montrer que c'est un geste de solidarité important et qu'on comprend qu'il y a un coût, un coût que, je crois, honore le Québec et les Québécois de bien vouloir payer, quand on sait que, même si... Comparons aux États-Unis, le Canada est 10 fois moins populeux que les États-Unis, donc, en deux mois, si on multiplie les chiffres, en deux mois, les États-Unis reçoivent le nombre de personnes que le Canada reçoit en un an.

M. Jolin-Barrette : Et est-ce que ça signifie que le Québec ne fait pas sa part?

M. Beuze (Jean-Nicolas) : Non, pas du tout. Comme je viens de le dire, j'ai félicité à maintes reprises le travail, et je crois que ça vous honore, et j'espère que, dans cette pièce... et tous les Québécois sont fiers de ce que vous fait, mais...

M. Jolin-Barrette : Mais, quand vous dites : Les États-Unis, eux, en accueillent plus, donc, de votre discours, ce que j'entends, c'est de dire : Bien, écoutez, le Québec pourrait en faire plus, le Canada pourrait en faire plus.

M. Beuze (Jean-Nicolas) : Je n'ai pas dit «en reçoit plus», M. le ministre, j'ai juste essayé de continuer votre comparaison, puisque vous m'avez dit que les États-Unis étaient plus populeux. Je vous ai juste rappelé que, si on multiplie par 100, 20 000, ça fait 200 000, c'est l'équivalent de deux mois aux États-Unis. C'était juste pour continuer votre comparaison, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : O.K. Vous avez dit : Écoutez, les réfugiés sont les meilleurs à l'école, tout à l'heure. Donc, je comprends que ce que vous nous dites, vous dites : Écoutez, les gens persévèrent à l'école, demeurent dans les régions. Là, il y a un petit bémol à apporter aussi. Vous dites : Comparativement aux autres immigrants, les réfugiés demeurent en région. Il faut dire aussi que, lorsqu'on accueille des réfugiés, ils sont directement envoyés dans les 14 régions de destination, chose qui n'est pas faite avec le regroupement familial ou les travailleurs qualifiés. Avec les travailleurs qualifiés, ce qu'on souhaite faire, c'est donner priorité aux travailleurs qualifiés qui auront une offre d'emploi validée en région puis, justement, pour les inciter à demeurer en région. On parle des travailleurs temporaires aussi, avec des contrats de travail liés en région. Mais c'est encore important de faire la nuance et d'expliquer pourquoi est-ce qu'ils demeurent davantage en région, parce qu'à la base la ville d'accueil, elle était en région. Alors, lorsque...

M. Beuze (Jean-Nicolas) : ...rappeler dans les 14 villes et qu'ils ont un réseautage très important de soutien, en particulier à travers les services offerts par la province, mais aussi par la population, c'est ce qui leur donne ce sens de loyauté qui font qu'ils vont rester et rester des membres actifs de ces régions qui se dépeuplent, malheureusement.

• (10 h 40) •

M. Jolin-Barrette : Mais à la base, à la base, lorsqu'ils arrivent au Québec, ils sont amenés directement dans les différentes régions, d'où la nuance avec, supposons, le taux de présence en région. Parce que c'est sûr que, si dès le départ... ou lorsque vous arrivez dans un nouvel État, puis vous vous installez directement en région, puis que vous vous faites des amis, que votre réseau est là, bien, vous allez avoir un taux de présence plus élevé. Alors, c'est important de dire ces nuances-là aussi.

M. Beuze (Jean-Nicolas) : Le recensement de 2016 apporte une nuance, M. le ministre, si je peux me permettre. Les gens qui sont arrivés au Canada, et au Québec en particulier, dans les régions en particulier, quittent en général entre un et cinq ans plus tard, les réfugiés restent. Donc, même quand un nouvel arrivant a trouvé un travail à... nommez n'importe laquelle des villes que vous représentez, le nouvel arrivant économique aura une tendance à se rendre sur Montréal plus rapidement, beaucoup plus rapidement qu'une famille de réfugiés. Ce sont les statistiques du recensement.

M. Jolin-Barrette : Oui, mais vous faites beaucoup de raccourcis, parce qu'il y a plusieurs raisons qui expliquent cela, plusieurs raisons. Quand vous regardez en général aussi les taux de surqualification auparavant, les taux de chômage également, le fait que le Québec sélectionnait des immigrants en matière économique qui ne répondaient pas nécessairement aux besoins du marché du travail, donc nécessairement ça amène une attractivité vers Montréal, où il pouvait y avoir davantage d'emplois aussi. Ça aussi, il faut dire ça dans le cadre de votre discours aussi. Alors, je comprends que, comme je le disais tantôt, vous mettez beaucoup l'accent sur les réfugiés parce que votre organisation fait principalement... s'occupe des réfugiés, mais, dans le discours public que vous tenez, il faut faire attention à l'ensemble de ces nuances-là, et je pense que c'est extrêmement pertinent aussi.

En ce qui concerne les seuils, vous nous dites : Il faudrait élever les seuils en termes de nombre de réfugiés que l'on accueille. À combien vous le chiffreriez?

M. Beuze (Jean-Nicolas) : Ça, on vous en laisse libre choix, c'est à vous de savoir quels sont les moyens que vous voulez mettre à disposition. Mon point était de dire que, quand vous allez visiter, peut-être ce week-end, vos personnes âgées, vous allez vous rendre compte, si vous demandez à travers les préposés aux bénéficiaires, que bon nombre d'entre eux sont des réfugiés, parce que ce sont des travaux qui ne sont pas forcément si attractifs pour d'autres catégories de nouveaux arrivants ou pour des Québécois pure laine.

Donc, le point n'est pas de vous dire un nombre, mais de vous dire : Il faut faire attention que cette dichotomie qui tend à dire que les réfugiés sont un poids, comme vous essayez de le souligner en ce moment, ce n'est pas forcément la réalité que l'on voit quand on regarde les bénéfices économiques, sociaux et culturels de recevoir des réfugiés.

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Chassé) : Oui?

M. Jolin-Barrette : Je n'ai jamais dit que les réfugiés étaient un poids. Je n'ai jamais dit, de mon propos, cela. Les propos que vous me prêtez ne sont pas acceptables.

M. Beuze (Jean-Nicolas) : Désolé.

La Présidente (Mme Chassé) : Il reste une minute au bloc d'échange, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Vous savez, moi, comme député, je vais dans mon comté, puis effectivement je visite les personnes âgées, qui ont contribué à l'édification de la société québécoise, qui ont contribué à bâtir la société québécoise telle qu'on la connaît, une société québécoise qui est solidaire, qui a fait sa part au cours de l'histoire relativement à l'accueil, notamment, de différents réfugiés. Et, en ce qui concerne les préposés aux bénéficiaires, vous savez, cet emploi-là, c'est un emploi extrêmement important, un emploi qui doit être valorisé. Alors, lorsqu'on dit que c'est un emploi moins intéressant, je ne suis pas d'accord avec vous, parce que c'est extrêmement important de s'assurer qu'on s'occupe de tout le monde au Québec. Et de dire que le travail qu'ils font... Le travail qu'ils font, c'est un travail exceptionnel. Et de dire que ce seront les réfugiés qui s'en occuperont, je ne suis pas d'accord. Ça appartient à l'ensemble de la collectivité québécoise.

Et les réfugiés ne sont pas un fardeau pour le Québec, et c'est pour ça que le Québec va toujours faire en sorte de bien accueillir les gens, notamment les migrants. Alors, vous comprendrez que je ne peux être en accord avec le discours que vous tenez.

La Présidente (Mme Chassé) : Ça conclut le bloc d'échange avec le parti formant le gouvernement. Merci.

Nous passons maintenant au parti formant l'opposition officielle. Je comprends que le député de Nelligan désire prendre la parole.

M. Derraji : Par la suite, ça va être ma collègue de Bourassa-Sauvé.

La Présidente (Mme Chassé) : De Bourassa-Sauvé, très bien, c'est noté. Allez-y.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Monsieur, madame, bienvenue. Merci pour votre présence.

Écoutez, nous avons entendu plusieurs groupes tout au long de cette semaine. Les associations patronales sont venues nous dire qu'il faut augmenter les seuils parce qu'il y a une pénurie de main-d'oeuvre. Les organismes communautaires, ils avaient sur la table la question d'accompagnement. Pourquoi vous avez senti le besoin et l'urgence de venir d'Ottawa parler au nom du haut-commissariat aux réfugiés aujourd'hui, pour la première fois, à une commission parlementaire pour la planification de l'immigration?

M. Beuze (Jean-Nicolas) : C'est une question importante. Nous avons cet engagement auprès du gouvernement fédéral et auprès du Parlement fédéral de manière tout à fait continue. Pour la première fois, il y a des soucis, des craintes, des préoccupations quant au niveau d'immigration à titre humanitaire que la province de Québec pourrait décider, qui pourrait avoir une influence sur les niveaux globaux pour le Canada. Donc, c'était important pour nous de venir ici pour essayer d'apporter d'autres éléments au dossier de manière à ce que vous puissiez aussi prendre en considération que les réfugiés peuvent remplir les besoins qui ont été exprimés par différents acteurs, mais aussi pour rappeler que le travail du MIDI, le travail des associations, le travail de la société québécoise a été formidable dans l'intégration de ces réfugiés qui ont, comme M. le ministre l'a rappelé, contribué à l'édification de cette province.

M. Derraji : Merci pour cette clarification. Et je tiens juste à vous le dire, et vous l'avez très bien dit dans votre exposé, qu'aujourd'hui, là, ce qu'il faut retenir en tant que Québécois et en tant que contribuables québécois : La société d'accueil a fait beaucoup. Et je partage le point de vue du ministre, on a été très accueillants, le Québec a fait sa part. Et, du moment que vous êtes venu nous partager cette préoccupation, j'ai une demande à vous formuler : Quand vous allez retourner à Ottawa, il faut leur dire que la responsabilité, elle est partagée et que le fédéral, dans sa relation avec le Québec, doit prendre aussi en considération sa part de responsabilité. Parce que les Québécois attendent déjà un retour de la part du fédéral depuis plusieurs mois et années, ce que le Québec a payé pour l'accueil d'une manière très généreuse dans l'ensemble des régions. Donc, en fait, c'est une responsabilité partagée qu'il faut prendre en considération.

M. Beuze (Jean-Nicolas) : Tout à fait d'accord, c'est pourquoi je serais heureux de continuer à faire la navette entre ici et Ottawa. Mais laissez-moi juste vous rappeler un point très important : après 15 ans d'être arrivés, 15 ans au Québec, les réfugiés paient plus de taxes que ce que ça a coûté à la province de les intégrer, tous les bénéfices sociaux confondus : aide au logement, aide à la francisation, aide pour les enfants. Après 15 ans, c'est tout bénéfice pour la province parce que cette famille aura payé plus d'impôt, plus de taxes que ce que vous avez investi en tant que contribuables à l'heure actuelle. 15 ans, ce n'est absolument rien.

M. Derraji : Je ne dis pas le contraire, non, non, je ne dis pas le contraire. C'est juste... ce qu'on dit, c'est que la part des responsabilités, elle est aussi partagée avec le fédéral, et aidez-nous aussi à faire un pas et avancer avec le fédéral par rapport à ce que le Québec a déjà fait, c'est juste ça.

M. Beuze (Jean-Nicolas) : Mais, monsieur, je vous rappelle juste que les réfugiés contribuent aussi, ce n'est pas seulement le fédéral. Les réfugiés, après 15 ans, auront payé plus que ce que ça vous a coûté à vous tous et à tous vos électeurs de les faire arriver ici, les franciser, leur trouver un emploi, leur trouver un logement, 15 ans. En 15 ans, c'est tout bénéfice. Qui n'aimerait pas investir dans des actions en bourse qui, après 15 ans, vous rapportent plus que ce que ça vous a coûté?

La Présidente (Mme Chassé) : Je comprends que la députée de Bourassa-Sauvé désire prendre la parole.

Mme Robitaille : Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Chassé) : 6 min 40 s.

• (10 h 50) •

Mme Robitaille : 6 min 40 s, O.K. Bien, merci beaucoup, M. Beuze. Merci beaucoup, madame. C'est important de vous avoir ici aujourd'hui, d'avoir votre point de vue.

Vous savez, depuis le début des consultations, on a entendu plusieurs groupes, des gens d'affaires, des gens d'organismes communautaires, qui nous ont tous dit... qui nous ont tous parlé de cette urgence, de ce problème de pénurie de main-d'oeuvre. C'est une situation criante. Et on nous a dit : On est à l'aube d'une croissance économique historique, le problème est... On a, entre autres, la Chambre de commerce de Montréal et la Fédération des chambres de commerce du Québec qui nous ont dit : On est à l'aube d'une croissance économique historique, le seul ingrédient qu'il manque, c'est les bras, il manque de bras. Et une façon de régler le problème, c'est l'immigration, et il ne faut pas baisser les seuils d'immigration au Québec, et ils l'ont dit clairement, ils l'ont répété. On a même des gens, hier, qui nous ont dit qu'il faudrait même en accueillir plus que 52 000 et qu'on a la capacité au Québec pour accueillir des immigrants, toutes catégories confondues, et on l'a entendu souvent durant les derniers jours cette semaine.

Alors, vous, si je comprends bien, vous nous dites : On va arrêter cette dichotomie-là entre réfugiés et immigrants, parce que ces réfugiés-là, ce sont des immigrants, et il faut s'en souvenir. Ce sont des immigrants, et on devrait les considérer comme une solution à la pénurie de main-d'oeuvre qui sévit au Québec, donc aussi comme une solution à cette pénurie de main-d'oeuvre là. Et il ne faut pas propager cette idée fausse qu'ils sont un fardeau pour la société. Et c'est vrai que moi aussi, je me pose la question s'ils ne sont pas... Et le ministre nous dit : Je n'ai jamais dit que c'était un fardeau pour la société, au contraire. Donc, si ce n'est pas un fardeau et si on ne les considère pas comme ça, pourquoi on baisse? Et pourquoi on baisse le seuil au détriment de ces réfugiés-là qui, vous nous dites, rapportent, paient, font leur part et contribuent à part entière à... contribuent à la société québécoise d'une façon évidente? Est-ce que vous pourriez, encore une fois, élaborer là-dessus?

Moi, mon comté, c'est Bourassa-Sauvé. Il y a beaucoup de réfugiés là-bas, il y a beaucoup d'enfants de réfugiés, et c'est magnifique de voir... et, quand on pose la question aux enfants, ils sont tous à l'école, des jeunes adultes, ils sont souvent à l'école, ils travaillent, ils contribuent, et il y a, comme vous dites, beaucoup de préposés aux bénéficiaires qui habitent Bourassa-Sauvé. Alors, j'aimerais que vous élaboriez, justement, sur cet apport des réfugiés à la société québécoise.

M. Beuze (Jean-Nicolas) : Alors, vous l'avez fait en des termes très éloquents, mais laissez-moi juste vous rappeler deux ou trois points. Effectivement, les réfugiés s'intègrent de manière formidable, avec tout l'appui des services sociaux, des services du ministère, des services de la société civile. On sait qu'ils ont un désir d'appartenir à la communauté québécoise qui est certainement très important, parce qu'ils n'ont pas le luxe de retourner chez eux quand leur pays a été détruit, ou quand ils ont été persécutés à cause de leur religion, ou qu'ils ont été persécutés à cause de leur orientation sexuelle. Donc, ils ont une volonté de s'intégrer qui est énorme. Ils sont passés par des moments très difficiles dans leur vie, ce qui fait qu'ils ont aussi une résilience et un attachement, des valeurs qui sont très importantes. Quand on interroge les gens qui engagent, par exemple, les préposés aux bénéficiaires, ils trouvent que les réfugiés sont souvent surqualifiés, mais prêts à prendre ce travail et à le faire dans des conditions absolument admirables, comme on l'a tous rappelé ici. On sait que leurs enfants travaillent très fort à l'école pour réussir. Et ce qu'il faut rappeler pour la province de Québec qui est très important, c'est que 89 % — c'est le plus haut taux de tous les nouveaux arrivants — vont devenir des Canadiens, des Québécoises et des Québécois et vont rester, y compris dans ces 14 régions où ils ont été déployés et dans votre circonscription, le cas échéant.

Mme Robitaille : Il y a un élément important que vous avez amené, et vous en avez parlé au Devoir aussi dans l'article que j'ai lu ce matin, il y a deux catégories de réfugiés, si on peut dire : il y a les demandeurs d'asile, sur lesquels on n'a pas de prise, mais il y a ces réfugiés-là qui sont de la réinstallation au Québec, et ceux-là, on a une certaine prise, et ceux-là, on peut avoir un certain choix, c'est ce que vous dites. Et vous parlez que, bien, justement, les Américains le font beaucoup d'aller choisir certains réfugiés dans des camps de réfugiés pour répondre, entre autres, parfois à des besoins économiques, vous dites qu'en Ontario on le fait. Donc, les réfugiés aussi, on pourrait aller choisir certains d'entre eux pour qu'ils répondent aux besoins économiques. Pourriez-vous élaborer un peu là-dessus?

M. Beuze (Jean-Nicolas) : Tout à fait, tout à fait. C'est un nouveau programme qu'on a mis en place avec le gouvernement fédéral qui a attiré beaucoup d'attention de la part de l'Ontario, des Provinces maritimes, qui ont ce problème démographique criant, mais aussi dans les provinces des Prairies : donner un avantage comparatif aux réfugiés pour qu'ils puissent entrer en compétition avec d'autres nouveaux arrivants sur le terme économique. Vous savez que pour arriver ici, avoir les points nécessaires pour arriver en tant que nouvel arrivant économique, il faut avoir une expérience dans le domaine qui date de moins de six mois ou moins d'un an, ça dépend des programmes. Pour un réfugié, ce n'est pas forcément possible parce que la personne a pu être déplacée pendant deux ans, mais ça ne veut pas dire que toute son expérience professionnelle a été oubliée pendant l'exil. Une bonne infirmière ou un bon charcutier, même s'il est déplacé pendant deux ans, il ne va pas perdre son habileté professionnelle. Donc, c'est de donner cet avantage aux réfugiés pour qu'ils puissent venir en tant que nouveaux arrivants économiques, comme immigrants économiques, mais avec, à un moment donné, le label de réfugiés sur leur dos. Et ça démontre le fait de ce qu'on est tous en train de dire...

La Présidente (Mme Chassé) : En conclusion.

M. Beuze (Jean-Nicolas) : ...que les réfugiés sont des gens comme tous autres nouveaux arrivants qui vont contribuer à l'économie et à la culture québécoises.

Mme Robitaille : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Très bien, je vous remercie. Nous passons maintenant au groupe formant la deuxième opposition. M. le député de Laurier-Dorion, la parole est à vous.

M. Fontecilla : Monsieur et madame, je vous remercie pour avoir pris la peine de vous déplacer ici. Écoutez, est-ce qu'on peut comprendre de votre propos que le document de consultation, les politiques qui sont proposées par le ministère de l'Immigration du Québec, là, concernant les réfugiés démontrent, comment dire, une mauvaise compréhension de l'apport économique des réfugiés, tenant compte que l'objectif principal de cette politique-là, c'est la question économique, c'est régler une pénurie de main-d'oeuvre, arrimer les besoins de main-d'oeuvre avec les profils de l'immigration, et donc, le document, il y a une certaine méconnaissance de l'apport des réfugiés à l'économie du Québec?

M. Beuze (Jean-Nicolas) : Tout à fait, et elle n'est pas particulière à cette province, gouvernement, elle est généralisée dans tout le monde occidental, où on a tendance à ostraciser, marginaliser les réfugiés en pensant que ce sont simplement des gens qui cherchent à... qui fuient leur pays, qui n'ont pas le choix, qui fuient leur pays, mais qui sont un fardeau pour les économies qui les reçoivent. Donc, la méconnaissance, comme vous le mentionnez, elle est partagée, malheureusement, dans beaucoup de pays européens... occidentaux.

J'aimerais aussi rajouter juste une chose, c'est qu'on parle beaucoup de l'apport économique, et c'est important parce qu'il faut changer le narratif sur les réfugiés, mais je crois que c'est aussi important de rappeler notre devoir de solidarité. Les Québécoises, les Québécois, il l'a été rappelé auparavant, ont, depuis des décennies, montré que le Québec était une terre d'accueil. Tous autour de cette table ont été accueillis par les Premières Nations. Tout le monde a un parcours, de deux, trois, quatre générations antérieures, de bouger d'un endroit à un autre, de s'intégrer, de devenir un membre à part entière de la société québécoise. Je crois que les Québécoises et les Québécois que je rencontre, que nous rencontrons très régulièrement sont attachés à ces valeurs de démontrer que c'est une terre d'accueil, de solidarité pour des gens qui n'ont pas eu la chance d'être nés dans un si beau pays que le Canada.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste 30 secondes.

M. Fontecilla : Dites-moi, la situation actuelle, c'est qu'il y a une grande... il y a une proportion de réfugiés qui sont parrainés par des groupes de la société civile et une proportion parrainés par l'État. La politique propose d'inverser cette proportion-là. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Beuze (Jean-Nicolas) : Il faut garder les deux. C'est important que les Québécois puissent parrainer des réfugiés si... c'est souvent des membres de leur famille qui ne pourraient pas...

La Présidente (Mme Chassé) : En conclusion.

M. Beuze (Jean-Nicolas) : ...mais c'est important de garder le programme à travers le gouvernement.

La Présidente (Mme Chassé) : C'est très bien. Ça conclut le bloc d'échange avec le deuxième groupe formant l'opposition. Nous passons maintenant au troisième groupe formant l'opposition. Mme la députée de Gaspé, la parole est à vous.

Mme Perry Mélançon : Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Vous avez dressé un portrait assez positif de la rétention, par exemple, dans les régions, l'innovation des réfugiés, bien, qui sont... ils ont un côté très innovant, la création d'emplois et tout, mais je trouve qu'il y a quand même une forme de tristesse dans cette espèce de résilience là des réfugiés, quand on dit qu'avec la reconnaissance qu'ils ont d'être là ils sont prêts à accepter, bon, des milieux de vie, des milieux de travail un peu comme on le veut, là. Donc, je ne veux pas parler en termes de nombre, mais je voudrais plus savoir qu'est-ce qu'on peut faire quand même de mieux. Vous avez parlé d'une bonne intégration, mais il y a certainement, quand même, des enjeux encore reliés à leur intégration dans nos milieux. Alors, est-ce que vous avez des recommandations à ce niveau-là?

• (11 heures) •

M. Beuze (Jean-Nicolas) : Si, tout à fait, et je comprends la tristesse que vous mentionnez. Néanmoins, pour avoir... Comme M. le ministre l'a rappelé, j'ai passé les 20 dernières années de ma vie à l'international, de l'Afghanistan au Congo, et je peux vous dire que, pour les réfugiés, se retrouver au Québec est une chance absolument unique et incroyable. Et cette tristesse que nous, on peut avoir, ils ne l'ont pas parce qu'ils sont simplement remplis de joie de pouvoir recommencer, reconstruire leur vie et d'être si bien accueillis.

Alors, ce qui peut être fait... et déjà, beaucoup est en place ici. Comme je l'ai dit dans mon introduction, le modèle d'intégration canadien et québécois est exemplaire. On voit que les résultats, en termes de francisation, sont excellents. On a beaucoup de réfugiés qui arrivent déjà avec une connaissance du français, que ce soient les Centrafricains, les Maliens, les Camerounais, les Burundais ou les Congolais, que j'ai mentionnés auparavant. On sait que ce qui est important, c'est d'avoir un réseautage. Pour trouver un travail, pour trouver une maison, comme dans toute société, c'est le bouche-à-oreille qui marche le plus souvent. On n'a pas toujours les diplômes, on ne sait pas toujours comment la culture fonctionne pour se présenter à une interview. Donc, ce que je crois qui est important, c'est de continuer à soutenir financièrement et politiquement les associations de la société civile, les ONG qui s'occupent de l'intégration des réfugiés, de leur donner les moyens de faire ce travail dans les meilleures conditions. J'étais, il y a quelques mois...

La Présidente (Mme Chassé) : En conclusion.

M. Beuze (Jean-Nicolas) : ...au centre multiculturel ici, de Québec, qui fait un travail absolument admirable. Vous avez entendu, il y a quelques jours, sa directrice.

La Présidente (Mme Chassé) : C'est très bien. Ça termine le bloc d'échange et ça conclut la période d'échange avec tous les partis ici qui sont membres de la commission. M. Beuze, Mme Paciullo, je vous remercie pour votre contribution à la commission.

Je vais suspendre momentanément les travaux pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 1)

(Reprise à 11 h 3)

La Présidente (Mme Chassé) : Je vous invite à prendre place. Et je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de Montréal International. Vous avez 10 minutes pour votre exposé. À une minute de la fin, je vais vous inviter à conclure par un signe de la main ou vocalement. Et je vous invite à tout d'abord débuter en vous présentant. Bienvenue.

Montréal International (MI)

M. Bolduc (Hubert) : Merci, Mme la Présidente. Donc, Hubert Bolduc, président-directeur général de Montréal International, et je suis accompagné de ma collègue Caroline Boucher, qui est une experte en immigration, et — ça adonne comme ça — M. Bouchard, Francis, qui, lui, a travaillé sur la préparation de ce mémoire, notamment.

Donc, essentiellement, Montréal International est une organisation public-privé qui existe depuis plus de 22 ans et qui est financée à la fois par le secteur privé et par les différents paliers de gouvernement, la CMM, le fédéral et la ville de Montréal de même que le gouvernement du Québec. Nous avons plus de 200 ou tout près de 200 partenaires du secteur privé qui financent nos activités à hauteur de tout près de 3,5 millions de dollars par année et nous représentons la CMM pour trois mandats : d'abord, attirer et retenir des investissements étrangers — je suis à la planche n° 5 — donc, oui, faire venir les entreprises de l'international, mais aussi s'occuper des ces filiales de sociétés étrangères qui sont présentes sur le territoire; attirer et retenir des organisations internationales — je passerai vite là-dessus parce que ce n'est pas le sujet de ce matin; et finalement attirer et retenir du talent — donc à la fois de l'attraction, de l'accueil et de travailleurs temporaires qualifiés et d'étudiants en provenance de l'international.

À la planche n° 6, vous voyez nos résultats depuis notre fondation, mais j'aimerais attirer votre attention sur le fait que, depuis trois ans, Montréal International est passée d'une organisation qui attirait 1 milliard d'investissements directs étrangers à tout près de 2,5 milliards d'investissements directs étrangers. Nous avons accompagné 150 travailleurs temporaires qualifiés en 2015, nous avons fait 650 en 2018. Nous étions une cinquantaine d'employés, nous sommes rendus presque 100. Et enfin le secteur privé nous finançait à hauteur de 1,7 million il y a trois ans, et nous sommes aujourd'hui à tout près de 3,5 millions, ce qui m'amène à vous dire que nous sommes une organisation performante et qui est appréciée à la fois des gouvernements et du secteur privé pour le travail que nous faisons.

À la planche n° 7, vous voyez spécifiquement ce que nous faisons en matière de talents, donc, oui, attirer des travailleurs temporaires qualifiés, mais aussi les aider dans l'obtention de leur permis de travail, leur fournir une formation en matière de processus d'immigration — c'est ce que ma collègue, notamment, Mme Boucher fait — et enfin un travail qui a été de beaucoup augmenté au cours des dernières années, celui de l'attraction et de la rétention d'étudiants internationaux. J'aurai l'occasion d'y revenir dans mes réponses, mais il y a là un bassin de talents excessivement pertinent pour le Grand Montréal.

Quand on fait une plongée sur l'attraction de talents, bien, vous voyez, c'est tout près de 640 en 2018 que nous avons accompagnés, ou embauchés, ou aidé des entreprises à embaucher, pour une augmentation de 350 % depuis 2015. Le salaire moyen — c'est, je pense, l'élément le plus important de cette planche — il est de 75 000 $. Donc, quand on veut augmenter la richesse des Québécois ou la richesse du Québec, bien, évidemment, ça passe par du travailleur temporaire qualifié, parce que ces gens-là gagnent un salaire tout près de deux fois supérieur au salaire moyen québécois, si je ne m'abuse, bon.

Et donc pour ce faire, nous conduisons, avec Québec International et Drummondville, des missions d'attraction de talents qui connaissent un succès phénoménal. Je vais vous donner l'exemple de Paris, au mois de décembre l'année passée : nous sommes partis avec une centaine d'entreprises québécoises, nous avons reçu 25 000 C.V. et nous avons conduit, pour le compte des entreprises et avec elles, tout près de 2 500 entrevues d'embauche, ce qui a mené, dans notre cas, pour Montréal, à des embauches concrètes de travailleurs qualifiés. Et ces missions, nous en avons fait, donc, 14 l'année dernière, nous en faisions deux il y a trois ans, et ça, c'est une réponse directe aux besoins des entreprises, qui nous demandent d'en faire davantage.

Quand on passe à la planche n° 14, eh bien, vous voyez que c'est à Montréal — dans le Grand Montréal, devrais-je dire — que le bassin de travailleurs temporaires ou d'immigrants temporaires stratégiques est le plus important. Donc, dans l'histogramme de gauche, vous voyez les travailleurs étrangers temporaires qualifiés, les TETQ, donc tout près de 80 % de ces travailleurs sont dans la grande région de Montréal, et dans l'histogramme de droite, bien, vous voyez que c'est à peu près le même chiffre ou presque, 79 % en 2018, le nombre d'étudiants internationaux.

Il y a dans ces personnes des gens qui sont : a, sur le territoire; deux, qui parlent la langue; trois, qui ont un diplôme reconnu, un emploi, pour la plupart des gens, et évidemment un réseau de contacts. Comme je dis à la blague, ils ont connu leurs hivers, ils ont un copain, une copine, ils savent c'est quoi, la sloche, et donc ce sont des gens qui, naturellement, sont excessivement bien intégrés. Ils constituent un bassin privilégié que l'on ne peut pas... on ne peut pas perdre l'opportunité d'intégrer ce bassin de talents à fort potentiel dans la société québécoise.

Quand on passe à la planche 16... parce qu'il faut se poser la question : Est-ce que ces gens-là répondent, oui ou non, adéquatement aux besoins du marché du travail, hein, cette fameuse adéquation? Bien, à la planche n° 16, bien, vous voyez que, quand on regarde les étudiants internationaux, qui, je vous le rappelle encore, dans 80 % des cas, se retrouvent dans le Grand Montréal, eh bien, 72 % sont dans des STEM, donc sciences, technologies — malheureusement, c'est en anglais — ingénierie, «engineering», et mathématiques. Et donc ce sont des gens qui, dans le cas des besoins du Grand Montréal, sont excessivement recherchés, et donc les entreprises sont très contentes que nous travaillions à attirer des étudiants internationaux et à les retenir à l'issue de leur diplôme pour les raisons que je vous ai mentionnées précédemment : bonne intégration, connaissance de la langue, connaissance d'un réseau de contacts.

À la planche n° 17 — et ce sera ma dernière planche, ensuite je vous amènerai sur des recommandations — pourquoi c'est important? Bien, vous voyez qu'il y a une forte corrélation entre la richesse d'une métropole et le niveau de scolarité de sa population. Et ce graphique me désespère, mais il a l'avantage de dire la vérité franchement : Montréal est en queue de peloton dans des villes similaires, qu'elles soient canadiennes ou américaines. Et donc nous nous devons de continuer nos efforts d'attraction d'étudiants internationaux et de rétention de ces étudiants-là. Et je pense que, là encore, il y a une opportunité pour laquelle nous ne pouvons passer à côté.

Vous avez vu que nous avons inscrit plusieurs recommandations. Je sais que vous aurez plusieurs questions, mais je vais quand même mettre l'emphase sur trois... Il me reste deux minutes, Mme la Présidente? D'abord, le PEQ-Étudiant, je pense que la démonstration a été faite qu'il y a une valeur là. Il faut continuer et il faut rapidement le remettre en fonction, et je crois comprendre que ce sont les intentions du gouvernement, alors, que le PEQ-Étudiant soit reconduit au mois de novembre.

Nous faisons des missions d'attraction de talents avec un fort succès, avec Québec, avec Montréal. Cette année, nous sommes déjà en avance sur les résultats de l'année dernière. Nous allons probablement franchir le cap des 1 000 emplois embauchés et arrivés en sol québécois. Je crois que nous devons poursuivre ces efforts, nous devons en faire plus. Il y a des territoires que nous ne couvrons pas. Oui, évidemment, Paris est une cible facile, la Belgique aussi, la Suisse aussi, mais il y a d'autres bassins de talents que l'on se doit d'aller chercher pour combler les besoins des entreprises. Et, encore une fois, ce sont les entreprises qui font les embauches, nous ne faisons que faciliter leur travail.

Et enfin, tout à l'heure, quelqu'un disait... je pense que c'est vous, M. le député, qui parlait que c'est une responsabilité partagée avec le gouvernement fédéral, l'immigration. Quand je suis arrivé en poste chez Montréal International, le délai pour les permis de travail était de huit semaines. Il est aujourd'hui de 16 semaines, c'est trop long. Et donc il faut qu'à la fois au Québec et à Ottawa on prenne conscience de l'importance de la rapidité de faire venir ces gens sur le territoire québécois. Cela termine, Mme la Présidente, avec 13 secondes d'avance, mes propos.

• (11 h 10) •

La Présidente (Mme Chassé) : Quelle discipline, c'est fantastique! On va vous mettre en mode coaching de tous les groupes qui passent ici. Alors, je vous remercie pour votre exposé, et nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. M. Bolduc, Mme Boucher, M. Bouchard, merci d'être présents à l'Assemblée nationale pour nous présenter votre mémoire.

Hier, on a eu la visite de Québec International et puis ils proposaient... Parce que, dans le fond, vous et Québec International, vous faites, entre autres, des mandats qui se ressemblent sur certains aspects au niveau du recrutement; vous, davantage pour la région métropolitaine de Montréal, Québec, davantage pour la région de Québec—Chaudière-Appalaches. Ils proposaient un calendrier de planification des missions de façon à ce que le Québec soit coordonné à l'étranger. Qu'est-ce que vous pensez de cette proposition-là qu'il y ait une coordination au niveau des missions de recrutement à l'étranger?

M. Bolduc (Hubert) : Je suis tout à fait d'accord puis, si je peux aider, je vais aider.

M. Jolin-Barrette : Bon, génial.

M. Bolduc (Hubert) : Parce que le danger qui nous guette, c'est, si on commence à attaquer les bassins de talents internationaux, excusez-moi l'expression, de manière toute croche, bien, on va nuire à nos entreprises puis on ne répondra pas à l'enjeu du rétrécissement des employés disponibles.

M. Jolin-Barrette : Dans vos missions de recrutement, vous allez chercher, entre autres, beaucoup de travailleurs étrangers temporaires, notamment beaucoup de travailleurs qui vont rentrer dans le cadre du PMI, du Programme de mobilité internationale. Ça, c'est un programme fédéral qui est, comment je pourrais-dire, plus rapide que le PTET parce qu'il ne nécessite pas nécessairement d'étude d'impact sur le marché du travail, et donc l'employeur fait reconnaître l'emploi par le ministère de l'Emploi fédéral, là, qui s'appelle Développement, Ressources humaines Canada ou... j'oublie le...

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : ...oui, j'oublie le titre officiel. Cela étant dit, c'est quoi, votre proportion de travailleurs temporaires versus le nombre d'immigrants permanents que vous allez chercher?

Mme Boucher (Caroline) : En fait, on ne va recruter que des travailleurs étrangers temporaires. C'est très rare que les gens ont déjà la résidence permanente dans ceux qui viennent à nos missions.

Et, pour revenir sur la question du PMI, en fait, je ne dirais pas que c'est une majorité des gens qui passent dans le PMI, mis à part les jeunes, surtout en France, où on peut obtenir les jeunes professionnels, les PVT, dans ces cas-ci, ils vont passer par l'Expérience internationale canadienne. Mais la plupart des travailleurs qu'on va recruter vont passer dans le volet des talents mondiaux, qui nécessite un EIMT, un... Mais effectivement c'est une voie rapide avec un deux semaines, donc il y a quand même beaucoup de ces postes-là qui vont passer. Parce que, si on va en Tunisie ou si on va au Maroc, ils n'ont pas accès aux jeunes professionnels, ils n'ont pas accès à des PVT, donc il faut majoritairement, même je dirais presque entièrement, passer dans le PTET.

M. Jolin-Barrette : Mais les délais sont plus courts pour les types d'emplois que vous recrutez.

Mme Boucher (Caroline) : Dans les 12 qui sont dans le volet des talents mondiaux, effectivement, puis c'est une grosse majorité des candidatures que nous, on va chercher. Mais il y en a aussi, par contre, beaucoup qui ne rentrent pas dans ces 12 catégories là, et là on parle d'un 16 semaines de délai de traitement, plus les délais du permis de travail ensuite.

M. Jolin-Barrette : Est-ce que ça arrive, dans les démarches que vous faites à l'international, que vous allez chercher des travailleurs qualifiés qui passent par le programme régulier, tu sais, dans le fond, qu'ils ne prennent pas tout de suite un permis de travail temporaire, mais qu'ils passent par le PRTQ, supposons?

Mme Boucher (Caroline) : Ce n'est pas les candidatures que nous, on recherche. Nous, c'est vraiment un besoin urgent des entreprises, donc on ne peut pas attendre qu'ils passent par la résidence permanente, vu que, premièrement, il fallait être sélectionné par le Québec et ensuite les deux ans au fédéral, donc ça ne répond pas à un besoin immédiat. Donc, les gens qu'on va chercher, c'est pour qu'on obtienne les permis de travail, puis les entreprises sont toutes prêtes à faire ces démarches-là pour eux.

M. Jolin-Barrette : Donc, ce sont toutes des entreprises, avec vous, qui ont un besoin actuel...

Mme Boucher (Caroline) : Immédiat.

M. Jolin-Barrette : ...et qui doit être comblé, actuellement.

Mme Boucher (Caroline) : Absolument.

M. Jolin-Barrette : Bon. À partir du moment où les personnes arrivent au Québec dans le cadre du recrutement que vous avez fait avec les entreprises, là, par la suite, qu'est-ce qui arrive? Est-ce que vous les accompagnez vers le processus d'immigration régulière? J'imagine que les entreprises qui vous accompagnent souhaitent conserver à leur emploi ces personnes-là qui viennent travailler de façon temporaire dans leur entreprise, mais qu'ils veulent conserver parce qu'ils ont déployé des efforts à l'étranger pour aller les chercher.

M. Bolduc (Hubert) : Exactement. Bien, je vais donner un chiffre, mais, Francis, tu me corrigeras si c'est le mauvais, mais, dans le cas d'Ubisoft, si je prends cet exemple précis, je pense que la moitié de ses employés sont... 20 % de ses employés sont des TETQ et 80 % de ses employés ont des intentions de faire la demande se résidence permanente. C'est-u 80-20? Mais c'est à peu près ça.

M. Jolin-Barrette : Donc, dans le modèle, là, dans lequel on évolue présentement et dans lequel vous évoluez, à court terme, l'immigration temporaire peut permettre de répondre aux besoins du marché du travail parce qu'ils viennent rapidement...

M. Bolduc (Hubert) : Absolument.

M. Jolin-Barrette : ...mais que, par la suite, ces personnes demeurent au Québec ou veulent demeurer.

M. Bolduc (Hubert) : Bien, ça, c'est l'objectif, parce que, encore une fois, ces gens-là sont formés, ils ont un travail, ils sont en emploi, la plupart du temps ils parlent la langue. Donc, effectivement, c'est un bassin fort intéressant pour les faire basculer dans la résidence permanente par la suite, et c'est la volonté des entreprises, d'ailleurs, aussi.

M. Jolin-Barrette : C'est ça. Puis, lorsqu'on parle de basculer dans la résidence permanente, ces travailleurs temporaires là, j'imagine que la majorité va soumettre leur dossier de candidature dans le Programme de l'expérience québécoise après avoir travaillé pendant un an, pour ceux qui parlent français.

M. Bolduc (Hubert) : Absolument, le PEQ-Travailleur.

Mme Boucher (Caroline) : Exactement. Chez Montréal International, nous, on offre des séances d'information sur la résidence permanente. On les fait à toutes les deux semaines avec mon équipe en français, en anglais. Donc, le bassin de travailleurs qu'on va chercher, on les aide à ce qu'ils comprennent très bien les programmes pour devenir éventuellement résidents permanents.

M. Bolduc (Hubert) : Puis on fait la même chose avec les étudiants à travers le PEQ-Étudiant.

Mme Boucher (Caroline) : Exactement.

M. Jolin-Barrette : O.K. Le gouvernement a annoncé que désormais on ouvrait les programmes aux personnes en situation temporaire, aux immigrants temporaires, en termes de francisation, au niveau des allocations. Même chose pour le Parcours d'accompagnement personnalisé, il va être ouvert. Pensez-vous que ça va aider pour l'intégration des travailleurs étrangers temporaires vers le fait de les permanentiser?

M. Bolduc (Hubert) : Absolument.

M. Jolin-Barrette : O.K. Qu'est-ce qui... On a un défi, au Québec, en termes de régionalisation de l'immigration. Là, c'est sûr que je parle à Montréal International, et on a eu la discussion aussi avec Québec International. Comment est-ce qu'on fait pour s'assurer que tout le monde soit gagnant à travers ça pour régionaliser l'immigration, pour faire en sorte aussi que Montréal ait sa part, mais surtout pour faire en sorte qu'il y ait une répartition sur l'ensemble du territoire québécois?

M. Bolduc (Hubert) : Bien, d'abord, il ne faut pas déshabiller Jacques pour habiller Jean. Et, comme disait un ancien premier ministre, je pense qu'on est capables de marcher puis manger de la gomme en même temps. Et donc il y a moyen d'attirer des talents issus d'immigration en région sans pour autant faire en sorte qu'il n'y en ait pas qui viennent à Montréal. Et donc il faut se rendre aussi à l'évidence que 60 %... 34 % du total... non, le total des...

M. Bouchard (Francis) : Bien, en fait, oui, quand on regarde les postes vacants au Québec, les dernières données disponibles, premier trimestre 2019, juste sur l'île de Montréal, donc la région administrative, c'est 34 % du total des postes vacants. Si on rajoute les autres portions de la grande région de Montréal, donc dans Lanaudière, Laurentides, Montérégie, Laval, donc on a évidemment plus de la majorité des postes vacants au premier trimestre 2019 qui sont dans la grande région de Montréal. Donc, il y a des besoins qui sont importants, puis, à ce moment-là, ce n'est pas négligeable, ces besoins-là.

• (11 h 20) •

M. Bolduc (Hubert) : Donc, moi, je pense qu'il faut que l'expertise que Montréal International, que Québec International a développée... puis Québec International a plus d'ancienneté dans cette expertise-là, je pense qu'il faut la mettre à profit des régions. Comment? Je ne le sais pas. Est-ce que c'est à travers, certainement, une meilleure coordination? Est-ce que c'est à travers votre ministère? Est-ce que c'est à travers celui de l'Emploi? Est-ce que c'est à travers Investissement Québec? Je ne sais pas, mais la réalité, c'est qu'il faut que les entreprises identifient des besoins, qu'ils nous fassent parvenir ces besoins-là et qu'on les accompagne à l'étranger pour qu'elles viennent interviewer des gens et les embaucher et que, par la suite, nous, ou Québec, ou Drummondville, ou l'autre organisation fasse l'accompagnement de permis de travail. Parce que c'est bien beau identifier des personnes, mais c'est la première étape. Après ça, il faut faire les permis, il faut les faire venir, il faut s'occuper des conjoints, conjointes, il faut s'occuper des enfants. Et donc, oui, la mission à Paris ou ailleurs, quand les entreprises font des embauches ou, du moins, identifient des candidats, c'est intéressant, mais il y a tout un travail en arrière que nous, on fait pour que, trois mois plus tard, la personne arrive puis commence à travailler.

Mais il y a une mécanique à développer autour de celle que nous, nous avons développée, qui fonctionne, qui marche, qui est excessivement appréciée par les entreprises qui y participent. À preuve, on annonce les missions d'attraction de talents, puis 48 heures plus tard, il n'y a plus de place, alors... Mais les besoins ne sont pas juste à Montréal, et c'est pour ça que Drummondville, par exemple, a développé de l'aide avec Sherbrooke, Trois-Rivières. Et donc ce modèle là, où Drummondville sert une partie des régions avoisinantes, bien, il y a peut-être lieu que Québec desserve davantage puis que Montréal desserve davantage, par exemple.

Mais il y a une question d'agilité, de rapidité que les organisations comme la nôtre possédons, qui procure beaucoup d'avantages dans ces missions-là. Quand on dit : On part en mission puis qu'on achète un demi-million de billets d'avion... parce que les entreprises ne font rien, hein, elles s'inscrivent, on achète les billets d'avion, on réserve les hôtels, on boucle la restauration, les déplacements. Ils font juste arriver avec leurs pancartes, ils s'assoient au Palais des congrès de Paris, puis ça commence, puis c'est aux cinq minutes. Et M. Boulet, le ministre Boulet est venu, il y avait une queue à l'extérieur du Palais des congrès de Paris pour les gens qui venaient s'inscrire dans les missions d'attraction de talents. Alors, ça marche, puis il y a une belle phrase en anglais qui dit : «If it ain't broken, don't fix it.»

M. Jolin-Barrette : Donc, ce que vous nous dites, c'est que vous offrez un clés en main pour les entreprises.

M. Bolduc (Hubert) : C'est un clés en main, puis ils aiment ça... elles aiment ça, pardon.

M. Jolin-Barrette : O.K. Sur les assouplissements que vous souhaitez avoir dans les différents programmes de travailleurs étrangers temporaires, supposons, au niveau des délais d'entrée express, pouvez-vous revenir un petit peu là-dessus?

M. Bolduc (Hubert) : Bien, tu sais, les entreprises, quand elles se présentent dans ces missions-là, ça fait déjà plusieurs mois qu'elles cherchent et qu'elles ne trouvent pas. Et donc, quand on arrive, que ce soit à Paris ou ailleurs, et qu'on dit : On a trouvé le programmeur JAVA bilingue anglais-polonais — et français, parce qu'il s'en vient à Montréal, au Québec — bien, c'est demain, là, qu'ils veulent l'avoir chez eux. Et donc plus on va être capables d'accélérer des processus, mieux les entreprises vont se porter puis plus facile va être notre travail. Et 16 semaines, là, c'est quatre mois, c'est long dans une année. Et donc, si on était capables de revenir à un huit semaines, ce qui est, somme toute, le temps que la personne s'organise, sous-loue son appartement ou vende son... c'est, selon moi, beaucoup plus raisonnable puis beaucoup plus avantageux pour les entreprises.

M. Jolin-Barrette : Je vous remercie pour votre présence en commission. Je sais que j'ai des collègues qui veulent poser des questions. Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Très bien. Je comprends que la députée de Bellechasse désire prendre la parole. Allez-y.

Mme Lachance : Merci, Mme la Présidente. Madame messieurs, merci d'être là. Merci de nous partager votre expertise. Je vais y aller brièvement, Mme la Présidente. Il me reste...

La Présidente (Mme Chassé) : 4 min 30 s.

Mme Lachance : ...4 min 30 s, excellent. J'ai deux choses qui m'interpellent. D'abord, vous avez parlé de votre succès de la dernière mission de Paris et des 14 missions qui ont été réalisées au cours de l'année. Dans ces missions-là quels types d'emplois ont été comblés prioritairement?

M. Bolduc (Hubert) : Ça varie d'une mission à l'autre, mais je vous dirais que, dans le cas du Grand Montréal, puis corrige-moi, Francis...

Mme Lachance : D'une manière globale, là, si on...

M. Bolduc (Hubert) : De manière globale, je vous dirai qu'à peu près plus de 50 %, c'est dans le domaine des TIC, technologies de l'information et de communications, et ça ressemble pas mal aussi à ce que nous attirons comme entreprises dans le Grand Montréal. Et donc c'est à peu près les secteurs les plus prisés. Est-ce qu'il y en a d'autres? Sûrement, mais, encore une fois, ça dépend des entreprises qui viennent. Donc, si quelqu'un vient et dit : Moi, j'ai besoin de camionneurs, puis c'est une entreprise de Montréal, bien là, ça peut adonner, mais je vous dirais que, de manière générale, c'est dans les secteurs à haute valeur ajoutée et un salaire moyen de 75 000 $.

Mme Lachance : C'est ce que vous aviez mentionné tout à l'heure. On sait que plusieurs de nos entreprises peinent à trouver des travailleurs pour des postes d'opérateur et de manoeuvre, des postes d'entrée. Est-ce que vous auriez des suggestions à faire pour qu'ils puissent être intégrés dans ce processus-là?

M. Bolduc (Hubert) : Bien, je pense qu'il va falloir faire des choix. Je donne toujours cet exemple de la grappe Mmode, Debbie Zakaib, ma collègue, qui cherche 1 000 couturières à Montréal. Bon, est-ce que ce sont des emplois qui vont être faciles à dénicher et à faire venir au Québec? Probablement pas. Mais ce sont les entreprises qui décident, qui déterminent qu'est-ce qu'elles veulent aller chasser, entre guillemets, comme talents à l'international. Et c'est sûr que des bassins de grandes villes, de grandes agglomérations comme Paris, comme Bruxelles, comme Londres, comme San Francisco, évidemment, la plupart du temps, on s'en va là pour chasser du talent de très, très grande qualité. Mais il va falloir qu'on se pose des questions à savoir est-ce qu'on veut faire du non qualifié.

Mme Lachance : Excellent. J'aimerais aussi, dans un deuxième temps, revenir... À la page 25, on a parlé des problématiques et des recommandations. Vous nous mentionnez que les étudiants internationaux qui graduent au Québec vivent des difficultés à l'emploi et parfois, même souvent, quittent le Québec. Et, comme recommandation, bien, vous mentionnez de soutenir les activités de Québec International à la rétention des étudiants. J'aimerais savoir pour quelles raisons les étudiants quittent.

M. Bolduc (Hubert) : Bon, alors, il y a trois facteurs : d'abord, un... puis c'est de moins en moins dans cet ordre-là, mais le premier, la complexité des processus d'immigration — nous, on a le mandat de les accompagner, de leur tenir la main et, Caroline et ses équipes, leur expliquer comment ça fonctionne; deux, la langue, il faut qu'ils maîtrisent la langue — et ce n'est pas juste le français, parce que l'étudiant maghrébin qui va à HEC faire une maîtrise ou un D.E.S.G., la maîtrise de l'anglais est fondamentale s'il veut se trouver une job de gestionnaire chez Desjardins — donc l'anglais et le français; puis, troisièmement, est-ce que je vais me trouver une job? Bon, ça, aujourd'hui, c'est un peu moins problématique que ce l'était il y a deux ans ou trois ans, mais...

Notre mandat, c'est de, justement, essayer d'identifier des talents dans les universités puis de les mettre en relation avec les entreprises montréalaises, québécoises qui cherchent du talent. Et on est un peu... il y a un ministre qui a déjà utilisé le mot de Tinder en commission parlementaire, donc je vais faire la même chose, on est un peu le Tinder du travailleur... de l'étudiant international puis de l'entreprise québécoise, qu'elle soit internationale ou locale. C'est ça qu'on fait, on fait le match. Avant, les entreprises cherchaient toutes des Maurice Tremblay, bien, aujourd'hui ils sont pas mal ouverts à toutes sortes de talents, quelle que soit sa provenance.

La Présidente (Mme Chassé) : Bon, il reste une minute au bloc d'échange.

Mme Lachance : Merci. Donc, la raison pour laquelle les étudiants quittent, c'est parce que le maillage ne se fait pas spontanément entre l'étudiant, qui pourtant a étudié ici, et les entreprises qui cherchent aussi ardemment plusieurs ressources.

M. Bouchard (Francis) : Si je peux me permettre, en fait, ce sera impossible de retenir 100 % des étudiants, parce qu'il y a une portion des étudiants, puis selon leur pays d'origine... Par exemple, un étudiant allemand ne vient pas nécessairement au Québec, éventuellement, pour se trouver un emploi de meilleure qualité que ce qu'il pourrait trouver en Allemagne, il vient pour vivre une expérience. Donc, c'est sûr qu'on ne pourra pas retenir 100 % des étudiants, mais, de ceux qui restent, comme n'importe quel étudiant, comme n'importe quelle personne qui entre sur le marché du travail, il y a des difficultés, qu'elle soit d'origine québécoise ou d'ailleurs. Donc, il y a ces difficultés-là qui s'additionnent également...

La Présidente (Mme Chassé) : En conclusion.

M. Bouchard (Francis) : ...puis qu'on essaie de faciliter puis faciliter notamment le maillage, là, avec les entreprises.

Mme Lachance : O.K. Donc, bref, il y a quand même une grande proportion des étudiants qui pourraient venir ici pour une expérience...

La Présidente (Mme Chassé) : Ça termine le bloc d'échange.

Mme Lachance : Merci.

Une voix : Puis il y en a qui ne veulent juste pas rester.

La Présidente (Mme Chassé) : Ça termine le bloc d'échange. Très bien, merci. Nous passons maintenant au parti formant l'opposition officielle. M. le député de Nelligan, vous désirez prendre la parole?

M. Derraji : Oui.

La Présidente (Mme Chassé) : Allez-y.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. M. Bolduc, Mme Boucher, M. Bouchard, bienvenue. Merci pour votre rapport très bien documenté.

Ma première question : Vous avez eu le mandat de retenir les étudiants internationaux avec quel ministère?

M. Bolduc (Hubert) : Alors, c'est une responsabilité partagée. Donc, il y a un financement qui vient du MIDI et il y a une très forte collaboration qui vient avec le ministère de l'Éducation, dont j'ai le privilège de rencontrer la sous-ministre cet après-midi, justement, pour lui parler des succès que nous avons eus.

M. Derraji : Oui. Donc, le MIDI vous finance à quelle hauteur par rapport à ce projet?

M. Bolduc (Hubert) : Je vous dirais à peu près 2,5 millions, mais il faudrait que je vérifie les ententes.

M. Derraji : Oui, et l'Éducation?

M. Bolduc (Hubert) : Je n'ai pas le chiffre par coeur.

M. Derraji : C'est un projet qui tourne autour de combien, le projet en entier et financement public?

M. Bolduc (Hubert) : Ah! écoutez, je vous dirais que le financement total... puis, encore une fois, là, je n'ai pas le chiffre en tête, mais je dirais peut-être 3 millions au total sur plusieurs années, sur trois ans.

M. Derraji : O.K., sur trois ans.

M. Bolduc (Hubert) : Mais je vais vérifier puis je vais vous trouver l'information avant la fin de la commission.

M. Derraji : Ah! mais ce n'est pas grave, je voulais juste comprendre l'ordre de grandeur de ce projet qui... Je pense que vous avez développé de l'expertise dans ce projet. Vous avez d'excellents résultats. J'imagine que le projet réussit très bien. Moi, je vais revenir à...

M. Bolduc (Hubert) : À vrai dire, pour... Ah! excusez-moi.

M. Derraji : Je vais revenir plus à la démarche que vous faites pour retenir les étudiants étrangers. C'est quoi, l'élément, pour vous, que vous utilisez pour dire... Parce que j'ai vu la courbe, et, quand je vois qu'on est en bas, là, par rapport... si on se compare aux autres métropoles... C'est quoi, les arguments que vous mettez sur la table pour retenir ces étudiants étrangers?

• (11 h 30) •

M. Bolduc (Hubert) : Alors, on fait... À l'origine, là, ce qui s'est passé, c'est qu'on a sondé les étudiants internationaux. On s'est dit : Il y a là une qualité de main-d'oeuvre qu'on ne réussit pas à garder. Donc, on a approché le gouvernement il y a trois ans et on leur a dit : Il y a un potentiel là, il faudrait essayer de les garder. Et donc c'est à ce moment-là que les programmes de rétention des étudiants ont commencé. Et l'idée, c'est vraiment de déployer sur les campus, en partenariat avec les universités, des activités pour faire connaître davantage — je vais parler de Montréal — le Grand Montréal, tant au niveau politique que culturel, que sportif, qu'événementiel. Et donc, de mémoire, l'année dernière, je crois que nous avons organisé tout près de 150 activités et qui ont réuni au total environ 10 000 étudiants universitaires où, justement, on leur a dit : Bien, venez, il y a une pièce de théâtre...

M. Derraji : Passeport culture.

M. Bolduc (Hubert) : ... — exactement, le passeport culturel — de Lepage, ou il y a tel spectacle, ou il y a telle activité au mont Royal. Donc, en leur exposant comment il est agréable de vivre à Montréal, on espère être capables d'en convaincre davantage de rester.

À l'origine, le sondage, il démontrait que, sur 30 000 étudiants — là, c'est rendu 36 000, mais à l'époque c'était sur 30 000 étudiants internationaux — il y en a 15 000 qui mentionnaient : Peut-être que j'aimerais ça rester après mes études, et, sur ce 15 000, on n'en conservait que 20 %, donc environ 2 500, 3 000. L'idée, c'est de tripler le nombre d'étudiants qui demeurent après leurs études. Et je vais revérifier pour m'assurer que le chiffre est bon, mais je pense qu'on est rendus à environ 6 000, puis les gens du ministère pourront le confirmer ou l'infirmer. Donc, ça fonctionne d'aller à leur rencontre et de leur exposer les avantages du Québec et du Grand Montréal.

M. Derraji : Donc, tous des jeunes francophones, qui parlent français, issus des universités québécoises.

M. Bolduc (Hubert) : Pas nécessairement.

M. Derraji : Des anglophones aussi.

M. Bolduc (Hubert) : Aussi, tout à fait.

M. Derraji : O.K. Là, la technicalité pour pouvoir utiliser le programme, le PEQ, si j'ai bien compris, pour les francophones, il n'y a pas de test de français, mais, pour les jeunes issus des universités anglophones, ils doivent réussir le test.

M. Bolduc (Hubert) : Exactement.

M. Derraji : Donc, au bout de la ligne, la société québécoise... je ne peux pas dire «se ramasse», mais s'approprie un fruit d'étudiants qui viennent de l'international.

M. Bolduc (Hubert) : Potentiels, oui.

M. Derraji : Excellent. Là, ça me ramène à ma question : Comment vous avez eu l'information que le moratoire a été implanté?

M. Bolduc (Hubert) : C'est une bonne question, parce que j'étais en vacances, mais...

M. Derraji : Moi aussi.

M. Bolduc (Hubert) : Je présume que... Je pense que le ministère nous a informés, les gens, chez nous, là. Caroline, je ne sais pas comment ça s'est fait, mais...

Mme Boucher (Caroline) : Je ne me souviens plus. Je pense qu'on a eu un appel et un courriel, là. On a été informés, je...

M. Derraji : Vous avez eu un appel.

Mme Boucher (Caroline) : Je crois, mais, écoutez, effectivement, je n'ai pas...

M. Derraji : O.K. Bien, ça m'intéresse, comment vous avez eu l'information, parce que moi, je vais partager comment j'ai eu l'information : par un article de journal, et on disait que le journaliste, par hasard, il est parti chercher dans la Gazette et il a trouvé qu'il y a le moratoire. Et vous savez pourquoi je vous pose cette question?

M. Bolduc (Hubert) : Bien, j'aimerais ça le savoir, oui, parce que...

M. Derraji : Vous avez un projet qui roule à 3 millions de dollars d'argent de contribuables, qui est très, très important, avec des résultats. En fait, aujourd'hui, là, personne, mais personne ne doit challenger ce programme. Quand je vois que le gouvernement met un moratoire sur un projet, je pense qu'il doit mettre aussi un moratoire sur les dépenses de ce projet. Et, si je mets un moratoire sur les dépenses du projet, parce que... oui, on peut continuer nos activités de recrutement, et je ne challenge pas vraiment votre travail, je sais vraiment ce que Montréal International fait, vous faites un excellent travail, mais vous ne pensez pas que le fait de ne pas inclure... Parce que moi, j'aurais aimé que... ne pas recevoir l'appel ni recevoir un e-mail, mais inclure, vous inclure dans la décision du moratoire. Moi, pour moi, je suis convaincu aujourd'hui, c'est une mauvaise décision de mettre le moratoire par rapport à la rétention de ces jeunes étudiants internationaux.

Est-ce que vous aurez une autre proposition aujourd'hui par rapport... Je sais que vous avez dit que vous espérez que le moratoire, au mois de novembre, donc... nous aussi, on l'espère. Mais vous ne pensez pas que c'est en contradiction? D'un côté, on donne à un organisme avec qui on travaille le mandat de retenir et, de l'autre côté, on lui dit : Bien, écoute, on a posé un moratoire, sans l'inclure dans la décision du moratoire.

M. Bolduc (Hubert) : Écoutez, on entretient des relations excessivement privilégiées avec tous les ministères, tant au niveau politique que sous-ministériel, tous partis confondus. Et donc nous, on reçoit des mandats des gouvernements qui des fois sont interrompus, des fois sont modifiés. Franchement, je pense que, dans ce cas-ci, est-ce que le gouvernement aurait pu mieux nous informer ou nous a mal informés, franchement, je n'ai pas d'opinion, je dis juste... Bien, nous, on continue de faire notre job et on reçoit des deniers publics que l'on gère de manière très, très efficiente et de manière la plus efficace possible, et puis on continue notre travail, parce que, de toute manière, ces étudiants-là, bien, ils ont fini la session en juin ou mai, tout dépendant des niveaux scolaires, donc on les a déjà travaillés puis on va recommencer à travailler avec ceux qui finissent au mois de décembre.

M. Derraji : Oui, mais, M. Bolduc, je ne cherche surtout pas à vous mettre mal à l'aise par rapport à un partenaire qui finance votre projet. Ce n'est pas ça du tout, mon but. Mon but aujourd'hui, en tant que société québécoise, où je dis que vous avez des résultats par rapport à la rétention d'étudiants internationaux, l'argent... les Québécois mettent de l'argent dans la rétention, c'est des jeunes qui parlent français, parfaitement intégrés qui veulent rester au Québec, et que je ne parle pas avec le partenaire qui livre ce projet, moi, je pense qu'il y a un manque au niveau du ministère, parce que, pour moi, ça, c'est une dépense inutile pour le moment parce que je ne vous aide pas. Les étudiants, quand ils viennent, et corrigez-moi si je me trompe, le pitch de vente, il est quand même important, ce que vous faites.

Le fait de rester au Québec, ça encourage certaines personnes à choisir le Québec et les universités québécoises pour venir étudier. Il y a une guerre de talents, mais aussi, les universités nous parlent, c'est de plus en plus très difficile d'aller chercher des gens qui vont payer presque quatre à cinq fois le prix d'accès aux études au Québec. En fait, c'est ça, la problématique que je ramène sur la table, et je comprends votre position. Moi, M. Bolduc, mon but aujourd'hui, ce n'est pas vous faire dire que c'est une très mauvaise ou bonne décision, le fait de mettre le moratoire, c'est juste sensibiliser le ministère que, probablement, ça serait beaucoup plus intéressant, avant de mettre un moratoire, d'appeler Montréal International et leur dire : Écoutez, là, on va mettre le moratoire, voilà le pourquoi, et qu'on vous accompagne, parce qu'on met en péril ce programme; le redémarrer par la suite, crise de confiance.

M. Bolduc (Hubert) : Écoutez, ça fait longtemps que je viens sur la colline Parlementaire, et je connais de manière assez approfondie les rouages de l'État, et personnellement, moi, je... encore une fois, on nous a informés. Est-ce que c'était de la meilleure manière? Je ne sais pas, mais on a reçu l'information. C'est sûr qu'on nous consulte sur ces enjeux lorsque c'est nécessaire, mais un gouvernement est élu pour poser des gestes — moi, je ne suis pas au gouvernement — et, si le gouvernement décide de poser ce geste, bien, peut-être à lui poser la question à lui et peut-être pas à moi. Mais, bon, cela dit...

M. Derraji : Mais non, mais je sais, M. Bolduc, c'est juste, on parle d'un programme, vous avez vendu le programme depuis le début, et je sais c'est quoi... Écoute, je sais très bien les efforts que Montréal International déploie sur les campus. Moi, si c'est demain, là, je vais mettre la bataille pour que ce programme continue, parce que je sais c'est quoi, l'impact économique de ce programme. Donc, pour moi, aujourd'hui, c'est que, dans un contexte de collaboration, j'aurais aimé qu'il y ait plus de communication entre le MIDI et vous, parce que vous gérez un programme financé par les contribuables avec un contrat avec le MIDI. C'est ça, moi, que je questionne, et vous n'êtes pas obligé de répondre. Ce que je vous propose, c'est que c'est une bataille à mener par rapport à ça.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste 30 secondes au bloc d'échange.

M. Derraji : Je n'ai pas entendu votre commentaire par rapport aux seuils. Vous faites beaucoup de missions et vous avez avisé le ministère que c'est... de plus en plus, il faut collaborer entre les villes et les organismes. Que pensez-vous des seuils?

La Présidente (Mme Chassé) : En conclusion.

M. Bolduc (Hubert) : Moi, je ne suis pas dans la question des seuils, ce n'est pas ma priorité. Je m'occupe d'attirer des travailleurs temporaires qualifiés. Les seuils, ça vous appartient, ça ne m'appartient à moi. Et ceux qui se prononcent sur les seuils, tant mieux pour eux, mais moi, je n'ai d'opinion sur les seuils, et ce n'est pas mon business, comme je dis si souvent à mes gens chez nous.

M. Derraji : Merci à vous trois.

M. Bolduc (Hubert) : Merci à vous.

La Présidente (Mme Chassé) : Très bien, merci. Ça termine le bloc d'échange avec le parti formant l'opposition officielle. Nous passons maintenant à la seconde opposition. M. le député de Laurier-Dorion, la parole est à vous.

• (11 h 40) •

M. Fontecilla : Merci. Bonjour, messieurs madame. Écoutez, la consultation sur laquelle on se penche a quand même quelques directions stratégiques, on pourrait appeler, là. D'une part, là, la question de régler... ou la question de la pénurie de la main-d'oeuvre, mais il y a quelques objectifs, là, qui transparaissent très bien, là, la question de la régionalisation de l'immigration et la question aussi de changer le système pour favoriser, disons des candidats à l'immigration moins qualifiés, pour éviter la surqualification, etc.

Vous, vous êtes dans un domaine relativement... vous n'êtes pas dans le général, je crois, vous êtes plutôt dans un créneau très spécifique et vous n'êtes pas dans le volume, même s'il y a une partie de votre travail qui fait dans le volume, vos missions internationales, etc., mais vous êtes plutôt dans la recherche de la qualité, des talents rares ayant certaines spécificités très particulières, là. Et pour Montréal, pour les entreprises de Montréal, dans ce sens-là, de votre point de vue de votre organisme, est-ce que ça ne vous paraît pas qu'il y ait une, comment dire... les objectifs de la consultation, là, sur lesquels nous nous penchons ne sont pas tout à fait vos objectifs, là, en termes de régionalisation et en termes de chercher du personnel moins qualifié?

M. Bolduc (Hubert) : Bien, nous, évidemment, ce sont les entreprises qui dictent un peu quels types de talents nous recherchons et, lorsqu'une entreprise investit pour aller à l'international, c'est elle qui décide quels types de talents elle veut choisir et elle veut tenter d'attirer selon les besoins qu'elle a. De manière générale, comme je l'ai dit tout à l'heure, ce sont, la plupart du temps, du monde excessivement qualifiés, difficiles à trouver dans le Grand Montréal. Est-ce qu'il y a un potentiel de conduire des missions pour du non qualifié? Sûrement, mais est-ce que c'est ça qu'on veut faire? Moi, je me fie aux entreprises qui financent nos activités, qui paient pour ces voyages, et ce sont elles qui font les embauches, donc je me colle à leurs besoins et je m'arrange pour les faire arriver.

La Présidente (Mme Chassé) : Il reste 20 secondes au bloc.

M. Fontecilla : En même temps, vous nous avez montré un tableau où il y a une corrélation entre qualifications et richesse. Est-ce que c'est compatible avec les objectifs de la politique?

M. Bolduc (Hubert) : Bien, je pense que d'attirer du talent dans les grandes RMR que sont Montréal, Québec, Chicoutimi, Trois-Rivières, Sherbrooke, oui, c'est compatible avec les objectifs de l'énoncé.

La Présidente (Mme Chassé) : En conclusion.

M. Bolduc (Hubert) : Encore une fois, les besoins, ce n'est pas nous qui les identifions, ce sont les entreprises.

La Présidente (Mme Chassé) : C'est très bien, merci. Nous passons maintenant au parti formant la troisième opposition. Mme la députée de Gaspé, la parole est à vous.

Mme Perry Mélançon : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous trois. C'est bien de voir des organismes aussi bien encadrés, là, pour les missions de recrutement, notamment, là, pour le Programme des travailleurs étrangers temporaires. J'aimerais avoir un Gaspésie International, je vous dirais, là, pour s'en occuper aussi.

Ma question... Bon, on sait que c'est très complexe, là, justement, il y a beaucoup de subtilités dans les demandes et l'évaluation de l'impact sur le marché du travail, l'EIMT, là, est quand même assez complexe, et vous parlez de dispense dans vos recommandations. J'aimerais savoir à qui vous faites référence, quels candidats potentiels vous aimeriez qui soient dispensés de toute cette évaluation-là.

M. Bolduc (Hubert) : L'exemple qui me vient à l'esprit, rapidement, c'est celui du graphiste, là, je vais prendre l'exemple de Technicolor, Technicolor est une grande société étrangère basée à Montréal, et les graphistes ne sont pas reconnus. Alors donc, ça évolue beaucoup dans le temps. Je pense qu'il faut que cette liste-là soit flexible, qu'on soit capables de la modifier rapidement et de la modifier en fonction des besoins des entreprises et qui nous les manifestent, nous, assez régulièrement en disant : Bien voici, là, là, je ne sais pas, moi, il y a une rareté sur les programmeurs, bien, vite, est-ce qu'on peut modifier la liste pour que les programmeurs soient identifiés?

Mme Perry Mélançon : Avoir plus de souplesse puis qu'on évalue les besoins, qu'on actualise les besoins à une fréquence élevée.

M. Bolduc (Hubert) : Absolument, oui.

M. Bouchard (Francis) : Ou peut-être, une autre subtilité, en fait, pour les candidats qui ont déjà obtenu un CSQ puis qui sont à l'étranger en attente d'arriver au Québec, bien, de les faire arriver plus rapidement au Québec sur un permis de travail en ayant une dispense, ça peut être pertinent aussi dans l'optique de répondre aux besoins des entreprises, actuellement.

Mme Perry Mélançon : Bien entendu. Merci. J'ai encore...

La Présidente (Mme Chassé) : Il reste une minute.

Mme Perry Mélançon : Une minute, wow! Vous mentionnez, là, le programme des entrepreneurs, est-ce que vous avez beaucoup de ce type de clients là? Parce que, là, c'est un autre concept, là, ce n'est pas des entreprises qui viennent vers vous, c'est des clients qui sont à l'étranger. Comment ça fonctionne? Parce que Québec International, ils n'ont pas parlé de ça.

M. Bolduc (Hubert) : Le programme start-up, ça ne fait pas longtemps qu'il existe. Souvent, ces entreprises-là débarquent à Montréal et qu'on ne réponde peut-être pas à certains critères, mais il faut comprendre que ce sont les incubateurs qui donnent un peu le sceau de la valeur de la start-up. Et donc, quand un «tandem launch» ou un texteur évalue que telle entreprise ou tel entrepreneur a du talent, je pense que, d'emblée, ça fait en sorte que cette personne-là est un candidat à un visa start-up.

Mme Perry Mélançon : Et qu'est-ce que le gouvernement peut faire pour valoriser tout ça?

M. Bolduc (Hubert) : Bien, je pense qu'il faut juste reconnaître la valeur des gens qui décident de financer des start-up, nous, on court après, on les présente à ces incubateurs-là. Si l'incubateur de renommée internationale dit «that's a good talent», bien, je pense qu'il faut être capables d'aller rapidement présenter la candidature, puis dire : Bien, voici, quelqu'un qu'on devrait recevoir au Québec.

Mme Boucher (Caroline) : Si je peux me permettre...

La Présidente (Mme Chassé) : Ça conclut le bloc d'échange avec le troisième groupe. Je vous remercie. M. Bolduc, Mme Boucher, M. Bouchard, je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Alors, je suspends momentanément les travaux afin de permettre au prochain groupe de prendre la place. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 45)

(Reprise à 11 h 47)

La Présidente (Mme Chassé) : Bon retour. Je vous invite à tous prendre place et je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Vous avez 10 minutes pour faire votre exposé. À une minute de la fin, je vais vous inviter à conclure. Je vous invite à tout d'abord vous présenter. Bienvenue.

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

M. Cadieux (Serge) : Merci, Mme la Présidente. Serge Cadieux, je suis secrétaire général de la FTQ. Je suis accompagné, à ma gauche, de Denis Bolduc, qui est le président du SCFP-Québec et vice-président de la FTQ, et, à ma droite, de Gilles Grondin, qui est le conseiller responsable du dossier de la francisation et des personnes immigrantes à la FTQ. Je remercie la commission de donner l'opportunité à la FTQ de faire valoir son point de vue sur la question de l'immigration.

Je vais présenter sommairement... parce que vous avez lu notre mémoire, vous avez vu, il y a 26 recommandations qui sont faites. Je n'ai pas l'intention, dans la courte période que j'ai de m'adresser à vous, de repasser les 26 recommandations, mais je vais vous faire part des grands objectifs que la FTQ a relativement à ce dossier.

Premièrement, quand on parle d'immigration, il y a trois objectifs importants pour nous. Premièrement, il faut s'assurer de la meilleure intégration des personnes immigrantes. La question des seuils, c'est beau, mais ce n'est pas important, nécessairement, pour nous. Ce qui est important, c'est que les personnes soient bien intégrées.

L'importance de la francisation. S'il y a des gens qui arrivent au Québec et qui ne parlent pas français ou qui ne parlent pas suffisamment le français, il est important de les accompagner pour que ces gens-là puissent être en mesure, à la fin de leur parcours, de maîtriser la langue française.

Et le troisième objectif, l'importance pour une société comme le Québec d'accueillir, dans une perspective humanitaire, des gens de partout et non pas seulement dans une perspective économique. On a entendu beaucoup... j'ai entendu mes amis Yves-Thomas Dorval, Stéphane Forget, évidemment, de demander une hausse des seuils et je vois que c'est beaucoup pour des circonstances économiques à courte durée. Je ne dis pas que ce n'est pas important. C'est important, mais on ne peut pas baser une politique d'immigration uniquement sur les besoins économiques. On a un rôle humanitaire aussi à jouer, et la FTQ a toujours été derrière ces principes-là.

• (11 h 50) •

On croit aussi que l'immigration contribue de façon positive à l'évolution de la société québécoise. C'est un plus, là. Ce n'est pas un cadeau qu'on leur fait, c'est réciproque, là. On enrichit la société québécoise quand on accueille des gens d'ailleurs. On croit aussi à la nécessité, je l'ai dit tantôt, d'une excellente intégration, mais aussi d'une intégration socioculturelle et linguistique de ces personnes-là. C'est important, là. C'est important que ces personnes-là soient bien intégrées socioculturellement et linguistiquement, et on croit à l'idée que la francisation doit être un droit absolu. Ce n'est pas une option, là, et le gouvernement, à partir du moment où on accueille des personnes, on doit s'assurer de mettre en place les instruments qui vont permettre à ces gens-là d'être capables de maîtriser le français.

Bon, l'implication de la FTQ en matière d'intégration des personnes immigrantes et de francisation remonte à très, très loin, là. On a toujours été un acteur important dans ces deux dossiers-là. Je vous dirais qu'il y a même des syndicats affiliés à la FTQ qui travaillent plus avec les personnes immigrantes que d'autres, exemple les travailleurs dans le secteur du textile, où ils ont développé une expertise, c'est eux qui donnent des cours de francisation aux nouveaux travailleurs arrivés. La même chose pour l'entretien ménager, souvent les gens qui arrivent ici ne parlent ni l'anglais ni le français, donc c'est le syndicat qui prend en charge la formation de ces travailleurs, ces travailleuses-là. On le voit aussi dans le secteur agricole, là, il y a beaucoup de travailleurs qui ne maîtrisent pas ni le français ni l'anglais, donc le rôle des syndicats est important.

Je vous dirais aussi, puis je pense que vous devez le prendre en considération... donc, les syndicats peuvent faire beaucoup. Quand on parle d'intégration des travailleurs étrangers, des personnes immigrantes, bien, pour les intégrer, évidemment, la meilleure façon de les intégrer, c'est qu'ils puissent avoir un emploi et, deuxièmement, qu'ils soient capables de parler français et de comprendre le français, et les syndicats peuvent jouer un rôle important, encore plus important que le rôle qu'ils jouent là. Évidemment, ça prend du support financier. Et là où on a vu que ça fonctionne, dans les 30 dernières années, là — on a une bonne expérience — bien, on a des ententes avec des entreprises, et avec le support de la Commission des partenaires du marché du travail — ça aussi, M. le ministre, la Commission des partenaires du marché du travail est un acteur important, là, pour l'intégration des personnes immigrantes — bien, il y a des cours de formation qui se donnent pendant les heures de travail. Parce que, tu sais, quand on dit à quelqu'un : Tu vas travailler toute la journée puis après ça tu vas aller suivre des cours, bien, ce n'est pas nécessairement la façon de bien les intégrer. Donc, on vous dit ça, c'est deux choses qui sont importantes pour nous, donc l'implication des syndicats et l'implication de la Commission des partenaires du marché du travail. Il y a tous les acteurs... pas tous, mais il y a des acteurs importants là-dedans : les syndicats, les employeurs, le ministère de l'Éducation, les groupes communautaires, donc il est important de bien les impliquer.

Bon, maintenant, je vais reprendre cinq enjeux que l'on considère importants dans la vision qu'on a de l'immigration au Québec, là, aujourd'hui, en 2019. Bon, c'est sûr qu'il y a une question de rareté de la main-d'oeuvre, là, qu'on voit, là, qu'on voit ici, qu'on voit ailleurs aussi, mais c'est un des enjeux; deuxième, la protection des droits des travailleurs et des travailleuses étrangers temporaires, qui est un enjeu pour nous; troisième, la reconnaissance des acquis et des compétences — ça aussi, c'est un enjeu qui n'a pas été réglé, qu'il faut poursuivre; quatrième, le maintien du statut du français comme langue commune — c'est un combat de tous les jours, puis il faut le continuer, il ne faut pas baisser les bras; et, cinq, réussir l'intégration des personnes immigrantes dans notre société. Je vais reprendre les cinq points de façon... ces cinq grands points là pour vous dire des pistes de solution, comment on le voit.

Sur la rareté de la main-d'oeuvre, il y a plus qu'un secteur en particulier qui est touché, hein, il y a aussi le secteur manufacturier, touristique, des services. Donc, il y a plusieurs secteurs de l'activité économique qui est touché par la rareté de la main-d'oeuvre. On dit oui à l'immigration, mais il faut aussi prendre les mesures pour ramener le monde sur le marché du travail, et une des façons, et on le dit depuis longtemps, il faut que ces gens... il faut qu'il y ait une attraction, il faut qu'il y ait des bonnes conditions de travail, hein? J'écoute des gens dire : Il faut augmenter les seuils pour amener des travailleurs étrangers ici occuper des emplois que le monde ne veulent pas occuper. Le monde ne veulent pas les occuper parce que, tu sais, en bas de 15 $ de l'heure, c'est difficile. Donc, je pense que ça prend un arrimage, là, il ne faut pas ramener... il ne faut pas que ça soit de la main-d'oeuvre à... du cheap labor, là. Il ne faut pas augmenter les seuils pour dire : Bien, on va faire une économie sur les travailleurs immigrants. Donc, ça, ce n'est pas une bonne solution. Ça prend des efforts aussi en littératie et en numératie pour tout le monde pour être capables de ramener la main-d'oeuvre le plus possible sur le marché... la main-d'oeuvre potentielle sur le marché du travail. Et ça prend la mise en place d'un plan d'action pour favoriser la régionalisation de l'immigration, puisque cette pénurie touche de nombreuses régions du Québec. Ce n'est pas juste à Montréal et à Québec que ça se passe, ça se passe aussi dans les régions, la Gaspésie, les Îles, ailleurs, donc.

Bon, deuxième point, sur le statut des travailleurs étrangers temporaires, depuis un an, beaucoup de discussions autour des besoins de la main-d'oeuvre temporaire. Pour nous, il y a une nécessité que l'on respecte les droits fondamentaux des travailleuses et des travailleurs étrangers. Je vous donne un exemple, on a modifié le Code du travail pour exclure de la syndicalisation le secteur agricole. Ils ne doivent pas être traités comme des travailleurs de seconde zone. Les droits qui sont donnés aux travailleurs qui proviennent ici, du Québec... Les travailleurs étrangers, on en a besoin, bien, nous, en contrepartie, on doit les traiter aussi de la même façon qu'on va traiter n'importe quel travailleur ou travailleuse. Pour nous, c'est fondamental.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une minute à votre exposé.

M. Cadieux (Serge) : Bon, la reconnaissance des acquis et des compétences, c'est un enjeu majeur pour les personnes immigrantes et un élément central d'une intégration réussie. Donc, on ne peut pas faire venir des gens, et demander que les gens aient des qualifications, puis ne pas les reconnaître, puis ne pas reconnaître l'expertise qu'ils ont. Il faut accélérer, il faut en avoir plus.

Sur, bon, la langue française, bien, écoutez, il y a beaucoup de choses qui est dit sur la langue française, mais il y a peu de mesures qui est mis en place, il y a peu de financement qui est mis en place pour s'assurer que les gens qui arrivent au Québec puissent maîtriser la langue française. On applaudit, d'ailleurs, la mesure qui a été annoncée cette semaine par le ministre sur l'accompagnement et sur la francisation, mais ça va...

La Présidente (Mme Chassé) : En terminant.

M. Cadieux (Serge) : ...évidemment, il ne faut pas négliger ça, ça en prend plus. On aura l'occasion d'échanger, là, avec des questions.

La Présidente (Mme Chassé) : C'est très bien. Merci, M. Cadieux, pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange avec les différents partis. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. M. Cadieux, M. Grondin, M. Bolduc, bonjour. Merci d'être là aujourd'hui.

Commençons par la fin de votre intervention, sur la francisation. Là, on a dévoilé, au mois de juillet, dans le fond, 70 millions de dollars justement pour faire la bonification en francisation. Maintenant, on passe de 141 $ à 185 $ pour les cours à temps plein, de 0 $ à 15 $ par jour, les allocations à temps partiel, plus de professeurs en francisation puis on va faire des cours aussi en intercalaire pour faire en sorte que quelqu'un qui arrive après deux, trois semaines, bien, puisse intégrer un cours de français plus rapidement plutôt que d'attendre jusqu'à la fin du cycle.

Je voulais vous demander... vous disiez : Bien, parfois le syndicat fait de l'intégration, fait de la francisation, c'est entre les travailleurs, les collègues de travail, tout ça. C'est quoi, votre vision, là, pour la francisation par rapport au rôle des entreprises, par rapport au rôle des syndicats dans l'accompagnement? Parce que c'est un des facteurs d'intégration importants, là, avec l'emploi, là. Mais comment vous voyez ça, là, avec les entreprises puis, vous, votre rôle par rapport aux entreprises en termes de francisation?

M. Cadieux (Serge) : Les entreprises doivent permettre aux travailleurs immigrants qui ont besoin de suivre des cours de français de pouvoir suivre ces cours de français là pendant les heures de travail. C'est fondamental pour nous. Et les syndicats, ce qu'ils font, actuellement, ils utilisent des formateurs pour apprendre le français aux travailleurs et travailleuses. Donc, ça, c'est un bon exemple, ça doit être maintenu. La Commission des partenaires du marché du travail donne du financement aussi pour que ça, ça soit fait. Mais le rôle des syndicats et des employeurs, c'est de permettre, dans leur milieu de travail, là, qu'il y ait les conditions gagnantes pour que les gens puissent faire l'apprentissage du français.

M. Jolin-Barrette : Mais actuellement, là, la FTQ, elle engage des professeurs pour faire de la francisation?

M. Cadieux (Serge) : Absolument.

M. Jolin-Barrette : O.K. Où? Dans les entreprises? Ils se promènent d'entreprise en entreprise...

• (12 heures) •

M. Cadieux (Serge) : Oui, dans les entreprises, ça se fait, ou dans des centres, dans des centres de formation des différentes organisations syndicales. Il existe des centres de formation où l'employeur libère les travailleurs puis qu'ils viennent suivre des cours de formation. C'est ça, hein, Gilles?

M. Grondin (Gilles) : Je peux donner l'exemple, si vous permettez, l'union des employés de service, section locale 800, dans l'entretien ménager, qui font venir des gens dans leurs locaux et ils donnent de la formation, justement, et les gens sont libérés de leur travail pour avoir accès à ces cours-là, et c'est le syndicat qui rembourse. Comme des principes de libération syndicale un peu, c'est le syndicat qui rembourse à l'employeur les frais de salaire de la personne.

Je pense que la clé... il y a deux clés du succès là-dedans, c'est : un, il faut que ça soit facile pour les personnes immigrantes et, deux, il faut que ça se fasse pendant les heures de travail parce que c'est là qu'est la réussite, comme on a pu voir d'autres expériences à l'étranger aussi, dans les pays scandinaves, entre autres, là.

M. Jolin-Barrette : O.K. Puis, pour la FTQ, combien de personnes, annuellement, participent à ces mesures de francisation là que vous offrez?

M. Cadieux (Serge) : Je vous dirais qu'il y a plusieurs centaines de personnes. Évidemment, ça varie d'une année à l'autre, là, mais, je vous dirais, dans les secteurs comme le secteur du vêtement, bien, on a passé beaucoup, beaucoup de travailleuses et de travailleurs, l'entretien ménager aussi, beaucoup. C'est sûr que ça, c'est les secteurs les plus propices. Je regarde aussi avec les TUAC, dans les usines de volaille, il y a beaucoup de travailleurs étrangers qui ne parlaient pas le français, donc il y a aussi des cours. Il y a eu des ententes avec l'employeur pour libérer le monde pour qu'ils viennent suivre des cours de formation, donc, et ça réussit. Ça réussit, ces gens-là apprennent le français et puis ils sont capables de s'intégrer dans la société québécoise et deviennent des résidents permanents, éventuellement.

M. Jolin-Barrette : O.K. Sur la question de la libération, là, pouvez-vous m'expliquer, là, comme... vous disiez, dans le fond : L'employeur paie l'employé, il le libère de ses heures de travail, et par la suite le syndicat rembourse le salaire de l'employé à l'employeur.

M. Cadieux (Serge) : Oui, mais il y a des subventions qui sont données par la Commission des partenaires du marché du travail, il y a une enveloppe qui existe. Je vais vous donner un exemple, M. le ministre. Je siège à la Commission des normes, de l'équité, de la santé et sécurité, on alloue quelque chose comme, grosso modo, 12 millions annuellement pour faire de la formation en santé-sécurité aux associations d'employeurs, aux associations syndicales, c'est un bon exemple. On devrait en faire plus pour la francisation, parce que c'est la prise en charge par le milieu. Donc, ces gens-là s'organisent, il y a de la formation qui est donnée pendant les heures de travail, le travailleur ou la travailleuse ne perd pas d'argent, donc elle a son salaire normalement, puis le gouvernement donne des subventions pour ça. Donc, en matière de santé-sécurité, c'est 75 %, mais il y a différentes formules, là. Ça peut être 100 %, 75 %, ça dépend des différentes formations, mais c'est un bel exemple à suivre. Ça réussit en santé-sécurité, ça réussit en francisation là où ça existe. Puis on n'a pas besoin de créer des nouvelles infrastructures, ça existe déjà. On a déjà ces infrastructures-là.

Évidemment, là, je parle pour le monde qui est sur le marché du travail. C'est sûr, la condition, il faut que les gens soient sur le marché du travail. La Commission des partenaires du marché du travail, bien, il faut que les gens soient sur le marché du travail. Il y a d'autres choses à faire en amont de ça quand les gens arrivent puis qu'ils n'ont pas un emploi, c'est sûr, mais on vous donne une piste de solution, on vous parle de ce qu'on connaît, nous. On est capables d'être efficaces dans les différents milieux de travail.

M. Jolin-Barrette : Mais, dans le fond, ce que je décode de ce que vous me dites, c'est qu'il ne faut pas que le travailleur soit pénalisé durant ses heures de travail. Dans le fond, pour l'inciter au niveau de l'apprentissage... bien, supposons qu'il travaille 40 heures-semaine, bien, il doit être payé 40 heures-semaine. Mais la proportion de temps, quand les employés sont libérés, là, pour aller suivre les cours de français, c'est combien d'heures par semaine, ça?

M. Cadieux (Serge) : Non, bien, ce n'est pas cinq jours par semaine, là, les formules. Il y a des formules, du point de vue plus pointu, là...

M. Grondin (Gilles) : Je n'ai pas le détail. Je ne connais pas nécessairement le détail, mais c'est quelques heures, mais ces quelques heures là...

M. Jolin-Barrette : Non, non, c'est ça, quelques heures sur le 40 heures, mais, exemple, c'est un quatre heures, c'est un huit heures par semaine?

M. Grondin (Gilles) : Puis, à partir du moment où il y a déjà une entente, qu'il y a déjà une mise en place de faite, bien, même pour l'employeur, c'est facilitant parce qu'il sait ce qui s'en vient puis ça lui amène de la main-d'oeuvre qui, par la suite, peut devenir... peut opter pour d'autres postes, des postes plus qualifiés, des postes plus spécialisés. Donc, l'importance de la francisation est sans contredit très grande.

M. Jolin-Barrette : O.K. J'aimerais ça qu'on revienne sur la question, là, de la reconnaissance des compétences puis des ordres professionnels. Supposons que vous dites : Bon, il faut qu'on puisse reconnaître leur expertise, leurs compétences, je suis d'accord avec ça, c'est pour ça qu'on veut le faire dès l'étranger. Mais parfois, exemple, il arrive des situations où il y a des métiers réglementés, puis là, supposons, dans la construction, il y a les questions de bassins, tout ça. Comment vous envisagez ça, là, quelqu'un qui... supposons, pour avoir les cartes, pour rentrer dans le bassin par rapport à un travailleur étranger, là?

M. Cadieux (Serge) : Bien, il faut s'assurer qu'il a l'équivalent, qu'il a les qualifications nécessaires pour être un électricien aussi au Québec. Puis, vous savez, il y a des exemples, on a des échanges avec l'Ontario. Ce n'est pas le même système en Ontario. Donc, on peut s'inspirer de ce qui se passe sur la reconnaissance des acquis en Ontario versus au Québec, ils n'ont pas le même système. Donc, il y a des possibilités de faire ça. Mon ami Jean Boulet, je l'entendais hier disant qu'il manque des préposés aux bénéficiaires. Il y en a, des préposés aux bénéficiaires ailleurs, là. Il n'y a pas juste nous autres qui prend soin des malades puis des personnes âgées. Donc, ce n'est pas une profession, là, mais il faut être en mesure de reconnaître que ces gens-là sont capables de faire... C'est sûr que ça devient plus pointu quand on parle de professions parce que, là, les ordres professionnels s'en mêlent, mais...

M. Jolin-Barrette : Mais ce que je veux dire, même au-delà des ordres professionnels, il y a certaines juridictions de métiers aussi qui ont des règles strictes aussi. Alors, ce que je veux dire, c'est qu'il y a un effort à faire aussi à la fois des ordres professionnels, du marché du travail, mais aussi des milieux aussi dans lesquels il y a des bassins, puis tout ça. Dans le fond, mon message, c'est plus de dire, comme : Il faut que tout le monde y mette du sien aussi.

M. Cadieux (Serge) : Absolument. Il y a une ouverture de notre part là-dessus, il n'y a aucun problème avec ça. À partir du moment où le travailleur de n'importe quel autre pays, c'est un électricien, puis il rencontre les mêmes normes que nous ici, puis qu'il a une reconnaissance, puis il va avoir sa carte de compagnon électricien, bien, pour nous, ce n'est pas un problème, là.

M. Jolin-Barrette : O.K. Je vous remercie. Je sais que j'ai des collègues qui veulent poser des questions. Bien, merci beaucoup pour votre présentation.

La Présidente (Mme Chassé) : Je reconnais le député de Chauveau, qui désire prendre la parole. Allez-y.

M. Lévesque (Chauveau) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Cadieux...

La Présidente (Mme Chassé) : Pour sept minutes, M. le député.

M. Lévesque (Chauveau) : Combien?

La Présidente (Mme Chassé) : Sept minutes.

M. Lévesque (Chauveau) : Sept minutes? Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. Cadieux et les membres de votre équipe, toujours intéressant de vous entendre. Et vous avez... Le coeur un peu de... Bien, un des éléments clés de ces discussions-là qu'on tient depuis quelques jours, c'est les fameux seuils d'immigration. Et vous avez mentionné d'entrée de jeu que, pour vous, c'était peu important, le nombre de personnes, et vous avez même utilisé l'expression cheap labour. Est-ce que les seuils, à ce moment-là... Quel serait le seuil acceptable? Bon, on sait qu'on les a... le gouvernement, actuellement, a un enjeu de le diminuer temporairement pour éventuellement le rehausser, et on en prend moins pour en prendre soin, l'objectif étant de mieux intégrer, mieux franciser et mieux faire entrer les gens. C'est un peu la perception que vous avez, c'est qu'on est peut-être... peut-être que le seuil en soi, ce n'est pas un débat de nombre qu'on devrait avoir.

M. Cadieux (Serge) : Bien, moi, je dis : À partir du moment où on est capables de rencontrer les cinq objectifs que je vous ai donnés, il y en aura 100 000 par année, on n'a pas de problème. Si on est capables juste d'en intégrer 45 000 parce que c'est les... mais qu'on est capables véritablement de les intégrer en fonction des cinq objectifs qu'on s'est donnés, ça sera 45 000, si c'est 60 000, ça sera 60 000. C'est parce qu'il faut être en mesure de traiter correctement ces gens-là, il faut être en mesure... puis ça passe par l'intégration. Donc, l'intégration, ça veut dire une job, une job de qualité, qu'il ne s'en vient pas vivre dans la pauvreté ici, qu'il est capable de s'intégrer à la culture québécoise, qu'il est capable de comprendre, de parler le français. Donc, plus l'État va mettre de l'argent et des moyens pour que les gens puissent être intégrés selon des critères objectifs, il n'y en a pas, de limite. Pour nous, il n'y en a pas, de limite. Pour nous, ce n'est pas un débat de limite. Et moi, je vous dis ça, et notre position, elle est comme ça aujourd'hui, elle va être comme ça dans cinq ans. Elle ne changera pas en fonction des fluctuations de l'économie. Elle n'a jamais été en fonction de la fluctuation de l'économie.

Là, il y a des gens qui montent aux barricades parce qu'ils ont des problèmes de trouver de la main-d'oeuvre, mais il faut se poser la question : Est-ce qu'ils sont préoccupés par leurs conditions de vie, leurs conditions de travail, comment ils vont vivre au Québec, dans quelles conditions ils vont vivre au Québec? Nous, on se préoccupe de ces questions-là. À partir du moment où on est capables de les accueillir correctement, ce n'est pas un problème, les seuils, pour nous.

M. Lévesque (Chauveau) : Ce que j'apprécie de votre discours, c'est justement... c'est que vous êtes axés davantage sur le qualitatif que sur le quantitatif, et j'ai l'impression que, depuis quelque temps, on a un débat quantitatif.

• (12 h 10) •

M. Cadieux (Serge) : Tout à fait.

M. Lévesque (Chauveau) : Pourquoi en accueillir plus? Oui, bien sûr, hein, pourquoi fixer... C'est quoi, la mesure pour arriver à 40 000, à 50 000, à 60 000? On parle de 100 000 dans certains cas. Puis les groupes, les groupes des employeurs, les groupes qui représentent des groupes d'entrepreneurs, bien, ils nous parlent souvent d'un chiffre. Et, oui, je pense qu'éventuellement il faut avoir une adéquation, mais il faut intégrer ces gens-là.

Mais il y a une question que je veux vous poser également, M. Cadieux et les membres de votre équipe. Vous êtes impliqués dans différents secteurs d'activité, la FTQ. C'est le plus gros syndicat au Québec, vous représentez des travailleurs dans à peu près tous les secteurs d'activité. Tout à l'heure, on a eu Montréal International qui nous a parlé de travailleurs à valeur ajoutée, donc des travailleurs avec des compétences plus plus, mais on le sait que les besoins, notamment en région...

M. Cadieux (Serge) : Ce n'est pas là, là.

M. Lévesque (Chauveau) : ...notamment en région, notamment en région, ce ne sont pas toujours des travailleurs ultraqualifiés, ce sont des travailleurs manufacturiers, vous en avez parlé tout à l'heure. Vous avez parlé... dans le secteur touristique, il y a plusieurs... et on a eu les restaurateurs qui sont venus nous parler, qui nous en ont parlé. De votre côté, comment vous voyez ça, les besoins de vos membres? Qu'est-ce qu'ils vous disent, là, les entreprises auxquelles vous êtes impliqués? Qu'est-ce qu'ils vous disent? Et qu'est-ce que vous pouvez faire également pour favoriser la régionalisation de l'immigration au Québec?

M. Cadieux (Serge) : Bien, écoutez, il faut se poser la question : Pourquoi on n'est pas capables de retenir nos gens dans les régions aussi? Je veux dire, avant, tu sais... Donc, ce que je disais d'entrée de jeu, c'est un tout, ça. Ça prend des conditions qui sont attrayantes aussi. Vous savez, moi, je dis à mes amis du côté patronal, des associations patronales : Vous vous opposez à la hausse du salaire minimum, bien, peut-être si le salaire était un peu plus élevé, vous auriez du monde qui serait... Parce que, je le sais, les chiffres qu'on a de la Commission des partenaires du marché du travail, la pénurie de main-d'oeuvre, 70 % des gens qu'on a besoin, c'est des gens non spécialisés. Et il y en a des gens déjà au Québec, là, qui pourraient occuper ces emplois-là, puis que c'est qu'ils font? Bien, ils vont travailler en Ontario, ceux qui sont sur la limite, parce que le salaire minimum est plus élevé en Ontario, ils vont au Nouveau-Brunswick parce que c'est plus élevé au Nouveau-Brunswick.

Donc, il y a un paquet de conditions qu'on doit faire pour nos travailleurs ici, mais la même chose pour les travailleurs immigrants. Les travailleurs immigrants qu'on va recevoir, eux aussi, on doit les traiter convenablement. Donc, c'est ce que je dis, parce que le gros de la main-d'oeuvre que le Québec a besoin actuellement, c'est de la main-d'oeuvre non spécialisée. 70 % des besoins de main-d'oeuvre, c'est de la main-d'oeuvre non spécialisée. Qu'est-ce qui va faire en sorte qu'un travailleur immigrant va venir au Québec plutôt qu'aller en Ontario ou qu'aller en Colombie-Britannique? Bien, il va regarder c'est quoi, les conditions.

La Présidente (Mme Chassé) : Il reste une minute au bloc d'échange.

M. Lévesque (Chauveau) : Mais c'est la même chose d'une région à l'autre. Si on augmente les salaires dans une industrie, le travailleur qui a le choix d'aller travailler à Montréal ou d'aller travailler à Baie-Comeau, qu'est-ce qui va faire qu'il va choisir Baie-Comeau? Et qu'est-ce qu'on peut faire pour inciter le travailleur... Ma collègue de Bellechasse, dans son comté, a des besoins énormes. Mon collègue de Beauce a des besoins énormes. À Québec, on a des besoins énormes. Comment on fait, M. Cadieux? Qu'est-ce que vous nous suggérez pour régionaliser notre immigration? Parce que le salaire va être panquébécois, là.

M. Cadieux (Serge) : Oui, oui, oui, comme il l'est actuellement, comme il l'est actuellement. Bien, écoutez, je pense qu'on doit réfléchir à ça. Honnêtement, je n'ai pas la réponse à ça. Mais ce qu'on vous dit : Il faut véritablement... tu sais, il ne faut pas fermer les régions, là, hein? Donc, il faut travailler pour les régions, là...

La Présidente (Mme Chassé) : En conclusion.

M. Cadieux (Serge) : ...donc il faut trouver des solutions qui vont être durables.

M. Lévesque (Chauveau) : Pas évident.

M. Cadieux (Serge) : Non, ce n'est pas évident, vous avez raison.

La Présidente (Mme Chassé) : C'est très bien. Ça conclut le bloc d'échange avec le parti formant le gouvernement. On passe maintenant au parti formant l'opposition officielle. M. le député de Nelligan, à vous de prendre la parole.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Messieurs, bienvenue, merci pour votre présence. Parlez-moi de votre organisation. Vous représentez 600 000 travailleurs?

M. Cadieux (Serge) : Oui.

M. Derraji : Oui. Comment ça marche, le processus décisionnel chez vous, genre, pour le mémoire que vous avez présenté aujourd'hui?

M. Cadieux (Serge) : On a des instances décisionnelles. On a un congrès qui est l'instance décisionnelle, donc il y a des délégués de chacun des syndicats affiliés qui participent à ce congrès-là, qui adoptent des résolutions, qui adoptent des déclarations de politiques, ce qui nous donne, à Daniel Boyer et à moi, notre mandat pour les trois années à venir. Mais entre trois ans, il y a plein de choses qui se passent. Donc, on a un conseil général, qui est un minicongrès, là, donc c'est une instance décisionnelle où il y a des représentants de chacun des syndicats affiliés qui prennent les décisions entre les congrès, et il y a un bureau de direction, un bureau de direction formé d'une vingtaine de personnes provenant des différents syndicats qui mettent en opération les décisions.

M. Derraji : Merci, merci.

M. Cadieux (Serge) : C'est très, très démocratique.

M. Derraji : Oui, oui, bien, je ne négocie pas ça, et vous semblez maîtriser vos processus décisionnels. Donc, le rapport qu'on a devant nous aujourd'hui a passé par tout ce processus?

M. Cadieux (Serge) : Oui, a été approuvé par le bureau de direction. Et, vous savez, sur les questions d'immigration, ce n'est pas d'aujourd'hui que la FTQ se penche... et sur la francisation, évidemment. Là-dedans, vous retrouvez des décisions qui ont été prises par... des décisions antérieures, là, de la FTQ ou qui n'ont pas été changées, donc ces décisions-là sont les mêmes.

M. Derraji : Bien, justement, bien là, je vois une contradiction, M. Cadieux.

M. Cadieux (Serge) : Ah oui?

M. Derraji : Oui, je vois une contradiction, parce que, si vous me dites qu'il n'y a aucun changement...

M. Cadieux (Serge) : Je n'ai pas dit ça, je n'ai pas dit ça. Je n'ai pas dit : Il n'y a aucun changement, j'ai dit : Quand il n'y a aucun changement...

M. Derraji : O.K., aucun changement, donc...

M. Cadieux (Serge) : ...quand il n'y a aucun changement, on reproduit la décision. Mais, vous savez, la FTQ a plus de 60 ans d'existence, même plus de 100 ans d'existence, avec ses fondateurs, on change d'idée, hein, de temps en temps. Donc, la position qu'on avait en 1957, elle peut avoir évolué aujourd'hui, en 2019.

M. Derraji : Donc, vous êtes en train de me dire qu'on peut dire qu'il y a l'ère de M. Cadieux et il y a l'ère de M. Boyer.

M. Cadieux (Serge) : Non.

M. Derraji : Oui, mais justement, parce que je vais vous citer la déclaration de M. Boyer et j'aimerais bien que vous clarifiiez, parce que c'est tout à fait le contraire de ce que je lis maintenant dans votre rapport. M. Boyer a déclaré, le 21 septembre 2018, il n'y a pas longtemps, donc à la veille du déclenchement des élections : «"Avec le nombre actuel d'immigrants que nous accueillons, nous ne comblerons pas tous les emplois disponibles, c'est évident. Ça sera encore plus difficile si nous en réduisons le nombre" — c'est très clair, la réduction...

M. Cadieux (Serge) : Mais en quoi c'est contradictoire?

M. Derraji : ...affirme le président de la FTQ, Daniel Boyer.»

M. Cadieux (Serge) : Oui. Je suis tout à fait d'accord. J'aurais pu faire la même déclaration.

M. Derraji : Bien, il y a deux déclarations, et qu'il ne veut pas la réduction des seuils. Et cette déclaration, c'est suite au début de la campagne électorale, où nous sommes tous d'accord que le gouvernement caquiste, à l'époque, la CAQ proposait une réduction des seuils. Vous, vous venez aujourd'hui nous dire : Écoutez, on ne veut pas parler de seuils, pour nous, il faut qu'on reste là où on est. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Cadieux (Serge) : La question importante, ce n'est pas la question de seuils, c'est comment on les accueille, les personnes immigrantes. Si on est capables d'en accueillir 70 000 dans les conditions qu'on vous dit, on n'a rien contre. Si on n'est pas capables de les accueillir convenablement, qu'on est capables d'en accueillir convenablement uniquement 50 000, vous devriez en accueillir 50 000. Moi, monsieur, j'aime mieux avoir quatre enfants que d'en avoir 10 puis qu'ils vivent dans la pauvreté. Je veux dire, ce n'est pas plus compliqué que ça. C'est simple comme image, mais le Québec devrait se comporter de cette façon-là aussi.

M. Derraji : Mais, si je vous dis, M. Cadieux, tout au long de ces... des personnes qui étaient dans votre place nous disent qu'on a la capacité d'accueil.

M. Cadieux (Serge) : Bien, parfait.

M. Derraji : Je vais vous citer l'exemple de l'Estrie. L'Estrie, l'organisme qui est venu, il dit : Écoute, on peut accueillir plus, ALPA, à Montréal. La plupart des partenaires qui sont en contact première ligne, ils nous disent : On est capables d'accueillir plus.

Moi, ce que j'aimerais bien aujourd'hui de votre fédération, de la FTQ, c'est éclairer le gouvernement par rapport à sa position de baisser les seuils à 40 000, de les augmenter à 43 000. Vous siégez dans la même table où j'ai eu l'honneur de siéger pendant quatre ans, à la CPMT, vous êtes en contact avec les associations patronales. Unanimement, les associations patronales, je sais que vous partagez probablement l'ensemble de leurs points, mais il y a un cri d'alarme, il y a un cri d'alarme, M. Cadieux, par rapport à la pénurie de main-d'oeuvre. Vous ne semblez pas, je dirais... et corrigez-moi, c'est probablement une impression, vous ne semblez pas être préoccupés par rapport au nombre qu'on accueille ou je dirais que, pour vous, ça va de rester dans les seuils qu'on a.

M. Cadieux (Serge) : Je n'ai pas dit ça puis je trouve que vous me portez... vous me prêtez des intentions. J'ai...

M. Derraji : Oui, ce n'est pas grave, aucun problème, éclairez-moi.

M. Cadieux (Serge) : Bien, écoutez, moi, je vous l'ai dit, si on est capables d'en accueillir 70 000 dans les meilleures conditions, accueillons-en 70 000. Si on est capables d'en accueillir uniquement 55 000 dans des bonnes conditions, il faut en accueillir 55 000. Je ne suis pas en train de vous dire que... Vous autres, là, vous vous faites une bataille sur combien on va en accueillir, sans tenir compte de la question de la qualité dans laquelle vous allez les accueillir. On n'est pas là-dedans, nous. Nous, on n'est pas là-dedans. Nous, on dit : L'immigration est importante pour le Québec, mais ce n'est pas juste... ce n'est pas de la marchandise, là. Il faut les accueillir dans des bonnes conditions. Ce n'est pas de la marchandise jetable, là. Il ne faut pas dire : On va en amener 65 000 parce qu'Yves-Thomas Dorval, son monde a besoin de 60 000 travailleurs, peu importent les conditions de travail qu'ils vont avoir. C'est un ensemble, c'est ça qu'on vous dit. Nous, on représente les travailleurs puis les travailleuses. C'est le fun de les accueillir, mais c'est le fun de leur donner des conditions de travail qui sont respectables. Il ne faut pas les sortir de la pauvreté pour les amener dans la pauvreté au Québec, là.

M. Derraji : Non, aucun problème, M. Cadieux. Je comprends votre point de vue. Moi, je vous ai juste partagé la déclaration de votre prédécesseur, M. Daniel Boyer.

M. Cadieux (Serge) : Que je partage à 100 milles à l'heure.

• (12 h 20) •

M. Derraji : Donc, pour vous, ce sera encore plus difficile si on en réduisait le nombre, parce que le nombre où on était, M. Cadieux, on était à 52 000. Le gouvernement, pour sa campagne électorale, a proposé aux Québécois 40 000. Cette année, il y a 40 000, il propose 43 000. Votre prédécesseur, il était contre. Moi, c'est juste ça que je veux savoir : Est-ce qu'il y a un changement de position au niveau de la FTQ par rapport au nombre qu'on accueille? Je peux vous assurer, on ne mène pas de bataille. Ce qui nous intéresse, ce qui nous intéresse...

M. Cadieux (Serge) : Non, il n'y a aucune position... La FTQ...

M. Derraji : ... — je veux juste terminer — ce qui nous intéresse, c'est répondre à l'essor économique et à la vitalité des régions. La plupart des groupes qui sont venus, que ce soient les associations patronales ou les groupes d'accueil, insistent sur la problématique qu'on vit au niveau de la pénurie de main-d'oeuvre, y compris dans les services publics.

M. Cadieux (Serge) : Temporaire, la pénurie de main-d'oeuvre temporaire. Nous, on se préoccupe aussi des conditions dans lesquelles les gens vont être accueillis. C'est la différence, probablement, entre vous et moi.

M. Derraji : Non, je ne vois pas de différence parce que je partage aussi votre point de vue par rapport à la façon avec laquelle on va intégrer.

La Présidente (Mme Chassé) : Très bien. Alors, j'imagine que je donne la parole à la députée de Fabre, et vous avez trois minutes.

Mme Sauvé : Parfait. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Chassé) : Ça me fait plaisir.

Mme Sauvé : Alors, MM. Cadieux, Grondin et Bolduc, bienvenue. Merci pour votre présentation, pour la qualité de vos mémoires. D'entrée de jeu, je vous dirais que vous faites bien de nous référer beaucoup à la Commission des partenaires du marché du travail, que je connais bien, alors que, dans votre recommandation 1, vous souhaitez être reconnu comme acteur de cette réflexion-là. La Commission des partenaires vous reconnaît comme acteur autour de la table, alors je pense que ça mérite... ce parallèle-là est méritant, parce qu'effectivement... dans la réflexion que vous avez et le lien terrain que vous avez avec, bien sûr, les milliers d'employés et les réalités des entreprises.

Donc, moi, je veux revenir un peu, là... On a eu un débat quantitatif et qualitatif, alors je pense qu'il faut discuter des deux, mais revenons sur l'aspect plus qualitatif, qui avait d'ailleurs été repris par mon collègue d'en face, que je salue. On parle, bien sûr, de quantitatif, mais de qualitatif dans le succès d'intégration. Alors, je veux vous entendre nous redire, entre autres... puis moi, je me préoccupe beaucoup des soins aux aînés et du réseau de la santé, les préposés aux bénéficiaires, les milliers de postes vacants. Alors, on parle de qualitatif, on parle de conditions de travail, on parle d'attractivité, parce qu'on sait que les personnes immigrantes occupent une grande partie des postes de préposé aux bénéficiaires. Je veux vous entendre encore sur le message que vous avez à lancer au gouvernement pour s'assurer d'une attractivité de ces personnes-là, on en a grandement besoin. Au niveau qualitatif, je veux que vous nous en parliez.

M. Cadieux (Serge) : Bien, écoutez, je l'ai dit un peu tantôt, ça se joue beaucoup dans les conditions de travail, là, tu sais, on doit donner... Regardez, déjà, dans le secteur hospitalier, il y a des gens qui y étaient qui en sont sortis parce que les conditions de travail sont difficiles.

Mme Sauvé : Absolument.

M. Cadieux (Serge) : Si on amène des personnes immigrantes, bien, ils vont faire le même constat, ces personnes-là. Donc, c'est pour ça, quand je dis : C'est s'attaquer au faux problème de voir le nombre, le nombre. Je veux dire, je comprends, là, que les gouvernements... je comprends que c'est votre tasse de thé à vous autres, mais nous autres, c'est dans quelles conditions ces gens-là vont être accueillis au Québec, et c'est important. Puis je vais donner un exemple, hein...

La Présidente (Mme Chassé) : Il reste 40 minutes au bloc d'échange.

M. Cadieux (Serge) : ...rappelez-vous, là, le rapport du Vérificateur général en 2017 blâmait le gouvernement sur la question du français des personnes immigrantes, qu'il n'y avait pas suffisamment d'énergie, de programmes qui étaient mis en place pour s'assurer que les gens soient en mesure de parler et de comprendre le français. Donc, c'est ça qu'on vous dit, on vous dit : Accueillez-en autant que vous voulez...

La Présidente (Mme Chassé) : En conclusion.

M. Cadieux (Serge) : ...mais assurez-vous que vos programmes sont conformes pour remplir l'ensemble de l'oeuvre.

Mme Sauvé : Je vous entends bien. Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Très bien, merci. Ça conclut le bloc d'échange avec le parti formant l'opposition officielle. Nous passons maintenant au parti formant la deuxième opposition. M. le député de Laurier-Dorion, la parole est à vous.

M. Fontecilla : Merci. M. Cadieux, M. Bolduc, M. Grondin, je vous souhaite la bienvenue à l'Assemblée nationale. J'entends votre propos, et ça me rappelle les propos qu'on a entendus hier ou avant-hier de la part de M. Robert Laplante, là, qui disait qu'une politique d'immigration, ce n'est pas une politique de la main-d'oeuvre. C'est un élément, c'est un élément important, mais c'est un élément parmi d'autres. Ce qu'il faut discuter, c'est... il ne faut pas confondre les deux, et ça nous amène vers des dérives, là.

Vous êtes les seuls intervenants, à moins que je me trompe, là, qui nous parlent de la Commission des partenaires du marché du travail. Ça, ça a été absent, alors que nous avons parlé des questions des politiques d'emploi, des questions de la main-d'oeuvre abondamment lors cette commission. Vous avez amené la question du 15 $, qui est excessivement important, et de réactivation de la main-d'oeuvre, attirer des gens pour combler des postes. Et le 15 $, qu'on appelle, comme salaire minimum, c'est une condition sine qua non, là, pour mettre au monde... ramener du monde sur le marché du travail, là.

Mais je voudrais vous questionner sur une proposition qui a été faite par l'Association des restaurateurs du Québec, là, qui nous disait qu'il fallait appliquer dans ce secteur-là le même programme qui est appliqué dans le secteur agricole, avec des travailleurs temporaires dans le secteur agricole, où il y a entre autres une obligation de... le statut, la permanence de la personne au Québec dépend du lien d'emploi, il est obligé de travailler pour le même employeur, là, comme ça se passe dans quelques fermes, ce qui rend les travailleurs et travailleuses relativement vulnérables. Est-ce que vous pensez qu'il faudrait appliquer ce type de politique là au Québec?

M. Cadieux (Serge) : Absolument pas. D'ailleurs, c'est dans notre mémoire. Je n'ai pas eu le temps de le résumer, mais clairement on le dit que ça doit être exportable, là, que le travailleur peut travailler dans... que ça ne soit pas rattaché à un emploi en particulier ou à un employeur en particulier. Il ne faut surtout pas suivre le modèle de l'immigration où, entre autres, je le disais tantôt, on a même modifié le Code du travail pour soustraire le droit à la syndicalisation de ces travailleurs-là. Pour nous, il est fondamental... que ce soit un travailleur immigrant ou un travailleur québécois, il faut que ces gens-là aient les mêmes conditions, aient les mêmes conditions, aient les mêmes droits. Donc, on ne peut pas faire des catégories particulières pour les travailleurs immigrants.

La Présidente (Mme Chassé) : Ça conclut le bloc d'échange avec le parti formant la deuxième opposition. On est rendus à la troisième opposition. Mme la députée de Gaspé, la parole est à vous.

Mme Perry Mélançon : Merci. Merci de votre présentation, de votre présence en commission. Vous dites que vous souhaitez mettre davantage la main à la pâte, là, pour tout ce qui est intégration des nouveaux arrivants, ce qui est très bien, à mon avis. Il faut que le ministère collabore avec tous les partenaires, là, du monde du travail. Alors, je voulais savoir... Il y a plusieurs niveaux de discrimination. Il y en a à l'embauche, mais il y en a aussi dans les équipes de travail. Et, comme vous êtes plus en lien avec les travailleurs, j'aimerais savoir : Est-ce que vous compteriez vous engager à essayer de lutter contre la discrimination dans les équipes de travail? Comment vous pourriez prendre votre place à ce niveau-là?

M. Cadieux (Serge) : Non, non, mais on le fait. Je vous dirais que la majorité des syndicats ont des politiques, à l'intérieur même des organisations syndicales, contre la discrimination, contre le harcèlement entre collègues de travail, là. Donc, ce rôle-là, ce n'est pas nouveau. Ça, ce rôle-là, on le joue, là, d'une façon régulière à l'intérieur des différentes organisations dans les milieux de travail, là, ça existe déjà.

Mme Perry Mélançon : Et puis par rapport à la reconnaissance des acquis, plusieurs groupes en ont parlé, là, depuis lundi, mais il y a peu de solutions, en ce moment, là, qui sont sur la table, actuellement. Est-ce que vous avez des suggestions? Qu'est-ce qui pourrait être fait? Est-ce que c'est plus les ordres professionnels qui devraient assouplir certaines exigences ou est-ce que le gouvernement devrait explorer d'autres avenues?

M. Cadieux (Serge) : Bien, écoutez, nous, ce qu'on a, c'est que c'est long aussi, le processus, hein? Il y a des ententes — moi, je suis membre du Barreau du Québec — je le sais, à une certaine époque, j'étais sur un comité pour les reconnaissances, il y a des ententes avec la France, exemple, mais ce n'est pas évident, là, il y a beaucoup de bureaucratie, c'est long. Donc, je pense qu'on doit être plus agiles. C'est clair qu'on doit améliorer l'agilité là-dedans. Et on doit aussi des fois forcer les corporations professionnelles, la ministre de la Santé l'a fait récemment. Je pense que c'est des choses qui doivent être faites, là, nécessairement.

Mme Perry Mélançon : Donc, de travailler davantage avec le ministère du Travail et tous les autres pour arriver à une solution le plus rapidement possible.

M. Cadieux (Serge) : Oui, absolument. Il ne faut pas que ça soit en silo, hein, il faut que ça soit une préoccupation gouvernementale, donc qui implique plusieurs ministères.

Mme Perry Mélançon : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : C'est très bien. Merci, M. Cadieux, M. Grondin, M. Bolduc, pour votre contribution à la commission, vraiment.

Je suspends les travaux jusqu'à 14 heures. Alors, on se retrouve. Bon lunch.

(Suspension de la séance à 12 h 30)

(Reprise à 14 h 2)

La Présidente (Mme Chassé) : Bon retour de lunch. La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux, et je demande à toutes les personnes de bien vouloir éteindre la sonnerie et le mode vibration de leurs appareils électroniques.

Nous sommes réunis aujourd'hui, cet après-midi, pour poursuivre la consultation générale et les auditions publiques — et je pense qu'on les termine cet après-midi, M. le ministre?

M. Jolin-Barrette : Oui.

La Présidente (Mme Chassé) : Oui.

M. Jolin-Barrette : Bien, ça dépend de vous, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Chassé) : Ça dépend de moi?

M. Jolin-Barrette : Si vous voulez nous garder plus longtemps.

La Présidente (Mme Chassé) : Bien, regardez, mon doux! Quelle influence que j'ai — sur le cahier de consultation intitulé La planification de l'immigration au Québec pour la période 2020‑2022, et je vous avouerai que je ne vous laisserai pas vivre beaucoup de suspense, on va terminer cet après-midi, à moins d'événements fortuits.

Alors, nous entendrons cet après-midi l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration, les Manufacturiers et exportateurs du Québec, la Commission des partenaires du marché du travail et la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.

Nous avons débuté à l'heure, bravo! Je souhaite donc la bienvenue aux représentants de l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration. On s'est déjà rencontrés. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé. À la fin, à une minute de la fin, je vais vous faire un signe pour vous inviter à conclure. Et je vous invite tout d'abord à vous présenter puis à débuter.

Association québécoise des avocats et avocates
en droit de l'immigration (AQAADI)

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Bonjour. Bonjour à tous et à toutes. Bonjour, Mme la Présidente. Me Guillaume Cliche-Rivard, je suis président de l'AQAADI, l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration.

M. Kim (Ho Sung) : Je suis Me Ho Sung Kim, un des administrateurs de l'AQAADI.

Mme Tardif (Sylvie) : Me Sylvie Tardif, vice-présidente de l'AQAADI.

La Présidente (Mme Chassé) : ...exposé. Allez-y.

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Merci beaucoup, et merci de l'invitation, et merci aussi de prendre le temps de nous écouter. Merci, M. le ministre. On a parcouru avec attention le document, votre planification, et puis on a quelques commentaires. Je vais axer ma présentation sur deux volets : un volet un petit peu plus familial, regroupement familial, refuge, et un deuxième volet à tendance plus économique.

D'abord, je veux réitérer que l'AQAADI est toujours ici dans un mode collaboratif, dans un mode d'ouverture, dans un mode de solution. On entend plusieurs choses dans les médias, on entend plusieurs choses aussi de la part de différents partenaires à l'effet qu'il y aurait ou qu'il y a, en fait, les statistiques le démontrent, une pénurie de main-d'oeuvre en ce moment au Québec. Il y a une crise, si on se permet l'expression. Ce n'est pas juste moi qui le dis, mais il y a différents intervenants qui sont venus le dire ici cette semaine. Alors, je pense qu'on peut travailler ensemble, tous et toutes, pour trouver des solutions pour tenter d'améliorer la situation, pour permettre rapidement qu'on puisse pallier à ce manque de main-d'oeuvre. Je pense, c'est la priorité qu'on a tous et toutes, puis c'est dans cette approche-là qu'on vient aujourd'hui ici.

Le premier volet que je veux couvrir est par rapport à l'orientation n° 2 et à l'augmentation de la catégorie économique de l'ordre de 65 %. D'emblée, l'augmentation du nombre d'immigrants économiques, on la salue, et il n'y a pas de problème avec ça. Là où j'ai peut-être une petite inquiétude, c'est si cette augmentation-là vient au détriment d'autres catégories. Et le HCR, le haut-commissariat aux réfugiés, en a parlé ce matin et d'autres groupes en ont parlé ce matin aussi, mais, si on maintient des seuils similaires ou si on les augmente un petit peu et qu'en même temps on demande une augmentation du seuil d'immigration économique, bien, il y a quelqu'un qui va payer, là. Ce sont des vases communicants sur un quota, et il y a des groupes qui vont payer. Et ces deux groupes-là, majoritairement, ce sont les groupes de la réunification familiale et le groupe du refuge.

Vous n'êtes pas sans savoir que pour parrainer un époux, une épouse, un conjoint ou un enfant au Canada, en ce moment — dans toutes les provinces, c'est pas mal égal — c'est 12 mois, le délai d'attente du moment où on dépose la demande de parrainage. Ça veut dire qu'il y a des enfants, des conjoints et des conjointes qui sont séparés des leurs pendant 12 mois. Et ça, si on met un quota ou si on diminue le nombre de regroupement familial qu'on accepte, on va créer un effet de retardement sur cette réunification familiale là. Et j'ai bien peur, puis c'est ce que je voudrais juste souligner aujourd'hui, que ce 12 mois là devienne 13, ou 14, ou 15. Il ne faudrait sûrement pas, certainement pas qu'en voulant augmenter le seuil économique on soit en train de retarder la réunification d'enfants avec leurs parents. Donc, pour moi, ça, c'est un volet absolument important puis intéressant de souligner. Je suis certain que ce n'est pas ça, l'orientation du ministère, je suis certain que ce n'est pas là qu'on s'en va, mais je voudrais juste quand même souligner que, si on diminue le pourcentage de... ou si on diminue le pourcentage d'un en laissant des quotas similaires ou en laissant des chiffres plus ou moins égaux, bien, il y a des gens qui vont devoir écoper.

Et ça, c'est la même chose dans le volet du refuge. Le volet du refuge fonctionne en deux étapes au Canada, vous le savez aussi. D'abord, on doit être sélectionné, on doit faire l'objet d'une audience devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et on reçoit notre statut de réfugié. Une audience, en ce moment, au Canada prend entre deux et trois ans, selon les différents programmes. Et, du moment où on a une décision positive, on applique à la résidence permanente, et cette résidence permanente là prend jusqu'à deux ans dans toutes les provinces, là, le Québec ne fait pas différent des autres, et le Québec émet aussi son certificat de sélection, et donc ce qui veut dire entre quatre et cinq ans d'attente pour le réfugié, la personne reconnue réfugiée avant de devenir résident permanent. Dans les cas où la famille est séparée, c'est-à-dire où une personne est partie avant l'autre, ou les enfants sont restés, ou certains enfants sont restés, ces enfants-là ou ces membres de la famille là ne pourront pas venir avant l'obtention de la résidence permanente. Et donc, si on vient à augmenter un petit peu aussi les seuils ou, en fait, si on vient augmenter les délais de traitement en diminuant les seuils dans ces catégories, on vient aussi créer un délai d'attente plus grand avant que ces familles soient réunifiées, et ça, pour moi, c'est un enjeu qui m'est important. Je comprends très bien... puis je suis certain que ce n'est pas l'objectif, mais c'est un dommage collatéral puis c'est un dommage collatéral qu'il faut retenir.

Alors, ce qu'on proposerait puis ce qu'on propose, à notre avis, c'est certainement... si le ministère veut augmenter le nombre d'immigrants économiques, on n'a aucun problème à ça, mais de ne pas le faire au détriment des autres catégories plus vulnérables et au détriment des enfants ou des époux qui sont à l'étranger. Un enfant qui attend à l'étranger six mois de plus, trois mois de plus, quatre mois de plus, c'est un enfant qui n'apprend pas le français tout de suite, c'est un enfant qui ne se scolarise pas tout de suite, c'est un enfant qui n'intègre pas la société canadienne tout de suite. Mais c'est un enfant qui va vivre toute sa vie au Canada, c'est un enfant qui est sélectionné, c'est un enfant qui va devenir citoyen canadien, alors, moi, je pense qu'au contraire... le plus rapidement on permet l'intégration de ces enfants-là et le plus on réduit les délais ou le plus rapidement on permet la réunification des familles, je pense que c'est gagnant-gagnant pour tout le monde. Et donc ne causons pas de tort en voulant faire un dommage. Soyons juste certains, certaines de bien régulariser ou réguler ce facteur. Ça, c'est mon premier point, et je vois que j'ai passé beaucoup de temps.

Mais, sur le deuxième, c'est le volet 3, sur l'intégration, la favorisation et s'assurer — en fait, le volet 1 et 3 — que nos immigrants économiques répondent bien aux besoins et que ces immigrants économiques là soient capables de répondre à la pénurie de main-d'oeuvre actuelle. Vous n'êtes pas sans savoir que la suspension du programme étudiant... de l'admissibilité au programme étudiant ou du dépôt des demandes pour le PEQ pour le programme étudiant nous inquiète beaucoup. On sait que c'est un programme qui va revenir, mais, en ce moment, on est à la veille d'une rentrée universitaire, nous, on a des contacts dans les universités, les décanats, les responsables de recrutement, les responsables d'admission des étudiants étrangers, en ce moment, sont très, très, très inquiets à savoir vers où on s'en va. Parce que des étudiants qui reprennent une deuxième année ou une troisième année de programme, on comprend bien que l'effet... ou le moral n'est pas tout à fait là quand on pensait se qualifier ou on ne sait pas si on va se qualifier dans quelques mois, on ne sait pas ce qui attend la modification, s'il y aura modification dans le PEQ. Alors, il y a beaucoup, beaucoup d'incertitudes, et c'est certain que ça cause un grave préjudice aux universités, parce que vous n'êtes pas sans savoir que les étudiants étrangers paient des frais de scolarité assez importants et permettent aux universités, quand même, d'avoir un bon... disons, de bons revenus, et il ne faudrait certainement pas que ça diminue.

• (14 h 10) •

On a adopté le projet de loi n° 9... bien, le Parlement a adopté le projet de loi n° 9 il y a deux mois maintenant. On a commencé à procéder avec des invitations dans le nouveau système d'Arrima, mais on n'a encore émis aucun certificat dans le programme régulier à ce jour, à ma connaissance. Je peux me tromper, mais, à ce jour, il n'y a aucun certificat de sélection dans le Programme régulier de travailleurs qualifiés qui a été émis dans les deux mois d'été qui viennent de passer. On avait sollicité ou demandé des programmes transitoires ou des mesures transitoires pour permettre rapidement que des gens puissent être sélectionnés cet été. Malheureusement, en pénurie de main-d'oeuvre, la problématique étant qu'il n'y a personne qui a été sélectionné. Il y a des invitations qui ont été faites, mais il n'y a pas de CSQ qui ont été délivrés. Je comprends que la mise en place d'une réforme prend du temps, là, je comprends ça, mais c'est quand même inquiétant quand on entend le marché, quand on entend les acteurs économiques nous dire qu'on est en pénurie maintenant, mais que, dans les deux derniers mois, il n'y a pas eu de sélection.

Alors, je vais m'arrêter là-dessus parce que je n'ai pas beaucoup de temps. On a des solutions. Je suis très, très ouvert à discuter de solutions. Il y a des programmes temporaires, je sais que le ministre va certainement en parler. Et on est vraiment en mode collaboratif, on est ici pour souligner des points, en mode plus d'approche pour trouver des solutions ensemble, puis c'est vraiment dans cette orientation-là qu'on veut être aujourd'hui. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci à vous, Me Cliche-Rivard. Alors, nous allons maintenant débuter la période d'échange, tout d'abord avec le parti formant le gouvernement. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Me Cliche-Rivard, Me Tardif, Me Sung Kim, bonjour, merci d'être à l'Assemblée nationale. On se retrouve en commission à nouveau.

Écoutez, j'aimerais qu'on discute en général de... et vous avez plusieurs clients qui sont des immigrants. J'aimerais qu'on discute un peu plus sur le concept de régionalisation, parce que j'imagine que vous accompagnez vos différents clients dans leurs démarches, à la fois, j'imagine, pour les personnes qui sont en situation temporaire, quand c'est des permis de travailleurs étrangers temporaires ou quand c'est des PMI, mais aussi avec le processus régulier d'immigration puis peut-être même aussi avec le PEQ, que vous intervenez. Alors, je voudrais savoir quelle est votre opinion par rapport à la régionalisation pour savoir comment est-ce qu'on fait pour s'assurer que, sur l'ensemble du territoire québécois, on puisse assurer la présence des personnes immigrantes sur l'ensemble du territoire.

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : On est très, très, très en faveur d'une régionalisation, ça, c'est certain. Je pense que c'est important, puis les pénuries de main-d'oeuvre sont accentuées selon différentes régions, puis ça, c'est très vrai. Maintenant, je pense que, sur le pouvoir de sélection, sur le pouvoir d'offres d'emploi validées, notamment, on voit, à travers la grille actuelle, où... il y a un certain nombre de points pour une offre d'emploi validée sur la région de Montréal, mais il y a beaucoup plus de points, jusqu'à 14 points, à l'extérieur de l'île de Montréal. Alors, ça, c'est une façon de faire beaucoup plus de points dans la grille et c'est une façon, je pense, d'améliorer ou de favoriser la régionalisation.

Maintenant, dans les permis de travail, c'est sensiblement la même chose aussi, où on peut faire un permis de travail avec une offre d'emploi, et l'offre d'emploi est associée à une région. Là où je voudrais peut-être juste mettre un bémol, c'est où, une fois sélectionné puis une fois devenu résident permanent, bien, il y a une liberté de circuler puis une liberté de s'établir là où on voudra. Et donc je pense qu'avec des «incentives», là, si vous permettez l'anglicisme, avec des avantages ou avec une facilitation, les gens vont rester, les gens vont s'établir puis vont demeurer là où ils le sont, je l'espère. Mais on va vous suivre dans la régionalisation, c'est certain, parce que les besoins sont régionaux aussi.

M. Jolin-Barrette : Mais revenons là-dessus, là. Vous disiez, bon : Avec le permis de travail temporaire, c'est destiné à une région, donc c'est un permis de travail fermé envers une entreprise précisément, supposons, quand on est dans le PTET, le Programme des travailleurs étrangers temporaires. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça, du fait que le permis de travail temporaire soit donné pour un employeur précisément et que ça permette, dans le fond, d'assurer la régionalisation des travailleurs étrangers temporaires?

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Il y a différentes catégories, mais il y a une catégorie, effectivement, du permis de travail fermé, il y a certains programmes qui ont des permis de travail ouverts, notamment pour le conjoint ou la conjointe dans une situation de parrainage. Ça, c'est un programme qui est... un permis de travail ouvert, et là on ne peut pas vraiment contrôler l'employeur, et ça permet aussi la mobilité du résident permanent qui est associé ou le citoyen qui est associé au permis. Même chose pour le ou la réfugiée, qui peut bouger avec son permis de travail ouvert, même chose pour plusieurs autres catégories.

Maintenant, pour obtenir un permis de travail fermé avec EIMT, étude d'impact sur le marché, il faut démontrer qu'il y a une pénurie de main-d'oeuvre dans un secteur puis il faut avoir une offre d'emploi. Alors, oui, je n'ai pas de problème à avoir un permis de travail fermé associé à un emploi puis à un employeur, c'est ce qui existe déjà et ça fonctionne quand même bien, du moment où la personne respecte les conditions, du moment où c'est l'employeur aussi qui respecte les conditions qui étaient associées aussi à l'offre d'emploi. Je pense que le programme de PTET pourrait effectivement être accéléré dans sa détermination, puis on pourrait obtenir le permis de travail plus rapidement. Ça, ça relève partiellement du niveau fédéral. Mais, oui, on approuve, on n'a pas de problème avec la régionalisation jusqu'à l'obtention de la résidence, où là les gens sont libres de s'établir là où ils le voudront.

M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, pour vous, il n'y a pas de problématique, pour répondre à la pénurie de main-d'oeuvre, d'utiliser le Programme des travailleurs étrangers temporaires avec un permis de travail fermé dans les différentes régions du Québec. Ça, ça signifie que, pour une période d'un an, supposons, et renouvelable, un travailleur étranger temporaire qui a été recruté à l'étranger, bien, il va être assigné avec un employeur en région, et ça va faire en sorte qu'éventuellement, s'il devient résident permanent, peut-être même qu'il va vouloir demeurer dans cette région-là parce que son réseau s'est fait là, tout ça. Donc, vous êtes pleinement à l'aise avec ça, avec le fait qu'on puisse avoir des permis de travail fermés.

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Bien oui, parce que ça existe déjà, M. le ministre, c'est déjà comme ça que la situation actuelle, elle est. Alors, avec respect, cette situation-là existant déjà et ayant la pénurie de main-d'oeuvre actuelle, ça ne suffit pas, dans la mesure où... c'est juste ça. Mais, oui, oui, on est d'accord.

M. Jolin-Barrette : Non, mais en fait je vous pose la question parce qu'il y en a qui critiquent ce fait-là. Il y en a qui disent : Écoutez, il ne devrait pas y avoir de permis de travail fermés, il devrait juste y avoir des permis de travail ouverts.

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Non, nous, on est ouverts aux permis de travail fermés. Puis il existe une disposition... le gouvernement fédéral vient de développer un permis de travail pour personnes en situation vulnérable, ce qui veut dire que, si la personne devait être victime d'abus de l'employeur, il y a une disposition du fédéral qui permettrait de passer en permis de travail ouvert, s'il en faisait la détermination. Alors, pour moi, le gouvernement fédéral, là, est venu répondre à une problématique, parce qu'effectivement, quand on associe l'emploi seulement avec un employeur, il peut y avoir des abus des fois, souvent non, la majorité du temps, non, mais là maintenant il y a une passerelle, il y a une possibilité pour ces gens-là en situation d'abus de passer sur un permis de travail pour personnes vulnérables. Alors, pour moi, ça répond un peu à l'inquiétude, et, oui, il n'y a pas de problème avec le permis de travail fermé, de notre côté.

M. Jolin-Barrette : Quand vous conseillez vos clients, là, par rapport au Québec, supposons, dès l'étranger ou ils sont ici, et puis ils veulent devenir résidents permanents, puis passer par le Programme régulier des travailleurs qualifiés, est-ce que votre association les encourage à s'établir en région? Comme, quand vous avez des clients de l'international, est-ce que vous leur dites : Bien, vous devriez aller vous établir en région? Est-ce que ça fait partie de vos considérations?

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Ça fait partie des considérations. Ça fait aussi partie des besoins, ou des demandes, ou ce que client désire aussi comme intégration, ou comme vie, ou qu'est-ce qui est adapté aussi à son parcours personnel et professionnel. Si le client est dans un secteur clé qui se retrouve certainement plus à Montréal, bien, dans ce cas-là, on va s'adapter avec les besoins du client. Mais, s'il y a pénurie de main-d'oeuvre à l'étranger... Puis à plusieurs occasions, le client, c'est l'entreprise, ce n'est pas le client à l'étranger nécessairement. Et on a beaucoup d'entreprises, justement, en région qui viennent nous solliciter pour qu'on puisse les aider à aller chercher de la main-d'oeuvre à l'étranger, et là on répond directement aux besoins de pénurie de main-d'oeuvre. Alors, ça se fait vraiment des deux côtés.

Au niveau du PRTQ ou de la grille de sélection, certainement que, si quelqu'un est capable d'avoir une offre d'emploi en région qui va lui permettre de faire plus de points, s'il est capable de l'obtenir chez les contacts, c'est certain qu'on va le recommander. Chaque dossier est un cas d'espèce, comme vous le savez. Mais ça peut arriver, par exemple, dans un dossier où le frère est déjà établi à Montréal ou un autre dossier où le frère ou la soeur est déjà établi à Québec ou ailleurs, dans une autre région, bien là, on va aider à la meilleure intégration avec la famille. Mais donc chaque dossier est un cas d'espèce. Mais, si on peut favoriser la région avec nos entreprises puis avec nos entreprises clientes, on est très, très, très en faveur de la régionalisation parce qu'il y a des besoins dans toutes les régions du Québec.

M. Jolin-Barrette : Et vous parlez beaucoup, dans le fond, de la pénurie de main-d'oeuvre, des besoins de régionalisation. On veut augmenter la proportion de travailleurs qualifiés, à l'immigration économique, à 65 % justement pour répondre à cette pénurie-là. Et tout à l'heure, vous parliez des réfugiés et du regroupement familial. Il faut dire aussi, puis ça, ce n'est pas tout le monde qui le sait... dans le fond, dans la catégorie économique, là, sur les travailleurs qualifiés, bien, souvent, vous avez un requérant principal, qui est le demandeur, la personne immigrante, mais il y a des personnes liées aussi dans la demande d'immigration. Donc, quand on dit qu'on accepte x nombre de travailleurs qualifiés ou d'immigration économique, bien, ce n'est pas uniquement des travailleurs, là, c'est monsieur, madame plus les enfants aussi. Donc, le Québec accueille des familles, ce n'est pas uniquement des travailleurs qu'on accueille au niveau de l'immigration permanente. Puis ça, je pense, c'est important de le rappeler quand on parle de regroupement familial, parce que, lorsqu'on est dans la catégorie économique, c'est des familles aussi qu'on accueille.

• (14 h 20) •

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : C'est vrai, c'est vrai, puis la grille est pondérée en fonction de la famille, c'est-à-dire qu'on peut même faire plus de points dans la grille si on a des enfants et selon l'âge des enfants, parce qu'on détermine que ça permet une meilleure intégration puis c'est bien pour l'avenir du Québec. De l'autre côté, la grille est aussi pondérée avec notre conjoint, notre conjointe, c'est-à-dire que les seuils à atteindre dans la grille de sélection sont différents si on est avec conjoint ou sans conjointe. Alors, effectivement, on va accueillir des conjoints et des conjointes, qui ne sont pas le requérant principal, mais la plupart du temps ces conjoints-là vont permettre de faire plusieurs points aussi, et c'est souvent, souvent des gens qui sont aussi diplômés. Alors, pour nous, dans quelques occasions, c'est difficile de dire qui est vraiment le requérant principal. On accepte aussi deux requérants. Il y en a un qui est principal, mais les deux pourraient se qualifier dans plusieurs, plusieurs, plusieurs situations.

Et je dirais juste aussi, en terminant, que la pénurie de main-d'oeuvre, elle touche aussi tous les secteurs. Elle touche, bien sûr, le volet qui se qualifie ou le candidat qui se qualifie au PRTQ, mais aussi dans les catégories moins qualifiées. On a aussi une pénurie de main-d'oeuvre en matière de préposés aux bénéficiaires, par exemple, ou dans plusieurs autres secteurs qui, eux, ne se qualifient pas nécessairement au PRTQ et qui sont répondus, notamment ou nommément, par d'autres programmes, que ça soit la réunification familiale, que ça soit par l'immigration économique mais le deuxième conjoint ou que ça soit par d'autres. Donc, c'est un tout, nos besoins économiques, vous le savez plus que moi, probablement. On a des besoins globaux et pas juste en termes de haute qualification, mais aussi en termes de moyenne ou basse qualification.

M. Jolin-Barrette : Parfait.

M. Kim (Ho Sung) : Juste pour ajouter, pour le volet du regroupement familial, on ne parle pas juste des épouses et des enfants. On doit penser aux parents aussi, parce que les jeunes... la famille d'un jeune travailleur qualifié qui vient ici avec des jeunes enfants, ils vont avoir besoin d'aide de leur famille, alors... puis souvent ils vont essayer de parrainer leurs parents aussi, qui vont aider ces jeunes couples de travailler puis amener leur apport économique pour notre province. Puis le parrainage des parents, c'est un programme assez important aussi.

M. Jolin-Barrette : Donc, dans ce que vous dites sur votre dernière intervention, vous dites, pour que ça soit clair pour tout le monde, là : Au niveau du regroupement familial, là, dans le fond, supposons qu'il y a une famille qui vient dans le cadre de l'immigration économique, monsieur, madame, les enfants, bien, vous dites : Par la suite, au regroupement familial, il est possible que cette famille-là qui a immigré comme travailleur qualifié dans la catégorie immigration économique veuille faire venir les grands-parents des deux côtés. Donc, le regroupement familial, c'est au niveau des ascendants puis au niveau des descendants, donc les enfants, mais aussi les grands-parents.

Écoutez, je vous remercie pour la présentation de votre mémoire. Je sais que j'ai des collègues qui veulent poser des questions.

La Présidente (Mme Chassé) : C'est la députée de Bellechasse qui prend la parole? Allez-y, il vous reste 4 min 30 s.

Mme Lachance : Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Chassé) : Ça me fait plaisir.

Mme Lachance : Madame messieurs, merci d'être là. Merci pour votre exposé. Je vais y aller brièvement. Vous avez critiqué le seuil d'immigration, qui, selon vous, n'est pas assez élevé. Selon vous, quel serait le seuil à atteindre?

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Moi, je pense que le seuil à atteindre ne devrait plutôt pas être fixé par nous, certainement pas, mais plutôt par les besoins de... puis les besoins puis les capacités d'intégration, un mélange des deux. Le nombre à dire exact, moi, je le qualifierais plutôt... je le demanderais peut-être plus aux chambres de commerce ou aux industries qui sont actuellement en pénurie de main-d'oeuvre. Pour moi, du moment où il y aura une pénurie de main-d'oeuvre, ça ne sera pas adéquat ou judicieux de parler de quotas ou de seuils, dans la mesure où, quand il y a des emplois, quand il y a une capacité d'emploi réelle ou quand quelqu'un est prêt à venir s'intégrer au Québec avec un emploi, il ne devrait pas y avoir de seuil et on ne devrait pas arrêter de traiter les demandes en novembre ou en octobre parce qu'on a atteint le 40 000, ou le 50 000, ou le 55 000. Si ces gens-là sont en emploi puis ils sont capables de s'intégrer, moi, je ne pense pas que l'idée d'un seuil devrait être la bonne, mais plutôt à quel point on est capables de les intégrer en emploi rapidement, selon les besoins du marché. Je pense que ça, c'est plus judicieux puis ça va améliorer, probablement, ou répondre davantage aux besoins de l'économie québécoise.

Mme Lachance : Merci. Vous le dites bien, la capacité d'accueil est tributaire de la capacité d'intégration qu'on a et vous avez aussi bien nommé la pénurie de main-d'oeuvre, qui est quand même importante chez nous.

J'aimerais ça revenir à l'orientation 2, en fait, dans votre mémoire, où vous nous mentionnez qu'«une augmentation des services à l'intégration servira possiblement davantage la catégorie des immigrants économiques qu'humanitaires». Vous vous basez sur quoi pour avancer ceci?

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Bien, il y a un élément qui est important pour nous, puis c'est quelque chose dont on devra parler rapidement aussi, c'est la reconnaissance des acquis puis la reconnaissance des diplômes, puis ça, je sais que le gouvernement en a fait une priorité, puis on a très, très hâte d'entendre les orientations là-dessus. Mais, si on fait le parallèle avec le nouveau programme de suivi ou le parcours personnalisé, si on fait la suite de ce parcours personnalisé là pour se faire reconfirmer que notre diplôme n'est pas reconnu, ça ne va pas vraiment être utile pour ces personnes. Alors, je pense que ce parcours personnalisé là doit aller davantage en corrélation avec une aide au niveau de la reconnaissance des acquis et des diplômes, dans la mesure où c'est ça qui est difficile pour l'immigrant économique qui est sélectionné sur la base de ses qualifications, de ses diplômes, de ses emplois de maintenant arriver ou réussir une intégration dans laquelle, si certains de ces diplômes-là ne sont pas reconnus, c'est sûr qu'eux vont avoir un certain besoin d'aide ou une certaine attente qui sera déçue.

Alors, travaillons ensemble, travaillons tous et toutes ensemble pour reconnaître ces acquis-là pour que ces gens-là puissent, le plus vite possible, aider la société québécoise dans ce dont pourquoi ils ont été sélectionnés et formés et investissons là-dedans plutôt que dans un programme d'accueil, ou d'intégration, ou de suivi qui ne va pas les aider autre que leur dire que leur programme n'est pas reconnu. Pour moi, c'est là la clé : investissons ou trouvons des solutions de reconnaissance d'acquis pour que ces gens-là puissent, le plus rapidement, réussir leur parcours. Ça, c'est la clé. Et, pour l'instant, on est très, très, très en attente puis on a très, très hâte de travailler avec le ministère puis le gouvernement pour qu'on puisse reconnaître les acquis et les diplômes des candidats à l'immigration qui sont sélectionnés pour ces mêmes, disons, facteurs-là.

Mme Lachance : Me reste-t-il quelques secondes?

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une minute.

Mme Lachance : Excellent. En terminant, vous mentionnez que le niveau de rétention au niveau des immigrants économiques est à parfaire, donc qu'il est plus faible. Avez-vous des données? Vous êtes-vous basés sur une statistique?

Mme Tardif (Sylvie) : L'expérience seulement.

Mme Lachance : Donc, ce n'est pas...

Mme Tardif (Sylvie) : Ce qu'on voit dans nos pratiques, depuis 25 ans que je suis avocate en immigration, c'est que, curieusement, la personne qui vient ici en besoin, vulnérable ou parrainée a déjà une motivation, améliore sa vie automatiquement, souvent va prendre tous les moyens pour améliorer son sort, malgré peut-être son peu de compétences, alors que l'immigrant économique a presque une attente. Il veut arriver, oui, avec des compétences qu'il veut mettre à profit pour le Québec, et quand... confronté à des obstacles, ça va être le premier déçu. Alors, on a des problèmes de rétention, en fait, pas sur des chiffres mais par expérience, davantage dans la clientèle économique que dans la clientèle humanitaire.

Mme Lachance : ...

Mme Tardif (Sylvie) : Non.

La Présidente (Mme Chassé) : Ça va conclure.

Mme Lachance : Merci.

Mme Tardif (Sylvie) : Je vous en prie.

Mme Lachance : Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci à vous, la députée de Bellechasse. On passe maintenant au groupe formant l'opposition officielle. Le député de Nelligan prend la parole. Allez-y.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Madame messieurs, bienvenue à la commission, toujours un plaisir de vous rencontrer dans un autre contexte, pas le p. l. n° 9, beaucoup plus agréable de parler de la prochaine planification.

Vous ramenez un point important au niveau de l'orientation 1, et c'est la première fois, de mémoire, que je l'entends. Je ne vais pas aborder les arguments que vous mettez sur la table par rapport à la pénurie de main-d'oeuvre, parce que je pense qu'à la dernière journée nous avons beaucoup entendu au niveau de la pénurie, mais vous ramenez l'Accord Canada-Québec et vous semblez être critiques par rapport à ça parce que ça met en péril déjà les engagements du Québec par rapport au Canada, surtout qu'on veut aller rechercher nos pouvoirs par rapport au Canada. Mais le Québec, selon vous, maintenant, avec la nouvelle planification pour les deux prochaines années, comment il se positionne et comment il sera après deux ans?

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Bien, on se retrouve dans une même tangente où l'augmentation... où, en tout cas, le gouvernement actuel fédéral, là, vous savez qu'il y a des élections à venir, mais le gouvernement actuel veut... prévoit ou augmente ses cibles pour les années à venir puis les augmente d'une manière significative. Alors, dans une logique où le Québec garde des seuils similaires ou les augmente mais de manière limitée, bien, la disproportion ou la distorsion va continuer de s'accentuer dans les prochaines années. Et avec la capacité et le taux de rétention qu'on a en plus, peut-être qu'il faudrait avoir le réflexe inverse, il faudrait avoir le réflexe inverse d'en inviter davantage pour être certains de préserver notre équité démographique.

M. Derraji : O.K. Je vais pousser le raisonnement avec vous, parce que c'est un point très important, ça n'a pas été abordé avant. Pouvez-vous éclairer la population de manière générale sur en quoi ça va affecter le Québec? Là, vous parlez vraiment très macro au niveau de... mais concrètement, si on garde les seuils que le gouvernement caquiste propose présentement, 40 000, 43 000, on va aller doucement à 52 000 ou à 51 000 en 2022, c'est quoi, l'impact réel, concret pour M. et Mme Tout-le-monde, si je vous dis de vulgariser ça?

• (14 h 30) •

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Bien, oui, l'impact le plus concret, c'est le débalancement démographique, c'est-à-dire qu'il va y avoir plus d'Ontariens et moins de Québécois, et plus de Canadiens du reste du Canada et moins de Québécois, et ça, dans l'urne, au niveau du gouvernement fédéral ou du vote fédéral, bien, ça va avoir un impact. On a vu, dans les dernières années, la modification de la carte électorale fédérale, dans laquelle les provinces, outre que le Québec, ont proportionnellement gagné par rapport... en termes de sièges, là, en pourcentage, alors là il y a un débalancement. C'est sûr que plus la pénurie de main-d'oeuvre au Québec va s'accentuer aussi, plus le Québec va perdre des contrats, plus qu'économiquement il va y avoir des emplois perdus et plus qu'il va y avoir aussi un débalancement, si on n'est pas capables de répondre aux besoins économiques du Québec, bien, des débalancements ou des déplacements vers les autres provinces pour les entreprises.

Alors, il y a des volets à tous les niveaux. Plus qu'on continue dans un débalancement, le moins le Québec sera avantagé. Certainement, dans une logique de démographie où la population est vieillissante, ça, c'est un problème qui touche le reste du Canada, mais le reste du Canada tente de le gérer avec un pourcentage d'immigration plus élevé, et donc tend à débalancer le vieillissement, alors que nous, bien, on semble aller plutôt... pas à contre-courant, mais rejoindre plus difficilement cette capacité à diminuer l'impact démographique, là, ou le vieillissement de la population.

M. Derraji : C'est très intéressant, Me Cliche-Rivard, ce que vous ramenez sur la table parce que, depuis le début, les gens disaient qu'il n'y a que des arguments économiques pour contrer la pénurie de main-d'oeuvre. Ce que vous êtes en train de dire aujourd'hui au gouvernement caquiste, de faire attention aussi par rapport à la place du Québec au Canada. Et vous pensez qu'avec cette nouvelle politique d'immigration pour les deux prochaines années, le gouvernement caquiste va nuire à la place du Québec au niveau canadien?

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Bien, ce que je peux dire, c'est que ce n'est pas en train de l'aider, ça, je peux le dire. Nuire, c'est l'avenir qui le dira, mais ça ne me semble pas être la tangente appropriée. En diminuant des seuils de 50 000 à 40 000 cette année, bien, ça fait 10 000 de moins de néo-Québécois. Et, si on fait 10 000... 8 000 l'année prochaine versus le Canada et proportionnellement, bien, on arrive à plusieurs dizaines de milliers, et là ça fait un débalancement. Donc, c'est sûr que les mathématiques répondent à votre question, là.

M. Derraji : Oui, merci beaucoup. Je peux même ajouter qu'il y a un débalancement... si je prends le point de vue du patronat, qu'il réclame 60 000, on a un débalancement de 20 000. Merci pour votre point.

Deuxième point, et là je ne pense pas qu'on va être d'accord, écoutez, j'ai écouté votre échange avec le ministre et, écoutez, corrigez-moi si je me trompe, vous semblez être d'accord avec les travailleurs temporaires. Juste, corrigez-moi, parce que, là, je veux juste comprendre le fond de votre pensée. Pourquoi vous êtes pour une immigration temporaire comme solution au niveau... à nos besoins en main-d'oeuvre?

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Bien, je n'ai jamais dit que ça allait être une solution, j'ai dit : Le programme existe, le travailleur temporaire répond à un besoin temporaire.

M. Derraji : Mais vous avez... oui, permis de travail fermé.

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Permis de travail fermé, qui se qualifient, eux aussi, à la résidence permanente. Quand on travaille un an dans un permis de travail fermé au Québec puis on parle français, on se qualifie à la résidence permanente. Ce sont des volets qui vont permettre la permanence, la qualification à la résidence permanente. Pour moi, augmenter le nombre de travailleurs étrangers temporaires, ce n'est pas la solution à tous les miracles et, au contraire, c'est quand on intègre quelqu'un de manière permanente, c'est quand on lui offre la capacité d'acheter une maison, quand on lui offre la capacité d'envoyer ses enfants à l'école, s'établir, c'est quand on réussit, justement, à créer un ancrage d'une manière permanente qu'on répond à une situation de débalancement démographique ou qu'on répond de manière plus régulière et permanente à une pénurie de main-d'oeuvre. La solution n'est pas dans le programme temporaire étranger, le programme temporaire... le PTET existe déjà, un programme qui ne suffit pas à lui-même pour répondre à la pénurie. On a, en ce moment — puis il y avait un article de CBC ce matin — une vingtaine de mille de permis de travail fermés émis au Québec, et on augmente. Cela étant dit, il y a encore 120 000, ou 110 000, ou 140 000 emplois disponibles. Alors, juste pour compléter, la solution n'est pas seulement dans le temporaire, il faut en même temps amener des permanents.

M. Derraji : Oui, parce que je ne pense pas que c'est moi qui va vous faire dire que... les incertitudes que ça laisse à la fois chez la personne qui vient avec un permis de travail fermé, aussi pour l'employeur, vu les risques, hein? Vous avez vu probablement des changements de loi que même le permis de travail fermé risque de ne pas être reconduit pour une résidence permanente.

Ma deuxième question : Pensez-vous que plus... la solution, ça va être la grille de sélection, les immigrants permanents que plus du temporaire? Il y a une école de pensée qui dit : Bien, écoutez, c'est plus de la permanence qu'on veut avec une modification de la grille de sélection et non pas des travailleurs temporaires.

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Moi, je pense que la réponse se situe un petit peu entre les deux. Je pense qu'il y a différents besoins, il y a des besoins qui sont temporaires puis il y a des besoins qui sont permanents. Il y a une qualification d'immigration temporaire dans laquelle il faut démontrer une étude d'impact sur le marché, c'est-à-dire une pénurie de main-d'oeuvre dans un secteur clé. On espère qu'une pénurie de main-d'oeuvre, ça ne durera pas pour toujours, on espère régler la pénurie de main-d'oeuvre et on espère qu'il va y avoir des modifications à cette pénurie de main-d'oeuvre là. Le travailleur étranger temporaire, jusqu'à ce qu'il se qualifie, il répond à un besoin temporaire, c'est-à-dire, effectivement, il faut justifier le caractère temporel de l'offre d'emploi, mais il y a aussi d'autres qualificatifs qu'on recherche, dans une société, qui sont permanents. Alors, pour moi, la solution se trouve entre les deux, dans une économie ou une planification de l'économie ou de l'immigration qui se retrouve à avoir une immigration temporaire qui répond à des besoins temporaires, mais une immigration globale permanente sur la base de qualifications permanentes de longue durée pour nos immigrants.

M. Derraji : Merci. J'aimerais bien vous entendre par rapport au test des valeurs. Et ce matin nous avons eu un chercheur qui, lui, ramenait une nouvelle façon de voir... que lui, en tant qu'immigrant qui est venu au Québec en 1990 ou, en tout cas, dans les années 90, il a plus évolué avec la société. Il nous disait... il nommait des noms de familles avec qui il a évolué. Selon vous, est-ce que le gouvernement, avec la démarche, avec l'orientation qu'il propose, s'en va vraiment vers une bonne direction avec son test des valeurs?

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Bien, pour moi, ce n'est pas la bonne tangente et, pour moi, je trouve que ce que ça insinue, c'est que les valeurs ne sont pas bonnes. Si on a besoin d'un test, c'est parce que le message qu'on envoie, c'est que probablement que les valeurs que vous avez en ce moment... ou on a un doute que les valeurs que vous avez en ce moment correspondent aux nôtres. Alors, pour moi, c'est comme si on envoyait un message aux immigrants qu'on présume qu'ils ne respectent pas ces valeurs. Pour moi, ce n'est pas tout à fait le bon fonctionnement.

Quand on signe une déclaration d'engagement dans un certificat de sélection du Québec, on s'engage à respecter l'égalité hommes-femmes, on signe sur l'honneur. On s'engage à respecter la neutralité de l'État, on s'engage à une société libre et démocratique, à un État de droit, on fait cet engagement-là envers le Québec déjà, et c'est des choses qui est pris très au sérieux, où le demandeur, chacun des candidats signe sa déclaration, et envoie, et fait cette promesse-là et cet engagement-là envers le gouvernement du Québec. C'est quelque chose qui est très solennel pour nos clients, nos clientes, et c'est quelque chose qui est très respecté et qu'ils comprennent très bien. Et, pour moi, de dire qu'on a besoin de les tester par la suite, ces valeurs-là, ça insinue qu'il y a un problème, et ce problème-là, pour moi, n'a pas été démontré. Pour moi, on ne m'a pas démontré qu'il y avait un problème avec les valeurs des nouveaux arrivants. Et donc pourquoi créer un test, alors que, manifestement, je ne vois pas la problématique actuelle ni à venir sur les valeurs? Au contraire, je pense que ces gens-là qui choisissent le Québec adoptent, et respectent, et entérinent nos valeurs, et je pense que c'est plutôt ce message-là qu'on devrait leur envoyer.

La Présidente (Mme Chassé) : Il reste une minute au bloc d'échange.

M. Derraji : Je veux vous ramener, très rapidement, pas sur les 18 000 dossiers, mais ce qui a été ajouté, les 3 000 qui résident ici, au Québec. Avez-vous de l'écho par rapport à leurs dossiers?

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Bien, ces gens-là ont, pour la plupart, fait une déclaration d'intérêt dans Arrima et, pour l'instant, ils n'ont pas été invités, à moins d'avoir une... une offre d'emploi validée, pardon.

M. Derraji : O.K., excusez, je veux juste comprendre, parce qu'au projet de loi n° 9 on s'est engagés à ce que ces gens régulent leur situation rapidement, donc, dans la plateforme. Donc, est-ce que vous êtes en train de dire qu'ils ont appliqué dans Arrima et il n'y a aucun CSQ qui a été envoyé? Est-ce que c'est ça que vous semblez dire?

La Présidente (Mme Chassé) : En concluant.

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Je vais vous le dire clairement : Depuis l'adoption d'urgence du p.l. n° 9 le 14 juin, il n'y a pas eu de certificat de sélection émis dans le programme régulier. Dans le programme régulier, il n'y a pas de sélection, aucune en deux mois. Alors, ça répond à votre question.

M. Derraji : C'est préoccupant.

La Présidente (Mme Chassé) : Je te remercie... je vous remercie, pardon. Ça termine le bloc d'échange avec le parti formant l'opposition officielle. Nous passons maintenant à la seconde opposition. M. le député de Laurier-Dorion, la parole est à vous.

M. Fontecilla : Merci. M. Cliche, Mme Tardif, M. Ho Sung Kim, bienvenue à l'Assemblée nationale. Peut-être juste une petite question d'éclaircissement. Les travailleurs temporaires dans le domaine agricole, qui sont obligés de travailler pour un seul employeur, là, est-ce qu'ils sont admissibles à une demande de résidence permanente?

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Pas à ma connaissance. Ce n'est pas mon domaine de pratique précis, mais...

M. Fontecilla : En tout cas, pour ce secteur-là, ce n'est pas... O.K., pas à votre connaissance.

M. Kim (Ho Sung) : Bien, je pense qu'au niveau des compétences, oui, mais je pense que la durée du permis de travail n'est pas plus que 12 mois, donc il ne se qualifiera pas au PEQ.

M. Fontecilla : Donc, c'est des gens qui sont condamnés à revenir au Canada puis partir, etc., sans jamais pouvoir aspirer à devenir résidents permanents.

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Alors, s'ils réussissent à se déclarer dans Arrima et s'ils ont des diplômes, ce qui, on devine, va être difficile, on va se dire la vérité, parce qu'habituellement quand on est travailleur agricole on n'a pas un bac en ingénierie, la vérité, je pense que ça va être très, très, très difficile, et effectivement on se retrouve dans un cercle où on ne deviendra pas résident.

• (14 h 40) •

M. Fontecilla : Et je voudrais vous amener du côté des quotas concernant les réfugiés. On a entendu ce matin le haut-commissaire des Nations unies au Canada pour les réfugiés et, d'un côté, il avait... il mettait l'emphase sur l'apport économique, au-delà de la question humanitaire, de ces personnes-là, et, d'autre part, on entendait un discours comme quoi on paie quand même beaucoup, ça nous coûte cher, là. Dites-moi, la baisse qui est prévue, là, vous l'avez mentionné, là, dans la politique, des cibles d'immigration, est-ce que, selon vous, ça fait... non seulement, en fait, ça n'honore pas la politique d'hospitalité, la tradition d'hospitalité du Québec, là, en matière d'accueil humanitaire, mais aussi, ça pourrait constituer une... ça pourrait nuire à l'économie du Québec à long terme?

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Bien, le quota, ce qu'il va créer, parce que le Québec n'a pas une capacité de sélection, c'est... il n'y a pas une commission de l'immigration au Québec, là, c'est vraiment une commission fédérale, c'est la Convention de 1951 sur les réfugiés qui détermine, avec une commission fédérale... qui va déterminer si vous avez le statut ou non. Du moment où vous avez le statut, puis ça, c'est décidé par le fédéral, vous appliquez sur la résidence, et là le Québec va délivrer un CSQ. La question, c'est : C'est quoi, les délais pour que le Québec vous émette le CSQ? Et, si vous avez le quota, si le quota est déjà rempli, bien là, on va perdre du temps, en fait. Et là où l'élément est vraiment problématique, c'est au niveau humain...

La Présidente (Mme Chassé) : En conclusion.

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : ...au niveau de permettre aux familles d'être ensemble le plus rapidement possible. Alors, à moyen terme, c'est sûr que ça peut faire très mal à des familles qui ne sont pas réunies.

La Présidente (Mme Chassé) : C'est très bien. Ça conclut le bloc d'échange avec la seconde opposition. Nous passons maintenant au groupe formant la troisième opposition. Mme la députée de Gaspé, la parole est à vous.

Mme Perry Mélançon : Merci. Bonjour, bon après-midi, heureuse de votre présence dans le cadre de cette consultation.

Je vais rentrer dans le vif du sujet concernant le programme PTET. Vous avez mentionné, bon, que c'est un processus très lourd et coûteux, administrativement. C'est vrai, j'ai parlé à plusieurs employeurs de ma région, puis, pour 38 employés, par exemple, ça peut se chiffrer à 250 000 $ et c'est à refaire chaque année. Donc, moi, ça me paraît catastrophique quand j'entends des chiffres comme ça. Comment est-ce qu'on arrive à réduire les coûts, administrativement? Est-ce que c'est l'État qui doit s'en charger? Comment est-ce qu'on peut alléger le fardeau financier pour les employeurs?

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Bien, il y a certainement une discussion ou... je suis certain qu'il y en a, des discussions déjà avec le gouvernement fédéral pour accélérer le programme. Le programme d'EIMT est particulièrement plus long au Québec que dans d'autres provinces, et les autres provinces ont beaucoup de programmes accélérés, en 10 jours, des procédures d'urgence qui n'existent pas au Québec. Alors, c'est certain que le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec vont pouvoir se parler puis trouver des solutions pour accélérer.

Mais le Québec a aussi d'autres options, dans la mesure où, quand on sélectionne quelqu'un à l'étranger, cette personne-là ne peut pas venir avant l'obtention de sa résidence permanente, c'est-à-dire ne pourra pas venir avant 18 mois, un an, alors que, dans toutes les autres provinces du Québec... du Canada, pardon, du moment où on a une sélection par les provinces, on peut venir tout de suite avec un permis de travail quand on a une offre d'emploi. Et ça, c'est dans toutes les autres provinces, et je me demande vraiment pourquoi le Québec ne fait pas cette demande-là au fédéral, qu'il accepte pour toutes les autres provinces, ce qui veut dire que du moment où on choisirait un immigrant à l'étranger, on le sélectionnerait, on pourrait le faire venir tout de suite sur un permis de travail, ce qui réglerait beaucoup de la pénurie.

Mme Perry Mélançon : Merci. Vous avez parlé, bon, de l'ajout de bureaux d'immigration du Québec, que vous accueillez favorablement, je crois, à l'international, là. Est-ce que vous avez des attentes particulières? Comment on peut améliorer la gestion de ces bureaux d'immigration du Québec?

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Bien, pour moi, il va y avoir... la première chose à l'international, c'est une confiance à rétablir. Pour moi, l'adoption du projet de loi n° 9 a fait mal au Québec, a fait mal à l'image du Québec, et la suspension du PEQ, en ce moment, à l'étranger continue de faire mal à l'image du Québec. Alors, il va devoir y avoir un rétablissement de confiance, peut-être un mea culpa, peut-être des excuses officielles pour avoir fait perdre beaucoup d'années et d'argent à des familles. Pour moi, ça, c'est troublant, puis les bureaux à l'étranger vont devoir travailler fort pour rétablir la confiance. On n'a pas entendu le premier ministre ni le ministre faire des excuses dans l'adoption du p.l. n° 9 à des dizaines de milliers de familles...

La Présidente (Mme Chassé) : Je vous invite à conclure.

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : ...et, pour moi, ça pourrait commencer par là avant de rétablir l'image du Québec à l'étranger.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends momentanément les travaux pour permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 14 h 44)

(Reprise à 14 h 45)

La Présidente (Mme Chassé) : Bon retour. Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants des Manufacturiers et exportateurs du Québec. Simplement mentionner qu'on a... La dernière fois qu'on s'est rencontrées... Votre nom, c'est... attendez, votre nom, c'est?

Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ)

Mme Proulx (Véronique) : Véronique Proulx.

La Présidente (Mme Chassé) : Véronique Proulx. Vous pesiez quelques livres de plus puis... Elle s'est lestée de ses quelques livres, et elles sont entre les mains de sa maman, hein? Vous étiez magnifique et vous l'êtes encore aujourd'hui.

Mme Proulx (Véronique) : Merci, c'est gentil.

La Présidente (Mme Chassé) : C'est un plaisir de vous retrouver, vraiment. Alors, vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. À une minute de la fin, je vais vous inviter à conclure par un signe. Et débutez par, tout d'abord, vous présenter. Allez-y.

Mme Proulx (Véronique) : Oui, bien sûr. Alors, Véronique Proulx, présidente-directrice générale de Manufacturiers et exportateurs du Québec. Je suis avec mon collègue Giany Huyghues-Despointes, qui est coordonnateur aux métiers manufacturiers, qui est vraiment le spécialiste de la main-d'oeuvre au sein de notre association.

Alors, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, merci de nous donner l'opportunité de venir présenter notre mémoire aujourd'hui. Je me permets de vous en faire une synthèse et pas nécessairement dans l'ordre présenté dans le mémoire, mais on pourra par la suite, pendant la période d'échange, revenir sur certains points si vous le souhaitez.

Alors, dans un premier temps, pénurie de main-d'oeuvre, quel est l'impact de la pénurie de main-d'oeuvre sur le secteur manufacturier au Québec? Vous le savez, c'est l'enjeu numéro un du secteur manufacturier. Au premier trimestre de 2019, on comptait plus de 16 000 postes vacants dans le secteur. 60 % de ces postes vacants là requièrent un secondaire V et moins, 40 %, c'est un D.E.C. ou un D.E.P., donc on parle de métiers techniques. La pénurie est présente chez tous nos membres dans les différentes régions du Québec, dans les entreprises de toutes tailles, toutefois l'impact qu'elle prend est très différent. Alors, je vous donne quelques exemples. J'ai un membre qui est dans le Centre-du-Québec, qui a 600 employés, qui refuse des commandes à chaque semaine, à chaque mois faute d'avoir la main-d'oeuvre nécessaire. Donc, on n'est pas dans la croissance, on n'est pas dans la consolidation, on est vraiment en train de perdre des parts de marché. Nous avons un autre membre sur la Rive-Sud de Montréal, 750 employés, il doit maintenant sous-traiter certaines tâches qui étaient faites à l'interne. Pourquoi? Parce qu'il n'y a pas la main-d'oeuvre nécessaire. Tout ça lui coûte 1 million de plus par année. C'est une entreprise qui est dans un secteur qui est très compétitif, les marges sont faibles, donc, nécessairement, ça nuit à sa compétitivité. Je peux également vous citer le cas de Rotobec, en Montérégie, qui avait fait une entrevue à Radio-Can et qui avait mentionné qu'ils s'implantaient aux États-Unis et non au Québec parce qu'ils n'avaient pas accès à la main-d'oeuvre nécessaire, donc, et nécessairement, là, on perd des investissements qui auraient pu se faire au Québec. On comprend que la pénurie est un important frein à la croissance du secteur manufacturier. Dans ce contexte-là et à partir de ces données-là, ma présentation va porter essentiellement sur trois points : les seuils, la grille de sélection et l'intégration des immigrants.

Les seuils. Alors, les données démontrent clairement que le bassin de travailleurs n'est pas suffisamment grand pour répondre aux besoins du secteur manufacturier. Ce n'est pas nécessairement une question d'attractivité ou de salaire, particulièrement dans ce secteur-là, les entreprises rémunèrent quand même bien leurs employés par rapport à d'autres secteurs d'activité. Essentiellement, c'est qu'il n'y a pas suffisamment de gens, et dans le secteur manufacturier, c'est très difficile d'aller chercher les clientèles éloignées du marché du travail. On a parlé beaucoup des travailleurs expérimentés, on a parlé des jeunes, on a parlé des gens qui ont certains handicaps, difficile de les intégrer dans des chaînes de montage, et c'est pourquoi, pour le secteur manufacturier, l'immigration est vraiment la voie privilégiée. Et, compte tenu des données que l'on voit, que l'on constate, pour nous, il faut augmenter les seuils. Qu'en est-il du nombre? Alors, on va se rallier à nos nombreux collègues de la communauté d'affaires qui ont fait des présentations ici, qui ont invoqué le seuil de 60 000, qui serait un seuil souhaitable pour tous les secteurs d'activité.

Maintenant, les seuils, c'est une chose, il faut aussi avoir une grille de sélection qui permet de favoriser l'immigration dans le secteur manufacturier. Il y a trois points sur lesquels on doit travailler si on veut vraiment attirer davantage d'immigration permanente qui a un intérêt, une volonté de travailler dans le secteur. Le premier, c'est le français. Alors, actuellement, on demande un niveau 7 dans la grille de sélection, on propose de le baisser. Pourquoi? Parce qu'un travailleur qui arrive, un immigrant qui arrive de l'Asie, des Philippines ou de l'Amérique latine, en partant, sera disqualifié s'il souhaite passer par l'immigration permanente. Or, beaucoup de ces travailleurs-là de l'Asie et de l'Amérique latine passent par le PTET, le programme des travailleurs temporaires étrangers, travaillent dans le secteur manufacturier au Québec. Si on abaissait le niveau un peu, si on leur permettait... on leur donnait plus de temps pour apprendre le français, ce sont des gens qui souhaiteraient... et qui pourraient passer via l'immigration permanente et poursuivre leur carrière dans le secteur manufacturier. On ne dit pas que le français n'est pas important, au contraire, on parle de rabaisser un peu le niveau, parce que le niveau est quand même excessivement élevé, leur donner plus de temps, plus de moyens pour pouvoir l'apprendre.

• (14 h 50) •

Deuxième point, reconnaissance des compétences versus les diplômes. Alors, ce qu'on propose, c'est une reconnaissance par compétences. Présentement, dans la grille, il n'y a pas d'espace où on peut... il n'y a pas de critères qui nous permettent de reconnaître les compétences que les gens ont acquises à l'étranger dans le secteur manufacturier. Un immigrant qui a travaillé cinq ans, 10 ans dans une entreprise manufacturière, qui a fait de la soudure, de la mécanique, toutes sortes de tâches, il a la connaissance, il a la compétence et il a l'intérêt aussi de venir travailler dans le secteur. Alors, pour nous, c'est un élément qui devrait s'y retrouver, encore une fois, pour favoriser l'immigration pour le secteur.

Le dernier, et non le moindre, c'est le niveau de scolarisation. Et je vous rappelle, 60 % des postes vacants requièrent un secondaire V et moins. Présentement, quelqu'un qui n'a pas de diplôme de secondaire V n'aura pas de points dans la grille au niveau de la diplomation. Encore une fois, on comprend pourquoi cette grille-là existe et pourquoi on veut donner plus de points plus le diplôme professionnel est élevé, mais, si on veut pouvoir répondre aux besoins du secteur manufacturier, on propose de revoir cette pondération-là, de permettre à des gens qui ont peut-être une moins forte diplomation mais qui ont des compétences de pouvoir se qualifier plus facilement via l'immigration permanente et — je vais revenir par la suite — on propose aussi d'accompagner et de former ces gens-là pour assurer leur mobilité une fois qu'ils arrivent au Québec.

Alors, ça m'amène au troisième point, l'intégration, et non le moindre. Alors, c'est bien de faire venir plus de gens, de pouvoir revoir les critères de sélection pour répondre aux besoins du marché du travail dans le manufacturier, mais il faut également les intégrer. On a parlé de francisation, et le gouvernement a fait plusieurs annonces récemment en ce sens, et ça a été bienvenu dans notre secteur. Spécifiquement, sur la francisation, on propose essentiellement d'élargir et de rendre plus flexible l'offre de formation autant pour le travailleur que pour l'entreprise. Alors, on a des entreprises qui nous disent : Une PME en région, 50 employés, moi, j'ai deux personnes que j'ai besoin de mettre en francisation, si je vais voir le ministère de l'Éducation, on me dit que ça prend une cohorte de 10, donc je n'ai pas accès aux subventions. J'ai besoin de 10 personnes, puis ils doivent être d'un niveau similaire aussi. Donc, je n'ai pas de moyens pour pouvoir former ces gens-là en entreprise. Et j'aurai plusieurs autres suggestions que je pourrai vous faire par la suite, mais essentiellement, c'est la notion de flexibilité qu'on demande.

Capacité d'accueil en région. Encore une fois, c'est une chose d'amener les gens ici, de les amener en région, qu'ils trouvent un emploi, mais il y a toute la question de l'intégration, donc infrastructures. Où est-ce qu'ils vont habiter? Quelles écoles leurs enfants vont aller? Est-ce qu'il y a du transport, un emploi pour le conjoint? Et présentement il n'y a pas de leadership au niveau de l'écosystème régional. Pour nous, l'intégration en région, ça se fait via les organismes régionaux. Mais on demande au gouvernement d'identifier avec les régions un partenaire qui peut assurer ce leadership-là, que ce soient les municipalités, les CRPMT, il y a plusieurs organes qui existent, et ça peut être à géométrie variable, mais l'idée, c'est d'en avoir un par région pour amener l'écosystème à travailler ensemble au bénéfice du travailleur et de l'entreprise.

Et finalement, et non le moindre, la formation en continu. Donc, on disait : Ce serait intéressant de faire venir des gens qui ont peut-être un moins grand... un niveau de diplomation plus faible, pardon, mais il faut aussi leur offrir de la formation en continu. Dans le secteur manufacturier, on parle beaucoup du PAMT, qui est un programme d'accompagnement. Essentiellement, on prend un travailleur expérimenté avec quelqu'un qui vient d'arriver et on le forme sur le plancher. Donc, les gens qui arrivent, qui sont issus de l'immigration, qui n'ont pas un haut taux de diplomation ou des gens qui arrivent avec des métiers très techniques, est-ce qu'on pourrait leur offrir systématiquement le PAMT pour s'assurer de les former, d'augmenter leur mobilité? Et, on le sait, dans le secteur manufacturier... dans tous les secteurs, en fait, d'ici 10 ans, 30 % des postes seront fortement transformés, seront complètement changés, donc nos travailleurs doivent être capables d'évoluer, de suivre l'évolution technologique. Et on parle d'industrie 4.0, il va y avoir beaucoup de changements à venir dans le secteur manufacturier, et on veut s'assurer de la mobilité de ces travailleurs-là, s'assurer qu'ils soient capables de contribuer au succès des entreprises, et ça sera gagnant, encore une fois, autant pour les travailleurs que pour les employeurs.

Donc, en conclusion, on souhaite que le gouvernement revoie ses seuils à la hausse. On souhaite revoir la grille de sélection au niveau des trois critères que l'on a mentionnés pour favoriser une main-d'oeuvre manufacturière. La grille telle qu'elle est présentement ne permet pas au secteur manufacturier à espérer que l'immigration permanente puisse pallier en partie ses besoins. Et finalement on demande de travailler encore davantage au niveau de l'intégration pour faciliter, favoriser l'intégration, l'intégration au sein des entreprises manufacturières. Alors, je vous remercie. Ça me fera plaisir d'échanger avec vous pour la suite.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci à vous. Mme Proulx, pouvez-vous m'aider à me dire comment je prononce le nom de famille de votre collègue?

Mme Proulx (Véronique) : Giany Huyghues-Despointes.

La Présidente (Mme Chassé) : Huyghues-Despointes? Aussi simple que ça?

Mme Proulx (Véronique) : Oui, exactement.

La Présidente (Mme Chassé) : Très bien. C'est plus compliqué au niveau de l'écrit que de la prononciation. Merci de l'éclairage.

Alors, je passe maintenant la parole au ministre pour le bloc d'échange avec le parti formant le gouvernement. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Mme Proulx, M. Huyghues-Despointes, bonjour, merci d'être présents en commission pour nous présenter votre mémoire.

Dans une de vos recommandations sur laquelle vous être revenue, vous dites : Au niveau de la grille de sélection, ça ne favorise pas le manufacturier. Dans l'ancien système, avec l'ancienne grille, avec la grille, on se retrouvait dans une situation où c'est vrai que, si vous aviez un doctorat, une maîtrise, un bac, bien, votre pointage était plus élevé. Par contre, avec le nouveau système, avec Arrima, ce qu'on souhaite faire, c'est en fonction des besoins du marché du travail. Donc, si on invite des gens qui travaillent dans votre industrie, bien, ils vont être sélectionnés en fonction de leurs compétences, de leur champ de travail professionnel, et ensuite la grille s'applique. Mais ce que je veux dire, à la base, si l'invitation porte là-dessus, dans ce secteur-là, vous vous retrouvez dans une situation où vous n'êtes pas en compétition avec les autres secteurs. Donc, ça, c'est la beauté d'Arrima, de faire en sorte qu'en fonction de la pénurie de main-d'oeuvre dans les différents secteurs on peut inviter en fonction des différentes régions aussi.

Là, la grille de sélection aussi, il y a des améliorations à apporter, mais c'est sûr que, vu qu'on change de système, ce n'est plus la même logique en fonction de l'utilisation de la grille de sélection. Donc, ça fait en sorte que vous n'allez pas être pris dans la même situation que c'était le cas dans le passé avec le premier arrivé, premier servi, basé sur le nombre d'années d'études, principalement, qui donnait un nombre de points fort important dans la grille de sélection.

Ça fait que c'était juste pour mettre la table, là, pour les fins de la discussion, pour orienter, parce qu'on est bien conscients que, justement, l'ancienne grille et l'ancienne méthode de sélection faisaient en sorte que ça ne répondait pas nécessairement aux besoins du marché du travail. Donc, c'est pour ça qu'on est allés dans ce sens-là, là, entre autres, et que, par ailleurs, il était nécessaire de rembourser les 18 000 dossiers pour faire en sorte de pouvoir justement répondre aux besoins des différentes entreprises.

Au niveau de la régionalisation, vos membres, est-ce qu'ils font appel beaucoup aux travailleurs étrangers temporaires?

Mme Proulx (Véronique) : De plus en plus, de plus en plus.

M. Jolin-Barrette : Vous diriez à hauteur de quel volume environ?

Mme Proulx (Véronique) : Je vous dirais... j'ai envie de vous dire...

M. Huyghues-Despointes (Giany) : ...

Mme Proulx (Véronique) : Moi, j'irais jusqu'à 30 %. 30 %, pas en termes de nombre d'employés, mais 30 % des entreprises qui appliquent sur le PTET.

M. Jolin-Barrette : O.K. Et puis j'imagine qu'ils ont des récriminations par rapport à la durée de temps puis par rapport au nombre de personnes qu'on peut avoir dans le Programme de travailleurs étrangers temporaires.

Mme Proulx (Véronique) : Bien sûr, bien sûr, bien sûr, et plusieurs autres.

M. Jolin-Barrette : O.K. Ça, c'est quelque chose qui me préoccupe grandement, puis on travaille vraiment pour avoir un assouplissement au niveau du Programme des travailleurs étrangers temporaires, parce que, justement, ça peut être une solution pour répondre à la pénurie de main-d'oeuvre. Et par la suite ces personnes-là peuvent être permanentisées par le biais du Programme régulier des travailleurs qualifiés, mais l'important, c'est de répondre tout de suite aux besoins du marché du travail. Donc, là-dessus, sachez que je suis très préoccupé relativement au fait qu'il y a certains délais et qu'il y a un plafond aussi associé à l'utilisation de ce programme.

Mais revenons sur la régionalisation. Est-ce que c'est difficile pour vos membres d'aller chercher des gens pour s'établir en région?

Mme Proulx (Véronique) : Si c'est difficile de les amener en région?

M. Jolin-Barrette : Oui.

Mme Proulx (Véronique) : Absolument, absolument. Donc, on travaille avec certaines entreprises pour les aider à identifier des candidats qui sont basés à Montréal, parce qu'il y a un taux de chômage quand même qui est plus élevé à Montréal au niveau des gens issus de l'immigration depuis moins de cinq ans, difficile, ils rencontrent plusieurs freins. Les gens se sont installés, ils ont leur vie, leur appartement, etc., donc il y a toute la notion de déménagement, de déplacement.

Il y a aussi la notion d'infrastructures d'accueil. J'ai souvent cité le cas d'une entreprise, dans les Cantons-de-l'Est, qui est à 1 h 30 min de Montréal. Autour d'elle, il y a un tout petit village, donc il n'y a pas d'appartements, il n'y a pas de transport en commun. C'est très, très difficile d'amener les gens pour s'établir là-bas, alors que l'entreprise, c'est ce qu'elle souhaite, elle est prête à offrir des bonnes conditions. L'infrastructure d'accueil n'est pas là, et c'est très similaire dans plusieurs régions du Québec.

M. Jolin-Barrette : Puis qu'est-ce que vous pensez qu'on peut faire pour améliorer ça?

• (15 heures) •

Mme Proulx (Véronique) : Bien, on voit, dans certaines... il y a eu certains cas à succès, O.K., certaines entreprises qui ont réussi, qui ont mobilisé les intervenants, notamment l'entreprise Exceldor, qui est basée à Saint-Anselme, à l'extérieur de Québec. Alors, ce qu'elle a fait... c'est une grande entreprise, là, donc elle a fait venir 200 travailleurs issus de l'immigration basés à Montréal et leurs familles, elle les a amenés à Saint-Anselme, mais elle a pris l'initiative de rallier tous les partenaires, donc commissions scolaires, les syndicats, la municipalité, pour être capable d'avoir une offre de services complète à offrir à ces gens-là, d'être capable de les intégrer.

Maintenant, Exceldor, c'est une grande entreprise, ce n'est pas nécessairement à la portée de toutes les entreprises ou de toutes les PME. Et c'est pourquoi on se dit : Est-ce qu'on peut prendre les modèles à succès au Québec — parce qu'il y en a eu d'autres, je pense, en Abitibi — et de voir comment on peut répliquer ça, mais en travaillant avec les acteurs régionaux, parce que je ne pense pas qu'il y ait un modèle qui va faire partout, mais en travaillant avec les instances régionales? Mais présentement, ce qu'on voit, c'est qu'il n'y a pas de leadership clair dans les régions pour dire : O.K., c'est qui, le porteur, et c'est qui qui rallie les gens, puis c'est qui qui fait en sorte qu'on va avoir une offre pour les gens qui viennent s'installer dans notre région?

M. Jolin-Barrette : Tout à l'heure, vous abordiez la question de la francisation. Comment est-ce que vous voyez ça, la francisation en entreprise? Parce que, là, le ministère a annoncé des sommes supplémentaires en matière de francisation, une bonification, une allocation. Tout à l'heure, préalablement à votre passage, on a eu la FTQ qui disait : Bien, écoutez, nous, on veut franciser directement en entreprise, on veut que les entreprises utilisent davantage les subventions disponibles. Comment vous voyez ça, là, la francisation en entreprise? Est-ce que vous pensez que c'est préférable de libérer les gens pour qu'ils aillent suivre des cours avec le ministère, avec les commissions scolaires ou de faire la francisation directement en entreprise?

Mme Proulx (Véronique) : En entreprise, parce que parfois les gens, justement, n'ont pas de moyen de transport, donc difficile de se rendre à l'extérieur. Après ça, c'est la question est-ce qu'on le fait sur les heures de travail ou pas. C'est clair que, dans un contexte de pénurie, pour certaines entreprises, ça devient très difficile de libérer des gens pour de la formation, que ça soit de la francisation ou autre, c'est un défi. Mais je pense qu'à prime abord ça devrait se faire en entreprise, mais avec plus de flexibilité au niveau des groupes. Et je pense que j'en avais parlé au p.l. n° 9 aussi, de dire : Est-ce qu'on peut regarder d'autres moyens? Est-ce qu'on peut utiliser des plateformes technologiques, de l'apprentissage en ligne plutôt que de toujours passer par le même modèle de : on a un groupe x avec un professeur qui se déplace puis on fait la formation? Je pense qu'il faut être plus créatifs dans l'offre que l'on fait pour pouvoir s'adapter à la réalité du travailleur et de l'entreprise également.

M. Jolin-Barrette : Mais déjà, en fait, dès l'étranger, le ministère de l'Immigration donne des cours de francisation en ligne qui sont disponibles. Mais, si on revient à la francisation en entreprise, là, parce qu'on entend les deux côtés, vous, vous dites : Écoutez, c'est sûr qu'une entreprise ne peut pas se permettre de perdre des heures de travail, supposons, dans une semaine régulière pour faire de la francisation, donc on est prêts à faire de la francisation, mais en dehors des heures. La FTQ disait tantôt : Écoutez, déjà, c'est difficile, tu sais, si vous travaillez puis, après les heures de travail, vous devez suivre votre cours de francisation. Comment est-ce qu'on réconcilie tout ça, là? Parce qu'objectivement on souhaite que tout le monde puisse apprendre le français rapidement. Mais là, d'un côté, vous, vous dites : Bien, il ne faut pas que ce soit durant les heures de travail, la FTQ dit : Ça doit être durant les heures de travail. Comment on réconcilie ça?

Mme Proulx (Véronique) : En fait, je ne dis pas que ça doit absolument ne pas être pendant les heures de travail, je pense que c'est très variable, à l'image du tissu industriel du Québec. Donc, il y a certaines entreprises qui ont la capacité, qui peuvent se le permettre, et dans d'autres cas, je pense notamment aux PME, c'est beaucoup plus difficile. Alors, je ne réponds pas clairement à votre question, mais je pense qu'il faut avoir cette flexibilité-là, au même titre que les entreprises n'ont pas la même réalité.

M. Jolin-Barrette : O.K. Je vous remercie. Je sais que j'ai des collègues qui veulent poser des questions. Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : La députée de Les Plaines désire prendre la parole. Allez-y, vous avez sept minutes.

Mme Lecours (Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. J'avais des questions par rapport au français, là, mais vous avez répondu. Par ailleurs, dans la partie de votre mémoire où, à juste titre, vous mentionnez qu'immigration et intégration vont de pair, évidemment, on le sait, il faut que... c'est la clé du succès, vous mentionnez d'autres irritants que ceux dont on vient de parler, et il y en a quelques-uns que... Bon, on le sait, il y a des solutions, différents groupes en ont apportées, mais il y en a d'autres que vous soulevez que j'aimerais vous entendre parler encore plus. Vous parlez des exigences administratives, vous parlez également des minorités visibles racisées. J'aimerais ça vous entendre un petit peu plus sur des points qui n'ont pas nécessairement été soulevés par tout le monde, mais que vous vivez chez des manufacturiers.

Mme Proulx (Véronique) : En fait, peut-être une précision, le rapport qui a été produit par le CCPI, qui est sous le parapluie de la Commission des partenaires du marché du travail, identifie les freins à l'intégration des immigrants.

Maintenant, du côté du secteur manufacturier, je ne peux pas vous répondre, par exemple, par rapport aux minorités racisées parce que je n'ai pas cette information-là ou ce contenu-là à vous apporter, c'est plutôt une réalité qui nous a été apportée du côté des travailleurs. Mais je vous dirais que, encore une fois, quand on travaille bien au niveau de l'intégration en région et qu'on a plusieurs organismes, les organismes communautaires, la ville, les employeurs, tout le monde travaille ensemble, on va favoriser l'intégration et atténuer l'ensemble de ces facteurs-là également au niveau des minorités racisées, mais ça prend vraiment un tout cohérent pour que les acteurs puissent travailler ensemble. Je vous donne un exemple concret : dans le cas d'Exceldor, de la formation a été offerte aux chefs de projets... aux chefs d'équipe, en fait, pour la gestion interculturelle, donc favoriser l'intégration des gens au sein de l'entreprise. Donc, c'est un exemple, au niveau des employeurs, qui a été fait pour entre autres atténuer cet aspect-là.

Mme Lecours (Les Plaines) : O.K. Et au niveau des exigences administratives, vous entendez quoi par là?

Mme Proulx (Véronique) : Giany, tu peux-tu?

M. Huyghues-Despointes (Giany) : Bien, au niveau des exigences administratives, c'est sûr que c'est excessivement complexe pour un employeur lorsqu'il emploie une personne qui vient de l'étranger. Tout l'aspect que Mme Proulx a évoqué relatif, justement, à sa francisation, à la gestion de la diversité culturelle, ça passe par un certain nombre de programmes qui existent aussi, par exemple le programme PRIIME, qui favorise l'inclusion des personnes immigrantes, mais c'est aussi beaucoup de gestion pour l'entreprise que de savoir à qui s'adresser pour faire la demande. Et parfois il y a aussi des délais, que l'on comprend, qui sont un petit peu plus difficiles à suivre pour l'entreprise. Alors, c'est sûr qu'une entreprise qui est éloignée des grands centres, qui se trouve en région va avoir beaucoup plus de difficultés à avoir accès à cette offre de services là en termes de connaissance de l'offre. Je ne parle pas tant d'avoir accès à un bureau de Services Québec, là, mais vraiment d'avoir cette connaissance-là. Donc, il y a un certain nombre de freins systémiques qui ne favorisent pas, pour les entreprises en région du Québec, l'intégration des personnes immigrantes.

Puis Mme Proulx évoquait tout à l'heure les... enfin, vous évoquiez, pardon, les personnes racisées. Les personnes racisées, les minorités ethniques en général, la difficulté au niveau des planchers de production, c'est souvent les biais ou les préjugés négatifs à l'égard de l'immigration qui sont à détruire. Mais là, je veux dire, on fait aussi poser sur l'entreprise et sur l'employeur une responsabilité qui ne devrait pas être d'avoir à gérer cette réalité de diversité culturelle. Donc, il faut leur donner les moyens et leur donner l'accès à des sources d'aide pour pouvoir pallier, justement, à ces difficultés-là qu'elles rencontrent. Je veux dire, elles ne sont pas des spécialistes des ressources humaines non plus. Toutes n'ont pas forcément, d'ailleurs, des services de ressources humaines qui peuvent travailler à cette gestion de la diversité culturelle, donc il faut leur donner accès à cela.

Mme Lecours (Les Plaines) : Bien, justement, c'est le problème de beaucoup de PME. Mais là vous représentez des manufacturiers. Est-ce que vous êtes en train de me dire que beaucoup de manufacturiers n'ont pas de département de ressources humaines? J'imagine que oui, là.

Mme Proulx (Véronique) : En fait, le secteur manufacturier, c'est 90 % des entreprises... En fait, il y a 23 000 entreprises au Québec, il y en a seulement 1 000 qui ont plus de 100 employés. Alors, on est vraiment dans une industrie de PME également, c'est la même réalité.

Mme Lecours (Les Plaines) : Je veux revenir à la régionalisation, parce que c'est au coeur aussi de la problématique de la main-d'oeuvre que... une grosse partie de la problématique qu'on vit. Vous avez mentionné que c'est difficile, notamment, ne serait-ce que pour loger des personnes dans certaines... Mais comment est-ce qu'on peut attirer et garder les gens en région, les immigrants en région? Est-ce que vous avez des suggestions à nous faire? Vous avez des membres qui sont partout en région.

Mme Proulx (Véronique) : Oui, oui, oui. On travaille, d'ailleurs, sur un projet, justement, qui vise à faire le pont entre les gens issus de l'immigration à Montréal et les entreprises en région, donc, dans un an, on sera capables de vous en parler encore plus. Mais je vous dirais que ce qu'on constate pour l'instant, souvent c'est le conjoint ou la conjointe qui décroche un emploi en région, donc la première chose, c'est : le conjoint ou la conjointe doit se trouver un emploi également, donc comment est-ce qu'on l'aide à trouver cet emploi-là? L'intégration des enfants au sein de la communauté, au sein de l'école, d'avoir accès à un logement, encore une fois, le transport en commun, si on est dans un emploi à plus faibles revenus, on n'aura pas nécessairement une voiture — si on est en région, ça prend une voiture — donc ce sont tous des facteurs qui font en sorte que c'est difficile de garder les gens en région. Et je rajouterais aussi le fait que lorsqu'on a une communauté multiculturelle qui s'installe en région — ça n'a pas nécessairement besoin d'être gens tous de la même région, du même pays ou des mêmes origines — ça favorise l'intégration dans la région, ça fait en sorte que les gens vont avoir envie de rester. Ils vont retrouver un peu d'eux-mêmes, finalement, dans cette région-là.

Mme Lecours (Les Plaines) : Dernier point, parce que c'est dans... au tout début, là, vous faites...

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste 1 min 30 s.

Mme Lecours (Les Plaines) : Une minute? Parlez-moi de l'importance, pour les manufacturiers, de l'immigration... de... Voyons, où est-ce que l'ai vu? Je m'excuse. C'est l'immigration...

Mme Proulx (Véronique) : Travailleurs...

Mme Lecours (Les Plaines) : ...des investisseurs, je m'excuse.

Mme Proulx (Véronique) : Ah! oui, tout à fait. Mais en fait ça...

Mme Lecours (Les Plaines) : Vous l'avez mentionné dans... je ne le vois plus.

• (15 h 10) •

Mme Proulx (Véronique) : Oui, absolument. En fait, les immigrants économiques, les immigrants investisseurs, de par les fonds qu'ils investissent, ça permet... de par les fonds qu'ils investissent, il y a un fonds qui s'appelle immigrants investisseurs, et les entreprises manufacturières peuvent y déposer des projets, et 80 % de ces programmes-là vont au secteur manufacturier, et ça permet de subventionner d'importants projets d'investissement au Québec. Et c'est un programme qui est très apprécié de la part des entreprises, ça permet de supporter leur investissement, et c'est pourquoi on demande de maintenir le niveau d'immigrants investisseurs, parce que ça finance indirectement plusieurs projets au Québec.

Mme Lecours (Les Plaines) : Est-ce que vous avez d'autres solutions que celle-là?

Mme Proulx (Véronique) : Que celui-là?

Mme Lecours (Les Plaines) : Oui.

La Présidente (Mme Chassé) : En conclusion.

Mme Proulx (Véronique) : Celui-là nous convient très bien, il est très apprécié.

Mme Lecours (Les Plaines) : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Très bien. Ça conclut le bloc d'échange avec le parti formant le gouvernement. Nous passons maintenant au parti formant l'opposition officielle. M. le député de Nelligan, vous débutez?

M. Derraji : Oui.

La Présidente (Mme Chassé) : Allez-y.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Mme Proulx, M. Despointes, bienvenue. Je veux juste prendre une petite seconde pour dire merci de prendre du temps de votre congé de maternité et venir nous parler. C'est très, très, très apprécié. Merci beaucoup. Je sais ce que c'est, je ne prétends pas...

Des voix : ...

M. Derraji : Laissez-moi terminer. Vous pouvez me laisser terminer, quand même. Bien, j'ai deux enfants et j'ai vécu ça avec ma femme, donc, pas forcément être enceinte pour pouvoir le sentir, bon. Donc, je sais ce que c'est, ma femme avait des équivalences à faire pour son... et donc je vous salue. Merci beaucoup de venir nous entretenir par rapport à...

La Présidente (Mme Chassé) : C'est très bien, on est fiers de vous.

M. Derraji : ...nous entretenir par rapport à la planification. Ça, ça t'arrange, ça, hein? Le ministre n'attend que ça, hein, de moi, il n'attend que ça de moi.

La Présidente (Mme Chassé) : C'est important. Vous êtes des modèles dans la matière.

M. Derraji : Ne me coupez ce temps, s'il vous plaît, madame.

La Présidente (Mme Chassé) : Je suis désolée.

M. Derraji : Non, ce n'est pas grave.

La Présidente (Mme Chassé) : Je valorisais.

M. Derraji : Oui, oui, mais il faut le dire, c'est du travail bénévole, les organisations qui viennent nous présenter leur point de vue, donc je tenais absolument à ouvrir cette petite parenthèse. Merci beaucoup.

Première question, je vais la commencer par la dernière question de ma collègue par rapport aux immigrants investisseurs. Vous avez souligné l'importance de ce programme parce qu'il finance beaucoup de choses, donc, que ce soit pour les PME, mais il finance un programme que votre collègue vient de dire, le programme PRIIME. Mais je tiens juste à vous le dire, parce que vous devez sensibiliser le ministère, on est à moins de 57 %, donc, par rapport aux objectifs qu'on avait l'habitude d'avoir dans les dernières années. Et nous avons reçu avant vous ces groupes spécialisés dans ce programme. Et nous, on sensibilise, de notre part, le gouvernement qu'il faut faire attention parce que, de facto, ça risque d'affecter les ressources allouées que ce soit au programme PRIIME ou au financement des bourses qu'on donnait aux PME. Même un groupe... je tiens à vous informer qu'un groupe nous a dit qu'ils reçoivent 10 demandes de subvention et ils sont capables de répondre à une seule. Donc, je tiens juste à clarifier ce point, parce que, si vous voulez continuer vos démarches au niveau du gouvernement qu'il doit revoir ses cibles, il y a une crainte par rapport à la pérennité du programme PRIIME. Donc, ça, c'est une petite information.

Deuxième question ou première question, plus : Avez-vous des recommandations par rapport au programme PRIIME? Je sais que le secteur manufacturier l'utilise pas mal aussi. S'il y a quelque chose à améliorer dans le programme PRIIME par rapport à l'inclusion des immigrants en bas de cinq ans au Québec, avez-vous des recommandations à faire?

Mme Proulx (Véronique) : Je vous dirais... et je vais laisser mon collègue poursuivre, mais je vous dirais qu'a priori c'est un programme qui est apprécié, qui est utilisé de la part du secteur manufacturier. Est-ce qu'il y a des améliorations à apporter?

M. Huyghues-Despointes (Giany) : La grosse amélioration, je vous dirais... je vous donnerais la réponse suivante : On peut avoir le meilleur produit du monde, si on ne communique pas et qu'on n'utilise pas les bons véhicules de communication, il ne parvient pas à la clientèle à laquelle on voudrait qu'il parvienne. Donc, fondamentalement, il y a énormément d'entreprises manufacturières qui ne connaissent pas le programme. Là, on parle d'entreprises qui sont en région, dont la plupart... une grande parte de nos membres sont en région, et c'est vraiment dans la... l'existence même de ce programme-là n'est pas connue des entreprises.

M. Derraji : O.K., oui, et surtout on parle de la régionalisation, parce que moi, j'essaie aussi de collaborer avec le MIDI. Donc, ce que vous êtes en train de dire est très important, c'est que le programme existe, les entreprises en région ne sont pas au courant de ce programme. Maintenant, on arrive à la solution. Est-ce que vous pensez que c'est le MIDI qui doit faire la promotion ou vous, que vous êtes en contact avec les entreprises?

Mme Proulx (Véronique) : Alors, je vous dirais qu'en tant que membre de la Commission des partenaires du marché du travail c'est clair qu'on souhaite faire partie de la solution et pouvoir communiquer cette information-là à nos membres. Est-ce que le MIDI doit le faire? Certainement, via les bureaux de Services Québec, via le réseau régional puis, je dirais même, via le MEI, etc. Je pense que tous les acteurs en région doivent en faire la promotion, et les... en tout cas, du moins notre association patronale, ça nous ferait plaisir de le faire. Je vous dirais, peut-être, je rajouterais un point sur l'amélioration : il y a le communiquer, donc faire savoir que ça existe, mais il y a aussi la perception qui peut venir avec. Si on arrive comme travailleur puis qu'on vient avec une subvention, il y a peut-être une connotation négative aussi. Ça fait que je pense qu'il y a un peu de communication à faire autour de ça pour que ce soit plus valorisé et valorisant.

M. Derraji : O.K. Merci beaucoup. Là, j'ai besoin de vous pour défaire un mythe. Le mythe, c'est que le patronat vient pour demander du cheap labor, ça veut dire que... vraiment de la main-d'oeuvre non qualifiée à bas salaire. Là, on fait face à ce mythe, mais je vous pose la question : Avez-vous fait des études par rapport à la moyenne salariale ou la nature des postes en pénurie dans votre secteur manufacturier?

Mme Proulx (Véronique) : À la moyenne salariale ou à... pardon?

M. Derraji : La nature des postes, donc les postes en pénurie...

Mme Proulx (Véronique) : Oui. Bien, en fait, quand on regarde, encore une fois...

M. Derraji : ...ou le taux horaire, ce qui vous semble faisable.

Mme Proulx (Véronique) : O.K. Bien, je vous dirais que, quand on regarde les postes vacants, les 16 000, 60 % requièrent un secondaire V et moins, 40 %, un D.E.C. ou une A.E.C., ce sont des métiers techniques, des métiers qui sont très bien payés.

Maintenant, quand on regarde là où il peut y avoir un préjugé, c'est sur ceux qui ne requièrent pas de diplomation, finalement. Ce sont souvent des postes d'entrée : journalier, commis. Les salaires varient en fonction des régions, mais ce sont aussi des postes, je vous dirais, qui sont appelés à se transformer, et c'est pourquoi on insiste autant sur le fait que ces gens-là, qu'ils soient issus de l'immigration ou non, soient accompagnés et formés, parce que, dans quelques années, on souhaite que les entreprises prennent le virage 4.0, qu'ils investissent davantage, ce seront des emplois qui vont demander davantage de connaissances. Maintenant, au niveau des salaires, Giany.

M. Huyghues-Despointes (Giany) : Oui. En fait, nous avons un comité main-d'oeuvre, au sein de Manufacturiers et exportateurs du Québec, qui réunit la petite, la moyenne et la grande entreprise. On a fait une étude, l'an dernier, concernant, justement, la moyenne des salaires pour les postes spécialisés et non spécialisés : 70 % des entreprises qui ont des travailleurs sur leur plancher qui sont des travailleurs spécialisés les rémunèrent tous au-dessus de 25 $ de l'heure, et pour les postes non spécialisés, ils sont tous au-dessus de 20 $ de l'heure, on n'a rien en bas pour les non spécialisés.

M. Derraji : O.K. Donc, présentement, vos besoins en termes de main-d'oeuvre, il n'y a rien en bas de 20 $.

M. Huyghues-Despointes (Giany) : Rien.

M. Derraji : Ça varie entre 20 $ et 25 $.

M. Huyghues-Despointes (Giany) : Et plus, et plus.

M. Derraji : Et plus, oui, on parle de... plus spécialisés, ça va augmenter. Excellent. Bon, merci pour la réponse.

Ça me ramène au contexte lui-même de la pénurie de main-d'oeuvre. Il y a deux écoles de pensée : du temporaire et du permanent. Première question : Pourquoi, selon vous, 30 % — je l'ai noté, à moins si je me trompe — de vos membres essaient de trouver la solution via le PTET comme solution à leur problématique de main-d'oeuvre?

Mme Proulx (Véronique) : Parce qu'il n'y a pas suffisamment de travailleurs au Québec pour répondre à leurs besoins.

M. Derraji : Donc, il n'y a pas assez de travailleurs au Québec, on utilise le PTET, mais on peut utiliser aussi d'autres programmes. Est-ce qu'il y a une raison du choix d'uniquement ce programme gouvernemental pour amener des travailleurs?

Mme Proulx (Véronique) : En fait, à part l'immigration permanente, le PTET, je ne suis pas certaine de voir quel autre programme auquel vous faites référence, mais je vous dirais que c'est le PTET... Présentement, il n'y a pas de solution, les entreprises se retrouvent devant un mur, on n'a personne... je n'ai personne pour être capable de répondre à mon client, à ma ligne de production. Donc, ils doivent rapidement trouver des solutions, et plusieurs d'entre eux disent : Il y a urgence, on y va, on va à l'étranger, on va aller chercher des travailleurs parce qu'ici il n'y a personne qui postule même sur nos emplois.

M. Derraji : Je comprends votre enjeu, c'est tout à fait vrai. Mais là on s'entend, c'est du temporaire.

Mme Proulx (Véronique) : Oui, absolument.

M. Derraji : Donc, l'incertitude pour l'entreprise reste là parce qu'ils doivent dealer avec changement de gouvernement, changement de loi, changer le temporaire en permanent. Pensez-vous que...

Mme Proulx (Véronique) : Oui, tout à fait, tout à fait, puis j'ai même des entreprises qui utilisent le PTET pour des emplois saisonniers. Et certaines d'entre elles... j'en ai une, entre autres, dans la grande région de Montréal, qui a plusieurs grands détaillants américains qui sont ses clients, bien, elle n'a pas pu livrer à temps. Les gens ne sont pas arrivés à temps sur le PTET — les délais sont parfois très longs — et elle a dû... elle n'a pas été capable de livrer, l'année d'après elle a perdu ce client-là. Alors, effectivement, ce n'est pas nécessairement une solution idéale.

M. Derraji : C'est triste de dire qu'au Québec, maintenant, on perd des contrats à cause qu'on n'a pas de la main-d'oeuvre. Ma dernière question avant de céder la parole à ma collègue : Pensez-vous que la solution, c'est plus aller vers les travailleurs réguliers permanents avec une modification de la grille et que c'est utopique aujourd'hui de dire que nos besoins sont du temporaire et que c'est ça, la solution? Parce qu'au fait on fait face à deux écoles de pensée. Il y a une école de pensée qui dit : Je vais aller mener la bataille avec Ottawa, programme travailleurs temporaires étrangers, pour vous ramener... et diminuer les délais pour amener et répondre à la crise de main-d'oeuvre. Il y a une autre école de pensée, qu'est-ce qu'elle dit? Au Québec, on peut changer la grille de sélection, répondre au marché du travail, mettre le tout dans Arrima et répondre adéquatement, d'une manière permanente, aux besoins et aux défis de la main-d'oeuvre. Vous allez choisir quelle option?

Mme Proulx (Véronique) : Je vais prendre un peu des deux. Alors, je vous dirais que l'immigration permanente est la voie à long terme, mais on doit modifier la grille, pour nous, c'est très clair. Et je comprends très bien qu'Arrima permet d'identifier les gens qui sont en... les métiers où il y a des déficits de... en fait, d'identifier les métiers où il y a une pénurie de main-d'oeuvre, mais néanmoins la grille doit être revue, et en parallèle le programme des travailleurs temporaires étrangers permet de répondre à court terme. Mais ça nous prend les deux mesures, mais, encore une fois, avec une modification au niveau de la grille sur le permanent.

M. Derraji : Donc, ici je peux dire que, dans la prochaine planification que le ministre et le ministère s'apprêtent à lancer au mois de novembre, vous vous attendez à voir un changement de grille de sélection, d'avoir plus de souplesse...

• (15 h 20) •

Mme Proulx (Véronique) : On souhaite avoir une hausse et un changement au niveau de la grille, effectivement.

M. Derraji : ...un changement, et vous vous attendez à avoir plus de souplesse au niveau du programme de la résidence permanente.

Mme Proulx (Véronique) : Tout à fait.

M. Derraji : O.K. Merci.

Le Président (M. Lévesque, Chauveau) : Merci, M. le député de Nelligan. Mme la députée de Fabre, il vous reste 1 min 15 s.

Mme Sauvé : Eh là là! Alors, merci, M. le Président. Bienvenue, merci beaucoup. Très rapidement, je vais vous demander... Vous avez parlé des PAMT, un programme auquel je crois beaucoup pour ceux qui n'ont pas de diplôme et qui n'ont pas... et qui ont besoin de reconnaissance de leurs compétences. Votre lecture... Parce que le PAMT suffisait au moment où on se trouvait il y a quelques années. Maintenant, avec la rareté de main-d'oeuvre, il faut bonifier, il faut valoriser, le programme est peu connu. Est-ce que vous pensez que la desserte des PAMT dans les régions du Québec suffit? Est-ce qu'il ne faudrait pas valoriser, financer davantage? Et est-ce qu'on a une diversité des métiers pour répondre aux besoins de PAMT?

Mme Proulx (Véronique) : Alors, la réponse, c'est oui, on a besoin de mieux le faire connaître pour qu'il soit plus utilisé, mais je dirais que ce n'est pas la seule solution. C'est celle qu'on a mise de l'avant, mais il faut donner de la flexibilité à l'employeur de mettre en place différents moyens qui sont à sa portée pour former les gens qui arrivent ou qui sont présents. Et on a d'ailleurs... on a été très innovants dans la dernière année pour proposer des projets de formation duale. Je pense qu'il ne faut pas rester fermés, mais le PAMT, pour répondre à votre question, oui, devrait être bonifié, devrait être davantage financé, mais également offrir d'autres moyens aux entreprises.

Le Président (M. Lévesque, Chauveau) : Merci beaucoup. Alors, ça conclut, malheureusement, les échanges avec l'opposition officielle. Maintenant, la parole est au deuxième groupe d'opposition, et je cède la parole à M. le député de Laurier-Dorion.

M. Fontecilla : Merci. Mme Proulx, M. Huyghues-Despointes, bienvenue à l'Assemblée nationale. Écoutez, j'entends votre propos, et pour la deuxième fois, vous faites beaucoup mention de la question de la création d'un écosystème pour attirer des gens en région, là. On entendait un autre intervenant, lors de ces consultations, qui nous disait, là — et je pense qu'il n'a pas tort, là : La tendance mondiale, là, c'est s'installer dans les grands centres urbains, O.K.? Donc, on est un peu... on va à... contre les courants. Et, dans ce sens-là, vous êtes une des rares... en fait, je pense que vous êtes la seule intervenante de la communauté des affaires, là, qui fait mention de la nécessité d'avoir des services en région, là. Est-ce qu'il ne faudrait pas aussi, ou surtout, avoir une politique de développement régional qui crée, justement, là, des communautés dynamiques, vivantes, etc., qui accueillent les personnes immigrantes et qui empêchent aussi que les personnes des régions s'en aillent, là? Parce qu'il y a beaucoup de gens des régions, des natifs qui s'en vont. Est-ce qu'il ne faudrait pas instaurer une politique de développement des régions, de revitalisation des régions?

Mme Proulx (Véronique) : De revitalisation des régions pour pouvoir attirer davantage les travailleurs?

M. Fontecilla : Tout à fait.

Mme Proulx (Véronique) : Écoutez, c'est une bonne question. C'est clair que, présentement, il y a une amélioration à apporter parce que les gens, autant les travailleurs que les employeurs, sont laissés à eux-mêmes. Est-ce que ça prend une politique ou un autre moyen? Ça, je ne peux pas... je ne commenterai pas sur le moyen, mais c'est clair qu'il y a quelque chose qui doit être fait pour pouvoir ramener ces gens-là, les amener à travailler ensemble pour mettre en place l'infrastructure et les services nécessaires.

M. Fontecilla : Est-ce que vous pensez que c'est aux employeurs, aux manufacturiers, dans ce sens-là — vous avez mentionné quelques exemples — de mobiliser les milieux, la commission scolaire, la municipalité?

Mme Proulx (Véronique) : Non, non.

M. Fontecilla : Cela appartient... ça devrait appartenir... une responsabilité qui devrait appartenir à d'autres instances.

Mme Proulx (Véronique) : À d'autres instances, pas aux employeurs ni aux manufacturiers. Je le mentionnais, Exceldor, c'est un exemple, c'est une grande entreprise, mais la plupart des entreprises n'ont pas les moyens ou les ressources de faire ça, ne sont pas des experts en la matière, vont vouloir participer et contribuer, mais ils n'ont pas les ressources pour pouvoir réaliser ce genre d'initiative là.

M. Fontecilla : En d'autres mots, des employeurs sont en train de faire une job qui ne leur appartient pas, qui appartient à l'État.

Mme Proulx (Véronique) : Oui, oui.

M. Fontecilla : Et, dites-moi, dans vos... à la page 4, pour les travailleurs temporaires, 5.5, là, le point 2 : «Étendre la durée du Programme des travailleurs étrangers temporaires à deux ans pour les travailleurs peu spécialisés — bas salaire», pourriez-vous nous expliquer davantage...

Mme Proulx (Véronique) : Oui, parce que les gens qui arrivent sur le PTET sur le bas salaire, ils ont un visa d'un an.

La Présidente (Mme Chassé) : En conclusion.

Mme Proulx (Véronique) : Alors, on sait que ça coûte parfois entre 2 000 $ à 10 000 $ pour faire venir un travailleur. Donc, d'une part, l'entreprise perd un travailleur, elle l'a formé pendant un an et elle le perd après un an, deuxièmement ce travailleur-là ne se qualifie pas pour... bien, pour le PEQ, hein, parce qu'il n'a pas deux années d'expérience de travail. Donc, on demande au gouvernement fédéral...

La Présidente (Mme Chassé) : En terminant.

Mme Proulx (Véronique) : ...de le prolonger sur deux ans.

La Présidente (Mme Chassé) : Très bien. Je vous remercie. Ça conclut le bloc d'échange avec le deuxième groupe d'opposition. Nous débutons le bloc d'échange avec le troisième groupe d'opposition. Mme la députée de Gaspé, la parole est à vous.

Mme Perry Mélançon : Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Vous avez parlé rapidement du PAMT, oui, qui devrait être déployé à plus grande échelle, bonifié, notamment, et puis, bien là, on parle du jumelage avec un employé qui est plus expérimenté. Donc, j'imagine que l'employé a un revenu supplémentaire dans ces cas-là? Comment ça fonctionne, là, au niveau de...

Mme Proulx (Véronique) : Bien, en fait, non, il n'a pas un revenu supplémentaire.

Mme Perry Mélançon : Il n'est pas... C'est ça, il n'y a pas de...

Mme Proulx (Véronique) : Non, c'est-à-dire que, si on bénéficie de subventions via Services Québec, on va recevoir de la formation et pour le formateur et la personne qui suit a formation, mais il n'y a pas de... non, non.

Mme Perry Mélançon : O.K. Donc, il n'y a pas de coût, là, qui soit épongé par l'entreprise ou par...

Mme Proulx (Véronique) : Bien, en fait, ça relève de chaque entreprise de voir si elle va offrir quelque chose de différent, mais il n'y a pas rien de systématique, oui.

Mme Perry Mélançon : O.K. Puis, dans les métiers du secteur manufacturier, c'est certain qu'il y a beaucoup... bon, c'est l'apprentissage des programmes informatiques, puis après ça c'est des tâches qui sont quand même répétées, donc l'apprentissage peut se faire facilement à l'intérieur, comme vous dites, c'est pour ça qu'il faut miser sur une formation à l'interne. Est-ce que vous pensez que ces métiers-là devraient faire partie, par exemple, de la liste de traitements simplifiés ou qu'on revoie la liste d'emplois et qu'on ajoute certains métiers?

Mme Proulx (Véronique) : En fait, la liste des métiers...

M. Huyghues-Despointes (Giany) : Est-ce que vous faites référence à la liste des professions en pénurie régionalisée, la liste de...

Mme Perry Mélançon : Qui n'ont pas besoin de passer par le processus, là, de...

M. Huyghues-Despointes (Giany) : De l'EIMT?

Mme Perry Mélançon : Exactement, de l'EIMT puis d'effort de recrutement au niveau local, là.

M. Huyghues-Despointes (Giany) : C'est sûr que la démarche voudrait que, dans la logique des choses, lorsqu'on veut travailler à une adéquation entre les besoins... pour les besoins du marché du travail, il faut s'assurer qu'effectivement se retrouvent sur cette liste-là les métiers qui sont vraiment en pénurie. Il faut qu'il y ait, bien entendu, une analyse prospective qui soit faite pour déterminer si la liste est encore à jour, ou s'il y a des métiers qu'il faut enlever, ou il y a des métiers qu'il faut rajouter à cette liste, effectivement. Mais cette diligence-là doit être faite, effectivement.

Mme Perry Mélançon : Donc, vous trouvez qu'actuellement la liste devrait être mise à jour parce qu'il y a des professions que, souvent, vous devez passer par le processus.

M. Huyghues-Despointes (Giany) : On n'a pas eu ce son de cloche là. Au niveau de nos manufacturiers, on ne nous a pas fait mention du fait qu'effectivement il y a certains métiers qui n'apparaissaient pas sur la liste. Mais effectivement, dans l'intelligence du marché du travail, donc dans les informations que le marché du travail doit avoir, il faut que cette mise à jour soit faite de manière régulière afin de s'assurer, justement, d'avoir les bonnes personnes aux bons endroits avec les bonnes qualifications.

Mme Perry Mélançon : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : C'est très bien. Merci, Mme Proulx, bon retour en congé de maternité. M. Huyghues-Despointes, merci d'avoir été avec nous. Merci pour votre contribution à la commission.

Je suspends momentanément les travaux afin que le prochain groupe puisse prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 28)

(Reprise à 15 h 29)

La Présidente (Mme Chassé) : Nous sommes de retour, et je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Commission des partenaires du marché du travail. Bonjour. Vous avez 10 minutes pour votre exposé. À une minute de la fin, je vais vous faire un signe pour vous inviter à conclure. Et je vous invite à, tout d'abord, vous présenter. Allez-y.

Commission des partenaires du marché du travail (CPMT)

Mme Murray (Audrey) : Merci. Alors, Audrey Murray, présidente de la Commission des partenaires du marché du travail et du Conseil Emploi Métropole, et je suis accompagnée, à ma gauche, par Michèle Houpert, qui est directrice du secrétariat de la commission. Alors, merci à la commission de nous accueillir, merci, Mme la Présidente, ainsi qu'à ses membres.

(15 h 30)

Rapidement, donc, la Commission des partenaires du marché du travail, c'est un organisme qui a plus de 20 ans maintenant. C'est la seule instance nationale, parmi les organismes publics du Québec, qui réunit les forces vives du marché du travail. Vous avez, en annexe de notre mémoire, la composition des membres de la commission. Donc, vous avez, représentés, évidemment, les gens du secteur de la main-d'oeuvre, des employeurs, la voix des réseaux de l'éducation du Québec et des groupes communautaires qui agissent en emploi.

Et, pour faire son travail, la commission, elle s'appuie sur un réseau important : 29 comités sectoriels qui réunissent des employeurs, des syndicats, des gens qui sont actifs dans ces secteurs d'activité, 17 conseils régionaux à travers le Québec et sept comités consultatifs, qui ont pour mission d'aider le ministre de l'Emploi et la commission à avoir des stratégies gagnantes pour intégrer des groupes sous-représentés en emploi, dont les immigrants, bien sûr, et le Conseil Emploi Métropole, qui est un organisme territorial, donc qui rassemble les forces vives du Montréal métropolitain — vous avez entendu certains de ses membres à cette commission — donc qui portent un regard sur le marché du travail du Montréal métropolitain. Et ce que je vais vous présenter aujourd'hui dans les recommandations, ce que vous avez retrouvé dans le mémoire, s'appuie sur un travail qu'on a fait collectif de cocréation avec, évidemment, l'assemblée délibérante, mais aussi le comité consultatif en immigration de même que le Conseil Emploi Métropole.

Donc, pour avoir écouté les interventions précédentes, je me suis dit qu'on vous avait quand même bien nourri sur le contexte du marché du travail, mais je vais me permettre quelques commentaires avant d'arriver à nos recommandations pour vous dire que d'abord, dans la dernière année... dans les deux dernières années, dans la dernière année en particulier, on a beaucoup amélioré nos outils pour essayer de comprendre les enjeux du marché du travail. Donc, à ce moment-ci, avec les équipes d'Emploi-Québec, avec les différents ministères qui participent avec la CPMT à comprendre les enjeux du marché du travail, on a été en mesure d'identifier les besoins, hein, pour les 10 prochaines années à 1,4 million de nouvelles personnes qu'on aura besoin pour remplacer et remplir les nouveaux emplois. On a aussi été en mesure, avec la liste des 500 professions, de qualifier la situation régionale de ces différentes professions-là à travers le territoire du Québec.

Bien sûr, il y a des choses qui sont bonifiables, on va vous en parler dans nos recommandations, mais c'est pour vous dire qu'on améliore... et on sait, et les gens vous en ont parlé, ils ont beaucoup utilisé et référé à ces documents-là qu'on a été capables de mettre au jeu dans la dernière année, et d'ailleurs le gouvernement en place a posé plusieurs gestes en tenant compte de ces informations-là qu'on a pu mettre au jeu. Et face à cette situation-là qui est, en même temps, positive, parce que le Québec vit une période économique qui est une belle période, on a évidemment des défis, voire des opportunités. Il y a plusieurs leviers qui peuvent nous permettre de remédier à cet enjeu-là, pas seulement le recours à l'immigration, bien sûr, parmi celles-ci — vous les connaissez — évidemment, l'intégration des nouvelles technologies, le recours à des groupes sous représentés. D'ailleurs, on améliore tous les indicateurs de l'emploi, en ce moment, au Québec — c'est historique quand on y porte attention — puis, bien évidemment, miser sur le développement des compétences de notre main-d'oeuvre active, parce qu'on aura besoin qu'elle soit prête à accompagner les changements qui sont en marche.

Au niveau de l'immigration, on a pris soin, dans notre mémoire, de vous rappeler aussi... on a essayé de faire la synthèse de ce qu'on sait qui est, en ce moment, des défis pour nos employeurs. Nos entreprises sont en mode à s'adapter à ce nouveau marché du travail là, elles ont des défis pour y arriver. Et, en regard de l'immigration — on a essayé de faire la synthèse — on vous en a parlé, il y a des difficultés, des lourdeurs, des longueurs, des coûts, des difficultés aussi à intégrer au sein de leur milieu de travail des groupes qui n'avaient pas l'habitude de l'être, de développer des outils pour s'adapter, pour adapter leur main-d'oeuvre, leur nouvelle main-d'oeuvre. Et même chose, évidemment, du côté des immigrants, c'est un vaste projet que de décider d'aller vivre dans un autre pays, alors les immigrants rencontrent aussi... et les immigrantes, leurs défis quand elles arrivent au Québec, et on a tenté de le résumer.

Il ne faut pas négliger que c'est également une occasion d'amélioration pour l'offre de services gouvernementale et pour les organismes qui travaillent sur le terrain à accompagner l'accueil et l'intégration du marché du travail des immigrants. Donc, sans aller dans le détail, on voulait simplement mettre en contexte et vous dire que, du point de vue de la CPMT, il y a quand même un constat qu'on sait des choses, et que les gens sont en marche pour relever des défis, et que plusieurs gestes ont été posés dans la dernière année pour y remédier.

Donc, sommairement, en regard de la première orientation qui est soumise à l'étude de cette commission, la CPMT est d'accord avec une augmentation graduelle, évidemment, du nombre de personnes immigrantes pour combler les besoins dans le contexte actuel. Sans s'être entendu sur un nombre précis, la fourchette la plus élevée est apparue celle qu'on recommande à la commission de retenir. Et peut-être que vous l'avez entendu, on a des membres de la commission qui sont venus vous rencontrer pour vous parler, certains, d'une cible de 60 000 plutôt que de la fourchette qui est proposée, jusqu'à 52 000, et ça vient appuyer une recommandation qu'on fait à la commission, donc, de continuer d'améliorer nos outils pour mieux comprendre, en termes quantitatifs, régionalement, globalement, c'est quoi, l'écart entre l'offre et la demande dans nos différents métiers et professions qui sont les plus importants puis qu'on essaie d'être plus précis sur le nombre d'immigrants qu'on espère trouver en comprenant mieux les causes de ces déficits-là.

Donc, la recommandation qu'on fait, c'est de continuer à avoir une vue évolutive des besoins qu'a le Québec, en ce moment, à travers toutes ses régions en termes de métiers et professions et, de façon plus spécifique, en termes de cibles qu'on pourrait avoir pour les immigrants et de partager cette vue-là pour être capables de la mettre au jeu et essayer de converger et de partager l'information pour s'entendre sur ce qui est un besoin collectif. Évidemment, ce qu'on souhaite aussi, ce qu'on propose à la commission d'envisager, c'est peut-être la construction d'un tableau de bord qui miserait sur des informations stratégiques communes et publiques qui nous permettrait de mieux comprendre, d'une part, nos besoins, mais aussi d'avoir une mesure d'impact de notre capacité d'accueil à travers, par exemple, l'offre de services qui est offerte sur tout le territoire, de mieux comprendre s'il y a des enjeux aussi au niveau des infrastructures d'accueil et d'avoir des mesures communes de nos enjeux d'intégration pour faciliter la conversation puis être capables d'être en amélioration continue sur l'offre de services gouvernementale.

Donc, sur la deuxième orientation, vous avez pu en prendre connaissance, évidemment que la commission appuie la proposition d'augmenter à 65 % d'ici 2022, là, la part de l'immigration économique. D'ailleurs, je prends soin de vous dire que mon propos au nom de la commission vise exclusivement l'immigration économique. Considérant la mission de la commission, on s'est vraiment concentrés seulement sur ce volet-là avec les membres de la Commission des partenaires.

Au niveau de la troisième orientation, qui pose la question : Est-ce qu'on devrait miser sur la sélection permanente des travailleurs étrangers?, de l'expérience... parce qu'on n'a pas documenté cet aspect-là, mais des échanges et de l'expertise des gens de terrain qui alimentent la CPMT, il semble que ce puisse être positif de viser le fait... de miser, plutôt, sur les travailleurs étrangers temporaires qui souhaitent peut-être faire un passage permanent, puisque ces gens-là ont une expérience, sont présents sur le territoire, donc offrent des conditions de succès potentiel pour s'intégrer au marché du travail.

Au niveau de la quatrième orientation, qui est de tenir compte des besoins court terme pour être capables de choisir les immigrants en provenance du Programme régulier des travailleurs qualifiés, on pense que l'objectif est noble, mais évidemment qu'à ce moment-ci on évalue à peu près à entre 18 et 36 mois le délai. Ce délai-là est aussi lié à des délais de traitement au niveau du gouvernement fédéral. Donc, ce qu'on suggère à la commission, c'est bien sûr de tenter de tenir davantage compte des besoins court terme. Mais toutefois on pense que les délais actuels — bon, on pourrait les réduire, certainement — vont peut-être davantage permettre de répondre à des besoins moyen terme et qu'il faut continuer les efforts avec le gouvernement fédéral. La CPMT a appuyé fortement le ministre de l'Immigration et de l'Emploi, dans la dernière année, dans les efforts pour trouver des allègements et essayer de bien cerner la situation que vit le Québec au Canada en ce moment. Il reste une minute, donc j'accélère.

Pour la cinquième orientation, qui est d'accélérer l'arrivée des personnes immigrantes dans la catégorie Immigration économique, évidemment on est favorables et, encore une fois, on dit que ça nécessite probablement des efforts continus dans les négociations avec le fédéral, puisqu'on dépend également des délais du côté fédéral.

Et la sixième, d'appuyer le recrutement des employeurs en région, pour nous, ça semble également un incontournable. Pour chacune des orientations qui nécessite de dessiner des nouveaux services ou des programmes, on a pris soin de recommander à la commission que ces programmes-là soient construits autour du parcours des immigrants et des entreprises quand il s'agit de s'adresser à eux plutôt que des responsabilités peut-être des ministères ou des organismes...

La Présidente (Mme Chassé) : En conclusion.

Mme Murray (Audrey) : ...de manière à s'assurer qu'on ait l'impact recherché d'aider le Québec à traverser cette période de prospérité alors qu'on a un enjeu de rareté. Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Très bien. Merci, Mme Murray. Alors, nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

• (15 h 40) •

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Mme Murray, Mme Houpert, bonjour. Merci pour votre présentation de votre mémoire. À la page 4 du mémoire, je lisais : «1,4 million d'emplois seront à pourvoir entre 2017 et 2026, dont plus de 80 % résulteront de la demande de remplacement générée surtout par les départs à la retraite.» Et là : «La nouvelle offre de main-d'oeuvre proviendra : des jeunes actuellement aux études, 54 %; de la future population immigrante, 22 %; de la hausse du taux d'activité des personnes âgées de 15 à 64 ans, 12 %; [ensuite] des personnes de 65 ans ou plus qui resteront plus longtemps sur le marché du travail, 7 %; [et] des personnes en chômage qui intégreront le marché du travail, dont les personnes immigrantes et les personnes handicapées, 4 %.» Quand on lit la note de bas de page, on voit qu'à la note 5 on dit : «Le modèle tenait compte d'un volume d'environ 50 000 personnes immigrantes admises au Québec par année.»

Alors, on dit : 22 % des besoins du marché du travail vont être comblés par les personnes immigrantes sur un seuil de 50 000. Alors, moi, ce que je constate, avec les orientations proposées par le gouvernement, on n'est pas très loin du 50 000. Alors, je constate qu'avec les seuils qui sont au jeu présentement, bon, on est dans la cible fixée par ce qui est dit par la...

Mme Murray (Audrey) : La CPMT.

M. Jolin-Barrette : ...la CPMT...

Mme Murray (Audrey) : Vous n'êtes pas le seul.

M. Jolin-Barrette : ... — oui — justement, alors on est dans le cadre des projections pour répondre aux besoins du marché du travail.

Mme Murray (Audrey) : En fait, l'information qu'on a la plus précise et la plus à jour en ce moment... Évidemment, il peut y avoir différentes méthodes puis différentes façons de calculer. Je pense qu'il y a des gens qui vous ont présenté une façon de voir, puis c'est la richesse d'avoir une commission parlementaire puis d'avoir différents points de vue, mais du point de vue de la CPTM, avec les outils avec lesquels on travaille, c'est les hypothèses qui reposent sur les évaluations qui ont été faites. Donc, c'est la raison pour laquelle il n'y a pas eu de consensus sur le nombre à la commission, on n'a pas convergé vers un nombre précis. Mais ce qui était certain, c'est que tout le monde s'entendait pour dire qu'il fallait être dans la palette maximale, la fourchette maximale de ce que le gouvernement proposait et surtout il fallait continuer de gagner en espace positif pour mieux accueillir, et intégrer, et choisir.

Donc, pour la commission, quand vous réunissez les dirigeants patronaux, syndicaux, du communautaire en emploi et de l'éducation, ce que je peux traduire de cette conversation-là, c'est qu'on est davantage à dire : Oui, le nombre est important, on ne peut pas nier les enjeux. Écoutez, j'ai fait le tour des comités sectoriels dans la dernière année, et chaque comité sectoriel qu'on rencontre, c'est la priorité numéro un. Vous parlez avec les grappes et les créneaux ACCORD du Québec, c'est la première priorité au coeur de leur vision stratégique. Mais à la commission, ce qui ressort, c'est : On a encore de l'espace pour s'améliorer, pour mieux choisir, mieux accueillir, mieux intégrer, donc allons avec la fourchette maximale si on ne convient pas d'un nombre précis appuyé sur les études qui sont disponibles et misons sur des stratégies d'accueil et d'intégration puis des programmes qui vont répondre aux besoins pour nous permettre de relever le défi.

M. Jolin-Barrette : C'est intéressant, ce que vous dites, parce qu'à la table, justement, vous avez, dans le fond, les deux, trois, quatre côtés, si on peut dire, dans le fond, des gens qui proviennent de tous les milieux, puis justement ils ne sont pas capables de s'entendre sur un seuil précis, mais en fonction des chiffres qu'on a, on est, comme on dit, sur la cible en fonction des études établies pour assurer de répondre aux besoins du marché du travail.

Mais j'en suis beaucoup sur le fait de s'assurer que chaque personne qui choisit le Québec puisse occuper un emploi à la hauteur de ses compétences, puisse répondre à ce à quoi on s'attend d'elle aussi. Alors, le Parcours d'accompagnement personnalisé, il est là pour ça, justement, pour faire en sorte que les personnes immigrantes soient accompagnées tout au long du processus puis on améliore les choses qui étaient faites, mais surtout le ministère de l'Immigration retrouve sa place centrale par rapport aux personnes immigrantes au niveau de l'intégration.

Une question sur le PTET. On est en discussion avec le gouvernement fédéral pour avoir des assouplissements. Là, je pense que votre organisation, elle souhaite également des assouplissements de la part du gouvernement fédéral. Puis pourquoi vous voulez ces assouplissements-là? Puis c'est quoi, les conséquences à ne pas avoir ces assouplissements-là pour vos membres?

Mme Murray (Audrey) : En fait, le raisonnement de la commission à cet égard-là, c'est qu'en ce moment on a besoin de maximiser tous les leviers qui sont à la disponibilité pour répondre aux besoins du marché du travail. Je le disais d'entrée de jeu, l'immigration, évidemment, est un volet. Il y a d'autres aspects qu'on regarde, à la commission, on ne regarde pas juste l'immigration, mais au niveau de l'immigration, évidemment, chacun des leviers disponibles ont fait l'objet d'un examen, et le fait d'accueillir des travailleurs étrangers temporaires et des travailleurs économiques fait partie, évidemment, des leviers qu'on veut parfaire pour répondre.

Au niveau du PTET, effectivement, je pense que la position, elle a été commune, de dire : Bien, sans compromettre le droit des travailleurs, travailleuses qui arrivent au Québec dans un statut temporaire, il faut trouver une façon d'alléger et d'adapter les normes, en ce moment, du programme pour permettre une meilleure adéquation avec les besoins. J'entendais... je crois que c'est Olymel qui est venue vous parler de l'enjeu du plafond de 10 % par entreprise, qui est un des enjeux importants, des coûts qui sont associés, de la longueur administrative et du dédoublement de production d'études sur le marché du travail, qui est à faire. Donc, effectivement, la commission a donc appuyé les efforts du gouvernement pour essayer d'obtenir des allègements tout en restant cohérente puis en disant : Bien, il faut aussi améliorer les autres leviers puis voir s'il n'y a pas d'autres programmes qui pourraient aussi nous aider à améliorer la situation.

M. Jolin-Barrette : Et sur la question du 10 % pour le programme Travailleurs étrangers temporaires, ce qu'il est important de comprendre aussi, c'est que, pour les PME, le 10 %, il est très important parce que, quand c'est des petites entreprises, ils ont un moins grand nombre de travailleurs, donc ça impacte d'autant plus pour l'entreprise. Les grandes entreprises aussi, ça a un impact important, mais ce que je veux dire, sur la masse critique du nombre d'employés, ça fait véritablement une différence.

Au niveau du marché du travail, souvent... et on a eu la Chambre de commerce Montréal métropolitain qui est venue, on a eu des gens qui sont venus davantage de régions aussi, comment est-ce qu'on réconcilie tout ça, les besoins de main-d'oeuvre en fonction de Montréal versus les régions, par rapport aux seuils aussi? Parce qu'il y a une grande concentration des personnes immigrantes dans la région de Montréal. Notre désir, nous, c'est d'assurer une plus grande régionalisation. Mais comment on s'assure aussi de ne pas freiner la croissance dans la région métropolitaine de Montréal non plus? Comment la commission voit ça?

Mme Murray (Audrey) : Mais je pense que, dans...

La Présidente (Mme Chassé) : ...

Mme Murray (Audrey) : Merci. Merci, Mme la Présidente. Donc, je pense que le défi, en fait, pour le Québec, c'est notamment d'essayer d'avoir une approche collaborative plus qu'on ne l'a jamais eue entre nos différentes tensions qu'on rencontre, en ce moment, dans le marché du travail. Donc, évidemment, je pense qu'on ne peut pas avoir... laisser aller la métropole ou se mettre dans une dynamique où les régions viennent à Montréal voler les immigrants, tu sais, on pourrait avoir des images... Je pense qu'il faut qu'on travaille ensemble, les besoins ne sont pas les mêmes. Je pense que c'est important de continuer de raffiner. Quand même, à Montréal, on a une concentration de certains secteurs d'activité qui ne sont pas nécessairement les mêmes qu'en région.

Donc, il faut qu'on continue à avoir une bonne information puis qu'on utilise les leviers comme on le peut à travers les programmes, à savoir : On sait qu'il y a des programmes qui nous aident plus que d'autres à inviter les immigrants à venir en région, notamment quand c'est lié à une offre d'emploi, puis sinon il faut qu'on crée en région un écosystème qui va permettre un accueil de l'immigration et aussi qu'on soit capables d'informer les immigrants qu'on a des besoins et qu'ils sont disponibles, les emplois, en région.

Donc, je pense qu'en améliorant notre façon de comprendre nos besoins, de communiquer ces besoins-là aux immigrants... parce que je reviens avec cette idée-là, on est dans une dynamique où le Québec en a besoin, mais il faut aussi, donc, leur donner la chance de bien comprendre ce dont on a besoin et les avantages qu'ils vont retrouver à se retrouver en région et/ou dans les grands centres. Ils ont aussi des aspirations, évidemment, comme les autres travailleurs et travailleuses du Québec. Mais je pense que l'espace, l'écosystème en région devient aussi un levier important.

M. Jolin-Barrette : Sur la question de la francisation, la FTQ, tout à l'heure, nous disait : Bien, écoutez, c'est possible d'utiliser les programmes de la CPMT. En quoi consistent ces programmes-là? De quelle façon que ça fonctionne?

• (15 h 50) •

Mme Murray (Audrey) : En fait, le programme de la... il y a deux programmes à la CPMT, en fait, on vient de les réunir, mais à travers le fonds du 1 %, qui, je vous le rappelle, est le fruit, essentiellement, des cotisations des employeurs qui ont une certaine masse salariale, on est capables de financer la francisation pour les individus, mais on administre aussi le programme pour donner de l'argent à des promoteurs collectifs qui veulent agir en entreprise pour organiser des cohortes et former des travailleurs, travailleuses qui ont besoin d'être francisés. Donc, il y a les deux volets qui sont possibles.

M. Jolin-Barrette : Juste pour clarifier pour les membres de la commission, là, le fonds du 1 %, c'est quoi? En quoi...

Mme Murray (Audrey) : En fait, c'est le Fonds de développement et de reconnaissance des compétences. Donc, c'est le fonds qui a été édicté en 1997, je crois, si on me demande de faire l'historique — je suis une jeune présidente, pas jeune, mais une jeune présidente — et donc c'est un fonds qui est financé à même, essentiellement, la cotisation des entreprises. Mais maintenant le gouvernement du Québec compense le fait qu'on a changé le niveau de financement auprès des entreprises, donc il y a aussi des crédits budgétaires du gouvernement qui sont dédiés à des programmes spécifiques, il y a sept programmes. Donc, c'est un fonds qui a environ 70 millions de dollars par année qui sont investis exclusivement pour le développement des compétences de la main-d'oeuvre qui est en emploi. Donc, le focus est vraiment de s'assurer que le Québec et les entreprises, on mise sur l'évolution des compétences des gens qui sont en emploi au Québec. Et donc il y a une partie qui est utilisée, depuis quelques années, pour aussi accompagner les immigrants. D'ailleurs, le ministre de l'Emploi a accepté une recommandation récente de la CPMT de renforcer ce programme de francisation là. On a augmenté les fonds qui y sont dédiés pour être capables d'être présents à côté du ministère de l'Emploi, du MIDI et de l'Éducation, parce qu'on est plusieurs joueurs sur la patinoire de la francisation, donc, pour être capables de bien faire les choses, mais en entreprise.

M. Jolin-Barrette : Parfait. Et je vous remercie pour la présentation du mémoire. Je pense que j'ai des collègues qui veulent poser des questions. Merci.

Mme Murray (Audrey) : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Le député de Chauveau désire prendre la parole. Allez-y.

M. Lévesque (Chauveau) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mme Murray, toujours un plaisir de vous retrouver. J'ai eu le plaisir de vous rencontrer à quelques reprises, et je voudrais avoir votre avis... Évidemment, avec la... plusieurs de vos membres sont venus nous faire des présentations, puis je pense que la Commission des partenaires du marché du travail peut jouer un rôle clé, justement. Vous unissez beaucoup de gens, et votre vision n'est pas corporatiste, dans le sens que vous représentez autant les employeurs que les personnes immigrantes, que le milieu de l'éducation, que le milieu communautaire. En ce sens-là, c'est très intéressant, et j'aimerais avoir votre avis de la perception de vos membres sur le fameux parcours personnalisé que le ministre a annoncé récemment. Au-delà des fameux débats qu'on a sur les quotas, là, sur le nombre qu'on devrait accueillir... C'est-u 40 000? C'est-u 42 000? Il y en a qui vont jusqu'à 100 000, dans certains cas. Ce n'est pas facile d'établir vraiment le nombre. Et prendre le temps de bien établir le nombre qu'on a besoin, ça va évoluer avec le temps aussi, on le sait. Mais par contre ce qui ne change pas, c'est la façon d'accueillir notre monde. On doit améliorer ça si on veut les garder chez nous, si on veut les garder en région. Quelle est votre lecture du parcours personnalisé? Est-ce que c'est bien perçu? Est-ce qu'on peut continuer à l'améliorer? Avez-vous des suggestions à nous faire à ce niveau-là?

Mme Murray (Audrey) : Bien, en fait, je pense, de façon générale, le parcours, il est apprécié, il a été souligné comme étant un geste important du gouvernement. Donc, pour la CPMT, pour les membres de la CPMT, je pense que cette approche, cet engagement-là est très bien accueilli. Évidemment, je n'ai pas eu une conversation approfondie, puis on est au début du déploiement de ce parcours personnalisé, mais, disons, de ce qu'on peut déjà lire dans les avis qui ont été fournis, par exemple, par le comité consultatif en immigration, mais aussi par d'autres comités pour des groupes sous-représentés...

Je reviens avec le fait que, dans les politiques publiques, en ce moment, dans le monde, il y a des pratiques innovantes pour construire des programmes et des services gouvernementaux qui vont mettre les personnes qui vont les utiliser au coeur de ces processus-là. Et je pense que, s'il y a un élément qu'on a tenté de soulever, puis je profite de votre question pour le réitérer à cette commission, c'est que ce que le gouvernement est en train de faire est très important pour la prospérité du Québec, pour la santé, aussi, collective du Québec. On a besoin de bien accueillir nos immigrants. On a besoin aussi de s'assurer que, dans les milieux de travail, les équipes de travail accueillent... comprennent bien ce qui est en train de se passer et que ça se passe bien, ce contact-là entre les immigrants et le personnel dans les entreprises, que nos gestionnaires soient bien équipés pour faire ce travail-là, que nos entreprises se sentent à l'aise de le faire.

Donc, je pense que le parcours personnalisé va être un succès dans la mesure où on s'assure de bien positionner les gens qui vont en bénéficier au coeur de la façon dont on va le construire et aussi qu'on se donne des repères, des indicateurs d'impact pour être en amélioration continue, quitte à se donner des nouveaux moyens, des cellules d'innovation, des façons différentes de bâtir et d'évaluer nos façons de faire. Parce qu'en ce moment ce qu'on sait, c'est qu'il y a une complexité dans l'offre de services parce que cette offre de services là, elle a été construite autour des responsabilités ministérielles, ou d'organisations, ou des différents groupes qui interviennent, que ce soient les municipalités ou les différents organismes, et à cet égard-là on a une occasion, je pense, importante de mettre à niveau la façon dont on s'y prend.

La Présidente (Mme Chassé) : Il reste 30 secondes au bloc d'échange.

M. Lévesque (Chauveau) : Bon, je vais le prendre. Je voulais vous parler de régionalisation, très rapidement. C'est inégal, on voit des groupes qui sont prêts à en accueillir plus, qui disent, dans certaines régions : Amenez-en, on est prêts à les prendre; dans d'autres régions, c'est inégal. Vous avez des comités sectoriels dans chacune des régions. Est-ce qu'on est capables de régionaliser vraiment dans l'ensemble des régions du Québec?

Mme Murray (Audrey) : Bien, en fait, dans notre mémoire...

La Présidente (Mme Chassé) : Très brièvement, en quelques secondes.

Mme Murray (Audrey) : ...oui, on vous a mis en annexe un exemple de parcours de francisation qui s'est fait en agriculture.

La Présidente (Mme Chassé) : Ça conclut.

Mme Murray (Audrey) : Les comités sectoriels sont des leviers pour accompagner la régionalisation, assurément.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Ça met fin au bloc d'échange avec le parti formant le gouvernement. Nous sommes rendus au parti formant l'opposition officielle. M. le député de Nelligan, vous désirez prendre la parole?

M. Derraji : Oui.

La Présidente (Mme Chassé) : Allez-y.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Mesdames, bonjour, un plaisir de vous revoir. Je tiens juste à dire et à déclarer que j'ai été membre de la Commission des partenaires du marché du travail pendant quatre ans. Donc, la dernière fois, pendant les discussions du projet de loi n° 9, j'ai oublié de le mentionner, donc là, aujourd'hui, je le mentionne. Merci pour votre excellent travail, et je reconnais les chiffres, surtout les chiffres de la page 4, que je me rappelle, en étant aux réunions, et je les ai devant moi. Mais je veux juste que vous me rassuriez un peu. Quand on voit 22 %, en bas de page, il y a 50 000, est-ce qu'on tient compte du taux de rétention?

Mme Murray (Audrey) : Bien, en fait, les hypothèses sur lesquelles reposent les chiffres qui sont présentés dans la liste des 500 professions, parce qu'en fait c'est un document, là, qui est public, hein, donc, tient compte...

M. Derraji : Je ne parle pas des professions, je parle du seuil de la future population.

Mme Murray (Audrey) : Oui, mais c'est dans le même document, c'est pour ça que j'ai ai référé, là. Je suis désolée, ce n'était pas précis, mais c'est là qu'on retrouve l'analyse qui est citée dans le document. Il y a différentes hypothèses qui sont sous-jacentes pour arriver à ce nombre-là. Et l'information qu'on a sur le taux de roulement, c'est une information, à mon avis, qu'on doit bonifier, le taux de rétention des immigrants, combien on garde, combien nous quittent après être arrivés ici, donc c'est des informations... Donc, il y a des hypothèses que les économistes d'Emploi-Québec ont mises derrière les chiffres. Et, vous savez, cette liste-là et les chiffres derrière, donc le 1,4 million, avec les hypothèses de qui pourra combler, en termes de groupes, les besoins qu'on a, on est en train de la mettre à jour, actuellement, et on est dans un processus où, comme je le disais dans le mémoire, que je vous le suggérais, on a souhaité améliorer notre façon de s'y prendre. Donc, on est en train de revoir les chiffres, là.

M. Derraji : Oui. Mon intention, vraiment, ce n'est pas de vous ramener dans un débat de chiffres, parce que je sais comment ça marche, et vraiment loin de là de vous faire dire : Écoutez, est-ce qu'ils font une bonne planification de 43 000 ou on doit aller chercher 60 000? Vous êtes très, très à l'aise de refléter les points de vue très diversifiés autour votre table. Mais moi, je vais vous ramener à votre domaine d'expertise, et c'est ça qui m'intéresse aujourd'hui. On dit que la pénurie est exagérée. Est-ce que vous êtes d'accord ou non, la pénurie de main-d'oeuvre au Québec est exagérée?

Mme Murray (Audrey) : Bien, en fait, c'est comme n'importe quel phénomène, elle s'exprime de façon différente dépendamment des secteurs, des régions, des professions puis des métiers. Donc, je ne sais pas à qui vous référez dans le fait d'affirmer qu'elle est exagérée. Je pense que c'est un phénomène réel et tangible que vivent nos entreprises à travers le Québec puis que vit aussi notre main-d'oeuvre, parce qu'on entend aussi l'impact sur la main-d'oeuvre, qui doit prolonger ses heures, donc des enjeux de pénibilité au travail qui sont en train de s'installer dans les milieux de travail du fait de la situation. Donc, je pense que c'est réel. Ensuite, il y a des degrés, il y a des niveaux, et c'est là que je dis que c'est important, pour bien accompagner le Québec dans cette transition-là, de raffiner notre compréhension.

M. Derraji : Excellent. Et c'est là où vous avez dressé une liste de professions et vous avez dit qu'à moyen terme, pour la période allant jusqu'à 2021, la grande majorité des professions — et là, c'est là où moi, je vois le signal d'alarme, au-delà du débat sur les chiffres — 387 sur 500 professions seront en équilibre et offriront ainsi de bonnes perspectives d'emploi aux personnes à la recherche d'un emploi. Qu'est-ce que je dois retenir de tout ça?

• (16 heures) •

Mme Murray (Audrey) : Bien, ce qu'il faut retenir, c'est que, dans l'exercice qu'on est en train de faire, on va devoir préciser la situation pour ces 387 métiers et professions. Il va falloir être plus spécifiques, il va falloir avoir un spectre de qualifications qui soit plus précis, et l'idéal, mais je ne sais pas si on pourra s'y rendre, mais je le propose dans le mémoire, c'est qu'on puisse, à terme, quantifier l'écart entre l'offre et la demande pour les métiers et professions par région. Donc, c'est des modèles qui existent déjà. Dans le secteur de la construction, on a un modèle quantifié des écarts entre l'offre et la demande, donc c'est possible d'avancer. D'ailleurs, les comités sectoriels ont contribué cette année à la façon de générer l'information dans un processus où ils ont été davantage sollicités. Et ce qu'on est en train d'essayer de comprendre, c'est aussi les causes de ces déficits ou non-déficits, parce qu'on comprend que les causes qui peuvent s'exprimer, par exemple, dans les difficultés de recrutement ne sont pas toujours liées nécessairement au fait qu'on ne sort pas assez de finissants. On peut avoir assez de finissants dans un domaine, mais on va avoir des enjeux de recrutement pour différentes raisons qu'on est en train d'essayer de documenter pour mieux comprendre.

M. Derraji : Ma dernière question, c'est concernant les salaires. On entend, ces derniers jours, dire : Écoutez, bien, les entreprises qui paient 12 $, 15 $, c'est normal. C'est comme si c'était un fait, et on doit l'accepter, ils ne doivent plus payer 12 $, 15 $. C'est quoi, la moyenne salariale de cette pénurie? Donc, les demandes que vous recevez... parce que je sais que vous avez des projets et des... bien, que vous encouragez les entreprises à aller chercher de la main-d'oeuvre et de les accompagner. Quand on sollicite votre aide au niveau de la CPMT, c'est quoi, la soumission des salaires que vous recevez en moyenne?

Mme Murray (Audrey) : Bien, en fait, vous savez, parmi les 29 comités sectoriels... hier, je parlais avec la dirigeante de TechnoCompétences, qui s'occupe du secteur des technologies, qui me disait que, bon an, mal an, on a 5 200 postes à combler puis on a seulement 4 000 finissants, donc, nécessairement, on a des écarts, en ce moment, qu'il faut qu'on arrive à combler autrement. Donc, c'est pour vous dire que, dans l'enjeu de rareté qu'on vit et dans la pertinence d'avoir des leviers efficaces en immigration, on est dans des besoins qui couvrent large, c'est-à-dire on a des enjeux à trouver des gens en science de données comme on a des enjeux à trouver des gens dans le secteur du tourisme et du détail qui font partie de la vitalité du Québec.

M. Derraji : C'est excellent. Et je pense que vous êtes l'un des rares organismes qui est capable de parler avec des faits et des chiffres. Ma question très directe : La moyenne, l'intervalle de salaire que vous avez vu depuis votre début l'année dernière, avez-vous une idée sur la moyenne salariale? Est-ce qu'on vous sollicite pour du 10 $ l'heure, du 12 $ l'heure ou du 40 $, 50 $ l'heure?

Mme Murray (Audrey) : En fait, c'est une bonne question, Mme la Présidente, mais je vais devoir la prendre en délibéré. On aurait peut-être dû se poser la question, mais je n'ai pas la réponse aujourd'hui.

M. Derraji : Merci de me le proposer parce que, vraiment, ça m'intéresse de voir, de recevoir... si les membres de la commission souhaitent recevoir la réponse, les projets que vous financez au nom de la CPMT, la moyenne salariale. Et, si vous avez des exemples, je suis vraiment très intéressé à recevoir cette information. Merci, Mme Murray. Je vais céder la parole à ma collègue.

La Présidente (Mme Chassé) : Très bien. Alors, nous prenons note et nous verrons comment vous transmettre l'information lorsque nous la recevrons.

M. Derraji : Oui, s'il vous plaît, oui.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Mme la députée de Fabre, vous avez 3 min 20 s.

Mme Sauvé : Mon Dieu! C'est très bien. Merci. Bienvenue. Alors, je vais essayer quand même de faire rapidement parce que j'ai plusieurs questions. Merci pour votre mémoire.

Je veux revenir sur le FDRCMO, le Fonds de développement et de reconnaissance des compétences de la main-d'oeuvre, parce que, pour moi, c'est une solution intéressante, la francisation en entreprise. Moi, j'ai présidé longtemps le Conseil régional des partenaires du marché du travail dans ma région, et on en a fait une priorité, parce que c'est une décision, évidemment, régionale d'attribuer ce fonds à différents axes du développement des compétences. Est-ce qu'il n'y a pas lieu pour la commission de jouer un rôle, un rôle aviseur ou un rôle de soutien aux régions qui se retrouvent devant cette nouvelle réalité d'accueil des personnes immigrantes, à favoriser que le FDRCMO soit donc appliqué de façon plus importante à la francisation en entreprise?

Mme Murray (Audrey) : Bien, certainement que le FDRCMO peut être un levier pour les régions. D'ailleurs, on a des projets pilotes qu'on a financés, pas nécessairement pour la francisation en entreprise, mais c'est pour dire que certainement que ça peut être un lieu d'expérimentation, parce que, vous savez, la francisation en entreprise, on doit aussi mieux comprendre comment on peut s'y prendre dans les différentes formules pour réussir à bien accompagner les personnes et les entreprises. Tout à l'heure, les Manufacturiers et exportateurs vous l'exprimaient, il y a une difficulté en ce moment, et c'est une bonne et une mauvaise nouvelle, du fait qu'on est dans le plein-emploi et qu'on a de la difficulté à dégager les gens, il faut qu'on trouve des façons innovantes de s'y prendre. Donc, les régions peuvent miser sur le fonds. Elles ont la possibilité de venir chercher un appui financier pour expérimenter puis, par la suite, obtenir un financement pour la francisation.

Mme Sauvé : Merci. Une question, un élément qui n'a pas été abordé jusqu'à maintenant. On parle de compétences, bien sûr, pour faire face aux besoins du marché du travail, on n'a pas parlé des compétences des accompagnateurs de ces personnes, et, quand je fais le tour du Québec, il n'y a pas de formation. Au niveau du bac, il n'y a aucun bac pour l'accompagnement des personnes immigrantes au Québec qui existe. Alors, il y a des cours au niveau du bac en travail social, maîtrise en médiation. Il n'y a rien qui existe, alors qu'au niveau de l'employabilité, il y a des bacs en carriérologie. Est-ce que vous avez un rôle stratégique, à la Commission des partenaires? Est-ce que vous avez adressé cette réflexion?

La Présidente (Mme Chassé) : Il reste une minute au bloc d'échange.

Mme Murray (Audrey) : Bien, certainement que... Vous voyez, dans les différents programmes qui sont nés dans les dernières années, on a beaucoup favorisé l'apprentissage en entreprise. Donc, on a fait développer par le... on a financé le développement par les cégeps d'une formation de formateur. Donc, ça me fait beaucoup penser à ce que vous suggérez, c'est-à-dire c'est sûr qu'on a une expertise, au Québec, au sein de nos organismes communautaires dans l'accompagnement des personnes immigrantes et certainement qu'on peut continuer de construire sur cette expertise-là, mais il faudrait voir, peut-être qu'il y aurait lieu... d'ailleurs, dans les nouveaux programmes qui sont lancés pour le fonds, on va accepter désormais de financer la formation des équipes de travail et des gestionnaires dans l'accompagnement des groupes sous-représentés en entreprise, dont les immigrants.

La Présidente (Mme Chassé) : En conclusion.

Mme Murray (Audrey) : Donc, on a élargi le spectre des activités qu'on peut soutenir pour favoriser le succès de l'intégration, sachant que, même s'il n'y a pas de bac, on sait les facteurs de succès d'intégration dans les milieux de travail puis il faut impliquer le milieu de travail pour accueillir ces groupes-là.

La Présidente (Mme Chassé) : Ça conclut le bloc. Merci. Maintenant, nous sommes rendus au bloc d'échange avec le parti formant la deuxième opposition. M. le député de Laurier-Dorion, la parole est à vous.

M. Fontecilla : Merci. Mme Murray, Mme Houpert, merci d'être ici avec nous. J'avais hâte de vous entendre, parce que du point de vue très particulier dans lequel nous nous plaçons, on a l'impression que l'immigration, c'est une politique de main-d'oeuvre, alors que c'est un élément d'une politique de la main-d'oeuvre. J'avais hâte de voir votre point de vue, qui est très... plus global, disons.

Écoutez, j'ai très peu de temps, je vais aller à ce qui me paraît l'essentiel. Quelque chose qui n'a pas été beaucoup nommé lors de ces auditions, c'est la question... vous faites mention de la question de comment quantifier, finalement. Des fois, ça a l'air, nos discussions... la question des cibles ont l'air un peu d'être une question ésotérique, dans le sens de mystérieux : 60 000, 55 000, 49 000, sur quoi se base-t-on? Mystère et boule de gomme, là. Vous dites qu'«il est actuellement impossible de savoir — et je vous cite — même de façon approximative, les besoins de main-d'oeuvre quantitatifs pour les professions les plus en demande tant pour l'ensemble du Québec que par région administrative» et vous avez une recommandation : «De doter le Québec d'une vue partagée et évolutive d'indicateurs socioéconomiques et de coefficients régionaux...»

Je vais vous poser une question qui peut paraître... Est-ce que nous sommes en train de discuter dans le vide concernant les cibles d'immigration? Je vais aller à l'extrême, là.

Mme Murray (Audrey) : Non, non. Je l'ai dit d'entrée de jeu, je pense que, quand même, on a beaucoup amélioré les outils disponibles pour le Québec pour avoir une vue sur les besoins de main-d'oeuvre et être capables de formuler des hypothèses. Évidemment qu'il faudrait qu'on devienne meilleurs, puis qu'on soit plus prédictifs, puis qu'on mette au jeu de façon transparente, je pense, les hypothèses qui sous-tendent nos estimations puis notre façon de l'évaluer, mais je ne pense pas qu'en ce moment on parle dans le vide. Je pense que le Québec s'est doté d'outils qui lui permettent de faire une proposition à la population.

Puis, vous savez, on le dit aussi dans le mémoire, l'aspect quantitatif est important, mais on est encore à des écarts de double de taux de chômage pour les personnes immigrantes qui sont au Québec depuis moins de cinq ans, donc on a de l'espace pour s'améliorer. Donc, c'est une chose d'avoir des cibles puis de vouloir être précis, je pense qu'il faut continuer de le viser, mais en même temps, à la commission, je l'ai dit, ce qui est très important, c'est d'aussi se mesurer et être au clair sur nos indicateurs de succès en termes d'accueil et d'intégration. Et là on a des améliorations, puis il y a des gestes qui sont posés en ce moment, je pense, pour qu'on y remédie.

La Présidente (Mme Chassé) : Il reste quelques secondes au bloc d'échange.

M. Fontecilla : Il reste quelques secondes. Merci beaucoup.

Mme Murray (Audrey) : Merci à vous.

• (16 h 10) •

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Nous sommes rendus au bloc d'échange avec le groupe formant le troisième parti d'opposition. Mme la députée de Gaspé, la parole est à vous.

Mme Perry Mélançon : Merci beaucoup. Bonjour. Ça va aller assez rondement parce qu'on s'était préparé la même question, étant donné que vous êtes en partenariat avec le gouvernement sur la méthodologie derrière le calcul du seuil, du 40 000, le fameux 40 000, mais, bon, je pense que vous y aviez bien répondu, là. L'orientation... vous parlez d'une orientation ou d'une recommandation, plutôt, pour faciliter le recrutement à l'étranger par les employeurs. Pouvez-vous me détailler un petit peu ou aller plus en profondeur?

Mme Murray (Audrey) : En fait, ce qu'on a compris de l'orientation du gouvernement, c'est d'appuyer les régions, les entreprises dans les régions pour le recrutement. On pense que c'est un besoin. On le voit bien, là, que les entreprises sont à la demande auprès de leurs municipalités, auprès de différents joueurs pour trouver des façons justes pour elles de s'approprier une compréhension de bon niveau des règles. Donc, c'est certain qu'on voit positivement le fait de vouloir les accompagner dans ce recrutement international là, puis, on l'a dit, tous les leviers doivent être à la disponibilité en ce moment. Et le fait de recruter des travailleurs étrangers temporaires est la seule façon qu'on a d'assurer le lien avec la région pour l'instant avec un emploi régional, sinon c'est volontaire. Donc, on pense que c'est important de pouvoir les soutenir et de bien coordonner cet exercice-là parce qu'en fait on ne veut pas que des entreprises se retrouvent dans une situation où elles vont recruter sans avoir bien compris les conditions puis finalement elles n'atteignent pas leurs objectifs en bout de piste.

Mme Perry Mélançon : Donc, l'idéal, ce serait d'implanter un parcours aussi pour les... bien, d'accompagnement pour les employeurs le plus rapidement possible.

Mme Murray (Audrey) : Bien, en fait, je pense que ce qu'on comprend de l'orientation du gouvernement, c'est qu'on souhaite avoir une meilleure coordination puis une meilleure stratégie d'accompagnement. Donc, effectivement, on est d'accord avec ça, oui. Merci

La Présidente (Mme Chassé) : 45 secondes.

Mme Perry Mélançon : Ça va. Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Non? Bien, je vous remercie, Mme Murray et Mme Houpert, pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends momentanément les travaux pour permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 12)

(Reprise à 16 h 14)

La Présidente (Mme Chassé) : Nous sommes de retour. Je souhaite maintenant...

Des voix : ...

La Présidente (Mme Chassé) : Je vous invite à l'ordre. À l'ordre, s'il vous plaît! Un peu plus dissipés, vous êtes le dernier groupe que l'on accueille pour notre mandat de consultation cette semaine. Bienvenue. La cerise sur le sundae, tiens.

Alors, bienvenue aux représentants de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Vous avez 10 minutes pour faire votre exposé. À une minute de la fin, je vais vous inviter à conclure par un signe de la main. Et je vous invite à tout d'abord vous présenter. Allez-y.

Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI)

M. Gaudreault (Simon) : Merci, Mme la Présidente, M. le ministre, distingués membres de la commission. Alors, oui, je fais les présentations sans plus attendre. Simon Gaudreault, directeur principal de la recherche nationale pour la FCEI. Je suis accompagné aujourd'hui d'Audrey Azoulay, économiste, qui a entre autres rédigé une bonne partie, là, du mémoire que l'on a déposé à la commission, et de Mme Annie Larochelle, présidente de Phil Larochelle Équipement, un membre de la FCEI, qui va nous exposer, là, un peu plus tard dans notre présentation, la réalité de l'entreprise, là, en matière de pénurie de main-d'oeuvre et d'immigration.

J'entre tout de suite dans le vif du sujet. Comme vous le savez, la FCEI, c'est le plus grand regroupement de PME au Canada avec 110 000 propriétaires de PME, dont environ un sur cinq, là, est situé au Québec. Les tout derniers chiffres disponibles sur l'étendue des pénuries de main-d'oeuvre confirment que le marché du travail québécois ne dérougit pas. La FCEI a d'ailleurs dévoilé la semaine dernière son plus récent rapport, là, des postes à pourvoir, que l'on publie trimestriellement. Donc, les chiffres pour le deuxième trimestre de 2019 au Québec, c'est un taux de postes vacants de 3,9 %, un sommet au Canada, à égalité avec la Colombie-Britannique, 116 000 postes à pourvoir dans les entreprises depuis au moins quatre mois parce que les employeurs ne sont pas en mesure de trouver les employés recherchés, c'est pratiquement le double d'il y a trois ans. 50 % des entreprises indiquent qu'une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée limite leurs ventes ou l'augmentation de leur production et 40 % indiquent qu'une pénurie de main-d'oeuvre non qualifiée les limite de la même manière. On notera également que les entreprises de moins de cinq employés, donc nos microentreprises, sont plus durement touchées par les pénuries de main-d'oeuvre. Par exemple, le taux de postes vacants pour ces entreprises-là à l'échelle canadienne, c'est 5,4 %, soit plus du double de celui des entreprises de 100 employés et plus.

J'aimerais aussi mentionner que les données montrent clairement que les postes vacants ont un impact sur les salaires. Les entreprises canadiennes avec au moins un poste vacant prévoient une hausse globale moyenne des salaires de 2,3 %, contre 1,5 % pour celles qui n'en ont aucun. Et, malgré cet effort-là que les PME consentent déjà, là, en matière de bonification des conditions de travail, il semble que le problème, en fait, se situe en grande partie ailleurs. Dans le graphique 2 du mémoire que nous avons fait parvenir dans le cadre des présentes consultations, vous verrez qu'en matière de problèmes de recrutement rencontrés par les PME du Québec le manque de candidats disponibles dans leur région surpasse nettement leur difficulté à satisfaire les attentes des candidats en matière de conditions de travail, incluant la rémunération. En d'autres mots, bien, peu importe le niveau du taux horaire affiché sur l'offre d'emploi ou même que ce taux y figure tout court, on reçoit bien souvent peu ou pas de C.V., il n'y a personne pour combler le poste. Donc, n'en déplaise à certains chroniqueurs, nos PME font tout sauf rigoler, à l'heure actuelle.

De plus, en dépit de la situation actuelle déjà problématique, rien n'indique que la tendance s'essoufflera de manière significative. En effet, même si l'économie devait hypothétiquement ralentir, notre réalité démographique continuera à poser un défi à notre marché du travail et à notre économie dans un futur plus ou moins immédiat. Face à ce défi-là, l'immigration est l'une des solutions évidentes, parmi d'autres aussi, soutenues par la FCEI.

Les PME du Québec, c'est 99 % des entreprises, la moitié du PIB du secteur privé et de l'emploi au Québec. C'est pourquoi la FCEI, en tant que leur principale représentante, a pris une part active dans les récentes actions et discussions portant sur la pénurie de main-d'oeuvre et l'immigration. Elle a émis ses commentaires en décembre dernier sur le plan d'immigration du Québec et, en février, à l'occasion des consultations sur le projet de loi n° 9. On a de plus accueilli favorablement la mise en oeuvre par le gouvernement de La Grande Corvée, le lancement de la plateforme Arrima et le déploiement du nouveau Parcours d'accompagnement personnalisé pour les personnes immigrantes.

Comme la FCEI a eu l'occasion de le mentionner lors de son passage en commission sur le projet de loi n° 9 cet hiver, ce dont les employeurs du Québec ont besoin, c'est d'un meilleur arrimage de l'immigration avec les besoins du marché du travail. À l'heure actuelle, il y a un mauvais casting entre le profil des personnes accueillies au Québec et les postes disponibles dans les entreprises. Alors que les postes à combler requièrent très majoritairement des compétences de base ou de niveau technique ou professionnel, le Québec a plutôt accueilli des personnes beaucoup plus qualifiées. Selon les données de l'ISQ, le taux de surqualification des immigrants est passé de 37 % en 2006 à 44 % en 2017 et s'est aggravé chez les immigrants ici depuis plus de cinq ans, il est passé de 33 % en 2006 à 42 % en 2017. La FCEI insiste donc aujourd'hui sur la priorité qui doit être accordée à la qualité de l'intégration économique des nouveaux arrivants et qui passe indéniablement par l'adéquation de leurs compétences aux véritables besoins du marché du travail. Nous recommandons aussi au gouvernement de modifier la grille de sélection de l'immigration économique pour qu'elle insiste davantage sur des critères qui traduisent les besoins du marché du travail québécois et réduisent la surqualification des candidats admis. Enfin, pour la FCEI, le choix du bon casting passe également par un recours plus dynamique aux travailleurs étrangers temporaires.

Je m'arrête ici, car nous tenions à faire entendre aujourd'hui en commission le témoignage d'une entreprise membre de la FCEI qui illustre la réalité actuelle du marché du travail au Québec et comment ça se passe pour les PME qui utilisent le système d'immigration. Il nous fera plaisir, par la suite, de détailler davantage nos perspectives et recommandations lors de la séance de questions et réponses avec la commission. Donc, je cède la parole à Mme Larochelle.

• (16 h 20) •

Mme Larochelle (Annie) : Merci, M. Gaudreault. Mme la Présidente, membres de la commission, je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer aujourd'hui devant la commission afin de vous partager une tranche de notre expérience en recrutement international.

Pour vous situer, Phil Larochelle Équipement est une compagnie manufacturière de troisième génération spécialisée dans la fabrication d'équipements de camion, de déneigement et de semi-remorque d'excavation ultrastable. L'entreprise demeure à ce jour un des premiers fabricants d'équipements de ce genre au Canada et elle siège fièrement, depuis ses origines en 1932, sur la 2e Avenue à Limoilou. La clientèle que nous desservons depuis nos débuts sont les contracteurs privés, municipalités et gouvernements à travers le Québec, le Canada et les États-Unis.

Il y a environ maintenant quatre ans, nous avons identifié une plus grande difficulté à combler nos besoins de main-d'oeuvre de production. Une nouvelle réalité s'est installée, combinée aux multiples démarrages des chantiers Davie, qui chaque fois venaient puiser profondément dans notre précieux bassin de travailleurs expérimentés. Déjà en 2015, la réalité latente de la pénurie de main-d'oeuvre se formalisait, et, malgré des efforts soutenus et des moyens d'attraction les plus innovateurs, nous n'avons pu combler les postes vacants. Après trois ans d'efforts et d'épuisement de ressources, l'entreprise s'est donc retrouvée face à un nouveau seuil historique d'employabilité qui compromettait inéluctablement sa survie opérationnelle.

De par la situation actuelle, le moteur économique que représentent les entreprises québécoises se retrouve ainsi poussé au bord de l'essoufflement. À titre d'information, pendant trois ans d'efforts soutenus, nous avons réussi à embaucher 20 travailleurs locaux, trois ans. Nous n'avons réussi qu'à en retenir trois, les 17 autres n'ayant pas su avoir ou démontrer les qualifications suffisantes. Ça, Mme la Présidente, ça s'appelle se retrouver au fond du baril. Il fut un temps où l'entreprise québécoise souffrait de manque d'entrepreneurs et de releveurs, nous en sommes maintenant à un manque de travailleurs. Nous sommes donc au bas de la pyramide des besoins de la structure socioéconomique.

Le recrutement, aujourd'hui, siège au sommet de l'art de la vente, Mme la Présidente. Il s'agit maintenant d'un long processus d'efforts de recherche en continu, combinant stratégies d'attraction, séduction, qualification et rétention. Nous comptons aujourd'hui des travailleurs étrangers que j'ai moi-même été sélectionner en Asie et que j'ai qualifiés techniquement. Mais, croyez-moi, Mme la Présidente, il a fallu me mettre le couteau entre les dents, compte tenu des circonstances que vivait l'entreprise. Plusieurs obstacles et contraintes se sont rapidement dressés au travers du processus. Les délais de Service Canada, probablement l'étape la plus éprouvante de toute notre expérience. Avant de voir arriver notre cohorte de travailleurs, neuf mois se sont écoulés, Mme la Présidente, neuf mois de longs délais, d'incertitude, de décisions contradictoires de la part du service fédéral, et ce, malgré la conformité rigoureuse de notre dossier. Service Canada oeuvre actuellement dans un processus bureaucratique alourdi et détaché de la réalité, un processus truffé de conventions inutiles qui est, de plus, périlleux pour les entreprises québécoises. Service Canada agit avec détachement par rapport à l'urgence de la crise que pose la pénurie de main-d'oeuvre au Québec.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une minute au bloc d'échange... à votre exposé.

Mme Larochelle (Annie) : Les entreprises québécoises se font traiter et répondre avec condescendance et se font souvent servir des décisions sans appel. Ces dernières se voient laissées au pilori, en attente d'être sacrifiées non pas par un manque de demande du marché, mais leur incapacité à maintenir leurs opérations économiques. En ce qui nous concerne, notre entreprise était positionnée avec quatre importants contrats municipaux multiannées pour la fourniture d'équipements de camion représentant plusieurs millions de dollars de revenus. Ma question : Pourquoi en est-il autrement pour les autres programmes de recrutement de talents?

Je tiens à souligner que l'expérience est toute autre avec le palier provincial. Dans notre cas, les 10 semaines requises au fédéral se sont vues damer le pion pour un délai de seulement une semaine pour le volet provincial. Ça a été très efficace. Il faut revoir...

La Présidente (Mme Chassé) : En concluant.

Mme Larochelle (Annie) : Oui. Excusez-moi, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Chassé) : 10 secondes.

Mme Larochelle (Annie) : Oui. L'histoire de Phil Larochelle Équipement est celle d'un acteur...

La Présidente (Mme Chassé) : Ah! le ministre vous donne de son temps.

Mme Larochelle (Annie) : Oui?

La Présidente (Mme Chassé) : Oui. Alors, prenez le temps de bien conclure, le ministre vous donne de son temps.

Mme Larochelle (Annie) : Est-ce que je conclus immédiatement ou je termine? Vous me permettez de terminer?

M. Jolin-Barrette : Oui, allez-y, allez-y.

Mme Larochelle (Annie) : Je vous remercie. C'est le manque d'expérience, M. le ministre. Pardonnez-moi.

Ma question... bon, alors, je tiens à souligner que l'expérience est tout autre... bon, j'en ai parlé.

Je pense que le Québec fait des efforts considérables pour porter assistance au niveau du recrutement international, mais il subsiste encore quelques incongruités. La liste des métiers qualifiables au traitement simplifié dans le cadre de l'EIMT, actuellement, trop peu de métiers y figurent. Il faudrait élargir la liste le plus rapidement possible avec l'aide des comités sectoriels de la main-d'oeuvre, car le plafond d'employabilité de 10 % implique la capacité d'une entreprise à assurer sa croissance à partir d'une base d'embauche sur le plan local, ce qui n'est vraisemblablement plus le cas en ce qui nous concerne. La rareté des compétences ne discrimine plus et se trouve dans un éventail de qualifications tellement plus élargi aujourd'hui.

Deuxième point, une apparence d'inéquité au niveau de l'accès à l'aide financière pour le recrutement international. Pour l'instant, seule l'offre de recrutement de Québec International se qualifie pour les entreprises qui en retiennent les services. Autrement, il en va jusqu'à coûter 20 000 $ par travailleur. Il s'agit d'un investissement important pour une entreprise comme la nôtre, comme pourrait l'être une pièce d'équipement important, mais les créanciers d'une entreprise ne capitalisent pas la valeur de l'investissement dans l'humain comme étant des actifs tangibles. Les besoins en matière de main-d'oeuvre de Phil Larochelle Équipement ne cadraient malheureusement pas avec l'offre actuelle de Québec International, ce qui n'a fait qu'augmenter le fardeau de risque du projet.

La Présidente (Mme Chassé) : Est-ce qu'on approche de la fin de votre exposé?

Mme Larochelle (Annie) : Je termine, madame.

La Présidente (Mme Chassé) : Fantastique.

Mme Larochelle (Annie) : Le Programme d'apprentissage en milieu de travail pourrait être également révisé afin de reconnaître l'éligibilité des travailleurs étrangers temporaires et ainsi appuyer la démarche pour en faire de meilleurs candidats à l'immigration et de futurs contribuables québécois.

Comme dernier point, j'aimerais vous signifier mon appui à l'idée de retirer l'imposition au niveau des heures supplémentaires payées aux travailleurs. La France est un bon exemple que cette initiative peut grandement contribuer à pallier au problème de manque de main-d'oeuvre. L'histoire de Phil Larochelle Équipement est celle d'un acteur important au niveau socioéconomique pour la ville de Québec et à l'échelle canadienne.

Pour terminer, je salue l'intérêt de la commission qui se penche sur les solutions pour permettre au Québec de traverser la crise de main-d'oeuvre actuelle, et j'espère que ma présence aujourd'hui pourra servir à enrichir votre réflexion à ce sujet. Je vous remercie sincèrement. Merci, M. le ministre.

La Présidente (Mme Chassé) : Alors, M. le ministre, la parole est à vous, et il vous reste 13 min 30 s.

• (16 h 30) •

M. Jolin-Barrette : Parfait. Merci, Mme la Présidente. M. Gaudreault, Mme Larochelle, Mme Azoulay, bonjour, merci pour votre présentation. Et puis, Mme Larochelle, merci d'être présente aujourd'hui, parce que je pense que c'est une excellente illustration de la réalité que les entrepreneurs comme vous vous vivez, notamment au Programme des travailleurs étrangers temporaires. Ça fait plusieurs mois que je le dis qu'on demande au gouvernement fédéral d'avoir des assouplissements, et c'est une démonstration claire que vous venez de faire de pourquoi est-ce que c'est nécessaire d'avoir un assouplissement, et surtout sur la durée des délais aussi, notamment sur l'étude d'impact du marché du travail. Dans certaines circonstances, il est tout à fait nécessaire d'être plus efficaces, et là, de votre propos, ce que je constate, c'est qu'au niveau du gouvernement fédéral, bien, ça a pris des mois et des mois, et vous avez eu toutes sortes de difficultés aussi. Alors, il faut comprendre que le marché du travail québécois, il est particulier au Québec, et on a tous les outils au Québec pour faire en sorte de pouvoir gérer ce programme-là uniquement au Québec. J'ai bien pris note également des ressources pour les entreprises au niveau du recrutement, le coût par personne recrutée, également l'importance de la flexibilité aussi que vous souhaitez avoir. Alors, c'est bien noté, puis je vous remercie pour ce témoignage-là.

Bon, globalement, là, au niveau de l'ensemble des entreprises, on a un défi, bon, avec les travailleurs étrangers temporaires. En ce qui concerne la régionalisation, vous avez des entreprises dans la région de Montréal, vous avez des membres qui sont dans les autres régions. On souhaite aller de l'avant avec une plus grande régionalisation, mais comment faire pour ne pas y aller au détriment, supposons, de la région de Montréal métropolitain? Avez-vous des pistes de solutions?

M. Gaudreault (Simon) : Bien, disons que ce que... Merci, M. le ministre, pour votre question. Vous avez raison, là, de vouloir parler de régionalisation de l'immigration, c'est certainement un aspect important qui, à notre avis, peut contribuer à favoriser, disons, une meilleure intégration et, de ce fait-là, là, meilleure réussite, là, du parcours d'immigration pour plusieurs candidats. C'est un fait que 85 %, environ, là, de notre immigration va plutôt se destiner à la grande région de Montréal, alors qu'on sait, là, que ça représente un peu moins de la moitié de la population du Québec. Donc, il y a des défis de ce côté-là, et très certainement qu'en favorisant une meilleure régionalisation, en distribuant un peu mieux les candidats sur tout le territoire du Québec, bien, on viendrait, à ce moment-là, rapidement satisfaire aux besoins de davantage d'entreprises, là, qui sont à la recherche, finalement, de la perle rare. On espère, en tout cas, qu'on a réussi à illustrer aujourd'hui qu'il y a définitivement un très sérieux enjeu de main-d'oeuvre à l'échelle du Québec.

Une façon de faire cette régionalisation-là, à notre avis, qui peut être examinée, c'est dans la grille de sélection des immigrants de la catégorie économique, la grille de sélection du Québec. Présentement, on est d'avis que c'est une grille qui favorise une certaine surqualification chez nos candidats à l'immigration et donc qui accorde beaucoup de points, par exemple, au niveau de la scolarité. Est-ce qu'on ne peut pas regarder, si jamais on décidait de moins mettre l'accent là-dessus, l'intégration dans la grille de facteurs pour régionaliser l'immigration? Ça peut être une avenue de solution, là, du point de vue de la FCEI.

Il y a d'autres mesures qui peuvent être mises en place par le gouvernement. Vous avez annoncé, M. le ministre, très récemment, des mesures d'intégration des immigrants, rapidement les contacter, que ce soit même en amont dans le parcours, dans la démarche d'immigration, mais aussi rapidement lorsqu'ils arrivent au Québec, leur présenter les différentes opportunités dans les parcours d'immigration, incluant celles qui seraient à l'extérieur de la région de Montréal. Ça peut être aussi une façon de favoriser l'établissement de davantage d'immigrants en région.

Vous savez, sachant que l'on était en commission cette semaine, j'ai saisi l'opportunité d'engager des conversations, étant à Montréal, avec différents immigrants, et un des immigrants à qui j'ai posé la question cette semaine : Si vous aviez une suggestion à faire au ministre et aux distingués membres de la commission, en matière d'amélioration de l'immigration, laquelle serait-elle... Alors, on parle d'un immigrant qui est à Montréal, qui conduit, évidemment, hein, un taxi, c'est le classique, mais qui a déjà entamé son parcours il y a de très nombreuses années, et je lui ai demandé : Qu'est-ce que vous auriez aimé avoir, dans votre démarche d'immigration, que vous n'avez pas eu?, et il m'a répondu : Davantage d'opportunités de m'établir en région, donc, et c'était spontané de sa part. Alors, je pense qu'il y a du travail à faire de côté-là, et ça peut se faire, comme je viens de le souligner, autant du côté de la grille, du pointage que dans le soutien à l'intégration chez nos immigrants de la part du gouvernement.

M. Jolin-Barrette : Merci. Je vais céder la parole, Mme la Présidente. Juste une spécification sur la grille, avec Arrima, on va sélectionner en fonction des invitations qu'on va faire, donc principalement en fonction des besoins du marché du travail. Donc, j'entends votre message relativement à la grille, mais prioritairement, actuellement, supposons, au niveau du pointage, au niveau du nombre d'années d'études, bien, avec les invitations que nous faisons, puisque nous les faisons en fonction des différents besoins, cette présence-là, cette pondération associée au nombre d'années d'études est, comment je pourrais dire, moins importante parce que c'est un processus en deux étapes maintenant.

Mais je vais céder la parole, Mme la Présidente, juste je vais seulement reprendre à la fin, à trois minutes de la fin, environ.

La Présidente (Mme Chassé) : À trois minutes de la fin? Alors, je reconnais la députée de Soulanges. Vous avez 7 min 30 s, donc vous avez quatre minutes. Allez-y.

Mme Picard : C'est bon. Merci. Merci beaucoup. Merci pour votre témoignage aussi, Mme Larochelle.

J'avais une question par rapport à la francisation. Vous dites que c'est un peu complexe pour peut-être libérer les employés pour la formation. Pouvez-vous élaborer pour peut-être nous donner des suggestions pour la francisation en milieu de travail et le rôle que pourraient jouer les employeurs?

M. Gaudreault (Simon) : Bien, je vous dirais que, oui, c'est... Votre question est pertinente, dans le sens où ça nous permet de rappeler la réalité, hein, de nos entreprises au Québec. Je l'ai mentionné brièvement, 99 % de nos entreprises au Québec sont des PME. Mais, lorsqu'on regarde plus en détail, on voit que les trois quarts de nos entreprises ont moins de 10 employés, au Québec. Même si on descend encore, la moitié ont moins de cinq employés, hein? Donc, notre économie et nos milieux de travail sont essentiellement des milieux de travail de microentreprises. La flexibilité, dans ce contexte-là, et les moyens sont peut-être plus limités que dans l'image, des fois, qu'on se fait d'une grande entreprise, où il y aurait possibilité de libérer, par exemple, un employé pour aller faire un cours de francisation lors des heures de travail, des fois ce n'est juste pas possible. Et aussi, du côté des employeurs, ce qu'il est possible de faire lorsqu'on a une très petite opération, là, avec du soutien, pas juste au niveau de la libération des heures pour suivre des cours de francisation, mais aussi d'autres mesures qui pourraient être mises en place, la capacité, autrement dit, est un peu plus limitée.

Donc, c'est simplement cette réalité-là que l'on voulait porter à l'attention des membres de la commission et du gouvernement. Lorsqu'on fait, si vous voulez, le design de nos programmes de francisation, il faut se rappeler ça. Ce qui ne veut pas dire que nos employeurs, au Québec, n'ont pas la grande volonté de réussir le parcours d'intégration de leurs candidats, de leurs employés immigrants, bien au contraire. Je pense qu'on l'a dit tout à l'heure, là, la situation pose un grand défi, à l'heure actuelle, donc on veut les retenir, on va faire les efforts nécessaires, mais à l'intérieur, si vous voulez, des moyens et de la réalité, là, de l'entreprise.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une minute à votre bloc d'échange.

Mme Picard : O.K. J'ai peut-être, oui, une dernière question aussi. Pour la main-d'oeuvre immigrante temporaire, est-ce que vous savez si les membres ont fait des démarches pour que les travailleurs étrangers puissent, en fait, avoir leur résidence permanente? Est-ce que vous êtes au courant si ça s'est déjà fait? Avez-vous des expériences à nous raconter sur ceux qui étaient temporaires et qui veulent devenir permanents?

Mme Larochelle (Annie) : Bien, ce que j'entends, à l'heure actuelle... Moi, j'ai été en accueillir 10, tout frais de juin, et déjà ils me demandent de connaître les frais, justement, pour déposer une application pour aller chercher leur résidence permanente. Donc, les 10 que j'ai été chercher, sélectionner, j'étais dans la crème, je les ai... ils sont hautement motivés à demeurer des contribuables québécois. Ils ne sont pas ici à titre, ah! opportuniste ou quoi que ce soit. Notamment, avant qu'ils quittent le pays là-bas, je leur ai payé un cours de francisation. Et rendus... ils arrivent ici, dès la première semaine... moi, je suis de l'école qui pense qu'avant que le confort s'installe trop il faut encore profiter de la turbulence, donc je les ai tout de suite inscrits. Ils font 12 heures de français par semaine, donc je les libère le vendredi après-midi et également un quatre heures tous les samedis entre juillet et décembre, ils auront fait trois niveaux de français, à ce moment-là. Je travaille avec une équipe formidable du Centre R.I.R.E., sur la rue de la Couronne ici, à Québec. L'équipe de M. Songa, ils sont merveilleux, ils ont une qualité d'enseignement et d'intervenants absolument inestimable. Ce n'est pas si pire.

La Présidente (Mme Chassé) : Alors, ça conclut, pour pouvoir permettre au ministre de reprendre la parole. M. le ministre.

• (16 h 40) •

M. Jolin-Barrette : Oui. Écoutez, je vous remercie grandement pour votre passage en commission parlementaire. Je vais simplement profiter des dernières minutes qui nous restent du temps de parole pour remercier l'ensemble des membres de la commission puis de souligner le fait que je crois que les travaux ont été constructifs et riches en échanges. Je tiens à remercier les organisations et les acteurs de la société québécoise qui se sont exprimés devant cette commission et qui ont contribué à la réflexion. La présence de ceux-ci démontre l'intérêt et l'importance du débat que nous avons eu sur l'immigration, sur les seuils rattachés à l'immigration.

Les différentes présentations ont permis de faire ressortir plusieurs consensus, tout d'abord la nécessité d'améliorer notre système d'immigration, qui a parfois été négligé au cours des 15 dernières années. Je souligne également l'importance de l'action du Québec en matière de francisation et d'intégration des personnes immigrantes ainsi qu'un meilleur accompagnement tout au long du processus, comme nous l'avons annoncé la semaine dernière.

Un autre consensus qui s'est dégagé est la nécessité pour le ministère de l'Immigration et ses partenaires de faire mieux, notamment en regard de l'accompagnement des employeurs, et ça, nous y travaillons et nous allons agir dans ce domaine-là. Je retiens aussi l'urgence d'agir afin de répondre aux besoins de main-d'oeuvre du Québec.

Les échanges ont été constructifs. Le gouvernement analysera sérieusement l'ensemble des propositions, et nous continuerons à travailler sans relâche pour moderniser notre système d'immigration. Nous aurons l'occasion, d'ici le 1er novembre, de vous présenter le fruit de ces réflexions.

En terminant, Mme la Présidente, vous me permettrez de souligner le travail exceptionnel des employés du ministère de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion, qui ont travaillé sans relâche sur cette consultation, et ce, depuis plusieurs mois. Donc, dans un premier temps, Mme la Présidente, j'aimerais remercier en particulier M. Jacques Leroux, sous-ministre adjoint, qui m'a accompagné tout au long de cette commission, Mme Anne-Marie Fadel, directrice générale de la recherche et de la planification par intérim, Mme Marie-France Martin, directrice de la planification de l'immigration, M. Louis Bélanger, directeur général des opérations en immigration, Me Matteo Miriello, avocat à la direction des affaires juridiques, M. Sébastien Bernard, conseiller et adjoint à la direction de la planification de l'immigration, Mme Annie Beauchemin, conseillère stratégique au secrétariat général. J'aimerais remercier également tous les employés du ministère qui ont contribué durant le processus, également mes collègues députés de la partie gouvernementale qui nous ont accompagnés durant ces quatre jours, un grand merci à vous tous, et les collègues des oppositions qui ont contribué à cette commission, tout en vous remerciant, Mme la Présidente, d'avoir présidé, M. et Mme la secrétaire, l'ensemble du personnel de l'Assemblée aussi qui nous accompagne tout au long des travaux. Alors, merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci, M. le ministre. Alors, ça conclut le dernier bloc d'échange du parti formant le gouvernement. J'invite maintenant, pour le dernier bloc d'échange du parti formant l'opposition officielle à échanger avec vous, M. le député de Nelligan. Vous prenez la parole.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Je seconde le ministre par rapport aux remerciements à tout le personnel, les gens du ministère, les collègues qui ont contribué et aussi les différents groupes et vous aussi d'avoir présidé les travaux. Merci.

M. Gaudreault, Mme Larochelle, Mme Azoulay, bienvenue. Merci pour votre présence et pour l'excellent rapport. Première question, je l'adresse à vous, Mme Larochelle. Merci pour votre témoignage. Je pense que votre présence donne... et le choix est très bien fait par la FCEI, c'est tout à votre honneur de ramener un cas réel parce que, parfois, les gens, ils ont tendance à dire : Écoutez, on exagère la pénurie, les 116 000 postes que vous avez déclarés pour le quatrième trimestre d'affilée, c'est exagéré, 1 million de postes pour les 10 prochaines années, c'est exagéré, mais il y a beaucoup de choses que, malheureusement, c'est des mythes qui circulent. Le fait d'avoir une femme d'affaires présente avec nous aujourd'hui, ça nous enlève un peu de la poussière et pour voir avec d'autres lunettes.

Ma première question s'adresse à vous, Mme Larochelle. Vous répondez quoi à quelqu'un qui vous dit : Il faut rendre les postes vacants plus attrayants pour les Québécois si vous voulez absorber la pénurie de main-d'oeuvre?

Mme Larochelle (Annie) : Nous avons usé de toutes les stratégies.

M. Derraji : Donc, vous avez aussi rendu les postes attrayants pour les Québécois, et ça n'a pas marché.

Mme Larochelle (Annie) : Le trois ans que je mentionnais dans mon allocution, un peu plus tôt, représente la quantité d'efforts. Ça représente quand même 36 mois, là, où est-ce qu'on a intensifié, on a augmenté, on a varié, on a usé de moyens incroyables, du référencement : 1 000 $ si tu restes six mois, 1 000 $ si tu me réfères quelqu'un. Il n'y a rien qu'on n'a pas mis sur la table, et ça, c'étaient toutes des sommes que je ne disposais pas, bien entendu, au niveau de mon modèle économique, mais avec le résultat qu'en trois ans j'ai réussi à engager 20 personnes pour les postes que j'avais à offrir, je n'en ai gardé que trois, malgré tout ça.

Et je tiens à vous mentionner que les conditions de travail qu'on offre sont absolument incroyables. Les gens terminent à 3 h 30 du lundi au jeudi, de 6 h 45, terminent à 12 h 30 tous les vendredis. Moi-même, je n'ai jamais pensé avoir une telle qualité de vie, là, à titre de dirigeante d'entreprise, c'est tout autre.

M. Derraji : Je vous comprends, et, pour moi, c'est une réalité que je savais avant de venir en politique. J'ai eu l'occasion de parcourir le Québec, j'étais très proche de plusieurs entrepreneurs, et, moi, ça me révolte quand on entend ou que j'entends le premier ministre... En fait, ce que je viens de vous citer, c'est le premier ministre du Québec qui l'a dit hier. C'est que, pour moi, ça me révolte de voir que les entrepreneurs au Québec ne font rien pour rendre les postes attrayants, et la solution, c'est aller chercher de la main-d'oeuvre à l'extérieur. Donc, c'est pour cela que je vous ai posé la question. Une autre question, c'est par rapport aux salaires.

Mme Larochelle (Annie) : Est-ce que j'ai bien répondu à votre question?

M. Derraji : Ah! moi, ça a été très clair.

Mme Larochelle (Annie) : Oui? D'accord.

M. Derraji : Parce que je sais que ce n'est pas vrai que les entrepreneurs québécois ne rendent pas les postes attrayants au Québec. Moi, là, je suis outré quand j'entends que la seule solution que le premier ministre avait à dire hier, c'est rendre les postes vacants plus attrayants pour les Québécois. Ce n'est pas la réalité des entrepreneurs, ce n'est pas vrai.

Mme Larochelle (Annie) : Je veux quand même juste vous dire que nous sommes une société qui est conventionnée, nous avons un système de relations de travail. Et donc, malgré tout, je suis obligée d'aller au-delà des barèmes, des prérequis d'embauche, j'ai mis des programmes internes. Je recrute qui que ce soit qui a un pouls et qui respire, et par la suite, s'il peut apprendre, bien, je lui enseigne, puis je le forme, puis j'essaie de faire quelque chose avec. Moi, je suis au fond, là.

M. Derraji : Oui. Et vous les francisez même avant qu'ils arrivent ici sur vos... de vos revenus.

Mme Larochelle (Annie) : Oui. Oui, parce que, pour moi, la francisation, c'est le gage de la réussite d'une intégration et c'est le gage que ces gens-là vont devenir de vrais contribuables. C'est ce qu'on veut, en bout de ligne, on ne veut pas qu'ils quittent.

M. Derraji : Oui, oui. Mme Larochelle, je n'ose même pas vous poser une autre question.

Mme Larochelle (Annie) : Excusez-moi.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Derraji : Parce que, quand j'entends que les gens, à 12 $, à 15 $, ils vont avoir des difficultés, vous, vous avez des difficultés, et, j'en suis sûr et certain, et corrigez-moi si je me trompe, je ne pense pas que vos salaires, c'est du 12 $ ou du 15 $.

Mme Larochelle (Annie) : Non, monsieur, ça commence à 19 $.

M. Derraji : Oui, c'est ça. Ça, c'est des postes d'entrée, Mme Larochelle?

Mme Larochelle (Annie) : Oui.

M. Derraji : Ça peut aller jusqu'à combien?

Mme Larochelle (Annie) : 25 $.

M. Derraji : 25 $. Merci de nous préciser cette réalité, parce que, j'en suis sûr et certain... et là M. Gaudreault peut aussi intervenir, l'exemple que vous avez ramené aujourd'hui de l'entreprise de Mme Larochelle représente un portrait généralisé? Est-ce qu'on peut dire qu'on généralise, on peut faire une extension du portrait de Mme Larochelle aux membres de la commission aujourd'hui?

M. Gaudreault (Simon) : Disons que la dernière fois où on a mesuré, par exemple, le taux de salaire horaire moyen dans les PME du Québec, là, c'est quand même assez récent, il y a 12 mois ou moins, on était à 19 $ de l'heure. Donc, on se rappelle, donc, les PME ont des moyens qui sont assez limités, comme je le soulignais tout à l'heure. Mais cela étant dit, ce chiffre-là illustre une diversité, là, de postes dans une diversité d'industries, alors c'est clair qu'il y a et il va toujours y avoir, et les PME sont une pépinière pour ça, des postes d'entrée de niveau, hein, où on fait notre entrée sur le marché du travail, et il y a, à l'autre bout du spectre, une série de postes, incluant dans les PME, avec des qualifications relativement élevées, qui vont payer un taux de salaire horaire plus élevé. Et il est vrai que... et la FCEI appuie cela, d'ailleurs, et il s'agit, à notre avis, d'une des solutions au défi de la main-d'oeuvre, il est vrai qu'il faut augmenter la productivité de nos entreprises, et ça peut passer par de l'automatisation, qui va nous permettre d'améliorer le niveau de vie et aussi de surmonter une partie du défi de la pénurie de main-d'oeuvre.

Mais cela étant, il va toujours demeurer une diversité de postes dans notre économie, de l'entrée sur le marché du travail jusqu'à des postes d'une spécialisation plus élevée. Le défi, évidemment, pour notre économie, est de s'assurer que les employeurs, avec leur diversité de modèles économiques, sont bien supportés et peuvent continuer à développer leurs entreprises à l'intérieur de la réalité actuelle.

M. Derraji : Oui, merci, M. Gaudreault. Je vais revenir, si vous le permettez, à Mme Larochelle. Écoutez, je sais que vous ne faites pas de la politique. Nous, on le fait, on est dans un processus de consultation pour une nouvelle politique qui va commencer, si l'échéancier est respecté, au mois de novembre. On va avoir, pour les deux prochaines années, une nouvelle politique d'immigration. Dans un monde idéal...

Mme Larochelle (Annie) : ...

M. Derraji : Hein?

Mme Larochelle (Annie) : Et je la salue.

M. Derraji : Oui. Dans un monde idéal, qu'aimeriez-vous que le gouvernement... fait pour vous accompagner, pour vous aider à surmonter les obstacles de la pénurie de main-d'oeuvre?

Mme Larochelle (Annie) : Nous en donner les moyens financiers, parce que, dans notre cas, étant donné qu'on ne pouvait pas travailler avec le principal agent qui appuie l'initiative de l'immigration au Québec, qui est Québec International, c'est de nous donner des moyens de se qualifier pour avoir un appui financier. Chez nous, ça a représenté un investissement de plusieurs...

M. Derraji : Combien d'employés vous avez au sein de votre entreprise, Mme Larochelle?

Mme Larochelle (Annie) : Nous avons, au siège social, 50 employés et nous avons, dans le groupe familial, également une autre entreprise qui compte une quinzaine d'employés. Ma perspective, en fonction du développement que nous avons et du positionnement privilégié de par la renommée dont jouit notre entreprise, me permet d'anticiper qu'à l'intérieur de deux ans je pourrais doubler mon chiffre d'affaires si j'avais la main-d'oeuvre, ce qui n'est pas peu dire.

M. Derraji : O.K. Donc, vous pouvez doubler votre chiffre d'affaires si on vous donne la main-d'oeuvre nécessaire.

• (16 h 50) •

Mme Larochelle (Annie) : Oui, si j'ai les travailleurs. J'ai d'ailleurs planifié retourner en mission cet automne.

M. Derraji : O.K. Pour aller chercher d'autres employés.

Mme Larochelle (Annie) : Je vais ouvrir un autre quart de travail.

M. Derraji : Donc, quand on dit que la pénurie de main-d'oeuvre freine vraiment la croissance économique, freine la croissance des salaires, parce que vous avez des salaires quand même au-delà de la moyenne, ce n'est pas un mythe, c'est un fait. Vous, ça vous limite, la pénurie de main-d'oeuvre, dans votre croissance.

Mme Larochelle (Annie) : En fait, la pénurie de main-d'oeuvre affecte, justement, la croissance, ça va de soi, mais elle attaque le maintien des activités économiques et elle crée, à la limite, une pression négative sur les organisations, parce que, écoutez, les gens qui sont à bord de ces entreprises-là, qui voient que ça ne va pas, qu'est-ce que vous pensez qu'ils ont envie de faire? Bien, ils ont envie de sauter en dehors du bateau. Donc, ça va créer même un phénomène d'attrition de l'entreprise, parce qu'ils ont peur pour leurs emplois, ils voient très bien que le modèle n'est plus soutenable. Donc, on n'a d'autre choix que de faire quelque chose. Et ce qui m'inquiète, si le gouvernement n'adresse pas la situation basée sur les besoins des entreprises...

La Présidente (Mme Chassé) : Il reste une minute au bloc d'échange.

Mme Larochelle (Annie) : ...je crains que l'arrivée de l'intelligence artificielle sera mal introduite et supplantera définitivement l'apport humain dans les entreprises, parce que la nature déteste le vide, on s'entend. Alors, je crains ça également.

M. Derraji : Mme Larochelle, je partage vos inquiétudes et je peux vous assurer que ma formation politique va mener ce combat, parce qu'on l'a dit qu'on ne veut pas être... et que le gouvernement devienne un gouvernement antiéconomique, parce que des mesures pareilles ne vous aident pas à aller chercher la croissance nécessaire. Et je termine en vous disant : Prenez-soin de vous, parce qu'on a besoin de femmes comme vous en affaires. Merci, Mme Larochelle.

Mme Larochelle (Annie) : Merci, monsieur.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Ça conclut le bloc d'échange avec le groupe formant l'opposition officielle. Nous sommes rendus au deuxième groupe d'opposition. M. le député de Laurier-Dorion, c'est votre dernier bloc d'échange du mandat. Allez-y.

M. Fontecilla : Merci. Mesdames monsieur, merci d'être ici. Écoutez, je voudrais connaître votre position sur la question de la francisation. Vous mettez l'emphase sur cette question-là, qui est importante quand même, surtout au Québec, là. Est-ce que vous seriez d'accord avec la francisation en entreprise?

M. Gaudreault (Simon) : Bien, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, M. le député, il est clair que d'avoir l'aspect... le fait français, hein, lors du parcours ou de la démarche d'immigration permet, évidemment, de favoriser l'intégration des candidats ou des immigrants dans leur milieu de travail, dans leur communauté. Maintenant, la question est de savoir, par rapport à la réalité de ces petites entreprises là, est-ce qu'on a les moyens de francisation qui sont adaptés à leur réalité. Donc, il faut avoir, si vous voulez, en tête à la fois l'objectif, qui est de s'assurer d'une intégration harmonieuse, qu'on francise nos immigrants qui vont, par exemple, travailler dans les différentes régions du Québec, et à la fois respecter la capacité, la flexibilité, par exemple, que peuvent offrir les plus petites entreprises et les moyens dont elles disposent. Donc, il y a cet équilibre-là que l'on doit atteindre dans les parcours de francisation.

Mais cela étant dit, une des meilleures façons aussi de franciser nos immigrants, c'est, bien sûr, de les intégrer, hein, dans un emploi au sein d'une entreprise, là, qui est souvent, hein, chez nos membres, là, les PME, une grande famille, et ensuite dans une communauté. Alors, ça, c'est un facteur de succès pour l'intégration réussie des immigrants et donc, souvent, leur francisation.

M. Fontecilla : Merci. Écoutez, à la page 4, vous nous présentez un tableau Problèmes de recrutement rencontrés par les PME du Québec, là. Alors qu'on parle beaucoup de surqualification des immigrants, je vois, dans votre graphique, là, que la question «les candidats sont surqualifiés par rapport aux besoins de mon entreprise», c'est à l'avant-dernière place, là. Expliquez-moi, il me semble qu'il y a une contradiction.

M. Gaudreault (Simon) : Oui. Il faut faire attention lorsqu'on interprète ces résultats-là. Alors, lorsqu'on pense à la qualification, hein, quand on est un chef d'entreprise, on pense au lien par rapport aux besoins de mon entreprise. Alors, parmi les candidats qu'ils ont vus, est-ce qu'ils en ont vu tant que ça qui ne peuvent pas répondre aux besoins de l'entreprise? Peut-être que c'est à ce point de vue là qu'on a un 8 %. Souvent, ce qu'on va voir, comme employeur...

La Présidente (Mme Chassé) : En conclusion.

M. Gaudreault (Simon) : ...bon, ce sont des candidats qui se présentent avec un certain besoin, qui vont présenter, si vous voulez, leur candidature de la meilleure manière possible, et parfois...

La Présidente (Mme Chassé) : En terminant.

M. Gaudreault (Simon) : ... — oui — alors, parfois, on n'arrive pas à répondre aux besoins. Mais je vous dirais qu'il faut nuancer un peu lorsqu'on parle de surqualification ou de sous-qualification, du point de vue de l'employeur.

La Présidente (Mme Chassé) : Très bien. Je vous remercie. Nous sommes rendus au dernier bloc d'échange avec le troisième groupe formant l'opposition. Mme la députée de Gaspé, la parole est à vous. Allez-y.

Mme Perry Mélançon : Merci. D'abord, j'aimerais vous remercier d'être présents puis de clore la consultation avec cette formule-là, qui a été vraiment enrichissante. C'est toujours un plaisir d'entendre des cas réels puis de voir qu'on travaille pour essayer de régler ces situations-là qui sont très problématiques, donc merci.

J'aimerais poser une question, si vous me permettez, Mme Larochelle. J'aimerais savoir, quand vous dites que vous avez eu des décisions contradictoires au fédéral, tout ça, ça a été des longs délais, est-ce que vous avez dû passer par votre député fédéral pour tenter de régler la situation? Avez-vous eu des conversations avec votre député fédéral?

Mme Larochelle (Annie) : Alors, j'ai eu la chance d'être excessivement bien conseillée, j'avais un excellent avocat en immigration avec une fiche recommandée du plus haut niveau de par son expérience avec Service Canada, et c'est la première chose qu'il m'a dit d'éviter : Ne tourne pas ton dossier en politique parce que ça irrite le processus et tu vas faire fermer ton dossier. Donc, ce n'est certainement pas une porte qu'on m'a recommandée.

Mme Perry Mélançon : Merci. Bon, parce que, c'est ça, à titre de députée, je reçois des cas comme ça, des dossiers, puis on tente de travailler avec le palier fédéral, avec la députée au point de vue fédéral...

Mme Larochelle (Annie) : Ça les irrite.

Mme Perry Mélançon : ...et je vous dirais qu'effectivement ça ne donne jamais quelque chose de concluant. Donc, j'aimerais savoir, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, je m'adresse à vous, est-ce que vous êtes en faveur à ce que le gouvernement du Québec aille chercher le maximum de pouvoirs au niveau fédéral?

M. Gaudreault (Simon) : Bien, disons que notre vision est plus au niveau, présentement, de l'administration et du côté opérationnel du système. Alors là, ce qu'on voit et ce qu'on travaille avec mes collègues de notre bureau à Ottawa, hein, qui sont les partenaires principaux, là, à la FCEI, du gouvernement fédéral, on essaie d'introduire plus d'efficience dans le système. Je pense que ce qu'on a essayé d'illustrer aujourd'hui par le cas de Mme Larochelle et ce qu'on essaie de travailler avec le gouvernement fédéral, le ministre en a parlé tout à l'heure, c'est un besoin qu'il y ait un peu plus d'efficacité dans le système. Alors, je pense qu'au final ce qui compte pour les entrepreneurs, indépendamment, je vous dirais, peut-être, de la juridiction, c'est, à la fin de la journée : Est-ce qu'on est arrivés à recruter nos candidats dans un temps raisonnable? Et vous savez qu'en affaires le temps, c'est de l'argent, donc c'est le principal besoin, présentement, à l'heure actuelle, d'accélérer les processus.

Mme Perry Mélançon : Merci. Bien, pour conclure, je trouve que votre recommandation 2 dans votre document fait un bon résumé, là, puis, peut-être, j'aimerais le souligner puis le rappeler au gouvernement, au ministre, qui est là, je trouverais ça bien de le lire, donc : «La FCEI recommande au gouvernement de publier l'agenda prévu pour la mise en place efficace des nouveaux dispositifs de sélection, d'accueil et d'accompagnement des immigrants et de prévoir au plus vite les collaborations qui permettront de supporter ces dispositifs.» Donc, je pense qu'avec tous les groupes qu'on a entendus, là, c'est une demande que je me permets de faire, de réitérer aussi au gouvernement, de connaître l'agenda qui va suivre dans les prochaines semaines, prochains mois, donc merci.

La Présidente (Mme Chassé) : C'est très bien. Je remercie M. Gaudreault, Mme Azoulay et Mme Larochelle pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je remercie, moi aussi, tous les membres de la commission pour cette belle semaine de travail. Je pense que ça a été éclairant. Je vous félicite pour votre professionnalisme.

Ça ajourne, hein, ça termine le mandat qu'on avait cette semaine, et nous nous retrouvons pour un autre mandat le 17 septembre, à 10 heures. Bonne continuation d'été. Merci à tout le monde.

(Fin de la séance à 16 h 59)

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