Journal des débats (Hansard) of the Committee on Institutions
Version préliminaire
42nd Legislature, 2nd Session
(October 19, 2021 au August 28, 2022)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions
Wednesday, December 1, 2021
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Vol. 46 N° 11
Special consultations and public hearings on Bill 2, An Act respecting family lawreform with regard to filiation and amending the Civil Code in relation to personality rights and civil status
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Intervenants par tranches d'heure
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Lévesque, Mathieu
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Lachance, Stéphanie
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Maccarone, Jennifer
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Leduc, Alexandre
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Leduc, Alexandre
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Bachand, André
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Hivon, Véronique
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Martel, Donald
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Maccarone, Jennifer
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Maccarone, Jennifer
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Bachand, André
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Massé, Manon
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Hivon, Véronique
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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D'Amours, Sylvie
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Lachance, Stéphanie
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Maccarone, Jennifer
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Maccarone, Jennifer
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Bachand, André
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Leduc, Alexandre
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Hivon, Véronique
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Jolin-Barrette, Simon
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Jolin-Barrette, Simon
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Bachand, André
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Lévesque, Mathieu
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Maccarone, Jennifer
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Leduc, Alexandre
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Hivon, Véronique
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Lévesque, Mathieu
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Tanguay, Marc
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Tanguay, Marc
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Leduc, Alexandre
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Hivon, Véronique
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Lemieux, Louis
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D'Amours, Sylvie
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Maccarone, Jennifer
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Massé, Manon
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Bachand, André
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Massé, Manon
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Hivon, Véronique
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Jolin-Barrette, Simon
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Jolin-Barrette, Simon
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Bachand, André
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Lemieux, Louis
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Tanguay, Marc
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Leduc, Alexandre
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Hivon, Véronique
11 h (version révisée)
(Onze heures vingt et une minutes)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît!
Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des
institutions ouverte.
La commission est réunie afin de
poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi n° 2, Loi portant sur la réforme du
droit de la famille en matière de filiation et modifiant le Code civil en
matière de droits de la personnalité et d'état civil.
Avant de débuter, Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce) est remplacée par Mme Maccarone
(Westmount—Saint-Louis) et M. Zanetti (Jean-Lesage) est remplacé par M. Leduc
(Hochelaga-Maisonneuve).
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Également, y a-t-il
consentement pour permettre à la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques de
participer à nos travaux?
Des voix : Consentement.
Le Président (M.
Bachand) :Consentement. Merci beaucoup.
Donc, ce matin, il nous fait plaisir d'accueillir Mme Line Picard
avec nos travaux ce matin. Merci beaucoup d'être ici. Alors, comme vous le savez,
vous avez 10 minutes de présentation, puis après ça on aura un échange
avec les membres de la commission. Donc, immédiatement, je vous cède la parole,
puis, encore une fois, merci d'être avec nous ce matin.
Mme Picard (Line) : Merci
beaucoup. Alors, bonjour, je m'appelle Line Picard. Je suis ici aujourd'hui
pour vous partager mon point de vue sur certains aspects du projet de loi qui
touchent la gestation pour autrui. Je suis une enseignante à l'élémentaire
depuis plus de 19 ans. Je suis titulaire d'un baccalauréat en psychologie,
un baccalauréat en éducation et une maîtrise en counseling éducationnel.
Je suis également maman de deux grandes
filles de 14 et 16 ans, et j'ai eu l'immense honneur d'avoir la chance de
vivre l'expérience d'être mère porteuse gestationnelle à deux reprises. Je suis
l'auteure d'un livre intitulé Aventures au pays des cigognes, où je
raconte mon histoire et aussi où je tente de démystifier certains aspects moins
bien connus liés à la gestation pour autrui. J'ai aussi été très présente
depuis les 12 dernières années sur des forums d'appui pour les femmes porteuses
où j'agis à titre de mentor. J'ai côtoyé plus d'une centaine de mères porteuses
et aussi des parents d'intention. Donc, ma perspective... la perspective que je
vais vous partager aujourd'hui s'appuie sur ces expériences.
Pour mieux comprendre ma perspective,
permettez-moi d'abord de vous partager les grandes lignes de mon projet, de mon
expérience. En 2009, quand j'étais âgée de 30 ans, mes enfants avaient
alors deux ans et quatre ans, j'ai choisi d'être mère porteuse
gestationnelle, c'est-à-dire porter les enfants de couples infertiles avec qui
je n'avais aucun lien génétique. J'ai pris cette décision pour des raisons
entièrement altruistes, après beaucoup de réflexions, de nombreuses recherches
et surtout après avoir eu l'assurance que j'aurais l'appui de ma famille et de
mes proches.
J'étais à ce moment résidente de l'Ontario,
où l'entente légale que j'avais établie avec les parents était reconnue par la
loi. À la suite d'un transfert d'embryon, je suis devenue enceinte de jumeaux
et j'ai donné naissance à deux garçons en 2010. L'expérience fut tellement
merveilleuse que j'ai choisi de la répéter environ un an plus tard. Donc, dans
des circonstances similaires, j'ai donné naissance en 2012 à une petite fille.
Ces expériences demeurent à ce jour parmi
les plus belles, les plus riches, les plus gratifiantes que j'ai eu la chance
de vivre. Il n'y a pas de mots pour décrire le bonheur et aussi la fierté de
réaliser qu'on a permis à des gens d'être parents. Les enfants que j'ai portés
sont aujourd'hui âgés de 11 ans et neuf ans. Je continue d'entretenir
des liens très spéciaux avec ces familles.
En ce qui concerne le projet de loi,
permettez-moi d'abord de dire que je suis vraiment très satisfaite et
particulièrement soulagée que le Québec ait finalement fait le choix d'encadrer
juridiquement cette pratique, et je suis en accord avec l'essentiel du projet
de loi. Le fait de mettre des balises légales à un phénomène qui existe déjà
depuis longtemps au Québec et qui se produit régulièrement, malgré l'absence d'encadrement
légal, est réellement une bonne chose pour toutes les personnes impliquées,
donc les femmes porteuses, les parents d'intention et surtout pour les enfants
qui vont naître de ce type de projet.
Permettez-moi toutefois d'exprimer mon
désaccord avec certains articles de la loi qui proposent que la gestatrice ait
la possibilité de refuser de consentir à la renonciation de son lien de
filiation avec l'enfant qu'elle aurait porté pour des parents d'intention, et
ce, jusqu'à 30 jours suivant la naissance de l'enfant. En d'autres mots,
on propose d'offrir à la mère porteuse le droit de changer d'idée et de garder
l'enfant.
J'aimerais insister sur un point important
avec lequel nous pouvons sans doute tous nous entendre ici et avec lequel
toutes les femmes porteuses que j'ai côtoyées ont toujours été fortement d'accord :
dans un projet de gestation pour autrui, le meilleur intérêt de l'enfant
devrait toujours, toujours primer et être central à toute décision qui le
concerne, incluant l'établissement de la filiation. Donc, peu importe la nature
du projet, traditionnel ou gestationnel, il est logique que dès la naissance la
loi exige que la filiation soit automatiquement accordée aux parents d'intention,
ceux à qui appartient le projet parental, et non à la gestatrice, qui n'a
jamais eu l'intention d'être la mère de cet enfant.
Dans le cas malheureux, bien que
statistiquement improbable au Canada, où une gestatrice changeait d'avis et
manifestait le désir de garder et <élever...
Mme Picard (Line) :
...où une gestatrice changeait d'avis et manifestait le désir de garder et >élever
l'enfant comme le sien, je suis convaincue qu'un juge, et non la gestatrice
elle-même, serait mieux placé pour trancher sur la question et décider ce qui
est réellement dans le meilleur intérêt de l'enfant. Ce serait donc à la
gestatrice et non aux parents d'intention d'entamer les démarches nécessaires
pour demander l'obtention de la filiation.
Bien que la loi québécoise en vigueur
désigne comme «mère» toute femme qui accouche d'un enfant, qu'elle ait un lien
génétique ou non avec celui-ci, on peut certainement s'entendre sur le fait que
porter et accoucher d'un enfant ne fait pas automatiquement d'une personne une
mère, pas plus que le fait de donner son ovule ou son sperme ne fait de quelqu'un
un parent. Même si les donneurs de gamètes partagent un lien génétique avec l'enfant,
on comprend que ce lien génétique n'a rien à voir avec le rôle ou les
responsabilités d'un parent. Il serait complètement illogique d'accorder la
filiation d'un enfant au donneur ou à la donneuse, tout comme il serait
illogique d'accorder cette filiation à une gestatrice avec comme simple raison
qu'elle a porté l'enfant.
Bien qu'il soit tout à fait justifié que
la gestatrice ait le contrôle absolu sur son corps et qu'elle ait, tout au long
du projet, le droit unique et autonome de prendre ou refuser des procédures ou
traitements médicaux, la décision quant à la filiation de l'enfant n'est pas
une décision médicale ni même relative au corps de la femme. Une fois qu'un
enfant est né, il devient un être humain à part entière avec des droits qui lui
sont propres, il n'est pas une extension du corps de la femme qui l'a porté.
Et, à ma connaissance, cette perspective est partagée par la grande majorité
des femmes porteuses.
J'aimerais élucider un des plus grands
mythes concernant l'état d'esprit des femmes porteuses, soit cette tendance
absurde que plusieurs personnes ont à comparer la relation d'une femme porteuse
avec l'enfant qu'elle a porté à celle d'une mère biologique qui placerait son
propre enfant en adoption. Ces deux situations sont complètement différentes.
Donc, l'état d'esprit d'une femme porteuse n'a absolument rien à voir avec
celle d'une femme qui se retrouve enceinte de son propre enfant biologique et
qui fait face à l'obligation de prendre la meilleure décision pour son enfant à
elle. Ce choix de placer son propre enfant en adoption peut certainement entraîner
des sentiments de culpabilité et de déchirement. Je n'ai jamais observé ces
sentiments chez une femme porteuse pour qui la décision est réfléchie et la
grossesse très planifiée. Une femme porteuse a fait le choix conscient de
porter cet enfant bien avant de devenir enceinte. Cette idée qu'il existe un
sentiment de déchirement chez la gestatrice, au moment où elle remet le bébé à
ses parents, est simplement fausse et non fondée.
La plupart des femmes porteuses ont aussi
préalablement rencontré une psychologue ou une travailleuse sociale avant d'entamer
le projet. Cette rencontre qui sera d'ailleurs obligatoire, si j'ai bien
compris, avec le nouveau projet de loi, permet de prendre conscience des
implications du projet, de réfléchir aux enjeux qu'il implique avant de prendre
la décision. Selon mes observations, les femmes qui, à ce stade de la
réflexion, réalisent qu'elles ne sont pas prêtes à renoncer à leurs droits...
leur filiation avec l'enfant ainsi qu'à toute responsabilité ou droits
parentaux décident rarement de poursuivre le projet.
Au Canada, la motivation principale des
femmes faisant le choix d'être gestatrice pour autrui serait d'aider un couple
à réaliser leur rêve d'être parents, tout simplement. Un changement d'intention
au cours de la grossesse ou suite à la naissance est très peu probable. Le
phénomène d'une gestatrice qui exprimerait soudainement l'intention de garder
le bébé qu'elle a porté pour des gens qu'elle a sincèrement voulu aider est
pratiquement inexistant au Canada, à ma compréhension. À cet effet, les lois
proposées ne refléteraient peut-être pas toute la réalité actuelle mais
seraient plutôt basées sur des mythes, des fausses croyances et même des idées
préconçues.
Plusieurs facteurs sont essentiels pour qu'un
projet de gestation pour autrui soit une expérience positive : la
construction d'un solide lien de confiance, la communication ouverte et,
surtout, l'élaboration d'attentes et de balises très claires et irrévocables
concernant le projet parental. Ces attentes précises sont établies dans une
convention légale, un contrat qui, selon la nouvelle loi, sera rédigé et conclu
avant que toute démarche médicale ne soit entamée. Le contrat ne devrait
laisser aucune... place à aucune ambiguïté quant à l'objectif du projet. Cette
limpidité est absolument essentielle au développement du lien de confiance.
Le fait d'offrir à la gestatrice la
possibilité de devenir le parent légal d'un bébé qui n'est pas le sien, ni d'un
point de vue social et parfois ni même d'un point de vue biologique, représente
un potentiel significatif de confusion, de malentendus et sans doute de
nombreuses tensions entre les différentes parties impliquées. Cette suggestion
risquerait possiblement de créer chez la gestatrice des doutes et peut-être
même, dans certaines circonstances, être interprétée par cette dernière comme
une invitation à s'identifier comme étant la mère et à réclamer des droits
parentaux, ce qui ne serait évidemment pas souhaitable.
• (11 h 30) •
La période après l'accouchement est
également d'une grande importance pour le développement du lien de confiance
nécessaire pour le maintien d'une relation à long terme entre la gestatrice,
les parents et l'enfant, qui est généralement souhaité par tous, surtout par
les parents qui désirent habituellement que leur enfant soit au courant de ses
origines et connaisse la femme qui lui a donné la vie.
Un très grand nombre de gestatrices
offrent également aux parents de tirer leur colostrum et leur lait maternel
après l'accouchement...
11 h 30 (version révisée)
Mme Picard (Line) : ...entre
la gestatrice, les parents et l'enfant, qui est généralement souhaitée par
tous, surtout par les parents qui désirent habituellement que leur enfant soit
au courant de ses origines et connaisse la femme qui lui a donné la vie. Un
très grand nombre de gestatrices offrent, également, aux parents, de tirer leur
colostrum et leur lait maternel après l'accouchement afin que le bébé puisse en
bénéficier. En offrant à la gestatrice une période de 30 jours pour
soudainement décider de garder le bébé qu'elle a porté, il n'est pas difficile
d'imaginer l'hésitation et l'inconfort des parents à entretenir une relation
intime avec la gestatrice une fois l'enfant né, lui permettre d'offrir son lait
maternel au bébé, à la laisser voir et prendre le bébé dans ses bras. On peut
imaginer leur crainte, sans doute non fondée, mais tout de même bien réelle qu'une
trop grande proximité puisse porter la gestatrice à trop s'attacher au bébé.
Le développement de l'identité parentale
et familiale ainsi que le développement du lien affectif entre les parents et l'enfant
sont particulièrement importants dans un contexte où l'enfant est né d'une
tierce personne. Les gens qui ont recours à la gestation pour autrui ont
souvent passé à travers de nombreuses épreuves difficiles avant de finalement
devenir parents. Un stress additionnel causé par la menace de perdre leur bébé
ne serait certainement pas l'idéal pour les nouveaux parents et certainement
pas pour l'enfant qui mérite d'avoir un environnement familial aussi serein et
stable que possible.
Bref, il est important de se questionner à
savoir s'il est réellement dans le meilleur intérêt de l'enfant de mettre en
place certaines composantes d'une loi qui pourrait potentiellement lui causer à
lui et à sa famille beaucoup plus de tort que de bien. Je vous invite à la
réflexion. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Mme Picard. M.
le ministre, vous avez la parole.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Bonjour, Mme Picard. Merci beaucoup d'être présente en commission
parlementaire. Je pense que votre propos est très intéressant parce qu'on parle
de modifier une loi, en fait, de venir encadrer la gestation pour autrui. Puis
vous, vous venez nous raconter votre expérience pratique de ce que vous avez
vécu, alors c'est fort instructif puis je vous remercie pour votre témoignage.
Peut-être si on peut débuter sur la question du 8‑30 jours. Dans le fond, dans
le projet de loi, ce qu'on prévoit, c'est que... Puis peut-être une autre
question avant de commencer ça. Hier, le Conseil du statut de la femme est venu
nous dire qu'on devrait utiliser les termes maternité de substitution. On parle
généralement de gestation pour autrui. Qu'est-ce que vous en pensez, sur l'utilisation
du vocabulaire qu'on devrait utiliser?
Mme Picard (Line) : Bien, je
pense que n'importe quel vocabulaire... mais il y a plusieurs différents termes
qui existent, là, justement pour parler du phénomène. Je pense, tant qu'on
utilise un vocabulaire qui est clair quant au lien de la femme, donc un
vocabulaire dans le fond qui ne sous-entend pas que cette femme-là est la mère
de l'enfant, donc différents endroits dans le monde aussi utilisent différents
termes.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Donc, vous, vous êtes moins à l'aise avec maternité de substitution?
Mme Picard (Line) : Ça
fonctionne pour moi aussi.
M. Jolin-Barrette : Ah! ça
fonctionne aussi. O.K..
Mme Picard (Line) : Oui, oui.
Il n'y a pas de problème, oui.
M. Jolin-Barrette : O.K. Sur
la question du 8‑30 jours. Le projet de loi, ce qu'il fait, ce qu'il dit, dans
le fond, le consentement doit être donné pas avant le huitième jour, mais avant
le trentième jour. Donc, la mère porteuse a la possibilité de conserver l'enfant
ou... En fait, elle ne peut pas donner le consentement avant, mais ça doit se
faire durant cette période-là. Par contre, dès la naissance, dans le projet de
loi, là, on a l'article 541.13 et dès la naissance de l'enfant, il peut y avoir
une remise aux parents. Et durant ce laps de temps là, on dit : «Le fait
de confier l'enfant emporte de plein droit la délégation de l'exercice de l'autorité
parentale et la tutelle...», exemple, l'accouchement, durant cette période-là,
l'enfant est remis, donc les parents d'intention ont la... Bien, déjà, en fait,
le parent qui a le matériel génétique, c'est le père de l'enfant
biologiquement. Et là, c'est au 8e jour. Donc est-ce que ça, ça vous satisfait
ou vous, vous dites : Non, non, ça devrait être l'inverse, ça devrait être
la mère porteuse qui peut revenir dans les 30 jours?
Mme Picard (Line) : Tout à
fait. Moi, je pense que la filiation devrait automatiquement être accordée aux
gens à qui appartient le projet parental, donc les parents d'intention et non
la gestatrice.
M. Jolin-Barrette : O.K. Mais
à ce moment-là, vous ne pensez pas que ça risque de créer davantage de
contestations juridiques si jamais il y avait un désir de la mère porteuse de
revenir sur sa décision? Parce que puisque la filiation serait établie d'office,
tu sais, dès le départ, dès le moment de la naissance, là, à ce moment-là, on
se retrouverait à écraser une filiation qui a déjà été établie. Donc, on
viendrait créer une filiation. Ensuite, la mère porteuse viendrait dire :
Non, je le conserve. Donc, on viendrait détricoter. Ça, vous n'avez pas de
crainte, vous, avec ça que ça fasse ça?
Mme Picard (Line) : Bien,
selon ma compréhension du phénomène, c'est très rare qu'une femme porteuse
décide soudainement que non, elle change d'idée puis elle veule réclamer la
filiation avec l'enfant. Alors, à ce niveau-là, non, je n'ai pas vraiment de
crainte que ça vienne alourdir le processus, là. Je ne le vois pas vraiment du
tout là.
M. Jolin-Barrette : O.K. Dans
votre mémoire, vous dites agir à titre de mentore, notamment pour certaines
femmes qui agissent à titre de mères porteuses. Pouvez-vous me dire, là,
commence ça se passe? Puis vous avez dit aussi : Il faut déconstruire
certains mythes. Ce n'est pas des femmes qui sont en situation de
vulnérabilité.
Mme Picard (Line) : Pas du
tout.
M. Jolin-Barrette : Parce que
c'est sûr qu'un des objectifs du projet de loi d'avoir la convention notariée,
de faire le choix de s'assurer que les intérêts de l'enfant et de la mère
porteuse soient le plus encadrés possible, c'est ça, la priorité pour nous.
Vous, vous dites au-delà de l'état de vulnérabilité ou non de la <personne...
M. Jolin-Barrette :
...Il
faut déconstruire certains mythes. Ce n'est pas des femmes qui sont en
situation de vulnérabilité.
Mme Picard (Line) :
Pas du tout.
M. Jolin-Barrette :
Parce que c'est sûr qu'un des objectifs du projet de loi d'avoir la convention
notariée, de faire le choix de s'assurer que les intérêts de l'enfant et de la
mère porteuse soient le plus encadrés possible, c'est ça, la priorité pour
nous. Vous, vous dites au-delà de l'état de vulnérabilité ou non de la >personne
qui le fait, notre souci, c'est justement cette priorité-là, à la mère
porteuse, à l'intérêt de l'enfant également puis l'autonomie également de la
femme sur son corps, qui décide de le faire, donc avortement, si, au cours de
la grossesse, elle puisse le faire à tout moment, le fait de pouvoir mettre
certaines clauses également dans la convention notariée qui seraient abusives
ou qui n'auraient pas d'allure pour la mère porteuse. Mais c'est quoi, le
portrait général des gens, là, que vous mentorez, qui décident de faire la
gestation pour autrui?
Mme Picard (Line) : Donc, le
profil typique d'une femme qui prend cette décision ou...
M. Jolin-Barrette : Bien, je
vous dirais vous, qu'est-ce que vous avez vu? Parce que vous l'avez vécu, puis
j'imagine, avec les différents réseaux de femmes qui décident de faire ça.
Mme Picard (Line) : Donc,
généralement, c'est des femmes qui sont assez éduquées, comme vous l'avez
mentionné, très rarement en situation de vulnérabilité. C'est des femmes qui
ont eu des expériences positives de maternité, qui accordent une grande valeur
aussi au fait d'être parent, puis qui ont décidé de partager cette chance-là qu'elles
ont avec d'autres. Ce sont des femmes qui sont extrêmement généreuses et
surtout, je dirais courageuses parce que c'est sûr que ça implique certains
risques. Et puis, donc, c'est ça, les femmes qui prennent cette décision-là
sont habituellement bien informées, prennent le... font le souci de le faire.
M. Jolin-Barrette : O.K. Mais
malgré ça, malgré le fait que ce soient des femmes bien informées, que vous
êtes d'accord avec le fait qu'on amène un encadrement juridique, une convention
notariée puis...
Mme Picard (Line) : Tout à
fait, tout à fait, je pense que c'est très important. Puis, justement, je
trouve que cette étape là, donc, la rencontre aussi préalable avec le
psychologue ou la travailleuse sociale, puis la prochaine étape qui va être la
rédaction d'une convention légale, ces étapes-là sont essentielles pour,
justement, que toutes les parties impliquées comprennent les enjeux liés au
progrès... Au projet et puis qu'elles soient capables, justement, de prendre la
décision, là, en toute connaissance de cause, donc que ça ne soit pas une
décision qui est prise sur un coup de tête. Donc, habituellement, la plupart
des cas comme moi j'ai connu, les femmes ont eu le souci de passer à travers
ces étapes importantes là.
Par contre, c'est déjà arrivé, j'ai déjà
été témoin de cas où les choses s'étaient moins bien déroulées. Donc, sans
tomber dans l'anecdotique, donc deux cas en particulier sur une centaine où
les... c'est deux différentes femmes qui s'étaient fait abandonner en cours de
grossesse par les parents et dans les deux cas, dans ces deux cas-là, il n'y
avait pas eu de convention, il n'y avait aucun encadrement légal ni même
médical. Donc, je pense que le fait de mettre en place une loi qui va encadrer
juridiquement ce type de projet va permettre justement d'éviter ce type de
dérapage.
M. Jolin-Barrette : O.K. J'aurais
deux dernières questions pour vous avant de céder la parole à mes collègues, je
vais vous les poser en rafale. Hier, on nous a suggéré, certains groupes nous
ont suggéré d'avant de devenir mère porteuse, dans le fond, d'abord eu une
grossesse préalable, donc, première question, qu'est ce que vous en pensez?
Et deuxièmement, est ce que lorsqu'on
décide d'être mère porteuse, puis ça a été une discussion qu'on a eue hier par
rapport aux agences, là, est-ce que les femmes qui s'engagent dans ce
processus-là, à partir du moment où il y a eu une première rencontre, où il y a
des démarches qui sont faites, elles se sentent prises? Ou lorsqu'il y a un
encadrement, vous pensez qu'en tout temps, elles vont pouvoir se dire :
bien, moi, j'arrête, ou moi, je ne vais pas plus loin? Tu sais, comme...
comment c'est perçu? Alors, grossesse préalable, et ce, à partir du moment où
il y a déjà des démarches d'effectuées.
Mme Picard (Line) : Oui.
Donc, puis c'est une opinion personnelle, oui, je pense que le fait d'avoir eu
une grossesse préalable permet de mieux comprendre, justement, qu'est-ce que c'est
que la maternité puis de comprendre aussi, justement, le lien d'attachement que
certaines femmes ont quand elles sont enceintes. Donc, il y a des femmes qui ne
sont pas prêtes à vivre cette expérience-là puis je respecte entièrement leur
choix. Puis, je pense que c'est important, oui, d'avoir vécu une grossesse pour
être capable de prendre une décision éclairée, puis de connaître ses propres
limites aussi par rapport à ce qu'on veut et ce qu'on se sent à l'aise de
faire.
L'autre question, c'était par rapport à
dans la mesure où un contrat est établi avec les parents...
• (11 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Oui,
bien, en fait, je vous dirais, tu sais, nous, on vient mettre un encadrement.
Bon, on nous a demandé d'encadrer les agences également. Mais ce qui
ressortait, c'était le fait de dire : bien, tu sais, un coup que j'ai été
à des séances d'information, un coup que J'ai dit oui, tout ça, c'est comme si
le train en marche là puis j'avais une crainte de reculer. Est-ce que, si
l'encadrement il est strict, la perception de la mère porteuse, c'est qu'elle
va toujours pouvoir ressortir puis cesser le projet parental parce que c'est ce
qu'on souhaite, là, alors je chercherais c'est quoi les balises à mettre en
place pour toujours <assurer son...
M. Jolin-Barrette :
...
si l'encadrement il est strict, la perception de la mère porteuse, c'est
qu'elle va toujours pouvoir ressortir puis cesser le projet parental parce que
c'est ce qu'on souhaite, là, alors je chercherais c'est quoi les balises à
mettre en place pour toujours >assurer son autonomie?
Mme Picard (Line) : Oui, tout
à fait, puis je suis d'accord avec ça. Puis, en général, c'est ce dont j'ai été
témoin aussi. Donc, oui, ça arrive dans certaines situations où, pour une
raison ou une autre, la mère porteuse, la femme décide de se rétracter.
Souvent, c'est pour des raisons médicales, ou des fois, c'est juste parce qu'il
y a quelque chose qui accroche avec les parents, quelque chose qui fait non en
dedans, comme on dit. Puis, je pense que la plupart des femmes porteuses sont à
l'aise d'interrompre le déroulement du projet. C'est sûr que ça aide d'avoir un
encadrement. Souvent, c'est la clinique de fertilité aussi qui va permettre cet
encadrement-là, qui va supporter la porteuse dans son choix. Puis on parlait
aussi d'avoir, là, des rencontres avec une psychologue ou une travailleuse
sociale. Je pense que ça aussi, ça serait d'une grande utilité, là, pour
justement accompagner, la femme porteuse pour pouvoir prendre cette
décision-là, qui n'est pas toujours facile à faire. Souvent, c'est plus une
espèce de culpabilité, si on veut. On ne veut pas décevoir quelqu'un. Mais je
pense que c'est important d'être capable de respecter ses propres limites dans
ce type de projet là.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Parfait. Je vous remercie beaucoup, Mme Picard. Je pense que la députée de
Bellechasse veut poser des questions.
Mme Picard (Line) : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. J'ai le député de
Chapleau préalablement.
M. Jolin-Barrette : Pardon.
M. Lévesque (Chapleau) : ...Mme
la députée de Bellechasse. Bien, je peux y aller. Quelques petites questions, Mme
Picard, rapidement, là. Merci d'abord de partager votre expérience. C'est
vraiment apprécié. Vous avez dit que c'était une volonté purement altruiste au
départ d'aller dans cette voie-là. Vous avez parlé que c'est une des plus
belles expériences enrichissantes. Ça, c'est quand même très positif pour l'avenir.
Je me demandais est-ce qu'il y a un volet qui était un peu plus négatif, je
peux parler, notamment, avec la question des remboursements de certains frais
qui sont engendrés? Est-ce qu'il y a eu des pertes de votre côté, peut-être au
niveau du travail ou quoi que ce soit ou d'autres éléments que vous avez vécus,
qui seraient peut-être à corriger ou à amener dans le processus?
Mme Picard (Line) : Bien, au
niveau du remboursement des pertes, donc c'est un volet qui est habituellement
très clair dans la convention légale. Donc dans ma situation, c'était le cas
aussi. Donc, vous savez qu'au Canada, la rémunération est illégale, mais le
remboursement des dépenses est permis. Puis, je pense que c'est important.
Bien, premièrement, les parents s'attendent à ça aussi. N'importe quelle
grossesse engendre des frais. Donc, un couple traditionnel, là, qui décide d'avoir
des enfants biologiques, c'est sûr qu'il y a des coûts associés qu'ils vont
habituellement absorber eux-mêmes. Dans le cas d'une femme porteuse, bien, ces
frais-là sont habituellement absorbés par les parents d'intention à qui
appartient le projet parental. Donc, les femmes porteuses acceptent rarement de
le faire à leurs frais, à leur perte aussi. Puis, il ne devrait pas non plus y
avoir de conséquences négatives financières pour la femme porteuse et sa
famille qui a fait le choix de vivre ce projet-là.
Donc, pour moi, non, ce n'est pas quelque
chose qui a du tout eu des conséquences négatives. C'était très clair avec les
parents. Les parents, c'est ce qu'ils souhaitaient aussi. Des conséquences
négatives, de mon côté, non. Je pense j'ai été très, très chanceuse aussi. J'ai
toujours eu une communication très ouverte puis j'ai choisi aussi les parents
avec qui j'allais vivre ce projet-là. Donc, on m'a présenté plusieurs profils
de parents. Ce n'est pas les parents qui manquent, là, qui cherchent des mères
porteuses. Donc, je me suis assuré d'avoir... de choisir un couple, dans le
fond, avec qui je partageais des valeurs semblables, qu'on avait des attentes
aussi semblables avant, pendant et après la grossesse. Donc, je pense que toute
cette transparence-là, puis cette communication ouverte là, la construction, du
lien de confiance aussi, c'est des éléments qui font, là, que l'expérience a
été positive pour moi. Puis, dans les cas, pour certaines femmes qui vivent
peut-être des défis par rapport à ce projet-là, souvent, c'est que je vois qu'il
y a des lacunes à un de ces niveaux-là, donc, soit le lien de confiance, soit
la communication qui est un petit peu plus difficile, des attentes qui étaient
peut être un peu moins claires. Donc, je pense que c'est pour ça d'avoir... le
fait d'avoir un suivi psychologique avant le projet peut vraiment aider toutes
les parties impliquées, là, à mettre les cartes sur la table, puis à ce que
tout le monde le vive de façon positive.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui.
Excellent. Une dernière petite question rapidement. On a parlé de la question
du 30 jours, consentement de la mère porteuse. Il y a un groupe, hier, qui
est venu nous dire qu'au Royaume-Uni, ils sont en train de revoir ça parce que
ça crée de la frustration chez les mères porteuses, le fait de permettre ce
30 jours-là. Est-ce que vous notez également cette frustration-là chez les
mères porteuses que vous avez côtoyées, donc, qui ne voudraient pas avoir ces
délais-là pour pouvoir, dans le fond, remettre l'enfant?
Mme Picard (Line) : En fait,
c'est que j'ai comme l'impression que les femmes, en ce moment, ne sont pas
vraiment au courant de cette partie du projet de loi là. Moi, je l'ai lu, puis
ça m'a fait sauter. Puis je un peu surprise que personne ne semble réagir en ce
moment, mais je suis absolument certaine que oui, c'est quelque chose qui
risque de faire réagir, bien, les parents, premièrement, mais aussi les femmes
porteuses, parce qu'en mettant cette composante-là, qui vient surtout affecter
les parents, là, on ne se le cachera pas, mais de ricochet, ça affecte la
relation de confiance, je pense, avec... entre la femme porteuse puis les
parents. Ça risque de créer beaucoup, beaucoup de tensions, je pense, qui ne
sont vraiment pas nécessaires. C'est un projet qui est déjà très chargé
émotivement, une gestation pour autrui. Donc, c'est ça, je pense que cette
période là de 30 jours risque juste d'apporter une certaine méfiance ou de
nuire au lien de confiance significativement aussi.
Une voix : Merci. Merci, M.
le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Il reste une minute 40 secondes pour
questions-réponses. Mme la députée de Bellechasse.
Mme Lachance : Merci, M. le
Président. Merci, Mme Picard d'être là aujourd'hui. C'est fort intéressant de
vous entendre. Je vais revenir sur des points qui ont déjà peut être été
abordés pour peut être préciser. Vous avez parlé tout à l'heure que vous avez
joué un peu le rôle de mentor avec certaines femmes qui avaient le souhait de
devenir mères porteuses, principalement avec les femmes, pas avec les
parents... Oui, avec l'ensemble.
Mme Picard (Line) : Plus les
femmes, oui.
Mme Lachance : Plus les
femmes. Et puis, vous avez mentionné que sur une centaine, là, il y avait eu
deux cas qui vous revenaient en mémoire, un peu plus difficile, ce qui n'est
quand même pas énorme. Mais est-ce que c'était des mères qui s'étaient
rétractées ou est-ce que c'étaient des parents?
Mme Picard (Line) : C'est les
parents qui avaient abandonné la mère.
Mme Lachance : Donc les mères
se retrouvaient avec un enfant qui était en fait pour autrui à la base?
Mme Picard (Line) : Oui,
exactement. Puis c'était à elle d'entamer des démarches pour soit trouver une
autre famille ou les placer en adoption. Puis c'est ça qui a eu lieu aussi.
Mme Lachance : Donc, d'où l'importance,
comme vous l'avez mentionné, d'avoir une bonne convention.
Mme Picard (Line) : Tout à
fait.
Mme Lachance : Vous avez
aussi abordé le fait que, justement, dans le même ordre, de l'expérience
positive de maternité qui conduisait ces femmes-là à faire le choix, parfois,
de devenir mères porteuses. Est-ce que vous pensez que la grossesse préalable
est 100 % essentielle? Ou il y en avait parmi la centaine qui n'avaient
pas eu d'expérience de grossesse et que ça s'est bien passé aussi?
Mme Picard (Line) : À ma
connaissance, les femmes que j'ai vues, moi, tout le monde avait vécu une
grossesse au préalable. Je pense que la plupart des agences au Canada, c'est un
critère pour pouvoir faire affaire avec une femme porteuse. Puis à l'extérieur
de ça, je pense que les cliniques de fertilité aussi, c'est quelque chose, là,
qui est particulièrement important. Ça serait intéressant d'avoir l'avis d'experts.
Moi, je ne suis pas une experte, je n'ai pas fait de recherche sur la gestation
pour autrui, mais si vous me demandez mon opinion personnelle, moi, je pense
que oui, le fait d'avoir vécu la maternité aide à prendre une décision qui est
beaucoup plus éclairée qu'une femme qui ne l'a pas vécu.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la
députée de Westmount—Saint-Louis, s'il vous plaît.
Mme Maccarone : Bonjour. Un
grand plaisir de vous entendre, et votre témoignage est fort pertinent. Puis je
veux vous remercier d'emblée d'amener un aspect très positif à quelque chose
que, je pense, on a des craintes souvent. Puis vous soulevez vraiment la
crainte, je pense, de plusieurs parents en ce qui concerne : Est-ce que je
vais vraiment pouvoir avoir mon enfant suite à la naissance? Je veux comprendre
un peu plus le processus dont vous avez entamé vous-même. Vous avez dit que
vous avez passé par une institution, une clinique pour trouver des parents,
parce que c'est vous qui avez dit oui, j'ai un intérêt à faire ceci. Alors,
mieux comprendre le processus pour vous. Puis, si vous avez aussi des
recommandations pour nous en ce qui concerne peut être des besoins que nous
devons mettre dans un règlement ou dans la loi pour s'assurer qu'on protège
toutes les parties prenantes dans ce contrat.
Mme Picard (Line) : Oui, tout
à fait. Donc, j'ai vécu deux expériences. Mes deux expériences étaient
différentes. La première, c'était via une agence. La deuxième, j'ai rencontré
les parents dans des forums sur Internet, des forums de fertilité. Je pense qu'avec
le nouveau projet de loi, je pense que la rencontre avec la psychologue, la
travailleuse sociale, à mon avis, devrait être faite par un organisme
indépendant, et non par l'agence, ni même par la clinique de fertilité. Les
deux ont des intérêts financiers dans le projet. Je ne dis pas que c'est mal
fait, là, parce que dans mon cas, ça s'est passé de cette façon-là. C'était très
bien fait, mais je pense que ça serait préférable d'avoir des organismes
indépendants qui s'assurent d'avoir ce dialogue-là, d'avoir cette rencontre
préalable là de façon à ce que ça soit le plus impartial possible.
• (11 h 50) •
Mme Maccarone : Pour être
éligible... là, on a parlé de... on pense que ce serait bien d'avoir une
grossesse préalable. Mais est-ce qu'il y aura autre contrainte que vous pensez
que nous devons enchâsser dans une loi pour s'assurer qu'on protège encore une
fois toutes les parties prenantes, incluant l'enfant.
Mme Picard (Line) : Bien,
encore là, je pense que peut-être que des experts seraient mieux placés que moi
pour établir des critères, si on veut. Peut-être que les psychologues,
justement, seraient plus capables d'établir des balises très claires. Je pense
que c'est essentiel que toutes les parties qui acceptent de vivre ce projet-là
soient conscientes des risques, donc démontre une compréhension de tout ce que
ça <implique...
Mme Maccarone :
...incluant
l'enfant.
Mme Picard (Line) :
Bien,
encore là, je pense que peut-être que des experts seraient mieux placés que moi
pour établir des critères, si on veut. Peut-être que les psychologues,
justement, seraient plus capables d'établir des balises très claires. Je pense
que c'est essentiel que toutes les parties qui acceptent de vivre ce projet-là
soient conscientes des risques, donc démontre une compréhension de tout ce que
ça >implique, donc, en termes de risques, en termes aussi, là, de ce qui
va se passer après, là, puis les attentes par rapport au lien de filiation et
tout ça. Donc, je pense que si on démontre une compréhension, ça devrait être
un critère, oui. Pour les autres, bien, on va laisser les experts se prononcer.
Mme Maccarone : Côté éthique,
pensez-vous que nous devons statuer en ce qui concerne... Là, on parle de c'est
nécessaire peut-être d'avoir une grossesse préalable, mais... Puis on parle
aussi d'un âge minimum de 21 ans, l'âge minimum de 21 ans. Pensez-vous que c'est
pertinent? Parce que s'il y a des personnes qui donnent naissance à des enfants
avant 21 ans. Mais est-ce qu'on devrait aussi penser à un âge maximum? Puis à l'intérieur
de ça, est-ce qu'on devrait aussi avoir un souci en ce qui concerne les liens
de filiation entre les personnes? Mettons que, moi, je veux porter un enfant
pour ma fille qui a un problème de santé, puis elle n'est pas en mesure de le
faire d'elle-même.
Mme Picard (Line) : Bien, en
ce qui concerne l'âge, je pense que l'âge maximal... Du moins, les médecins
sont mieux placés, là, pour prendre cette décision-là. Un âge minimal, je pense
que c'est plus une question de maturité et de compréhension des enjeux, plus
que d'âge en tant que tel. En ce qui concerne... L'autre question, c'était par rapport
à la filiation, donc si c'est une sœur ou une cousine ou... À mon avis, ça ne
change rien, là, que ça soit une personne... une cousine, une sœur ou quelqu'un
qui est complètement inconnu. Au moment de prendre cette décision-là, je pense
que les composantes qui vont faire que le projet est positif, que j'ai nommé
tantôt, le lien de confiance, la communication demeurent les mêmes. Donc, pour
moi, ce n'est pas quelque chose qui change. Des fois, même, je pense que ça
aide d'avoir quelqu'un qui a un certain recul, un étranger. Justement, c'est
peut-être moins chargé d'émotion, c'est plus impartial, aussi.
Mme Maccarone : Et en ce qui
concerne le contrat entre les deux parties, vous l'avez abordé un peu avec mes
collègues, mais est-ce qu'il y a aussi des balises dont nous devrons penser à
mettre en place? Je vous donne un exemple : on a parlé... On sait qu'on ne
veut pas avoir la marchandisation de la part de la femme, alors c'est fait d'une
façon «altruistique» qu'une femme va porter un enfant pour un couple. Mais les
frais associés avec ça peuvent vraiment se différencier d'une personne à l'autre.
Mme Picard (Line) : Oui.
Mme Maccarone : Puis aussi l'expérience
peut être très différente. Ça peut devenir une grossesse à risque, alors la
femme porteuse va devoir, mettons, rester chez elle, elle ne pourra pas aller
au travail. Est-ce que les parents d'intention doivent rémunérer la femme
porteuse pour le temps qu'elle n'est pas au travail, par exemple? Qu'est-ce qu'on
devrait prévoir dans un contrat pour s'assurer que tout est couvert pour
protéger la femme en question?
Mme Picard (Line) : Bien, je
pense que, ça, c'est des choses qui doivent être discutées puis établies entre
la femme porteuse puis les parents d'intention, mais comme je l'ai mentionné
tantôt, je pense que cette décision-là ne devrait jamais être vécue avec des
pertes financières. Donc, c'est certain que chaque projet est différent, peut
engendrer plus ou moins de coûts selon la circonstance. Donc, évidemment, je
pense à une grossesse à risque où la femme devait être en arrêt de travail. C'est
certain que ce sont des clauses importantes à avoir dans un contrat pour que la
femme soit protégée et ne vive pas de perte.
Mme Maccarone : Et après la
grossesse aussi, après l'accouchement?
Mme Picard (Line) : Oui, tout
à fait.
Mme Maccarone : Parce que je
sais...
Mme Picard (Line) : La
plupart des contrats vont prévoir une période post-partum. Je pense, il me
semble, j'ai envie de dire trois à six mois, si je ne me trompe pas, s'il y
avait des complications liées à ce type de projet là.
Mme Maccarone : O.K. Puis en
termes de support émotionnel, psychologique, je sais qu'il y a quand même
quelque chose à l'intérieur de la loi, mais est-ce qu'on y va assez loin?
Mettons, on offre un appui avant, est-ce qu'on devrait aussi avoir un appui
après? Devons-nous... Parce qu'aussi on a très peu de statistiques en ce qui
concerne ceci. Avez-vous des recommandations pour nous à ces deux sujets?
Mme Picard (Line) : Bien,
moi, je pense que n'importe quel appui ou n'importe quel dialogue qui peut
permettre justement, là, aux parties de mieux communiquer puis de maintenir le
lien de confiance, c'est certain que si des ressources additionnelles qui
peuvent être mises en place, c'est sûr que ça ne peut pas causer de tort, là.
Au contraire, ça peut justement venir appuyer les personnes puis donner une
voix aussi à tout le monde. Des fois, la communication peut être difficile
quand il y a beaucoup d'émotions qui sont chargées. Ce n'est pas tout le monde
communique bien aussi. Donc c'est certain que, oui, n'importe quel suivi comme
ça ou n'importe quelles ressources additionnelles seraient <souhaitables...
Mme Picard (Line) :
...les
personnes puis donner une voix aussi à tout le monde. Des fois, la
communication peut être difficile quand il y a beaucoup d'émotions qui sont
chargées. Ce n'est pas tout le monde communique bien aussi. Donc c'est certain
que, oui, n'importe quel suivi comme ça ou n'importe quelles ressources additionnelles
seraient >souhaitables. Oui.
Mme Maccarone : O.K.
Puis connaissez-vous des cas où la mère a décidé de... la femme porteuse a
décidé de garder l'enfant? Parce que je sais que ça fait beaucoup le sujet de
votre mémoire. Mais est-ce que vous connaissez des cas? J'ai fait une recherche
en ligne, je n'en ai trouvé aucun.
Mme Picard (Line) : Moi,
je n'ai jamais vu ça. Jamais, jamais. Je n'ai jamais vu ça. Le plus triste que
j'ai vu, si on veut, c'est une femme qui était déçue parce que les parents
avaient décidé de couper les liens avec elle suite à l'accouchement, ce qui
arrive. Puis, tu sais, encore là, je pense que, dans la rencontre préalable au
projet, c'est important de comprendre que les parents ont le droit de couper
les liens. C'est leur décision. Ce n'est pas notre enfant. Ces parents-là ne
nous doivent rien. Puis ça fait partie des possibilités, puis je pense que c'est
important de le comprendre, ça, puis de l'accepter aussi avant de décider de
poursuivre le projet. Mais une femme qui décide de garder le bébé, qui
manifeste le désir ou même qui regrette ou qui s'est sentie déchirée de
remettre l'enfant à ses parents, je n'ai jamais même entendu parler de ça.
Jamais.
Mme Maccarone : Je
présume qu'il devrait y avoir un accompagnement ou quelque chose. Je n'ai
jamais vécu... Je trouve fascinante l'expérience, je ne l'ai jamais vécue,
évidemment, mais la transition des femmes porteuses puis de donner le bébé que
vous avez porté pendant 10 mois, ça doit être lourd, ça doit être très
émotionnel. Que devons-nous faire pour s'assurer qu'on protège cette femme à l'intérieur
de ce processus? Parce que vous, vous avez une belle expérience... on imagine
la femme qui n'a pas eu une belle expérience.
Mme Picard (Line) :
Bien, encore là, comme je vous dis, je pense que, bien, premièrement, on ne
donne pas un bébé, on le remet à ses parents. Puis, je pense que le fait que la
décision a été prise bien avant de devenir enceinte... La décision ne se prend
pas au moment où la femme accouche, la décision est déjà prise. Donc, la femme,
elle n'a pas à choisir de remettre l'enfant ou pas. La décision est déjà prise.
Donc, cette espèce de déchirement là, moi, je n'en ai jamais entendu parler,
donc... Puis je m'attendais à le ressentir un peu, ne serait-ce qu'instinctivement,
les hormones, et tout ça, puis, vraiment, là, pas du tout, du tout. C'est
vraiment un bonheur de voir ces parents-là accueillir leur enfant après tout ce
long processus là, qui n'a pas été facile pour personne. Donc, je ne l'ai
jamais vu, ce déchirement-là. Jamais.
Mme Maccarone : Puis
est-ce qu'on devrait avoir des critères d'éligibilité pour être femme porteuse?
Mme Picard (Line) :
Bien, comme j'ai dit tantôt, je pense que c'est aux experts de se poser la
question, là, puis de... Mais probablement que oui. Donc, je pense que la
grossesse préalable, c'est sûr que c'est quelque chose qui aide beaucoup à
avoir une expérience positive. Puis, au niveau de la maturité, donc, s'assurer
que la femme qui prend cette décision-là comprend parfaitement les enjeux, les
attentes, tout ce que ça implique. Donc, je pense que ça, c'est les critères
qui devraient être les plus importants. Le reste, je pense que c'est des
détails.
Mme Maccarone : Puis
vous, vous recommandez fortement de continuer le lien entre la femme porteuse
puis les parents d'intention.
Mme Picard (Line) : Oui,
tout à fait. Puis, selon ce que j'ai observé, c'est ce que les parents
souhaitent dans la plupart des cas aussi. Je pense que c'est une chance que les
enfants ont de pouvoir justement connaître leurs origines puis connaître la
femme qui les a portés, ça apporte une richesse. C'est un peu comme un enfant
qui est placé en adoption, justement, puis qui ne connaît pas ses origines. Je
pense que ça comble peut-être un vide au niveau de l'identité, ça répond à des
questions. Je pense que c'est des morceaux du casse-tête qui sont importants
pour les enfants à avoir. Donc, oui, la relation après la grossesse est
certainement importante.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve,
s'il vous plaît.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Bonjour.
Mme Picard (Line) :
Bonjour.
M. Leduc : Bienvenue.
Merci pour votre témoignage, très apprécié. Pour vraiment être parfaitement
clair, pour bien servir votre pensée sur la question de l'expérience préalable
d'avoir eu une grossesse précédemment, là, vous avez vu, ça a été un sujet de
discussion hier, ça va en être un probablement pour le reste des audiences
aussi. J'ai cru comprendre que vous étiez ouverts à ce que ça soit une
condition, mais vous avez dit que c'était préférable. Premièrement, est-ce que
vous êtes ouverts à ce que ça soit une condition dans la loi?
• (12 heures) •
Mme Picard (Line) :
Bien, encore là, je ne pense pas que c'est à moi de décider. Moi, ce que je
pense, c'est que c'est sûr que c'est quelque chose qui peut contribuer très
positivement au projet et à faire en sorte, là, que les choses se déroulent
bien. Puis je pense que la plupart des femmes qui prennent cette décision-là de
porter l'enfant de quelqu'un d'autre le font justement parce qu'elles accordent
une valeur à la maternité. Donc, sans l'avoir vécue... c'est à se
questionner...
12 h (version révisée)
Mme Picard (Line) : ...je ne
pense pas que c'est à moi de décider. Moi, ce que je pense, c'est que c'est sûr
que c'est quelque chose qui peut contribuer très positivement au projet et à
faire en sorte, là, que les choses se déroulent bien. Je pense que la plupart
des femmes qui prennent cette décision-là de porter l'enfant de quelqu'un
d'autre le font justement parce qu'elles accordent une valeur à la maternité.
Donc, sans l'avoir vécu, c'est à se questionner, bien, quelles sont vraiment
ses intentions. Donc, au Canada, je remarque que c'est vraiment des intentions
altruistes. Donc, pour une femme qui n'aurait pas vécu cette expérience-là, c'est
difficile de voir comment vouloir donner quelque chose à quelqu'un sans l'avoir
reçu nous-mêmes.
M. Leduc : Donc, ouverture à
ça, mais pas une position nécessairement tranchée, au moment où on se parle
aujourd'hui, pour que ce soit une condition préalable.
Mme Picard (Line) : Oui. Je
ne me sens pas assez à l'aise pour avoir une opinion tranchée, oui, considérant
que...
M. Leduc : Je comprends. C'est
parfait. Des fois, les nuances, c'est des meilleures...
Mme Picard (Line) : Oui, c'est
ça.
M. Leduc : ...la meilleure
solution dans cette enceinte. Sur l'aspect du revenu, ça aussi, on joue des
fois sur une mince ligne. Salaire, compensation, ça reste du revenu. Parlant des
cas que vous connaissez ou que vous, vous avez vécus, est-ce que vous auriez...
auriez-vous apprécié avoir un salaire? Parce qu'il y a des discussions qui se passent,
des fois, au fédéral, des projets de loi privés qui sont déposés, qui sont
controversés aussi. Est-ce que la perte de compensation, ça suffit? Est-ce qu'on
ouvre le chantier? Est-ce qu'on réclame au fédéral qu'on permette d'avoir un
revenu, carrément, comme... que ça soit salarié, cette fonction-là de mère
porteuse?
Mme Picard (Line) : O.K.,
donc de permettre la rémunération, si on veut.
M. Leduc : Est-ce qu'on
devrait aller jusque-là? C'est ça, la question que je vous pose.
Mme Picard (Line) : Encore
là, ça, c'est une question, je pense, qui revient aux experts. Je pense que c'est
une question qui englobe beaucoup d'enjeux éthiques, moraux, puis ça ouvre la
porte à peut-être des dérapages aussi. Donc, je ne suis pas certaine d'être la
personne la mieux placée pour trancher là-dessus. Par contre, comme j'expliquais
tantôt, je pense que, dans toutes les conventions, c'est important d'avoir des
balises claires qui font en sorte qu'aucune femme n'ait à vivre cette
expérience-là avec des pertes, donc qu'il y ait des clauses, là, qui protègent,
justement, la femme pour toutes les éventualités, incluant le remboursement de
salaire si la femme devait manquer des journées de travail, ou autres.
M. Leduc : Je comprends.
Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de Joliette, s'il vous plaît.
Mme Hivon : Oui. Merci
beaucoup pour un témoignage très incarné, c'est le cas de le dire...
Mme Picard (Line) : Merci.
Mme Hivon : ...et très
éloquent. On voit aussi que tout votre background... je dirais que vos
réflexions sont très poussées. Donc, merci. Juste un terme de vocabulaire, le
ministre vous en a posé une, question, par rapport à ce que le Conseil du
statut de la femme nous a dit. Il nous disait aussi de faire attention à l'expression
«mère porteuse» et plutôt de parler de «femme porteuse». Je note que c'est l'expression
que vous utilisez, justement, pour faire une distinction qu'on n'est pas mère
du simple fait qu'on porte un enfant. C'est bien ça?
Mme Picard (Line) : Oui,
exactement. En 2009, je pense qu'on ne se posait pas vraiment la question parce
que, pour nous, en tout cas, pour moi, c'était clair que, même si j'ai utilisé
le terme «mère porteuse», c'est d'ailleurs... ça fait partie du titre du livre
que j'ai publié, pour moi, dans ma tête, ça a toujours été clair que je n'ai
jamais eu de rôle ou d'identité de mère par rapport à mon projet. Je pense que
le terme a surtout été adopté des Américains qui ont toujours utilisé «surrogate
mother», à défaut d'avoir un autre terme. Donc, il y a plusieurs termes qui
sont utilisés, «gestatrice», «femme porteuse», pour moi, ça revient au même.
Puis, oui, s'il y a possibilité d'utiliser des termes qui sont un petit peu
plus clairs sur ce rôle-là, bien, tant mieux, je pense que c'est une bonne
chose.
Mme Hivon : O.K. Merci. Votre
réponse est très claire. Je suis juste curieuse, sans entrer dans les détails
de votre expérience ou des expériences en général, quand vous dites : Moi,
j'avais le goût, évidemment, j'ai eu différents projets de vie de couples qui m'ont
été soumis, par exemple, tout ça, là, comment ça se fait, à l'heure actuelle,
avec cette espèce de jumelage là via les agences, j'imagine, ou les cliniques, et/ou?
Si vous pouvez nous le dire. Puis vous nous disiez tantôt que ce n'était pas
nécessairement ça l'idéal pour jumeler les intentions. C'est quoi, l'idéal?
Mme Picard (Line) : Bien,
pour jumeler les intentions, peut-être que ça, c'est quelque chose qui peut se
faire, donc de choisir de vouloir rencontrer des gens puis d'établir une
convention. Ça, je pense que les agences peuvent jouer un rôle à ce niveau-là
puis même les sites Web. Moi, je pense que quand la décision... la signature du
contrat devrait être faite, à ce moment-là, la rencontre préalable à ça, il
devrait y avoir quelqu'un d'externe qui permette de vraiment aller en
profondeur, si on veut, dans les attentes liées au projet, donc que tout le
monde comprenne bien, là, comment ça va se passer.
Mme Hivon : Mais
généralement, là, pour faire ce jumelage-là, cette rencontre-là, c'est beaucoup
via les agences ou via des sites, même, qui existent, c'est ça que je
comprends.
Mme Picard (Line) : Oui, du
bouche à oreille aussi, des fois, c'est quelqu'un dans l'entourage. Donc, ça, c'est...
moi, j'appelle plus ça le contact initial, si on veut, donc le contact initial
de voir si on sent qu'il pourrait y avoir quelque chose. C'est un peu comme... ça
serait comme accepter d'avoir une «date» avec quelqu'un, si on veut. Puis après
ça, d'un coup qu'on rencontre les parents, on peut avoir une discussion. Puis
là, bien, après ça, c'est sûr que ça serait bien d'avoir une tierce personne
qui guide un peu, puis qui sert un peu peut-être de médiateur pour rentrer dans
des sujets qui sont peut-être un peu plus difficiles à <aborder, puis qui
pose des questions...
Mme Picard (Line) :
...un
peu plus difficiles à >aborder, puis qui pose des questions, là,
peut-être un petit peu plus pointues pour ouvrir la porte, là, à certaines
discussions qui sont plus difficiles.
Mme
Hivon
:
Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Mme la députée.
Mme Picard, merci beaucoup d'avoir été avec nous ce matin, c'est très,
très, très apprécié.
Mme Picard (Line) : Merci. Ça
me fait plaisir.
Le Président (M.
Bachand) :C'est très positif.
Alors donc, cela dit, je suspends les
travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 06)
15 h (version révisée)
(Reprise à 15 h 01)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! Bon
après-midi. La Commission des institutions reprend ses travaux. Nous
poursuivons, donc, les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi n° 2, Loi portant sur la réforme du droit de
la famille en matière de filiation et modifiant le Code civil en matière de
droits de la personnalité et d'état civil.
Cet après-midi, nous entendrons la commission
des droits de la personne et droits de la jeunesse, le Regroupement des maisons
pour femmes victimes de violence conjugale, mais, d'abord, nous accueillons Pre
Janik Bastien Charlebois. Alors, bienvenue, cet après-midi, avec nous. Comme
vous le savez, vous avez 10 minutes de présentation, et, par après, nous aurons
un échange. Alors la parole est à vous, puis, encore une fois, merci beaucoup
de participer à la commission. Merci.
Bastien Charlebois (Janik) : Un
grand merci. Donc, si je comprends bien, je peux le retirer, oui?
Le Président (M.
Bachand) :Il n'y a pas de souci.
Bastien Charlebois (Janik) : O.K.
Est-ce que j'ai besoin d'appuyer sur quelque chose pour le... Non? O.K.
Le Président (M.
Bachand) :Les techniciens sont là, oui.
Bastien Charlebois (Janik) : Bien,
tout d'abord, merci beaucoup de me recevoir. Je suis très touchée de ce geste.
Pour moi, ça signale l'intérêt à l'endroit des personnes intersexes, puis ça me
donne l'opportunité de faire en sorte que le projet de loi soit le plus solide
possible, qu'il puisse, enfin, ne pas compromettre les droits humains des
personnes intersexes.
Donc, je parle évidemment à titre de
personne qui se spécialise sur les questions intersexes. Donc, c'est ma
spécialisation professorale. Il s'agit aussi de mon vécu. C'est-à-dire que suis,
moi-même, une personne intersexe. Et j'ai aussi participé à des initiatives,
donc, de mobilisation sur les droits humains avec d'autres personnes
intersexes, donc, notamment à la rédaction de la déclaration de consensus de
Malte, en 2013, qui est considérée comme un point de repère consensuel pour les
revendications intersexes, de même qu'une participation, donc, à l'Organisation
mondiale de la santé dans le cadre de la réforme des codes internationaux des
maladies.
Donc, quand on parle d'intersexuation, de
quoi on parle? C'est superimportant qu'on ait un langage commun. Donc, l'intersexuation
ou «intersexe» est un terme parapluie qui regroupe une diversité de variations
corporelles innées, de caractéristiques sexuelles qui ne correspondent pas aux
définitions typiques des corps dits mâles ou femelles, et ces caractéristiques
sexuelles peuvent être les chromosomes, les gonades, les organes sexuels
externes et internes, la production hormonale ou les traits qui apparaissent à
la puberté.
Il est très important de comprendre qu'intersexe
ne renvoie pas à l'identité de genre, mais à une expérience d'invalidation du
corps sexué de naissance. La majorité des personnes intersexes ont une identité
de femme ou d'homme, donc, environ 80 %, tandis qu'il y a quand même une
minorité significative qui ne se sent ni homme ni femme, donc, 20 %. De la
même manière, donc, les sexualités sont assez diversifiées chez les personnes
intersexes.
Donc, du côté la situation des personnes
intersexes, donc, au Québec, comme partout en Occident, les enfants intersexes
subissent des modifications corporelles non consenties, irréversibles, et qui n'ont
aucun caractère d'urgence. On compte, par exemple, des réductions de l'organe
génital externe, donc, sous les titres de clitoroplasties, des vaginoplasties
et des corrections d'hypospades. Ces interventions de nature normative sont
condamnées comme des violations des droits humains par plusieurs organes de
traités de l'ONU, de même que des organismes défendant les droits de la
personne. Non seulement ces interventions comportent-elles toujours des risques
de perte de sensibilité, de douleur et d'effets secondaires dommageables, mais
elles constituent une agression car se font sans le consentement.
Les revendications intersexes se centrent
sur l'arrêt des interventions non consenties. Donc, c'est ça, la priorité, plus
qu'une question, là, de reconnaissance d'un troisième genre ou quoi que ce
soit. C'est quelque chose qui est à part. Donc, c'est l'arrêt, le plus
rapidement possible, donc, des arrêts... des interventions non consenties et la
protection de l'autodétermination des <personnes...
Bastien Charlebois (Janik) :
...des >personnes, c'est-à-dire qu'il revient à chaque individu, chaque
personne intersexe, de décider pour elle-même si elle désire ou non des
modifications corporelles, et, si oui, lesquelles. Donc on ne peut pas
présumer, à partir du moment où on sait l'identité de genre de la personne, que
cette personne-là va désirer forcément avoir un corps qui rentre dans les
normes. Donc, tout dépend de chaque individu.
Alors, du côté du projet de loi, le projet
de loi, donc, dans sa rédaction première, prévoyait un ensemble de choses, donc,
la création de la catégorie indéterminée pour la mention de sexe, la
possibilité d'une mention de genre, néanmoins, pour les personnes avec un sexe
indéterminé, de même qu'initialement, et là j'ai compris que c'était retiré,
une obligation de modification structurelle du corps pour pouvoir faire un
changement de mention de sexe.
Alors, c'est une bonne nouvelle que l'obligation
soit formellement retirée, mais il demeure quand même des risques avec la
présence de la mention indéterminée, de même qu'avec une double présence de
mentions «sexe», «genre», et tout ça, mais ça s'appuie sur ce qu'on veut dire à
«sexe» et «genre». Du moins, le fait qu'il y a un dédoublement, qu'on ajoute «genre»,
ça laisse entendre que le sexe renvoie à quelque chose de plus vrai, de plus
fondamental, et renvoie à des critères corporels. C'est-à-dire que, pour
pouvoir être classé soit mâle ou femelle, par exemple, il faudrait qu'on
réponde... que notre corps réponde à un ensemble de critères.
Et, en même temps, bien, le sexe dans…
parmi la population, et je ne sais pas si c'est l'intention du législateur,
mais c'est aussi compris comme une forme de désignation, de renvoi à l'identité
de genre. Donc, on présume, à partir des organes génitaux externes à la
naissance, qu'une personne va développer une identité garçon si elle présente
pénis et scrotum et qu'elle va développer une identité fille si elle entre dans
les normes, c'est-à-dire qu'elle a un clitoris de petite taille et vagin. Avec
l'existence de cette tension-là, on se trouve à avoir à faire face à des défis.
Donc, dans la réalité, donc, sur la
pratique concrète, disons, dans la pratique médicale, les équipes de prise en
charge vont se hâter de déterminer le diagnostic de la personne. Donc là, c'est
une pratique qui est considérée comme étant urgente de savoir… déterminer un
soi-disant vrai sexe ou essayer de trouver un sexe quelconque à l'enfant, et
ceci, parce qu'on estime que les parents, donc, vont se sentir dans l'urgence
aussi. Ils vont être très inquiets. La plupart des parents s'attendent à
pouvoir répondre à la question : Est-ce que j'ai un garçon ou une fille? Puis,
souvent, la convention, c'est que c'est entendu que, garçon-fille, ça repose
sur certaines normes corporelles, alors qu'on sait déjà que ce n'est pas
toujours automatiquement le cas.
Et donc, étant donné cet impératif de
répondre rapidement à la question, donc, on se retrouverait devant une
situation où il n'y aurait pas d'interminés qui… de façon pratico-pratique, qui
demeureraient longtemps. Donc, au-delà de deux, trois semaines, c'est assez
rare qu'une équipe médicale ne va pas s'être concertée pour déterminer un genre
le plus probable. Et, depuis les 20 dernières années, il y a eu un certain
changement dans les pratiques médicales sur le plan de l'assignation. Donc, on
va assigner un genre en fonction du diagnostic qui est établi. Donc, il existe
une très grande diversité de diagnostics intersexes parce qu'il existe une très
grande variété de cas intersexes, et on a établi, donc, des fréquences d'identité
de genre en fonction de chaque variation intersexe.
Donc, par exemple, pour l'insensibilité
complète aux androgènes, dans l'immense majorité des cas, ce n'est pas la
totalité, la personne va se sentir femme plus tard. Et donc, même si cet
enfant-là des chromosomes XY et des testicules internes, on va l'assigner comme
fille, tandis qu'il y a d'autres cas où l'insensibilité partielle aux
androgènes… où les pourcentages sont beaucoup plus partagés, et, à ce
moment-là, bien, on peut faire une assignation tout en... enfin, une
assignation qui va être une estimation la meilleure.
Et il y a des équipes médicales, il y a
certains médecins qui vont quand même préparer les parents, c'est-à-dire les
avertir du fait qu'il est probable que l'enfant développe une identité
différente, et donc de se préparer à ça, et d'être capable d'accueillir l'identité
de genre de l'enfant. Les parents qui reçoivent ou qui apprennent la nouvelle
que leur enfant n'entre pas dans les normes, souvent, ils vont être
effectivement déconcertés, et vont aussi être confrontés à beaucoup de langage,
de vocabulaire pathologisant, et ils vont se trouver dans une position très
vulnérable.
Donc, il y a peu de <parents...
Bastien Charlebois (Janik) :
...de >parents qui vont être prêts à envisager la situation où leur
enfant serait... resterait dans une espèce de statut indéterminé, et ce, même
si on attribue temporairement une identité de genre masculin ou féminin, parce
que, dans l'esprit de bien des gens, y compris la moyenne des parents, ils vont
estimer que cette attribution d'un genre en présence d'un indéterminé ou en
présence d'une mention de sexe est une espèce de succédané, une espèce… quelque
chose de plus artificiel ou secondaire, et personne ne veut quelque chose qui
est considéré comme artificiel sur le plan de son identité.
• (15 h 10) •
Et donc l'approche intersexe, sur ce
plan-là, va être d'être la plus pragmatique possible, c'est-à-dire d'inviter à
faire un détachement entre l'assignation de genre et les modifications
corporelles. Donc, on peut très bien assigner un genre à un enfant, garçon ou
fille. On ne demande pas à ce que les parents deviennent des révolutionnaires
du genre. Je pense qu'il y a peu de parents qui auraient, disons, la
disposition à élever leur enfant de façon neutre. On ne demande pas ça. Donc,
on veut accompagner les parents, faire en sorte qu'on y aille avec une
assignation de genre temporaire sans qu'il y ait cette présupposition que des
modifications corporelles soient nécessaires, et quitte à, donc, préparer le
parent à accueillir l'identité de genre de l'enfant. Donc, il est très
important qu'il n'y ait pas d'exigence de barrière à la reconnaissance de cette
identité.
Donc, en termes pratiques ou en termes de
solutions, ce serait important de retirer une mention «indéterminé» et de
retirer un dédoublement sexe-genre, donc, de pouvoir se fonder sur une mention
et que cette mention-là ait une compréhension du sexe, par exemple si on décide
de prendre une mention de sexe qui est plus une compréhension, donc, une
lunette de genre pour l'enfant, et c'est comme ça qu'on va réduire les risques
que des parents aillent de l'avant avec des modifications corporelles.
Donc, voilà, je sais que le temps vient d'être
écoulé. Je vous remercie beaucoup de votre attention puis, bien, voilà, j'espère
que ça va pouvoir aider, faire en sorte que le projet de loi puisse... ne mette
pas plus à risque les enfants intersexes.
Le Président (M.
Bachand) : Merci infiniment de votre présentation. Période d'échange,
M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président, Pre Bastien Charlebois, bonjour. Merci de participer aux travaux
de la commission. Votre point de vue est très intéressant.
Puis on va aborder la question des
enfants. Juste dire, dès le départ, relativement... J'ai annoncé que, bon, l'objectif
faisant suite au jugement, c'était de faire en sorte de répondre au jugement. J'ai
annoncé également qu'on allait retirer l'obligation d'avoir une opération pour
changer de sexe. Alors, on va revenir à la situation actuelle, même chose
également pour le coming out forcé, la perception qui pouvait être associée à
ça. Ça fait que, tout ça, on va corriger.
Puis, je l'ai annoncé, je veux entendre,
durant les consultations, les différents points de vue pour être bien sûr d'aller
dans la bonne direction. Les dispositions qu'on a mises dans le projet de loi,
justement, pour les enfants intersexes… Puis je le disais hier à la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques,
relativement au fait... L'année passée, on avait fait le projet de loi pour
interdire les thérapies de conversion puis on avait eu cette discussion-là par
rapport aux personnes intersexes, aux enfants intersexes, relativement… du fait
que, souvent, de ma compréhension…
Puis, vous l'avez dit, là, souvent, ça se
règle à l'intérieur de deux semaines, quand un enfant naît avec des organes
génitaux masculins et féminins ou pas… n'est pas nécessairement apparent. Vous
l'avez dit, bien, ça se fait rapidement, la décision, puis c'est comme s'il y
avait une pression. Or, ça se peut que le choix qui est fait par l'équipe
médicale ne représente pas la personne, comment elle se sent. Supposons qu'on
décide de conserver ses organes génitaux masculins, finalement, bien, dans son
esprit, c'est une petite fille, puis elle se sent comme une femme, à ce
moment-là, il y a une dichotomie entre les deux.
Alors, la disposition qu'on a mise, de
pouvoir établir le sexe indéterminé, c'était justement pour prendre le temps
puis laisser le temps de voir comment l'enfant se développe puis de quelle
façon il s'identifie. Mais là je comprends que, de vos propos, vous dites :
Ça serait mieux de ne rien prévoir, de ne pas mettre de mention dans la loi, de
ne pas permettre ce laps de temps là indéterminé, comme on le proposait, pour
prendre le temps. Vous, vous nous dites : Écoutez — puis vous me
direz si je résume bien, là — vous êtes mieux d'enlever ça, puis là
de venir assigner un sexe à la naissance, quitte à le changer plus tard. Est-ce
que j'ai bien compris?
Bastien Charlebois (Janik) : Donc,
c'est ça, donc, de permettre un geste d'assignation sans qu'évidemment il y ait
de prérequis de modification corporelle, donc, sur ce geste-là. Préalablement,
dans les anciennes dispositions de loi, les médecins, quand ils cochaient «F»
ou «M», avaient… Il n'y avait pas de nécessité que le corps réponde à <certaines
normes…
Charlebois Bastien (Janik) :
...réponde à >certaines normes pour pouvoir cocher «F» ou «M». Ça va
être d'autres logiques qui vont présider à des interventions non consenties.
Donc, dans la littérature médicale, ils ne vont pas dire : On doit faire
les interventions parce que c'est nécessaire pour inscrire la mention de sexe.
M. Jolin-Barrette : O.K., mais
je fais juste préciser ma question, là, pour être sûr de bien comprendre.
Actuellement, dans le projet de loi, on avait introduit la notion d'indéterminé
pour laisser le temps que l'enfant se développe, grandisse, puis qu'ensuite le
choix soit fait par les parents au moment opportun. Là, vous nous suggérez d'enlever
ça, puis, dès le départ, que les parents décident, avec l'équipe médicale :
Bien, on va identifier «masculin» ou «féminin» même si les organes génitaux… Il
n'y a pas d'opération, dans le fond, mais les parents font ce choix-là. Puis,
en grandissant, qu'il y ait ou non une opération, un ou l'autre, bien, les
parents, par la suite, pourraient modifier le sexe sur les documents officiels
de l'État. Dans le fond, vous proposez... En résumé, là, on fait un choix au
départ, tu sais, on vient assigner… Vous avez dit une assignation temporaire,
tantôt. On vient assigner, puis, après ça, trois, quatre, cinq, huit, 10 ans
plus tard, à ce moment-là, on pourra revenir, puis là venir prendre la
décision.
Charlebois Bastien (Janik) : Oui,
c'est ça, donc, de voir comment l'enfant s'exprime plus tard. C'est sûr que le
bout où je peux un petit peu me poser des questions, c'est comment on définit
la mention de sexe, tu sais, donc, c'est qu'est ce qu'on entend par mention de
sexe. Et, si on l'entend comme une affirmation de genre, alors là, oui, il n'y
a aucun problème. Et il y aura, quand même, aussi à prévoir des situations où
il y a certains enfants qui… Il y a certaines personnes intersexes, j'avais
parlé de 20 % environ, qui ne se sentent ni homme ni femme, mais, c'est
ça, donc, de mettre une catégorie indéterminée, c'est très insécurisant pour
beaucoup de parents. Donc, ils préféreraient avoir, la majorité… Ce n'est pas
quelque chose qui va les apaiser ou qui va faire en sorte qu'ils vont s'abstenir
d'accepter des interventions ou des propositions d'intervention de la part d'un
médecin.
M. Jolin-Barrette : Juste une
question là-dessus. Là, vous nous parlez… vous dites : Pour les parents,
tu sais, ça représente, en soi, un défi puis…
Charlebois Bastien (Janik) :
Pour la plupart.
M. Jolin-Barrette : Pour la
plupart. L'enfant, lui, comment il vit ça, tu sais, quand il grandit, là? Supposons,
là, que, bon, les parents, avec le corps médical, décident : On va
attribuer le sexe féminin. Finalement, c'est un garçon. En grandissant, le fait
d'avoir une transition, le changement, comment c'est vécu par l'enfant?
Charlebois Bastien (Janik) :
Bien, tant et aussi longtemps que c'est quelque chose qui est désiré par l'enfant,
c'est quelque chose qui va être positif si on l'accueille là-dedans. Je pense
que ça devient plus éprouvant pour l'enfant si on a effectué des modifications
corporelles sans son consentement et que, par la suite, il va faire une
modification de cette affirmation de genre, quoique ça peut être le cas même
sans faire de modification. Il y a beaucoup d'enfants, encore aujourd'hui, qui
subissent des interventions non consenties, puis c'est un long parcours,
essayer de se dépêtrer de tout ça.
Donc, le plus on encourage l'autonomie ou
l'autodétermination des enfants, le mieux c'est. C'est sûr, que, quand un
enfant est bébé, on ne peut pas savoir comment l'enfant… avec certitude comment
l'enfant va s'identifier plus tard. Donc là, ça va être de faire en sorte qu'il
y ait au moins quelque chose qui puisse rassurer un peu les parents
temporairement, tu sais, en disant : Bon, bien, voici, tu sais, on estime…
Souvent, les équipes médicales, donc, vont faire un ensemble de tests. On
estime qu'il est plus probable que l'enfant s'identifie de telle, telle façon.
Il n'est pas impossible que l'enfant, au bout du compte, s'identifie quand même
d'une autre façon, mais, bon, tu sais, là, il y a discussion avec les parents,
puis on va aller de l'avant avec une mention, et c'est ça, mais c'est très
important que ça ne vienne pas avec une obligation de modification corporelle.
Et, quand on… Si on arrivait avec un
projet de loi où il y avait à la fois mention de sexe et mention de genre,
bien, on crée, de façon implicite, un code normatif, c'est-à-dire qu'on laisse
entendre que tu as une vérité, en quelque part, tu as un vrai genre qui est
associé à certains… à des normes corporelles, et c'est là que ça pourrait
motiver davantage les parents à aller de l'avant pour que l'enfant ait des
modifications corporelles.
• (15 h 20) •
M. Jolin-Barrette : Donc, je
comprends que c'est préférable d'assimiler l'identité de genre au sexe. Là, sur
la question, là, supposons, de la <pression, là, rattachée, là…
M. Jolin-Barrette :
... de la >pression, là, rattachée, là, parce que, dans le fond, avec
les dispositions qu'on a mises, le but, c'était d'éviter justement cette
pression-là, tu sais, d'avoir à décider tout de suite, tout de suite, vous,
vous dites : Bien, si, déjà, on a l'assignation temporaire, ça va enlever
cette pression-là sur les parents, ils vont avoir le temps de réfléchir, tout
ça. Comment... Supposons, à la naissance, là, comment vous voyez ça? Est-ce que,
cette assignation temporaire là, elle doit être déterminée uniquement par les
parents ou ça doit se faire conjointement, supposons, avec l'accoucheur puis
avec l'équipe médicale?
Bastien Charlebois (Janik) :
C'est fait, généralement, de façon conjointe, en réalité, puis ce n'est pas... Comment
dire? Ce n'est pas ce qui pose le plus de problèmes, que ce soient les parents
ou l'équipe médicale qui, au départ, déterminent un genre qu'ils estiment être
le plus probable de se développer. Le plus important, c'est qu'il y ait un
ajustement ou un accueil de comment l'enfant va s'identifier plus tard, tu sais,
donc, c'est sûr, que cette transition se fasse bien. C'est sûr que les
parents... peut-être pas les parents, c'est-à-dire, les équipes médicales ont
généralement une bonne idée des... de là… enfin, des probabilités d'identification.
Bon, des fois, on peut avoir certains désaccords au sein de la communauté.
Par exemple, si je pense à la variation
hyperplasie congénitale des surrénales, souvent, la tendance des médecins va
être de faire une assignation fille, alors que, dans 5 % à 10 % des
cas, les personnes vont se sentir garçon parmi cette assignation. Donc, c'est
ça, mais ce n'est pas... Que ce soit déterminé par les parents ou les équipes
médicales, c'est... enfin, ce n'est pas ce qui est le plus problématique, ce n'est
pas le centre de la question.
M. Jolin-Barrette : Peut-être
une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Vous avez dit :
Il y a eu une évolution, là, relativement aux enfants qui naissent intersexes.
Vous disiez : À une certaine époque, ça se faisait rapidement, rapidement.
Là, est-ce que je dois comprendre qu'au niveau médical, là, entre le moment de
la naissance… puis, s'il y a des opérations qui ne sont pas obligatoires, là,
mais, s'il y a opération, bien, maintenant, ils prennent le temps, le
cheminement davantage ou c'est encore vraiment rapide?
Bastien Charlebois (Janik) :
C'est très rapide, généralement, avant deux ans. En fait, l'évolution est sur
un autre ordre. L'évolution est sur le fait qu'auparavant on a cru… Je ne veux
pas fonctionner par euphémisme, mais, auparavant, ce qui était déterminant dans
l'assignation, c'était : Est-ce qu'on se trouve devant une personne qui a un
phallus, qui est capable de pénétrer ou non, donc, si... enfin, si on a une
personne qui a des testicules et qu'elle a un...
Là, je fais une petite parenthèse, le phallus,
en fait, c'est ça, on va prendre pénis et clitoris, ce sont des conventions,
mais les organes génitaux proviennent d'une même structure originelle, donc, un
bourgeon génital dans l'état foetal, puis il y a un développement qui se fait,
mais il existe des formes intermédiaires, différentes possibilités
intermédiaires de taille sur, disons, ce que je pourrais appeler, de façon
générale, un phallus. Et un enfant, donc, qui avait des testicules, mais un
phallus qui était considéré comme n'étant pas assez grand pour effectuer une
pénétration vaginale, on estimait que cet enfant-là ne pourrait pas se
développer adéquatement comme garçon, et que ce serait, en fait, terrible de
vivre ainsi, et on préférait faire des assignations fille. Donc, on en faisait
une fille, on retirait les testicules, on retirait le phallus, et c'est ça.
Donc, aujourd'hui... Et on estimait qu'on
pouvait imposer un genre. Donc, on estimait qu'à condition, évidemment, qu'on s'y
prenne très tôt et qu'on soit... qu'on maintienne fermement une même éducation
de l'identité, que cette identité-là collerait puis que ce serait comme ça que
l'enfant serait correct. Et, bon, pour pour les enfants qu'on assigne fille,
bien, ça, on estimait qu'il était important qu'on crée une cavité vaginale pour
pénétration. On estimait qu'il était important que le… ne soit pas trop grand,
donc, et qu'on fasse une réduction clitoridienne. Pendant un temps, jusque dans
les années 70, il y a eu la clitoridectomie.
Et, voilà, tu sais, donc, aujourd'hui, on
met de côté… ou, enfin, depuis la déclaration de consensus en 2005… enfin, 2006,
du côté médical, on estime qu'il est plus important d'essayer de faire les
assignations en fonction des probabilités d'identité de genre plutôt que d'essayer
d'imposer en fonction de, c'est ça, la présentation du phallus.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie grandement pour votre présentation.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le ministre. M. le député de
Nicolet-Bécancour, s'il vous <plaît...
Le Président (M.
Bachand) :
...Bécancour, s'il vous >plaît.
M. Martel : Merci, M. le
Président. Bonjour, Pre Bastien Charlebois. Très content de votre présence
aujourd'hui. Je dois vous avouer, puis vous allez le remarquer par la
profondeur de mes questions, que ce n'est pas une réalité que je connais
beaucoup. Et, si je veux en rajouter, en biologie, ce n'était pas ma matière
forte. Tantôt, au début de votre intervention, vous avez parlé d'un
pourcentage, j'ai entendu 20 % de… À quoi vous faisiez allusion quand vous
parliez du 20 %?
Charlebois Bastien (Janik) :
C'est une estimation d'une étude communautaire réalisée en Australie. C'est l'estimation
la plus près du taux d'identité, des fréquences d'identité. Donc, chez les
personnes intersexes, la majorité se sent homme ou femme, donc, à peu près 80 %,
puis 20 %... On a quand même une minorité significative qui se sent ni un
ni l'autre.
M. Martel : En général,
dans la population, 100 % des humains, 80 % des humains sont capables
d'identifier s'ils sont homme ou femme puis il y a 20 % que c'est plus
ambigu. Je comprends bien?
Charlebois Bastien (Janik) :
Non, non, c'est ça… Alors, ça, moi, je renvoyais uniquement l'identité de
genre. Maintenant, pour les variations corporelles, alors là, je pense, si je
comprends bien votre question, ce que vous aimeriez savoir, c'est la fréquence
de variations intersexes, donc, de fois où il y a... on arrive devant des corps
qui n'entrent pas tout à fait dans les normes typiques mâles et femelles. C'est
bien ça?
M. Martel : Oui, oui,
absolument.
Charlebois Bastien (Janik) : Alors,
c'est très difficile d'avoir une estimation précise pour un ensemble de raisons,
mais, bon, ça peut aller de 0,5 % à 1,7 %, 1,7 % si on prend en
considération des différences qui apparaissent à la puberté. Mais, sinon, si on
regarde du côté de ce qui apparaît à la naissance, c'est plus réduit. Et, évidemment,
tu sais, du côté médical et du côté intersexe, nos définitions vont être
différentes. Du côté médical, ils réduisent ça aux fois où ils ne sont pas
certains de l'identité de genre future de la personne, tandis que, pour nous,
on base notre définition sur l'expérience d'une invalidation de notre corps de
naissance parce qu'il n'entre pas dans les normes mâles, femelles.
Et, c'est ça, donc, c'est une estimation
approximative qui est toujours difficile à établir, parce qu'on a aussi une
situation de détection, surtout, maintenant, avec les tests… soit les tests
préimplantatoires ou certains tests, donc, pendant la grossesse, où il y a
certaines formes, certaines variations intersexes qui sont détectées, et il y a
avortement de foetus intersexes. Donc, ça va réduire les fréquences. Ça fait en
sorte que c'est très difficile à établir.
Mais, c'est ça, tu sais, on a différentes
variations sur le plan des chromosomes. Souvent, on va penser que c'est clair,
tu sais, que les populations se distinguent uniquement mâle-femelle, et mâle, c'est
XY, et femelle, c'est XX, mais ce n'est pas une définition absolue. Donc, juste
sur le plan des chromosomes, on a, des fois, des chromosomes XXX ou XXY. Il
peut y avoir des mosaïques, donc, des personnes qui ont à la fois en elles des
chromosomes XX et XY. Et, du côté des gonades, bien, on va souvent entendre
parler de testicules ou ovaires, mais, bon, il y a aussi des situations où il y
a des ovotestis, donc, des gonades qui combinent tissus testiculaires et
ovariens. Puis, bon, je pourrais décliner comme ça… Alors, c'est ça, ça peut
donner une petite idée, là, d'un point de repère.
Le Président (M.
Bachand) : Tout le temps est passé. Donc, la députée de Westmount—Saint-Louis,
s'il vous plaît.
Mme Maccarone : ...un
plaisir de vous avoir avec nous. Merci beaucoup pour votre témoignage. Je veux
renchérir un peu sur la question de mon collègue. On a parlé du nombre d'enfants
qui naissent intersexes, mais j'aimerais vous entendre en ce qui concerne... Je
sais que vous avez fait une demande d'accès à l'information pour tracer le
nombre d'enfants qui subit une intervention, chirurgie non urgente, peut-être.
Je ne suis pas médecin, ça fait que je n'étais pas là au moment que c'est
arrivé. Combien de ces enfants… avez-vous reçu, comme information, de la régie
de l'assurance médicale du Québec, qui ont subi cette chirurgie? Dans le fond,
c'est une mutilation. On va nommer les choses.
Charlebois Bastien (Janik) :
Alors là, ça adonne que je n'ai plus les chiffres fraîchement à la mémoire,
mais c'étaient quelques centaines avec...
• (15 h 30) •
Mme Maccarone : Je l'ai,
le chiffre, c'est 898, oui, qui était quand même une surprise, pour moi, de
voir autant d'enfants... Puis je voulais savoir… Selon vous, pensez-vous que c'est
un chiffre qui est exact? Parce qu'il me semble, si un médecin ou un chirurgien
décide d'aller vers l'avant avec une telle chirurgie, il faut avoir une trace
de ça. Il faut avoir quelque chose...
15 h 30 (version révisée)
Mme Maccarone : ...du Québec,
qui ont subi cette chirurgie? Dans le fond, c'est une mutilation, on va nommer
les choses.
Bastien Charlebois (Janik) : Alors
là, ça adonne que je n'ai plus les chiffres fraîchement à la mémoire, mais
c'étaient quelques centaines avec...
Mme Maccarone : Je l'ai, le
chiffre, c'est 898.
Bastien Charlebois (Janik) : Oui.
Mme Maccarone : Oui, qui était
quand même une surprise pour moi de voir autant d'enfants. Puis je voulais
savoir, selon vous, pensez-vous que c'est un chiffre qui est exact? Parce qu'il
me semble, si un médecin ou un chirurgien décide d'aller vers l'avant avec une
telle chirurgie, il faut avoir une trace de ça, il faut avoir quelque chose qui
est coché. Alors, pensez-vous que c'est un chiffre qui est exact ou pensez-vous
que peut-être... il y a peut-être autre manière de dire : Bien, j'ai dû
faire une intervention, ça fait que, dans le fond, on n'a pas un vrai chiffre
ou un portrait de qu'est-ce qui se passe ici, dans notre province?
Bastien Charlebois (Janik) :
Donc, à savoir s'il y aurait certains de ces chiffres-là qui se réfèrent à des
interventions qui auraient été nécessaires médicalement?
Mme Maccarone : Oui, mais j'ai
vu la grille qui est quand même assez détaillée avec toutes les options dont
ils ont le choix de choisir quand ils vont aller vers l'avant à assigner un sexe
à un bébé.
Bastien Charlebois (Janik) :
Alors, il est possible que dans des cas d'orchidectomie, donc, ça, c'est le
retrait, souvent, des testicules internes, ils vont rarement retirer des
ovaires, quoique, bon... il pourrait y avoir certains cas où il y a risque de
cancer véritable, mais c'est complexe, parce qu'il y a des situations où il y a
eu une estimation surélevée de risque de cancer. Tu sais, je pense, encore une
fois, à l'insensibilité complète aux androgènes, la plupart du temps, donc, il
y avait la pratique de retirer les gonades internes ou les testicules internes.
Et souvent, bon, on prétextait le risque de cancer, alors que dans les
chiffres, d'ailleurs, qui sont dans la déclaration de consensus de 2006, le
risque de cancer est à 3 %. Donc, pour cette variation-là, ce ne serait
pas légitime et... à moins qu'il y ait un suivi de la personne. Et donc il y a
des bases normatives aussi pour le retrait de testicules internes, surtout si
la personne est... donc c'est vu comme étant discordant. Alors, c'est ça, tu
sais, je pense que c'est important d'avoir une attitude prudente à l'égard, par
exemple, de ces chiffres-là sur les orchidectomies ou les gonadectomies, à
savoir qu'il est fort probable qu'il y en ait là-dedans qui soient fondés sur
des motifs normatifs, mais il n'est pas exclu qu'il y ait aussi des motifs médicalement
nécessaires.
Mme Maccarone : Vous devancez
ma prochaine question que j'avais pour vous, puis ça, c'est... on a quand même
des stéréotypes, on a quand même des préjugés, on est des êtres humains, sans
jugement, mais je veux adresser l'éléphant dans la pièce. C'est parce que
souvent les médecins, ils vont poursuivre à faire un type de chirurgie pour
assigner une identité de genre à un enfant ou un sexe à un enfant parce qu'ils
décident que c'est pour des raisons médicales. Mais, dans le fond, c'est très
peu de cas qui... la réalité, ce n'est pas pour des raisons médicales, c'est un
choix que nous faisions.
Bastien Charlebois (Janik) :
Oui, bien... Alors, c'est ça, tu sais, là, il y a un jeu discursif dans le sens
où la plupart des... Enfin, pour ce qui est des organes génitaux externes, il n'y
a pas de... il n'y a aucun risque pour la santé. Et, quand les médecins vont
mobiliser le raisonnement de la nécessité médicale, ils vont y faire comprendre
ici une nécessité psychologique. Et le discours traditionnel, dans la pratique
médicale, c'est... enfin, il y a toujours eu cette persuasion-là où cette
conviction qu'un enfant ne peut pas développer d'identité, garçon ou fille,
adéquate, si son corps ne rentre pas dans les normes. Mais on se trouve devant
une situation où c'est très difficile de faire entendre nos perspectives, comme
personne intersexe, entre autres parce qu'on va nous dire : Bien, elles
sont où, vos données? Mais la majorité des personnes ont subi des interventions
non consenties. Ça fait qu'on se trouve devant une possibilité... enfin, une
situation d'impossibilité de démonstration sauf... Enfin, il y a des personnes
qui ont pu échapper, tu sais, à travers les mailles du filet, et ces personnes
ont témoigné de leur expérience, et tout ça, et du fait que, bien, tu sais, la
plupart vont signaler comment c'était bien pour elles de pouvoir être
autonomes, de pouvoir décider pour elles-mêmes, mais ça va être réduit à des
anecdotes.
Mme Maccarone : On a beaucoup
entendu, en ce qui concerne le projet de loi n° 2, que c'est l'avenir de
nos enfants, il faut protéger les enfants, il faut toujours garder l'enfant au
centre de nos débats. Alors, selon vous, est-ce que ce serait important, comme
législateurs, de promettre l'interdiction, d'abord, des médecins de poursuivre
avec de telles chirurgies?
Bastien Charlebois (Janik) :
Ce serait idéal éventuellement. Évidemment, dans une perspective intersexe, on voudrait
que ça se fasse le plus rapidement possible. En même temps, c'est très délicat
parce que, bon, historiquement, les législateurs vont être très frileux à
légiférer dans la pratique médicale, et, inversement, les médecins sont très
opposés à se faire légiférer. Et un tel projet de loi, puis il commence à y
avoir des rédactions de projets de loi un petit peu partout dans le monde, doit
être très bien réfléchi, doit être mûrement réfléchi pour s'assurer qu'il n'y
ait pas de, disons, de brèches et qu'en même temps on prenne en considération
les situations où il y a une nécessité médicale, donc, de savoir bien
départager les choses.
Mme Maccarone : Parlez-nous un
peu du phénomène de manque de l'information que nous avons. Il n'y a aucune
donnée. Qu'est-ce que vous <proposez...
Mme Maccarone :
...du
phénomène de manque de
l'information que nous avons.
Il n'y a
aucune donnée.
Qu'est-ce que vous >proposez que nous fassions
pour s'assurer que c'est bien documenté?
Bastien Charlebois (Janik) :
Bien, c'est une très bonne question, c'est une grosse question. Alors, tout d'abord,
pour la question des données, disons, qui émanent de la Régie de l'assurance
maladie, je pense que ça aiderait de savoir s'il n'y a pas une probabilité que
certains actes soient inscrits sous d'autres titres que ceux pour lesquels on a
fait la requête. Parce que c'est un peu le cas en Ontario, c'est extrêmement
difficile d'obtenir les données parce que différents termes peuvent être
employés. Donc, de pouvoir avoir le coeur net sur, disons, l'exactitude et la
complétude des informations, ce serait quelque chose qui aiderait.
Puis d'avoir une information à l'inverse,
c'est-à-dire qu'en fonction de chaque variation intersexe, quelles sont les
interventions qui vont être pratiquées. Mais ça, je comprends qu'on n'a pas les
données. Et d'ailleurs, c'est ça, tu sais, on a un ancien système de
classification des maladies, tu sais, je pense que... là, on est rendus au
système 11, à l'Organisation mondiale de la santé, puis je pense qu'on
vient de passer tout juste au 9 ou au 10 au Québec. Donc, c'est sûr que ça rend
la cueillette d'informations assez difficile sur ce plan-là, parce qu'il y a
des aspects qui sont plus liés à la confidentialité, puis ça, c'est sûr que c'est
important de protéger la confidentialité des patients.
Mme Maccarone : Je comprends.
Tout à fait, c'est très complexe. Par rapport à l'âge de consentement, on sait
que le consentement médical, c'est à 14 ans, le consentement pour une
relation sexuelle, c'est 16 ans, l'âge de la majorité est 18 ans.
Quelle est votre opinion en ce qui concerne l'âge de consentement, 14 ans,
pour le changement d'identité de genre?
Bastien Charlebois (Janik) :
Oui. Je pense que ça devrait être aligné sur le 14 ans, donc prendre les
mêmes points de repère que ceux qu'on a prévus dans la loi.
Mme Maccarone : O.K. Vous
avez proposé, dans vos remarques et aussi dans votre mémoire, que nous devons
préparer les parents. Je sais qu'on devrait avoir peut-être une campagne de
sensibilisation aussi. Qu'est-ce qui est votre recommandation en ce qui
concerne ceci pour s'assurer que... Non, on a un collègue autour de la table
qui dit lui-même : Il y a un manque de l'information. Que pouvons-nous
faire pour s'assurer que la population est plus sensibilisée aux réalités des
personnes intersexes?
Bastien Charlebois (Janik) :
Bien, je verrais deux niveaux. Déjà, il serait très important qu'il y ait un
accompagnement psychosocial adéquat auprès des parents et un accompagnement
psychosocial qui soit indépendant des équipes médicales, parce que la culture
médicale est très hiérarchique, et les psychologues qui travaillent à l'intérieur
des équipes, donc, doivent, disons, tout simplement suivre l'autorité des chefs
de service. Et ça peut donner des situations où... D'ailleurs, il y a une mère
qui a témoigné à cet égard, qui, elle, quand son enfant est né, en 1998, avait
reçu un petit peu d'accompagnement psychosocial, mais l'objectif de l'accompagnement,
c'était de la réconcilier avec la prescription médicale. Donc, ce n'était pas
quelque chose qui vraiment était là pour, disons, appuyer un accueil de l'enfant.
Alors, c'est ça, cet accompagnement psychosocial doit être indépendant et doit
être dépathologisant.
On sait que de présenter l'enfant avec des
termes pathologisants va induire une vision de l'enfant chez les parents. Donc,
il y a plus de probabilités que les parents décident d'aller de l'avant avec
des recommandations de chirurgie si on emploie un discours pathologisant que si
on n'emploie pas de discours pathologisant. Donc, ça, c'est un premier niveau.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques,
s'il vous plaît.
Mme Massé : Merci, M. le Président.
Bonjour, Janik. Quand tu parles de discours pathologisant, qu'est-ce que tu
veux dire?
Bastien Charlebois (Janik) :
Bien, dans la pratique médicale, on va nous qualifier de «désordre» ou on va
dire qu'on a des malformations, qu'on a un défaut ou que notre corps est
incomplet. Bon, je pourrais en énumérer plusieurs, là. Mais, depuis 2006, c'est
la pratique d'employer la terminologie «désordre du développement sexuel» pour
nous.
• (15 h 40) •
Mme Massé : Donc, c'est ça, quand
vous parliez d'invalidation, c'est que vous êtes né avec le corps où vous êtes
né, puis là, bien, il y a du monde qui ont l'autorité médicale qui viennent
dire à tes parents : Pas tout à fait normale, cette petite bête là, ça
fait qu'il faudrait la réenligner un petit peu.
Bastien Charlebois (Janik) : Oui,
bien, c'est ça, c'est un... disons, c'est le prolongement des <perspectives...
Bastien Charlebois (Janik) :
Oui, bien, c'est ça, c'est un... disons, c'est le prolongement des >perspectives
très hétéronormatives, c'est-à-dire qu'on estime que tout être humain devrait...
aurait une destinée hétérosexuelle, et que si tu n'as pas un corps qui se prête
à des relations hétérosexuelles, bien, tu as un défaut.
Mme Massé : Donc, ce que je comprends
des recommandations, c'est retirer «l'indéterminé», c'est de ne pas
stigmatiser, c'est d'accepter que, dans les faits, la mention de sexe, puisque
c'est de ça qu'on parle principalement ici, soit une mention, bien sûr,
assignée à la naissance, mais, à n'importe quel moment donné dans sa vie la
personne va pouvoir se réaffirmer dans son genre, si tel est le cas. C'est vrai
pour les intersexes, mais c'est vrai pour tout le monde.
Bastien Charlebois (Janik) : Exactement.
Mme Massé : Et donc il y a
quelque chose de l'ordre d'un peu normalisé que, dans la vie, il n'y a pas
juste des vrais gars avec un vrai pénis de telle façon, puis des vraies femmes
avec un... C'est un peu ça, là, c'est de lâcher du lousse là-dessus puis de se
dire : Dans le fond, chaque être humain, il est comme il est, et donc
évitons les interventions et permettons aux personnes de devenir celle qu'elle
est et de le choisir éventuellement.
Bastien Charlebois (Janik) :
Oui, oui, je pense que si, socialement, on en vient à comprendre que la
variable sexe, dans le fond, c'est une convention. C'est sûr que la plupart des
individus vont se retrouver, tu sais, avec certains points de repère normatifs,
tu sais, qu'on va comprendre comme étant mâle ou femelle, mais il existe, dans
l'absolu, une grande diversité, puis une personne ne va pas être moins femme si
elle a des chromosomes XY ou si elle a des testicules internes.
Le Président (M.
Bachand) :En terminant, allez-y, Mme la
députée.
Mme Massé : Bien, merci de
votre présentation.
Bastien Charlebois (Janik) :
Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette, s'il
vous plaît.
Mme Hivon : Oui, merci
beaucoup, très, très intéressant. Tantôt, vous avez dit à ma collègue, parce
que, bon, vous rejetez l'idée de mettre «indéterminé», je vous suis très bien
là-dessus. Puis vous avez dit : Pour ce qui est de l'assignation, on va y
aller en lien avec les probabilités. Comment on détermine les probabilités?
Bastien Charlebois (Janik) :
C'est que les... bon, quand il y a eu des critiques intersexes dans les années 90,
les médecins se sont rapidement retournés de bord là-dessus parce qu'ils s'étaient
associés à toute l'affaire Reimer, d'ailleurs, tu sais, qui avait causé tout un
scandale. Et il a fallu qu'il y ait une révision de la croyance qu'on peut
imposer une identité de genre. Et ils ont fait des suivis auprès de différentes
variations intersexes pour essayer de voir quelles étaient les probabilités de
développement identitaire, donc de voir... d'ailleurs, tu sais, parce que
souvent ils avaient imposé des identités de genre, et de voir, bien, à quel
point il y avait eu des affirmations de genre différentes. Et ça, bien, ça
guide la pratique. Ce n'est pas parfait, puis là je pourrais en parler
longtemps, là, mais... c'est ça, il y a quand même eu cette direction-là, à des
grands égards, là, d'y aller en fonction des probabilités.
Mme
Hivon
: Donc,
il y a des études qui viennent un peu... qui viendraient guider la famille, les
parents et les médecins pour dire : Voici, on aurait... ça serait plus
logique de donner cette identité-là. Mais évidemment les choses peuvent
complètement changer dans la suite des choses, là.
Bastien Charlebois (Janik) :
Oui, c'est ça. Tu sais, je pense qu'il y a une part de correct là-dedans, tu
sais. C'est sûr qu'il y a des aspects où ça peut devenir compliqué, tu sais,
bon, par exemple, hyperplasie congénitale des surrénales, bien, souvent les
médecins vont dire : Ce sont des filles, puis là il y a une imposition...
bien, enfin, l'assignation, ce n'est pas si pire, c'est qu'il y a une
présomption où on va insister sur le fait que ce sont toutes des filles
fondamentalement, alors que dans 5 % à 10 % des cas, les personnes
vont s'affirmer garçon, et on va souvent procéder à des interventions non
consenties.
Mme Hivon : Est-ce qu'il y a
des études longitudinales pour voir la cohérence dans le temps avec ce qui
avait été anticipé comme probabilité?
Bastien Charlebois (Janik) :
Oui, jusqu'à un point, mais c'est difficile, parce qu'il y a des personnes qui
sont perdues de vue, pour un ensemble de raisons, donc certaines parce que,
bon, on n'a plus l'adresse ou certaines ne veulent absolument plus rien savoir
du corps médical. Et il y avait tendance, je reprends l'exemple de l'hyperplasie
congénitale des surrénales, il y a souvent un attachement ou une... enfin, une
tendance chez les médecins à réduire les estimations de l'identité garçon. Et,
c'est ça, même quand il y a des personnes qui affirmaient une identité autre,
les équipes, les psychiatres au sein des équipes essayaient de, disons, réduire
ou de mettre un frein à ça. Donc, c'est ça, alors ce n'est pas parfait, les
estimations sont bonnes jusqu'à un certain point.
Mme
Hivon
: O.K.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Alors, Janik Bastien Charlebois,
professeure au Département de sociologie de l'Université du Québec à <Montréal...
Le Président (M.
Bachand) :
...Charlebois, professeure
au Département de sociologie de
l'Université du Québec à >Montréal,
merci beaucoup d'avoir été avec nous, c'est très apprécié.
Cela dit, je suspends les travaux quelques
instants afin d'accueillir nos nouveaux témoins. Merci beaucoup. À bientôt.
(Suspension de la séance à 15 h 46)
(Reprise à 15 h 53)
Le Président (M. Bachand) :
À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, il nous
fait plaisir d'accueillir les représentants de la Commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse, des gens, bien sûr, qu'on connaît.
Alors, Me Tessier, merci beaucoup d'être ici avec Me Montminy et M. Blouin.
Alors, comme vous connaissez les règles, j'en suis convaincu, Me Tessier,
des commissions parlementaires, alors, encore une fois, bienvenue, donc, 10 minutes
de présentation, et, après ça, l'échange avec les membres de la commission.
Donc, Me Tessier, la parole est à vous. Encore une fois, merci beaucoup d'être
avec nous cet après-midi.
M. Tessier (Philippe-André) : Merci,
M. le Président. Mmes et MM. les députés, M. le ministre. Donc, Philippe-André
Tessier, président de la Commission des droits de la personne et des droits de
la jeunesse. Je suis accompagné de Samuel Blouin, chercheur, et Me Karina
Montminy, conseillère juridique à la Direction de la recherche de la
commission.
Je veux juste rappeler, d'entrée de jeu,
que la mission a pour... entre autres missions d'assurer le respect et la
promotion des principes énoncés dans la Charte des droits et libertés de la
personne. Elle assure également la protection de l'intérêt de l'enfant ainsi
que le respect et la promotion des droits qui lui sont reconnus par la Loi sur
la protection de la jeunesse, et c'est donc à ce titre que la commission a
examiné le présent projet de loi.
Compte tenu de l'ampleur et de
l'importance des modifications proposées par le projet de loi qui vise à
réformer le droit de la famille ainsi qu'à donner suite à la décision rendue
par la Cour supérieure dans l'affaire Centre de lutte contre l'oppression des
genres, nous sommes ici pour vous faire part des grandes orientations de la commission
sur les sujets pour lesquels nous estimons nécessaire d'attirer votre attention
à cette étape des travaux parlementaires. Nous allons vous transmettre, au
cours des prochaines semaines, un mémoire qui traitera de façon plus détaillée
de ces sujets et d'autres thématiques visées par le projet de loi.
L'objectif annoncé de cette partie de la
réforme du droit de la famille, soit de considérer les enfants d'abord, rejoint
pleinement l'une des préoccupations de la commission de rendre effective la
reconnaissance de l'enfant comme titulaire de droits. Rappelons qu'à l'occasion
des consultations tenues par la Commission spéciale sur les droits des enfants
et la protection de la jeunesse, elle a en ce sens insisté sur l'urgence pour
le gouvernement d'agir pour renforcer le respect des droits de l'ensemble des
enfants et garantir la pleine protection de leur sécurité et de leur
développement.
De façon plus particulière, la commission
se réjouit des modifications proposées en vue d'élargir la portée du droit à la
connaissance des origines pour les enfants adoptés et pour ceux nés d'un don de
gamètes ou d'une gestation pour autrui. Comme elle l'a souligné dans le passé,
ce droit trouve son fondement dans le droit à l'intégrité et à la liberté de sa
personne, la reconnaissance de la personnalité juridique, le droit à la sauvegarde
de sa dignité, le respect de sa vie privée et le droit à l'information,
lesquels sont reconnus tant par la charte québécoise que par le droit
international, notamment la Convention relative aux droits de l'enfant. La commission
accueille en outre positivement la consécration du droit à la connaissance de
ses origines dans la charte. Compte tenu du statut de cette dernière dans le
corpus normatif québécois, l'ajout proposé viendrait lui accorder une valeur
importante. La commission <souhaite...
M. Tessier (Philippe-André) :
...Compte
tenu du statut de cette dernière dans le corpus normatif québécois, l'ajout
proposé viendrait lui accorder une valeur importante. La commission >souhaite
vous faire part du questionnement que soulève l'inscription dans le chapitre IV
de la charte, relatif aux droits économiques et sociaux. Tel que mentionné
précédemment, il est plus généralement associé, ce droit, à certains droits
fondamentaux déjà énoncés au chapitre I de celle-ci et semble davantage
appartenir à cette catégorie de droits.
Ensuite, la commission ne peut passer sous
silence la proposition d'introduire un cadre légal de la gestation pour autrui
dans le Code civil. Tant des experts du milieu juridique que des sciences
sociales militent en faveur d'un encadrement législatif dans le contexte où
cette forme de procréation assistée se pratique déjà au Québec. Ainsi, disposer
de règles claires contribuerait à s'assurer que tout projet parental impliquant
la gestation par une tierce personne se réalise dans le respect des droits de
l'enfant et de son intérêt ainsi que les droits des femmes ou personnes qui
acceptent de donner naissance à l'enfant.
La commission, qui avait, en 1991, émis
des réserves sur la reconnaissance de cette pratique dans le Code civil,
souscrit à ce postulat considérant les avancées réalisées en la matière du
point de vue médical et des développements judiciaires. De l'avis de la commission,
la finalité qui doit être recherchée est celle d'assurer à l'enfant et à la
femme qui accepte de donner naissance à ce dernier le respect des droits qui
leur sont reconnus par la charte. Pour la femme ou la personne qui a accepté de
donner naissance à un enfant, citons le droit à la vie, à l'intégrité et à la
liberté de cette personne, le droit à la sauvegarde de sa dignité, le droit au
respect de sa vie privée et le droit à l'égalité. Pour l'enfant né d'un tel
projet parental, mentionnons entre autres son droit à la protection, à la
sécurité et à l'attention que ses parents ou les personnes qui en tiennent lieu
peuvent lui donner.
Les règles d'encadrement de la gestation
pour autrui proposées par le projet de loi poursuivent, de l'avis de la
commission, cette finalité au regard des droits de la charte.
Sur un autre sujet, la commission estime
important de souligner l'avancée en droit québécois que représenterait la
reconnaissance des effets de la violence familiale dans le droit commun,
particulièrement sur les droits des femmes et des enfants qui en sont les
principales victimes, rappelons-le. Les actes de violence familiale constituent
incontestablement des atteintes graves à plusieurs droits de la charte, dont
les droits fondamentaux.
La commission tient à cet égard à saluer
la proposition d'ajout au Code civil prévoyant que l'autorité parentale
s'exerce «sans violence aucune». Cependant, l'expression peut soulever
certaines questions, notamment quant à l'interprétation qui en sera donnée par
les acteurs du système judiciaire et aux impacts que pourrait avoir un tel libellé.
Par exemple, on peut se demander si la notion introduite engloberait l'ensemble
des formes de violence prévues par la Loi sur le divorce, tels que les abus
sexuels, l'exploitation financière et les comportements coercitifs et dominants.
Dans cette même perspective, la commission
estime nécessaire de vous faire part d'autres préoccupations concernant les
différentes façons de qualifier la violence dans le projet de loi. En effet, la
disposition relative au consentement aux soins du Code civil ainsi que
l'article lié à l'interrogatoire et au contre-interrogatoire des victimes du Code
de procédure civile réfèrent à la «violence familiale ou sexuelle» alors que
d'autres modifications au Code civil visent uniquement la violence familiale.
De telle sorte que lorsque le terme «violence familiale» est employé, il n'est
pas clair si cela inclut d'autres formes de violence.
À ce sujet, à l'instar du comité d'experts
sur l'accompagnement des personnes victimes d'agressions sexuelles ou de
violence conjugale, la commission estime que la violence conjugale devrait être
nommée explicitement dans le Code civil et dans le Code de procédure civile. En
effet, l'inclusion de ce terme assurerait une prise en compte, en contexte de
litige familial, de l'impact de cette violence sur les enfants et le parent
victimisé.
Sur un autre thème, la commission est
hautement préoccupée des graves répercussions que pourraient avoir les
modifications proposées aux mentions de sexe ou de genre dans les actes de
l'état civil sur la réalisation de plusieurs droits des personnes trans, non
binaires et intersexes inscrits dans la charte. Elle déplore par ailleurs que
les présentes consultations se tiennent alors que des personnes qui
interviennent n'ont pas pu prendre connaissance des amendements annoncés et ne
pourront se prononcer sur ceux-ci. Cela dit, elle applaudit la proposition qui
vise à reconnaître l'identification de genre non binaire. Il s'agirait d'une
avancée majeure pour les personnes concernées.
Précisément, la commission s'oppose à
toutes modifications qui auraient pour effet de dévoiler le fait qu'une
personne est trans à toutes les personnes auxquelles elle devrait présenter son
acte de naissance ou un certificat d'état civil. C'est ce qu'elle appréhende
par l'ajout d'une mention de l'identité de genre distincte de celle de la
mention de sexe dans l'acte de naissance. Le dévoilement forcé, qui pourrait
résulter de la non-concordance de ces mentions entre elles, porterait atteinte
à la vie privée, à la dignité et à l'égalité des personnes trans qui sont toutes
garanties par la charte. Ajoutons que la non-concordance entre les documents
d'identité et son identité de genre affecte la réalisation des droits
économiques et sociaux des personnes trans et non binaires, eux aussi garantis
par la charte. Comme l'écrit le juge Moore dans la décision Centre de lutte, le
fait de devoir présenter des pièces d'identité révélant leur modalité de genre
amène les personnes trans et non binaires à se retirer de situations pouvant
les exposer à la violence et à la discrimination, comme l'inscription dans un
établissement scolaire, la recherche d'un emploi ou la demande de soins de
santé.
• (16 heures) •
Concernant les dispositions proposées
relativement à l'ajout ou au changement d'une mention de l'identité de genre
pour les personnes mineures de 14 ans et plus, la commission est contre le
maintien de l'exigence de fournir une lettre...
16 h (version révisée)
M. Tessier (Philippe-André) :
...trans, qui sont toutes garanties par la Charte. Ajoutons que la
non-concordance entre des documents d'identité et son identité de genre affecte
la réalisation des droits économiques et sociaux des personnes trans et non binaires,
eux aussi garantis par la Charte. Comme l'écrit le juge Moore dans la décision
Centre de lutte, le fait de voir présentées des pièces d'identité révélant
leurs modalités de genre amène des personnes trans et non binaires à se retirer
de situations pouvant les exposer à la violence et à la discrimination, comme l'inscription
dans un établissement scolaire, la recherche d'un emploi ou la demande de soins
de santé.
• (16 heures) •
Concernant les dispositions proposées relativement
à l'ajout ou au changement d'une mention de l'identité de genre pour les
personnes mineures de 14 ans et plus, la Commission est contre le maintien de l'exigence
de fournir une lettre
d'une personne appartenant à une profession
désignée attestant que le changement est approprié. En 2015, la commission
avait déjà estimé qu'une telle condition est problématique parce qu'elle
contredit le mouvement de dépathologisation, pardonnez-moi, de la
transidentité. Elle serait également en décalage par rapport à l'autonomie
reconnue aux enfants de 14 ans et plus pour prendre les décisions les
concernant ayant de plus grandes implications qu'un changement administratif
notamment en matière de soins.
La commission s'objecte également
catégoriquement au retour proposé des exigences de subir des traitements
médicaux et des interventions chirurgicales pour obtenir un changement de la
mention du sexe apparaissant sur l'acte de naissance. Son retrait en 2015
répondait à des recommandations formulées par la commission en 2007, 2012 et
2013. La commission avait alors démontré qu'une telle condition constituait une
atteinte discriminatoire aux droits des personnes trans à l'intégrité, à la
reconnaissance de leur personnalité juridique et à la dignité, ainsi qu'au
respect de leur vie privée.
La commission craint aussi les effets
potentiels sur l'exercice des droits des personnes intersexes de la possibilité
d'indiquer à l'acte de naissance qu'est le sexe est indéterminé. Une telle
mention encore une fois dévoilerait que la personne est intersexe, portant
ainsi atteinte au droit au respect de sa vie privée et l'exposerait
potentiellement discrimination. De plus, l'obligation de modifier la mention
indéterminé dès qu'il serait possible pour un médecin d'assigner un sexe
ajouterait à la pression médicale et sociale à la normalisation des organes
génitaux des personnes intersexes. Les droits à l'intégrité, à la dignité, à la
vie privée et à l'égalité de ces personnes pourraient s'en trouver sérieusement
compromis.
Ces commentaires conduisent à se demander si
le potentiel d'atteinte aux droits, notamment à la vie privée, à l'égalité que
recèlent les mentions de sexe et d'identité de genre sur les actes de l'état
civil est véritablement justifié par leurs avantages pour la réalisation d'autres
droits ou d'autres considérations d'intérêt public comme identification des
personnes ou la prestation de services adaptés en fonction du sexe. À ce
propos, la commission a insisté à de nombreuses reprises sur l'importance de la
collecte de données liées à des motifs interdits de discrimination dont font
partie le sexe et l'identité de genre. En effet, ces données sont
indispensables pour évaluer les effets potentiellement discriminatoires des
politiques et prévoir des mesures correctrices au besoin. Elle a néanmoins précisé
qu'une telle collecte visant... doit viser la mise en œuvre du droit à l'égalité
et ne doit pas créer ou accroître les discriminations ou les préjugés visant
les groupes marginalisés. Elle doit également, conformément à l'ensemble des
droits inscrit à la charte, notamment celui de la vie privée, des données sur
le sexe et le genre pourraient ainsi être recueillies dans le respect de la charte
sans qu'il ne soit toutefois pas nécessaire de faire figurer ces informations
sur les actes de l'état civil ou d'autres documents d'identité, comme les
suggèrent les principes de Yogyakarta plus 10 définissant des normes juridiques
internationales relativement à ces questions.
En terminant, la commission tient à saluer
les efforts importants consentis par le législateur pour réviser la
terminologie genrée employée dans plus d'une trentaine de lois. Dans la foulée,
nous incitons le législateur à considérer la charte dans cet exercice de
révision terminologique. Je vous remercie et nous sommes disposés à répondre
maintenant à vos questions.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, M. Tessier. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci, M. le Président. Me Tessier, Me Montminy, M. Blouin, bonjour, merci de
participer aux travaux de la commission. Le premier point relativement à la
notion de violence familiale qu'on vient introduire, on a eu cette
discussion-là hier avec un autre groupe. Dans le fond, le législateur décide de
venir justement nommer la notion de violence familiale dans la prise en compte
pour l'intérêt de l'enfant, si jamais il y a une situation de garde, et d'indiquer
au tribunal, de dire : vous devez considérer la violence familiale,
notamment en matière de garde d'enfant parce que les témoignages qu'on a reçus
sont beaucoup à l'effet de dire que certaines femmes n'allèguent pas la
violence familiale, la violence conjugale qu'il y a dans le cadre du couple
parce qu'on dit : Bien, écoutez la violence est... c'est de la violence
conjugale, c'est de la violence contre Mme, mais M. est un bon père. Alors ça,
on ne veut pas ça, là, on ne veut pas ce genre de raisonnement là parce que la
violence contre Mme a des impacts sur les enfants également. Même si ce n'est
pas dirigé directement contre les enfants, ça fait partie de la violence
familiale, la violence conjugale au sens large. Ça fait que c'est pour ça qu'on
inscrit violence familiale.
Vous, vous dites : Écoutez, il faut
nommer la violence conjugale. Moi, je vous dirais, hier, on avait la suggestion
violence conjugale, violence physique, violence psychologique, ça englobe
toutes ces formes de violence là. Je l'ai dit hier, je vais le redire en étude
détaillée, mais notamment on peut... Je ne voudrais pas qu'on se retrouve dans
le feu de ça parce que vous savez on modifie le code là-dessus aussi, mais je
ne voudrais pas qu'on exclue certains types de violence qui seraient définis
pour le futur, et on veut laisser la possibilité au tribunal d'interpréter
largement cette notion de violence familiale là. Donc je tenais à vous le dire
pour préciser notre intention à ce niveau-là. Bon.
Sur la question de la gestation pour
autrui, vous êtes d'accord à ce qu'on mette un encadrement tel qu'on le propose
pour protéger les mères porteuses ainsi que l'intérêt des enfants?
M. Tessier (Philippe-André) : Oui,
tout à fait, donc c'est le sens des propos. Peut-être simplement, sur le
commentaire, là par rapport à ce qui est de la violence, évidemment, on le dit,
on salue le fait que le législateur vient un peu briser ce silence-là, donc on
vient reconnaître explicitement, donc, on adhère à cette <modification-là...
M. Jolin-Barrette :
...pour protéger les mères porteuses ainsi que l'intérêt des enfants?
M. Tessier (Philippe-André) :
Oui,
tout à fait, donc c'est le sens des propos. Peut-être simplement, sur le
commentaire, là par rapport à ce qui est de la violence, évidemment, on le dit,
on salue le fait que le législateur vient un peu briser ce silence-là, donc on vient
reconnaître explicitement, donc, on adhère à cette >modification-là.
Cela dit, la notion de violence familiale,
elle n'est pas définie. Évidemment, donc, il y a un exercice interprétatif qui
sera confié aux tribunaux pour venir un peu... venir définir et baliser. Mais
ce à quoi on fait référence, c'est au fait que... et notamment, on a tenu le
même genre de propos sur le projet de loi n° 59
visant à modifier la Loi sur la santé et sécurité au travail porté par le
ministre du Travail, dans lequel on parlait de violences physiques et
psychologiques. Et on a... on parlait d'inclure la violence conjugale ou
familiale. Donc, on attire bien humblement l'attention du législateur sur le
fait qu'il y a ici des termes utilisés dans un projet de loi récemment adopté
par l'Assemblée nationale qui reprennent le vocabulaire conjugal ou familial.
Donc, il y a aussi ici, dans notre exercice à nous, une sensibilisation au
législateur à une certaine cohérence dans la rédaction législative pour éviter
d'en échapper.
Le but de tout le monde, je pense ici, c'est
évidemment de couvrir l'ensemble des violences, donc, que le ministre a décrit,
M. le Président. Et donc, pour ce qu'est la gestation pour autrui,
effectivement, tel qu'indiqué dans nos commentaires, donc le cadre annoncé, là,
nous semble conforme à ce moment-ci.
M. Jolin-Barrette : O.K. Bon,
avec la convention notariée, vous êtes à l'aise, tout ça, avec l'encadrement.
Question. On a eu depuis hier, là, différents intervenants qui présentent des
points de vue opposés à savoir est-ce que pour la mère porteuse qui décide de
faire un projet parental, il devrait y avoir une grossesse préalable? Qu'est-ce
que la commission en pense? Est-ce que ça pourrait être un motif de
discrimination? Là, moi, je suis... dans le fond, de la façon dont on a
construit le projet de loi, c'est pour toujours, en tout temps, respecter l'autonomie
de la femme en lien avec son corps, avec ses propres décisions. Certains nous
suggèrent de dire bien, écoutez, vous devez déjà avoir eu une grossesse
préalable. Qu'est-ce que la Commission en pense de ça, de cette suggestion-là?
Parce que ce n'est pas dans le projet de loi, là?
M. Tessier (Philippe-André) :
Oui, tout à fait. Bien, ça me permet peut-être de cadrer aussi notre propos
aujourd'hui. Évidemment, il y a des éléments sur lesquels on pourra se
prononcer plus en détail dans notre mémoire qui sera fourni à la commission
parlementaire avant l'étude détaillée, là, je veux juste rassurer les
parlementaires là-dessus. Donc, vous pourrez avoir le bénéfice de notre
position plus détaillée sur certains éléments.
Maintenant, la question, cette
question-là, spécifique en est une que nous n'avons pas étudiée ou analysée à
ce moment-ci, à moins que mes collègues aient quelque chose à ajouter de spécifique
là-dessus. Mais ce n'est pas une question sur laquelle on avait à se prononcer
aujourd'hui.
M. Jolin-Barrette : O.K. Un
des objectifs de l'encadrement de la gestation pour autrui, c'est d'éviter la
commercialisation puis la marchandisation du corps de la femme. C'est pour ça
qu'on va avoir un cadre très strict puis c'est pour ça également qu'avec l'international,
on vient encadrer tout ça, puis il va y avoir une liste d'États pour faire en
sorte que, justement, il n'y ait pas de Québécois puis de Québécoises qui
aillent à l'étranger exploiter aussi des femmes qui seraient dans une situation
de vulnérabilité, on pense aux usines à bébés, tout ça, dans certains pays,
donc on veut éviter ça.
On a eu des commentaires relativement à l'encadrement
des agences puis du fait qu'on devrait peut-être les interdire, tout ça. Qu'est-ce
que vous pensez de ça?
M. Tessier (Philippe-André) : Oui.
Bien, ça, écoutez, ça me permet peut-être de dire aussi que, bon, évidemment,
il est essentiel ici dans ce projet de loi là... Puis on comprend que c'est un
peu ce qui anime le législateur, là, dans les travaux qui sont en cours
présentement, c'est qu'il faut que les femmes qui acceptent de donner naissance
à l'enfant, elles soient informées de leurs droits avant la conception, pendant
la grossesse, à l'accouchement, que les parents d'intention soient également
informés de leurs droits, de leurs obligations. Le rôle du notaire, on y a fait
référence, est également important. Et la commission est favorable de façon
préliminaire, là, à un encadrement, un meilleur encadrement qui permet
justement ce respect des droits de l'enfant, des droits de la femme, de la
personne qui a accepté de donner naissance.
Et on appuie aussi la voie administrative
parce qu'évidemment, l'idée ici, c'est d'avoir une façon de fonctionner qui est
bien encadrée, qui bien balisée. Évidemment, encore une fois, là, notre analyse
plus détaillée sera faite dans notre mémoire, mais ce sont les grands principes
généraux autour desquels on s'articule, on articule notre position.
• (16 h 10) •
M. Jolin-Barrette : O.K. un
autre volet, sur la question de la connaissance des origines. Dans le fond, on
vient... on va plus loin que le projet de loi n° 113 qui avait fait un pas.
Mais vraiment, on donne accès sur deux volets, bon, pour les enfants qui ont
été confiés à l'adoption, également sur la fratrie, également sur les
descendants, pour la connaissance des origines.
Parallèlement à ça, puisqu'on instaure la
gestation pour autrui, on vient dire également aux enfants qu'ils ont droit à
la gestation pour autrui puis on a eu un témoignage éloquent hier soir
également d'une personne issue de contributions... de matériel génétique donné
d'un tiers puis je pense que ça illustrait vraiment le propos à savoir pourquoi
c'est important de connaître les origines. Qu'est-ce que la commission en pense
de cet élargissement-là puis du droit à la connaissance des <origines...
M. Jolin-Barrette :
...a
eu un témoignage éloquent hier soir également d'une personne issue de
contributions... de matériel génétique donné d'un tiers puis je pense que ça
illustrait vraiment le propos à savoir pourquoi c'est important de connaître
les origines. Qu'est-ce que la commission en pense de cet élargissement-là puis
du droit à la connaissance des >origines?
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
effectivement, donc, comme... a mentionné, là, donc, effectivement, le projet
de loi n° 2 vient préciser, puis élargir, là, donc, la portée des
modifications introduites par le p.l. n° 113 de 2016.
Donc, nous avions accueilli favorablement les modifications qui visaient ces
reconnaissances-là et on est en faveur, là, de l'ajout de dispositions pour
prévoir pour la famille adoptive ou la famille d'origine de conclure une
entente aussi dans l'échange de renseignements. Donc, nous étions d'avis et
nous sommes toujours d'avis que le modèle d'adoption québécois qui avait... qui
prévoyait une rupture totale des liens entre l'enfant et la famille d'origine
devait être révisé. Donc on se... on favorise, là, l'ajout et on est d'accord
avec l'ajout aussi de ce droit-là à la charte. Notre commentaire est plus à l'effet...
au niveau de la structure organique de la Charte, au niveau du droit qui est
consacré ici, il s'agit d'un droit qui s'apparente beaucoup plus à la nature d'un
droit ou d'une liberté ou d'un droit fondamental que d'un droit économique et
social. Mais ça encore une fois pour le moment, puis si mes collègues veulent
ajouter, mais c'est un peu, là, la trame sur laquelle on s'oriente pour le
moment.
M. Jolin-Barrette : O.K. Puis
sur 579 qu'on vient modifier sur l'échange de renseignements, vous êtes
favorables aussi, là?
M. Tessier (Philippe-André) : Oui,
tout à fait. C'est ça, puis... Oui.
M. Jolin-Barrette : La
représentation des enfants maintenant de la DPJ, donc l'aide juridique, on
étend la protection de l'aide juridique. Ça, vous êtes en accord, j'imagine,
aussi?
M. Tessier (Philippe-André) : Oui,
tout à fait. Donc la question de la représentation, c'est un élément sur
lequel, encore une fois, on voulait se pencher plus amplement, mais c'est sûr
et certain que le fait qu'il soit... l'aide juridique soit accordée gratuitement
à tout enfant mineur, donc effectivement, c'est un élément qui va dans le sens
des recommandations de la commission, tant devant la commission spéciale que d'autres
recommandations de la commission.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Hier,
on a eu l'Association des parents adoptants puis la Fédération des parents
adoptants, puis ils nous ont fait des représentations relativement à l'âge pour
accéder à la connaissance des origines, notamment. Dans le fond, dans le projet
de loi, on a 10‑14 ans. Eux, ils disaient 16 ans, parfois, dans certains cas,
18. Qu'est-ce que vous pensez de ça, là, relativement aux âges qu'on a fixés?
Est-ce que la Commission a une opinion là-dessus?
M. Tessier (Philippe-André) : Là
dessus, peut-être mes collègues pourraient compléter, mais l'analyse
préliminaire que nous avons faite, là, encore une fois, là, c'est une question
sur laquelle on voudra peut-être regarder dans le mémoire plus précisément parce
qu'il y a une analyse un petit peu plus circonstanciée, puis un peu plus
nuancée qu'on a entreprise sur cette question-là. Je ne sais pas si Me Montminy
ou...
Mme Montminy (Karina) : Oui,
effectivement, ça sera un des points qu'on va développer dans le mémoire, l'âge...
Et on sait, on a prévu aussi les échanges qu'il y a eu aussi dans la pratique,
aussi ce que ça soulève comme enjeu et en fonction des positions, bien sûr, là,
qu'on a mises de l'avant, là, depuis plusieurs années, là, sur toute l'importance
de la reconnaissance, mais toujours avec les liens évidemment, avec les
principaux droits qui sont en cause, là, dans la Charte, l'importance pour
toute personne de connaître... On peut le lier autant à l'article 1, là, de
connaître la personnalité juridique, la liberté de sa personne, donc le respect
de la vie privée, le respect de sa dignité. Donc, c'est des droits qui sont
majeurs. Et évidemment, c'est en fonction de... à la lumière de ces droits-là,
là, qu'on vous fournira, là, des précisions supplémentaires.
M. Jolin-Barrette : Parfait,
bien, je vous...
M. Tessier (Philippe-André) : On
fait preuve de prudence, c'est ça. On fait preuve de prudence là-dessus, M. le
Président, M. le ministre, parce que c'est des questions effectivement très
sensibles, puis ces enjeux-là, on veut s'assurer, là, de tous les expliciter
dans notre mémoire. Donc on espère que vous pourrez nous lire d'ici le temps
des fêtes.
M. Jolin-Barrette : Bien sûr,
bien sûr. Je vous remercie beaucoup pour votre passage en commission. Je crois
que la députée de Mirabel voulait...
Le Président (M.
Bachand) :Mme la députée de Mirabel, s'il
vous plaît. Oui, vous avez la parole. Merci.
Mme D'Amours : Merci.
Bonjour, merci d'être à notre commission. Je vais reposer la même question que
le ministre a posée, mais peut-être que je vais vous enligner sur peut-être une
autre réponse. Hier et même, bon, dans des discussions de couloirs avec
certaines femmes, hier, on disait, bien, que ce serait bien que les femmes qui
portent l'enfant aient une expérience... qu'ils soient à la deuxième
expérience, là, au niveau de l'accouchement. Et certaines femmes me disaient :
Bien, si moi, je n'ai jamais eu d'enfant je n'en veux pas, mais je suis prête à
être une mère porteuse pour un ami, la famille ou j'aimerais avoir le droit, si
c'est légal, si c'est cadré, si... est ce que vous pensez qu'en balisant,
qu'une femme doit avoir accouché une première fois, sinon elle ne peut pas être
une mère porteuse, vous ne pensez pas qu'on brime les droits de la femme, le
droit de faire de son corps ce <qu'elle veut...
Mme D'Amours :
...je
n'en veux pas, mais je suis prête à être une mère porteuse pour un ami, la
famille ou j'aimerais avoir le droit, si c'est légal, si c'est cadré, si... est
ce que vous pensez qu'en balisant, qu'une femme doit avoir accouché une
première fois, sinon elle ne peut pas être une mère porteuse, vous ne pensez
pas qu'on brime les droits de la femme, le droit de faire de son corps ce >qu'elle
veut?
M. Tessier (Philippe-André) :
Encore une fois, nous, l'alignement que nous avons, c'est... et on est
favorable à un encadrement, un meilleur encadrement. Et il est important que
les femmes qui... Et c'est ça, les principes qui guident la commission, c'est
de s'assurer que la femme en question qui porte et accouche ne peut pas être l'objet
de pressions indues, on ne veut pas commercialiser. Ce sont ça, les grands
principes autour desquels on articule notre positionnement. Donc, c'est ça
aussi, le régime d'encadrement, l'acte notarié et tout. Tout vise à s'assurer
de faire en sorte que, dans le meilleur scénario possible, cela se produise et
se fasse dans des conditions qui sont respectueuses des droits de la femme, ou
de la personne en question, et, effectivement, de l'enfant. Alors, c'est ça un
peu, l'approche de la commission sur cette question.
Mme D'Amours : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Est-ce qu'il y a d'autres questions du côté
gouvernemental? Mme la députée de Bellechasse?
Mme Lachance : Merci, M. le
Président. Merci d'être là. Merci de prendre le temps. J'aimerais revenir sur
un point que vous avez déjà discuté, mais pour lequel j'aimerais davantage
explorer votre position. Tout à l'heure, vous vous êtes montré favorable,
justement, à l'aide juridique pour les enfants. Mais comment on peut dire...
Est-ce que ça va changer? Pouvez-vous développer un petit peu, là, comment...
les avantages définitifs que vous y voyez?
M. Tessier (Philippe-André) :
Oui, tout à fait. Bien, merci pour la question. Alors donc, évidemment, cette
proposition-là, elle rejoint deux considérations sur lesquelles la commission s'est
prononcée à plusieurs reprises. Donc, premièrement...
Une voix : ...
M. Tessier (Philippe-André) :
...il faut comprendre que, si, pour notre État, l'État du Québec, et c'est l'approche
de la commission, l'enfant est sujet de droits, donc l'enfant est titulaire de
droits au sens de la Convention relative aux droits de l'enfant mais également
en droit interne québécois, un, les principes fondamentaux, c'est le droit de
participer puis d'être entendu. C'est un des principes directeurs des
conventions internationales auxquelles le Québec s'est déclaré lié. Et bien,
forcément... Et même, il y a même un article spécifique de la Convention
relative aux droits de l'enfant qu'il prévoit. Donc, pour la commission, c'est
sûr et certain que ce genre d'avancée là, bien, c'est de nature à mettre en
effet pratique, ce droit-là à l'enfant d'être entendu lorsqu'il... qu'il soit
représenté.
Mme Lachance : Est-ce qu'il
me reste une petite minute? Oui. Merci, M. le Président. Vous avez aussi
abordé, évidemment, le droit des enfants à la connaissance de leurs origines.
Et puis j'ai bien entendu, là, que vous allez détailler davantage dans votre
mémoire parce que la prise de position n'était peut-être pas si évidente
spontanément, comme ça. Néanmoins, je vous dirais qu'hier quand on a entendu le
témoignage, ça venait, si on veut, mettre la table pour plusieurs
questionnements. Et, à cet effet là, on sent qu'on est en opposition sur le
droit des enfants et peut-être le droit d'un parent porteur à ne pas vouloir.
Est-ce que c'est des choses que vous avez, dans votre pratique, déjà entendues,
vues? Puis comment vous allez étayer, dans le fond, votre position?
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
je pourrais peut-être laisser mes collègues compléter là-dessus, mais il s'agit
effectivement ici, puis c'est toujours ça qui est un peu complexe dans ces
questions-là, c'est qu'on parle... il y a deux droits, finalement, qui s'opposent,
hein. Et l'exercice d'articulation de ces deux droits-là, c'est quelque chose
qui est fondamental dans notre réflexion. Je ne sais pas si Me Montminy ou M.
Blouin veut compléter là-dessus.
Mme Montminy (Karina) : Bien,
comme on mentionnait, je pense, ça va être un élément, là, sur lequel on va
détailler, effectivement, là, dans notre mémoire, là. Donc, vous allez pouvoir
y retrouver des éléments beaucoup plus spécifiques, là, sur les points qu'on
doit prendre en considération lorsque, c'est ça, pour les enfants de
14 ans et plus, là. Je pense que c'est ce qu'on comprendre aussi, ce qu'on
a pu percevoir, là, de l'ensemble des intervenants, intervenantes, c'est que ça
cause des enjeux particuliers, effectivement, aussi dans l'application des
modifications, là, qui sont entrées en vigueur à la suite, là, du projet de loi
n° 113.
Mme Lachance : Bien, merci
beaucoup. On se fera un plaisir de vous lire.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Westmount—Saint-Louis,
s'il vous plaît.
• (16 h 20) •
Mme Maccarone : Merci, M. le
Président. Bonjour. Un plaisir de vous avoir en commission aujourd'hui. Et
merci beaucoup pour votre témoignage et votre mémoire préliminaire, parce que j'ai
compris qu'il y aurait quand même une tombe, on attend après une tombe, Me
Tessier, parce que votre opinion est fort importante. Alors je veux commencer
par rapport à... les droits fondamentaux. Est-ce que la commission prévoit
quand même des risques de dérives liés à la GPA, la gestation pour autrui, soit
la marchandisation, l'atteinte de l'intégrité et la dignité? On parle aussi...
puis dans votre réponse, s'il vous plaît, parce que je ne suis pas avocate, si
vous pouvez parler pour le <commun des mortels...
Mme Maccarone :
...
une tombe, on attend après une tombe, Me Tessier, parce que votre opinion est
fort importante. Alors je veux commencer par rapport à... les droits
fondamentaux. Est-ce que la Commission prévoit quand même des risques de
dérives liés à la GPA, la gestation pour autrui, soit la marchandisation,
l'atteinte de l'intégrité et la dignité? On parle aussi... puis dans votre
réponse, s'il vous plaît, parce que je ne suis pas avocate, si vous pouvez
parler pour le >commun des mortels qui nous entend, mais aussi prendre
en considération... on parle beaucoup des droits des femmes, on parle beaucoup
des droits des parents d'intention, mais aussi le droit des enfants qui ne sont
pas nés encore.
M. Tessier (Philippe-André) : Oui,
effectivement, c'est... la GPA, c'est une question qui fait l'objet de débats
partout en occident. C'est un régime d'encadrement qui n'est pas simple. Nous
faisions référence un peu plus tôt au fait que la commission, en 1991, avait
une position. Cette position-là avait laissé la porte entrouverte en disant,
dans un contexte bien balisé et bien défini, ces éléments-là pourraient être
considérés. Donc, il y a eu une évolution au cours des 30 dernières années
et c'est évident que tout régime qui discute de la question de la GPA doit
traiter du droit de la femme, des droits des femmes, aussi du fait qu'il y a
une certaine autonomie. Et on veut éviter cette marchandisation. Ce qui se
passe également présentement, c'est que cet encadrement là, présentement, il a
fait l'objet de contournements, disons, et c'est sûr et certain que je pense qu'il
y a plusieurs... plusieurs provinces se sont penchées sur ces questions-là, ont
adopté des cadres. Au niveau fédéral, il y a eu des évolutions qui ont eu lieu
également par rapport au regard porté sur la GPA. Donc, c'est sûr et certain
que pour nous, l'idée ici, c'est qu'encore une fois, la voie retenue par le
législateur... et c'est sur celle-ci qu'on se prononce, on ne vise pas à
commenter d'autres cadres légaux. L'objectif, c'est de s'assurer que les droits
de l'ensemble des parties impliquées soient respectés, mais en ouvrant la porte
à la GPA. Donc, évidemment, ça, c'est le pas en avant que l'on fait. Et c'est
pour ça que les critères dont vous discutez en commission parlementaire, dont
vous allez discuter, qui sont mis de l'avant, c'est ça les éléments sur
lesquels nous, on va être particulièrement attentifs, tant pour le moment, mais
également dans le futur, parce que c'est quelque chose qu'il va falloir
continuer à surveiller et analyser, voir l'impact de ces mesures-là dans le
temps.
Mme Maccarone : J'aimerais
vous entendre par rapport à la notion juridique d'intérêt de l'enfant. C'est
une notion que dans le code criminel du Québec, il me semble que... j'aimerais
savoir si vous pensez que nous devons penser à élargir à une définition peut-être
plus exhaustive du concept, étant donné que nous sommes en train de faire un
débat sur la réforme du droit de la famille.
M. Tessier (Philippe-André) : Oui,
bien, l'intérêt de l'enfant, effectivement, il est contenu à plusieurs lois.
Donc, la charte fait quand même référence également à une forme d'intérêt de l'enfant.
La Loi sur la protection de la jeunesse, il y a un projet de loi qui vient d'être
déposé ce matin qui fait référence de façon quand même assez explicite. Donc, c'est
un élément qui se lit tant dans le Code civil du Québec que dans la Charte des
droits et libertés de la personne, en interaction également avec la Loi sur la
protection de la jeunesse. C'est un élément qui est au cœur de toutes les conventions
internationales également auxquelles le Québec s'est déclaré lié. C'est un
principe cardinal également lorsque l'on procède à l'analyse, puis la
commission lors de ses représentations devant la commission spéciale, la
commission Laurent, nous avons évidemment articulé l'ensemble de notre position
en lien avec ça.
Et une des recommandations également que
la commission a déjà faites par le passé, c'était de faire en sorte que, dans
la Charte québécoise des droits et libertés, on prévoit explicitement que
ladite charte s'applique, compte tenu des principes établis à la Convention
relative aux droits de l'enfant, la convention internationale à laquelle le
Québec s'est déclaré lié. Tout ça, évidemment... l'idée étant d'arrimer l'intérêt
de l'enfant tant dans le Code civil que la charte, également dans la Loi sur la
protection de la jeunesse, que tous ces outils législatifs là renvoient à ces
concepts-là qu'est la Convention relative aux droits de l'enfant.
Mme Maccarone : J'aimerais
revenir sur la GPA, on a entendu un témoignage plus tôt aujourd'hui d'une femme
porteuse qui nous a partagé son expérience. Elle a porté des enfants pour des
parents d'intention deux fois et elle a insisté, ça fait partie de ses
recommandations, que la filiation soit accordée aux parents d'intention sans qu'une
période de grâce de 30 jours ne soit accordée à la testatrice. Parce que
présentement, dans le projet de loi, on a la période «pas avant le sept jours»,
puis «pas après le 30 jours». Qu'est-ce que vous pensez, la CDPDJ, en ce qui
concerne cette recommandation?
M. Tessier (Philippe-André) :
Sur cet élément-là, je vais peut-être laisser mes collègues fournir quelques
éléments de réponse.
Mme Montminy (Karina) : Je
pense <qu'effectivement...
Mme Maccarone :
...accordée
à la testatrice. Parce que présentement, dans le projet de loi, on a la période
«pas avant le sept jours», puis «pas après le 30 jours». Qu'est-ce que vous
pensez, la CDPDJ, en ce qui concerne cette recommandation?
M. Tessier (Philippe-André) :
Sur cet élément-là, je vais peut-être laisser mes collègues fournir quelques
éléments de réponse.
Mme Montminy (Karina) :
Je
pense >qu'effectivement, ça, c'est un point très précis, là, qu'on va
aborder dans notre mémoire, mais c'est sûr qu'on l'a toujours regardé en
fonction... Nous, on s'est penchés sur le cadre tel que présenté, là, par le
projet de loi n° 2 en fonction, là, de la
proposition, là, qui est faite. Est-ce que ça serait... Bien, pour nous, c'est
toujours... ça revient toujours au même cadre d'analyse aussi, qui est le
nôtre. Est-ce que l'ensemble de la proposition d'encadrement, là, de la GPA est
conforme ou nous apparaît conforme aux droits, là, qui sont protégés par la
charte et reconnus aux femmes... ou qui seront reconnues aux femmes ou aux
personnes, là, qui accepteront de porter un enfant? Est-ce que la période de
délai semble être... semble, du moins, une garantie... qui semble accorder une
garantie à la personne, là, qui va accepter de donner naissance, de conserver
la possibilité, là, de donner son consentement une fois la naissance de l'enfant
aussi, mais d'avoir... Ce délai-là est toutefois assez court et semble, là,
présenter... Il y a des garanties qui sont aussi prévues par le projet de loi.
Donc, ce sont des éléments, là, d'analyse préliminaire, là, qu'on a quand même
pris en considération.
Mme Maccarone : O.K. On est
en attente de vos recommandations. Je veux vous entendre aussi sur la catégorie
des parents. Je sais que vous n'êtes peut-être pas rendus là dans votre
réflexion, mais étant donné que vous avez statué en ce qui concerne le
changement d'une mention d'identité de genre pour les personnes mineures de 14
ans et plus... C'est sûr, pour la communauté trans, pour la communauté non
binaire, la catégorie de parents... Puis si je ne m'abuse, je pense qu'il y a
des juridictions canadiennes comme la Colombie-Britannique, la Saskatchewan où
tous les parents sont simplement identifiés comme parents, mais le sens de ce
projet de loi, ça veut dire que «parents», ce serait réservé uniquement pour
les personnes trans, non binaires. Quelle est votre position sur cet état des
lieux?
M. Tessier (Philippe-André) : Peut-être
mon collègue, M. Blouin, pourrait...
M. Blouin (Samuel) : Oui.
Bonjour. Merci beaucoup pour la question. Donc, effectivement, un des principes
à partir duquel on a analysé les dispositions du projet de loi est celle... est
celui d'éviter tout dévoilement forcé. Donc, effectivement, la disposition, la
façon dont elle est rédigée actuellement va entraîner le dévoilement forcé de
personnes trans et non binaires. Et donc il y a d'autres propositions qui ont
été faites pour éviter un tel dévoilement forcé, donc soit que toute personne
soit... utilise l'appellation «parents» ou soit que l'appellation «parents»
soit ouverte à toute personne en conservant «père et mère». Donc, il y a
différentes alternatives qui pourraient être considérées pour éviter tout
dévoilement forcé. Mais, donc, ce que souhaiterait éviter la commission, c'est
le dévoilement forcé en raison des atteintes à mon droit, au respect de sa vie
privée.
Mme Maccarone : Ça devrait
être d'abord peut être la même chose pour la mention de sexe, M, F et X. X
devrait être réservée pour tous les Québécois, donc, qui auront un intérêt,
peut être de porter... de ne pas s'identifier de cette manière.
M. Blouin (Samuel) : Donc,
effectivement, l'option X, bon, qui concernait les personnes non binaires
est... peut être assez paradoxal. Ce que la reconnaissance de la mention X peut
favoriser la réalisation des droits, par exemple, de voir à la reconnaissance
de la personnalité juridique, le droit à l'égalité, le droit de dignité des
personnes non binaires, mais peut aussi avoir pour effet de porter atteinte au
droit à l'égalité de ces personnes en les exposant à la discrimination et à la
violence potentiellement en dévoilant leur identité de genre. Donc, il me
semblait... Donc, une solution qui pourrait être envisagée pour respecter le
consentement des personnes concernées, c'est d'offrir la possibilité de retirer
complètement... que ces personnes puissent retirer leur mention de genre de
leurs documents d'identité. Puis une autre question, une autre proposition qu'on
soumettait à la discussion, disons, dans les notes d'allocution du président, c'était
de retirer complètement, par exemple, les mentions d'identité de genre ou de
sexe, des documents d'identité. Ce qui ne veut pas dire que l'information ne
pouvait pas être collectée, mais de les afficher sur les documents. C'est une
proposition qui pourrait être considérée aussi.
Le Président (M.
Bachand) :45 secondes, Mme la députée.
• (16 h 30) •
Mme Maccarone : Je présume
aussi, vous êtes d'accord qu'on ne devrait pas avoir...
16 h 30 (version révisée)
Mme Maccarone : ...indéterminée.
On a entendu le Pr Janik Bastien Charlebois, juste avant vous, qui disait que
ce serait peut-être fausse route pour nous d'avoir ce type de mention pour les
personnes intersexes.
M. Blouin (Samuel) : Oui,
bien, encore pour les mêmes raisons, en lien d'éviter tout dévoilement forcé et
aussi, bien, d'éviter de lier l'état civil à l'apparence des organes génitaux à
des personnes. Donc, déjà, la mention du sexe dans l'état du droit actuel ne
concerne pas que les organes génitaux, puisque c'est déjà possible de changer
cette mention-là sans avoir recours à des chirurgies. Donc, on pense que cet
état du droit devrait être maintenu, donc avoir une mention du sexe qui reflète
l'identité de la personne et non pas l'état de ses organes génitaux.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve,
s'il vous plaît.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Bonjour, bonjour à vous trois. Peut-être faire un peu de chemin sur
le sujet en cours. L'idée de ne pas mettre sur les documents publics des
mentions de sexe ou de genre, mais quand même avoir à l'esprit que, pour des
collectes de données, par exemple, ici, on s'en sert souvent, là, des
statistiques pour orienter nos prises de décisions, je comprends l'idée, mais j'ai
de la misère à voir comment elle est mise en pratique. Est-ce que vous avez des
exemples dans d'autres pays ou même des exemples qu'on fait ici, peut-être,
puis que je ne suis pas au courant?
M. Tessier (Philippe-André) : Oui,
bien, peut-être que mon collègue pourra compléter, mais, bon, l'exemple le plus
actuel, là, c'est les Pays-Bas, qui ont adopté ça. Ils se sont donné une
période de cinq ans, là, pour faire une transition. Et là j'ai compris qu'également,
là, du côté de la Belgique, il y avait un mouvement en ce sens-là. Donc, il y a
des exemples internationaux qui vont dans ce sens-là, évidemment. Puis on
partage tout à fait la même préoccupation. L'idée, c'est de faire une
distinction entre le papier sur lequel il est indiqué la mention, mais le fait
pour l'État d'avoir accès à cette donnée-là ou certaines données pour justement
parler de données désagrégées, la commission, c'est une de nos recommandations
dans plusieurs domaines, c'est qu'il est essentiel quand même de disposer de
données sur les motifs prévus à 10, sur des motifs qui sont à la base de la
discrimination pour pouvoir la documenter. Mais l'idée, c'est : Est-ce qu'on
a nécessairement besoin de l'afficher au vu et au su de tous? C'est ça, la
nuance. Donc, d'avoir accès à la donnée, c'est une chose. Il peut y avoir des
guides et des pratiques pour protéger cette donnée-là, mais de ne pas l'exhiber
à tous, par exemple, sur l'acte de naissance ou les certificats de l'État
civil.
M. Leduc : Oui, ou une carte
d'assurance maladie ou un permis de conduire, etc., mais, quand même, pouvoir
collecter des données pour la régie de la santé ou...
M. Tessier (Philippe-André) : Oui.
Oui.
M. Leduc : O.K. Je comprends.
Intéressant. On ira creuser les exemples, là, que vous nous avez évoqués.
Dans le peu de temps qu'il nous reste, la
question de l'argent, du revenu, elle revient souvent dans les débats. Le
fédéral permet une compensation, mais pas une rémunération. Des fois, je trouve
que la ligne est mince entre les deux. Est-ce que vous voyez des potentiels
conflits où on pourrait, justement, être trop sur les deux... sur la ligne
mince, finalement?
M. Tessier (Philippe-André) : Je
ne sais pas si mes collègues voudront compléter, mais, encore une fois, cet
élément-là, c'est un des éléments sur lesquels on va vous revenir plus en
détail, mais, encore une fois, le principe est le même, c'est tout ce qui s'approche
ou qui s'apparente à la commercialisation, tout ce qui nous amène vers ça. Nous,
le cadre qui est proposé dans le projet de loi n° 2,
dans l'esprit de notre analyse puis du regard qu'on porte, c'est justement d'éviter
ces éléments-là. Alors, ces éléments-là sont au cœur de l'analyse qu'on va... que
cette... la préoccupation que vous nous partagez, elle est au cœur aussi de
notre préoccupation.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup.
M. Leduc : Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de
Joliette, s'il vous plaît.
Mme Hivon : Oui. Bonjour à
vous trois. Heureuse de vous revoir au sein de la Commission des institutions.
Je voudrais venir sur la question du droit des femmes, évidemment, à disposer
de leur corps. Mais est-ce qu'il y a un corollaire qui ferait en sorte qu'il y
a une forme de droit de pouvoir être femme porteuse et qui nous limiterait dans
l'encadrement et les conditions qui peuvent être mises de l'avant?
M. Tessier (Philippe-André) : C'est
une question à laquelle... Je ne sais pas si ma collègue a des éléments de
réponse à fournir. C'est... Ce n'est pas un élément sur lequel on s'est
prononcés pour le moment.
Mme Hivon : O.K. En fait, je
vous demande ça parce que, quand je vois les droits fondamentaux, je me dis :
Ce n'est pas un droit fondamental de pouvoir être une femme porteuse. Donc, je
voulais.... Moi, j'étais portée à penser qu'on pouvait amener un encadrement. Comme
par exemple, le projet de loi propose 21 ans. Il peut y avoir une foule
de, je dirais, de mesures d'encadrement. Donc, je voulais juste, vu que vous
êtes les spécialistes de toute cette question-là, des droits et libertés, que
vous me disiez si j'erre ou si je suis sur la bonne voie de penser que, oui, il
peut y avoir quand même un encadrement assez strict puisqu'il n'y a pas, à ma
connaissance, de droit fondamental à cet égard-là.
M. Tessier (Philippe-André) : Mais,
pour l'encadrement, ça, on est tout à fait favorables. C'est oui, tout à fait. Je
ne sais pas... Puis, encore une <fois...
M. Tessier (Philippe-André) :
...favorables. C'est oui, tout à fait.
Je ne sais pas... Puis,
encore
une >fois, là, au niveau des modalités, là, je ne veux pas trop m'avancer
aujourd'hui, mais, pour la notion de l'encadrement de la GPA, ça, il y a... tout
à fait, on partage votre analyse.
Mme Hivon : Et puis pour
revenir sur la question de la violence familiale versus la violence conjugale,
moi, je suis d'accord avec vos observations, je pense que c'est précisément
parce qu'on veut s'assurer que la violence conjugale est comprise qu'on ne veut
pas se limiter à l'expression «violence familiale», parce que ça pourrait être
vu comme un enfant n'est pas atteint si un homme violente sa femme, alors qu'on
veut que l'enfant soit considéré là-dedans comme étant atteint. Est-ce que vous
suggérez une énumération dans le code?
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, c'est sûr et certain qu'on essaie d'être respectueux aussi de la
technique législative du Code civil dans un régime civiliste. Certains ont fait
référence à la Loi sur le divorce, qui contient une énumération qui peut
inspirer... un juge saisi d'un litige, d'un tel litige pourra s'inspirer de
différentes sources, mais évidemment la Loi sur le divorce s'applique dans un
cadre donné.
Alors donc, l'idée, ici, c'est peut-être
plus d'avoir... et puis c'est là-dessus qu'on attire, à ce moment-ci, de façon
préliminaire, l'attention du législateur, c'est de dire : Il y a, dans d'autres
projets de loi très récents, l'utilisation d'un vocabulaire, et qui fait
référence explicitement à «conjugale» ou «familiale» et qui fait référence à d'autres...
«violence sexuelle» également. Donc, c'est de s'assurer que ce qu'on veut bien
viser, c'est protéger les gens contre la violence, les femmes et les enfants,
bien, de s'assurer que ce langage-là, qui est utilisé d'autres lois
québécoises, soit arrimé à ce qu'il y a dans le p.l. n° 2,
finalement.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Alors, Me Tessier, Me Karina
Montminy, M. Blouin, merci beaucoup d'avoir été avec nous en cet après-midi.
Alors, sur ce, je suspends les travaux
quelques instants afin d'accueillir nos prochains invités. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 16 h 37)
(Reprise à 16 h 41)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir d'avoir avec nous,
cet après-midi, le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence
conjugale.
Donc, Mme Louise Riendeau et Mme Nathalie
Villeneuve, merci beaucoup d'être avec nous cet après-midi. Merci beaucoup de
votre temps. Alors, comme vous connaissez... Vous connaissez les règles de la
commission : donc, un petit 10 minutes de présentation; après ça, on a un
échange avec les membres de la commission. Donc, à vous la parole, et, encore
une fois, merci d'être avec nous cet après-midi.
Mme Villeneuve (Nathalie) :
Merci à vous.
Mme Riendeau (Louise) : Bien,
bonjour. Merci à la commission de nous entendre. Je suis Louise Riendeau. Ma
collègue, Mme Villeneuve, va participer aux discussions par la suite, mais je
vais faire la présentation.
Le regroupement représente 43 maisons d'aide
et d'hébergement qui reçoivent spécifiquement les femmes et les enfants
victimes de violence conjugale. Selon nos dernières statistiques, 55 % des
femmes qui ont été hébergées dans nos maisons membres étaient en union de fait
et elles étaient accompagnées par leurs enfants dans 85 % des cas. Ces
enfants-là ont entre 0 et 12 ans. Donc, les articles dont on va discuter
aujourd'hui les touchent très directement.
Le regroupement demande depuis très
longtemps que le Code civil soit modifié pour qu'on s'assure que les tribunaux
tiennent compte de la présence de violence conjugale au moment de déterminer le
meilleur intérêt de l'enfant. Donc, on salue la volonté exprimée dans le projet
de loi n° 2 pour prendre en compte ça, mais on pense
qu'il faut aller plus loin.
Le projet de loi propose de prendre en
compte la violence familiale et sexuelle pour déterminer le meilleur intérêt de
l'enfant. Pour nous, quand on dit qu'on veut aller plus loin, c'est qu'en fait
on souhaite qu'on prenne vraiment en compte la question de la violence
conjugale. Ce qu'on constate sur le terrain à l'heure actuelle, c'est que les
tribunaux tiennent assez bien compte de la violence exercée directement sur les
enfants, donc de la violence familiale, mais le tribunal, dans bien des cas, ne
tient pas compte de l'impact que peut avoir la violence conjugale qui est
exercée sur leur mère, sur les enfants. Dans beaucoup de cas, le tribunal
semble croire que, malgré le climat de terreur dans lequel ces enfants-là
vivent, qu'il y a peu d'impacts.
Le tribunal semble aussi croire souvent
que la violence conjugale s'arrête avec la séparation, alors qu'au contraire,
dans certains cas, elle s'accentue. Et on voit souvent des conjoints violents
utiliser les droits d'accès, la garde pour continuer à maintenir leur violence.
Et parfois cette violence-là va se transformer et va passer par les enfants.
Donc, on dit : Il faut vraiment les protéger.
Et malgré que les tribunaux soient souvent
informés de la présence de cette violence, on voit souvent des ordonnances de
garde partagée ou des droits d'accès sans aucune supervision, ce qui met les
femmes et les enfants en danger. Pire encore, on observe que, quand des femmes
allèguent la violence conjugale, quand des femmes tentent de protéger leurs
enfants, on va parfois penser qu'elles font de l'aliénation parentale et on va
parfois leur enlever toute garde des enfants, ce qui va faire que les enfants
vont être complètement coupés de leur parent qui essaie de les protéger. Donc,
c'est pour ça que nous, on dit : Il faut vraiment demander très
explicitement au tribunal de tenir compte de la violence conjugale. Et on pense
que parler de violence familiale n'est pas suffisant, qu'on risque de rester,
au fond, dans le statu quo.
Autre raison pour parler de la violence conjugale,
je dirais, peut-être pour paraphraser la ministre Guilbault, qui disait, cet
après-midi : Le Québec est une société distincte, au Québec, depuis les
années 80, on fait la différence entre la violence conjugale et la violence
familiale. Et même si la définition de la violence familiale, qui a été incluse
dans la Loi sur le divorce, <est...
Mme Riendeau (Louise) :
...violence familiale, qui a été incluse dans la Loi sur le divorce, >est
inclusive, inclut la violence conjugale, on a, ici, au Québec, l'habitude de
faire la distinction entre les deux. Au Québec, quand on parle de violence
conjugale, ce n'est pas une violence moindre et incluse dans la violence
familiale. Nos politiques gouvernementales, d'ailleurs, depuis 1986, parlent de
violence conjugale. Le terme existe déjà dans un certain nombre de lois. Vous
savez encore mieux que moi qu'on vient d'adopter le projet de loi qui crée un
tribunal spécialisé en matière d'agression sexuelle et de violence conjugale.
Donc, nous, on se dit : Si on veut être clairs avec le tribunal, si on
veut que le tribunal saisisse bien l'intention du législateur, on pense qu'il
faut parler de violence familiale et conjugale ou familiale ou conjugale
partout dans le projet de loi.
Autre chose qui est très importante pour
nous, c'est de clarifier de quelle violence on parle. On ne parle pas, ici, d'une
violence mineure et isolée, on ne parle pas, ici, de gestes de violence pour se
défendre, on parle d'une violence répétitive qui a un impact coercitif, dominant,
qui amène les victimes à avoir peur, à être terrorisées. C'est la violence dont
on parle dans la politique d'intervention en matière de violence conjugale.
Donc, nous, on se dit : Il faut guider le tribunal dans l'appréciation des
situations pour éviter que des parents, que ce soient des mères ou que ce
soient des pères, au fond, qui auraient utilisé la violence de façon très rare
soient pénalisés et que leur enfant soit privé de contacts avec eux. Donc, c'est
ce qui nous amène à... c'est ce qui guide l'ensemble de nos... nos
recommandations, pardon.
D'abord, notre première recommandation, et,
pour nous, c'est vraiment, peut-être, la plus importante, c'est minimalement
que partout où on parle de violence familiale, on parle de violence conjugale
quand il est question de déterminer l'intérêt de l'enfant. On pourrait par
contre aller plus loin et, à l'instar de la Loi sur le divorce, inclure, dans
le Code civil, une série de critères qui aideraient le tribunal à mieux juger
de la question de l'intérêt de l'enfant, et on s'assurerait ainsi que les
enfants, qu'ils soient issus de couples mariés ou en union de fait, soient
traités de la même façon au moment où on va regarder cette question-là pour
déterminer les droits de garde ou d'accès. Donc, c'est notre deuxième
recommandation.
À la recommandation 3, on recommande d'ajouter
un article au Code civil pour indiquer clairement au tribunal les éléments dont
il devra tenir compte quand il examinera la présence de violence conjugale ou
familiale. Puis, en fait, on a repris le libellé de la Loi sur le divorce, qui
parle d'une conduite violente, menaçante, avec un effet cumulatif, coercitif,
dominant, qui parle aussi de l'exposition directe ou indirecte des enfants à la
violence conjugale et qui nomme un certain nombre de types de violence. On
parle d'abus sexuels. On aurait pu parler d'exploitation sexuelle aussi, mais,
comme on s'est collés à la Loi sur le divorce, on ne l'a pas incluse, mais peut-être
que le législateur pourrait décider de le faire.
Au niveau de la recommandation 4, on
souhaite clarifier l'article qui dit que les parents exercent leur autorité
parentale sans violence aucune. Je pense que, là aussi, on se disait que ça
serait mieux de parler «sans violence familiale ou conjugale aucune». Ça serait
beaucoup plus clair et ça exclurait aussi les gestes de défense que des parents
ou des mères, en général, peuvent utiliser.
Recommandation 5. On applaudit — c'était
une de nos demandes — au fait qu'un parent pourra plus facilement
revendiquer des soins pour ses enfants sans l'autorisation de l'autre parent
qui serait violent, qui serait la cause de cette demande de soins là. Mais, là
aussi, on demande d'ajouter «violence conjugale» à «violence familiale et
sexuelle».
Recommandation 6. Même chose, on demande d'ajouter
explicitement la violence conjugale dans les motifs qui peuvent conduire au
retrait de l'autorité parentale.
Recommandation 7. Toujours en cohérence,
on demande de spécifier qu'en cas de violence conjugale une partie ne peut pas
contre-interroger l'autre partie.
• (16 h 50) •
Au niveau de la recommandation 8, on
demande qu'on inclue dans le Code de procédure civile, au fond, les facteurs à
considérer lorsque le <tribunal...
Mme Riendeau (Louise) :
...les
facteurs à considérer lorsque le >tribunal examine la présence de
violences familiales ou conjugales. Là encore, on a suggéré le libellé qui est
dans la Loi sur le divorce.
Recommandation 9. Aussi dans le Code de
procédure civile, écoutez, on entend toutes sortes de mythes et de préjugés
dans les tribunaux et on pense que, là aussi, il faut guider les décisions qui
vont être prises. Parmi les mythes et les préjugés qu'on entend, c'est, genre :
La fin de la relation, c'est la fin de la violence; le fait qu'on n'a pas
allégué la violence pendant l'union, qu'on le fasse après, laisse croire que c'est
des fausses allégations; le fait qu'une victime continue à cohabiter avec son
agresseur peut laisser penser que c'est des fausses allégations. Donc on se dit :
Il faut être clair avec le tribunal qu'il ne faut pas faire de telles
inférences. Même chose, on entend parfois que ce n'est pas une bonne chose que
les enfants aillent dans des maisons d'aide et d'hébergement avec les femmes,
alors que c'est une façon de les protéger. Donc, on demande qu'on ajoute une
série d'informations à ce sujet-là dans le guide de procédure civile.
Un commentaire aussi. Il y a un article
qui prévoit la possibilité de poursuivre des relations avec les grands-parents
et avec un ex-conjoint, si on juge que c'est dans l'intérêt de l'enfant. Dans
ce cas-ci aussi, il faudra évaluer si la poursuite de cette relation-là fait en
sorte que ça peut permettre de poursuivre la violence et que c'est bien dans l'intérêt
de l'enfant.
Enfin, on a identifié des conditions de réussite
à cette réforme-là, en tout cas, sur les aspects que nous, on met de l'avant. D'abord,
la formation, on en a parlé beaucoup dans l'étude du projet de loi n° 92, mais c'est aussi nécessaire en droit de la famille.
On pense qu'il faudrait que le ministère de la Justice, en collaboration avec
le Barreau, s'assure que tous les professionnels du droit soient capables de
détecter la présence de violence conjugale et de la plaider au moment
nécessaire devant le tribunal. Donc, on a besoin de formation et d'outils.
Autre élément pour protéger les enfants
et, dans certains cas...
Le Président (M.
Bachand) :Mme Riendeau, juste peut-être
pour conclure rapidement, parce que le temps file.
Mme Riendeau (Louise) : J'ai
fini, j'ai fini. Dernier élément, on pense qu'il faut améliorer l'accès aux
services de supervision de droits d'accès qui existent au Québec, mais qui ne
sont pas suffisants. Voilà.
Le Président (M.
Bachand) :Vous êtes très efficace. Merci
beaucoup.
M. le ministre, pour débuter la période d'échange.
M. Jolin-Barrette : Oui. Merci,
M. le Président. Mme Riendeau, Mme Villeneuve, bonjour. Merci de participer à
nos travaux. Je tiens à vous remercier également pour votre contribution sur le
projet de loi n° 92 pour le tribunal spécialisé. Je
pense qu'on a fait des pas de géant notamment avec ça. Puis ça me faisait
penser, justement, par rapport... On va parler de la notion... Je vais vous
poser des questions sur la relation de violence. Mais justement, sur la
formation des juges, dans le fond, tous les juges devront suivre la formation,
les nouveaux, hein? Ceux qui sont en exercice également, on souhaite qu'ils
suivent la formation en violence sexuelle, violence conjugale, ceux qui vont
être à la retraite pour revenir aussi. Ça fait que, ça, c'est important. C'est
une mesure qui... en lien avec le droit de la famille, qui fait en sorte que l'ensemble
des individus qui vont être appelés à trancher des litiges vont déjà être
sensibilisés à cette notion-là. Je pense que c'était important de le rappeler.
Bon, sur la question de la violence
familiale, nous... je vous entends, vous dites : On devrait l'expliciter.
Au fédéral, ils l'ont fait, ils l'ont explicité, mais ça va un peu à l'encontre,
dans le fond, des règles du Code civil puis de l'approche civiliste des choses
où est-ce qu'on vient le nommer d'une façon générale justement pour que ça soit
englobant puis pour venir couvrir l'ensemble des types de violence, donc le
critère de violence familiale. Puis, moi, dans mon esprit, ça inclut notamment,
puis je vais le dire dans les intentions du législateur, violence conjugale,
violence familiale, violence sexuelle, violence psychologique, dans le fond, la
kyrielle, mais je veux que ça puisse demeurer évolutif pour que la notion de
violence familiale puisse évoluer avec le temps puis que le législateur dit :
Écoutez, c'est une interprétation large pour le juge, alors on veut que ce soit
interprété largement. Et justement on veut que ce soit pris en considération,
notamment dans les ordonnances de garde. Puis on veut surtout éviter des
situations où certaines femmes ne l'allèguent pas ou sont gênées de l'alléguer,
où elles se disent : Je ne l'alléguerai pas parce que je ne voudrais pas
que ça soit retenu contre moi, où M. est violent contre Mme, mais il n'est pas
violent contre les enfants, donc que ça ne soit pas considéré. On veut que ça
soit considéré, ça fait qu'il y a un message également qu'on envoie là-dedans.
Mais je note bien que vous, vous souhaitez
que ça soit... ça soit détaillé.
Mme Riendeau (Louise) : Oui,
parce que, si on ne... d'abord, si on <ne...
Mme Riendeau (Louise) :
...parce que, si on ne... d'abord, si on >ne distingue pas familial et
conjugal, comme je l'ai expliqué, on pense que la violence conjugale risque de
passer sous le radar. Effectivement, à l'heure actuelle, on a des avocats qui
disent aux femmes : Ne le dis pas, ça va te nuire. Ou même, quand c'est
dit, on voit que... puis nos collègues de la fédération, que vous allez voir
plus tard, ont fait une recherche, on voit que ce n'est pas pris en compte dans
les jugements et qu'on ne tient pas compte des effets que ça a sur les enfants
et des effets que ça aura sur la sécurité des enfants et de leur mère. Donc, on
dit : Il faut le dire, d'une part. D'autre part, il faut s'assurer qu'on
tient compte de ce qui est problématique. Une violence épisodique,
situationnelle, qui arrive une fois, ou quelqu'un qui utilise la violence pour
se défendre ne devrait pas être pris en compte quand on regarde cette question-là.
Mais, à l'heure actuelle, on voit, au
criminel, des femmes qui sont accusées — on parle de plaintes
croisées — où des agresseurs accusent la femme pour essayer de lui
faire retirer la plainte, etc. Et on invite les procureurs à essayer de faire
la distinction : Est-ce qu'on est face à une violence coercitive, active
ou on est face à des gestes de défense? Donc, c'est pour ça qu'on dit : Il
faut donner les éléments aux professionnels du droit, en droit de la famille et
en droit de la jeunesse, pour être capable de bien savoir de quoi parle.
M. Jolin-Barrette : O.K. Sur
la question que l'autorité parentale s'exerce sans violence, vous aviez, là,
des commentaires sur ce point-là, là, j'aimerais bien les comprendre.
Mme Riendeau (Louise) : Bien,
en fait, puisqu'on est dans la sphère du familial, nous, on disait... puis
que... en cohérence avec les autres amendements, on se disait : Ça devrait
être sans violence familiale et conjugale. C'est sûr que ce n'est pas
intéressant d'avoir un parent qui est violent dans d'autres sphères de sa vie,
mais là, ce dont il faut tenir compte ici, quand on regarde les limitations à l'autorité
parentale, c'est vraiment le comportement au sein de la famille et les impacts
que ça peut avoir sur l'ensemble des membres de la famille.
M. Jolin-Barrette : Mais, par
contre, il ne faut pas que ça soit limitatif non plus. Puis c'est pour ça qu'on
l'a écrit de cette façon-là, parce que c'est la violence, en général. Donc, tu
sais, à l'intérieur de la violence familiale, à l'intérieur du concept de
violence en soi, ça inclut les différents types de violences. Donc, c'est pour
ça qu'on l'a construit de cette façon-là. Puis on rejoint l'objectif que vous
souhaitez.
Qu'est-ce que vous pensez du fait, là, que
pour... s'il y a de la violence, ça peut mener à la déchéance de l'autorité
parentale?
Mme Riendeau (Louise) : Bien,
on pense que, dans certains cas, effectivement, il faut en tenir compte puis qu'il
y a des parents qui vont utiliser le concept de l'autorité parentale pour
maintenir le contrôle sur l'autre parent. Donc, que ça soit une possibilité,
nous, on voit ça d'un très bon oeil. Les Français vont encore plus loin que ce
qui est proposé dans le projet de loi. Nous, on n'est pas allés là, mais on
pense que le tribunal devrait pouvoir en tenir compte, effectivement, quand il
juge ces questions-là.
M. Jolin-Barrette : O.K. On a
ajouté également, dans le projet de loi, le fait que, désormais, pour recevoir
des soins pour les enfants, s'il y a présence de violence, bien, il n'y a qu'un
seul parent désormais qui va pouvoir donner cette autorisation-là. Donc, je
dois comprendre que vous êtes favorables à ça. Parce que, pour illustrer
concrètement, c'est, exemple... supposons, il y a présence de violence
familiale puis, là, il y a M., Mme. Mme souhaiterait que l'enfant puisse avoir
accès à des services d'aide psychologique, donc aller voir un psychologue,
supposons, pour... tu sais, pour recevoir des soins, puis discuter de la
situation, puis tout ça. Puis là M. dit : Non, non, non, moi, je ne
consens pas. Puis là, ce qui arrive, c'est que les psychologues, en fonction du
code de déontologie, vu que l'enfant est mineur, ils disent : Bien là,
moi, ça me prend le consentement des deux parents. Là, donc, nous, on vise
spécifiquement cette situation-là pour éviter que l'enfant ne puisse pas avoir
accès à des ressources. Donc, ça, vous êtes d'accord avec ça.
Mme Villeneuve (Nathalie) :
Oui, on est d'accord. Mais il faut aussi inclure toutes les travailleuses des
maisons d'hébergement, les autres services que les psychologues, les
intervenants du CLSC, parce qu'on sait qu'on a, en maison d'hébergement, des
services pour aider les enfants qui sont victimes ou témoins de la violence
conjugale. Donc, il faut inclure ça. Mais c'est très bien, c'est une avancée
importante, effectivement, là.
Mme Riendeau (Louise) : Oui,
c'est quelque chose qu'on revendiquait depuis longtemps, parce qu'on a vu
beaucoup d'enfants privés de soins qui avaient besoin de soins à cause de la
violence de leur père, que ce soit de la violence sexuelle ou de la violence
conjugale à l'égard de leur mère, et le père, ne reconnaissant pas cette
violence-là, s'opposait à ce que les enfants aient des soins. Donc, c'est
vraiment quelque chose que nous, on revendiquait depuis longtemps.
• (17 heures) •
M. Jolin-Barrette : O.K. Dans
votre mémoire, vous abordez, là, le fait que, parfois, à travers les...
17 h (version révisée)
Mme Villeneuve (Nathalie) : ...inclure toutes les travailleuses des maisons d'hébergement,
les autres services que les psychologues, les intervenants du CLSC, parce qu'on
sait qu'on a, en maison d'hébergement, des services pour aider les enfants qui sont
victimes ou témoins de la violence conjugale. Donc, il faut inclure ça, mais c'est
très bien, c'est une avancée importante effectivement, là.
Mme Riendeau (Louise) : C'est
quelque chose qu'on revendiquait depuis longtemps parce qu'on a vu beaucoup d'enfants
privés de soins qui avaient besoin de soins à cause de la violence de leur
père, que ce soit de la violence sexuelle ou de la violence conjugale à l'égard
de leur mère. Et le père, ne reconnaissant pas cette violence-là, s'opposait à
ce que les enfants aient des soins. Donc, c'est vraiment quelque chose que
nous, on revendiquait depuis longtemps.
• (17 heures) •
M. Jolin-Barrette : O.K. Dans
votre mémoire, vous abordez, là, le fait que, parfois, à travers les
différentes chambres, à travers les différentes cours, il y ait certaines
incohérences. Est-ce que je dois en déduire que vous seriez favorable à avoir
un tribunal unifié en droit de la famille pour simplifier les différentes
étapes, les différents processus? Vous verriez ça d'un bon oeil, là.
Mme Riendeau (Louise) : Bien,
on ne verrait pas ça d'un mauvais oeil. Mais déjà, l'idée du coordonnateur
judiciaire dont on a parlé avec le projet de loi n° 92
serait une avancée. Au Nouveau-Brunswick, c'est un modèle qui semble bien
fonctionner. Ça fait que déjà, je pense que ça, c'est un pas dans la bonne
direction et ça peut nous permettre de poursuivre la réflexion sur la question
du tribunal unifié.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Pouvez-vous
aborder la notion d'aliénation parentale un peu, là, comment est-ce qu'avec les
femmes avec lesquelles vous êtes en contact, là, qui sont victimes de violence
conjugale, là, comment ça se passe puis comment c'est plaidé, puis comment...
Juste un petit portrait, là, de votre réalité avec les femmes que vous aidez,
comment, là, c'est amené, là, cette notion-là, là, puis comment c'est perçu
aussi par les cours, là?
Mme Villeneuve (Nathalie) : C'est
très mal perçu en général. Puis vous le disiez tout à l'heure, que ce soit à la
cour de la famille, que ce soit au niveau de la DPJ, lorsque les mères essaient
de protéger leurs enfants en nommant les dangers, les risques, la réalité qui
est vécue par les enfants, les mères se retrouvent souvent comme étant la
personne qui fait de l'aliénation parentale, qui, dans le fond, fait de fausses
allégations, met des choses sur la table pour nuire à l'ex-conjoint, pour nuire
au père, pour briser la relation. Alors que ce que la mère essaie de faire, c'est
de protéger ses enfants. Et ça, M. le ministre, on voit ça tous les jours.
Cet après-midi, j'ai pris un appel et je
discutais de ça avec une maman à la DPJ. Dans le fond, ce qu'elle se fait dire,
c'est qu'elle n'est pas collaborante, qu'elle essaie de mettre des bâtons dans
les roues de monsieur, que ce que... quand eux, ils vérifient auprès de monsieur,
me dit... monsieur dit non, ce n'est pas ça du tout. On embarque dans toute la
manipulation des conjoints qui sont violents et qui continuent de vouloir
contrôler par les enfants. Donc, c'est une réalité et c'est vraiment triste
parce que c'est vraiment un problème majeur que l'on vit en maison d'hébergement,
les mères qui sont accusées de ça, là.
Mme Riendeau (Louise) : On
a fait une recherche sur l'utilisation de l'article 810 et on a vu que des
femmes ne rapportaient plus les bris de condition parce que la DPJ leur avait
dit qu'elles ne collaboraient pas à maintenir le lien avec le père. Donc, la
mesure de protection que le droit criminel pouvait leur apporter était
complètement court-circuitée par le droit de la famille ou par la protection de
la jeunesse, alors que le syndrome d'aliénation parentale, ce n'est même pas
reconnu scientifiquement par les pairs.
Donc, il y a vraiment du travail à faire
là-dessus et c'est pour ça que nous, on plaide pour bien guider le tribunal
sur... face à quelles situations de violence on est, et pour qu'on en tienne
compte pour que, justement, les femmes qui tentent de protéger leurs enfants ne
se ramassent pas d'une part au banc des accusés et que des enfants ne se
ramassent pas privés de leur mère qui tente de les protéger.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Je vous remercie pour votre passage à la commission parlementaire, toujours
très apprécié.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le ministre.
M. le Député de Chapleau, s'il vous plaît.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup, M. le Président. Bonjour, Mme Riendeau. Toujours un plaisir d'échanger
avec vous, là, on a eu l'occasion à quelques reprises, même Mme Villeneuve.
Bonjour. J'aimerais peut-être prendre la balle au bond. Vous avez dit que vous
aviez écouté notre vice-première ministre tout à l'heure et vous me parlez du
fameux 810. Je ferais le lien, là, cet après-midi, ce qui a été annoncé et ce
que vous pensez pour les femmes dont vous êtes proche. Est-ce que ça peut
aider, cette mesure-là? Ça peut venir...
Mme Riendeau (Louise) : Certainement.
Les bracelets antirapprochement ne sont pas magiques, mais c'est un mécanisme
de plus pour protéger certaines femmes. Et on pense qu'effectivement, pour
certaines femmes, elles vont se sentir plus en sécurité et que la façon dont le
ministère a réfléchi la chose, avec deux périmètres, est quelque chose de bien
intéressant, donc.
Puis nous, on a offert notre collaboration
au ministère de la Sécurité publique pour suivre la mise en application, pour s'assurer
que ça se fasse le mieux possible.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui
parce que vous disiez justement, là, en lien avec... que les femmes ne dénonçaient
plus par crainte que la DPJ dise, bon, vous êtes plus collaboratrice, donc peut
être que cette mesure-là va être un ajout de protection, là, pour ces personnes-là.
Mme Riendeau (Louise) : Oui,
on pourra voir, là, dépendant comment ça va être utilisé, puis à quelle étape,
là. Oui.
M. Lévesque (Chapleau) :
O.K. en lien avec l'aliénation parentale et la violence conjugale, souvent les
tribunaux, là, vous l'avez dit d'entrée de jeu, bon, malgré que c'est un bon
père de famille, ils vont l'autoriser. Ils vont permettre, donc, cette
garde-là. Le lien vous faites justement avec l'aliénation parentale, la
violence conjugale, puis la façon dont c'est présenté au tribunal, j'aimerais
peut-être que vous me fassiez un <portrait...
M. Lévesque (Chapleau) :
...conjugale, souvent les tribunaux, là, vous l'avez dit d'entrée de jeu, bon,
malgré que c'est un bon père de famille, ils vont l'autoriser. Ils vont
permettre, donc, cette garde-là. Le lien vous faites justement avec l'aliénation
parentale, la violence conjugale, puis la façon dont c'est présenté au
tribunal, j'aimerais peut-être que vous me fassiez un >portrait par
rapport à ça.
Mme Riendeau (Louise) : Bien,
en fait, comme on l'a dit, quand les mères allèguent la violence conjugale ou
dans d'autres cas, c'est les enfants qui refusent de voir leur père parce qu'ils
ne se sentent pas en sécurité, tout ça, on va souvent dire : Ah, madame
est aliénante. C'est madame qui met des idées dans la tête des enfants parce qu'elle
ne veut pas que le père y ait accès. Alors que le problème, ce n'est pas ça, le
problème, c'est effectivement que les droits d'accès ou la garde partagée,
encore pire, donnent des occasions à des pères qui veulent maintenir le
contrôle sur leur ex-conjointe ou à leurs enfants de maintenir cette
violence-là. Et on va voir aussi des situations où la violence va passer à
travers les enfants où les pères vont soumettre les enfants à la question de :
Qu'est ce que fait ta mère? Etc. Qui voit-elle? Etc. Je ne sais pas si
Nathalie, si tu veux ajouter quelque chose.
Mme Villeneuve (Nathalie) :
Bien, tout à fait. J'ai un exemple qui est tout à fait récent. Nous, en maisons
d'hébergement, une maman qui est séparée depuis déjà deux ans, le garçon a été
victime de la part du père de violence physique. Le petit ne veut pas aller
chez le père, fait des grosses crises d'anxiété, crises d'angoisse, pleure à l'école,
refuse d'aller, refuse de manger et tout. La mère, nous, on accompagne la mère
depuis deux ans, et dernièrement, la mère a perdu la garde de son fils qui a
été placé en famille d'accueil parce qu'on disait que madame nuisait au
développement de l'enfant, qu'elle mettait des choses dans la tête de l'enfant
alors que le petit, lui, ce qu'il dit, qui est quand même un garçon de
11 ans, donc ce n'est pas un bébé, est capable de s'exprimer, dans le
fond, on ne l'entend pas, on n'entend pas le petit. Puis quand la mère dit :
Mais là, vous n'entendez pas ce que mon fils dit, puis mon fils a peur puis il
a raison d'avoir peur. La mère a vécu des agressions très graves de la part du
conjoint, et en voulant protéger son fils, bien, cette mère-là, elle a perdu la
garde de son fils. Oui, le tribunal dit : Le père va voir l'enfant sous
supervision. Mais la mère doit aussi perdre son fils pendant 30 jours,
puis elle va devoir voir son fils sous supervision parce qu'on dit qu'elle nuit
à son enfant. Alors, on est là devant un fait de dire à une mère : Tu n'es
pas collaborante, tu es aliénante. C'est un parfait exemple.
M. Lévesque (Chapleau) :
Donc, il y a comme deux...
Mme Riendeau (Louise) : Et de
punir un enfant, finalement, qui essaie de se protéger.
Mme Villeneuve (Nathalie) :
Puis de punir un enfant... oui, et de punir un enfant. Puis l'enfant, lui, ce
qu'il a fini par dire c'est comme : Bien, je n'aurais pas dû parler, parce
que là, en plus, je n'ai même plus ma maman. Vous comprenez? Nous, on en vient,
en maison d'hébergement, des fois on se dit : Est ce qu'on fait bien de
signaler à la DPJ? Parce qu'on se dit : On veut protéger l'enfant. Mais
finalement, au bout du compte, on se retrouve avec des accusations envers la
mère.
M. Lévesque (Chapleau) : C'est
un peu comme si la notion d'aliénation parentale prenait le pas sur la violence
conjugale.
Mme Villeneuve (Nathalie) :
Exactement.
M. Lévesque (Chapleau) : C'est
un peu curieux comme vision.
Mme Villeneuve (Nathalie) : À
la DPJ, on ne parle pas de violence conjugale, on va parler de conflit de
séparation. Ce n'est pas de la violence conjugale, on parle de conflit de
séparation. Je suis désolé, mais la... un conflit de séparation, on est dans
une relation plus égalitaire en violence conjugale. Il y a quelqu'un qui veut
avoir le pouvoir sur l'autre, qui peut contrôler l'autre, alors il faut faire
la distinction.
M. Lévesque (Chapleau) : L'enfant
dont vous mentionnez... oh.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le député Chapleau, désolé.
M. Lévesque (Chapleau) :
Merci beaucoup, merci.
Le Président (M.
Bachand) :Mme la députée de Westmount—Saint-Louis,
s'il vous plaît.
• (17 h 10) •
Mme Maccarone : Merci le
président. Bonjour mesdames, un plaisir de vous avoir avec nous, aujourd'hui. D'emblée,
merci beaucoup pour tout ce que vous faites. Je pense que c'est non seulement
très important, mais de venir passer en commission parlementaire pour
sensibiliser aussi la population puis tous les gens qui nous écoutent, de la
réalité des femmes qui sont victimes de violence familiale et violence
conjugale, c'est archi-important. Ça m'amène à une réflexion, si vous me
permettez, de vous entendre, je suis horrifiée de savoir qu'il y a autant de
femmes qui sont en train de vivre cette détresse. J'ai une femme qui a passé à
mon bureau de comté il y a... comme un dernier recours pour voir si je pouvais
l'aider, qui se retrouvait exactement dans la situation dont vous avez décrit.
Puis vraiment, j'ai senti la détresse et pour moi-même pas dans une position
pour l'aider et inapte de venir l'aider, et une profonde tristesse de ne pas
savoir quoi faire. Alors, merci beaucoup pour votre mémoire, puis les
recommandations parce que je pense non seulement que ça va amener un peu à la
lumière, mais vous avez fait des recommandations qui sont fort pertinentes,
mais parce que c'est un sujet qui est très sensible, j'aimerais vous entendre
un peu. Vous avez commencé votre mémoire avec l'impact de la violence conjugale
sur les enfants. Pouvez-vous nous <peinturer...
Mme Maccarone :
...pour votre mémoire, puis les recommandations parce que je pense non
seulement que ça va amener un peu à la lumière, mais vous avez fait des
recommandations qui sont fort pertinentes, mais parce que c'est un sujet qui
est très sensible, j'aimerais vous entendre un peu. Vous avez commencé votre
mémoire avec l'impact de la violence conjugale sur les enfants. Pouvez-vous
nous >peinturer un portrait de ceci avant de rentrer dans le détail de
vos recommandations, s'il vous plaît?
Mme Riendeau (Louise) :
Bien, en fait, on voit que les enfants développent toutes sortes de problèmes
et puis ils ont plus de problèmes de santé que d'autres enfants. Ils ont des
problèmes scolaires, ils ont des problèmes d'adaptation. Certains vont aussi
prendre exemple, reproduire la violence. Écoutez, Nathalie pourra certainement
vous en parler plus que moi, mais dans les maisons, on a des bébés qui
sursautent quand il y a un bruit à côté de leur couchette. On a des enfants qui
font des cauchemars. Donc, c'est clair que de vivre dans un climat de violence,
même si les mères font tous les efforts pour essayer que ça n'éclate pas quand
les enfants sont proches, et tout ça, ces enfants-là entendent et voient ce qui
se passe.
Mme Villeneuve (Nathalie) :
Puis les mamans sont... Les mamans sont souvent surprises quand elles arrivent
en maison d'hébergement et que, nous, on demande aux enfants s'ils savent
pourquoi ils sont en maison d'hébergement. Souvent, les mères vont nous dire,
bien, non, ils ne sauront pas parce qu'ils ne se rendent compte de rien et ne
savent pas ce qui se passe à la maison. Et les mères sont souvent très
surprises de constater que les enfants savent très bien ce qui se passe à la
maison. Le climat de tension, les enfants le vivent, le sentent. Le soir, quand
la maman pense que tout le monde dort, bien, désolée, mais les enfants
entendent. Les cinq premiers jours des enfants qui arrivent en maison d'hébergement,
c'est toujours assez difficile parce que les enfants sont dans la période où
ils sont le plus perturbés. Ils sont en période de changement. Mais nous, on le
voit, là.
Des enfants qui arrivent en maison d'hébergement,
qui ne dorment pas bien, qui ne mangent pas bien, qui ont des difficultés d'apprentissage,
des troubles de comportement et tout ça, nous, on le voit, là. Après deux
semaines, après trois semaines, des enfants qui dorment mieux, qui mangent
mieux, sont moins malades, qui tout d'un coup à l'école se mettent à aller
mieux parce qu'il n'y a plus cette violence-là, il n'y a plus... il n'y a plus
ce climat de tension là. Les enfants ne sont peut-être pas nécessairement
témoins toujours de la violence, des gestes de violence, mais les enfants sont
sensibles à ce climat de tension. Moi, je viens d'un milieu de violence où il n'y
a pas toujours la violence, mais un climat de tension, je connais ça très, très
bien. Même si tu ne le vois pas, tu le sens. Alors, des enfants ont des
antennes. C'est des éponges, les enfants.
Mme Maccarone : Tout à
fait. Ça m'amène à vous poser des questions par rapport à votre
recommandation 5. Pouvez-vous nous expliquer? Encore une fois, je sais que
vous avez quand même touché un peu là-dessus avec la dernière intervention,
avec le ministre, mais pouvez vous expliquer encore une fois l'importance que
les intervenants des maisons d'aide et d'hébergement pour femmes et de
violences conjugales sont incluses dans le processus, plus reconnues pour venir
aider les victimes.
Mme Villeneuve (Nathalie) :
Bien, en fait, c'est qu'on sait très bien qu'en maison d'hébergement on offre
un des services aux enfants lorsqu'ils sont hébergés. Donc, on fait des suivis
avec les mamans, avec les enfants afin de voir avec eux c'est quoi qu'ils
vivent à la maison, comment ils peuvent, à leur façon, reprendre un peu de
pouvoir sur la situation. On voit aussi des enfants en service en externe, donc
des mamans qui ne sont pas nécessairement hébergées, mais qui ont quand même
besoin de services puisque les enfants ont eux aussi besoin de support. Ça nous
est arrivé de se voir cesser ces rencontres-là avec les enfants parce que le
père l'avait appris et refusait que les intervenantes des maisons voient leurs
enfants. Et on le sait que si, mettons, dans le projet de loi, ça ne serait que
les professionnels comme les psychologues ou les professionnels de la santé,
bien, en maison d'hébergement... en maison d'hébergement, on se retrouverait à
être exclus, alors que je crois que c'est les maisons d'hébergement, entre
autres, qui détenons l'expertise en violences conjugales. Alors voilà pourquoi
c'est important pour nous.
Mme Maccarone : Pourquoi
ils sont exclus? Je ne comprends pas. Il me semble que c'est tellement logique.
Alors, comment ça se fait qu'il y a cette exclusion?
Mme Villeneuve (Nathalie) :
Je ne saurais pas quoi répondre. Peut-être Louise, tu pourrais répondre.
Mme Riendeau (Louise) :
Bien, en fait, on ne présume pas qu'ils sont nécessairement exclus, mais ce qu'on
dit, c'est qu'il faut s'assurer qu'en faisant ce changement-là, on les inclut.
C'est davantage ça que je vous dirais, là, parce que c'est des lieux où les
enfants, effectivement, peuvent avoir une intervention adaptée à leur vécu de
violence. Mais nous, on pense que l'intervention de tout le monde est
importante. Un des problèmes avec les membres d'ordres professionnels, c'est
qu'effectivement, eux, ils ont encore plus d'exigences avant d'être capables de
donner des soins aux enfants. Ça prend l'autorisation des parents , ça prend
l'information des parents. Donc, il faut vraiment que l'ensemble des soins
auxquels peuvent avoir accès des enfants puissent être ouverts et soient
demandés par un <seul parent...
Mme Riendeau (Louise) :
...Un des problèmes avec les membres d'ordres professionnels, c'est qu'effectivement,
eux, ils ont encore plus d'exigences avant d'être capables de donner des soins
aux enfants. Ça prend l'autorisation des parents , ça prend l'information des
parents. Donc, il faut vraiment que l'ensemble des soins auxquels peuvent avoir
accès des enfants puissent être ouverts et soient demandés par un >seul
parent.
Mme Maccarone : Parlez-nous
un peu de vos recommandation 8 et recommandation 9. Vous avez mis des
listes en ce qui concerne les recommandations d'intégrer dans les articles du
Code de procédure civile, vraiment une liste qui... je ne sais pas si c'est
complet, je ne sais pas si c'est exhaustif. Est-ce que tout ça, c'est lié à des
expériences dont les femmes que vous venez aider et leurs familles ont vécu?
Mme Riendeau (Louise) : Bien,
en fait, c'est... on a repris les libellés qui sont déjà dans la Loi sur le
divorce et que nous avions appuyés au moment de l'étude du projet de loi C-78,
parce qu'effectivement, ça fait écho à ce qu'on voit. Quand on travaille la
question de la violence conjugale, la nature, la gravité, la fréquence de la
violence familiale ou conjugale sont importantes. C'est là où on distingue
de... par rapport à une violence occasionnelle. Donc, c'est important de
regarder ça. Et on voit souvent, dans les situations dangereuses, la fréquence,
la gravité augmente, donc il faut d'autant en tenir compte.
Le fait qu'effectivement, il y ait un
effet cumulatif, on le voit, la violence conjugale n'est pas un geste, ce n'est
pas un incident, c'est à la fois des gestes criminels, mais c'est à la fois
parfois des gestes anodins qui privent les femmes de liberté et qui les amènent
à avoir peur de leur conjoint, et qui ont aussi cet effet-là sur les enfants.
Le fait que... on l'a dit, que ça soit dirigé contre l'enfant ou pas, qu'il
soit exposé directement ou indirectement, a autant d'impact . Donc, il faut
examiner ça. Quels torts ça a causé à l'enfant, c'est aussi important. Est-ce
que non seulement la sécurité de l'enfant, mais d'un autre membre de la famille
peut le tracasser? Les conjoints violents vont souvent s'en prendre aux parents
des victimes, au nouveau conjoint des victimes, à toutes sortes de proches qui
les appuient. Et ça, c'est sûr que pour les enfants, ça crée autant de
craintes. Donc, oui, effectivement, tout ça ressemble à... reprend des éléments
qui correspondent à la réalité de ce qu'on voit dans les maisons. Pour ce qui
est de la recommandation 9, comme je l'ai dit, c'est souvent des mythes,
des préjugés, qu'on va entendre.
Bon, si elle était victime de violence,
pourquoi est-elle restée avec? Si elle était victime de violence, pourquoi ne l'a-t-elle
pas déclaré? Et souvent, on va remettre en cause la parole des victimes qui
vont dénoncer la violence parce qu'on a ces mythes et ces préjugés-là. Donc,
oui, ça correspond vraiment à la réalité qu'on voit, en plus d'avoir été
inclus, fort justement, dans la Loi sur le divorce.
Mme Maccarone : Et, si ces
modifications, les recommandations, ne figurent pas dans une mouture finale du
projet de loi n° 2, pensez-vous que ça peut
faire partie d'une formation? Vous avez évoqué la notion de formation, puis
comment c'est important dans votre projet de loi. Peut être vous pouvez parler
un peu de ceci, puis si vous avez des craintes, des recommandations à cet
égard.
Mme Riendeau (Louise) : On s'est
posé la question de, par exemple, toute la question de la
recommandation 9, qui sont sur les mythes et préjugés, si on ne devait pas
dire : Une formation devrait inclure ça. Bien sûr que ça peut être une
solution, mais des formations, souvent, c'est volontaire. On sait que là, il y
a une volonté d'essayer d'en donner plus, mais quand même. Et des formations,
on n'en retient pas toujours tout le sens. Alors que si c'est inclus dans la
loi, c'est davantage prescriptif pour le tribunal et ça donne davantage des
orientations qu'une simple formation. Alors, c'est pourquoi, nous, on a opté
pour demander que ce soit inscrit dans le Code de procédure civile.
Le Président (M.
Bachand) : Merci infiniment. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve,
s'il vous plaît.
• (17 h 20) •
M. Leduc : Bonjour. Bonjour à
vous deux. Votre présentation est très claire. Votre mémoire est très clair
aussi. Je n'ai pas beaucoup de questions de fond. J'en ai peut-être une de
forme. Il y a quand même beaucoup de recommandations. Est-ce qu'elles sont
classées en ordre d'importance? Ou est-ce que vous en avez, mettons, une ou
deux, que vous pensez qu'il serait essentiel que l'on intègre, là, dans le
projet de loi? Elles sont toutes essentielles, j'imagine, c'est pour ça que
vous les avez mises dans votre mémoire, mais qu'est ce qu'on ne peut pas
échapper, là, dans ce que vous proposez?
Mme Villeneuve (Nathalie) :
Bien, pour nous, on ne peut pas échapper de nommer nommément la violence
conjugale. Puis c'est dans le vocabulaire du Québec, c'est déjà dans nos lois et
c'est ce qui n'est pas pris en compte à l'heure actuelle par le tribunal. Alors
ça, c'est essentiel. Deux, je pense qu'il faut donner des guides pour apprécier
de quelle violence on parle. Donc, effectivement quand on définit les facteurs
à prendre en <compte...
Mme Villeneuve (Nathalie) :
Bien,
pour nous, on ne peut pas échapper de nommer nommément la violence conjugale.
Puis c'est dans le vocabulaire du Québec, c'est déjà dans nos lois et c'est ce
qui n'est pas pris en compte à l'heure actuelle par le tribunal. Alors ça, c'est
essentiel. Deux, je pense qu'il faut donner des guides pour apprécier de quelle
violence on parle. Donc, effectivement quand on définit les facteurs à prendre
en >compte, quand on examine la présence de violence conjugale et de
violence familiale, pour nous, c'est essentiel.
Mme Riendeau (Louise) : On
pense que c'est le grand moment, comme on est en train de faire une
modification, un changement majeur, bien, alors, ne reculons pas, avançons pour
donner à tous les acteurs qui travaillent en droit familial... que les choses
soient claires, soient faciles à comprendre et que les bons mots soient au bon
endroit. Alors il n'y aura pas de possibilité d'interprétation ou de sens
large. Les choses seront claires et beaucoup plus faciles pour tous les
acteurs.
M. Leduc : C'est une question
de cohérence.
Mme Riendeau (Louise) : Bien,
moi, je pense que ça aide la cohérence puisque les choses vont être claires. L'avocat
de l'un puis l'avocat de l'autre ne pourra pas dire : Ah! bien, moi, je l'interprète
comme ça, et moi, je... Non, ça sera écrit clairement, et voilà ce que ça
voudra dire puis moi, je pense que ça va aller dans le bon sens, c'est un plus,
puis c'est dans le but de protéger les femmes et les enfants. Je crois que c'est
vraiment, comme on insiste sur ce fait-là, là.
Mme Villeneuve (Nathalie) : Puis
moi, j'ajouterais que c'est d'autant plus important d'encadrer les choses qu'on
est dans du domaine du droit, davantage privé. Quand on est en droit criminel,
le DPCP donne des directives, peut demander aux procureurs de travailler de
telle et de telle façon. Mais quand on est en droit de la famille, c'est des
avocats en pratique privée ou des avocats à l'aide juridique, mais quand même,
ce n'est pas des avocats qui sont encadrés de la même façon. Donc, c'est
important qu'ils soient capables d'amener au tribunal l'ensemble des éléments à
apprécier pour prendre une décision. Puis Nathalie l'a dit, des réformes du
droit de la famille, il n'y en a pas si souvent. Donc, je pense que le
gouvernement, à juste titre, nomme l'ensemble des mesures qui ont été prises
dans les derniers mois pour travailler à contrer la violence conjugale, à
protéger les victimes. Bien, ça, ça en fait partie et je pense qu'il faut
ajouter cet outil-là à notre coffre d'outils.
M. Leduc : Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci infiniment. Mme la
députée de Joliette, s'il vous plaît.
Mme Hivon : Oui. Bonjour,
merci à vous deux. Merci de votre mémoire, encore une fois très clair, donc, il
y a beaucoup de choses qui ont été couvertes. Je vous ai très bien entendues et
je suis complètement d'accord avec le fait qu'on doit nommer expressément la
violence conjugale. D'ailleurs, c'est une recommandation du rapport Rebâtir
la confiance, que les choses soient exprimées clairement, pour éviter...
parce qu'il y a déjà tellement d'ambiguïtés dans la manière dont les tribunaux
interprètent tout ça.
Moi, je voulais vous amener sur vos deux
dernières recommandations, un sujet qui m'intéresse beaucoup, depuis longtemps.
Je me souviens d'ailleurs d'une rencontre spécifiquement sur le sujet avec
vous. C'est la question de la supervision des droits d'accès au moment de l'échange
des enfants, lorsqu'il y a des droits de garde qui sont partagés. Donc, on sait
que c'est un moment aussi qui peut être souvent critique ou difficile, les
échanges dans un contexte de violence conjugale ou familiale. Vous dites, d'une
part, à 11, que le tribunal considère, pour toute ordonnance de garde ou d'accès,
la possibilité de prévoir la supervision des droits d'accès. Est-ce que vous
voulez nous dire par là que vous estimez qu'à l'heure actuelle, ce n'est pas
quelque chose qui est pris en compte systématiquement et que ça devrait l'être
dans tous les cas, ou pratiquement que ça devrait être un peu la base si on est
dans une circonstance de violence conjugale, sauf avis contraire? Puis ensuite,
vous nous rappeler l'importance qu'il y ait vraiment des mécanismes d'encadrement.
Où on en est là-dedans? Dans mon deux minutes.
Une voix : Oui. Tu veux-tu y
aller, Nathalie, ou tu veux...
Mme Villeneuve (Nathalie) : Bien,
vas-y, puis je suivrai.
Une voix : Mais,
effectivement, dans beaucoup de cas, ce n'est pas considéré ou ce n'est parfois
pas considéré parce qu'il n'y a pas de services. Ça fait qu'on est un peu dans
un cercle vicieux alors que c'est des situations explosives. On le sait que des
féminicides ou des homicides d'enfants arrivent autour du moment de la
séparation. Donc, il faut vraiment... je pense qu'on n'a pas de chance à
prendre si on estime qu'on est dans une situation de violence familiale ou de
violence conjugale, d'être très prudent et d'envisager la perspective de la
supervision de droits d'accès et de l'envisager pour aussi longtemps que ce
sera nécessaire. Souvent, quand on parle de la supervision, on dit : il
faut que ça soit du court terme. Mais dans les situations de violence
conjugale, ça peut être long avant qu'un conjoint contrôlant décroche et
accepte la fin de l'union. Donc, je pense aussi longtemps que ce sera
nécessaire on devrait y avoir recours. Et à l'heure actuelle, parce qu'il n'y a
pas assez de services, des fois, on va demander à des membres de la famille
d'assumer la supervision, ce qui n'est pas chose simple quand on est face à un
conjoint qui est contrôlant, qui peut faire peur au fond à l'ensemble, même à
ses <parents...
Mme Riendeau (Louise) :
...on devrait y avoir recours. Et à l'heure actuelle, parce qu'il n'y a pas
assez de services, des fois, on va demander à des membres de la famille d'assumer
la supervision, ce qui n'est pas chose simple quand on est face à un conjoint
qui est contrôlant, qui peut faire peur au fond à l'ensemble, même à ses >parents
qui tentent de l'aider. Donc, pour nous, c'est très important.
Mme Hivon : O.K.. D'ailleurs,
on a vu une tragédie qui est arrivée dans un contexte comme celui-là il y a
quelques années. Mais, dites-moi, là, je comprends quand il n'y a pas de
services... Ça, il y a vraiment un coup de barre à donner pour que toutes les
régions et des lieux sécuritaires pour la supervision. Mais est-ce que les
tribunaux vous sentez qu'ils évoluent sur cette question-là quand les services
sont présents ou il y a encore une espèce de réticence à l'ordonner clairement?
Le Président (M.
Bachand) :Très rapidement parce que
malheureusement le temps nous manque.
Mme Villeneuve (Nathalie) :
Bien, malheureusement ce n'est que ce n'est pas pris en compte. En tout cas,
dans les dossiers que nous on voit, c'est nous qui devons pousser, faire des
recommandations, le dire à la femme pour que ce soit demandé. Ça, ce n'est
vraiment pas quelque chose qui est courant.
Mme Hivon : O.K., Bien,
merci.
Le Président (M.
Bachand) :Sur ce, merci beaucoup,
Mme Villeneuve, Mme Riendeau, merci beaucoup de votre mémoire, de
votre participation.
Une voix : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Mais surtout merci infiniment
pour le travail que vous faites. Vous faites une grande différence. Cela dit,
je suspends les travaux jusqu'à 19 h 30 ce soir. Merci beaucoup. À
bientôt.
(Suspension de la séance à 17 h 27)
19 h 30 (version révisée)
(Reprise à 19 h 32)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! Bon
début de soirée. La commission des institutions reprend ses travaux.
Nous poursuivons donc les auditions
publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 2, Loi portant sur la réforme du droit de la famille en
matière de filiation et modifiant le Code civil en matière de droits de la
personnalité et d'état civil.
Ce soir, nous entendrons Trans-Estrie,
conjointement avec Action santé travesties et transsexuelles du Québec, la
Fédération des maisons d'hébergement pour femmes. Mais on débute cette soirée
avec grand plaisir en accueillant Me Louise Langevin, professeure titulaire à
la faculté de droit de l'Université Laval. Alors, bonsoir, merci d'être avec
nous ce soir. C'est un grand plaisir. Donc, vous connaissez les règles, un
petit 10 minutes de présentation et après ça, on échange avec les membres
de la commission. Donc, Me Langevin, je vous cède la parole, et encore une fois
merci d'être avec nous ce soir.
Mme Langevin (Louise) : Merci
M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. D'abord, je veux vous
remercier de me donner l'occasion de m'adresser à vous ce soir sur quelques
articles du projet de loi n° 2 portant réforme sur le
droit de la famille.
En entreprenant une réforme sur le droit
de la famille, le législateur québécois ne peut pas imposer un seul modèle de
la famille. Il doit respecter la diversité des familles et leurs valeurs. Dans
ce domaine, à mon avis, le seul rôle du législateur consiste à protéger les
vulnérables dont font partie les enfants et, dans certains cas, les femmes.
Donc, ce soir, ma présentation porte sur
39 articles qui encadrent la maternité pour autrui et les personnes qui y
sont impliquées. Le sujet est très polarisé parce que la pratique remet en
question notre conception de la maternité et de la paternité. Cependant, toutes
les personnes impliquées dans le débat veulent protéger l'enfant qui devrait
être au cœur de nos discussions. La protection de l'enfant signifie
nécessairement qu'il ne peut pas être traité différemment ou désavantageusement
en raison des décisions de ses parents. Par ailleurs, on ne peut ignorer les
femmes qui sont impliquées dans le parcours procréatif, la mère porteuse, la
mère intentionnelle et la fournisseuse d'ovules.
Mon analyse et mes positions sur la
pratique des mères porteuses sont analysées par une réflexion féministe qui
dénonce le patriarcat, l'exploitation du travail et des capacités procréatives
des femmes. Je défends le droit à l'autonomie procréative des femmes.
Cependant, à mon avis, cette autonomie ne peut pas être absolue si elle mène à
l'exploitation des femmes. Ma posture tient compte des réalités économiques,
historiques et sociales de la maternité. Les capacités procréatives des femmes
ont été exploitées et continuent de l'être. L'industrie de la procréation
assistée y contribue certainement. Je ne nie pas l'agentivité des femmes. Je
considère cependant que l'État doit intervenir pour encadrer la maternité pour
autrui dans le but de respecter justement l'autonomie procréative des femmes.
Le principe de précaution doit prévaloir.
Mes commentaires sur le projet de loi sont donc basés à la fois sur la
protection de l'intérêt de l'enfant et le respect des droits de la mère
porteuse. Et ces intérêts ne doivent pas être analysés en opposition, ils
doivent être en interrelation. Je désire rappeler qu'il n'y a pas de droit à l'enfant.
Il y a certainement un désir d'enfant, mais qui ne peut pas se transformer en
droit. D'abord, je veux parler de la difficulté de nommer, et les points que je
vais reprendre sont développés plus en détail dans mon mémoire.
Premièrement, la difficulté de nommer. Le
projet de loi utilise l'expression «la femme ou la personne qui a accepté de
donner naissance à un enfant», tout comme l'expression «gestation pour autrui».
Ces deux expressions effacent la femme qui porte l'enfant et qui en accouchera.
La mère porteuse est la mère légale jusqu'à ce qu'elle donne son second
consentement entre le huitième et le 30e jour après l'accouchement.
L'expression «gestation pour autrui» efface ce qu'est la <maternité...
Mme Langevin (Louise) :
...nommer. Le projet de loi utilise l'expression «la femme ou la personne qui a
accepté de donner naissance à un enfant», tout comme l'expression «gestation
pour autrui». Ces deux expressions effacent la femme qui porte l'enfant et qui
en accouchera. La mère porteuse est la mère légale jusqu'à ce qu'elle donne son
second consentement entre le huitième et le 30e jour après l'accouchement.
L'expression «gestation pour autrui» efface ce qu'est la >maternité.
Donc, j'utiliserai les termes «mère porteuse» et »maternité pour autrui».
Maintenant, les mesures pour respecter le
droit à l'autonomie procréative de la mère porteuse. Je salue la décision du
législateur d'encadrer la pratique sans pour autant l'encourager au lieu de
simplement l'ignorer. Il est inutile à ce moment-ci de se demander si cette
pratique est bonne ou mauvaise, elle est permise au Canada à titre gratuit,
mais on peut douter que ce soit vraiment à titre gratuit, et aussi parce que
des enfants en naissent. Donc, c'est pour ça que je dis que ce n'est pas le
moment de se demander si c'est bien ou si c'est mal. D'ailleurs, le nombre de
mesures de protection dans le projet de loi indique bien que cette pratique n'est
pas banale. Les mesures proposées dans le projet de loi visent à respecter
justement le droit à l'autonomie procréative de la mère porteuse, et le Québec
rejoint ainsi trois autres provinces canadiennes. Et le Québec n'avait pas le
choix d'encadrer cette pratique. La Cour d'appel avait été très claire à ce
sujet.
Le projet de loi met en place une série de
mesures dès la formation du projet parental pour s'assurer du consentement
libre et éclairé de toutes les parties. Je salue la possibilité de la mère
porteuse de pouvoir changer d'avis et de garder l'enfant sans pénalité avant l'accouchement,
mais aussi entre le huitième et le 30e jour après l'accouchement. La
période de sept jours doit être maintenue, 7 jours entre la naissance et
le moment où la mère porteuse peut donner son deuxième consentement. Cette
période de sept jours doit être maintenue pour permettre un consentement libre
et éclairé. Pour moi, cette période de sept jours fait partie de ce principe de
précaution.
Cependant, à mon avis, certains articles
doivent être réécrits pour s'assurer que la mère porteuse ait toujours le
dernier mot et qu'un tribunal ne puisse intervenir pour évaluer ses capacités
parentales et lui retirer son lien de filiation avec l'enfant.
Je salue aussi l'imposition du contrat
réglementé comme outil de négociation et de protection. Le contrat est d'ailleurs
utilisé en ce moment par les parties, même s'il est non exécutoire. Et je salue
aussi le fait qu'il s'agit d'un contrat réglementé dont le contenu sera prévu
dans un règlement. Je salue l'indemnisation des pertes salariales de la mère
porteuse et la possibilité d'obtenir des prestations de maternité, tout comme
le fait que, dans la Charte des droits et libertés du Québec, le droit... sera
ajouté le droit de toute personne de connaître ses origines.
Le projet de loi prévoit deux voies la
voie administrative, pour l'établissement de la filiation, et la voie
judiciaire. Et c'est ce que l'Ontario, et la Saskatchewan, et la
Colombie-Britannique ont décidé de faire. Donc, une voie, je dirais plus
simple, la voie administrative pour les personnes, les couples qui ont respecté
toutes les mesures, toutes les exigences, et ensuite une voie judiciaire,
longue et plus coûteuse, pour la personne ou les couples qui n'auraient pas
respecté les mesures qui sont imposées.
• (19 h 40) •
Cependant, cette voie judiciaire ne doit
pas servir à retirer la filiation de la mère porteuse lorsqu'elle ne consent
pas. Je donne un exemple. Que se passe-t-il dans le cas où le contrat a été
rédigé après la conception du foetus et que la mère a été payée? Donc, les
conditions n'ont pas été respectées. Ça veut donc dire que ces parents
intentionnels devront aller devant le tribunal. C'est la voie judiciaire qui
est... qui doit être appliquée. Dans ce cas, le projet de loi dit que le projet
parental est nul. Quelles sont les conséquences de la nullité du projet
parental pour l'enfant? Est-ce qu'on peut sanctionner les parents intentionnels
et la mère porteuse qui n'auraient pas respecté certaines conditions sans pour
autant punir l'enfant qui en est issu? Je ne crois pas. Sanctionner les
parents, c'est souvent aussi sanctionner <l'enfant...
Mme Langevin (Louise) :
...doit être appliqué. Dans ce cas, le projet de loi dit que le projet parental
est nul. Quelles sont les conséquences de la nullité du projet parental pour l'enfant?
Est-ce qu'on peut sanctionner les parents intentionnels et la mère porteuse qui
n'auraient pas respecté certaines conditions sans pour autant punir l'enfant
qui en est issu? Je ne crois pas. Sanctionner les parents, c'est souvent aussi
sanctionner >l'enfant.
Le projet de loi s'attaque à la maternité
pour autrui transfrontalière. J'ai analysé ces articles en détail, on voit bien
comment on veut protéger, contrôler en amont et après l'accouchement, quand l'enfant
revient au Canada, un peu comme on fait en matière d'adoption internationale.
Je comprends bien l'idée derrière tout ça, mais après réflexion, je pense que
ces articles n'ont qu'une valeur dissuasive. Comment le législateur peut-il
discriminer envers des enfants en raison des circonstances de leur naissance?
Comme je l'ai dit, il est très difficile
de sanctionner les parents sans en même temps punir les enfants. Un exemple, le
projet de loi prévoit une liste de pays ou de provinces désignés où des parents
intentionnels pourront aller faire affaire, oui, avec une mère porteuse à l'étranger.
Que se passe-t-il si ces couples ne vont pas dans un pays dont le nom apparaît
sur la liste? Par exemple, la Californie n'apparaîtra pas sur cette liste,
parce que la Californie accepte, tolère la gestation pour autrui à titre
commercial. Et certainement que la Californie ne sera pas sur cette liste-là,
parce que ça va à l'encontre du droit canadien, ça va à l'encontre de l'ordre
public québécois et canadien.
Donc, l'enfant revient avec son passeport
au Canada avec les parents. Immigration Canada dit clairement comment obtenir
un passeport dans un tel cas. L'enfant est au Québec, il a un passeport
canadien, il a un acte de naissance américain ou un jugement qui déclare la
parentalité de ses parents. Les parents n'ont pas respecté les conditions. On
va punir l'enfant parce qu'il n'y a pas d'acte de naissance qui va être reconnu
au Québec? Je n'ai pas d'acte de naissance reconnu au Québec. Ça ne m'a jamais
nui. Est-ce qu'on peut, parce que les parents ont décidé d'aller en Californie,
faire en sorte que l'enfant n'ait pas d'acte de naissance reconnu au Québec?
Le Président (M.
Bachand) : Me Langevin, votre 10 minutes est passé. Je me
tourne vers le ministre pour la période de questions. Je suis désolé, hein, on
est vraiment...
Mme Langevin (Louise) : Je le
sais...
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup de votre compréhension. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Me Langevin, merci beaucoup d'être avec nous ce soir pour
discuter du projet de loi, vous nous apportez un éclairage intéressant.
Première chose, parlons de vocabulaire. Vous, vous nous faites la
recommandation d'utiliser le terme «maternité pour autrui», contrairement à
femme ou à gestation pour autrui. Donc, pourquoi est-ce que, pour vous, c'est
important de venir nommément dire... bien, en fait, de ne pas évacuer le terme
«maternité pour autrui» ou «maternité de substitution, versus «gestation»?
Mme Langevin (Louise) :
Voyez-vous, même tantôt, j'ai dit GPA parce que, bon, ça se dit, en quelque
sorte plus facilement, mais il faut bien comprendre, la gestation pour autrui
efface, à mon avis, la réalité de la maternité, les neuf mois de grossesse et l'accouchement.
C'est comme si GPA, ça nous permettait d'accepter plus facilement ce que c'est,
en fait. C'est une maternité pour autrui. Donc GPA, ça sert, en quelque sorte à
ce que... je dirais, égaliser, à polir, à rendre quasiment stérilisé... à
stériliser un phénomène qui est une maternité pour autrui. Donc, c'est pour ça
que je considère que «gestation», ça efface la réalité de la maternité et ça
efface aussi... c'est pour ça que j'utilise le mot «mère porteuse», ça efface
la réalité de la maternité pour les femmes de toutes les époques, dans toutes
les classes sociales, une réalité qui n'est t pas toujours rose. Les mères ont
été exploitées parce qu'elles sont des mères. On en connaît les conséquences
économiques pour les femmes. La maternité a aussi des bons côtés. Donc, pour
moi, appeler une femme qui a accepté de donner naissance... D'ailleurs, toutes
les femmes enceintes acceptent de donner naissance, après 9 mois, là, il y a
tout le temps une naissance. Donc, pour moi, enlever le mot «mère», c'est nier
le rôle de la maternité dans notre <société...
Mme Langevin (Louise) :
...la maternité a aussi des bons côtés. Donc, pour moi, appeler une femme qui a
accepté de donner naissance... D'ailleurs, toutes les femmes enceintes acceptent
de donner naissance, après 9 mois, là, il y a tout le temps une naissance.
Donc, pour moi, enlever le mot «mère», c'est nier le rôle de la maternité dans
notre >société.
M. Jolin-Barrette : Est-ce
que vous êtes d'avis que le fait d'utiliser le terme «maternité de
substitution» ou «mère», ça vient faire en sorte que c'est une approche
davantage féministe d'utiliser ce terme-là?
Mme Langevin (Louise) : Les
féministes ne sont pas toutes d'accord entre elles, hein?
M. Jolin-Barrette : Je vous
pose la question, là, moi, je...
Mme Langevin (Louise) : Oui.
Bien, de mon point de vue à moi, oui, parce que je tiens compte de la réalité
des femmes.
M. Jolin-Barrette : Moi, je
vous dis, Me Langevin, ce que je souhaite faire avec le projet de loi puis mon
intention, deux éléments, c'est ce qui m'a guidé, puis je suis ouvert à
apporter des bonifications. Premièrement, protéger la mère porteuse
relativement à son consentement, relativement au processus durant la grossesse,
qu'elle puisse mettre fin à tout moment, qu'elle ait l'autonomie de son corps.
Deuxièmement, l'intérêt de l'enfant. On
sait qu'il y a des enfants qui naissent de la gestation pour autrui ou de la
maternité de substitution. On veut qu'ils soient protégés. Les parents d'intention
ne sont plus ensemble, se chicanent, ne veulent plus s'occuper de l'enfant, on
veut les attraper, on veut s'assurer, au départ, vous faites un projet. Il y a
un être humain qui va naître de ça, on veut s'assurer que cet enfant-là ait une
filiation, et qu'il y ait des garanties, des obligations alimentaires, qu'il ne
soit pas laissé pour compte parce que lui, il n'a pas choisi de venir au monde.
Ça fait que, tu sais, ça, c'est ce qui nous guide au départ.
Après ça, moi, je suis plus sur les modalités.
On a entendu différents points de vue à date. Ç fait que c'est plus ça qui nous
guide. Sur le contrat, la convention, là, notariée, vous êtes à l'aise à ce que
ça soit impératif, que ça soit bien balisé, puis qu'il y ait des règles d'ordre
public dans la convention?
Mme Langevin (Louise) : Ah!
oui, oui, oui. Parce que vous ne pouvez pas... je ne crois pas qu'il y a une
égalité de pouvoir entre les deux parties dans la mesure où regardez les
contrats que vous allez trouver sur Internet. Vous allez me dire : Oui,
oui, c'est aux États-Unis. Mais regardez-les, les Canadiens et Québécois
utilisent quand même ces modèles gratuits sur Internet, et ce sont des contrats
d'adhésion, là, hein, où il y a des obligations justes pour la mère porteuse,
et c'est elle qui est contrôlée dans sa vie quotidienne. Donc, il faut que ce
soit un contrat réglementé comme on en connaît d'autres, où le contenu est déjà
prévu dans un règlement et qui laisse, je dirais, peu d'imagination aux
parties.
M. Jolin-Barrette : O.K. Je
veux vous entendre sur la question, là, du 8-30 jours. Dans le fond, vous, vous
dites : Il faut conserver le 8-30 jours, c'est important que la mère
porteuse ne puisse pas donner son consentement avant le huitième jour.
Pourquoi?
Mme Langevin (Louise) : Pour
qu'elle exerce un consentement libre et éclairé. C'est pour ça que... Je vois
tout à fait le septième jour tout le temps avec cette idée de principe de
précaution. Je sais qu'il y a certaines études qualitatives avec des petits
échantillonnages qui disent : Oh! ça ne s'est jamais produit, une mère
porteuse qui change d'idée. Bien, au mois de janvier, à Vancouver, il y a une
affaire qui va être entendue où une mère porteuse veut ravoir l'enfant. L'enfant
a 4 ans maintenant. Il y a déjà une décision intérimaire qui a été rendue dans
cette affaire-là.
Donc, cette idée que les mères porteuses
disent toujours oui, que tout est parfait, on n'est pas au pays des licornes,
là. On est dans une société, puis vous savez bien qu'il n'y a pas de phénomène
où tout est parfait, O.K. Et donc, pour moi, ce sept jours-là, c'est le
principe de précaution où il n'y a pas de décisions qui se prennent. La mère
porteuse vient d'accoucher, on laisse passer le sept jours.
Et, pour moi, l'autre période entre le 8e
et le 30ème jour, ce n'est pas surprenant, ils l'ont en Ontario, ils l'ont en
Saskatchewan, un peu moins long, il me semble, en Saskatchewan, et dans d'autres
pays aussi. Pour moi, cette période, elle est tout à fait normale. Pourquoi se
presser, là? C'est quoi, l'affaire?
M. Jolin-Barrette : Et, tout
à l'heure, on entendait, je crois, c'est ce matin, Mme Picard, qui a été mère
gestationnelle à deux reprises. Elle, elle disait : Vous devriez faire le
contraire, vous devriez, dans le fond, dire, bien... comme un droit de dire :
Bien, finalement, j'ai changé d'idée. Plutôt que de donner un consentement
positif, de dire : Bien, d'office, à la naissance, l'enfant est remis, et
c'est comme s'il y avait un consentement, mais, dans les 30 jours, que la mère
porteuse puisse retirer son consentement.
• (19 h 50) •
Mme Langevin (Louise) : C'est
comme si le consentement serait présumé dès le départ?
M. Jolin-Barrette :
Exactement.
Mme Langevin (Louise) : On ne
voit pas ça en soins de santé, on ne voit pas ça dans la théorie des
obligations, que le consentement soit tout le temps présumé. On ne peut pas
présumer du silence de <quelqu'un....
Mme Langevin (Louise) :
...serait
présumé dès le départ?
M. Jolin-Barrette :
Exactement.
Mme Langevin (Louise) :
On
ne voit pas ça en soins de santé, on ne voit pas ça dans la théorie des
obligations, que le consentement soit tout le temps présumé. On ne peut pas
présumer du silence de >quelqu'un.
M. Jolin-Barrette : Donc,
pour vous, c'est important d'avoir un consentement explicite?
Mme Langevin (Louise) : Oui.
Pour moi, c'est important d'avoir ce... toujours à partir du point de vue du
principe de précaution et de ce consentement libre et éclairé.
M. Jolin-Barrette : O.K. Sur
la question de la séance d'information psychosociale, où est ce que vous vous
situez, vous? Parce que certains disent : Bien, écoutez, ça prendrait
peut-être une évaluation, comme dans le cas des parents adoptants. Nous, on a
décidé de proposer une séance d'information séparément pour la mère porteuse,
séparément pour les parents d'intention. Quel est votre avis là-dessus? Parce
que certains nous ont dit : Ça prendrait une évaluation. D'autres disent :
Non, non, une séance d'information, c'est correct.
Mme Langevin (Louise) : Oui.
Je ne pense pas qu'on puisse évaluer les capacités parentales de parents
intentionnels, parce qu'on ne peut pas présumer qu'ils seront de moins bons
parents que les autres parents. Donc, de ce point de vue là, je pense que ça
pourrait être discriminatoire d'imposer une évaluation.
Et la Loi québécoise sur la procréation
assistée, à l'article 10.2, prévoit que le médecin, dans la clinique de
fertilité, peut, s'il a des motifs raisonnables, demander une évaluation
psychosociale du couple qui se présente en fécondation in vitro. Donc, il
suffirait possiblement de modifier cet article-là et d'y inclure la mère
porteuse, par exemple, une mère porteuse de 21 ans qui se présente, qui n'a pas
eu de grossesse, peut-être que le médecin peut avoir des doutes sur son
consentement libre et éclairé. Donc, je soulevais l'article 10.2 de la loi
québécoise sur la procréation assistée, qu'on pourrait modifier, et là prévoir
une possibilité d'évaluation des capacités parentales ou vérifier le
consentement vraiment libre et éclairé. Ce serait une possibilité rendus là,
là, à la clinique de fertilité.
M. Jolin-Barrette : O.K. Au
début de votre intervention, vous avez abordé la question de.... il n'y a pas
de droit à l'enfant. Qu'est-ce que vous voulez dire par là? Puis je pense que
ça oriente également le propos que vous tenez, là. Qu'est-ce que vous voulez
dire par «il n'existe pas de droit à l'enfant»?
Mme Langevin (Louise) : Il n'y
a pas de droit à l'enfant comme un droit de créance. J'ai droit à ceci, j'ai le
droit, comme un droit fondamental. Je ne sais pas. D'ailleurs, j'ai droit à l'enfant
comme si j'étais un créancier qui demande un droit. Il n'y a pas ce droit,
parce que l'enfant n'est pas un objet, et il n'y a pas un droit à l'enfant. Ce
discours-là est beaucoup vu dans les groupes de parents infertiles et dans
certaines communautés LGBT, qui vont réclamer le droit d'être parent, le droit
d'avoir un enfant. C'est beaucoup là qu'on entend ce discours. En fait, c'est
le désir qui glisse et qui devient un droit, le vocabulaire du droit, qui est
plus fort que le vocabulaire du désir.
Donc, on ne peut pas... il n'y a pas un
droit sur un être humain, il n'y a pas un droit sur l'enfant. Même si le désir
est, je dirais, fondamental et profond, il n'y a pas un droit à l'enfant. Et
souvent, dans certains discours, c'est ce qu'on entend, comme si toutes les
personnes adultes qui désirent un enfant ont un droit à l'enfant. Il n'y a pas
ce droit à l'enfant.
M. Jolin-Barrette : O.K. Je
vous remercie grandement pour votre présence en commission parlementaire. J'ai
des collègues qui veulent vous poser des questions. Merci, très intéressant.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de Chapleau, s'il vous plaît.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui,
merci beaucoup, M. le Président. Me Langevin, merci beaucoup de votre
présentation. J'aimerais peut-être revenir sur un constat que vous faites quant
aux agences. Vous dites, là : On peut se demander à quoi serviront les
agences. Les réseaux sociaux semblent déjà assez efficaces pour mettre en
contact les personnes intéressées.» Et vous recommandez au législateur qu'il
devrait considérer l'interdiction de ces agences. Pourquoi? Qu'est-ce qui vous
fait dire ça, là? Peut-être nous éclairer sur toute cette question-là, si c'est
possible?
Mme Langevin (Louise) : Oui.
Les agences de rencontre... qui fait de la rencontre, qui agirait comme
intermédiaire et qui serait payée... sont interdites, ces agences, par la loi
fédérale. O.K. Et comment... Et regardez, dans la région de Toronto, le nombre
d'agences de rencontre depuis que le droit ontarien est plus clair sur la
question depuis 2017. Il y a un grand nombre d'agences. Bon, bien, ces
agences-là n'ont pas le droit de vendre leurs services. Donc, ils vont donner
leurs services de rencontres gratuitement, si je peux le dire, mais en arrière
de ça, il y a des conseils : conseils juridiques, conseils médicaux,
conseils de ceci et conseils de cela. Ces agences là, à moins d'être avocat, ne
peuvent pas donner de conseils. Des conseils sur les assurances, bien, il y a
des spécialistes en matière d'assurance vie, assurance santé et tout ça.
Donc, je me demande avec le projet de loi,
où il y aura une séance d'information, où il y aura un ou une notaire qui va
voir aux questions juridiques, où il y aura tout un <encadrement...
Mme Langevin (Louise) :
...leur
service de rencontres gratuitement, si je peux le dire, mais en arrière de ça,
il y a des conseils : conseils juridiques, conseils médicaux, conseils de
ceci et conseils de cela. Ces agences là, à moins d'être avocat, ne peuvent pas
donner de conseils. Des conseils sur les assurances, bien, il y a des
spécialistes en matière d'assurance vie, assurance santé, tout ça. Donc je me
demande avec le projet de loi, où il y aura une séance d'information, où il y
aura un ou une notaire qui va voir aux questions juridiques, où il y aura tout
un >encadrement, à quoi les agences vont servir? Puis là je... allez
dans des groupes privés sur Facebook, où il y a des parents qui cherchent des
mères porteuses, et c'est pour ça que je dis les réseaux sociaux font pas mal
la job en ce moment. Donc je me demande si ces agences-là n'exploitent pas l'inquiétude
des parents intentionnels et aussi l'inquiétude des mères porteuses.
M. Lévesque (Chapleau) : On a
eu un exemple. Le ministre en faisait mention tout à l'heure, Mme Picard, qui a
eu deux expériences, une, justement sur les réseaux sociaux, puis une avec une
agence, ça avait bien fonctionné dans les deux cas pour sa part, donc il y a
peut-être une voie de passage soit entre les deux ou trouver des solutions par
rapport à ça. Mais vous, vous seriez pour abolir, de ne pas permettre les
agences dans le cas pour... à but lucratif, là?
Mme Langevin (Louise) : Bien,
ce n'est pas pour rien non plus qu'à l'article... est-ce que c'est point 4 ou
point 3, là, où on dit que le contrat doit nécessairement être entre la mère
porteuse et les parents intentionnels pour éviter que ça soit entre l'agence et
les parents intentionnels pour pas que la mère porteuse soit l'employée de l'agence,
si vous comprenez ce que je veux dire. Moi, qu'on m'explique leur rôle et leur
utilité, mais je ne vois pas à ce moment-ci leur rôle, à moins que ça soit
comme en Angleterre, qu'ils offrent une liste gratuite de mères porteuses, bon,
comme on en voit un peu en Angleterre. Mais je ne vois pas leur... je ne comprends
pas et je ne vois pas la pertinence.
M. Lévesque (Chapleau) : Justement,
allons-y sur le Royaume-Uni. Nous avions eu un groupe qui... puis revenons
également sur le principe de précaution que vous avez mentionné précédemment.
Actuellement, il y a une réflexion quant aux changements à la loi pour
justement les mères porteuses qui pourraient ne pas avoir le choix
nécessairement pour garder l'enfant ou le donner. Puis Mme Picard nous a dit
que ça créerait de la méfiance également, puis une certaine frustration.
Mme Langevin (Louise) : De?
M. Lévesque (Chapleau) : De
pouvoir... cet article-là, là, du 8‑30 jours, là, et au Royaume-Uni, il y
a cette même réflexion-là, je ne sais pas qu'est-ce que vous avez à dire par
rapport à ça, là, sur la méfiance que ça pourrait créer envers les parents d'intention
par rapport à la mère porteuse.
Mme Langevin (Louise) : Je
ne... Bon, pour ce qui est du Royaume-Uni, leur rapport final devrait sortir
cet hiver. C'est ce que ça dit sur le site, là, O.K.? Bon, je ne vois pas la
méfiance que ça peut causer ce délai parce que de toute façon, les parents
intentionnels vont être avertis que la mère porteuse peut changer d'idée
pendant la grossesse, peut changer d'idée un jour avant d'accoucher, peut
changer d'idée aussi après l'accouchement, c'est ça, l'état. C'est une des
mesures pour protéger le consentement libre et éclairé et pour éviter une forme
d'exploitation des femmes, donc, s'ils le savent, ils le savent, ils s'embarquent
dans l'aventure en le sachant bien et la mère porteuse sait qu'elle peut
changer d'idée.
M. Lévesque (Chapleau) : Tout
en connaissance de cause. O.K. Puis, donc, vous parlez d'un cas, justement, à
Vancouver, que l'enfant aurait quatre ans. Il semble que c'est un peu... le
délai me semble déraisonnable ou ça me semble un peu inquiétant par rapport à
cette situation-là, là.
Mme Langevin (Louise) : Oui,
les faits sont complexes et la mère porteuse a tout le temps eu des liens, des
visites avec l'enfant jusqu'à ce qu'il ait l'âge de 3 ans. À partir de
3 ans, il y a eu des problèmes entre la mère porteuse et le couple. Et là,
c'est devant le tribunal. Mais ce que... puis je ne sais pas comment ça va se
terminer là, est-ce qu'il va y avoir... j'imagine un examen de qui sont les
bons parents, mais l'enfant a tout le temps été avec ses parents intentionnels.
M. Lévesque (Chapleau) : Mais
vous ne recommandez pas un délai plus important que le 8-30 jours? C'est
bien ça, là? Le quatre ans, ce n'est pas... Ça ne serait pas un objectif, là,
on n'irait pas là.
Mme Langevin (Louise) : Non,
ce n'est pas ça, mais mon idée, c'est de dire : il y a des cas où ça ne
fonctionne pas toujours bien. Au Québec, on ne peut pas en avoir entendu parler
tant que ça, elles ne peuvent pas aller devant les tribunaux.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Je me tourne
vers l'opposition officielle avec le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
• (20 heures) •
M. Tanguay : Merci beaucoup, M.
le Président. Merci, Me Langevin, d'être avec nous ce soir. J'ai comme l'impression
qu'en 10 minutes, là, on n'aura pas vidé le sujet, puis c'est des
questions fondamentales, là, puis on est en train de rédiger la loi. Je vais
commencer par votre dernière phrase, une fois que j'ai dit ça, votre dernière
phrase : Dans tous les cas, des statistiques et des études sur les enfants
qui en sont issus seront nécessaires pour mieux comprendre...
20 h (version révisée)
M. Tanguay : ...le phénomène,
là, j'ai l'impression qu'on va à vitesse grand V. On est à la fin du mandat. Je
parle, moi, de mon côté, comme législateur, puis, je veux dire, que le ministre
ne semble pas éconduit, offusqué, pris à partie, là, je me sens, comme
législateur, là, à minuit moins cinq. Il nous reste une session parlementaire,
360 articles, puis le coeur du débat qu'on a c'est un des 360 articles,
96, qui en ajoute 38. Excusez du peu.
Le Président (M.
Bachand) :...ajuster votre micro pour qu'on
puisse entendre votre douce voix.
M. Tanguay : Oui. Je vous en
prie. Excusez-moi, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup.
M. Tanguay : Alors, Me
Langevin, vous dites donc : Il n'y a pas un droit à l'enfant. J'aimerais, donc,
sur les principes... Et je vois ce que vous voulez, corrigez-moi si j'ai tort,
là, mais vous voulez, entre autres... Si je prends la recommandation 2 :
«Précisez le sens des articles», puis là vous en nommez cinq, six, «afin qu'il
soit clair qu'un tribunal ne puisse intervenir pour modifier le lien de
filiation de la mère porteuse qui désire garder l'enfant.» Donc, si je vous
comprends bien, vous dites que, pour les parents d'intention, ils n'ont pas un
droit, ils ont un désir, probablement fondamental et très vrai, mais ils n'auraient
pas le droit. Et vous semblez dire qu'il faudrait donc refaire un balancement
vers l'importance du lien de la mère porteuse et de l'enfant dans tous les cas
de contestation ou tous les cas où des conditions n'auraient pas été
respectées.
Mme Langevin (Louise) : Ce
sont des articles que j'ai essayé de comprendre, la lecture est assez
difficile, et que... Je n'ai pas compris la portée de plusieurs articles. Et j'ai
passé plusieurs heures à essayer de comprendre. J'ai eu d'autres
interprétations et, quand j'ai eu d'autres interprétations, j'ai dit : Ah!
c'est ça que ça voulait dire, mais ce n'est pas ça qui est écrit. Donc, je
pense qu'il faudrait essayer de revoir le style et que ce soit clair. Parce que
j'ai passé des heures et des heures à essayer de comprendre puis je me dis :
S'il faut qu'un tribunal ne comprenne pas quelle est l'intention du
législateur, ça va aller mal. C'est ça que je veux dire, là.
M. Tanguay : Non, tout à fait,
tout à fait. Vous, également, semblez vouloir donner un rôle, puis corrigez-moi
si j'ai tort ou précisez peut-être, un rôle accru, notamment dans le contexte
de la recommandation 6, modifier la Loi sur les activités cliniques et de
recherche en matière de procréation assistée «pour permettre au médecin
traitant de demander une évaluation psychosociale...
Mme Langevin (Louise) : Oui,
c'est ce que j'ai dit tantôt.
M. Tanguay : ...de la mère
porteuse». Donc, quel est le rôle du médecin? Est-ce que le médecin est
habilité par son ordre professionnel, son code de déontologie? Est-ce qu'il
peut demander de telles évaluations pour... psychosociales pour la mère
porteuse?
Mme Langevin (Louise) : Dans
l'article 10.2 de la loi québécoise sur la procréation assistée, c'est
lorsque le médecin a des motifs raisonnables de croire que les parents
intentionnels devant lui n'ont pas... je me souviens plus du phrasé exact, là, n'ont
pas les capacités parentales, que l'intérêt de l'enfant ne serait pas bien
protégé. Donc, c'est dans ce cas là que le médecin pourrait demander ce genre d'évaluation.
Donc, c'est pour ça qu'on pourrait rajouter la mère porteuse, dans ce cas là,
pour permettre au médecin... Quand le couple et la mère porteuse arrivent en
clinique, ils ont déjà signé le contrat, vu plein de personnes, et ils arrivent
en clinique, et là peut-être que...
Je donnais cette possibilité-là, parce que
le projet de loi, évidemment, à raison, ne dit pas : Bien, il faudrait que
la mère porteuse ait eu une première maternité, il ne faudrait pas qu'elle
donne ses ovules, il faudrait qu'elle ait tel âge et tel âge. Parce que, plus
on met de conditions... Qu'est-ce qui va se passer si la mère porteuse ne
respecte pas la condition? Bien, on va punir l'enfant, on va lui enlever l'enfant
et l'envoyer en adoption? Je ne le sais pas, là. Mais donc je voyais ce médecin-là
avec sa possibilité, s'il a des motifs raisonnables, de demander une évaluation
psychosociale. Puis il y a déjà des professionnels qui sont formés pour ça, c'est
prévu dans le règlement, et tout ça, là.
M. Tanguay : Et par
extension, à 51.10, lorsqu'il est dit que, d'une part, la mère porteuse ou la
personne qui va donner naissance et, d'autre part, les parents d'intention
doivent subir une rencontre... pas subir, doivent participer à une rencontre — «subir»,
ce n'était pas le bon mot — concernant les implications psychosociales?
Devrait-il aussi y avoir là une évaluation de leur capacité à aborder cette
relation contractuelle là de façon positive? Devrait-il y avoir une évaluation
faite par un professionnel, psychologue ou travailleur social?
Mme Langevin (Louise) :
<Tantôt...
M. Tanguay :
...relation
contractuelle là de façon positive? Devrait-il y avoir une évaluation faite par
un professionnel, psychologue ou travailleur social?
Mme Langevin (Louise) :
>Tantôt, c'est ce que j'ai dit au ministre de la Justice, je pense que
ces évaluations là, si elles portent sur l'évaluation des capacités parentales,
c'est discriminatoire vis-à-vis de ces gens-là. Parce qu'il y a des tas de
parents qui ont des enfants par la méthode traditionnelle et on leur... on ne leur
fait pas passer un test pour savoir s'ils vont être des bons parents ou pas. De
toute façon, on ne peut pas prédire qui seront des bons parents ou pas, là. Et
donc c'est pour ça que la session de rencontre doit aborder les questions
éthiques et les questions psychosociales, et aussi je pense qu'on devrait
rajouter les questions médicales tout de suite. Les conséquences, sur la mère
porteuse, de la superovulation, les conséquences de l'implantation de l'embryon,
les conséquences pour sa santé à elle, les questions médicales devraient être
abordées beaucoup plus tôt qu'une fois rendue dans la clinique de fertilité.
M. Tanguay : Et vous,
vous sembliez douter, quand vous avez dit : Au Canada à titre gratuit,
vous sembliez douter de cette... Quelle portée dois-je donner à ça, à ce
doute-là?
Mme Langevin (Louise) :
Mais on le sait bien, la maternité pour autrui, au Canada, est à titre gratuit.
La loi fédérale l'impose, O.K.? Donc... mais il y a un problème pour trouver
des donneuses qui ne sont pas des donneuses d'ovules, au Canada. Il faut les
acheter, les ovules, aux États-Unis, parce qu'on n'en a pas au Canada, il n'y a
pas de femmes qui les donnent, O.K.?
Bon, il y a des anecdotes, et pas juste
des anecdotes, où les mères porteuses sont... je ne dirai pas rémunérées, mais
reçoivent des cadeaux. On le sait bien que c'est comme ça que ça se passe. Il y
a tout un discours, spécialement chez les agences, qui présente la maternité
pour autrui comme le don ultime de soi. Les femmes sont habituées à donner
gratuitement, on le sait. Donc, il y a toute cette idée du don, que c'est
gratuit, pour, en quelque sorte, cacher le côté, je dirais, peut-être
commercial, mercantile qui est interdit au Canada, mais qui existe.
Donc, c'est pour ça tantôt que j'ai dit il
y a un marché noir ou un marché gris, appelez-le comme vous voulez, de
maternité pour autrui, où il y a des cadeaux qui passent sous la table. Et ça,
le législateur peut difficilement contrôler la situation, mais c'est ça, la
réalité. Il y a des enquêtes... des journalistes d'enquête qui ont publié pas
mal d'articles sur la question.
M. Tanguay : Et ce
serait d'autant plus ajouter un niveau de difficulté pour le législateur ou l'autorité
québécoise de s'assurer que tout se fait selon les règles établies. Si on va à
l'international, avec une mère porteuse à l'international, là, je veux dire, le
«reach out», si vous me permettez l'expression, est... Mais je sais, je sais
que, par règlement, ils vont dire : Tel État est sérieux, tel État ne l'est
pas, ils vont établir. Mais à quelque part, il y a un défi, là, hein?
Mme Langevin (Louise) :
Bien, c'est ce que j'ai soulevé tantôt, je pense que ces articles-là n'ont qu'une
valeur symbolique dissuasive, parce qu'outre les provinces canadiennes en
dehors du Québec y a-t-il des endroits sur la planète où une mère porteuse
étrangère voudra rendre ce service de manière totalement gratuite?
M. Tanguay : Avez-vous
une... dans vos recherches, je ne sais pas si vous avez vu des... quand c'est
établi dans un État, comme ça le serait au Québec, des statistiques sur une
proportion substantielle, justement, de parents d'intention, dans la localité
de l'État qui l'aura permis et encadré, qui ont recours à des mères porteuses à
l'étranger? Est-ce qu'il y a là un tremplin pour...
Mme Langevin (Louise) :
Le fait, vous voulez dire, d'encadrer de manière très serrée sur le territoire,
est-ce qu'il y a un mouvement vers l'étranger?
M. Tanguay
: Oui.
Mme Langevin (Louise) : On
peut penser que oui, on peut penser que oui. Si c'est trop compliqué ici et que
les mères porteuses sont difficiles à trouver... Je vous ferai remarquer que
des utérus, ça se trouve dans le corps de jeunes femmes, là, hein, et aux
dernières nouvelles il n'y a pas... l'utérus artificiel n'est pas sur le point
d'apparaître sur le marché. Donc, si on ne trouve pas d'utérus au Québec, bien,
on va aller en trouver en Californie, pour ceux qui ont les moyens, ou en
Ukraine, où c'est beaucoup moins cher.
M. Tanguay : Est ce qu'il
y a des États, à l'heure où on se parle, qui seraient des modèles pour nous ou un
État qui serait un modèle pour nous? Aidez-nous.
• (20 h 10) •
Mme Langevin (Louise) : Ça
dépend. En Israël, une mère porteuse peut être quatre fois mère porteuse, <c'est
payé...
Mme Langevin (Louise) :
...dépend. En Israël, une mère porteuse peut être quatre fois mère porteuse,
>c'est payé par l'État, parce qu'Israël a une politique populationnelle,
il y a des motifs religieux, les femmes qui ne sont pas des mères sont rejetées
dans la société, donc c'est tout à fait différent. Et c'est très encadré, c'est
très, très encadré, la mère porteuse ne fournit pas ses propres ovules. Bon,
tout ça, c'est très, très encadré et payé par l'État, mais il y a des objectifs
différents. En France, ils ont été obligés de reconnaître les enfants fantômes,
ils se sont fait taper sur les doigts par la Cour européenne des droits de l'homme.
Puis là, au mois d'août, ils viennent... ils ne reconnaissent pas la maternité
pour autrui, ils ne la reconnaissent pas. Mais il y a des Français qui
reviennent sur le territoire avec des enfants d'Ukraine, tu sais? Ça fait qu'il
faut qu'ils les reconnaissent, ces enfants-là, ils ne peuvent pas en faire des
enfants fantômes.
M. Tanguay : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Je dois céder la parole au député d'Hochelaga-Maisonneuve,
s'il vous plaît.
M. Leduc : ...
Mme Langevin (Louise) :
Bien, ils reviennent avec un enfant... Deux parents français qui sont allés en
Ukraine ou en Espagne et qui reviennent avec un enfant sur le territoire, bien,
il est là, cet enfant-là, il ne peut pas être fantôme, il a le droit aux
services d'école, aux soins de santé, c'est ça que la Cour européenne des
droits de l'homme a dit. Donc, les Français, ils n'ont pas eu le choix, ils ne
veulent pas la maternité pour autrui, mais il y a des enfants qui en sont nés,
donc ils doivent les reconnaître et leur donner les mêmes services.
M. Leduc : Sur la
rémunération, dans votre mémoire, vous semblez assez ouverts à ce qu'on... pas
la rémunération, mais la compensation, puis il y a des gens qui vous ont
précédée, ils disaient : Je ne veux pas être rémunéré, mais je ne veux pas
perdre de l'argent en le faisant. On a donc une espèce de terrain milieu avec
le projet de loi actuel, si je comprends bien?
Mme Langevin (Louise) :
Bien, parce qu'il y a déjà un règlement au fédéral, et le règlement n'est pas
très clair, mais il y a des règles interprétatives qui vont avec, des lignes
directrices qui disent : Oui, la perte... les pertes de revenus pour aller
à différents rendez-vous devraient être... on devait leur rembourser la perte
salariale et, quand il y a un billet du médecin qui fait que la femme enceinte,
la mère porteuse ne peut pas travailler, bien, qu'on devrait l'indemniser. Et c'est
tout à fait dans cette idée qu'elle le fait gratuitement et donc elle ne
devrait pas en subir... subir des pertes pour le service gratuit qu'elle rend.
M. Leduc : Mais, quand
il y a des députés, là, je pense à M. Housefather, là, qui faisait des projets
de loi privés pour changer ça, là, pour qu'on sorte de cette interdiction de
rémunération... ce n'est pas quelque chose qui vous semble une bonne idée, là?
Parfait. Avez-vous une pensée sur la question de la pluriparentalité, comme un
sujet un peu connexe? Vous vous êtes concentrée beaucoup sur la GPA.
Mme Langevin (Louise) :
Oui, parce que je n'ai pas eu le temps de travailler sur plus.
M. Leduc : Je comprends.
Mme Langevin (Louise) :
Oui, comme pas mal tous les citoyens, j'ai une idée là-dessus, mais, au-delà de
mon opinion personnelle à moi, je pense que, si la pluriparentalité n'est pas
reconnue, je pense qu'il pourrait y avoir là de la discrimination à l'égard de
certaines familles qui vivent des réalités tout à fait différentes. Et il faut
regarder ce qui se passe en Ontario. L'Ontario est comme un laboratoire. Un
enfant peut avoir jusqu'à six parents. Donc, il faut regarder ce qui se passe
en Ontario et ce qui se passe en Colombie-Britannique. C'est comme un
laboratoire. Moi, je ne le sais pas, ça fait quoi, des adolescents avec quatre
parents. Je le sais qu'est-ce que ça fait avec deux, là, et donc c'est pour ça
que... Je ne suis pas psychologue, je suis parent et je ne vis pas dans cette
sorte de famille. Mais je sais que le législateur ne peut pas discriminer. On
ne peut pas imposer la bonne famille. Il y a des familles.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.
Mme Hivon : Oui, j'ai
2 min 40 s puis j'en aurais pour des dizaines et des dizaines de
minutes. Est-ce que... C'est parce qu'il y a des questions de philosophie, puis
il y a des questions d'implications juridiques, puis vous êtes sur les deux
niveaux, puis c'est ça qui est passionnant. Mais est ce que je décode, puis
corrigez moi vraiment, que vous n'êtes pas convaincue que c'est une grande
avancée sociale, mais que c'est comme un peu une fatalité parce qu'il faut
protéger les enfants qui naissent de cette réalité-là qui s'est imposée?
Mme Langevin (Louise) :
Et protéger les femmes.
Mme Hivon : Et protéger
les femmes. Mais, si on vous avait dit : Il y a un moyen de contourner ça,
peut-être que vous n'auriez pas dit que c'était la grande avancée sociale, la
maternité pour autrui?
Mme Langevin (Louise) :
Il n'y a pas de moyen de contourner ça.
Mme Hivon : C'est ça.
Mme Langevin (Louise) :
Le phénomène est là, le phénomène est installé. Des couples canadiens vont à l'étranger,
on ne sait pas combien, il n'y a pas de statistiques là-dessus, il n'y en a
même pas, au Canada, ou très peu. Donc, il est là. C'est pour ça que j'ai dit
au début : Ça ne sert à rien de se demander si c'est bien, si c'est mal, on
ne peut pas reculer, c'est là. Donc, comment protéger toutes les parties? Je ne
le sais pas comment protéger tout le monde en même temps du même niveau, mais
je sais qu'il faut protéger <l'enfant, ça, c'est...
Mme Langevin (Louise) :
...protéger toutes les parties? Je ne le sais pas comment protéger tout le
monde en même temps du même niveau, mais je sais qu'il faut protéger >l'enfant,
ça, c'est sûr, sûr. Et ensuite, de mon point de vue, il faut protéger les
femmes en raison de l'exploitation du corps des femmes dans notre société.
Mme Hivon : Oui. Puis là c'est
ce qui m'amène à votre constat que j'avais commencé à... qui commençait à me
travailler dans ma tête, notamment avec la gestation... enfin, avec la
maternité pour autrui, transfrontalière. Là, je me disais : Ça va être
quoi, les sanctions? Puis là vous nous amenez puis vous dites même, plus
globalement : Si la femme a 19 ans, elle n'a pas 21 ans, si elle
est rémunérée, alors qu'elle n'est pas supposée l'être. Ça va être quoi, les
sanctions? Parce qu'on veut protéger l'enfant malgré tout. Donc, dans le fond,
pourquoi on se donne tout ce trouble-là si, dans le fond, vous êtes en train de
nous dire : Comment on va pouvoir appliquer quelque chose quand, au
travers de tout ça, notre objectif, c'est de protéger l'enfant? Je suis en
train de me demander...
Mme Langevin (Louise) : Bien,
c'est parce qu'il y a des choses que peut être que je ne comprends pas, mais qu'on
me l'explique, mais moi, je n'ai pas vu... Cet enfant-là va revenir avec un
passeport canadien, il va avoir un acte de naissance ou un jugement étranger
qui reconnaît le lien avec ses parents, qui sont des parents canadiens. On va
lui refuser l'école, à l'enfant? On va lui refuser des soins de santé, la
carte... Comment peut-on punir des parents sans punir l'enfant?
Mme Hivon : Donc, pour vous,
il n'y a comme pas vraiment d'application concrète de l'encadrement, aussi beau
et parfait soit-il? C'est un peu ça, la conclusion déconcertante, un peu, à
laquelle vous arrivez.
Mme Langevin (Louise) : Mais
je pense que des tas de pays, en France aussi, arrivent à ça. Ils ont été
forcés. En France, tu ne peux pas avoir des enfants fantômes, tu ne peux pas
avoir des citoyens fantômes. Et c'est le constat auquel plusieurs pays en
arrivent. Et puis certains ont dit : Bien, O.K., on va la permettre. En
Californie, d'autres pays comme en Israël, on va l'encadrer beaucoup, beaucoup.
En Angleterre, on va voir qu'est ce qui se produit. On sait que les mères
porteuses, elles reçoivent des gros, gros cadeaux, en Angleterre.
Le Président (M.
Bachand) : Me Langevin, merci beaucoup d'avoir été avec nous. C'est
très apprécié.
Alors, je suspends les travaux quelques
instants afin d'accueillir nos prochains invités. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 20 h 18)
(Reprise à 20 h 23)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux.
Alors, il nous fait plaisir d'accueillir,
de TransEstrie, Séré Beauchêne Lévesque de même que l'action... représenté par
l'Action Santé travesti-e-s et transsexuel-le-s du Québec, Mme Daphne Barile. Alors,
merci beaucoup d'être ici. Comme vous savez, vous avez 10 minutes de
présentation au total, puis après ça on aura un échange avec les membres de la
commission. Donc, je vous cède la parole. Puis, encore une fois, merci d'être
avec nous ce soir.
Mme Barile (Daphne) : Je veux
remercier de m'accorder la parole aujourd'hui. Je m'appelle Daphne Barile et je
suis la coordonnatrice d'ASTTEQ, un projet communautaire par et pour des
personnes trans qui existe depuis 1998. Notre mandat est de fournir des
services de soutien par les pairs aux personnes trans les plus marginalisées,
dont les travailleurs et travailleuses du sexe, les personnes migrantes, les
personnes racisées, les personnes qui vivent avec le VIH et les personnes en
situation d'itinérance.
Nos intervenants facilitent l'accès au
logement, aux services de santé et aux ressources juridiques. ASTTEQ est basée
à Montréal. Toutefois, nos services sont bien connus dans tout le Québec, et on
travaille régulièrement avec des personnes qui habitent dans les régions.
Chaque mois, nous aidons plus de
20 personnes avec leurs demandes de changement de la mention de sexe. Dans
les derniers mois, nous avons vu une grande augmentation de personnes qui
veulent faire ce changement avant que ce projet de loi soit adopté. Beaucoup d'elles
ont peur des effets de ce projet de loi dans leur vie et plusieurs sont venues
dans la détresse.
Ces changements font une grande partie de
notre travail parce qu'ils sont une protection juridique essentielle. Le moment
où on montre une pièce d'identité est un des moments les plus dangereux dans la
vie des personnes trans qui fréquentent nos services. Quand un propriétaire, un
agent de sécurité ou un employeur regarde une pièce d'identité et voit quelque
chose qui ne correspond pas à la personne qu'il voit devant lui, c'est à ce
moment-là que les personnes trans marginalisées subissent la discrimination et
la violence.
Ce danger n'est pas hypothétique. Je
connais personnellement beaucoup de personnes pour lesquelles les obstacles au
changement de la mention de sexe ont directement mené à l'itinérance, le chômage,
le sous-emploi et la pauvreté. Dans le fond, l'accès au changement de la
mention du sexe est nécessaire pour vivre la vie quotidienne sans divulguer
constamment qu'on est trans.
Ce projet de loi ne facilite pas l'accès à
cette protection de base. Plutôt, il crée plus d'obstacles pour les personnes
trans et les met plus en danger d'être exposées chaque jour. Il les force à
subir une opération chirurgicale stérilisante pour faire un changement de la
mention de sexe. Pour ceux et celles qui ne veulent pas ou ne peuvent pas, il
introduit une nouvelle mention de genre qui les étiquetterait tout de suite
comme trans, en effet, exactement le contraire des besoins des personnes trans,
qui cherchent à éviter la discrimination.
Le ministre a dit qu'il retirera l'exigence
<chirurgicale...
Mme Barile (Daphne) :
...exactement le contraire des besoins des personnes trans, qui cherchent à
éviter la discrimination.
Le ministre a dit qu'il retirera
l'exigence >chirurgicale. Cette révision est d'une importance capitale,
mais elle n'est pas suffisante. D'abord, il faut que le gouvernement n'impose
aucune exigence médicale tout court, y incluant l'hormonothérapie. Même pour
les personnes qui veulent ces traitements, une exigence médicale nuirait à leur
sécurité. Au Québec, il y a une pénurie de médecins qui travaillent avec les
personnes trans. Comme j'ai expliqué plus tôt, le changement de la mention de
sexe est une stratégie de survie pour les personnes qui fréquentent un service,
et n'importe quelle exigence médicale les condamnerait à une longue période de
discrimination et de pauvreté, d'habitude 8 ou 9 mois, avant une rencontre
avec un médecin.
Mais, plus généralement, toute condition
associée avec le changement de la mention de sexe nuit à l'autonomie corporelle
de personnes trans. Comme les opérations chirurgicales, les traitements
hormonaux sont souvent stérilisants, une telle exigence empêcherait les
personnes trans de fonder une famille.
Le gouvernement parle beaucoup de l'importance
de l'autodétermination des mères porteuses. Je m'adresse à vous aujourd'hui
pour demander que vous respectiez aussi l'autodétermination des personnes trans
pour que toute personne puisse faire ce qu'elle veut avec son propre corps et
pour que les mêmes protections juridiques soient accordées à toutes les
personnes. En outre, je vous prie de considérer que chaque barrière à l'accès
au changement de la mention de sexe sera particulièrement ardue pour les
personnes qui vivent sans hébergement, qui sont criminalisées ou qui vivent
dans la misère.
La plupart des personnes qui fréquentent
nos services n'ont aucune manière de payer les frais administratifs pour la
demande de la mention de sexe. C'est la raison pour laquelle je demande que le
gouvernement enlève ces frais. Pour les personnes trans les plus marginalisées
au Québec, l'accès au changement de la mention de sexe peut mener à une vie
plus sécuritaire, plus supportable et plus intégrée dans la société québécoise.
Je passe maintenant la parole à Séré.
Beauchesne Lévesque (Séré) :
Bonjour. Merci de nous recevoir. Je m'appelle Séré. Je suis coordonnateur de l'organisme
TransEstrie, qui est à Sherbrooke depuis 2019, et puis je suis responsable
également des formations, et je suis moi-même une personne trans et une
personne non binaire. J'ai témoigné dans le cadre du procès en Cour supérieure,
devant le juge Moore, en début de l'année 2009, et comme beaucoup de gens
des communautés trans et non binaires, je me suis réjoui quand, au début de l'année 2021,
la décision a donné gain de cause à plusieurs de nos revendications.
On s'attendait, pour la suite, que
simplement une troisième option de mention de sexe, une option non binaire,
soit ajoutée. Malheureusement, le projet de loi n° 2
ne répond pas à nos espoirs. On comprend que le projet de loi a été rédigé avec
les meilleures des intentions, mais l'impact de plusieurs dispositions sur nos
communautés nous inquiète beaucoup, et ce, même en considérant que les
exigences chirurgicales seront retirées.
J'ai entendu le ministre dire dans les
médias que la réforme, en ce qui a trait aux mentions de sexe et de genre, est
difficile parce que les besoins des personnes trans et des personnes non
binaires sont différents. Or, ce n'est pas le cas. Il y a un consensus dans les
différentes communautés au sujet de cet enjeu.
Il faut aussi rappeler qu'il y a beaucoup
de personnes qui s'identifient comme trans et comme non binaires simultanément,
y compris moi-même. Le sexe est une notion compliquée qui ne peut adéquatement
être expliquée par un mot ou même une lettre sur un bout de papier. Est-ce que
ça devrait faire référence aux organes génitaux externes, aux organes
reproducteurs, aux hormones sexuelles, aux chromosomes?
On peut prendre mon exemple. Je suis né
avec une vulve, un vagin et un utérus. J'ai décidé d'avoir une chirurgie
génitale d'affirmation de genre pour avoir un pénis, mais j'ai gardé mon vagin
et mon utérus. Alors, ça devrait être quoi, ma mention de sexe? Avant 2015, je
n'aurais pas pu changer ma mention de sexe, malgré le fait que j'ai eu une
chirurgie génitale, parce que je n'ai pas eu d'hystérectomie, et c'était ça, le
prérequis.
Heureusement, ça a changé, et depuis
6 ans il y a des hommes qui sont légalement des hommes et qui ont une
vulve et il y a des femmes qui sont également des femmes et qui ont un pénis.
Leur mention de sexe reflète leur identité de genre et non leurs
caractéristiques physiques. Puis ça, ça a du sens, parce que, quand on voit qu'une
personne a une mention de sexe féminine, la première chose à laquelle on pense,
c'est que cette personne-là, c'est une femme. On ne pense pas à ce qu'elle a
dans ses sous-vêtements. Donc ça... suivant cette logique, il n'y a aucun
problème à ce qu'une personne ait une mention de sexe non binaire, peu importe
ce qui est ses organes génitaux.
• (20 h 30) •
Donc, comme la mention de sexe réfère déjà
au genre d'une personne, la création d'une mention de genre est inutile. Les
personnes trans comme les personnes non binaires veulent simplement pouvoir
changer la mention de sexe en utilisant celle qui leur convient le mieux, que
ce soit une mention de sexe masculine, féminine ou non binaire, sans qu'il n'y
ait aucune exigence médicale, que ce soit une exigence...
20 h 30 (version révisée)
Beauchesne Lévesque (Séré) : ...d'hormonothérapie
ou l'aide d'un professionnel de la santé. Donc, au final, la distinction dans
le projet de loi entre la mention de sexe et la mention de genre ne peut servir
qu'à identifier les personnes trans, qui seront les seuls à avoir une mention
de genre. Or, tout ce que nous voulons, et la raison principale pour laquelle
quelqu'un présente une demande de changement de mention de sexe, c'est d'avoir
des pièces d'identité qui ressemblent en tous points aux pièces d'identité des
personnes qui ne sont pas trans. Sans quoi, nous sommes à risque de subir de la
discrimination.
Pour la même raison, c'est essentiel de
retirer les articles du projet de loi qui ajoutent une mention de modification
sur les actes de naissance. On veut également avoir la possibilité de choisir
la mention parentale qui nous convient sans que ce soit automatiquement lié à
notre mention de sexe. Il y a des hommes trans qui veulent se désigner comme le
parent de leur enfant et des personnes non binaires qui peuvent vouloir se
désigner comme la mère de leur enfant. Il s'agit d'un choix qui est personnel.
Nous croyons également qu'on ne devrait pas exiger une lettre d'un
professionnel de la santé pour une personne qui désire changer sa mention de sexe
une deuxième fois, comme c'est le cas actuellement.
En effet, dans les dernières années,
plusieurs personnes non binaires, y compris moi-même, ont changé leur mention
de sexe pour féminin ou masculin, car c'étaient les seules options qui étaient
disponibles. Depuis l'annonce du projet de loi, on a également vu beaucoup de
personnes non binaires déposer une demande de changement de mention de sexe,
car elles avaient peur d'être prises pour toujours avec une mention de sexe qui
leur a été assignée à la naissance. Donc, nous devrions avoir le droit de
changer notre mention de sexe sans avoir à fournir de pièces justificatives
supplémentaires qui ajoutent un coût et des délais importants à nos démarches.
Je conclus en résumant les revendications
communes de nos deux organismes. Ces modifications sont le strict minimum pour
que le projet de loi ne soit pas discriminatoire envers les personnes trans et
non binaires. Donc, il s'agit du retrait de toute exigence médicale pour
changer de mention de sexe, le retrait de l'ajout d'une mention de genre, le
retrait de la mention de changement apporté à l'acte de naissance, le libre
choix de la mention parentale sans égard à la mention de sexe, la possibilité
de retirer la mention de sexe de nos pièces d'identité, le retrait de l'exigence
d'une lettre de professionnel pour un deuxième changement de mention de sexe et
le retrait des coûts exigés pour la présentation d'une demande de changement de
nom ou de changement de mention de sexe.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup de votre présentation. Donc, nous allons
débuter la période d'échanges. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci. Merci, M. le Président. Séré Beauchesne Lévesque, Daphne Barile, bonjour.
Merci de venir témoigner à la commission parlementaire. Je suis heureux que
vous ayez accepté l'invitation puis je pense que vous livrez un témoignage
important, parce que l'un des objectifs avec le projet de loi, c'est vraiment
de faire en sorte, un, de répondre au jugement de la Cour supérieure, du juge
Moore, d'adapter le résultat du jugement, de moderniser nos lois et de vraiment
s'assurer de faire en sorte que les personnes non binaires, les personnes trans
s'y retrouvent dans notre corpus législatif.
Pour ce qui est du jugement, on ne peut
pas parler sur le fond du dossier comme tel parce que, bon, il y a des
procédures en appel sur un élément, puis, dans le fond, on va laisser la cour
pour la suite, mais je veux qu'on parle du reste, parce que, là, je cherche
puis le gouvernement cherche à trouver une voie de passage qui va permettre de
satisfaire, dans le fond, les membres des communautés puis surtout de trouver
une solution consensuelle, mais qui est aussi inclusive. Alors, j'ai déjà
annoncé qu'on allait revoir les dispositions relativement à l'obligation de
subir l'opération pour changer le sexe. Même chose également pour la notion de «coming
out» forcé. Puis, je l'ai dit d'entrée de jeu aussi, je n'ai pas déposé les
amendements avant de commencer la commission parce que je souhaitais entendre
tous les témoignages, puis on a consulté aussi, mais je voulais qu'on passe
cette étape-là pour vraiment bien saisir ce que les différents groupes
souhaitaient, où ils étaient situés, tout ça. Je vous dirais que ce n'est pas
si simple de trouver la voie de passage. Je vous entends bien sur ce que vous
souhaitez. Il y a un équilibre à avoir aussi dans la construction, dans le
fond, des dispositions.
Tout à l'heure, vous avez dit, bon, la
question du genre versus le sexe. Dans le fond, j'entends bien que vous
souhaitez faire en sorte qu'on puisse avoir une troisième voie, donc, notamment
sur l'identification, pour faire en sorte que la personne choisisse de...
féminin, masculin ou autre pour non binaire, mais même, je vous ai entendu dire
tout à l'heure, vous souhaiteriez même qu'il n'y ait pas de mention, une
possibilité qu'il n'y ait pas de mention.
Beauchesne Lévesque (Séré) : Bien,
en fait, ça serait... en fait, ce qu'on veut, c'est la possibilité de pouvoir,
pour une personne individuelle, retirer sa mention, si elle ne veut pas qu'une
mention apparaisse sur sa pièce d'identité, dans le fond.
M. Jolin-Barrette : Donc,
vous, vous dites : On voudrait qu'il ne soit rien <écrit...
M. Jolin-Barrette :
...vous,
vous dites : On voudrait qu'il ne soit rien >écrit.
Beauchesne Lévesque (Séré) :
Oui, exactement.
M. Jolin-Barrette : O.K. Il y
a cette option-là. L'autre option, exemple, sur le passeport canadien, sur le
passeport canadien, ce qu'ils font, c'est au niveau du sexe, puis là, dans le
fond, on entend le sexe non pas en fonction des organes génitaux, mais en
fonction de l'identification. Donc, c'est comme si on venait assimiler le genre
à la notion de sexe...
Beauchesne Lévesque (Séré) :
C'est déjà le cas depuis 2016... 2015.
M. Jolin-Barrette : C'est ça.
Mais ça, avec cette possibilité-là, exemple, sur le passeport canadien, vous
avez masculin, féminin ou X. Ça, qu'est ce que vous pensez de ça?
Beauchesne Lévesque (Séré) : Bien,
moi, je crois que, premièrement, sur les certificats de naissance, il n'est pas
écrit M ou F, il est écrit masculin ou féminin. Donc, dans ce cas là, il
devrait aussi être écrit non binaire sur le certificat de naissance. Donc, l'option
devrait être de pouvoir choisir féminin, masculin ou non binaire parce que, X,
ça ne correspond pas aux deux autres désignations parce que ce sont des mots et
non pas des lettres. Et l'identité de genre, c'est non binaire. Ce n'est pas X,
ou indéterminé, ou quoi que ce soit, c'est non binaire. Donc, sur ça...
M. Jolin-Barrette : Donc,
pour vous, c'est important de le nommer.
Beauchesne Lévesque (Séré) : De
nommer. De nommer la chose. Parce qu'on n'est pas des «autres», on n'est pas...
Il n'y a pas les personnes normales qui ont un genre, les femmes et les hommes,
et les autres. On a un genre. Notre genre est non binaire. Donc, ça, c'est
important que ce soit écrit comme tel.
Puis ensuite, pour la lettre qui va
apparaître sur la pièce d'identité en tant que telle, ça peut être X, ça
pourrait être N pour non binaire. Ça, on comprend que, là, à ce moment-là, c'est
une lettre. Donc, oui, ce serait ça, l'option, et ce serait une mention de sexe
de la même façon que les personnes trans... les femmes trans et les hommes
trans ont accès à un changement de mention de sexe qui est M ou F, bien, dans
ce cas-là, les personnes non binaires auraient accès à une mention de sexe non
binaire, ce qui ne ferait pas une distinction entre les personnes qui sont
binaires et les personnes qui sont non binaires.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Parce que ce que vous dites, c'est beaucoup le processus identificatoire aux
yeux des tiers aussi. C'est entre autres ça qui est en jeu.
Beauchesne Lévesque (Séré) :
Oui. Bien, en fait, c'est d'avoir, puis tu me corrigeras, Daphne, c'est d'avoir
une pièce d'identité qui correspond à notre identité. Parce qu'en ce moment,
moi, j'ai fait un changement de mention de sexe, j'ai un M sur mes papiers d'identité.
Est-ce que ça correspond à mon identité? Mieux que F, mais ce n'est pas... Je
ne suis pas un homme, donc j'aimerais pouvoir avoir une pièce d'identité qui
correspond à mon genre de la même façon que tout le monde peut en avoir. Mais
après ça, effectivement, il faut se poser la question : Est-ce que la
mention de sexe sert à quelque chose? Ça, c'est comme un autre débat.
M. Jolin-Barrette : O.K. Mais,
dans ce cas-là, exemple, comme vous, là, parce que vous donnez votre exemple,
vous, qu'est-ce qui serait adapté, supposons, à votre volonté?
Beauchesne Lévesque (Séré) :
Bien, ça serait de pouvoir choisir la mention «non binaire».
M. Jolin-Barrette : C'est ça,
donc, de rajouter la mention non binaire, ce qu'on souhaite faire par ailleurs
dans le cadre du projet de loi.
Beauchesne Lévesque (Séré) : Oui,
mais vous le faites d'une façon qui ne légitimise pas les identités non binaires
au même titre que les autres identités de genre. Parce que, là, on aurait les sexes,
donc féminin et masculin, puis on aurait les identités de genre féminin,
masculin, non binaire. Mais, comme on a vu, l'identité de genre, le sexe sur les
pièces d'identité, on confond cela. Donc, on aimerait ça, pouvoir simplement
avoir une mention de sexe non binaire.
M. Jolin-Barrette : C'est ça.
Donc, vous souhaitez, dans le fond, qu'on assimile la notion d'identité de
genre au sexe.
Beauchesne Lévesque (Séré) : Exactement.
M. Jolin-Barrette : À l'identification
sexuelle, donc qu'il n'y ait pas... puis là je vais revenir à ce que je disais
au début, qu'il n'y ait pas l'équivalent, parce que ça a été les critiques,
puis ça a été perçu comme ça, le fait que ça soit l'équivalent d'un «coming out»
forcé, parce que ça a été perçu comme ça. Parce que vous dites : Si, dans
le fond, là, tel que c'est rédigé présentement, là, si, dans le fond, je suis
non binaire, dans le fond, moi, je vais prendre la voie d'identité de genre.
Puis là, ce que ça ferait, puis vous me direz, là, si le raisonnement est
approprié, là, ce que ça ferait, bien, ça va indiquer, supposons que c'est X,
là, ça va indiquer que je suis une personne non binaire parce qu'il va être
indiqué «identité de genre» sur...
Beauchesne Lévesque (Séré) :
Bien, ce n'est pas ça, la question, parce que, de toute façon, on va savoir que
je suis non binaire, peu importe si c'est via la mention de sexe ou la mention
de genre. Donc, ça, ce n'est pas vraiment ça, la question. La question, c'est
plus de dire : Pourquoi est-ce que les personnes, les hommes trans et les
femmes trans ont accès à un changement de mention de sexe et moi, je n'y ai pas
accès parce qu'il n'y a pas une option qui représente?
Puis je vous ai expliqué... je veux dire,
moi, je viens ici, à l'Assemblée nationale, puis je parle de mes organes
génitaux parce qu'il faut que j'explique le fait que... bien, il y a des
personnes qui choisissent d'avoir un pénis et un vagin. Puis pourquoi moi, je
ne peux pas obtenir une mention de sexe qui reflète ça?
• (20 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Oui, oui,
je vous suis. Là, vous me dites... On parle du sexe. Parlons du sexe après. Parlons
de l'identité de genre. Sur la question de l'identité de genre, ça serait
possible aussi que certaines personnes ne veulent pas s'identifier par le sexe,
mais également par l'identité de <genre...
M. Jolin-Barrette :
...mais
également par l'identité de >genre. Donc, nonobstant, là... Enlevez la
question...
Beauchesne Lévesque (Séré) : Bien,
en retirant...
M. Jolin-Barrette : Enlevez
la question de l'opération, là, puis tout ça, là.
Beauchesne Lévesque (Séré) : Oui.
Mais justement, vu qu'on... c'est ça que j'allais à dire, vu qu'on retire l'obligation...
Vous avez dit que vous allez retirer l'obligation de chirurgie.
M. Jolin-Barrette : C'est ça.
Ça ne sera plus un enjeu.
Beauchesne Lévesque (Séré) : Donc,
ça veut dire que les hommes trans et les femmes trans vont pouvoir changer de
mention de sexe de M à F ou de F à M, pas de problème. Ça, c'est super. C'est
ça qu'on veut. Mais on veut que...
M. Jolin-Barrette : Mais vous
voulez qu'on rajoute, pour le sexe, un X pour non binaire.
Beauchesne Lévesque (Séré) : ...sexe
non binaire puis qu'on retire la question d'identité de genre parce que ce n'est
pas utile d'avoir ces deux catégories-là. On veut une seule catégorie où est-ce
que toutes les mentions sont traitées équitablement. Donc, il n'y aura pas des
personnes qui ont une mention de genre, des personnes qui ont une mention de
sexe. Tout le monde aura une mention de sexe avec les trois possibilités, d'être
un homme, une femme ou une personne non binaire au sein de la même mention de
sexe.
M. Jolin-Barrette : Un peu
comme l'a fait la Nouvelle-Écosse, où ils ont fait ça puis ils ont assimilé,
dans le fond, l'identité de genre à la notion de sexe. Mais, dans le fond, sur
les documents de l'État civil, supposons, de Nouvelle-Écosse, ce qui arrive, c'est
qu'il y a uniquement la rubrique sexe, et là les personnes peuvent choisir,
bien, F, M ou X. C'est un peu ça.
Beauchesne Lévesque (Séré) : Pareil
comme c'est en Ontario, en Colombie-Britannique aussi, la mention X est
assimilée à la mention de sexe, puis il n'y a pas une catégorie différente. Je
ne sais pas si Daphne a quelque chose à ajouter là-dessus?
Mme Barile (Daphne) : Oui. C'est
peut-être plus clair si je dis comme ça : On veut que le gouvernement n'est
pas concerné avec les organes génitaux des personnes trans. On veut que les
changements du sexe... La raison pour laquelle on cherche un changement de
sexe, c'est pour éviter une situation où quelqu'un voit une carte d'identité, et
on dit : Oh! c'est une personne trans devant moi. Alors, c'est pour ça qu'on
dit : C'est impossible... On veut une possibilité de n'avoir pas une
marque de sexe, parce que ça serait génial pour les personnes trans de n'avoir
pas cet enjeu sur leur carte d'identité du tout. Mais, si on conserve un
marqueur de sexe, ce qui est important, c'est que, c'est très facile à changer
la mention de sexe pour que, selon la situation de chaque personne, on peut
choisir le marqueur de sexe qui va mener à une situation sécuritaire pour eux.
Et c'est différent pour chaque personne
trans. Pour certaines personnes trans, c'est vraiment, vraiment dangereux d'être
exposé comme trans chaque jour. Pour des autres, c'est important d'avoir une
carte d'identité qui reflète leur identité, mais c'est... Ce qui est important
pour toutes les personnes trans, c'est de n'avoir pas une exigence médicale ou
chirurgicale qui va identifier les personnes qui tiennent leur carte d'identité
comme personne trans.
M. Jolin-Barrette : Mais, ça,
je peux vous rassurer tout de suite, puis je l'ai dit puis je le redis, il n'y
aura pas ces exigences-là.
Juste une question sur... Tout à l'heure, Séré
Beauchesne Lévesque, vous avez dit : La possibilité de changer plusieurs
fois. Est-ce que ça arrive fréquemment, justement, qu'une personne trans décide
de changer son identité de... bien, son identification de sexe dans la formule
actuelle, là, pas dans la formule du projet loi, là, mais de passer de masculin
à féminin, féminin, masculin?
Beauchesne Lévesque (Séré) : Bien,
ça n'arrive vraiment pas souvent. Ça arrive parfois. Mais notre préoccupation,
c'est vraiment qu'avec l'ajout d'une troisième mention, là, bien, il y a plein
de personnes qui vont vouloir faire un deuxième changement parce qu'il n'y
avait pas la possibilité auparavant. Puis je vous dirais que le problème va
rester le même, même dans plusieurs années, parce que...
M. Jolin-Barrette : Juste une
question. Quand vous dites : Il n'y avait pas la possibilité parce que...
à cause des enjeux administratifs...
Beauchesne Lévesque (Séré) : Non,
parce qu'il n'y avait pas de mention «non binaire».
M. Jolin-Barrette : Oui, oui,
oui. O.K. Oui.
Beauchesne Lévesque (Séré) : Donc,
par exemple, moi, j'ai changé masculin et, là, je voudrais rechanger «non
binaire».
Puis je vous dirais que même des gens qui
n'ont pas changé avant, mettons... Disons qu'on est en 2025. Le projet de loi a
été adopté. Il y a trois mentions de sexe. O.K.? Ça se pourrait qu'une personne,
en 2024, ait changé de féminin à <masculin...
Beauchesne Lévesque (Séré) :
...ait
changé de féminin à >masculin parce que ce n'était pas sécuritaire pour
elle, à ce moment-là, d'avoir une pièce d'identité qui la désigne comme
personne non binaire pour plusieurs raisons, que ça soit pour l'accès au
logement, que ce soit à cause d'une situation familiale, et, une fois que cette
personne-là va être dans une situation plus sécuritaire, veut décider de
changer sa mention de sexe une deuxième fois pour que ça reflète réellement son
identité, ou le contraire, qu'une personne le fasse et puis après ça se trouve
dans une situation qui n'est pas nécessairement sécuritaire ou se rend compte
que son identité de genre n'était pas celle qu'elle a pensée et veuille faire
un deuxième changement. Puis ça, ça ne sera pas un cas qui va être fréquent.
Mais c'est important qu'il n'y ait pas d'obstacles pour ces personnes-là
supplémentaires, ce qui existe déjà comme obstacles pour changer de mention de
sexe.
M. Jolin-Barrette : O.K. Je
comprends très bien. Un grand merci pour votre témoignage ce soir. C'est fort
apprécié. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. On continue avec M. le
député de Saint-Jean, s'il vous plaît.
M. Lemieux : Pour combien de
temps, s'il vous plaît?
Le Président (M.
Bachand) :2 min 30 s. Questions-réponses.
M. Lemieux : Eh mon Dieu! Je
voulais laisser un peu de temps à la députée de Mirabel, alors je vais poser
une question très rapide qui va nous sortir de la moitié du projet de loi dans
laquelle on est pour aller dans la loi... la partie de la loi sur la famille.
Vous y avez fait allusion, mais je veux être certain que j'ai bien compris.
Dans le projet de loi, ça dit qu'on peut désigner la mère, le père ou le
parent. Ça, ça vous convient, ça?
Beauchesne Lévesque (Séré) : Oui,
mais c'est juste qu'on veut que le choix ne soit pas en fonction... on ne veut
pas que ça soit automatique en fonction de la mention de sexe. On veut qu'une
personne puisse choisir la désignation qu'il convient. C'est tout.
M. Lemieux : Oui, oui. C'est
ce que moi, je comprends de ce qu'il y a dans le projet de loi par rapport à la
dimension loi de la famille.
Beauchesne Lévesque (Séré) : Bien,
en fait, dans le projet de loi, c'est seulement quelqu'un qui a changé de
mention d'identité de genre qui peut avoir la mention «parent», par exemple.
M. Lemieux : Oui, mais le
principe, je veux dire...
Beauchesne Lévesque (Séré) : Oui,
le principe, ça marche.
M. Lemieux : C'est beau. Parfait.
M. le Président, je vais céder le temps qu'il me reste à la députée de Mirabel.
Le Président (M.
Bachand) :1 min 40 s, Mme la
députée de Mirabel.
Mme D'Amours : Merci.
Bien, je vais y aller en rafale. Merci beaucoup d'être là ce soir. Vous parliez
de personnes qui sont plus marginalisées au Québec. Pouvez-vous nous dire
combien de personnes on parle?
Mme Barile (Daphne) : Combien
de personnes? On travaille, chez ASTTEQ, avec, genre, 1 000, 1 500
personnes. Mais je ne sais pas si c'est le tout parce que nous sommes... une
organisation.
Beauchesne Lévesque (Séré) : Je
vous dirais que, pour nous, de notre côté, presque toutes les personnes trans
qui viennent à nos organismes sont dans une situation marginalisée, n'ont pas d'emploi,
ont perdu leur appui familial. Donc, c'est pour ça que c'est important de
réduire les barrières au minimum.
Mme D'Amours : Et ma
dernière question, je vais y aller vite, vite, l'acte de naissance. Tantôt,
vous avez parlé de l'acte de naissance. Est-ce que j'ai bien compris que vous
aimeriez que non seulement il y aurait masculin et féminin puis qu'il y aurait
non binaire? C'est qu'on serait en train de décider pour l'enfant qui peut-être,
un jour, voudrait, lui, soit garder le sexe masculin ou féminin, puis là on va
le mettre non binaire? Est-ce que j'ai bien compris votre proposition?
Beauchesne Lévesque (Séré) : Non,
ça ne concerne pas l'assignation d'un sexe à la naissance. Idéalement, on n'assignerait
pas de sexe. Mais là on est dans autre chose. S'il continue à y avoir une
assignation de sexe, l'assignation va continuer de se faire, féminin ou
masculin, comme ça se fait en ce moment, mais on pourra changer de mention de
sexe pour non binaire plus tard.
Le Président (M.
Bachand) :Parfait. Merci beaucoup. Mme la
députée de Westmount—Saint-Louis, s'il vous plaît.
Mme Maccarone : Merci, M. le
Président. Bonsoir, Séré. Bonsoir, Daphne. Un plaisir de vous avoir avec nous
ce soir. Votre présentation est très attendue. D'emblée, je veux commencer,
bien, en disant que les conclusions du jugement du juge Moore sont très claires.
Les personnes trans méritent le respect de leur identité de genre et ne
devraient pas être traitées différemment des personnes qui ne sont pas trans.
Comme l'explique le juge Moore, je vais juste le citer : «Un registre de l'état
civil qui ne reconnaît pas l'identité de genre des personnes transgenres ou non
binaires ou qui limite leur capacité à modifier la mention du sexe sur leur
acte de l'état civil pour refléter leur vraie identité les prive de leur droit
à la dignité et à l'égalité.» Je pense que vous avez partagé ça et je vous
félicite parce que je sais que c'est une bataille que vous menez.
Puis je veux parler un peu des obstacles,
parce que, déjà, vous faites face à plusieurs obstacles. Là, vous faites face à
un autre obstacle. Parlez-en un peu, des obstacles, pour que les gens qui nous
écoutent comprend c'est quoi, la bataille. Parce qu'une transition, je ne suis
pas une personne trans, ça fait que je ne parle pas d'expérience, mais ce n'est
pas linéaire. Ça fait que parlez-nous un peu de ça pour qu'on comprend vraiment
ce que vous êtes en train de vivre.
• (20 h 50) •
Beauchesne Lévesque (Séré) : Exactement.
Les démarches de transition, ils n'ont pas d'ordre. Il n'y a pas... Ce n'est
pas linéaire. Parfois, je rencontre des personnes que la première chose qu'ils
veulent faire, c'est changer leur mention de sexe; des fois, c'est la dernière
chose. C'est vraiment en fonction du parcours d'une personne.
Puis moi, en 2019, j'ai rédigé un guide de
transition légale parce que c'était... les gens trouvaient ça tellement
compliqué. Moi, je passais ma vie à expliquer aux gens comment changer leur nom
et leur mention de sexe légalement, parce que... la question remplir les
formulaires, trouver les bons formulaires, la question de se <faire...
Beauchesne Lévesque (Séré) :
...les
bons formulaires, la question de se >faire assermenter aussi, la
question d'avoir un témoin qui nous connaît depuis au moins un an, alors que...
qui affirme que notre démarche est sérieuse, alors que beaucoup de personnes
trans, en faisant leur «coming out», perdent tout leur réseau. Donc, parfois,
certaines personnes n'ont pas une personne qui les connaît depuis au moins un
an pour témoigner que leur démarche est sérieuse. Puis aussi, comment on
peut... comment une autre personne peut témoigner qu'une démarche est sérieuse,
ça aussi, c'est quelque chose qu'on ne comprend pas, la nécessité de ce
témoin-là. Donc, ça, c'est un obstacle qui peut être dur à surmonter.
Pour les jeunes, les jeunes qui doivent
avoir une lettre d'un médecin aussi, c'est incroyablement difficile. À
Montréal, c'est déjà difficile. Nous, on travaille en région. À Cowansville, à
Coaticook, trouver un travailleur social, un médecin, un psychologue qui va
être capable de rédiger une lettre comme ça, c'est presque impossible pour un
jeune de moins de 18 ans. Donc, nous, on se retrouve à devoir trouver des
professionnels pour ces personnes-là, à payer ces professionnels pour ces
personnes-là parce que, dans le système public, oubliez ça, ce n'est pas
possible, donc c'est seulement au privé.
Puis donc, par rapport aux coûts
également, là, en tant que tel, le 144 $ plus le 20 $... 60 $ pour
commander le nouveau certificat de naissance, pour changer les pièces d'identité,
aller reprendre des photos, tout ça, moi, pour changer mon nom puis tous mes
documents au complet, ça m'a coûté à peu près 800 $. J'avais 19 ans. Je n'avais
pas cet argent-là. C'est mes parents qui ont payé, parce que j'ai la chance d'avoir
des parents qui m'ont soutenu. Si ça n'avait pas été le cas, je n'aurais pas pu
changer ma mention de sexe même si je répondais à tous les critères.
Mme Barile (Daphne) : Oui, je
voudrais ajouter quelques obstacles qui se passent beaucoup chez nous, à ASTTEQ.
Comme j'ai dit déjà, les frais sont énormes pour les situations d'itinérance.
Tous frais administratifs est un obstacle qu'on ne peut pas accéder au
changement de la... un changement de mention de sexe.
Aussi, pour les personnes immigrantes, la
nécessité d'avoir un certificat de naissance traduit en anglais ou en français,
c'est quelque chose d'autre qui a des frais, que certaines personnes n'ont pas
un certificat de naissance avec eux. Il faut retourner parfois au lieu de la
naissance. Et, si on est un réfugié, ça risque son statut de réfugié de faire
ça.
Aussi, il y a un manque d'information
juridique qui est très grave. Il faut beaucoup du monde. Et alors c'est
quelques obstacles, mais aussi il y a... pour beaucoup, beaucoup de monde dans
une situation précaire de logement précaire, quand, les documents
administratifs, il faut répondre aux lettres envoyées à leur logement, ça
risque d'être manqué.
Alors, je dis ça juste pour dire que
toutes les barrières, comme une lettre d'un médecin à une exigence médicale, ça
va ajouter à tout ça pour que ça devient quelque chose insurmontable.
Mme Maccarone : Daphne, dans
vos remarques préliminaires, vous avez mentionné que vous avez encore beaucoup
plus de gens qui viennent maintenant pour demander comment faire un changement
de sexe, parce qu'il craint d'une adoption d'un projet de loi qui, dans son
état actuel... discriminatoire envers les personnes trans. Alors, explique-nous,
si, mettons, c'était adopté dans son format actuel, dans le libellé actuel, ce
serait quoi, l'impact sur la communauté.
Mme Barile (Daphne) : Si ce
projet de loi est adopté avec une distinction entre le genre et le sexe, beaucoup
de nos participants vont être discriminés tout le temps parce que, quand on
est... l'expérience du profilage racial, c'est... la discrimination avec les
cartes d'identité devient quelque chose beaucoup plus grand. Alors, si on a
quelque chose sur une carte d'identité qui dit «identité de genre» et non <pas...
Mme Barile (Daphne) :
...si on a quelque chose sur une carte d'identité qui dit «identité de genre»
et non >pas «sexe», ça va être une marque que quelqu'un est trans, et
beaucoup, beaucoup du monde craint que ça va être... devenir une barrière à l'emploi,
une barrière aux logements parce que beaucoup de nos participants sont...
expérimentent la discrimination par les propriétaires et par les employeurs.
Mme Maccarone : Vous avez
mentionné aussi, dans vos remarques, que c'est très important de travailler sur
la sensibilisation. Parlez-nous de qu'est-ce qui est le plus important que les
gens comprennent en ce qui concerne la réalité des personnes trans.
Beauchesne Lévesque (Séré) :
C'est que ce n'est pas une réalité, c'est des réalités. On a des vécus
extrêmement différents d'une personne à l'autre, et il faut, dans ce type de
projet de loi, respecter la diversité des parcours, la diversité des
expériences, la diversité des défis auxquels on peut être confrontés quand on
est une personne trans ou non binaire. Donc, c'est...
Puis, moi, c'est l'enjeu principal, je
suis responsable des formations à TransEstrie, puis c'est l'enjeu principal sur
lequel on doit passer du temps en formation, c'est de dire : Il n'existe
pas un parcours trans, il existe beaucoup de parcours trans, et il faut
respecter la diversité de ces parcours-là, qui ne sont pas linéaires, qui ne
sont pas prévisibles, qui peuvent peut-être des fois confondre ou surprendre les
gens, mais c'est juste de respecter cette diversité de parcours là.
Mme Maccarone : Vous avez
terminé votre présentation en disant : Nos recommandations sont le strict
minimum pour que le projet de loi ne soit pas discriminatoire. Alors, je vous
pose la question : Qu'est ce que nous devrions faire pour que ce projet de
loi soit réellement inclusif? Et quelles seraient vos principales
recommandations?
Beauchesne Lévesque (Séré) :
Bien, je crois qu'il faut juste faciliter vraiment à la base le processus, donc
de diminuer les délais de traitement. Ça peut prendre six mois à un an, changer
une mention de sexe. Moi, j'ai dû rentrer à l'université avec mon ancienne
identité parce que les papiers n'étaient pas prêts à temps, et puis ça m'a
causé vraiment beaucoup de stress, beaucoup d'anxiété, beaucoup de souffrance.
Donc, de diminuer les délais, de faciliter le changement de nom aussi pour les
personnes qui ne changent pas de mention de sexe, parce que certaines personnes
non binaires ne veulent pas avoir une mention «non binaire» mais veulent quand
même changer leur nom, et actuellement ces personnes-là doivent fournir une
lettre d'un psychologue ou d'un travailleur social qui prouve que ce
changement-là est nécessaire. Donc, ce changement-là devrait être facilité
également pour les personnes qui ne veulent pas changer de mention de sexe.
Et puis l'exigence d'un témoin qui connaît
la personne depuis au moins un an aussi, c'est, en un sens, absurde parce que
personne ne peut vraiment témoigner qu'une démarche est sérieuse ou non à part
la personne qui présente la demande. Et puis ce n'est pas... ce n'est pas
quelque chose qui est utile ou nécessaire et qui... Dans le fond, ça ne sert
pas à quoi que ce soit. Donc, de retirer cela, ça serait vraiment aidant pour
les personnes trans qui ont perdu tout leur réseau après un «coming-out».
Je pense que, comme ça a été mentionné
dans d'autres témoignages, il faut réfléchir à la pertinence du marqueur de
genre en tant que tel. Je veux dire, moi, souvent... comme je l'ai dit tantôt,
j'ai un marqueur de genre M, puis je me fais arrêter à la SAQ, n'importe où, en
fait, maintenant, à cause du passeport vaccinal.
Mme Maccarone : COVID. C'est COVID.
Exact.
Beauchesne Lévesque (Séré) : Puis
souvent la personne prend mon permis de conduire, me regarde et dit : O.K.,
c'est beau, Mme. Puis je suis comme : Le M, ce n'est pas pour Mme, là.
Ça fait que, tu sais, je me pose la
question : Est-ce que c'est quelque chose qui est nécessaire, étant donné
que, la majorité du temps, les gens ne remarquent même pas cette mention de
sexe là sur mon permis de conduire? J'ai peur, moi aussi, quand je me fais
appeler Mme. Puis après ça je me dis, bien, peut-être que la personne va
«double take», puis voir que j'ai un M, puis là changer de comportement.
L'autre fois, je me suis fait remorquer. C'était
la nuit. On arrive au garage, le remorqueur me dit : Est-ce que je peux
voir ta pièce d'identité pour compléter le formulaire? Puis, depuis le début,
il m'appelait Mme. J'étais habillé en rose, j'étais très féminin, tout ça. J'ai
eu peur. C'est la nuit. Je ne connais pas cette personne-là. On est dans un
garage désert. Je montre une pièce d'identité avec une mention de sexe qui ne
correspond pas à la façon dont je me présente. Qu'est-ce qui va m'arriver? En
fait, je lui ai donné sa carte, je me suis sauvé. J'ai dit : O.K., oui, il
faut que j'aille retirer de l'argent pour vous payer. Je me suis sauvé parce
que je me suis dit : Je ne sais pas qu'est-ce qui va arriver, tu sais. Ça
fait que je suis parti. J'ai retiré mon argent. Je lui ai donné le temps de
peut-être avoir sa réaction tout seul. Puis après ça, ça a été correct, mais j'ai
eu peur. Puis, cette peur-là, je dois vivre avec tout le temps.
Puis c'est la même chose pour les
personnes qui ne peuvent pas changer leur mention de sexe. C'est la même chose
pour les personnes qui sont encore plus marginalisées que moi et qui se
trouvent dans une situation précaire encore plus souvent que moi, qui fait remorquer
ma voiture une fois dans l'année, tu sais.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, s'il vous plaît.
• (21 heures) •
Mme Massé : Oui, merci, M. le
Président. Bonsoir, Daphne. Bonsoir, Séré...
21 h (version révisée)
Beauchesne Lévesque (Séré) :
...pour compléter le formulaire? Puis depuis le début il m'appelait madame,
j'étais habillé en rose, j'étais très féminin, tout ça, ça fait que j'ai eu
peur. C'est la nuit, je ne connais pas cette personne-là, on est dans un garage
désert. Je montre une pièce d'identité avec une mention de sexe qui ne
correspond pas à la façon dont je me présente. Qu'est-ce qui va m'arriver? En
fait, je lui ai donné sa carte puis je me suis sauvé, j'ai dit : O.K.,
oui, il faut que j'aille retirer de l'argent pour vous payer. Je me suis sauvé
parce que je me suis dit : Je ne sais pas qu'est-ce qui va arriver, tu
sais. Ça fait que je suis parti, j'ai retiré mon argent, je lui ai donné le
temps de peut-être avoir sa réaction tout seul, puis après ça, ça a été
correct, mais j'ai eu peur. Puis cette peur-là, je dois vivre avec tout le
temps. Puis c'est la même chose pour les personnes qui ne peuvent pas changer
leur mention de sexe. C'est la même chose pour les personnes qui sont encore
plus marginalisées que moi et qui se trouvent dans des situations précaires
encore plus souvent que moi, qui fait remorquer ma voiture une fois dans
l'année, tu sais.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, s'il vous plaît.
Mme Massé : Oui, merci, M. le
Président. Bonsoir, Daphne. Bonsoir, Séré. Parlons-en, de la nécessité de
marqueurs de genre sur nos papiers sociaux. Puis là tu viens de parler de ton
permis de conduire, mais on peut parler du code permanent, on peut parler de la
RAMQ, on peut parler... Bon. Plus tôt, aujourd'hui, la Commission des droits de
la personne évoquait l'idée que ce n'était peut-être pas nécessaire. J'aimerais
ça vous entendre... Bien, je pense, je t'ai un peu entendu, Séré. Je ne sais
pas si, Daphne, tu pouvais ajouter là-dessus. Qu'est-ce que vous pensez de
cette idée?
Mme Barile (Daphne) : Je
crois que ce n'est pas... Il n'y a pas aucune nécessité pour le gouvernement de
régler le sexe ou le genre des personnes au Québec. Je ne vois pas la raison
pourquoi. Et je vois tout le temps à mon travail comme ça devient un obstacle
énorme dans la transition des personnes trans marginalisées. Si on conserve un
marqueur de sexe, ce qu'il faut, c'est que c'est le plus facile que possible de
changer ce marqueur sans justificatif. Mais si... Mais c'est encore mieux si on
l'abolit parce que, si on l'abolit, il n'y a pas de démarche pour éviter la
discrimination. On peut seulement changer le nom, si on veut changer le nom, et
vivre sa vie sans craindre que la personne devant toi va lire la carte d'identité
et voir quelque chose différent que la personne devant lui. Alors, si on est
une personne trans et on veut changer l'apparence, la manière avec laquelle on
est dans le monde, on est déjà dans une situation de crise parce qu'on a cette
carte d'identité qui dit quelque chose d'autre. Mais, si on n'a pas un marqueur
de sexe, ce n'est pas un problème. Alors, c'est quelque chose que veulent
beaucoup de personnes trans pour cette raison-là.
Mme Massé : Oui, merci. En
fait, je trouve ça intéressant parce que, dans le projet de loi, ce n'est pas
ça, hein? On vient consolider cette idée que d'exposer notre genre, notre sexe,
parce que c'est comme ça qu'on le dit au Québec, c'est comme ça la norme.
Alors, moi, je suis contente que vous abordiez cette question-là. Et moi qui
est genrée depuis la naissance, et je me reconnais dans mon sexe assigné, je ne
haïrais pas ça, moi non plus, de voir disparaître les marqueurs de genre sur
mes papiers sociaux, mais, bien sûr, sur l'état civil, c'est normal qu'on
garde, incluant les non binaires, une... qu'on puisse suivre l'évolution de la
population québécoise à travers l'état civil.
Beauchesne Lévesque (Séré) :
Mais, tu sais, je dirais, avant, il y avait la religion sur les papiers, maintenant,
il ne l'a plus, puis on est capable de suivre quand même la religion des gens,
si on en a besoin.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette, s'il
vous plaît.
Mme Hivon : Oui, merci. Merci
à vous deux. C'est une réflexion vraiment intéressante, à savoir à quoi ça sert
encore. Donc, je pense qu'il ne faut pas faire complètement l'économie de ça
parce que, tant qu'à se poser toutes ces questions-là, posons-nous le
fondamental aussi. Donc, je comprends que vous, votre idéal, là, ce serait ça,
ce serait qu'il n'y en ait pas du tout. Entre ça ou choisir qu'il y en ait ou
pas, vous diriez : Tant qu'à faire, on l'enlève comme référence.
Beauchesne Lévesque (Séré) :
Oui. Tu sais, je dirais que ça peut être utile pour certaines personnes pour
légitimer leur identité, de dire : Voyez, je suis une femme, c'est
légitimé par le gouvernement. Ça fait que ça, c'est quelque chose qui peut être
utile pour certaines personnes trans, mais, d'un autre côté, si personne n'a la
mention sur ses cartes d'identité, ça ne devient plus quelque chose... un
référent auquel on consulte, donc ça devient un peu caduc. Donc, oui, je crois
que le retrait répondrait aux besoins d'une situation qui évolue constamment.
Parce que, si on se dit : Oui, il y a une mention non binaire, mais c'est
parce que les personnes non binaires, ce n'est pas un genre, c'est plusieurs
genres. Donc, après ça, on se dit : O.K., mais moi, je ne suis pas
représenté par non binaire, c'est agenre, c'est autre, c'est telle affaire. Ça
fait que là on se ramène tout le temps à rajouter des catégories pour quelque
chose qu'on n'a pas besoin d'avoir. Ça fait que, oui, effectivement, l'enlever
à la base, c'est peut-être la solution la plus simple pour le gouvernement à
long terme.
Mme Hivon : O.K. Puis tantôt
vous avez dit quelque chose d'intéressant, vous avez dit, en fait, en précision
à une question qui a été posée : On pourrait l'avoir, choisir M, F, non
binaire, ou carrément de ne pas l'avoir, d'avoir ce choix-là. En même temps, est-ce
que vous pensez que le choix de ne pas l'avoir serait majoritairement exercé
par des personnes non binaires? Et est-ce que ça reviendrait un peu à les <identifier
par la bande...
Mme Hivon :
...serait
majoritairement exercé par des personnes non binaires? Et est-ce que ça
reviendrait un peu à les >identifier par la bande, c'est une question
que je me posais tantôt, ou vous dites : Non, on ne voit pas cet enjeu-là?
Beauchesne Lévesque (Séré) :
Oui, mais je connais des personnes cisgenres qui voudraient retirer la mention
parce qu'ils ne comprennent pas c'est quoi, l'importance.
Mme Hivon : Vous ne voyez
pas, c'est ça, vous ne voyez pas d'enjeu là.
Mme Barile (Daphne) : Pour
nos participants, c'est encore mieux s'il n'y a pas de choix, si tout le monde
n'ont pas de marqueur de sexe parce qu'on craint... Ce qu'on craint, c'est
exactement ça, que le choix ou l'absence d'un choix va marquer une personne
comme trans. Alors, si on a l'option avec les autres options, c'est bon, c'est
meilleur qu'on a dans ce projet de loi maintenant. Mais le meilleur, c'est l'absence
de... d'une toute option.
Mme Hivon : O.K. Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Donc, à moi de vous remercier beaucoup d'avoir
participé aux travaux de cette commission. Merci beaucoup de vous être
déplacés. C'est très apprécié. Puis salutations particulières aux gens de l'Estrie,
bien sûr.
Des voix : ...
Le Président (M.
Bachand) : Bien, j'en profite, hein, pourquoi pas?
Alors, sur ce, on va suspendre les travaux
quelques instants afin d'accueillir notre prochain invité. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 21 h 07)
(Reprise à 21 h 14)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend
ses travaux. Alors, il nous fait grandement plaisir de recevoir Mme Manon Monastesse
de la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes. Alors, merci beaucoup d'être
avec nous à cette heure conviviale ou à quelque part dans le monde, mais merci
infiniment.
Donc, comme vous savez, vous avez
10 minutes de présentation, après ça nous aurons un échange avec les
membres de la commission. Donc, je vous cède la parole immédiatement, puis
merci beaucoup d'être avec nous ce soir.
Mme Monastesse (Manon) : Bien,
c'est un grand... l'honneur est pour moi. Alors, je remercie la commission, M.
le ministre, les députés, Mmes et MM. les députés, de nous recevoir ce soir.
Alors, c'est un grand honneur, encore une fois, de présenter nos
recommandations devant la commission.
Alors, nous voulons souligner, encore une
fois, à la suite de la loi sur l'implantation des tribunaux spécialisés, l'engagement
politique et la volonté législative du gouvernement québécois quant à la
réforme en profondeur proposée du droit de la famille et modifiant le Code
civil, le projet de loi n° 2. Nous saluons de ce fait
la volonté de changement social et d'amélioration des conditions de vie et de
sécurité des femmes violentées et de leurs enfants dans un contexte de violence
familiale, conjugale et/ou sexuelle.
Alors, nous sommes vraiment à la croisée
des chemins, et on salue vraiment la volonté du gouvernement de prendre de
front plusieurs modifications et plusieurs recommandations qui sont incluses
dans le rapport Rebâtir la confiance, de les prendre de front. Et
souvent on dit que la violence conjugale, familiale, sexuelle, ce sont des problématiques
transversales, donc il faut aussi y aller de façon transversale au niveau des <solutions...
Mme Monastesse (Manon) :
...
problématiques transversales, donc
il faut aussi y aller
de
façon transversale
au niveau des >solutions.
Alors, en ce qui concerne le projet de loi
n° 2, ce projet de loi amène, pour nous, des changements structurants qui
amélioreront de façon notable la prise en compte de la violence familiale et conjugale
par les tribunaux de la famille. Nous espérons que, grâce à ce projet de loi,
il y aura une reconnaissance effective de la violence familiale et conjugale
dans les affaires en droit de la famille en phase avec les définitions
provinciale, de la politique en matière de violence conjugale, et fédérale, la
loi du divorce, qui permettra de s'assurer optimalement de la sécurité des
femmes et des enfants sur les plans physique et psychologique et ainsi que de
garantir une certaine cohérence entre les différentes sphères du droit
criminel, familial et, ultimement, en protection de la jeunesse, tel que le
préconise le rapport Rebâtir la confiance.
Alors, ce qu'on a... ce qu'on vous
présente dans notre mémoire, dans un premier temps, c'était pour nous important
de faire un état des lieux de la reconnaissance effective de la violence
familiale et conjugale à l'heure actuelle par les tribunaux de la famille à
partir de la littérature scientifique et entre autres à partir du rapport de
recherche conjoint de la Violence conjugale devant les tribunaux de la
famille : enjeux et pistes de solution, qui a été rendu public à l'été 2019.
Alors, à partir de cet état des lieux et ces
plusieurs constats, on a analysé, on a étudié certains articles du projet de
loi n° 2 qui touchent plus spécialement la question de la violence
conjugale et familiale. Alors, pour nous, c'est quand même des changements
majeurs parce qu'on veut introduire... on veut reconnaître l'importance de
prendre en compte la violence familiale. Et, pour nous, une des
recommandations, c'est de toujours parler de violence familiale et conjugale
parce que, dans la réalité, quand il y a de la violence conjugale, il y a
toujours de la violence familiale, et le contraire est aussi vrai, alors... Et
le fait de prendre en considération la violence familiale, et on ajouterait
comme recommandation la violence conjugale, c'est extrêmement important dans la
détermination des critères d'évaluation de l'intérêt de l'enfant dans ce
contexte.
• (21 h 20) •
Alors, on vous propose, bien sûr, d'avoir
une définition beaucoup plus opérationnelle. Alors, on vous propose celle... la
définition qui a été reconnue dans les amendements de la loi du divorce. Mais
aussi, il faut aussi permettre également d'enchâsser la définition du
gouvernement du Québec en matière de violence conjugale et de reconnaître
aussi... de mettre bien en évidence aussi les principes directeurs de la
politique, qu'on perd souvent de vue lorsqu'il y a évaluation de l'intérêt de l'enfant,
à savoir, dans les neuf principes directeurs, bien sûr, d'assurer la sécurité
des femmes et des enfants qui sont victimes et de s'assurer de la
responsabilisation des conjoints qui ont des comportements violents. Alors, le
fait d'introduire, de reconnaître l'importance de l'évaluation de l'intérêt de
l'enfant à la lumière de la violence familiale ou conjugale... et conjugale, c'est
un changement qui est marquant.
Un autre... Et puis aussi, on vous a
soumis des critères d'évaluation également à enchâsser dans l'article l'article 33
du projet de loi. Également, ce qui, pour nous, est extrêmement positif, c'est l'obligation
à l'effet que l'autorité <parentale...
Mme Monastesse (Manon) :
...ce qui, pour nous, est
extrêmement positif, c'est
l'obligation
à l'effet que l'autorité >parentale doit s'exercer dans un
contexte exempt de violence, quelle qu'elle soit. Et ça, c'est vraiment majeur
comme article, comme modification au niveau du droit de la famille.
Également la possibilité que, dans un
contexte de violence familiale et conjugale, le parent victime puisse demander
des soins et des services pour ses enfants sans l'autorisation du parent
exerçant de la violence. Ça, c'est vraiment, je veux dire, majeur. C'est
quelque chose que l'on voit tous les jours, des femmes avec des enfants en
maison d'hébergement et qui sont toujours... Il faut le dire qu'un conjoint
violent, même quand il y a séparation, il y a toujours de la violence
postséparation, et les enfants sont souvent instrumentalisés pour maintenir le
contrôle et... le contrôle total sur la conjointe. Et une des façons que le
conjoint va utiliser, c'est justement en sachant très bien que la mère a
toujours besoin de l'autorisation, et, majoritairement, ils vont faire
obstacle.
Alors, pour nous... (panne de son) ...des
situations qui sont crève-coeur, parce qu'on voit des enfants qui ont beaucoup
de traumatismes, qui ont vécu... qui ont été exposés à la violence que leur
mère a subie, et, de par ce fait même, même eux-mêmes peuvent être victimes de
violence physique directe, psychologique ou autre et qui ont de graves
traumatismes. Et, pour nous, c'est extrêmement important de pouvoir intervenir
auprès de ces enfants-là, parce qu'on sait qu'ils sont les adultes de demain. Et
on le voit, à travers... les impacts de ces traumatismes à travers leur
parcours scolaire. Et ça, c'est vraiment majeur, que ça ait été enchâssé dans
le projet de loi. Pour nous, on salue grandement cette initiative, alors, entre
autres... Là, je ne sais pas combien de temps il me reste, mais...
Le Président (M.
Bachand) : Quelques secondes, mais avec votre accord on pourrait...
Mme Monastesse (Manon) :
Quelques secondes, bon.
Le Président (M.
Bachand) : Oui, bien, c'est ça. Alors, on pourrait procéder à
la période d'échange, avec votre accord, bien sûr.
Mme Monastesse (Manon) : D'accord.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Très apprécié. M. le ministre, s'il
vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Mme Monastesse, bonsoir. Merci beaucoup d'être présente ce
soir et qu'on puisse vous retrouver. Et d'ailleurs je tiens à vous remercier
parce que vous avez notamment participé aux consultations sur la réforme de la
famille en 2019. Puis je pense que c'est important, le point de vue que vous
apportez ce soir, notamment relativement à la violence. Parce que, dans le
projet de loi, il y a beaucoup de choses, on entend des groupes sur différents
sujets, mais il y a un point fondamental, moi, qui me tient beaucoup à cœur, c'est
notamment le fait de prendre en considération la violence familiale. Puis ça s'inscrit
dans un continuum de choses qu'on fait avec la réforme de l'IVAC, avec le projet
de loi n° 92 sur lequel on vous a entendue notamment,
le fait d'accorder quatre heures de conseils juridiques en matière de violence
sexuelle, de violence conjugale. Et là on introduit d'autres dispositions dans
le Code civil, puis je pense que vous l'avez bien dit que la notion de violence
doit être prise en compte dans le système de justice.
Je voudrais vous demander... Nous, on l'a
écrit, violence familiale... la prise en compte dans l'intérêt de l'enfant, la
violence familiale, on le conçoit dans un sens large, donc incluant violence
conjugale, violence psychologique, violence physique. Mais je ne voulais pas
que ça soit limitatif à uniquement ces types de violence là, parce que je veux
que l'article puisse vivre dans le temps puis puisse être interprété largement
par rapport à la prise en considération de la violence, les différentes formes
de violence qui vont être prises.
Est-ce que... On a eu des intervenants qui
nous ont dit : Vous devriez le nommer, là, comme la Loi sur le divorce.
Vous aussi, vous y avez fait référence. C'est fondamental, pour vous, de venir
détailler? Parce que généralement, dans le Code civil, tu sais, on met le terme
largement puis on lui donne un... terme largement, mais quelle est la hauteur
de l'importance de venir le détailler, pour vous?
Mme Monastesse (Manon) : Bien,
la hauteur est très élevée parce que c'est pour cette raison qu'on a fait tout
un <préambule pour expliquer...
Mme Monastesse (Manon) :
...très élevée
parce que c'est pour cette raison qu'on a fait tout un
>préambule pour expliquer les nombreuses problématiques qui sont
rencontrées. Alors, nous, on espère que le législateur va vraiment nommer les
choses, va vraiment nommer les critères au niveau de la prise en compte de l'intérêt
de l'enfant, va nommer le pouvoir coercitif. Puis vous savez, au fédéral, il y
a eu des représentations à l'effet d'introduire dans le Code criminel le
contrôle coercitif qui, souvent, ne se traduit pas par de la violence physique,
mais hautement de la violence psychologique, économique, et tout. Et c'est extrêmement
important parce qu'on fait face actuellement à de nombreuses problématiques où
on ne tient pas compte de cette définition en termes de rapport de pouvoir, en
termes de contrôle et de contrôle coercitif, on ne prend absolument... Puis
vous l'avez vu, là, dans les extraits qui ont été nommés de jugements où est-ce
qu'on passe outre non seulement à la reconnaissance de la violence conjugale ou
familiale, mais de ses impacts.
Alors, c'est pour cela que c'est
extrêmement important que le législateur définisse, pour qu'on ne passe pas à
côté, et qu'il n'y ait pas d'autre... il n'y ait pas d'autre définition de la
violence qui puisse coexister avec celle du gouvernement, parce que,
malheureusement, c'est le cas. Quand tu as de nombreuses situations de violence,
et quelquefois une violence vraiment intensive auprès de la mère et des enfants,
et qu'on parle simplement de conflit sévère de séparation, bien, on passe
complètement à côté, là. Et nous, on le voit au quotidien.
M. Jolin-Barrette : Une question
là-dessus, Mme Monastesse. Dans le fond, vous dites, à la lumière de votre
expérience, des femmes que vous voyez dans votre organisation, vous dites :
Elles vont à la cour puis, dans le fond, en quelque sorte, c'est minimisé. Est-ce
que ça arrive souvent, ça, ou que ce n'est pas analysé, ce n'est pas pris dans
le spectre de la décision? C'est ce qu'on veut corriger, là, avec l'insertion.
Mais pratico-pratique, là, vous voyez des femmes qui sont dans vos maisons qui
ne l'allèguent pas parce qu'elles se font dire : Bien, il ne faut pas
nuire au dossier, supposons, pour la garde des enfants, ça fait que, n'allègue
pas ça? Ça arrive, ça, vous le voyez?
Mme Monastesse (Manon) : Ah!
ça, c'est constant. C'est constant et non seulement... C'est pour cela aussi qu'on
a bien étoffé notre mémoire, parce que c'est dans la littérature scientifique
depuis une cinquantaine d'années, là. On a des spécialistes, comme Peter Jaffe,
qui ont écrit sur le sujet, et de nombreux auteurs, juristes, et compagnie, où est-ce
que, vraiment, on nomme cette situation pour les mères, pour les femmes, de «no
win situation». Alors, si elles essaient de faire reconnaître que le père a des
comportements problématiques, est un danger pour les enfants, bien, on va dire
qu'elles font de l'aliénation parentale, en passant, qui est un concept qui n'a
aucune base scientifique et/ou, si elles ne le font pas, on va dire que ce sont
des mauvaises mères. Parce que souvent on demande même à la mère d'assurer la
sécurité, on reconnaît jusqu'à un certain point que le père peut avoir des
comportements problématiques, mais on va demander à la mère de s'assurer qu'il
n'y ait pas de débordements, entre guillemets. Alors, on les place dans une
situation qui est absolument intenable, là.
Alors, c'est pour cette raison que c'est
bien important de définir qu'est-ce qu'on entend par de la violence conjugale,
de la violence familiale, qu'est-ce qu'on entend, quels sont les critères qu'il
serait important de tenir en compte quand on détermine l'intérêt de l'enfant.
Et ça, il y a même de la documentation de l'ONU sur la question. Alors, le
gouvernement du Québec est tout à fait en phase avec ce qui se fait également
au plan international.
• (21 h 30) •
M. Jolin-Barrette : O.K. On
propose également dans le projet de loi, là, comme le proposait la
recommandation 7 de Rebâtir la confiance...
21 h 30 (version révisée)
M. Jolin-Barrette : ...là, le
fait qu'en présence de violence un parent va pouvoir consentir seul à des
soins, donc, aller chez le psychologue, tout ça, je sais que c'était une de vos
demandes aussi. Pratico-pratique, là, chez les femmes qui sont chez vous, que
vous hébergez, ça va faire une bonne différence pour elles? Ça arrive
fréquemment, ça, le fait que, supposons, le conjoint...
Mme Monastesse (Manon) : Ah!
c'est constant, oui, c'est constant puis c'est aussi crève-coeur pour nous,
parce qu'on veut assurer des soins aux enfants, et, souvent, de la part des
pères, bien, ça va être comme… perçu comme de faire en sorte que les enfants
deviennent… vraiment, ne reconnaissent plus l'autorité du père, c'est une façon
de les aliéner, quand ce n'est absolument pas le cas, donc, mais, du point de
vue d'un père, il perd le contrôle, à ce moment-là, si on s'occupe des enfants.
Et on le voit quotidiennement, des enfants
qui sont extrêmement traumatisés et qui ont peur, qui vivent... qui ont vécu
dans un contexte de terreur, qui est documenté. M. Lapierre a interviewé une
soixantaine d'enfants pour leur demander quel avait été leur vécu en tant qu'enfants
qui avaient vécu dans un contexte de violence conjugale et familiale, puis c'est
une des choses que les enfants ont dites. Puis il a interviewé des enfants de six
ans à la majorité, et une des choses qu'ils ont dites, c'est qu'ils avaient...
ils s'étaient sentis trahis par le système parce qu'on les avait forcés à
maintenir des contacts avec un parent qui, pour eux, était la représentation de
la terreur et qui n'avait aucune... parce qu'en tant que parent, je veux dire,
la première chose qu'on fait, c'est qu'on a une empathie envers nos enfants. On
a besoin de mettre les besoins des enfants en premier et de ne pas tout
centraliser par rapport à nous. Avec un père qui a des comportements violents,
bien, c'est exactement ce qu'il fait, c'est qu'il ne pense pas d'abord à l'enfant,
c'est qu'il va penser… Il va penser à l'enfant en l'instrumentalisant par
rapport à ses besoins personnels.
Alors, c'est pour cette région… c'est pour
cette raison… Et puis, ça, les enfants nous le disent souvent, c'est qu'ils se
sentent trahis puis ils ne comprennent pas pourquoi ils ne peuvent pas faire
confiance à leurs sentiments aussi, tu sais, dire : Oui, j'ai peur, je ne
veux pas aller voir mon père. Et puis on lui dit : Bien non, il faut que
tu ailles voir ton père, il faut... c'est quand même ton père, il faut que tu
aies des contacts réguliers avec lui. Il faut comme amender la situation et
faire une différence. Bien, je veux dire, et ça, c'est documenté aussi, un
conjoint violent, c'est également un parent qui a des habiletés parentales qui
sont problématiques, là. Je veux dire, on ne fait pas face à deux personnalités...
à un trouble de personnalités multiples, là, c'est la même personne. Alors, en
effet, c'est ça, alors, pour nous, c'est pour cette raison que c'est
extrêmement important que ça ait été enchâssé dans le projet de loi.
M. Jolin-Barrette : Bien, c'est
bien noté. Je vous remercie, Mme Monastesse, pour vos témoignages ce soir. J'ai
des collègues qui souhaitent vous poser des questions. Alors, un grand merci.
Mme Monastesse (Manon) : Merci
à vous.
Le Président (M.
Bachand) :Député de Saint-Jean, s'il vous
plaît.
M. Lemieux : Et, ma question
habituelle, pour combien de temps, M. le Président?
Le Président (M.
Bachand) : Cinq minutes.
M. Lemieux : Merci beaucoup, M.
le Président. Bonsoir, Mme Monastesse.
Mme Monastesse (Manon) : Bonsoir.
M. Lemieux : Le ministre a
fait référence tout à l'heure à l'IVAC. C'est vrai qu'on vous parle, ce soir,
dans un contexte où on dirait qu'il y a un paquet de choses qui viennent d'arriver
ou qui sont en train d'arriver et qui font en sorte qu'on a un portrait plus...
Nous, évidemment, on est en train d'étudier le projet de loi n° 2, mais il
n'est pas tout seul. Il y a plein de choses autour. Oui, la réforme de l'IVAC,
le lieutenant-gouverneur a signé, hier, le projet de loi n° 92, qui est,
donc, devenu loi. Aujourd'hui, on parlait de la DPJ. On parlait des bracelets
de protection. Tout ça, c'est un ensemble de mesures.
Alors, je vous ramène… Et vous avez
beaucoup parlé de l'importance de la définition claire de la violence conjugale,
mais, si j'élargis l'espèce de lorgnette du projet de loi n° 2, qu'est ce
qu'il y a, là-dedans, qui est important pour vous, qui va faire une différence
de <plus...
M. Lemieux :
...de >plus
que ce que vous êtes capable de faire pour les femmes qui se retrouvent chez
vous, leurs enfants et, ultimement, leur famille?
Mme Monastesse (Manon) :
Bien, premièrement, nous, qui sommes au coeur, là, de la situation, ne
serait-ce que ça peut sembler anodin de dire : On enchâsse dans un projet
de loi une définition claire où on réaffirme également la définition du
gouvernement. Mais c'est un aspect majeur, parce qu'actuellement, en droit de
la famille, devant les tribunaux de la famille, puis notre recherche qui a
analysé 250 jugements le démontre bien, ce n'est pas cette définition-là
qui prime en termes de contrôle coercitif, de rapports de domination, et c'est
très peu pris en considération quand on détermine l'intérêt de l'enfant.
Donc, pour nous, c'est extrêmement
problématique, où est-ce qu'on en vient à des avocats qui vont dire aux femmes :
Bien, on ne va pas parler de la violence conjugale que vous avez vécue, on ne
va pas parler du fait que le père va également... des comportements envers les
enfants, parce que c'est un facteur qui peut être utilisé contre vous. Quand je
parlais de «no-win situation», c'est quand même des situations qui ont été
documentées dans la littérature scientifique depuis 40 ans, là.
Alors, pour nous, le fait de vraiment
déterminer, dans le projet de loi, dans le droit de la famille, de mettre ça au
clair, qu'il y en a une, définition, puis il n'y en a pas 50, qu'on ne peut pas
parler de conflit sévère de séparation, qu'on ne peut pas parler d'aliénation
parentale, bien, ça va grandement changer la vie des femmes, des enfants qu'on
soutient, ne serait-ce que ça.
M. Lemieux : Et vous dites
aussi qu'il est très important que le gouvernement élabore un plan de
sensibilisation, formation des citoyens. Avec tout ce dont je parlais qui est
sur la table, en ce moment, qui est en train de se placer, qui est en train de
s'organiser, forcément, c'est par là que ça passe. On n'a pas beaucoup le
choix, là.
Mme Monastesse (Manon) : Tout
à fait, tout à fait, et puis la sensibilisation de tous les acteurs. On
mentionnait toute la question de la sensibilisation des intervenants dans les
services, de droits d'accès, de droits de supervision. C'est également
extrêmement important, parce que ce n'est pas parce qu'un père qui a toujours
exercé de la violence… tout à coup, va s'occuper de l'enfant pendant une heure,
qu'il est devenu, tout à coup, le meilleur père du monde.
Alors, il faut être très alerte à l'effet
de comment un conjoint… Puis là je parle vraiment des pères qui exercent de la
violence, là. Je ne parle pas en général, et ça, ça fait toute la différence.
Il faut qu'il y ait une meilleure sensibilisation, formation des magistrats. Et
on le voit, à la lumière de jugements qui ont été répertoriés dans notre
rapport, où est-ce que même un juge va dire : Monsieur a été très violent
envers sa conjointe, est un mauvais employé, a été violent envers ses
beaux-parents, mais il n'y a pas de raison pour nous de croire que ce n'est pas
un bon père. Alors, pour nous, c'est extrêmement critique de se retrouver
devant des situations comme ça, et malheureusement c'est dans la vie de tous
les jours que ça se passe.
M. Lemieux : Merci beaucoup,
Mme Monastesse. Mon temps est écoulé.
Mme Monastesse (Manon) : D'accord.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de LaFontaine, s'il
vous plaît.
• (21 h 40) •
M. Tanguay : Oui, merci
beaucoup. Bonsoir, Mme Monastesse. Merci beaucoup d'être avec nous ce soir.
Si vous le voulez bien, j'aimerais ça qu'on
passe un peu de temps ensemble sur les articles 597 et suivants du Code
civil. On sait que le projet de loi ajoute un nouvel article, 603.1, et vous
avez des recommandations. Donc, c'est sur le titre de l'autorité parentale, et
je vous avoue qu'en relisant ces articles-là je trouve des articles curieux,
comme 597 : «L'enfant, à tout âge, doit respect à ses père et mère.» Je
veux dire, quel est l'impact juridique de ça? Je comprends que, souvent, il y a
des articles qui sont des relents du code Napoléon de 1804, mais, quand <même...
M. Tanguay :
…quand
>même, il y a sûrement des applications tangibles et justifiables en
2021. Mais il y a quand même le ton qui est donné à cet article-là.
603, vous dites, et j'aimerais vous
entendre là-dessus… vous parlez : «Prévoir une suspension temporaire de l'autorité
parentale…» Alors, ici, juste pour les fins de discussion, 603.1, nouvel
article, premier alinéa : «Le père ou la mère ou le parent peut, sans l'accord
de l'autre parent, en raison d'une situation de violence familiale ou sexuelle
causée par ce dernier, requérir pour son enfant des services de santé ou des
services sociaux, incluant des services de soutien psychosocial, reconnus par
le ministre de la Justice.» Et là vous dites, proposez de prévoir une
suspension temporaire de l'autorité parentale. J'aimerais vous entendre
là-dessus, s'il vous plaît.
Mme Monastesse (Manon) : Oui,
oui, effectivement, parce que ça peut aussi aller jusque-là, et ça a été
démontré aussi dans la littérature. Ce qu'on propose, dans d'autres
juridictions, où est-ce que... et il nous semble tout à fait évident… c'est que,
quand on suspend, supposons, temporairement l'autorité parentale parce que
cette autorité est défaillante, bien, il nous semble tout à fait logique qu'il
y ait un renversement du fardeau de la preuve, parce qu'actuellement ce sont
les mères qui doivent prouver, quasiment hors de tout doute, comme si on était
au criminel, que le père, vraiment, exerce une autorité qui est extrêmement
problématique.
Et, comme je parlais, puis ce n'est pas
une figure de style, là, quand je parle que les enfants ont vraiment l'impression
de vivre dans un climat de terreur, et on sait à quel point c'est extrêmement
dommageable pour les enfants, pour nous, ce serait exactement de renverser le
fardeau de la preuve, et que ce serait aux parents violents, majoritairement
les pères, de prouver qu'il y a eu des changements dans leur comportement, qu'ils
ont amélioré leurs habiletés parentales, et, par la suite, bien sûr, restaurer
cette autorité convenue.
M. Tanguay : Est-ce que, dans
la jurisprudence, vous le voyez, vous l'avez vu, vous l'avez constaté
régulièrement, ça, cette perte temporaire d'autorité parentale là?
Mme Monastesse (Manon) : Bien,
ici, ça en prend beaucoup, beaucoup, beaucoup, de la déchéance parentale, ça
prend... Mon Dieu! Ça prend un fardeau de preuve qui n'est quasiment pas
atteignable, là. C'est extrêmement rare. Écoutez, au Canada, on est même devant
des aberrations où un parent, un père qui a tué la mère devant ses trois
enfants et qui... les enfants ont été placés sous la tutelle des grands-parents
maternels, bien, il a réussi, pendant qu'il était en prison pour une peine, je
crois, de 30 ans de prison, à obtenir la garde de ses enfants et faire
transférer la tutelle et l'autorité parentale vers ses parents.
Alors, comprenez-vous que ça va loin, là, alors…
Et puis ce que je voudrais dire, c'est que, comme quand on regarde en
Australie, on en a beaucoup parlé, du modèle de tribunaux spécialisés à
Southport, dans le Queensland, en Australie, où il y a vraiment même... et puis
là on est dans le même système de droit, où il y a vraiment même une
intégration du criminel, du pénal et du civil pour pouvoir permettre de
vraiment avoir un jugement qui soit en harmonie avec tous ces systèmes de... Bien,
écoutez, au niveau de la garde des enfants, c'est le parent violent qui doit
prouver que... qui doit prouver qu'il est un bon parent. On ne parle pas d'aliénation
parentale. On ne parle pas de conflit sévère, de séparation. Toutes ces fausses
références ont été complètement évacuées. On évalue toute la question du
contrôle et des habiletés parentales dans ce contexte-là.
M. Tanguay : Dans le nouvel
article 603.1, le nouvel... le deuxième alinéa, puis là je vais le
résumer, c'est un paragraphe assez long, on parle d'aller chercher... «À cette
fin, le père, la mère ou le parent doit avoir obtenu une attestation d'un
fonctionnaire ou d'un officier public qui, sur <le vu de…
M. Tanguay :
...qui, sur >le vu de la déclaration sous serment, il existe une telle
situation de violence…» Comment, ça, ce processus-là, vous l'accueillez? Est-ce
que c'est pratique dans le sens noble du terme? Est-ce que c'est faisable?
Est-ce que c'est souhaitable? Comment vous voyez ça, cette formalité-là?
Mme Monastesse (Manon) :
Bien, écoute, il faudrait, dans un premier temps, déterminer qui sont les
officiers qui peuvent émettre… et nous, on demande à ce qu'on soit inclus dans
ces officiers, dans ces responsables-là, puisque c'est notre travail au
quotidien et qu'on le fait déjà. En ce qui concerne la résiliation du bail, on
est reconnus pour faire des attestations, là, et documenter le vécu de violence
conjugale et familiale. C'est déjà reconnu.
M. Tanguay : Est-ce que... Et
là je lis l'article 605, l'article 605 m'amène une question : «Que la
garde de l'enfant ait été confiée à l'un des parents ou à une tierce personne,
quelles qu'en soient les raisons, les père et mère conservent le droit de
surveiller son entretien et son éducation et sont tenus d'y contribuer à
proportion de leurs facultés.» N'y aurait-il pas lieu, là, d'ajouter certains
détails sur, quelles qu'en soient les raisons, j'ai toujours un droit de regard?
Bien, attends une minute, là, qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Monastesse (Manon) : Bien
oui, tout à fait, il faut mettre les exceptions... qu'il faut qu'il y ait une
évaluation, là, des personnes qui vont détenir cette autorité-là envers les
enfants. Et c'est la raison aussi pourquoi je vous ai parlé du cas de la
Colombie-Britannique, là. Si la garde est transférée aux parents du conjoint
qui a exercé de la violence ou que lui-même… et, dans ce cas-là, lui-même avait
vécu de la violence familiale, c'est absolument... Ça devrait être complètement
proscrit, là. Effectivement, il faut qu'il y ait une analyse au niveau des
personnes, là, qui vont pouvoir assurer cette tutelle-là.
M. Tanguay : Et, là-dessus,
je pense, Mme Monastesse… Je pense que nous, comme législateurs, là,
consciencieux… Quand on sera rendus à ces articles-là, je pense qu'il va
falloir revoir, là, sous cet angle-là, là, s'assurer de... parce que la loi n'est
pas toujours ouverte, hein? Je veux dire, là, on a une belle occasion, 597 et
suivants, de dire : Ah! peut-être, là, un tour de roue là, là, là pour s'assurer
qu'il y ait une cohérence, là, au-delà de 103.1.
«606, ajouter à l'article 606 que la
commission de violence familiale et conjugale constitue un motif grave
permettant la déchéance de l'autorité parentale.» Puis vous dites : «Les
femmes violentées et leurs enfants doivent pouvoir exercer leurs droits à la
vie, à la liberté et à la sécurité, tel que stipulé par la charte canadienne…»
Donc, ça, c'est réellement… très clairement, il faut l'établir à 606 comme vous
le proposez, là.
Dans les considérations, là, je retourne
en arrière, vous dites : «Donc, à l'heure actuelle, pour conclure…» Puis
votre mémoire, je veux dire, est excessivement étoffé, là, en notes de bas de
page. On voit la jurisprudence, là, il y en a des dizaines, et des dizaines, et
des dizaines : «À l'heure actuelle, pour conclure à une situation de
violence, le système judiciaire s'appuie sur les crimes commis et non sur le
contrôle exercé sur la victime...» Parlez-moi donc de l'importance de
reconnaître, dans nos tribunaux, le contrôle coercitif.
• (21 h 50) •
Mme Monastesse (Manon) :
Exactement, parce que c'est vraiment un aspect qui est difficilement
criminalisable, parce que ce ne sont pas nécessairement des gestes de violence
physique. Un conjoint qui exerce ce contrôle peut exercer toute sa vie un
contrôle efficace et coercitif. Alors, à ce moment-là, il n'aura pas besoin de
commettre… de commission de violence physique parce que tout le reste
fonctionne, alors, et, malheureusement, au Canada, encore, ce n'est pas
enchâssé dans le Code criminel. Ce l'est en Angleterre, ce l'est en Écosse… reconnu
le contrôle coercitif comme criminellement... c'est ça, comme une infraction
criminelle, avec toute une série de critères, et ça fait une grande différence,
là. En ce moment, seulement deux, trois ans après l'application, l'entrée en
vigueur de cet article-là dans le Code <criminel...
Mme Monastesse (Manon) :
...dans le Code >criminel, ça fait toute la différence, parce qu'on va
voir des spécialistes venir présenter, au jour le jour, là, tout le
microcontrôle au quotidien qui est exercé, puis à quel point ça a été
dommageable autant pour la mère que les enfants. Alors…
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Je dois céder la parole au
député d'Hochelaga-Maisonneuve. Merci, M. le député de La Fontaine.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Bonsoir. Vous nous faites différentes recommandations dans votre
mémoire. J'aurais envie d'y aller vraiment plus sur la forme. Sur le fond, c'était
vraiment très clair. Sur la forme, laquelle ou lesquelles, peut-être une, deux
les plus importantes, là, qu'on ne doit vraiment pas échapper, dans ce que vous
recommandez, là, qui sont essentielles?
Mme Monastesse (Manon) : Bien,
toute la question de mieux définir, de vraiment enchâsser une définition claire
de la violence familiale et conjugale et de déterminer les critères d'évaluation
de l'intérêt de l'enfant dans ce contexte-là, parce qu'actuellement qu'est-ce
qui est... Et là c'est dû aussi…
Quand on regarde les articles de loi de la
loi du divorce, où est-ce qu'on dit que c'est comme si l'autorité parentale est
suprême, qu'on dit qu'un enfant a toujours droit d'avoir des contacts, d'avoir
accès à ses deux parents, nonobstant la situation… d'où l'importance de définir
et de prouver l'impact négatif de la violence conjugale, de la violence
familiale sur les enfants et d'utiliser des critères très précis pour
déterminer l'intérêt de l'enfant, parce qu'actuellement le concept de l'intérêt
de l'enfant, qu'on regarde le droit de la famille ou qu'on regarde même la loi
de la protection de la jeunesse, c'est un concept qui est extrêmement mou, qu'il
n'y a pas vraiment de critères… de définition ou de critères d'évaluation de la
condition. C'est beaucoup laissé aux soins de la magistrature d'évaluer la
situation, mais il n'y a rien de référence. Alors, ça nous prend des références
pour évaluer ces critères qui sont déterminants, là, au niveau du bien-être des
mères et des enfants.
M. Leduc : Donc, sortir un
peu de l'évolution d'une jurisprudence qui peut aller d'un bord ou de l'autre
puis vraiment clarifier une direction.
Mme Monastesse (Manon) : Exactement.
M. Leduc : Parfait.
Mme Monastesse (Manon) : Et
puis les écrits restent, alors…
M. Leduc : Merci beaucoup.
Mme Monastesse (Manon) : …parce
que je le vois… Oui, d'accord.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Alors, Mme la
députée de Joliette, c'est à vous.
Mme
Hivon
: Oui,
bonjour, Mme Monastesse. On avance.
Mme Monastesse (Manon) : Bonjour.
Bonsoir, bonjour.
Mme
Hivon
: Oui.
Donc, merci d'être aussi allumée à cette heure tardive. Donc, on a bien compris
votre message, que moi, j'endosse complètement, là, que la violence conjugale
soit nommément écrite dans le Code civil. Je pense que ce serait une grande
avancée. Le défi, maintenant, c'est la définition. Vous connaissez l'économie
de notre Code civil. Donc, d'insérer une définition là, ce n'est pas simple. J'ai
vu que vous référez aussi à Michaël Lessard, donc, à ses travaux puis ses
recommandations. Donc, on va tout regarder ça. Pour vous, c'est essentiel que
ce soit nommé et c'est aussi essentiel que ce soit défini d'une manière ou d'une
autre, par renvoi ou à l'intérieur même du Code civil, ou vous avez un autre
mécanisme en tête, là? Je sais que vous n'êtes pas juriste, là, encore moins
légiste, mais est-ce que vous avez une proposition par rapport à ça?
Mme Monastesse (Manon) : Oui,
bien, de l'inclure dans un préambule. De ce que nous, on a dans nos
consultations auprès de personnes plus expérimentées que nous, c'est vraiment
la possibilité de l'inclure dans un préambule, parce qu'on connaît,
effectivement, l'économie du Code civil. Alors, bien, c'est faisable, parce
qu'on regarde les juridictions, comme je vous dis, comme je le… Je référais à
la Grande-Bretagne, à l'Écosse, à l'Australie, la loi sur... Puis, aux
États-Unis, on a quand même un Domestic Violence Act où est-ce que tout est
défini également. En Australie, c'est également le cas, là, il y a de
nombreuses lois. Ici, on n'a pas de loi, là, sur la violence conjugale, mais ça
existe ailleurs et c'est clairement <défini...
Mme Monastesse (Manon) :
...
clairement >défini. Et, comme je le disais, dans le tribunal
spécialisé à Southport, il n'y a pas d'ambivalence, là. Quand on parle de
violence conjugale, c'est du contrôle, c'est des rapports de domination. On ne
parle pas de conflit. On ne parle pas d'aliénation parentale. Ça a complètement
été évacué parce que ce n'est absolument pas une référence pertinente. Donc, c'est
possible, et puis je vous fais toute confiance.
Mme Hivon : Merci, vaste
mandat. Est-ce que, selon vous, ça va être suffisant, l'inscription noir sur
blanc de ces mots-là dans le Code civil, pour changer les attitudes et les
décisions des tribunaux? Est-ce que, pour vous, il y a d'autres éléments, là,
qu'on devrait venir inclure ou, pour vous, vous dites : Ça, c'est le
signal majeur, puis on est confiants que ça va changer les choses?
Le Président (M.
Bachand) : Il reste quelques secondes.
Mme Monastesse (Manon) :
Avec les critères qui ont été enchâssés dans les amendements de la loi du
divorce, là, au niveau des critères d'évaluation de l'intérêt de l'enfant et
puis... Puis, bien sûr, il faut de la formation de tous les acteurs à cet effet
également.
Le Président (M.
Bachand) : Bien, sur ce, merci beaucoup d'avoir été avec nous
jusqu'à 10 heures, 22 heures. C'est très apprécié.
Alors, sur ce, la commission ajourne ses
travaux jusqu'au jeudi 2 décembre après les affaires courantes. Merci
encore. Bonne soirée. Merci.
(Fin de la séance à 21 h 57)