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Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Thursday, June 13, 2019 - Vol. 45 N° 52

Clause-by-clause consideration of Bill 21, An Act respecting the laicity of the State


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Table des matières

Étude détaillée (suite)

Question de règlement sur la recevabilité d'un amendement

Intervenants

M. André Bachand, président

M. Simon Jolin-Barrette 

M. Sol Zanetti

Mme Hélène David

M. Mathieu Lévesque

M. Monsef Derraji

Mme Paule Robitaille

Mme Marie Montpetit

Mme Lucie Lecours

Mme Stéphanie Lachance

M. Louis Lemieux

M. François Jacques

Mme Marie-Louise Tardif

M. Denis Lamothe

M. Pascal Bérubé

Journal des débats

(Onze heures cinquante-sept minutes)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bienvenue. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande, bien sûr, à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 21, la Loi sur la laïcité de l'État.

Avant de débuter, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Lafrenière (Vachon) est remplacé par Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice); M. Martel (Nicolet-Bécancour) est remplacé par M. Jacques (Mégantic); Mme Anglade (Saint-Henri—Sainte-Anne) est remplacée par Mme David (Marguerite-Bourgeoys); M. Tanguay (LaFontaine) est remplacé par M. Derraji (Nelligan); Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce) est remplacée par Mme Montpetit (Maurice-Richard); M. Fontecilla (Laurier-Dorion) est remplacé par M. Zanetti (Jean-Lesage); et M. LeBel (Rimouski) est remplacé par M. Bérubé (Matane-Matapédia).

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.

Étude détaillée (suite)

Au moment d'ajourner nos travaux hier matin, nous en étions à un sous-amendement déposé par le député de Jean-Lesage à l'article 6 du projet de loi. Interventions? M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.

M. Zanetti : Comme quelques jours se sont... bien, en tout cas, au moins une journée, plusieurs heures se sont écoulées depuis que j'ai déposé ce sous-amendement-là puis après que j'ai aussi proposé au ministre de répondre à, bon, ce qui est maintenant devenu un quiz reconnu par tous, en tout cas, sur qu'est-ce qu'un signe religieux, je pense que la démonstration est quand même assez faite que ce n'est pas évident. Il n'y a personne, à part Richard Martineau, qui d'ailleurs, de toute façon, n'a pas fait le test, qui trouve que c'est facile, là.

Un éditorial de Josée Legault, aujourd'hui, dit : Effectivement, ce n'est pas facile de faire ça, définir les signes religieux. Aux Ex, ils en ont parlé aussi puis ils se trompaient. Ce sont toutes des personnes raisonnables qui ont un excellent sens commun. Les ex, en plus, d'anciens parlementaires, d'anciens collègues d'ici... Puis personne n'a la fiche parfaite, parce qu'il y a des choses qui ne sont pas évidentes là-dedans. Et à cette espèce de questionnaire on aurait pu rajouter beaucoup de choses. On aurait pu rajouter, par exemple, la jupe longue et foncée qui a posé problème en France quand une jeune étudiante s'est vue interdite de porter ça parce que c'était interprété par une personne probablement raisonnable qui a un sens commun comme tout le monde comme étant quelque chose qui réfère à une appartenance religieuse. Puis effectivement on peut se dire... Si, par exemple, quelqu'un va à Jérusalem, à Tel-Aviv, il va voir beaucoup de femmes juives, par exemple, orthodoxes porter de longues jupes comme ça. Alors, est-ce que ça veut dire que ça réfère à la religion? Est-ce qu'elles le font pour des raisons religieuses? Est-ce que ça veut dire qu'aucune femme ne pourra plus porter de jupe longue et foncée à cause que ça pourrait être, dans certains contextes, selon des personnes tout à fait raisonnables et ayant un sens commun, considéré comme un signe religieux? Bien, c'est problématique.

• (12 heures) •

Alors, j'offre une possibilité, là, qu'on évite aux tribunaux du Québec beaucoup d'engorgement en précisant le caractère subjectif de la définition qui est proposée au projet de loi n° 21. Je pense qu'en adoptant cet amendement, ce que je nous recommande vivement de faire, on va éviter beaucoup de choses. On va éviter, d'une part, de soumettre les personnes qui vont devoir appliquer ce règlement-là et qui n'ont pas demandé ça, là... de les soumettre à une grande difficulté, de les soumettre à devoir poser un jugement que par ailleurs, bien, le ministre, et le premier ministre, et beaucoup de monde refusent de faire, là, et après ça, bien, de les soumettre aussi à des situations où leurs décisions seront contestées, aller devant les tribunaux. Ça va amener des problèmes à tout le monde, ça va saper l'ambiance de travail de beaucoup de milieux de travail, ça va occuper les tribunaux, alors qu'il y a des causes qui sont superimportantes qui vont devoir attendre à cause de ça.

Donc, on éviterait au Québec, je pense, beaucoup de problèmes en adoptant cet amendement-là que je propose, et c'est pourquoi, une dernière fois, là, je vous invite à le considérer sérieusement et, bien, à l'adopter.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le député. Interventions? Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur le sous-amendement du député de Jean-Lesage? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme David : Donc, O.K., il n'y a pas de réponse. C'est ça que je comprends. On continue?

Le Président (M. Bachand) : Moi, je cède la parole à ceux qui me la demandent.

Mme David : O.K. C'est tout à fait son choix. Mais je vais évidemment aller aussi dans ce sens-là de mon collègue le député de Jean-Lesage et je vais écouter attentivement mon premier ministre, parce que c'est le premier ministre de tous les Québécois et tous les citoyens, notre premier ministre, qui nous invite encore tout à l'heure, pendant la période de questions, et je le cite verbatim : «On peut essayer de définir ce qu'est un signe religieux.» Alors, il a mis «on peut essayer».

Vous savez, quand j'étais à la petite école, il y avait une religieuse qui disait : Quand on veut, on peut. J'ai été éduquée avec les religieuses, qui portaient tous les signes religieux possibles, ce qui ne m'a pas empêchée de faire mes propres choix rendue à l'âge adulte. Et, ces religieuses-là, il y en a beaucoup qui disaient : Forcez-vous. Quand on veut, on peut. Alors, le premier ministre, il dit : On peut essayer, donc il veut essayer, on peut essayer de définir ce qu'est un signe religieux. Alors, un, ma question, c'est : Est-ce que le ministre veut vraiment définir ce qu'est un signe religieux, au-delà de sa définition, pour laquelle effectivement pas seulement les députés libéraux, qui, supposément, ne voudraient pas avancer, etc., qui feraient de l'obstruction — tous les qualificatifs semblent nous convenir depuis hier — mais bien des chroniqueurs... Donc, le milieu journalistique, là, il va être qualifié bientôt d'obstructif. Et donc plus on avance, plus c'est compliqué.

Donc, je voudrais savoir si le ministre est d'accord que, quand on veut, on peut, et s'il est d'accord, avec son premier ministre, qui dit qu'on peut essayer — il n'est même pas sûr qu'on va y arriver — mais qu'on doit absolument aller plus loin dans la définition d'un signe religieux.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, j'aime beaucoup ce proverbe : Quand on veut, on peut. Alors, je pense que ça résume bien l'ensemble des discussions que nous avons sur le projet de loi n° 21. Quand on veut, on peut. Alors, si le Parti libéral le voulait, on pourrait adopter d'ici demain le projet de loi sur la laïcité de l'État. Quand on veut, on fait en sorte de pouvoir débloquer les choses. Moi, en guise d'ouverture, pour les partis d'opposition j'ai proposé une définition de «signe religieux», parce que, il faut le dire, hein, à la fois, Mme David, la...

Le Président (M. Bachand) : ...

Mme David : Vous ne me prendrez pas en défaut, M. le Président, là-dessus.

Le Président (M. Bachand) : ...sur le piton, ce matin.

M. Jolin-Barrette : Bien, je vois ça. Comme on dit, on semble prime ce matin. Moi, je suis très calme, M. le Président, et j'ai confiance, M. le Président, que, d'ici 22 h 30 ce soir, on va réussir à adopter tous les articles.

Alors, M. le Président, Mme David, la précédente députée de Gouin, co-porte-parole de Québec solidaire, disait, dans le projet de loi n° 398 qu'elle a déposé, qui touche la laïcité de l'État : «La présente charte n'a pas pour effet de restreindre le droit d'un fonctionnaire ou d'un employé de l'État de porter un signe religieux visible dans le cadre de ses fonctions sauf s'il s'agit d'un juge, d'un procureur, d'un policier, d'un gardien de prison ou d'une autre personne qui est autorisée à exercer de la coercition au nom de l'État et qui doit faire preuve d'une impartialité absolue en fait et en apparence.» Mme Fatima Houda-Pepin, la précédente députée de La Pinière, dans son projet de loi n° 491, pour lequel elle a été expulsée du Parti libéral : «Une personne en autorité contraignante, notamment un juge, un procureur, un policier ou un agent correctionnel ne peut porter un signe religieux ostentatoire dans l'exercice de ses fonctions.» M. Drainville, dans le cadre du projet de loi n° 60, le précédent ministre de la Réforme des institutions démocratiques et député de Marie-Victorin : «Un membre du personnel d'un organisme public ne doit pas porter, dans l'exercice de ses fonctions, un objet, tel un couvre-chef, un vêtement, un bijou ou une autre parure, marquant ostensiblement, par son caractère démonstratif, une appartenance religieuse.»

Dans tous les exemples que je vous ai présentés, M. le Président, que ça soit une députée de Québec solidaire, une députée indépendante mais qui a été affiliée au Parti libéral pendant près de 20 ans — 1994‑2013, 19 ans — un député du Parti québécois et ministre du Parti québécois, dans l'ensemble de ces propositions législatives, il y a uniquement le collègue du Parti québécois qui avait amené une certaine définition. Or, ce que nous faisons, c'est que nous allons plus loin : nous indiquons clairement ce que constitue un signe religieux. Et en plus, pour permettre de savoir ce que constitue un signe religieux, on donne des outils à la personne. Et je vais le réexpliquer pour le bénéfice de tous, parce que c'est très, très clair, le port d'un signe religieux, dans le cadre de la définition : «Au sens du présent article, est un signe religieux tout objet...» Il faut que ça soit un objet. Ce qui est interdit, c'est le port d'un signe religieux, le port d'un objet, hein? On a eu des questions hier relativement à des «tattoos». Ce n'est pas le port d'un objet, un «tattoo», hein, on s'entend. Le port d'un signe religieux : «...tout objet, notamment un vêtement, un symbole, un bijou, une parure, un accessoire ou un couvre-chef qui est : 1° soit porté en lien avec une conviction ou une croyance religieuse.» C'est un critère subjectif, c'est une analyse subjective. Si une personne porte un objet et qu'elle a la conviction qu'il s'agit d'un signe religieux, il s'agit d'un signe religieux visé au sens de la loi, et c'est interdit de le porter si elle occupe une des fonctions prévues — juge, policier, agent de services correctionnels, procureur, directeur d'école, enseignant.

Premier critère : dans son for intérieur, est-ce que la personne considère l'objet comme un signe religieux? Si c'est le cas, elle ne doit pas le porter. Donc, dans le cadre de ses fonctions, elle ne doit pas le porter. Je réitérerais, M. le Président, là-dessus aussi, et ça, c'est bien important, pour les gens qui portent un signe religieux actuellement... qui sont en fonction : ils peuvent le conserver parce qu'il y a une clause de droits acquis dans le projet de loi, hein? On parle pour le futur.

Le deuxième critère, qui est alternatif et non cumulatif : si, pour la personne, ça ne représente pas un signe religieux, ce qu'elle porte, la personne dit : Non, ce n'est pas un signe religieux, parfait. Le deuxième critère, c'est quoi quand on applique la loi? Est-ce qu'aux yeux d'une personne raisonnable ça constitue un signe religieux? «Soit raisonnablement considéré comme référant à une appartenance religieuse.» C'est un critère qui est tout à fait objectif. Et on a vu, dans la jurisprudence, même dans les textes de loi, que c'est fréquent. D'ailleurs, dans le code d'éthique et de déontologie des commissaires de la commission scolaire English-Montréal, on fait référence au critère de personne raisonnable. C'est un critère avéré en droit qui s'applique. Et d'ailleurs c'est bien important que l'ensemble des intervenants qui...

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : ...oui, je vais vous reconnaître. Oui.

M. Jolin-Barrette : L'ensemble des intervenants qui s'expriment sur la place publique, qui sont issus de facultés de droit, qui enseignent le droit et qui ont cette connaissance-là se doivent, lorsqu'ils prennent la parole publiquement, lorsqu'ils ont le privilège de renseigner la population sur un article de loi... ils ont l'obligation de renseigner adéquatement la population sur les tenants et aboutissants d'un tel amendement. Il est fondamental, en ayant ce devoir-là, en étant professeur d'université, clairement, d'indiquer à la population le véritable sens de l'amendement tel que le législateur l'exprime.

L'article, il est extrêmement clair, d'autant plus lorsqu'on a des connaissances juridiques et qu'on sait ce à quoi réfère une personne raisonnable. C'est un concept avéré en droit. Au niveau du critère d'objectivité, il n'y a aucune ambiguïté. Au niveau du critère subjectif, le premier critère, la croyance sincère et raisonnable de la personne, ça aussi, c'est un critère qui est avéré en droit relativement à la liberté de religion. Alors, lorsqu'on est professeur d'université et qu'on prend la parole publiquement pour traiter de cet article-là, il est fort important de renseigner adéquatement la population par les fonctions que nous occupons et par la crédibilité qui vient avec le poste que nous occupons au sein d'une institution publique.

• (12 h 10) •

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme David : Alors, je vais regarder le ministre et non la caméra. Donc, je m'adresse au ministre en tant que professeure d'université. J'ai passé 30 ans à l'Université de Montréal comme professeure et j'ai gravi tous les échelons, à partir d'un doctorat obtenu à 25 ans, jusqu'à professeure titulaire, donc adjointe, agrégée, titulaire, titulaire étant une mention honorifique pour dire que nous avons... «Agrégé», c'est la permanence. «Titulaire», ça veut dire que nous avons une contribution significative à la vie intellectuelle. Je ne dis ça pas pour me vanter, mais c'est parce que je pense que je parle un peu de façon crédible de ce qu'est une carrière universitaire.

M. Jolin-Barrette : ...M. le Président.

Mme David : Je sais que vous ne parlez pas de moi, M. le ministre, je parle...

M. Jolin-Barrette : Oui. Je tiens juste à spécifier que je ne parle pas de la députée de Marguerite-Bourgeoys, que je réfère à d'autres individus dans la sphère publique et que je ne réfère pas... mais je veux juste apporter cette précision-là.

Mme David : Parce que vous référez à l'ensemble. Vous avez bien dit au début : L'ensemble des... et je ne me rappelle plus du mot, si c'est «juristes», mais à la fin vous êtes allé vraiment sur «professeurs». C'est comme si vous disiez que les professeurs doivent avoir tous, tous la même opinion et que le débat universitaire, la notion de liberté académique, qui est, depuis les accords de Bologne en 1200 quelque chose... Écoutez, les divergences de points de vue et les points de vue exprimés, comme professeurs, qu'ils soient doyens de faculté de droit, si vous voulez être plus précis — parce que je pense que je lis, moi aussi, ce à quoi vous faites référence — ou d'autres qui sont professeurs dans d'autres universités, qui n'ont peut-être pas la même opinion que vous et que vous n'appréciez pas trop parce qu'ils n'ont pas la même opinion que vous...

M. Jolin-Barrette : ...

Mme David : Laissez-moi finir. Un professeur d'université a l'absolu... Vous en avez un à votre droite, je crois, un professeur d'université qui a ses détracteurs aussi très clairement identifiés. Et c'est ça qui fait que la vie académique et universitaire mondiale doit exister avec cette notion de liberté académique.

Si tout le monde doit penser la même chose, M. le ministre, vous errez grandement sur ce qu'est un professeur d'université. Alors, peut-être, vous n'aimez pas certaines opinions, vous allez dire qu'ils induisent en erreur. Je pourrais vous dire, dans le domaine où je professais, c'est le cas de le dire, où je pratiquais, que tout le monde n'avait pas la même idée sur ce qu'était le psychisme humain et il y avait effectivement des grandes, grandes dissensions d'un côté ou de l'autre, et c'est ça qui fait avancer les choses. Vous avez choisi un métier où c'est justement toujours, toujours l'adversité, et c'est pour ça que, des fois, je me dis : Le droit, je suis contente de ne pas y être allée à ce point-là. J'aimais mieux la psychologie, qui essaie de comprendre et d'être empathique envers l'autre, etc. Alors, vous êtes dans un métier qui effectivement est toujours dans l'adversarial, comme on dit, mais essayez, s'il vous plaît, de ne pas faire dire à des professeurs d'université ce qu'ils ne sont pas.

M. Lévesque (Chapleau) : ...s'il vous plaît. Oui.

Le Président (M. Bachand) : Oui, mais vous savez que, s'il y a une bonne discussion, la présidence est très ouverte. Alors, Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme David : Écoutez, c'est parce que je ne pensais jamais, jamais parler de professeurs d'université en ce moment, là. C'est parce que le ministre en a appelé à une espèce de vérité avec un V majuscule. Et donc je voudrais dire en tout respect pour le collègue, que je respecte, justement qu'il faut faire attention sur les opinions qui peuvent être contradictoires à l'intérieur d'un champ de spécialité. Comme ça a toujours existé, ça existera toujours. Et c'est ce qui fait avancer le débat.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Alors, M. le Président, je ne remets aucunement en question la liberté académique, mes propos portent sur le fait... et non plus le fait d'avoir des opinions divergentes, contraires et de ne pas partager les opinions des uns et des autres. Moi, je n'ai aucun problème là-dedans. Et surtout, comme la députée de Marguerite-Bourgeoys l'a dit, ça fait partie du métier et ça fait partie de ma formation. Je suis capable d'apprécier le tout.

Il y a une différence lorsque c'est une opinion et il y a une différence lorsqu'on le présente à la population comme un état de fait. Il est important de renseigner adéquatement la population sur ce que présente le gouvernement. Lorsqu'un texte législatif est présenté, nous avons le devoir, comme parlementaires... On peut être en désaccord avec le libellé, on peut être en désaccord avec les conséquences qu'on interprète, mais on ne peut pas dire ce que l'article ne dit pas ou faire dire à l'article des choses qui ne sont pas indiquées dans l'article, et ça, j'y tiens d'une façon très importante. Il ne s'agit pas de question de liberté académique, il ne s'agit pas d'une question d'opinion, il s'agit de renseigner adéquatement la population. On nous demande, dans la vie de tous les jours, comme parlementaires, comme experts, de renseigner la population, et ça, je pense que c'est fondamental. Et on peut avoir des opinions divergentes, et c'est vrai que ça fait avancer la société, c'est vrai que ça fait avancer le débat. Par contre, on a l'obligation d'être rigoureux dans la présentation des faits à la population, et surtout lorsqu'on vient du milieu universitaire, surtout, et ça, j'y tiens. On peut interpréter, on peut avoir des opinions divergentes, mais, au niveau des faits, c'est vraiment extrêmement important de présenter adéquatement le portrait de la situation telle que telle.

On peut décider, par la suite, de dire : Voici de quelle façon c'est présenté, et je suis en désaccord pour telle, telle, telle raison. Mais il faut avoir l'honnêteté intellectuelle de dire clairement à la population quel est le contenu de l'article qui est présenté, qu'est-ce qui est mis au jeu et ce sur quoi les parlementaires doivent se prononcer. Ça, je pense que c'est la base pour avoir un débat qui est serein et pour faire en sorte que... Ça nous permettra de cheminer dans le débat public.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme David : J'apprécie nos échanges. On va donc continuer dans la sérénité et dans le débat. Et j'apprécie que le ministre puisse dire que nous pouvons avoir des divergences d'opinions. C'est déjà un très bon début de se dire : On est d'accord, M. le ministre, à être en désaccord sur un certain nombre de choses. Alors, on est d'accord à être en désaccord. C'est vraiment un beau consensus là-dessus.

Et une qui, peut-être, vous complique la vie... ou devrait, peut-être, vous compliquer un peu la vie, c'est quelqu'un que vous avez cité tout à l'heure, notre ex-collègue libérale Fatima Houda-Pepin, qui encore, hier soir, était à une émission d'affaires publiques de Radio-Canada, mais qui est venue ici — je la vois encore assise là-bas — et qui dit — et puis là qu'est-ce qu'on fait avec sa déclaration?, parce que ça complique un peu les choses, et vous avez sûrement réfléchi à la question : Le hidjab n'est pas un signe religieux. Alors là, je sais que, bon, vous allez avoir des renseignements pour pouvoir répondre, mais ce n'est pas clair pour moi, parce que, si le hidjab n'est pas un signe religieux, on est au coeur de ce projet de loi et on est au coeur de l'application à des enseignantes tout particulièrement, parce que c'est là que la situation peut... et existe. Et donc, si ce n'est pas un signe religieux, dans votre amendement, mais qui, bon, est sous-amendé par le collègue de Jean-Lesage... alors, si ce n'est pas un signe religieux, je plains l'autorité compétente qui va devoir raisonnablement penser que, oui, c'est un signe religieux. Mais une grande autorité que vous venez de citer dit : Ce n'est pas un signe religieux. Alors, la confusion est vraiment assez totale.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

• (12 h 20) •

M. Jolin-Barrette : Oui. Faisons référence à Fatima Houda-Pepin. Elle a dit hier soir, à l'émission 24/60,en parlant de la définition que j'ai proposée, que le gouvernement a proposée : «"Une bonne définition", dit Houda-Pepin. Fatima Houda-Pepin, politicologue et ancienne députée libérale, pense que cette définition, qu'elle avait elle-même réclamée en commission parlementaire le 9 mai dernier, est utile. En entrevue à 24/60, Mme Houda-Pepin explique qu'"on ne peut pas amener une disposition qui relève du droit nouveau et en parler dans plusieurs articles sans jamais la définir". Elle qualifie d'intéressant l'amendement que propose le gouvernement — du premier ministre — "parce qu'il nous donne les deux facettes des signes religieux". Ces signes peuvent avoir un caractère objectif, comme le crucifix, qui "parle par lui-même" et laisse peu de place à la contestation.»

Ensuite, M. le Président, Mme Houda-Pepin, lorsqu'elle est venue et qu'elle a parlé de signes religieux, elle a fait référence au droit musulman, M. le Président, et hier je l'ai exprimé... ou, avant-hier, je l'ai exprimé très clairement, à l'effet qu'au Québec c'est le droit québécois qui s'applique, ce n'est pas le droit musulman. Alors, clairement, nous, on vient définir ce que constitue un signe religieux au Québec, et...

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Bien oui. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Pour citer les propos, là, de Mme Houda-Pepin, lorsqu'elle est venue, là. Elle indique : «...en France en 1989 par des groupes islamistes comme symbole de leur identité politique est devenu, grâce à nos tribunaux en Occident, un signe religieux conférant un droit religieux, assimilé à la liberté de religion, donc un droit fondamental.» Et, plus tard dans ses propos, elle dit : «Le grand mufti de la prestigieuse mosquée Al-Azhar.» Le grand mufti, M. le Président, c'est l'interprète officiel du droit musulman.

Alors, M. le Président, c'est en droit musulman auquel réfère la précédente collègue de La Pinière. Ici, on a le droit de définir quels sont les signes religieux, et c'est ce que le gouvernement du Québec fait.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme David : Donc — et je passerai la parole à ma collègue — vous définissez, et c'est là que plusieurs chroniqueurs vont dire : Ça s'en vient compliqué, notre affaire-là. Parce que, d'après votre deuxième amendement... et là je n'ai pas besoin de le citer textuellement, mais c'est raisonnablement convenu par une société quelconque ou, je ne sais pas, notre société que c'est un signe religieux. Donc, vous... ou la raisonnable personne qui va devoir juger de ça va dire : Ce n'est peut-être pas le droit musulman, mais, au Québec, on pense que c'est un signe religieux. C'est ça que je dois comprendre. Mais «on pense que» vient forcément d'experts ou, le «on pense que», le directeur, dans son école, un mardi matin, à neuf heures, il va dire : Quoi, «on pense que»?, on pense quoi exactement, M. le Président?, ou qui m'aide à penser?, qui m'aide à avoir la réponse à ça? C'est la complexité devant laquelle le ministre nous convie.

C'est une complexité où ce n'est pas si simple que ça. Et le premier ministre dit, justement, lui-même : On peut essayer de définir ce qu'est un signe religieux, mais la réponse ne sera jamais «tout noir» ou «tout blanc».

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, j'apporte une définition dans le projet de loi. Et, depuis que j'ai déposé l'amendement qui vient définir les signes religieux, on me questionne beaucoup sur la personne raisonnable. Or, c'est un concept avéré en droit québécois, en droit canadien.

Je vais vous redonner la définition du dictionnaire juridique d'une «personne raisonnable», parce que ça a été défini par les tribunaux, c'est dans nos lois, c'est dans le Code civil. La commission scolaire English-Montréal fait référence à la «personne raisonnable» à deux reprises dans son code. Donc, si les gens ne savaient pas ce que constituait une personne raisonnable, pourquoi, à la fois dans des règlements, dans des lois, on référerait à la «personne raisonnable» le fait que ça soit M. ou Mme Tout-le-monde, que ça soit la personne raisonnable. La définition juridique, là, de «personne raisonnable» : «Personne fictive qui sert de modèle objectif pour l'analyse de la conduite d'une personne afin de déterminer si elle a commis une faute qui pourrait engager sa responsabilité civile ou pénale. Modèle auquel se réfère la loi lorsqu'il y a lieu d'analyser la conduite d'une personne. En matière contractuelle, personne qui se comporte avec bon sens et d'une manière réfléchie lorsqu'elle contracte avec une autre.»

Mme David : M. le Président...

M. Jolin-Barrette : Donc, M. le Président, on pourrait qualifier ça de «gros bon sens», «quelqu'un qui a du gros bon sens». Au ras des pâquerettes, là, c'est pas mal ça que ça veut dire.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme David : Écoutez, on est d'accord qu'il y a une jurisprudence sur la «personne raisonnable». Ce n'est pas ça, le problème. C'est l'application à ce projet de loi là. C'est extraordinaire de vous entendre parler du gros bon sens, parce que vous êtes avocat vous-même, et juriste, et tout ça. Donc, le gros bon sens de Mme X dans une ville x, dans une école y, par rapport au gros bon sens d'un autre va peut-être être différent. Et comment vont-ils être capables d'appliquer ce qu'eux, en toute bonne foi, raisonnablement, pensent être leur gros bon sens?

Alors, si c'était dans d'autres sujets peut-être plus simples que l'histoire des religions... On est dans un concept d'une immense complexité. Alors, j'aime bien entendre le ministre parler de gros bon sens, mais on va en parler, du gros bon sens, parce que le gros bon sens, ce n'est pas simple dans l'histoire des religions. Puis moi, je m'arrête là pour l'instant.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, oui.

M. Jolin-Barrette : Juste là-dessus. Vous savez, dans toutes les lois en milieu de travail, l'application nécessite que l'autorité chargée de l'application de la loi, des normes, des règles applique la norme, hein?

Dans la Loi sur la laïcité, on vient interdire le port d'un signe religieux pour certaines fonctions très précises. Ce n'est pas différent de l'ensemble du régime de normes qui existent pour tout. L'ensemble des gestionnaires, là, à tous les jours, dans nos écoles, dans nos commissions scolaires, dans les corps de police, dans les prisons du Québec, au niveau de la gestion des procureurs, à tous les jours, là, les gestionnaires, M. le Président, là, bien, ils gèrent, hein, ils appliquent les normes, ils appliquent le cadre, ils appliquent les règles de la société. Vous savez, ils le font. Alors, ce n'est pas nouveau, M. le Président. Le critère guidant cela, c'est celui de la subjectivité, si la personne croit que c'est un signe religieux, dans son for intérieur, et le deuxième critère, c'est un critère objectif. Alors, on ne se distancie pas du régime normatif qui existe pour l'ensemble de ce qui existe déjà. Ça, il faut bien comprendre ça. On tente, là, d'alerter la population pour dire : Ce n'est pas applicable, ça va amener des difficultés d'application, ça. Non. Les gens, M. le Président, là, les Québécois puis les Québécoises, ce sont des personnes raisonnables dotées de sens. C'est ça, le critère, M. le Président.

On tente, là, de monter ça en épingle, là, M. le Président. Clairement, M. le Président, on a ce débat-là, c'est bien qu'on ait ce débat-là, mais moi, je pense que pas mal tout le monde ici sait très bien à quoi on réfère avec la définition qu'on a proposée.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : Oui. Merci, M. le Président. Écoutez, c'est très intéressant, entendre le ministre parler de «personne raisonnable», et, à la lumière de la définition qu'il donne à la «personne raisonnable» et à la logique de la «personne raisonnable, j'ai noté deux points. Donc, cette personne, la personne raisonnable, déjà le ministre le dit depuis très longtemps, que c'était du droit nouveau, et, ce que je comprends, que le ministre veut envoyer le fardeau aux gestionnaires. Parce qu'on peut philosopher sur la norme ou la norme sociétale...

Une voix : ...

M. Derraji : On peut, oui. Il peut aussi intervenir, notre cher collègue, sur la norme sociétale. Mais ce que nous essayons de comprendre par rapport à l'applicabilité est véridique, M. le Président.

Entre hier et aujourd'hui, on entend le premier ministre dire une version par rapport à un signe religieux, le ministre dit une autre chose. Le collègue de Jean-Lesage — c'est ça? — nous a présenté tout un document, même si je cherchais la barbe aussi, qui est pour moi un signe religieux, mais il y a différents types de barbe comme signes religieux, mais ce n'est pas encore clair. Mais j'aimerais bien, M. le Président, que le ministre, à qui je donne la possibilité de nous rassurer et plutôt rassurer la population par rapport à l'applicabilité... Si nous sommes aujourd'hui dans cette commission parlementaire en train de poser des questions sur l'applicabilité, c'est parce qu'il y a un risque, et le risque est partagé pas uniquement par les gens que le ministre a cités, mais je peux en citer plusieurs. Et je vais citer, pour le bénéfice du ministre, l'ancien parlementaire Stéphane Bédard, qui hier a dit : «"Le projet de loi sur la laïcité de l'État ne peut pas être adopté sous bâillon. Il n'y a pas eu assez d'heures en commission et il est important", plaide-t-il. "Et c'est à lui, donc au ministre, de montrer qu'il est capable d'aller jusqu'au bout de ses convictions, et ça inclut le fait de continuer les travaux."»

Le commentaire a été aussi unanime, que ce soit avec MM. Bédard, Mulcair ou Mario Dumont hier aussi. Donc, on voit que ce n'est pas juste nous, les membres de l'opposition officielle, ou l'équipe libérale, qui se questionnons sur l'applicabilité mais aussi sur la façon avec laquelle le ministre définit les signes religieux. Donc, j'aimerais bien que le ministre m'explique, demain... Parce qu'il dit que c'est applicable. Et le ministre dit que les gestionnaires sont capables d'appliquer la loi selon les normes. Mais qui définit ces normes? La différence entre une norme au sein d'une institution et une autre, chacun va l'interpréter à sa manière, et c'est pour cela que, depuis le début, on parle de lignes directrices, on parle d'une feuille de route.

Le ministre lui-même a ramené l'amendement parce qu'il a compris que, s'il ne définissait pas... ou il ne donnait pas une définition aux signes religieux, ça va partir dans tous les sens. Est-ce que, M. le Président, le ministre ne voit pas qu'avec la définition que nous avons devant nous aujourd'hui ça va être beaucoup plus difficile pour les gestionnaires d'adopter cette norme à la «personne raisonnable»? La «personne raisonnable», comment il la voit concrètement sur le terrain?

• (12 h 30) •

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le député. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, l'ensemble des intervenants seront outillés avec la définition que nous avons insérée dans le cadre du projet de loi. Je l'ai toujours dit, un signe religieux, c'est selon le sens commun. On vient outiller, avec les deux critères que nous ajoutons et avec la définition... M. le Président, je réponds à la volonté du Parti libéral d'avoir une définition relativement à un signe religieux. M. le Président. Je fais mon effort. Il faut que le Parti libéral fasse son effort aussi. Tout le monde sait, au Québec, ce que constitue un signe religieux, M. le Président. Tout le monde sait ça.

M. le Président, il faut faire preuve de bonne foi. Je comprends, là, que le Parti libéral, là, tente d'aller dans tous les sens et dire : Ah! c'est incohérent. Non, c'est cohérent. Les Québécois souhaitent qu'on interdise le port de signes religieux pour les personnes en situation d'autorité, souhaitent qu'on l'interdise pour les enseignants, pour les directeurs d'école. C'est la volonté du gouvernement. Dans un souci de faire avancer les travaux, j'ai proposé une définition. La définition réfère à un objet, au port d'un objet. Le député de Nelligan nous a dit, en introduction de ses remarques : On ne sait pas encore si une barbe est visée ou non. Or, dès le 28 mars, dès la conférence de presse, j'ai répondu à cette question-là. Il ne s'agit pas d'un objet, c'est de la pilosité. On en a eu un, exemple, l'autre fois, de pilosité, aussi, M. le Président.

M. le Président, la pilosité ne représente pas un objet. Donc, au sens de l'article, au sens de la définition, cela ne constitue pas un signe religieux. Alors, M. le Président, la pilosité est exclue des signes religieux.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : Je ne pense pas que le ministre comprend la logique de la barbe. Moi, je ne parle pas de la pilosité. Probablement, il fait référence à d'autres cas de pilosité, mais je fais référence à un signe religieux. Mais je sais très bien que le ministre a le souhait de viser probablement un signe qui est beaucoup plus visible, que les femmes portent. Mais aussi, pour la même religion, un voile ou une barbe, c'est presque la même chose, sauf qu'un, il est porté par une femme, et l'autre, c'est le signal d'une appartenance religieuse en portant une barbe.

La logique veut que ce que j'ai devant moi avec le «notamment un vêtement, un symbole, un bijou, une parure, un accessoire ou un couvre-chef qui est», donc, par la suite... Le ministre dit qu'il veut interdire les signes religieux. Donc, il considère que — je ne parle pas de la pilosité — la barbe d'un homme n'est pas un signe religieux.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Il faut être très clair, M. le Président, hein, très, très, très clair. La définition que nous avons, c'est une définition qui est adoptée par les parlementaires québécois. C'est le droit québécois qui s'applique, pas le droit musulman, pas le droit des autres États. C'est le droit québécois, et il appartient aux députés de l'Assemblée nationale, aux législateurs tous ensemble de définir ce que constitue un signe religieux.

J'ai présenté une définition de «tout objet». Le député de Nelligan me dit : Une barbe. Une barbe, ce n'est pas un objet, c'est de la pilosité. On s'entend là-dessus, là. C'est de la pilosité. Ça pousse. Il y en a que ça pousse plus, il y en a d'autres que ça pousse moins, il y en a que ça ne pousse pas du tout aussi. C'est une caractéristique physique de la personne. M. le Président, ce qu'on vient définir, c'est très clair : le sens commun des choses, le sens courant. J'ai eu cette conversation-là avec la députée de Maurice-Richard. J'ai eu cette conversation-là avec la députée de Westmount—Saint-Louis. Je l'ai eue avec la députée de Bourassa-Sauvé, avec la députée de Marguerite-Bourgeoys, avec le député de Jean-Lesage. Un signe religieux, c'est un objet, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci.

M. Jolin-Barrette : Et, M. le Président...

Le Président (M. Bachand) : En terminant, oui.

M. Jolin-Barrette : ...juste vous dire, là, qu'on va être un des États qui vient spécifier le plus la définition.

Écoutez, quand on regarde, supposons, là, dans la loi sur l'instruction publique pour le canton de Genève, en Suisse, qui est un État occidental, on indique à l'article 11 : «Les enseignants ne doivent pas porter de signe extérieur ostensible révélant une appartenance à une religion ou à un mouvement politique ou religieux.» Au Luxembourg : «À l'exception de l'enseignant titulaire d'un cours d'instruction religieuse et morale, l'enseignant ne peut manifester ostensiblement par sa tenue vestimentaire ou le port de signes son appartenance à une doctrine religieuse ou politique.» En France, M. le Président, décision du Conseil d'État — on ne parle pas de la cour du fond du rang, là : «...le fait pour un agent du service de l'enseignement public de manifester dans l'exercice de ses fonctions ses croyances religieuses, notamment en portant un signe destiné à marquer son appartenance à une religion, constitue un manquement à ses obligations.» En Belgique, M. le Président, les signes d'appartenance convictionnelle, M. le Président... Alors, voyez-vous, on n'est pas le premier État.

Je comprends que le Parti libéral, là, souhaite qu'on n'interdise pas le port de signes religieux, mais, j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, je trouve, M. le Président, qu'on essaie de trouver toutes les raisons pour faire en sorte qu'on n'interdise pas le port de signes religieux pour les personnes en situation d'autorité. Le Parti libéral, là, peut être en désaccord. Ça leur appartient. C'est la position de leur formation politique officiellement, parce que je sais qu'il y a des députés au sein du Parti libéral qui sont d'accord avec l'interdiction du port de signes religieux. J'ai cette connaissance personnelle là, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, juste pour conclure.

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît, oui.

M. Jolin-Barrette : On n'est pas le seul État à le faire, O.K.? Ensemble, on se dote d'une définition. Il faut arrêter de s'enfarger dans les fleurs du tapis, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : Oui. Merci, M. le Président. Puis j'invite le ministre à être juste beaucoup plus court dans ses réponses, parce qu'on veut avancer. Je pense que lui aussi, il veut vraiment avancer. Pas la peine de nous rappeler des droits d'autres États comme la France et la Belgique. Nous sommes dans le droit québécois, et j'y tiens, à ça. Et je tiens à rappeler aussi à M. le ministre que je suis aussi un député québécois au sein de l'Assemblée nationale et je ne parle pas du droit musulman. Je suis en tant que Québécois sur la table, et mes questions à M. le ministre sont en lien avec sa définition d'un signe religieux, la définition que j'ai devant moi d'un signe religieux qui vise juste les femmes, et je précise, les femmes musulmanes et non pas les hommes musulmans.

Je lui pose la question : Avec la même logique qu'il a utilisée pour dire aujourd'hui que le voile est un signe religieux, comment il peut expliquer que la barbe n'aurait pas la même portée religieuse si c'est un homme? Je ne parle pas de pilosité, parce que ce n'est pas le cas, et je peux lui faire tout un cours, mais, pour le bénéfice de la commission, je ne vais pas étaler les éléments de la religion, pour le bénéfice du ministre, mais je pense très bien qu'il comprend qu'il y a un signe exprimé par un homme et un signe exprimé par une femme. Ce qu'on voit présentement, c'est l'applicabilité uniquement qui visait les femmes qui travaillent en fonction publique ou les postes que lui-même, il cible.

Donc, est-ce qu'il peut, le ministre, d'une manière très courte, m'expliquer, en fonction de la logique qu'il s'est donnée aux signes religieux, comment la barbe n'aurait pas la même portée que le voile?

• (12 h 40) •

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, c'est important de renseigner adéquatement les Québécois qui nous écoutent dans le cadre de nos propos ici.

Le député de Nelligan vient de dire qu'on souhaite interdire le port de signes religieux aux membres de la fonction publique, ce qui est faux, ce qui est faux, ce qui est faux. L'annexe II prévoit les corps d'emploi, les fonctions pour lesquels le port d'un signe religieux est interdit. Ce n'est pas tous les fonctionnaires de l'État qui sont visés par cette interdiction. M. le Président, il est faux de prétendre que le projet de loi s'applique uniquement aux femmes. Il s'applique autant aux hommes qu'aux femmes. Il s'applique à toutes les religions, au catholicisme, au protestantisme, à ceux qui sont luthériens, à ceux qui sont anglicans, à ceux qui sont coptes, à ceux qui sont Grecs orthodoxes, à ceux qui sont Grecs catholiques, à ceux qui sont Juifs, à ceux qui sont musulmans. M. le Président, toutes les religions sont sur le même pied d'égalité avec le projet de loi. Les hommes et les femmes sont sur le même pied d'égalité dans le cadre du projet de loi. Je l'ai dit, je l'ai redit, je l'ai re-redit, on tente, M. le Président, de détourner l'attention du bien-fondé du projet de loi, et ça, pour la suite des travaux, je souhaite que l'on cesse ça du côté du Parti libéral.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : Oui. M. le Président, c'est des questions qui restent sans réponse. Et il y a les journalistes qui écoutent et il y a la population qui écoute. Le ministre n'est pas obligé à me répondre, mais il va devoir répondre un jour comment la logique qu'il a utilisée pour définir un signe religieux qui exclut les hommes portant une barbe... de cette interdiction. Je vois clairement que le ministre, avec la définition, ciblait des femmes musulmanes mais ne ciblait pas des hommes musulmans qui portaient des barbes.

Or, que ça soit la barbe ou le voile, ça dit presque la même chose. Un, il exprime sa conviction religieuse avec un voile, l'homme exprime une conviction religieuse ou une lecture religieuse avec une barbe. Donc, moi, ma question reste. Le ministre peut choisir de ne pas répondre, mais la logique n'est pas là. Donc, il n'y a pas de logique qui va me convaincre aujourd'hui qu'on ne cible pas des femmes mais, plus, on cible les hommes. Et ça reste encore une fois qu'au niveau de l'applicabilité, au-delà de la différence entre hommes et femmes, au niveau de l'applicabilité et la personne raisonnable, le ministre, avec son projet de définition de «signe religieux»... on voit le fardeau de l'applicabilité à l'ensemble des gestionnaires au niveau de l'État. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions, M. le ministre? Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Ah! le ministre n'a pas de commentaire à cet effet-là?

Le Président (M. Bachand) : Non.

Mme Robitaille : Non. Je pense à une dame que je connais bien, qui est conseillère municipale et qui est extrêmement compétente. Elle est Juive hassidim et, dans sa religion, elle doit porter une perruque. Je veux qu'on lise l'article. Puis peut-être qu'en bout de ligne le ministre peut nous dire si ce qu'elle porte sur la tête, c'est un signe religieux ou non.

Donc, au sens du premier article, «est un signe religieux tout objet, notamment un vêtement, un symbole, un bijou, une parure — est-ce que sa perruque est une parure? — un accessoire [...] un couvre-chef» qui soit porté en lien avec une conviction ou une croyance religieuse ou soit raisonnablement considéré comme référant à une appartenance religieuse.

Donc, pour cette dame, qui est conseillère municipale, et qui est très jeune, et qui a certainement un avenir brillant devant elle, je pense qu'elle aimerait savoir si ce qu'elle porte sur la tête, c'est un signe religieux.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, faisons un exercice ensemble.

La députée de Bourassa-Sauvé nous convie à faire un exercice pratique, alors faisons un exercice pratique ensemble. Allons dans l'annexe II du projet de loi ensemble. Est-ce que, dans la liste des personnes qui sont visées par l'interdiction de port de signes religieux, on y voit qu'un conseiller ou une conseillère municipale est visée par l'interdiction du port d'un signe religieux?

Mme Robitaille : Est-ce que je peux répondre, M. le...

Le Président (M. Bachand) : Oui. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Parce que je comprends très bien qu'un conseiller municipal n'est pas visé par la loi, mais c'est une jeune femme d'une trentaine d'années qui a des ambitions politiques, qui voudra peut-être devenir députée, puis peut-être présidente de l'Assemblée nationale. Donc, pour planifier sa carrière, elle aimerait certainement savoir si ce qu'elle porte sur la tête va l'empêcher d'aller où elle veut, d'avoir accès à certains postes.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Vous savez, M. le Président, quand on se présente en politique, on se présente pour servir les citoyens, on ne se présente pas pour occuper un poste, on ne se présente pas pour avoir un objectif de carrière.

Quand on se présente en politique, on se présente pour servir les citoyens, on se présente pour faire en sorte de s'assurer que le mandat pour lequel on a été élu soit rempli. C'est le contrat moral du service public et de l'engagement public. On se présente en politique parce qu'on veut défendre des idées, on veut défendre des convictions. Et on dit, lorsqu'on se présente devant l'électorat... on se dit : Voici ce à quoi je m'engage, voici. Ma formation politique, au niveau provincial, s'engage à adopter certaines mesures législatives, s'engage à gouverner de cette façon-là.

Je donne un exemple pratique, M. le Président. Le gouvernement de la Coalition avenir Québec s'est engagé, dès 2013, à adopter un projet de loi sur la laïcité et à faire en sorte que les personnes en situation d'autorité ne portent pas de signe religieux. La CAQ a été élue aux dernières élections générales, les 42es depuis 1867.

Le Président (M. Bachand) : ...

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je veux juste compléter, je veux juste compléter...

Le Président (M. Bachand) : ...M. le ministre, s'il vous plaît. Oui, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : L'engagement du gouvernement devant le peuple québécois, c'était d'interdire le port de signes religieux pour les personnes en situation d'autorité. Qu'est-ce que le gouvernement a fait? On a déposé le projet de loi n° 21 puis on est en train de l'étudier. Il n'y a personne qui s'est dit : Moi, je m'en vais en politique pour le poste que je vais occuper. Les gens qui se sont engagés pour la CAQ, c'était pour servir les citoyens et faire en sorte que les engagements que nous avons pris, ils allaient être remplis. C'est pour ça qu'on s'engage en politique, pas pour devenir président de l'Assemblée nationale, pas pour devenir ministre du gouvernement.

On s'engage pour servir les citoyens et surtout répondre au mandat qui nous a été confié par les citoyens du Québec. C'est les droits collectifs de la nation québécoise notamment qui doivent être pris en considération. C'est extrêmement important.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Mais est-ce que ce qu'elle porte sur la tête est un signe religieux? Et la question est importante parce qu'on est en train de discuter de l'arbitraire de... en fait, de la raisonnabililté d'une décision qui, en bout de ligne, dirait : Oui, ce qu'elle porte sur la tête, c'est un signe religieux. Alors, moi, j'aimerais avoir au moins une piste du ministre à savoir est-ce que ce qu'elle porte sur la tête, c'est un signe religieux.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

• (12 h 50) •

M. Jolin-Barrette : M. le Président, la députée de Bourassa-Sauvé et l'ensemble de ses collègues vont vouloir, comme le député de Jean-Lesage le faisait, faire un quiz. Je ne me soumettrai pas à un tel quiz.

Ce que je peux dire, M. le Président, c'est que, dans l'exemple qui est formulé par la députée de Bourassa-Sauvé, c'est un exemple fictif, hypothétique, et la mise en contexte de cet exemple-là le démontre très bien, parce qu'un conseiller municipal n'est pas visé par l'application de la loi. L'article qui vise un conseiller municipal, c'est relativement au visage à découvert. Est-ce que la députée de Bourassa-Sauvé est contre le fait que les conseillers et les conseillères municipaux au Québec exercent leurs fonctions avec le visage à découvert? J'aimerais le savoir, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Cette jeune femme là est au début de sa vie professionnelle. Moi, j'aimerais savoir si ce qu'elle porte sur la tête est un signe religieux. Or, le ministre n'est pas capable de répondre. Et c'est là la problématique, M. le Président, c'est là qu'on se pose des questions, et de là l'importance du sous-amendement de mon collègue de Jean-Lesage. Et donc qu'est-ce qu'on fait avec ça? On ne le sait pas. Le ministre n'est pas capable de répondre. Si justement la personne qui décide d'une situation comme ça... Disons que la dame est enseignante et elle travaille dans une école publique. Si son directeur porte... et décide que, selon lui, et selon toute raisonnabilité, selon lui, sa raison à lui, c'est un signe religieux, si elle considère que c'est déraisonnable, quel recours a-t-elle?

Si elle considère que c'est déraisonnable, a-t-elle un recours, peut-elle en appeler? Et là on parle de la personne. Peut-elle en appeler de cette décision-là? A-t-elle un recours?

Le Président (M. Bachand) : Merci, Mme la députée. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, on a eu cette question-là hier matin, et j'ai répondu qu'on allait le voir dans les articles qui suivent, entre les articles 12 et 15. J'ai déjà répondu à cette question-là. Alors, si on veut avoir la réponse complète à cette question-là, il faut cheminer avec l'article, parce que, M. le Président, vous savez, je suis très respectueux du règlement et je veux être pertinent pour répondre à mes questions en lien avec l'article étudié.

Le Président (M. Bachand) : J'avais le député de Jean-Lesage, vu qu'on est quand même sur son...

Mme Robitaille : ...

Le Président (M. Bachand) : O.K. Rapidement, Mme la députée, oui.

Mme Robitaille : En fait, je vous parle de tout ça parce qu'on est tous... En fait, la confusion, je pense, elle n'est pas juste partagée par des gens de ma formation, mais par plusieurs personnes, plusieurs individus, plusieurs journalistes, chroniqueurs, philosophes qui réfléchissent à la question.

Ce matin, dans La Presse, Agnès Gruda, qui suit toutes ces questions-là, a écrit un article intéressant. Elle parle de l'amendement du ministre et, en tout respect, elle dit que cette définition ajoute à la confusion, et j'aimerais lire un petit bout de son texte. Je pense que c'est important, parce qu'il y a plein de gens qui se posent des questions. Elle dit : «Faudra-t-il faire appel à des experts pour décider si toutes les croix réfèrent forcément au christianisme? Et toutes les étoiles de David au judaïsme? Si des boucles d'oreille en forme de croix "réfèrent" ou non à Jésus? Si on peut épingler de tels signes au revers du veston ou s'il faut les éliminer complètement? Sans l'ajout de mardi, le projet de loi laissait déjà beaucoup de place à l'interprétation. Avec cet ajout, on ouvre la voie à une sorte de régime d'inquisition — c'est elle qui parle — portant atteinte à la vie privée des gens — et j'aimerais entendre le ministre là-dessus — débouchant potentiellement sur des décisions tout aussi arbitraires et discriminatoires qu'avant. [En] ouvrant la porte à une multitude de contestations devant les tribunaux, qui auront la tâche ingrate d'évaluer le poids religieux des kippas, voiles et crucifix. En voulant montrer que son projet de loi vise toutes les religions [...] tous les signes religieux et que toutes les confessions seront égales aux yeux de l'État, la nouvelle mouture du projet de loi n° 21 débouche sur un projet — et là je la cite — surréaliste et difficilement applicable. Et démontre, par l'absurde, tout ce qui ne va pas avec [cette] conception de la laïcité de l'État que le gouvernement Legault tente de faire adopter à toute vapeur, sous la menace du bâillon.»

C'est dur, mais c'est quand même une femme qui suit les enjeux sociaux depuis très, très longtemps, qui s'appelle Agnès Gruda, et une femme dont le jugement est écouté par plusieurs. Donc, j'aimerais entendre le ministre là-dessus.

Le Président (M. Bachand) : Merci, Mme la députée. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, vous conviendrez que je ne partage pas l'opinion de Mme Gruda. Elle a droit à son opinion, ça lui appartient. Mais je ne la partage pas, aucunement. C'est très clair.

Et, vous savez, sur le chemin de la laïcité, il y aura beaucoup d'adversaires, il y aura beaucoup de gens qui voudront le statu quo. Ce que je constate depuis que j'ai déposé le projet de loi, c'est que le Parti libéral se retrouve dans une position où il veut le statu quo. Ça, c'est très, très, très clair pour moi et c'est très clair aussi auprès des Québécois que le Parti libéral ne souhaite que rien ne change en matière de laïcité, que le Parti libéral ne souhaite pas qu'on interdise le port de signes religieux. Ça ne peut pas être plus clair que ça. La députée de Bourassa-Sauvé fait référence à dire, en citant les propos de Mme Gruda, que le Québec va devenir l'Inquisition... où se déroule l'Inquisition. Bon, premièrement, c'est un terme religieux un peu, là. Mais, la Belgique, l'Allemagne, le Luxembourg, la France, tous des endroits dans le monde, des pays occidentaux où on interdit le port de signes religieux pour certaines personnes, est-ce qu'il y a de l'Inquisition là-bas? Bon, vous me direz — puis on peut retourner à l'histoire : Il y en a déjà eu, hein? Mais, à ce jour, je ne pense pas qu'il y a d'Inquisition là-bas puis je ne pense pas que c'est moins légitime pour l'État québécois d'interdire le port de signes religieux pour certains postes, certaines fonctions, pour certaines personnes dans le cadre de leurs fonctions en raison des pouvoirs qu'elles exercent.

La position du Parti libéral, M. le Président, c'est de dire que les policiers devraient pouvoir porter des signes religieux, que les juges devraient pouvoir porter des signes religieux, que les agents de services correctionnels devraient pouvoir porter des signes religieux, que les directeurs d'école devraient pouvoir porter des signes religieux, que les enseignants devraient pouvoir porter des signes religieux, M. le Président, que les procureurs, les agents de l'État qui poursuivent, dans une salle de cour, des prévenus, des accusés, puissent porter des signes religieux. C'est ça, la vision du Parti libéral. Je ne la partage pas, et mon gouvernement ne la partage pas. Et les Québécois ne partagent pas cette vision-là.

Le Président (M. Bachand) : ...députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Écoutez, ma formation politique n'est pas la seule à se questionner sur la clarté de cet amendement. Il y a, de toute évidence, confusion. Et on est quand même dans un État de droit, et donc il y aura des recours. Et, si la décision est déraisonnable, bien, la personne en appellera, et là il va y avoir des experts qui vont se pencher sur la question. Il va y avoir certainement... Alors, on va développer une espèce d'expertise. Ce que dit Mme Gruda, c'est qu'on s'en va vers quelque chose de surréaliste, en effet.

Le Président (M. Bachand) : Rapidement.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, ce n'est pas surréaliste du tout, interdire le port de signes religieux avec un critère qui est objectif, fondé sur la croyance sincère de la personne. C'est déjà le critère qui existe pour la liberté de religion. C'est ce qui est avéré par la jurisprudence et avec un critère objectif aux yeux de la personne raisonnable, aux yeux de M. et Mme Tout-le-monde. M. le Président, ça ne peut pas être plus clair que cela. Honnêtement, j'ai fait mon effort. J'ai fait des avancées pour montrer des gestes d'ouverture envers le Parti libéral. Il est temps que le Parti libéral fasse oeuvre utile et démontre des signes d'ouverture pour faire avancer le projet de loi sur la laïcité.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.

Compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 59)

(Reprise à 15  h 3 )

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bienvenue. La commission reprend ses travaux. Je demande, bien sûr, à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre leurs appareils électroniques.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 21, la Loi sur la laïcité de l'État. Lors de la suspension de nos travaux ce matin, les discussions portaient sur le sous-amendement à l'article 6 du député de Jean-Lesage. Interventions? Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Merci, M. le Président. Et puis, M. le Président, je pense que vous allez me comprendre puis vous allez être sensible à ce que je dis, parce que, bon, je comprends, je sais que vous avez été ambassadeur du Canada à l'UNESCO et puis vous avez vu de près des gens de partout.

Moi, vous savez, à la période des questions, j'entendais le premier ministre. J'ai regardé son point de presse. Il parle de niaisage. On ne fait pas du niaisage, M. le Président, on ne perd pas notre temps. On ne perd pas notre temps. Dans mon comté — je vous l'ai déjà dit ici, vous savez que je suis loyale aux gens de mon comté — il y a des gens qui vont être affectés par ce projet de loi là, il y a des enseignantes, j'ai des confrères de travail, des jeunes avocats juifs aussi qui vont être affectés, des jeunes avocates musulmanes. On a eu aussi aux consultations quelqu'un de la religion sikhe qui nous a parlé d'une façon convaincante, qui nous a expliqué comment le projet de loi va au-delà des professions qu'elle cible, va toucher les communautés, la communauté sikhe entre autres, et le message que ça envoie. Donc, les discussions qu'on a ici en ce moment sont fondamentales, M. le Président. On s'apprête à suspendre la charte québécoise des droits, la Charte canadienne des droits. Ce n'est vraiment pas banal. Il y aura des gens, comme j'ai dit tout à l'heure, qui vont être affectés par ça. Et, je le rappelle, je le répète, et je l'ai dit au ministre, il y a plusieurs constitutionnalistes qui sont venus ici. La grande majorité des constitutionnalistes...

M. Lévesque (Chapleau) : ...on est sur le sous-amendement actuellement. J'aimerais ça qu'on revienne...

Mme Robitaille : Oui. Bien, écoutez-moi. Vous allez comprendre pourquoi on est sur le sujet de l'amendement.

Le Président (M. Bachand) : Je vais — merci, M. le député de Chapleau — juste laisser...

Mme Robitaille : Oui. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : On va laisser aller la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît. Oui, s'il vous plaît, Mme la députée.

Mme Robitaille : Donc, il y a eu des constitutionnalistes. Il y a eu M. Gérard Bouchard qui nous a dit que, si on veut suspendre la Charte des droits, il faut un motif supérieur, il faut une urgence, il faut des raisons sérieuses.

Or, encore une fois, en consultations, il y a eu des gens qui travaillent sur le terrain, hein, des gens qui travaillent, des enseignants, il y a eu des représentants des commissions scolaires qui nous ont dit qu'en fait, sur le terrain, il n'y en avait pas, de problème. Et, dans ma circonscription, Bourassa-Sauvé, à la commission scolaire Pointe-de-l'Île, il y a des enseignantes voilées. Il n'y en a pas beaucoup, mais il y en a. Et il y a aussi des étudiantes qui veulent devenir enseignantes, qui aimeraient travailler et qui, à cause de ce projet de loi là, ne pourront probablement pas travailler à la commission scolaire Pointe-de-l'Île. C'est des enjeux sérieux, et de là l'importance de poser les bonnes questions et d'avoir les bonnes réponses, dans le respect de l'opinion contraire, et j'entends le ministre. Ce projet de loi là ne va pas nous protéger des extrémistes, ne va pas aider à l'émancipation des femmes musulmanes, et il y aura des conséquences dans la société. Ce ne sera pas nécessairement sur la majorité, c'est vrai, mais il y aura des gens qui vont être affectés. Il va y avoir des gens des minorités qui vont être affectés. Et, en démocratie, le droit des minorités, on le protège.

Donc, je veux juste vous dire ça, M. le Président. On ne fait pas du niaisage ici et puis on ne perd pas notre temps. Et c'est pour ça que j'appelle le ministre à répondre à nos questions, des questions extrêmement pertinentes pour les gens qui nous écoutent. Alors, j'aimerais savoir si les gens, justement, qui vont juger la décision de leur supérieur déraisonnable... est-ce que ces gens-là vont pouvoir avoir un recours?

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Interventions? M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Alors, M. le Président, à cette question-là, à laquelle j'ai déjà répondu ce matin et hier également... j'ai déjà indiqué à la députée de Bourassa-Sauvé, M. le Président, que la réponse à cette question-là se trouvait aux articles 12 et suivants du projet de loi. Donc, je sais que nous allons cheminer rondement cet après-midi et que nous allons aborder ce sujet-là aux articles 12 et suivants très prochainement, dans les prochaines minutes.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît. Merci.

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Contente de vous retrouver cet après-midi pour continuer nos travaux, M. le ministre, M. le Président, collègues.

Donc, par rapport à l'amendement qui est proposé par le collègue de Jean-Lesage, je pense que c'est fondamental puis j'espère qu'on pourra avoir des échanges avec le ministre justement pour pouvoir perfectionner la définition, dans le fond, de ce qu'est un signe religieux. Et, si on veut réussir à avancer dans ce projet de loi aujourd'hui et dans la prochaine journée, les prochaines semaines... Je ne sais pas comment le reste de l'histoire se dessinera. Mais, si on veut continuer d'avancer, certainement, il va falloir résoudre cette question-là de ce qu'est un signe religieux, je le répète, pour fins des échanges, parce que ça m'apparaît important. On est arrivés à, quoi, trois jours de la fin de la session avec le dépôt de l'amendement du ministre, qui nous répétait la semaine dernière que c'était très clair, ce qu'était un signe religieux. De toute évidence, le fait de déposer cet amendement-là... je présume qu'il est revenu sur sa décision ou il a souhaité préciser, à tout le moins, ce que c'était. Ça demeure toujours aussi obscur, parce que, est-il nécessaire de le rappeler?, dans sa volonté de le préciser avec le dépôt de cet amendement-là mardi, le premier ministre... hier, c'est, quoi, à midi, l'alliance était un signe religieux, puis, à 14 heures, finalement, l'alliance n'était plus un signe religieux. Donc, c'est une démonstration, dans le fond... Quand le premier ministre du Québec n'est pas capable de circonscrire avec exactitude ce qu'est... ou si ce n'est pas clair dans son esprit, comme premier ministre du Québec, comme premier ministre qui veut faire adopter une loi, ce qu'est ou ce que n'est pas un signe religieux, je pense, ça vient parfaitement faire la démonstration qu'il y a clairement un enjeu par rapport à la définition.

• (15 h 10) •

Et encore aujourd'hui, à la période de questions, le premier ministre l'a resouligné, qu'il était important de prendre le temps et d'apporter les précisions nécessaires à cette définition. Et je pense que les prochaines heures seront certainement... à moins qu'on arrive à avancer très rapidement sur ce qu'est un signe religieux. Mais là, avec ce qui est sur la table, je pense qu'on est encore loin de la coupe aux lèvres.

Et, par rapport à l'amendement du député de Jean-Lesage, qui porte, notamment, sur... puis je veux revenir à cet exemple-là. Puis ce n'est pas mon intention... Je sais que le ministre nous l'a souligné lors des dernières interventions, qu'il ne veut pas passer un quiz. Et l'intention n'est pas de lui faire passer un quiz, parce qu'on pourrait arriver avec les centaines de signes religieux... puis là je dis «centaines», plusieurs centaines de signes religieux qui existent à travers la centaine de religions, et l'idée n'est pas en ce sens. Mais il faudra en venir à un moment où il y aura une définition beaucoup plus circonscrite. Et, par rapport à l'intention, je portais à l'attention du ministre — je ne me souviens pas si c'était hier ou avant-hier, l'espace-temps commence à être flou dans ces longues semaines intensives — le cas de l'étudiante en France qui, après l'application de la loi sur la laïcité, s'était vu refuser l'accès au collège parce qu'un administrateur avait décidé, dans le fond, que sa jupe était un objet religieux, et c'est à ça que ça nous expose. Et moi, je veux en revenir justement par rapport à la situation d'un professeur qui se retrouverait dans la même situation. Est-ce que, justement, l'intention, puis c'est un peu ce qui est porté par le député de Jean-Lesage... est-ce que l'intention derrière la tenue ou la parure, le vêtement... D'ailleurs, il faudra définir la différence entre «parure», «vêtement» et l'ensemble des termes qui ont été présentés par le ministre. Mais j'aimerais bien qu'il puisse venir nous éclairer sur non seulement comment un administrateur viendra déterminer... Et il y a un précédent. Ça s'est passé. Donc, on n'est pas à l'abri du fait que ça se reproduise de nouveau et que, de façon discrétionnaire, un administrateur décide qu'une jupe est un signe religieux en ce sens qu'elle fait partie... Souvent, par exemple, une jupe longue va être retrouvée chez une femme musulmane. Comment l'administrateur va pouvoir justement être éclairé dans ses décisions?

Le Président (M. Bachand) : Interventions? M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Plusieurs choses, M. le Président. C'est un plaisir de retrouver la députée de Maurice-Richard. Elle nous a manqué ce matin. Je crois qu'elle vaquait à d'autres occupations avec mes collègues.

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Pardon?

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Non, non, non. Mais je dis juste que vous étiez occupée puis qu'on s'est ennuyés.

Alors, M. le Président, le 28 mars dernier, j'ai déjà répondu aux différentes questions auxquelles fait allusion la collègue de Maurice-Richard dans le cadre de la conférence de presse sur le dépôt du projet de loi. Pour ce qui est des exemples qui sont donnés par la collègue de Maurice-Richard, notamment, relativement au port d'une jupe, dans un premier temps, le cas qu'elle soulève, auquel elle fait référence, c'est un cas en Europe, hein, d'une étudiante. Alors, nous, l'interdiction de port de signes religieux ne vise pas les étudiants, ça vise les personnes en situation d'autorité. Donc, dans le cadre d'une école, c'est les directeurs d'école ou les enseignants, ça ne vise pas les élèves, là. Ça, il faut que ça soit très clair, là, pour tout le monde ici. Au niveau du champ d'application de la loi, là, tout le monde peut garder son signe religieux, à l'exception des gens qui occupent une fonction d'autorité : les juges, les policiers, les agents de services correctionnels, les procureurs, les directeurs d'école, les enseignants. Pour ces personnes-là, dans le cadre de leurs fonctions uniquement, là, pour le temps qu'ils font leur prestation de travail, ils ne peuvent pas porter de signes religieux. On ne vise pas les élèves, là. On ne vise pas les autres membres du personnel. Seulement ces fonctions-là, comme on s'était engagés à le faire. Alors, c'est limité uniquement pour la prestation de travail.

Ce à quoi invite plus largement le projet de loi, c'est que tous les fonctionnaires de l'État donnent des services à visage découvert. Ça, c'est vrai que ça couvre tous les fonctionnaires de l'État. Même chose pour les citoyens qui demandent un service public : pour des motifs d'identification et de sécurité, eux doivent se découvrir le visage aussi. Mais il n'est pas question du tout d'interdire les signes religieux chez tout le monde, chez tous les bénéficiaires de services publics, chez tous les élèves, là. Ce n'est pas ça du tout, le projet de loi. Le projet de loi, c'est vraiment très clair, là, c'est relativement à l'interdiction du port de signes religieux pour certaines fonctions très spécifiques. Et d'ailleurs, dans un souci d'assurer l'application du projet de loi, on a inséré une clause de maintien en emploi pour les personnes qui porteraient déjà, au moment de l'adoption de la loi, un signe religieux. Donc, ces personnes-là pourront conserver leurs signes religieux. Exemple, si vous aviez un policier qui portait déjà un signe religieux au moment du dépôt de la loi, bien, il peut le conserver. C'est une clause de maintien en emploi, une clause de droits acquis aussi, qu'on peut appeler, même chose pour un enseignant ou une enseignante ou un directeur d'école ou une directrice d'école.

Donc, là-dessus, honnêtement, je pense que le projet de loi qu'on présente, c'est un projet de loi qui est modéré, qui est pragmatique. Puis, M. le Président, je souhaite avoir la contribution du Parti libéral là-dessus, qu'on puisse l'adopter ensemble, le projet de loi.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Bien, le ministre sait très bien que, si on est assis ici, c'est parce qu'on souhaite évidemment y contribuer, s'il nous laisse le temps de le faire, car est-il bon de rappeler qu'on a commencé cette étude détaillée il y a à peine une semaine? Donc, ça fait, quoi, 24, 25 heures, une grosse journée de travail, hein, une très grosse journée de travail. Mais c'est 24 heures d'étude détaillée jusqu'à maintenant. Donc, nous, on vous l'a dit, on demeure disponibles. On restera disponibles pour continuer à y travailler. Je pense que c'est important. Vous avez parlé de vouloir laisser un legs historique. Faisons-le comme il faut.

Et, pour revenir au cas qui nous occupe... Puis je suis bien consciente que le cas auquel je réfère... Puis peut-être que vous avez manqué le... Je faisais un parallèle. Je sais très bien que ce cas-là est le cas d'une élève en France, effectivement. Je dis juste que ce que ça démontre, ce cas-là, c'est que ça peut très bien arriver à une enseignante qui se présenterait — donc, c'est la même situation — dans une école, habillée de la même façon. Ce que ça démontre, c'est que, sans définition claire, ça laisse place à une partie arbitraire, et subjective, et discrétionnaire. Et je pense que, dans un contexte où il est quand même question de restreindre des droits fondamentaux, il y a une nécessité de s'assurer qu'il n'y aura pas place à la subjectivité et qu'il y aura une définition très circonscrite pour permettre aux administrateurs d'appliquer cette loi de façon précise. Et j'en reviens à dire : Si, dans l'esprit du ministre, c'est clair pour lui, ce qu'est un signe religieux, je l'inviterais à ne pas perdre de vue que, son propre premier ministre, pour lui, hier midi, ce ne l'était pas. Et il me répond que le 28 mars il a tout défini ça. Le 28 mars, ce qu'il avait dit, c'est : Tous les signes religieux de toutes les religions. Et, si c'était si clair que ça... Oui, c'étaient tous les signes religieux et de toutes les religions. Et, si c'était si clair que ça, j'aimerais bien comprendre la raison pour laquelle il a déposé un amendement avant-hier. Donc, ça doit être forcément parce qu'il en vient au fait qu'il y a une nécessité de le circonscrire davantage.

À la lumière des déclarations de son premier ministre, je pense que ça vient faire la démonstration qu'on doit faire un pas de plus encore dans la définition et dans la circonscription qui sera faite exactement. Et, à la lumière de ce qui a été redit ce matin du premier ministre en période de questions, il faudra travailler à continuer de préciser, d'aventure, ce qu'est un signe religieux.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre, interventions?

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Les Plaines, s'il vous plaît.

Mme Lecours (Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais juste... dans l'ordre des choses. On est sur le sous-amendement. On parle de l'amendement du ministre, mais il y a un sous-amendement qui a été déposé. Est-ce qu'on pourrait statuer sur le sous-amendement? Est-ce qu'on est prêts à statuer sur le sous-amendement?

Le Président (M. Bachand) : Lorsque les interventions seront terminées sur le sous-amendement, le sous-amendement sera mis aux voix.

Mme Montpetit : ...du ministre, puis, encore là, je ne veux pas faire un argumentaire, j'entends les députés du gouvernement, puis ils l'ont fait à plusieurs reprises hier, rappeler le fait... On sait très bien où on en est. On vous en remercie. Je pense qu'il y a un président dans cette commission. Vous faites très bien votre travail, M. le Président. Et la question, je pense, qu'il est de... et on parle de l'amendement du député de Jean-Lesage, de venir circonscrire ce qu'est un signe religieux, le sous-amendement, puis après ça on reparlera de l'amendement du ministre. Et c'est tout dans un objectif de venir le circonscrire. Donc, attendez-vous à nous entendre parler de ce qu'est un signe religieux. C'est exactement ça, le fond de la discussion.

Donc, je repose ma question au ministre. Moi, c'est ça que je veux savoir. J'aimerais ça avoir une réponse sur comment un administrateur va venir, s'il n'y a pas de liste exhaustive et précise... comment on s'assure de ne pas avoir une situation comme celle qui s'est produite pour l'étudiante. Bien, ça pourrait être la même situation pour une professeure qui se présenterait habillée de la même façon. Et, si c'était si clair le 28 mars, pourquoi a-t-il jugé nécessaire alors, avant-hier, de déposer un amendement sur la précision? Je ne peux que me rendre à l'évidence, c'est qu'il avait un souci de le préciser davantage.

• (15 h 20) •

Le Président (M. Bachand) : Merci, Mme la députée. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, la collègue de Maurice-Richard nous présente un exemple hypothétique en lien avec quelqu'un qui n'est pas visé par le projet de loi, hein, parce que les étudiants ne sont pas couverts par le projet de loi. Alors, j'aimerais ça savoir si elle peut nous soumettre des cas équivalents en France, supposons, où il y a eu des litiges avec les enseignants, parce que ça fait plusieurs années que l'interdiction de port de signes religieux existe en France, hein, ça fait plusieurs années.

Alors, j'aimerais avoir plusieurs cas d'exemple qui touchent les enseignants ou les directions d'école en France. Est-ce que la députée de Maurice-Richard peut nous présenter des comparatifs comme ceux-là pour appuyer ses propos?

Le Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée.

Mme Montpetit : Bien, écoutez, moi, je peux retourner la question au ministre puis lui demander : Est-ce qu'il veut nous présenter combien il y a de juges à l'heure actuelle qui portent un signe religieux, puis combien il y a de policiers à l'heure actuelle qui portent un signe religieux, puis sur quoi il est en train de légiférer, exactement? Mais ce n'est pas ça, le fond de ma question. Et j'aimerais, pour le bon déroulement de ces travaux, qu'on continue d'avoir un échange constructif et je l'apprécie beaucoup. Et je ne lui parle pas d'une élève, je lui parle d'un professeur.

Si vous voulez, je peux prendre complètement un autre exemple, que ce soit justement un juge, là, la situation... mais, je veux dire, une professeure qui se présenterait avec la même jupe — c'est juste ça, la question — ou qui se présenterait avec un autre symbole. Je vous l'ai dit. On a eu la discussion, par exemple — attendez, il faut que je le retrouve — sur des symboles qui sont... Je vous parlais, la semaine dernière, par exemple, du yin-yang. Je l'ai apporté, parce que c'est plus clair. Des fois, ce n'est pas clair, hein? Le yin-yang, qui est quand même un signe qui est porté par plein d'adolescents, par des adultes aussi, qui est porté plus de façon, je vais dire, esthétique, à moins que le ministre me dise que ce n'est pas, selon le sens commun ou selon l'amendement qu'il a déposé, un signe religieux, je ne pense pas que, si on allait voir les administrateurs à l'heure actuelle, par exemple les directeurs d'école, ce serait évident pour eux que c'est un signe du taoïsme.

Donc, on va se retrouver avec des situations justement comme ça qui sont arbitraires, parce qu'il y aura un cas où, par exemple, un directeur d'école aura décidé que l'étoile de David est un signe religieux, alors que c'est un signe culturel. Et c'est à ce genre de situation là qu'on fera face.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Deux choses, M. le Président. Est-ce qu'on peut avoir le dépôt du document, s'il vous plaît?

Le Président (M. Bachand) : Ça va? Donc, dépôt de document?

M. Jolin-Barrette : Non?

Mme Montpetit : Oui, oui, absolument.

Le Président (M. Bachand) : Oui, oui. Vous vous êtes commise à le déposer.

Mme Montpetit : On peut vous le déposer. Je suis sûre que mon collègue de Jean-Lesage serait très heureux, par le fait même, de vous déposer l'ensemble des signes religieux.

M. Jolin-Barrette : C'est déjà fait.

Mme Montpetit : Ah! c'est déjà fait. Bien, c'est merveilleux.

M. Jolin-Barrette : Par souci d'équité, je souhaitais que vous puissiez le déposer aussi.

Mme Montpetit : Bien, je vais vous le déposer avec plaisir. Mais est-ce que je peux demander en retour qu'on ait une réponse peut-être sur chacun de ces signes-là à savoir s'ils sont des signes religieux ou pas? Encore faut-il que ce soit utile de vous les déposer, mais ça me fera très plaisir.

M. Jolin-Barrette : Alors, M. le Président...

Le Président (M. Bachand) : Alors, on distribue le document, on le dépose?

M. Jolin-Barrette : Oui, s'il vous plaît. Bien, moi, j'aimerais ça en avoir une copie, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Pour distribution? Merci beaucoup. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Il y a beaucoup de choses qui sont dites par la députée de Maurice-Richard, mais ce qui est fondamental, c'est qu'elle souhaite que je me prononce sur des exemples hypothétiques.

Vous savez, les règles que nous établissons, elles sont très claires avec les deux critères que l'on met. Et la collègue de Maurice-Richard dit : Écoutez, bien, vous avez déposé un amendement, le gouvernement a déposé un amendement. Oui, j'ai déposé un amendement dans le but notamment de satisfaire les oppositions, M. le Président, de tenter de répondre à leurs préoccupations parce que la définition que nous avions choisie dès le départ, c'est le sens courant, le sens commun. Suite aux interventions des collègues des oppositions, suite aux interventions des gens qui sont venus en commission parlementaire, bien, j'étais à l'écoute et j'ai proposé une définition dans un souci de satisfaire, notamment, le Parti libéral du Québec pour avoir une définition, parce qu'on me disait : Ça prend une définition. Et la définition que je propose d'un signe religieux m'apparaît tout à fait conforme à ce qui se fait dans les autres pays et même va plus loin, notamment lorsqu'il y a l'interdiction de port de signes religieux. Et d'ailleurs, M. le Président, on vient définir avec une analyse subjective et une analyse objective les différents critères à savoir ce que constitue le port de signes religieux, ce que constitue un signe religieux. Et, nous, ce qu'on interdit, c'est le port de signes religieux.

Alors, M. le Président, l'autre élément. La députée de Maurice-Richard parle beaucoup du sous-amendement du collègue de Jean-Lesage, mais par contre, dans le sous-amendement, on ne vient pas définir davantage... on vient rajouter un second critère subjectif, dans la deuxième proposition, qui est de nature objective, qui vient dénaturer le deuxième paragraphe de l'amendement. Alors, si la députée de Maurice-Richard veut venir définir ce que constitue un signe religieux, je l'invite à déposer un amendement si elle a un amendement, mais, sur le sous-amendement du collègue de Jean-Lesage, il n'est pas approprié de l'appuyer, considérant le fait qu'il vient amener de la confusion dans une définition qui est très claire.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Interventions? S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons mettre le sous-amendement aux voix. Est-ce que le sous-amendement est adopté?

Une voix : Rejeté.

Le Président (M. Bachand) : Adopté?

Des voix : Rejeté.

Le Président (M. Bachand) : Donc, rejeté?

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Le sous-amendement. Donc, le sous-amendement est rejeté. Est-ce que tout le monde a bien compris?

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Bon, c'est pour ça que je vous regardais, là. Donc, merci beaucoup. On va faire un appel...

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît! Un vote par appel nominal est demandé. Mme la secrétaire, s'il vous plaît.

La Secrétaire : Pour, contre, abstention. M. Zanetti (Jean-Lesage)?

M. Zanetti : Pour.

La Secrétaire : M. Jolin-Barrette (Borduas)?

M. Jolin-Barrette : Contre.

La Secrétaire : Mme Lachance (Bellechasse)?

Mme Lachance : Contre.

La Secrétaire : Mme Lecours (Les Plaines)?

Mme Lecours (Les Plaines) : Contre.

La Secrétaire : M. Lemieux (Saint-Jean)?

M. Lemieux : Contre.

La Secrétaire : M. Lévesque (Chapleau)?

M. Lévesque (Chapleau) : Contre.

La Secrétaire : M. Jacques (Mégantic)?

M. Jacques : Contre.

La Secrétaire : Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice)?

Mme Tardif : Contre.

La Secrétaire : M. Lamothe (Ungava)?

M. Lamothe : Contre.

La Secrétaire : Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?

Mme David : Pour.

La Secrétaire : M. Derraji (Nelligan)?

M. Derraji : Pour.

La Secrétaire : Mme Montpetit (Maurice-Richard)?

Mme Montpetit : Pour.

La Secrétaire : Mme Robitaille (Bourassa-Sauvé)?

Mme Robitaille : Pour.

La Secrétaire : M. Bachand (Richmond)?

Le Président (M. Bachand) : Abstention. Donc, le sous-amendement est rejeté. On revient maintenant à l'amendement à l'article 6 déposé par le ministre. Interventions?

M. Jolin-Barrette : On est prêts à voter, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme David : Alors, revenons à l'amendement proposé par le ministre. C'est donc avec deux paragraphes ou deux alinéas, et on parle, là-dedans, évidemment, qu'on réfère à un certain nombre... et le ministre l'a dit à plusieurs reprises, et j'aimerais l'entendre là-dessus... à plusieurs corps de métier. C'est-à-dire qu'il dit toujours : Juges, policiers, gardiens de prison, enseignants, directeurs d'école. Je pense que les cinq, là, c'est comme le chapelet, on le sait, là, exactement, là, à la page 13. Mais, s'il ne veut pas qu'on aille directement dans l'annexe, je n'ai aucun problème, mais, en général, il a toujours décrit ça comme l'autorité coercitive dans certains cas, et, dans d'autres, on élargit la notion à l'autorité. Mais ma première question serait qu'il y a beaucoup, beaucoup de gens là-dedans ou bien... À moins qu'il m'explique vraiment ce que font ces gens-là dans la vie. Peut-être que j'ai mal compris. Mais j'essaie de comprendre pourquoi il y a des gens qui exercent des fonctions à la Commission de protection du territoire agricole, à la Régie de l'énergie, à la régie de l'alcool, courses et jeux, la Régie des marchés agricoles et alimentaires. Je ne sais pas, mais, moi, dans ma tête... j'aimerais ça être peut-être Louis-José Houde pour trouver une phrase drôle, mais ça ne clique pas avec l'autorité coercitive, là, «alimentaires».

Alors, j'aimerais vraiment vous entendre. Puis c'est une question sérieuse, parce que j'essaie vraiment de faire avancer les choses, là. Alors, ce serait le fun d'avoir un échange qui nous apprend vraiment comment vous avez réfléchi à ces questions-là, parce que, pour ce qui est de la notion de coercitif, on s'attend, dans la population en général... vous avez raison, vous le dites vous-même, policiers, juges, etc., qui était le sens même du rapport Bouchard-Taylor. Mais là vous allez avec la Régie du logement. Enfin, vraiment, je suis restée un peu comme étonnée quand j'ai lu ça.

Alors, est-ce que ça répond à vos notions d'autorité, qu'elle soit coercitive ou non, ou à une tout autre notion qui m'aurait échappé pour mettre dans ces listes-là...

• (15 h 30) •

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Merci, M. le Président. Alors, la collègue de Marguerite-Bourgeoys fait référence à l'annexe II du projet de loi.

Donc, le projet de loi, à l'article 6, réfère à l'annexe II pour les postes qui sont visés par l'interdiction de porter un signe religieux. La collègue réfère à 3° de l'annexe II. Parmi ceux qui sont visés : un membre, un commissaire ou un régisseur, selon le cas, exerçant des fonctions au sein du Comité de déontologie policière, de la Commission d'accès à l'information, la Commission de la fonction publique, la Régie des alcools, des courses et des jeux, la Régie du logement, le Tribunal administratif du Québec, le tribunal des marchés financiers. Tous ces tribunaux sont des tribunaux administratifs quasi judiciaires. Ce sont les tribunaux qui rendent le plus de décisions sur les administrés au Québec. Lorsqu'on parle d'«administrés», ça veut dire «sur les citoyens». Ce sont là où on rend le plus de décisions de justice annuellement. Ce sont les tribunaux de proximité avec les citoyens, où les citoyens font valoir leurs droits devant ces instances quasi judiciaires. Il m'apparaît tout à fait important que, lorsqu'un justiciable, lorsqu'un administré, lorsqu'un citoyen se présente devant un tribunal, les juges administratifs, les décideurs administratifs, dans les différentes lois habilitantes, ont... créatrices, pardon... On dit «membre», «commissaire» ou «régisseur» en fonction du tribunal, là, qui est présent, en fonction de la régie. Eh bien, ceux-ci ont des pouvoirs extrêmement importants de rendre des décisions qui affectent la vie des administrés, des citoyens qui se présentent devant eux.

Alors, il m'apparaît clairement que ces juges, ces décideurs administratifs représentent des figures d'autorité et que l'apparence... bien, en fait, que les exigences de la laïcité exigent que les décideurs administratifs ne portent pas de signe religieux dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions, d'autant plus que, dans le cadre du rapport Noreau sur la réforme de la justice administrative, qui a été déposé sous...

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Oui, je pense, c'était le PQ. Oui.

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Ah! bien, ça, je ne le sais pas, je ne connais pas ces liens-là, mais... D'ailleurs, très bon rapport, hein, très, très, très bon rapport. Il a été rendu, ce rapport-là, dans le fond, en collaboration avec Martine Valois, professeure de droit à l'Université de Montréal; M. Noreau; avec Pierre Issalys, à la Faculté de droit de l'Université Laval; et avec Mme la vice-rectrice à l'Université de Montréal... non, Mme France Houle, vice-doyenne à la Faculté de droit. Bon, alors, très bon rapport.

Ces organismes-là ont fait l'objet du rapport sur l'indépendance des tribunaux judiciaires... pardon, les tribunaux administratifs, et on explique à quel point ces cours de justice sont fondamentales et sont importantes. Alors, le citoyen, lorsqu'il se présente devant un tribunal administratif comme ça, il doit s'assurer que les garanties d'indépendance, d'impartialité sont présentes quand il fait valoir ses droits. Donc, le juge administratif, le décideur administratif représentent une figure d'autorité.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme David : Alors, indirectement ou à la toute fin, vous répondez probablement à la première partie de ma question, c'est-à-dire que, dans la tête du monde qui ne sont pas nécessairement dans ce milieu assez savant de qu'est-ce que c'est, un tribunal administratif, une autre sorte de tribunal, du citoyen ordinaire qui nous écoute et qui s'est intéressé peut-être, à l'époque, au rapport Bouchard-Taylor, quand on parle d'autorité coercitive... C'était très, très, très circonscrit, juges, policiers, gardiens de prison, parce qu'on on a le pouvoir d'arrêter quelqu'un, de changer sa vie, de l'envoyer en prison, etc.

Et je comprends de votre paragraphe 3°, parce que, là, on parle de celui-là, mais peut-être vous me direz que ça s'applique à d'autres paragraphes aussi, que nous ne sommes plus dans ce qu'on appellerait l'autorité coercitive, nous serions dans la notion d'autorité, point.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

Mme David : Enfin, c'est les mots que vous avez employés pour finir votre phrase tout à l'heure : Ils représentent l'autorité.

M. Jolin-Barrette : Ce sont des figures d'autorité, mais, dans le cadre de plusieurs tribunaux administratifs, ils peuvent rendre des ordonnances qui ont un effet assez coercitif aussi.

Mme David : Mais est-ce que je dois comprendre que vous êtes allés quand même... ou conclure que vous êtes allés quand même... On le sait, que vous êtes allés plus loin que le rapport Bouchard-Taylor, on le sait, je pense à ne serait-ce que les enseignants. Mais vous êtes allés plus loin qu'on pense que vous êtes allés plus loin en mettant des catégories de gens qui, y compris pour les procureurs, les juristes, etc., avocats... Vous êtes allés beaucoup plus loin que Bouchard-Taylor en ce sens-là. La page 13 est quand même assez longue, et j'essaie de voir à quoi vous avez voulu répondre comme... ou quelle question vous vous posiez pour inclure tous ces gens-là, parce que c'est sûr que ça élargit évidemment la portée de votre loi.

Le Président (M. Bachand) : Merci, Mme la députée. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Bien, vous savez, dans le rapport Bouchard-Taylor, ils font référence aux juges. La majorité des juges, au Québec, c'est des juges administratifs.

Mme David : ...des greffiers. Ce n'est pas très, très juge, ça.

M. Jolin-Barrette : Attention! En vertu du Code de procédure civile, les greffiers peuvent rendre des ordonnances comme les juges.

Mme David : Je ne veux pas vous faire un quiz, là, mais...

M. Jolin-Barrette : Non, non, mais ce n'est pas un quiz.

Mme David : ...je voudrais savoir lesquels, au paragraphe 3°, sont vraiment des juges qui sont visés, et non pas juste... je ne veux pas être péjorative, là, mais des non-juges qui sont dans la Régie du bâtiment, par exemple. Je veux voir, si je travaillais à la Régie du bâtiment, ça s'applique à qui, dans le fond.

M. Jolin-Barrette : Dans le fond, dans le cadre des tribunaux, là, un membre, un commissaire ou un régisseur, là, c'est dans le cadre de la fonction juridictionnelle, notamment. Ces personnes-là rendent des décisions au bénéfice des citoyens. Mais je vous donne un exemple, M. le Président, je donne un exemple. Tout à l'heure, on me disait : Ah! mais ça n'a pas un pouvoir coercitif, les gens qui sont dans la liste. Bien, la commission des libérations conditionnelles, là, qui va statuer sur est-ce qu'on libère quelqu'un de prison ou non, c'est pas mal coercitif, ça.

Mme David : Je suis d'accord avec vous dans votre logique, je suis complètement d'accord, mais...

M. Jolin-Barrette : Mais, pour moi et pour...

Mme David : ...la commission du territoire agricole, on est loin des libérations conditionnelles.

M. Jolin-Barrette : Bien, moi, je pense que ça a une très grande incidence sur la vie des gens, la Commission de la protection du territoire agricole, le fait de pouvoir...

Mme David : ...coercitif, on se comprend.

M. Jolin-Barrette : Bien, le fait de pouvoir ou non jouir de son droit de propriété en fonction du zonage, le fait de construire une maison ou non ou de développer son entreprise ou non, ça a un grand impact, effectivement. Et la Commission de protection du territoire agricole peut rendre des ordonnances importantes aussi en fonction de la non-utilisation d'un lot et geler toutes les activités sur un lot aussi.

Les décisions qui sont rendues par les tribunaux administratifs, ce sont des décisions extrêmement importantes. Et ce qu'il faut se rappeler, là, dans l'histoire, là, c'est que toutes ces fonctions juridictionnelles là étaient exercées par les tribunaux de droit commun, donc, supposons, par la Cour supérieure, et, au fur et à mesure que le législateur a créé des lois ou a attribué des fonctions particulières, on les a données à des tribunaux spécialisés, des tribunaux administratifs, et ce sont les décideurs administratifs qui sont les plus spécialisés, si je peux dire, dans ces différents domaines là, dans des lois sectorielles. Donc, on se retrouve dans une situation où, quand on fait un contrôle judiciaire, on se retrouve à la Cour supérieure, mais les normes d'application en matière de révision judiciaire sont la décision correcte ou raisonnable. Et, dans les critères élaborés par la Cour suprême, on doit faire preuve de déférence envers les tribunaux administratifs, d'où l'importance de leur indépendance et l'apparence aussi d'impartialité, l'apparence de neutralité pour un justiciable qui se présente devant un tribunal qui statue sur les droits des citoyens québécois.

• (15 h 40) •

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme David : C'est fort intéressant, ce que dit le ministre. On sent, là, qu'on est vraiment, si je peux me permettre une parenthèse, au travail, là. On est au travail, et c'est très apprécié. Je vous remercie beaucoup, parce que vous m'en apprenez au fur et à mesure que j'écoute, et ça nous permet d'aller un peu plus loin dans la définition, et ça me semble très important pour les citoyens qui nous écoutent, et je vous garantis, en tout cas, que moi, je ne perds pas mon temps en ce moment et je suis très contente de vos réponses. Et on continue donc dans ce sens-là.

Puis là, je comprends, la Régie du bâtiment... non, la Régie du logement, par exemple, qui peut rendre une décision sur le logement de quelqu'un, c'est une forme d'autorité que vous avez définie, et je trouve ça intéressant parce que... parlons-en de l'autorité, qui a une incidence sur la vie des gens. Et est-ce qu'on pourrait dire qu'ils ont une incidence sur la vie des gens, qu'il y a forcément d'autres corps de métier aussi qui ont une incidence sur la vie des gens? Et donc, là, vous êtes dans la sphère plutôt, comme vous avez dit, quasi judiciaire — c'est-u ça que vous avez dit? — ou quasi quelque chose, là... quasi judiciaire. Mais, si la notion d'autorité, c'est qu'ils ont une incidence sur la vie des gens, parce qu'on ne parle pas d'autorité nécessairement coercitive au sens de «port d'armes», par exemple... La «coercition», c'est un mot qui est vraiment fort, là, et c'était là-dessus que le rapport Bouchard-Taylor allait et il s'arrêtait à ça. Puis ils ont longuement défini ce qu'était la coercition puis pourquoi ils ont mis «les juges», «les procureurs» et puis «les gardiens de prison», parce que, bon, un gardien de prison, ça peut pas mal remettre un prisonnier dans sa cellule puis ça peut... Dans le sens commun, que vous aimez bien, quand on réfère au mot «coercition», c'est... Je n'ai pas mon dictionnaire avec moi, mais je pourrais l'avoir facilement. La coercition, c'est vraiment quelque chose de pratiquement physique ou un juge qui envoie le sentencé en prison, etc.

Là, si je comprends bien ce que vous me dites, «autorité», on est dans une zone qui s'en va plus vers une notion mais quand même quasi judiciaire mais qui est donc entre l'autorité à l'enseignant, au directeur d'école et l'autorité «à la coercition». Est-ce que vous seriez d'accord avec moi qu'on est comme entre les deux un peu avec le paragraphe 3°? Disons ça comme ça, parce que, là, il y a différents niveaux, différentes classifications que vous avez décidé de retenir pour une raison, j'imagine, qui vous semblait valable mais que je veux bien comprendre, qu'on est dans l'autorité quasi judiciaire mais non coercitive, mais non l'autorité au professeur d'école. Je vois que vous avez un dictionnaire.

Le Président (M. Bachand) : Merci, Mme la députée. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Deux choses. Premièrement, les juges ne portent pas d'arme à feu, mais ils ont un pouvoir particulier. Donc, au niveau de la coercition, ce n'est pas la même chose qu'un policier si on fait référence au port d'une arme, mais nulle personne ne pensera qu'un juge, ça n'a pas de pouvoir. Les juges administratifs ont des fonctions assimilables à des juges. Ils ne sont pas dotés de tous les pouvoirs qu'un juge de la Cour supérieure ou de la Cour du Québec a, supposons, et même un juge de la Cour du Québec n'a pas les mêmes pouvoirs qu'un juge de la Cour supérieure.

Cela étant dit, les décideurs administratifs incarnent l'État. Ils sont appelés à statuer sur des décisions qui ont une incidence, dans la vie des gens, qui est importante. Ils ont des pouvoirs d'ordonnancement. Ils ont des pouvoirs, si on entend «contrainte» au sens large, d'obliger à faire ou à ne pas faire des choses. Revenons à la CPTAQ, la commission de la protection agricole. Ils peuvent obliger des individus à remettre en état, supposons, une terre ou à démolir... et que ça coûte des centaines de milliers de dollars. Il y a un véritable pouvoir au sein des tribunaux administratifs. Et d'ailleurs, dans le cadre du rapport Bouchard-Taylor, il y avait une notion de coercition aussi, mais il y avait une notion aussi du fait d'incarner l'État. Lorsqu'une personne incarne l'État, elle devrait être visée. C'est pour ça que MM. Bouchard et Taylor visaient, notamment, le président de l'Assemblée nationale, parce qu'il était au coeur de l'État, il incarnait l'État. Même chose pourquoi M. Bouchard, dans son livre, indique que les directions de commission scolaire, les administrateurs de commission scolaire devraient être visés, parce qu'ils incarnent... Protecteur du citoyen, des postes où il y a une incarnation de l'État avec des pouvoirs particuliers, et on le voit. Donc, la figure d'autorité, le pouvoir de coercition, ce sont des concepts qui rejoignent l'incarnation du pouvoir de l'État à travers certaines fonctions. Alors, c'est pour ça que c'est visé.

Et d'ailleurs, si je peux compléter, lorsqu'on lit le pouvoir de coercition, là... «coercition» : «Pouvoir de contraindre quelqu'un à se soumettre à la loi. Le fait de contraindre.» Donc, un juge administratif, ça a le pouvoir de soumettre quelqu'un à la loi. Donc, au sens du dictionnaire, ils ont le pouvoir de contraindre.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme David : Il ne me reste plus beaucoup de temps, malheureusement, mais le rapport Bouchard-Taylor s'est quand même arrêté rapidement à une description et à une énumération beaucoup plus courte que la vôtre. Donc, vous avez pris un petit bout coercitif du rapport Bouchard-Taylor... très coercitif, et puis vous avez étendu quand même... ça, vous devez en convenir, vous en conviendrez, ce n'est pas difficile à convenir que vous avez quand même été beaucoup plus loin en allant vers la quasi-coercition ou la presque coercition pour aller vers le non coercitif mais la notion d'autorité. Mais ça, ça me fera un plaisir de revenir sur la notion d'autorité, parce que, malheureusement, je pense que mon temps à moi, en ce moment, est terminé.

Le Président (M. Bachand) : Il vous reste quelques minutes quand même. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Juste pour répondre à la collègue de Marguerite-Bourgeoys. Dans le rapport Bouchard-Taylor... On a toujours dit qu'on s'inspirait du rapport Bouchard-Taylor, mais ce qu'il faut comprendre aussi, c'est que, lorsque le rapport Bouchard-Taylor, il est écrit, il n'est pas écrit dans une perspective légaliste, que ça constitue une loi. Alors, lorsqu'on rédige la loi, ça prend de la cohérence, et on s'assure aussi de statuer sur les cas de figure associés aux recommandations du rapport Bouchard-Taylor.

Quand vous êtes à la commission des libérations conditionnelles, le commissaire, qui est un décideur administratif ou un juge administratif à la commission des libérations conditionnelles, l'impact de ses décisions est extrêmement important parce qu'il va déterminer est-ce que, oui ou non, la personne, on lui donne une libération conditionnelle ou elle continue de faire son temps à l'intérieur de la prison. Prenez quelqu'un qui est indemnisé... ou veut être indemnisé en vertu de la LATMP, en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. La personne se blesse au travail, et la CSST refuse d'indemniser cette personne-là, se présente devant le Tribunal administratif du travail, la section... je ne sais pas si ça existe encore, là, la CLP. Ça a été fusionné, là. Et là la personne est invalide. Moi, je pense que la personne qui se présente devant le tribunal et qui fait valoir, dans le cadre de son audition, des points qui vont avoir un impact sur le reste de sa vie, sur la conduite de sa vie... la personne doit s'assurer que... le justiciable doit s'assurer que la personne qui est assise sur le banc, en apparence, notamment, soit neutre et applique les principes de laïcité de l'État et doit incarner les principes de laïcité de l'État. Ça fait que je pense que c'est pertinent de mettre les décideurs administratifs dans l'interdiction de porter des signes religieux parce qu'ils sont sur le banc et ils rendent des décisions.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée, s'il vous plaît.

• (15 h 50) •

Mme David : C'est très bien, votre réponse, et ça m'a fait penser à un pouvoir, entre autres, que j'ai moi-même dû exercer dans mes fonctions et que d'autres ont exercé, un pouvoir, par exemple... et ça peut être même dans une... Parce que vous allez me répondre que, dans une université à charte, ce n'est pas la même chose qu'une université dans le périmètre gouvernemental. Donc, une composante constituante de l'UQ a le pouvoir de mettre fin à une vocation de devenir avocat, de devenir... je ne peux pas dire «médecin», parce qu'il n'y a pas de faculté de médecine à l'UQ, mais je peux dire «infirmière», et c'en est, ça, de la conséquence très grave.

Alors, je comprends très bien votre définition dans les gens qui représentent l'État, mais, les gens qui représentent l'État, est-ce qu'on ne pourrait pas dire qu'il y en a beaucoup, beaucoup, beaucoup dans toutes sortes de sphères et que donc votre liste, si on rentre dans votre logique, pourrait être énormément plus grande, parce qu'on peut dire : C'est énormément subventionné par l'État? Je ne veux pas vous donner de mauvaise idée, là, quand je dis ça, mais j'essaie de trouver la suite logique. Moi, j'ai brisé probablement des carrières, là, en coulant un étudiant qui a eu des recours... un, des étudiants. Quand on fait une carrière, c'est notre fonction. Vous le savez, vous avez passé des examens, vous aussi. Vous pouvez réussir, vous pouvez échouer. Et, au nom de l'institution, par exemple une université, un collège, ou tout ça, c'est pas mal dans ce sens-là quelqu'un qui peut changer la vie d'un autre et qui est payé par une institution qui est très représentative de l'État parce qu'elle est financée par l'État.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Je veux juste être rassuré, là, M. le Président, là, il n'y a aucun étudiant qui a été coulé... Il y avait des raisons, là, pour lesquelles la députée de Marguerite-Bourgeoys les a coulés, là, c'était...

Mme David : ...la même rigueur.

M. Jolin-Barrette : ...c'était une analyse objective, ce n'était pas subjectif.

Mme David : Je ne sais pas où vous voulez en venir. Je ne sais pas si vous avez vous-même échoué déjà un cours dans votre vie. Probablement pas. Je ne sais pas. Mais vous espérez que ça a été très rigoureux et objectif... ou vous n'avez pas eu la note que vous auriez aimé avoir.

M. Jolin-Barrette : Ça, c'est arrivé. Ça, c'est arrivé.

Mme David : En droit, là, les révisions de notes, c'est monnaie courante, c'est le grand sport national.

M. Jolin-Barrette : ...pas souvent.

Mme David : Pardon?

M. Jolin-Barrette : Ça ne bouge pas souvent.

Mme David : Je le sais, mais c'est le sport national. Je le sais, j'ai été prise là-dedans beaucoup avec la Faculté de droit.

Donc, pour fermer cette parenthèse, ce que je veux dire, c'est que, oui, je suis votre logique au paragraphe 3°, mais, si on la suit vraiment de façon... la description que vous en avez donnée, qu'ils ont une incidence sur la vie des gens, il y a plusieurs corps de métier qui ont de l'influence sur la vie des gens ou d'incidences, des conséquences sur la vie des gens.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, oui.

M. Jolin-Barrette : J'ai aussi parlé de fonctions assimilables aussi. Dans les autres alinéas de l'annexe II, supposons... Prenons le suivant : «4° un commissaire nommé par le gouvernement en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête, ainsi qu'un avocat ou un notaire agissant pour une telle commission.» Un commissaire d'enquête, là, ça a des pouvoirs extraordinaires, l'équivalent des pouvoirs d'un juge aussi. Au paragraphe précédent, «un tribunal administratif», ça a un plus grand pouvoir qu'une faculté ou un département. Un arbitre nommé en vertu du Code du travail, c'est l'équivalent d'un juge aussi. Donc, c'est des fonctions qui sont assimilables à celles d'une fonction judiciaire, notamment, qui ont un impact qui a une... décision qui est rendue au soutien de l'application de la loi.

Donc, la logique derrière ça, c'est de faire en sorte que, pour certaines fonctions particulières qui représentent des figures d'autorité mais qui aussi sont des fonctions assimilables à celles d'un juge dans ces cas-là, supposons, en matière administrative, bien, oui, on les vise aussi... ou qu'elles incarnent l'État.

Le Président (M. Bachand) : Allez-y rapidement, rapidement, rapidement.

Mme David : Non, mais c'est parce que je conclus juste qu'il y a une logique très juridique, «État» au sens «juridique». C'est des avocats qui ont fait ça, c'est peut-être normal. Et, à l'article 10, «enseignant», on quitte complètement cet univers-là pour aller dans un univers que moi, je connais plus, et c'est pour ça que je vous ai amené dans cet univers-là, mais on va avoir l'occasion d'y revenir.

Le Président (M. Bachand) : J'ai le député de Saint-Jean qui a demandé la parole, s'il vous plaît.

M. Lemieux : S'il vous plaît, M. le juge. Merci.

Le Président (M. Bachand) : «M. le juge»?

M. Lemieux : «M. le juge». On est en train de parler d'avocasserie, je suis resté pris là-dessus. Désolé, M. le Président. Désolé. C'est vraiment qu'on parle beaucoup d'avocasserie, vous avez bien raison.

Je voulais peut-être un éclaircissement, peut-être des explications de la part du ministre, le temps de lui dire que je comprends très bien comment il en est venu à déposer cet amendement-là, puisqu'on est sur l'amendement, M. le Président. Moi, je n'en avais pas besoin particulièrement, je pense que ça se tenait très bien comme ça. J'aimais l'idée du sens commun, j'aimais l'idée que ce soit large, que, dans le temps, ça puisse être interprété et réinterprété en fonction des modes, en fonction des tendances. Et c'est ça qui me faisait peur et que je voulais entendre du ministre. Est-ce qu'on est trop restrictifs? Je comprends la notion, là, d'alternatif — comment vous dites ça dans les explications? — alternatif mais non cumulatif, mais c'est quand même deux affaires fondamentales. Et il y a plein de monde qui vont dire que ça prend les deux sans définir exactement ce que ça veut dire, «non cumulatif», là.

Est-ce que ce n'est pas dangereux, en même temps, d'aller assez loin pour faire plaisir mais peut-être trop loin pour que ce soit clair comme de l'eau de roche, comme on dit, là?

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, la définition qu'on propose m'apparaît répondre à toutes les situations. Parce que les collègues du Parti libéral disaient : Ça prend une définition. Or, ce qu'on fait, c'est qu'on indique que c'est un objet, hein? Le premier critère, c'est le port d'un objet qui est interdit. Et le premier critère, au niveau de la subjectivité, c'est que, si une personne considère que cet objet-là constitue un signe religieux, elle ne peut pas le porter dans l'exercice de ses fonctions. Le deuxième critère, qui n'est pas cumulatif au premier, c'est le fait de dire : Bien, aux yeux de la personne raisonnable, cela représente un signe religieux, cet objet représente un signe religieux. Alors, on couvre les situations et les cas d'exemple auxquels les collègues des oppositions avaient une crainte, où, en termes d'application, les cas seront visés par ces deux hypothèses-là.

Alors, pour moi, ça couvre l'objectif recherché par les collègues des oppositions, et c'est dans ce sens-là que j'ai proposé l'amendement pour faire en sorte que, bien sûr, le sens commun s'applique, et il va pouvoir se matérialiser par le deuxième paragraphe aux yeux d'une personne raisonnable, une «personne raisonnable», le sens commun, le sens courant, la connaissance de ce... aux yeux de la personne raisonnable. Et donc ça va permettre clairement d'avoir une application qui est conforme à la volonté du législateur.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Saint-Jean, ça va?

M. Lemieux : Merci, M. le juge.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : Il n'est pas juge, il est président de commission. Mais, écoutez, j'aime bien l'intervention du député de Saint-Jean parce qu'il a mis la table à ma question. Il a mis la table à ma question, parce que je veux vraiment entendre le ministre pour me parler du «soit raisonnablement considéré comme référant à une appartenance religieuse». Donc, il y a le mot «raisonnable», «considéré comme référant» et il y a l'«appartenance religieuse». Ça veut dire que le juge a... dans ce cas, c'est un juge, que ce soit un directeur d'école ou, ce que le ministre a dit tout à l'heure, le raisonnable qui va porter la décision de dire : Ça, c'est un objet religieux. Donc, le ministre, quand il a mis cet amendement, il l'a ajouté à peine 48 heures... qu'est-ce qu'il voulait dire par le «raisonnable» et par le référent religieux? Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre...

M. Derraji : Bien, c'est la «personne raisonnable». Donc, j'espère qu'il va nous éclairer.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, j'ai eu l'occasion de lire la définition de «personne raisonnable», M. le Président, à plusieurs occasions. Donc, l'appartenance religieuse, c'est l'appartenance à une religion, M. le Président. Donc, l'idée, c'est de faire en sorte de s'assurer que, d'un point de vue objectif, le signe porté réfère à une croyance religieuse.

• (16 heures) •

M. Derraji : Merci, M. le Président. Je vais revenir à cette définition. Tout à l'heure, M. le Président, le ministre a référé à cheik Dr Ali Gomaa, que Mme Pepin a cité ici, en commission. Je ne sais pas si M. le ministre a fait ses recherches par rapport à ce mufti, très proche du régime égyptien, et que... À un certain moment, même, ce même mufti a autorisé de tuer les manifestants en Égypte. Mais, du moment que le ministre a utilisé et a fait référence à ce mufti, je tiens à lui rappeler que ce même mufti avait déclaré à plusieurs reprises que le hidjab est obligatoire. Donc, tantôt, il le dit obligatoire, parfois il ne le dit pas obligatoire, la même chose pour là-bas.

Je reviens au «soit raisonnablement considéré comme référant à une appartenance religieuse». Tout à l'heure, M. le Président, le ministre nous parlait de la personne raisonnable. Je sais que le ministre n'aime pas les cas hypothétiques, mais on est dans des cas où on cherche l'applicabilité de la loi. Depuis le début, je pense que nous avons démontré avec nos questions qu'on veut que la loi soit applicable. Et je vais lui donner un exemple où la personne raisonnable est de confession musulmane, appartenance religieuse très définie, et, pour lui, la barbe est un signe religieux, il est convaincu. Est-ce qu'il va permettre... C'est que ça va être le motif de... et son raisonnement par rapport à la barbe.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le député. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je ne commenterai pas des cas d'exemple. Cela étant dit, je référais le député de Nelligan à la définition, O.K. : «Le port d'un signe religieux est interdit dans l'exercice de leurs fonctions aux personnes énumérées à l'annexe II. Au sens du présent article, est un signe religieux tout objet...» La barbe, c'est de la pilosité. Ce n'est pas couvert. Ça pousse. Ce n'est pas un objet, ça pousse. On a quelques exemples, parmi nous ici, là, de personnes qui portent la barbe. Moi, ce matin, j'ai décidé de ne pas aller dans cette direction-là, M. le Président. Mais ça ne constitue certainement pas un objet au sens de la définition.

M. Derraji : ...dans le monde, la barbe, même avec une connotation religieuse, ils ont le droit de la garder. Mais, malheureusement, les femmes... Et d'ailleurs vous avez dit tout à l'heure que Mme Pepin hier a déclaré dans une émission pas mal de choses par rapport au port du voile. Mais même le port du voile a plusieurs interprétations, donc, il y en a qui le portent pour une considération religieuse, et d'autres, pour autre chose. Donc, le fait de considérer le voile ou son port... est religieux, mais pour les hommes, la barbe, ce n'est pas un signe religieux, et c'est là où je vois que la définition du signe religieux, elle est très, très, très, très limitée et cible uniquement des femmes, en grande majorité. Ça, on l'a vu, on l'a entendu de plusieurs groupes. Et, encore une fois, le fardeau sera, M. le Président, sur la personne raisonnable, donc, que le ministre mentionne depuis tout à l'heure, qui doit analyser et appliquer les normes, sachant que même, les normes, on peut les interpréter de différentes façons.

Le ministre va répondre quoi demain à des gens où ils voient qu'il y a du sexisme dans cet article? Si le but, c'est vraiment éloigner tout symbole religieux... le ministre aime dire «objet», mais tout symbole religieux de l'espace public, est-ce qu'il pense vraiment qu'il élimine l'ensemble des objets de l'espace public... les objets religieux de l'espace public?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : L'objectif, M. le Président, du projet de loi, c'est d'interdire le port de signes religieux pour certaines personnes qui sont prévues à l'annexe II de la loi. Alors, le collègue référait au mufti.

M. Derraji : Ah! vous l'avez bien prononcé. Ça se dit des deux façons.

M. Jolin-Barrette : Bon. Lorsque j'ai référé à cette personne, je référais au propos de Mme Houda-Pepin, qui est venue en commission parlementaire, et je la citais.

Alors, M. le Président, c'est très clair, l'application de la disposition, elle est simple. On vient définir qu'un signe religieux, c'est un objet, et tout le monde sait c'est quoi, un objet, M. le Président. Et, en plus, on vient mettre une énumération pour accompagner «la personne». Et ça, je fais ça dans un souci d'ouverture, M. le Président, parce que le sens courant, le sens commun ne commandait pas d'aller aussi loin que nous sommes allés. Alors, M. le Président, je souhaite vraiment satisfaire le Parti libéral pour qu'on puisse avancer.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député, s'il vous plaît.

M. Derraji : Oui. Par rapport à la citation, c'est que je tiens juste à informer M. le ministre, parce que je ne pense pas que c'est ses convictions, ça, en aucun cas. Et je ne vous prête pas d'intention. C'est qu'avant de citer quelqu'un je dois m'assurer de la... pas la pertinence, mais... je cherche le mot...

M. Jolin-Barrette : La véracité.

M. Derraji : Exactement, et je pense que vous avez aussi rédigé pas mal et écrit pas mal de recherches. C'est qu'on peut confirmer la citation à plusieurs reprises, et surtout la personne qui le cite, parce que vous avez cité la personne, et je sais que vous citez les propos d'une personne qui est venue en commission parlementaire.

O.K. Donc, vous avez cité les propos de quelqu'un qui est venu en commission parlementaire. Par respect, je tiens à vous dire que la personne qui est venue en commission parlementaire, c'était ce personnage qui parlait du voile, a déjà deux versions. Et je ne pense pas que vous allez même utiliser la citation de quelqu'un qui a, dans un moment donné, autorisé de tuer les manifestants en Égypte et je n'ai pas besoin de vous rappeler ce qui s'est passé en Égypte. Donc, juste prendre ça avec un peu de recul.

Mais je reviens à l'amendement. La même chose s'applique pour des femmes qui mettent des perruques, donc, pensons à des femmes juives. Donc, la question, M. le Président, reste, là, que l'amendement... Et je salue l'effort du ministre. Vous savez pourquoi je salue son effort? Parce que, depuis le début, on demandait une définition. Depuis le début, on demandait de la clarté par rapport aux signes religieux. Et je l'entends quand il dit qu'on doit avancer. Je le remercie parce qu'il a ramené au moins une définition, mais ça fait à peine 48 heures, hein, qu'on a la définition. On aurait dû avoir la définition depuis très longtemps, mais ce que j'aime en lui, M. le Président, c'est qu'il écoute. Il écoute, il écoute, il écoute. Et là je l'invite maintenant à vraiment écouter pour qu'on avance ensemble, hein, parce que je sais qu'il le fait avec nous dans un autre projet de loi. Et j'aime bien échanger avec lui, d'avoir une bonne ouverture et d'avoir le sens de l'écoute. Il a évolué depuis le début, M. le Président, et il nous a ramené un amendement. Moi, ce que je l'invite aujourd'hui, c'est de faire un autre pas avec nous, d'être beaucoup plus précis, parce que ce qu'on veut, c'est qu'un article soit applicable. Là, maintenant, il reste encore beaucoup d'ambiguïté par rapport à cet article, et la conviction ou la croyance religieuse reste quand même vague par rapport à l'applicabilité. Et, M. le ministre, j'en suis sûr et certain, que votre objectif avec cette loi, demain, à part votre legs, c'est qu'elle soit applicable, c'est ça. Vous avez dit que c'est à ça que la CAQ a été élue, hein? Vous l'avez dit, mais assurez-vous qu'elle soit applicable. Et les questions qu'on pose aujourd'hui, c'est pour vous dire à quel point la loi, en date d'aujourd'hui, n'est pas applicable, parce qu'il faut accompagner les gens. Les gestionnaires, ils ont de la misère à appliquer des lois faciles. Et c'est pour cela qu'il y a toujours des contestations. Pensons, M. le Président, aux lois sur les normes du travail.

Et donc, au lieu de lancer le fardeau, est-ce que le ministre n'a pas pensé à des lignes, à des guides? Qu'il se mette à la place de ces personnes qui vont appliquer la loi demain. Même nous, nous sommes face à un article qui n'est pas complet, un article qui dit tout, et il ne dit rien au bout de la ligne. On pose des questions sur l'objet. Le collègue de Jean-Lesage a ramené un ensemble de signes. On est incapable de déterminer c'est quoi, un signe, et celui qui ne l'est pas.

Encore une fois, la loi et cet article confirment que probablement une bonne majorité de personnes qu'on va cibler, c'est des femmes. Mais est-ce que le ministre va encourager que des femmes ne vont pas travailler? Je ne pense pas. On encourage l'épanouissement des femmes, on encourage que les femmes progressent dans la société. Et donc ce n'est pas parce qu'elles portent un objet ou un signe qu'on va les empêcher de ne pas aller... et avancer et s'épanouir professionnellement.

Donc, M. le Président, ma question, elle est très simple : Comment le ministre entend avec son amendement que son article 6 va être appliqué sur le terrain et dès demain?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

• (16 h 10) •

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je pense qu'on a quelque chose, là. Je pense qu'on a quelque chose, parce que le député de Nelligan vient de dire : Comment pense-t-il — en parlant de moi, M. le Président — que son article va être appliqué dès demain? Alors, M. le Président, je pense qu'on vient d'avoir une confession du député de Nelligan, qui vient de nous confirmer que nous allons pouvoir adopter le projet de loi sur la laïcité d'ici demain. J'en suis très heureux, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : M. le Président, je vous ai dit au début que j'adore échanger avec le ministre. Il vient de le prouver, qu'il est un homme passionné. Bien, vous savez quoi? Qu'il avance avec nous, hein, qu'il entende nos amendements, qu'il nous réponde sans regarder la caméra 2 ou 3, qu'il nous regarde dans les yeux et qu'il avance avec nous. Qui a dit qu'on voulait retarder et lancer ça pour demain? Non, on ne l'a jamais dit. Oui, j'y crois, qu'on va avancer, mais, s'il vous plaît, répondez à nos questions. On pose des questions que le peuple pose, que l'ensemble de la population pose aussi, et mes questions sont très claires au niveau de l'applicabilité.

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît.

M. Derraji : Donc, monsieur, je vais répéter, parce qu'il y avait un moment d'inattention. Ce n'est pas grave. M. le Président, ce que je demande à M. le ministre, c'est l'applicabilité. On l'a vu, l'ensemble des commentateurs qu'on entend, la plupart manifestent et constatent qu'il y a quand même une certaine ambiguïté. Donc, le ministre a le luxe de nous dire qu'il n'y a pas d'ambiguïté, c'est clair.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Justement, il n'y a pas d'ambiguïté. Je le dis et je suis clair.

Alors, M. le Président, le député de Nelligan nous dit : Écoutez, les administrateurs ont de la misère à appliquer les lois. À ma connaissance, les différents administrateurs appliquent les lois, puis ça va bien, puis il n'y a pas d'enjeu. Il arrive quelques cas d'exception parfois. On n'est pas dans ce cas-là ici. La loi est suffisamment claire. Et d'ailleurs la définition que j'apporte, c'est très clair, M. le Président, et ce, dans un souci de satisfaire le Parti libéral. D'autant plus, M. le Président, que, lorsque le député de Nelligan me dit : Écoutez, vous faites référence à «conviction ou [...] croyance religieuse»... M. le Président, c'était présent dans le projet de loi n° 62, à l'article 4, ce sont les mots mêmes du Parti libéral, du législateur libéral. Si c'était clair dans le cadre du projet de loi n° 62, si c'étaient les mots du Parti libéral, d'autant plus je crois que ses mots sont clairs et justes. Donc, on se réfère à ce qui a été fait par le Parti libéral. Alors, M. le Président, je ne comprends pas pourquoi est-ce que le député verrait une quelconque difficulté d'application en lien avec la référence à «conviction ou [...] croyance religieuse», quand un texte de loi adopté par son propre gouvernement faisait expressément référence à cela.

Alors, M. le Président, j'aimerais ça savoir, parce que ça fait un petit bout de temps qu'on est sur mon amendement, si on peut le voter ou si les collègues de l'opposition officielle ont un amendement. Parce qu'ils me disent : Écoutez, il faudrait que ce soit plus clair. Ça amène des difficultés d'application. Alors, est-ce qu'ils ont un amendement à proposer, un sous-amendement à proposer ou un amendement à proposer? Sinon, je proposerais de voter l'amendement.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? M. le député de Nelligan.

M. Derraji : Oui. Je n'ai pas encore terminé, M. le Président. Et c'est un peu quand même... Je ne sais pas pourquoi le ministre demande un amendement. Est-ce qu'il a un doute que son article n'est pas précis? Moi, à sa place, je vais demander le vote à l'article 6, et non pas demander un amendement, mais probablement il y a un doute, il pense qu'on doit amender son article. Je saisis l'occasion.

Merci, M. le ministre, de nous dire qu'on doit préparer un autre amendement pour votre article. Mais le but, ce n'est pas vraiment ajouter un amendement pour ajouter un amendement. Ce n'est pas ça, le but, M. le ministre. Donc, si vous souhaitez l'ajout d'un amendement, et que le doute persiste, pour vous, que l'article n'est pas complet, ça, c'est votre point de vue, mais, encore une fois, vous avez énuméré deux points : un couvre-feu qui est soit porté en lien avec une conviction, une croyance religieuse; soit raisonnablement considéré comme référant à une appartenance...

M. Jolin-Barrette : ...chef.

M. Derraji : Couvre-chef. Qu'est-ce que j'ai dit?

M. Jolin-Barrette : Un couvre-feu.

M. Derraji : Couvre-chef. Ah!

M. Jolin-Barrette : Ça, je suis à la veille d'en mettre un, par exemple.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Derraji : Ah! non, non. «Couvre-chef». Merci. Couvre-chef qui est soit porté en lien avec une conviction, une croyance religieuse; soit raisonnablement considéré comme référant à une appartenance religieuse.

M. Jolin-Barrette : Un couvre-feu uniquement pour les députés du Parti libéral, à 16 h 20.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre...

M. Derraji : Pourquoi?

M. Jolin-Barrette : Bien, on va pouvoir disposer du projet de loi par la suite.

Le Président (M. Bachand) : M. le député.

M. Derraji : Oui. Il nous perturbe, hein, M. le Président, avec ses interventions. S'il veut vraiment qu'on avance...

Le Président (M. Bachand) : Parfait. Parce que j'ai le député de Jean-Lesage qui me demande la parole aussi.

M. Derraji : Ah! je peux lui laisser la parole. Aucun problème.

Le Président (M. Bachand) : Parfait. M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.

M. Zanetti : Oui. Donc, j'aimerais savoir si, selon le ministre, les personnes qui consultent le site Internet du Journal de Montréal sont des personnes raisonnables. Moi, je pense que oui, mais je voudrais voir si le ministre partage la même opinion que moi.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, on n'est pas sur l'amendement.

M. Zanetti : Oui, on y est.

M. Jolin-Barrette : Pas vraiment. Mais vous savez que, dans le cadre de la «personne raisonnable», il y a une présomption que tout le monde est une personne raisonnable, en fonction des critères que je vous ai énoncés préalablement...

Le Président (M. Bachand) : Oui, M. le ministre, oui.

M. Jolin-Barrette : ...je consulte le site du Journal de Montréal.

M. Zanetti : Alors, ça veut dire que...

M. Jolin-Barrette : Alors, vous me direz si je suis une personne raisonnable ou non.

M. Zanetti : Bien, c'est intéressant. Donc, si je comprends bien la réponse du ministre, on présume que les gens qui consultent le site du Journal de Montréal sont des personnes raisonnables. Le ministre lui-même le consulte, alors on peut considérer même que c'est une preuve qu'il y a... que tout le monde, mais que c'est du monde raisonnable.

Moi, je pense et je présume aussi que tout le monde qui consulte ça sont des personnes raisonnables. Et ce qui est intéressant, c'est que, tout à l'heure, là, justement, sur le site du Sac de chips, le quiz que je vous avais demandé de faire hier a été comme mis là, puis les gens peuvent décider s'ils pensent que tel signe et tel signe sont des signes religieux. Et, bon, pour la croix, c'est quand même assez unanime, là, on s'entend que tout le monde s'entend, mais, dès qu'on va un peu plus loin dans le quiz, là, on a des 30 %, des 50 %, 20 %, 10 %, on n'a vraiment pas d'unanimité. Et je pense que ça démontre le caractère absolument pas objectif de la définition qu'on propose du signe religieux.

Et, en faisant quelques recherches comme ça sur la question de la personne raisonnable, bien, je suis tombé sur — je ne le présenterai pas comme, disons, un expert, mais je trouve qu'il propose une réflexion intéressante — un étudiant, en fait, en droit à l'Université Laval qui a fait un mémoire sur la question de la personne raisonnable, puis ça a l'air bien structuré. Je ne suis pas moi-même avocat ou juriste, mais peut-être que le ministre pourra me dire ce qu'il en pense. On apprend qu'«en common law l'homme raisonnable serait "né" dans la décision britannique Vaughan — peut-être — versus Menlove. Dans cette affaire, Menlove avait empilé du foin de façon à constituer un risque d'incendie, sans trop s'en préoccuper. Menlove s'est défendu en disant ne pas posséder "le niveau d'intelligence le plus élevé", d'où l'explication, dans le jugement, qu'une personne ne devrait pas être jugée selon ses propres standards, mais plutôt selon ceux d'une personne ordinairement prudente — "man of ordinary prudence". Autrement, [la] personne imprudente se verrait pardonnée simplement parce qu'elle est habituellement négligente.» Alors, on aurait dit à cette personne-là : Bien là, ah! vu qu'il était un peu... pas assez prudent pour ne pas prendre de risque, donc on lui pardonne. Donc, c'est un peu de là que vient l'idée.

Et une des conclusions auxquelles on vient, c'est qu'en fait — je cite à nouveau le mémoire — «ce qui est raisonnable pour l'un ne l'est pas nécessairement pour un autre. Ceci relève du lieu commun. La personne raisonnable est un concept qui a un contenu variable, voire indéterminé. Après tout, "s'essayer à donner un sens précis au mot ‘raisonnable', c'est vouloir compter ce qui n'est pas nombre et mesurer ce qui n'est pas espace". L'expression est suffisamment vague pour permettre plusieurs interprétations parfois même contradictoires — ce que tend à nous confirmer l'expérience que font depuis une heure ou deux les gens qui visitent le site du Journal de Montréal et qui ont décidé, eux, de relever le défi du quiz.»

Alors, j'aimerais savoir si le ministre partage cette idée, qu'au fond le concept de personne raisonnable peut amener à des interprétations très variables, voire contradictoires de ce que c'est, un signe religieux.

• (16 h 20) •

Le Président (M. Bachand) : ...M. le député. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je serais curieux de savoir en quelle année, la décision... quelle cour, quel pays. Non, c'est pertinent.

M. Zanetti : Je pourrais déposer le mémoire. Mais on parle de foin, donc ça ne doit pas être... Bien, ça pourrait être l'année passée, là, mais on parle ici de... ça fait longtemps, 1837. Aïe! c'est l'année de la rébellion des Patriotes.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, tout est dans tout. Donc, le député de Jean-Lesage nous réfère à un jugement de 1837. Nous, on est en 2019. Le concept de la laïcité de l'État, c'est un concept qui n'est pas introduit dans notre droit, et c'est ce qu'on fait là, on l'introduit dans notre droit. Par contre, entre 1837 et 2019, il y a eu plusieurs années, hein, plusieurs années qui se sont passées, et donc la définition de la «personne raisonnable» a pu évoluer et a pu être interprétée par les tribunaux. Alors, je référerais davantage le député de Jean-Talon à mes propos... de Jean-Lesage. Pardon. Excusez. Ça aussi, il y a une couple d'années entre les deux, entre Jean Talon puis Jean Lesage. Bien, c'est vrai qu'il y a une couple d'années entre les deux, là. Donc, je référerais davantage le député de Jean-Lesage à ce que j'ai dit relativement à la définition de «personne raisonnable», avec les exemples que je lui ai donnés, édictée par la Cour suprême ou dans le dictionnaire juridique.

Le Président (M. Bachand) : Oui. M. le député de Jean-Lesage. Pardon.

M. Zanetti : Je suis parfaitement d'accord avec vous, ça fait longtemps, 1837. Toutefois, je pense que la valeur de l'argument et des critiques qu'on peut amener au concept de personne raisonnable dans le cas de l'interprétation de ce que c'est, un signe religieux, parce que ma critique du principe de personne raisonnable n'est pas tous azimuts, elle est bien circonscrite à ce cas précis... je pense que cette critique tient la route, même si l'évolution s'est faite.

Ce que je voulais juste amener, c'est amener le fait que l'origine de ce principe semblait venir du droit britannique, et puis, c'est ça, je trouve ça intéressant culturellement de constater ça. Mais l'essentiel de la démonstration, c'est qu'aujourd'hui même, au moment où on se parle, la personne raisonnable, c'est indéterminé, assez indéfini, et, plusieurs personnes pouvant très bien être qualifiées de personnes raisonnables, tel que le montre l'expérimentation menée par le Sac de chips, bien, c'est qu'ils peuvent avoir des interprétations différentes, voire contradictoires sur un même jugement de fait. Puis, quand on va demander aux gens qui sont tous des personnes raisonnables d'appliquer la loi du projet de loi n° 21 et qu'ils vont se retrouver avec ça, bien, avec des... pas exactement ce test-là, mais des tests qui sont plus réels, qui ont des impacts plus concrets et plus graves sur la vie des gens, bien, ces gens-là, ils n'auront pas les mêmes jugements. Et qu'est-ce que ça va faire? Ça va créer des injustices.

Alors, c'est pour ça que, bon, j'aurais aimé qu'on accepte mon amendement. Sinon, bien, j'invite peut-être le gouvernement à proposer un sous-amendement à son propre amendement pour clarifier cette chose-là, parce que je pense qu'il est on ne peut plus prévisible qu'on s'en va vers une grande difficulté avec cette définition du signe religieux.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député. M. le ministre... M. le député de Saint-Jean, s'il vous plaît.

M. Lemieux : Puisque le député de Jean-Lesage revient constamment avec l'«homme raisonnable», M. le ministre, pouvez-vous, sans me faire un cours de droit, pouvez-vous me confirmer ce que je suppose depuis le début qu'on parle de ça, c'est-à-dire que ce concept-là, c'est un concept légal pour permettre à un juge, ou à un jury, ou des jurés dans un jury de statuer en fonction de ce concept, principe de l'homme raisonnable, s'il vous plaît, ou n'importe qui d'autre, là? Parce que, là, on s'entend qu'il n'y a pas 7,5 millions de Québécois qui vont penser la même chose, la même affaire, même s'ils sont raisonnables. Mais ce n'est pas ça, le but, là. Le but de l'amendement, c'est de dire que c'est en fonction de ce principe, concept. Définissez-le-moi, s'il vous plaît, qu'on passe à autre chose.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le député de Saint-Jean. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Alors, en fait, on l'a dit dans le cadre de la définition, c'est une personne fictive, c'est un critère d'analyse. Donc, c'est le décideur, et effectivement le juge utilise ce concept-là, les jurés, le décideur utilisent ce concept-là. Alors, c'est vraiment le critère objectif, et on l'a exprimé à de multiples reprises depuis le début de la commission, mais vous avez raison de le souligner. Et le député de Jean-Lesage me demandait si je consultais le Sac de chips et j'étais une personne raisonnable. Mais vous savez quoi? On présume que tous les députés sont des personnes raisonnables, jusqu'à preuve du contraire, bien entendu.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Interventions? Interventions? Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : ...

Le Président (M. Bachand) : Oui.

M. Jolin-Barrette : ...sur le critère de «personne raisonnable». Il y a 21 lois au Québec qui ont l'expression «personne raisonnable» dans leur loi, donc ce n'est quand même pas un concept unique.

M. Lemieux : ...commission scolaire, je pense.

M. Jolin-Barrette : Même un code d'éthique de commission scolaire... d'éthique et de déontologie.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Oui. Je reprends la définition de l'amendement. On parle de signes religieux, on parle de «tout objet» et là on dit «notamment un vêtement, un symbole, un bijou, une parure, un accessoire ou un couvre-chef». «Notamment». Donc, ce n'est pas exhaustif. À part tous ces objets-là... quoi d'autre, par exemple? Pourquoi l'importance du «notamment»? Je pense à la perruque, c'est pour ça.

M. Jolin-Barrette : Bien, c'est non limitatif. Je ne sais pas, M. le Président, si c'était dans cette commission-ci ou dans l'autre commission, le «notamment».

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Ah! c'est l'autre?

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Ah! mais, vous savez ce qui me réconcilie, M. le Président?, c'est qu'outre mes merveilleux collègues du gouvernement, que je retrouve sur le projet de loi n° 21 et parfois sur le projet de loi n° 9, j'ai le même plaisir d'avoir des collègues, notamment la députée de Bourassa-Sauvé et le député de Nelligan, qui m'accompagnent aussi sur le projet de loi n° 9. Vous savez, lorsque les travaux parlementaires cesseront pour la période estivale, M. le Président, je risque de m'ennuyer beaucoup de mes collègues.

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît!

M. Derraji : Je vais venir au Mont-Saint-Hilaire.

M. Jolin-Barrette : Oui? Parfait, parfait.

Le Président (M. Bachand) : Bon. O.K. On est toujours sur l'amendement présenté par le ministre à l'article 6. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Donc, tout est possible, là, c'est non limitatif. Parce que, bon, plusieurs parlent de confusion. On veut aider celui qui va devoir gérer, prendre une décision. On continue. «Soit porté en lien avec une conviction». Bon, conviction, croyance religieuse, liberté de conscience, mais une conviction... je sais que le ministre a des convictions, mais là une conviction dans ce sens-là... Pourquoi «conviction»?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Bon, dans un premier temps, M. le Président, je suis heureux de constater que la députée de Bourassa-Sauvé constate que j'ai des convictions. Ça, honnêtement, je suis fier qu'elle puisse le reconnaître et je suis fier aussi qu'elle puisse reconnaître que le gouvernement a des convictions, des convictions qui sont fermes, dans l'intérêt des Québécois, parce que nous, on travaille dans l'intérêt des Québécois.

Deuxièmement, M. le Président, j'ai répondu à cette question-là au député de Nelligan et j'ai même dit qu'on s'inspirait du projet de loi n° 62, à l'article 4, qui fait référence à «convictions ou croyances religieuses», il n'y a pas plus tard que, maximum, 10 minutes.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, oui.

Mme Robitaille : Mais, «conviction», «croyance religieuse», pourquoi c'est important pour lui de réitérer ça, de revenir avec ça?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

• (16 h 30) •

M. Jolin-Barrette : C'est le principe du paragraphe 1°. On dit : C'est interdit de porter un signe religieux pour certaines personnes qui occupent une fonction prévue à l'annexe II. On dit : «Au sens du présent article — pour le bénéfice du Parti libéral — est un signe religieux — et là on donne la définition — tout objet, notamment un vêtement, un symbole, un bijou, une parure, un accessoire ou un couvre-chef qui est :

«1° soit — c'est une possibilité, "soit", pas de "la soie", là — porté en lien avec une conviction ou une croyance religieuse.»

Le critère d'analyse subjective : on se met dans les souliers de la personne. La personne, elle, elle le croit, là, en son âme et conscience, elle croit que l'objet porté, ça a un lien avec une conviction ou une croyance religieuse. C'est pour cela, avec sa croyance. C'est le critère, là, de la croyance sincère comme c'est le cas pour la liberté de religion. C'est un critère énoncé par la Cour suprême, par la common law.

Et d'ailleurs, pour répondre au collègue de Jean-Lesage, tantôt, on me disait : Ah! la common law, tout ça. Bien, vous savez, le collègue de Jean-Lesage aime beaucoup le Québec tout comme moi, mais le système québécois, c'en est un de tradition civile. Alors, nous, on incorpore les concepts dans les lois. La common law, c'est davantage une «judge-made law». Nous, on fait de la codification. Alors, c'est pour ça qu'on vient codifier le concept de «personne raisonnable» dans le paragraphe 2°. Alors, je reviens à la collègue d'Henri-Bourassa.

Le Président (M. Bachand) : Bourassa-Sauvé.

M. Jolin-Barrette : ...pardon. Et donc, au paragraphe 1°, c'est le critère subjectif dans la perspective de la personne.

Sur la question de l'énumération, M. le Président, c'est une technique légistique qui permet d'illustrer un concept général, et ça permet d'être souple et évolutif. Et M. Pierre-André Côté, que la députée de Maurice-Richard connaît bien maintenant, nous dit : «La règle ejusdem generis — on fait référence à nos notions de latin — signifie que le terme générique ou collectif qui complète une énumération se restreint à des choses de même genre [de] celles qui y sont énumérées, même si, de par sa nature, ce terme générique ou collectif, cette expression générale, est susceptible d'embrasser beaucoup plus. Par exemple, un avion ne serait pas un "véhicule" au sens de l'énumération "voiture, camionnette, camions et autres véhicules" parce qu'il n'appartient pas à la même catégorie que les véhicules énumérés.»

Alors, M. Pierre-André Côté nous a renseignés, cet après-midi, sur la règle légistique ejusdem generis.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : ...le ministre entend passer des copies du livre aux directeurs d'école et puis à tous ceux qui devront interpréter sa loi.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien non. Attention, là, attention! La question, M. le Président, qui m'est posée est à l'effet de dire : Pourquoi est-ce qu'on utilise le terme «notamment» et pourquoi ces mots-là sont inscrits là? Ce n'est pas une règle d'interprétation, la question qui m'a été posée. C'est une règle de rédaction légistique qui m'a été posée. Alors, la question très précise sur la rédaction légistique, j'y ai répondu avec une réponse qui m'apparaît tout à fait conforme aux intentions de la question qui m'a été posée par la députée de Bourassa-Sauvé, parce que, M. le Président, ce concept-là de rédaction, il est défini dans les règles, notamment. Et j'en suis convaincu, que la collègue de Bourassa-Sauvé, à l'époque où elle a fait son bac, elle a suivi un cours qui s'appelle Interprétation des lois et qu'elle a pris connaissance de M. Pierre-André Côté, avec la collaboration de MM. Stéphane Beaulac et Mathieu Devinat.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît, oui.

Mme Robitaille : Mais, M. le Président, là, mettez-vous à la place du monde ordinaire, qui sont raisonnables mais qui n'ont pas tous ces outils-là. Imaginez, là, c'est compliqué déjà. On pose des questions. Moi, je pose des questions. Les réponses ne sont pas évidentes. On demande des exemples. On n'en a pas. Encore une fois, j'aimerais savoir si le ministre va au moins donner un guide à ceux qui devront interpréter cette définition-là, au moins un répertoire, quelque chose pour les aider à prendre position, à déterminer si c'est un signe religieux ou non, parce que j'écoute tout ça depuis tantôt puis ce n'est pas clair. C'est vrai.

Le Président (M. Bachand) : Merci, madame. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, moi, M. le Président, je trouve que mes réponses sont très, très claires, notamment sur la rédaction légistique qui a été faite dans le cadre du projet de loi. On suit ce qui est enseigné dans les facultés de droit relativement à l'énumération. Alors, en plus, on le retrouve dans le livre qui constitue une bible d'interprétation des lois, M. le Président, au niveau des règles légistiques, au niveau du processus rédactionnel. Alors, M. le Président, comment je pourrais dire... je souhaite qu'on avance puis je pense avoir répondu à tout cela. M. le Président, les deux critères font en sorte que tout le monde au Québec est capable d'identifier les signes religieux. Honnêtement, M. le Président, là, on donne les outils pour ce faire. M. le Président, il faut être de bonne foi, là, il faut avancer.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, attention, vous prêtez des intentions. Faites attention, s'il vous plaît. On ne recommencera pas la... J'ai avisé le ministre.

M. Derraji : ...

Le Président (M. Bachand) : Oui.

M. Derraji : Je vous remercie de faire ce point, parce que ce n'est pas la première fois, la deuxième fois, la troisième fois. Vous gérez très bien la commission depuis le début. Ce n'est pas des éloges que je vous fais. Mais, s'il vous plaît, restons... parce qu'on veut avancer, M. le Président, et, pour avancer, il faut qu'on réponde à l'amendement et non pas commencer à lancer des messages. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Juste sur la question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Oui.

M. Jolin-Barrette : Je veux juste avoir une question de clarification puis d'interprétation aussi pour qu'on utilise les mêmes mots et qu'on se comprenne. Quand on dit : On veut avancer, là, ça veut dire ne pas rester, stagner à un article. Or, depuis le début de la commission cet après-midi, on est toujours à l'article 6. Je ne constate pas d'avancement.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre...

M. Derraji : M. le Président, si on a des réponses...

M. Jolin-Barrette : Après 6, c'est 7. Après 7, c'est 8, M. le Président.

M. Derraji : Si on a des réponses, on va avancer, M. le Président. Si on a des réponses, on va avancer. Si on n'a pas de réponse, on va poser des questions.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, la conversation se fait, et puis, tant que la conversation se fait, je préside. Alors donc, bon, c'est important. Et vous rappeler aussi de ne pas prêter des intentions. Vous le savez très bien, hier, on en a beaucoup parlé. Alors donc, Mme la députée de Bourassa-Sauvé, vous avez la parole.

Mme Robitaille : Simplement pour dire qu'on lui pose des questions, là. On lui demande si telle ou telle chose est un signe religieux, et puis le ministre n'est même pas capable de répondre. Ce matin, je lui ai demandé si la perruque que ma conseillère municipale portait... On s'entend que les conseillers municipaux ne sont pas visés par la loi, mais ils le seront peut-être, et ça, il n'est même pas capable de répondre. Lui, il n'est même pas capable de répondre, alors imaginez le simple citoyen. Le directeur d'école, il va être pris avec ça. C'est un problème, puis avouons-le. Alors, travaillons pour essayer de clarifier les choses, donner des exemples, donner des balises parce que la définition demeure très, très vague, et ce n'est pas évident pour M. Tout-le-monde d'interpréter sa définition. On n'est pas tous de grands juristes comme M. le ministre.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Alors, moi, M. le Président, je n'ai pas la prétention d'être un grand juriste. J'ai la prétention, par exemple, de vouloir déposer et faire adopter un projet de loi qui répond à ce que les Québécois souhaitent relativement à l'état du droit au Québec, à l'état de la loi, relativement au fait que, dans notre société, l'État et les religions, c'est séparé, que, dans notre société, les services publics sont donnés et reçus à visage découvert et que, dans notre société, les policiers, les juges, les agents de services correctionnels, les procureurs, les directeurs d'école puis les enseignants ne portent pas de signe religieux dans le cadre de leurs fonctions. Alors, ça, c'est ma prétention.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : Oui. Merci, M. le Président. J'ai entendu le ministre, depuis le début de ce projet de loi, dire que c'est du nouveau droit, c'est ça?

M. Jolin-Barrette : Le concept de laïcité, M. le Président, est nouveau en droit québécois. Effectivement, c'est tout nouveau, M. le Président, parce que, durant des années, j'ai même entendu des collègues du Parti libéral dire : Écoutez, le Québec est laïque. Faux, M. le Président, faux. Juridiquement, c'est faux. Pourquoi? Parce que ce n'est pas dans la loi. C'est la première fois qu'on incorpore le concept de laïcité dans une loi québécoise.

Mme David : Question de règlement, M. le Président. J'en profiterais pour répondre au ministre qu'alors, si c'est si important, si historique, si c'est faux, faux, faux et que, justement, on fait du droit nouveau, il faut peut-être être extrêmement à la hauteur de ce droit nouveau et prendre le temps nécessaire pour que votre legs, il soit très, très bien étoffé.

Le Président (M. Bachand) : En tout respect, Mme la députée, ce n'était pas une question de règlement, mais, cela dit...

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Cela dit, M. le ministre, s'il vous plaît...

M. Jolin-Barrette : ...

Le Président (M. Bachand) : Oui, en terminant.

M. Jolin-Barrette : Vous savez, M. le Président, je ne souhaite pas que ça soit mon legs, je souhaite que ça soit le legs de l'ensemble des parlementaires québécois, et y compris celui du Parti libéral du Québec. Je souhaite, là, que le Parti libéral, là, soit fier de dire qu'ils ont contribué et qu'ils ont voté en faveur de la laïcité de l'État, que, pour eux, c'était important de faire en sorte que l'État et les religions soient séparés, de faire en sorte qu'ils puissent dire : Les services publics sont donnés et reçus à visage découvert. Il me semble, M. le Président, que le Parti libéral devrait être fier de ça. Il me semble que ça devrait s'insérer dans les valeurs libérales, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

• (16 h 40) •

M. Derraji : M. le Président, je pense, du moment qu'il interpelle le Parti libéral, j'interpelle le gouvernement caquiste, moi aussi, que je tiens à rappeler au ministre que nous avons voté pour l'article 1 et l'article 2, hein?

M. Jolin-Barrette : Vous allez voter pour le projet de loi?

M. Derraji : S'il vous plaît, quand vous faites des affirmations, M. le ministre, faites-les correctement. Vous êtes un homme de droit. Vous devez tout dire. Et, quand vous interpelez l'équipe libérale, dites que nous avons voté pour l'article 1 et 2 parce qu'on croit à la laïcité, ce que vous...

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Allez-y, M. le député, s'il vous plaît, oui.

M. Derraji : Nous croyons à la laïcité de l'État. Ce que vous évoquez par la suite, on est rendus aux individus. Et, rendus aux individus, M. le Président, je pense que c'est tout à fait légitime de poser les vraies questions, parce que je sais que M. le ministre le dit fièrement, qu'il veut assurer un bon legs par rapport à l'immigration et à la laïcité. Mais on voulait travailler avec lui par rapport à ce legs, et c'est pour cela que nous sommes en train de le bonifier et de proposer des amendements.

Là, maintenant, nous sommes dans son amendement, M. le Président, et, quand on lit cet amendement, qui concerne des individus... et, du moment qu'il dit que c'est du nouveau droit, bien, toute bonne chose nouvelle nécessite un accompagnement. Et c'est ça, l'essence même de la discussion depuis pas mal de temps, c'est qu'on insère du nouveau droit, on demande aux gens l'applicabilité, on met une annexe II où on énumère les personnes, mais même le ministre ne veut pas répondre à un quiz du député de Jean-Lesage. C'est son droit de ne pas embarquer dans le jeu de quiz. On a vu, même au niveau de la population, le test, que c'est un peu difficile, embarquer dans le jeu de quiz, parce qu'on ne sait pas est-ce que c'est un signe religieux ou pas, est-ce que c'est un objet ou pas. Donc, ce qu'on dit depuis le début, M. le Président, c'est : Plus de clarté, et la clarté, c'est dans l'accompagnement. L'idée de cibler un signe et de le définir avec l'amendement que le ministre a ramené permet de mettre la lumière sur ce que le ministre cherche à définir, le signe religieux. Et, encore une fois, je tiens à le rappeler, c'est venu en 48 heures à peine. Mais ce qui manque à cet amendement, c'est l'accompagnement de ces personnes, le comment, parce que rester sur une définition très large et vague d'un objet constitue, pour nous, un manque de clarté. Et nous avons vu ça même hier, que, le premier ministre, pour lui, une bague, ce n'est pas un signe religieux... probablement un signe religieux, mais le détail, ce n'est pas précis. Et c'est pour cela, M. le Président, que nous demandons plus de clarté de la part du ministre, parce que, s'il veut s'assurer vraiment de l'applicabilité de l'article... je ne veux pas dire «de sa loi», de la Loi sur la laïcité, et surtout l'article 6, ça ne prend...

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Ça va?

M. Derraji : Oui.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député.

M. Derraji : Parce que, si on veut qu'on prenne un peu de temps...

Le Président (M. Bachand) : Allez-y, allez-y.

M. Derraji : On peut toujours prendre un temps et échanger des textos, mais ça me perturbe quand je parle, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Allez-y, M. le député.

M. Derraji : Non, ce n'est pas grave, M. le ministre. Vous avez le droit. Merci, M. le Président.

Donc, je reviens à l'amendement de l'article 6. C'est que c'est très important, du moment que c'est un nouveau droit, d'accompagner les personnes. On ne peut pas aujourd'hui demander à des gens l'adhésion au niveau de l'applicabilité, de dire «tel signe religieux est un objet, tel symbole, tel bijou, telle parure, tel accessoire» sans donner une guide d'accompagnement, surtout qu'on cible tout un éventail de personnes énumérées à l'annexe II, mais on les laisse comme ça. Demain, le ministre, la loi est adoptée, il va... et son souhait qu'elle soit applicable. Bien, donnons-nous les moyens dans cet article que la loi soit applicable, M. le Président. Et, encore une fois, la question reste, M. le Président : Comment la loi ou l'article 6 sera appliqué demain, que ça soit au niveau des institutions et au niveau des organismes? Tout à l'heure, le ministre a cité... et se met dans les souliers de la personne ciblée. Mais j'aimerais bien que le ministre se mette dans la peau du gestionnaire qui va avoir la lourde tâche d'appliquer la loi.

Donc, est-ce que le ministre a pensé à une façon de rendre la vie facile à ces gestionnaires? Parce que je sais que son souhait, c'est que la loi soit applicable. Je ne pense pas que le gain, c'est uniquement que la loi passe. Je sais que ce n'est pas uniquement le souhait que tous les parlementaires applaudissent le projet de loi n° 21. Je pense, le succès de la loi reste dans l'applicabilité et l'adhésion des gens qui vont l'appliquer, commençant par les gestionnaires, parce que ce qu'on veut, c'est demander l'adhésion des gens qui portent les signes religieux, qui, demain, ne doivent plus les porter, et aussi aux gestionnaires qui vont s'assurer de l'applicabilité de l'interdiction.

Donc, ce que je demande à M. le ministre, M. le Président : qu'il soit beaucoup plus clair au niveau de l'applicabilité. C'est assurer une meilleure adhésion des gens. Et, sur ce point, je lui demande s'il a pensé à ces guides d'accompagnement.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le député. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je crois que le député de Nelligan a déjà posé un amendement sur le fait d'avoir un guide, et l'amendement a été rejeté. Alors, pour nous, c'est très clair que l'article répond à toute nécessité d'outil. Il est très clair avec... subjectif et objectif, les critères. Alors, M. le Président, vous savez, je pense qu'on a fait le tour de la question. Je pense que le Parti libéral ne se ralliera jamais, peu importe la définition. Alors, j'ai entendu les arguments. Je n'ai pas eu beaucoup de propositions, par contre. Alors, M. le Président, moi, je suis prêt à voter.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : Je tiens à rappeler, M. le Président, à M. le ministre que l'amendement que j'ai déposé, c'est par rapport à l'article 3, mais je le comprends : il est tellement sur deux projets de loi qu'à un certain moment on se mêle sur l'amendement que je dépose, même si, je sais, il a salué mon amendement et dit qu'il le trouve très bien par rapport à l'article 9 du projet de loi n° 9.

M. Jolin-Barrette : Sur l'autre projet de loi.

M. Derraji : Sur l'autre projet de loi, absolument. Mais, par rapport à ce que vous venez de dire, l'amendement que vous citez au niveau des guides, je tiens à rappeler à M. le ministre que ça concerne l'article 3. Nous sommes à l'article 6. Nous avançons. Et je trouve que c'est pertinent, parler de guides, parce que, moi, ma conviction, mon souhait est ce que la loi soit applicable, et je prends au sérieux l'application de la loi. Et donc, pour pouvoir accompagner ces gens, on ne peut pas juste dire : Écoutez, voilà la définition du signe religieux, c'est un objet, vêtement, symbole, bijou, parure, accessoire, sans dire aux gens qui vont appliquer la loi demain sur le comment.

La question, elle est très simple, M. le Président : Comment le ministre va s'assurer de l'applicabilité de la loi au niveau des gestionnaires? C'est ça, la question, M. le Président. Est-ce qu'il est capable, M. le ministre, de me répondre aujourd'hui que ça va être facile, l'applicabilité de la loi? Parce que, depuis hier, on interprète les vêtements. Même le premier ministre a eu un malaise par rapport à la bague. Bien, on ne veut rentrer dans ces détails. On ne veut pas que les gens commencent à faire un débat de vêtements au niveau de nos organisations. Ce qu'on veut, c'est une loi applicable et d'accompagner les gestionnaires.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le député. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, le meilleur outil qu'on peut donner aux gens, c'est de voter l'article 6 et voter l'amendement de l'article 6 que j'ai proposé. Ça va permettre de s'assurer, M. le Président, d'avoir un texte de loi qui fait en sorte d'interdire le port de signes religieux pour les personnes en situation d'autorité en ayant une définition aussi, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Moi, il me restait quelques questions, en fait, au ministre par rapport à l'amendement qu'il a déposé, bien évidemment. Est-ce qu'il pourrait nous éclairer, entre autres, sur ce qu'est une parure, comment il l'entend, comment il la définit, comment il voit ça dans le contexte de son article?

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je vais même vous donner la définition de «parure».

(Consultation)

Le Président (M. Bachand) : Si vous avez, en attendant, madame...

• (16 h 50) •

Mme Montpetit : Oui, oui. Non, non, mais je laisse le ministre chercher. Qu'il prenne le temps de chercher. Il n'y a pas de souci. Mais je comprends que, déjà en partant, il faudra non seulement que nos directeurs d'école se promènent avec le livre de M. Côté, mais également avec un dictionnaire dans leurs poches pour être certains de bien interpréter les volontés et les intentions du ministre.

M. Jolin-Barrette : Savez-vous quoi, M. le Président? Un, maintenant, il y a des dictionnaires dans les écoles parce que nous, on considère que c'est important d'avoir des livres dans les écoles, contrairement à l'ancien gouvernement, qui disait que ça ne ferait pas de mal à personne de ne plus avoir de livres dans les écoles, comparativement au précédent ministre de l'Éducation libéral.

Mme David : Question de règlement. Ce n'était pas du tout la citation du ministre de l'époque. C'était que, pour une année, il avait décidé que peut-être... Ce n'était pas de ne pas avoir de livres dans les écoles. Les bibliothèques étaient bien remplies.

Le Président (M. Bachand) : Merci, Mme la députée. M. le ministre, sur votre définition.

M. Jolin-Barrette : Mais est-ce que ça justifie la décision qui avait été prise du ministre de l'Éducation de l'époque?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, je vous rappelle, comme on doit rappeler régulièrement, que nous sommes à l'amendement à l'article 6 du projet de loi. Alors, si on peut laisser faire, des fois, d'autres discussions et si on peut revenir à l'essentiel, ce serait bien. Alors, M. le ministre.

Mme Montpetit : M. le Président...

Le Président (M. Bachand) : Oui, Mme la députée.

Mme Montpetit : Je fais juste compléter l'information. Comme je sais que le ministre aime avoir de l'information juste lorsqu'il parle, je vais quand même lui rappeler que le leader de l'opposition, lorsqu'il était ministre de l'Éducation, et moi, comme ministre de la Culture, nous avions fait des investissements massifs pour les livres dans les écoles du Québec. Mais on peut revenir peut-être à la définition de «parure».

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Merci. Alors, M. le ministre, s'il vous plaît, vous avez la parole.

M. Jolin-Barrette : Je suis heureux que la députée de Maurice-Richard...

Le Président (M. Bachand) : Sur le dossier de l'article 6, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : ...ait corrigé la situation et que dans nos écoles maintenant il y a des livres puis on ait entendu les propos de la personne raisonnable pour dire que, dans les écoles, ça prenait des livres.

Le Président (M. Bachand) : Cela dit, vous avez un livre devant vous. Vous voulez en faire lecture pour une définition?

M. Jolin-Barrette : M. le Président, une parure, c'est un ensemble de vêtements, des ornements, des bijoux d'une personne.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Est-ce que le ministre lisait le dictionnaire ou il lisait une autre... C'est parce que j'ai l'impression qu'il est en train de nous lire une autre définition. J'aimerais bien savoir d'où...

M. Jolin-Barrette : Moi, M. le Président, je suis multitâche, je fais plein de choses en même temps.

Mme Montpetit : Non, non, je comprends, mais je veux juste savoir, la définition qui nous est lue, elle émane de quel endroit.

M. Jolin-Barrette : C'est ma réponse, M. le Président.

Mme Montpetit : O.K. Pouvez-vous la répéter de nouveau?

M. Jolin-Barrette : C'est un ensemble de vêtements, des ornements, des bijoux.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Est-ce que vous êtes, je veux dire, confortable d'avoir déposé cet amendement-là il y a à peine 48 heures, aussi tardivement, puis d'avoir besoin de référer à... je ne sais pas c'est quoi exactement encore qu'il y a sur cet ordinateur-là où vous lisez, mais pour être capable de nous définir c'est quoi, le mot «parure»?

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui.

Mme Montpetit : Je présume que ça devait être très, très, très frais dans votre mémoire, parce que c'est vraiment avant-hier que cet amendement a été déposé. Il a dû être rédigé... je ne sais pas si c'est dans les heures qui ont précédé, mais il semble qu'il y ait eu un soubresaut un peu à minuit moins une de venir nous déposer cet amendement. Donc, je présume qu'il y a eu des échanges, il y a eu des réflexions à savoir pourquoi on met le mot «parure» entre «accessoire» et «bijou» et «vêtement». Je trouve ça un peu surprenant qu'on ne puisse pas nous livrer déjà une définition, je veux dire, spontanément, je vais le dire ainsi.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

Mme Montpetit : Dans le sens commun, oui.

Le Président (M. Bachand) : Bien, est-ce que vous avez terminé votre...

Mme Montpetit : Oui, oui, absolument, absolument.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, je crois avoir répondu de façon très contemporaine à la question de la députée de Maurice-Richard. Peut-être que je ne suis pas assez vite à son goût, M. le Président. Je m'en excuse. Je vais essayer d'être plus vite, mais je suis au maximum de mes capacités, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le ministre. Mme la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Je sais que le ministre est un homme rapide. Ce n'est pas ce que je souhaitais souligner. Mais est-ce qu'il y aura, par exemple... Est-ce que vous entendez définir le mot «parure» ailleurs justement dans le projet de loi? Parce que je pense que ce n'est pas nécessairement, spontanément... puis ce n'est pas que je veux faire du millage sur cette question-là, mais ce n'est pas un mot qu'on utilise régulièrement. Moi, honnêtement, si j'étais administrateur dans une école puis on me disait «une parure», je veux bien aller chercher dans le dictionnaire, mais encore faut-il que ce soit relativement clair, là.

Est-ce que la seule indication qu'il y aura, ce sera libellé de cette façon-là? Il n'y a pas d'autre information autour du mot «parure» qui sera indiquée, là.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Dans le cadre du projet de loi, le mot «parure» est utilisé à cet article. C'est un objet, hein? Et, vous savez, on n'aurait pas besoin de mettre «bijou», «parure», «couvre-chef» à partir du moment où on a le mot «objet». Dans un souci d'accompagner le plus possible les collègues du Parti libéral, j'ai indiqué une énumération. Alors, si vous souhaitez qu'on supprime ces mots-là et qu'on mette uniquement «objet», on peut le faire, là.

Mme Montpetit : J'ai le souci d'accompagner le premier ministre du Québec, qui... J'en reviens, parce que c'est quand même intéressant de voir que, «jonc de mariage», «alliance», il n'était pas capable de les définir en fonction de l'amendement que vous avez déposé, en fonction de votre définition de ce qu'est un signe religieux. J'en reviens à cet exemple-là parce que c'est ce qui va arriver au quotidien si c'est ainsi qu'on en reste. Puis je serais curieuse d'avoir... mais je pense que le ministre n'a pas eu l'occasion de nous l'expliquer, mais comment il explique ça, justement, que... parce que je présume qu'il a eu des échanges avec le premier ministre sur la définition, sur tout le contexte de son projet de loi. Comment il explique que le premier ministre l'ait contredit sur si un jonc et si une alliance de mariage... parce que c'est vrai que ça peut prêter à confusion, à savoir si c'est un symbole religieux en fonction de la loi?

Donc, comment il peut expliquer justement que, le premier ministre, ce n'était pas clair dans son esprit, en fonction... si lui, il prétend que son projet de loi, et cet amendement-là, est très clair?

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : C'est très clair, M. le Président, que l'anneau n'est pas visé par le projet de loi.

Mme Montpetit : Je veux quand même répéter que ça ne semble pas être clair. Si c'est clair pour vous, bien, mais votre chef, votre premier ministre, a dit, à deux occasions depuis hier, dont dans une mêlée de presse — il l'a réitéré aujourd'hui en période de questions — a dit qu'il fallait... Il a indiqué à l'Assemblée et aux membres de la commission qu'il fallait préciser l'amendement, qu'il fallait venir préciser l'article, qu'il fallait venir préciser le projet de loi, et j'aimerais ça savoir ce qu'en pense le ministre.

Est-ce que lui, il est satisfait de cet amendement-là, il le trouve complet?

M. Jolin-Barrette : Ah! oui, tout à fait, M. le Président, je le trouve très, très, très complet. Et d'ailleurs je m'explique mal, M. le Président, pourquoi il ne satisfait pas les collègues du Parti libéral, parce qu'il est notamment présent, cet amendement-là, pour satisfaire aux volontés des collègues du Parti libéral et pour nous permettre de progresser. Vous savez, je souhaite travailler avec les collègues du Parti libéral, M. le Président. Depuis maintenant près de deux heures cet après-midi, je tente vraiment de travailler et d'avancer, comme le député de Nelligan nous le dit, mais je sens qu'on est pas mal sur le neutre, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Bien, écoutez, tout est une question de perception, j'imagine. Déjà, ce qu'on comprend, c'est que la lecture du ministre n'est pas la même que celle du premier ministre. Il la trouve claire. Et donc je comprends qu'il contredit le premier ministre, qui dit et répète qu'il y a... lui, le premier ministre du Québec, juge qu'il y a nécessité de venir préciser et de venir clarifier, de venir circonscrire davantage ce qu'est un symbole religieux, ce qu'est un signe religieux. Je comprends que, le ministre, à ce stade-ci, ce qu'il nous dit, c'est qu'il est en désaccord avec le premier ministre du Québec, et je les laisserai gérer ça entre eux, bien évidemment.

J'aimerais ça l'entendre également toujours sur la question des alliances, parce que je suis vraiment curieuse de comprendre, en lien avec la définition qu'il nous dépose, où il y a la notion de, donc, «est un signe religieux tout objet, notamment [...] un bijou», comment il peut nous expliquer justement qu'un jonc de mariage béni à l'église n'est pas considéré aux fins de sa loi comme un signe religieux. Puis je le réfère, entre autres, aux évêques... ce matin, j'imagine qu'il l'a vu dans sa revue de presse, les évêques, qui sont venus réitérer de façon très claire qu'évidemment une alliance, dans ces circonstances-là, est évidemment un signe religieux dans le cadre de la religion catholique.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre, s'il vous plaît.

• (17 heures) •

M. Jolin-Barrette : Alors, M. le Président, j'attire votre attention sur la fin de la phrase de la députée de Maurice-Richard. Elle a dit : Au sens de la religion catholique, c'est un signe religieux. On arrive à la même conversation qu'on a eue au début, il y a deux heures, M. le Président, de la présente séance, où le député de Nelligan nous disait : Mme Houda-Pepin a dit que le voile, ce n'était pas un signe religieux au sens du droit musulman. Et là la députée de Maurice-Richard vient de faire le même argument, M. le Président, l'argument relativement au droit canonique. Ce n'est pas le droit canonique qui régit la Loi sur la laïcité de l'État, ce n'est pas le droit musulman qui régit la Loi sur la laïcité de l'État, c'est le droit québécois, M. le Président.

Là, je comprends, M. le Président, qu'on veut faire du droit comparé. Il y a de la bonne volonté, là, de l'autre côté. On veut faire du droit comparé, on veut s'inspirer, là, des autres concepts, tout ça. Mais ce qu'on fait, là, aujourd'hui, là, c'est du droit québécois. Pour vrai, là, M. le Président, là, ce qu'on fait, là, c'est qu'on adopte une loi québécoise qui va être adoptée par l'Assemblée nationale du Québec, ici, à Québec — pas à Rome, là, M. le Président, pas au Vatican — ici, à l'Assemblée nationale du Québec, par les députés de l'Assemblée nationale, qui ont été dûment élus lors de la 42e législature, qui ont eu un mandat pour voter des lois québécoises, M. le Président, et notamment pour faire en sorte que l'État et les religions, ça soit séparé. M. le Président, quand on a été élus, dans le programme de la CAQ, c'était déjà prévu qu'on allait interdire le port de signes religieux pour certaines personnes en situation d'autorité. C'était également prévu dans le programme du Parti québécois puis c'était prévu, M. le Président, dans le programme de Québec solidaire. M. le Président, c'est un engagement. Dans le cadre du Parti libéral, je suis d'accord, ce n'était pas prévu.

M. le Président, est-ce qu'on peut légiférer sur le mandat que les Québécois ont donné au gouvernement? Est-ce qu'on veut respecter la démocratie? Est-ce qu'on veut faire en sorte que les volontés de la nation québécoise soient rencontrées? Est-ce qu'on peut respecter les engagements qu'on a pris? Moi, là, c'est mon désir le plus profond, M. le Président, de réaliser cet engagement-là, mais ce que je constate, c'est qu'on m'empêche de le faire présentement, M. le Président, on m'empêche d'avancer pour faire en sorte qu'on ait une loi au Québec qui vient clairement indiquer que la laïcité de l'État, ça existe, que l'État québécois, il est laïque. M. le Président, on nous empêche d'aller dans ce sens-là, et je trouve ça malheureux.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Bien, non, je veux rassurer le ministre, il sait très bien qu'on ne l'empêche pas d'avancer, on l'aide à avancer. Mais il nous l'a dit lui-même entre la semaine dernière et cette semaine. Il a trouvé notre contribution tellement pertinente et tellement excellente qu'il est arrivé avec un amendement parce qu'il a vu la lumière, et il s'est dit : Effectivement, il y a besoin de venir clarifier le sens du signe religieux. Donc, on l'aide à avancer.

Et là ce qu'on considère, et puis on n'est pas les seuls à le considérer, c'est qu'il y a besoin d'avancer encore davantage. Son premier ministre l'a dit hier, son premier ministre l'a réitéré ce matin. Il y a des chroniqueurs, puis j'y reviendrai tout à l'heure, et des journalistes qui ont fait l'analyse, entre autres, de l'amendement qui est déposé. Mais je voudrais juste, avant d'aller là-dessus, peut-être poser une question, parce que le ministre nous parle, entre autres, de droit canonique et de plein de choses. J'aimerais ça qu'il nous explique, encore là, selon ses analyses, qui sont toujours certainement fort intéressantes, comment il voit la différence entre une alliance puis le col romain, auquel il fait constamment référence.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, comme on dit, avec de l'aide de même, ça ne donne pas beaucoup envie d'en demander, hein, de la part du Parti libéral, ça, c'est sûr. M. le Président, les anneaux...

Le Président (M. Bachand) : Allez-y, M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, les anneaux ne sont pas visés par le projet de loi. Je ne peux pas être plus clair que ça, M. le Président. À titre d'exemple, dans le cadre du projet de loi, j'ai dit que les cols romains étaient visés, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : M. le Président, est-ce que je dois comprendre que le ministre a moins d'explications qu'il en avait? Parce que moi, j'essaie d'avancer avec lui. Il me parle de droit canonique, donc j'aimerais qu'il nous explique clairement quelle est la différence... On essaie de comprendre, on essaie d'être dans le même espace. Parce qu'un jour, si on continue d'avancer comme on avance... et, si le ministre souhaite avancer plus rapidement, au cours des prochains jours, avec un bâillon ou je ne sais trop quoi ou s'il nous laisse le temps de continuer d'avancer comme on le fait, cette loi-là devra... ou sera appliquée, et on devra la comprendre.

Donc, j'aimerais bien qu'il nous explique, puis c'est une question très légitime, la différence entre une alliance — vous me parlez de droit canonique — et, par exemple, un crucifix et un col romain. Il nous a référés, à plusieurs reprises... il nous a dit la semaine dernière que c'était, oh mon Dieu!, tellement clair — j'ai dit «Dieu», hein, je ne devrais pas dire ça, j'imagine — que c'était tellement clair selon le sens commun, ce qu'était un signe religieux. Plus on avance au cours de la semaine, plus on réalise que ce ne l'est pas du tout. Le collègue de Jean-Lesage en a bien fait la démonstration. On l'a faite à plusieurs reprises. Le premier ministre, hier, je le répète... à midi, une alliance était un symbole religieux. À 14 heures, ce ne l'était plus. C'est ça, la difficulté.

Donc, c'est quoi, la différence entre un col romain puis l'alliance puis le crucifix? Qu'il nous l'explique. On essaie de comprendre comment s'applique son amendement.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, c'est très, très clair. Et un aparté, M. le Président : la députée de Maurice-Richard peut utiliser les termes qu'elle souhaite, là, il ne faut pas qu'elle se bâillonne dans le cadre de ses propos, là. M. le Président...

Le Président (M. Bachand) : Oui. Allez-y, M. le ministre, là, je vous écoute. S'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, manifestement, je sens que la députée de Maurice-Richard souhaite que je vous regarde, alors je vais vous regarder.

Le Président (M. Bachand) : Grand bien vous fasse.

M. Jolin-Barrette : Bien, je vous dirais que c'est assez agréable, M. le Président, je...

Le Président (M. Bachand) : ...pas là. Alors, s'il vous plaît, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Les anneaux ne sont pas visés, M. le Président. Les signes religieux le sont. Une kippa, un kirpan, un hidjab, une burqa, un tchador, une croix, un crucifix, un col romain, un chapelet... M. le Président, j'en ai fait, des énumérations, depuis le début du projet de loi. C'est le sens commun des choses qui s'applique, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Bien, ce qui est intéressant, c'est que je ne peux... bien, ce n'est pas intéressant, en fait, c'est plutôt même questionnable, c'est que je ne peux que remarquer la variation qu'il y a dans les explications à chaque fois qu'on donne un exemple concret. Et je répète que, si c'est si clair — parce que ça semble être si clair pour le ministre, alors que ça ne semble pas être clair du tout pour personne d'autre — si c'est si clair pour lui, pourquoi ne vient-il pas le préciser avec une liste, avec une annexe qui viendrait... Il l'a fait pour les professions qui sont concernées, entre autres. Qu'il vienne le faire pour les signes religieux qui sont concernés. Puis je veux quand même le lui rappeler parce que l'enjeu, il est là, puis je peux comprendre qu'il peut référer à notre formation politique, mais, vous l'avez vu dans les consultations, nombreux ceux qui, que ce soient des constitutionnalistes, des organismes, des regroupements, sont venus souligner pas juste la difficulté, mais la problématique qu'il y aura au niveau de l'application. Puis, pas plus tard qu'il y a deux semaines, trois semaines, c'était le groupe d'experts du Conseil des droits de l'homme, de l'ONU qui... Puis il faut quand même mesurer à l'international l'impact délétère, foudroyant que ça a sur la réputation du Québec, d'avoir ce conseil des droits de l'homme de l'ONU qui vient souligner à quel point l'omission de venir définir un signe religieux va ouvrir la voie, justement, à des décisions qui sont non seulement arbitraires, mais qui sont également discriminatoires parce que ça va amener potentiellement à viser certains signes religieux plutôt que d'autres.

Et l'amendement qui a été apporté par le ministre, puis je le répète, là, à minuit moins une... parce qu'à trois jours de la session ce que ça me démontre, c'est qu'il y a du travail de réflexion qui n'avait pas été fait, puis on arrive à la dernière minute. Donc, le ministre peut continuer de nous répéter qu'on n'avance pas assez vite, mais, si l'organisation des travaux parlementaires avait été faite différemment et si le projet de loi avait été déposé plus tôt, bien, on aurait commencé à travailler plus tôt, donc on serait probablement rendus plus loin. C'est ça, la réalité.

Mais je veux quand même lui rappeler que, malgré le fait qu'il a déposé un amendement — et je ne dis pas qu'on ne va pas dans la bonne direction, parce qu'il y a une intention de venir préciser, mais je pense qu'il faudra aller beaucoup plus loin que ça — l'amendement législatif qui est déposé ne nous éclaire pas plus, et au contraire. Et je le réfère à des journalistes et des chroniqueurs qui mentionnaient à quel point le projet de loi devenait même encore plus surréaliste qu'il ne l'était puis encore moins applicable avec l'ajout de l'amendement, qui demeure complètement arbitraire au niveau de l'application.

• (17 h 10) •

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? M. le ministre, non? M. le député de Nelligan, malheureusement, votre temps est écoulé, malheureusement. Interventions?

M. Derraji : ...

Le Président (M. Bachand) : Sûrement, mais, malheureusement, je dois céder...

M. Derraji : Est-ce que mes interventions leur manquent?

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Les Plaines, s'il vous plaît.

Mme Lecours (Les Plaines) : Bien, moi, je pense que la définition, elle est là, elle a été proposée, elle est claire, elle a tout ce dont les collègues voulaient avoir. Alors, je vais demander le vote sur l'amendement déposé par le ministre.

Le Président (M. Bachand) : On doit continuer les interventions. Alors donc, M. le député de Jean-Lesage, malheureusement, votre temps aussi est écoulé, mais Mme Robitaille a la parole... Mme la députée de Bourassa-Sauvé, par exemple. Excusez-moi.

Mme Robitaille : Moi, je le réitère, écoutez, on n'a pas de réponse. Le ministre nous dit : On est en train de créer un nouveau droit. Il y a une définition, on est en train de créer un nouveau droit. La définition est pour le moins floue. On pose des questions au ministre. Ce n'est pas clair, les réponses. On ne peut pas se baser sur rien, pas de droit canonique, pas de droit musulman, rien. Bien, comme j'ai dit tout à l'heure, M. le directeur d'école a besoin d'outils. Et même le premier ministre nous disait ce matin... Je cite LeJournal de Montréal : «M. Legault a ensuite convenu que la définition...»

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, vous savez qu'on doit...

Mme Robitaille : ...

Le Président (M. Bachand) : Merci.

Mme Robitaille : Alors, le premier ministre nous disait : «On va le définir exactement dans le projet de loi. On va l'améliorer, si nécessaire.» On l'a dit. Maintenant, quand on demande au ministre des précisions, quand on lui demande un guide, un répertoire, quelque chose pour aider les gens à appliquer la loi, on n'a rien. Le premier ministre et le ministre ne s'entendent même pas sur, un jonc, si c'est un symbole religieux ou non. Alors, on est dans le flou total. Et moi, j'aurais trouvé heureux que le ministre nous donne plus d'exemples, statue sur des exemples. On lui a posé des questions tout à l'heure, il n'a pas voulu répondre. Alors, en tout cas, je trouve ça malheureux, je trouve qu'on ne va nulle part avec ça.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je trouve ça un petit peu malheureux que la députée de Bourassa-Sauvé puis la députée de Maurice-Richard disent que je ne réponds pas, alors que je n'arrête pas de leur parler depuis 15 heures. Honnêtement, je réponds aux questions. Peut-être que les réponses que je donne, M. le Président, ce n'est pas les réponses qu'elles souhaitent. Mais ça, on ne peut pas évaluer les réponses de cette façon-là. On n'a pas toujours ce qu'on désire dans la vie.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Autres interventions? Mme la députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Une dernière intervention, parce que moi, j'aime bien avoir ce que je souhaite. Donc, je vais continuer, je vais me réessayer. Mais c'est toujours agréable de discuter avec le ministre, qui commence à s'ouvrir, on dirait, beaucoup plus à...

Une voix : ...

Mme Montpetit : Non, non, je pense qu'on pourrait continuer d'avancer.

Mais moi, j'ai un souci de l'aider à avancer, j'ai un souci qu'il demeure cohérent et que nous demeurions cohérents dans les définitions qui sont faites. Puis ça m'a un petit peu ébranlée, sa réponse, ou questionnée, ou titillée sur... j'en reviens à la question de l'alliance, qu'il nous réponde que ça réfère au droit canonique et pas au droit québécois. Comment il justifie son deuxième alinéa dans l'article 6, qui réfère à «une appartenance religieuse»? À partir d'où la notion de religion fonctionne pour un aspect, mais pas pour l'autre? Tu sais, je trouve, honnêtement, dans les réponses, là... puis c'est là justement qu'il y a des grands, grands risques sur l'applicabilité, parce qu'au fur et à mesure qu'on essaie, justement, de le définir les réponses varient et fluctuent, et je pense que la démonstration se fait au fur et à mesure, que ça ne tient pas la route, que ça ne tient absolument pas la route. Mais j'aimerais bien l'entendre sur... pour revenir à cette question-là de droit canonique, et j'en reviens à... Et ce n'est pas pour rien que le premier ministre, qui est certainement... comme le ministre nous a dit, que toutes les personnes, je pense, étaient considérées comme raisonnables, et le premier ministre, qui est certainement une personne raisonnable, a lui-même fait une évaluation de jugement, à savoir qu'il pensait que l'alliance, c'en était un. Et je suis certaine que, si on devait aller dans la rue, et faire un vox pop, et demander aux gens s'ils jugent qu'une alliance l'est ou pas, je pense qu'on aura autant de réponses de oui que de réponses de non à savoir si c'est un signe religieux.

Et je comprends que le ministre nous répond : Oui, mais je l'avais dit dans ma conférence de presse du 28 mars. J'aimerais bien savoir quand même si, par exemple, dans son projet de loi... est-ce qu'il annexera le verbatim de sa conférence de presse à la «hot room» pour que les gens, justement, puissent savoir que, «l'alliance», il l'avait mentionnée à ce moment-là?

Une voix : ...

Mme Montpetit : Non, pas à la «hot room»?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : À la salle Evelyn...

Mme David : Dumas.

M. Jolin-Barrette : ...Dumas. Merci, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Oui.

Le Président (M. Bachand) : Donc, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, M. le Président, j'ai déjà répondu à toutes ces questions-là depuis les 2 h 15 min qu'on est assis ensemble ici aujourd'hui. Et d'ailleurs, depuis 2 h 15 min, le Parti libéral n'a pas déposé de sous-amendement relativement à l'amendement. Alors, c'est égal à leur contribution qu'ils font dans le cadre des travaux.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : ...je pense qu'on n'ira nulle part avec ce genre de commentaire là. Moi, je vous l'ai dit, M. le ministre, nous, on est prêts à continuer de travailler, mais j'aimerais ça savoir si vous, vous avez toujours la volonté de travailler ou si on va continuer avec des échanges juste pour faire des échanges, puis vous allez nous imposer un bâillon rapidement à la fin de la journée ou demain. Est-ce que c'est ça, l'intention? Parce que vous aussi, vous donnez l'impression d'être en train de faire du temps au lieu de nous répondre ouvertement.

Donc, est-ce qu'il y a une véritable volonté de travailler et d'avancer ou il y a un bâillon qui, de toute façon, va venir clore ces échanges-là?

Le Président (M. Bachand) : On fait toujours attention avec les intentions. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, la question de la députée de Maurice-Richard est la suivante : Vous aussi, vous donnez l'impression de faire du temps. Vous aussi — vous étant vous, moi, on s'entend là-dessus? — vous aussi, vous donnez l'impression de faire du temps. Alors, M. le Président, est-ce que je dois comprendre de l'intervention de la députée de Maurice-Richard qu'elle admet que le Parti libéral fait du temps pour faire du temps pour ne pas que le projet de loi soit adopté? Est-ce que c'est ça, M. le Président? Je voudrais juste avoir une question de clarification, parce que c'est ce que j'ai perçu dans l'intervention de la députée de Maurice-Richard.

Le Président (M. Bachand) : Je vous invite à revenir au coeur du débat, s'il vous plaît, et de ne pas prêter des intentions d'un côté et de l'autre. C'est extrêmement important. Et j'ai la députée de... Je vais...

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : C'est parce qu'on m'a demandé la parole. Alors, je vais donner la parole à la députée de Laviolette—Saint-Maurice. S'il vous plaît. Je vais revenir.

Mme Tardif : Bonjour, M. le Président. Moi, j'entends, de part et d'autre, des bonnes volontés tout de même. C'est un peu lent, mais ce que j'entends surtout, c'est le ministre qui invite les gens qui ne sont pas pour ou qui posent des questions à proposer des amendements, à proposer des choses. Parce que, sauf votre respect, M. le Président, je trouve qu'on tourne un peu en rond. Et je crois que je représente quand même des milliers de personnes. Et donc j'entends l'appel du ministre. Et, si ceci peut faire avancer plus rapidement... il serait d'autant plus productif que les gens apportent des propositions, parce que le ministre est ouvert et ça a été dit. Je vous remercie.

Le Président (M. Bachand) : Merci, Mme la députée. Mme la députée de Maurice-Richard... J'aimerais qu'on revienne sur la discussion sur l'amendement du ministre concernant l'article 6. Mme la députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît.

• (17 h 20) •

Mme Montpetit : Avec grand plaisir. Mais vous savez qu'on ne fait que ça, faire des propositions, mais encore faut-il comprendre l'intention du ministre pour pouvoir faire les bonnes propositions.

Il nous dépose un amendement. On essaie de le clarifier. On n'arrive pas à obtenir des réponses. Et je vais poser une question. Je vais la reposer au ministre. Peut-être qu'il souhaitera me donner une réponse ou il dira que je lui prête des intentions. Mais, s'il a réellement l'intention d'avancer, est-ce qu'il peut répondre à nos questions ou, de toute façon, son intention est de finir ça par un bâillon?

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, nous sommes beaucoup dans la procédure ici. J'espère qu'on va venir rapidement sur l'amendement proposé par le ministre à l'article 6. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, simplement, M. le Président, que je me rends disponible à toutes les plages horaires aujourd'hui pour faire avancer le projet de loi. Ce que je constate : depuis 11 heures ce matin, qu'on est en étude détaillée sur le projet de loi n° 21, on n'a pas avancé d'un article, M. le Président. Ça doit faire à peu près quatre heures, M. le Président, aujourd'hui qu'on étudie l'article 6. Pas de proposition d'amendement du Parti libéral. On n'a pas réussi à voter l'article non plus.

Mme David : ...question de règlement.

Le Président (M. Bachand) : Oui. Allez-y, Mme la députée.

Mme David : Je fais juste rappeler au ministre que nous étions sur un sous-amendement du collègue de Jean-Lesage sur lequel nous avons voté. Nous continuons sur votre amendement que vous avez déposé. Donc, on achève le temps qui nous est imparti. Nous avons posé des questions fort importantes. Et, je répète, l'article 6 est l'article fondateur de votre loi. Et vous dites qu'on a passé déjà quatre heures. Je le sais, je le répète, le ministre est pressé dans la vie, il va tout faire à une vitesse incroyable, mais ça prend du temps pour un projet de loi aussi important M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci, Mme la députée. Merci beaucoup. Mme la députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Bien, je veux quand même indiquer aux membres de cette commission... peut-être qu'ils ne l'ont pas vu, puis peut-être que le ministre aura envie de nous le confirmer, mais les journalistes confirment présentement qu'il y aura un double bâillon. Et je présume que, comme leader du gouvernement, il est au courant.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, j'aimerais...

Mme Montpetit : Non, mais je veux juste comprendre son intention.

Le Président (M. Bachand) : Non, non, mais c'est parce qu'on parle de procédure. Il faut rester quand même avec la pertinence, là. Alors, s'il vous plaît, nous sommes sur l'amendement du ministre à l'article 6. Alors donc, ces questions, vous avez eu une discussion là-dessus, mais, s'il vous plaît, revenons au coeur du débat, s'il vous plaît, sur l'article 6 à amender. Mme la députée de Maurice-Richard... ou Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Robitaille : Oui. Justement, en parlant de l'amendement, il y a toute cette question, là, le premier alinéa, qui est subjective, en fait. Donc, on parle de conviction et de croyance religieuse. Il va falloir que l'employeur pose des questions à son employé à savoir si c'est vraiment une croyance sincère. Dans le Code civil, il y a l'article 35. S'il y a une clause dérogatoire, et, bon, on comprend qu'il y aura une clause dérogatoire, on suspendra certains articles de la Charte des droits, beaucoup d'articles de la Charte des droits. Mais il reste quand même le Code civil du Québec, à l'article 35, qui nous dit que «toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée. Nulle atteinte ne peut être portée à la vie privée d'une personne sans que celle-ci y consente ou sans que la loi l'autorise.»

Donc, est-ce qu'il n'y a pas un problème, il n'y a pas une intrusion dans la vie privée de l'individu à lui poser des questions sur ses convictions religieuses?

Le Président (M. Bachand) : Merci, Mme la députée. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, la loi ne vise pas la vie privée, hein? L'interdiction de porter un signe religieux, là, c'est dans le cadre de l'exercice des fonctions de la personne. Et je réitère qu'il y a un droit acquis. Alors, si quelqu'un actuellement est en poste dans un des emplois visés et porte un signe religieux, cette personne peut le conserver dans le cadre des fonctions... Ça ne peut pas être plus clair que ça, M. le Président. Dans le cadre de la prestation de travail, c'est interdit de porter un signe religieux.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Mais certains vous diront qu'on porte entrave à la vie privée en demandant à quelqu'un de nous parler de ses croyances, à essayer d'établir si c'est bien une croyance religieuse.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, oui.

M. Jolin-Barrette : Le premier critère est un critère subjectif aux yeux de la personne. La personne, lorsqu'elle est dans son emploi et qu'elle souhaite se conformer à la loi, si elle considère que c'est un signe religieux, elle ne peut le porter. C'est une analyse subjective : ce que je pense de mes croyances, moi, dans mes souliers, ce que je pense, quelles sont mes croyances?, quelle est ma foi?, en mon âme et conscience. M. le Président, le critère, il est simple.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Ce n'est pas si simple que ça. Si la personne ne veut pas répondre ou reste très vague là-dessus, il va falloir que son employeur lui pose des questions pour prendre une décision. Et, à ce moment-là, je me demande, moi, si on ne va pas à l'encontre de la vie privée, il n'y a pas une intrusion, on n'oblige pas la personne à se révéler puis ça ne va pas à l'encontre de certaines libertés fondamentales.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Est-ce que, M. le Président, le Parti libéral du Québec est contre les accommodements?

Mme Robitaille : Je pose la question au ministre.

M. Jolin-Barrette : Non, non, mais, pour donner ma réponse, il faut que je connaisse cette information. Est-ce que le Parti libéral est contre les accommodements religieux?

Mme Robitaille : Moi, je pose une question. Je pose une question, et là on se demande comment le directeur d'une école va prendre sa décision. Et là, s'il y a confusion, si son employé ne veut pas en parler ou reste très vague là-dessus, bien, il va falloir que l'employeur pose des questions. Dans l'article ici, on ne dit pas que la personne doit, de son propre chef, se révéler, on dit que quelqu'un devra conclure si c'est en lien avec une conviction ou une croyance religieuse. Donc, il est possible que l'employeur le demande.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je vais réitérer ma question afin de pouvoir donner la meilleure réponse possible à la collègue de Bourassa-Sauvé : Est-ce que le Parti libéral du Québec est contre les accommodements religieux?

Mme Robitaille : On ne parle pas de ça, on parle de l'article 6.

M. Jolin-Barrette : Non, non, M. le Président, moi, j'en parle. Moi, je veux savoir si le Parti libéral est contre les accommodements religieux. Je voudrais le savoir, M. le Président, c'est superimportant, pour que je puisse donner la meilleure réponse possible que je souhaite donner à la députée de Bourassa-Sauvé. J'aimerais qu'elle m'indique si son parti est contre les accommodements religieux.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Moi, je...

M. Jolin-Barrette : ...elle m'amène là-dessus.

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît!

Mme Robitaille : Il y a eu un projet de loi dans le passé. On est sur un projet de loi en ce moment. Il y a une définition, une définition sur laquelle on dirait que le ministre et puis son premier ministre ne s'entendent pas tout à fait. Le premier ministre demande de la clarté, demande d'aller plus loin, demande de comprendre mieux.

Et moi, je pose la question au ministre : Est-ce qu'on ne va pas aller trop loin en essayant d'en savoir un peu trop sur le degré de croyance d'un individu? Alors, ce que je comprends, c'est que le ministre dit : Non, non, non, il n'y a pas de problème, l'article 35 du Code civil... non, non, il n'y a pas de crainte, la liberté fondamentale, il n'y a pas de crainte.

M. Jolin-Barrette : Qu'est-ce que nous dit l'article 35?

Mme Robitaille : Est-ce que c'est ce que je dois comprendre?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, la députée de Bourassa-Sauvé me prête des mots que je n'ai même pas dits.

Mme Robitaille : Bien, alors répondez.

M. Jolin-Barrette : Je souhaite répondre à sa question, mais, pour pouvoir répondre à sa question, je veux qu'elle me donne une information. Est-ce que le Parti libéral du Québec est en faveur des accommodements religieux? Question toute simple, M. le Président, et je vais pouvoir lui donner ma réponse.

Mme Robitaille : Ma question est très, très simple : Est-ce que le ministre croit que, si...

M. Jolin-Barrette : Bien, la mienne aussi. La mienne, elle est plus simple que la vôtre.

Mme Robitaille : Bien non, la mienne...

M. Jolin-Barrette : Comme je vous le dis, elle est plus simple.

Mme Robitaille : ...est très simple. À la lumière de l'article 6 du projet de loi, moi, je veux savoir, puisqu'on crée un nouveau droit, si l'employeur va trop loin en posant des questions sur la croyance, en voulant s'informer de la croyance d'un individu pour interpréter si c'est un signe religieux ou non.

Le Président (M. Bachand) : Interventions?

• (17 h 30) •

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je souhaite répondre à la question, mais, pour pouvoir répondre adéquatement à la question, M. le Président, ça me prend des éléments d'information, parce que vous conviendrez avec moi que, pour répondre à une question, bien, ça prend la somme de toutes les informations. Alors, est-ce que le Parti libéral est en faveur des accommodements religieux, oui ou non? Ce n'est pas compliqué, là. C'est une question... comment on la qualifie?, une question fermée. Alors, je souhaite avoir cette information-là. Ça me prend cette information-là pour pouvoir répondre adéquatement à la députée de Bourassa-Sauvé, M. le Président. S'il vous plaît, M. le Président, s'il vous plaît, je souhaite que la députée de Bourassa-Sauvé réponde à cette question-là : Oui ou non, est-ce que le Parti libéral est en faveur des accommodements religieux?

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée.

Mme Robitaille : Bien, écoutez, M. le Président, ma question est tellement simple. Je ne comprends pas pourquoi le ministre évite de répondre à ma question. Est-ce que l'employeur va trop loin en posant des questions à son employé sur ses convictions puis ses croyances religieuses? C'est tout ce que je lui demande, là, à la lumière de l'article, à la lumière des chartes des droits, à la lumière du Code civil du Québec.

Le Président (M. Bachand) : O.K. Alors donc...

Mme Robitaille : Pourquoi le ministre, il veut éviter cette question-là, qui est tout à fait légitime?

Le Président (M. Bachand) : Bon, je ne sais pas si ça va...

Mme Robitaille : ...ne pas répondre, M. le Président, c'est bien correct.

Le Président (M. Bachand) : Non, non, mais je souhaite sincèrement, là, que... s'il vous plaît, vous connaissez les règlements et la procédure, qu'on puisse quand même avancer un peu dans vos échanges. Alors, je vous demande votre collaboration habituelle, s'il vous plaît. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je n'ai que de plus désir ardent que de répondre à la question de la députée de Bourassa-Sauvé, mais, pour ce faire, encore faut-il que j'aie l'information suivante : Est-ce que le Parti libéral est en faveur des accommodements religieux, du concept même d'accommodement? Est-ce que le Parti libéral trouve que les critères associés à une demande d'accommodement religieux sont conformes, oui ou non? Et ensuite je pourrai donner la réponse que la députée de Bourassa-Sauvé souhaite avec l'ensemble des déclinaisons associées à sa question, mais il faut qu'elle m'aide à l'aider, M. le Président. J'ai besoin d'informations précises. Elle ne voudrait pas que je lui donne une réponse erronée, M. le Président. Alors, pour ce faire, j'ai besoin d'avoir des informations.

Vous savez, je suis en train de faire une collecte d'information afin de pouvoir lui donner une réponse complète, M. le Président. On ne peut me reprocher cela, M. le Président. Je pense que c'est extrêmement important que, lorsqu'on pose une question à un collègue, on puisse l'outiller, hein, parce que l'idée, M. le Président, l'idée... et loin de moi l'idée de penser ça, M. le Président, loin de moi l'idée de penser qu'il y a une intention de me piéger...

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Pas du tout. Je suis rassuré, M. le Président. Je suis rassuré, mais, pour dissiper toute possible intention de me piéger, je souhaiterais avoir cette information-là, à savoir si le Parti libéral est en faveur des accommodements religieux.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Robitaille : ...commentaire. J'ai l'impression que le ministre a pas mal plus de questions que de réponses. Alors, nous aussi, on a beaucoup de questions. On est un peu dans le vague et, de là, on sollicite le ministre. Puis on parle d'interdiction, là, de porter des signes religieux.

Alors, encore une fois, juste l'article premier de la Charte canadienne, là : «Tout être humain a droit à la vie, ainsi qu'à la [sécurité], à l'intégrité et à la liberté de sa personne.» L'article 35 parle de vie privée... du Code civil. Bien, moi, je pose une question, là, toute simple : Est-ce qu'on ne va pas trop loin en demandant, en posant des questions à son employé sur ses croyances religieuses? C'est tout. Mais, bon, si le ministre ne veut pas répondre, c'est correct, là, on va passer, on va essayer de se faire une tête. Mais, encore une fois, s'il pouvait être plus clair, on pourrait avancer.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, on va aller dans les hypothèses. Présumons, parce que les collègues du Parti libéral aiment beaucoup les cas hypothétiques. Alors, allons-y sur les hypothèses.

Supposons que le Parti libéral du Québec est en faveur des accommodements religieux, en faveur du fait qu'une personne qui travaille dans une organisation demande un accommodement religieux. Y aurait-il des critères, M. le Président, pour accorder un accommodement religieux basé sur le droit à la liberté de conscience et à la liberté de religion, auquel fait référence la députée de Bourassa-Sauvé? On est toujours dans la présomption, M. le Président, que le Parti libéral est d'accord et favorable aux accommodements religieux. Ainsi, M. le Président, si la députée de Bourassa-Sauvé était favorable aux accommodements religieux et à la liberté de religion, elle nous dirait : Bien, je suis en accord avec les critères qui ont été développés relativement à l'octroi d'un accommodement religieux en lien avec la liberté de religion, ce que je présume. Quels sont-ils, ces critères-là? Peut-être la députée de Bourassa-Sauvé les connaît, elle, les critères? Point d'interrogation.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le ministre. Interventions?

Mme Robitaille : Bien, je pense encore à cette dame, là, à Montréal qui est Juive, qui est Juive hassidique, qui porte une perruque, qui va enseigner dans une école publique. Pour elle, il n'y a pas de problème. Est-ce que son employeur devra intervenir puis lui poser des questions? C'est aussi simple que ça, M. le Président. Et, s'il fait ça...

Le Président (M. Bachand) : Interventions?

Mme Robitaille : Excusez-moi. Et, s'il fait ça, est-ce qu'il va à l'encontre de... Est-ce qu'il a le droit de faire ça?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Bon, M. le Président, je dois vous dire que je ne trouve pas ça très équitable, là, présentement, vraiment pas du tout, même. Ce n'est vraiment pas équitable, parce que le Parti libéral, en commission parlementaire, ils peuvent présenter plein de questions hypothétiques, plein de situations hypothétiques, puis là, M. le Président, moi, quand j'en présente une, situation hypothétique, on change de sujet. Honnêtement, M. le Président, au niveau de l'équité, je trouve que la conduite de nos travaux n'est pas très équitable... pas par rapport à vous, je parle par rapport au comportement du Parti libéral. Ça me déçoit, M. le Président, ça me déçoit. J'aurais souhaité que la députée de Bourassa-Sauvé participe, dans un souci de faire avancer le projet de loi, à un exercice hypothétique comme on me convie fréquemment de la part des députés d'opposition.

Alors, dans le cadre de cet exemple hypothétique là, j'ai demandé à savoir est-ce que la députée de Bourassa-Sauvé connaissait les critères attachés à la liberté de religion lorsqu'un accommodement religieux est demandé dans le cas d'une institution publique, et la députée de Bourassa-Sauvé a changé de sujet plutôt que de répondre à ma question. Ça me désole un peu, mais je me réessaie parce que je constate que la députée de Bourassa-Sauvé ne répond pas à mes questions. Et ça, M. le Président, là, il n'y a rien de pire que ça, parce que moi, là, M. le Président, quand on me pose des questions, je tente toujours de répondre à la question.

Mme David : Question de règlement, là...

M. Jolin-Barrette : Alors, je souhaiterais avoir le même traitement que je réserve à mes collègues : de répondre à la question.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, vous pouvez répondre, oui.

Mme Robitaille : Non, mais je veux juste rappeler au ministre que maintenant il n'est plus dans l'opposition mais c'est lui le ministre, donc, et c'est sa loi, et donc on a des questions et on s'attend qu'il réponde.

Le Président (M. Bachand) : Merci.

M. Jolin-Barrette : Moi, là, M. le Président, je partage. Ce n'est pas juste ma loi, c'est notre loi. Tous ensemble, en tant que législateurs, on travaille, on n'arrête pas de le dire, M. le Président, on travaille en collaboration avec les députés d'opposition. Je n'arrête pas de le dire. Je souhaite leur adhésion. J'ai passé l'hiver, le printemps à dire ça, que je souhaitais l'adhésion et la collaboration des collègues. Puis là, M. le Président, en commission parlementaire, on me dit : C'est juste votre loi. Honnêtement, M. le Président, moi, je souhaite partager, je souhaite partager ce legs-là avec vous, M. le Président, et avec les collègues de la commission parlementaire. Alors, je souhaiterais bien que les collègues du Parti libéral participent.

Et d'ailleurs, M. le Président, dans la précédente législature, parce qu'on a fait référence à ça, à l'époque où j'étais collègue dans l'opposition, je ne faisais pas que poser des questions, je participais aux travaux aussi, je répondais avec la collègue de la Justice, et on avait beaucoup, beaucoup de plaisir et on avançait beaucoup plus vite que ça, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Interventions? Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Robitaille : ...le p.l. n° 21, le p.l. n° 9. Il me semble qu'on travaille en collégialité. On essaie de comprendre.

M. Jolin-Barrette : Bien, disons, M. le Président, que mon plaisir, il est à rebours. Disons-le comme ça.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? Mme la députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît.

• (17 h 40) •

Mme Montpetit : Juste une petite chose, parce que le ministre fait référence à des cas hypothétiques. Je veux quand même lui rappeler que, fondamentalement, son projet de loi est basé sur des cas hypothétiques parce qu'il n'y a pas de président de l'Assemblée nationale qui porte des signes religieux, il n'y a pas de vice-président de l'Assemblée nationale qui porte un signe religieux, il n'y a pas de policiers au Québec qui portent un signe religieux et il n'y a pas de juges qui portent un signe religieux. Donc, on est dans l'hypothétique.

Je pense qu'on a toute la marge de manoeuvre de poser les questions que l'on souhaite, à moins qu'il nous dise que son projet de loi ne sert absolument à rien, n'encadre rien et qu'il n'encadrera jamais des situations potentielles. On présume qu'il y aura situation potentielle et que ça servira, et c'est ce qu'on essaie de définir avec lui.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, est-ce que je dois comprendre de la part de la députée de Maurice-Richard et du Parti libéral qu'ils ne souhaitent pas qu'on se dote des règles pour faire en sorte de séparer l'État et les religions, pour faire en sorte que, pour certains postes en situation d'autorité, certaines fonctions particulières de l'État, on n'interdise pas le port de signes religieux? Est-ce que c'est ce que je comprends? Est-ce que je comprends de la députée de Maurice-Richard qu'on ne doit pas exiger qu'au Québec, lorsqu'on demande un service public, ça soit à visage découvert et, lorsqu'un fonctionnaire de l'État donne un service public, ça doit être à visage découvert? Est-ce que je comprends que le Parti libéral est en désaccord avec ça, que le Parti libéral ne nous invite pas à légiférer, M. le Président? Honnêtement, si c'était le cas, ça me décevrait grandement, M. le Président.

Mme Montpetit : Article 35. Moi, je veux bien que le ministre continue de jouer à ça, là...

M. Jolin-Barrette : À quoi?

Mme Montpetit : Nous prêter des intentions...

M. Jolin-Barrette : Je ne prête pas des intentions.

Mme Montpetit : ...puis soulever des débats, mais il sait très bien que, le projet de loi sur le visage découvert dans les services publics, c'est nous qui l'avons mis de l'avant. Il sait très bien que la séparation des pouvoirs, ça s'appelle la neutralité de l'État et c'est déjà en place.

Donc, honnêtement, nous, on n'ira pas plus loin dans ce genre de débat. Si c'est à ça que le ministre veut consacrer ses prochaines heures, je pense que lui-même, il ne permettra pas à son projet de loi d'avancer.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? S'il n'y a pas d'autre intervention — on est sur l'amendement proposé par le ministre — je vais mettre l'amendement aux voix. Est-ce que l'amendement est adopté?

Des voix : Adopté.

Une voix : Sur division.

Le Président (M. Bachand) : Adopté sur division?

M. Derraji : Appel nominal, s'il vous plaît.

Le Président (M. Bachand) : Appel nominal. Mme la secrétaire, s'il vous plaît.

La Secrétaire : Pour, contre, abstention. M. Jolin-Barrette (Borduas)?

M. Jolin-Barrette : Pour.

La Secrétaire : Mme Lachance (Bellechasse)?

Mme Lachance : Pour.

La Secrétaire : Mme Lecours (Les Plaines)?

Mme Lecours (Les Plaines) : Pour.

La Secrétaire : M. Lemieux (Saint-Jean)?

M. Lemieux : Pour.

La Secrétaire : M. Lévesque (Chapleau)?

M. Lévesque (Chapleau) : Pour.

La Secrétaire : M. Jacques (Mégantic)?

M. Jacques : Pour.

La Secrétaire : Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice)?

Mme Tardif : Pour.

La Secrétaire : M. Lamothe (Ungava)?

M. Lamothe : Pour.

La Secrétaire : Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?

Mme David : Contre.

La Secrétaire : M. Derraji (Nelligan)?

M. Derraji : Contre.

La Secrétaire : Mme Montpetit (Maurice-Richard)?

Mme Montpetit : Contre.

La Secrétaire : Mme Robitaille (Bourassa-Sauvé)?

Mme Robitaille : Contre.

La Secrétaire : M. Zanetti (Jean-Lesage)?

M. Zanetti : Contre.

La Secrétaire : M. Bachand (Richmond)?

Le Président (M. Bachand) : Abstention. L'amendement est adopté. Donc, on retourne maintenant à l'étude de l'article 6. Interventions? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme David : J'aurais un amendement à déposer. Le ministre va être enchanté. Nous n'attendions que ça.

(Consultation)

Le Président (M. Bachand) : Vous pouvez en faire la lecture, Mme la députée?

Mme David : «Le ministre établit des lignes directrices portant sur l'application de la définition d'un signe religieux afin d'accompagner les organismes dans l'application de la présente loi.»

L'article 6 du projet de loi est donc modifié par l'ajout de l'alinéa suivant... et je viens de le lire.

Le Président (M. Bachand) : Alors, nous allons suspendre quelques instants pour la distribution. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 17 h 44)

(Reprise à 17 h 55)

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. La commission reprend ses travaux. Nous sommes à l'amendement déposé par la députée de Marguerite-Bourgeoys à l'article 6. Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme David : Oui. M. le Président, il ne nous reste vraiment pas beaucoup de temps, alors, nous sommes pressés. Nous sommes impatients de pouvoir discuter des lignes directrices. Je pense que les dernières heures que nous avons passées à discuter de ce que peut être ou non un signe religieux, est-ce que c'est du droit canonique ou du droit québécois, religieux — enfin, je pense qu'on va faire du droit nouveau là-dedans aussi — que ce soit dans telle ou telle situation, pour tel ou tel agent de l'État, tout ça fait en sorte que ce n'est vraiment pas pour les élus du Parti libéral du Québec qu'on veut ça, parce que ce n'est pas nous directement qui allons avoir à l'appliquer. Nous sommes des représentants des citoyens et citoyennes du Québec, M. le Président, et ces citoyens et citoyennes vont avoir soit à respecter la loi comme individus qui portent ou non un signe religieux ou à appliquer cette même loi en étant dans les autorités responsables de l'application... pour des gens visés par l'interdiction du port de signes religieux.

Je ne le sais pas pour le ministre, mais moi aussi, j'en ai déposé, des lois, puis j'ai eu ce privilège énorme, énorme d'être dans une fonction qu'il occupe, et je dis toujours que c'est un privilège indescriptible, mais qui porte son énorme lot de responsabilités. Et, dans les lois que j'ai déposées — mais peut-être que le ministre trouve que ça ne s'applique pas ici — l'opposition me talonnait, avec raison, pour bonifier mon projet de loi, pour donner des précisions, pour donner moult amendements qui pouvaient construire un projet de loi dont nous étions tous fiers. J'ai apporté je ne sais combien d'amendements demandés par la Coalition avenir Québec, le Parti québécois à l'époque et Québec solidaire, que ça soit pour des compositions de conseil d'administration, que ça soit pour encadrer non pas des signes religieux mais toutes les questions de violence à caractère sexuel. Ce n'est pas simple, ça aussi, des violences à caractère sexuel. Imaginez ce que c'est que d'avoir à définir la notion d'autorité entre un professeur et son étudiant, à savoir comment on gère une agression sexuelle ou une... Tout ça était d'une très grande complexité, et nous sommes arrivés à un consentement unanime parce qu'on a travaillé ensemble énormément à faire ce genre de lignes directrices, je dirais, et ce genre d'ajouts, et ça a été un travail exceptionnel avec les oppositions. Alors là, on demande quelque chose qui est pour nos concitoyens du Québec, que nous aimons tant. Tous et toutes, on est élus parce qu'on aime le Québec, que nous partageons tous, le ministre le dit beaucoup. Alors, nous pensons que des lignes directrices, ce n'est pas des listes, M. le ministre, ce n'est pas des quiz, M. le ministre. Des lignes directrices, c'est de simplement avoir l'humanité et la responsabilité de penser à ceux qui vont appliquer votre projet de loi et que cette application-là ne sera pas facile. Elle ne sera pas facile.

Le ministre le dit lui-même, nous sommes dans du droit nouveau, puis nous ici, dans cette bulle de l'Assemblée nationale, nous baignons dans une bulle, on le sait. On retourne chez nous puis, tout à coup, on a l'impression de sortir d'un univers assez particulier. Mais on fait ces lois-là, on y croit. On est venus en politique pour être des législateurs, entre autres — ici, c'est ce qu'on fait — parce qu'on veut améliorer la société selon les visions des uns et des autres. On ne partage peut-être pas la vision... mais on partage certainement l'objectif de vouloir une société qui reçoit des lois, qui reçoit des lois qui soient applicables, parce que ce n'est vraiment pas juste et équitable pour les citoyens, qui ne sont pas ici à passer des heures à lire, comme on disait, des manuels, et tout ça, et à se poser ces questions-là. Mais, si nous, on se les pose — puis je ne fais pas de politique, là — si nous, on se les pose, c'est parce que bien d'autres se les posent et nous sommes les représentants des citoyens.

Alors, voilà l'objectif de ce dépôt d'amendement, M. le Président, et je pense qu'on va avoir encore quelques heures pour en discuter.

Le Président (M. Bachand) : Oui. Merci beaucoup.

Alors, compte tenu de l'heure, la commission va suspendre ses travaux jusqu'à 19 h 30. Merci à tout le monde. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

(Reprise à 19 h 37)

Le Président (M. Bachand) : Merci. À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Comme vous le savez, je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 21, la Loi sur la laïcité de l'État. Lors de la suspension de nos travaux cet après-midi, les discussions portaient sur l'amendement de la députée de Marguerite-Bourgeoys à l'article 6. Alors, la parole est à vous, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme David : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, on a un trois heures qu'on va essayer de bien remplir justement pour pouvoir apporter beaucoup de précisions et d'amendements.

Alors, ça nous fait plaisir d'avoir déposé cet amendement parce qu'on croit sincèrement que des lignes directrices pourraient aider sur l'application de la définition d'un signe religieux, parce que j'en apprends à chaque réponse, ou presque, du ministre sur comment il conçoit un certain nombre de choses. Et je sais qu'il n'aimera pas ça, mais je vais revenir quand même sur la question de l'alliance, qu'on appelle bague de mariage, où il m'a bien étonnée, et j'ai trouvé ça plutôt sympathique, en même temps, mais très, très spécial de dire que l'alliance de mariage vient du droit canonique et que nous, on est dans du droit québécois. Alors, j'aimerais comprendre ce qu'il veut dire par «le droit québécois des signes religieux», parce que j'ai l'impression que le droit canonique, c'est le droit qui chapeaute effectivement tous les signes religieux dits catholiques. Et, s'il y a quelque chose sur lequel quand même on est un peu plus compétents, nous tous, probablement, autour de la table, c'est sur les signes religieux du gros bon sens, comme il aime à dire, crucifix, chapelet, etc.

Et, quand on regarde la question de l'alliance, je vais me référer à quelqu'un qui en connaît beaucoup plus que nous, là, je pense qu'on va en convenir, de ça, qui est le secrétaire général de l'Assemblée des évêques catholiques du Québec — alors, ce n'est pas les évêques catholiques de Rome, ce n'est pas les évêques catholiques de Pologne, ce n'est pas les évêques catholiques du Brésil, c'est les évêques catholiques du Québec — alors, Mgr Pierre Murray qui dit ce matin : «La CAQ fait fausse route en misant sur l'interdiction des signes religieux chez les employés de l'État en position d'autorité...» Bon, après, il dit : «Après une valse-hésitation, le gouvernement caquiste a exclu hier la bague de mariage des symboles ciblés par le projet de laïcité.» Et plus tôt en journée, bon, le premier ministre n'avait lui-même pas été en mesure de dire si un jonc porté par les époux est un signe religieux. Donc, le premier ministre a convenu que la définition formulée par son gouvernement était perfectible, ce qu'il a réitéré ce matin en Chambre en disant qu'on pouvait encore apporter des précisions. Et apporter des précisions, ça va dans le sens de la suggestion de lignes directrices.

• (19 h 40) •

Et «Mgr Murray estime que ce débat démontre — et je le cite — à quel point l'État n'est pas outillé pour juger ce qui est ou non un symbole religieux.» Et je poursuis : «Dans l'organisation catholique, les joncs de mariage symbolisent à la fois l'alliance entre les époux et entre Jésus-Christ et l'humanité, précise-t-il. Mais une bague portée au doigt d'une personne mariée au palais de justice n'aura pas une signification religieuse.» Alors, il y a la bague du mariage civil, il y a la bague du mariage religieux, l'alliance entre Jésus-Christ et l'humanité quand c'est un mariage religieux. Alors, c'est quand même le secrétaire général de l'Assemblée des évêques catholiques du Québec et non pas de Rome et du Vatican. Alors, si quelqu'un qui s'y connaît en théologie catholique... c'est bien sûrement le... et il a le rang de monseigneur. Je suis convaincue qu'ici on sera tous d'accord pour dire qu'il en connaît au moins un peu plus que nous en matière de religion catholique et de signes religieux catholiques. Et donc c'est pour ça qu'on revient à cet exemple-là. Imaginez, si c'est compliqué, qu'il peut y avoir deux sens, le sens «mariés à l'église»... Puis on a tous eu ces questions-là — peut-être, certains d'entre vous, non, peut-être, d'autres, oui : Est-ce qu'on se marie civilement, à l'église? Si on se marie à l'église, il y a des rituels, et c'est normal, des rituels qui vont avec la religion catholique. Il y a des prêtres, il y a des cours de préparation au mariage et il y a ce symbole de se promettre, la vie durant, bon... Enfin, je ne me souviens plus des voeux totaux, là, qu'on doit se dire, mais on se passe la bague au doigt, et c'est très solennel. Et là on a le secrétaire général de l'Assemblée des évêques catholiques qui dit justement que ce signe-là est un signe qui, entre autres, marque l'alliance entre Jésus-Christ et l'humanité.

Alors, quand il y a le mot «Jésus-Christ», pour moi, ça commence à être pas mal religieux. À moins qu'on me dise le contraire, qu'il y a un Jésus-Christ laïque, pour moi, c'est un Jésus-Christ religieux. Et donc, si on a un symbole comme ça, cet exemple-là, qui est un signe religieux selon le secrétaire général de l'Assemblée des évêques catholiques du Québec, bien, imaginez, pour d'autres symboles, comment... parce que ça, c'est près de nous, ça nous touche tous, là. Là, tout le monde est capable de me suivre très bien dans ce que je dis. Puis il y a un monseigneur puis il y a les mariages civils, les mariages religieux, mais on est dans une zone d'un certain confort dans le sens que c'est la religion qui est la religion la plus pratiquée, où nos parents ou nos grands-parents... alors on en sait quand même un petit peu plus sur la religion catholique.

Donc, je vais m'attendre à avoir une discussion, un échange avec le ministre là-dessus, mais pensons à tous les autres. Une fois qu'on a eu à se comprendre, à se dire : Oui, mais, non... Parce que la seule chose que le ministre dit, c'est : Non, l'alliance n'est pas incluse. Bon. Mais encore, mais encore. Si monseigneur était ici devant lui plutôt que... votre humble serviteur ou serviteure, peut-être qu'il y aurait une conversation un peu plus compliquée, parce que, Mgr Murray, je pense qu'il sait quand même un peu de quoi il parle. Alors, imaginez, pour d'autres signes, d'autres religions avec lesquelles on est beaucoup moins peut-être confortables dans nos connaissances parce qu'on connaît moins ces religions-là, comment faire... Parce qu'il revient toujours sur la question du sens commun, du gros bon sens. Mais la vie en société, je n'arrête pas de le dire, est complexe. Ce n'est pas vrai que c'est oui ou non. Ce n'est pas vrai que c'est noir ou blanc. Sinon, un baccalauréat en droit durerait une semaine et quart, il ne durerait pas quatre ans avec le Barreau, les stages, etc., parce que les choses sont complexes. Et donc, si on est sur une complexité par rapport à une bague de mariage, imaginez les autres signes, les questions qu'on pose, par exemple, sur une perruque hassidique, qui n'est pas de la pilosité naturelle. La perruque peut être avec des cheveux synthétiques. Mais c'est clair, clair que, les dames qui portent cette perruque, c'est un signe religieux, parce que, dans la religion juive hassidique, ils se font raser la tête et ils portent donc une perruque.

Et donc ce sont des questions même théologiques devant lesquelles moi, je me sens extrêmement humble, je me sens extrêmement petite parce que je n'ai pas de bac, maîtrise, doctorat en théologie. Je ne peux pas prétendre que les questions sont... par oui ou par non, qu'elles sont simples. Je n'ai certainement pas d'études non plus en sciences des religions islamiques ou des... Quand on dit : Au Canada, il y a plus de... je ne sais pas combien, 110 religions, je pense, qu'on a peut-être dit les jours passés, qui sont recensées, bien, loin de moi de prétendre que j'ai une quelconque capacité à être capable de juger de ça. Puis tant mieux s'il y a des gens autour qui peuvent nous éclairer autour de la table sur ce qu'est un signe religieux.

Bon, le premier alinéa au paragraphe, c'est de dire : Bon, c'est la personne elle-même qui le porte par conviction. C'est peut-être la partie la plus facile, quelque part, si elle déclare sa conviction. Mais qu'en est-il du deuxième paragraphe, de dire : Bien là, c'est raisonnablement accepté par le gros bon sens que c'est un signe religieux? Je ne peux pas imaginer que ça puisse faire l'unanimité, une phrase comme ça, puis qu'on se sente confortable avec une description comme ça. Ce n'est pas sérieux, ce n'est pas scientifique, ce n'est pas rigoureux que, raisonnablement, le gros bon sens dit que le crucifix ou la petite croix portée dans le cou, ça, c'est un signe religieux, mais la bague, qui est un signe, selon l'Assemblée des évêques catholiques, aussi un signe religieux pour un mariage dit catholique... Mais où est-ce qu'on va commencer puis où est-ce qu'on va s'arrêter pour avoir des réponses à ces questions-là? Puis nous qui sommes vraiment humbles devant ces questions... imaginez les personnes en autorité qui auront à non seulement décréter que c'est un signe religieux, parce que, là, ça peut être compliqué, la personne peut dire oui, la personne peut dire non, et puis après ça, bien, les recours, et puis qu'est-ce qui va arriver, et puis ça va être quoi, les recours, etc.

Donc, des lignes directrices, ça ne sera pas simple, M. le Président, parce que ça veut dire qu'il faut faire l'effort de connaissance, de science. Maintenant, on n'appelle plus ça des facultés de théologie, on appelle ça sciences des religions. C'est très complexe et c'est savant, hein? Quand on dit «des savants», là, c'est parce que... Moi, je ne me considère pas comme une savante, mais il va falloir aider nos gestionnaires à être des savants en herbe mais au moins aidés par des documents, parce qu'ils n'y arriveront pas. Et ça va exposer autant les gestionnaires, les autorités que les gens qui sont eux-mêmes visés par la loi. Alors, il me semble que la moindre des politesses qu'on peut faire face à la loi, et ça se fait dans beaucoup de lois, c'est d'accompagner... Et les ministères sont très habitués à faire des lignes directrices pour une loi x ou une loi y, et c'est très, très, très aidant pour ceux qui ont à appliquer la loi. Alors, on lance ça au public, on leur dit : Ça y est, c'est réglé, nous, on a fait la loi, la loi est claire. Et puis le ministre a l'air très, très au clair. Mais, s'il est tellement au clair avec ça, pourquoi n'est-il pas capable ou avec la volonté de préciser ce qui, dans sa tête, est clair mais n'est pas clair pour nous?

Et, je répète, ce n'est pas moi, comme pauvre mortelle devant qui que ce soit auquel on peut croire ou ne pas croire, ce n'est pas ça. Ce n'est pas pour nous, humbles députés, là, c'est pour les gens qui vont avoir à appliquer cette loi à qui nous pensons pour pouvoir dire... et je pense que c'était dans le même esprit que d'autres amendements ont pu être proposés, pour essayer d'aider les autorités compétentes, parce que plus loin il y a des articles clairs qui disent qu'il y a quelqu'un qui va devoir l'appliquer, cette loi. Et non seulement il va devoir appliquer... mais ils vont devoir effectivement se dire : Qu'est-ce qu'on fait? Qu'est-ce qu'on fait? Il en a parlé un petit peu tout à l'heure, mais qu'est-ce qu'on fait? L'article 12, qui dit qu'il va falloir prendre les moyens nécessaires — des moyens, c'est concret — pour assurer le respect des mesures qui y sont prévues... Mais là ce n'est pas seulement qu'un pauvre gestionnaire est pris avec quelque chose où il n'a pas fait ses cours avancés en sciences des religions pour être sûr que c'est un signe religieux, avec un signe religieux qui n'est peut-être pas visible, parce que n'oubliez pas qu'il y a ça aussi dans la volonté du ministre, et on peut peut-être la comprendre, de ne pas retomber dans des signes dits ostentatoires. Il a dit : Je ne veux pas sortir le «tape» à mesurer, je ne veux pas avoir à mesurer x, y, z.

• (19 h 50) •

Alors, ça peut être un signe invisible. Et là qu'est-ce qu'on fait avec un signe invisible — puis on va en parler plus tard, mais c'est une question épouvantable à poser — qui peut venir, cette information, de quelqu'un qui n'est pas le citoyen lui-même ou l'employé lui-même mais qui peut être un collègue? Donc là, je ne veux pas qualifier ça, mais ça peut devenir pas joli, joli dans les relations entre différents collègues. Là, le pauvre gestionnaire est pris avec ça, il n'a pas de ligne directrice. Il faut, à l'article 12, qu'il prenne les moyens nécessaires pour assurer le respect des mesures. Mais ça va être kafkaïen, M. le Président. Et, si au moins on peut offrir bien humblement au ministre l'idée d'avoir des lignes directrices, ça serait tellement aidant pour appliquer la définition d'un signe religieux, parce que sinon j'ai l'impression qu'on fait la partie, disons-là... je n'ose pas dire le mot «facile», mais la partie qui fait en sorte qu'on va adopter la loi, et puis après ça, bien, on va la lancer dans l'univers sociétal, et puis là les problèmes vont commencer pour ceux qui, et plusieurs sont venus nous le dire, n'ont peut-être pas demandé à ce qu'ils aient à appliquer ça.

Et donc moi, j'aimerais qu'ils soient vraiment, vraiment le mieux outillés possible, le mieux accompagnés possible. C'est le minimum que nous devons à nos concitoyens du Québec, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci infiniment, Mme la députée. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je remercie la collègue pour l'amendement qu'elle a déposé, qui vise à faire en sorte d'établir des lignes directrices portant sur l'application de la définition d'un signe religieux afin d'accompagner les organismes dans l'application de la présente loi. Malgré le fait que j'apprécie l'amendement qui est déposé, M. le Président, c'est clair, la définition qu'on a insérée à l'article 6 relativement à un signe religieux.

La collègue de Marguerite-Bourgeoys nous a beaucoup référés à Mgr Murri...

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : ...Murray. Pardon. Mgr Murray. Mais, vous savez, l'interprétation de la loi ne se fait pas en fonction de l'interprétation d'un évêque catholique québécois, l'interprétation de la loi se fait en fonction de ce que le législateur en dit, donc nous tous ici ce soir. Et c'est très clair, M. le Président, que, dans l'intention du législateur, les alliances ne sont pas visées.

M. le Président, il y a des gens de toutes les religions, des athées, des agnostiques qui portent des alliances. Les alliances ne sont pas visées par le projet de loi, et c'est très clair. Je comprends qu'on réfère à la mêlée de presse avec le premier ministre, mais il y a une chose qu'il est important de dire ici ce soir : dès le 28 mars, j'ai dit que les alliances n'étaient pas visées. Donc, dès le dépôt du projet de loi, dès la conférence de presse du 28 mars à la salle Evelyn-Dumas, je l'ai dit. Même chose aujourd'hui, à la période des questions. Le premier ministre n'a pas tenu les propos que la députée de Marguerite-Bourgeoys lui impute. Ce n'était pas dans le cadre de la période des questions.

Alors, M. le Président, bien que j'apprécie la proposition effectuée par la collègue de Marguerite-Bourgeoys, il n'est pas nécessaire d'avoir des lignes directrices, parce que les deux critères qui sont énoncés dans le cadre de l'article 6, maintenant, tel qu'amendé, font en sorte que c'est extrêmement clair relativement au fait qu'il y a un critère subjectif et un critère objectif qui s'appliquent, et ce n'est pas différent des autres lois qu'il y a en vigueur au Québec. Alors, dans le cadre de la conversation qu'on avait tout à l'heure, avant le souper, même, lorsqu'on me demandait : Qu'est-ce qu'une parure?, je me disais : Bon, est-ce que le Parti libéral veut qu'on définisse chacun des termes qui sont utilisés dans chacun des articles de la loi? Est-ce que c'est là où on m'invitait à aller? Moi, je vous réitère, M. le Président, le sens commun, le sens courant.

On a indiqué une définition de façon à faire en sorte de susciter l'adhésion du Parti libéral. Or, je constate que cette proposition que j'ai faite ne suscite que très peu d'enthousiasme du côté du Parti libéral, et ça me déçoit un peu.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme David : Je sais qu'il ne me reste pas beaucoup de temps, mais je vais vous poser la question a contrario : Pourquoi vous êtes si convaincu et vous avez décidé si tôt que l'alliance de mariage n'était pas un signe religieux?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, rien n'indique qu'une alliance constitue un signe religieux, aux yeux d'une personne raisonnable. Vous savez, M. le Président, selon les derniers chiffres, là, disponibles, là, en 2018, là, les mariages au Québec, il y a une part importante de mariages qui sont des mariages civils, qui ne sont pas effectués par un ministre du culte. Rien n'indique qu'une alliance est un signe religieux. Alors, le projet de loi ne vise pas les alliances à titre de signes religieux.

Mme David : M. le Président...

Le Président (M. Bachand) : Rapidement, oui, allez-y.

Mme David : ...alors rien n'indique qu'un crucifix porté au cou, donné par la grand-mère est un signe religieux, si l'alliance n'est pas nécessairement un signe religieux. Il vient exactement de me donner la réponse que j'attendais. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Ce n'est pas l'intention du législateur, M. le Président. Très clairement, un crucifix qui est porté constitue, aux yeux d'une personne raisonnable, un signe religieux, d'où le deuxième critère, M. le Président.

Donc, dans un premier temps, M. le Président, vous avez le premier critère, le premier critère étant l'analyse subjective en fonction de ce que la personne croit. L'objet qu'elle porte, si elle considère qu'il s'agit d'un signe religieux, elle ne peut pas le porter dans le cadre de l'article 6 si elle est une personne visée par le poste prévu à l'annexe II : juge, policier, gardien de prison, procureur, enseignant, directeur d'école. Deuxièmement, si la personne ne considère pas son crucifix comme un signe religieux... la personne raisonnable, elle considère qu'il s'agit d'un signe religieux, alors il n'est pas possible de porter un crucifix si on est policier, supposons. Je ne peux pas être plus clair que ça, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? Mme la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Bien, c'est intéressant, ce que nous dit le ministre, puis je vais reprendre son avant-dernière phrase, où il dit : Rien n'indique, aux yeux d'une personne raisonnable, qu'une alliance est un signe religieux.

Je ne sais pas s'il est en train de nous dire que le premier ministre du Québec n'est pas une personne raisonnable, parce que c'est ce qu'il nous dit. Parce que je veux lui rappeler que, si rien n'indique, aux yeux d'une personne raisonnable, qu'une alliance est un signe religieux, le premier ministre, hier, a dit qu'une alliance était un signe religieux. Est-ce qu'il n'est pas une personne raisonnable?

Le Président (M. Bachand) : Interventions, M. le ministre?

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je ne pense pas que j'ai à répondre à ça, mais, très certainement, le premier ministre est une personne raisonnable.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Donc, si le premier ministre est une personne raisonnable et qu'il a considéré qu'une alliance était un signe religieux, tout indique, aux yeux d'une personne raisonnable, qu'une alliance est un signe religieux. C'est ça, le fond de la discussion, c'est que vous pouvez nous resservir les arguments en disant qu'un crucifix l'est mais qu'une alliance ne l'est pas au sens commun, aux yeux d'une personne raisonnable. Moi, je veux bien le croire, là, qu'on dit que ce ne l'est pas aux yeux de personne, là. Je veux dire, le premier ministre est une personne raisonnable, le ministre en convient. On convient tous qu'il a dit hier qu'une alliance était un signe religieux. Donc, je présume qu'il le demeure pour des gens, dont le premier ministre du Québec, qui n'interpréteront peut-être pas de la même façon que le ministre ce qu'il entend par ce qu'est un signe religieux.

Et j'aimerais bien que le ministre nous indique est-ce qu'il y a des groupes, des constitutionnalistes, des avocats, des regroupements qui sont venus souligner l'intérêt de ne pas définir ce qu'est un signe religieux.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, on est sur l'amendement de la députée de Marguerite-Bourgeoys, et l'article a été amendé... pour lequel vous avez voté contre le fait de venir définir un signe religieux. Alors, c'est un peu particulier qu'à grands cris on vient nous dire : Vous ne définissez pas un signe religieux et que, lorsqu'on fait une proposition de définition de «signe religieux», vous votez contre et vous ne déposez aucune bonification en termes de précision, si vous souhaitez davantage préciser ce qui constitue un signe religieux.

Dans l'ensemble des juridictions occidentales, la définition que nous avons est la plus détaillée, M. le Président. Alors, on peut tourner longtemps autour du pot, M. le Président, mais, très certainement, moi, je suis très à l'aise avec les critères subjectifs et objectifs que nous avons, et ça n'entraînera aucune difficulté d'application, M. le Président.

• (20 heures) •

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? Mme la députée.

Mme Montpetit : Bien, le ministre peut essayer de nous faire dire des choses qu'on n'a pas dites. Il sait très bien qu'on a passé les trois dernières heures à lui dire à quel point il était important de venir préciser ce qu'est un signe religieux, et c'est ce qu'on fait en déposant un amendement. L'amendement qu'il a apporté à l'article 6, je lui ai expliqué tout à l'heure à quel point il ne vient pas du tout préciser. Donc, j'aimerais vraiment qu'il... parce que moi, j'ai plein d'exemples de gens qui sont venus dire à quel point c'était très préoccupant et très inapplicable qu'il n'y ait pas de définition de «signe religieux» précise.

Est-ce qu'il peut nous dire à quel point il est supporté, à quel point il y a des regroupements qui ont indiqué qu'il y avait un intérêt, que c'était pertinent d'avoir une définition très peu précise où il n'y a pas justement une liste de signes religieux, où il n'y a pas de ligne directrice qui éviterait d'avoir des situations, justement, comme des mauvaises interprétations qui ont été faites par le premier ministre lui-même?

Le Président (M. Bachand) : Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, le Parti libéral, il est dur à suivre, puis pourtant il n'est pas si tard que ça, M. le Président. Faisons un peu la genèse... M. le Président.

Au début, M. le Président, le Parti libéral nous dit : Vous n'avez pas de définition, dans votre projet de loi, sur ce que constitue un signe religieux. Vous n'avez pas de définition, ça prend une définition, nous voulons avoir une définition, nous exigeons une définition même, ça n'a pas de bon sens, M. le Président, il n'y a pas de définition. Comment on va faire pour savoir qu'est-ce qu'un signe religieux? Moi, M. le Président, je dis : C'est le sens commun, le sens du dictionnaire, le sens courant des choses. Ça ne satisfait pas le Parti libéral, cette réponse-là, M. le Président. Ça ne satisfait pas : J'exige une définition. M. le Président, j'écoute mes collègues du Parti libéral, je propose une définition de ce que constitue un signe religieux, ce n'est pas correct encore, ce n'est pas correct.

Là, M. le Président, je fais des efforts, moi, pour rallier les membres de la commission, là. Je dépose des amendements qui viennent dans le sens de ce qui m'est proposé. On en discute, j'essaie d'expliquer. Puis là j'essaie d'expliquer pour que tout le monde comprenne, mais, M. le Président, je pensais expliquer d'une façon claire, d'avoir un langage clair. Mais manifestement ça ne semble pas le cas, parce que, du côté de l'opposition officielle, on dit : Bien, ça prend une définition. Mais, M. le Président, j'en ai déjà donné une, définition. Le pire, c'est qu'on la votée tantôt, puis les membres de la commission l'ont acceptée. Bon, le Parti libéral a voté contre comme à l'habitude, mais, M. le Président, ça, là, je ne peux pas rien changer, là. Moi, j'essaie avec le Parti libéral, M. le Président, j'essaie. Que voulez-vous, M. le Président, à un moment donné, on me dit : Ce n'est pas assez précis. Le Parti libéral, là, quand il dépose un amendement, là, ce n'est pas pour préciser davantage, M. le Président, c'est pour nous dire : On va ajouter après l'alinéa suivant : «Le ministre établit des lignes directrices portant sur l'application de la définition d'un signe religieux afin d'accompagner les organismes dans l'application de la présente loi.» M. le Président, ça ne vient pas définir davantage le signe religieux, ça, pantoute, pantoute, pantoute, pas du tout. «Niet», «nada». Ça ne rajoute rien à la prétention du Parti libéral. Zéro, pas du tout, M. le Président.

Alors, moi, j'aimerais ça qu'on me dépose des amendements qui sont cohérents avec les propos qui sont plaidés par les collègues du Parti libéral. S'ils souhaitent une définition davantage précise d'un signe religieux, qu'ils en soumettent une à la commission. On va l'étudier, M. le Président, avec sérieux, avec diligence et même avec célérité, M. le Président. Mais là, M. le Président, ça, c'est comme dans la vie, si on fait juste parler puis on n'agit pas, à un moment donné, M. le Président, bien, ça se peut bien que la situation reste comme ça.

Il faut y mettre du sien, hein, dans les travaux parlementaires. Là, on est tous interpelés par les travaux parlementaires. On est tous des législateurs ici ce soir, M. le Président. Moi, je souhaite que le projet de loi soit adopté. Les collègues de la partie gouvernementale aussi souhaitent que le projet de loi soit adopté, et ce, le plus rapidement possible. M. le Président, la députée de Maurice-Richard fait référence à des termes que je ne connais pas. Peut-elle me les définir? M. le Président, si le Parti libéral veut une définition différente des signes religieux que celle que j'ai proposée, qu'il nous la soumette, M. le Président. Je suis ouvert, je suis en attente. Ça fait des heures, M. le Président, des jours que j'attends que le Parti libéral me rejoigne. Je suis, ce soir, disponible pour eux.

M. le Président, pourquoi est-ce que le Parti libéral refuse de déposer un amendement qui vient préciser, M. le Président, à leur satisfaction, s'ils ne sont pas d'accord avec la définition que je propose pour un signe religieux?

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. J'ai le député de Jean-Lesage qui a demandé la parole, s'il vous plaît. Je vais vous revenir.

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Pardon?

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : En terminant, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : En terminant, M. le Président, je souhaiterais vraiment qu'on avance beaucoup ce soir, M. le Président. Mais honnêtement, M. le Président, je trouve qu'on fait pas mal du statu quo à l'image du Parti libéral.

Le Président (M. Bachand) : Bon, c'était à M. le député de Jean-Lesage. M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît, vous avez la parole.

M. Zanetti : Merci, M. le Président. Alors, bien, en fait, j'aurais des questions par rapport à l'amendement qui est proposé. Donc, je ne sais pas s'il a été déposé par la députée de Marguerite-Bourgeoys. Oui, hein? C'est ça. Bon.

Une voix : ...

M. Zanetti : C'est un sous-amendement? Non, c'est un amendement. O.K. Parfait, c'est bon. On est à la même place. Je comprends bien.

Les lignes directrices portant sur l'application de la définition d'un signe religieux afin d'accompagner les organismes dans l'application de la présente loi, c'est des lignes directrices... Au fond, est-ce que vous espérez que ça soit sous forme d'une liste? Comment vous verriez la forme que pourraient prendre ces lignes directrices?

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée.

Mme David : Non, justement, on ne veut pas nécessairement une liste. On veut des lignes directrices qui vont permettre aux gens de pouvoir être accompagnés de la façon dont ils doivent réfléchir à la chose. Alors, ce n'est pas nécessairement des signes tels que vous les avez donnés, malgré tout leur intérêt pédagogique, mais justement parce qu'il y a tellement de signes religieux possibles et qu'il y a vraiment une réflexion à faire de ce côté-là. Puis la pauvre personne qui va être prise, en autorité, à regarder ça... bien, je pense que des lignes directrices, ça dit ce que ça dit, c'est-à-dire des façons de pouvoir amorcer la réflexion puis arriver à une décision à la fin.

M. Zanetti : O.K. Merci. Je comprends. Ma prochaine question sera pour le ministre. Je pense que, bien, peut-être, malgré la perception du ministre... peut-être que je l'ai mal perçu aussi, je ne le sais pas, mais j'ai le sentiment que tout le monde est content qu'il y ait une définition des signes religieux. Je pense que ça, c'est bien. Je pense par contre qu'il y a une insatisfaction par rapport à la définition en particulier qui est proposée, ce qui est tout à fait légitime. On peut être content qu'il y ait une définition, mécontent de la définition. Ce n'est pas parce qu'on demande une définition qu'on va être satisfait de n'importe laquelle qui est donnée. Ça, c'est normal. On a proposé des amendements, des sous-amendements à la définition pour aider à cheminer là-dedans puis, je pense, trouver quelque chose qui satisferait tout le monde. Bon, ça n'a pas fonctionné.

Maintenant, je pense qu'ici il y a une autre manifestation, dans cet amendement-là, d'une demande de précision par rapport à ce qui est proposé par le ministre en termes de définition des signes religieux. Ma question pour le ministre serait plus précisément : Qu'est-ce qui vous fait hésiter à préciser davantage? Puis là ce n'est pas une question piège, là, c'est vraiment juste : Pourquoi, selon vous, il serait mauvais, pas pratique de préciser davantage la définition des signes religieux dans le projet de loi n° 21?

• (20 h 10) •

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, moi, la définition m'apparaît très, très claire et elle ne nécessite pas de clarification, M. le Président.

Et je veux juste revenir, là, sur la discussion qu'il y a eu entre le député de Jean-Lesage et la députée de Marguerite-Bourgeoys, M. le Président, parce que le député de Jean-Lesage, il a demandé à la députée de Marguerite-Bourgeoys : Voulez-vous une liste pour les signes religieux? La députée de Marguerite-Bourgeoys a dit non. Or, la députée de Maurice-Richard, elle veut une liste. Alors là, M. le Président, j'aimerais ça savoir, au sein du Parti libéral, qui j'écoute, parce que, là, on a deux membres du Parti libéral qui ne disent pas la même chose. La députée de Marguerite-Bourgeoys ne souhaite pas avoir de liste avec des signes religieux. La députée de Maurice-Richard souhaite avoir une liste qui... avec la liste des signes religieux. M. le Président, vous conviendrez que ça sème la confusion pour les membres de la commission ici, et ça, la confusion, ce n'est vraiment pas une bonne chose quand on fait de la législation.

M. le Président, honnêtement, la définition que j'ai proposée, elle est claire, elle est limpide et elle est applicable, à l'image du projet de loi, M. le Président, à l'image du projet de loi.

Le Président (M. Bachand) : Je vais revenir à la députée de Maurice-Richard, mais je vais laisser la parole, pour l'instant, à M. le député...

Mme Montpetit : ...

Le Président (M. Bachand) : Oui.

Mme Montpetit : ...faire appel au règlement parce que le ministre nous prête toutes sortes d'intentions. Je comprends qu'il est fatigué. On arrive à la fin de la journée. On aimerait ça demeurer dans un ton constructif.

Le Président (M. Bachand) : O.K. Ce n'est pas un appel au règlement, je suis désolé.

Mme Montpetit : On souhaite continuer d'avancer, hein?

Le Président (M. Bachand) : Non, je suis désolé, Mme la députée. Alors donc, je vais...

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : O.K. S'il vous plaît, s'il vous plaît!

M. Derraji : ...

Le Président (M. Bachand) : Un appel au règlement?

M. Derraji : Article 36. Le collègue, ce n'est pas la première fois qu'il coupe ma collègue. Je pense, on est rendus à la cinquième fois. Je me suis permis de ne pas parler ni la première, ni la deuxième, ni la troisième, la quatrième... La cinquième, je pense, ça devient répétitif. Je fais un appel à votre...

M. Lévesque (Chapleau) : ...important.

Le Président (M. Bachand) : Chut! S'il vous plaît, M. le député de Chapleau.

M. Derraji : M. le Président, voilà l'exemple parfait. Vous n'avez pas le droit. Le président, c'est lui qui gère. Donc, je m'adresse à vous, parce que vous faites très bien votre travail depuis le début. C'est vraiment un témoignage sincère. Continuons à travailler correctement et à ne pas couper les collègues quand ils parlent. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Alors, merci beaucoup de ne pas vous interpeller, s'il vous plaît. M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.

M. Zanetti : Oui. Pardon. Donc, la réponse du ministre, essentiellement, et la définition qu'il a proposée, est claire, et donc elle ne nécessite pas davantage de précision et elle est applicable. Mais, si elle est applicable par toute personne raisonnable, et s'il est une personne raisonnable, et aussi si tout le monde ici sont des personnes raisonnables comme je le présume tout à fait, alors pourquoi refuser de nous le démontrer en se prêtant à un questionnaire par rapport à des signes religieux où il pourrait nous dire : Ça, vous voyez, moi, je suis une personne raisonnable, j'ai un sens commun, mon sens commun me dit... et il est évident que, toute personne ayant un sens commun et toute personne étant raisonnable, nous allons tous nous entendre, ceci est un signe religieux, ceci n'en est pas un.

S'il pouvait nous faire la démonstration, ce serait, je pense, plus convaincant pour les oppositions et plus convaincant aussi, je pense, pour toutes les Québécoises et tous les Québécois parce qu'il pourrait voir : O.K., elle n'est pas juste claire parce que le ministre l'a dit, elle est claire parce qu'ils nous ont fait la démonstration. Alors, ma question est : Si cette définition est si applicable, si facile à utiliser, alors veut-il... mettons, je lui pose une dernière fois la question... peut-être pas une dernière fois, là, mais veut-il passer le test qui est sur le Sac de chips?

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le député. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, je ne me soumettrai pas à un quiz, d'autant plus, M. le Président, que je crois que le député de Jean-Lesage devrait regarder dans son propre parti dans un premier temps, hein, parce que, récemment, là, c'est arrivé... il me semble qu'on a vu ça dans l'actualité, là : «La nouvelle politique de Québec solidaire pour restreindre le port du voile intégral chez les employés de l'État semble avoir semé une certaine confusion chez les députés et les militants au conseil national du parti, qui s'est terminé dimanche. En mêlée de presse[...], la députée [de Mercier] n'était pas en mesure de dire si la résolution adoptée la veille par les 330 délégués permettait ou non à une femme de travailler le visage couvert par un niqab dans le secteur public. Elle a toutefois affirmé être à l'aise avec cette idée dans le cas précis d'une téléphoniste avant de se faire rabrouer par l'un des co-porte-parole du parti. "Si ça lui permet de gagner sa vie, pourquoi pas?", a affirmé Mme [la députée de Mercier]. "Moi, c'est ça qui est important, [...]que les femmes puissent avoir la totale liberté de gagner leur vie." Quelques heures plus tard, [le député de Gouin] a souligné que la députée avait erré. "Nous, on a dit qu'on ne ferait pas de cas par cas," a-t-il dit. "[La députée de Mercier] ce matin a répondu à vos questions, elle n'aurait pas dû faire du cas par cas. Nous, on ne le fera pas et on ne le fera plus."»

Alors, M. le Président, est-ce que le député de Jean-Lesage est en contradiction avec les directives du député de Gouin, qui est le cochef de son parti?

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Oui. Alors, tout d'abord, bon, j'ai laissé le ministre continuer par courtoisie, mais c'est complètement hors sujet. Et, comme il nous l'a dit à plusieurs reprises, bien, c'est un sujet dont on pourra discuter aux articles subséquents.

Cela dit, il y a quelque chose là-dedans qui est... L'affaire du cas par cas, là, c'est difficile à faire. C'est difficile à faire, parce qu'il est difficile de définir objectivement un signe religieux. Et nous, là, à Québec solidaire, là, on n'est pas en train de déposer un projet de loi pour interdire les signes religieux et on n'a pas la prétention que c'est facile à faire. Et c'est justement à cette difficulté-là que je pense que... Le ministre, qui, lui, prétend que c'est facile, il ne peut pas s'y soustraire. Le ministre ne peut pas dire : Regardez, je ne ferai pas de cas par cas, parce qu'il y aura du cas par cas et que lui, il présente un projet de loi. Il présente un projet de loi inapplicable... ou, du moins, dans sa forme actuelle, ce n'est pas terminé, mais dont la définition du signe religieux est inapplicable et pas claire, tellement difficile à interpréter qu'il se refuse de le faire avec des cas très concrets. Et, cette responsabilité-là, que le ministre refuse, bien, en fait, il la pellette, il la renvoie aux gens qui l'ont élu.

Alors, il me semble qu'un ministre devrait assumer ses responsabilités plutôt que les décharger sur les épaules des personnes qui l'ont élu, il me semble. Il me semble que ce serait ça. On peut avoir une conception différente de ce que c'est qu'être ministre, mais il me semble que la meilleure conception serait celle-là, celle de quelqu'un qui prend ses responsabilités, qui, lorsqu'il présente un projet de loi qui est difficile à appliquer, s'appuie sur des définitions dont des gens, après ça, là, auront à interpréter les tenants et les aboutissants dans rien d'autre que des cas concrets. Et je pense qu'il doit se soumettre à l'exercice aussi d'abord pour vérifier si c'est bien fait, parce que sinon il va remettre le problème à d'autres, et puis ça va retourner devant les tribunaux, et qui va prendre les décisions à la place du ministre, les décisions qu'il se refuse à prendre précisément? Bien, ce seront les tribunaux. Et ça, je ne vois pas l'intérêt de ça et je ne vois pas comment ça peut être bon.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Je vais céder la parole...

M. Zanetti : Alors, si le ministre pouvait juste répondre sur la question qui le concerne, son projet de loi, ses définitions à lui, qu'il pourrait préciser.

Le Président (M. Bachand) : ...le député de Jean-Lesage, avant de céder la parole au ministre, à faire très attention dans ses propos. Bien sûr, vous avez la prise en charge des responsabilités ministérielles. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je suis un peu blessé par le député de Jean-Lesage. Honnêtement, là, je le dis candidement, là. Il trouve que je ne remplis pas mes responsabilités de ministre? C'est ce qu'il trouve, M. le Président?

Le Président (M. Bachand) : ...prudence, M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Non, non, mais je veux juste savoir, là. Il n'a pas confiance en moi?

M. Zanetti : Je pose la question — vous pourrez répondre : Est-il plus de la responsabilité du ministre, qui propose un projet de loi d'interdiction des signes religieux, d'interpréter une définition du signe religieux ou est-ce que c'est plus la responsabilité de tous les autres?

M. Jolin-Barrette : M. le Président...

Le Président (M. Bachand) : Oui, M. le ministre.

• (20 h 20) •

M. Jolin-Barrette : Vous savez c'est quoi, mon rôle? C'est de déposer un projet de loi tel que je l'ai fait, un projet qui répond aux aspirations des Québécois, à la volonté de la nation québécoise, et surtout d'amener une définition comme je l'ai fait dans le projet de loi et surtout d'indiquer quelle est l'intention du législateur, ce que je fais abondamment avec vous, chacun de mes collègues ici. Et c'est un véritable plaisir de le faire parce que ça me permet vraiment de bien, bien, bien expliquer quelle est l'intention du législateur en long et en large.

Mais savez-vous quoi, M. le Président? On a une perception différente du travail des parlementaires et, notamment, du travail des parlementaires d'opposition, parce que moi, M. le Président, quand j'étais dans l'opposition, j'avais comme réflexion que je me disais : Quand on se présente en politique, c'est pour devenir le gouvernement comme formation politique, pour pouvoir gouverner, pour pouvoir amener des améliorations à la société québécoise, pas juste pour critiquer. Alors, quand on me dit, M. le Président... Écoutez, quand le co-porte-parole de Québec solidaire rabroue une députée parce qu'ils ne se branchent pas sur leur définition de services publics à visage découvert puis après ça on me dit : Ah! c'est juste la responsabilité du ministre, je m'excuse, ça fait partie de leur proposition politique, M. le Président. Puis ils ne sont même pas capables de se brancher, alors que moi, je propose une définition qui est claire, une définition qui fait en sorte de venir préciser ce que constitue un signe religieux. Et j'ai fait l'énumération de certains pays qui interdisent le port de signes religieux, et nous avons la définition la plus précise, M. le Président. Alors, je pense qu'encore une fois on s'enfarge dans les fleurs de lis du salon rouge.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.

M. Zanetti : Je suis étonné par le commentaire du ministre. Je ne sais pas qu'est-ce qui s'est passé pour qu'il ait une telle perception du caractère hostile de notre style d'opposition, mais on est très constructifs. J'ai d'ailleurs soumis un sous-amendement à sa définition des signes religieux qui parvenait à justement éviter beaucoup de problèmes, beaucoup d'injustices dans l'interprétation qui allait être faite de ça parce que ça désignait clairement qui va interpréter ce qu'est un signe religieux et ça le faisait de manière à ne susciter aucune injustice, parce que la personne qui porte le signe religieux est la seule, en fait, vraiment capable d'interpréter si elle porte un signe religieux, et il serait difficile d'imaginer que ces personnes-là vont être comme en désaccord avec elles-mêmes ou vont se faire subir à elles-mêmes des injustices.

Alors, de façon très proactive et très constructive, on a présenté des sous-amendements. Le ministre et les députés du gouvernement les ont rejetés. C'est tout à fait leur droit. Ils ne les ont pas jugés pertinents. On a évidemment un désaccord là-dessus, puis je ne comprends pas pourquoi, mais on a été très constructifs.

Et, par rapport à ça aussi, j'aimerais revenir, là, sur la volonté de la nation et de la majorité parce que je trouve que vous avez une interprétation généreuse de l'appui populaire que vous avez. Et je sais qu'il y a des sondages que vous aimez citer, mais il y en a un autre que vous citez moins et qui a été cité d'ailleurs en audiences publiques, et là je vais le citer de mémoire, là, c'est un sondage Léger, il me semble, et c'est le sondage qui disait, au fond, que, quand on pose la question aux gens, s'ils sont en faveur de l'interdiction de certains signes religieux, même si ça brime les droits et libertés de la personne, bien là, l'appui descend à 20 %... de 20 %, pardon, et l'appui de la population québécoise se retrouve, de mémoire, là, à quelque chose comme 39 % pour, 41 % contre, puis 19 % «ne sait pas, refuse de répondre». Alors, c'est très, très, très divisé. Ce serait difficile de diviser ça plus que ça, ce serait difficile. Et c'est encore plus difficile d'appeler ça un consensus ou la volonté de la majorité. C'est un peu comme, bien, l'élection de la Coalition avenir Québec en général. Je ne remets pas en question la légitimité de cette élection-là, malgré qu'il y ait, bon, bien des choses à remettre en question dans notre système politique, mais le mandat fort que la coalition a revenu... est très fort lorsqu'exprimé en nombre de sièges, mais, dans la réalité, bien, ils n'ont été élus que par 37 % de la population. Et donc ce n'est pas la grosse majorité des gens qui ont voté pour la proposition qui a mené au p.l. n° 21.

Alors, je veux dire, c'est tout à fait dans le droit du gouvernement de déposer des projets de loi. Je pense que c'est dans notre droit aussi de pouvoir en discuter jusqu'au bout. Le gouvernement représente beaucoup de personnes. Les oppositions représentent beaucoup de personnes. Et il n'y a pas une situation, là, au Québec, en ce moment, où 75 % des gens pensent la même affaire puis sont du même bord, là, puis que l'opposition est marginale. Ce n'est pas ça, la situation qu'on vit actuellement. Donc, je pense qu'on devrait prendre ça en compte lorsqu'il s'agit d'évaluer la valeur des amendements que l'opposition propose, surtout dans un noeud crucial du projet de loi comme celui-là, celui de la définition des signes religieux. Je pense qu'avant de les rejeter du revers de la main il faudrait tenir compte de ça, tenir compte aussi de toutes les Québécoises et tous les Québécois, ceux qui n'ont pas voté pour des interdictions de signes religieux aussi puis trouver là peut-être une forme de compromis. Peut-être qu'on pourrait s'entendre au moins sur la définition des signes religieux. Et, si je sens une ouverture du gouvernement, bien, je pourrais reproposer un amendement qui va un peu dans le même sens que ce que j'ai fait tout à l'heure, qui enlèverait bien des problèmes au gouvernement lui-même, qui devra gérer ça par la suite, après coup, là, malheureusement.

Alors, voilà. Tout ça pour dire que l'appui, il n'est pas... Il n'y a pas une immense, une écrasante majorité des Québécois qui appuie ça, je pense, dans la mesure où ça limite des droits et libertés, et ça, je pense que la démonstration n'est pas à faire. On était tous aux audiences publiques. Et puis aussi, bien, je tiens à souligner, en conclusion, notre caractère très constructif dans la présente délibération.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député. M. le ministre, interventions?

M. Jolin-Barrette : M. le Président, c'est tout de même ironique, tout de même ironique. Vous savez pourquoi, M. le Président? Parce que le député de Jean-Lesage fait référence au résultat des élections. Or, savez-vous quoi? Il dit : Écoutez, le projet de loi présenté par le gouvernement ne représente pas la volonté de la population.

Premièrement, je pense que la population souhaite qu'on règle ce débat-là, qui perdure depuis plus de 10 ans. Mais, plus fondamentalement que ça, M. le Président, le député de Jean-Lesage devrait faire l'exercice de réflexion suivant : lorsqu'on se présente devant l'électorat avec une proposition... Parce qu'il y a des gens qui ont voté pour Québec solidaire, car, dans leur programme, ils proposaient la laïcité de l'État et d'interdire le port de signes religieux à certaines personnes. C'était ça, la position, lorsqu'ils ont brigué les suffrages, M. le Président, en termes de démocratie, en termes de contrat moral avec les gens qui ne sont pas membres de leur formation politique mais qui ont voté pour Québec solidaire — 16,89 % des gens, environ, je crois, un petit peu moins que 17 % des voix exprimées — pour Québec solidaire, des gens qui ont voté pour leur formation politique, sachant que Québec solidaire voulait interdire le port de signes religieux chez certaines personnes en situation d'autorité.

M. Zanetti : Question de règlement, M. le Président. Je pense que, selon l'article 211, là, on est hors sujet.

M. Jolin-Barrette : Bien, moi, je ne le pense pas. Je fais suite aux propos qui ont été tenus par le député de Jean-Lesage en lien avec les élections générales, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Je crois qu'on est pas mal dans les paramètres que les membres eux-mêmes ont définis au cours des derniers jours, des dernières heures, ça fait que je laisse aller... Puis, si jamais il y a un débordement, je vais intervenir, mais j'apprécie, M. le député de Jean-Lesage. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Bon, M. le Président, revenons au contrat moral. Les quasiment 17 % de gens qui ont voté pour le parti libéral aux dernières élections générales...

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : ...pour Québec solidaire, et qui souhaitaient que les signes religieux soient interdits, et qui ont décidé de voter pour Québec solidaire notamment pour ça, aujourd'hui, ils sont floués. Aujourd'hui, ils se retrouvent, là, en se disant : Écoutez, moi, j'ai donné mon vote à une formation politique qui me proposait ça, puis, même pas six mois après, ils changent leur capot de bord. M. le Président, je ne pense pas que le gouvernement du Québec, et la CAQ, n'a de leçons à recevoir en termes de démocratie puis en termes de respect de ses engagements.

Et, M. le Président, les Québécois souhaitent qu'on adopte un projet de loi qui va faire en sorte de séparer l'État et la religion, que les personnes qui travaillent pour l'État le fassent à visage découvert. Ça, Québec solidaire, là, n'est plus d'accord avec ça du tout. En plus, ils sont mélangés, M. le Président. Il faut que le co-porte-parole de Québec solidaire rabroue publiquement une députée pour dire : Non, non, finalement, ce n'est pas ça, puis on ne fait pas de cas par cas. Mais, quand on est rendu en commission parlementaire...

• (20 h 30) •    

M. Zanetti : ...

Le Président (M. Bachand) : Je vais laisser le ministre finir, puis je vous reviens, M. le député. Terminez votre intervention.

M. Jolin-Barrette : ...quand on est rendu en commission parlementaire, là on est rendu à faire du cas par cas. J'ai de la misère à suivre, M. le Président. J'ai de la misère à suivre Québec solidaire.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.

M. Zanetti : Oui. On voit qu'on est dans les cordes sensibles. Tout à coup, on passe à un ton plus agressif, plus à l'attaque. On essaie d'invalider la position des adversaires en tentant de leur accoler une image de manque de crédibilité. Ça s'appelle une attaque ad hominem, dans ce cas-ci, appliquée au parti au complet. Au secondaire, dans le cours d'ECR, ils appellent ça une entrave au dialogue; au cégep, en Philosophie et rationalité, un sophisme. C'est une tactique rhétorique qui peut être utilisée dans un contexte de combat oratoire. Toutefois, il m'apparaît inadéquat, dans un contexte de commission parlementaire, de se vouer à une telle hostilité et à une dynamique si guerrière, mais qu'on en reste avec les mots, là, et je pense qu'on devrait avoir une dynamique davantage collaborative qui traite du fond des choses et qui revient à la question de l'amendement.

Et la question de l'amendement, c'est une question de fond, c'est une question d'opérationnalisation d'un projet de loi. Est-ce que ce projet de loi là va être applicable ou pas? Est-ce que la définition est applicable ou pas? Est-elle suffisamment précise? Laissera-t-elle place à des interprétations tellement contradictoires et diverses qu'elles mettront bien des gens dans l'embarras, qu'elles amèneront bien des gens devant les tribunaux et qu'elles se révéleront être justement un échec du gouvernement? Nous, ce n'est pas ça qu'on souhaite, ce n'est pas ça qu'on veut qu'il arrive, et c'est pour ça que, comme opposition, on est là pour participer au travail législatif de manière constructive, en disant : Bien, voici ce qui pourrait vous éviter bien des problèmes. Alors, moi, je pense qu'on devrait en rester à ces choses-là, être constructifs. Et voilà.

Je proposerais... parce qu'on a proposé beaucoup de choses jusqu'ici, mais le ministre a refusé notre proposition, mais je proposerais à l'équipe gouvernementale peut-être de réfléchir à faire un pas supplémentaire vers les oppositions concernant la définition du signe religieux. Peut-être pourriez-nous nous proposer à votre propre amendement ou à votre propre article un sous-amendement ou un amendement qui viendrait préciser, peut-être mieux qu'on a réussi à le faire, nous, mais à votre satisfaction et à la nôtre, ce qu'est un signe religieux pour que toute personne raisonnable soit capable de le faire sans problème, de façon unanime, sans avoir des divergences d'interprétations. Alors, voilà ma proposition pour le ministre.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Plusieurs éléments. Je suis allé voir l'attaque ad hominem : «Critique dirigée nommément vers son adversaire, qui vise la personne en elle-même.» Or, M. le Président, je ne pense pas avoir visé le député de Jean-Lesage.

Deuxièmement, moi, j'accueille la bienveillance, hein? Dans une approche de bienveillance, je suis ouvert. D'ailleurs, c'est pour ça que j'ai déposé l'amendement, M. le Président. J'ai déposé l'amendement parce que les oppositions nous disaient : Écoutez, les signes religieux ne sont pas définis. Je propose une définition d'un signe religieux. Ça ne fait pas leur affaire, M. le Président, soit. Je pense avoir fait mon bout. Honnêtement, M. le Président, si on avait accepté le sous-amendement du député de Jean-Lesage, ça aurait eu pour effet de créer deux critères subjectifs, alors que le sens de l'amendement vise notamment à faire en sorte d'avoir un critère subjectif et un critère objectif. On n'aurait pas avancé avec le sous-amendement qui nous avait été soumis. Il faut être clair, M. le Président.

L'autre point qui est important, là, on vient définir les paramètres de la loi. On vient indiquer ce que constitue un signe religieux. On a d'ailleurs fourni les cahiers explicatifs aux députés, avec l'intention du législateur. Je réponds aux questions aussi, M. le Président, sur l'intention du législateur. On ne peut pas être plus clair que ça, M. le Président. Alors, à moins qu'il y ait des sous-amendements déposés qui seraient à la satisfaction des collègues des oppositions, moi, je suis très, très à l'aise avec le libellé que j'ai relativement à l'article 6, de l'article tel qu'amendé. Puis j'ai fait mon bout de chemin, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Interventions?

M. Zanetti : Moi, ça va pour l'instant.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : Merci, M. le Président. Je vais essayer de rester dans l'amendement, parce que parfois ça part dans tous les sens et j'ai l'impression d'assister à un débat qui n'est pas le débat de la commission. Donc, j'invite le ministre à ce qu'on reste dans l'amendement.

En tout cas, moi, je vais essayer de rester dans l'amendement le plus que je peux, à moins que le ministre me réponde par autre chose que l'amendement, et je vais commencer par les «lignes directrices». Et, quand on ramène quelque chose de nouveau, la première chose qu'on fait, M. le Président, c'est définir qu'est-ce qu'on veut dire par les «lignes directrices».

Donc, ma collègue la députée de Marguerite-Bourgeoys a déposé l'amendement suivant : «Le ministre établit des lignes directrices portant sur l'application de la définition d'un signe religieux afin d'accompagner les organismes dans l'application de la présente loi.» Et là maintenant je me dirige, avec cette information, au ministre mais aussi aux gens qui nous écoutent. Ça, c'est la proposition de ma collègue députée de Marguerite-Bourgeoys. Maintenant, si on regarde c'est quoi, la définition d'une ligne... ou les lignes directrices, et c'est très important — et j'invite le ministre à me suivre : «Le terme de "lignes directrices" a plusieurs sens : Les lignes directrices, auparavant dénommées "directives administratives", sont un acte administratif par lequel le détenteur d'un pouvoir discrétionnaire décrit à l'avance la façon dont il l'exercera.» Bon, si le ministre refuse ça, je laisse le soin aux gens qui nous écoutent, aux gens qui nous suivent... que le ministre refuse jusqu'à maintenant l'ajout de lignes directrices. Et, quand on lit la définition de ces lignes directrices, on parle beaucoup d'un pouvoir discrétionnaire.

Et, depuis le début des discussions sur cet amendement, M. le Président, nous avons insisté, à plusieurs reprises, de dire à M. le ministre : Écoutez, vous avez vous-même pris du temps avant d'écrire ce projet de loi. Notre leader, tout à l'heure, le député de Jean-Talon, l'a mentionné, le ministre a pris le temps pour déposer son projet de loi. Et nous avons commencé l'étude du projet de loi. Il y avait des groupes. Et nous avons commencé, M. le Président, l'étude article par article, et, en à peine 48 heures, il nous ramène un amendement à son projet de loi : Quand je prépare un projet de loi, avant de le déposer, je dirais, à presque 100 %, selon... je vais dire, 99 %, je suis très sûr ou pas mal sûr de mon projet de loi. Je peux, en cours de route, changer quelque chose, mais pas sur une chose très, très, très importante. C'est l'essence même du projet de loi, c'est la définition des signes religieux. Donc, le ministre a ramené la définition en ajoutant quelques éléments pour l'interdiction des signes religieux, en amendant son article 6, et, tout au long de nos échanges, M. le Président, avec le ministre, nous avons senti qu'il y a un besoin réel, un besoin réel, et j'espère que... Je veux avoir l'écoute du ministre, M. le Président, et je fais appel à son bon sens, parce qu'au fond de lui, au-delà du législateur, au-delà du parlementaire, au-delà du membre de l'opposition qu'il était avant d'être au gouvernement, il comprend ce que je vais dire et que je vais partager avec lui. Et lui-même, il était à ma place pendant quand même quelques années, il sait que toutes ces interventions n'étaient pas juste pour faire de l'obstruction. Ce n'est pas le genre de personne... Il était là pour bonifier...

• (20 h 40) •

M. Jolin-Barrette : Juste une question de règlement.

Le Président (M. Bachand) : Oui. Allez-y, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Toutes mes interventions étaient pour bonifier. En aucun cas, en tant que député de l'opposition, je ne faisais de l'obstruction. Moi, je ne travaillais pas comme ça.

M. Derraji : ...le sens de ma...

Le Président (M. Bachand) : Continuez, M. le député, s'il vous plaît, oui.

M. Derraji : Vraiment, écoutez, vous sautez très rapidement... mais, M. le Président, vous avez le droit de m'arrêter si j'ai dit ça.

Le Président (M. Bachand) : Non. Continuez, M. le député.

M. Derraji : Donc, s'il vous plaît, est-ce qu'il avait raison de m'arrêter?

Une voix : ...

M. Derraji : Non. C'est lui, le président. S'il vous plaît.

Le Président (M. Bachand) : Allez-y, M. le député, vous avez la parole.

M. Derraji : Oui. Bien, il faut le remettre à l'ordre, M. le Président.

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît! Alors, monsieur...

M. Bérubé : ...

Le Président (M. Bachand) : O.K. M. le député, vous avez la parole et faites attention, bien sûr, là. J'écoute et j'entends les débats. Alors, M. le député de Nelligan, vous avez la parole, s'il vous plaît.

M. Derraji : Merci. Je fais confiance à vous, M. le Président. Vous me rassurez, et ce n'est pas pour rien que je vous ai dit que vous faites un excellent travail.

Je vais répéter ce que j'étais en train de dire. Le connaissant, jamais, à ma place, il ne faisait de l'obstruction. Il faisait de la bonification. C'est ce que je disais. Bien, c'est cet appel que je vous lance. Ce que nous sommes en train de faire, M. le ministre, c'est exactement de la bonification, mais, pour bonifier, il faut être ouverts, il faut avoir un esprit ouvert et un cerveau bien capable de capter les propositions. C'est ce que je vous demande, M. le ministre. Je dois m'adresser à vous, M. le Président.

Donc, je viens de présenter les lignes directrices — là, je pense que j'ai l'attention du ministre : «Le terme de "lignes directrices" a plusieurs sens — suivez avec moi : Les lignes directrices, auparavant dénommées "directives administratives", sont un acte administratif par lequel le détenteur d'un pouvoir discrétionnaire décrit à l'avance la façon dont il l'exercera.» Le mot explique exactement le sens de l'amendement que M. le ministre nous a ramené, M. le Président. Je vois mal comment le ministre, demain, va dire à la population que l'opposition ne bonifie pas, fait de l'obstruction, sachant que cet article ou cet amendement répond même à sa volonté. On lui a posé la question, M. le Président. On a dit : Qui va faire ça? Il nous a répondu vous savez quoi? «Soit raisonnablement considéré comme référant à une appartenance religieuse.» Et, le mot qu'il utilise toujours, «personne raisonnable», c'est grâce à lui qu'on s'est inspirés de cet amendement. En fait, on évolue avec M. le ministre, M. le Président, c'est qu'il nous répond. On essaie de travailler ensemble, en équipe. On ramène un amendement pour faire avancer le projet de loi. C'est qui qui a parlé de personne raisonnable? C'est le ministre. Depuis ce matin, je peux vous rassurer, M. le ministre, qu'on travaille ensemble. C'est qui qui a parlé de personne raisonnable? Ce n'est pas moi, ce n'est pas la députée de Marguerite-Bourgeoys, ce n'est pas la députée de Maurice-Richard, ce n'est pas la députée de Bourassa-Sauvé, c'est vous. C'est vous, M. le ministre. La personne raisonnable, si je suis l'explication, M. le ministre, des lignes directrices, c'est à l'intérieur même... «par lequel le détenteur d'un pouvoir discrétionnaire décrit à l'avance la façon dont il l'exercera».

Donc, M. le Président, je ne vais pas faire des hypothèses sur l'avenir de ce projet de loi, parce que je souhaite qu'on va avoir le courage de continuer nos échanges parce que c'est un projet de loi très important. Nous sommes en train de marquer l'histoire avec ce projet de loi et on veut le travailler ensemble. Mais, s'il vous plaît, un peu d'ouverture, parce que c'est la seule chose qu'il me reste. Je ne sais pas comment vous supplier, parce que, si je fais une prière dans un projet de loi de laïcité, je ne vais pas être cohérent. Je ne peux pas faire une prière pour vous demander un peu plus d'ouverture. On peut faire...

Une voix : ...

M. Derraji : Bien, c'est ça, je ne peux pas. Donc, expliquez-moi, M. le ministre, s'il vous plaît — M. le Président — expliquez-moi en quoi le fait d'établir des lignes directrices nuit à l'essence même de votre proposition.

Et, comme je l'ai dit, M. le Président, ce qu'on ramène avec cet amendement est très clair. On veut que les gens qui vont être sur le terrain, je le rappelle encore une fois, les personnes... pour la personne raisonnable, qui va être capable de raisonner, de lui donner les moyens d'appliquer la loi. Donc, cette proposition, M. le Président, vise l'applicabilité de la loi. Bien, c'est comme vous êtes en train de me dire aujourd'hui : Moi, l'applicabilité, bien, c'est comme... je ne vais pas faire un procès d'intention, je ne vais pas dire que ça ne m'intéresse pas, mais je ne vais pas lui donner assez d'importance.

Donc, avec cet amendement, ce qu'on vise, M. le Président, c'est justement avoir de l'assurance pour cet amendement. Donc, j'aimerais bien entendre, M. le Président, le ministre, qu'est-ce qu'il pense réellement, et à ne pas me viser par la réponse parce que, l'amendement, je l'adresse aussi aux gens qui nous écoutent. La définition des lignes directrices, M. le Président, je l'adresse aussi aux gens qui l'écoutent, parce que je sais que le ministre est habitué aussi à s'adresser aux gens. Et il peut m'adresser la réponse, mais aussi aux gens qui nous écoutent, qui pensent qu'on ne bonifie pas ou qu'on bonifie l'article 6. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le député. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Plusieurs éléments dans la question du député de Nelligan, M. le Président.

Première observation. Et, M. le Président, c'est plus une inquiétude qu'une observation que je souhaite partager avec vous, M. le Président, et, honnêtement, ça m'inquiète sérieusement, parce que le député de Nelligan nous a dit, en faisant référence à la personne raisonnable : C'est le ministre qui parle à la personne raisonnable, qui sait c'est qui, la personne raisonnable. Et il s'est tourné vers ses collègues de Marguerite-Bourgeoys, de Maurice-Richard et de Bourassa-Sauvé pour dire que ce n'étaient pas des personnes raisonnables. Moi, je pensais que c'étaient des personnes raisonnables aussi.

M. Derraji : ...c'est hors sujet et c'est un procès d'intention, monsieur. Ce n'est pas ça que j'ai dit, hein?

M. Jolin-Barrette : Bien, qu'est-ce que vous avez dit?

M. Derraji : Bon, je vais juste verser de l'eau.

Le Président (M. Bachand) : Oui. Allez-y, M. le député de Nelligan, allez-y.

M. Derraji : Bon, je vais repréciser, monsieur. Je vous dis, M. le Président : Nous avons en face de nous un ministre fascinant. Moi, je ne me gêne pas de le dire. Il a l'art de comprendre ce qu'il veut et utiliser, hein, et utiliser les mots et les phrases qu'il veut. C'est fascinant, hein, de voir ça. Je parle de personne raisonnable, M. le ministre. C'est vous.

On peut revenir aux échanges. On vous a posé une question. J'ai les notes : personne raisonnable, personne fictive, analyser, appliquer la norme. Qui a évoqué la norme, M. le Président? C'est lui. C'est le ministre, parce qu'on voulait savoir comment, l'applicabilité. Je n'ai pas ramené la «personne raisonnable».

M. Jolin-Barrette : Oui, vous avez...

M. Derraji : C'est une de vos solutions. Mais je ne parlais pas de mes collègues.

M. Jolin-Barrette : Oui, oui.

M. Derraji : Je ne parlais pas de mes collègues.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je vous dis, là, je n'ai pas cligné des yeux, là, j'ai écouté le député de Nelligan, là, avec sérieux, et il a fait référence à ses collègues tout à l'heure. Il a nommément dit : La députée de Marguerite-Bourgeoys, la députée de Maurice-Richard et la députée de Bourassa-Sauvé. M. le Président, j'ai des témoins dans la salle. Il a dit ça.

Alors, pour dissiper mes inquiétudes, M. le Président, est-ce que le député de Nelligan peut m'assurer que, du côté du Parti libéral, ce sont des personnes raisonnables? Ensuite, je vais pouvoir répondre à la deuxième partie de la question.

Le Président (M. Bachand) : M. le député.

M. Derraji : M. le Président, les citoyens, les citoyens qui nous regardent et qui nous suivent, notre commission, ne sont pas intéressés à savoir qu'est-ce que le député de Nelligan pense de ses collègues. Par contre, ils veulent qu'on avance, ils veulent qu'on avance dans ce projet de loi.

Ce projet de loi, qui parle de la laïcité de l'État, est très important. J'invite le ministre à répondre à ma question sur les lignes directrices s'il veut qu'on avance très rapidement. Par rapport à ce que je pense de mes collègues, je le garde entre nous, je ne suis pas intéressé à le partager avec le collègue.

Le Président (M. Bachand) : Bon, M. le ministre, peut-être que vous pouvez répondre à la deuxième question, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Je n'aimerais pas ça être au caucus, parce que...

M. Derraji : Ça va très bien, M. le Président, à notre caucus.

M. Jolin-Barrette : Est-ce qu'on peut y assister?

M. Derraji : Ça prend une carte, et je l'ai avec moi.

Le Président (M. Bachand) : O.K. Alors, cela dit, M. le ministre...

M. Jolin-Barrette : Avez-vous votre certificat de solliciteur?

M. Derraji : J'ai mon certificat de solliciteur sur moi. Aucun problème. Est-ce que vous êtes prêt à faire le saut?

M. Jolin-Barrette : Est-ce que je peux le voir?

Le Président (M. Bachand) : O.K. Cela dit...

Mme David : M. le Président, là, j'ai vraiment une question de règlement, s'il vous plaît.

Le Président (M. Bachand) : Cela dit, nous sommes vraiment loin de l'amendement de la députée de Marguerite-Bourgeoys. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, oui.

• (20 h 50) •

Mme David : Oui. D'abord, ce n'est pas du tout ce qu'a dit le député, mais non seulement c'est fascinant, c'est surréaliste, là. Les journalistes ont raison de parler de «surréaliste», de discuter de propos triviaux à ce point-là, alors que c'est hors propos complètement et que ce n'est pas du tout ce que le député a voulu dire, évidemment, mais que c'était le ministre qui avait apporté ce concept de personne raisonnable. Ce n'est pas nous, c'est lui qui a apporté le concept. Mais il le sait très bien. Il fait une stratégie que je ne comprends pas et qui est totalement fascinante, mais, vous savez, le mot «fascinant» n'est pas que positif, là, et moi, comme députée porteuse d'un amendement, je suis pas mal découragée de ce niveau passablement faible de discussion pour quelqu'un qui nous supplie d'avancer, qui nous supplie de faire avancer son projet de loi, qui nous supplie de déposer des amendements et qui est celui qui nous fait sincèrement bloquer dans l'avancement de ce projet de loi. Ça me déçoit beaucoup.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. O.K. Alors donc, M. le ministre, bien sûr, je vous le rappelle, comme vous le savez très bien, nous sommes sur l'amendement à l'article 6. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Et, M. le Président, l'amendement qui a été déposé... on a déjà eu toute cette conversation-là à l'article 3 quand le député de Nelligan avait déposé un amendement sur des lignes directrices également. J'ai déjà dit qu'il n'était pas nécessaire d'avoir des lignes directrices dans le cadre de la loi et j'ai exprimé abondamment pourquoi. L'article 6, il est clair, il est applicable et il n'est pas nécessaire d'enchâsser des lignes directrices dans la loi.

Le Président (M. Bachand) : ...

M. Jolin-Barrette : Je comprends, M. le Président, que le Parti libéral le souhaiterait, mais je vous dis que ce n'est pas nécessaire et que ce n'est pas notre intention de le faire non plus.

Le Président (M. Bachand) : O.K. J'avais la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : En fait, le ministre disait : Bon, enfin, dans les prochains jours, on règle le problème, on tourne la page, et toute cette question-là de laïcité et de signes religieux est réglée. Bien, j'écoute tout ça, puis, bon, le projet de loi, puis en particulier cette définition-là, ne résout absolument rien. Et puis on n'est pas les seuls, ici, du côté de l'opposition, à penser ça.

Josée Legault, hein, aujourd'hui, nous disait... puis Josée Legault, c'est — j'ai cité Mme Gruda ce matin — une chroniqueuse aussi, avec d'autres opinions, mais là-dessus elles s'entendent. Elle nous dit : «Le cadeau empoisonné...» En fait, elle nous dit : «...comment diable identifier ce qui constitue ou pas un "signe religieux"?» C'est la question qu'elle pose à la suite de la définition soumise par le ministre. «In extremis, le ministre responsable, Simon Jolin-Barrette, propose — en fait, le ministre, pardon, oui, pardon, le ministre propose — maintenant que soit considéré comme [...] signe religieux "tout objet, notamment un vêtement, un symbole, un bijou, une parure, un accessoire ou un couvre-chef" s'il est porté "en lien avec une conviction ou une croyance religieuse" ou s'il est "raisonnablement considéré comme référant à une appartenance religieuse".» Je pense, c'est important de le dire souvent, parce qu'on essaie de comprendre. Alors, elle continue puis elle dit : «Ouf... Vous avez compris quelque chose, vous?» Alors, moi, je ne suis pas toute seule, là... elle aussi, elle ne comprend pas. «Comme interprétations arbitraires et nettement subjectives, avouez que c'est franchement dur à battre. Le premier ministre dit que cette définition est perfectible — et c'est ce qu'on essaie de faire ce soir. Tout un euphémisme. Donc, quoi? Dans l'état actuel de cette définition, les dirigeants d'école pourraient aussi devoir interpréter le degré de "conviction" ou de "croyance" d'une ou d'un enseignant qui porterait quelque chose ressemblant de près ou de loin à un signe religieux? Pas sérieux?» Ça, c'est ce que nous dit Josée Legault.

Alors, l'amendement qu'on propose viendrait au moins nous donner un certain encadrement. On va faire un exercice. Alors, on a une jeune enseignante qui arrive à son premier jour à l'école, et là elle arrive avec un couvre-chef africain. Elle entre dans l'école, et là qu'est-ce qu'il fait, le directeur? Parce que le ministre nous parlait, tout à l'heure, d'accommodements, faisait un parallèle avec les accommodements. Mais, si on n'accommode pas, on interdit, et ce n'est pas du tout le même raisonnement, c'est tout à fait l'inverse : on interdit. Alors, cette jeune femme là, qui entre à son premier jour de travail et qui, elle, bien, a son couvre-chef sur la tête... qu'est-ce qu'il fait, le directeur? Bien, je pense qu'il doit lui demander, il doit lui demander... Je ne sais pas. Est-ce qu'il va lui demander qu'est-ce qu'il faut faire? Ça va être quoi, la procédure, dans une situation comme ça? Est-ce que le ministre a un peu une idée de ce que la personne qui devra appliquer la loi devra faire dans un cas comme ça, là? Elle rentre à l'école, elle est prête à travailler, et qu'est-ce qu'il fait, lui, le directeur? Ce sera quoi, sa façon... Comment il va procéder, exactement? Est-ce qu'on peut le savoir?

Le Président (M. Bachand) : Interventions?

Mme Robitaille : Est-ce qu'il va intervenir?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je remercie la députée de Bourassa-Sauvé pour sa question. D'ailleurs, je suis toujours en attente d'une réponse à ma question que je lui ai posée tout à l'heure relativement à savoir si elle était en faveur ou non des accommodements religieux et des conditions assujetties à ceux-ci pour accorder lesdits accommodements. Ça nous renseignerait beaucoup et ça nous aiderait pour la poursuite des travaux de la présente commission.

M. le Président, la députée de Bourassa-Sauvé nous citait la chronique de Mme Legault dans LeJournal de Montréal. Moi, je pourrais vous citer Me François Côté, doctorant et enseignant à l'Université de Sherbrooke, qui dit, sur la question de la définition qui a été proposée par le gouvernement : «Cette définition est scrupuleusement conforme aux normes de droit international établies depuis des années par la Cour européenne des droits de l'homme ainsi que par plusieurs juridictions nationales d'Europe. Le paragraphe i, rang 1, renvoie au volet subjectif du symbole. C'est un signe religieux si c'est vu comme tel par le porteur. Et le paragraphe 2° renvoie à son volet objectif. C'est un signe religieux si c'est vu comme tel dans l'oeil d'un membre ordinaire du public. Excellent amendement, disais-je, pour deux raisons...» Excellent. Un enseignant à l'Université de Sherbrooke, qui est avocat aussi, à la Faculté de droit. C'est quand même bon.

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, oui.

M. Jolin-Barrette : Bien, je veux dire, il sait de quoi il parle. On s'entend là-dessus?

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît! M. le ministre, continuez, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, moi, je pense, M. le Président, que la députée de Marguerite-Bourgeoys peut apprécier tout le travail des diplômés de l'Université de Sherbrooke, sachant que, dans son équipe, elle jouit d'une expertise en ce sens-là, et je ne pense pas qu'elle peut être en désaccord avec mes propos.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, oui.

M. Jolin-Barrette : Alors, pour compléter, M. le Président, pourquoi est-ce que c'est excellent, cet amendement-là, hein? C'est François Côté qui dit ça. Il dit : « Premièrement, parce que notre droit québécois est de tradition civiliste, nous avons une conception sociale du droit qui place la loi écrite comme source première de la normativité juridique, et le fait de définir clairement dans la loi ce concept central plutôt que d'en laisser l'adjudication aux tribunaux est tout à fait cohérent avec notre conception sociale de la juridicité en plus d'être garante d'une grande certitude juridique quant à la signification et la portée des termes de la loi, autre valeur de base de la tradition civiliste. Deuxièmement, on ne peut ici que saluer l'affirmation du pouvoir législatif québécois, en son Parlement démocratiquement élu, de définir lui-même la portée de sa loi plutôt que d'en laisser le soin aux tribunaux.»

Alors, voyez-vous, la définition que le gouvernement a proposée est qualifiée d'excellente. Est-ce qu'on peut viser au-delà de l'excellence, M. le Président? Probablement, mais je ne connais pas le terme qui est au-delà de l'excellence.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Moi, je suis dans le b. a.-ba. Le directeur d'école, qu'est-ce qu'il fait avec cette jeune femme là? Est-ce qu'il lui pose des questions? Est-ce qu'il lui dit : Pourquoi tu portes ton couvre-chef, c'est quoi, ton couvre-chef?, parce qu'il veut justement être rigoureux, il veut suivre la loi. Qu'est-ce qu'il fait? Je vous remontre la photo, là, parce que c'est important, ce n'est pas évident. C'est un couvre-chef africain, alors...

Une voix : ...

Mme Robitaille : Non, je pense, ce n'est pas dans le quiz, à part ça, ce n'est pas dans le quiz, mais, je veux dire...

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président...

Le Président (M. Bachand) : On ne déposera pas le...

Mme Robitaille : Vous voulez voir...

M. Jolin-Barrette : Non, mais je souhaiterais qu'on dépose l'ordinateur, s'il vous plaît.

Des voix : Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît!

• (21 heures) •

Mme Robitaille : Non, je vais vous en faire une copie, M. le Président, ça me fera plaisir. Mais j'aimerais savoir par quoi il commence, le directeur d'école, quand madame rentre et s'apprête à enseigner.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, la définition, elle est très claire. L'application des normes par les personnes responsables n'est pas différente que toutes les normes qui s'appliquent actuellement dans le monde du droit du travail. La même chose pour le fait que quelqu'un qui porte un signe politique et qui ne peut pas le porter. Ce n'est pas différent. L'application des normes du travail, l'application de la Loi sur la santé et la sécurité au travail, ce n'est pas différent. On souhaite monter le projet de loi sur la laïcité, là, en épingle, hein, on fait peur au monde. Il faut arrêter de faire ça. M. le Président, dans notre rôle de législateur, là, on doit rassurer. Et j'ai confiance que la députée de Bourassa-Sauvé est capable de nous aider à s'assurer qu'on puisse adopter le projet de loi dans les meilleurs délais.

M. le Président, il est 21 heures. Ça fait depuis 15 heures cet après-midi qu'on est sur l'article 6. Je pense qu'on a fait le tour.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Mais j'aimerais que le ministre nous rassure, parce que, jusqu'à maintenant, bon, il parle de doctrine, il cite des auteurs, et tout ça, mais, dans le pratico-pratique... Et c'est pour ça que nos lignes directrices sont importantes. C'est pour ça que des lignes directrices seraient importantes, parce que ça aiderait les gens qui devront appliquer cette loi-là à agir, à faire quelque chose. Et là on nage dans le brouillard.

Alors, qu'est-ce que vous dites au directeur d'école?

Le Président (M. Bachand) : Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, j'ai déjà répondu à cette question-là. La définition dans la loi, elle est claire. Et d'ailleurs les lignes directrices ne sont pas nécessaires d'insérer dans la loi, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée.

Mme Robitaille : Est-ce que les directeurs d'école ou les directeurs de département vont recevoir des formations pour savoir comment appliquer la loi?

M. Jolin-Barrette : M. le Président, l'amendement qui est suggéré est relativement à l'insertion de lignes directrices qui viennent définir un signe religieux, pas en termes d'application. On parle d'application de la définition d'un signe religieux, pas comment appliquer la loi. On veut avoir un guide pour le signe religieux.

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : M. le Président...

Le Président (M. Bachand) : Oui, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : ...dans les lignes directrices, là, qu'est-ce que veut la députée de Bourassa-Sauvé? Est-ce qu'elle veut avoir une liste de signes religieux? Parce que, lorsqu'elle me dit... et elle me présente une image, elle me demande : Est-ce que ça, c'est un signe religieux? La députée de Marguerite-Bourgeoys tantôt nous disait : Non, je ne veux pas de liste de signes religieux. La députée de Maurice-Richard, elle veut une liste des signes religieux.

Est-ce que, dans la conception de la députée de Bourassa-Sauvé, s'il y avait des lignes directrices, est-ce qu'elle veut une liste des signes religieux? J'aimerais ça savoir dans quel camp elle se positionne au sein de sa formation politique.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, oui.

Mme Robitaille : Oui, mais, sérieusement, M. le Président, là, est-ce qu'on va vraiment laisser des gens dans le brouillard comme ça? Parce qu'il me semble qu'il faut au moins accompagner les gens qui vont devoir appliquer la loi. Là, on a des théories juridiques, tout ça, mais, pour M. Tout-le-monde, là, ce n'est pas évident. Donc, des lignes directrices, en tout cas, ça aiderait à savoir où on va, certainement.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, juste pour bien comprendre l'amendement, là, au niveau des lignes directrices qui ont été proposées, là, par la députée de Marguerite-Bourgeoys, là, je veux juste savoir est-ce que, selon la députée de Bourassa-Sauvé, ça prendrait une liste des signes religieux dans le cadre des lignes directrices. Ça m'aiderait à me faire une tête.

Mme Robitaille : Moi, je pense qu'il va y avoir des lignes directrices. Il peut peut-être y avoir certains exemples avec ça. Ça dépend.

M. Jolin-Barrette : Ça dépend de quoi? Bien, c'est oui ou...

Mme Robitaille : Bien, moi, je pense que l'idée, c'est de donner des lignes directrices pour savoir au moins comment interpréter votre définition... la définition du ministre, pardon.

M. Jolin-Barrette : O.K. Mais, M. le Président, on me dit : Il devrait y avoir des lignes directrices. O.K. D'accord. Je suis prêt à écouter. Parce qu'on me dit : M. le ministre, il faut que vous écoutiez. C'est pas mal ce que je fais depuis plusieurs heures. J'écoute, j'écoute.

Mais, dans la proposition du Parti libéral, là, on dit : Ça prend des lignes directrices. Qu'est-ce qu'il y aurait dans les lignes directrices? Est-ce qu'il y a une liste des signes religieux? Oui ou non? La députée de Bourassa-Sauvé nous a dit : Peut-être. Je ne sais pas.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée.

Mme Robitaille : C'est parce que c'est un peu une... L'applicabilité de ça, à écouter le ministre, on a l'impression que ce n'est pas applicable. Et là il y aura des gens qui vont être touchés par ça, il y aura des gens qui ne pourront pas avoir accès à une carrière ou il y aura des gens qui ne pourront pas être promus. Donc, c'est tout à fait fondamental de savoir comment cette loi-là va s'articuler et comment elle va s'appliquer. Et, bon, en tout cas, au moins, des lignes directrices nous donneraient un petit peu de lumière sur où on s'en va avec tout ça. C'est ce que j'avais à dire.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre. Puis j'ai une intervention du député de Saint-Jean, s'il vous plaît, après.

M. Jolin-Barrette : Oui. Juste rapidement, M. le Président. Bien, je regarde l'amendement : «Le ministre établit des lignes directrices portant sur l'application de la définition d'un signe religieux afin d'accompagner les organismes dans l'application de la présente loi.» C'est l'amendement du Parti libéral. Moi, je veux le comprendre, je veux savoir, là. Est-ce qu'il faudrait avoir des listes, dans les lignes directrices, des signes religieux? Est-ce que c'est ça qu'il y aurait dans les lignes directrices?

Le Président (M. Bachand) : On pourra y revenir tantôt. M. le député de Saint-Jean. Après ça, la députée de Maurice-Richard. Oui.

M. Lemieux : Je vais me forcer pour rester sur l'amendement, parce que je ne suis pas d'accord avec l'amendement, pour commencer, là, mais, M. le ministre, tout à l'heure, vous avez fait...

Une voix : ...

M. Lemieux : Non, l'amendement, pas le dessin. C'est beau. Mais, si vous me le... à l'ordi, je vais le prendre.

M. le ministre, tout à l'heure, vous êtes revenu avec l'exemple qu'on prend souvent, en disant : C'est comme si on avait un signe politique. Y a-tu une liste des signes politiques qu'il ne faut pas porter? Avez-vous ça, des normes, un cahier, là, comme les mots qu'il ne faut pas prononcer au Parlement, là, de tout ce qu'on ne peut pas avoir sur... badge qui dirait «J'aime beaucoup la CAQ», ou «J'aime un peu la CAQ», ou «J'aime la CAQ», ou «Je n'aime pas la CAQ»? Avez-vous ça? Est-ce qu'on a ça, M. le... Non? Mais ça va marcher de la même façon avec les signes religieux, c'est ça? Merci beaucoup, M. le ministre.

Le Président (M. Bachand) : Interventions, M. le ministre? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Non, mais je suis d'accord avec le député de Saint-Jean.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Je voudrais peut-être lui spécifier qu'il y a quelque chose qui s'appelle le Directeur général des élections, où il y a des partis qui sont inscrits. Donc, je pense que, si ce n'est pas clair pour un parlementaire, ce qu'est un parti politique, on a peut-être un enjeu ici, donc. Il faudrait comparer des pommes avec des pommes, à un moment donné.

M. Lemieux : ...non. Je ne peux pas répondre. O.K.

Mme Montpetit : Non, je vais continuer. Je vous remercie. Je trouve ça assez...

M. Derraji : S'il vous plaît...

Le Président (M. Bachand) : Oui. Qu'est-ce qu'il y a, M. le député de Nelligan?

M. Derraji : Bien, on ne parle pas de bananes...

Le Président (M. Bachand) : Non, mais là, s'il vous plaît, là...

M. Derraji : Oui, mais, M. le Président...

Le Président (M. Bachand) : J'ai fait signe au député de Saint-Jean, tout est correct. Et votre collègue la députée de Maurice-Richard a la parole. Mme la députée, s'il vous plaît, vous avez la parole.

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Il nous reste 1 h 30 min. Je sais que tout le monde est fatigué. Si on pouvait continuer de travailler de façon constructive. On avait bien commencé cet après-midi. Je suis sûre que le ministre veut continuer d'avancer au lieu de faire de la rhétorique et des sophismes.

Ma collègue la députée de Marguerite-Bourgeoys lui a très bien — il affirme qu'il est à l'écoute — lui a très bien expliqué c'était quoi, des lignes directrices. Il essaie de nous mettre en contradiction. Ce n'est pas le cas. On a parlé de listes, on a parlé de définitions. Là, c'est un amendement qui porte spécifiquement sur des lignes directrices, on vient spécifier. Et le ministre a spécifié à plusieurs reprises que c'est à notre demande puis qu'on n'est pas satisfaits de la définition qu'il est venu apporter par l'amendement qu'il a déposé à minuit moins une, trois jours avant la fin des travaux. Moi, je voudrais juste lui rappeler, puis je ne l'ai peut-être pas mentionné suffisamment aujourd'hui, mais, comme il est à l'écoute, je vais lui rementionner, la dernière personne qui a dit que ce n'était pas clair publiquement, elle s'appelle le premier ministre du Québec. Et il a dit, mot pour mot : Il faut préciser, l'amendement qui a été déposé par le ministre de l'Immigration n'est pas suffisamment clair, il faut le préciser davantage, il faudra aller plus loin. Alors, c'est ce qu'on fait et ce qu'on contribue à faire. Et je veux quand même rappeler le fait qu'on essaie de travailler sérieusement ici, donc on n'essaie pas de faire de la rhétorique, là, puis partir dans toutes les directions. J'aimerais bien me concentrer, essayer d'avancer sur la proposition qui a été faite par la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Je veux quand même souligner que le ministre, là, il s'apprête à faire adopter par bâillon un projet de loi qui va venir suspendre les droits fondamentaux. Donc, si on peut continuer de travailler sérieusement, ce serait très intéressant.

• (21 h 10) •

M. Jolin-Barrette : Ce n'est pas vrai, ça. M. le Président, question de règlement...

Mme Montpetit : Donc, un peu plus tôt, j'ai demandé au ministre une question très claire.

M. Jolin-Barrette : Question de règlement, M. le Président.

Mme Montpetit : Je lui ai demandé s'il y avait des groupes, des organismes...

M. Jolin-Barrette : J'ai une question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Oui. Excusez-moi. Oui, M. le ministre. Pardon.

M. Jolin-Barrette : Mais, en fait, la députée de Maurice-Richard prête des intentions, elle dit : Le gouvernement veut adopter un projet de loi qui brime des droits fondamentaux. Or, il n'y a rien de plus faux que cela, M. le Président. Alors, j'aimerais qu'on retire ces propos.

Le Président (M. Bachand) : ...très attention, s'il vous plaît. Merci. C'est noté. Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Bien, je ne lui prête pas des intentions, je suis...

Le Président (M. Bachand) : Non, madame...

Mme Montpetit : Je suis désolée, mais je vais réitérer mes propos : Ça va venir brimer des droits fondamentaux. C'est une loi qui est discriminatoire. Ce n'est pas moi qui le dis...

Le Président (M. Bachand) : Non. Mme la députée, désolé...

Mme Montpetit : ...ça a été mentionné par des tonnes de juristes puis de constitutionnalistes.

Le Président (M. Bachand) : Désolé, Mme la députée. Je vous ai demandé de faire très, très, très attention. Ce sont des propos très graves. Nous sommes dans un Parlement, avec des élus démocratiquement, ici, alentour d'une table, alors de «brimer des droits fondamentaux»... il faut faire très attention. Alors, je vous demanderais de continuer à faire très attention, de ne pas réutiliser ces termes, s'il vous plaît. Merci.

Mme Montpetit : Bien, je vous ferai noter, M. le Président, que j'ai utilisé les mêmes termes mardi dernier et que vous n'êtes pas intervenu. Donc, ce qui n'était pas un problème mardi dernier...

Le Président (M. Bachand) : Alors là, j'interviens. Merci beaucoup, Mme la députée.

Mme Montpetit : ...devient un problème à 24 heures...

Le Président (M. Bachand) : Terminé. Merci beaucoup. Non. Je vous ai demandé de faire très attention. Là, je vous demande de retirer vos propos, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Bien, je vais les retirer, et on va continuer l'échange qu'on avait.

Le Président (M. Bachand) : Parfait. Bien, alors, merci beaucoup. Merci beaucoup.

Mme Montpetit : Donc, je veux quand même lui rappeler qu'on est dans une situation...

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Attendez. Non, attendez. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Mais c'est juste pour compléter la question de règlement. Est-ce que c'est un rappel à l'ordre, M. le Président, pour la députée de Maurice-Richard?

Le Président (M. Bachand) : J'ai demandé à la députée de Maurice-Richard de retirer ses propos. Elle l'a fait, alors on continue. Mme la députée a la parole. Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Est-ce que le ministre a envie de continuer l'échange? Oui. Mais je veux quand même lui rappeler qu'on est dans un contexte où moi, je n'ai pas envie de faire ce genre d'échange là avec le ministre. C'est une situation qui est sérieuse. C'est une situation qui va venir toucher des centaines de personnes, qui va empêcher des gens de travailler, qui va venir empêcher des enseignants de changer de travail, sur la question des droits acquis. C'est la première fois qu'une loi va venir contraindre des professionnels, des enseignants, des gens qui sont dans le service public, qui ne pourront pas bouger du travail où ils sont. Ils se retrouvent pris en otages, et je trouve ça extrêmement malheureux. Et je veux vraiment qu'on continue...

M. Jolin-Barrette : ...de règlement. Ce que la députée dit, c'est faux, et elle a juste à lire la loi, M. le Président, et ce n'est pas ce qui est prévu.

Mme Montpetit : Bien, je suis...

M. Jolin-Barrette : Alors, il faut renseigner les gens adéquatement, en fonction du texte de loi, M. le Président.

Mme Montpetit : Parfait. Alors, je vais demander une question au ministre : Est-ce qu'une enseignante ou un enseignant qui porte un signe religieux à l'heure actuelle aura un droit acquis? Et, si elle change de commission scolaire, pourra-t-elle toujours avoir ce droit acquis? Est-ce que le droit acquis suivra la personne?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : En fonction de la loi, le droit acquis est pour le même employeur, c'est-à-dire que la personne peut changer d'emploi à l'intérieur de la même organisation. Alors, ce que la députée...

Mme Montpetit : Donc, elle ne peut pas changer de commission scolaire.

M. Jolin-Barrette : Elle peut changer de commission scolaire. Cela étant dit, le droit acquis est pour la même personne, pour la même fonction, à l'intérieur de la même organisation. Alors, c'est faux de prétendre que la personne ne peut pas changer d'emploi à l'intérieur de la commission scolaire.

Mme Montpetit : Est-ce qu'elle pourra changer de commission scolaire?

M. Jolin-Barrette : J'ai déjà répondu à cette question-là. La personne peut changer de commission scolaire, mais, dans ce cas-ci, le droit acquis n'est pas maintenu.

Mme Montpetit : Bien, voilà. Donc, c'est exactement ce que je dis quand je dis qu'une personne est prise en otage, c'est qu'elle ne pourra pas changer d'emploi. Donc, moi, ce que j'ai demandé, tout à l'heure, au ministre...

M. Jolin-Barrette : Non. M. le Président, ce n'est pas factuellement vrai, ce qui est dit. C'est très important, lorsqu'on est un parlementaire élu à l'Assemblée nationale, de dire la vérité. Elle peut, cette personne-là, changer d'emploi à l'intérieur de la même commission scolaire. La personne peut enseigner en première année, ou en sixième année, ou en secondaire V à l'intérieur de la même commission scolaire. Elle bénéficie, cette personne, d'un droit acquis. Ce qui n'est pas possible...

Mme Montpetit : M. le Président, le ministre déforme mes propos, hein?

M. Jolin-Barrette : Ah! que non!

Mme Montpetit : Le ministre déforme mes propos.

M. Jolin-Barrette : Ce qui n'est pas possible, M. le Président, c'est...

Mme Montpetit : Le ministre déforme mes propos.

M. Jolin-Barrette : ...le droit acquis ne suit pas la personne si elle change de commission scolaire. M. le Président, la députée de Maurice-Richard...

Mme Montpetit : M. le Président, je veux faire un appel au règlement, s'il vous plaît.

Le Président (M. Bachand) : Bien, écoutez, là, vous faites des appels au règlement, mais il faut quand même laisser aussi le temps aux gens de finir leurs...

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Je veux dire que...

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Je vais finir mes propos, comme j'aimerais que vous puissiez finir les vôtres — c'est ce que j'allais dire — avant de pouvoir juger si on doit faire un appel au règlement ou pas. Je pense, c'est la moindre des choses. Alors, je vous demande d'être très prudents.

Mme la députée de Maurice-Richard était en argumentaire sur le projet de loi, c'est elle qui avait la parole. Avant de juger si c'était de prêter des intentions au gouvernement, alors, j'aimerais que la députée reprenne la parole... de faire très attention aussi. Puis je vous entends et je vous écoute, chers membres de la commission. Alors, s'il vous plaît...

Mme Montpetit : Je vous remercie. Bien, je veux juste quand même noter que le ministre ici mentionne que j'induis les gens en erreur et il ne me reformule pas comme il faut. Et la question que je posais, elle est très claire : Pas dans la même commission scolaire, quelqu'un...

M. Jolin-Barrette : Ce n'est pas ça que vous avez dit au début. Non, ce n'est pas ça.

Mme Montpetit : C'est ce que j'ai dit. Quelqu'un qui change d'emploi et qui change de commission scolaire...

M. Jolin-Barrette : Vous avez rajouté ça.

Mme Montpetit : Bien, je suis désolée, mais vous irez ressortir le verbatim. Quelqu'un qui change de commission scolaire a-t-il encore le même droit acquis? Est-ce que le droit acquis suit la personne, oui ou non? Vous savez très bien que la réponse, c'est non. Donc, j'en reviens à mon propos, que c'est un projet de loi qui va venir empêcher des gens d'évoluer professionnellement et qui va les prendre en otages dans l'emploi qu'ils ont présentement.

Et la question que je posais au ministre tout à l'heure, si je reviens...

Le Président (M. Bachand) : Je vous arrête, je vous arrête, je vous arrête! On parle des «pris en otages», tout ça. Je veux juste...

Mme Montpetit : ...M. le Président, là.

Le Président (M. Bachand) : Vous le savez. Donc, de faire très attention aux mots qu'on choisit, parce que, si on dit que des employés de l'État seraient pris en otages, c'est comme si l'État prenait des gens en otages. Alors, il faut faire très, très, très attention dans les choix de mots que vous faites.

Vous avez des bonnes questions à poser au ministre, le ministre est ici pour y répondre. Alors, je vous invite à rester dans le cadre du questionnement pour que le ministre puisse y répondre, s'il vous plaît. Mme la députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : S'il veut bien y répondre, parce que je lui ai posé une question tout à l'heure qui était quand même fort simple, parce qu'on reste toujours sur l'intérêt de venir préciser ce qu'est un signe religieux, si ce n'est que pour la gouverne du premier ministre du Québec, qui a l'air lui-même de ne pas savoir exactement à quoi s'en tenir quand il dit qu'une alliance, à midi, en est un, puis, à deux heures, n'en est plus.

Je lui ai posé une question qui était assez simple, à savoir : Est-ce qu'il y avait des organisations ou pas qui étaient venues dire qu'il y avait un avantage à le laisser flou ou très large? Moi, ce que je vois, c'est qu'il y a plein de gens qui sont venus intervenir qui sont venus le dire. Je cite la ville de Montréal, qui disait : «En tant qu'employeur, Montréal est préoccupée à l'effet que le projet de loi n° 21 fait fi de son autonomie en imposant des contraintes en matière de recrutement et de gestion du personnel par le biais de l'article 6, visant l'interdiction de porter un signe religieux pour certaines personnes en position d'autorité. La mise en oeuvre de l'article 6 est problématique pour de multiples raisons. En premier lieu, le concept même de signe religieux n'est pas clairement défini — et aujourd'hui il ne l'est toujours pas, clairement défini. Sachant que Statistique Canada recensait [...] plus de 108 religions présentes au Canada et que chacune [d'elles] est susceptible d'avoir un ou des signes religieux lui étant propres, l'identification même d'un signe religieux peut s'avérer une tâche [qui est] complexe. Cela peut occasionner des situations d'iniquité et de conflit.»

Et on a plein d'intervenants, en consultations, qui sont revenus nous dire la même chose, qu'il y a une nécessité de venir préciser de façon très, très encadrée ce qu'est un signe religieux. Puis on le mentionnait tout à l'heure, je le répète, même le Conseil des droits, de l'ONU, est venu souligner à l'international à quel point l'omission de définir un signe religieux, ça ouvre des portes à des décisions qui sont arbitraires et qui sont discriminatoires. Et, à l'heure actuelle, malgré l'amendement que le ministre a déposé, on n'a pas plus de définition qu'on en avait, on n'en a pas plus.

Donc, la proposition qui est faite par ma collègue la députée de Marguerite-Bourgeoys vient justement demander de mettre des lignes directrices pour pouvoir encadrer et pour pouvoir gouverner les administrateurs qui devront appliquer cette loi, qui, à l'heure actuelle, n'est pas claire. Les balises ne sont pas claires. Et je reprends Pierre Bosset, qui est venu aussi, qui dit : «La notion de "signe religieux" n'est pas définie dans le projet de loi, bien qu'elle soit centrale pour l'application de l'article 6.» Une certaine déclaration ministérielle nous a envoyés «au sens ordinaire des mots.» Là, il y a eu le sens commun, puis là, finalement, on est rendu ailleurs, puis là, finalement, on est rendu dans le droit canonique, mais pas le droit canonique. «Le problème, c'est que le sens ordinaire des mots ne rend pas compte de la diversité des formes que prend la manifestation extérieure de la conviction religieuse et que certains signes portés par certaines personnes pour des motifs religieux peuvent très bien être portés par d'autres personnes pour des motifs [qui sont] non religieux.»

Donc, il y a plein d'exemples comme ça qui ont été soulevés. Il ajoute : «La notion de "signe religieux" oblige en quelque sorte l'État à sonder les reins et les coeurs des citoyens afin de vérifier leurs motivations profondes — ce qui est précisément l'inverse de la neutralité envers le fait religieux.»

• (21 h 20) •

Je ne comprends pas qu'à la lumière de toutes ces interventions qui ont été faites, fort pertinentes, par des gens fort pertinents, on en soit encore à se contenter d'une définition qui n'est même pas proche de venir circonscrire plus que ce l'était la semaine dernière ce qu'est un signe religieux.

Et on a la Fédération des commissions scolaires aussi qui est venue dire aussi que «l'absence de définition de ce que constitue un signe religieux rend l'application de cette disposition impossible. Certes, le niqab, le hidjab, la burqa, la kippa, le kirpan, le turban sikh [...] le chapelet sont [...] reconnus comme des signes religieux», on en convient tous. Mais par ailleurs rien ne les distingue d'autres signes ou d'accessoires à caractère religieux. Des boucles d'oreille, des breloques en forme de croix, est-ce que ce sont des signes religieux? Est-ce que le chapeau noir porté par les Juifs orthodoxes, c'est un signe religieux? Est-ce qu'un vêtement qui représente la main de Fatima, ça, c'est un signe religieux?

C'est plein de questions et c'est autant d'individus qui vont pouvoir répondre autant par l'affirmative que par la négative, puis ils auront tous raison, comme le premier ministre l'a fait pas plus tard qu'hier en disant que l'alliance est un signe religieux puis qui s'est fait rabrouer par son ministre, qui, deux heures plus tard, dit : Non, non, ce n'est pas un signe religieux, pourtant la loi, elle est claire. Mais, je suis désolée, elle n'est pas claire et elle n'est absolument pas claire. Puis, si elle ne l'est pas pour le premier ministre du Québec, je vois bien mal comment elle va l'être pour les administrateurs qui vont devoir l'appliquer.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Interventions? M. le ministre, non? Mme la députée de Les Plaines, s'il vous plaît.

Mme Lecours (Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le Président. J'écoute depuis des heures et des heures et des heures et je vais demander à nouveau au ministre de reparler de la définition, parce que je pense que, selon l'opposition, ce n'est pas encore assez clair. Pourtant, ça m'apparaît très clair. Je suis même allée chercher quelques définitions. Je cherche des définitions dans des projets de loi. Il n'y en a pas, là, il n'y en a pas.

On a clarifié ce qu'est un signe religieux, alors que c'était déjà évident qu'au sens commun on pouvait déjà partir avec ça. Le ministre a décidé d'ajouter un amendement pour justement répondre non seulement à l'opposition, mais à beaucoup de gens qui sont venus déposer des mémoires. Et ce que j'ai trouvé... puis j'aimerais que le ministre le clarifie par rapport à ce que j'ai trouvé : Qu'entend-on par signe religieux? Ça a été publié dans Société, droit et religion : «Ce terme très général recouvre plusieurs réalités assez différentes. On peut distinguer trois situations : le signe religieux comme manifestation d'une conviction religieuse; le symbole religieux, instrument de visibilité d'une religion; le signe manifestation d'une obligation religieuse.»

Donc, je pense... et j'aimerais que le ministre me le confirme, je pense que la définition qui a été proposée dans l'amendement cerne la totalité des attentes qu'on avait. Voilà ma question.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Mme la députée. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Bien, moi, je pense qu'effectivement ça cerne très bien, tel que l'a dit la députée de Les Plaines... M. le Président, parce que, dans la définition que nous avons proposée, M. le Président, on vient indiquer qu'un signe religieux, c'est un objet et on indique qu'«au sens du présent article, est un signe religieux tout objet, notamment un vêtement, un symbole, un bijou, une parure, un accessoire ou un couvre-chef qui est :

«1° soit porté en lien avec une conviction ou une croyance religieuse — donc le caractère subjectif ; ou

«2° soit raisonnablement considéré comme référant à une appartenance religieuse — M. le Président.»

Mais, vous savez, ce qui me déçoit un petit peu, M. le Président, c'est que la députée de Maurice-Richard n'était pas là durant les consultations et elle n'a pas entendu l'ensemble des intervenants, M. le Président, et aujourd'hui on fait de la cueillette de cerises, monsieur...

M. Derraji : ...M. le Président, s'il vous plaît.

Le Président (M. Bachand) : ...

M. Derraji : Oui, oui.

Le Président (M. Bachand) : ...écoutez. S'il vous plaît. Alors, soyez très, très, très prudent.

M. Jolin-Barrette : Mon seul point, M. le Président...

M. Derraji : Oui. Et — M. le Président, s'il vous plaît — le ministre, il connaît très, très bien nos règlements. Il est l'expert en règlements. Il est capable de citer même les articles. Je me vois mal comment l'expert en règlements, lui-même, il frôle la limite parfois des règlements. Ma collègue a lu tous les mémoires et...

M. Jolin-Barrette : Ah oui?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît!

M. Derraji : M. le Président, je ne vais pas aller dans ce jeu.

Le Président (M. Bachand) : Non, non, non. Et moi non plus, d'ailleurs.

M. Derraji : Je respecte votre autorité.

Des voix : ...

M. Derraji : S'il vous plaît. Je respecte votre autorité. Je veux vraiment qu'on avance. Le ministre peut, s'il vous plaît, répondre, pour qu'on puisse avancer les travaux, et ne pas faire un procès d'intention à ma collègue députée de Maurice-Richard.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Alors, M. le ministre, en réponse à la députée de Les Plaines...

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Oui. Mme la députée de Les Plaines, oui, allez-y.

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Parce que la députée de Les Plaines a la parole. Mais je vous reviens, je vous reviens, oui.

Mme Lecours (Les Plaines) : En fait, M. le Président, j'ai fait exprès de le faire répéter, parce que c'est la même définition qu'on entend depuis des heures, et des heures, et des heures. Les réponses sont claires, sont là. Évidemment, si l'opposition n'aime pas les réponses... ça se peut qu'ils n'aiment pas les réponses, mais il les donne, les réponses, le ministre. Alors, j'ai fait exprès de le faire répéter. À la lumière de ce que je vois comme recherches que j'ai faites, ça peut être plus clair. C'était la suite de mon commentaire.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? Ça va? M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : Bien, écoutez, je remercie la collègue de faire cette intervention et je la remercie qu'on parle de définition, mais je tiens juste à rappeler quelque chose, M. le Président : on ne parle pas de la définition, on parle des gens qui vont appliquer la loi. Donc, un petit rappel : pourquoi j'ai évoqué les lignes directrices? Je ne parle pas de la définition, et des lignes directrices — et, encore une fois, je fais le rappel à M. le ministre — c'est «un acte administratif par lequel le détenteur d'un pouvoir discrétionnaire décrit à l'avance la façon dont il l'exercera».

Un peu plus tard dans le projet de loi, l'article 12... on n'est pas encore rendus là, mais je vais le lire : «Il appartient à la personne qui exerce la plus haute autorité administrative, le cas échéant, sur les personnes visées à l'article 6 ou au premier alinéa de l'article 8 de prendre les moyens nécessaires pour assurer le respect des mesures qui y sont prévues. Cette fonction peut être déléguée à une personne au sein de son organisation.» Là, on parle de ça à l'article 12.

Je vais répéter ma question, parce qu'il ne me reste pas beaucoup de temps, et j'espère que le ministre va me répondre, pas : Donne-moi une liste, est-ce que tu es comme ta collègue ou l'autre collègue?, liste, pas liste. Je ne suis pas là dans cette discussion. Le ministre, il sait très bien qu'est-ce que ça veut dire, des lignes directrices. Il comprend très bien la définition et l'applicabilité de ça. Ce que je lui demande, c'est qu'à la lumière de la bonification qu'il a ramenée à son article... C'est lui-même qui a ramené cet amendement. Ce qu'on lui propose aujourd'hui, c'est un ajout qui va permettre à ce que l'État va accompagner les organismes dans l'application de la présente loi. C'est très clair, M. le Président. L'amendement que ma collègue la députée de Marguerite-Bourgeoys vient de déposer vise à accompagner des organismes dans l'application de la loi. C'est votre souhait aussi, c'est le souhait, que la loi soit appliquée. Je ne parle pas de la définition. Je ne demande pas à ce qu'on me répète la définition. La définition, elle est là devant nous. Nous avons émis nos commentaires sur la définition. On est allés beaucoup plus loin, c'est au niveau de l'applicabilité. Et, l'applicabilité, vous êtes vous-même conscient... La preuve, l'article 12, vous parlez des «moyens nécessaires pour assurer le respect des mesures qui y sont prévues». Comment, si on veut s'assurer d'avoir les moyens... et s'il n'y a pas respect de ces moyens? Et les lignes directrices, M. le Président, c'est très important dans n'importe quelle organisation, gouvernementale ou non. Et, j'en suis sûr et certain, le ministre a déjà vécu ça dans sa vie antérieure, avant la politique.

Les lignes directrices sont là pour aider les organismes, et je vois mal comment le ministre ne voit pas l'utilité de ces lignes directrices, surtout pour des organismes. On le fait pour plusieurs politiques, l'égalité hommes-femmes, l'équité, pour les politiques de diversité, plusieurs politiques publiques au niveau de certains organismes, on met des lignes directrices pour accompagner les organismes.

Donc, encore une fois, je vais répéter ma question, M. le Président, et j'espère que le ministre va me répondre : En quoi ça fait mal, avoir les lignes directrices au sein de ce projet de loi pour accompagner les organismes?

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le député. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, on nous propose des lignes directrices puis on ne nous dit même pas ce qu'il va y avoir dedans, on ne nous dit même pas s'il faut mettre une liste de signes religieux ou non.

M. Derraji : M. le Président...

M. Jolin-Barrette : M. le Président...

M. Derraji : ...je suis ouvert à lui dire, M. le Président, je suis ouvert à l'aider à avancer ensemble dans les lignes directrices, mais il faut qu'il me donne sa parole, qu'il est prêt pour les lignes directrices. Je ne peux pas parler de... directrices, il refuse déjà la porte ouverte de ma collègue députée de Marguerite-Bourgeoys, des lignes directrices. Montrez-nous une ouverture, on va en parler.

Mais vous refusez déjà les lignes directrices. Comment vous voulez qu'on accompagne les organismes?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je suis heureux, ce soir, de voir qu'on a un auditoire trié sur le volet. Honnêtement, M. le Président, ça me fait grand plaisir. Peut-être que ça va nous aider à débloquer ce projet de loi si...

• (21 h 30) •

M. Derraji : Question de règlement. J'aimerais bien que le ministre revienne à ma question, à l'amendement, parce que nous sommes en train de perdre du temps et c'est un article très important. On veut avancer et non pas parler des gens qui assistent dans l'audience, s'il vous plaît.

Le Président (M. Bachand) : Bien, écoutez, ce n'est pas une question de règlement, le ministre salue des gens, mais rapidement. Je suis convaincu qu'il va venir à la réponse à votre question. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Moi, M. le Président, je travaille énormément avec le leader de l'opposition officielle, et, lorsqu'il est présent pour assister aux travaux, ça me fait toujours un grand plaisir. Alors, je souhaite le saluer, ainsi que la collègue de Saint-Henri—Sainte-Anne, qui vient assister aux travaux en laïcité parce que j'imagine qu'elle s'ennuie de moi parce qu'on n'a pas siégé sur l'immigration ce soir. Et ce qui me désole un peu, c'est qu'hier soir on avait la possibilité de prolonger nos travaux ensemble et puis que la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne n'a pas voulu, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Sur le projet de loi n° 21, s'il vous plaît. Merci.

M. Jolin-Barrette : Bon. Sur l'amendement qui est proposé...

Mme David : ...

Le Président (M. Bachand) : Oui. Sur?

Mme David : Bien, disons que le temps file.

Le Président (M. Bachand) : Mais c'est sur une question de règlement, madame, parce que vous avez...

Mme David : C'est une question de règlement...

Le Président (M. Bachand) : Oui, allez-y.

Mme David : ...parce que je pense qu'effectivement on peut être content, heureux. Je pourrais prendre 10 minutes pour dire à quel point j'aime mes collègues. Ce n'est pas ça, le cas, du tout. Et, de faire de la politique sur l'autre projet de loi pendant qu'on est en train d'essayer d'avancer, je trouve que c'est un petit peu discutable, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : C'est pour ça que je l'ai rappelé au ministre...

Mme David : Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : ...de revenir sur le pourquoi que nous étions ici. Alors, le ministre, bien sûr, va continuer sur le projet de loi n° 21, à l'article 6. Merci.

M. Jolin-Barrette : Très certainement, M. le Président, mais je me questionne encore sur l'article qui a été soulevé pour la question de règlement par la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Donc, revenons, M. le Président, à la question de la «personne raisonnable», parce que le député de Nelligan, tout à l'heure, nous a dit : La définition, elle n'est pas claire. Elle n'est pas claire, sauf que le député de Nelligan a dit tout de même qu'il s'agissait d'une bonification. Alors, j'apprécie le fait qu'il reconnaisse que l'amendement que nous avons déposé, qui insère une définition, constitue une bonification. Ce sont ses mots, M. le Président. Mais, au niveau du Parti libéral, on a de la difficulté avec le concept de personne raisonnable. Le député de Jean-Lesage nous a dit : Écoutez, une personne raisonnable, c'est la personne qui range son foin, et il ne faut pas qu'il passe au feu. Il y avait une histoire de feu, tout ça. Mais finalement la décision qui était citée, c'était de 1837. Et là je lui ai dit : Bien, écoutez, ça a évolué dans le temps, la notion de personne raisonnable et l'interprétation associée.

La Cour suprême, dans l'arrêt la Reine c. McRae, en 2013 — recueil de la Cour suprême, la page 931, le troisième tome — nous dit : «Le critère de la personne raisonnable doit être appliqué à la lumière des circonstances particulières de l'espèce. Comme l'a expliqué la Cour d'appel de l'Ontario dans [...] la Reine c. Batista [en] 2008 : La personne raisonnable ordinaire qui examine objectivement une menace reprochée serait renseignée sur toutes les circonstances pertinentes. La Cour suprême du Canada a examiné les caractéristiques de la personne raisonnable dans R. c. S., 1997 — bon, à la Cour suprême — dans le contexte du critère de la partialité. Dans cette affaire, les juges L'Heureux-Dubé et McLachlin, [au] paragraphe 36, ont décrit cette personne comme ceci...»

(Consultation)

M. Jolin-Barrette : ...M. le Président, la juge L'Heureux-Dubé est en faveur de la laïcité de l'État. Simple aparté.

Donc, la personne, elle est décrite comme ceci, au niveau de la personne raisonnable, au niveau des critères : «Une personne raisonnable, bien renseignée, qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique[...]. Cette personne n'est pas "de nature scrupuleuse ou tatillonne", c'est plutôt une personne sensée qui connaît les circonstances de la cause.» Ce qui me fait dire, M. le Président, que je trouve mes collègues un peu tatillons. M. le Président...

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Bien, contrairement à la définition de la Cour suprême.

Alors, M. le Président, la définition, elle est claire. Il n'est pas nécessaire d'avoir des lignes directrices et des lignes directrices floues, floues, floues, M. le Président. Parce que les collègues du Parti libéral ne sont pas capables de me dire si ça prendrait une liste de signes religieux ou pas de liste de signes religieux dans les lignes directrices qu'ils proposent. Juste à cette simple question-là, ça démontre que l'amendement est vicié dès le départ.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : Oui. Merci, M. le Président. J'ai de la misère parfois à suivre, parce qu'on part sur une chose mais on parle de beaucoup de choses. Mais j'aimerais bien, pour ce qui reste de temps, qu'on se concentre sur les lignes directrices, mais je vais faire un petit rappel au ministre sur les lignes directrices.

Premièrement, ce que je trouve un peu bizarre, c'est de demander à l'équipe libérale de parler de lignes directrices, sachant que l'équipe libérale n'a pas déposé un projet de loi sur la laïcité.

M. Jolin-Barrette : ...pas déposé.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît! M. le député de Nelligan.

M. Derraji : Normalement...

M. Jolin-Barrette : M. le Président, le député de Nelligan a raison, ils n'ont pas déposé de projet de loi sur la laïcité.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît! M. le député de Nelligan a la parole.

M. Derraji : Normalement, M. le Président, quand je dépose un projet de loi, je le maîtrise à 100 %. Je l'ai dit tout à l'heure, que probablement il y avait une petite maîtrise. La preuve, on ajoute un amendement à 48 heures... l'amendement que nous avons devant nous. Donc, même le ministre a pris son temps avant d'ajouter une définition des signes religieux. Ce n'est pas grave, elle évolue avec le temps, chose louable.

Quand on parle de lignes directrices, c'est le ministre qui connaît l'applicabilité et la mise en place au niveau des organismes, et j'en suis sûr et certain, M. le Président, que M. le ministre, il le sait très bien. On ne peut pas demain demander l'application de quelque chose si on ne donne pas des lignes directrices. C'est très simple. Je vous ai lu la définition. Je peux vous la relire, la définition : «Le terme de "lignes directrices" a plusieurs sens : Les lignes directrices, auparavant dénommées "directives administratives", sont un acte administratif par lequel le détenteur d'un pouvoir discrétionnaire décrit à l'avance la façon dont il l'exercera.» Mais vous, vous voulez que ces gens appliquent la loi au niveau des organismes, et, un peu plus tard dans votre loi, à l'article 12, qu'est-ce que vous dites? «Il appartient à la personne qui exerce la plus haute autorité administrative, le cas échéant, sur les personnes visées à l'article 6 ou au premier alinéa de l'article 8 de prendre les moyens nécessaires pour assurer le respect des mesures qui y sont prévues.» Bien, le ministre sait très bien c'est quoi, les mesures. Il parle même de déléguer le pouvoir. Il parle de la délégation du pouvoir à une personne au sein de son organisation. Et, quand on dit «lignes directrices, délégation du pouvoir» — je pense que le ministre sait ça — on oriente, on dit le comment à l'intérieur de l'organisation.

Encore une fois, on ne parle pas de la définition, on est dans l'applicabilité de la loi au sein des organismes. C'est ça, les lignes. Donc, au lieu de nous poser la question sur les listes et ce qu'on veut mettre à l'intérieur de la liste, vous êtes mieux placé à nous parler sur le comment vous voulez que cette loi soit applicable dès demain. C'est votre souhait et le souhait de tout le monde. Mais comment, les organismes, vous allez les accompagner? Comment, M. le Président, il compte accompagner les organismes? C'est ça, les lignes directrices, les gens qui vont avoir ce pouvoir discrétionnaire. Et, encore une fois, je reviens à la «personne raisonnable». C'est ce qu'il dit dans sa définition. Mais, encore une fois, M. le Président, je n'ai pas eu une réponse. La seule réponse que j'ai eue, c'est un refus : Je ne vois pas d'utilité aux lignes directrices. Ce n'est pas possible. Ce n'est pas une réponse logique qui contribue à bonifier l'article que vous avez ramené il y a à peine 48 heures. Les lignes directrices, la proposition et l'amendement de ma collègue députée de Marguerite-Bourgeoys visent à améliorer et à bonifier l'amendement de l'article 6.

Donc, s'il vous plaît, M. le Président, je vais tenter une dernière fois... Les lignes directrices visent une seule chose, c'est aider à accompagner les organismes. Si le ministre refuse aujourd'hui de me répondre, je vais conclure une seule réponse, c'est qu'il refuse d'accompagner les organismes dans la mise en place de la Loi sur la laïcité. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le député. Interventions, M. le ministre?

M. Jolin-Barrette : M. le Président, il ne faudrait pas tirer des conclusions erronées ni hâtives, M. le Président. Ça serait d'ailleurs me prêter des intentions.

M. le Président, le député de Nelligan a dit : Écoutez, à toutes les fois qu'une disposition est adoptée, il y a des lignes directrices. Est-il sûr de cette affirmation-là?

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Nelligan, il vous reste quelques secondes pour répondre.

M. Derraji : Oui, j'ai quelques secondes. O.K. Je ne vais pas jouer ce jeu. Je ne suis pas sûr. Ça ne me dérange pas de dire que je ne suis pas au courant. Vous êtes là avant moi, je l'avoue. Vous connaissez mieux que moi les règles, je n'ai aucun problème avec ça.

Je vous pose la question maintenant sur cet article, sur cette loi. Je n'ai aucun problème à ce que je me trompe par rapport aux anciennes lois. Je suis nouveau. Mais je reviens à cette loi, ce qui m'intéresse, et cet amendement, parce que le raisonnement de dire que toutes les lois étaient accompagnées de lignes directrices, ce n'est pas fort comme réponse. Je reviens à cette loi, parce que ça m'intéresse, l'applicabilité, et ça m'intéresse qu'on accompagne les organismes.

• (21 h 40) •

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le député. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Bon, une chose de dite, M. le Président. Alors, il n'est pas nécessaire, lorsqu'on impose une définition ou qu'on donne un pouvoir, d'avoir des lignes directrices. Ça, c'est le premier aveu qui est fait par le Parti libéral, alors, d'où l'absence de nécessité d'avoir des lignes directrices. Et le fait de ne pas avoir de lignes directrices dans la loi, ça ne signifie pas qu'on n'accompagne pas les gens dans l'application d'une loi. Ça, il faut être très clair. Il ne faut pas faire la corrélation entre les deux, et je sais que le député de Nelligan le sait très bien.

Or là, j'imagine, M. le Président, qu'on s'apprête à voter sur l'amendement proposé par la députée de Marguerite-Bourgeoys, mais, pour que les députés puissent voter, en leur âme et conscience, sur le bien-fondé de l'amendement... et ça fait plusieurs fois que j'essaie de le savoir, M. le Président, ça fait plusieurs fois que je pose la question : Est-ce que, dans la conception des lignes directrices du Parti libéral, il doit y avoir une liste de signes religieux? Oui ou non? Parce qu'on a des versions contradictoires, M. le Président, qu'on ne peut réconcilier.

Là, le leader de l'opposition officielle a décidé d'attribuer quatre membres libéraux à cette commission, et les quatre membres du Parti libéral présents à cette commission ne s'entendent pas entre eux sur l'interprétation...

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, M. le ministre...

M. Derraji : ...les lignes directrices, et on va travailler sur le contenu des lignes directrices.

Le Président (M. Bachand) : Bon. M. le ministre, je vous demande votre collaboration, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, comme le dit toujours la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne, on a besoin de prévisibilité. C'est fondamental. On a besoin de prévisibilité.

Dans un article qui est déposé, on a besoin de prévisibilité. Donc, M. le Président, dans l'amendement qui est proposé par la députée de Marguerite-Bourgeoys, il y a un manque de prévisibilité. J'ai des questions par rapport à l'amendement avant de pouvoir le voter, parce que je veux être bien certain de comprendre, et une de ces questions-là que j'ai, c'est à savoir est-ce qu'on a besoin d'avoir une liste de signes religieux, M. le Président. La députée de Marguerite-Bourgeoys a dit non, la députée de Maurice-Richard a dit oui. La députée de Bourassa-Sauvé, elle ne nous l'a pas dit.

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Oui? Peut-être. Bien, c'était quoi, déjà, la réponse?

Le Président (M. Bachand) : Pouvez-vous terminer, s'il vous plaît, M. le ministre?

M. Jolin-Barrette : Parce que je ne croyais pas avoir saisi la réponse.

Le Président (M. Bachand) : Terminez, M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, j'aimerais ça savoir c'est quoi, la position du Parti libéral, ce sur quoi ils s'entendent, parce qu'il y a une chose que je sais, c'est qu'ils ne s'entendent pas sur comment voter sur le projet de loi n° 21, parce qu'il y en a qui voudraient qu'on adopte la laïcité, il y en a qui ne veulent pas. Il faut réconcilier le caucus, M. le Président.

M. Derraji : M. le Président, je pense que, pour avancer — question de règlement — il y a beaucoup...

Le Président (M. Bachand) : Vous avez raison. D'ailleurs, c'est pour ça que je cède la parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît... pardon, Mme la députée de Maurice-Richard. Pardon.

Mme Montpetit : Bien, moi, écoutez, M. le Président, si le ministre a envie de faire de l'humour alors qu'il s'apprête à passer un bâillon sur la Charte des droits et libertés de la personne, honnêtement, je trouve ça lamentable, je trouve ça déplorable, je trouve ça d'une tristesse infinie. On essaie d'avancer ici, et, s'il veut parler de prévisibilité, là c'est exactement ça, le point, de venir définir. Et, quand il parle du fait qu'il y a des incohérences ou qu'ils ne s'entendent pas, je veux juste lui rappeler encore une fois que son premier ministre, hier, à midi, disait qu'une alliance, c'était un signe religieux, puis, à 14 heures, le ministre ressortait pour dire que ce n'était pas un signe religieux.

Donc, en parlant d'incohérence puis de gens qui ne s'entendent pas, là, je pense qu'il y a une petite discussion avec le premier ministre qui devrait être faite entre le ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion, hein — c'est ça, votre titre? — ...

Le Président (M. Bachand) : C'est tout?

Mme Montpetit : Oui.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Lecours (Les Plaines) : ...bâillon sur la Charte des droits et libertés. C'est ce que j'ai entendu.

Le Président (M. Bachand) : On va continuer. J'entends et j'écoute. Mme la députée de Bourassa-Sauvé...

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Je surveille ça de très près. Alors, Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Oui. Bien...

Mme Montpetit : ...

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît, Mme la députée de Maurice-Richard.

Mme Robitaille : Oui. J'avoue qu'il y a une certaine ironie d'être ici et de discuter d'interdiction de signes religieux et que c'est le ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Intégration qui est...

Mme Montpetit : Et de l'Inclusion.

Mme Robitaille : ...et de l'Inclusion qui est ici quand, en fait, la loi vise à... et l'article 6 vise à interdire à certaines personnes l'accès à certains emplois à cause du port de certains signes religieux. Et l'exercice qu'on fait en ce moment, c'est de circonscrire les conséquences de ça, d'essayer d'établir qui va être visé par cette loi-là, qui va être brimé par cette loi-là.

M. Jolin-Barrette : Il y a...

Mme Robitaille : Bien, je vais...

M. Jolin-Barrette : On prête des intentions au texte de la loi, et ça, ce n'est pas approprié.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, je vous demande de retirer le mot «brimé», s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Je retirerai le mot «brimé».

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Continuez, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Mais je rappellerai qu'en consultations la Commission des droits de la personne, la Fédération des commissions scolaires du Québec — qui représente 49 commissions scolaires — les commissions anglophones, Mes Maclure, Bosset, Me Lampron, la CSQ, la Fédération des femmes du Québec, MM. Bouchard et Taylor, la coalition Québec inclusif — et ce n'est pas exhaustif, cette liste-là — nous ont dit que cette loi aurait des conséquences sur des gens. Ils nous ont dit aussi que cette loi discriminerait certaines personnes, elle exclurait certaines personnes et, oui, qu'elle brimerait les droits de certaines personnes. C'est ces organismes-là qui l'ont dit, ces gens-là qui l'ont dit, des constitutionnalistes aussi.

Et donc ce qu'on essaie de faire ici, c'est essayer de voir quels seront les dommages sur la société québécoise, qui sera touché par la loi, parce que, oui, on va suspendre les chartes, on va suspendre les droits fondamentaux et, bien, justement, c'est important de réfléchir à qui va être visé par cette loi-là. Et c'est en essayant de comprendre cette définition, alambiquée et difficile à interpréter, qu'on essaie de voir les dommages que cette loi-là va avoir sur la communauté québécoise. Alors, ce n'est pas rien, parce que ça va toucher la cohésion de notre société. Et donc, oui, c'est vrai qu'on n'avance pas beaucoup, parce que plus on en parle, plus on est confus, et, moi, ça m'inquiète sérieusement.

Et je pense qu'on ne devrait pas rire. Je vois le député de Saint-Jean qui rit. Bien, moi, je ne rirais pas. Est-ce qu'on pourrait demander au député de Saint-Jean pourquoi il rit, pourquoi il trouve ça drôle?

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît...

Mme Robitaille : Comment il trouve ça drôle que, là, on s'apprête à suspendre des chartes, des droits fondamentaux...

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, je vous demande de ne pas...

Mme Robitaille : Non, qu'il s'exprime.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît, s'il vous plaît...

Mme Robitaille : Non, mais j'aimerais savoir pourquoi monsieur rit, et moi, je ne trouve pas ça drôle.

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît! Ce serait bien de ne pas vous interpeler d'un côté et de l'autre, même si ça arrive régulièrement. Alors, je vous demande de faire très, très, très attention. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, en lien avec l'intervention, là, de la députée de Bourassa-Sauvé, là, je serais curieux de savoir si la députée de Marguerite-Bourgeoys et la députée de Maurice-Richard ainsi que la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne et le député de Jean-Talon ont voté des lois, durant leur mandat, à l'époque où ils étaient au gouvernement, qui faisaient en sorte de déroger aux dispositions des chartes québécoise et canadienne. Est-ce que c'est le cas? Oui ou non, M. le Président?

Le Président (M. Bachand) : J'ai une demande d'intervention du député d'Ungava, mais est-ce qu'il y a des interventions? M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Derraji : M. le Président, c'est quoi, la pertinence de citer des élus qui ne sont pas dans la commission? Mais c'est quoi, le rapport avec ce que...

M. Jolin-Barrette : Non, non, M. le Président...

M. Derraji : Bien, je n'ai pas terminé, je n'ai pas terminé.

M. Jolin-Barrette : ...ça a tout à fait rapport, et je vais expliquer pourquoi ça a un rapport, M. le Président.

M. Derraji : M. le Président, je n'ai pas terminé.

M. Jolin-Barrette : Savez-vous pourquoi? Parce que...

M. Derraji : Je n'ai pas terminé.

Le Président (M. Bachand) : Bien, M. le député, il ne vous reste plus de temps, mais, si vous voulez prendre quelques secondes, s'il vous plaît, c'est tout, parce qu'il ne vous reste plus de temps.

M. Derraji : Mais c'est juste par rapport à la pertinence de l'intervention du ministre à inclure des élus qui ne sont pas membres de la commission. Et il le sait très bien, ils ne peuvent pas répondre. Et il le sait très bien, ils ne peuvent pas intervenir, les deux collègues qu'il est en train de citer. Il doit répondre à ma collègue. Je ne suis pas là pour lui rappeler le règlement.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, mais vous savez que plusieurs personnes citent d'autres collègues qui sont aussi absents de cette commission. M. le député d'Ungava, s'il vous plaît.

M. Lamothe : ...court. Ça fait des dizaines d'heures que j'entends des choses. Puis la députée de Maurice-Richard vient de dire, voilà pas trop longtemps : On essaie de faire avancer les choses. Croyez-vous vraiment ce que vous dites?

Le Président (M. Bachand) : M. le député d'Ungava, ce n'est pas pour un débat ici, là. On est sur un amendement à l'article 6. Alors donc, je vais aller avec M. le ministre.

• (21 h 50) •

M. Jolin-Barrette : Bon. Pour revenir sur l'intervention de la députée de Bourassa-Sauvé, qui dit : Vous allez utiliser la disposition de dérogation prévue aux chartes, hein, la question que je pose, M. le Président, là : Est-ce que le Parti libéral du Québec, dans le cadre du dernier mandat, a eu recours aux dispositions de dérogation? Est-ce que, oui ou non, ils y ont eu recours?

Mme David : ...s'il vous plaît. Le numéro, je m'en fous, là.

M. Jolin-Barrette : La vérité, c'est que, oui, ils y ont eu recours, M. le Président, oui, ils ont voté.

Mme David : M. le Président, j'ai une question de règlement.

Le Président (M. Bachand) : Je vous entends.

Mme David : M. le Président, j'ai une question de règlement, pour la troisième fois.

M. Jolin-Barrette : La députée de Maurice-Richard, à l'époque où elle était députée de Crémazie...

Le Président (M. Bachand) : O.K. Mme la députée...

M. Jolin-Barrette : ...la députée de Marguerite-Bourgeoys, à l'époque où elle était députée d'Outremont, elles ont voté en faveur de projets de loi utilisant la disposition de dérogation.

Le Président (M. Bachand) : O.K. M. le ministre, merci. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

M. Jolin-Barrette : Ayez l'honnêteté de le dire à la population.

Le Président (M. Bachand) : Merci.

M. Jolin-Barrette : Dites-le.

Mme David : L'article 138. J'ai le numéro, M. le Président, si ça peut vous...

Le Président (M. Bachand) : Allez-y, Mme la députée. Je vous regarde. Vous avez la parole. Allez-y. Pardon. Allez-y.

Mme Montpetit : ...

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît! Votre collègue la députée de Marguerite-Bourgeoys a la parole. Mme la députée.

Mme David : Bien, je vais prendre la parole avec plaisir, parce que je trouve que vraiment, là, le ministre prend une stratégie... je ne le sais pas, il aime bien sa stratégie de nous renvoyer des questions à nous. Là, c'est surréaliste. J'espère que c'est un mot parlementaire, là, de dire ça. C'est surréaliste. Alors que lui, il est en train de déposer un projet de loi, est-ce qu'on va refaire l'histoire du Québec, est-ce qu'on va aller dans toutes les ramifications de toutes les lois? Si lui, il trouve correct et bon d'utiliser la disposition de dérogation... C'est comme ça que ça s'appelle. Ce n'est pas la clause dérogatoire. C'est une disposition de dérogation. Vous le savez, que c'est comme ça qu'il faut appeler ça?

Le Président (M. Bachand) : Oui. Non, non, mais ce n'est pas un débat, c'est une question de règlement. Je vous écoute.

Mme David : Bon. Alors, la disposition de dérogation, ce n'est pas une clause dérogatoire. Le vrai vocabulaire, c'est «une disposition de dérogation». Qu'il nous pose la question, je ne comprends pas c'est quoi, la pertinence de ça. Et nous n'avons surtout pas à répondre, et il n'a surtout pas à nous dire : Oui ou non?

Le Président (M. Bachand) : Merci.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, sur la question de règlement.

Le Président (M. Bachand) : Oui, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Je ne vois pas pourquoi la collègue de Marguerite-Bourgeoys n'aurait pas à répondre à cette question-là, aucunement. Et c'est tout à fait pertinent au débat, parce qu'on me prête des intentions et on prête des intentions au gouvernement.

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Oh! que oui, M. le Président. Alors, à partir de ce moment-là, on devrait assumer les choses qu'on a faites lorsqu'on a été au gouvernement. Je comprends que le Parti libéral ne souhaite pas assumer leur bilan. Ça leur appartient.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît, en terminant. Merci. En terminant, M. le ministre.

Une voix : Oui.

Le Président (M. Bachand) : J'ai la députée de Laviolette—Saint-Maurice. S'il vous plaît. Oui.

Mme Tardif : M. le Président, je ne parle pas le latin, mais j'en perds mon latin. Est-ce qu'on peut voter un article... ou un amendement? Où est-ce qu'on est rendus?

Le Président (M. Bachand) : Comme vous savez...

Mme Tardif : Est-ce qu'on peut voter? Merci.

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Comme vous savez, tant qu'il y aura des interventions selon les temps alloués aux membres, la conversation, les discussions vont continuer. Et, comme vous pouvez voir aussi, on s'interpelle alentour de la table. Alors, je demande d'arrêter cette interpellation, monsieur et madame, s'il vous plaît.

Alors donc, interventions sur l'article de la députée de Marguerite-Bourgeoys... l'amendement, pardon? M. le député de Jean-Lesage.

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Mais M. le député de Jean-Lesage a... l'alternance un petit peu, oui. M. le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : J'ai une question, en fait, une question de directive, là. J'ai été un peu surpris par certains échanges qu'on a eus. J'aimerais savoir si on a le droit, comme députés de l'Assemblée nationale, de dire que, selon notre opinion, le projet de loi n° 21 va brimer les droits et libertés de la personne.

Le Président (M. Bachand) : Il faut toujours être très prudent, M. le député. Alors, il y a des organismes, effectivement, qui peuvent avoir des opinions, on peut les citer mais en ayant une grande prudence. On ne peut pas prêter des intentions au gouvernement. Ce sont des intentions, comme vous le savez, qui sont négatives en soi. Donc, c'est toujours la prudence. Et, pour le bien du débat, je crois que c'est de choisir ses mots correctement, tout simplement, M. le député.

M. Zanetti : Parfait. J'ai bien entendu. Donc, je n'ai pas l'intention de prêter des intentions à quiconque, mais je vais quand même maintenir que c'est l'opinion que j'ai de l'impact que ça va avoir, les conséquences, qu'elles soient voulues ou non. Je tiens à le dire quand même. Je pense que c'est important. C'est tout ce que j'avais à dire.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Brièvement. Pour répondre au ministre, je veux juste lui rappeler les consultations qu'on a eues, les avocats qui sont venus parler, entre autres Me Bosset, Mes Maclure, Lampron, et tout ça, qui nous ont dit que, oui, on a dérogé à la clause dérogatoire, mais, dans la très, très, très grande majorité des cas, c'était pour bonifier, c'était pour aider les gens. Ce n'était pas pour retirer des droits et ce n'était pas pour pénaliser qui que ce soit.

Là, on suspend des droits fondamentaux, le droit de vivre sa foi, la liberté de religion. C'est très, très sérieux. Et c'est ça, la grande, grande différence.

Le Président (M. Bachand) : Et je vous rappelle qu'on est sur l'amendement de la députée de Marguerite-Bourgeoys aussi. Allez-y, Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Oui. Et, comme disaient aussi MM. Bouchard et Taylor, on a utilisé la clause dérogatoire dans le cadre de la loi 101, et ils nous ont dit que c'était pour des motifs supérieurs, là, toute la question de l'avenir francophone du Québec était en jeu. Or, ici, il n'y a pas d'urgence, il n'y a pas de menace, et, la clause dérogatoire, on se demande pourquoi il faut poser un geste si grave. Et ce n'est pas banal, là, que de suspendre des droits fondamentaux, ce n'est pas banal que de suspendre nos chartes, et c'est ça qui est troublant.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : C'est tellement intéressant, ce débat-là, M. le Président, tellement intéressant, M. le Président, de se draper dans la vertu avec les commentaires qui sont indiqués ici, alors que deux des membres de la députation libérale autour de la table ont voté en faveur de lois utilisant les dispositions de dérogation dans le cadre de la 41e législature, M. le Président.

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre...

M. Jolin-Barrette : Non, non, non. Non, je suis sur les propos de la collègue de Marguerite-Bourgeoys.

M. Derraji : Ça n'a rien à voir.

M. Jolin-Barrette : Même la vice-première ministre a voté en faveur...

Des voix : ...

M. Jolin-Barrette : M. le Président...

M. Derraji : Tu sais que ça n'a rien à voir. Peux-tu les oublier et nous regarder, nous, les quatre, en face, là?

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît! Je vous demanderais votre collaboration habituelle. M. le député de Nelligan, Mme la députée de Maurice-Richard, M. le ministre, s'il vous plaît!

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Non. M. le ministre, je vous demanderais votre collaboration, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : ...

Le Président (M. Bachand) : O.K. M. le ministre, s'il vous plaît, j'ai la parole. Alors, je vous demande votre collaboration — le temps avance — alors, premièrement, d'y aller un membre à la fois pour que tout le monde puisse entendre les propos hyperintéressants de l'autre et hypercrédibles de l'autre — alors, ça, j'apprécierais beaucoup — et de faire attention, bien sûr, aux interpellations entre vous autres, des deux côtés de la table, et aux mots choisis. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Bon, soyons factuels. Dans un premier temps, M. le Président, lorsque la députée de Bourassa-Sauvé réfère aux gens qui sont venus en commission parlementaire, premier élément... M. Maclure n'est pas membre du Barreau, O.K.? Donc, lorsqu'on cite Me Maclure, je ne voudrais pas que Me Maclure ait des problèmes avec le Barreau. Premier élément.

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Non, mais dans un souci de... hein, je ne veux pas attirer de troubles.

Mme David : Même moi, je suis rendue comme ça, imaginez.

M. Jolin-Barrette : Deuxième élément, M. le Président, pourquoi est-ce qu'on utilise les dispositions de dérogation dans le cadre du projet de loi sur la laïcité? M. le Président, c'est un principe de souveraineté parlementaire. Il en revient aux élus de l'Assemblée nationale de déterminer selon quel rapport les relations entre l'État et les religions vont s'organiser.

À écouter les collègues du Parti libéral, là, l'utilisation de la disposition de dérogation est impossible, ne devrait pas être utilisée. Or, M. le Président, les dispositions de dérogation ont été utilisées à titre préventif à plus d'une centaine de reprises par des gouvernements successifs libéraux et péquistes, M. le Président. Alors, on a bien beau, M. le Président, du côté du Parti libéral, déchirer notre chemise, faire des crescendos linguistiques, argumentatifs, M. le Président, ça ne tient pas la route, parce que, lorsqu'ils sont au gouvernement, M. le Président, ils utilisent les dispositions de dérogation. Et ce qu'il faut faire, M. le Président, c'est réaliser à quel point la laïcité doit constituer une valeur fondamentale de la société québécoise. Elle sera inscrite dans la Charte des droits et libertés de la personne, M. le Président, la laïcité, et ce concept important de la séparation entre l'État et les religions.

Et savez-vous quoi, M. le Président? Le Parti libéral, et notamment la députée de Maurice-Richard, a dit tout à l'heure : Nous, on a fait voter le projet de loi n° 62 pour faire en sorte que les services publics soient donnés à visage découvert et reçus à visage découvert. Savez-vous quoi, M. le Président? Cet article-là n'est pas en force de loi. M. le Président, ne pensez-vous pas qu'au Québec on devrait faire en sorte que les services publics soient donnés et reçus à visage découvert? Moi, je pense que oui. Et je pense même que la députée de Maurice-Richard est d'accord avec ça. Comment est-ce qu'on va réussir à faire ça? C'est en utilisant la disposition de dérogation pour faire en sorte que ça soit l'Assemblée nationale du Québec qui décide comment s'exercent ces rapports-là.

Alors, lorsqu'on fait un procès d'intention, M. le Président, au gouvernement sur l'utilisation des dispositions de dérogation, on devrait peut-être regarder dans l'histoire ce que nous avons fait, comme gouvernement. Je sais que la députée de Marguerite-Bourgeoys ne souhaite pas regarder le passé, parce que c'est douloureux aussi, la façon dont le Parti libéral a traité les citoyens québécois en fonction de toutes les coupures qu'ils ont effectuées sur les services à la population, mais ça, c'est un autre dossier, M. le Président.

• (22 heures) •

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, nous sommes sur le projet de loi n° 21. Mme la députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît, vous avez la parole.

Mme Montpetit : Bien, moi, je trouve ça très malheureux. Puis je tiens vraiment à le souligner, M. le Président, je trouve ça très malheureux qu'à une demi-heure de la fin de nos travaux, pour un ministre qui nous dit qu'il veut avancer et qui se met à faire des longs laïus qui n'ont rien à voir avec l'amendement qui a été déposé par ma collègue la députée de Marguerite-Bourgeoys, à une demi-heure d'un possible bâillon sur les droits fondamentaux, on est en train de faire des envolées lyriques. Et je comprends qu'il se sent très attaqué, le ministre, et qu'il se met en mode attaque et qu'il nous répond comme ça.

Moi, j'ai appris une jolie expression, ce soir, du collègue de Jean-Lesage, qui s'appelait «une entrave au dialogue», et je ne peux que le resouligner parce que c'est exactement ce que fait le ministre. Puis c'est dommage parce que ça ne nous permet pas du tout, du tout, du tout d'avancer sur la proposition qui a été faite par ma collègue et qui nous permettrait de venir circonscrire davantage ce qu'est un signe religieux, qui nous permettrait que cette loi soit un petit peu plus applicable qu'elle l'est et qui permettrait, entre autres, au premier ministre du Québec de savoir où est-ce que son ministre s'en va quand il parle d'interdiction de signes religieux.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Pour compléter, et en lien avec ce que la députée de Bourassa-Sauvé nous a enseigné tout à l'heure. Elle dit : Ça prend une situation d'urgence pour invoquer la disposition de dérogation. Faux. Ce n'est pas les enseignements de la Cour suprême dans l'arrêt Ford, M. le Président, puis ce n'est aucunement les enseignements de la Cour suprême. Alors, peut-être que la députée de Bourassa-Sauvé veut corriger ce qu'elle a dit et renseigner adéquatement la population qui nous écoute. Je pense que c'est fort important.

Alors, M. le Président, j'ai demandé, avant qu'on puisse voter sur les lignes directrices, à savoir qu'est-ce que devrait contenir ces lignes directrices, et aucun membre du Parti libéral n'a été capable de me répondre à ce qu'il devait y avoir dans ces lignes directrices. J'ai demandé une question toute simple, M. le Président, toute simple.

Mme Montpetit : M. le Président, rappel au règlement.

M. Jolin-Barrette : Je suis sur l'amendement, là, je suis sur l'amendement.

Le Président (M. Bachand) : Oui, Mme la députée de Maurice-Richard, s'il vous plaît.

Mme Montpetit : Ce que dit le ministre est faux, et il le sait très bien. Ma collègue, quand elle a déposé son amendement, elle lui a expliqué en long et en large ce qu'étaient des lignes directrices. Je comprends qu'il ne veut pas le comprendre, qu'il ne veut pas l'entendre, mais ça a été expliqué très, très clairement. Et je comprends qu'il ne veut pas en disposer. Ça lui appartient. Mais qu'il ne nous fasse pas dire des choses qu'on n'a pas dites, par contre.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, je ne fais pas dire des choses qui n'ont pas été dites. Elles n'ont pas été dites, ces choses-là. Alors, moi, je demande de la clarté, je demande des propos cohérents. Je demande surtout, surtout que, lorsqu'on présente un amendement, on puisse l'expliquer aux membres de cette commission-là.

J'essaie de poser des questions, M. le Président, pour comprendre l'intention des députés quand ils déposent un amendement, puis on me dit : Vous êtes ministre, vous ne pouvez pas poser de question. Bien là, M. le Président, je veux bien, mais ce n'est même pas mon amendement à moi. Il faut bien que je comprenne ce qui est dans l'amendement. Mais le refus de dialoguer, M. le Président, il n'est pas de ce côté-ci de la Chambre...

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, M. le ministre...

M. Jolin-Barrette : ...il est plutôt de l'autre côté, M. le Président. Je suis en mode dialogue.

Mme Montpetit : ...facile, maternelle.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Je suis en mode recherche de solution, je suis en mode conversation...

Le Président (M. Bachand) : C'est tout, M. le ministre. Merci.

M. Jolin-Barrette : ...et on refuse d'entrer dans cette relation bilatérale et multilatérale, d'ailleurs.

Le Président (M. Bachand) : Alors, cela dit, cela dit, autres interventions sur l'amendement de la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît?

M. Jolin-Barrette : M. le Président, puisqu'on me refuse des explications, je demande la mise aux voix.

Le Président (M. Bachand) : Interventions?

Mme Montpetit : Je voudrais compléter et je voudrais réitérer, parce que ce n'est pas vrai qu'on va finir sur ce genre d'interventions là, qui sont... je ne le dirai pas, parce que ça doit certainement être à l'index puis qu'on ne finira pas la soirée avec ça, mais il sait très bien que ma collègue de Marguerite-Bourgeoys lui a expliqué ce qu'étaient des lignes directrices.

Je présume que, comme ministre, s'il ne sait pas c'est quoi, des lignes directrices, puis qu'il ne l'a pas compris après qu'elle lui ait expliqué, bien, c'est un peu dommage. Et je vais dire une chose au ministre que je lui déjà dite et que j'aurai certainement l'occasion de lui redire à plusieurs reprises : ce n'est pas parce qu'il répète quelque chose plusieurs fois que ça devient une vérité. Donc, il sait très bien que ça lui a été expliqué. Puis, après ça, s'il ne veut pas disposer de l'amendement, ça lui appartient.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions sur l'amendement? M. le député... M. le ministre. Pardon.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, tout à l'heure, la députée de Bourassa-Sauvé et la députée de Maurice-Richard ont fait la nomenclature des avocats qui sont venus... ou des témoins qui sont venus en commission parlementaire pour dire qu'ils n'étaient pas d'accord avec le projet de loi. Or, elles ont oublié de citer, M. le Président, toutes les personnes qui sont venues en commission parlementaire et qui sont favorables.

Alors, vous savez, M. le Président, lorsqu'on souhaite renseigner les parlementaires de cette commission, il faut quand même faire la part des choses et souligner également toutes les personnes qui sont en faveur du projet de loi et tous les avocats qui sont en faveur. D'ailleurs, il y a eu une lettre ouverte dans Le Devoir, M. le Président : Jocelyn Beaudoin, avocat; Anne-Marie Bilodeau, juriste; Henry Brun, avocat et professeur de droit; Nicolas Bucci, avocat; Pierre Chagnon, avocat émérite, ancien bâtonnier du Québec; Pierre Cloutier, avocat à la retraite; Julien Corona, juriste et candidat à la maîtrise en droit; Lulu Cornellier, avocate; François Côté, avocat, chargé de cours, chercheur en droit et candidat au doctorat en droit; Raphaël Déry; Lionel Alain Dupuis, ambassadeur canadien à la retraite; Aude Exertier, avocate; Dominique Goudreault; Guylaine Henri; Nadine Koussa; Sylvain Lemyre; Gabriel Lemieux; Pascal Ouellet; Virginie Paquet; Nicolas Proulx — voyez-vous, il y a plus... — Guy Tremblay, avocat et professeur de droit; Julien Valois-Francoeur; Simon Vincent. Tous des juristes qui sont en faveur du projet de loi et qui, eux, demandent l'utilisation de la disposition de dérogation.

Alors, M. le Président, j'aurais apprécié que les collègues, lorsqu'elles plaidaient leurs arguments, fassent état vraiment des consultations que nous avons eu l'occasion d'entendre et d'expliquer aussi le contenu des mémoires, qu'ils soient positifs ou négatifs, lorsqu'on se réfère aux travaux de la commission.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : C'est quand même formidable, M. le Président, de voir qu'à chaque intervention on distorsionne complètement nos propos. J'ai posé une question qui était superclaire tout à l'heure au ministre. Je lui demandé quel groupe, quel constitutionnaliste, quel juriste est venu, lors des consultations, dire : On est heureux de l'absence de définition de «signe religieux» dans la loi. C'est la question que je lui ai demandée. Je n'ai pas parlé de l'ensemble du projet de loi, j'ai parlé de l'absence de définition du terme «signe religieux», ce qui nous occupe présentement, l'article 6, l'amendement qui est déposé par ma collègue et ce que je lui ai cité. Puis là on peut en faire, des listes, parce qu'il y a autant de gens qui sont contre. Puis moi, je n'ai pas eu de réponse à cette question-là. Ce que je lui ai dit par contre... des gens qui sont venus dire que c'était complètement farfelu, inapplicable, discriminatoire, et une panoplie de termes comme ça, et tous les problèmes que ça allait poser. Le Conseil du statut de la femme, la ville de Montréal, la Fédération des commissions scolaires, Pierre Bosset... il y en a un et un autre, et l'ONU, encore, il y a deux semaines, qui nous rappelait à quel point ça allait être problématique, le fait que ce ne soit pas défini.

Et j'ajoute à ça que, pour un ministre qui est pressé de voter sur un amendement, je trouve qu'il a beaucoup de choses à dire. Et ça nous permettrait d'avancer, qu'on puisse voter sur ledit amendement qui a été déposé par ma collègue.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, la députée de Maurice-Richard vient de dire que je suis pressé de voter sur l'amendement. Alors, c'est elle qui souhaite elle-même le voter. Bien là, j'ai de la misère à suivre, M. le Président. Mais qu'est-ce que la mairesse de Montréal déjà est venue dire en commission parlementaire? Je serais curieux que la députée de Maurice-Richard me rafraîchisse la mémoire. Lorsqu'elle a entendu la mairesse de Montréal venir témoigner dans le cadre des auditions du projet de loi n° 21, qu'est-ce qu'elle a dit déjà? Pas ce qui est écrit dans le mémoire. Qu'est-ce qu'elle a dit?

Mme Montpetit : Ah! c'est dommage que le ministre n'écoute pas, parce que je lui ai tout lu ça tout à l'heure, hein, qu'est-ce que je lui ai dit. Qu'en tant qu'employeur elle était inquiète du fait que ça allait être difficile de recruter, que c'était inapplicable, que ça bafouait des chartes, que l'absence de signes religieux était problématique.

On peut reprendre la discussion du départ ou on peut continuer d'avancer, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui, reprenons-la. Qu'est-ce que la mairesse de Montréal a dit par rapport à son corps de police?

Mme Montpetit : M. le ministre, on est sur le sous-amendement.

M. Jolin-Barrette : Non, non, non, qu'est-ce qu'elle a dit? Qu'est-ce qu'elle a dit?

Mme Montpetit : Je sais que vous vous amusez, là, je veux dire, on essaie de s'éparpiller un petit peu partout, là.

M. Jolin-Barrette : Non, non, on ne s'éparpille pas, là, parce que ça touche directement les lignes directrices.

Mme Montpetit : Moi, j'essaie de faire avancer votre projet de loi.

• (22 h 10) •

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre...

M. Jolin-Barrette : Ça touche directement ce que vous proposez.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre...

Mme Montpetit : On a un sous-amendement qui est sur la table. Est-ce qu'on peut continuer d'avancer en ce sens-là?

M. Jolin-Barrette : M. le Président...

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît!

M. Jolin-Barrette : ...la députée de Maurice-Richard refuse de collaborer aux travaux et de...

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, je vous rappelle à l'ordre. M. le ministre, je vous rappelle à l'ordre. S'il vous plaît! O.K. Mme la députée de Maurice-Richard, avez-vous terminé?

Mme Montpetit : Moi, j'avais terminé mon intervention. Je lui ai dit tout ce que j'avais à dire sur le sous-amendement en question.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Alors, une personne à la fois. Ça va bien aller. Merci. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Jolin-Barrette : Moi, je suis prêt à voter, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement de la députée de Marguerite-Bourgeoys? S'il n'y a pas d'autre amendement, nous allons le mettre aux voix. Est-ce que l'amendement est adopté?

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Appel nominal. Mme la secrétaire, s'il vous plaît.

La Secrétaire : Pour, contre, abstention. Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?

Mme David : Pour.

La Secrétaire : M. Derraji (Nelligan)?

M. Derraji : Pour.

La Secrétaire : Mme Montpetit (Maurice-Richard)?

Mme Montpetit : Pour.

La Secrétaire : Mme Robitaille (Bourassa-Sauvé)?

Mme Robitaille : Pour.

La Secrétaire : M. Jolin-Barrette (Borduas)?

M. Jolin-Barrette : Contre.

La Secrétaire : M. Lévesque (Chapleau)?

M. Lévesque (Chapleau) : Contre.

La Secrétaire : Mme Lecours (Les Plaines)?

Mme Lecours (Les Plaines) : Contre.

La Secrétaire : Mme Lachance (Bellechasse)?

Mme Lachance : Contre.

La Secrétaire : M. Lemieux (Saint-Jean)?

M. Lemieux : Contre.

La Secrétaire : M. Jacques (Mégantic)?

M. Jacques : Contre.

La Secrétaire : Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice)?

Mme Tardif : Contre.

La Secrétaire : M. Lamothe (Ungava)?

M. Lamothe : Contre.

La Secrétaire : M. Zanetti (Jean-Lesage)?

M. Zanetti : Abstention.

La Secrétaire : M. Bachand (Richmond)?

Le Président (M. Bachand) : Abstention. Donc l'amendement est rejeté. On retourne maintenant à l'article 6 pour discussion... l'article 6 tel qu'amendé.

M. Jolin-Barrette : On est prêts à voter, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Interventions sur l'article 6 tel qu'amendé?

M. Jolin-Barrette : On demande le vote, M. le Président.

Mme David : ...le député de Jean-Lesage.

Le Président (M. Bachand) : Interventions, oui.

M. Jolin-Barrette : On demande le vote. Moi, je suis prêt à passer au vote.

Le Président (M. Bachand) : Il y a des interventions, monsieur...

Des voix : ...

M. Zanetti : Moi, j'aurais un amendement à proposer.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.

M. Zanetti : L'objectif est un peu le même, mais on s'y reprend d'une autre façon, d'une façon qui peut-être, cette fois-ci, sera considérée acceptable et recevable davantage pour les députés du gouvernement.

Je pense que l'avantage de ce nouvel amendement est qu'il aidera énormément la désignation de la personne qui devra juger de ce qu'est un symbole religieux dans des cas particuliers. Ça va l'aider parce que ça va référer à une personne précise puis en même temps ça va référer à une personne qui, disons, ne pourra pas vraiment commettre d'injustice. Et l'amendement se lit comme suit... Au fait, il s'agit de : À l'article 6, on ajoute, dans son deuxième alinéa, le paragraphe suivant :

«Le critère du premier paragraphe a préséance sur le critère du deuxième paragraphe.»

Le Président (M. Bachand) : Un instant, M. le député. Je vous reviens.

(Consultation)

Le Président (M. Bachand) : Je vais suspendre quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 22 h 13)

(Reprise à 22 h 25)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. Je vous inviterais, s'il vous plaît, à prendre siège. Petite question de procédure. Concernant le désir que...

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît! Merci. Concernant l'amendement que le député de Jean-Lesage voulait déposer et qu'il nous a lu, je ne peux pas l'accepter, parce qu'il vient modifier, amender un article qui est déjà amendé et on ne le peut pas. Donc, je le refuse. Mais le député de Jean-Lesage m'a indiqué qu'il aurait un nouvel amendement. Donc, je vous invite à en faire la lecture, s'il vous plaît.

M. Zanetti : Oui. Je vous remercie. Alors, le nouvel amendement se lit comme suit...

Le Président (M. Bachand) : ...présentement. Pardon.

M. Zanetti : Oui.

Le Président (M. Bachand) : C'est ça.

M. Zanetti : Ajouter à l'article 6 l'alinéa suivant :

«Le critère du premier paragraphe a préséance sur le critère du deuxième paragraphe.»

Le Président (M. Bachand) : ...l'amendement du député de Jean-Lesage? Oui, M. le député. Allez-y, oui.

M. Zanetti : Bien, l'objectif, quand on regarde l'article 6, c'est que ça vient s'ajouter, au fond, à la suite de la définition du signe religieux, qui est l'objet de nos discussions depuis quelques heures.

Cet article-là dit : «Au sens du présent article, est un signe religieux tout objet, notamment un vêtement, un symbole, un bijou, une parure, un accessoire ou un couvre-chef qui est :

«1° soit porté en lien avec une conviction ou une croyance religieuse — donc, ça, c'est le premier paragraphe;

«2° soit raisonnablement considéré comme référant à une appartenance religieuse.»

Alors, dans les cas qui arriveront où il y aurait une contradiction entre les deux paragraphes, c'est-à-dire que la personne raisonnable considère que ça réfère à une appartenance religieuse mais la personne qui le porte ne le porte pas en lien avec une conviction ou une croyance religieuse... donc, dans les cas où il y aura une contradiction entre les deux, ce qu'on vient ajouter, c'est : «Le critère du premier paragraphe a préséance sur le critère du deuxième paragraphe.»

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le député de Jean-Lesage. Interventions? M. le ministre.

Question de règlement sur la recevabilité d'un amendement

M. Jolin-Barrette : M. le Président, ça dénature l'article. On a deux critères. Le premier critère, c'est un critère qui est subjectif, et le deuxième critère, c'est un critère objectif. Ce que le député de Jean-Lesage vient faire, c'est rendre les deux critères subjectifs. Ce n'est pas des critères cumulatifs, c'est des critères alternatifs. Je l'ai expliqué en long et en large depuis au moins huit, neuf heures. Honnêtement, si le député de Jean-Lesage n'a pas compris à ce stade-ci comment fonctionnait la mécanique, je me demande, M. le Président, je me demande si ce n'est pas volontaire, le fait de ne pas vouloir comprendre la mécanique de l'article.

Le Président (M. Bachand) : O.K. J'ai M. le député de Chapleau...

M. Lévesque (Chapleau) : ...sur l'amendement, là, que...

Le Président (M. Bachand) : Intervention, oui.

M. Lévesque (Chapleau) : ...un peu pour renchérir sur ce que le ministre disait, sur son irrecevabilité. D'ailleurs, ça rendrait, dans le fond, l'article 6 inapplicable et fort probablement inopérant. Donc, j'aimerais, là, que ça soit retiré et que ça soit irrecevable.

Le Président (M. Bachand) : Interventions sur l'intervention de M. le député de Chapleau? M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.

M. Zanetti : Mais je pense que la présidence a déjà posé le jugement selon quoi l'amendement était recevable. C'est pour ça qu'on est en train d'en discuter. Et il ne rend pas la définition inapplicable. Au contraire, elle corrige son inapplicabilité actuelle.

Pourquoi est-ce qu'en ce moment il y a une inapplicabilité et un problème sérieux dans l'application? C'est parce qu'il va y avoir, à un moment donné, une contradiction entre ce que va expérimenter, vivre... ce qui va être la réalité de la personne qui porte un signe qui n'est pas en lien avec une conviction religieuse et, fort vraisemblablement, le jugement d'une personne raisonnable, parce qu'on sait que le jugement de la personne raisonnable, il n'est pas toujours pareil, dépendamment de la personne qui est raisonnable. Alors, étant donné que les personnes raisonnables ne diront pas toutes... ne penseront pas toutes la même chose de ce qu'est un signe religieux considéré comme référant à une appartenance religieuse, il y aura nécessairement, à un moment donné, une contradiction. Et, dans la façon dont est faite, disons, la définition en ce moment, c'est que le paragraphe 2° a toujours préséance sur le paragraphe 1°.

• (22 h 30) •

Je comprends très bien l'argument du ministre, qui dit : Ce n'est pas cumulatif, etc. Mais, ne clarifiant pas la préséance, ce qu'il nous dit, c'est : Dans le fond, c'est le critère le plus restrictif des deux qui va s'appliquer. Et je comprends très, très bien la mécanique. Et ça peut être l'intention du gouvernement, c'est possible, mais en même temps ça va amener des problèmes parce que ça va amener des moments où peut-être quelqu'un se verra interdire le port de quelque chose qui n'est pas en lien avec une conviction, qui n'est pas en lien avec une croyance religieuse, et, à ce moment-là, on causera une injustice. Le projet de loi actuel causerait une injustice. Alors, moi, ce que je propose, c'est une façon de rendre le projet de loi applicable sans commettre d'injustice.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député. Juste pour être clair sur le... la présidence a accepté l'amendement mais ne s'est pas prononcée sur sa recevabilité.

Cela dit, compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux sine die. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 22 h 31)

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