Journal des débats (Hansard) of the Committee on Culture and Education
Version préliminaire
42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Thursday, September 23, 2021
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Vol. 45 N° 94
Special consultations and public hearings on Bill 96, An Act respecting French, the official and common language of Québec
Aller directement au contenu du Journal des débats
Intervenants par tranches d'heure
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Thériault, Lise
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Jolin-Barrette, Simon
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Skeete, Christopher
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David, Hélène
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Birnbaum, David
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Birnbaum, David
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Thériault, Lise
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Ghazal, Ruba
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Bérubé, Pascal
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Jolin-Barrette, Simon
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Jolin-Barrette, Simon
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Thériault, Lise
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Lemieux, Louis
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Lévesque, Mathieu
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David, Hélène
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Birnbaum, David
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Ghazal, Ruba
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Bérubé, Pascal
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Thériault, Lise
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Jolin-Barrette, Simon
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Skeete, Christopher
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David, Hélène
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Thériault, Lise
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David, Hélène
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Ghazal, Ruba
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Bérubé, Pascal
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Thériault, Lise
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Jolin-Barrette, Simon
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Lemieux, Louis
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David, Hélène
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Barrette, Gaétan
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Ghazal, Ruba
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Ghazal, Ruba
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Thériault, Lise
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Bérubé, Pascal
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Jolin-Barrette, Simon
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Jolin-Barrette, Simon
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Thériault, Lise
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Lemieux, Louis
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David, Hélène
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Birnbaum, David
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Barrette, Gaétan
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Ghazal, Ruba
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Bérubé, Pascal
11 h (version révisée)
(Onze heures vingt-quatre minutes)
La Présidente (Mme Thériault) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte.
La commission est réunie afin de
poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi n° 96, Loi sur la langue
officielle et commune du Québec, le français.
M. le secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
Le Secrétaire
: Oui,
Mme la Présidente. Mme IsaBelle (Huntingdon) est remplacée par M. Lévesque
(Chapleau); Mme Rizqy (Saint-Laurent) est remplacée par M. Barrette
(La Pinière); Mme St-Pierre (Acadie) est remplacée par M. Birnbaum
(D'Arcy-McGee); Mme Dorion (Taschereau) est remplacée par Mme Ghazal
(Mercier); et Mme Hivon (Joliette) est remplacée par M. Bérubé
(Matane-Matapédia).
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Merci. Donc, ce matin, nous entendrons les témoins suivants : l'Association
des commissions scolaires anglophones du Québec, ils sont avec nous au
Parlement, ainsi que M. André Binette qui, lui, sera en visioconférence.
Donc, sans plus tarder, je vais souhaiter
la bienvenue aux représentants de l'Association des commissions scolaires
anglophones du Québec. Je vais vous inviter à vous présenter et procéder à
votre exposé d'une durée d'environ 10 minutes. Allez-y.
M. Lamoureux (Dan) : O.K.
Merci beaucoup. Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés,
merci d'avoir accepté de nous recevoir sur le projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français.
Je suis Dan Lamoureux, président de l'Association des commissions scolaires
anglophones du Québec, et je suis accompagné de Russell Copeman, notre directeur
général.
The members school boards
at the Quebec English School Boards, QESBA, serves some 100,000
students in roughly 330 elementary, high schools, adult, and vocational centers
throughout Québec. We have English schools from Chibougamau in the North, to Franklin near the US border in the South, and from
Témiscamingue in the West to l'Îles-de-la-Madeleine in the East.
Our comments on Bill 96
cover two broad things : those related directly to the education
provisions of the bill and those which are more generally of concern to the
English-speaking community of Québec, in which school boards play a major role.
But, first, some general observations.
M. Copeman (Russell) : Nous
avons compris depuis longtemps que l'une de nos grandes responsabilités
consiste à préparer nos élèves de manière adéquate pour vivre et travailler au
Québec. Les commissions scolaires anglophones du Québec ont été les pionniers
de l'enseignement de la langue seconde au Canada. L'immersion en français, très
répandue dans nos écoles, fut développée et d'abord introduite dans la
commission scolaire South Shore Protestant Regional School Board, au milieu des
années 1960. Plus de 50 ans plus tard, la majorité de nos élèves sont
inscrits dans une forme quelconque de programme intensif de français langue
seconde, et plusieurs commissions scolaires comptent des élèves qui réussissent
les cours de français langue maternelle au secondaire. Tous ceux qui sont diplômés
des écoles secondaires anglophones québécoises sont considérés, par le
gouvernement du Québec, d'avoir une <connaissance...
M. Copeman (Russell) :
...
dans une forme quelconque de programme intensif de français langue
seconde, et plusieurs commissions scolaires comptent des élèves qui réussissent
les cours de français langue maternelle au secondaire. Tous ceux qui sont
diplômés des écoles secondaires anglophones québécoises sont considérés, par le
gouvernement du Québec, d'avoir une >connaissance adéquate du français
parlé et écrit.
Le projet de loi n° 96 représente une
révision majeure de la Charte de la langue française et du régime linguistique
qui en résulte. Si l'intention du gouvernement du Québec était de contribuer au
renforcement des valeurs communes des Québécois en actualisant la Charte de la
langue française, le projet de loi n° 96 n'a pas
réussi à le faire. Des sondages d'opinion démontrent une profonde division,
pardon, de l'appui envers ce projet de loi chez les Québécois d'expression
française et anglaise. Nous avons connu de nombreuses années de ce qui est
qualifié de «paix linguistique» au Québec. Le projet de loi n° 96, de même
que d'autres mesures législatives récentes ont beaucoup divisé les Québécois et
fragilisé cette paix linguistique. Une telle situation ne favorise ni une
appréciation mutuelle ni le renforcement des valeurs communes du Québec.
En matière d'admissibilité à l'enseignement
en anglais, le projet de loi n° 96 modifie la Charte de la langue
française en la durée des autorisations temporaires de recevoir l'enseignement
en anglais. Le projet de loi propose que l'autorisation d'admissibilité d'un
enfant à charge d'un ressortissant étranger qui séjourne au Québec de façon
temporaire est valide pour une période de trois ans et ne peut être renouvelée.
Il s'agit là d'un changement majeur. À l'heure actuelle, bien que les
autorisations d'admissibilité temporaire soient valides pour trois ans, elles
peuvent être renouvelées à condition que le statut, au Québec, des parents ou
de l'étudiant ne change pas. Le nombre d'élèves qui fréquentent les écoles
anglophones en vertu d'une autorisation d'admissibilité temporaire représente
un très faible pourcentage des élèves dans les écoles publiques au Québec.
• (11 h 30) •
L'ACSAQ a demandé à nos neuf commissions
scolaires membres le nombre d'élèves inscrits durant la dernière année scolaire
en vertu d'une autorisation d'admissibilité temporaire. Le total d'élèves
inscrits dans les écoles publiques anglophones en vertu de ces autorisations
temporaires au cours de la dernière année scolaire se chiffrait à 4 108.
Or, de ce nombre, 926 s'avéraient des exemptions temporaires pour les membres
des forces armées canadiennes, et non, par définition, de ressortissants
étrangers. Ainsi, le nombre d'étudiants étrangers fréquentant les écoles
publiques anglophones l'an dernier était seulement 3 182. Ce chiffre ne représente
que 0,33 % des effectifs scolaires au Québec, mais donne un
peu d'oxygène à notre système scolaire, dont les effectifs scolaires ont été
réduits de 60 % depuis 1975. Cette nouvelle restriction qui limite
la durée des autorisations d'admissibilité temporaire entraînera
certainement...
11 h 30 (version révisée)
M. Copeman (Russell) : ...des effectifs
scolaires au Québec, mais donne un peu d'oxygène à notre système scolaire, dont
les effectifs scolaires ont été réduits de 60 % depuis 1975. Cette
nouvelle restriction qui limite la durée des autorisations d'admissibilité
temporaire entraînera certainement une diminution des inscriptions dans notre
réseau.
De
plus, elle peut avoir une incidence négative sur la capacité d'attirer les
ressortissants étrangers qui peuvent souhaiter que leurs enfants fréquentent
une école anglophone pendant leur séjour temporaire au Québec.
Étant
donné le nombre relativement faible d'élèves touchés, étant donné que ces
autorisations d'admissibilité temporaire ne confèrent aucun droit acquis de
fréquenter une école anglophone de façon permanente, étant donné que les élèves
étrangers inscrits dans les écoles anglophones reçoivent un excellent
enseignement du français, la proposition du projet de loi n° 96 de limiter
à un maximum de trois ans les autorisations d'admissibilité temporaire à
l'enseignement en anglais des ressortissants étrangers semble être une solution
à la recherche d'un problème.
S'il
est important pour le Québec d'être compétitif pour attirer des ressortissants
étrangers possédant des talents spécifiques vers le Québec, sur une base
temporaire et pour toutes les raisons exposées ci-haut, cette mesure ne doit
pas être adoptée.
L'ACSAQ
recommande que cette modification soit retirée du projet de loi et qu'elle
laisse ouverte la possibilité de renouveler les autorisations d'admissibilité
temporaire à l'enseignement en anglais pour la durée complète des séjours
temporaires.
La
Charte de la langue française établit les exigences en matière de langue de communication
de l'administration publique. En ce qui concerne les commissions scolaires,
elle établit les circonstances selon lesquelles le français et l'anglais
peuvent être utilisés et quand l'anglais peut être utilisé seul, par exemple,
dans nos communications d'ordre pédagogique.
Il
n'est pas très clair si le projet de loi n° 96
modifie les exigences pour les commissions scolaires en matière de langue de
communication avec les personnes morales telles les entreprises, les
associations et nos partenaires communautaires. Des précisions à cet égard
seraient bienvenues.
Les
Québécois sont fiers, à juste titre, de notre Charte des droits et libertés de
la personne, qui est progressive, complète, innovatrice.
Or,
de notre avis et de celui de plusieurs juristes, la suspension de ces droits
fondamentaux doit se faire avec prudence et prévoir un champ d'application
limité.
Le
projet de loi n° 96 incorpore les dispositions de dérogation québécoises
et fédérales dans les chartes des droits et libertés directement dans la Charte
de la langue française et les applique à tous les articles de cette charte. Le
recours global et préventif aux dispositions de dérogation mettra tous les
articles de la Charte de la langue française à l'abri de contestations
judiciaires en vertu des chartes des droits. La <raison...
M. Copeman (Russell) : ...
française et les applique à tous les articles de cette charte. Le recours
global et préventif aux dispositions de dérogation mettra tous les articles de
la Charte de la langue française à l'abri de contestations judiciaires en vertu
des chartes des droits. La >raison d'invoquer les dispositions de
dérogation pour chacune des dispositions du projet de loi n° 96 et
consemment... conséquemment, pardon, la totalité de la Charte de la langue
française, n'a pas été clairement expliquée. Cette mesure prive tous les
Québécois et Québécoises de la protection de nos droits fondamentaux.
L'ACSAQ maintient que les
articles 118, 199 et 200, invoquant les dispositions de dérogation dans la
charte québécoise des droits et libertés de la personne et de la Charte
canadienne des droits et libertés soient retirés du projet de loi.
M. Lamoureux (Dan) : We have presented you... We have presented to you the main thrust
of our brief, those more specific to education, however, we have outlined other
issues in more detail in our written submission.
The Québec English School
Boards Association believes in the need to promote and protect the French language
in Québec and indeed throughout Canada. We are the pioneers of French emersion.
We ensure the success in French for all our students and prepare them to live
and work in Québec with pride. But that protection and promotion of the French
language should not be done by setting aside the fundamental rights of Quebeckers or by potentially infringing on our constitutional
rights.
Tel que nous avons
exposé dans notre mémoire, le projet de loi n° 96 doit être modifié.
Nous serons maintenant heureux de répondre
à toutes vos questions ou à vos commentaires. Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci beaucoup. Donc, avant de céder la parole au ministre, je veux tout
simplement souligner le fait que M. Russ Copeman a été député de
Notre-Dame-de-Grâce, ici, au parlement, aussi. On reçoit beaucoup de députés,
ces temps-ci, donc je voulais souligner votre présence. C'est un féru de nos
règles parlementaires, M. le ministre. La parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Merci,
Mme la Présidente. Salutations à M. Lamoureux, M. Copeman,
bienvenue à l'Assemblée nationale. C'est toujours un plaisir de vous voir,
M. Copeman, revenir à l'Assemblée nationale.
D'entrée de jeu, je tiens à le dire et à
le réitérer, et je l'ai dit au moment du dépôt du projet de loi, il n'y a rien,
dans le projet de loi n° 96, qui fait en sorte de porter atteinte aux
droits et aux institutions de la communauté anglophone.
So, as I say before, when
I tabled that bill, there is nothing in the Bill 96 that affects the
rights of the English-speaking community, here in Québec, or the institutions,
and I want to reassure that.
Aussi, j'ai
également dit que, dans le projet de loi n° 96, on conférait davantage de
droits, également, à la communauté anglophone en faisant en sorte que des
ayants droit, qui allaient à l'école anglophone, anglaise, au primaire et au
secondaire, allaient avoir une priorité au cégep afin justement de pouvoir
poursuivre dans leur langue leurs études supérieures pour faire en sorte qu'ils
puissent accéder à leurs propres institutions, aux institutions de la
communauté <anglophone...
M. Jolin-Barrette :
...
en faisant en sorte que des ayants droit, qui allaient à l'école
anglophone, anglaise, au primaire et au secondaire, allaient avoir une priorité
au cégep afin justement de pouvoir poursuivre dans leur langue leurs études
supérieures pour faire en sorte qu'ils puissent accéder à leurs propres institutions,
aux institutions de la communauté >anglophone.
So, as I said before,
when I tabled that bill, we give more rights to the English-speaking community
to make sure that the members of the English community will be able to study in
their own language in... in elementary school, in high school and also in cégep
in their own language. So, that bill doesn't affect anything about the
English-speaking community rights or institutions.
Cela étant dit, Mme
la Présidente, je vous remercie pour la présentation de votre mémoire. D'entrée
de jeu je voudrais vous demander est-ce que votre organisation reconnaît que le
français est en déclin au Québec.
M. Copeman (Russell) : M.
le ministre, nous ne sommes pas des démographes ni des sociologues. Et on l'a
dit dans le mémoire, qu'on n'embarquerait pas dans une discussion sur le
relatif déclin du français. On n'a qu'observé entre autres que, par certaines
mesures, entre autres, si on prend la langue parlée à la maison plus
fréquemment, le Québec n'a jamais été autant français qu'il l'est aujourd'hui. Est-ce
qu'il y a des situations sur l'île de Montréal, est-ce qu'il y a des situations
ailleurs? Possiblement, mais ce n'est pas notre domaine d'expertise. Nous
sommes ici pour en parler des implications du projet de loi n° 96 sur le
réseau scolaire.
M. Jolin-Barrette :
Donc, je comprends que vous ne niez pas qu'il y a un déclin du français. Parce
que dans la société québécoise, il y a pas mal un consensus à l'effet qu'effectivement,
et les études statistiques démontrent, que ça soit de l'OQLF, que ça soit du Conseil
supérieur de la langue française, démontrent qu'il y a un déclin du français,
que le français continue à décliner si aucune mesure n'est prise. Alors, je
comprends que votre organisation n'est pas un spécialiste des données démographiques,
mais est-ce que votre organisation reconnaît ce déclin-là?
M. Copeman (Russell) : M.
le ministre, c'est à peu près la même question. Et je vous donne à peu près la
même réponse.
M. Jolin-Barrette :
D'accord.
M. Copeman (Russell) : Je
pense que M. Churchill a dit : «There are three types of statistics.
There are statistics, damned statistics and lying statistics». Alors, on peut
quasiment tout dire avec des statistiques, là. Ce n'est pas notre domaine.
Notre domaine, c'est de représenter les positions des commissions scolaires sur
le projet de loi n° 96. Et là, si vous me permettez, quand vous dites, M.
le ministre, et avec respect, qu'il n'y a rien qui affecte les institutions de
la communauté anglophone, nous plaidons que la limite sur trois ans des
admissibilités temporaires va affecter nos institutions. Ça va diminuer nos
inscriptions. Si ce n'est pas... Si ce n'est pas affecter des institutions, je
ne sais pas qu'est-ce que c'est.
M. Jolin-Barrette :
Est-ce que vous croyez... Parlons-en de la notion du trois ans. Parce <qu'actuellement...
M. Copeman (Russell) : ....
que la limite sur trois ans des admissibilités temporaires va affecter nos
institutions. Ça va diminuer nos inscriptions. Si ce n'est pas... Si ce n'est
pas affecter des institutions, je ne sais pas qu'est-ce que c'est.
M. Jolin-Barrette :
Est-ce que vous croyez... Parlons-en de la notion du trois ans. Parce >qu'actuellement,
la structure de la Charte de la langue française fait en sorte qu'une personne
en situation temporaire qui vient au Québec... Je suis une personne immigrante.
Je choisis de venir au Québec de façon temporaire avec un permis de travail
temporaire. Mes enfants peuvent aller à l'école anglaise tout le long de leur
parcours scolaire, hein? Ça veut dire que, si les enfants commencent le
primaire ici, ils peuvent poursuivre parce que ça peut être renouvelé tant que
le permanentisation de la personne n'est pas effectuée.
• (11 h 40) •
Et même s'il y a permanentisation, en
raison de la Loi constitutionnelle de 1982, en raison de la Charte des
droits et libertés que M. Trudeau père a mis en place, ça fait en sorte
que... le parcours authentique fait en sorte que les personnes immigrantes se
voient doter d'un droit pour faire en sorte qu'eux vont conserver le droit
d'aller à l'école anglaise, et leurs enfants également, dans le futur, et leurs
petits-enfants vont avoir le droit d'aller à l'école anglaise, ce qui est en
contravention directe avec l'esprit même de la Charte de la langue française,
le fait de dire qu'au Québec, on accueille les personnes immigrantes en
français dans les institutions francophones.
Donc, je vous pose la question. L'idée,
avec la limitation de trois ans, c'est de faire en sorte de permettre une
personne qui vient travailler temporairement au Québec, parce qu'elle va
retourner, de, oui, lui permettre d'étudier... que ces enfants, pour une
période temporaire, soient trois ans à l'école. Mais, si elle renouvelle son
permis et qu'elle vient s'établir durablement dans la société québécoise,
qu'elle s'intègre dans les institutions francophones, comme c'est l'objectif de
la Charte de la langue française. Alors, ma question pour vous : Êtes-vous
d'accord qu'au Québec, les enfants des personnes immigrantes qui choisissent le
Québec s'intègrent en français, comme le prévoit la Charte de la langue
française?
M. Copeman (Russell) : M. le
ministre, vous avez soulevé une apparence de contradiction entre le
renouvellement des permis temporaires et les objectifs de la charte. Si c'est
une contradiction, c'est une contradiction qui existe depuis le début de la
charte. Ce n'est pas nouveau.
M. Jolin-Barrette : Et donc,
s'il y a contradiction, est-ce qu'on doit perpétuer ce trou dans la Charte de
la langue française? Est-ce que vous êtes d'accord avec moi, M. Copeman,
que les personnes immigrantes qui choisissent de venir immigrer au Québec
doivent s'intégrer, peu importe leur provenance dans le monde, là, hein? Toute
personne immigrante qui vient s'établir au Québec devrait-elle fréquenter les institutions
francophones parce qu'elle vient au Québec et que l'objectif de la Charte de la
langue française, c'est qu'elle puisse étudier dans les institutions francophones?
Et c'est de cette façon-là qu'on a réussi à augmenter le taux de transfert
linguistique pour faire en sorte d'assurer la pérennité de la langue française
au Québec par le biais de l'immigration.
M. Copeman (Russell) : Mais la
situation que vous avez décrite, M. le ministre, concernant la possibilité pour
la personne d'avoir des droits de fréquenter pour les enfants et petits
enfants, de un, il faudrait que cette personne-là devienne citoyenne
canadienne, parce que, sans la citoyenneté <canadienne...
M. Jolin-Barrette :
... immigration.
M. Copeman (Russell) : Mais
la situation que vous avez décrite, M. le ministre, concernant la possibilité
pour la personne d'avoir des droits de fréquenter pour les enfants et petits
enfants, de un, il faudrait que cette personne-là devienne citoyenne
canadienne, parce que, sans la citoyenneté >canadienne, cette voie n'est
pas ouverte à la personne.
Deuxièmement, nous, on prétend que les
écoles anglophones... on dit anglophones, on ne devrait pas, hein, on s'entend,
on devrait dire les écoles anglaises, là, mais même nous, on fait cette
erreur-là, mais les écoles anglaises sont parfaitement capables de faire en
sorte de préparer les jeunes pour s'intégrer à la société québécoise pour
apprendre le français et pour parler le français. Si vous me demandez :
Est-ce que les immigrants doivent aller dans les écoles françaises? La réponse,
c'est oui, mais on parle d'une situation temporaire d'un très petit nombre.
Si... Non, mais si vous dites, M. le ministre, que 3 000 personnes
vont perturber ultimement ceux qui restent, ceux qui deviennent citoyens, ceux
qui choisissent de rester au Québec, si vous me dites que — ça, c'est
beaucoup de «si», là — après tout ça, quelques milliers de personnes
vont perturber l'équilibre linguistique au Québec, on n'est pas d'accord et on
pense que ces gens-là devraient être capables d'avoir ce permis-là renouvelé.
M. Jolin-Barrette : Bien,
dans un premier temps, c'est plusieurs milliers de personnes, et je tiens à
réitérer que l'exception pour les diplomates étrangers et pour les militaires
canadiens, ça, ça va demeurer et ça va continuer de s'appliquer, le
renouvellement. Mais vous nous dites : Écoutez, on est capable, dans les commissions
scolaires anglophones, de franciser les nouveaux arrivants. Bernard Tremblay,
le président de la Fédération des cégeps disait, et je le cite : J'ai des
témoignages de direction générale de cégeps anglophones qui me disent : Le
français des anglophones qui ont fréquenté des commissions scolaires
anglophones au Québec est épouvantable, ils ne parlent pas français ou à peu
près pas. Alors, ça, c'est ce que M. Tremblay dit. Et moi, je m'inscris en
faux avec ce que vous dites parce que ça va à l'encontre de la Charte de la
langue française de dire : Les personnes immigrantes pourront fréquenter
les écoles anglaises du Québec d'une façon permanente.
Et je vous réitérerais aussi, parce que,
bon, j'ai eu un petit passé au ministère de l'Immigration, il y a beaucoup de
personnes en situation temporaire qui deviennent immigrants permanents, et qui
obtiennent leur résidence permanente, et qui obtiennent leur citoyenneté. Et c'est
même une volonté du gouvernement du Québec de faire en sorte que les gens
arrivent dans une situation temporaire pour venir notamment répondre à la
pénurie de main-d'oeuvre, viennent contribuer à la société québécoise, mais en
s'intégrant en français à la société québécoise. Et c'est ça, le pacte social
que nous avons au Québec de faire en sorte d'assurer la pérennité et la
vitalité de la langue française, de faire en sorte que les personnes
immigrantes puissent s'intégrer, au Québec, en français.
M. Copeman (Russell) : Je ne
commenterai pas nécessairement le <commentaire de...
M. Jolin-Barrette :
...
société québécoise, mais en s'intégrant en français à la société québécoise. Et
c'est ça, le pacte social que nous avons au Québec de faire en sorte d'assurer
la pérennité et la vitalité de la langue française, de faire en sorte que les
personnes immigrantes puissent s'intégrer, au Québec, en français.
M. Copeman (Russell) : Je
ne commenterai pas nécessairement le >commentaire de...
M. Jolin-Barrette :
M. Tremblay?
M. Copeman (Russell) : ...de M. Tremblay,
sauf pour vous dire que le gouvernement du Québec reconnaît que les élèves qui
sont diplômés du secondaire V des écoles anglaises au Québec sont réputés
d'avoir une connaissance adéquate du français parlé et écrit. La preuve de ça,
c'est que ces gens-là sont exemptés des tests linguistiques pour les professionnels.
Alors, si le gouvernement du Québec,
depuis 30 ans, plus, reconnaît que les diplômés des écoles anglophones
secondaires sont réputés d'avoir une connaissance adéquate du français et de
l'anglais, je pense qu'on devrait prendre ça pour acquis. Par ailleurs, M. le
ministre, mes trois enfants, tous des gradués des écoles de la commission
scolaire English-Montréal pourraient être ici avec nous et discuteraient avec
vous dans un français peut-être pas impeccable, mais sûrement fonctionnel.
M. Jolin-Barrette : Mais ça,
c'est très bien puis je vous en félicite. Mais fondamentalement, fondamentalement,
il y a un enjeu parce que vous nous dites : Écoutez, ça fait 30 ans
que ça fonctionne de même.
M. Copeman (Russell) : Ça
fonctionne bien.
M. Jolin-Barrette : Non, non,
mais ça fonctionne comme vous voulez que ça fonctionne, puis vous êtes d'accord
avec le statu quo. Moi, ce que je vous dis, c'est qu'il y a un enjeu, puis il y
a un enjeu pour faire en sorte que les personnes immigrantes s'intègrent en
français. Puis la meilleure façon, et M. Rocher nous l'a dit également,
pour le taux de transfert linguistique, c'est de faire en sorte de les amener
dans le réseau francophone pour faire en sorte que, d'une façon durable, ils
apprennent le français.
Peut-être avant de céder la parole à mes collègues,
j'aurais une question, parce que la commission scolaire English-Montréal est
membre de votre organisation, ils ont nié, dans une résolution qu'ils ont adoptée,
le concept de nation au Québec, je serais curieux de savoir qu'est-ce que
l'association pense de cette position-là qui, par la suite, on a constaté que
la commission scolaire English-Montréal s'est rétractée, mais je pense que
c'était un commentaire malheureux de leur part et également déplorable. Alors,
je voudrais savoir, votre organisation, qu'est-ce qu'elle en pense?
M. Copeman (Russell) : Bien,
je pense que de l'aveu même du président de la commission scolaire
English-Montréal, cette résolution initiale était mal avisée. C'est un constat
qu'on partage, et le conseil des commissaires de la commission scolaire
English-Montréal, manifestement, sont venus à conclusion que la résolution
était mal avisée, parce qu'ils l'ont résiliée. Alors, pour moi, c'est la fin de
l'histoire.
M. Jolin-Barrette : Parfait.
Je vous remercie beaucoup pour votre présence à la commission parlementaire. Je
sais que mon collègue de Sainte-Rose souhaite vous poser des questions.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui. Et M. le député de Sainte-Rose, il vous reste 3 min 30 s à
l'échange.
M. Skeete : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. <Vous avez...
M. Copeman (Russell) : ...
que la résolution était mal avisée, parce qu'ils l'ont résiliée. Alors, pour
moi, c'est la fin de l'histoire.
M. Jolin-Barrette :
Parfait. Je vous remercie beaucoup pour votre présence à la commission
parlementaire. Je sais que mon collègue de Sainte-Rose souhaite vous poser des
questions.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui. Et M. le député de Sainte-Rose, il vous reste 3 min 30 s à
l'échange.
M. Skeete : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. >Vous avez parlé, tantôt, que vous n'êtes pas
démographe et que vous ne voulez pas vous éparpiller dans des domaines qui ne
touchaient pas l'éducation. En regardant votre mémoire, je constate que vous
parlez ici d'accès à la justice, modifications constitutionnelles. En quoi le
présent projet de loi affecte votre quotidien à l'intérieur de ces
juridictions-là, juridiques, constitution, dérogations, etc.?
M. Copeman (Russell) : Alors, M.
le député, nous avons quelques préoccupations, et c'est évidemment une question
d'interprétation. Quand il y a un amendement constitutionnel à la constitution
du Canada qui indique que le français est la seule langue officielle du Québec,
est-ce qu'il n'y a pas possibilité ou une apparence de conflit potentiel avec
la section 133 de l'acte constitutionnel de 1982 qui indique, en autres,
que le français et l'anglais peuvent être utilisés dans la législature et dans
les tribunaux? Alors, on pose la question, M. le député, et je pense que vous
allez constater, dans les jours qui suivent, qu'il y a, effectivement, une
différence d'interprétation, parfois, dans ces choses-là. En termes d'accès à
la justice, la même chose, la disposition de la loi 96 qui indique qu'il
faut que ce soit le ministre de la Justice et le ministre responsable de la
Langue française, en l'occurrence la même personne, pour l'instant, qui doit
autoriser si les juges peuvent avoir une connaissance de l'anglais. Nous
craignons que ça peut restreindre le bassin de juges avec une connaissance
suffisante de l'anglais pour entendre des causes, et ça, je vois le ministre de
la Justice qui fait signe que non, tant mieux. Qu'on nous éclaircisse ça, aucun
problème, mais c'est une préoccupation majeure, et ça, c'est également un droit
constitutionnel.
• (11 h 50) •
M. Skeete : Mais vous savez
comme moi, certainement, par vos nombreuses années à ce parlement que la clause
dérogatoire ne touche pas tous les paragraphes de la constitution. On parle,
ici, de 2 et de 7 à 15. Donc, en quoi votre inquiétude, sur ces clauses-là,
pourrait affecter le service rendu aux Québécois d'expression anglaise?
M. Copeman (Russell) : Mais
c'est l'utilisation de la clause dérogatoire pour toutes les dispositions de la
loi 96, et par le biais de 96 à toutes les dispositions de la Charte de la
langue française...
M. Skeete : Ça vous affecte
dans votre mandat, votre mission à l'éducation?
M. Copeman (Russell) : Bien,
si on interprète, M. le député, possiblement qu'il y a <conflit entre...
M. Copeman (Russell) : ...
de la loi 96, et par le biais de 96 à toutes les dispositions de la Charte
de la langue française...
M. Skeete : Ça vous affecte
dans votre mandat, votre mission à l'éducation?
M. Copeman (Russell) :
Bien, si on interprète, M. le député, possiblement qu'il y a >conflit
entre des articles du projet de loi n° 96.
Et si quelqu'un veut tenter de
contester ces articles-là en vertu de la charte québécoise ou en vertu de la charte canadienne, ils ne pourront pas le faire à cause
de la clause dérogatoire. Et nous, on
pense que, dans une société de droit,
les citoyens, les organismes
devraient avoir la possibilité de
contester des lois, comme a fait l'ACSAQ, avec succès, par
ailleurs, récemment.
La Présidente (Mme
Thériault) : Et ceci met fin à l'échange. Donc,
je vais me tourner maintenantdu côté del'opposition
officielle. Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, la parole est à vous.
Mme David :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, M. Lamoureux. Bonjour, M. Copeman,
rebienvenue à l'Assemblée nationale. Écoutez, je vais revenir sur ce qui vous
préoccupe le plus, c'est-à-dire la question des enfants de ressortissants
étrangers. Moi qui pensais avoir l'exemple parfait, je pense que ça
reste un exemple intéressant, Kamala Harris, qui est venue passer cinq ans et
qui est repartie. Je pensais que c'était ça, l'exemple type. Donc, je vais vous
poser un certain nombre de questions, peut-être complémentaires à celles du
ministre.
Il y a quatre... parce que ce n'est pas
simple, hein, ça, on navigue dans des choses, là, compliquées... il y a quatre
catégories de personnes qui séjournent temporairement. Il y a les
ressortissants étrangers. Je pense que c'est la seule catégorie visée par,
justement, l'article 56. Il y a les citoyens canadiens qui séjournent au Québec
pour y étudier ou y travailler. Les ressortissants affectés au Québec à titre
de représentants d'un pays — alors, ça, c'est vraiment la diplomatie — ou
d'un organisme international étranger. Là, je ne suis plus trop sûre si c'est
l'ONU ou, etc. Et les membres des Forces armées canadiennes.
Alors, vous, vous mentionnez, dans votre
mathématique, d'ailleurs bien expliquée, qu'il y a donc 4 108, selon votre
analyse, là, votre sondage interne des commissions scolaires, 4 108 des
quatre catégories, dont on soustrait une seule catégorie, qui est les
militaires. Vous ne soustrayez pas les représentants diplomatiques ou organisme
international étranger? Ça a peut-être...
M. Copeman (Russell) : C'est
parce qu'on n'avait pas ces chiffres, Mme la députée, c'est tout.
Mme David : O.K. Donc, c'est
minimalement, disons, 4 108 moins 926, mais ça pourrait être moins
1 500, disons, plutôt que 926. C'est ça?
M. Copeman (Russell) : Tout à
fait.
Mme David : O.K. Donc, c'est
le total moins une des trois autres catégories qui seraient exempté. Il reste
donc les enfants, comme Kamala Harris, sa mère, à l'époque, dans les années
70... Et elle, elle a diplômé en 1980. Elle a donc... Comme on avait dit, là,
dans les journaux quand, évidemment, Joe Biden a été élu, Kamala Harris...
Montréal célèbre <l'assermentation de...
Mme David : ...
les enfants, comme Kamala Harris, sa mère, à l'époque, dans les années 70... Et
elle, elle a diplômé en 1980. Elle a donc... Comme on avait dit, là, dans les
journaux quand, évidemment, Joe Biden a été élu, Kamala Harris... Montréal
célèbre >l'assermentation de Kamala Harris. Elle a passé cinq ans.
Et là, bon, tout le monde était bien fier,
mais c'est parce que sa mère était chercheure, invitée à statut de chercheure à
l'Université McGill. Elle y est restée cinq ans et elle a décidé de repartir
avec Maya et Kamala après cinq ans. D'ailleurs, Kamala a même passé un an, si
je me souviens bien des articles, là, un an dans un système francophone puis,
après ça, elle est allée à l'école Royal.... Royal quelque chose, là... de Montréal.
Alors, elle était dans le secteur public et puis après elle est repartie.
Ça, c'est un exemple à peu près typique d'un
ressortissant étranger? Parce que, là où je suis mêlée puis où je pensais
comprendre avec votre mémoire... Vous dites bien que, dès que la mère de
Kamala, pour continuer notre exemple, aurait décidé : J'aime tellement
être à McGill, belle carrière, j'adore la ville, etc., je demande mon CSQ, certificat
de sélection du Québec. Kamala finit son année, admettons qu'on est au mois
d'avril, elle finit son année, mais elle est obligée d'être soumise à la
loi 101. Même si le CSQ prend un an, deux ans, trois ans avant d'arriver,
dès le jour où elle dépose sa demande, elle est obligée de passer au système
francophone parce que là elle est considérée comme quelqu'un qui veut rester au
Québec.
M. Copeman (Russell) : La
pratique veut, Mme la députée, que dès une personne qui séjourne de façon
temporaire au Québec fait application, soit pour un certificat de sélection de
Québec ou pour statut de réfugié, à la fin de cette année scolaire là, si cette
personne a des enfants à charge, ils doivent s'inscrire dans des écoles
françaises. Doivent.
Alors, la situation dont parle le ministre
va venir possiblement, quand ces personnes-là deviennent citoyennes, quand ils
ont des enfants, et possiblement les enfants vont avoir le droit de fréquenter
s'ils ont fait la majorité de leur enseignement en anglais au primaire. C'est
assez compliqué, là, on s'entend.
Mme David : C'est là
qu'intervient la fameuse notion de parcours authentique? Si Kamala... Si sa
mère était restée 10 ans au lieu de cinq ans, Kamala aurait pu rester
10 ans selon la loi 101 actuelle. C'est ça?
M. Copeman (Russell) :
Oui, mais, pour que les enfants de Mme Harris a droit à s'inscrire dans
les écoles anglophones, la situation décrite par le ministre, il faudrait que
Mme Harris devienne citoyenne canadienne et, deux, qu'elle a passé la
majorité de son éducation en anglais au primaire. Là, on est dans beaucoup de
«si», Mme la députée, là. On soustrait, on soustrait, <on soustrait...
M. Copeman (Russell) : ...
situation décrite par le ministre, il faudrait que Mme Harris devienne
citoyenne canadienne et, deux, qu'elle a passé la majorité de son éducation en
anglais au primaire. Là, on est dans beaucoup de «si», Mme la députée, là. On
soustrait, on soustrait, >on soustrait.
Mme David : Et il reste
peut-être quelques dizaines, centaines de...
M. Copeman (Russell) : Je
l'ignore. Par ailleurs, on a fait une demande d'accès à l'information au ministère
de l'Éducation pour avoir plus de détails sur ces sujets-là, demande qui a été
faite le 3 août. Alors, le ministère avait jusqu'à 30 jours au
maximum de répondre à cette question en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.
Et nous sommes le 23, et il n'y a toujours pas de réponse du ministère. Alors,
je ne peux pas vous éclairer plus parce qu'on n'a pas ces détails-là.
Mme David : O.K. Et je
comprends que ça, c'est la partie qui vous inquiète le plus dans... ou qui vous
affecte le plus parce que vous dites : On n'a déjà plus beaucoup
d'étudiants, d'élèves, on en perdrait encore plus. Et si on trouvait les bons
chiffres, ce serait vraiment bien qu'il y ait une réponse de cette demande
d'accès à l'information. On pourrait peut-être travailler avec des vrais
nombres, des vraies quantités d'étudiants. Et peut-être qu'à ce moment-là le
ministre montrerait une certaine ouverture à un problème qui ne semble pas si
répandu.
M. Copeman (Russell) :
Incluant le nombre de personnes qui séjournent temporairement, qui deviennent
citoyens...
Mme David : Citoyens, qui
demandent le...
M. Copeman (Russell) : ...qui
demandent le... Moi, je n'ai pas ces chiffres. J'ai toujours cru...
Mme David : O.K., merci.
M. Copeman (Russell) : ...que
c'est important pour les parlementaires de travailler avec les faits.
Mme David : Vous avez raison,
mais je veux laisser la parole à mon collègue de D'Arcy-McGee, un comté que
vous connaissez, quand même, et pour poser...
M. Copeman (Russell) : Comté
voisin.
Mme David : Voilà.
La Présidente (Mme Thériault) :
...député de D'Arcy-McGee, vous avez 4 min 15 s.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Lamoureux, M. Copeman, ça m'a fait plaisir
d'entendre votre présentation, surtout d'avoir comblé les fonctions de
M. Copeman pour une dizaine d'années moi-même, dont, tout au long du
temps, j'étais très fier de voir les écoles anglaises du Québec comme vecteur
de la francisation, et vous en avez parlé un petit peu.
Je me permets de noter aussi notre
déception de savoir que nous n'êtes qu'un de quatre groupes issus de la
communauté québécoise de langue anglaise qui aurait été convoqué à ces
audiences, il y en avait plusieurs autres qui auraient souhaité avoir
l'opportunité.
• (12 heures) •
Je veux revenir à la page 15 de votre
mémoire, vous en avez fait référence lors de vos remarques, et je vous cite :
«Enfin, il n'est pas très clair si le projet de loi n° 96
modifie les exigences pour les commissions scolaires en matière de langue de
communication avec les personnes morales». Malgré les petites déclarations du
ministre, je crois que c'est une préoccupation que nous aurions entendue
souvent et dont a fait écho, lors d'une rencontre que j'ai eue avec Kathy
Korakakis, présidente du English Parent's Committee Association, et je me
permets de la citer parce qu'elle aurait aimé comparer devant ces audiences
aussi, et elle note : «Specifically, it is unclear to EPCA whether
important documents regarding a child's education are going to be solely made
available in French with no option for English even in the English educational
system...
12 h (version révisée)
M. Birnbaum : ...English Parent's Committee Association, et je me permets de la
citer parce qu'elle aurait aimé comparaître devant ces
audiences aussi, et elle note : «Specifically, it is unclear to EPCA
whether important documents regarding a child's education are going to be
solely made available in French, with no option for English even in the English
educational system. We fear that this will create barriers for English only...
parents to play an active part in their child's education. In turn, this lack
of involvement from parents, caused by such an unequal system will have drastic
negative effects... impacts on our students. And this will be particularly
exacerbated for those students who have IEPs — des plans individuels
de l'éducation — and other vulnerable members of our school
communities.»
I wonder if... si
je peux vous inviter d'élaborer là-dessus, vos inquiétudes précises en ce qui a
trait au projet de loi devant nous.
La Présidente (Mme Thériault) :
...pour le faire.
M. Copeman (Russell) : M. le
député, nous ne partageons pas nécessairement exactement la même lecture de
Mme Korakakis en ce qui concerne la communication avec les parents ou les
étudiants parce que l'article 28 de la charte existe toujours sans être
modifié, c'est-à-dire que la commission scolaire peut communiquer pour des
raisons pédagogiques en anglais seulement. Alors, je pense que c'est assez
clair. Si ça ne l'est pas, il faudrait que quelqu'un nous le dise. Mais, à
notre lecture, c'est assez clair.
La question est plus avec les personnes
morales, comme le English Parent's Committee Association, comme nos syndicats,
comme d'autres partenaires communautaires qui sont des personnes morales.
Est-ce qu'on aura toujours la capacité, selon le projet de loi n° 96, de
communiquer avec eux en anglais, que ce soit français et anglais ou anglais
seul, à la limite? Et ça, ce n'est pas très clair. Et nous l'avons même examiné
avec des avocats puis... deux avocats, trois opinions, hein? Alors, on a eu
trois opinions. On aimerait avoir une opinion pour savoir l'intention du
législateur.
La Présidente (Mme Thériault) :
...c'est beau? Il vous reste 40 secondes, c'est beau?
M. Birnbaum : Ah! je n'avais
pas compris.
La Présidente (Mme Thériault) :
Il vous en reste 30 maintenant.
M. Birnbaum : Je vous invite
de parler un petit peu de vos inquiétudes de façon générale. N'y a-t-il
pas — ce que j'entends souvent — un sentiment
d'appartenance à notre Québec et à l'avenir de la langue française au Québec et
notre rôle là-dedans qui n'est pas reflété dans les constats ni les articles de
ce projet de loi là?
La Présidente (Mme Thériault) :
10 secondes.
Une voix
: ...
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je vais devoir couper le micro, les 10 secondes sont passées, désolée.
Une voix
: M. le député...
La Présidente (Mme Thériault) :
Non, je ne peux pas vous laisser répondre, désolée, le temps est passé, malheureusement.
Donc, je vais me tourner vers la députée de Mercier pour
2 min 45 s.
Mme Ghazal : Merci. Bonjour,
messieurs. Merci pour votre présentation. Je <voudrais vous...
La Présidente (Mme Thériault) :
...
couper le micro, les 10 secondes sont passées, désolée.
Une voix
:
M.
le député...
La Présidente (Mme Thériault) :
Non, je ne peux pas vous laisser répondre, désolée, le temps est passé,
malheureusement.
Donc, je vais me tourner vers la
députée de
Mercier pour
2 min 45 s.
Mme Ghazal : Merci.
Bonjour, messieurs. Merci pour votre présentation. Je >voudrais vous
poser une question sur la disposition de dérogation. Le ministre veut
l'appliquer partout, sur tous les articles. Si, par exemple, il décidait de ne
l'appliquer que sur quelques articles uniquement, en expliquant pourquoi,
seriez-vous toujours contre?
M. Copeman (Russell) : Je
pense, ça dépend du contexte, Mme la députée. Je peux vous citer le... très
brièvement, dernier jugement du juge Blanchard.
Mme Ghazal : J'ai peu de
temps, donc je ne sais pas...
M. Copeman (Russell) : Je
comprends. «Par définition, dans une société soucieuse de respecter les droits
fondamentaux qu'elle accorde à ses membres, l'utilisation de la clause de dérogation
devrait se faire de façon parcimonieuse et circonspecte.»
Mme Ghazal : Donc, vous n'êtes
pas contre, en principe. Très bien, merci. J'avais une autre question aussi.
Il y a, aujourd'hui, une jeune leader
anglophone interviewée dans LaPresse qui disait qu'elle
était inquiète que le projet de loi n° 96 nous fasse retourner dans
l'antagonisme des deux solitudes, qu'elle a un sentiment, comme beaucoup
d'anglophones du Québec, jeunes anglophones du Québec, un sentiment
d'appartenance à la culture française du Québec.
Il y a M. Guy Rocher, hier, qui nous
disait qu'on avait des préjugés mutuels, les anglophones, les francophones, et
qu'il comptait sur les anglophones du Québec pour nous protéger contre le
«Québec bashing» dans le reste du Canada qui ne nous connaissent pas.
J'aimerais savoir comment est-ce que vous
voyez votre rôle dans cette responsabilité de nous unir ensemble au Québec
aujourd'hui. Comment est-ce que vous voyez ça pour la paix linguistique?
M. Copeman (Russell) : Bon, en
30 secondes, Mme la députée.
Mme Ghazal : Je ne sais pas.
Moi, j'aimerais ça en avoir plus, mais...
M. Copeman (Russell) :
M. Lamoureux, moi, ses enfants, mes enfants, nous sommes des Québécois à
part entière. Nous avons décidé de s'implanter au Québec, de rester au Québec.
Mes trois enfants sont au Québec, ce qui est relativement rare dans la
communauté anglophone, de trouver la totalité des enfants d'une deuxième
génération toujours au Québec. Parce qu'on aime le Québec, parce qu'on veut
rester au Québec. La loi n° 96 ne nous unit pas comme
Québécois et Québécoises. Je ne peux que le constater. Alors, peut-être, je
supplie aux parlementaires de prendre ça en considération quand on discute des
dispositions individuelles du projet de loi.
Mme Ghazal : Le ministre a une
responsabilité, nous avons une responsabilité ici, les membres de la
commission, comme parlementaires. Moi, j'avais envie de savoir, autre que de
nous dire que vos enfants sont ici, vous, qu'est-ce qui pourrait être fait...
qu'est-ce que vous, vous pouvez faire, cet appel des jeunes anglophones du
Québec qui disent : On voudrait même avoir plus de français, par exemple,
dans nos cours, on aimerait être beaucoup plus bilingues...
La Présidente (Mme Thériault) :
Et malgré l'importance de la question, on a déjà dépassé 10 secondes, donc
je dois mettre fin à l'échange. Désolée.
M. le député de Matane-Matapédia <pour
votre...
Mme Ghazal : ...
qu'est-ce qui pourrait être fait... qu'est-ce que vous, vous pouvez faire, cet
appel des jeunes anglophones du Québec qui disent : On voudrait même avoir
plus de français, par exemple, dans nos cours, on aimerait être beaucoup plus
bilingues...
La Présidente (Mme Thériault) :
Et malgré l'importance de la question, on a déjà dépassé 10 secondes, donc
je dois mettre fin à l'échange. Désolée.
M. le député de Matane-Matapédia >pour
votre temps.
M. Bérubé : Merci. Dans ce
pays, l'anglais n'est pas menacé, le français est menacé. Au Québec, le
français est menacé. Vous n'avez pas voulu intervenir sur cette question-là.
Manifestement, vous n'avez pas d'opinion là-dessus. Vous représentez vos
membres, soit. Au Parti québécois, on souhaite colmater une brèche dans la loi
101 qui permet aux enfants de résidents temporaires d'aller à l'école en
anglais. Et ce phénomène-là, il a une augmentation significative :
2 010 élèves en 2010 puis maintenant 4 428 en 2019. Nous sommes
d'avis qu'il faut s'intégrer dans la langue officielle, dans la langue commune.
Si on allait en Allemagne, ça serait en allemand; si on allait au Brésil, ça
serait en portugais. Pourquoi ça serait différent au Québec?
Tout à l'heure, vous nous avez dit :
Mais ça nous cause préjudice. Comment? Le financement? L'influence de la
communauté anglophone à Montréal et au Québec? J'aimerais vous entendre
là-dessus.
M. Copeman (Russell) : Les
chiffres dont vous parlez, M. le député, nous ne les avons pas outre que par le
biais du Devoir.
M.
Bérubé
: Ah!
Bien, j'ai une autre source que je vais vous fournir.
M. Copeman (Russell) : Bien,
magnifique, parce que, nous, on a fait une demande d'accès à l'information pour
valider ces sources-là, ces informations-là, et on n'a pas obtenu réponse dans
les délais normaux. Alors, c'est difficile de commenter, outre le fait... Dans
l'article du Devoir, on parle que les séjours temporaires, au total, ont
triplé depuis 2010, triplé, et les demandes d'autorisation temporaire à
l'enseignement en anglais ont doublé.
M.
Bérubé
: Mais
ce n'est pas ça, ma question. Pourquoi vous voulez qu'ils aillent dans votre
réseau au lieu du réseau de la langue commune et la langue officielle au
Québec? Vous contestez ça?
M. Copeman (Russell) : Non. On
pense que pour certaines catégories de personnes qui viennent au Québec de
façon temporaire, que ça serait utile et intéressant de les permettre d'envoyer
leurs enfants à l'école en anglais, comme Dr Gopalan Harris a fait avec Kamala
et Maya.
M.
Bérubé
: Ah!
mais là, cessez de prendre cet exemple-là, il y en a bien d'autres. Je veux
dire...
M. Copeman (Russell) : Oui.
C'est intéressant comme exemple.
M.
Bérubé
: Tant
qu'à ça, vous savez qu'il y aurait une belle unité si tout le monde parlait
anglais aussi, mais ça enlèverait quand même pas mal de l'unicité du Québec.
Alors, si le Québec est francophone, et c'est la langue officielle, et que
l'accueil ne se fait pas automatiquement en français, c'est qu'on fait un autre
choix qui n'est pas le mieux. Mais, quand vous dites que ça cause préjudice,
c'est soit le financement, soit l'influence de la communauté anglophone. Mais,
dans les deux cas, et comme vous ne voulez pas indiquer que le français est
menacé, moi, ça me cause problème, et je vais mener cette bataille-là. Et le ministre,
qui se targue d'avoir un projet de loi qui est modéré, malgré que c'est modéré,
vous êtes quand même contre. Imaginez, ça pourrait être bien pire, parce qu'il
y a d'autres mesures qui devraient être prises, quant à moi, si on est sérieux
pour stopper le déclin du français. Nous, nous le réalisons. Je vous fournirai également
des chiffres sur ce déclin, puis peut-être que vous aurez une opinion plus
ferme là-dessus, nouvelle.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et ça met fin à l'échange. Donc, nous allons suspendre quelques instants. Merci
d'être venus en <commission...
M.
Bérubé
:
... mesures qui devraient être prises,
quant à moi, si on est sérieux
pour stopper le déclin du français. Nous, nous le réalisons. Je vous fournirai
également
des chiffres sur ce déclin, puis
peut-être que vous aurez une opinion
plus ferme
là-dessus, nouvelle.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et ça met fin à l'échange. Donc, nous allons suspendre quelques instants. Merci
d'être venus en >commission parlementaire, nous suspendons nos travaux quelques
instants. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 9)
<
>
(Visioconférence)
(Reprise à 12 h 12)
La Présidente (Mme Thériault) :
Nous reprenons maintenant nos travaux. Donc, nous recevons M. André Binette. M.
Binette, vous avez à peu près 10 minutes pour nous présenter votre mémoire
et votre point de vue. Par la suite, il y aura des échanges avec le ministre et
les représentants des différentes oppositions. La parole est à vous.
M. Binette (André) : Mme la
Présidente, je vous remercie pour l'invitation de cette commission à exprimer
un avis sur les aspects constitutionnels du projet de loi n° 96.
C'est à la fois un honneur et une responsabilité. Je reformulerai brièvement
les principaux éléments de mon mémoire, en ajoutant quelques commentaires.
Dans la première moitié de mon mémoire,
j'aborde trois questions distinctes : les règles d'interprétation
judiciaire de la Charte de la langue française, les pouvoirs d'inspection de l'Office
québécois de la langue française et les droits ancestraux autochtones de nature
linguistique.
Sur le premier point, j'estime que la jurisprudence
claire et ferme de la Cour suprême du Canada relative à l'article 133 de la Loi
constitutionnelle de 1867 ne permet pas à l'Assemblée nationale de dire aux
tribunaux d'accorder la primauté à la version française des lois du Québec.
Cette jurisprudence établit une symétrie rigoureuse entre les statuts de
l'anglais et du français devant les tribunaux, à l'Assemblée nationale et au
Parlement du Canada, ce qui est l'un des éléments principaux de l'entente politique
qui est le fondement de la création du Canada. La Cour suprême a constamment
préservé avec vigilance les termes de cette entente. L'article 5 du projet de
loi est donc inconstitutionnel à mes yeux et devrait être retiré.
Qui plus est, l'article 5 n'est pas nécessaire,
parce que le projet de loi contient une autre nouvelle règle d'interprétation,
qui se trouve à l'article 63 et qui, elle, est valide. Cette seconde règle
demande aux tribunaux, de manière identique dans les deux versions officielles,
d'interpréter la Charte de la langue française de manière à atteindre ses objectifs
de promotion du français. Cette seconde règle est suffisante à mes yeux.
Sur le deuxième point, relatif aux
pouvoirs d'inspection, je souligne les limites des clauses dérogatoires. Même
si celles-ci sont valides, elles ne peuvent prémunir, à mon avis, les lois du Québec
contre les contestations judiciaires, des actes abusifs ou disproportionnés des
représentants de l'État en regard des chartes des droits. Les chartes des
droits continueront de s'appliquer aux actes administratifs qui découlent des
pouvoirs accordés par la Charte de la langue française. Les clauses
dérogatoires protègent les lois au nom du principe constitutionnel de la souveraineté
parlementaire, qui est un élément central de la Constitution canadienne. La souveraineté
parlementaire ne peut pas, à mon avis, immuniser les actes des inspecteurs qui
contreviennent aux chartes des droits, parce que ce serait contraire au
principe encore plus <fondamental...
M. Binette (André) :
... protègent les lois au nom du principe
constitutionnel de la
souveraineté
parlementaire, qui est un élément central de la
Constitution
canadienne. La
souveraineté
parlementaire ne peut pas,
à
mon avis, immuniser les actes des inspecteurs qui contreviennent aux chartes
des droits, parce que ce serait contraire au principe encore plus >fondamental
de la primauté du droit. Je suis convaincu que les avocats de la défense au
Québec seront du même avis.
En ce qui concerne les droits
linguistiques autochtones, je vous renvoie à mon mémoire, en ajoutant ce qui
suit : Il y a quelques années, il se trouvait à l'Assemblée nationale au
moins un député autochtone et quelques-uns au niveau fédéral. Ce député avait selon
moi le droit constitutionnel ancestral de s'exprimer dans la langue de sa
nation d'origine à l'Assemblée nationale et que ses propos soient traduits aux
frais de l'État, de manière qu'ils soient compris par tous les parlementaires.
Il en est de même des témoins autochtones devant une commission parlementaire
telle que celle-ci. Cela est vrai, même si l'article 133, le règlement de
l'Assemblée nationale, où les lois du Québec ne le prévoient pas. J'ai appris
récemment que 35 langues autochtones peuvent être traduites par les interprètes
officiels de la Chambre des communes. Si ce n'est pas déjà le cas, j'estime que
l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 exige que des mesures
semblables soient prises pour les langues des 11 nations autochtones reconnues
par l'Assemblée nationale.
La deuxième moitié de mon mémoire porte
sur la tentative d'inscrire la nation québécoise et sa langue commune de
manière unilatérale dans la Constitution canadienne. J'estime que cette
tentative est vouée à l'échec, parce que l'article 159 du projet de loi
est inconstitutionnel pour le motif principal suivant : L'article 159
n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 de la Loi
constitutionnelle de 82 qui permet à l'Assemblée nationale de modifier la
constitution du Québec unilatéralement. La constitution du Québec existe depuis
1867 mais elle n'est pas codifiée. À titre de comparaison, les constitutions
québécoise et britannique ne sont pas du tout codifiées, la Constitution
canadienne l'est partiellement et les constitutions française et américaine le
sont entièrement. Les autres provinces peuvent, comme le Québec, codifier leur
constitution, mais la constitution du Québec est la seule constitution
provinciale à être aussi celle d'une nation, ce qui lui donnera un contenu
différent, ce qui lui donne déjà, à mon avis, un contenu différent.
L'article 90 de la Loi
constitutionnelle de 1867 a la particularité exceptionnelle de faire à la fois
partie des constitutions des provinces et du Canada, alors que ces constitutions
sont distinctes pour le reste et ne sont pas de même nature juridique, comme on
peut le voir clairement dans d'autres fédérations. L'article 159 repose
sur le postulat erroné que, puisque l'article 90 recoupe la constitution
provinciale, il peut être modifié par l'Assemblée nationale agissant seule au
moyen de l'article 45. C'est l'inverse qui est vrai. Lorsqu'une
disposition de la constitution du Québec, à mon avis, fait aussi partie de la
Constitution du Canada, elle ne peut être modifiée que par une <procédure
de...
M. Binette (André) :
... recoupe la constitution provinciale, il peut être modifié par l'Assemblée
nationale agissant seule au moyen de l'article 45. C'est l'inverse qui est
vrai. Lorsqu'une disposition de la constitution du Québec, à mon avis, fait
aussi partie de la Constitution du Canada, elle ne peut être modifiée que par
une >procédure de modification multilatérale, qui est, dans ce cas, la
procédure la plus exigeante de l'article 41 de loi constitutionnelle de
82, qui requiert l'unanimité fédérale-provinciale.
L'article 159 se trompe de
constitution, il manque de réalisme constitutionnel. Les éléments qu'il cherche
à ajouter à la Constitution canadienne et que je propose de développer ne
peuvent être ajoutés qu'à une constitution nationale du Québec qui serait
codifiée. Si l'article 159 est adopté, je prévois qu'il sera immédiatement
contesté et que le Procureur général du Québec ne pourra éviter un revers
cuisant devant les tribunaux. Je ne peux concevoir que la Cour suprême du
Canada voudra reconnaître sa validité puisqu'il modifie considérablement
l'architecture constitutionnelle dont elle est la gardienne.
Les reconnaissances politiques de la
nation québécoise par le premier ministre du Canada et la Chambre des communes
ne sont nullement déterminantes dans ce débat juridique. Je rappelle que la
demi-douzaine de jugements les plus fondamentaux de la Cour suprême depuis 50
ans ont tous, sans exception, été des rebuffades du gouvernement fédéral du
moment, y compris, quoi qu'on en dise, le renvoi sur le rapatriement de 1981.
C'est doublement vrai en matière autochtone.
• (12 h 20) •
J'ouvre ici une parenthèse. Je laisse ici,
dans mon mémoire, la version de l'article 90 du 1867. Cette version
n'existe pas sur le plan juridique, ce qui est contraire à l'article 55 de
la Constitution de 1982 qui ordonnait au gouvernement canadien de traduire,
dans les meilleurs délais, la Constitution de 1867 et de donner à la version
française une pleine valeur juridique égale à la version originale anglaise. Au
moment où la nation québécoise exerce son droit à l'autodétermination interne
pour renforcer la protection du français, il serait justifié, après 40 ans, que
le Procureur général du Québec demande à la Cour supérieure un jugement déclaratoire
qui constatera ce manquement constitutionnel majeur par le gouvernement du
Canada. Le gouvernement du Québec ne ferait la preuve ainsi que de sa cohérence
et de son respect pour la primauté du droit. Je referme la parenthèse.
Je conclus en vous exprimant ma lecture
fondamentale du droit constitutionnel canadien. Le Canada est un État
multinational composé de la nation canadienne, de la nation québécoise et des
nations autochtones. La Constitution du Canada est la constitution de la nation
canadienne, qui a été imposée à deux reprises à la nation québécoise en 1867 et
en 1982. Elle a aussi été imposée aux nations autochtones en 1867. La
Constitution de 1982 n'a reconnu les droits de celles-ci que de manière
partielle et tronquée.
Chaque nation possède un droit inhérent à
l'autodétermination. Il a beaucoup été question du droit à l'autodétermination
externe dans les deux référendums sur la souveraineté, mais, dans la vie de
tous les jours, le droit à l'autodétermination interne est beaucoup <plus
concret...
M. Binette (André) :
...
les droits de celles-ci que de manière partielle et tronquée.
Chaque nation possède un droit inhérent
à l'autodétermination. Il a beaucoup été question du droit à
l'autodétermination externe dans les deux référendums sur la souveraineté,
mais, dans la vie de tous les jours, le droit à l'autodétermination interne est
beaucoup >plus concret. Toutes les lois majeures du Québec, du Code
civil à la loi 21 et au projet de loi n° 96, sont des expressions du
droit à l'autodétermination interne de la nation québécoise. Ce droit à
l'autodétermination interne n'a pas été respecté par la nation canadienne en
1867 et en 1982.
Ceux et celles qui veulent garder le
Canada uni ont une immense tâche constitutionnelle qui les attend d'urgence,
celle de rédiger des constitutions pour chacune des nations qui forment le
Canada et de les réconcilier entre elles. S'ils n'acceptent pas cette tâche ou
s'ils échouent à la remplir, les tensions constitutionnelles s'accroîtront
continuellement et la question de l'autodétermination externe se posera presque
sûrement à nouveau. Pour bien la remplir, il ne faut surtout pas confondre les
constitutions de différentes nations.
La question de la coexistence des nations
au sein d'un même État est universelle. Elle est, avec la crise climatique qui
pourrait d'ailleurs l'aggraver, l'une des plus grandes questions du
XXIe siècle. Je vous remercie de votre attention.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. Binette, pour votre présentation. Donc, sans plus tarder, nous
allons aller avec le bloc d'échanges avec le ministre. Vous avez
16 minutes et quelques secondes, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, M. Binette. Merci d'être présent et de
participer à nos travaux.
Écoutez, moi, je trouve ça très
intéressant vos propos, qui relèvent du droit constitutionnel, et je suis
convaincu que mes collègues sont tout aussi passionnés. Avec ce que vous avez
dit, je suis en désaccord avec certaines parties, mais, si vous voulez, on va
explorer d'une façon plus profonde.
Essentiellement, ce que je retiens notamment
de votre propos relativement à la constitution, notamment la constitution québécoise.
Vous, ce que vous souhaitez, c'est que le Québec se dote de sa propre
constitution. Vous dites, dans le fond : La constitution canadienne, la
loi constitutionnelle de 1867, la loi constitutionnelle de 1982, le Québec n'a
pas été consulté, donc ça appartient à la nation canadienne cette
constitution-là. Et nous-mêmes, nous devrions nous doter de notre propre constitution,
ici au Québec, qui est composé notamment, bon, de la loi 21, de la Charte
de la langue française, du projet de loi n° 96, qui va y être ajouté, de
la Loi sur l'Assemblée nationale. Est-ce que je comprends bien?
M. Binette (André) : Oui. Je
précise que toutes les provinces peuvent faire la même chose, mais que dans le
cas exceptionnel du Québec, nous avons affaire à une nation qui est différente
de la nation canadienne, donc on parle ici d'une constitution provinciale qui
est aussi une constitution nationale.
Cette constitution nationale pourrait
reprendre toutes les principales dispositions des principales lois du Québec.
Ce n'est pas une opération juridique particulièrement complexe, mais il suffit
de faire un arbitrage, je dirais, pour intégrer tout ça. Alors, on parle de la
loi n° 99 d'abord, qui a été validée par la Cour
d'appel cette année et qui contient une affirmation du droit du peuple
québécois à l'autodétermination, et évidemment de toutes les lois dont vous
avez parlé, y compris le Code civil, la Loi sur l'Assemblée nationale, la Loi
électorale, on pourrait <reprendre...
M. Binette (André) :
...
parle de la loi
n°
99
d'abord, qui a été validée par la Cour d'appel cette année et qui contient une
affirmation du droit du peuple québécois à l'autodétermination, et évidemment
de toutes les lois dont vous avez parlé, y compris le Code civil, la Loi sur
l'Assemblée nationale, la Loi électorale, on pourrait >reprendre les
principales dispositions. Je souligne aussi que la constitution du Québec
existe déjà, que selon les tribunaux, par exemple, la Charte des droits et
libertés de la personne a déjà une valeur constitutionnelle, ce qui veut dire
qu'elle est au-dessus des lois du Québec, mais en dessous de la Constitution
canadienne, ce qui en fait une catégorie intermédiaire qui serait justement
celle de la constitution du Québec.
M. Jolin-Barrette : O.K. Je
vais passer sur un autre sujet, M. Binette. Tout à l'heure, vous l'avez abordé rapidement.
Une des craintes de certains groupes, c'est l'utilisation des dispositions de
dérogation, les dispositions de souveraineté parlementaire, et tout à l'heure
vous avez dit un élément qui est intéressant. M. Copeman vient de passer pour l'Association
des commissions scolaires anglophones, il dit : Bien, écoutez, le fait
d'utiliser les dispositions de souveraineté parlementaire empêche de contester
la loi. Alors... Or, vous, vous dites, sur les pouvoirs de l'OQLF : S'il y
avait abus de pouvoir, les citoyens pourraient tout de même s'adresser aux
tribunaux.
M. Binette (André) : Oui. Il
y a une distinction très claire en droit constitutionnel entre la validité
d'une loi et la validité des actes administratifs qui en découlent. On peut
contester par exemple une fouille ou une perquisition d'un douanier ou d'un
policier sans nécessairement contester le Code criminel ou les dispositions de
la loi qui autorise la fouille. Donc, cette distinction-là va demeurer même si
on utilise une clause dérogatoire. Même s'il n'y a pas encore de la
jurisprudence sur la question, je me sens en terrain ferme, en terrain sûr en
vous disant cela, je pense que cette distinction-là est trop bien établie entre
la validité d'une loi et celle des actes administratifs qui en découlent.
Alors, on sait que les autorités administratives peuvent parfois aller trop
loin, peuvent parfois prendre des moyens abusifs ou disproportionnés, et là je
pense qu'on peut rassurer quelque peu la communauté anglophone en lui disant
que ces recours-là vont demeurer.
M. Jolin-Barrette : Et ça, ce
que vous dites, c'est fort important, parce que bien souvent on agite un
épouvantail relativement à justement cette validité constitutionnelle là en
disant : Bien, le législateur, de façon préventive, utilise les dispositions
de souveraineté parlementaire, mais là vous venez, par votre argumentaire très
bien explicité, de dire : Attendez. Non, vous pouvez tout de même
contester s'il y a un abus de pouvoir aussi. Donc, ça maintient et ça garantit
les droits des citoyens.
Sur un autre point, est-ce que le projet
de loi n° 96 contrevient aux droits des nations
autochtones?
M. Binette (André) : Non. Ce
n'est pas une question de validité du projet de loi no 96, c'est une question
d'applicabilité constitutionnelle dans certains cas ou dans certaines... pour
certaines personnes ou certaines institutions. C'est une autre... — comment
dire? — un autre raisonnement, une autre distinction qui est bien
établie en droit constitutionnel.
Pour ce qui est des droits des nations
autochtones, j'ai cité, là... donc, j'ai mentionné des situations concrètes
dans mon mémoire, j'en ai ajouté une autre dans mon allocution de tantôt. Je
pense que ce qu'il faut retenir essentiellement, c'est que nous avions deux ou
trois éléments <majeurs en droit...
M. Binette (André) :
...
Pour ce qui est des droits des nations autochtones, j'ai cité, là...
donc, j'ai mentionné des situations concrètes dans mon mémoire, j'en ai ajouté
une autre dans mon allocution de tantôt. Je pense que ce qu'il faut retenir
essentiellement, c'est que nous avions deux ou trois éléments >majeurs
en droit linguistique constitutionnel, l'article 133 et le partage des
compétences en matière linguistique, qui a donné, d'une part, la Loi sur les
langues officielles du Canada et la loi 101 au Québec. Rien n'est remis en
question par les droits ancestraux autochtones sur ce plan, mais il faut faire
de la place, il faut leur faire de la place, à ces droits ancestraux autochtones.
Donc, ça veut dire qu'il y a certains
droits qui s'ajoutent, qui sont garantis par la Constitution canadienne depuis
1982, des droits ancestraux autochtones que toutes les nations autochtones
détiennent au Québec, malgré les différences entre leurs statuts juridiques,
qui sont par ailleurs considérables.
Donc, c'est... et je termine là-dessus en
disant : Il faut quand même se rappeler que ce ne sont pas toutes les
langues autochtones qui sont des langues vivantes. Alors, il y a une grande
inégalité de fait dans la pratique des langues autochtones au Canada et au
Québec. Alors, à un extrême, vous avez la langue mohawk, qui est peu parlée,
qui est enseignée, mais qu'on veut promouvoir. Mais, à l'autre extrême, les
Attikameks sont la communauté autochtone au Canada qui parle le plus sa propre
langue à l'intérieur de sa communauté. Je pense que 90 % ou plus des
Attikameks parlent leur langue.
Donc, il y a inégalité de fait, une
inégalité sociologique, mais une égalité juridique sur le plan des langues
autochtones.
M. Jolin-Barrette : O.K.
M. Binette, pouvez-vous nous parler de votre expérience avec les
communautés autochtones, le droit autochtone? Je pense que c'est un de vos
champs de pratique. Pouvez-vous nous parler de votre expérience relativement
aux droits autochtones?
M. Binette (André) : En
gros, j'ai partagé la moitié de ma carrière entre, je dirais, le service...
comme conseiller juridique du gouvernement du Québec et l'autre moitié dans le
secteur privé comme conseiller juridique des nations autochtones.
J'ai eu des contacts approfondis avec
chacune des 11 nations autochtones du Québec, mais j'ai travaillé surtout
avec trois d'entre elles : les Innus sur la Côte-Nord, les Inuits dans
l'Arctique québécois et les Anishnabe algonquins dans l'ouest du Québec. J'ai
également été brièvement conseiller juridique de l'Assemblée des Premières
Nations.
Je précise évidemment que je ne suis pas
un porte-parole des autochtones et que je ne partage pas nécessairement les
vues exprimées par les chefs ou l'Assemblée des Premières Nations.
Cependant, mon expérience professionnelle
m'a donné un autre regard, une autre perspective, qui est sensible à l'affirmation
des droits autochtones et qui cherche à concilier ces droits autochtones avec
les compétences du Québec.
M. Jolin-Barrette : Je
comprends que vous avez été notamment leur conseiller juridique et vous les
avez représentées devant les tribunaux?
M. Binette (André) :
Exactement, devant les tribunaux dans des dossiers constitutionnels majeurs,
soit en droit environnemental autochtone, soit en droit... je dirais, en droit
qui conteste parfois ou qui... affrontait le Procureur général du Québec devant
les tribunaux.
• (12 h 30) •
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être, avant de céder la parole à mes collègues, j'aurais une question sur
les éléments rattachés à la francophonie canadienne que nous insérons dans le
projet de loi. Je veux avoir votre avis, notamment sur le fait qu'on va
permettre aux communautés francophones hors Québec, incluant les...
12 h 30 (version révisée)
M. Binette (André) : ...Procureur
général du Québec, devant les tribunaux.
M. Jolin-Barrette : O.K. Peut-être,
avant de céder la parole à mes collègues, j'aurais une question sur les
éléments rattachés à la francophonie canadienne que nous insérons dans le projet
de loi. Je voudrais avoir votre avis, notamment sur le fait qu'on va permettre
aux communautés francophones hors Québec, incluant les Acadiens, d'avoir la
possibilité de venir étudier au même coût que les Québécois au Québec dans les
institutions s'il n'y a pas d'institution d'enseignement supérieur qui offre
les cours dans leur province d'origine. Qu'est-ce que vous pensez des mesures
et du rôle que l'État québécois doit jouer en termes de support pour les
communautés francophones et acadiennes du Canada?
M. Binette (André) : Je suis
moi-même d'origine franco-ontarienne, j'ai choisi de faire mon cours de droit à
l'Université Laval plutôt qu'à l'Université d'Ottawa et de m'intégrer dans la
fonction publique du Québec, mais je demeure sensible tant aux réalités
autochtones qu'aux réalités, je dirais, des francophones hors Québec. Donc,
j'appuie toute mesure du gouvernement du Québec visant à promouvoir l'aide aux
communautés francophones hors Québec, je crois que ces mesures sont
parfaitement valides et justifiées.
M. Jolin-Barrette : Peut-être
une sous-question par rapport à ça. Pour les communautés francophones hors
Québec, certains disent : Écoutez, si le Québec met de l'avant des mesures
comme celle-ci, là, pour permettre aux francophones du Canada et aux Acadiens
d'étudier dans leur langue dans leur programme de leur choix au Québec. Est-ce
que vous pensez que ça a un impact négatif pour les communautés francophones
hors Québec et acadiennes, le fait que le Québec, justement, met de l'avant des
mesures comme ça pour les francophones hors Québec? Quelle doit être la
position du Québec par rapport aux autres gouvernements comme ça pour justement
appuyer ces communautés francophones et ne pas leur nuire, parce que, souvent,
dans... au cours de l'histoire, les 40, 50 dernières années, peut-être parfois
que les communautés francophones ont perçu un désintéressement du Québec, et ce
n'est pas le choix que je fais, que le gouvernement du Québec fait, on veut
être en support. Alors, pouvez-vous nous renseigner là-dessus?
M. Binette (André) : En tant
que juriste, il est bien clair que les provinces n'ont pas une compétence
extraterritoriale. Cependant, ça s'applique seulement au pouvoir législatif. Au
pouvoir exécutif... le pouvoir peut... le pouvoir exécutif, lui, peut offrir
des programmes qui peuvent s'étendre à l'extérieur du Québec, au même exercice,
le pouvoir de dépenser provincial, par exemple, pour la représentation dans les
autres provinces ou à l'étranger. Mais je... ce qu'on peut reprocher au Québec,
dans certaines provinces, y compris par peut-être chez certains francophones, c'est
qu'ils interviennent... ils tendent d'exercer une compétence extraterritoriale.
Mais je pense qu'autrefois on parlait de la nation canadienne-française, que c'est
d'un océan à l'autre, aujourd'hui on parle d'une nation québécoise qui tend la
main à des communautés francophones ou qui leur offre un soutien, mais aux
États-Unis aussi, qui ont besoin de cette aide, qui ont besoin de ce soutien
culturel. Et je pense que dans la plupart des cas cette aide sera la bienvenue,
elle est parfaitement justifiée à mes yeux.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
Binette, pour votre passage en commission parlementaire. Je vais céder la
parole au <député de...
M. Binette (André) :
... à des communautés francophones ou qui leur offre un soutien, mais aux
États-Unis aussi, qui ont besoin de cette aide, qui ont besoin de ce soutien
culturel. Et je pense que dans la plupart des cas cette aide sera la bienvenue,
elle est parfaitement justifiée à mes yeux.
M. Jolin-Barrette :
Merci, M. Binette, pour votre passage en commission parlementaire. Je vais
céder la parole au >député de Saint-Jean et au député de Chapleau.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, M. le député de Saint-Jean, vous avez 5 min 40 s.
M. Lemieux : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Bonjour, M. Binette.
M. Binette (André) : Bonjour.
M. Lemieux : Je suis content
que la conversation ait dérivé vers les francophones du reste du Canada. D'abord
parce que je ne suis pas constitutionnaliste, même si j'aime ça — n'importe
quel journaliste dans les années 1970, 1980, 1990, était obligé d'aimer ça — je
ne suis pas avocat non plus puis je ne suis pas d'accord avec vous. Alors, par
rapport à ce que vous énoncez comme opinion sur la validité et l'à-propos
d'inclure dans la Constitution, et la force que ça aurait la dimension québécoise
de la langue française, même si je vois où vous voulez aller avec la
constitution éventuellement québécoise, et ça aussi, je trouve ça intéressant.
Mais revenons, donc ou continuons avec la partie hors Québec parce que c'est
vrai, il n'y a pas de compétence extraterritoriale, une province, c'est une
province. Mais les Québécois, de par leur nature parce qu'ils sont la nation
francophone au Canada, ont de l'influence, une influence directe puis
indéniable, ils ont aussi une responsabilité. Est-ce qu'on peut, à l'égard des
autres francophones du reste du Canada et des Acadiens, est-ce que ça, ça peut
venir aider le Québec à aider les autres francophones d'un point de vue légal quand
même?
M. Binette (André) : Je suis d'accord
avec ça. Je pense que le Québec est libre de se donner cette responsabilité politique,
même si elle n'existe pas dans la Constitution canadienne. Rien n'empêche que
sur le plan politique, ça puisse se faire.
Et deuxièmement, je pense que, dans la
plupart des cas, elle sera la bienvenue. Donc, je pense que, même si les
définitions des nations ont changé, comme je le disais tantôt, les nations se
définissaient autrefois sur une base ethnique, donc c'était la nation canadienne-française,
descendante des colons français. Aujourd'hui, les nations, comme la Cour
d'appel l'a reconnu au printemps dernier dans l'affaire sur la loi n° 99,
se définissent sur une base territoriale, c'est-à-dire tous les habitants d'un
territoire, le Québec, quelles que soient leurs origines ethniques ou
culturelles. Donc, mais rien n'empêche que dans ces agissements avec des
membres de la nation canadienne, qui sont aussi une des minorités francophones
à l'extérieur du Québec, que le Québec agisse en leur offrant son soutien.
M. Lemieux : Plus que moral,
oui. Et mes 15 années au Canada anglais, en particulier en Acadie et dans
l'ouest, me disent que vous avez le doigt sur le bon levier par rapport à l'aide
dont ils ont besoin et la responsabilité plus que morale qu'on a.
Il y a... Et là je vais dans l'ensemble,
sans essayer de jouer au fin finaud avec la Constitution, mais je vous emmène quand
même dans une partie, une nouvelle partie du droit qu'on aura avec la loi n° 96,
si tant est qu'elle est adoptée comme elle est <présentée...
M. Lemieux : ... ils ont
besoin et la responsabilité plus que morale qu'on a.
Il y a... Et là je vais dans
l'ensemble, sans essayer de jouer au fin finaud avec la Constitution, mais je
vous emmène
quand même dans une partie, une nouvelle partie du droit
qu'on aura avec la loi
n° 96, si tant est qu'elle est adoptée comme
elle est >présentée, où il y a une notion de droits collectifs. Parce
qu'on ajoute, dans le préambule de la Charte de la langue française, ce que je
vous appelle une notion, là, en termes vulgarisés, sur le droit collectif. Est-ce
que ça a des assises, ça? Est-ce que c'est une notion qui est bien développée
et qui est intégrée dans le droit ailleurs dans le monde?
M. Binette (André) : Oui, mais
pas assez, au Canada, et je pense que c'est un travers, un défaut du droit constitutionnel
canadien, de la jurisprudence canadienne. Et si on se reporte à la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l'homme, par exemple, il y a une
pondération beaucoup plus importante entre les droits collectifs et les droits
individuels. Ici, on fait... on donne une importance à mon avis parfois
excessive aux droits individuels, en ne tenant pas compte de la légitimité des
droits collectifs, qui sont aussi des droits humains fondamentaux, j'insiste
sur ce point.
M. Lemieux : Est-ce qu'il
reste le temps pour aller au député de Chapleau, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Thériault) :
1 min 45 s.
M. Lemieux : D'accord. Merci...
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député de Chapleau, la parole est à vous.
M. Lévesque (Chapleau) : ...Mme
la Présidente. Merci, M. Binette. Merci de votre présentation. Peut-être, rapidement,
là, revenir sur les concepts de nation au Canada dont vous avez fait mention. D'abord,
la nation canadienne, la nation québécoise, les nations autochtones. Juste une clarification,
dans la nation canadienne, vous incluez donc les communautés francophones
minoritaires hors Québec. Est-ce que c'est bien ça ou il y a des distinctions à
faire pour ces groupes-là, là, dans le cas de la nation canadienne?
M. Binette (André) : Si on ne
définit les nations que sur une base territoriale, comme c'est le cas dans la
sociologie moderne, dans la science politique moderne et même, de plus en plus,
dans le droit constitutionnel moderne, selon la Cour d'appel, il est clair que
les francophones hors Québec font partie de la nation canadienne.
Il est clair aussi qu'il y a des membres
de la nation canadienne au Québec, parce qu'on peut s'identifier, c'est un
choix subjectif en grande partie. Alors, le premier ministre Trudeau peut dire
qu'il appartient à la fois à la nation canadienne et à la nation québécoise,
mais parfois il y a peut-être un conflit d'allégeance qui lui fait privilégier
la nation canadienne. Donc, là-dessus, il y a un élément psychologique.
M. Lévesque (Chapleau) :
D'accord. Vous avez parlé, donc, des fameux droits collectifs qu'on inscrit à
la charte. Associez-vous ça également avec la notion de souveraineté
parlementaire? Est-ce qu'il y a un lien à faire avec ces clauses? Est-ce que
vous avez vu ce type d'application ailleurs dans le monde, également?
M. Binette (André) : Non,
parce que le concept de souveraineté parlementaire est propre au régime
constitutionnel de type britannique, qui ne privilégie pas, au contraire, la
notion de droits collectifs. Donc, faire ce lien-là, à mon avis, le Québec est
peut-être le seul endroit au monde où on peut le faire. Ce lien-là est plus...
à mon avis, est tout à fait justifié, mais c'est par l'entremise de la clause
dérogatoire, par l'entremise de la souveraineté parlementaire que l'Assemblée
nationale peut, en toute légitimité, en droit constitutionnel <canadien...
M. Binette (André) :
...
faire ce lien-là, à mon avis, le Québec est peut-être le seul
endroit au monde où on peut le faire. Ce lien-là est plus... à mon avis, est
tout à fait justifié, mais c'est par l'entremise de la clause dérogatoire, par
l'entremise de la souveraineté parlementaire que l'Assemblée nationale peut, en
toute légitimité, en droit constitutionnel >canadien, rétablir ou
affirmer les droits collectifs de la nation québécoise, tout en équilibrant...
• (12 h 40) •
La Présidente (Mme Thériault) :
Je dois mettre fin...
M. Binette (André) : Oui?
M. Lévesque (Chapleau) :
Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Malheureusement, je dois mettre fin à l'échange. Donc, je vais aller...
maintenant aller du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Merci beaucoup.
Merci, Pr Binette. Écoutez, j'ai beau être une universitaire qui a fait
carrière toute ma vie à l'Université de Montréal, ce n'était pas en droit,
c'était en psychologie. Alors, je mets tous mes neurones en action pour essayer
de bien suivre ce que vous avez dit et travailler avec ces notions
constitutionnelles.
Ce que je comprends... Parce que je vais
essayer de vulgariser, parce que ce n'est pas toujours évident, hein? On parle
avec des constitutionnalistes, puis ils ne disent malheureusement pas tous la
même chose. On voudrait bien que ce que vous dites soit partagé par tout le
monde et qu'il y ait un seul discours, mais je comprends bien qu'il n'y a pas
un seul discours. À preuve, le ministre se fait dire qu'il erre en mettant
l'article 159. Une fois qu'on a dit ça, je pense que vous êtes assez clair
qu'il erre en disant : Vous vous trompez de constitution. Là, je mets au
défi pas mal de monde dans la salle et dans la population pour comprendre de
quoi vous parlez, évidemment, parce qu'il se trompe de constitution, on est un
petit peu mêlés. On comprend Constitution canadienne; on comprend qu'il y a
l'article 45 qui est là; il y a le supralégislatif; il y a le quasi
constitutionnel; il y a la loi ordinaire, toutes des notions avec lesquelles
j'essaie de composer moi-même. Mais, une fois qu'on a dit tout ça, vous dites
une chose et ce qui me semble être un peu son contraire. Alors, je vais essayer
de comprendre, mais vous me pardonnerez mes propres errances.
Alors, vous dites que l'article 159, là,
il faudrait l'enlever; il faudrait l'enlever, puis là vous dites comme Benoît
Pelletier, vous dites : Il faudrait repartir, commission itinérante,
commission parlementaire qui va partout au Québec, qui fait une tournée et qui,
là, crée une vraie constitution du Québec. Ce que le ministre ferait, ce n'est
pas... ça ne marche pas. Ça ne marche pas, et malgré tout ce qu'on dit depuis
le mois de... le 14 mai. Au Canada, il y a une motion du Bloc québécois, tous
les partis ont embarqué. Le ministre Procureur général à l'époque, M. Lametti,
a dit : Oui, oui, oui, mes juristes ont dit que c'était tout à fait
faisable. Alors là, il y a... j'imagine qu'il y a quelques juristes à Ottawa,
quand même, là, qui ont regardé ça, que le procureur en chef du Canada doit
avoir son équipe de juristes qui en connaissent un peu aussi dans la
constitution. Alors, eux autres disent : C'est correct. Autre débat le 22
mai. On ouvre notre Presse, on a le ministre Procureur général du Québec
qui dit : Ça va avoir une immense portée constitutionnelle, puis d'autres
répondent, comme Benoît Pelletier ou d'autres : Non, non, non, pas tant
que ça. C'est une loi ordinaire, c'est quasi constitutionnel, ce <n'est
pas...
Mme David : ...
C'est
correct. Autre débat le 22 mai. On ouvre notre Presse, on a le ministre
Procureur général du Québec qui dit : Ça va avoir une immense portée
constitutionnelle, puis d'autres répondent, comme Benoît Pelletier ou d'autres :
Non, non, non, pas tant que ça. C'est une loi ordinaire, c'est quasi
constitutionnel, ce >n'est pas supralégislatif. Là, on part dans tous
les adjectifs. Alors là, autres lieux de réflexions, de dissensions et de
lectures pour la pauvre profane que je suis, puis là, vous, vous dites :
Non, non, non, ça ne marche pas, ce n'est même pas le bon chemin, il s'est
trompé de constitution, mais, page 19, si l'article 159 était valide. Donc, ça,
vous réfléchissez, là. J'imagine, vous vous dites : S'il était valide, ça
veut dire qu'il aurait été contesté jusqu'en Cour suprême et puis que
finalement on va dire : Ah! le ministre avait raison. Ça, c'est... on sera
tous peut-être à la retraite à ce moment-là. Vous dites : Mais tant qu'à
faire ça, bien rajoutons des choses, et c'est là que, moi, je suis encore plus
mêlée, parce que vous dites : Retirons l'article mais ajoutons Q3, Q4, Q5.
Alors, à la... le fait que la seule langue officielle... la nation québécoise
détient... Bon, vous rajouteriez même quelque chose : Les Québécoises et
Québécois forment une nation. Vous rajouteriez au Q1 : «La nation
québécoise détient de manière inhérente le droit à l'autodétermination», puis
vous rajoutez ce que... là, je suis mêlée dans qui propose, là, le ministre
m'aidera, il y en a un qui est venu, je ne sais plus lequel, qui a dit :
L'État québécois est démocratique. Ah! non, ça, ce n'était pas dit — j'espère
qu'on est démocratiques et laïques — quelqu'un l'a proposé jusqu'à
maintenant...
Une voix : ...
Mme David : Pardon? Bien, Me
Rousseau, voilà. Q4 : L'État québécois respecte les droits des personnes
des nations autochtones, de la minorité anglophone et des autres minorités de
manière compatible avec les caractéristiques fondamentales du Québec. On est
loin, il me semble, de la langue française. Les lois du Québec s'interprètent
de manière à assurer cette compatibilité, Q4, et Q5, puis là, vraiment, j'ai
été bien étonnée : La loi sur le drapeau du Québec adoptée le 21 janvier
1948 fait partie depuis le jour de son adoption de la constitution du Québec.
Là, vous m'avez tellement perdue dans vos positions que je vous donne
l'occasion de peut-être faire un cours de droit très, très, très accéléré pour
nous dire : Est-ce qu'on scrape tout ça finalement, puis on repart avec
une tournée du Québec? Benoît Pelletier dit : Attention, c'est quelque
chose, faire ça, ça prend l'unanimité si possible, de tout le monde. Moi,
j'aimerais ça, participer à ça, ça serait passionnant, mais j'ai l'impression
qu'on n'est plus du tout dans les objectifs du p.l. n° 96. Je suis désolée,
j'ai pris cinq minutes pour essayer moi-même de me démêler puis de pouvoir
expliquer ma question. Je vous en donne autant si vous en avez besoin pour
expliquer votre réponse.
M. Binette (André) : Bien, la
question est excellente. Après mes suggestions pour 90, Q.1 à 5, j'ajoute :
Tous ces articles pourraient validement faire partie de la constitution du
Québec sans faire partie de la Constitution du Canada. En fait, ma position, c'est,
comme je l'ai précisé aujourd'hui, elles ne peuvent faire validement partie que
de la constitution du Québec codifiée, elles ne peuvent pas faire validement
partie de la Constitution du Canada. Alors, pour moi, le gouvernement du Québec
vient d'ouvrir une porte tellement grande que ça dépasse de loin le cadre de la
Loi n° 96 sur la <Langue française...
M. Binette (André)T :
...
du Canada. En fait, ma position, c'est, comme je l'ai précisé
aujourd'hui, elles ne peuvent faire validement partie que de la constitution du
Québec codifiée, elles ne peuvent pas faire validement partie de la
Constitution du Canada. Alors, pour moi, le gouvernement du Québec vient
d'ouvrir une porte tellement grande que ça dépasse de loin le cadre de la Loi
n° 96 sur la >Langue française. On a ouvert une porte
constitutionnelle entièrement nouvelle. Il n'est pas étonnant que ça suscite un
immense point d'interrogation et que les avis soient très divergents.
Par ailleurs, moi, j'ai passé toute ma
carrière, que ce soit au Procureur général du Québec ou chez les nations
autochtones, à contester les avis du Procureur général du Canada. Ça ne
m'impressionne pas du tout que les juristes fédéraux disent que c'est valide.
Comme je l'ai dit dans mon mémoire, la demi-douzaine de jugements
constitutionnels fondamentaux, les plus fondamentaux depuis 50 ans, ont tous
été des rebuffades servies au gouvernement fédéral du moment à la Cour suprême
du Canada, donc, y compris dans le renvoi sur le rapatriement de 1981.
Donc, et en matière autochtone, c'est
doublement vrai, là, on parle d'une vingtaine de jugements majeurs. J'ai déjà
confronté une avocate autochtone fédérale en lui disant : L'histoire de la
jurisprudence autochtone en droit autochtone, c'est l'histoire des défaites du
procureur général du Canada devant les tribunaux. Elle n'a pu que le confirmer.
Donc, ça ne m'impressionne pas du tout,
les prises de position politiques, les avis juridiques fédéraux ne préjugent en
rien du débat judiciaire à venir. Et je pense que les implications ne sont pas
encore pleinement comprises de l'article 90-Q, parce qu'on pourrait avoir un
article 90-A, Alberta, un article 90-CB, Colombie-Britannique, un article 90-O,
Ontario, jusqu'aux 10 provinces. Chaque province pourrait ajouter 20 pages, au
moins, il n'y a pas de limite de quantité à la Constitution du Canada. La
Constitution du Canada, donc, aurait 200 pages de plus, et ce qui n'était pas
du tout envisagé par ses auteurs ni par la Cour suprême jusqu'ici. À mon avis,
elles diraient : Holà! Ça, c'est modifier l'architecture de l'ensemble de
la Constitution, allez donc faire votre propre constitution provinciale à la
place.
Mme David : C'est passionnant.
Est-ce que je passerais mon examen constitutionnel, je ne suis pas sûre, mais
j'ai compris qu'il y avait beaucoup, beaucoup de divergence d'opinions, et c'est
normal, on est en science ou on est en science juridique, comme on dit. La
médecine peut avoir aussi... des fois, on a-tu un cancer, on n'a pas de cancer,
oui, un dit l'autre, l'autre dit non, etc. Mais je comprends que c'est une
grande porte qui a été ouverte, cet article QC-90... non, 90Q.1 et 2, et qu'on
va avoir des heures de plaisir. Je vous remercie, je vais passer la parole à
mon collègue le député de D'Arcy-McGee.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et, M. le député, vous avez 2 min 40 s.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Merci, M. Binette, pour votre présentation. J'aimerais vous
entendre un petit peu plus sur les pouvoirs de perquisition des inspecteurs du
gouvernement. Dans un premier temps, je diffère avec vous, selon mes
discussions, cette commission risque d'entendre beaucoup de groupes québécois
francophones qui auraient des questionnements là-dessus aussi. Alors, moi, je
ne situe pas ce débat <sur le plan...
M. Birnbaum : ...
J'aimerais
vous entendre un petit peu plus sur les pouvoirs de perquisition des
inspecteurs du gouvernement. Dans un premier temps, je diffère avec vous, selon
mes discussions, cette commission risque d'entendre beaucoup de groupes
québécois francophones qui auraient des questionnements là-dessus aussi. Alors,
moi, je ne situe pas ce débat >sur le plan communauté linguistique.
Vous constatez que, de votre lecture, si
j'ai bien compris, les articles 111 et 112 n'ont pas besoin d'être à
l'abri des défis judiciaires, c'est-à-dire que, pour vous, la clause
dérogatoire, ce n'est pas nécessaire pour que ces articles soient valides. Et
je ne parle pas de ce que je trouve un petit peu auxiliaire, votre point, que,
oui, des poursuites peuvent se faire sur le plan pratique, je ne parle pas de
ça. De votre avis, 111 et 112, deux choses, sont tout à fait recevables sans
avoir recours à la protection de la clause dérogatoire, dans un premier temps?
Deuxième temps, j'aimerais, avec respect,
vous faire sortir de votre zone de confort, est-ce que vous trouvez que ces
pouvoirs sont raisonnables et nécessaires?
M. Binette (André) : Je
conviendrais, d'emblée, qu'ils sont importants, qu'ils ne peuvent être maniés
qu'avec un grand doigté et un grand discernement. On a vu, par exemple,
certaines enquêtes policières provinciales mener à des abus récemment, donc, et
ces abus-là peuvent être contestés devant les tribunaux. Donc, je ne dis pas
que les pouvoirs importants qui sont accordés à l'office sont
inconstitutionnels.
• (12 h 50) •
Je ne dis pas non plus qu'il faut
nécessairement une clause dérogatoire pour les valider. Ce que je dis... Et je
dis aussi que... Je dis, cependant, que la jurisprudence sur les effets des
clauses dérogatoires est encore peu abondante, peu détaillée parce qu'elle a
peu été utilisée au Canada. Et qu'entre autres la jurisprudence sur la
distinction entre la validité des lois et la validité des inspections n'est pas
encore développée. Mais je m'appuie, je dirais, sur des raisonnements
juridiques fondamentaux pour arriver à la conclusion que j'ai présentée aujourd'hui.
Ce qui est clair, c'est que la
Constitution, que ce soit l'article 33 de la Charte canadienne ou l'article,
je crois, 52 de la Charte québécoise ne permet des clauses dérogatoires qui
protègent les lois, ou des dispositions des lois, elle ne permet pas des
clauses dérogatoires qui vont jusqu'à protéger des actes abusifs. Il y a déjà
eu une clause dérogatoire abusive dans le passé, la clause
dérogatoire à la Loi sur les mesures de guerre... dans la Loi sur les
mesures de guerre en octobre 1970, qui dérogeait à la Déclaration canadienne
des droits de 1960 jusqu'à protéger les droits abusifs, même brutaux, de l'autorité
policière. Une telle clause dérogatoire serait inconstitutionnelle aujourd'hui,
à mon avis.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci beaucoup, M. Binette. Donc, sans plus tarder, Mme la députée de
Mercier, pour vos 2 min 45 s.
Mme Ghazal : Merci. Merci
beaucoup, M. Binette, pour votre présentation. Moi non plus, je ne pense
pas que je vais réussir votre examen sur la Constitution, mais ce n'est pas
grave, j'ai quand même une question dans le peu de temps que j'ai. Vous dites
que les droits ancestraux des autochtones sont garantis par la <Constitution
de...
La Présidente (Mme Thériault) :
... M. Binette. Donc, sans plus tarder, Mme la députée de Mercier, pour
vos 2 min 45 s.
Mme Ghazal : Merci. Merci
beaucoup, M. Binette, pour votre présentation. Moi non plus, je ne pense
pas que je vais réussir votre examen sur la Constitution, mais ce n'est pas
grave, j'ai quand même une question dans le peu de temps que j'ai. Vous dites
que les droits ancestraux des autochtones sont garantis par la >Constitution
de 1982, mais est-ce que le projet de loi n° 96 ne
serait pas une opportunité pour promouvoir et reconnaître les langues autochtones
un peu plus? Et comment est-ce qu'on peut le faire avec le projet de loi
n° 96?
M. Binette (André) :
Bon, j'ai proposé certaines choses dans mon mémoire et dans mon allocution, qui
s'appliqueraient... Les droits ancestraux vont s'appliquer, quoi que dise le projet
de loi n° 96. Donc, ils existent indépendamment du projet de loi n° 96,
mais on pourrait préciser... dans la loi n° 96, que
ces droits ancestraux s'appliquent à l'Assemblée nationale et à la loi 101
un peu davantage, et donner quelques exemples particuliers, que j'ai donnés
dans mon mémoire, en ce qui concerne, par exemple, les contrats avec les
institutions autochtones, les ententes intergouvernementales avec les nations autochtones
dans les deux langues, français et autochtone, les droits de témoin à l'Assemblée
nationale, etc.
Donc, moi, je... Tout ça va s'appliquer,
même si on ne le dit pas dans le projet de loi n° 96. Mais ça vaut mieux
si on le disait. Puis ça irait mieux si on le disait, ce serait plus généreux
et plus ouvert.
Mme Ghazal : O.K., je
comprends. Puis vous, vous êtes en faveur d'une constitution interne plutôt qu'une
constitution de pays, comme Québec solidaire le propose. Il y a même des
fédéralistes qui sont pour une constitution interne.
Est-ce que vous ne trouvez pas — et
là c'est peut-être une question politique — vous ne trouvez pas que
ça nuirait à la souveraineté d'avoir une constitution interne du Québec?
M. Binette (André) : Pas
du tout. Du point de vue souverainiste, ça peut être un préalable très
intéressant.
Pour ce qui est de... Pour un fédéraliste
qui veut, lui, changer la Constitution canadienne, ça peut être l'occasion de
dire : Bien, nous, on veut abolir la monarchie au Québec. On met ça dans
la constitution du Québec et on déclenche une réouverture de la Constitution
canadienne par l'obligation de négocier.
Et, pour un fédéraliste que j'appelle plus
orthodoxe qui veut respecter le cadre constitutionnel canadien, c'est quand
même un moyen de renforcer l'identité nationale québécois.
Donc, moi, je pense que, dans tous les
cas, on est gagnant et qu'on peut aller chercher des consensus étendus au
Québec.
Mme Ghazal : O.K., merci.
J'ai peut-être un peu de temps pour l'article 65 du projet de loi
n° 96, qui fait en sorte que la charte s'applique aux entreprises
fédérales. Ça, ça ne peut pas être contesté par le fédéral? Dès que la loi est
votée, les entreprises fédérales au Québec... la charte s'applique.
M. Binette (André) :
Bon, l'application des lois provinciales aux entreprises fédérales, c'est un
chapitre de la jurisprudence constitutionnelle en soi.
Grosso modo, si je vulgarise rapidement,
là, les lois générales provinciales s'appliquent aux entreprises fédérales,
sauf si elles visent leurs fonctions essentielles. Alors, là, en ce moment,
jusqu'ici l'état du droit, c'était que la loi 101 ...à plusieurs fonctions
essentielles des entreprises fédérales. Cependant, certaines entreprises
fédérales comme Radio-Canada ou TVA peuvent volontairement appliquer la
loi 101. Maintenant, le fédéral peut <modifier...
M. Binette (André) :
...
l'état du droit, c'était que la loi 101 ...à plusieurs fonctions
essentielles des entreprises fédérales. Cependant, certaines entreprises
fédérales comme Radio-Canada ou TVA peuvent volontairement appliquer la
loi 101. Maintenant, le fédéral peut >modifier sa position
là-dessus.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange. Merci. Donc, nous allons aller du côté du député
de Matane-Matapédia. La parole est à vous.
M. Bérubé : Bienvenue,
M. Binette. Alors, selon vous, on ne sera pas capable d'inscrire que le Québec
est une nation, que le français est la seule langue officielle du Québec dans
la Constitution canadienne. Ai-je bien compris?
M. Binette (André) : Exact.
M. Bérubé : Merci. Le gouvernement
du Québec a choisi de faire une promotion assez débridée de ce qu'il considère
comme étant un coup de génie et d'en faire la promotion. C'est une douche
froide assez importante que vous envoyez. Nous, ça ne nous impressionnait pas
tant que ça, on ne cherche pas vraiment à intégrer la Constitution canadienne,
on cherche à en sortir.
Mais pouvez-vous nous indiquer pourquoi
l'espoir que le ministre fonde en ce geste symbolique, inspiré d'un intervenant
qu'on verra cet après-midi, Me Patrick Taillon, pour vous, est voué à
l'échec?
M. Binette (André) : Bon, là,
il faut se rappeler que l'article 45 de la loi constitutionnelle de 82 est
la disposition sur laquelle s'appuie le gouvernement actuellement pour
introduire l'article 159 dans la Constitution canadienne. Donc, qu'est-ce
que dit l'article 45? C'est qu'une province peut modifier sa constitution
interne.
Cet article-là ne date pas de 82, il
existe depuis 1949 et à l'époque de ce qu'on a appelé alors le
minirapatriement, qui a mis fin à la juridiction des tribunaux britanniques au
Canada. Et donc il existe quand même une pratique importante de cette
disposition-là depuis 1949. À mon avis, c'est pour ça que j'ai fait référence à
la Loi sur le drapeau, dès le départ, Maurice Duplessis a compris
qu'on pouvait utiliser ce nouveau pouvoir pour modifier la constitution
interne, et le drapeau en est un exemple à mes yeux.
M. Bérubé : M. Binette,
si vous faites cette interprétation, il est possible qu'au gouvernement on
l'ait fait aussi. Où résiderait l'intérêt du gouvernement du Québec à proposer
une telle chose s'il sait que c'est voué à l'échec?
M. Binette (André) : Bien,
moi, je pense que c'est très attrayant à première vue, c'est tellement
innovateur que ça éblouit un peu, même les constitutionnalistes, et puis qu'il
y a un petit peu de pensée magique là-dedans, en toute franchise et en tout
respect.
M. Bérubé : Pas d'autre
question, Mme la Présidente, ça résume assez bien l'opération.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Donc, M. Binette, je vous remercie de votre participation à nos
travaux.
Et je vais maintenant suspendre les
travaux de la commission jusqu'à 14 heures. Merci. Bon appétit, tout le
monde.
(Suspension de la séance à 12 h 57)
14 h (version révisée)
(Reprise à 14 h 2)
La Présidente (Mme Thériault) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, la Commission de la culture et de l'éducation
reprend ses travaux. Nous poursuivons les auditions publiques dans le cadre des
consultations particulières sur le projet de loi n° 96, Loi sur la langue
officielle et commune du Québec, le français. Cet après-midi, nous entendrons
les témoins suivants : M. Patrick Taillon et M. Frédéric Lacroix
seront tous les deux présents dans notre salle de commission, et nous
terminerons avec M. Pierre Curzi, ancien député de Borduas, qui, lui, sera
en visioconférence.
Donc, sans plus tarder, M. Taillon,
bienvenue à l'Assemblée nationale. Je vais vous demander de procéder à votre
présentation, d'une durée d'approximativement 10 minutes, avant de faire
les échanges avec les <parlementaires. …
La Présidente (Mme Thériault) :
…Lacroix seront tous les deux présents dans notre salle de
commission,
et nous terminerons avec M. Curzi, ancien
député de
Borduas, qui,
lui, sera en visioconférence.
Donc, sans plus tarder,
M. Taillon, bienvenue à
l'Assemblée nationale. Je vais vous
demander de procéder à votre présentation d'une durée d'approximativement
10 minutes avant de faire les échanges avec les >parlementaires.
M. Taillon (Patrick) :
Bonjour. Merci, Mme la Présidente. J'aimerais remercier les membres de la
commission pour cette invitation.
Comme professeur de droit constitutionnel,
moi, je suis particulièrement interpellé par, évidemment, les aspects
constitutionnels du projet de loi. Ils sont nombreux. Le projet de loi
n° 96 consacre de nouveaux droits fondamentaux et, surtout, il hisse
autant que possible au sommet de la hiérarchie, au sommet de notre hiérarchie
des normes ce projet de société particulier qui consiste à protéger et vivre en
français, notamment par l'octroi d'un statut quasi constitutionnel à la Charte
de la langue française, un statut à l'égal de la charte québécoise, par la
modification de la charte québécoise à son préambule, une disposition
interprétative qui s'ajoute, et surtout un droit de vivre en français qui est
consacré parmi la partie de cette charte qui a la plus grande portée, et aussi
par la mention explicite à l'article 9.1 que l'importance accordée au Québec à
la protection du français est un motif de justification qui doit être pris en
considération par les tribunaux lorsqu'il est question de concilier, pondérer,
limiter, encadrer les droits des uns et les droits des autres.
Il y a aussi le recours à la dérogation
aux chartes canadienne et québécoise, qui participe à cette volonté de hisser ces
droits au sommet de la hiérarchie des normes et qui représente un message clair
envoyé à l'endroit des tribunaux. Ce n'est pas la négation ou le rejet des
droits fondamentaux, bien au contraire, c'est seulement la volonté du Parlement
québécois d'avoir en cette matière le dernier mot et d'exercer ce pouvoir,
cette capacité reconnue par la Constitution canadienne et par la charte
québécoise d'établir l'équilibre approprié entre les différents droits et
libertés et les autres objectifs d'intérêt public. Autrement dit, si la théorie
du dialogue entre les juges et le législateur a un sens, une théorie que cite
abondamment la Cour suprême, bien, l'utilisation de la dérogation, c'est une
manière pour les parlementaires de répondre, de répliquer, de dialoguer avec la
jurisprudence de la Cour suprême qui s'est élaborée depuis les dernières
décennies.
Cela dit, moi, je veux surtout utiliser
cette déclaration d'ouverture pour me concentrer sur un aspect précis du projet
de loi trop souvent mal compris, qui est la modification apportée au texte de
la Loi constitutionnelle de 1867 et qui est opérée par le biais de la procédure
de l'article 45 de 1982. Je veux insister ici sur deux points. Premièrement,
pourquoi et comment ce changement est-il possible? Puis, deuxièmement, quel
effet que ça va avoir? Quelle portée, quelles conséquences juridiques peut-on
déceler un peu par rapport à ce changement?
Alors, d'abord, pourquoi ce <changement…
M. Taillon (Patrick) : ...45
de 1982. Je veux insister ici sur deux points.
Premièrement, pourquoi et
comment ce changement est-il possible? Puis,
deuxièmement, quel effet
que ça va avoir, quelle portée, quelles conséquences juridiques peut-on déceler
un peu
par rapport à ce changement?
Alors,
d'abord, pourquoi ce >changement
est possible? Il faut comprendre que ce changement découle de la spécificité de
la Constitution canadienne, de ce qui fait qu'elle est extrêmement différente
d'autres constitutions ailleurs dans le monde. Trois constats. On a affaire à
une constitution de la fédération qui en comprend plusieurs autres, donc des constitutions
entremêlées où il y a la constitution du grand Canada, une constitution de la
fédération qui comprend plusieurs entités, 10 entités provinciales et une
entité fédérale. Or, ces constitutions, elles ne sont pas étanches, elles sont
entremêlées, profondément entremêlées, et elles sont aussi profondément
dispersées. La Cour suprême nous l'a dit à plusieurs reprises — vous
avez ici un extrait de l'arrêt SEFPO où elle le dit, dans ce cas elle parle de
la constitution de l'Ontario — il n'y a pas de document unique, elle
se trouve dans plusieurs sources, dans une variété de dispositions, dans du
droit non écrit. La Cour suprême dit la même chose en 1981, mais cette fois de
la grande Constitution, celle de toute la fédération, elle dit aussi : «Pas
de document unique», «profondément dispersée», «profondément entremêlée». Et
donc on se retrouve avec une constitution dispersée, entremêlée, et, comme le
dit la Cour suprême dans l'arrêt Blaikie à propos de certaines questions
linguistiques, il y a dans la Constitution canadienne de la fédération du
Canada, qui comprend les 11 entités qui composent la fédération, des
dispositions qui sont indivisibles, indissociables, qui font à la fois partie
de la constitution du Québec et à la fois partie de la constitution de la
fédération dans son ensemble, et c'est cette caractéristique, le fait que c'est
profondément entremêlé plutôt qu'étanche, qui fait en sorte que, lorsque le
Québec modifie sa propre constitution, il modifie aussi celle de la fédération,
puisque certaines dispositions se trouvent à être dans la Loi constitutionnelle
de 1867.
Donc, cette façon de faire, elle n'est pas
nouvelle, c'est très important, elle a des racines historiques profondes. Dès
1867 — le témoin précédent a mentionné 1949, mais en vérité c'est
1867 — les Britanniques vont dire : Bien, pour modifier les
règles constitutives du Canada et de ses entités, il y a la loi britannique qui
opère ces changements, mais, par exception, il y a des sujets pour lesquels
vous pouvez agir seuls. Vous avez à l'écran une série d'exemples de sujets pour
lesquels on peut exercer ce pouvoir unilatéral. Certains, c'est un pouvoir...
Dans certains cas c'est un pouvoir unilatéral fédéral, dans certains cas c'est
un pouvoir unilatéral provincial. En vertu de ce pouvoir, cette capacité, le <Québec...
M. Taillon (Patrick) :
...agir seuls. Vous avez à l'écran une série d'
exemples de sujets pour
lesquels on peut exercer ce pouvoir unilatéral. Certains, c'est un pouvoir...
Dans certains cas c'est un pouvoir unilatéral fédéral, dans certains cas c'est
un pouvoir unilatéral provincial. En vertu de ce pouvoir, cette capacité, le >Québec
a modifié la composition même de son Parlement en abrogeant — ce n'est
pas un petit changement mineur — sa chambre haute, l'une des
composantes de ce Parlement à l'origine de la fédération. Donc, depuis toujours,
le constituant britannique a voulu et prévu cette possibilité, et, même en
1982, on aurait pu oublier ces dispositions, on aurait pu les abroger, mais le
constituant de 1982 a, au contraire, pris le temps de réécrire ces articles-là,
les déplacer puis les coller bien comme il faut à côté des autres procédures de
modification pour montrer qu'elles forment un tout puis qu'elles sont
intimement associées les unes aux autres.
• (14 h 10) •
Cette compétence de l'article 45,
c'est une compétence profondément hybride. On sait qu'en vertu de cette
compétence-là, on peut adopter des lois ordinaires — c'est la petite
boule de billard verte à l'écran — comme par exemple les lois
électorales, on peut aussi adopter des lois quasi constitutionnelles comme
la charte québécoise ou, à Ottawa, la Loi sur les langues officielles et on
sait qu'on peut aussi modifier certains aspects de la Constitution
supralégislative, ne seraient-ce que les dispositions de la Constitution de
1867 modifiables en vertu de l'article 45. Donc, on a une compétence
profondément hybride et qui côtoie d'autres compétences, celles des
articles 38 à 43, où là, pour ces questions-là, il faut l'accord du reste
du Canada, du fédéral, d'un certain nombre de provinces. Donc, 45 permet
certaines choses, c'est un carré, un domaine de compétences limité, mais, à
l'intérieur de ce domaine de compétences, le Québec peut agir.
Alors, comment on fait pour identifier,
lorsque le Québec modifie la loi suprême du Canada, le morceau de la
Constitution de la fédération qu'il peut modifier? Bien, le texte de la
Constitution lui-même et la jurisprudence nous fournissent assez clairement les
balises. D'abord, vous voyez à l'écran... l'article 52 de 1982 définit
clairement c'est quoi, la constitution suprême du Canada, c'est son... quelles
sont ces normes qui sont supralégislatives, et on nous dit : tous les
textes figurant à l'annexe. À l'annexe, on voit ici clairement que c'est
l'ensemble de la Loi constitutionnelle de 1867, comme c'est l'ensemble de la
loi constitutionnelle sur le Manitoba ou celle sur l'Alberta, peu
importe — je pourrais vous énumérer les exemples pendant longtemps — qui
fait partie de ce qui est enchâssé dans la Constitution. On ne dit pas
seulement : certains morceaux du texte de 1867, on dit bien : la
totalité de 1867. Alors, dans le texte de 1867, vous avez ce sous-titre sur les
constitutions provinciales, qui est enchâssé évidemment via 52, et, même avant
1982, les <normes qui…
M. Taillon (Patrick) :
…certains morceaux du texte de 1867, on dit bien : la totalité de 1867. Alors,
dans le texte de 1867, vous avez ce sous-titre sur les constitutions provinciales,
qui est enchâssé
évidemment via 52, et, même avant 1982, les >normes
qui composaient les lois suprêmes du Canada, les lois supralégislatives
faisaient aussi l'objet d'une définition à travers l'article 7 du Statut de
Westminster ou à travers la Loi sur la validité des lois coloniales de 1865.
Donc, ce n'est pas nouveau, dans cette approche britannique, de dire :
Bien, ce qui s'impose à vous, ce qui est supralégislatif est défini.
La Cour suprême, sous la plume du juge
Major, est venue définir comment on fait pour distinguer lorsque le Parlement
du Québec agit comme législateur ordinaire des situations où le législateur
québécois met son chapeau ou sa casquette de pouvoir constituant de la
fédération. L'extrait de la Cour suprême est assez clair, on nous dit :
«L'article 45 permet de modifier la constitution de la province», donc un objet
limité et précis. La citation se poursuit, hein : «Ce pouvoir doit être lu
en corrélation avec le paragraphe 52°.» Donc, le mot «constitution», ici, c'est
au sens du paragraphe 52°, paragraphe 1° de 1982, donc cette constitution au
sens de «loi supralégislative au-dessus des autres lois», et on nous dit :
«La façon de savoir lorsque le parlement d'une province veut agir ainsi, c'est
qu'il le fasse avec une intention claire en le disant expressément.» Donc, par
mention expresse, un parlement, qu'il soit britannique, fédéral ou provincial,
peut, s'il agit à l'intérieur de sa compétence, modifier le morceau qui le
concerne de la loi suprême de la fédération.
Cette définition de la constitution qu'on
trouve à l'article 52, qu'on trouvait avant dans d'autres dispositions, elle
n'est toutefois pas exhaustive, la jurisprudence dit clairement que d'autres
normes font aussi partie de cette constitution suprême. N'empêche que ce sont
ces spécificités typiquement canadiennes, c'est-à-dire les constitutions
dispersées, entremêlées et définies en partie par une définition qui dit
expressément ce qui est enchâssé, qui font en sorte qu'aujourd'hui le projet de
loi n° 96 est une façon appropriée de venir réécrire,
modifier, ajouter, bonifier le texte de la Constitution de 1867.
Qu'est-ce que ça va changer? Qu'est-ce que
ça peut avoir comme portée et comme conséquences? Bien là, il faut nuancer le
bilan. Une minute?
La Présidente (Mme Thériault) :
30 secondes.
M. Taillon (Patrick) :
30 secondes. Très bien. Sur le...
M. Jolin-Barrette : Mme la
Présidente...
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui.
M. Jolin-Barrette : ...vous
pouvez le laisser sur mon temps, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Bon, c'est... on...
M. Taillon (Patrick) : Très
bien. Je prends une minute, pas plus, pour dire que la question de savoir
qu'est-ce que ça va changer, elle appelle à deux précisions. La première :
bien, sur le plan des normes, de la place de ce que l'on adopte dans la
hiérarchie des normes, ça va faire partie de la constitution du Québec et de la
fédération canadienne, parce qu'il n'y a pas de hiérarchie à l'intérieur de la
Constitution, la Cour suprême l'a déjà dit; et surtout, dans des affaires qui <concernaient
les...
M. Taillon (Patrick) : ...la
première, bien, sur le plan des normes, de la place de ce que l'on adopte dans
la hiérarchie des normes, ça va faire partie de la constitution du
Québec
et de la fédération canadienne, parce qu'il n'y a pas de hiérarchie à
l'intérieur de la Constitution, la
Cour suprême l'a déjà dit; et,
surtout, dans des affaires qui >concernaient les privilèges parlementaires
des assemblées provinciales, la Cour suprême a clairement dit que ce n'est pas
parce que c'est modifiable unilatéralement par les provinces que ce n'est pas
pour autant supralégislatif. Ça a le même rang, à l'égal de la charte
canadienne, même si c'est modifiable seulement par les provinces.
Toutefois, sur le plan du contenu,
l'instrument qu'est l'article 45 ne permet pas d'introduire tous les
changements possibles et imaginables. Donc, sur le plan du sens, du contenu, il
y a des limites qui s'imposent qui encadrent l'action de Québec, Québec ne
pourrait pas contredire les autres dispositions de la Constitution de cette
façon. Et surtout, j'insiste là-dessus et je m'arrête, sur le plan du sens, le Parlement
québécois peut modifier le texte, mais le Parlement québécois, malheureusement,
c'est un des problèmes du fédéralisme canadien, ne contrôle pas le choix des
juges qui vont interpréter et qui vont donner suite à cela. Donc, qu'est-ce que
les juges vont accorder comme signification au fait que le Québec forme une
nation et le fait qu'il a pour langue officielle le français? Ça, c'est un
univers de possibilités sur lequel on peut spéculer. Certainement que ça va
produire des effets. Mais jusqu'où ces effets peuvent être atténués ou, au
contraire, valorisés et encouragés par les tribunaux? Merci. Je m'arrête ici.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, Pr Taillon. Le ministre vous a alloué généreusement
3 min 15 s de plus. Donc, M. le ministre, il vous reste
13 min 15 s
M. Jolin-Barrette : Merci
beaucoup. M. le professeur Taillon, merci beaucoup d'être présent aujourd'hui
et d'avoir fait cette démonstration pédagogique en 10 minutes pour bien
expliquer aux parlementaires de quoi il s'agit au niveau de la modification
constitutionnelle.
Une courte question. À la fin de votre
intervention, vous avez dit : Il existe une problématique dans le
fédéralisme canadien du fait que ce n'est pas le législateur québécois ou le
gouvernement québécois qui choisit les juges qui interpréteront les
dispositions. Pouvez-vous rapidement expliquer quelle est cette problématique?
M. Taillon (Patrick) : Bien,
ce que je veux dire, c'est que dans une fédération, ça prend un arbitre pour
trancher les litiges entre le fédéral et les provinces. Un des problèmes du
fédéralisme canadien, c'est que le choix de l'arbitre, il est unilatéralement
fait par l'un des partenaires, et donc, ça, c'est un problème que l'accord du
lac Meech voulait atténuer, et ça n'a pas été adopté, et ça, ça contribue à
faire en sorte que... Évidemment, les juges, individuellement, ils font leur
travail au mieux... du mieux qu'ils peuvent. Mais quelle importance ils
accorderont à cette autodéfinition du Québec? Ça, on ne peut pas le savoir. Et
le fait qu'ils sont sociologiquement choisis par l'un des partenaires de la
fédération, ça vient structurellement introduire un certain biais qui joue
parfois en défaveur des intérêts du Québec. D'autres vous diront par contre
que, même avant que le Québec s'affirme comme nation dans la Constitution, il y
a déjà des traces dans la jurisprudence que la Cour suprême reconnaît la
spécificité du Québec. C'est certain que de l'affirmer noir sur blanc, comme ça
avait été le cas avec les droits ancestraux des peuples autochtones, qui
avaient été déjà reconnus au début des <années...
M. Taillon (Patrick) :
...des
intérêts du
Québec. D'autres vous diront
par contre
que, même avant que le
Québec s'affirme comme nation dans la
Constitution, il y a déjà des traces dans la jurisprudence que la
Cour
suprême reconnaît la spécificité du
Québec. C'est certain que de
l'affirmer noir sur blanc, comme ça avait été le cas avec les droits ancestraux
des peuples
autochtones, qui avaient été déjà reconnus au début des >années
70 par la Cour suprême, quand on est venu l'inscrire dans le texte, c'est venu
donner un élan, c'est venu encourager les juges à aller plus loin dans cette direction-là.
Je pense qu'on est dans une dynamique similaire ici.
M. Jolin-Barrette : Donc,
pour vous, le fait d'insérer l'article 159, c'est légal et légitime, et le
Parlement québécois est tout à fait en droit de faire ce que nous faisons dans
le projet de loi?
M. Taillon (Patrick) : Bien,
le citoyen que je suis va vous dire que c'est légitime, puis le professeur de
droit va vous dire qu'effectivement c'est une procédure qui est parfaitement
conforme à la Constitution, qui a déjà été utilisée, et la seule nouveauté ici
par rapport à ce qu'on a déjà vu dans le passé, c'est une nouveauté un peu
esthétique ou légistique, dans le sens où un réflexe... peut-être, les mots
sont chargés, mais je vais dire autonomiste ou nationaliste incitait un peu le
Québec, par exemple en 1968, à faire nos affaires séparément, dans un autre
texte que celui de 1867. Donc, on a abrogé certaines dispositions de 1867, mais,
esthétiquement, dans le passé, on mettait ça ailleurs, mais l'ailleurs est
quand même... puisque les sources constitutionnelles sont dispersées, l'ailleurs
est quand même constitutionnel.
Et là, le génie de ce projet de loi, c'est
de venir maximiser la visibilité de cette modification constitutionnelle faite
par le Québec en la mettant dans un texte qui occupe une... qui a une plus
grande visibilité dans la fédération. C'est un peu comme si le fédéralisme
canadien, c'était une tour à condos. Ça va de soi que chaque unité peut
modifier et rénover l'intérieur de son propre condo, ça va de soi que les
balcons sont encadrés par des règles communes. Mais là, d'une certaine façon,
avant on rénovait, mais là, cette fois-ci, on rénove, mais on le met bien
visible dans la fenêtre, il n'y a personne qui pourra lire le texte de 1867
sans savoir que le Québec forme une nation. Et c'est là que le changement du
projet de loi n° 96 se démarque de façon très utile et très pertinente de
la manière dont on avait fait les choses en 1968, où on avait mis ça dans un
texte qui ne bénéficie pas de la même visibilité. Mais, juridiquement, c'est la
même chose.
• (14 h 20) •
M. Jolin-Barrette : Dans le
projet de loi n° 96, on a introduit la notion de «droits collectifs».
Qu'est-ce que vous pensez de ça? Et est-ce que ça existe déjà, des droits
collectifs?
M. Taillon (Patrick) : Oui.
Bien, il faudrait avoir une philosophie ou une idéologie libertarienne pour
croire que les droits n'existent que pour les individus qui vivent comme des
atomes isolés. Donc, les droits fondamentaux, ils ont... il y a plusieurs générations
de droits fondamentaux. Certains ont des dimensions plus individuelles que
d'autres, mais il existe, et c'est reconnu dans les pactes internationaux sur
les droits et libertés, des droits qui ont des dimensions plus collectives. Et
les droits fondamentaux, ce sont des objectifs que l'on se donne comme société,
ce n'est jamais des absolus, c'est des <choses que l'on...
M. Taillon (Patrick) : …ont
des dimensions plus individuelles que d'autres, mais il existe, et c'est
reconnu dans les pactes internationaux sur les droits et libertés, des droits
qui ont des dimensions plus collectives. Et les droits fondamentaux, ce sont
des
objectifs que l'on se donne comme
société, ce n'est jamais
des absolus, c'est des >choses que l'on concilie avec toutes sortes d'objectifs
d'intérêt public. Donc, qu'on appelle ça des «droits collectifs», ou des «objectifs
constitutionnels», ou des «valeurs constitutionnelles communes», ça, c'est un
choix de mots qui m'importe peu. Mais il est clair qu'une constitution, ça établit
un équilibre entre toutes sortes de préoccupations, et le projet de loi
n° 96, notamment ses modifications à la charte québécoise, il vient dire
qu'au Québec, dans l'équilibre des droits, au sommet de notre hiérarchie des
normes, il y a des préoccupations qui sont d'ordre individuel et il y a des
préoccupations qui sont d'ordre collectif, et les unes et les autres sont tout
aussi importantes et doivent être conciliées les unes avec les autres.
M. Jolin-Barrette : O.K. Je vais
vous demander ce que vous pensez des dispositions de souveraineté parlementaire
qu'on est venus insérer au sein du projet de loi n° 96.
M. Taillon (Patrick) : Bien,
c'est le propre de la tradition juridique britannique d'avoir une foi dans…
avoir confiance dans les élus, et le Canada, le Québec, nous sommes un peu les
héritiers de cette tradition, qui veut que le Parlement est souverain, du moins
à l'intérieur de ses compétences. Et, progressivement, le Canada a choisi, et
le Québec aussi, de mettre des garanties au-dessus de la volonté du Parlement,
mais ce choix-là, il s'est toujours accompagné d'un compromis, c'est-à-dire de
préserver la capacité des parlementaires de répliquer, d'utiliser si nécessaire
cette capacité de dérogation, cette souveraineté parlementaire qui subsiste.
Alors, moi, je ne crois pas que la dérogation, ce n'est ni… je ne crois pas que
c'est mauvais ou que c'est bien, ça dépend... ce qu'on en fait. Et, en réalité,
il s'agit d'un mécanisme qui permet aux élus de dire : Voici. On veut le
dernier mot, on veut établir nous-mêmes l'équilibre entre les droits et les
autres objectifs d'intérêt public. Si le législateur, quand il le fait, il
établit un équilibre qui est raisonnable, qui est approprié, qui est dans
l'intérêt public, tant mieux. Ça veut dire que la dérogation a été bien
utilisée, et, peut-être même, elle va empêcher que les juges, dans l'exercice
de leur pouvoir, tout à fait prévu par la Constitution... Eux aussi, ils
pourraient commettre certains abus ou certains déséquilibres. Donc, d'utiliser
la dérogation, ça peut être une bonne façon pour les élus de répliquer à une
jurisprudence en établissant une solution pertinente. Mais, si, quand est-ce
qu'on utilise la dérogation, on utilise ce pouvoir de manière abusive, bien là,
le pouvoir devient en soi plus néfaste. Donc, tout est dans la solution qui est
établie, ce qu'on fait avec le pouvoir de dérogation.
Moi, en ce qui me concerne, considérant la
manière dont les tribunaux ont joué dans la version initiale de la Charte de la
langue française, je n'ai pas de problème avec l'idée que le Parlement dise
cette fois... envoie un message très clair aux tribunaux pour dire :
Écoutez, il ne s'agit pas d'une loi comme les autres, il s'agit d'une loi qui
est au coeur de la spécificité du Québec puis d'un projet de société
particulier en Amérique du Nord. Nous, on veut mettre cette loi au sommet de la
<hiérarchie…
M. Taillon (Patrick) :
...de la
Charte de la langue française, je n'ai pas de
problème
avec l'idée que le
Parlement dise cette fois... envoie un message très
clair aux tribunaux pour dire :
Écoutez, il ne s'agit pas d'une loi
comme les autres, il s'agit d'une loi qui est au coeur de la spécificité du
Québec
puis d'un projet de
société
particulier en Amérique du Nord.
Nous, on veut mettre cette loi au sommet de la >hiérarchie des normes et
on vous envoie le message que vous... ne touchez pas à ça, vous faites preuve d'une
plus grande retenue et vous... et il faut reconnaître au législateur en cette
matière la plus grande marge de manoeuvre possible.
M. Jolin-Barrette :
Est-ce que le recours aux dispositions de souveraineté parlementaire signifie
qu'une loi est discriminatoire?
M. Taillon (Patrick) :
Comme j'essayais de le dire peut-être maladroitement, ça dépend du contenu de
la loi. Là aussi, si la loi est utilisée pour promouvoir des droits, bien, au
contraire, c'est une loi qui favorise les droits, là, et si, à l'inverse, la
loi est utilisée pour les restreindre... Et on voit d'ailleurs dans cette crise
sanitaire qu'on a souvent adopté des normes, soit des décrets, peut-être
bientôt une loi à l'Assemblée nationale, sans utiliser la clause dérogatoire
pour limiter les droits. Donc, il n'y a pas de lien. On peut utiliser une loi
sans dérogation, sans disposition de souveraineté parlementaire, pour reprendre
votre expression, qui est tout à fait pertinente, donc, on peut restreindre les
droits sans utiliser la dérogation et on peut légiférer avec dérogation sans
restreindre les droits. Tout dépend de ce que le législateur fait lorsqu'il
utilise cette souveraineté parlementaire.
Par contre, lorsqu'on légifère avec la
dérogation, je pense que ça demande de la part des parlementaires justement une
attention particulière, puisque ça limite la capacité du juge d'intervenir par
la suite pour venir rectifier les choses. Mais, si les parlementaires
souhaitent exercer ce pouvoir de dernier mot, qui a toujours existé dans la
tradition britannique et qui subsiste à travers cette disposition-là,
l'article 33 de la charte canadienne et l'article 52 de la charte
québécoise, bien, ça peut être tout à fait pertinent et salutaire, tout dépend
de ce qu'on en fait.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Quelle est votre opinion des nouveaux droits fondamentaux qu'on vient insérer
dans la Charte de la langue française, et le fait également de rendre
exécutoires les droits fondamentaux qui étaient déjà prévus à la Charte de la
langue française?
M. Taillon (Patrick) : Oui.
Bien, je pense que ça participe à ce qui risque d'être la vision des droits
fondamentaux de demain. C'est-à-dire que dans le passé, on associait beaucoup
les droits fondamentaux à l'individu, c'était la première génération de droits.
On voit qu'au contraire, à mesure où... De toute façon, les droits, ils n'ont
pas une définition préexistante, hein? Quand on consacre des droits fondamentaux,
ce qu'on consacre en réalité, c'est une mission que l'on accorde au juge d'agir
comme un peu gardien de ces droits-là puis de les concilier les uns avec les
autres, et, à mesure où on consacre certains droits fondamentaux, bien, c'est
normal, légitime et pertinent d'en ajouter d'autres pour s'assurer que,
justement, le résultat global soit équilibré, et, on le voit de plus en plus,
certains droits économiques et sociaux, certains droits culturels. Là, ici,
dans une société comme la nôtre, d'accorder un droit fondamental de vivre en
français, c'est tout à fait cohérent avec le projet de société puis la
spécificité du Québec, et je pense que c'est important, dans cette <dynamique...
M. Taillon (Patrick) : ...et,
on le voit de plus en plus, certains droits
économiques et sociaux,
certains droits culturels. Là, ici, dans une
société comme la nôtre,
d'accorder un droit fondamental de vivre en
français, c'est
tout
à fait cohérent avec le projet de
société puis la spécificité du
Québec,
et je pense que c'est
important, dans cette >dynamique qui existe
entre les législateurs et le juge, de venir dire que ces dispositions en
matière de langue, c'est d'abord et avant tout la concrétisation d'un droit, et
non pas simplement des restrictions, des règles pointues ou des aménagements.
Donc, ça permet de donner à la loi un sens particulier et cohérent avec
l'ensemble du dispositif constitutionnel.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie grandement. Je sais que j'ai des collègues qui veulent vous poser des questions.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, pour le député de Sainte-Rose, vous avez 2 min 15 s
M. Skeete : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Pr Taillon, merci beaucoup. J'ai quelques questions en rafale,
en espérant avoir le temps de conclure. Il y a des gens dans la société civile
qui disent qu'il y a des aspects dans ce projet de loi là qui vont enlever des
droits, notamment la communauté d'expression anglaise, qui dit : Ça peut
affecter l'accès à la santé ou l'accès à la justice. Vous voyez quoi, vous,
dans ces interprétations-là?
M. Taillon (Patrick) : Bien, d'abord,
le domaine qui est plus le mien, là, sur le plan des droits qui sont
supralégislatifs, les droits qui sont dans la Constitution, il n'y a rien dans
ce projet de loi qui vient restreindre les droits historiques de la communauté
anglo-québécoise tels qu'ils sont consacrés à l'article 133 de 1867. Et, si
c'était le cas, bien, ça serait justement une possibilité pour les tribunaux
d'intervenir, parce que le domaine d'application de l'article 45, il est
circonscrit. Donc, sur le plan des droits constitutionnels, dire que le Québec
forme une nation et qu'il a pour langue officielle le français, ça n'enlève
rien par rapport à ce que la Constitution offre comme droits à la communauté
historique anglophone.
Après, en ce qui concerne les autres
mesures détaillées du projet de loi, moi, je n'ai pas vu, là, d'exemple
particulier, mais mon attention s'est surtout tournée vers les droits qui sont
garantis dans la Constitution. Dans le pacte de 1867, lorsqu'on a négocié ce
compromis qui veut qu'il y aurait... il y aura un législateur majoritairement
francophone au Québec, mais en contrepartie il y aura des droits historiques
protégés pour la minorité anglophone tels qu'on les voit à l'article 133, le
projet de loi n° 96 ne touche pas du tout à ces
questions-là.
M. Skeete : Puis en quoi la
vision ou la perspective des Québécois d'expression anglaise et de la majorité
francophone par rapport au Code civil versus le common law, en quoi ce regard
historique vient teinter un peu la vision du droit commun versus le droit
individuel?
La Présidente (Mme Thériault) :
En 20 secondes.
M. Taillon (Patrick) : Bien,
la spécificité du Québec tient à plusieurs piliers. La tradition juridique
civiliste en est un : elle modifie notre rapport au texte, elle nous
incite à aimer mettre les choses plus clairement. Elle nous a peut-être même
empêchés de voir que... la vraie nature de la Constitution canadienne, comme je
disais, dispersée, entremêlée et... etc. Mais, oui, ça fait partie des
ingrédients qui peuvent expliquer culturellement que l'on... un rapport au
droit légèrement différent, en effet.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, je me tourne maintenant du côté de l'opposition officielle. Mme la
députée de Marguerite-Bourgeoys, pour votre échange de 11 minutes.
• (14 h 30) •
Mme David : Merci, Mme la...
14 h 30 (version révisée)
M. Taillon (Patrick) : ...la
Constitution canadienne, comme je disais, dispersée, entremêlée, et, etc. Mais
oui, ça fait partie des ingrédients qui peuvent expliquer culturellement que
l'on a un rapport au droit légèrement différent, en effet.
La Présidente (Mme Thériault) : Merci.
Donc, je me tourne maintenant du côté de l'opposition officielle. Mme la
députée de Marguerite-Bourgeoys, pour votre échange de 11 minutes.
Mme David : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Pr Taillon. On se retrouve. Vous étiez venu pour la loi
n° 21?
M. Taillon (Patrick) : Entre
autres, et aussi pour la loi sur la succession... dévolution au trône, je
pense.
Mme David : Oui, mais, disons
que, moi, c'est parce que je vous ai connu à la loi n° 21.
M. Taillon (Patrick) :
D'accord.
Mme David : Et donc on se
retrouve. Écoutez, c'est difficile sans mémoire écrit, puis je ne suis pas une
spécialiste, là, de haut niveau comme vous. On a eu un autre
constitutionnaliste ce matin. Ce n'est pas facile, mais je vais prendre la
dernière partie puis je vais essayer de remonter le fil de votre intervention
en commençant par la fin.
J'ai vraiment bien entendu que vous avez
dit : Il faut une attention particulière demandée aux parlementaires quand
il y a application de dispositions de dérogation. Si vous-même, vous étiez un
parlementaire, là, sans formation constitutionnelle et tout ça, comme nous,
humbles mortels, comment vous appliqueriez cette attention-là? Donnez-nous un
cours d'attention sur les dispositions de dérogation.
M. Taillon (Patrick) : Bien,
elle n'est pas... Ce n'est pas particulièrement différent de ce que font les
tribunaux, eux-mêmes, lorsqu'ils analysent la conciliation des droits. C'est
extrêmement difficile, on le vit dans le dossier des manifestations devant les écoles
où il y a un vrai droit, celui de manifester, qui est en tension avec un autre
droit, tout aussi réel, qui est d'aller à l'école sans se faire déranger ou de
pratiquer son métier.
Mme David : Dans le p.l.
n° 96, particulièrement, là.
M. Taillon (Patrick) : Oui.
Oui, bien sûr. Donc, je pense que les principaux critères, c'est d'identifier
les droits et les intérêts qui sont en présence, des droits et intérêts des
individus, qui peuvent voir dans ces dispositions-là un fardeau, une contrainte,
etc., par opposition à ceux qui... les droits des individus et de la
collectivité, et de voir dans quelle mesure l'équilibre qui est proposée par le
projet de loi est raisonnable. Puis parmi les indications qui peuvent aider à
voir si c'est raisonnable, c'est de se demander, ça, c'est exactement de la
façon dont les tribunaux procèdent, est-ce que le législateur pourra atteindre
son objectif, puis l'objectif est ambitieux ici, là, c'est promouvoir la
protection du français, freiner son déclin. Est-ce qu'il y a beaucoup,
beaucoup, beaucoup de solutions de rechange? Et parmi ces solutions de
rechange, est-ce qu'il y en a qui seraient plus respectueuses des droits et d'autres
qui le seraient moins? Et le tribunal va arriver à la conclusion qu'il faut
retenir pas la moins pire des solutions, mais parmi les moins pires. Donc,
ça, c'est les techniques qui sont employées par les tribunaux. Je ne pense pas
que c'est la seule manière de concilier les droits puis d'évaluer. Les
parlementaires peuvent s'en inspirer, mais moi je n'ai pas une conception du
savoir juridique qui serait un savoir exclusivement réservé à des gens ayant eu
une formation.
Au contraire, quand il est question de
droits fondamentaux, il est question du pacte fondamental qui encadre notre
société. Et, si on ne peut pas avoir un débat démocratique sur ces droits que
l'on veut se reconnaître réciproquement ou si ce débat n'est réservé qu'à des
gens qui ont un <savoir...
M. Taillon (Patrick) : ...
qui serait un savoir exclusivement réservé à des gens ayant eu une formation.
Au contraire, quand il est question de
droits fondamentaux, il est question du pacte fondamental qui encadre notre
société. Et, si on ne peut pas avoir un débat démocratique sur ces droits que
l'on veut se reconnaître réciproquement ou si ce débat n'est réservé qu'à des
gens qui ont un >savoir particulier, bien, moi, je suis plutôt inquiet,
je crois qu'il faut avoir une délibération démocratique. Et la meilleure façon,
c'est de cumuler les préoccupations si on est centrés seulement... Pardon.
Mme David : O.K. Alors, je
vous arrête. Je sais qu'il faut interrompre n'importe quel professeur, mais en
droit encore plus. Je vais oser un exemple, O.K., où il faudra porter une
attention particulière, parce que plusieurs constitutionnalistes et juristes de
haut niveau m'ont apporté et ont apporté publiquement des inquiétudes.
Les droits d'inspection de l'OQLF où même
votre prédécesseur, le Pr Binette, disait : C'est des droits vraiment
très, très, très beaucoup plus élargis qu'ils le sont dans la charte actuelle.
Beaucoup de juristes ont dit : Attention, il y a même des arrêts de la
Cour suprême, il y a quelque chose qui dit, par exemple, le droit à la vie
privée dans les ordinateurs, ça n'existait pas en 76, lors de la charte, hein,
on s'entend, 77. Et là, maintenant, il y a eu un certain nombre de jugements
là-dessus en disant : Un ordinateur portable, vous allez repartir avec
votre ordinateur, il peut y avoir des rendez-vous chez le médecin, il peut y
avoir des choses, vous ne voulez certainement pas qu'un inspecteur de l'OQLF
voie. Mais, quand il a le droit de regarder et que c'est permis par la loi,
puis il ne fait pas ça pour rien non plus, là, mais il a le droit, clash
annoncé, droit à la vie privée, mais il y a dérogation quand même.
Puis là je veux vous entendre là-dessus
parce qu'il y en a qui disent : Peut-être qu'on devrait enlever, pour cet
article-là, la disposition de dérogation. Or, ce n'est pas ça qui arrive, là,
c'est comme — ça sera une autre de mes questions — tous
azimuts pour protéger des droits collectifs de langue. On s'entend, la langue,
c'est important. Mais sur ça en particulier, pourquoi on mettrait une
dérogation?
M. Taillon (Patrick) :Mais
c'est un bel exemple parce que vous montrez qu'il y a plusieurs intérêts en
présence. Moi, je pense qu'il faut clairement distinguer la capacité de
déroger, d'affirmer cette souveraineté parlementaire. Elle ne vaut que pour la
loi, elle ne vaut pas pour l'administration. Et je pense que, lorsqu'on applique
les chartes, il y a une distinction qui est faite entre les lois et les
règlements, les règles de droit, puis le comportement de l'État, le
comportement du policier ou, dans ce cas-ci, de l'inspecteur.
Et j'ai plutôt tendance à penser que le
comportement de l'inspecteur ne peut pas être... Seul le législateur peut
déroger. Et donc, pour valider un comportement d'inspecteur, il faudra ou il
faudrait le rattacher quand même assez explicitement à son fondement
législatif. Puis le comportement de l'inspecteur doit s'exercer dans le respect
de la finalité de la loi. Donc, je pense que ça pourrait être une manière
d'atténuer la chose.
L'autre manière d'atténuer la chose, et le
Parlement est souverain, bien, c'est peut-être d'apporter des précisions à cette
disposition. C'est vrai que du moment...
Mme David : ...vous me <proposez...
M. Taillon (Patrick) :
...
assez explicitement à son fondement législatif. Puis le comportement
de l'inspecteur doit s'exercer dans le respect de la finalité de la loi. Donc,
je pense que ça pourrait être une manière d'atténuer la chose.
L'autre manière d'atténuer la chose, et
le Parlement est souverain, bien, c'est peut-être d'apporter des précisions à
cette disposition. C'est vrai que du moment...
Mme David : ...vous me >proposez
déjà un amendement...
M. Taillon (Patrick) : Du
moment où le législateur décide de déroger, c'est qu'il décide de lui-même
établir l'équilibre des droits.
Mme David : Savez-vous ce
que me proposent plusieurs juristes?
M. Taillon (Patrick) : Je
vous...
Mme David : Je le
dévoile, là, bon, on est là pour discuter, de dire : Ça n'a aucun bon sens
qu'il n'y ait pas de mandat, au moins qu'un juge puisse de prononcer avec un
mandat de... l'équivalent d'un mandat de perquisition.
M. Taillon (Patrick) :
Oui. Bien généralement...
Mme David : Parce que,
avec la dérogation, ce n'est pas permis.
M. Taillon (Patrick) :
Généralement, lorsqu'il est question de vie privée, c'est soit le consentement
de l'individu à y renoncer. Nos étudiants sont très vites sur le piton pour
renoncer à leur vie privée dans différentes applications. Et sinon l'autre
solution, c'est généralement qu'un tiers, le juge, vienne juger la
raisonnabilité de la chose. Donc, c'est une suggestion qui est intéressante, en
effet.
Mme David : Ah! Bien, je
suis contente, venant de vous. Alors, je comprends que la dérogation n'est pas
nécessairement tous azimuts, tous les articles de la charte, pour tous les
articles de la loi... de la loi n° 96, qu'on a beau
dire que c'est l'ordre collectif versus l'ordre individuel, vous dites bien, ça
prend un équilibre. Mais si ça prend un équilibre, pourquoi on choisit que
l'entièreté du collectif dans cette loi-là s'applique? Donc, on applique les
dispositions de dérogation au maximum, là. Les articles 2 à je ne sais pas
quoi puis, bon, des deux chartes, là, sont là au complet, pour tous les
articles. Pourquoi alors on dit que c'est un équilibre entre collectif et
individuel? On vient de donner un exemple sur les inspections.
M. Taillon (Patrick) :
Donc, le... Est-ce que le Parlement du Québec pourrait procéder de façon plus
chirurgicale? Oui. En procédant comme ça, c'est un peu comme si, d'une certaine
manière, le but du législateur était de hisser la Charte de la langue française
à l'égal du reste de la Constitution. Hein, si... Si la charte canadienne dit
des choses, puis vous enchâssez dans la Constitution canadienne le contraire,
bien, la charte canadienne n'a pas vocation à s'appliquer au reste de la
Constitution. La dérogation, ça produit un peu cet effet-là, mais effectivement
il est important que le législateur s'assure de la raisonnabilité puis de la
pertinence de sa loi. Et s'il veut déroger d'une manière plus chirurgicale,
bien, il est tout à fait possible de retirer certaines dispositions du domaine
d'application de la dérogation. Au lieu de dire : La dérogation vaut pour
tout le projet de loi n° 96, il pourrait valoir pour tout le projet de loi
n° 96, sauf l'article numéro machin. C'est tout à fait possible.
Mme David : O.K. Et le
ministre écoute évidemment. Donc, on comprend que ça serait une possibilité
puis qu'on pourrait pousser, entre guillemets, cette idée-là, d'avoir pour
certains articles qui contreviennent plus manifestement à des dangers de
non-respect du droit à la vie privée, tel que mentionné dans des jugements
d'ailleurs, dont un, si je me souviens bien en 2016, de la <Cour
suprême...
Mme David : ...
on
comprend que ça serait une possibilité puis qu'on pourrait pousser, entre
guillemets, cette idée-là, d'avoir pour certains articles qui contreviennent
plus manifestement à des dangers de non-respect du droit à la vie privée, tel
que mentionné dans des jugements d'ailleurs, dont un, si je me souviens bien en
2016, de la >Cour suprême, ce n'est pas rien, là, mais c'est dans le
domaine pénal et non pas civil, mais quand même la personne a droit que
l'inspecteur ne voit pas qu'elle a un rendez-vous chez l'oncologue par exemple.
• (14 h 40) •
M. Taillon (Patrick) : Oui.
Donc, il revient au législateur de choisir quelles dispositions du projet de
loi entre dans le domaine de la dérogation. Donc, c'est un choix législatif
d'en étendre ou d'en restreindre la portée.
Mme David : Il y a une autre question
qui me... C'est parce que là, vous employez plein de mots, là, puis le ministre
aussi, puis tout ça. La souveraineté parlementaire, là, ça, là, je n'ai pas vu
ça bien, bien dans le projet de loi, c'est comme nouveau. Souveraineté
parlementaire égale-t-elle disposition de dérogation?
M. Taillon (Patrick) : Bien, en
fait, c'est qu'historiquement, au Royaume-Uni, le Parlement est souverain. Il
peut tout faire, il n'y a pas de loi au-dessus du Parlement britannique. Au
Québec, lorsqu'on a adopté la charte québécoise, on a respecté ce modèle-là. On
a dit : Il y a des normes au-dessus de la volonté du Parlement québécois,
la charte québécoise, mais, si le Parlement québécois est insatisfait de la
manière dont c'est interprété, on a la capacité de modifier cette charte ou d'y
déroger expressément.
Le Canada dans son ensemble, la
fédération, en 1982, il a fait un pas de plus pour s'éloigner du modèle de
souveraineté parlementaire. Il y avait huit provinces canadiennes, dont le
Québec, qui s'opposaient à cela, parce qu'elles étaient conscientes que ça
allait opérer un transfert de pouvoir considérable du législateur vers le juge.
Et le compromis qui a été fait, compromis qui a rallié sept des huit provinces
qui s'opposaient, c'est de maintenir cette souveraineté parlementaire comme un
outil disponible au besoin à travers cette capacité de dérogation là.
Donc, est-ce qu'il subsiste... est-ce que
le Canada est pays qui pratique la souveraineté parlementaire? Bien, c'est à
l'origine de son système et, par différents choix, ce principe-là s'est
effrité, mais il subsiste, notamment à travers de l'article 33 de la
charte canadienne, comme un instrument qui permet au législateur, lorsqu'il le
souhaite, de réaffirmer cette souveraineté parlementaire.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois maintenant faire une petite intervention pour passer la parole à Mme
la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Merci, Mme la
Présidente. Merci beaucoup pour votre présentation. Évidemment, c'est super
intéressant, là, cette idée-là d'ajouter nation, langue française commune dans
la Constitution, là, dans notre partie, avec l'article 45. Vous en faites
beaucoup la promotion. Puis Québec solidaire, on est pour ça. Tout à l'heure,
il y a un constitutionnaliste avant vous, M. Binette, qui nous a dit qu'on
est trop éblouis par cette nouvelle idée, puis peut-être qu'à un moment donné
on va se calmer, ce qui n'est pas votre cas.
Mais moi, j'ai une question. Tu sais, à
Québec solidaire, on est indépendantistes. Pourquoi ajouter une ligne dans une
constitution qu'on n'a pas signée? C'est quoi, la prochaine étape? Est-ce que
ça ouvre la porte après ça de dire : Bien, on va la signer, puisqu'il y a
l'affirmation du fait que le <Québec...
Mme Ghazal : ... moi, j'ai
une question. Tu sais, à Québec solidaire, on est indépendantistes. Pourquoi
ajouter une ligne dans une constitution qu'on n'a pas signée? C'est quoi, la prochaine
étape? Est-ce que ça ouvre la porte après ça de dire : Bien, on va la
signer, puisqu'il y a l'affirmation du fait que le >Québec est une
nation? Il n'y a pas de danger que, par ce geste, que je veux qualifier de
pseudo affirmation nationale, qu'on donne de la légitimité à la Constitution canadienne?
M. Taillon (Patrick) :
Très pertinent. Je dirais, en rafale, d'une part, on modifie 1867, c'est 1982
qu'on n'a pas signé, mais je conviens qu'à un moment c'est l'ordre
constitutionnel canadien.
Mais surtout je pense qu'il faut à un
moment donné faire le constat que, lorsqu'on procède par un paquet de
changements constitutionnels, comme Meech, comme Charlottetown, dans le but de
se réconcilier, là, le grand soir... ce qui ferait en sorte que, là, la Constitution
deviendrait acceptable, bien, on est un peu condamné à l'échec parce que, là,
on cumule les obstacles procéduraux, puis ça devient une camisole de forme.
À l'inverse, lorsque, par exemple, le gouvernement
du Parti québécois en 1997, il est allé avec une mesure précise, les commissions
scolaires, lorsqu'avec le projet de loi n° 96, on y va sur un truc précis,
la nation et la langue, bien, on a un peu plus de chances de succès.
C'est sûr qu'on peut ne pas vouloir jouer
dans le film de la Constitution canadienne, mais, en attendant peut-être un
autre grand soir, ça permet au Québec de défendre ses intérêts par rapport à la
fois au fédéral, par rapport aussi à la dynamique constitutionnelle qui se joue
devant nos tribunaux, en posant ce qui nous tient à coeur au sommet de la
hiérarchie des normes.
Mme Ghazal : Mais... puis
ça, c'est peut-être une question politique, ça ne vient pas un peu conforter
les Québécois en disant : Bien, tu sais, comme... On a beaucoup de valeurs
refuges, bien là, on se réfugie là-dedans en attendant, puis ça peut créer ça
en disant : Bien, pourquoi faire la souveraineté puis faire
l'indépendance?
M. Taillon (Patrick) :
Bien, je suis d'accord avec vous sur le fait qu'il ne faut pas sous-estimer les
effets positifs. Ce n'est pas parce que c'est un bon coup que ça règle tout. Le
fédéralisme canadien continue à avoir des problèmes, des dysfonctionnements.
Mais moi, je me réjouis que l'on s'attaque un par un à ces problèmes et que, en
tout cas, du moins, sur ce coup-là, le Québec gagne, alors qu'il a si souvent
perdu. Est-ce qu'après c'est suffisant pour dire que tout est parfait? Au
contraire.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je dois malheureusement passer la parole maintenant au député de
Matane-Matapédia.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Me Taillon, c'est un plaisir de vous accueillir.
Je pense qu'on peut dire sans se tromper
que vous avez certainement été une source d'inspiration pour le ministre, pour
son projet de loi, en janvier dernier dans une entrevue avec Marco
Bélair-Cirino, où vous nous indiquiez qu'il était possible de modifier la
Constitution canadienne et y ajouter des éléments dans l'espace qui appartient
au Québec. Et, comme le projet de loi du ministre est arrivé après, j'aime à
penser que vous l'avez influencé. Donc, ceux qui trouvent que c'est un bon coup
doivent d'abord vous féliciter, vous.
Et, sur la base de... Moi, c'est sur la
base de l'applicabilité de la chose qu'on va pouvoir dire si c'est un bon coup.
Plusieurs personnes, dont moi, sont plutôt sceptiques quant à ce que ça
représente versus les véritables mesures qui devraient être mises en place. Par
exemple, moi, je trouve que c'est une diversion sur la vacuité de plusieurs
éléments du projet de loi.
Alors, Me Binette, qui est un <peu
dans...
M. Bérubé : ...
pouvoir dire si c'est un bon coup. Plusieurs personnes, dont moi, sont plutôt
sceptiques quant à ce que ça représente versus les véritables mesures qui
devraient être mises en place. Par exemple, moi, je trouve que c'est une
diversion sur la vacuité de plusieurs éléments du projet de loi.
Alors, Me Binette, qui est un >peu
dans le même type d'actions que vous, c'est-à-dire que c'est un prof de droit...
en fait, c'est un avocat en droit constitutionnel, est beaucoup moins optimiste
que vous. Alors, est-ce que, raisonnablement, vous croyez que ça peut se
retrouver dans la Constitution canadienne?
M. Taillon (Patrick) : Bien
oui, puisque c'est... la Constitution canadienne est un objet entremêlé,
dispersé, et donc ça en fait partie. Quelles seront les suites que va donner
les juges à ça? Ça, il faudra voir. Mais surtout, avec égards pour mon collègue
et ami André Binette, il ne faut pas faire l'erreur de définir, peut-être qu'on
aimerait que ce soit comme ça, mais ce n'est pas ça, la réalité. L'objet
«constitution québécoise» n'est pas un objet totalement étanche, distinct et
séparé de l'objet «constitution de la fédération». C'est entremêlé. On fait
partie de la même tour, de la même...
M. Bérubé : Donc, ce n'est pas
quelque chose d'acquis, c'est une hypothèse. On n'a aucune garantie, parce qu'on
se heurte, encore une fois, aux juges qu'on ne nomme pas, et c'est ça, accepter
le régime canadien. Je ne l'accepte pas, ça fait assez longtemps qu'on se
connaît, vous connaissez mes opinions là-dessus. Je soupçonne les vôtres aussi.
Mais je dois vous dire que je demeure sceptique.
Ceci étant dit, vous êtes allés beaucoup
plus loin. Si c'était seulement de vous, on ajouterait beaucoup plus d'éléments.
Vous avez parlé d'États associés, par exemple, de l'existence de son Parlement.
J'imagine que vous avez eu cette discussion-là avec le ministre. Pourquoi,
selon vous, il a décidé de ne pas aller plus loin?
La Présidente (Mme Thériault) :
En 20 secondes.
M. Taillon (Patrick) : Oui,
moi, j'ai proposé de traduire... d'imposer notre vocabulaire, notre manière de
décrire les institutions, tel qu'il ressort de la Révolution tranquille, de
cesser de se faire appeler province. On est un État membre de la fédération.
M. Bérubé : Vous avez proposé
ça?
M. Taillon (Patrick) : Bien,
je l'ai proposé dans mes écrits, c'est publié.
M. Bérubé : Mais ce n'est pas
dans le projet de loi.
M. Taillon (Patrick) : Ce n'est
pas dans le projet de loi.
M. Bérubé : ...c'est là qu'on
l'apprend.
M. Taillon (Patrick) : Je
salue le fait que le projet de loi introduit une numérotation précise qui crée
un espace pour peut-être des changements futurs.
M. Bérubé : J'espère qu'il
vous écoutera, parce que vous l'avez proposé, puis ce n'est pas dans le projet
de loi. Nous, on ne considère pas qu'on est une province.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à cet échange.
M. Bérubé : Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, je vais suspendre les travaux quelques instants pour permettre à l'autre
groupe de prendre place. Donc, merci, Pr Taillon, de vous être joint à nos
travaux. Nous suspendons.
(Suspension de la séance à 14 h 47)
<
>
(Reprise à 14 h 52)
La Présidente (Mme Thériault) :
À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous allons
poursuivre les travaux de la commission, et nous recevons M. Frédéric Lavoie...
Lacroix, pardon. Donc, M. Lacroix, vous avez une dizaine de minutes pour faire
votre exposé. Vous pouvez enlever votre masque, évidemment, puisque vous faites
l'exposé, et par la suite il y aura des échanges aussi, donc sentez-vous libre
de ne pas le remettre, puisque vous répondrez aux questions des parlementaires.
Donc, la parole est à vous.
M. Lacroix (Frédéric) : C'est
bon. Donc, merci, tout d'abord, aux membres de cette commission sur l'étude du
projet de loi n° 96, la Loi sur la
langue officielle et commune du Québec, le français, de me recevoir.
Donc, je m'appelle Frédéric Lacroix, je suis l'auteur d'un livre intitulé Pourquoi
la loi 101 est un échec, publié chez Boréal l'année passée. Et je suis
aussi l'auteur d'un livre, à sortir le 7 octobre, qui s'intitule «Un
libre choix ? : cégeps anglais et étudiants internationaux; détournement,
anglicisation et fraude», édité par le Mouvement Québec français.
Donc, dans mon premier livre, je conclus
que, globalement, la loi 101 est un échec, en ce sens qu'elle n'atteint pas et
n'a jamais atteint les objectifs que s'étaient fixés ses concepteurs. Donc,
l'objectif principal de la charte était d'arrêter l'évolution démographique qui
se dessinait pour l'avenir pour le Québec, évolution qui allait conduire à un
recul du poids démographique relatif des francophones au Québec. Pour ce faire,
il faudrait hausser les substitutions linguistiques des immigrants allophones
vers le français de 25 % à 80 % ou 85 %, environ. La commission
Gendron écrivait, en 1972, qu'il fallait viser à faire du français la langue
commune des Québécois, une langue que tous connaissent, de telle sorte qu'elle
puisse servir de moyen de communication entre Québécois de toute langue et de
toute origine. Cette notion de langue commune est extrêmement importante. Donc,
je salue le fait que cette notion de trouve maintenant dans le titre même du
projet de loi et que l'article 1 du projet de loi n° 96 vienne <modifier...
M. Lacroix (Frédéric) :
...
de telle sorte qu'elle puisse servir de moyen de communication entre
Québécois de toute langue et de toute origine. Cette notion de langue commune
est extrêmement importante. Donc, je salue le fait que cette notion de trouve
maintenant dans le titre même du projet de loi et que l'article 1 du
projet de loi n° 96 vienne >modifier la charte en ce sens.
L'axe principal du projet de loi n° 96
me semble être l'exemplarité de l'État et me semble être une tentative pour
restreindre le bilinguisme systémique de l'État québécois, bilinguisme qui a
été réimposé par les tribunaux fédéraux après 1977. Cela me semble être un
axe d'intervention incontournable, car le français ne peut être à la fois la
langue officielle et une langue sur deux, une langue optionnelle pour l'État
québécois même.
Mais débilinguiser l'État québécois ne
sera pas, je crois, une mince affaire alors que le bilinguisme est rendu quasi
universel chez les francophones, qu'il est profondément entré dans les moeurs
et que les jeunes en particulier sont de plus en plus intéressés à utiliser
l'anglais dans leur vie quotidienne, selon Statistique Canada. Dans ce
contexte, comment va-t-on pouvoir restreindre l'offre active de service en
anglais? Je crains qu'on se retrouve avec une situation où les services en
anglais ne seraient théoriquement pas disponibles pour tous, tout en l'étant en
pratique, cela serait dommageable pour le statut du français.
Aucun livre blanc n'a été déposé
préalablement au projet de loi n° 96. Le diagnostic linguistique établi
par le gouvernement n'est donc pas du domaine public, donc quel est-il?
Normalement, les objectifs que vise un projet de loi sont proportionnés aux
besoins, mais on ne connaît ni les uns, ni les autres, ni les objectifs visés,
ni le constat précis qui motive l'action. En entrevue, M. le ministre
Jolin-Barrette a affirmé : Un des objectifs sera d'augmenter le transfert
linguistique des immigrants à 90 % vers le français, c'est le plus grand
défi que nous ayons, et je suis parfaitement d'accord là-dessus.
Un objectif subsidiaire devrait être
d'arrêter l'anglicisation des jeunes francophones à Montréal. Les projections démolinguistiques
effectuées par Statistique Canada nous annoncent que les francophones ne
constitueront plus que 69 % de la population du Québec, selon la langue
maternelle, et 73,6 %, selon la langue d'usage, la langue parlée à la maison,
en 2036. Il s'agit d'une chute de 10 points et de 8 points par
rapport à 2011. Donc, ça, c'est en 25 ans seulement. Entre
2006 et 2016, on a aussi mesuré un doublement des jeunes francophones
à Montréal.
Donc, on peut dire que, démographiquement
parlant, le groupe de langue française est en chute libre, au Québec. Ce qui
nous guette, c'est la mise en minorité des francophones sur de larges pans du
territoire québécois, donc à Montréal, dans la région métropolitaine de
Montréal, à Laval, à Gatineau. Cette mise en minorité aura, a déjà d'immenses
conséquences politiques.
Donc, est-ce que le projet de loi
n° 96 va arriver à déjouer le scénario que nous peint Statistique Canada?
La réponse me semble être non, premièrement, parce que la sélection de l'immigration
est exclue de son champ d'action. Nous savons que la sélection d'immigrants
déjà francisés à l'étranger est le levier qui a permis de hausser les
transferts linguistiques vers le français de 20 % à 55 %, donc,
en 2016. Pour arriver à 90 %, il faudrait <n'accepter...
M. Lacroix (Frédéric) :
...
premièrement, parce que la sélection de l'immigration est exclue de
son champ d'action. Nous savons que la sélection d'immigrants déjà francisés à
l'étranger est le levier qui a permis de hausser les transferts linguistiques
vers le français de 20 % à 55 %, donc, en 2016. Pour arriver à
90 %, il faudrait >n'accepter au Québec que des francotropes ou des
gens ayant une excellente maîtrise du français avant l'arrivée, et ce, pour
toutes les catégories d'immigrants temporaires ou permanents.
Deuxièmement, parce que le projet de loi
n° 96 est d'une timidité excessive concernant la surcomplétude
institutionnelle, dont jouissent les institutions de langue anglaise au Québec.
Le réseau collégial anglophone au Québec est dimensionné au double du poids
démographique des anglophones, et nos réseaux universitaires, au triple de ce
poids. Le projet de loi n° 96 aura très peu d'impact sur les flux
monétaires allant soutenir l'expansion d'institutions anglaises au Québec.
Le gouvernement s'apprête même à financer
un agrandissement royal de 100 millions de dollars pour Dawson et à faire
don du Royal Victoria à McGill. Deux projets qui viendront rehausser
la surcomplétude institutionnelle des institutions anglophones à Montréal.
Donc, les mesures du projet de loi
n° 96, à mon avis, seront mises en échec par ces investissements. Le
gouvernement défait avec l'argent ce qu'il tente de faire avec le droit. Je ne
comprends pas, en particulier, l'hésitation à imposer les clauses scolaires de
la loi 101 au niveau collégial. À mon avis, l'impérieuse nécessité de
cette mesure crève les yeux.
L'article 88.0.4 imposant une croissance
contingentée au réseau collégial anglais est deux fois moins costaud que la
mesure proposée par le Parti libéral du Québec, soit le gel des places dans les
cégeps anglais.
Et cette mesure ne fera rien pour contrer
l'écrémage des meilleurs étudiants, effectué par les cégeps anglais, qui
représente l'autre problème majeur affectant le collégial.
Avec l'écrémage, le Québec finance le
déclassement symbolique du français comme langue d'étude au collégial.
L'anglais va rester la langue d'étude de l'élite. Cela est très lourd de sens.
En contingentant les places en anglais, le
gouvernement du Québec jette les bases pour une contestation permanente de la
clause 88.0.4. Cette politique ne sera pas acceptée socialement à mon avis.
Une autre solution pour contrer
l'écrémage, mais partielle, serait de faire en sorte que le recrutement et la
sélection des étudiants admis aux cégeps anglais ne soient pas du ressort des
directions des cégeps anglais. L'ensemble des cégeps montréalais, incluant
Dawson, devrait être intégré dans le Service régional d'admission du Montréal
métropolitain. Un système panquébécois d'admission au collégial pourrait
également être créé. Une sélection aléatoire des postulants au collégial
anglais devrait être effectuée pour éliminer l'écrémage, appliqué par les
directions des cégeps anglais. Et, bien sûr, à mon avis, les étudiants
scolarisés en anglais au primaire et au secondaire devraient être priorisés
lors de l'admission.
• (15 heures) •
Également, les mesures du p.l. n° 96
devraient cibler les cégeps privés non subventionnés. Ce réseau a connu une
croissance exponentielle dans les dernières années et accueille des milliers
d'étudiants internationaux qui étudient en anglais au Québec, ce qui contribue
fortement à l'anglicisation...
15 h (version révisée)
M. Lacroix (Frédéric) : ...à
mon avis, des étudiants scolarisés en anglais au primaire et au secondaire
devraient être priorisés lors de l'admission.
Également, les mesures du p.l. n° 96 devraient cibler les cégeps privés non subventionnés.
Ce réseau a connu une croissance exponentielle dans les dernières années et
accueille des milliers d'étudiants internationaux qui étudient en anglais au
Québec, ce qui contribue fortement à l'anglicisation de la région de Montréal.
Ces étudiants internationaux socialisés en anglais constituent une partie
croissante des candidats à l'immigration au Québec. Il est, à mon avis,
contreproductif de socialiser les futurs immigrants en anglais au Québec et de
tenter de les franciser ensuite en leur offrant des cours de français même
gratuits.
Plus largement, le gouvernement du Québec
devrait axer sa politique linguistique sur l'usage du français et non sur sa
simple connaissance. Ça, c'est un point crucial, à mon avis.
Donc, à mon avis, le p.l. n° 96
dans sa forme actuelle ne permettra pas de hausser les substitutions
linguistiques des allophones à hauteur de 90 % du total, ce qui est
pourtant l'objectif qui semble être visé. Donc, il ne va pas déjouer le
scénario que nous annonce Statistique Canada pour l'avenir. Le français va
continuer à reculer au Québec.
Donc, le p.l. n° 96
dans sa forme actuelle pourrait avoir pour effet de rendre plus confortable le
chemin de la minorisation, qui est celui qu'emprunte maintenant la majorité
francophone au Québec. Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci beaucoup, M. Lacroix, pour votre présentation. Donc, sans plus tarder,
nous passons au premier bloc d'échange avec le ministre.
M. Jolin-Barrette : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, M. Lacroix. Merci d'être présent parmi nous et de
nous présenter votre mémoire sur le projet de loi n° 96.
D'entrée de jeu, je tiens à souligner la
qualité de votre travail relativement à votre livre que vos avez écrit l'an
passé, Pourquoi la loi 101 est un échec. Bon, sur la
question du titre, je ne suis pas tout à fait en accord. Je considère que la
loi 101 a amené des avancées significatives par rapport à l'état du
français. Mais je dois dire que, dans votre livre, vous réussissez à résumer,
notamment avec des tableaux... d'illustrer très bien un portrait de la
situation du français au Québec. Et, au-delà du fait que vous émettez certaines
réserves, si je peux dire, sur le projet de loi que le gouvernement du Québec a
déposé, les conclusions que vous amenez dans le cadre de votre livre font état
de la démonstration du déclin du français.
Alors, je crois que votre ouvrage fait
oeuvre utile dans le cadre du débat linguistique. Je tiens à vous remercier
puis à vous féliciter pour ça. Puis je vais lire avec intérêt votre prochain
livre qui va sortir prochainement.
Dans votre intervention, tout à l'heure,
vous avez parlé du bilinguisme systématique ou institutionnel de l'État
québécois. Dans le projet de loi, on amène un volet sur la question de
l'exemplarité de l'État. Le gouvernement du Québec a adopté le décret,
l'article 1 de la loi n° 104 récemment. Ça
faisait 20 ans. Comment expliquez-vous que l'État québécois lui-même n'a
pas été exemplaire et que ça a pris le projet de loi n° 96 pour avoir des
dispositions sur l'exemplarité de l'État?
M. Lacroix (Frédéric) :
<Pourquoi...
M. Jolin-Barrette :
Le
gouvernement du Québec a adopté le décret, l'article 1 de la loi
n°
104 récemment. Ça faisait 20 ans. Comment
expliquez-vous que l'État québécois lui-même n'a pas été exemplaire et que ça a
pris le projet de loi n° 96 pour avoir des dispositions sur l'exemplarité
de l'État?
M. Lacroix (Frédéric) :
>Pourquoi l'État québécois n'a pas été exemplaire? Bien, le bilinguisme
a été réintroduit à grande échelle par Robert Bourassa, là, au début des
années 90, qui a changé plusieurs articles dans la loi 101. Puis
après ça il y a eu un désintérêt pour la question, donc il y a eu un
grignotement par la base, là, ça, c'est mon interprétation de ce qui s'est
passé, puis la question n'a pas été prise au sérieux, à mon avis. Donc, moi, je
salue l'intervention sur l'exemplarité de l'État. Je pense que c'est absolument
nécessaire.
Mais, à mon avis, ça va être un travail
titanesque de rentrer le génie dans la bouteille, dans le contexte où le
bilinguisme anglais-français est en train de devenir universel au Québec, puis
en particulier dans le contexte où les jeunes veulent de plus en plus pratiquer
leur anglais. Ça, c'est Statistique Canada qui nous apprend ça. Donc, les
jeunes qui passent par l'anglais intensif au primaire, par exemple, l'immersion
anglaise au secondaire, bon, l'univers numérique, qui est très anglicisant,
comment on va arriver à les convaincre que, s'ils sont employés de l'État, ils
doivent offrir un service en français seulement? Ça va être difficile.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Hier, on a eu le démographe Patrick Sabourin, qui est venu faire une
présentation, et certains de mes collègues autour de la table ont tenté de
discréditer l'indicateur qu'il considérait comme le plus important, soit la
langue parlée à la maison. Qu'est-ce que vous pensez de cet indicateur-là, la
langue parlée à la maison, et est-il important de s'en préoccuper et de
l'utiliser comme valeur de référence pour évaluer la situation du déclin du
français?
M. Lacroix (Frédéric) : Oui,
bien, donc il y a un consensus chez les démographes à l'effet que la langue
parlée à la maison, la langue d'usage, est l'indicateur le plus important pour
prédire la vitalité future d'un groupe linguistique. Il faut rappeler que cet
indicateur-là, dans le recensement canadien, nous vient de la commission
Laurendeau-Dunton des années 60, donc une commission extrêmement
importante, le plus important travail intellectuel sur la question jamais fait
au Canada, qui a demandé au gouvernement d'insérer une question sur la langue
d'usage, donc ce qui a été fait en 1971. Donc, c'était la conclusion, une des
conclusions de cette commission.
Marc Termote, qui est un démographe bien
connu, qui a travaillé avec l'OQLF depuis longtemps, a dit… Son opinion, c'est
que la langue d'usage, c'est un indicateur incontournable et que… Par exemple,
on nous parle souvent de la langue d'usage public, à ne pas confondre avec la
langue d'usage ou la langue parlée le plus souvent à la maison. Donc, la langue
d'usage public, donc la langue parlée, par exemple, dans les dépanneurs, serait
un indicateur sur lequel il faudrait se rabattre. On nous dit souvent ça, on
entend ce discours-là. À mon avis, c'est complètement farfelu. Puis
M. Termote a dit que se baser sur un indicateur comme la langue d'usage
public, c'était renoncer à toute <analyse…
M. Lacroix (Frédéric) :
...
la langue parlée, par exemple, dans les dépanneurs, serait un
indicateur sur lequel il faudrait se rabattre. On nous dit souvent ça, on
entend ce discours-là. À mon avis, c'est complètement farfelu. Puis
M. Termote a dit que se baser sur un indicateur comme la langue d'usage
public, c'était renoncer à toute >analyse démolinguistique. Donc, c'est
son opinion. C'est dans un des articles qu'il a écrits pour l'OQLF en 2008.
Donc, il n'y a pas de doute à avoir qu'il faut avoir cet indicateur parmi la
batterie d'indicateurs. Il peut y en avoir d'autres. Cependant, celui-là est
crucial.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Sur la question... Dans votre mémoire, je crois, vous faites référence à
l'épisode de Mme France Boucher à la tête de l'OQLF et relativement au
fait, et je l'ai dit hier, que des études de l'OQLF n'ont pas été rendues
publiques pendant des années, et que les indicateurs, également, étaient
sélectionnés pour avoir un beau portrait de la situation.
Alors, dans le projet de loi, ce qu'on
propose, c'est de mettre des dates dans... pour que l'OQLF produise des rapports,
et avec des rapports intérimaires aux deux ans à travers les différents rapports
qui sont rendus, mais aussi d'avoir un commissaire à la langue française qui va
être nommé par l'Assemblée nationale et qui va pouvoir surveiller les données statistiques,
les indicateurs qui vont être choisis par l'OQLF pour que ça soit fait en
concertation, justement, pour que, peu importe les gouvernements qui vont
passer au Québec, que la population puisse avoir un juste portrait.
Est-ce que vous croyez que ces dispositions-là,
par rapport aux institutions qu'on vient créer dans le projet de loi, sont
suffisantes par rapport notamment à l'indépendance qu'il va y avoir sur la
production des rapports, sur l'état de situation de la langue française au Québec?
M. Lacroix (Frédéric) :
Oui. Un des problèmes de l'OQLF, pendant longtemps, c'était que les nominations
étaient politiques. Donc, la personne nommée avait, selon ma compréhension des
choses, pour mission implicite de ne pas faire de vagues sur la question
linguistique. Puis... Donc, il y a des études, comme une étude... une étude de
projection, là, démolinguistique de Marc Termote qui a été camouflée par
l'office pendant de nombreux mois. Ça a pris l'intervention des médias pour que
les données soient dévoilées. Bien sûr, l'étude n'était pas positive pour l'évolution
du français à Montréal. Ça, c'était il y a 15 ans. Donc...
Puis un des problèmes aussi de l'OQLF, c'est
que, bon, un rapport quinquennal... Ils pondent un rapport quinquennal. Puis ce
rapport-là, c'est des centaines de pages, des milliers de chiffres. C'est complètement
incompréhensible. Puis souvent il n'y a pas de synthèse. Puis à mon avis ce que
ça prend, c'est un suivi. Il ne faut pas changer. Ça prend un suivi
linguistique de la situation, avec les mêmes paramètres à chaque fois calculés
de la même façon pour qu'on puisse faire un suivi dans le temps. Ça, c'est très
important. Puis ça prend une synthèse qui soit accessible et compréhensible au
public.
Donc, en écrivant mon livre, j'ai voulu
faire cette synthèse, mais c'était le travail en fait de l'office. Donc, ça
prend une synthèse simple et accessible. Puis donc, dans mon mémoire, j'ai
quelques suggestions pour le commissaire, donc, ce commissaire-là, d'avoir une
compétence reconnue sur la <question...
M. Lacroix (Frédéric) :
… au public.
Donc, en écrivant mon livre, j'ai voulu
faire cette synthèse, mais c'était le travail en fait de l'office. Donc, ça
prend une synthèse simple et accessible. Puis donc, dans mon
mémoire, j'ai
quelques suggestions pour le commissaire, donc, ce commissaire-là, d'avoir une
compétence reconnue sur la >question. Donc, ce n'est pas dans le
libellé, je crois bien.
Puis, comme disait mon confrère Sabourin,
hier, une des faiblesses majeures qu'on a, c'est la production de savoir dans
ce domaine. Il y a peu de recherches quantitatives qui est faite, maintenant,
ça, c'est une lacune majeure à mes yeux. Une autre lacune majeure, c'est que le
Québec n'effectue pas de recensement. Je sais que c'est dans la Constitution
canadienne, mais, à mon avis, le Québec devrait procéder à quelque chose qui
ressemble au recensement sur son territoire afin de collecter ses propres
données pour éviter les changements de questions ou les changements
d'indicateurs qui sont faits par Statistique Canada, qui nuisent
considérablement au suivi de la situation linguistique.
• (15 h 10) •
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Vous
avez abordé la question des cégeps et vous avez dit : Probablement que
cette… la proposition dans le cadre du projet de loi n° 96 sera mal
acceptée par la population. Parce que, notamment, vous dites : Ça va
amener un écrémage, et les gens vont vouloir accéder aux cégeps en anglais, et
là il va y avoir un bassin restreint de personnes qui vont y accéder. Entre… Vous
êtes d'avis qu'on devrait étendre la loi 101 aux cégeps, pour les
francophones et les allophones. Entre cette possibilité-là, et la possibilité
que je propose, et celle de ne rien faire, de laisser les cégeps, donc c'est
les trois possibilités qui existent, là, dans l'univers présentement, est-ce que
vous croyez que ce que nous proposons va, sur le plus long terme, avoir un
impact sur la fréquentation scolaire des cégeps?
M. Lacroix (Frédéric) : Bien,
je pense que ça ne va pas changer la dynamique linguistique à Montréal, si
c'est ça, la question. Est-ce que ça va arrêter le déclin du français à
Montréal? Est-ce que ça va arrêter l'anglicisation des jeunes francophones à
Montréal? À mon avis, non. Ça va freiner l'accélération du déclin du français,
si vous me suivez.
Puis je pense que vous devriez y aller
pour un gel. O.K., la loi… faire tomber le libre choix, c'est une
impossibilité, je comprends, donc ça doit être un gel franc des places et non
pas une croissance contingentée qui est une mesure bancale, à mon avis.
Puis l'autre problème majeur, puis ce qui
est peut-être un problème plus important que celui des effectifs, c'est
l'écrémage, donc le déclassement symbolique du français. Tout le monde sait,
tous les étudiants sur l'île de Montréal savent que s'ils veulent avoir un
avenir prometteur, ils doivent aller à Dawson et John-Abbott, puis après à McGill
et Concordia. Donc, le français est déclassé symboliquement, puis ça, c'est
très lourd de conséquences. Donc, à mon avis, vous devriez introduire une
clause de sélection aléatoire des postulants, puis que, donc, les directions
des cégeps anglais ne <puissent pas…
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RÉVISÉE
À TITRE
D'INFORMATION SEULEMENT
Commission
permanente de la culture et de l'éducation
210923 15.12
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R-095
CCE Page
1
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M. Lacroix (Frédéric) :
… avoir un avenir prometteur, ils doivent aller à Dawson et John-Abbott, puis
après à McGill et Concordia. Donc, le français est déclassé symboliquement,
puis ça, c'est très lourd de conséquences. Donc, à mon avis, vous devriez
introduire une clause de sélection aléatoire des postulants, puis que, donc,
les directions des cégeps anglais ne >puissent pas sélectionner
seulement la crème et l'élite académique. Donc, s'il y avait un gel, puis une
sélection aléatoire des postulants, déjà on rétablirait, un peu plus,
l'équilibre.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie pour votre présence en commission parlementaire.
M. Lacroix (Frédéric) :
Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, je vais céder la parole au député de Saint-Jean, et vous avez un
peu moins de 5 minutes et 30 secondes.
M. Lemieux : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Bonjour, M. Lacroix. C'est assez phénoménal, quand on
est assis de ce côté-ci, puis qu'on voit les témoins se succéder, jusqu'à quel
point la perspective fait une énorme différence. Je me suis retenu d'essayer de
faire un débat de constitution avec un constitutionnaliste, mais j'aurais bien
aimé parler plus longtemps, tout à l'heure, avec un avocat qui nous expliquait
des choses qui me semblaient très terre à terre.
Quand vous arrivez avec votre livre, le
titre, forcément, choque, mais en même temps, ça me rappelle qu'hier, Guy
Rocher, était… je ne veux pas rien lui faire dire, là, il l'a dit avec
suffisant d'éloquence, mais juste pour le répéter, je lui demandais où on en
serait si, après quarante quelques années, il n'y avait pas sa charte, la
charte du Dr Laurin, mais qu'il a coécrite, disons, et il me disait :
Bien, vous savez, il faut qu'on s'ajuste. Il faut qu'on s'ajuste avec la
mondialisation, avec le temps qui passe, avec tout le reste. Et ça m'a frappé
jusqu'à quel point, effectivement, il ne s'est pas passé grand-chose depuis
quarantaine quelques années. Elle ne peut bien pas marcher, elle n'était pas
capable de suivre, la loi 101, si je résume seulement le titre de votre
livre.
Ce qu'on est en train de faire, en ce
moment, c'est l'actualiser. Vous allez me dire que ce n'est pas assez,
vous l'avez éloquemment expliqué. Mais à quelque part, ça va dans la même
direction, c'est la même volonté : protéger la loi, protéger le français
pour l'avenir, puis s'ajuster. Expliquez-moi pourquoi on est toujours maladroit
dans notre façon d'aborder les leviers qu'on a avec le français, parce qu'à
chaque fois ils explosent dans les mains de ceux qui les manipulent.
M. Lacroix (Frédéric) : Bien,
c'est sûr que c'est une question très, très sensible. Je vous rappelle que
quand M. Laurin a déposé la charte, il a dit que la charte était le
commencement des actions du gouvernement du Québec en faveur du français, puis
ce ne fut pas le cas, ça a été le début et la fin, en même temps, des actions
pour le français. Donc, si on se met dans la perspective du projet de loi
actuel, si le projet de loi actuel est le commencement des actions, à ce
moment-là c'est un excellent projet de loi. Si c'est le commencement et la fin,
s'il n'est suivi de rien d'autre, pendant 40 ans, à ce moment-là il va
arriver ce que Statistique Canada nous prédit, mais si c'est le début, c'est un
bon premier projet de loi. Donc, j'en appelle d'autres. Donc, pourquoi on est
gêné? Bien, je pense qu'il faut dire les choses telles qu'elles <sont…
M. Lacroix (Frédéric) :
…
pendant 40 ans, à ce moment-là il va arriver ce que Statistique
Canada nous prédit, mais si c'est le début, c'est un bon premier projet de loi.
Donc, j'en appelle d'autres. Donc, pourquoi on est gêné? Bien, je pense qu'il
faut dire les choses telles qu'elles >sont. Donc, il ne faut pas être
gêné de dire les choses telles qu'elles sont puis il faut se fier aussi au
meilleur résultat objectif sur la question pour se dégager des impressions
subjectives. Moi, ça, c'est quelque chose de très important, je crois. Malheureusement,
comme je le disais, bien, la recherche en ce domaine est parcellaire puis
souvent insatisfaisante. Donc, ça, c'est une lacune qu'il faut combler, à mon
avis.
M. Lemieux : …vous entendait, tout
à l'heure, expliquer, en partie, pourquoi on n'avait pas eu plus de chiffres et
de rapports de l'OQLF, comme si ça allait de soi. Il y a quelque chose de
profondément choquant à vous entendre expliquer, bon, il y a bien... tu sais.
Mais au final, on a travaillé là-dessus un peu hier, et le ministre expliquait jusqu'à
quel point, malgré le fait que c'est encore Statistique Canada qui pose les
questions, donc on vit avec les réponses posées par quelqu'un d'autre, mais au
final qu'on allait quand même, avec la vision du projet de loi n° 96,
essayer d'aller s'assurer de meilleurs encadrements de la recherche. Ça fait
partie de la solution beaucoup plus qu'on le pense. Quand on se réveille après
10 ans, pas de chiffres à se dire : Mon Dieu! Comment ça qu'on est
rendus là? Bien, c'est parce qu'on ne l'a pas regardé pendant 10 ans.
Alors, la recherche, ce n'est pas le nerf de la guerre, ce n'est pas ça qui va
tout changer, mais c'est ce qui nous donne la garantie d'être capable de suivre
le changement.
M. Lacroix (Frédéric) : Oui.
Moi, il y a beaucoup de questions que je me pose dans ce domaine auxquelles je
n'ai pas la réponse. Donc, il y a beaucoup d'études que je me dis : Ah! ça
serait vraiment bien de savoir ça, mais on ne l'a pas. Donc, oui, c'est le nerf
de la guerre, à mon avis, puis il faut que ça soit de la recherche indépendante
faite — j'oserais presque dire — de bonne foi.
M. Lemieux : Francisation
Québec, en terminant, parce qu'effectivement, il y a plusieurs façons de
prendre le taureau, et il n'a pas juste une corne, là. Francisation Québec,
moi, en tout cas, à sa face même, m'apparaissait un effort concerté et organisé
qui a plus de chance de fonctionner?
M. Lacroix (Frédéric) : Oui,
je suis d'accord. C'est une bonne mesure, c'est une bonne idée de tout
regrouper là. Mais il ne faut pas s'imaginer qu'en faisant ça on va venir agir
sur les substitutions linguistiques en faveur du français, parce que, ce qui
vient agir là-dessus, c'est la sélection de l'immigration. On sait que la
francisation… si on regarde la francisation qui se fait sur le sol, au Québec,
là, donc les immigrants arrivent, puis on enlève ceux qui sont francisés à l'étranger,
la francisation est d'à peu près 38 % en faveur du français seulement, en
2016, à peu près 62 % en faveur de l'anglais. Donc, de tous les
allophones, les immigrants, tous les immigrants allophones, leurs enfants,
etc., 62 % font des substitutions linguistiques vers le français sur le
sol. Donc, le facteur qui permet de rehausser ça, c'est la sélection de
francotropes.
M. Lemieux : Mme la
Présidente… passer au <prochain…
M. Lacroix (Frédéric) :
…
en 2016, à peu près 62 % en faveur de l'anglais. Donc, de tous
les allophones, les immigrants, tous les immigrants allophones, leurs enfants,
etc., 62 % font des substitutions linguistiques vers le français sur le
sol. Donc, le facteur qui permet de rehausser ça, c'est la sélection de
francotropes.
M. Lemieux : Mme la
Présidente… passer au >prochain. Merci beaucoup, M. Lacroix.
La Présidente (Mme Thériault) :
Pas de problème. Merci. Donc, sans plus tarder, Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys pour vos 11 minutes.
Mme David : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Lacroix. J'ai passé… Je l'ai dit, hier, à
Guillaume Rousseau, mais je le dis à vous aussi, j'ai passé beaucoup, beaucoup
de temps, très annoté, de votre livre, je l'ai lu trois fois plutôt qu'une,
avec quand même un certain nombre de réactions.
Si je peux résumer, il y a un concept qui
vous est très, très cher. Je ne sais pas si c'est de vous qu'il vient, le
concept de surcomplétude institutionnelle, mais vous avez l'air à y tenir comme
à la prunelle de vos yeux. Ce concept-là, vous l'appliquez aux collèges, aux
universités, aux institutions de santé anglophones, particulièrement,
évidemment, par rapport à francophones, peut-être plus précisément à la grande
communauté urbaine de Montréal, je pourrais dire, même Montréal. Et je vous
cite à la page 16 de votre mémoire, vous dites : «Si on souhaite
réellement redonner de l'oxygène au français comme langue de travail, il faut,
de un, réduire sérieusement la surcomplétude institutionnelle des institutions
anglophones au Québec». Pour avoir lu votre livre, comme je vous dis,
attentivement, vous y allez de façon quand même assez radicale.
Il faudrait vraiment définancer ce qui est
au-delà du poids démographique de la communauté anglophone, et vous appliquez
ça, collèges, universités, hôpitaux. Alors, j'aimerais ça vous entendre plus
sur l'application de votre surcomplétude institutionnelle.
• (15 h 20) •
M. Lacroix (Frédéric) : Oui.
Bien, je réfute l'étiquette de radical, en premier lieu. À mon avis, c'est la
situation actuelle qui est radicale. Et le sous-financement chronique des
institutions de langue française, ça, on en parle peu. Mais l'envers de la
médaille, c'est que le réseau institutionnel de langue française au Québec est en
état d'asphyxie chronique, les cégeps, les universités et les hôpitaux. Donc,
je pense qu'on peut renverser la perspective.
Puis la compétition institutionnelle, ce
n'est pas mon invention. C'est un concept qui a été inventé par Raymond Breton,
un sociologue de l'University of Toronto, dans ses études doctorales, puis
c'est un concept, comme je l'écris dans le livre, qui a été reconnu en droit
canadien lors de la cause Montfort, puis depuis lors, il a été utilisé à sept
reprises, donc, devant les tribunaux, souvent avec succès. Donc, ce n'est pas
du tout un concept farfelu ou tiré par les cheveux. Puis ce que ce concept-là
exprime, c'est que c'est... l'ampleur du réseau institutionnel a une incidence
directe sur la vitalité linguistique d'une communauté.
Donc, ce que je propose dans mon livre, ce
n'est pas d'enlever des droits aux anglophones, ce n'est pas de fermer des
institutions anglophones. C'est de rétablir un équilibre de financement entre
les deux réseaux. <Donc, ce que...
M. Lacroix (Frédéric) :
...a une incidence directe sur la vitalité linguistique d'une
communauté.
Donc, ce que je propose dans mon livre, ce n'est pas d'enlever des droits aux
anglophones,
ce n'est pas de fermer des institutions
anglophones, c'est de rétablir
un équilibre de financement entre les deux réseaux.
>Donc, ce que je propose, en
fait, c'est qu'il y ait une équité de financement entre les deux groupes
linguistiques au Québec. Cette équité, à l'heure actuelle, n'existe pas. Donc,
les francophones sont pénalisés.
Mme David : Les
financements des réseaux sont équitables, dans le sens où c'est fait par le
nombre d'étudiants. Il y a beaucoup moins d'étudiants à McGill qu'il y en a à
l'Université de Montréal. Ils ont décidé de limiter leur admission. Donc, ce n'est
pas sur la question de l'argent subventionné, de l'argent qui vient du
gouvernement dans les institutions, ça va en fonction du nombre d'étudiants.
M. Lacroix (Frédéric) :
Non.
Mme David : Alors, si on
descend le nombre d'étudiants, par exemple, c'est... je pense, c'est ce que
vous voulez faire, dans les cégeps anglophones, qu'est-ce qu'on fait? Guillaume
Rousseau proposait de privatiser, c'est-à-dire que les non-ayants droit, comme
il qualifiait correctement, là, au sens légal, paieraient des droits,
évidemment, majorés puisqu'ils ne seraient pas subventionnés, le collège, ou
l'université, ou les hôpitaux ne seraient pas subventionnés pour ces
étudiants-là. Est-ce que vous êtes d'accord avec lui?
M. Lacroix (Frédéric) :
Ce que le concept de complétude institutionnelle exprime, c'est qu'il y a un
lien entre la vitalité d'une langue, donc les substitutions linguistiques vers
cette langue, et l'ampleur du réseau institutionnel. Donc, moi, c'est ce que
j'affirme. Ce lien-là, je pense, est indéniable.
Donc, à savoir si on veut faire quelque
chose ou on ne veut rien faire, ça, c'est du domaine du politique. Donc, c'est
à vous de décider.
Puis ça, c'est... Une des iniquités de
financement, c'est celle-là. Mais il y a une autre iniquité de financement,
donc, je l'ai démontrée, au niveau universitaire, c'est par étudiant. Donc, il
y a aussi une iniquité de financement par étudiant Donc, au niveau
universitaire, par étudiant équivalent temps plein, par EETP, les universités
de langue anglaise, par exemple, je l'ai calculé pour les fonds
d'immobilisation, ont 56 % de plus de fonds d'immobilisation par étudiant
que les universités de langue française sur l'île de Montréal.
Donc, il y a deux iniquités. Il y a une iniquité
au niveau de la complétude institutionnelle puis il y a aussi celle qui frappe
l'étudiant même. Donc, j'ai écrit un article là-dessus dans L'Aut'Journal,
Québec préfère les universités anglaises. Je vous invite à le lire.
Mme David : J'ai lu
aussi, je pourrais discuter longuement de tout ça, mais je vais passer la
parole à mon collègue.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le député de La Pinière, il vous reste
5 min 45 s.
M. Barrette : Merci, Mme
la Présidente. M. Lacroix. Vous avez dit une chose qui m'a beaucoup
étonné. Et la raison pour laquelle ça m'a étonné bien, ça vient simplement du
fait que j'ai deux jeunes adultes qui sont rendus au sortir de l'université.
Tous les étudiants au Québec à Montréal savent que, si on veut avancer dans la
vie, c'est les premiers mots que vous avez dits, là, il faut aller à Dawson ou
à John-Abbott. Moi, les deux miens, là, ne m'ont jamais demandé ça. Vous tenez
cette donnée-là d'où, que tout le monde, là, c'est de connaissance commune,
pour avancer dans la vie, il faut passer par Dawson ou <John-Abbott?
M. Barrette : ... au sortir
de
l'université. Tous les étudiants au Québec à
Montréal savent
que, si on veut avancer dans la vie, c'est les premiers mots que vous avez
dits, là,
il faut aller à Dawson ou à John-Abbott. Moi, les deux miens,
là, ne m'ont
jamais demandé ça. Vous tenez cette donnée-là d'où, que
tout
le monde, là, c'est de
connaissance commune, pour avancer dans la vie,
il faut passer par Dawson ou >John-Abbott?
M. Lacroix (Frédéric) : Bien,
c'est ce que beaucoup d'étudiants m'ont dit. Évidemment, il n'y a pas d'étude
là-dessus. Il y a une étude, à vrai dire, qui sont les statistiques d'admission
de Dawson, qui a été publiée par le Journal de Montréal. Dawson reçoit
11 500 demandes d'admission par année et accepte seulement 30 % des
étudiants. Donc, l'écrémage effectué par Dawson est phénoménal. 11 500, c'est
une grande proportion des étudiants au collégial à Montréal. Donc, mon
affirmation, je pense, n'est pas complètement farfelue.
M. Barrette : Je ne vous dis
pas qu'elle est farfelue, je vous dis qu'elle n'est pas fondée, tout
simplement, ce n'est pas la même chose, elle n'est pas fondée sur des analyses
rigoureuses.
M. Lacroix (Frédéric) :
J'aimerais justement qu'on les fasse.
M. Barrette : Bon. Très bien.
Maintenant, vous dites également, attendez juste un petit instant, vous dites
une chose qui m'étonne beaucoup : L'écrémage se fait seulement du côté
anglais. De votre côté, là, il n'y a pas d'écrémage du côté francophone.
M. Lacroix (Frédéric) : Non,
parce que si on regarde la cote R des étudiants admis, si vous consultez le
graphique dans mon livre, c'est très clair, là, il y a un sucroît, dans les
cotes R élevées, qui est très significatif du côté anglophone.
M. Barrette : Mais là ça
devient une question de ratio. Il y a plus d'établissements francophones. Et
des établissements francophones, par définition, sélectionnent eux aussi.
Sélectionnant, il y a un écrémage, là. Parce qu'évidemment que c'est une question
de numérateur et de dénominateur, là, vous avez plus de cégeps francophones, au
Québec, que d'anglophones, ça dilue le nombre d'étudiants. Et à mon sens, c'est
inexact de dire que les cégeps francophones n'écrèment pas. Je ne vous dis pas
que les cégeps francophones sont égaux, je dis qu'il en existe du côté
francophone aussi.
M. Lacroix (Frédéric) : C'est
une question de proportion...
M. Barrette : Bien oui, c'est
ce que je dis.
M. Lacroix (Frédéric) :
...donc, les cégeps... bien, évidemment que les cégeps admettent des étudiants
ou non, mais la sélection effectuée par les cégeps anglais est beaucoup plus importante,
ça, c'est démontré hors de tout doute.
M. Barrette : Vous nous dites,
si je comprends bien, votre choix politique, si vous aviez le pouvoir de le
faire, sur l'argument de la surcomplétude des institutions anglophones, je vais
prendre mon domaine, en santé, vous, votre approche est une approche
proportionnelle. Vous êtes dans une approche de règle de trois. Essentiellement,
vous considérez qu'il y a trop d'argents qui vont dans les institutions dites anglophones,
parce qu'ils sont moins nombreux, ils devraient en avoir moins. Donc, vous
prônez un définancement de ces institutions-là.
M. Lacroix (Frédéric) :
Encore là, ce n'est pas mon approche, c'est quelque chose qui est bien établi.
Puis encore là, la solution doit être politique. Moi, je n'ai pas de solution,
là-dessus à vous offrir, il y a une multitude d'avenues possibles pour assurer
une équité de financement, donc c'est à vous.
M. Barrette : Bon. Comment
pouvez-vous affirmer qu'il y a une surcomplétude, particulièrement dans le
réseau de la santé, alors que, dans mon <expérience, je ne...
M. Lacroix (Frédéric) :
...
il y a une multitude d'avenues possibles pour assurer une équité de
financement, donc c'est à vous.
M. Barrette : Bon. Comment
pouvez-vous affirmer qu'il y a une surcomplétude, particulièrement dans le
réseau de la santé, alors que, dans mon >mon expérience, je ne connais
pas d'institution qui, dans leur financement public, par gestes posés en termes
de santé, il y a un financement différencié entre les anglophones et les francophones?
M. Lacroix (Frédéric) : La question,
c'est... La distinction qu'il faut faire dans les services de santé, c'est
celle entre la langue de travail et celle de la langue des services.
M. Barrette : Je m'excuse de
vous interrompre. Vous avez abordé la question sous l'angle du financement.
Moi, je veux bien aller sur la langue d'usage, et ainsi de suite, on va
s'entendre là-dessus, même je vous le dis tout de suite à l'avance. Mais, sur
le financement, d'où sortez-vous la donnée selon laquelle il a plus d'argent
pour un service donné dans hôpital anglophone que dans un hôpital francophone
dans la région de Montréal?
M. Lacroix (Frédéric) : Je
n'ai pas dit ça. Je n'ai jamais dit ça. Je n'ai jamais dit qu'il y avait plus
d'argent dans un hôpital anglophone. Le financement se fait à l'acte, là, on le
sait. J'ai dit que la dimension du réseau de langue anglaise dépasse de loin la
taille de la démographie de la communauté de langue anglaise, ce n'est pas du
tout la même chose.
Puis, par institution anglophone, ce que
j'entends par là, c'est la langue de travail, donc pas la langue de service. On
pourrait très bien avoir un réseau de la santé au Québec où la langue du
travail soit le français mur à mur puis qui offre des services en anglais.
Donc, ça, il n'y aurait aucun problème avec ça. La communauté anglophone aurait
des services de santé dans sa langue. Ça, c'est une possibilité.
M. Barrette : Peut-être que je
vous ai mal compris, mais vous avez fait le parallèle aussi, à un moment donné,
en termes de financement par étudiant. Bon, reprochez-moi de faire un parallèle
avec par unité de soin. Je ne vois pas ça, moi, je ne vois pas...
M. Lacroix (Frédéric) : Je
n'ai jamais dit qu'il y avait une différence de financement par unité de soin
pour la santé, j'ai dit pour les universités, il y en a une, et c'est démontré.
M. Barrette : Et elle vient
d'où, d'après vous? Est-ce qu'elle vient de la portion publique ou elle vient
de la philanthropie?
M. Lacroix (Frédéric) : Elle
vient de la portion publique en partie, en partie. Oui, il y a un déséquilibre
dans le financement public assuré par le gouvernement du Québec. Il y a un
déséquilibre aussi massif de la part du fédéral, mais ça, c'est une autre
question. Il y a un déséquilibre dans les fonds du gouvernement du Québec même.
M. Barrette : Sur la base de
la proportionnalité, votre argument, c'est la proportionnalité.
M. Lacroix (Frédéric) : Non,
non, vous m'avez mal suivi. C'est sur la base par étudiant.
M. Barrette : Mme la
Présidente, je pense que j'ai fini, hein?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, vous venez de terminer le temps. Donc, sans plus tarder, je me tourne vers
la députée de Mercier pour vos 2 min 45 s.
Mme Ghazal : Merci, merci.
Finalement, j'ai eu le temps de vous poser une question. Tout à l'heure, je
n'étais pas certaine, mais je vais devoir quitter tout de suite après.
Écoutez, dans votre mémoire, vous n'en
parlez pas vraiment, mais, dans votre libre, que j'ai, bon, aussi lu et étudié,
vous dites, à la page 76, qu'«il faut une réduction durable de
l'immigration afin de ralentir le recul du français». Quand vous dites
«immigration», est-ce que vous parlez de tous les types d'immigration? Parce
qu'on sait il y a une volonté du gouvernement à augmenter l'immigration des
travailleurs étrangers temporaires qui peut-être éventuellement pourraient
vouloir rester ici. Donc, de quelle immigration vous parlez? Toute
l'immigration?
• (15 h 30) •
M. Lacroix (Frédéric) : Là,
la question de l'immigration, c'est un sujet complexe qui se prête mal à une
réponse...
15 h 30 (version révisée)
Mme Ghazal : …tous les types
d'immigration? Parce qu'on sait, il y a une volonté du gouvernement à augmenter
l'immigration des travailleurs étrangers temporaires, qui peut-être éventuellement
pourraient vouloir rester ici. Donc, de quelle immigration vous parlez? Toute l'immigration?
M. Lacroix (Frédéric) : Là,
la question de l'immigration, c'est un sujet complexe qui se prête mal à une
réponse simple. Donc, ce qu'on sait, c'est qu'à cause de l'ampleur des substitutions
linguistiques qui sont faits vers l'anglais, à mon avis, le niveau actuel d'immigration
est excessif. Donc, on n'arrive pas à intégrer ces immigrants-là. Donc, la
question pourrait être : Bon. Si on acceptait seulement des immigrants
francotropes, est-ce que la question des seuils serait aussi importante? À mon
avis, non. Si les immigrants étaient largement francisés ou francotropes,
l'acuité de la question des seuils se poserait de… la question se poserait de
façon moins aiguë.
Quant au type d'immigration, oui, je pense
que la question de l'immigration temporaire est très, très importante, puis
elle n'est pas… elle ne semble pas être sur l'écran radar quand on parle de
l'immigration. Donc, ce qu'il faut considérer, c'est l'immigration temporaire
et permanente à la fois, parce que les deux ont un impact sur la vitalité du
français, puis on sait que les flux d'immigrants temporaires au Québec sont en augmentation
exponentielle.
Mme Ghazal : Énorme, oui.
M. Lacroix (Frédéric) : Donc…
C'est ça, donc en particulier dans les universités de langue anglaise, bon,
mais pas seulement. Donc, cette immigration-là a un impact.
Mme Ghazal : Donc, vous ne
faites pas beaucoup confiance à notre système d'intégration au Québec des
immigrants au français.
M. Lacroix (Frédéric) : Bien,
on sait que l'intégration sur le sol se fait à plus de 60 % en anglais.
Donc, si on accepte des gens qui ne sont pas francisés d'avance, on sait qu'à
60 % et plus, ils vont faire des transferts linguistiques vers l'anglais
dans l'avenir.
Mme Ghazal : On ne peut pas
faire un effort pour changer une fois qu'ils sont ici. Mais, comme j'ai peu de
temps, pour les étudiants internationaux, dans l'article aujourd'hui du Devoir,
vous disiez que la solution serait que… d'exiger que les candidats à la
résidence permanente aient suivi un programme d'études en français. Donc, un
étudiant international qui fait ses études en anglais, qui veut après ça rester
ici faire la résidence permanente, là, il va falloir qu'il continue ou qu'il
fasse un autre programme en français? J'essaie juste de comprendre votre
solution.
M. Lacroix (Frédéric) : Bien,
lors de la réforme du Programme de l'expérience québécoise, donc, il y a eu une
levée de boucliers, on se rappelle, en particulier, du cégep de Matane qui
s'est opposé à la réforme parce qu'il a beaucoup d'étudiants internationaux,
puis, moi, j'ai trouvé ça malheureux que le projet… cette réforme-là ne fasse
pas la distinction entre les étudiants qui sont scolarisés en anglais ou en
français, parce qu'à ce moment-là, ceux qui sont au cégep de Matane, à un
moment donné, c'est une bonne chose.
La Présidente (Mme Thériault) :
…mettre fin, malheureusement. Donc, M. le député de Matane-Matapédia, nous
parlions de votre belle région, la parole est à vous.
M.
Bérubé
: Mme
la Présidente, notre invité me fournit une tribune exceptionnelle pour dire que
c'est une bonne chose de fréquenter le cégep de Matane et que ce cégep a bien
fait de mener la bataille qui a amené au recul qu'on connaît pour des raisons
évidentes. Donc, la capacité d'intégrer en <français dans…
La Présidente (Mme Thériault) :
...
M. le député de Matane-Matapédia, nous parlions de votre belle
région, la parole est à vous.
M.
Bérubé
:
Mme la Présidente, notre invité me fournit une tribune exceptionnelle pour dire
que c'est une bonne chose de fréquenter le cégep de Matane et que ce cégep a
bien fait de mener la bataille qui a amené au recul qu'on connaît pour des
raisons évidentes. Donc, la capacité d'intégrer en >français dans la
région de Matane, c'est fantastique et je vous dirais que c'est un succès que
je salue, celui de l'intégration sur les étudiants internationaux.
Ceci étant dit, vous avez parlé de
l'exemplarité de l'État ou le ministre en a parlé tout à l'heure. Puis
j'ajouterais la donnée de cohérence de l'État. Vous avez évoqué que le
gouvernement ne peut pas poser des gestes qui vont à l'encontre de ses volontés
en matière de langue. Alors, je vous offre cette tribune pour expliquer au
ministre surtout, parce que, moi, je suis convaincu, pourquoi les annonces
successives quant à Dawson et Royal Victoria vont à l'encontre de tout ce que
le gouvernement veut faire en matière de langue et en quoi ça contribue à faire
de l'anglais la langue de prestige, la langue de référence en plein coeur de
Montréal. Je vous offre tout le temps qu'il me reste pour vous exprimer à ce
sujet.
La Présidente (Mme Thériault) :
...
M. Lacroix (Frédéric) : Oui,
donc l'essayiste Marc Chevrier a qualifié le français au Québec de langue
infantile. Puis, à mon avis, c'est un terme très exact parce que les closes
scolaires de la Loi 101 s'appliquent seulement au primaire, au secondaire
et cessent au collégial. Donc, on considère qu'à partir du collégial, il y a un
libre marché bilinguistique que l'État doit financer sans limites. Donc, au
cégep et à l'université, l'État québécois est intégralement bilingue, il
finance les études à 100 % selon les volontés de l'étudiant. Cette
politique-là est à mon avis en contradiction totale avec la volonté de faire du
français la langue commune et la langue officielle.
Si... Moi, j'aimerais ça parler de Dawson
très longtemps, j'ai beaucoup de choses à dire sur ce sujet-là. Dawson, c'est
le plus gros cégep au Québec et cinq fois plus gros que la moyenne des cégeps.
Puis moi, je ne comprends pas qu'on finance une expansion, c'est vraiment une
expansion, un agrandissement et non une simple mise à niveau parce que c'est un
nouveau bâtiment de six étages qui va accueillir des nouveaux programmes. Donc,
quand on nous parle de mises à niveau, c'est faux.
Quant à donner le Royal Victoria à McGill,
bien, il faut comprendre que McGill University, l'Institution royale pour
l'avancement du savoir et l'hôpital, ce n'est pas la même entité. L'hôpital, c'est
du domaine public, McGill, c'est une corporation privée. Donc, ce qui se passe,
c'est que le gouvernement transfère un bien public à une corporation privée.
Puis, à mon avis, c'est quelque chose qui ne se fait pas, qui ne doit pas se
faire.
Donc, on joue souvent sur les mots en
parlant du Royal Vic en disant : Bien, c'est déjà à McGill. Non, ce n'est
pas déjà à McGill.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je dois mettre fin à l'échange. Donc, je vous remercie, M. Lacroix,
d'avoir accepté de venir nous rencontrer cet après-midi. Donc, je vais
suspendre quelques instants pour laisser l'autre groupe de se préparer et de
venir nous rejoindre. Merci.
<(Suspension de la séance à
15 h 36)
La Présidente (Mme Thériault) :
...
pour laisser l'autre groupe de se préparer et de venir nous
rejoindre. Merci.
>
(Suspension de la séance à
15 h 36)
<
>
(Visioconférence)
(Reprise à 15h39)
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, nous reprenons les travaux de la Commission de la culture et des... de la
culture, des communications et de l'éducation. Bienvenue à M. Curzi aux
travaux de la commission en tant qu'ex-député de Borduas. C'est un plaisir de
vous revoir. Et sans plus tarder, vous savez comment ça fonctionne, vous avez
10 minutes pour nous faire votre exposé, et il y aura des échanges après
avec les députés. La parole est à vous.
• (15 h 40) •
M. Curzi (Pierre) :
Merci, Mme la Présidente. D'abord, je veux saluer M. le ministre, vous-même, M.
le ministre, et les députés qui sont présents à cette commission-là. Ma
présentation va être relativement courte, je pense. Il y a... En 2010, j'étais
député à l'Assemblée nationale, et du Parti québécois, député de Borduas. Et j'avais
le dossier de la langue. À cette époque-là, c'est donc... Je vous parle du
printemps 2010, j'ai publié une première étude qui s'appelait Le grand
Montréal s'anglicise, une esquisse de la situation du français au Québec.
Ensuite, à l'hiver 2011, j'ai publié une autre étude qui s'appelait L'application
de la Charte de la langue française au collégial : un prolongement
nécessaire. Ça vous indique déjà où je vais aller. Puis enfin j'ai une
autre étude qui s'intitulait L'effet anglicisant du déséquilibre du
financement des universités.
En 2012, j'étais député indépendant. Et
avec Éric Bouchard et avec les juristes de l'Assemblée nationale, j'ai déposé
un projet de loi, le projet de loi n° 593, qui était, à toutes fins
pratiques, une réécriture complète de la loi 101. Évidemment, comme député
indépendant, ce projet de loi là a été immédiatement tabletté et il s'est perdu
quelque part dans les oubliettes. Je vous dis tout ça non pas par vantardise ou
par orgueil, mais je le dis parce que c'était il y a 10 ans. Et depuis
10 ans, honnêtement, il n'y a pas eu de geste structurant pour contrer ce
qu'on avait déjà décrit à l'époque, il y a 10 ans, comme une situation
alarmante, une situation inquiétante, c'est-à-dire l'anglicisation du Grand
Montréal et on aurait pu ajouter de la région de l'Outaouais et des régions
frontière du Québec.
Or, je dis tout ça parce que je veux me
féliciter et féliciter le ministre. Quand j'ai vu le projet de loi n° 96
apparaître, j'étais heureux. Et je le remercie et je veux remercier son équipe
et l'ensemble des gens qui ont travaillé sur ce projet de loi <n° 96
là...
M. Curzi (Pierre) :
…
et des régions frontière du Québec.
Or, je dis tout ça parce que je veux me
féliciter et féliciter le ministre. Quand j'ai vu le projet de loi n° 96
apparaître, j'étais heureux. Et je le remercie et je veux remercier son équipe
et l'ensemble des gens qui ont travaillé sur ce projet de loi >n° 96
là parce qu'il contient un grand nombre de mesures extrêmement importantes et
structurantes.
Vous l'avez sous les yeux, je ne veux pas
en faire tout un retour exhaustif, mais, quand même, le fait d'inscrire la
nation et la langue commune à l'intérieur de la constitution, ce n'est pas
banal. Rendre les droits fondamentaux exécutoires, et certains nouveaux droits
comme le droit à l'apprentissage du français, et d'autres droits, c'est
extrêmement important. Créer un ministère, créer un poste de commissaire, créer
Francisation Québec, voilà autant de créations qui peuvent aider grandement la
situation du français. Remettre en place le critère de la prédominance du
français, voilà qui n'est pas banal, et j'y reviendrai parce que je voudrais
préciser, en mon sens, où devrait aller cette prédominance-là, jusqu'où elle
devrait aller.
L'exemplarité de l'État, voilà un
phénomène extrêmement important, parce que s'il y a une chose sur laquelle un
gouvernement peut agir, c'est sur son propre comportement. Et ce n'est pas le
seul atout, c'est le fait que le comportement du gouvernement soit exemplaire
va aussi, en quelque sorte, soulever ou enlever une charge sur les personnes
qui sont toujours en… qui doivent appliquer la loi. Et je parle aux soldats de
la fonction publique qui, eux, vont être en contact avec les personnes à qui
elles devront expliquer, par exemple, que ça doit se passer en français. Donc,
c'est très important.
Une certaine stabilisation de la
fréquentation des cégeps anglophones. Mais ça, je vais y revenir très
immédiatement. Et la justice et la législation en français. Donc, il y a un
ensemble de mesures, un projet de loi qui m'apparaît cohérent, qui m'apparaît
intelligent, qui m'apparaît tenir compte des différents aspects de la
loi 101, une oeuvre majeure après avoir adopté la Charte de la langue
française. C'est peut-être le moment.
Et je dis que si cette… ce projet de loi
là, dès son adoption, était mis en oeuvre immédiatement, s'il était mis en
oeuvre avec une extrême rigueur, s'il était mis en oeuvre avec beaucoup de
vigueur, s'il entraînait le nombre de personnes nécessaires pour l'adopter puis
le mettre en oeuvre et s'il avait l'ensemble des budgets qui sont nécessaires
pour le faire, nous aurions progressé, nous aurions progressé d'une façon
importante. Nous aurions commencé à contrer le phénomène de l'anglicisation,
particulièrement dans le Grand Montréal.
Mais, et là c'est évidemment le sens de
mon intervention, je crois que ce ne sera pas suffisant. Je crois clairement
que ce ne sera pas suffisant. Ce projet de loi là, il manque <quelques…
M. Curzi (Pierre) :
... à contrer le phénomène de l'anglicisation, particulièrement dans le Grand
Montréal.
Mais, et là c'est évidemment le sens de
mon intervention, je crois que ce ne sera pas suffisant. Je crois clairement
que ce ne sera pas suffisant. Ce projet de loi là, il manque >quelques
gestes extrêmement structurants pour le rendre vraiment efficace et qu'on soit
vraiment dans une dynamique où on va essayer de renverser une tendance
extrêmement inquiétante. Et ça, je pense que tout le monde est prêt à le
reconnaître, on l'a vu, ces derniers mois, on a vu, tout d'un coup, une espèce
de réveil de conscience sur ce qui est en train de se passer.
Quelles sont ces mesures plus
structurantes qui devraient être adoptées? La première, la plus évidente, et je
lisais M. Guy Rocher, qui en a parlé, c'est évidemment que lorsqu'on a fait un
parcours au primaire et au secondaire en français, on doit aller au cégep en
français. Le fait d'imposer, et je dis bien imposer la fréquentation du cégep
français aux gens qui ont un parcours d'études en français va avoir des effets
extrêmement structurants, non seulement sur la fréquentation des cégeps,
évidemment, mais aussi sur la fréquentation des universités. Et par le fait
même sur le financement des universités, qui est actuellement grandement
favorable au système universitaire anglais, alors qu'il devrait être en fait
beaucoup plus favorable au système universitaire français.
Cette fréquentation-là du cégep en
français est, à mon sens, un incontournable, et cette commission devrait
vraiment s'attarder à en faire un objet absolument nécessaire du projet de loi.
Je sais que ce n'est pas une mesure populaire, et on va se buter à de très
nombreux préjugés, mais il n'empêche, elle m'apparaît, quant à moi, absolument
fondamentale.
Maintenant, quelles sont les autres
mesures? On parle... Il y a actuellement, dans l'exemplarité de l'État, puis
dans la langue du commerce... Évidemment, tantôt, j'ai oublié de dire, vouloir
franciser les entreprises de 25 à 50, ça tombait sous le sens, et en fait le
projet de loi le recommande. L'exemplarité de l'État pourrait être, à mon sens,
plus significative, et je m'explique. Quand je lis le projet de loi, on parle
de l'accès au marché public comme étant une exigence de cette loi, autrement
dit... Et là je trouvais que «marché public» une notion qui m'échappait un peu.
J'ai demandé des précisions, on m'a dit : Ça s'applique aux entreprises
qui ont 25 employés et plus, donc les grandes entreprises et celles qu'on veut
franciser. Là, je ne suis pas entré dans l'article par article, je ne sais pas
s'il y a des articles que je ne connais pas, mais il me semble qu'on devrait
étendre cet article-là, cette notion-là de marché public à l'ensemble des
dollars qui sont dépensés par l'ensemble des ministères, par l'ensemble des
organismes qui dépendent des ministères et par aussi les sociétés d'État. Et je
pense à Hydro-Québec, je pense à la SAQ, je pense à la SQDC, l'ensemble des
sociétés d'État, lorsqu'elles <dépensent...
M. Curzi (Pierre) :
...
des dollars qui sont dépensés par l'ensemble des ministères, par
l'ensemble des organismes qui dépendent des ministères et par aussi les
sociétés d'État. Et je pense à Hydro-Québec, je pense à la SAQ, je pense à la
SQDC, l'ensemble des sociétés d'État, lorsqu'elles >dépensent, ne
devraient le faire, parce qu'il s'agit d'argent public, qu'envers des
entreprises, des organismes, j'irais quasiment jusqu'à... pas des individus, mais
jusqu'à des petites entreprises, des contrats, toute dépense devrait être liée
à un processus de francisation de ceux qui vont bénéficier de cet argent
public. Je ne sais pas comment cela s'exprimerait concrètement dans le projet
de loi, mais ça me semble être un incontournable.
Une autre mesure qui me semble devoir être
encore renforcée c'est l'affichage en français. Là, on rétablit enfin le
critère de la nette prédominance du français. Mais il y a un aspect où on n'ose
pas... qu'on n'ose pas trop toucher, ce sont les marques de commerce. On sait
que, dans les marques de commerce, on doit maintenant y adjoindre une
expression française qui définit le genre de commerce. Moi, je pense qu'il faut
aller jusqu'à un affichage quasiment unilingue français, c'est-à-dire qu'on
respecte la marque de commerce, parce qu'on peut difficilement faire autrement
dans notre contexte, mais on adjoint une définition ou un contenu nettement
prédominant de la langue française, même à la langue de commerce.
• (15 h 50) •
Je sais que c'est une exigence forte, et
que plusieurs entreprises ont commencé à se conformer à ce qui a été décidé,
voté en 2016, mais je crois qu'on doit faire un pas de plus pour qu'il n'y ait
pas d'ambiguïté sur le visage français. C'est à cette condition-là qu'on va
pouvoir commencer à envoyer un message vraiment général qu'au Québec et à
Montréal, ça se passe en français, et sortir de cette espèce d'ambiguïté qui
fait que, quand on arrive à l'aéroport, quand on est à Montréal, on ne sait
plus trop... en fait, on sait très bien que c'est un endroit bilingue. Et moi,
je pense que le bilinguisme, dans le cas d'une langue commune, est un danger
extrêmement inquiétant.
Bon, la dernière mesure, là, qui me vient,
peut-être qu'il y en aurait d'autres, mais disons la dernière mesure qui me
vient, c'est cette espèce de, ah!, laxisme sur le fait que les municipalités,
quand il y a moins de 50 % d'anglophones devraient renoncer au bilinguisme
et carrément adopter le français comme la langue de leurs communications.
Maintenant, ça, ce sont les mesures qui, à
mon sens, doivent impérativement être renforcées dans le projet de loi. Ce n'est
pas simple et je sais que le projet de loi, il est menacé par différents
pièges. Puis j'ai tenté d'essayer de voir un peu quels étaient les pièges d'un
projet de loi, s'il n'est pas appliqué, s'il n'est pas structuré encore plus
fermement et s'il n'est pas <appliqué...
M. Curzi (Pierre) :
...
je sais que le projet de loi, il est menacé par différents pièges.
Puis j'ai tenté d'essayer de voir un peu quels étaient les pièges d'un projet
de loi, s'il n'est pas appliqué, s'il n'est pas structuré encore plus fermement
et s'il n'est pas >appliqué avec toute la vigueur nécessaire. Et j'en
vois plusieurs.
Quand on crée un ministère, quand on crée
un poste de commissaire, quand on crée Francisation Québec, on est menacé par
la fonction publique, on est menacé par l'enlisement bureaucratique dans
lesquels les organismes peuvent tomber.
On est menacé aussi par un changement :
changement de ministre, changement de parti au pouvoir. Donc, on peut revenir
sur certaines décisions. Comment éviter ces pièges-là? C'est important.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. Curzi?
M. Curzi (Pierre) : Oui?
La Présidente (Mme Thériault) :
Je vais devoir presque vous interrompre, parce que vous avez déjà pris deux
minutes de plus que le ministre vous a offertes gracieusement. Donc, je pense
que vous allez pouvoir continuer dans vos idées lors de vos échanges avec le
ministre et les parlementaires.
M. Curzi (Pierre) : Oui.
J'excuse d'avoir pris deux minutes.
La Présidente (Mme Thériault) :
Il n'y a pas de problème.
M. Curzi (Pierre) : Je
veux juste... Il y avait une phrase de Falardeau, avec laquelle je voulais
terminer, mais que vous connaissez sûrement, qui dit : «On va toujours
trop loin pour ceux qui ne vont nulle part.» Moi, je pense que dans ceci il
faut aller un peu trop loin. Et je le dis en tant qu'être modéré et citoyen qui
n'est pas du tout extrémiste.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre, la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette :
Merci, Mme la Présidente. M. Curzi, bonjour. C'est un plaisir de vous accueillir
en commission parlementaire. Et je tiens à vous saluer. Vous êtes mon
prédécesseur, mon ancien député également. Puis là maintenant, bien, on
n'habite pas loin l'un de l'autre dans la même circonscription. Alors, c'est
toujours un plaisir de vous revoir.
Écoutez, pour la question des marques de
commerce, il y a un enjeu de partage des compétences. Donc, la marque de
commerce relève du fédéral en termes d'affichage. Alors, nous, notre compétence
vise, au Québec, à pouvoir encadrer. Donc, c'est ce qu'on a fait dans le projet
de loi n° 96 avec la nette prédominance notamment en lien avec les marques
de commerce. Donc, il y a un enjeu constitutionnel sur cet élément-là.
Hier, on a reçu, M. Curzi, on a reçu
M. Sabourin, le démographe. Et il nous disait : On a constaté, à
partir du début des années 90, un déclin du français. Ensuite, il nous a
dit : À partir du début des années 2000, on a constaté une
accélération du déclin du français.
Alors, vous, à l'époque, 2008, 2009, 2010,
2011, vous publiez vos études, donc Le grand Montréal s'anglicise et,
par la suite, L'application de la Charte de la langue française du collégial :un prolongement nécessaire, des études qui étaient fouillées, que vous
avez faites avec les propres ressources que vous aviez à l'époque dans
l'opposition, de bonnes études.
Qu'est-ce qui explique à l'époque que vous
étiez comme un seul chevalier à tirer à sonnette d'alarme sur le déclin du
français et que les partis successifs qui ont été au pouvoir n'ont pas donné
suite, notamment à vos propositions?
M. Curzi (Pierre) :
D'abord, préciser que, quand j'ai fait ces études-là, je les ai faites à partir
de la toute petite équipe et des maigres ressources que j'avais comme <député...
M. Jolin-Barrette :
...
sonnette d'alarme sur le déclin du français et que les partis
successifs qui ont été au pouvoir n'ont pas donné suite, notamment à vos
propositions?
M. Curzi (Pierre) :
D'abord, préciser que, quand j'ai fait ces études-là, je les ai faites à partir
de la toute petite équipe et des maigres ressources que j'avais comme >député.
Ce ne sont donc pas des études qui ont été financées et appuyées d'une façon
vigoureuse par le Parti québécois, dont je faisais partie.
Les raisons pour lesquelles je crois qu'on
n'a pas donné suite c'est essentiellement parce que le sujet, à l'époque,
n'était pas très intéressant, et je crois qu'il n'était pas intéressant au
niveau électoral. C'est essentiellement parce qu'il y a beaucoup de résistance
à toucher à la langue française. Ce n'était pas payant au niveau électoral. Et
aussi, il y a des raisons... Par exemple, prenons la grande région de Montréal.
On sait que ça a toujours été représenté, puis on connaît, là, le contexte,
par, souvent, les libéraux, dans des comtés qui étaient acquis aux libéraux, et
souvent, cette élection-là, dans ces comtés-là, était le fait d'une majorité
d'anglophones dans un comté. Je pense que la règle, c'était, quand il y a plus
que tant de % d'anglophones dans un comté, inévitablement, ce comté-là devient
un comté libéral. Donc, il n'y avait pas d'intérêt, à Montréal, électoral. Ce
n'était pas une bataille à gagner.
Dans d'autres régions du Québec, le
phénomène, quand on parle de la langue, il est beaucoup moins sensible. Et là
on se bute à toutes sortes de préjugés, dont le principal, c'est qu'on ne peut
pas vivre et réussir au Québec si on ne connaît pas la langue anglaise, ce avec
quoi je suis partiellement d'accord. C'est-à-dire que je pense
qu'individuellement la connaissance de l'anglais et du français sont des
incontournables en Amérique du Nord, dans notre... Mais je crois qu'il faut
absolument qu'on puisse vivre, travailler, créer une famille, bref, vivre
complètement dans notre langue. C'est... Et le préjugé de croire que, sans une
connaissance, donc, acquise dans les cégeps anglophones, par exemple, ou à
l'université... nous privera des meilleurs emplois, je pense qu'on est dans les
préjugés complètement. Il y a ces phénomènes-là.
S'ajoute à cela que probablement que les
effets, par exemple, d'une certaine immigration, qui était plus francophone à
l'époque, qui est devenue de moins en moins francophone. Bref, il y avait
plusieurs facteurs objectifs qui faisaient qu'on ne percevait pas encore à quel
point la situation allait rapidement se dégrader. Donc, il y avait une question
de perception, une question politique puis une question, encore importante, de
préjugés.
À cette époque, il faut se souvenir que
plusieurs des personnes, qui sont d'accord maintenant avec le fait que le cégep
doit être fréquenté par les allophones et les francophones s'y opposaient. Ils
trouvaient que c'était une mesure radicale. Pourtant, ça m'apparaissait, moi, à
cette époque-là, une mesure absolument essentielle, parce qu'elle a un effet
constructeur ou destructeur, selon qu'on l'applique ou pas.
Voilà, c'est un peu ma <réponse...
M. Curzi (Pierre) :
...
les allophones et les francophones s'y opposaient. Ils trouvaient
que c'était une mesure radicale. Pourtant, ça m'apparaissait, moi, à cette
époque-là, une mesure
absolument essentielle, parce qu'elle a un effet
constructeur ou destructeur, selon qu'on l'applique ou pas.
Voilà, c'est un peu ma >réponse.
M. Jolin-Barrette :
Trouvez-vous qu'on a un certain enjeu, sociétalement... Vous venez de le dire,
là, individuellement, c'est positif de parler plusieurs langues, de parler français,
anglais, espagnol, mandarin, portugais. Mais parfois, lorsqu'on entend dire,
pour des plus jeunes : Si tu veux réussir, si tu veux avoir une carrière,
il faut que tu aies étudié dans une autre langue que le français, il faut que
tu puisses travailler dans une autre langue que le français, pour
l'émancipation de la nation et même comme individu, ce n'est pas problématique,
ça, ce message-là qui est véhiculé, de dire : Si tu veux réussir dans la
vie, il faut que tu parles anglais? Comme nation, comme société, là, on ne
devrait pas se dire : Du berceau à la tombe, on devrait pouvoir vivre en français
sur le territoire québécois et réussir notre vie en français?
M. Curzi (Pierre) : Oui, je
suis totalement d'accord avec vous, c'est clair qu'on devrait. Mais pour que
cela puisse se passer, il faut vraiment qu'il y ait une volonté très claire
d'avoir une langue commune qui soit le français. Pourquoi avoir une langue
commune? Parce que si, dans tous les secteurs de l'activité humaine, le
travail, principalement, mais aussi la culture, les loisirs, les voyages... si
on a une langue commune et que cette langue commune là est bien installée, ce
réflexe-là de penser qu'on ne pourra pas vivre sans connaître une autre langue
va tranquillement s'effacer. Et chez les jeunes, actuellement, et c'est une
menace majeure, il y a le fait que l'on ne peut pas vivre en français
uniquement.
Le résultat de ça, actuellement, on peut
le voir, c'est qu'il va y avoir une dégradation des deux langues. On voit déjà
que la langue française n'est peut-être pas maîtrisée comme elle devrait l'être,
même après un parcours en français dans notre système d'éducation. Et pour ces
gens-là qui, rapidement, choisissent d'aller vers une autre langue, dans ce
cas-ci, d'aller vers l'anglais, leur connaissance de l'anglais demeurera aussi approximative.
De telle sorte qu'on risque... si on n'a pas une langue commune très forte et très
bien établie, on risque d'avoir une méconnaissance à la fois du français et de
l'anglais.
• (16 heures) •
J'ajoute à cela, probablement, le critère
le plus important, c'est que la langue, au Québec, situation très spécifique
sur ce territoire très précis de l'Amérique, la langue est porteuse de la
culture. Et quand on adopte une autre langue que le français, on adopte ipso
facto aussi une autre culture. Déjà qu'on ne peut pas ignorer la culture
d'expression anglaise, et c'est très bien, mais quand on commence à utiliser
l'anglais comme moyen d'étude, inévitablement, cette connaissance-là, cette
pratique-là va nous amener à adopter une autre...
16 h (version révisée)
M. Curzi (Pierre) : ...aussi
une autre culture. Déjà qu'on ne peut pas ignorer la culture d'expression
anglaise, et c'est très bien, mais, quand on commence à utiliser l'anglais
comme moyen d'étude, inévitablement, cette connaissance-là, cette pratique-là
va nous amener à adopter une autre culture, risque de nous inciter à travailler
à la fois dans les deux langues ou aussi en anglais. Et au final elle risque
d'entraîner une absence de cohésion sociale parce qu'utiliser communément, dans
l'ensemble, une autre langue que la nôtre, fréquenter une autre culture que
celle qui nous définit, en particulier avec cette langue-là majoritairement,
risque d'amener une sorte de dégradation de nos valeurs communes.
Et on commence à le voir, on commence à
voir l'importation, par exemple, de certains courants qui sont surtout des
courants américains. On commence à les voir importés. Là-dedans, il y a du bon
et du moins bon. Je ne suis pas fermé à ce qui nous vient des États-Unis, mais
on sait très bien que, tout à coup, face à nos valeurs, il y a une
confrontation. Et, à mon sens, cette confrontation-là est une menace à
l'ensemble de nos valeurs communes.
On le voit avec, par exemple, faisons
(Interruption) ...avec la pandémie. La pandémie était une situation d'urgence
et tout le monde a adopté des contraintes, a accepté de se contraindre, et
plusieurs contraintes étaient très exigeantes. Tout le monde l'a fait parce
qu'on s'est dit : Le bien collectif, la santé collective doit primer sur
mes préférences individuelles.
Moi, je crois qu'actuellement, au niveau
de la langue, dans la grande région de Montréal, on est dans une situation
pandémique. Si on n'agit pas avec beaucoup de fermeté, et même ça peut sembler
brutal pour certains, ça va être perçu comme ça, si on ne le fait pas, on
risque de laisser ce virus-là se répandre. Et c'est un virus qui n'est pas...
ce n'est pas moral, mon appréciation du virus, c'est juste l'évolution normale
des langues. Une langue minoritaire dans un contexte majoritairement autre va
toujours devoir utiliser des moyens beaucoup plus forts, pas seulement pour se
protéger, mais surtout pour fleurir, pour être porteuse de la culture et
porteuse des valeurs intrinsèques à cette nation-là.
M. Jolin-Barrette : Une
dernière question, courte question, puis je veux céder la parole à mes
collègues. Je prends la balle au bond, vous venez de parler beaucoup de
culture, de langue. Il y a d'autres intervenants avant vous qui ont fait le
même parallèle, l'importance de lier les deux. Je vous poserais la question. Un
des défis de l'État québécois, de la nation québécoise, c'est de bien intégrer
les personnes qui font le choix du Québec, les personnes immigrantes en
français au Québec. Et là on a des discussions hier à l'effet des effets
délétères du multiculturalisme canadien, donc le modèle d'intégration canadien.
Croyez-vous que l'État québécois doit définir son propre modèle d'intégration
par rapport au multiculturalisme canadien pour avoir un effet structurant sur
l'intégration en <français...
M. Jolin-Barrette :
...
des effets délétères du multiculturalisme canadien, donc le modèle
d'intégration canadien. Croyez-vous que l'État québécois doit définir son
propre modèle d'intégration par rapport au multiculturalisme canadien pour
avoir un effet structurant sur l'intégration en >français, et à la
culture québécoise, et aux valeurs communes, comme vous l'énoncez?
M. Curzi (Pierre) : Oui,
bien, évidemment, je le crois. J'ai toujours été un pourfendeur de cette notion
de multiculturalisme canadien parce que je crois que ça nous a profondément
desservis.
Je voyais aussi les prétentions de l'UMQ,
je pense, qui disait : Oh! comment allons-nous nous adresser en français
six mois après que quelqu'un soit arrivé d'un pays où on ne connaît pas du tout
le français? Mais, en même temps, on regarde cette notion-là puis on se dit :
Mais si on ne leur parle pas français après six mois, dans quelle langue
allons-nous leur parler? Est-ce qu'on va leur parler dans les quelques mots
d'anglais qu'ils connaissent?
Notre modèle d'intégration nous appartient
complètement. Et il faut se méfier de plusieurs dérives qu'on peut voir. On en
voit, par exemple, avec toute l'admission des étudiants étrangers. Dieu sait
qu'on est d'accord pour qu'il y ait des étudiants étrangers, mais Dieu sait
aussi qu'on voit très bien qu'il y a une très forte concentration de ces
étudiants-là qui vont vers le système anglais, où ils acquièrent des fois la
résidence, et ça leur permet d'introduire par ce biais-là des gens qui vont
s'intégrer à la minorité anglophone.
Donc, il y a plusieurs petits phénomènes
dont... Il faut absolument que Francisation Québec... Maintenant, comment
allons-nous réussir? Là, le projet de loi va vers la francisation des petites
entreprises. On sait que c'est souvent là que les premiers emplois des gens qui
arrivent se trouvent. Donc, c'est déjà un gain. Il faut maintenir ce gain-là.
Mais les autres visages, c'est comment permettre de ne pas, en quelque sorte,
aller d'aucune façon à l'encontre des droits fondamentaux d'une minorité
anglophone au Québec, ça, je respecte ça complètement, mais comment désamorcer
pour nous-mêmes le fait que le bilinguisme comme langue commune est une
aberration? Ça n'a jamais marché dans aucun pays et ça ne marchera jamais.
Il y a une volonté des Québécois qui doit
être mobilisée, elle doit être aussi forte, et on doit avoir le même souci de
la santé collective culturelle et des valeurs québécoises, et ça passe
inévitablement par une langue commune.
Je me suis un peu répété, là, je n'ai
peut-être pas répondu exactement à votre question. Mes excuses.
M. Jolin-Barrette : C'est
parfait. Je vous remercie pour votre présence en commission.
La Présidente (Mme Thériault) :
Bien, merci. Il reste à peine une minute, donc M. le député, à peine une
minute, oui. Donc, M. le député de Saint-Jean, question-réponse.
M. Lemieux : Je vais prendre
moins d'une minute, Mme la Présidente, pour saluer M. Curzi d'abord, lui
dire qu'il semble dangereusement en forme, et c'est une très bonne chose. Il y
a quelqu'un, sûrement… J'en connais un au bout de la salle, là, qui va vous
parler de cégeps. Avec le ministre, vous avez parlé d'affichage. Ce qui me <surprend,
c'est...
La Présidente (Mme Thériault) :
…
une minute, oui. Donc, M. le député de Saint-Jean, question-réponse.
M. Lemieux : Je vais
prendre moins d'une minute, Mme la Présidente, pour saluer M. Curzi
d'abord, lui dire qu'il semble dangereusement en forme, et c'est une très bonne
chose. Il y a quelqu'un, sûrement… J'en connais un au bout de la salle, là, qui
va vous parler de cégeps. Avec le ministre, vous avez parlé d'affichage. Ce qui
me >surprend, c'est jusqu'à quel… pas surprend, mais ce qui me réjouit,
c'est jusqu'à quel point il y a beaucoup de points positifs auxquels vous vous
ralliez avec toute votre passion, et effectivement il y en a beaucoup, là. Je
veux dire, il y en a même que vous n'avez pas abordés, vous n'avez pas eu le
temps, mais la partie sur le droit au travail en français et tout ça. Mais ça
fait partie d'un tout, puis c'est en vous écoutant que je me rends compte jusqu'à
quel point on a un sapré bon projet de loi. Merci beaucoup, M. Curzi, et je
vous souhaite…
Je l'ai remarqué, vous avez écouté
d'autres témoins avant vous. Il y en a encore pour deux semaines. J'espère que
vous serez des nôtres.
M. Curzi (Pierre) : Avec
plaisir.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, maintenant, je vais aller du côté de l'opposition officielle. Mme la
députée de Marguerite-Bourgeoys, pour vos 11 minutes.
Mme David : Merci beaucoup.
Bonjour, M. Curzi, contente de vous entendre et, comme dit le député de Saint-Jean,
avec toute votre verve et votre passion. Alors, c'est formidable de se taper
des commissions parlementaires à distance comme ça. Bien, bravo! Merci beaucoup.
Moi, j'étais curieuse, justement… D'abord,
vous dites que vous avez-vous-même fait tout un projet de loi. Dieu sait qu'on
sait ce que c'est dans l'opposition, on l'a tous été ici à tour de rôle. Alors,
faire un projet de loi comme ça, j'imagine que ça a quand même été une tâche
assez considérable. Et, quand vous comparez le produit actuel avec ce que vous
avez… ce qui est sur la table, ce qui est proposé avec ce que, vous, vous aviez
proposé, qu'est-ce qui… quelles sont les différences majeures ou quelles sont
les avancées, ou peut-être les reculs aussi, par rapport à ça?
M. Curzi (Pierre) : Bien, je
n'y ai pas vu beaucoup de reculs, puis je trouve qu'entre le projet de loi n° 593, que j'avais concocté avec Éric Bouchard puis avec
les juristes de l'Assemblée nationale, à titre de député indépendant, je vous
le ferai remarquer — j'avais beaucoup de temps, les députés
indépendants ont beaucoup de temps — à titre de député indépendant,
je trouve… je retrouve le même esprit qu'il y avait quand on a fait ce
travail-là, qui est un travail complexe, ardu, parce qu'on soupèse, et dans ce
cas-ci, là, il s'agissait d'écrire les articles en langage juridique, donc
c'était exigeant. Je retrouve le même esprit dans le projet de loi n° 96. Et une des qualités de ce projet de loi, c'est que
je le trouve bien articulé. Visiblement, on a bien réfléchi à quelle serait
l'application de plusieurs mesures les unes avec les autres. Il y a de la
conjonction là-dedans, il y a une intelligence de ce qu'un projet de loi peut
et doit faire. Alors, je retrouve… Ce qu'il y avait de plus dans le projet de
loi n° 593, c'est que je n'avais aucune contrainte de
la part d'un caucus, je n'en étais plus, donc je n'étais pas restreint. Je
n'avais pas de contrainte non plus au sujet d'un jugement moral sur ce que je
recommandais, et ça menait à des recommandations plus <fortes…
M. Curzi (Pierre)T :
...
de plus dans le projet de loi
n°
593,
c'est que je n'avais aucune contrainte de la part d'un caucus, je n'en étais
plus, donc je n'étais pas restreint. Je n'avais pas de contrainte non plus au
sujet d'un jugement moral sur ce que je recommandais, et ça menait à des
recommandations plus >fortes.
• (16 h 10) •
Disons, comme le cégep français, c'était
dans le document. L'affichage, bon, je pense qu'on n'allait pas jusqu'à
l'affichage unilingue, mais il y avait... on donnait, par exemple... Je vous
donne un exemple qu'il y avait. On donnait à l'OQLF... Là, dans cas-ci, on
redéfinie les pouvoirs de l'OQLF. Nous, dans le projet de loi qu'on avait, on
donnait même un pouvoir d'amendes. On disait : L'OQLF va pouvoir donner
une amende, faire son rôle, qu'on lui a toujours reproché, de police de la langue.
Oui, police de la langue, mais avec la possibilité de donner une contravention.
Donc, autrement dit, essayer de tuer ces délais, là, qui sont de porter une
cause devant le DPCP puis attendre des mois.
En même temps, je vous dis ça en sachant
pertinemment qu'on n'est pas, comment dire, fasciste, là. Moi, je ne suis pas
un fasciste de la langue, je ne suis pas un ayatollah, je comprends les
réticences. Mais je me dis, en même temps, une loi, elle a pour but de nous
encadrer et, comme je le disais tantôt, d'éviter que ce soit les soldats, le
monsieur ou le commis ou la personne qui doit répondre à quelqu'un directement
ou au téléphone, par écrit et qui, lui, doit porter la responsabilité
d'appliquer la loi. Je pense qu'une loi doit être suffisamment forte pour que
qui que ce soit se sente encadré.
On ne demande pas, par exemple, aux
infirmières de discuter quand elles nous donnent le vaccin, elles nous donnent
le vaccin. La consigne est claire. Et moi, je pense qu'actuellement, au niveau
de la langue, on a vachement besoin d'une deuxième dose.
Mme David : Ou d'une
troisième.
M. Curzi (Pierre) : Ou d'une
troisième.
Mme David : Merci. Je vais
passer la parole à mon collègue de D'Arcy-McGee et après de...
La Présidente (Mme Thériault) :
Et il reste sept minutes au bloc de l'opposition officielle.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Curzi. C'est drôle, dans une vie antérieure, j'ai
eu à répondre à vos questions en commission parlementaire. Je crois que c'était
le projet de loi n° 14.
M. Curzi (Pierre) : Oui!
M. Birnbaum : En tout cas, un
plaisir de vous retrouver.
Ça m'intrigue, il y a deux cibles dont on
parle, et j'aimerais les qualifier avec vous. Dans un premier temps, et
Frédéric Lacroix, qui vous précédait, était du même avis, il parlait presque
d'une menace du fait qu'il y a une croissance d'étudiants de l'ordre
international qui viennent au Québec, et davantage qu'il y en a plusieurs qui
décident de rester chez nous.
Deux choses. Premièrement, moi, j'aurais
cru qu'on se réjouirait d'un tel phénomène. Dans un deuxième temps, je me
demande si c'est votre expérience. Je ne suis pas dans les données, mais de mon
expérience, tellement souvent, quand je rencontre un de ces étudiants, étudiantes
internationaux, ça me touche de voir comment ils sont en amour avec notre
langue commune, comment ils se <donnent...
M. Birnbaum : ...
si
c'est votre expérience. Je ne suis pas dans les données, mais de mon
expérience, tellement souvent, quand je rencontre un de ces étudiants,
étudiantes internationaux, ça me touche de voir comment ils sont en amour avec
notre langue commune, comment ils se >donnent le devoir de s'immerser et
d'apprendre la langue française. Alors, pour mon premier... j'aimerais savoir
si, en quelque part, vous voyez comme un atout au lieu d'un obstacle ces
étudiants internationaux.
Deuxième chose, quand je parle de cible,
on parle beaucoup évidemment des établissements d'enseignement supérieur,
surtout, attachés à la communauté québécoise d'expression anglaise. Est-ce que
vous écartez la capacité de ces établissements d'être vecteurs de la francisation?
Une deuxième fois, je me permets une anecdote qui m'a touché, qui a touché
beaucoup de Québécois. Lors de cette terrible tragédie à Dawson, la tuerie à
Dawson, où il y avait des élèves avec des noms comme Papadopoulos, Hernandez...
des gens issus de partout qui faisaient des témoignages touchants en français,
plusieurs, plusieurs. Donc, ma question : Est-ce qu'à la fois ces
étudiants internationaux, à la fois ces établissements issus de la communauté
québécoise de langue anglaise peuvent être des vecteurs positifs de
francisation ici, au Québec?
M. Curzi (Pierre) : Pour
répondre à votre première question, moi, je suis aussi heureux que vous l'êtes
quand je vois des étudiants internationaux venir au Québec et y faire leurs
études. Au contraire, on sait qu'au Québec on a besoin d'avoir à la fois des
gens qui vont travailler, mais aussi on a besoin des intelligences, on a besoin
du savoir. Alors, je n'ai aucun préjugé. Le seul problème, c'est qu'ils
s'intègrent à une communauté minoritaire ici, pour le moment, anglophone. Et à Montréal,
ils ont un effet, et ce n'est pas un reproche, mais ils ont un effet
anglicisant extrêmement important. Au centre-ville, quand vous allez autour de
McGill, Concordia, vous vivez dans un milieu où, franchement, là, c'est un
bilinguisme de plus en plus anglais, bon.
Est-ce que les... Je connais beaucoup,
comme vous, des gens qui ont suivi le parcours d'études, par exemple, à McGill,
plusieurs de mes amis, et ce sont des gens qui possèdent très bien le français
et qui travaillent en français, chez qui, en tout cas, le passage par le système
universitaire de qualité anglophone n'a pas, en quelque sorte, changé leur
nature. Mais je ne crois pas que le système scolaire anglophone soit en mesure
de franciser vraiment. Non pas parce qu'il n'en a pas la capacité, on a vu
beaucoup d'efforts faits du côté du système d'études anglophone, beaucoup de
gens ont bien appris le <français...
M. Curzi (Pierre) :
... changé leur nature. Mais je ne crois pas que le
système scolaire
anglophone
soit en mesure de franciser
vraiment. Non pas parce qu'il n'en a pas la
capacité, on a vu beaucoup d'efforts faits du côté du système d'études
anglophone, beaucoup de gens ont bien appris le >français à l'intérieur
de ce système-là. Ce n'est donc pas uniquement leur système. Il y a deux
facteurs qui jouent. Le premier, c'est que, s'il n'y a pas un environnement
extrêmement... s'il n'y a pas une langue commune qui fait que le français est
inévitable dans tous les gestes de tous les jours et qu'il n'est pas dominant,
je crois que, quelle que soit l'influence du cégep, ça soit insuffisant. Donc,
c'est ça, ma réponse. Bien, voilà. Je vous ai senti un peu distrait...
La Présidente (Mme Thériault) :
Et pour le temps qu'il reste, 2 min 15 s, c'est le député de
La Pinière qui va échanger avec vous.
M. Barrette : Bonjour,
M. Curzi. Je pense que vous ne serez pas surpris de mon commentaire. Quand
on a un projet de loi d'une telle envergure et potentiellement d'un aussi grand
impact, on recherche l'adhésion du maximum de personnes possibles, puisqu'il
est impossible d'avoir tout le monde, là, mais on recherche le maximum de
personnes possibles.
Dans des échanges que ma collègue de
Marguerite-Bourgeoys a eus avec le Pr Taillon cet après-midi, je ne sais
pas si vous avez eu la chance de suivre tout l'après-midi, on a abordé la
question des clauses dérogatoires et la possibilité de nuancer, ou de baliser,
ou d'encadrer la clause dérogatoire. Alors, ici, on a un projet de loi qui met
de l'avant des clauses dérogatoires qualifiées de préventives, mais qui sont
mur à mur.
Alors, dans l'esprit de ce que je viens de
dire, là, en introduction, ne trouvez-vous pas que, s'il y avait, je dis bien
s'il y avait, à y avoir des clauses dérogatoires, elles devraient être nuancées
ou encadrées — choisissez le mot qui vous
conviendrait — dans le cadre de ce projet de loi là?
La Présidente (Mme Thériault) :
Et vous avez un peu plus d'une minute pour répondre à la question.
M. Curzi (Pierre) : Oui, je
serai bref. S'il n'y avait pas eu la mise en pièces de la loi 101 par la
Cour suprême au fil des ans de telle sorte qu'il ne restait qu'un pauvre
squelette inopérant, je pourrais être d'accord avec vous. Malheureusement, je
crois qu'on doit se prémunir complètement par des clauses dérogatoires qui sont
essentielles préventivement parce que la contestation risque d'être très forte.
L'autre argument sur lequel je veux
revenir, c'est celui de l'équilibre. Bien sûr que la tentation est grande de
dire : On va adopter un projet de loi qui va susciter l'adhésion du plus
grand nombre. Dans ce cas-ci, je crois que ce serait une démission
gouvernementale. Pour un gouvernement qui est majoritaire, qui a une volonté
nationaliste et qui a une volonté légitime que la langue commune s'exerce sur
ce territoire-là et pour cette nation, je pense qu'il faut avoir le courage
d'aller vers des mesures qui ne seront peut-être pas les plus <populaires...
M. Curzi (Pierre) :
...
un gouvernement qui est majoritaire, qui a une volonté nationaliste
et qui a une volonté légitime que la langue commune s'exerce sur ce
territoire-là et pour cette nation, je pense qu'il faut avoir le courage
d'aller vers des mesures qui ne seront peut-être pas les plus >populaires,
qui vont certainement être attaquées, être contestées. Mais je crois, et en
toute honnêteté, là, et avec tout le respect que j'ai pour la démocratie et
pour la vie des gens, je crois que c'est nécessaire.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange. Donc, sans plus tarder, nous allons du côté
de la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Merci. Merci beaucoup,
M. Curzi, pour votre présentation si passionnée. Vous, évidemment, vous
êtes un artiste, donc vous êtes amoureux de la culture, vous avez été président
de l'Union des artistes, et quand on aime quelque chose, on a envie de le
partager. Et donc on parle de langue française, vous l'avez dit, on ne peut pas
la séparer de la culture québécoise. Et moi, j'ai envie de savoir comment
est-ce qu'on peut transmettre la culture, pas juste l'apprentissage du
français, mais la culture québécoise aux jeunes immigrants et aux moins jeunes?
J'ai visité une école, mon ancienne école secondaire à Laval qui, aujourd'hui,
contrairement à l'époque où je l'ai visitée, est constituée, je ne sais pas, à
97 % de jeunes issus d'immigration. J'étais dans une classe d'accueil,
puis une des jeunes d'origine afghane, ça fait deux ans qu'elle est en classe
d'accueil, donc son français était franchement bon, et elle me disait :
Mais, madame, je ne suis jamais en contact avec des Québécois. Comment
voulez-vous qu'on apprenne le français? Je ne parle jamais le français à part
en classe. On est gêné quand on sort avec mes amis qui ne sont pas des
francophones, qui ne sont pas des Québécois, parce qu'elle ne se considère pas
encore Québécoise. On est gêné de parler français.
Puis moi, je me dis : Qu'est-ce qu'on
doit faire pour pas seulement leur apprendre le français, mais la culture? Je
ne sais pas, est-ce qu'il y a des artistes qui peuvent venir dans les écoles
pour leur faire aimer le théâtre québécois, le cinéma, etc.? J'ai envie de vous
entendre là-dessus plus... pas comme ancien député, mais comme acteur, artiste,
ancien président de l'Union des artistes.
• (16 h 20) •
M. Curzi (Pierre) : Oui,
bien, vous touchez à quelque chose d'extrêmement sensible parce que c'est
complexe. Arriver à rejoindre des gens qui viennent de multiples pays, de
multiples cultures et essayer de leur faire aimer une culture alors qu'on n'est
plus là, comment on fait? Il y a eu... la première chose, puis on commence à le
voir, il y a de plus en plus maintenant, on le voit à la télévision, il y a de
plus en plus de gens de diverses origines qui commencent à incarner des
personnages importants, qu'ils se voient d'abord, qu'ils puissent se voir.
On sait par ailleurs que les pratiques ont
changé. Il y a beaucoup de jeunes maintenant qui regardent moins la télévision,
qui regardent leurs réseaux sociaux et qui vont consommer. Et quand ils
consomment sur les réseaux sociaux, sur Internet, là, le modèle qu'on pourrait
leur proposer, d'identification, il n'est plus là ou il est là, mais il
s'exprime dans une autre langue. Ils vont fréquenter, je ne sais pas, le rap,
mais ils vont le faire en anglais parce que la majorité des rappeurs... il y a
des rappeurs québécois qui rappent en français et il faut qu'ils se déploient.
Donc, c'est un travail lent. Mais la condition de base... il y a... vous
touchez à d'autres <problèmes...
M. Curzi (Pierre) :
...
il est là, mais il s'exprime dans une autre langue. Ils vont
fréquenter, je ne sais pas, le rap, mais ils vont le faire en anglais parce que
la majorité des rappeurs... il y a des rappeurs québécois qui rappent en français
et il faut qu'ils se déploient. Donc, c'est un travail lent. Mais la condition
de base... il y a... vous touchez à d'autres >problèmes aussi, le fait
qu'on ait déserté l'île de Montréal. Les... Moi, je vis dans une banlieue. Et c'est
à 99 % blanc francophone et même blanc rasé. Je le déplore. J'aimerais...
Je m'emporte. Mais c'est certain qu'il y a un problème sociologique, mais, moi,
je pense qu'une des conditions, c'est justement de rétablir une langue commune.
Puis après, bien, tranquillement de permettre que chacun puisse s'identifier
tel qu'il est à des modèles qu'on leur proposera.
Mme Ghazal : Ça prend du
temps. Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à cet échange. Donc, sans plus tarder, M. le député de
Matane-Matapédia, pour le dernier bloc de notre après-midi.
M.
Bérubé
:
Merci. Je veux saluer mon ancien collègue, que je retrouve avec plaisir, lui
dire qu'il est toujours aussi cohérent et que les travaux qu'il a menés dans le
passé ont certainement influencé notre formation politique. Et j'aurais bien
aimé, moi, et j'en fais l'aveu public, qu'il reste avec nous. Et peut-être que
c'est lui, le ministre responsable de la langue, qui aurait présenté ce projet
de loi dans un gouvernement, celui de Mme Marois. Mais c'est mon souhait.
On ne peut pas refaire l'histoire, mais j'aurais aimé ça.
Ceci étant dit, en mai dernier, un texte
du Journal de Montréal qui s'appelle Réforme de la loi 101 :
une occasion ratée selon Pierre Curzi, l'essentiel du reproche que l'ancien
député de Borduas porte à l'égard du gouvernement, c'est sur la loi 101 au
cégep, de ne pas faire preuve de cohérence, de ne pas faire preuve de la
nécessaire audace. On dit la même chose. Ce n'est pas... Ça ne doit pas être
consensuel, ça doit être nécessaire. Le défi est là. Oui, ça va faire du bruit.
Guy Rocher nous a dit la même chose hier. Alors, ce n'est toujours bien pas une
idée extrémiste. Le premier ministre m'a dit ça, moi, en Chambre. C'est
extrémiste de promouvoir que la loi 101 s'applique aux cégeps. Alors,
pourquoi c'est si nécessaire? Et je vous laisse la tribune, cher Pierre.
M. Curzi (Pierre) :
Bien, écoute. Bonjour, M. le député. Parce que... Je pense que c'est nécessaire
parce que c'est l'effet constructeur. Admettons que tous ceux qui suivent un
parcours au primaire et au secondaire en français soient obligés d'aller au
cégep en français. Ça veut dire qu'ils vont devoir mieux connaître leur langue
puisque plus ça va aller, plus ils vont avoir besoin de cette connaissance-là
pour réussir dans leurs études. Ça, c'est une première chose.
Ça va avoir un effet sur la fréquentation,
le nombre de personnes qui vont aller à l'université en français. Le nombre de
personnes qui fréquentent le système universitaire francophone est une des
conditions de financement de ces universités-là. Donc, on commencerait à
rétablir une sorte d'équilibre entre le financement des universités
francophones et le financement des universités anglophones. Oui. Pardon?
M.
Bérubé
:
Ce n'est pas une idée extrémiste.
M. Curzi (Pierre) :
Alors, là, je <reviens à...
M. Curzi (Pierre)T :
...
Donc, on commencerait à rétablir une sorte d'équilibre entre le
financement des universités francophones et le financement des universités
anglophones. Oui. Pardon?
M.
Bérubé
:
Ce n'est pas une idée extrémiste.
M. Curzi (Pierre)T :
Alors, là, je >reviens à ce point-là. Moi qui suis... Je considère que
je suis un citoyen modéré et j'ai un total respect de la démocratie. Et, si l'ensemble
des Québécois décidaient du jour au lendemain qu'ils vont abandonner la langue
française parce qu'ils veulent vivre en anglais, si c'était une décision totalement
démocratique, je l'entérinerais. Le Québec ne disparaîtrait pas pour autant.
Mais on sait pertinemment qu'il y a quelque
chose de précieux, de particulier, de spécifique dans ce territoire-là puis
aussi dans d'autres provinces du Canada, dans les communautés francophones. Il
y a là une richesse qu'on qualifie et que j'ai longtemps défendue comme étant
l'effet de la diversité, une diversité de langues...
La Présidente (Mme Thériault) :
Et M. Curzi...
M. Curzi (Pierre) :
...une diversité de cultures, une diversité de valeurs. Voilà ce qui enrichit
une société...
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin aux échanges sur ces paroles...
M. Bérubé : Merci,
Pierre.
La Présidente (Mme Thériault) :
...ayant déjà dépassé le temps. Donc, M. Curzi, merci pour votre passage
en commission parlementaire.
Et, sans plus tarder, j'ajourne les
travaux jusqu'au mardi 28 septembre 2021 à 9 h 45. Bonne fin de
semaine, tout le monde, et bon retour à Montréal.
(Fin de la séance à 16 h 26)